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Deuxième séance du mercredi 20 octobre 2004

22e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

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LOI DE FINANCES POUR 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames, messieurs les députés, comme je l'ai déjà dit cet après-midi, M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, participe actuellement à une réunion de l'Eurogroupe, à Luxembourg, avec ses collègues ministres des finances et prie la représentation nationale de bien vouloir excuser son absence.

Je veux également indiquer que je répondrai globalement à l'ensemble des orateurs, y compris à ceux qui se sont exprimés cet après-midi. Quant à M. Migaud, je ne lui ai pas répondu hier soir, car son talent est tel que j'étais persuadé qu'il s'exprimerait à nouveau dans la discussion générale. Je pense qu'il l'a compris ainsi.

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous avez présenté, avec M. le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, le projet de loi de finances pour 2005 en conseil des ministre, j'avais dit que c'était un budget historique.

En effet, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a mis fin à la spirale infernale de la dépense. Je rappelle que la dette de l'État s'élève aujourd'hui à plus de 1 000 milliards, que cette dette plombe nos investissements, notre budget. L'État vit à crédit depuis vingt ans. Quel est le ménage, quelle est l'entreprise, la collectivité locale qui pourrait dépenser 25 % de plus que ce qu'il ou elle gagne ?

Pour sortir de cette spirale infernale, il y avait deux possibilités. La première, facile, à laquelle certains ont souvent eu recours, consistait à augmenter les recettes, donc les impôts. A cet égard, nous avons déjà donné depuis des années. Le niveau des prélèvements obligatoires a atteint le record historique de 45,5 % du PIB sous le gouvernement de Lionel Jospin, entre 1997 et 2002.

M. Alain Gest. C'est exact !

M. Luc-Marie Chatel. Pendant cette période, dix-neuf nouveaux impôts et taxes ont été votés. Nous avons donc déjà donné.

Notre logique n'est pas celle-là ; elle est tout autre. Elle consiste à stopper les dépenses. C'est à ce titre que ce budget est historique. C'est, en effet, la troisième année consécutive que les dépenses de l'État sont bloquées, et c'est historique dans la comptabilité publique nationale. Quant à la baisse de 10 milliards d'euros du déficit prévue par ce projet de loi de finances, elle est également historique.

Par ailleurs, ce budget respecte nos engagements, et je me tourne là vers mes collègues de la majorité. Le Président de la République et nous-mêmes avons pris, en 2002, devant nos électeurs, des engagements qui se sont traduits par le vote de lois d'orientation et de programmation dans des domaines régaliens - la sécurité, la justice, les armées. Ces engagements sont aujourd'hui tenus en termes d'investissements dans ce budget pour plus de sécurité, plus de justice et une défense efficace à la disposition de nos citoyens.

Nous avons aussi pris l'engagement de réévaluer le SMIC à la hausse. Nous avions un système horriblement compliqué, hérité de loi Aubry, avec six SMIC différents, le SMIC le plus bas ayant environ 112 euros d'écart avec le SMIC le plus haut, ce qui contredisait le vieil adage : « A travail égal, salaire égal. » Nous avons donc décidé d'harmoniser le SMIC à la hausse sur trois ans. Cet engagement sera tenu. Nous avons eu un débat au sein du groupe parlementaire. Le Gouvernement nous a entendu et le SMIC sera harmonisé à la hausse le 1er juillet 2005.

Nous avons également respecté nos engagements dans le domaine de la recherche. Le Premier ministre s'était engagé à faire de celle-ci une priorité pour les années qui viennent. Ce budget lui consacre 1 milliard d'euros. L'engagement est donc tenu.

Je citerai enfin l'exemple des délocalisations. Nous avons récemment eu un débat passionnant et intense dans le cadre de la « niche » parlementaire du groupe UMP et le Gouvernement a d'ores et déjà pris certaines mesures importantes dans le cadre de ce budget, s'agissant en particulier des pôles de compétitivité.

Je voudrais, pour terminer, répondre à ceux de nos détracteurs qui prétendent que ce budget est destiné à une élite, à une classe de favorisés. Je rappelle que cette année, en 2004, 17 millions de nos concitoyens paient 10 % d'impôt sur le revenu de moins qu'il y a deux ans. Cet argent a été réinséré dans l'économie.

M. Augustin Bonrepaux. Et on n'a plus de moyens pour investir !

M. Luc-Marie Chatel. Je rappelle que les revenus des 8 millions de foyers les plus modestes, qui touchent la prime pour l'emploi, ont augmenté de 4 %. Avec ce budget, ils connaîtront une augmentation de même ampleur.

M. Augustin Bonrepaux. L'État est en cessation de paiement !

M. Luc-Marie Chatel. Je comprends que cela vous rende malades, mais la hausse du SMIC dont je parlais à l'instant a permis à ceux qui étaient au SMIC le plus bas de bénéficier de l'équivalent d'un treizième mois. Or, nous avons vu, il y a quelques mois, que toutes ces mesures avaient un impact réel sur la consommation des ménages, donc sur l'économie. En 2003, le PIB a augmenté de 0,5 % et la consommation des ménages pesait de l'équivalent de 0,8 %. Donc, si nous n'avions pas pris toutes ces mesures en direction de celle-ci, le PIB aurait été en recul.

Je pourrais également évoquer les dispositions en faveur du tarif social d'EDF. Bref, toutes ces mesures ont permis de rétablir la consommation des ménages et la croissance dans notre pays.

Au total, ce budget juste et équilibré permettra de remettre la France dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ceux qui, dans la majorité actuelle, ironisaient en 1999 sur la fameuse « cagnotte » sont aujourd'hui pris à leur propre piège.

Depuis des mois, et pas simplement depuis le mois d'août comme l'a dit M. Sarkozy, les cours du pétrole brut flambent. Or, dès le printemps, les députés socialistes avaient interpellé le Gouvernement pour que des mesures énergiques et rapides soient prises en matière de fiscalité pétrolière afin de ne pas pénaliser davantage les ménages, les entreprises, les collectivités locales et les établissements de santé.

Non seulement il n'a pas été fait droit à ces légitimes demandes, mais vous avez fait preuve, monsieur le secrétaire d'État, d'une certaine désinvolture. Aujourd'hui, votre obstination et votre indifférence conduisent à une situation d'urgence et vous tentez de « reprendre la main », mais maladroitement. Il est bien beaucoup plus tard que vous ne le pensez, et beaucoup de dégâts constatés ne pourront être complètement réparés.

M. Augustin Bonrepaux. C'est bien vrai ! Il fallait le dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Rodet. Les Français sont, dans leur grande majorité, convaincus que le Gouvernement, de façon sournoise et insidieuse, a profité de l'emballement des cours du brut en laissant volontairement dériver le système cumulatif des deux taxes, TIPP et TVA, afin de se constituer une cagnotte secrète.

M. Guy Geoffroy. Cela relève du fantasme !

M. Alain Rodet. Seulement voilà, vous découvrez tardivement que cet état de chose va altérer gravement la croissance en pesant lourdement sur la consommation des ménages et l'investissement des entreprises !

Ce qui est grave, c'est non seulement que votre persévérance dans l'erreur nous a fait perdre du temps, mais aussi que ce temps perdu ne sera jamais rattrapé. Vous aviez pourtant les moyens de prendre des mesures significatives pour amortir les effets destructeurs de ce nouveau choc pétrolier, car c'est bien de cela qu'il s'agit !

Cette myopie a été relevée par un grand nombre d'observateurs. Ainsi, dès le mois de juin, lors du débat d'orientation budgétaire, le Gouvernement indiquait que cette hausse du pétrole était conjoncturelle et que le phénomène allait se retourner. Grave erreur ! Les meilleurs experts, et il n'en manque pas au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, notamment à la direction générale de l'énergie et des matières premières, indiquaient que cette hausse était précisément de caractère structurel et durable, et qu'il était absolument nécessaire de prendre des mesures radicales d'urgence dès la fin du printemps.


Dans ces conditions, ce ne sont pas les mesures de baisse sectorielles, d'ailleurs très limitées, prises en faveur de certaines corporations, qui sont à la hauteur de l'enjeu !

Vous avez voulu appliquer une méthode que le président Queuille - autre corrézien célèbre - avait immortalisée. Les problèmes, disait-il, ne sont pas faits pour être résolus, mais pour être contournés. Nos concitoyens sont aujourd'hui témoins et victimes de votre coupable immobilisme. On comprend donc bien qu'il leur soit difficile de se laisser bercer par vos effets d'annonce sur quelques allégements fiscaux.

Par ailleurs, comment ne pas être saisi par votre silence, monsieur le rapporteur général ? Dans votre propos, vous avez couvert, au-delà du raisonnable, la position du Gouvernement. Mais il est un temps, pas si ancien, où vous étiez moins avare de confidences quand vous parliez des recettes supplémentaires générées par la TIPP.

Ainsi, il y a un an, le 14 octobre 2003, vous suggériez que le supplément de perception constaté pour la TIPP - déjà ! - pourrait être affecté à Réseau ferré de France.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Il ne s'agissait pas de recettes générées par la TIPP !

M. Alain Rodet. Alors, monsieur le rapporteur général, dites-nous tout : quelle affectation allez-vous suggérer pour les sommes considérables qu'aura rapportées la fiscalité pétrolière au titre de 2004 ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous comparez deux choses qui n'ont rien à voir !

M. Alain Rodet. Vous pourriez peut-être rendre moins sévères et moins douloureux les innombrables gels de crédits qui se sont multipliés depuis le début de l'année et qui frappent aujourd'hui lourdement l'économie nationale. Comme on le dit dans ma région, le temps use l'erreur et polit la vérité. Mais il est sans doute trop tard pour corriger tous les dégâts que votre imprévoyance a causés à notre économie nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Le budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, est élaboré dans un contexte difficile.

Dans cet exercice périlleux, vos priorités sont toutefois clairement affichées. La première est le rétablissement de la confiance non seulement chez les Français mais aussi à l'égard de nos partenaires européens, par la réduction du niveau des déficits publics.

Nous devrions atteindre, en 2005, un déficit de 45 milliards d'euros contre 55 en 2004, ce qui nous placera en dessous de la barre des 3 % du PIB fixée par les critères du pacte de stabilité. Le niveau abyssal de 1 000 milliards d'euros atteint par la dette devrait donc marquer un point d'arrêt, avec la réduction la plus forte que notre pays ait connu, d'une année sur l'autre.

La deuxième priorité est le maintien des dépenses publiques tout en assurant le financement des politiques régaliennes de l'État. Ainsi le volume des dépenses est-il maintenu afin de financer les secteurs prioritaires : justice, sécurité, éducation, recherche. Cela se traduit par la maîtrise de la dépense budgétaire, illustrée notamment par la norme « zéro volume », pour la troisième année consécutive. En effet, la réduction des prélèvements publics ne saurait se faire sans maîtrise des dépenses ! C'est une évidence, mais certains l'oublient trop souvent.

La troisième priorité est l'augmentation des recettes, avec la reprise de la croissance grâce, certes, à la conjoncture internationale, mais aussi à la politique économique menée ces dernières années, et plus particulièrement ces derniers mois.

Ce budget établi sur des prévisions réalistes, même si la hausse du prix du pétrole, avec les incertitudes qu'elle crée, peut nous inquiéter, comporte de nouvelles mesures qui vont dans le sens d'un soutien à l'emploi, ce qui constitue aujourd'hui notre priorité.

Je tiens donc, monsieur le secrétaire d'État, à saluer l'engagement qui a été le vôtre, ces derniers temps, aux côtés de M. le ministre d'État, en faveur de la reprise économique.

Vous avez su notamment rechercher les marges de manœuvre en faveur de la consommation. Ainsi, dès le mois de juin, vous avez pris des dispositions pour faciliter les donations entre parents et enfants. Ces mesures portent d'ores et déjà leurs fruits puisque, en quatre mois, plus de deux milliards d'euros ont été transmis aux jeunes générations, ce qui représente un doublement du nombre de donations. Celles-ci se montaient à 130 000 à la fin du mois de septembre.

La déduction des intérêts et des prêts à la consommation répond au souci de ne pas « culpabiliser l'emprunt ». Il a contribué à en abaisser le coût et a permis à de nombreux ménages de réaliser leurs projets. Le déblocage des réserves de participation a été sollicité par 380 000 salariés.

Enfin, même s'il reste encore beaucoup à faire, la baisse des prix dans les grandes surfaces contribue à la revalorisation du pouvoir d'achat des Français.

Vos propositions dans ce projet de loi de finances prolongent celles que vous avez initiées ces derniers mois.

Ainsi les ménages les plus modestes bénéficient-ils de la hausse constante et soutenue du SMIC. Au 1er juillet prochain, celui-ci connaîtra en effet une nouvelle hausse qui se traduira par un gain de pouvoir d'achat de 3,7 %. Il en est de même de la prime pour l'emploi, dont le barème sera revalorisé de 4 % au 1er janvier prochain.

Cette dépense de 400 millions d'euros devrait concerner 8,2 millions de ménages bénéficiaires.

Enfin, alors que certains craignaient pour le devenir du prêt à taux zéro, vous nous proposez un dispositif plus social et plus familial.

M. Jean-Louis Dumont. Cela reste à prouver !

M. Denis Merville. Il concernera non seulement le logement neuf, mais également l'ancien, et devrait permettre de doubler le nombre de bénéficiaires.

Toutes ces mesures constituent des signaux clairs et des incitations à la consommation et donc à l'activité.

En ce qui concerne les entreprises, vous nous proposez une prolongation de six mois de l'exonération de taxe professionnelle et une suppression pendant deux ans de la surtaxe de 3 % sur les bénéfices. Ces mesures devraient leur permettre d'améliorer leur situation financière et donc leurs possibilités d'investissement. L'allégement des charges participe en effet au renforcement de l'attractivité de notre pays, et nous en avons bien besoin.

Vous avez également proposé, de manière offensive, d'inciter, par le biais d'un crédit d'impôt, à la relocalisation en France d'activités et d'emplois qui ont été délocalisés. C'est une bonne chose. Effectivement, sur le terrain, nous sommes préoccupés par ce problème.

Enfin, la mise en place d'un mécanisme incitatif en faveur de l'apprentissage devrait favoriser l'accès des jeunes au travail. La situation est bien connue : nous avons trop de chômeurs mais, parallèlement, des entreprises ne trouvent pas les compétences dont elles auraient besoin.

J'insisterai, pour ma part, sur quelques points de ce budget que, bien évidemment, je voterai.

Je considère que les allégements de charges devraient davantage concerner les classes moyennes, notamment les familles dont un ou plusieurs enfants poursuivent des études supérieures.

Comme vous le savez, les jeunes de plus de dix-huit ans peuvent demander, lors de la déclaration de revenus, à être rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Les familles peuvent alors opter entre la déduction d'une demi-part fiscale pour chaque enfant de moins de vingt-cinq ans poursuivant des études ou un abattement d'une somme forfaitaire correspondant pour partie aux charges générées par ces études : logement, transport, restauration.

Si l'effort de l'État à destination des étudiants est non négligeable, il me semble qu'il conviendrait de soutenir de façon plus importante ces familles, notamment lorsqu'elles ont des enfants qui doivent étudier loin de leur domicile.

Sous le gouvernement d'Édouard Balladur, une telle déduction était possible. Elle a été réduite par le gouvernement Jospin, sous couvert de l'évaluation du « coût moyen » d'un étudiant.

Or, en province, les familles doivent souvent assumer des dépenses importantes liées à l'éloignement des structures universitaires. Une augmentation de l'abattement de 600 à 5 000 euros permettrait de les soutenir davantage. Tel est le sens d'un amendement que je vous ai proposé.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. Denis Merville. J'ajoute que les étudiants logés hors de leur famille et hors des cités universitaires devraient être exonérés de la redevance audiovisuelle. La télévision est aussi, pour eux, un outil de culture.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Il suffit de supprimer la redevance ! C'est tout simple, en effet !

M. Denis Merville. Je louais à l'instant les mesures qui ont été prises en matière de succession, mais je m'interroge à leur sujet. Ne devraient-elles pas être étendues, sous certaines conditions, aux frères et aux sœurs âgés de plus de cinquante ans ou handicapés ?

La sécurité routière est un chantier prioritaire pour le Président de la République, comme pour nous tous. Les résultats sont appréciables, mais nous connaissons encore, en France, trop de victimes de la route. La sensibilisation et l'amélioration de la formation des futurs conducteurs sont essentielles.

Je vous propose donc que le taux de la TVA pour l'éducation à la sécurité routière soit réduit. Je sais qu'il nous faut, pour cela, l'accord de l'Union européenne, mais il me semble que la France pourrait prendre l'initiative dans ce domaine.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, le budget que vous nous présentez est bon, dans le contexte actuel. Il comporte des réformes attendues par les élus locaux.

Toutefois, la dotation forfaitaire, qui représente le pouvoir d'achat des communes, doit augmenter et non demeurer bloquée, comme cela a été le cas depuis trop d'années. Un de mes amendements, adopté par la commission des finances, va en ce sens. Nous espérons que le Gouvernement l'acceptera.

L'article 29 du projet de loi de finances prévoit que la dotation forfaitaire par habitant passe de 1 à 2,5. Je souhaiterais le modifier. Un écart du simple au double, soit une évolution de 60 à 120 euros, me semblerait suffisant. Il est en effet anormal que l'écart soit aussi important entre les habitants qui vivent dans les petites et moyennes communes et ceux qui habitent dans des communes plus importantes. Là encore, la commission des Finances a été favorable à cet amendement. Je compte sur vous pour qu'il soit approuvé par le Gouvernement en séance plénière.

En matière d'intercommunalité enfin, nous pourrions dire beaucoup de choses. Vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que de plus en plus de communautés de communes ont choisi la taxe professionnelle unique. Le retour pour ces communes, c'est-à-dire la taxe professionnelle qu'elles percevaient au moment du passage en TPU, fait l'objet d'une dotation de compensation. Or, celle-ci étant bloquée, tout le surplus de taxe professionnelle va à l'intercommunalité.

Dans ces conditions, le pouvoir d'achat des communes est grignoté petit à petit. Que sera-t-il dans quelques années ? J'entends chacun souhaiter que nos communes, cellules de base de la démocratie, continuent à vivre. Je crois que cette mesure, qui avait été votée par le gouvernement précédent, aboutit à terme à leur asphyxie, si ce n'est à leur mort que, pour ma part, je refuse.

Il conviendrait donc pour le moins que la dotation de compensation soit indexée sur l'inflation. C'est le sens d'un amendement que je vous propose et auquel le Gouvernement sera, j'espère, favorable.

Cet amendement ne vise pas à remettre en cause l'intercommunalité qui, nous le savons, présente des avantages. Elle permet notamment la réalisation d'infrastructures et d'équipements qui n'auraient pu voir le jour sans ces regroupements.

Toutefois, sur le terrain, force est de constater que les EPCI sont souvent synonymes de dépenses supplémentaires. Les économies d'échelle parfois évoquées en haut lieu de façon technocratique sont loin d'être toujours au rendez-vous.

M. Alain Gest. C'est bien vrai !

M. Denis Merville. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que vous y regardiez de près ces problèmes, à un moment où les dépenses publiques doivent être limitées et où la simplification et la transparence s'imposent.

Oui, en matière de simplification, nous avons encore beaucoup à faire. Sur le terrain, nos concitoyens ont du mal à se retrouver dans la kyrielle d'échelons et de structures qui se multiplient. Or, dans une démocratie, lorsque le citoyen ne comprend pas, c'est grave.

Ainsi, il me semble que les contrats de plan État-région devraient être recentrés.

M. Paul Giacobbi. Il faudrait déjà qu'ils soient exécutés !

M. Denis Merville. N'y a-t-il pas deux couples : État et région, d'une part, et, de l'autre, communes et département ? Or, aujourd'hui, avec le volet territorial des contrats de Plan, nous avons vu la région intervenir - j'en ai fait l'expérience dans mon département - dans des domaines régis de longue date par le conseil général, ce qui jette une certaine confusion.

M. Alain Gest. Tout à fait !

M. Denis Merville. Cette indispensable simplification concerne aussi l'État. Vous savez combien nous sommes attachés à sa réforme, en tant qu'élus locaux. Les commissions qui existent localement sont souvent trop nombreuses et trop lourdes. Elles prennent beaucoup de temps pour une efficacité, hélas ! trop souvent limitée.

Je terminerai mon propos en vous félicitant d'avoir introduit dans ce budget des mesures destinées aux victimes de l'amiante. Dans le département dont je suis l'un des élus, l'amiante est à l'origine de nombreux drames familiaux. Il était temps que la solidarité nationale lance un signe à destination des familles concernées.

M. Alain Gest. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Denis Merville. François Fillon l'a fait avec la mise en place du FIVA. Vous le faites aussi avec ces dispositions fiscales. Je vous en remercie. Désormais, les indemnités versées aux victimes d'une pathologie liée à une exposition prolongée à l'amiante seront exonérées d'impôt sur le revenu et déduites de l'assiette des droits de succession. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard.

M. Jean-Yves Chamard. Je m'adresserai tout d'abord à nos collègues de l'opposition. Dans une démocratie, celle-ci est nécessaire et, par le fait des alternances successives, nous en avons tous fait partie, un jour ou l'autre. Quand c'est le cas, il est normal, lors du débat budgétaire, d'appuyer là où l'on pense que cela fait mal, quitte à oublier, naturellement, certains éléments.

Il est par conséquent logique, chers collègues de l'opposition, que vous mettiez en avant certaines dépenses transformées en moindres recettes, quitte à oublier que l'on a comprimé l'enveloppe en se fondant sur l'hypothèse d'une inflation de 1,7 % - alors que, si l'on avait tablé sur le chiffre de 2 %, on aurait libéré un milliard de plus -, ou quitte à passer sous silence la fiscalisation du FOREC. C'est de bonne guerre !

Je trouve également logique que vous vous opposiez aux amendements votés par la commission des finances, notamment aux trois amendements sur l'ISF, quitte à oublier que deux d'entre eux correspondent à la politique que vous aviez vous-mêmes menée, puisque le plafonnement actuel a été fixé par Pierre Bérégovoy et que toutes les lois de finances présentées par Lionel Jospin prévoyaient, vous le savez, l'indexation de l'ISF sur les prix.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellent rappel !

M. Michel Bouvard. Très juste ! Excellent !

M. Jean-Yves Chamard. Mais, soit ! Vous êtes dans l'opposition. Votre attitude est par conséquent logique, comme le fait que vous jugiez excessive la prévision de croissance de 2,5 %. Avec un pétrole à 35 dollars le baril, le consensus aurait pu se faire à 2,4 %. Mais nous savons bien que l'on ne tombe jamais juste.

À preuve, je rappelle que nous avions inscrit le chiffre de 1,7 % en 2004 et que vous nous aviez dit qu'il était trop optimiste.

M. Didier Migaud. Non, nous n'avons rien dit de tel !

M. Jean-Yves Chamard. Or il s'avère que la croissance sera, cette année, de 2,5 %.

M. Didier Migaud. Je vous rappelle que nous n'avons rien dit !

M. Jean-Yves Chamard. Bref, votre attitude est tout à fait normale !


Mais prétendre, comme vous le faites depuis hier, que le budget n'est pas sincère,...

M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !

M. Jean-Yves Chamard. ...alors que si le prix du baril se maintient à 50 dollars, le ministre d'État a annoncé que les mesures nécessaires seront prises,...

M. Paul Giacobbi. Lesquelles ?

M. Jean-Yves Chamard. ...c'est faire preuve d'une impudeur incroyable. J'étais député, en 1992.

M. Jean-Pierre Brard. Attention, monsieur Chamard ! Les électeurs vous ont déjà puni !

M. Jean-Yves Chamard. Pierre Bérégovoy nous avait alors présenté un budget fondé sur une prévision de croissance de 1,5 point, contraire aux hypothèses de tous les économistes.

M. Édouard Landrain. Absolument !

M. Jean-Yves Chamard. Or le résultat fut : moins 1 %, soit un écart de 2,5 points entre la prévision et la réalité. Quand on a présenté un tel budget - et en 2002, ce n'était guère mieux...

M. Didier Migaud. Vous n'avez pas fait mieux en 2003 !

M. Jean-Yves Chamard. ...on évite de trop exagérer.

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous n'exagérez jamais ?

M. Jean-Yves Chamard. Je ne suis pas dans l'opposition, monsieur Brard. C'est ce qui nous différencie.

Par ailleurs, il est logique que vous insistiez sur l'état des finances publiques qui, bien qu'elles se soient fortement améliorées d'une année sur l'autre, demeurent largement dégradées - M. Bonrepaux nous en a même dressé un tableau apocalyptique -, mais, et c'est ma deuxième critique, vous ne pouvez pas, dans le même temps, nous réclamer des dépenses supplémentaires.

M. Guy Geoffroy. C'est la gauche !

M. Jean-Yves Chamard. J'ai beau chercher, je ne crois pas que, lorsque vous étiez au pouvoir, vous ayez voté une seule loi visant à contraindre la dépense publique. Au contraire, vous l'avez augmentée, pour vous et pour vos successeurs.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas difficile : il ne faut pas réduire les recettes !

M. Jean-Yves Chamard. Et lorsque nous essayons, nous, de la contraindre - en réformant les retraites et l'assurance maladie, dont le financement complémentaire de 5 milliards permet de rentrer dans les clous de Maastricht -, vous vous y opposez de toutes vos forces et de tous vos amendements.

M. Paul Giacobbi. Vous écrasez les clous !

M. Jean-Yves Chamard. On ne peut pas dire une chose et son contraire. (« Cela ne les dérange pas du tout ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'incohérence finit par se voir.

J'en viens à vos critiques - et c'est grave - concernant la fiscalité locale. En 1982, quand ont été votées les premières lois de décentralisation, j'ai pris la responsabilité des finances de mon département. Tous les gouvernements - et particulièrement les vôtres - ont essayé de nous « refiler » un petit quelque chose. On a, par exemple, remplacé la part salaires de la taxe professionnelle par de la DGF ; or, la recette est tout de même moins dynamique. Ainsi, chaque année, un ou deux points de fiscalité étaient dus à de nouveaux transferts. Mais en 2001 et 2002, ce fut un véritable séisme financier. Trois mesures concomitantes, prises par vos amis et vous-mêmes - l'APA, non financée,...

M. Michel Bouvard. C'est vrai !

M. Jean-Yves Chamard. ...les 35 heures, qui s'appliquent non seulement au personnel départemental, mais aussi à celui des établissements sociaux,...

M. Alain Gest. Une honte !

M. Jean-Yves Chamard. ...et la réforme des services d'incendie - ont entraîné, dans mon département, une hausse des dépenses correspondant, non pas à un ou deux points, mais à vingt-cinq points de fiscalité !

M. Guy Geoffroy. Très bien ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Chamard. Personne ne l'avait fait auparavant et plus personne ne pourra le faire dorénavant, puisque nous avons modifié la Constitution afin que ce ne soit plus possible.

On peut discuter du dynamisme de telle ou telle recette, mais essayer de faire croire que la nouvelle vague de décentralisation, qui sera compensée à l'euro près, la première année,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous y croyez, monsieur Chamard ? Vous avez la foi !

M. Jean-Yves Chamard. Bien entendu, et pour la première année, c'est certain.

M. Augustin Bonrepaux. Et après ?

M. Jean-Yves Chamard. Essayer de faire croire, disais-je, que la hausse des prélèvements sera due à la nouvelle vague de décentralisation, alors que ce sont les régions socialistes qui auront décidé d'augmenter la TIPP, cela relève de l'imposture.

Du reste, j'attire votre attention sur le fait que la diminution de la TIPP que vous réclamez actuellement se traduira, en 2006, par une diminution des recettes des régions et des départements, puisque ceux-ci bénéficieront d'un pourcentage fixe de cette taxe. N'imputez pas à la décentralisation les mesures que vous prendrez pour financer les promesses très généreuses...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Inconsidérées !

M. Jean-Yves Chamard. ...que vous avez faites en vue de séduire les électeurs. Encore une fois, c'est une imposture.

Au fond, si vous commettez tant d'erreurs, c'est parce que ce budget n'est pas si facile à critiquer. Certes, il n'est pas parfait - la perfection n'est pas de ce monde et, en 2002, nous avons hérité de finances publiques dégradées -, mais il est très bon, monsieur le secrétaire d'État.

M. Augustin Bonrepaux. Qu'avez-vous fait en 2003 ?

M. Jean-Yves Chamard. Croyiez-vous, l'an passé, que nous parviendrions à réduire le déficit de 10 milliards d'euros ?

M. Paul Giacobbi. Mais vous n'y êtes pas encore parvenu !

M. Jean-Yves Chamard. Croyiez-vous que, cette année, nous respecterions les critères de Maastricht ? Certes, il y a la soulte d'EDF, mais celle-ci se monte à moins de 7 milliards. Nous avons réduit le déficit de 10 milliards cette année et un effort moindre sera suffisant l'an prochain pour atteindre notre but.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

M. Jean-Yves Chamard. À condition d'avoir la volonté de réduire la dépense publique, volonté que, hélas ! vous n'avez pas.

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en train de commencer à maîtriser la dépense publique. Bravo aux pères de la LOLF, dont M. Migaud fait partie ! Ceux qui ont étudié les futurs « bleus » savent que nous allons pouvoir traquer la dépense, contrôler les ministres - je ne parle pas de celui des finances, le « méchant », qui incite ses collègues à moins dépenser -, vérifier où passe l'argent et étudier le comportement des indicateurs d'une année sur l'autre.

À cet égard, je souhaite, monsieur le rapporteur général, que nous disposions également d'éléments de comparaison internationale. Ainsi, chacun pourrait s'apercevoir que le coût de la formation dans l'enseignement secondaire est, en France, supérieur de 25 % à la moyenne de l'OCDE, pour des résultats identiques, puisque selon l'enquête PISA, la France obtient un résultat de 505 pour une moyenne de 500. Il ne suffit donc pas d'augmenter les dépenses pour améliorer les résultats.

M. Richard Mallié. Très juste !

M. Jean-Yves Chamard. J'indique au passage que le projet de réforme scolaire inspiré de l'excellent rapport Thélot pourra être financé par des redéploiements, car les crédits dont bénéficie actuellement l'enseignement secondaire sont mal utilisés.

C'est dans la durée et la volonté que doit s'inscrire notre effort. Si un ministre nous explique que son budget est bon parce qu'il va faire la même chose avec plus d'argent, nous devons lui dire non. En revanche, si un ministre nous dit qu'il fait plus avec le même argent, nous lui dirons oui. Grâce à la LOLF et à la volonté de l'ensemble de la majorité, nous pouvons maîtriser la dépense. Mais si l'on veut créer des dépenses supplémentaires, il faut en supprimer d'autres.

Nos électeurs - droite et gauche confondues - ont été drogués à la dépense publique. Il fut un temps - et c'est peut-être encore vrai aujourd'hui - où certains maires estimaient que ce qui est important, ce n'est pas d'augmenter les impôts mais de faire des choses. Aujourd'hui, nous avons atteint une limite. Les Français n'ont pas toujours bien compris l'ampleur du déficit. Lorsque l'on évoque les 3 %, ils ont l'impression que le déficit ne représente que 3 % du budget, alors qu'il atteint 20 % du budget. Autrement dit, à partir du 15 octobre, nous payons tout à crédit. Nous ne pouvons pas continuer ainsi ! C'est vous, chers collègues socialistes et communistes, qui nous avez légué cette situation et il me semble que cela ne vous autorise pas à donner des leçons à la majorité et au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. La tradition des finances publiques françaises est particulièrement contrastée, puisque nos classiques budgétaires vont de l'orthodoxie à l'acrobatie.

M. Jean-Pierre Brard. Excellent !

M. Paul Giacobbi. Mais voilà un budget extraordinaire, puisqu'il réalise une synthèse de l'acrobatie et de l'orthodoxie. Le Gouvernement ne parvient, en effet, à afficher l'orthodoxie que grâce à ses acrobaties. (Sourires.)

Avec un tel chef aux fourneaux, nous étions tous impatients de connaître la recette qu'il nous concocterait, malgré la maigreur des ingrédients, l'insuffisance manifeste des ustensiles et la cherté prévisible du combustible nécessaire à la cuisson. Nous ne sommes pas déçus : le plat est superbe ! Reste à savoir s'il tiendra longtemps dans cet état, s'il est aussi bon que le laisse présager son apparence et, surtout, si la France, qui sera bien obligée de l'ingurgiter, pourra le digérer.

Vous vous livrez à plusieurs acrobaties.

Il y a, d'abord, des affirmations notoirement inexactes - je n'ai pas dit des mensonges - qui consistent à affirmer, par exemple, que l'endettement de l'État et la charge de la dette diminueront, alors que l'une et l'autre augmentent pour l'exercice 2005, même si l'on s'en tient au scénario optimiste qui est le vôtre.

Il y a, ensuite, ce que j'appellerai « la mauvaise foi comptable », une sorte de transposition budgétaire de l'abus de droit, bien connu des fiscalistes. L'affaire de la soulte d'EDF est, à cet égard, caractéristique. Ce n'est pas le budget, mais un élément fondamental qui vous permet d'indiquer que celui-ci respecte les critères de Maastricht. En droit strict, vous avez peut-être raison - encore que j'attends avec impatience, pour ne pas dire avec gourmandise, ce qu'en dira la Cour des comptes. Mais, comme toujours en matière comptable, ce versement ne peut correspondre à une augmentation unilatérale de l'actif du bénéficiaire. Il représente bien la contrepartie du transfert d'une charge. Le versement de la soulte devrait se traduire dans les comptes sociaux par une provision pour charge future. Le résultat serait alors neutre sur l'exercice et sur le calcul du déficit du secteur public tel qu'il est défini dans le traité de Maastricht.

Enfin, l'acrobatie la plus remarquable - et la plus remarquée - consiste à vous cramponner à une appréciation de la croissance, des taux d'intérêt et du cours du pétrole qui paraît aujourd'hui parfaitement irréaliste.

M. Richard Mallié. Vous avez la mémoire courte !

M. Paul Giacobbi. Je voudrais, sur ce point, faire quatre remarques.

Primo, vous ne pouvez pas prétendre avoir été surpris par l'évolution du prix du pétrole et des autres matières premières. En effet, il n'y a pas que le pétrole qui évolue vite : il y a aussi, entre autres, le cuivre, l'acier, c'est-à-dire des matières indispensables à la croissance industrielle. Dopé par la demande chinoise et indienne, le marché du cuivre a augmenté, au cours de la dernière année, d'octobre à octobre, de plus de 40 %, même s'il a connu, il y a quelques jours, une prise de bénéfices. Quant aux profilés et aux poutrelles d'acier, ils ont augmenté de 50 % sur les huit premiers mois de l'année 2004.

Le problème, vous le voyez bien, n'est pas que pétrolier : la croissance spectaculaire des grands pays émergents d'Asie provoque plusieurs goulets d'étranglement. Ce n'est pas une affaire de conjoncture propre à telle ou telle production. C'est une donnée structurelle de la croissance mondiale. Pour autant, je ne partage pas l'inquiétude à long terme exprimée cet après-midi par Yves Cochet car, comme l'a dit le cheikh Zaki Yamani, l'âge de pierre ne s'est pas terminé parce qu'il n'y avait plus de pierre, mais parce que l'on a trouvé autre chose. (Sourires.) Il en ira de même pour le pétrole.

Il n'en demeure pas moins qu'à court terme, voire sur un cycle relativement long, l'ajustement de l'offre est pratiquement impossible, tout comme celui de la demande. Vous auriez pu et dû le prévoir bien plus tôt. En juin dernier, dans vos orientations budgétaires, vous parliez d'un baril à 28 dollars, et je vous faisais déjà observer que ce chiffre était très inférieur au cours constaté comme aux cours prévisibles pour 2005. Aujourd'hui encore, face à l'évidence, vous ne changez pas votre prévision, feignant de croire à une baisse miraculeuse du cours.

C'est d'autant plus étrange que le Gouvernement nous rebat les oreilles avec le « chaos irakien », la « boîte de Pandore », bref le risque terroriste, qui serait plus fort qu'il n'a jamais été au Moyen-Orient, cœur de la production pétrolière. Mais quand nous en arrivons à l'économie, le chaos s'efface, la boîte de Pandore se referme. Il ne s'agit plus que d'un problème conjoncturel qui passera dans quelques mois.

Secundo, vous admettez que le risque existe, mais vous n'en tirez pas les conséquences. Si le pétrole est à 50 dollars le baril en moyenne sur 2005 - et ce n'est pas un scénario pessimiste, mais un scénario médian -, vos hypothèses s'effondrent : la croissance tombe à 1,5 % et les taux d'intérêt augmentent d'un point, au moins, en moyenne annuelle. Que devient votre budget dans ces conditions ? Le résultat serait un manque à gagner de recettes de près de 10 milliards d'euros, une charge nette de la dette en augmentation de 1 milliard d'euros la première année et, à terme, bien supérieure encore.

Que ferez-vous dans ce cas ? Vous vous contentez de parler, dans votre rapport, d'une « gestion prudente et réactive des finances publiques ». Je vous invite plutôt à être prudent et réactif dès maintenant, à revoir d'emblée vos prévisions et à ne pas réserver à votre successeur 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires à trouver. Ces 10 milliards d'euros, conséquence de l'écart entre vos prévisions et celles que vous auriez dû faire, correspondent précisément au montant de l'amélioration du solde dont vous faites tant de cas. Autrement dit, vous ne parvenez à l'apparence de la vertu, que parce que vos prévisions ne sont pas prudentes.


Tertio
, en procédant ainsi, c'est-à-dire en privilégiant un scénario optimiste, vous violez le fondement même de toute construction budgétaire et comptable. La règle comptable ne consiste pas à prendre ses souhaits pour la réalité, c'est précisément l'inverse. Si le pétrole est à 50 dollars le baril, vous devez bâtir votre hypothèse sur ce chiffre, quitte à constater, si la situation s'améliore - c'est presque impossible, mais sait-on jamais ! -, que l'État disposera d'un surplus qu'il affectera à une diminution de l'endettement.

Quarto, le ministre d'État a déclaré récemment, au congrès des buralistes : « Je ne suis que le directeur financier de la société ». S'il était présent, je lui dirais qu'il fait alors de la communication financière, et il est d'ailleurs un spécialiste de la communication.

M. Jean-Pierre Brard. Il prépare sa reconversion, c'est normal !

M. Michel Bouvard. C'est le propre de tout ministre, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Il est en CDD !

M. Michel Bouvard. Comme nous !

M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !

M. Paul Giacobbi. Je lui demanderais : croyez-vous que si vous étiez une société cotée en bourse, la COB accepterait de viser votre plaquette ? Croyez-vous qu'une société dont les résultats dépendraient des fluctuations du cours du pétrole pourrait, sans être sanctionnée, fonder sa communication financière sur une prévision des cours pétroliers à 36,50 dollars le baril en moyenne en 2005 ? Certainement pas.

Vous ne vous contentez pas de l'acrobatie, monsieur le secrétaire d'État. Vous vous posez en précurseur, en visionnaire d'une révolution budgétaire. Mais précurseur, vous ne l'êtes pas vraiment, car cette révolution budgétaire a été faite dans les dernières décennies dans des pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Australie.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un précurseur, mais dans le wagon de queue !

M. Paul Giacobbi. Ces pays ne sont pas les modèles de M. Brard ! Mais le succès d'une telle stratégie budgétaire dans ces pays a reposé sur deux facteurs : d'abord, une vérité comptable, c'est-à-dire un courage financier exceptionnel ; ensuite, un outil informatique intégré pour les finances publiques. Or vous n'avez aujourd'hui ni l'un, ni l'autre. J'ai déjà évoqué votre vérité comptable. Quant à l'outil informatique, parlons-en ! Après le fiasco du projet informatique ACCORD II, les conditions d'entrée en vigueur de la LOLF sont modifiées.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous êtes contre la loi, monsieur giacobbi ?

M. Paul Giacobbi. Pas du tout, je suis pour la loi !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La commission a émis un avis !

M. Paul Giacobbi. Je sais très bien ce qui s'est passé à la commission. Je ne dis pas que ce soit une erreur, je constate où nous en sommes, monsieur le secrétaire d'État. Ce n'est pas un fiasco, mais cela s'est tout de même mal passé et la Cour des comptes est en train d'enquêter à ce sujet.

Vous devez donc travailler avec des outils intermédiaires, plus ou moins adaptés et plus ou moins cohérents. Je sais que le ministère des finances a beaucoup travaillé depuis plusieurs mois pour mettre en place un système intermédiaire, un palier.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Exactement !

M. Paul Giacobbi. Alors, monsieur le secrétaire d'État, c'est là qu'il vous faut faire preuve de volontarisme pour construire un bon système d'information...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

M. Paul Giacobbi. ...et non pour ajuster vos prévisions à vos contraintes.

Enfin, les bons comptes faisant les bons amis, j'ai le regret de vous dire que les comptes du programme exceptionnel d'investissement pour la Corse ne sont pas bons.

D'abord, il faudrait que vous soyez en état de fournir des chiffres concordants. Je le dis sans aucun esprit polémique. Pour l'exercice 2003, les engagements d'autorisation de programme varient de 37,5 millions d'euros, selon le cabinet du ministre d'État, à 34,8 millions d'euros pour la 5e sous-direction du budget, et à 4,13 millions d'euros selon ce que m'a communiqué par écrit, en date du 4 octobre, M. Méhaignerie, selon qui il s'agit d'ailleurs d'un chiffre définitif. Je ne vous parle pas de la consommation des crédits de paiement puisqu'il n'y en n'a pratiquement pas. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au ministre d'État, le 23 juin dernier et par écrit, plusieurs précisions comptables. Je vous remercie par avance de bien vouloir me faire tenir ces informations. Vous les devez à un député, et le ministre d'État aurait dû me les transmettre avec plus d'empressement qu'à tout autre parlementaire. Je crois qu'il est préférable pour tout le monde que l'incident soit clos et que les informations me parviennent avant le débat budgétaire relatif au ministère de l'Intérieur.

Pour conclure, ce budget est celui du ministre d'État. Il restera le sien tout au long de l'année 2005, même s'il quitte le banc du Gouvernement. Il est même tellement le sien et si particulier qu'il peut le poursuivre au-delà de 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la politique de soutien au pouvoir d'achat et à la consommation menée par le Gouvernement tout au long de l'année 2004 montre aujourd'hui tous ses effets bénéfiques. La France a en effet renoué avec la croissance et cette amélioration devrait se confirmer pour 2005. Avec une prévision de 2,5%, nous nous situons bien au-dessus de la moyenne européenne. Nous récoltons aujourd'hui les fruits de la politique courageuse et réaliste du Gouvernement. Avec le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, vous donnez à votre majorité toutes les raisons de croire que le courage et le réalisme seront aussi fortement qu'en 2004, si ce n'est plus, les clés de l'action menée pour 2005.

Présentant un budget en déficit depuis vingt-trois ans, la France est véritablement handicapée par ce qui est devenu au fil des ans une dette abyssale car, à ce train-là, nous en serons à 100 % du PIB en 2020.

Je tiens notamment à saluer ici toute l'énergie et la ténacité que vous manifestez pour parvenir à la réduction du déficit public.

Courageuse et réaliste, votre politique budgétaire se veut aussi juste et efficace, avec un accent tout particulier mis sur le soutien à la croissance et à l'emploi, notamment par l'augmentation de la prime pour l'emploi.

Figurant au titre des priorités du gouvernement, je retiens notamment les mesures prises pour retenir, mais aussi pour faire revenir, nos entrepreneurs. La délocalisation est en effet un véritable fléau, pourvoyeuse à la fois de chômage et de manques à gagner fiscaux et sociaux.

Après ce constat d'ordre général, permettez-moi toutefois, monsieur le secrétaire d'État, d'appeler votre attention sur trois points.

Si la défense de nos PME-PMI passe par une lutte conte les délocalisations, elle passe aussi par la préservation d'un actionnariat fort. En effet, c'est à ce seul prix que nous parviendrons à préserver nos entreprises françaises de la menace de rachats étrangers.

Cette menace, je sais que vous et M. le ministre d'État la mesurez pleinement. Votre détermination dans le sauvetage de l'entreprise Alstom nous en a donné la preuve. Alors qu'il y a un an on ne donnait pas cher de l'entreprise, que les sites français et donc nos emplois, étaient menacés, Alstom est aujourd'hui l'un des grands gagnants du voyage en Chine du Président de la République. Et dans ce sauvetage, on se doit de reconnaître le rôle éminent du plan de redressement que vous et M. le ministre d'État avez élaboré.

Si, au nom des emplois préservés, nous avons toutes les raisons de nous satisfaire de ce sauvetage, on ne peut pourtant ignorer le climat de confiance maussade qui règne plus généralement chez nos petits épargnants. En effet, les petits actionnaires de notre pays font grise mine. Deux enquêtes récentes publiées par la SOFRES révèlent que, depuis l'an dernier, 500 000 petits porteurs ont jeté l'éponge. Si leur départ de la Bourse est particulièrement inquiétant, il l'est plus encore lorsque l'on note que c'est parmi les plus jeunes que la confiance est au plus bas.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, ils ne vous font pas confiance !

M. Richard Mallié. Monsieur Brard, vous parlez pour vous !

M. Jean-Pierre Brard. Non, je parle pour vous puisque, moi, j'ai défendu les petits porteurs d'Eurotunnel !

M. Richard Mallié. Les séquelles de l'affaire Eurotunnel sont lourdes et la plaie n'est pas prête de se refermer. C'est pourquoi il est vital pour notre économie de rétablir la confiance perdue par nos petits épargnants, faute de quoi nous verrons fleurir aux quatre coins de France un capitalisme international sans foi ni loi, aveugle aux intérêts locaux et qui, demain, fera peu de cas de nos emplois si le ciel économique s'assombrit.

Le deuxième point sur lequel j'appelle votre attention, c'est la nécessité d'engager notre pays dans un véritable champ de réformes pour accroître notre croissance. Au titre de ces changements, nous devons l'engager dans une politique forte et courageuse en faveur de la natalité, très dégradée depuis des années. Depuis 1974, sans exception aucune, la France ne renouvelle plus ses générations.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas exact !

M. Jacques Myard. Si, il a raison !

M. Jean-Pierre Brard. Non ! La descendance finale est supérieure à 2 !

M. Richard Mallié. Il faudrait 2,1 enfants par femme pour que ce renouvellement soit assuré. Or, avec un taux situé aux alentours de 1,9, nous sommes bien loin du compte, monsieur Brard. Peut-être que vous, vous contribuez à relever la moyenne, mais en tout cas, la moyenne nationale est indiscutable. C'est pourquoi je proposerai deux amendements visant à encourager la natalité.

M. Jean-Pierre Brard. Cosignés avec Mme Boutin !

M. Richard Mallié. Le dynamisme démographique engendre de la croissance, donc de l'activité, donc de la création d'emplois génératrice de cotisations sociales et de moins d'assistanat. C'est peut-être cela qui vous dérange, monsieur Brard. Mais la France a tout à y gagner.

Le premier consiste à déplafonner le quotient familial pour la demi-part supplémentaire accordée au troisième enfant. Ce plafonnement reste en effet un facteur de dénatalité préjudiciable.

Le second consiste à faciliter le recours à la garde à domicile pour les familles nombreuses, en familiarisant le dispositif de plafonnement des dépenses éligibles à la réduction d'impôt. Pour cela, je propose de faire passer la limite de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile de 10 000 euros à 12 000 euros,...

M. Jacques Myard. 15 000 euros !

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. Richard Mallié. ...plus 3000 euros par enfant à charge.

Un tel engagement ne fera d'ailleurs que rejoindre la volonté des Français qui, selon un sondage SOFRES, sont 43 % à penser que de plus grandes incitations financières et fiscales sont le moyen le plus efficace pour relancer la natalité.

Mais si l'engagement dans une politique, tant d'aide à l'entreprise que de développement de la natalité, peut passer par l'instauration de mesures fiscales incitatives, il suppose aussi la refonte d'un aspect particulièrement dissuasif de notre fiscalité : les droits de succession.

Si l'allégement des droits de succession proposé par le Gouvernement est déjà une bonne avancée, permettant d'exonérer totalement une succession de 100 000 euros, il se révèle particulièrement inéquitable dans le cas de pluralité d'enfants.

Je proposerai donc une modification de ce dispositif afin de réduire l'inégalité entre héritiers en prévoyant un abattement général de 40 000 euros, plus 60 000 euros par enfant.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Mallié.

M. Richard Mallié. J'ai l'outrecuidance, monsieur le secrétaire d'État, d'espérer un avis favorable à ces amendements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car l'ambition d'un gouvernement se mesure éminemment au projet de loi de finances qu'il propose. Dans les arbitrages opérés, les crédits accordés, se dessinent les choix politiques qui seront faits.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est vrai !

M. Richard Mallié. Et la discussion générale sur Ie budget est une occasion majeure, pour Ies parlementaires que nous sommes, de faire entendre un peu plus fort les voix de la nation. J'ose croire qu'avec la réforme entreprise via la LOLF, personne sur les bancs de cet hémicycle n'est près de voir les députés voter de manière insipide et sans contestation aucune le projet proposé. C'est là le signe de la bonne santé de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. Il n'y a qu'à voir l'animation qui règne !

M. Jean-Pierre Brard. La prise du Palais d'Hiver n'est pas loin ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Monsieur le secrétaire d'État, votre budget est bon car il est honnête, sincère, réfléchi.

M. Jean-Pierre Brard. Il est comme vous, monsieur Landrain ! (Sourires.)

M. Édouard Landrain. C'est le meilleur budget possible. Certes, des incertitudes demeurent, notamment sur le coût du pétrole - cela a été dit -,...

M. Didier Migaud. Encore la faute des autres !

M. Édouard Landrain. ...mais soulignons la réduction nécessaire des effectifs des fonctionnaires, des dépenses publiques avec une croissance zéro, des ministères dont les crédits baissent tandis que d'autres bénéficient d'une hausse légitime de leur financement comme la culture, la communication, la recherche ; une dette publique qui reste cependant au-dessus de la barre des 60 % du pacte de stabilité ; un déficit de l'État qui baisse d'une façon significative. Tout cela, monsieur le secrétaire d'État, il fallait le faire.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est vrai ! Il fallait le faire !

M. Édouard Landrain. Mais je fais partie de ceux qui auraient aimé que l'on aille encore plus loin. Certes, il faut beaucoup de prudence vis-à-vis du secteur social et de l'économie, mais quand on est dans la difficulté financière, il faut savoir quelquefois se serrer la ceinture. Comme on dit en termes marins : il faut ramener de la toile. C'est ce qu'on fait dans un ménage quand il n'y a pas de sous. Mais l'État, quand il en a moins, continue parfois à dépenser autant : là est la grande différence entre un budget de gauche et un budget de raison, de droite.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Édouard Landrain. J'aborderai un seul sujet, monsieur le secrétaire d'État : il s'agit du budget de la jeunesse et des sports et de la vie associative. Celui-ci reste à un niveau faible, mais stable, alors que compte tenu de l'intérêt de nos compatriotes pour le sport, on pouvait l'espérer plus conséquent. Je le répète depuis des années.

M. Jean-Pierre Brard. C'est la nostalgie de temps révolus !

M. Édouard Landrain. Rappelons les chiffres : 25 millions de Français s'intéressent au sport, il y a 14 millions de licenciés, des succès populaires à la télévision et dans les stades, les jeux Olympiques de Paris en vue, et cependant peu de moyens. Heureusement, il y a le FNDS et les taxes sur les jeux qui abondent très largement les moyens du ministère. Dans le cadre de la LOLF, il est prévu que ce compte d'affectation spécial disparaisse.

M. Michel Bouvard. C'est obligatoire !

M. Édouard Landrain. Quel est son avenir ?

Dans le droit fil des états généraux du sport, il était envisagé que le FNDS prenne la forme d'un établissement public, le CNDS, lequel gérerait une part du produit, l'autre l'étant par l'État. Où en êtes-vous ?


Le 1er janvier 2006, les choses seront en place. Sans le FNDS, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative serait exsangue. Il doit donc continuer à le gérer. Les sportifs aimeraient être rassurés. Merci de nous faire savoir s'ils le seront. Il faut penser aux sportifs, monsieur le secrétaire d'État, et pas seulement les jours de victoire et de gloire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion budgétaire est le temps fort de l'expression parlementaire, car elle permet d'avoir une vision claire et concrète de la situation de notre pays. Elle permet à tous de mieux appréhender les directions dans lesquelles nous voulons aller et de mieux comprendre les enjeux auxquels nous sommes confrontés.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est vrai !

M. Bernard Schreiner. Je retiens essentiellement du budget qui nous est présenté aujourd'hui la volonté forte d'aborder les finances de l'État sans faux-fuyants et en regardant la vérité en face.

En effet, depuis plus de vingt ans, nous assistons à une lente mais constante dégradation des finances publiques. Comme l'a dit à juste titre le ministre d'État, cette dégradation hypothèque le retour de la croissance.

Comment, en effet, agir pour l'emploi, augmenter la compétitivité de nos entreprises, encourager l'innovation ou assurer le bien-être de nos concitoyens si près de 15 % des dépenses du budget servent à payer uniquement les intérêts de la dette ?

Monsieur le secrétaire d'État, en donnant comme priorité absolue à ce budget la baisse du déficit, vous avez fait le bon choix pour l'avenir. Sans baisse importante de ce déficit, pas de marges de manœuvre, pas de possibilités d'investissements, pas de confiance ni de crédibilité pour l'action de l'État.

Nos concitoyens l'ont fort bien compris, un État endetté, peinant à payer ses dépenses courantes et incapable de rembourser ses dettes ne peut pas être crédible ni respecté.

Mais le remboursement de la dette ne saurait tenir lieu de programme de gouvernement et les Français sont en droit d'attendre autre chose ! À cet égard, le volet social du projet de budget qui nous est proposé constitue incontestablement une réponse forte aux attentes de nos concitoyens.

Ainsi, je note avec satisfaction que le plan de cohésion sociale bénéficie de un milliard d'euros pour sa mise en œuvre en 2005.

Par ailleurs, outre la forte augmentation du SMIC prévue pour le 1er juillet 2005, le revenu des salariés les plus modestes bénéficiera aussi de la revalorisation de 4 % du barème de la prime pour l'emploi.

En conciliant les impératifs d'une saine gestion des deniers publics avec la solidarité indispensable envers nos concitoyens les moins favorisés, ce budget se caractérise par son audace.

M. Jean-Pierre Brard. Danton faisait mieux !

M. Bernard Schreiner. Néanmoins, nombreux sont les Français inquiets des dérapages constatés en ce qui concerne les prix des matières premières. Si la situation devait perdurer, il y aurait de graves risques pour toutes les entreprises tributaires de la hausse des prix du pétrole et pour la facture de chauffage et de transport de l'ensemble des Français.

Mais je suis convaincu, et monsieur le ministre d'État l'a affirmé avec force, que le Gouvernement saura prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces pour que les conséquences éventuelles pour l'économie française de l'augmentation du prix du baril de pétrole, entre autres, n'obèrent pas la confiance, prélude à toute relance de la croissance.

Naturellement, je voterai sans état d'âme ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, la plupart de mes collègues, notamment ceux qui sont membres de la commission des finances, ont souhaité aborder la question des recettes du budget de l'État. Je voudrais pour ma part consacrer mon propos non pas à ses recettes mais à ses dépenses, parce que c'est bien par la réforme de l'État et par la limitation de ses dépenses que nombre de pays comparables aux nôtres ont retrouvé la maîtrise de leurs comptes publics. Que ce soit en Italie, avec les réformes Bassanini, qui ont réduit les structures de l'État et qui ont réformé de manière drastique la gestion de l'emploi public,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous trouvez que l'Italie est un bon exemple ?

M. Georges Tron. ...que ce soit aux États-Unis, où c'est bien le président Clinton qui a mis en place tout un système de planification par objectifs, avec la création d'indicateurs de résultats,...

M. Jean-Pierre Brard. Quel est le déficit, aux États-Unis ?

M. Georges Tron. ...ou que ce soit au Canada,...

M. Michel Bouvard. Un exemple très intéressant, le Canada !

M. Georges Tron. ...où le gouvernement de Jean Chrétien et de Paul Martin - ce dernier étant aujourd'hui Premier ministre - a fait procéder en 1993, sans augmenter en quoi que ce soit les impôts des particuliers, à la réévaluation complète de toutes les dépenses publiques en supprimant et en fusionnant les administrations, adaptant les effectifs en conséquence, dans ces trois cas, mes chers collègues, ces politiques de maîtrise ont eu pour résultat un rétablissement des comptes publics.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut lire les journaux, monsieur Tron !

M. Georges Tron. Si cela a marché partout ailleurs, il n'y a pas de raison pour qu'il y ait une spécificité française.

C'est pourquoi je peux dire, après mes collègues, que le budget 2005 va dans la bonne direction. Il améliore la situation de nos comptes publics et il démontre la volonté du Gouvernement de maîtriser tout particulièrement les dépenses de l'État.

À l'inverse de ce qui a été fait dans les années de forte conjoncture de la précédente mandature, le Gouvernement, après deux années difficiles, n'a pas inversé le cap au moment où la croissance est revenue. En 2004, pour la seconde année consécutive, les dépenses de l'État ont été stabilisées en volume. En 2005, la réduction du déficit public résulte pour l'essentiel d'une forte amélioration des comptes de l'État, dont la part du déficit dans le PIB diminue d'un point, puisqu'il s'élève à 44,9 milliards d'euros contre un peu plus de 55 milliards l'année précédente.

Grâce, certes, à une augmentation sensible et attendue des recettes, de l'ordre de 6,4 %, mais surtout du fait de la stabilisation, pour la troisième année consécutive, des dépenses de l'État, en augmentation de 1,8 % à structure constante, nous assistons enfin à une inversion de la tendance. Car depuis de nombreuses années, plus rien ne permettait de contrôler la dépense de l'État ni l'augmentation des déficits.

Pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, insisté-je particulièrement sur cet effort de maîtrise de la dépense ? Parce que, hors du champ de l'expression politique, deux postes infléchissent le budget de la France vers le haut.

C'est d'abord celui du service de la dette, dont ont parlé plusieurs de mes collègues, qui absorbe 14 % du budget général et qui augmente en 2005 de 1,3 milliard d'euros. Et vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, d'indiquer combien il est nécessaire de revenir sur cette inflexion.

C'est ensuite celui des pensions versées aux fonctionnaires, qui connaît en 2005 une augmentation de plus de 2 milliards d'euros.

On peut penser que grâce à l'inflexion que le Gouvernement imprime à ce budget, nous verrons bientôt les premiers résultats d'une politique volontariste.

Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, je poserai une question simple : pouvait-on faire moins, aviez-vous le choix d'une autre politique ? La réponse est non. En effet, rien ne nous garantit contre un infléchissement de la conjoncture internationale. Je salue d'ailleurs la prudence qui vous a conduit, contrairement à ce que disait tout à l'heure un de mes collègues, à envisager dans ce budget toutes les hypothèses, y compris les plus défavorables, je pense en particulier au prix du baril de pétrole.

Je note en tout cas que la Commission de Bruxelles semble vouloir baisser ses prévisions de croissance pour la zone euro. Tout cela va dans le sens de la prudence dont je parlais à l'instant.

D'autre part, chacun sait bien qu'il y a en France une exception, dont certains semblent fiers, celle du taux de prélèvements obligatoires, qui correspond à un taux de dépenses publiques par rapport au PIB entre cinq et six points supérieur à ce qu'il est chez nos voisins. On a là l'explication des délocalisations, de la perte d'emplois et de la perte de compétitivité de la France.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas sérieux ! Vous valez mieux que ça, monsieur Tron !

M. Georges Tron. La seconde question importante qu'il convient de se poser est de savoir si nous devons aller plus vite et plus loin. La réponse me semble relever du bon sens. Elle est d'ailleurs tirée d'une phrase du rapport Camdessus que je citerai telle quelle.

M. Jean-Pierre Brard. Camdessus, c'est votre nouvelle vache sacrée !

M. Georges Tron. « La stabilisation en volume des dépenses de l'État pendant quinze ans ne serait pas même suffisante pour éviter à notre dette une dérive insoutenable ». Autrement dit, monsieur le secrétaire d'État, si cette rigueur dans la gestion que vous avez introduite était poursuivie pendant quinze années, notre dette serait malgré tout incontrôlable.

À partir de là, je pense que la seule réponse à apporter est celle d'une réforme de l'État et d'une modernisation de la fonction publique.

Pour ce qui est, d'abord, de la réforme de l'État, je crois que nous devons avoir le courage de dire clairement que nous attendons de l'État qu'il se consacre essentiellement à ses missions régaliennes, et non à ce qui ne relève pas de ses compétences.

M. Jean-Pierre Brard. Exemple ?

M. Georges Tron. Vous avez très justement lancé, monsieur le secrétaire d'État, le plan d'externalisation de la gestion des allocations familiales, et vous avez très justement demandé à l'inspection des finances de vous remettre un rapport sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État,...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Georges Tron. ...rapport qui démontre, dans des proportions tout à fait alarmantes, qu'il fait mal ce qu'il pense bien faire dans ce domaine. Il est temps que l'État se consacre à ce qui relève de ses compétences, ses compétences régaliennes.

M. Michel Bouvard. Il est grand temps !

M. Bernard Carayon. Très bien !

M. Georges Tron. En second lieu, je crois qu'il faut demander aux ministres, et peut-être avec plus d'insistance, notamment après les auditions de la commission des finances, de se consacrer avec sérieux aux stratégies ministérielles de réforme. Cela suppose de leur part qu'il perçoive bien l'esprit de ces stratégies : il s'agit de revoir de manière systématique toutes les missions de l'administration et la manière dont elle fonctionne. Je le dis de façon assez neutre, nous avons eu le sentiment que le message n'était pas forcément passé auprès de tous. Je relève d'ailleurs que dans la façon dont les missions étaient présentées, beaucoup a été dit sur les gains de productivité que l'on pouvait attendre de ces stratégies ministérielles de réforme, mais que peu a été dit sur le fait qu'elles peuvent améliorer de façon substantielle la qualité du service rendu. Sur la totalité des stratégies ministérielles de réforme retenues comme prioritaires, qui sont au nombre de 227, pour être précis, 159 traitent de la question de la qualité.

J'ajoute, pour finir sur ce chapitre de la réforme de l'État, qu'il serait utile que nous parvenions à une meilleure connexion entre ce qui relève des stratégies ministérielles de réforme et ce qui relève de la LOLF.

M. Michel Bouvard. Excellent !

M. Georges Tron. À cet égard, je veux saluer à mon tour le travail qui est effectué par la commission des finances et par le petit groupe constitué en son sein par des représentants de chaque groupe. Il serait bon que l'articulation entre ces stratégies ministérielles de réforme et la LOLF soit plus perceptible, de façon que le Gouvernement perçoive bien les obligations qu'il lui incombe de respecter et que le Parlement soit en mesure d'assurer un contrôle dans de meilleures conditions.

Pour ce qui est de la modernisation de la fonction publique, je suis absolument convaincu qu'il est temps, qu'il est largement temps d'en finir définitivement avec l'approche quantitative. Depuis 1990, mes chers collègues, 60 % de l'augmentation du budget général de l'État résulte de l'augmentation conjuguée des charges des rémunérations et des pensions. Environ 85 000 fonctionnaires civils, alors même que la décentralisation se mettait en place, ont été embauchés par l'État depuis 1990.

Deux questions se posent. À la première, je ne répondrai pas ce soir, parce que ce n'est pas le moment : est-ce que le service assuré est meilleur ? Objectivement, la réponse ne saute pas aux yeux. L'augmentation des dépenses ne se traduit pas nécessairement par un meilleur service.

La seconde question, qui mérite que je m'y attarde ici plus longuement, est la suivante : cette politique qui consiste à accroître les effectifs de façon absolument incontrôlée, est-ce que les fonctionnaires s'y retrouvent ? Il est clair à mes yeux que la réponse est non. C'est pourquoi je voudrais dire ici combien j'approuve la politique que le Gouvernement met en place pour sortir de cette espèce de spirale dans laquelle nous entraîne l'idée que les fonctionnaires s'y retrouvent parce qu'ils sont plus nombreux. Aujourd'hui, le rapporteur spécial du budget de la fonction publique et de la réforme de l'État le dit avec force, ce qu'attendent les fonctionnaires, c'est d'être responsabilisés et mieux rémunérés. C'est parfaitement logique.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je crois qu'il faut, en premier lieu, que nous soyons en mesure de disposer des outils nécessaires à une transparence en matière de rémunérations publiques qui n'est pas aujourd'hui ce qui caractérise le plus la présentation budgétaire. Je le dis en toute franchise, le rapporteur spécial que je suis n'est pas en mesure - et je me demande si certains de mes collègues le sont - de donner des éléments d'information précis sur, par exemple, le pourcentage de fonctionnaires qui sont concernés par l'augmentation annuelle du GVT ou de mesures catégorielles.


Quels sont ceux qui dépendent exclusivement de l'augmentation indiciaire ? Quels sont ceux qui dépendent de ces mesures catégorielles, certes choisies en fonction de critères d'opportunité ? Quels sont ceux qui dépendent du GVT ? Ce sont des éléments dont nous ne disposons pas, faute d'une nécessaire transparence.

Il faut, en second lieu, responsabiliser les fonctionnaires de manière qu'ils se considèrent comme totalement associés à la mise en œuvre de la politique gouvernementale. C'est ce qui a été fait, en particulier au MINEFI, grâce à l'instauration d'un système de primes collectives et individuelles. C'est ainsi, j'en, suis profondément convaincu, que l'on réussira à démontrer aux fonctionnaires que le mot « responsabilité » a un sens.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, ce projet de budget pour 2005 va incontestablement dans la bonne direction. Toutefois, cette réforme de l'État et de la fonction publique ne pouvant se faire que dans le consensus, nous devons être en mesure, sur tous ces bancs, de nous doter des outils nécessaires pour y parvenir. Le pays, les fonctionnaires l'attendent. Les comptes publics de notre pays, et ce n'est pas négligeable, s'en trouveront mieux assurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Cousin.

M. Jean-Pierre Brard. Enfin, quelqu'un qui ne va pas attaquer les fonctionnaires !

M. Jean-Yves Cousin. Nous avons eu des points de convergence en commission des finances, mais attendez ce que je vais dire, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous fais confiance !

M. Jean-Yves Cousin. Monsieur le secrétaire d'État, notre pays se conforme à nouveau aux critères de Maastricht et vous avez réussi ce qui apparaissait très difficile, voire quasi impossible. C'est un budget de confiance, de croissance et de justice sociale.

J'évoquerai, concernant la justice sociale, une catégorie de personnes qui souffrent, personnes qui sont touchées par les maladies provoquées par l'amiante, problème grave qui touche nombre de personnes. C'est un drame sanitaire. Dans ma circonscription, une ville, Condé-sur-Noireau, est considérée comme l'épicentre du drame et beaucoup de collègues y sont, comme moi, sensibilisés. Aussi, Jean Lemière, député de Cherbourg, et moi-même, avons pris l'initiative de créer un groupe de travail consacré à ce douloureux problème. Au cours de la première réunion de travail, a été évoqué le problème de l'imposition des indemnités perçues par les personnes malades...

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi l'État se désengage-t-il ? Pourquoi se désengage-t-il du FIVA ?

M. Jean-Yves Cousin. Il ne se désengage pas !

M. Jean-Marie Le Guen. Zéro euro !

M. Jean-Yves Cousin. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous parleriez de champs de patates, il n'y aurait pas de problèmes, mais vous parlez de l'amiante !

M. Michel Bouvard. M. Le Guen ne connaît pas le dossier !

M. Jean-Yves Cousin. Qui a financé le FIVA, si ce n'est ce gouvernement ?

Ces indemnités perçues par les malades sont taxables à l'impôt sur le revenu et soumises aux droits de mutation à titre gratuit en cas de succession. Il y a inégalité entre les indemnités perçues dans le cadre du VIH et de la maladie de Creuzfeldt Jacob, d'une part, et les sommes perçues dans le cadre du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, d'autre part. En effet, les premières sont exclues du champ d'application de l'impôt sur le revenu et des droits de mutation à titre gratuit, alors que les secondes sont, quant à elles, taxables. La disparité entre les régimes de taxation apparaissait comme une source profonde d'inégalité, d'injustice et donc d'incompréhension pour les victimes. Nous avons évoqué ce point avec Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes, puis avec vous, monsieur le secrétaire d'État, et vous nous avez entendus.

L'exonération des indemnités figure pour la première fois dans la loi de finances. Pour témoigner de la solidarité nationale à l'égard des personnes concernées, il est proposé d'exonérer d'impôt sur le revenu les indemnités versées aux victimes de l'amiante ou à leurs ayants droit par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ou, le cas échéant, par décision de justice. Le coût de cette mesure est estimé à environ 10 millions d'euros en 2005. II est également proposé, en matière de droits de succession, d'étendre le dispositif dérogatoire prévu à l'article 775 bis du code général des impôts aux indemnités versées en réparation du dommage subis par les victimes de l'amiante. Cela permet de déduire ces sommes de l'actif successoral. Cette disposition a été adoptée par la commission des finances.

Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'État, que vous confirmerez avec l'ensemble de la représentation nationale votre volonté d'exonérer de l'impôt sur le revenu les indemnités versées par le FIVA permettant aux victimes de l'amiante de bénéficier du dispositif concernant les droits de succession. En le confirmant et en mettant ainsi en place un système d'indemnisation plus juste, monsieur le secrétaire d'État, votre gouvernement aura permis, et je vous en remercie, une plus grande équité envers ces personnes si dramatiquement touchées par la maladie et fait progresser la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le secrétaire d'État, le budget que vous nous présentez va dans le bon sens. Cependant, le ministre d'État ne cesse de répéter, pointant la charge de la dette de la France, qu'il n'a aucune marge de manœuvre et que son seul souci est de la retrouver. Il est exact que, dans l'état actuel de notre macroéconomie, cette dette représente un handicap certain pour le budget de la nation, pour le Gouvernement, donc pour le secrétaire d'État au budget que vous êtes.

Mais réfléchissons un instant, monsieur le secrétaire d'État, car la dette n'est pas la cause, mais le résultat de choix macroéconomiques qui nous enserrent depuis dix, voire quinze ans. Ce cadre macroéconomique est double. Les choix sont internes et externes. Il est exact qu'en matière de choix internes, depuis 1981, la France économise son travail. Elle est l'État au monde qui a pu d'abord passer à 39 heures payées 40, accorder une cinquième semaine de congés payés, puis passer à 35 heures, voire à 32 heures.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous retardez de vingt ans, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. C'est là une faute de civilisation, impardonnable, messieurs de l'opposition, et les Français risquent de la payer très cher ! Sur ce point, le rapport Camdessus mentionne à juste raison que l'on devra travailler davantage, ne serait-ce que pour assurer la pérennité de notre système de santé. En France, le système de santé représente 9,5 % de notre PIB ; aux États-Unis, il est de 13 à 14 %. Donc, dans un pays vieillissant, les Français seront obligés de travailler davantage. Prétendre le contraire serait leur mentir !

M. Augustin Bonrepaux. Encore faudra-t-il qu'ils trouvent du travail !

M. Jacques Myard. Nous disposons également, monsieur le secrétaire d'État, de la meilleure fiscalité au monde pour chasser le capital. D'ailleurs, lorsque l'on examine les comptes de la nation, le site de la Banque centrale en atteste, on constate que l'épargne des Français, qui avait atteint jusqu'à 16 et 17 % du revenu disponible, a pris souvent le chemin de l'étranger, là où elle est moins taxée ! L'impôt sur le revenu, l'ISF et les droits de succession déglinguent - j'emploie ce terme à dessein - plus de 20 000 entreprises par an. Je salue donc la première mesure proposée en la matière dans votre budget. Nous savons qu'il existe un droit du travail certes légitime. Je ne souscrirai jamais à certaines mesures voulues par le MEDEF !

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo !

M. Jacques Myard. Il n'en demeure pas moins que nous devons introduire un peu plus de souplesse pour ne pas être paralysés par une pseudo-protection qui se retourne contre les salariés eux-mêmes.

Pour ce qui est des choix externes, ils ne sont pas sans conséquences sur la croissance, que vous le vouliez ou non. La croissance des États européens qui n'appartiennent pas à la zone euro est plus forte que la nôtre. Vous me répondrez que je suis ringard, anti-européen, anti-maastrichtien. C'est le résultat de la politique de rentier menée par M. Trichet, politique monétaire néfaste et inadaptée à la nécessité de croissance et qui nous mène droit dans le mur ! Il est temps que le Conseil européen puisse donner des directives au Conseil des gouverneurs et à la Banque centrale européenne !

M. Paul Giacobbi. Vous pensez sans doute que M. Camdessus a une politique différente ?

M. Jacques Myard. M. Camdessus a dit des choses très sensées, même s'il n'a pas tout abordé.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous rappelle, monsieur Myard, que vous l'avez encensé au FMI !

M. Jacques Myard. Relisez le rapport de M. Camdessus qui, comme vous le savez, a plus une sensibilité de gauche que de droite !

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas exagérer ! Il est peut-être à votre gauche !

M. Jacques Myard. Cet homme posé regarde les choses en face.

J'en viens aux délocalisations pour souligner que, depuis maintenant une dizaine d'années, la préférence communautaire - établissement d'un Zollverein, d'un cordon sanitaire, d'un tarif commun extérieur - qui a fondé le Traité de Rome a été descendue en flammes par nos partenaires atteints d'un libéralisme effréné si bien que la mondialisation est, aujourd'hui, tout sauf harmonieuse.

Relisez donc l'ouvrage de Maurice Allais, le seul prix Nobel de sciences économiques que la France ait jamais eu, intitulé La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance - l'évidence empirique.

Monsieur le secrétaire d'État, vous comprendrez pourquoi nous sommes aujourd'hui dans cette situation. Comment voulez-vous parvenir à une concurrence égale, loyale avec des États dont le différentiel monétaire est de 1,50 avec la Chine et 1,70 avec les Indes ? Leur monnaie est administrativement sous-évaluée. En 1994, Maurice Allais décrivait ce qui se passe aujourd'hui. Nous avons perdu 40 à 50 % de nos emplois industriels. Les services ne remplaceront jamais, bien évidemment, tout ce qui a été perdu, par ailleurs. Il ne s'agit pas de réinventer la poudre, mais simplement de regarder la réalité en face.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Myard. Je vais conclure.

Je reconnais qu'il faut, certes, économiser, mais gardons-nous de le faire sur la défense, sur la recherche et le développement ou lorsqu'il s'agit de l'action extérieure de la France. Nous risquerions, en effet, de le payer cher face à une situation internationale dramatique qui va à la dérive.

Cela étant dit, je salue le courage dont vous avez fait preuve dans ce budget, malgré les difficultés. Les mesures fiscales en faveur des investisseurs et des entreprises donc de l'emploi, concernant notamment l'aide aux investissements, vont dans le bon sens. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai votre action. Mais réfléchissez bien à ce qu'a écrit M. Allais, voici dix ans, et qui demeure d'une actualité brûlante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. L'examen du projet de loi de finances me fournit l'occasion un peu détournée de saluer les réformes de l'organisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie engagées par le Gouvernement. En effet, parallèlement aux leviers fiscaux et sociaux traditionnels, la réforme de l'État constitue l'une des rares marges de manœuvre au service de l'emploi et de la compétitivité des entreprises. Par ces réformes, vous avez ainsi démontré aux Français que l'action publique, garante de la cohésion sociale, s' adapte à la mobilité des marchés et de leurs acteurs, comme l'ont fait, en leur temps, les entreprises et les professionnels.

Parmi vos initiatives récentes, la création d'un service consacré à l'intelligence économique me semble singulièrement opportune pour nos emplois, nos territoires, les entreprises et l'État. L'intelligence économique était en France, depuis dix ans, interprétée tantôt comme une méthode banale de veille - technologique, juridique, commerciale ou financière - tantôt dans son acception anglo-saxonne, comme un avatar du renseignement ou de l'espionnage industriel. L'analyse des dispositifs étrangers, l'audition de plusieurs centaines de personnalités, m'ont conduit, dans un rapport que j'ai rendu au Premier ministre voici maintenant un an, à la définir comme une véritable politique publique de sécurité économique, de conquête des marchés extérieurs adossée à la mutualisation d'informations et d'expertises publiques et privées, d'influence auprès des organisations internationales où s'élaborent si souvent les normes professionnelles et juridiques, de formation enfin. Cette politique publique nouvelle, comme l'ont été en leur temps les politiques de protection de l'environnement et, plus récemment, du développement durable, est destinée en priorité aux marchés stratégiques, où les arbitrages ne sont pas seulement réglés par le prix et la qualité des produits et des services, mais par des stratégies publiques ou parapubliques. Ces marchés créent, non seulement richesse et emplois, mais aussi puissance et influence. Ce sont ceux de la défense, des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité, de l'énergie, de la pharmacie.


Je me réjouis que le Gouvernement ait retenu cette analyse et que celle-ci se traduise aujourd'hui, au ministère des finances, par une impulsion forte et nouvelle, mais aussi par l'amorce d'une véritable stratégie industrielle.

Les conditions du succès de cette politique publique, destinée à mieux prendre en compte nos vulnérabilités, à identifier le périmètre de nos intérêts majeurs, à lutter à armes égales avec nos grands concurrents sur les marchés mondiaux et à peser sur les normes internationales - qui agissent directement autant sur nos industries que sur notre effort de recherche -, reposent sur des outils, des méthodes et des modes de pensée tout à fait nouveaux : d'abord, la mutualisation des expertises publiques et privées ; ensuite, la capacité d'anticipation et de prospective de l'État.

Le premier axe est donc relatif à la mutualisation des expertises publiques et privées.

Premier exemple : le ministère de l'industrie, il y a dix ans, avait entrepris d'identifier les technologies clés ; mais cet effort, aussi louable fût-il, n'avait pas été conduit dans un cadre interministériel et n'avait pas non plus été nourri d'expertises privées.

Deuxième exemple : alors que la conquête des marchés extérieurs, aux États-Unis, s'appuie sur des institutions publiques comme les War Rooms ou l'Advocacy Center, associant systématiquement information publique et information privée, en France, rien de tel ; la culture administrative se caractérise par le cloisonnement, le contentieux, la rivalité et surtout le frein à toute circulation de l'information.

Le deuxième axe concerne la capacité d'anticipation et de prospective de l'État, qui seul détient la légitimité pour faire la synthèse, puisqu'il porte seul l'intérêt général.

Premier exemple : les comités. Nous vivons vraiment dans la « République des comités », pour reprendre une expression datant de la Troisième République. Un rapport parlementaire de notre collègue Georges Tron en avait dénombré plus de 600 rattachés à Matignon. Leur production intellectuelle n'a pourtant jamais été mutualisée, pas même sous la forme d'un intranet gouvernemental.

Deuxième exemple : la représentation permanente à Bruxelles. Celle-ci ne dispose d'aucune capacité humaine et technique pour anticiper très en amont la production normative des institutions bruxelloises.

M. Christian Cabal. C'est dramatique !

M. Bernard Carayon. Nous aurions besoin d'une vigie construisant nos réseaux, accompagnant la carrière de nos ressortissants dans les institutions européennes, nourrissant l'État des informations et des besoins de nos entreprises.

Il faut mutualiser, anticiper, mais aussi sécuriser. J'ai consacré à ce dernier thème, vous le savez, un autre rapport, qui met en exergue nos vulnérabilités.

Nous sommes vulnérables sur le plan technologique. Nos réseaux publics et privés d'information sont lacunaires, en l'absence d'industrie des moteurs de recherche sur internet.

Nous sommes vulnérables sur le plan juridique, faute d'un véritable droit du secret des affaires en France.

Nous sommes vulnérables sur le plan financier, en l'absence, pour l'instant, de fonds d'investissement dédiés, par exemple, aux nouvelles technologies de l'information, de la communication et de la sécurité, alors que nos grands concurrents anglo-saxons, en particulier les Américains, ont développé en ce domaine des outils considérables, mutualisant, là encore, la dépense publique et la dépense privée, et se comportant aussi trop souvent comme de véritables prédateurs contre les industries européennes, notamment celles de la France.

Enfin, nous sommes vulnérables dans le domaine des métiers stratégiques, car de véritables groupes professionnels, à l'échelon européen ou français, font défaut. Je pense aux métiers du conseil - aux avocats -, de l'audit, du courtage d'assurance, de la normalisation et de la certification, de l'expertise comptable, qui permettent, monsieur le secrétaire d'État, d'accéder à l'intimité des entreprises, au « cœur du temple », en somme.

Voilà quelques-uns des enjeux que révèle cette nouvelle politique publique. C'est la grille de lecture d'une guerre économique, sans morts ni images, mais qui détruit nos emplois, nos marges de manœuvre et notre potentiel scientifique. Votre initiative comble un vide. Je souhaite que, en coordination avec le service créé à l'initiative du Premier ministre, d'autres départements ministériels, comme ceux de la défense, des affaires étrangères ou de l'intérieur, suivent cette initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, le débat porte évidemment sur le budget de l'État, mais aussi sur les équilibres économiques et sociaux de notre pays. Les arbitrages qui ont été rendus sous l'autorité du ministre d'État - et sans doute aussi sous celle du Premier ministre, du moins je l'imagine - impliquent également les comptes sociaux.

La situation, de ce point de vue, est tout à fait exceptionnelle : l'ensemble des comptes sociaux de notre pays seront, cette année, dans le rouge. Pour l'assurance maladie, ce n'est malheureusement pas nouveau depuis l'entrée en fonction du gouvernement de M. Raffarin. Mais ce sera aussi, cette année, le cas de l'assurance vieillesse, des allocations familiales, et également, au-delà des régimes de sécurité sociale, du FSV, du FIPSA et de la CNRACL. Cela est au demeurant suffisamment inquiétante pour qu'un de nos collègues de la commission des affaires sociales se soit ému de la situation du FIPSA et ait proposé une augmentation des taxes sur le tabac à hauteur de 16 %. Représentant lui-même une circonscription agricole, il connaît en effet le désarroi qui s'empare aujourd'hui des professions concernées par les systèmes sociaux agricoles.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. La situation est-elle exceptionnelle ? Notre économie doit-elle actuellement faire face à un tel coup de tabac que nous nous trouvons dans l'impossibilité d'assurer le fonctionnement de nos comptes sociaux ? Absolument pas ! D'une part, cette situation est maintenant habituelle pour un certain nombre de caisses sociales, en particulier pour l'assurance maladie, mais aussi, plus stratégiquement, pour l'assurance vieillesse. D'autre part, la conjoncture ne s'est pas particulièrement dégradée puisque, à entendre le Gouvernement, nous ne serions plus dans la même situation que ces dernières années, nous devrions espérer la croissance et retrouver l'emploi.

L'ensemble des comptes sociaux sont pourtant plongés dans une situation extrêmement difficile, à tel point que la loi relative à l'assurance maladie de cet été a procédé au transfert sur la dette sociale des Français d'une partie massive - à hauteur de 10 milliards d'euros - des déficits cumulés par nos régimes sociaux entre 2002 et 2007.

M. Gérard Bapt. C'est immoral !

M. Jean-Marie Le Guen. Devant nos collègues de la commission des finances présents ce soir, il n'est nullement nécessaire d'insister sur la gravité tout à fait exceptionnelle de la situation et sur le caractère scandaleux, du point de vue de l'éthique sociale, de la décision par laquelle le gouvernement actuel a décidé de transférer sur les générations futures son incapacité...

M. Jean-Yves Chamard. C'est pourquoi vous n'avez voté aucune réforme, ni celle des retraites ni celle de l'assurance maladie !

M. Jean-Marie Le Guen. Je parlerai de l'assurance maladie, vous l'imaginez bien, mon cher collègue.

Je disais donc que le Gouvernement s'est monté incapable d'arbitrer, soit en matière de recettes, soit en matière de dépenses, soit en matière de réformes de structures.

M. Guy Geoffroy. Et vous, vous n'avez rien fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons juste fait en sorte que les comptes sociaux soient équilibrés, ce qui n'est visiblement pas votre cas.

M. Jean-Michel Fourgous. Avec les 35 heures ?

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui, précisément !

M. Guy Geoffroy. C'est ça ! L'inaction est votre règle d'or !

M. Jean-Marie Le Guen. La première année de cette législature, en 2002, nous avions remarqué que vos prévisions étaient tout à fait irréalistes, notamment en ce qui concernait l'assurance maladie ; nous pensions qu'il s'agissait de simples erreurs et nous vous reprochions de ne pas être suffisamment précautionneux vis-à-vis des comptes sociaux. La deuxième année, c'est-à-dire l'an dernier, lorsque vous avez à nouveau accepté la perspective de déficits considérables, nous vous avons objecté que vous preniez décidément des risques considérables et que nous ne comprenions pas comment vous pourriez résoudre le problème. Car nous n'imaginions pas que vous auriez le cynisme de transférer à ce point la dette sur les générations futures.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très bien !

M. Pierre Lellouche et M. Michel Piron. Oh !

M. Guy Geoffroy. C'est un orfèvre qui parle !

M. Philippe Vitel. Plus c'est gros...

M. Jean-Marie Le Guen. Mais aujourd'hui, mes chers collègues, ce n'est plus une erreur, ce n'est plus une faute, c'est une ligne politique : vous mettez à dessein l'ensemble de nos régimes sociaux dans le rouge afin qu'ils perdent leur légitimité auprès des Français et que nous n'ayons plus la capacité, même lorsque nous récupérerons la majorité, de redresser cette structure. Au nom de ce que vous appelez « la réforme »...

M. Guy Geoffroy. Vous préférez l'absence de réforme !

M. Jean-Marie Le Guen. ...et de ce que nous appelons « la régression sociale », vous voulez plonger l'ensemble de nos systèmes sociaux dans une situation de crise, et vous le faites avec détermination.

M. Gérard Bapt. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais le contenu social de votre action ne se mesure pas simplement à l'aune du traitement financier que vous réservez aux régimes sociaux : chacune de vos politiques est parfaitement claire.

En matière de politique familiale, vous restreignez par décrets les allocations familiales et autres transferts sociaux bénéficiant à certaines catégories de Français, en l'occurrence pas les plus défavorisés d'entre eux puisqu'il s'agit des couches moyennes. Ainsi, 130 000 familles se sont vues privées de certaines prestations.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Et cela casse la consommation !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous prétendez préférer agir par le biais de la politique fiscale plutôt que par celui des transferts sociaux et des allocations familiales, c'est-à-dire de la solidarité. Dans ce mouvement, vous créez donc un dégrèvement d'impôt supplémentaire. Mais à qui pourra-t-il profiter ? Nous avons fait le calcul : moins de 40 000 familles, dans ce pays - les 40 000 familles les plus riches - en bénéficieront !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pas du tout !

M. Jean-Marie Le Guen. On voit donc parfaitement dans quel sens vont les transferts économiques avec votre politique.

En matière de retraites, le Gouvernement s'est longtemps vanté d'avoir agi pour l'avenir du système. N'a-t-il pas fallu une action de la Caisse nationale d'assurance vieillesse - et quelle action - pour rappeler au Gouvernement ses devoirs vis-à-vis des régimes de retraite des travailleurs salariés du privé, dont vous vous faites si souvent les défenseurs ? Ce sont en effet plus de 2 milliards d'euros que vous vous apprêtiez à subtiliser, en commençant évidemment par EDF...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. ...avant de procéder de même avec d'autres régimes, notamment celui de La Poste. Vous aviez ainsi l'intention de dérober des sommes absolument considérables, bien plus importantes que celles correspondant à telle ou telle avancée.

Parallèlement, vous n'hésitez pas à remettre en cause les pensions de réversion des veuves et des veufs. Mais vous prétendez, à ce sujet, que nous aurions mal compris un décret.

M. Gérard Bapt. Ce n'est pas nous qui avons mal compris ! C'est la majorité !

M. Jean-Marie Le Guen. En fait, les choses sont maintenant claires. Vous pouvez effectivement, comme M. Douste-Blazy, demander que se réunissent des commissions...

M. Gérard Bapt. Des commissions Théodule !

M. Jean-Marie Le Guen. ...et que l'on saisisse un jour l'inspection générale des affaires sociales, le lendemain le COR, mais la réalité est simple : le décret qu'avait proposé M. Douste-Blazy était la transposition pure et simple de la loi Fillon, que vous avez votée. À l'époque, lorsque nous appelions l'attention sur l'injustice profonde de ces prétendues réformes, nous n'étions pas entendus, mais, lorsque vous êtes amenés à mettre en œuvre les textes que vous avez votés, vous vous trouvez confrontés à un refus très fort de nos concitoyens.

Pour en revenir à l'assurance maladie, je commencerai par dire que nous avons connu, ces dernières années, des augmentations du prix du tabac assumées la main sur le cœur par le ministre de la santé, expliquant qu'il ne faisait tout cela que pour la santé publique et la sécurité sociale. On réalise en fait que, pour l'essentiel, les ressources afférentes à l'alcool et au tabac - je ne parle que des ressources exceptionnelles et des droits assis sur ces produits, pas même de la TVA - sont aujourd'hui conservées dans le budget de l'État, privant d'autant les régimes sociaux, et singulièrement celui de l'assurance maladie, des ressources qui leur permettraient de subvenir à leurs besoins.


Dans le même temps, ce gouvernement, qui se prononce contre la hausse des prélèvements sociaux, organise au 1er janvier prochain l'augmentation de la CSG sur les salaires et sur les retraites.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est pour payer les 35 heures !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pour couvrir vos déficits !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce ne sont donc pas les déficits qui vont diminuer, ce sont les prélèvements qui vont augmenter et la dette qui va continuer à croître.

M. Michel Piron. Voilà des propos pleins de nuances !

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne parlerai pas plus longtemps du volet dépenses, puisque nous savons ce que pensent les services du ministère de l'économie et des finances des prétendues prévisions de dépenses du ministère de la santé et de la protection sociale. Nous savons d'ores et déjà que les chiffres avancés par le ministre ne seront pas respectés et que le déficit de l'assurance maladie connaîtra, comme ce fut le cas régulièrement depuis trois ans, des dérapages extravagants, parce que les dépenses ne sont pas contrôlées, parce que, d'ailleurs, vous ne vous mettez pas en situation de les contrôler, parce que vous acceptez qu'elles dérapent. Pour vous, ce n'est pas un problème : tant que cette dette ne vient pas couler la situation économique conjoncturelle de notre pays, tout ce qui peut alourdir le fardeau qui pèse sur les régimes sociaux est une bonne chose pour votre politique de démantèlement des acquis sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Les enjeux européens ne sont guère présents dans ce débat, sinon en filigrane. Pourtant, ils inspirent dans une large mesure les orientations de votre budget, monsieur le secrétaire d'État.

C'est vrai, d'abord, dans les choix fondamentaux que vous avez faits. Vous engagez une politique de réduction des déficits qui doit nous amener, à la fin de l'an prochain, au niveau des 3 % du PIB, ce qui était indispensable, ainsi qu'une politique volontaire de désendettement, qui aurait dû être lancée beaucoup plus tôt, lorsque les circonstances y étaient beaucoup plus favorables. Cette politique de désendettement contribue aussi au rétablissement de la confiance et nous préserve, dans les prochaines années, d'évolutions dangereuses des taux d'intérêt.

Cet effort a aussi pour conséquence de nous redonner une crédibilité plus forte vis-à-vis de nos partenaires, au moment où s'engage de nouveau le débat sur le pacte de stabilité. Le ministre de l'économie, Nicolas Sarkozy, avait affirmé, il y a quelques mois, la nécessité d'un gouvernement économique de l'Europe. Les propositions qui ont été présentées par la Commission, le 3 septembre dernier, vont dans ce sens. Elles prévoient notamment une plus grande prise en compte de l'endettement public dans l'évaluation de la situation des différents États, ainsi que des spécificités nationales et la nécessité, dans certains cas, de procéder plus rapidement aux ajustements nécessaires.

Je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'État, comment vous comptez profiter de la position plus forte que la France s'acquiert grâce à son effort de réduction des déficits et grâce à son désendettement, pour aborder, dans les prochains mois, ce débat sur le pacte de stabilité à l'échelle européenne.

Il est un autre point que je trouve particulièrement important, c'est le renforcement de notre attractivité et de notre compétitivité. On nous reproche d'évoquer au cours de ce débat la question de l'imposition du capital. Traditionnellement, on considérait dans notre pays qu'il fallait effectuer un choix entre l'imposition au moment des successions et l'imposition sur le capital. Vous prenez des mesures très volontaires en matière d'imposition des successions ; elles vont dans le sens d'une meilleure répartition du capital entre les générations et d'une relance de la consommation. Il nous paraît nécessaire aussi d'apporter un minimum de modifications à l'impôt sur la fortune : revalorisation du barème et plafonnement.

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, que, dans la situation où nous nous trouvons vis-à-vis de nos partenaires, et dans la mesure où nous privilégions aujourd'hui la réduction des droits sur les successions, le moment est venu d'engager une véritable réflexion sur l'imposition du capital, pour remplacer un impôt au fondement largement idéologique par une imposition modernisée qui privilégierait les investissements productifs au détriment de ceux qui le sont moins. Nous savons bien que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Sur un autre point très important, vous apportez des mesures novatrices, même si elles n'ont pas, pour le moment, une ampleur considérable, ce sont toutes les mesures relatives aux crédits d'impôt visant à favoriser le retour des entreprises délocalisées et la prospection commerciale sur les marchés extérieurs, ainsi que les dispositions d'allégements fiscaux pour les entreprises qui engagent des dépenses de recherche ou de développement sur les pôles de compétitivité.

Je rejoins à ce propos M. Carayon : en ce domaine, il est bien de prévoir des dispositions fiscales d'accompagnement. Mais il est nécessaire d'aller au-delà et d'affirmer une politique beaucoup plus volontariste qui mériterait une concertation avec nos partenaires, qu'il s'agisse de la réglementation sur les concentrations d'entreprises dont tout le monde souligne l'inadaptation à l'échelle communautaire, de la définition d'une véritable stratégie industrielle, et ce particulièrement dans certains grands secteurs industriels qui sont les moteurs de l'activité tant en France que dans les autres pays d'Europe mais qui sont menacés, qu'il s'agisse encore de la définition d'une politique de recherche plus ambitieuse ou, enfin, des relations avec les nouveaux pays de l'Est. Nous devons, certes, fixer des règles pour éviter certaines dérives que le ministre de l'économie a, à juste titre, dénoncées, mais nous devons affirmer fortement l'impératif de solidarité.

Monsieur le secrétaire d'État, le moment n'est-il pas venu pour la France, de faire à ses partenaires, sur tous ces problèmes, des propositions beaucoup plus ambitieuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Gérard Bapt. Voilà le chantre de l'ultralibéralisme !

M. Jean-Michel Fourgous. Il est étrange que lorsqu'on essaie, dans cet hémicycle, de présenter quelques faits économiques simples, compréhensibles par un enfant de douze ans, on s'entende taxer de libéralisme. Mais c'est là une spécificité de la culture politique française à laquelle nous sommes habitués !

Je voudrais contribuer au devoir de mémoire dont a parlé Louis Giscard d'Estaing et vous rappeler un chiffre, 64 % du PIB, - c'est le niveau de la dette - indispensable postulat pour comprendre le présent budget.

Indiscutablement, nos collègues de l'opposition actuelle ont apporté, depuis près de deux décennies, le chômage et les déficits !

M. Gérard Bapt. Incroyable !

M. Jean-Michel Fourgous. Nous, nous apportons la croissance, et nous devons continuer à le faire, sans complexe.

Ce sont les entreprises qui créent les emplois. Pour comprendre cela, il faut sortir des vieilles idéologies et développer une culture de la croissance en France.

Je rappelle que ce budget se fonde sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, malgré les freins des 35 heures, ce qui constitue une prouesse.

Le budget que nous propose le Gouvernement va dans le bon sens ; il tient l'équilibre entre croissance, emploi et réduction de la dette. Nous ne pouvons qu'adhérer à ce volontarisme pour la croissance ! Car la croissance est un état d'esprit où se conjuguent le capital et le travail. Je le dis à la gauche française « travaillophobe» et « capitalophobe» ! Je précise que « phobe » renvoie à une peur irrationnelle ou phobie.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne sommes pas complètement stupides ! Nous comprenons parfaitement, même si le raisonnement est filandreux !

M. Jean-Michel Fourgous. Elle résulte d'un rapport de confiance, pas de défiance. Sortons de la vieille lutte des classes que nous ressert depuis près de 150 ans la vieille gauche française, qui n'a rien trouvé d'autre depuis Karl Marx !

M. Gérard Bapt. Vous non plus, d'ailleurs, à l'inverse !

M. Jean-Michel Fourgous. Cette lutte des classes, toujours au hit-parade du parti socialiste français !

Pour reprendre les mots de Hervé Mariton, « l'objectif essentiel, c'est la croissance, car sans la croissance, on ne peut rien ». Il faut tout faire pour la soutenir afin de lutter contre le chômage.

L'entreprise, le capital et le travail ne sont pas les ennemis de la France ! Notre ennemi, c'est le chômage.

Le vrai piège politique, - je le dis au Gouvernement et même au-delà - ce n'est pas l'ISF, c'est le chômage, et nous devons en avoir conscience dans la perspective des élections de 2007. Mais on ne combattra pas le chômage à coups de symboles !

M. Gérard Bapt. Ni à coups de cymbales !

M. Jean-Michel Fourgous. La majorité d'aujourd'hui - et celle de demain - sera jugée par les Français sur sa capacité à baisser le chômage. Or en France, le chômage est structurel, voire culturel. Il faut donc tout faire pour permettre à nos entreprises de créer des emplois.

Pourtant, l'ISF, impôt symbole des idéologies de la fin du XXè siècle à l'agonie, reste un tabou. Sortons la droite de sa culture de la culpabilité !

Et arrêtons de parler de « morale » ! Les solutions alternatives de M. Sandrier sont mortes le 9 novembre 1989, avec la chute du mur de Berlin !

Mettons l'ISF au service de l'emploi. Ce projet de budget propose, certes, des évolutions positives à cet égard. Allons encore plus loin. Nous proposerons un amendement en ce sens pour soutenir l'investissement dans les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance, dont le capital se situe entre 100 000 et 1 million d'euros. Ces entreprises sont délaissées par le capital-risque et même par les FCPI. Elles ont pourtant un besoin essentiel de capitaux et sont créatrices d'emplois. Ce sont 100 000 emplois qui sont concernés par cet amendement !

La mise à jour du barème de l'ISF n'est pas une réforme, c'est une simple mise à jour normale. C'est le moins que l'on puisse faire. Il ne s'agit en aucun cas de la réforme qui pourrait servir l'emploi, comme nous le proposons. Elle n'en déclenche pas moins de nombreux commentaires !

Ce n'est pas un cadeau aux riches, comme le répètent nos collègues socialistes, c'est un emploi pour chacun ! De même que les emplois familiaux, avant d'être un cadeau pour les châteaux, sont des emplois pour des gens qui ont besoin de travailler.

M. Gérard Bapt. Ce n'est pas du social, c'est de la charité !

M. Jean-Michel Fourgous. Vous parlez beaucoup de « social », mais qu'y mettez-vous ? Les Français ne vous croient plus. Vous feriez mieux de les écouter !

La France est le seul pays d'Europe à avoir conservé un impôt aussi archaïque et contre-productif. « Inique » dirait M. Descamps ; attentatoire à l'intelligence française, dirai-je, pour ma part.


Il faut donc avoir le courage de dire la vérité sur ce qui est bon pour le pays. Et ce qui est bon pour le pays, c'est la croissance. S'il faut supprimer l'ISF, eh bien, supprimons-la ! Pour ma part, je pense à la croissance et à l'emploi, non aux jeux manipulatoires sur les connaissances économiques des gens les plus fragiles.

Votre projet de budget propose un certain nombre de mesures visant à réhabiliter le travail : je pense à celles relatives aux emplois familiaux et au formidable vivier des emplois de services à la personne.

Ces dernières années, en France, le travail a été malmené par la gauche...

M. Gérard Bapt. Oubliez-la un peu !

M. Jean-Michel Fourgous. ...et l'offensive des 35 heures. C'est la mesure qui aura coûté le plus en emplois et en impôts. D'ailleurs, messieurs, vous devrez rendre des comptes au pays, et nous avons encore le temps, d'ici à 2007, d'en étudier le coût social et fiscal exact. Et n'ayez aucun doute sur les conclusions de cette comptabilité que nous rendrons juste avant 2007, vous n'aurez pas affaire à des ingrats ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Vous nous faites trembler !

M. Jean-Michel Fourgous. Je ne fais pas partie de ceux qui ont oublié ce grand moment ! Les Français ont le droit de savoir. Vous êtes seuls au monde à avoir testé cette initiative. Nous ferons donc une opération vérité.

Les 35 heures sont sans doute avec les nationalisations de 1981 les deux mesures les plus destructrices d'emplois et les plus coûteuses.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Le travail est une valeur chère aux Français, n'en déplaise à nos collègues socialistes !

M. Gérard Bapt. Si nous n'étions pas là, vous n'existeriez pas !

M. Jean-Michel Fourgous. Le social, c'est l'emploi, et l'emploi, c'est la croissance.

Enfin, s'agissant de la dépense publique, il y a sans doute une petite marge de perfectibilité.

M. Gérard Bapt. Enfin des propositions !

M. Jean-Michel Fourgous. Nous vous suggérons, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment d'examiner quelques-unes de nos propositions d'innovation s'agissant des méthodes d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques. Leur mise en œuvre serait d'intérêt général.

À ces exceptions près, globalement, vous nous présentez un bon budget dans le contexte difficile que nos grands amis socialistes nous ont laissé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Nous y voilà !

M. Jean-Michel Fourgous. Je vous en félicite, monsieur le secrétaire d'État, et vous assure de notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Continuez à soutenir le Gouvernement comme ça, vous nous aidez !

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de budget a le grand mérite de profiter d'un taux d'activité favorable pour réduire le déficit budgétaire et la dette de la France sans casser la croissance.

Bien que préparé par les réformes du régime des retraites et de la sécurité sociale qui alimentaient continuellement le déficit des comptes publics, cet exercice n'est pas facile lorsqu'on s'interdit d'accroître la pression fiscale sur les entreprises pour ne pas prendre le risque de porter atteinte à leur compétitivité et qu'on se prive aussi de le faire sur les ménages de peur de réduire leur pouvoir d'achat et de freiner la consommation.

Qui plus est, vous ne disposez pas de la marge de manœuvre qu'avaient procuré à la dernière majorité socialiste un taux d'expansion élevé pendant plusieurs années et une conjoncture boursière favorable à la vente des actifs de l'État détenus dans les sociétés de capitaux qu'elle n'a jamais contrôlées, comme en témoigne la situation désastreuse du Crédit Lyonnais.

En dépit de ces obstacles et de ces contraintes, ce que vous faites est bien fait.

M. Pierre Lellouche. Absolument !

M. François Guillaume. Les choix sont clairs. Les mesures proposées ont l'avantage de la simplicité : elles ne s'encombrent pas de ces multiples paramètres qui les rendent si souvent imperméables à la compréhension des citoyens et parfois même si difficiles d'accès pour les demandeurs désorientés par la complexité des démarches et le caractère abscons des formulaires à remplir pour faire valoir leurs droits.

Non seulement vos mesures sont simples, mais elles sont justes puisqu'elles privilégient le travail, notamment celui des salariés les plus modestes grâce au relèvement programmé du SMIC et de la prime pour l'emploi.

En résumé, j'apprécie la rigueur de votre gestion et l'attention que vous portez au soutien de notre économie qui, néanmoins, reste fragile.

Peut-on faire mieux sans perturber ce délicat équilibre et sans porter atteinte à la justice sociale ? Le ministre des finances et vous-même le pouvez. Vous avez l'autorité que confèrent la bonne appréhension des problèmes et la capacité de faire passer les messages.

Dans le délai très court qui m'est imparti, permettez-moi de vous faire quelques suggestions pour qu'au moins celles-ci soient étudiées si toutefois leur mise en œuvre ne pouvait intervenir dès maintenant.

L'endettement de la France est dramatique. Chacun le sait ou le sent. Or, depuis Édouard Balladur en 1986, vous êtes, avec le ministre des finances, les premiers à mettre le doigt sur la plaie, car c'en est une : 1 000 milliards d'euros de dette publique, c'est considérable. Nous sommes au-delà du plafond de Maastricht. Ces 1 000 milliards génèrent 40 milliards d'intérêts à payer chaque année. Avec la charge de remboursement, c'est le second poste de dépense de la nation. Cette charge incontournable vous prive de toute marge de manœuvre. Depuis des années, je m'insurge de la nonchalance française à réduire l'endettement du pays, alors qu'il est une épée de Damoclès sur le mieux-être des générations à venir. Au cours des années 1997 à 2001, le gouvernement socialiste aurait pu profiter de la flambée boursière pour désendetter l'État en vendant ses actifs. Il a renoncé à le faire massivement sous la pression des plus doctrinaires de sa majorité.

Aujourd'hui, les opportunités sont nettement moins favorables. Le CAC 40 n'est plus qu'aux deux tiers de son plus haut niveau de l'année 2000. Néanmoins, il faut accélérer les dénationalisations en choisissant évidemment de vendre les actifs les moins dévalorisés.

Au-delà, fidèle à mes propositions antérieures, je préconise, entre autres, la privatisation de France Télévisions dont la vente ne serait pas affectée par la morosité boursière actuelle. Cette opération aurait aussi l'avantage de supprimer la redevance ainsi que les contestations soulevées par ses exonérations et de confronter les acteurs de France Télévisions à la vérité du marché.

La dette que nous déplorons se nourrit chaque année des déficits budgétaires depuis plus de vingt ans. Le début de l'accélération de son accumulation n'est dû ni au hasard ni à une succession fâcheuse de mauvaises conjonctures, mais aux pratiques laxistes des gouvernements de gauche dont ceux de droite, intercalés, n'ont pu atténuer les désastreuses conséquences.

Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes sur la voie du retour à l'équilibre budgétaire. Puisque vous vous êtes interdit fort justement tout accroissement de la pression fiscale, il ne vous reste qu'à réduire le train de vie de l'État. Supprimer 7 000 postes nets dans la fonction publique, c'est trop peu. Si la France est suradministrée, elle n'est pas pour autant bien administrée. Reconnaissons-le, la complexité de la vie que génère notre système de gestion de l'État et des collectivités territoriales et locales agace nos concitoyens, les déroute et pénalise les moins instruits et les plus déshérités d'entre eux - ce sont d'ailleurs souvent les mêmes.

Au siècle du tout informatique, a-t-on encore besoin de tant de personnel dans les administrations ? Certes, nous avons de bons fonctionnaires et il en faut, mais, pas plus que le secteur privé, le secteur public ne peut se dispenser d'un effort de productivité dans son travail.

Il faut le dire, on ne réduira pas l'importance numérique de la fonction publique si, d'une part, on ne développe pas en son sein une culture d'économie de moyens - je pense, par exemple, à l'éducation nationale, adepte du « toujours plus » - et si, d'autre part, on ne simplifie pas la législation et la réglementation françaises qui s'enrichissent encore de la transcription des textes européens en droit national.

Mes chers collègues, au même titre que les gouvernements successifs, nous sommes tous responsables de cette inflation législative qui limite, souvent sans justification réelle, les libertés du citoyen et qui pénalise le développement économique sans pour autant faire progresser la justice sociale. Tout le monde s'en indigne, mais personne ne fait rien. Qui apportera une réponse à cet appel ?

J'en viens à mon dernier point, l'emploi.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Guillaume.

M. François Guillaume. Après avoir salué votre soutien aux emplois familiaux, j'affirmerai qu'avant de prétendre créer des emplois, il faut déjà protéger ceux que nous avons. Or c'est un fait : le libre-échange généralisé, qui tolère tous les dumpings ou presque, favorise le départ de nos emplois vers des terres étrangères. Je suis Lorrain et je constate régulièrement le départ d'entreprises vers la Belgique, l'Allemagne ou le Luxembourg. J'observe la différence de rythme de remplissage des zones industrielles à cheval sur les frontières. Parmi les raisons de ces départs, il y a l'ISF. Je proposerai, dans un amendement, de substituer à l'assiette de l'ISF une disposition tendant à faire payer davantage les contribuables des tranches les plus élevées de l'impôt sur le revenu pour compenser la perte financière que cela pourrait représenter pour l'État.

On atteindrait ainsi tous les buts recherchés : la justice sociale serait préservée, la recette fiscale maintenue et l'imposition assise sur un revenu réel et non plus virtuel ; éliminé, le système d'exonération de certains biens, contesté et contestable, ne serait plus l'objet de polémiques partisanes ; enfin et surtout, la délocalisation des entreprises et l'évasion des capitaux ne s'alimenteraient plus du prétexte d'un impôt jugé confiscatoire.

Pour conclure, je dirai que ce budget volontariste a le double avantage de porter remède aux erreurs de la gestion passée et de tracer des perspectives réalistes de redressement budgétaire et de réduction de la dette publique. Les Français vous comprennent d'autant mieux, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre politique témoigne d'un vrai souci de justice sociale.

Aussi, soyez assuré de notre soutien sans faille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les députés, hier après-midi, M. le ministre d'État, lors de sa présentation du projet de loi de finances initiale pour 2005, nous a longuement exposé les conséquences de l'évolution des prix du pétrole à la source sur les consommateurs et les industriels.

Il nous a expliqué pourquoi - certes, après de fortes manifestations publiques - des mesures avaient été prises en faveur des agriculteurs, des bateliers, des marins pêcheurs et demain peut-être en faveur d'autres catégories. Il nous a également expliqué que le surplus de recettes fiscales de l'État serait pris en compte et éventuellement redistribué aux automobilistes peut-être, aux consommateurs en général, aux familles en particulier.

J'ai interpellé à plusieurs reprises le ministre d'État, qui est sans doute sourd de l'oreille gauche (Sourires.), pour l'interroger sur la situation des locataires.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous questionner sur la situation de 3 millions de personnes qui résident dans le logement locatif social géré par des organismes ayant des missions de service public, mais aussi dans le logement social bénéficiant de conventions. On a remarqué, au cours de ces dernières années, une baisse de l'APL, c'est-à-dire une augmentation du différentiel entre les charges et les ressources provenant de la solidarité nationale. Je vous l'accorde, cette situation dure depuis plusieurs années. Mais il y a un vaste débat sur les charges. Ces locataires supportent des prix plus élevés pour les produits liés au chauffage, qui augmentent constamment, que ce soit le gaz, les produits dérivés du pétrole ou l'électricité. Or s'ils sont salariés - et, quoi qu'on en dise sur certains bancs, cela arrive souvent - et, par exemple, frontaliers et amenés à faire plusieurs kilomètres pour se rendre sur leur lieu de travail, ils supportent aussi des frais de déplacement plus élevés.


Qu'allez-vous faire pour ces ménages ? Qu'allez-vous faire pour empêcher que la paupérisation qui gagne certaines couches de la population n'aille en s'aggravant ? Je ne voudrais pas faire de misérabilisme, monsieur le secrétaire d'État, mais il faut prendre des mesures.

On pourra toujours me dire que le « parcours résidentiel » va continuer, favorisant l'accès à la propriété. En effet, contrairement à ce qui a été un temps annoncé, le prêt à taux zéro ne sera pas supprimé. J'avais été personnellement très attentif - d'autant plus que j'entretiens de très bonnes relations avec Pierre-André Périssol - à la mise en place de ce nouveau produit en remplacement du PAP. Les ministres successifs ont mis à profit le PTZ pour animer une politique dynamique d'accession à la propriété, tout en limitant son périmètre d'intervention à une même enveloppe, même si le nombre de dossiers et les critères d'éligibilité étaient toujours susceptibles d'évoluer.

Mais, même si ce dispositif est maintenu, il va changer de forme, et nous nous inquiétons de voir ce que cela va donner sur le terrain.

Si l'on nous disait simplement qu'il faut débudgétiser un certain nombre de dépenses pour se conformer plus vite aux critères européens, nous pourrions l'entendre, car cela s'est déjà pratiqué à d'autres époques, y compris par des gouvernements de gauche.

Qu'on élargisse l'utilisation du PTZ à l'ancien ne peut être qu'une bonne nouvelle, mais j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur les conséquences d'une réduction de l'activité du bâtiment, en particulier dans le cas où l'effet du PTZ se conjuguerait avec l'assèchement des crédits proposés au bénéfice du logement locatif social. J'exprime ici les craintes de tous ceux qui se soucient de répondre aux besoins des individus, jeunes ou vieux, et des familles en attente d'un logement digne de ce nom.

Le problème du chauffage m'amène par ailleurs à rappeler les besoins d'intervention dans le logement ancien, ne serait-ce qu'en matière d'isolation. Il faut en effet éviter d'ajouter au coût normal de l'énergie celui des pertes liées à l'usure de l'habitat. À cet égard, je constate que les crédits PALULOS ne bénéficient plus d'une attention soutenue de la part du Gouvernement, et je m'inquiète de leur amoindrissement.

L'autre sujet sur lequel je souhaite intervenir est lié à ma position d'élu frontalier. Le Gouvernement a pris des mesures - et ce faisant, il a bénéficié d'un soutien provenant de tous les bancs de cette assemblée - pour lutter contre le tabagisme, facteur de maladies graves et qui coûte très cher à notre système de santé. La santé publique justifie certainement l'augmentation des prix du tabac, mais celle-ci a des conséquences dramatiques pour les débitants. Lorsque l'on habite près d'une frontière, il suffit, en effet, pour y échapper, de prendre son véhicule et, en allant faire le plein - quitte à ramener des jerricans remplis - d'acheter des cartouches de cigarettes. Non seulement on dépense beaucoup moins pour sa propre consommation, mais on peut en revendre une partie à ses amis. Je précise que n'étant plus fumeur, je ne fais pas partie des personnes concernées. (Sourires.)

M. Franck Gilard. C'est encourageant !

M. Jean-Louis Dumont. Lorsqu'on a décidé de fermer nombre des stations services qui étaient disséminées dans nos campagnes, une prime au départ a été accordée. Dans la mesure où ils ne pouvaient pas revendre leur fonds, on aidait ces indépendants afin qu'ils puissent mettre un terme à leur vie de travailleur dans la dignité. De même, lorsqu'un agriculteur quitte la production laitière, il reçoit une aide, comme c'est le cas dans de très nombreuses activités. Pourquoi avoir tant attendu pour commencer à écouter les débitants de tabac qui, bien qu'ils n'aient pas démérité, se retrouvent brutalement stigmatisés ? Prenez, monsieur le secrétaire d'État, les mesures nécessaires pour les aider à passer ce cap difficile, en accompagnant la chute de leur chiffre d'affaires et en faisant respecter certains ratios. J'ai entendu le ministre d'État faire des déclarations en ce sens, mais il y a urgence. Aider les débitants qui veulent partir à la retraite, regrouper un certain nombre de fonds, favoriser la reconversion, tout cela ne coûterait pas bien cher.

Je rappelle au passage qu'ils sont prescripteurs d'opinion, et qu'ils peuvent exercer une influence sur leurs clients. Or, dans certaines régions, la consommation de tabac n'a pas diminué, loin s'en faut, mais ces commerçants, qui effectuaient pour le compte de l'État un service commercial, sont les premiers, voire les seuls, à payer directement.

Comme il a beaucoup été question ici de la dette de la France, je voudrais parler d'une dette d'une autre nature : une dette d'honneur. Vendredi soir, le président du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, était à Reims. Mme la ministre de la défense avait fait venir la musique de la garde républicaine, M. Dutreil et Mme Vautrin étaient présents, de même qu'un représentant de M. le secrétaire d'État aux anciens combattants. Tous ont entendu l'appel du président Wade en faveur des « tirailleurs sénégalais », terme générique qui regroupe tous ces enfants des anciennes colonies qui sont venus délivrer le pays et ont cru que la République leur serait reconnaissante.

D'aucuns se souviennent que je fus, assez longtemps, le rapporteur du budget des anciens combattants.

M. Gérard Bapt. Absolument !

M. Augustin Bonrepaux. Ça se voit !

M. Philippe Auberger. Ça laisse des traces !

M. Jean-Louis Dumont. Je sais donc ce que ce geste aurait coûté il y a une vingtaine d'années, mais aujourd'hui, l'heure est venue de répondre à cet appel. Sinon, des pays amis, qui ont tant donné pour la France, risquent de nous tourner le dos.

M. le président. Monsieur Dumont, il est temps de conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Je ne peux avoir épuisé mon temps de parole, monsieur le président.

M. le président. Vous êtes très prolixe.

M. Jean-Louis Dumont. Au chapitre de la solidarité manifestée par la France, je voudrais, pour finir, dire un mot de l'aide au développement. Comme chaque année, au mois de juillet, le PNUD a publié son rapport. Je mets en garde le Gouvernement et la majorité contre les conséquences de la diminution des crédits en ce domaine. Il ne faudra pas pleurer, demain, parce qu'à Genève, on s'apercevra que la France a renoncé à donner, oubliant le rôle qu'elle a joué à une époque. La France n'agit plus en faveur de l'humanité et du développement humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Fourgous. Réglons d'abord le problème du déficit et de la dette publique !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit résolument dans un refus de la fatalité. Les Français se demandent parfois si nous servons encore à quelque chose, tant on leur a répété que nous étions impuissants face aux problèmes qui se posent à eux : le chômage, l'insécurité, la pauvreté, la précarité, l'exclusion...

En vérité, dans le domaine économique, comme dans bien d'autres domaines, il ne saurait y avoir de fatalité si les problèmes que rencontrent les Français sont abordés avec la volonté, la détermination et l'enthousiasme nécessaire à leur résolution. Il n'y a pas plus de fatalité au chômage qu'il n'y a de fatalité aux délocalisations, à une croissance apathique ou aux déficits publics.

Le premier mérite de ce projet de loi de finances est justement de lutter résolument contre les déficits publics qui, depuis trop longtemps, étouffent la France. Beaucoup d'orateurs l'ont déjà rappelé : l'endettement de notre pays s'élève à 1 000 milliards d'euros. Si rien n'était fait, cette situation, dans un espace économique mondialisé, condamnerait notre pays à des prélèvements obligatoires de plus en plus élevés et à une compétitivité amoindrie. Rappelons à ceux qui, par laxisme ou par lâcheté, n'ont pas voulu lutter contre les déficits de l'État, que le seul remboursement des intérêts de la dette publique constitue, avec près de 40 milliards d'euros, le deuxième poste budgétaire de l'État.

En 2005, le budget verra son solde s'améliorer de plus de 10 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2004, ce qui restera dans notre histoire budgétaire comme la plus forte réduction du déficit réalisé d'une année sur l'autre. Pour la première fois depuis 2001, les déficits publics seront inférieurs à 3 % du PIB. Pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'État progresseront d'une façon rigoureusement égale à l'inflation prévisionnelle de 1,8 %. Au total, une marge de 17 milliards d'euros a été dégagée, permettant de consacrer 10 milliards à la réduction du déficit, 5 milliards aux priorités du Gouvernement et 2 milliards à des mesures fiscales pour la croissance et l'emploi.

Le deuxième mérite de ce budget est d'établir les conditions d'une croissance durable et soutenue : en dotant notre pays d'une première série de mesures pour lutter contre les délocalisations ; en faisant de la recherche une priorité pour la croissance ; en encourageant les Français à créer des emplois avec, par exemple, les mesures en faveur de l'apprentissage ; enfin en améliorant notre compétitivité par l'allégement des charges pesant sur nos entreprises et nos emplois. Pour mémoire, les allégements de charges se sont élevés à 16,2 milliards d'euros en 2003, 17,1 milliards d'euros en 2004 et plus de 17 milliards en 2005.

En matière fiscale, le débat sur l'ISF s'est enfin ouvert, ce dont je me réjouis, pour avoir depuis longtemps défendu de nombreux amendements sur le sujet. Je voudrais simplement rappeler ici qu'au sein de l'Union européenne, seuls l'Espagne, la Finlande, le Luxembourg, la Suède et la France perçoivent encore chaque année un impôt national sur la fortune. Le Danemark et l'Allemagne ont supprimé cet impôt respectivement en 1996 et 1997. Il en a été de même aux Pays-Bas en 2001. Dans un contexte fiscal européen de plus en plus compétitif, la France se distingue par une situation à la fois originale et pénalisante : non seulement elle n'a pas supprimé cet impôt, mais elle l'a alourdi au cours des dernières années en ne procédant pas à une actualisation du barème.

Combinée à la suppression du déplafonnement, cette actualisation nous ramènerait à la situation en cours à l'époque de Pierre Bérégovoy, ce qui me paraît un minimum. Je crois pourtant que la réforme de l'ISF reste à faire. Il convient d'adresser un signal aux Français percevant des revenus moyens, mais habitant en milieu urbain, notamment en Île-de-France. Ils doivent être en mesure de conserver leur logement, et ne pas se voir reprocher un « crime fiscal », celui de posséder un toit.


Ainsi, un couple de personnes âgées ne comprend pas qu'après s'être sacrifié pendant dix-huit ans pour payer sa résidence principale à Nanterre en banlieue parisienne, il soit obligé de prendre sur ses économies pour s'acquitter de l'ISF. Pour ma part, j'ai déposé un amendement stipulant que la résidence principale n'est pas comprise dans la base d'imposition de l'impôt de solidarité sur la fortune du propriétaire. Ça me paraît être une mesure basique.

Le troisième mérite de ce budget, contrairement à la caricature outrancière qui en a été faite par l'opposition, c'est d'être un budget pour tous. Je rappellerai à la gauche que les allégements de charges permettront au 1er juillet 2005 de revaloriser le SMIC de 3,7 % de plus que l'inflation, c'est-à-dire de 5,5 % en prévisionnel, que la prime pour l'emploi verra son barème revalorisé de 4 % au bénéfice de 8,2 millions de Français parmi les plus modestes,...

M. Gérard Bapt. Misère !

M. Pierre Lellouche. ...et qu'un effort particulier sera consacré au logement social et à la rénovation urbaine : 90 000 nouveaux logements sociaux devraient voir le jour en 2005, un niveau de construction qu'on n'avait pas vu depuis les années 80.

M. Gérard Bapt. On verra !

M. Pierre Lellouche. Les familles ne sont pas oubliées avec, notamment, le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile.

Quant aux modalités d'imposition des personnes liées par un pacte civil de solidarité, elles seront désormais alignées sur celles applicables aux contribuables mariés.

M. Richard Mallié. Aïe !

M. Pierre Lellouche. Ainsi, les personnes souscrivant un PACS seront soumises, dès sa conclusion, à une imposition commune. De même, s'appliquera l'abattement de 20 % sur la résidence principale en cas de succession. Par souci d'équité, je crois nécessaire d'aller un peu plus loin. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement à l'article 7 du projet de loi de finances, qui propose d'aligner le montant de l'abattement applicable sur la part du partenaire lié au donateur ou au testateur par un PACS, actuellement fixé à 57 000 euros, sur celui applicable sur la part du conjoint survivant, actuellement fixé à 76 000 euros.

Enfin, pour permettre aux Français de transmettre le fruit de leur travail à leurs enfants, le projet de loi de finances prévoit un abattement de 100 000 euros sur l'actif net successoral. Il convient, là encore, pour éviter de procéder à une discrimination à l'encontre des personnes liées par un PACS, de permettre au partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité, et non seulement au conjoint survivant, de bénéficier du même abattement. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Pour l'ensemble de ces raisons, je pense que c'est un bon budget, dans une situation qui n'est pas simple. Je souhaiterais naturellement qu'on aille plus loin dans le contrôle de nos dépenses publiques. C'est la grande question de la réforme de l'État dans notre pays, mais je crois que nous allons dans la bonne direction, en dépit de difficultés structurelles que vous n'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le secrétaire d'État, je suis chargé de vous parler de fiscalité, et sans doute pas de manière agréable à vos oreilles...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'ai entendu tellement de bêtises ce soir ! Avec vous, je sais que ce ne sera pas le cas !

M. Michel Piron. Pourquoi M. Bapt débute-t-il son intervention de la sorte ?

M. Philippe Auberger. Parce qu'il n'a pas de talent !

M. Gérard Bapt. À considérer les mesures fiscales de votre projet de loi de finances pour 2005, on en viendrait presque à regretter les budgets des deux années passées !

Certes, vous persistez dans cette erreur funeste qui consiste à diminuer les impôts au profit des familles les plus aisées. Vous réduisez certaines recettes fiscales nonobstant la dégradation vertigineuse depuis deux ans des déficits publics, passés de 2,6 % du PIB en 2002, selon l'audit, incontesté à l'époque, de la Cour des comptes, à 3,6 % fin 2004, dont 3,2 % pour le seul budget de l'État. Ce chiffre montre bien que ne sont pas en cause les dérapages des comptes de l'assurance chômage ou de l'assurance maladie - ce n'est pas donc pas seulement la faute de M. Mattei et de M. Douste-Blazy. C'est bien le déficit de l'État qui est en cause, en dépit du regain de la croissance, qui s'annonce à 2,5 % cette année au lieu du taux annoncé de 1,7 %. Pour 2005, la réduction annoncée à 2,9 % du déficit public est optique. Sans la recette exceptionnelle issue de la soulte versée par EDF, il serait proche du déficit de cette année.

Mais les réductions d'impôts proposées, outre qu'elles constituent un contresens économique au regard de la réalité des comptes publics et de l'absence d'effet sur la consommation, comme l'avait d'ailleurs remarqué M. Francis Mer, sont particulièrement choquantes à l'heure du constat fait à l'occasion de la journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre.

À cet égard aussi, tous les indicateurs sont dans le rouge : le nombre de RMIstes, proche de 1,2 million, en augmentation de 10 % en un an, n'a jamais été aussi élevé ; en progression de 8,8 %, 195 000 personnes perçoivent l'API, l'allocation pour parent isolé, sous condition de ressources ; le chômage des jeunes est passé de 25 à 50 % en deux ans dans certains quartiers ; l'aggravation de la pauvreté se traduit par des difficultés qui deviennent insurmontables pour trop de familles ; le surendettement est en hausse de 22 % sur les quatre premiers mois de 2004 par rapport à la même période de 2003 ; le nombre des expulsions locatives et les demandes de logements sociaux grimpent en flèche, et les centres d'hébergement sont saturés.

Vous allez me dire, monsieur le secrétaire d'État, que ce sont des bêtises, des bêtises socialistes,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je ne me permettrais pas !

M. Guy Geoffroy. « Des bêtises socialistes », c'est une tautologie !

M. Gérard Bapt. Mais si, monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez déjà dit, avant même que je ne commence à parler.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je parlais des autres, pas de vous !

M. Gérard Bapt. En tout cas, il y a aussi un aspect psychologique.

M. Yves Jego. Psychiatrique, chez vous !

M. Gérard Bapt. Vous savez bien, vous qui êtes un homme averti, même si vous ne pouvez pas exprimer tous vos sentiments, surtout dans le poste que vous occupez, que la cohésion sociale fait aussi partie des conditions du succès économique.

Dans ce contexte, les cadeaux fiscaux faits aux familles les plus aisées apparaissent comme de la provocation, lorsque 885 millions d'euros de réduction d'impôts sont destinés à seulement quelques dizaines de milliers de familles. Par rapport aux années passées, ces cadeaux fiscaux sont réservés à un nombre encore plus restreint de familles.

Une mesure symbolise à elle seule l'injustice fiscale de votre gouvernement. Il s'agit de la hausse du plafond de prise en compte des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile. Cette nouvelle hausse, annoncée par le Premier ministre dans le cadre sans doute de sa course médiatique avec le ministre de l'économie...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est la course à l'emploi, c'est différent !

M. Gérard Bapt. Mais non, vous le savez très bien !

...pour savoir qui portera le plus la cocarde vis-à-vis de certaines couches sociales, porte ainsi à 118 % la hausse totale du plafond de cette mesure depuis l'arrivée aux affaires de M. Raffarin.

M. Yves Jego. C'est vous qui l'avez créée !

M. Gérard Bapt. Vous vous défendez souvent en arguant du fait que cette mesure avait été mise en place par un gouvernement socialiste avant 1993, mais, vu l'insistance avec laquelle vous relevez le plafond, on peut admettre que les changements quantitatifs ont parfois des effets qualitatifs.

M. Michel Piron. Tout à fait ! C'est du Hegel dans le texte !

M. Gérard Bapt. Dès que vous revenez au pouvoir, vous relevez de façon massive ce plafond. Initialement fixé à 3 811 euros, il a ainsi été relevé à 3 964 euros par la loi de finances de 1994 et à 13 720 euros dans le cadre du budget de 1995.

M. Yves Jego. Vous l'avez diminué ensuite !

M. Gérard Bapt. Nous avons pour notre part réduit de moitié, durant la précédente législature, le plafond que vous aviez augmenté, en 1994,...

M. Yves Jego. C'est pour cela que vous avez perdu les élections !

M. Gérard Bapt. ...à une époque où vous expliquiez aux députés qu'il s'agissait d'une façon de baisser le taux marginal de l'impôt sur le revenu en dessous de 50 %. Aujourd'hui, parce que vous avez réussi à faire baisser ce taux symbolique en dessous de 50 %, vous nous demandez, il est vrai, de penser non plus aux ménages les plus aisés, mais aux personnes qui retrouveraient un hypothétique emploi grâce à cette mesure.

Les chiffres et les analyses du Conseil des impôts en la matière sont pourtant incontestables. La mesure, qui ne profitait qu'à 70 000 familles, comme l'avait reconnu le rapporteur général en 2003, soit moins de 0,2 % des foyers fiscaux, voit son impact encore réduit à moins de 30 000 familles les plus aisées. Pour bénéficier de la mesure, il faut avoir engagé plus de 10 000 euros de dépenses, soit plus de 800 euros par mois, et payer initialement plus de 5 000 euros d'impôt sur le revenu. Il s'agit du seuil minimal pour que votre mesure commence à prendre effet. En deçà, rien ne change.

M. Yves Jego. De quoi vous plaignez-vous alors ?

M. Gérard Bapt. Rien ne change pour l'emploi, rien ne change pour la lutte contre le travail au noir. Et si je me plains, c'est parce que je pense surtout à l'effet économique et à l'effet psychologique qu'une telle mesure peut avoir sur nos concitoyens.

Grâce à cette mesure, l'État prend à sa charge, au bénéfice de quelques rares privilégiés concernés, quasiment la moitié du salaire de leur employé payé à temps complet au SMIC.

Comme l'a souligné le Conseil des impôts dans son rapport 2003, le dispositif bénéficie essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenus sont les plus élevées avec l'impossibilité, pour les foyers non imposables, de bénéficier de cet avantage. Le Conseil précisait déjà à l'époque que 70 % du coût de la réduction étaient concentrés sur les 10 % de foyers les plus riches, et votre mesure va aggraver ce phénomène. II proposait à cet égard la transformation du mécanisme en crédit d'impôt, ce qui aurait permis, en baissant à due concurrence le plafond de dépenses pris en compte, de faire profiter un million de ménages non imposables qui engagent des dépenses pour un emploi à domicile et qui auraient pu ainsi bénéficier d'une incitation fiscale. Ainsi aurait-on pu agir davantage pour l'emploi, et permettre surtout la déclaration d'un certain nombre d'heures de travail qui se font au noir.

Cette suggestion vous a malheureusement échappé, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez indiqué que le principe du crédit d'impôt ne pouvait pas être retenu en raison de son coût.

M. Yves Jego. On dépense trop d'un côté, pas assez de l'autre !

M. Gérard Bapt. J'ai participé il y a environ trois semaines à un débat avec M. Mariton sur une chaîne de télévision. Il a déclaré qu'il était favorable à un crédit d'impôt et qu'il déposerait à cet égard un amendement ; nous l'attendons.

Il faut bien reconnaître que votre obstination en la matière rejoint celle que vous mettez à baisser l'impôt sur la fortune, auquel vous avez consacré vingt-six amendements sur un total de 240. Didier Migaud a excellemment montré comment les mesures concernant l'impôt sur la fortune ne profiteront elles aussi qu'à une très petite minorité de contribuables et combien elles vont aggraver l'injustice fiscale dans notre pays.

Je vois, monsieur le président, que les ampoules lumineuses qui indiquent que j'ai épuisé mon temps de parole clignotent...

M. le président. Votre temps de parole est en effet écoulé.

M. Gérard Bapt. Cela clignote effectivement en termes d'atteinte à la cohésion sociale, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Guy Geoffroy. Il se raccroche aux branches !

M. Gérard Bapt. ...de progression de la précarité, de la pauvreté. Les indicateurs sont au rouge non seulement pour l'ensemble des comptes publics, mais aussi pour le nombre de chômeurs, de RMIstes, d'allocataires sociaux,...

M. Guy Geoffroy. La métaphore se déploie !

M. Gérard Bapt. ...et je passe sur la quasi-suppression des droits de succession au profit de moins de 20 % des ménages concernés.

Monsieur le secrétaire d'État, mon discours est-il archaïque ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Gérard Bapt. Est-il tautologique ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Gérard Bapt. Est-il aveuglé par la passion partisane...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Gérard Bapt. ...ou par le souhait de voir échouer votre politique, qu'il s'agisse de la fiscalité, du rétablissement des comptes de l'assurance maladie ou de l'assurance vieillesse ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Gérard Bapt. Peut-être continuerez-vous ce soir à le croire. Moi, je suis intimement persuadé, étant élu par mes concitoyens depuis quelques années déjà, que votre budget sera perçu comme un acte d'injustice sociale et fiscale, et qu'il faut essayer, c'est mon rôle dans l'opposition au sein du groupe socialiste, de le combattre et, si possible, d'en améliorer certains des aspects les plus nocifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Jego. Il faudrait changer de disque !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.


M. Victorin Lurel
.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de finances que nous examinons est un projet insincère.

M. Didier Migaud. Oui !

M. Victorin Lurel. Il est également injuste.

M. Didier Migaud. Oui !

M. Guy Geoffroy. C'est du grand Lurel !

M. Victorin Lurel. Non, c'est un discours très modeste.

C'est un projet de loi insincère en raison de cadrages budgétaires hasardeux et d'artifices de présentation.

Le cadrage budgétaire retenu ne pourra être tenu en raison de l'évolution préoccupante des comptes publics et des aléas pesant sur l'économie mondiale, et singulièrement sur le marché du pétrole.

La dégradation des comptes publics est en effet particulièrement préoccupante depuis votre arrivée au pouvoir. En dépit d'une conjoncture plus favorable que prévu, le déficit public reste encore de 3,6 % en 2004.

De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est construit sur une hypothèse de croissance de 2,5 %. Si vous affirmez que cette prévision correspond à votre volontarisme économique, nous pensons surtout qu'elle fait preuve d'un optimisme un peu forcé, pour ne pas dire forcené !

En effet, les évolutions de l'économie mondiale et du marché du pétrole sont préoccupantes. Pour ne prendre qu'un exemple, votre budget est construit sur l'hypothèse d'un prix du baril à 36,5 dollars en moyenne fin 2005, alors qu'il est actuellement bien au-dessus de 50 dollars.

Cette prévision est intenable : en termes de moyenne glissante, il faudrait que le prix descende environ à 25 dollars au cours du premier trimestre, ce qui n'est pas possible.

Si l'exemple du pétrole est le symbole de prévisions hasardeuses, la présentation de certaines dépenses est quant à elle purement artificielle.

Le meilleur exemple est celui du budget de l'outre-mer. Alors que l'objectif que vous affichez est la « croissance zéro des dépenses publiques », la ministre de l'outre-mer n'hésite pas à présenter son budget en hausse de 52 %, soit un montant de 1,710 milliard d'euros - Dieu que nous en serions heureux dans l'outre-mer si cela pouvait être vrai !

Cette hausse ne s'explique que par l'intégration, dans le budget de l'outre-mer, de 678 millions d'euros de crédits du budget de l'emploi et des affaires sociales, au titre de la compensation des exonérations de charges sociales.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est logique.

M. Victorin Lurel. C'est tout sauf logique ! Pour effectuer une comparaison à périmètre constant, il convient donc de retrancher du budget, outre ces 678 millions d'euros de crédits, 31 millions d'euros de la dotation de continuité territoriale, imputés l'an passé sur le budget de l'aviation civile.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est logique.

M. Victorin Lurel. Ce n'est pas très logique, mais le Conseil constitutionnel l'a laissé passer.

Il faut également retrancher 8 millions d'euros pour le fonds de péréquation en Polynésie française, lequel a été créé par la loi du 27 février 2004.

Pour être totalement honnête, il convient aussi de prendre en compte le transfert de 37,7 millions du budget de l'outre-mer vers celui de l'intérieur sur les moyens affectés au fonctionnement des préfectures, ainsi que 2 millions vers celui du travail, de la santé et de la cohésion sociale.

Ainsi ce sont, par sommation algébrique, 677,7 millions qui sont à retrancher du budget de l'outre-mer. Le budget pour 2005 s'élève dès lors à 1,027 milliard d'euros contre 1,121 milliard en 2004, soit une baisse de 94 millions d'euros, c'est-à-dire de 8,3 %, pour une hausse affichée de 52 % !

Au-delà d'une hypothétique censure par le Conseil constitutionnel de cette insincérité budgétaire, les ultramarins ont, quant à eux, déjà jugé à plusieurs reprises, dans les urnes, cette politique de largage financier de l'outre-mer.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pas partout !

M. Victorin Lurel. Ne me parlez pas des sénatoriales. Nous avons tout même obtenu un apparenté socialiste en Guadeloupe et un autre en Martinique !

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Victorin Lurel. La gauche a progressé dans l'outre-mer aux sénatoriales. Et peut-être y aura-t-il une invalidation en Guadeloupe.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Peut-être deux !

M. Victorin Lurel. On a laissé des gens parfaitement inéligibles se présenter. Nous en reparlerons !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes en périphérie du budget. Revenons au rivage !

M. Victorin Lurel. Oui, l'outre-mer est loin, et on en sait quelque chose en Polynésie !

M. le président. Monsieur Lurel, veuillez penser à conclure.

M. Victorin Lurel. Mais, plus grave encore, l'insincérité de votre budget se double d'injustices dramatiques par la multiplication des privilèges fiscaux au détriment de la solidarité nationale.

La multiplication de niches et de cadeaux fiscaux, dont votre majorité se fait pourtant le grand pourfendeur quand il s'agit de stigmatiser une certaine « priviligentsia dansant sous les tropiques », atteint un niveau sans précédant dans ce projet.

Fidèle à une certaine conception et à une certaine pratique du pouvoir, vous saupoudrez de cadeaux votre clientèle électorale. M. Sarkozy ne vient-il pas de déclarer « Je fais la politique de mon électorat et pas celle de mes adversaires. » ?

Grâce à vous, les ménages les plus aisés verront leurs droits de succession baisser. Ils pourront employer du personnel à domicile sans grand débours, paieront moins d'ISF, et que sais-je encore ! Si je ne connais quasiment pas une seule famille qui profitera de ces cadeaux en Guadeloupe, j'en connais, hélas, beaucoup, qui en payeront les conséquences.

En effet, c'est un budget qui a été élaboré au détriment des besoins publics et de la solidarité.

M. Jean-Michel Fourgous. Et la hausse du SMIC !

M. Victorin Lurel. Le coût de cette politique clientéliste est payé par tous, au détriment de la solidarité nationale et des dépenses publiques.

La politique du « moins d'État » s'opère ainsi en défaveur des collectivités locales et des Français les plus modestes. La funeste loi de décentralisation des déficits entraînera incontestablement une augmentation importante de la fiscalité locale.

M. Guy Geoffroy. Non !

M. Victorin Lurel. Les élus locaux de votre majorité le reconnaissent eux-mêmes : Adrien Zeller a d'ores et déjà annoncé une hausse de la fiscalité à cause de cette loi. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Une hausse très modérée.

M. Victorin Lurel. De même, les coupes claires, rendues nécessaires par vos largesses fiscales, s'opèrent principalement dans les budgets qui préparent l'avenir comme ceux de l'éducation, de la recherche, de l'aménagement, de l'innovation et les budgets sociaux, pénalisant ainsi les plus fragiles.

La principale victime de la baisse du budget de l'outre-mer est ainsi le FEDOM, qui diminue de 124 millions d'euros, c'est-à-dire de près d'un tiers, alors qu'il sert à financer l'ensemble des contrats dits aidés.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Lurel.

M. Victorin Lurel. Je conclus, monsieur le président.

Le budget de l'outre-mer est ainsi devenu une simple variable d'ajustement ! Catastrophique pour la métropole, ce projet est calamiteux pour l'outre-mer. C'est une raison suffisante pour s'y opposer fermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Didier Migaud. À minuit et demie ! Quel manque de respect pour l'Assemblée !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, le respect eût été que M. Strauss-Kahn ne parte pas se coucher et que nous ayons pu l'écouter exposer sa motion.

M. Didier Migaud. Devant combien de députés UMP ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous verrons demain si la nuit lui a porté conseil.

M. Didier Migaud. Je compte quatorze députés UMP !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, si vous voulez bien que le débat démocratique se poursuive, je vous en saurai gré. Si, demain matin, M. Strauss-Kahn est réveillé, nous l'écouterons avec beaucoup de plaisir ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Perruchot est intervenu au nom du groupe UDF.

M. Didier Migaud. On s'en est aperçu !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite lui dire, ainsi qu'à l'ensemble du groupe UDF,

M. Didier Migaud. Où est le groupe UDF ?

M. Yves Jego. Avec le groupe communiste !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...que le Gouvernement partage son impatience.

M. Didier Migaud. M. Perruchot n'est pas là !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, soyez correct ! Nous sommes dans un débat budgétaire et non dans une foire d'empoigne !

Nous avons bien entendu le message de M. Perruchot sur la réduction du déficit - nous prenons d'ailleurs des mesures concrètes en ce sens - ainsi que son appel concernant le développement des biocarburants, qui a d'ailleurs été relayé par d'autres députés de la majorité. Nous essayons également de dissiper les incompréhensions sur les pensions de réversion et d'apporter des réponses concrètes aux préoccupations qu'il a exprimées.

M. Vaxès a évoqué, au nom du groupe communiste, un effort insuffisant de l'État en faveur des collectivités locales. S'il avait été présent je lui aurais dit qu'avec la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, les concours de l'État aux collectivités locales atteindront au contraire un niveau historique en 2005, en progression de 2,63 %, soit plus vite que les dépenses strictement indexées sur l'inflation. Il a également exprimé un souci particulier concernant une entreprise de sa circonscription : le Gouvernement travaille sur ce dossier.

M. Bouvard, qui était présent tout à l'heure au banc de la commission des finances, a évoqué le problème de la réduction des emplois publics. Il faut avoir le courage de le poser. On ne peut pas à la fois dénoncer les déficits récurrents de l'État depuis vingt-trois ans, sans s'attaquer à son principal poste de dépenses. Je rappelle qu'en ajoutant les charges de la dette et les dépenses de personnel, le total des dépenses rigides du budget de l'État atteint 56 %.

En vingt ans, les marges de manœuvre de l'État, c'est-à-dire les dépenses hors dette et hors fonction publique, ont diminué de 25 %.

M. Bouvard est également, comme M. Migaud, un spécialiste de la LOLF (A ce moment, M. Michel Bouvard entre dans l'hémicycle.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Voilà monsieur Bouvard !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...et il nous a interrogés sur le suivi des emplois dans les établissements publics.

M. Michel Bouvard. Tout à fait, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez été très attentif.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Dans le cadre de la LOLF, les documents budgétaires préciseront bien, pour chaque opérateur de l'État, le nombre d'emplois et le cas échéant ceux rémunérés par l'État. Ainsi, l'information du Parlement sera complète.

M. Éric Besson, au nom du groupe socialiste, a évoqué notre politique économique. Certes, ce n'est pas celle qu'il souhaite. Nous avons conduit les réformes qu'attendaient les Français,...

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas brillant !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ... et que les socialistes n'ont pas faites : celle des retraites, celle de l'assurance maladie ou celle de la décentralisation.

Nous avons refusé la facilité en assainissant nos comptes publics, en maîtrisant les dépenses publiques et nous répondons aux inquiétudes des Français en nous attaquant en particulier au problème des délocalisations.

M. de Courson,...

M. Didier Migaud. Où est-il ?

M. Jean-Louis Dumont. À la chasse !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ... avec le talent qui est le sien et sa connaissance des dossiers économiques et financiers, a insisté sur la gravité de la situation des finances publiques expliquant que le déficit devait être de 2,5 % et non de 3 % pour stabiliser la dette. Il a naturellement raison. C'est un objectif que nous retenons pour 2006 et il est, dans la programmation, annexé au projet de loi de finances.

En 2005, le ratio dette/PIB progresse encore, quoique moins qu'en 2004, mais je rappelle à M. Migaud que nous sommes partis d'un déficit de 4 %. C'est donc un objectif important.

M. Didier Migaud. L'audit avait dit 2,6 % !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pour ce qui est du prix du pétrole, qui a été évoqué par de nombreux orateurs, M. de Courson juge les hypothèses macroéconomiques plutôt optimistes. Il s'interroge sur notre prévision d'un cours du pétrole de 36,5 dollars en 2005.

M. Didier Migaud. Il n'est pas le seul !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Bien malin serait celui qui pourrait prédire aujourd'hui les cours du pétrole ou bien le taux de change euro/dollar.

M. Richard Mallié. Absolument !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons vu que les fluctuations pouvaient être rapides.

Vous m'avez interrogé à plusieurs reprises, avant l'été, monsieur Migaud, sur la TIPP flottante.

M. Didier Migaud. Les cours du pétrole n'ont pas baissé !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Rappelez-vous, parce que vous êtes un homme honnête,...

M. Didier Migaud. Merci !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...que nous avons évoqué cette question à un moment où les cours du pétrole étaient élevés. Quelques semaines après, ils avaient baissé de dix ou quinze dollars.

M. Didier Migaud. Depuis, ils ont tout de même remonté.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons connu, pardonnez-moi de dire cela devant le groupe socialiste, un mouvement de yo-yo.


Pour ce qui est d'un consensus, nous avons retenu la valeur de 36,5, qui est généralement admise. En matière de croissance, le Gouvernement doit être vigilant, mais sans catastrophisme.

M. de Courson a également évoqué la section de fonctionnement du budget de l'État, déficitaire si on applique les mêmes règles que pour les collectivités locales - et, de fait, les dépenses excèdent de 20 % les recettes. Mais peut-on faire pour autant de l'équilibre de cette section une nouvelle règle de conduite de la politique budgétaire ? Nous en avons longuement débattu lors de l'examen de la LOLF et il apparaît que l'application de ce principe serait difficile, car la frontière entre investissement et fonctionnement est floue - qu'en serait-il, par exemple, de l'éducation et de la recherche ? Les responsabilités de l'État ne sont pas exactement celles des collectivités locales en matière de réglage macroéconomique. Cette distinction entre investissement et fonctionnement est utile, et il conviendra certainement d'apporter une information à cet égard en définissant l'équilibre de la LOLF, mais je ne pense pas que l'on puisse retenir la suggestion de M. de Courson.

Enfin, M. de Courson a évoqué le problème de la progression des dépenses. On peut certes critiquer les règles fixées par la charte de budgétisation, comme la pratique des prélèvements sur recettes, des remboursements et des dégrèvements, mais ces règles sont en vigueur et nous les avons appliquées scrupuleusement - nous aurions, d'ailleurs, été critiqués à juste titre si nous ne l'avions pas fait. Peut-être faudra-t-il toutefois, monsieur le rapporteur général, revoir ces règles.

M. Sandrier, qui s'exprimait au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, ne semble pas aimer le fait que les entreprises françaises aient de bons résultats. Pour le Gouvernement et la majorité qui le soutient, ce n'est pourtant pas une mauvaise nouvelle ! Sans la création de richesse, il n'y a pas de croissance ni de fruits de l'expansion, et sans développement économique, il n'y a pas d'emplois.

M. Michel Bouvard. Il n'y a pas non plus d'impôt sur les sociétés !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous n'avons donc pas la même conception de l'économie que M. Sandrier. Nous nous félicitons que l'investissement, qui avait reculé de 20 % en deux ans dans l'industrie, doive augmenter cette année de 8 % grâce à la reprise de la consommation et à l'attitude des entreprises. Il n'y a pas lieu de porter des jugements négatifs sur nos entreprises et notre économie. Nous pouvons, au contraire, être fiers de leur capacité à créer des emplois.

M. Mariton a résumé avec talent l'ambition que traduit notre projet,...

M. Augustin Bonrepaux. Et la sienne !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...qu'il a jugé performant et propre à soutenir la consommation et l'investissement pour renforcer la croissance et l'emploi, comme l'a rappelé hier le ministre d'État. Il a souligné que ce budget reposait sur une exigence de réforme de l'État et qu'il était cohérent et juste, ce à quoi nous ne pouvons que souscrire.

Il a aussi évoqué un point abordé récemment dans une interview par le président Méhaignerie.

M. Augustin Bonrepaux. Il est parti !

M. Didier Migaud. Il a une réunion avec M. Strauss-Kahn ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le président de la commission des finances est représenté par le rapporteur général et il n'a, d'ailleurs, pas de motion de procédure à présenter : rien ne l'obligeait donc à rester au banc.

M. Mariton a évoqué l'évolution du point de la fonction publique, dont je rappelle qu'il représente pour l'État un surcoût annuel de 800 millions d'euros. Il convient donc de réfléchir à la modernisation de la politique salariale de l'État. Nous devons mieux associer les fonctionnaires à la réforme de l'État et, peut-être, leur restituer une partie des gains de la réforme. Cette politique du « donnant-donnant » est celle que nous avons appliquée au sein du ministère des finances, et elle fait l'objet d'une réflexion de la part du ministre chargé de la fonction publique.

Avec sa faconde et son talent habituels, M. Bonrepaux a animé les débats,...

M. Jean-Louis Dumont. Ariégeois cœur fidèle !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...mais je suis un peu déçu qu'il ait la mémoire si courte. À l'entendre, il y aurait eu, jusqu'à 2002, un paradis quelque part en France,...

M. Jean-Louis Dumont. En Ariège !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...sans doute en Ariège (Sourires), qui serait, depuis lors, devenu une vallée de larmes.

M. Jean-Louis Dumont. Les larmes, c'est Verdun !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pas un élément du budget que présente le Gouvernement ne trouve grâce à vos yeux , monsieur Bonrepaux. Votre parti pris, permettez-moi de vous le dire avec respect et sympathie, me semble excessif. Faute de temps, je ne puis reprendre tous vos propos, mais comment pouvez-vous affirmer que notre politique est inefficace alors que la croissance sera de 2,5 % en France cette année contre 2,2 % dans la zone euro, et que la consommation française augmentera de 2 % à 2,5 % et de 1,2 % seulement chez nos partenaires ?

M. Augustin Bonrepaux. Et le chômage ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Si c'est là ce que vous appelez une politique inefficace, vous nous ramenez à l'époque de M. Jospin, où vous étiez un des grands animateurs du débat budgétaire.

M. Deniaud a été plus raisonnable, qui a souligné - citant sans doute un proverbe normand (Sourires) - que la persévérance paye. Nous en sommes convaincus et c'est pourquoi la stratégie de notre politique budgétaire se définit par la maîtrise de la dépense dans la durée qui profite à tous les Français, par une stabilisation en volume, depuis 2003, des dépenses de l'État et par une exigence de réforme de l'État - car, pour disposer de nouveaux moyens de manœuvre, il faut dégager des priorités.

À entendre M. Balligand, qui parlait leurres et diversions, on pouvait penser qu'avec ce projet de budget, le Gouvernement et sa majorité étaient en train de préparer un mauvais coup.

M. Jean-Louis Dumont. Il a de l'expérience !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je rappelle à M. Balligand, qui a beaucoup d'expérience parlementaire,...

M. Jean-Louis Dumont. C'est un homme de bon sens, un homme de la terre !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...que si, par « mauvais coups », il faut entendre le retour du déficit aux limites fixées par le pacte de stabilité, la baisse historique du déficit,...

M. Didier Migaud. Grâce à EDF !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...la maîtrise de la dépense, la croissance des minima sociaux, la réforme de la redevance audiovisuelle et l'accompagnement de la croissance, alors nous sommes heureux de les porter !

M. Laffineur...

M. Augustin Bonrepaux. Il n'est pas là ! Il est avec M. Méhaignerie ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...a rappelé la nécessité d'investir dans les secteurs d'avenir et de donner à la recherche des moyens supplémentaires. Comme beaucoup d'entre vous, il a insisté sur la nécessité d'une réforme de l'État.

M. Cochet a fait une intervention intéressante sur la rareté croissante de la ressource énergétique. Certains se sont demandé si cette crise était conjoncturelle ou structurelle. À titre conjoncturel, il convient de restituer aux Français l'éventuel excès de recettes fiscales résultant d'une hausse conjoncturelle du prix du carburant, mais il faut, pour l'avenir, privilégier les biocarburants, relancer nos efforts de recherche en vue d'un développement plus durable et - je le dis pour le groupe socialiste - accepter la rénovation et la reprise d'un programme nucléaire raisonnable dont notre pays a besoin.

M. Auberger a évoqué, avec sa parfaite connaissance des dossiers budgétaires, la question de la prime pour l'emploi, la PPE. Ce dispositif, mis en place par le précédent gouvernement, a été conservé, car l'idée d'une incitation à passer d'un revenu d'assistance à un revenu du travail était bonne. Cependant, nos concitoyens, et notamment les fonctionnaires, sont nombreux à en souligner la complexité. Les bénéficiaires ne comprennent pas à quoi correspond cette prime - certains la confondent même avec une seconde prime de rentrée ! -, dont les formulaires sont, en outre, très compliqués.

M. Yves Jego. Bref, c'est socialiste !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cette complexité est en effet la marque de fabrique d'une invention socialiste !

Il faut simplifier la PPE et la rendre plus incitative et plus compréhensible. L'acompte proposé l'an dernier par la commission des finances est très peu utilisé. Un rapport a été transmis à ce sujet à votre assemblée ; une réforme du mécanisme devra être étudiée lorsque la convergence des SMIC sera achevée, après le 1er juillet 2005. Dans l'intervalle, le montant de la prime a été relevé...

M. Didier Migaud. De si peu !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...de 4 %, et s'ajoute à la hausse du SMIC.

M. Gérard Bapt. Pour quelques euros de plus !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je compte sur vous, monsieur Auberger, pour réfléchir avec le Gouvernement à l'amélioration du dispositif.

M. Giscard d'Estaing a rappelé que le dernier vote sur un budget en équilibre est antérieur à 1980 - date qui a certainement pour lui une signification particulière.

M. Didier Migaud. Nostalgie !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il est vrai que, M. Barre étant Premier ministre, la dette publique n'était que de 25 % du PIB. Depuis, vingt ans de socialisme ont bien changé les choses.

M. Didier Migaud. M. Balladur et M. Juppé n'étaient pas socialistes !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Giscard d'Estaing a souligné qu'il importait de maîtriser la dépense publique, de ne pas réitérer l'épisode de la cagnotte et de compléter la LOLF pour que le Gouvernement précise mieux à l'avance ses intentions quant à l'affectation des fruits de la croissance.

M. Terrasse a aimablement convenu que notre projet était « bien ficelé ». Il a également rappelé que le projet prend en compte l'annulation par le Conseil d'État de la taxe sur les achats de viande. Cela prouve qu'il a lu attentivement les fascicules budgétaires, où figure pour 1,4 milliard d'euros, par souci de transparence, cette dépense prévisionnelle qui ne sera peut-être pas nécessaire.

Pour sa part, M. Descamps nous a apporté son soutien, non sans formuler des interrogations stimulantes. Il a souligné à juste titre que le périmètre de l'État doit être modifié - tâche difficile ! - et que nous devons faire mieux. Nous avons bien reçu le message.

Mme Aurillac a souligné, à la fin de la séance de cet après-midi, tout l'intérêt des emplois familiaux, en particulier pour les familles et les personnes âgées et rappelé les difficultés que cause l'ISF aux propriétaires en région parisienne compte tenu de la hausse des prix de l'immobilier.

M. Augustin Bonrepaux. C'est un bon résumé de la séance. M. le secrétaire d'État fait concurrence au compte rendu analytique !

M. Gérard Bapt. Ça va faire perdre des emplois à l'Assemblée !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Chatel a évoqué les choix du Gouvernement en matière d'évolution du pouvoir d'achat et de redressement des comptes publics, et je le remercie de son soutien.

M. Rodet a évoqué plus particulièrement les conséquences de la hausse du prix du pétrole. À ce sujet, je rappelle que la TIPP est calculée sur le volume des ventes, si bien que le produit de cette taxe a plutôt tendance à baisser lorsque les prix montent, car cette hausse entraîne généralement une réduction de la consommation.

M. Didier Migaud. Ça augure mal des travaux de la commission !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La hausse du prix du carburant a un impact sur les recettes de TVA, et je répète, après le ministre des finances, que l'État ne s'enrichira pas indûment sur le dos des contribuables et des consommateurs et que les plus-values éventuelles de la fiscalité pétrolière seront constatées par une commission indépendante. Celle-ci sera constituée dans les jours à venir et, dès le mois de décembre, organisera une éventuelle redistribution en fonction de ce qu'elle aura pu constater.

M. Merville a souligné l'effort considérable de maîtrise des dépenses réalisé par le Gouvernement et a perçu la volonté de celui-ci de soutenir la consommation et l'activité. Il a aussi insisté sur le financement des collectivités territoriales et l'intercommunalité.

Avec la verve qu'on lui connaît, M. Chamard a rappelé...

M. Jean-Louis Dumont. Avec passion !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...le procès en insincérité que l'on pouvait faire à l'opposition et que certaines formes de harcèlement partisan n'étaient pas de mise. Il a bien fait de le dire et je le remercie de sa force de conviction.

M. Giacobbi - qui n'est plus parmi nous - a parlé du « fiasco » d'ACCORD, le grand système informatique mis au point pour l'application de la LOLF et dont le développement est bien connu des membres de la commission des finances. Mais nous aurions eu tort de brûler les étapes malgré les avis de commissions respectables et du ministère des finances. Nous avons donc choisi la prudence et la progressivité, avec un palier en 2006 qui permettra d'appliquer le cœur de la LOLF, suivi d'un déploiement par étapes entre 2007 et 2009. Cela va dans le sens des bonnes pratiques que respectent toutes les entreprises.

Je remercie M. Mallié d'avoir souligné que l'objectif central de notre politique est de rétablir la confiance, par la réduction des déficits qui poussent les ménages à anticiper les hausses d'impôts et à se détourner de la consommation au profit de l'épargne.


M. Landrain a évoqué un sujet qui lui est cher, et qu'il évoque en expert dans cet hémicycle depuis de nombreuses années, celui du FNDS, le Fonds national de développement du sport. La LOLF va effectivement nous conduire à supprimer l'actuel compte d'affectation spéciale, et deux solutions se présentent à nous pour le remplacer - je parle sous le contrôle des spécialistes de la LOLF ici présents - : soit la rebudgétisation, c'est-à-dire la réintégration au sein du budget de l'État, soit la création d'un établissement public ad hoc. Nous ferons des propositions au Parlement l'an prochain, après avoir consulté tous les acteurs de la filière.

M. Schreiner nous a également soutenus dans notre choix de rééquilibrage des finances publiques, et je l'en remercie.

M. Tron, qui connaît parfaitement les problèmes de la fonction publique, a évoqué la réforme de l'État, et en particulier la vente de l'immobilier. Force est de reconnaître que l'on aurait pu faire mieux en 2004, et qu'il faudra rattraper en 2005 le retard que nous avons pris sur ce plan. Il a évoqué aussi la nécessaire cohérence entre la LOLF et les stratégies ministérielles de réforme, qui doivent effectivement être menées de manière conjointe.

Je remercie M. Cousin d'avoir évoqué le dispositif d'exonération des indemnités versées aux victimes de l'amiante. Nous veillerons ensemble à ce que cette importante disposition du PLF soit effectivement appliquée.

M. Myard a rappelé, avec toute la puissance d'expression qui est la sienne, que la France ne travaillait pas assez et n'avait plus les moyens de financer ses principaux dispositifs de transferts sociaux de santé...

M. Didier Migaud. Beaucoup de chômeurs ne demandent qu'à travailler !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...ainsi que l'urgente nécessité de maîtriser le phénomène de délocalisation.

M. Carayon a évoqué le rapport qu'il a remis l'an passé sur nos lacunes en matière d'intelligence économique, à la suite duquel le ministère de l'économie et des finances vient de mettre en place une structure spécifique destinée à répondre à ce problème.

M. Jean-Marie Le Guen semble s'être trompé de débat, mais on peut comprendre que ce spécialiste des affaires sociales ait un peu anticipé la discussion du PLFSS. Je veux tout de même lui rappeler que le gouvernement qui a conduit la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie, c'est celui de Jean-Pierre Raffarin, et non celui de M. Jospin, qu'il soutenait avec assiduité.

M. Richard Mallié. Exactement !

M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui avez creusé le déficit !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Garrigue a évoqué le cadre européen de nos finances publiques, et l'évolution du pacte de stabilité et de croissance. Le Gouvernement a trois préoccupations : mieux prendre en compte, dans l'appréciation des finances publiques d'un pays, sa position dans le cycle économique, pour éviter ce que les économistes appellent les « politiques procycliques », comme celle conduite entre 1999 et 2001 ; mieux prendre en compte également le poids de la dette publique des États, ainsi que la qualité de la dépense. Ces points sont discutés au sein de l'Eurogroupe et des réunions des ministres européens des finances.

M. Fourgous, avec le talent et le souci de décaper le débat qu'on lui connaît, a évoqué la nécessité de développer une culture de la croissance en France comme réponse à long terme au chômage, et a développé sur ce thème une analyse très stimulante. Il a raison d'insister, dans un but pédagogique, sur l'intérêt de revaloriser le travail. Toutefois, un certain nombre de ses propositions sont déjà contenues dans le projet de loi de finances.

Je remercie François Guillaume d'avoir salué la rigueur du Gouvernement. J'ai bien compris qu'il souhaitait que l'État se défasse de davantage d'actifs dans les prochains mois et veille à ses effectifs.

M. Dumont a évoqué un grand nombre de sujets, c'est pourquoi il est difficile de lui répondre sur l'ensemble des points qu'il a abordés.

M. Jean-Louis Dumont. Il y en a trois !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il est certain qu'après avoir pris dix minutes pour exposer votre plan, monsieur Dumont, il vous restait peu de temps pour développer les sujets que vous aviez annoncés, et on peut comprendre que le M. le président soit intervenu pour vous rappeler les limites de votre temps de parole.

M. Jean-Louis Dumont. J'ai effectivement eu l'impression d'avoir à peine commencé !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cela étant, j'ai bien entendu ce que vous avez dit sur les locataires, sujet qui vous est cher, et j'aimerais vous rassurer quant au PTZ. Le prêt à taux zéro « plus », n'est pas un système imaginé par Bercy pour faire des économies, mais un dispositif proposé par le ministre du logement, visant à doubler le nombre de bénéficiaires du prêt à taux zéro en leur permettant d'acquérir un logement ancien. On a pris conscience de l'intérêt qu'il y a, en particulier dans les communes suburbaines, à favoriser l'achat dans l'ancien, plutôt que de s'engager dans un développement pavillonnaire avec tous les inconvénients que comporte cette solution. Les banques, que j'ai consultées la semaine dernière, se sont déclarées prêtes à jouer le jeu et à mettre en œuvre ces nouvelles dispositions dès le 1er février prochain.

M. Jean-Louis Dumont. Nous y serons attentifs !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez tout à fait raison.

M. Jean-Louis Dumont. Et les tirailleurs ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je ne vous répondrai pas sur ce point, préférant laisser le soin à M. Mékachéra de vous répondre lorsqu'il viendra présenter son budget.

M. Jean-Louis Dumont. Il refuse malheureusement de me recevoir et ne répond pas à mes courriers !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous êtes tellement sympathique que je ne puis croire que l'on refuse de vous recevoir, monsieur Dumont.

M. Lellouche nous a fait part de son refus de la fatalité et a présenté des propositions que le Gouvernement étudiera très attentivement.

Je ne suis pas d'accord avec vous sur la politique fiscale, monsieur Bapt, mais sachant que vous êtes un parlementaire aguerri et un homme de bonne volonté, nous tenterons au cours du débat de vous convaincre de l'intelligence de nos mesures fiscales, tout en étant à l'écoute des contre-propositions que vous avez formulées.

Quant à M. Lurel, je suis, comme lui, passionné par l'outre-mer, sujet sur lequel j'ai d'ailleurs longtemps travaillé au sein de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Je veux l'assurer qu'il n'a pas de souci à se faire pour le budget de l'outre-mer. Nous avons essayé de mettre en œuvre dans le même budget toutes les politiques : celle du travail, celle des transports, celle relevant du ministère de l'intérieur...

M. Jean-Louis Dumont. Sans oublier le logement !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et en dépit des désaccords dont vous nous avez fait part, monsieur Lurel, j'aimerais vous faire comprendre que cette présentation globale du budget, qui offre un panorama complet de la politique ultramarine, est de nature à servir les intérêts de l'outre-mer.

Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, monsieur le président, mais j'avais à cœur de répondre à chacun des nombreux orateurs qui se sont exprimés. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre attention (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 21 octobre 2004, à zéro heure cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot