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      Première séance du vendredi 22 octobre 2004

26e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 511 portant article additionnel après l'article 9.

Après l'article 9 (suite)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 511 portant article additionnel après l'article 9.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le soutenir.

M. Marc Laffineur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État au budget, mes chers collègues, cet amendement est presque un amendement rédactionnel.

Nous avons adopté, un peu avant la fin de la dernière session une excellente loi dont l'une des dispositions exonère d'impôts sur les plus-values les ventes d'activités commerciales ou artisanales lorsque la valeur des éléments de la branche complète d'activité servant d'assiette aux droits d'enregistrement exigibles en application des articles 719, 720 ou 724 du code général des impôts n'excède pas 300 000 euros.

Or, dans certains départements, il semble qu'il soit difficile de faire comprendre que cette disposition vise les cessions qui portent non seulement sur une branche complète d'activité mais aussi sur des fonds de commerce ou des fonds d'entreprise artisanale. Cet amendement vise à préciser les choses, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté et que sur le terrain, la loi que nous avons adoptée ne soit pas détournée et soit efficace pour l'activité que nous voulons défendre.

Avec cette proposition, il s'agit une fois de plus, et vous y serez certainement très sensible, monsieur le président, de défendre le monde rural.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 511.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis défavorable à titre personnel.

Il se trouve que j'ai été le rapporteur de la loi relative au soutien à la consommation et à l'investissement, qui a introduit dans le code général des impôts la disposition dont il est proposé ici de modifier la rédaction. Celle que nous avions adoptée précisait que les plus-values en question étaient exonérées, entre autres conditions, si « la cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une branche complète d'activité ». Je voudrais expliquer à notre collègue Laffineur pourquoi nous avons choisi le mot « activité ».

Le problème auquel nous sommes confrontés, notamment dans les villes petites ou moyennes, c'est que des fonds de commerce, quand ils sont cédés, le sont à des banques, à des assurances, à toutes sortes d'activités qui, en fait, contribuent paradoxalement à l'affaiblissement, à la dévitalisation du centre-ville. Le texte que le Gouvernement nous avait proposé au mois de juin visait à encourager la transmission de fonds de commerce qui gardent leur activité, par exemple une boulangerie, une charcuterie, bref, des commerces vivants. Retenir le mot « activité », en ne se limitant pas à la seule notion de fonds de commerce, permet de réserver cet avantage fiscal, par exemple, au repreneur d'une boulangerie qui s'engage à conserver cette activité. Il ne s'agit pas uniquement de favoriser une transaction sur un fonds de commerce. Nous avions eu une discussion très approfondie sur ce point, et je me souviens que tous nos collègues présents qui étaient maires de villes confrontées à ce problème de désertification de leur centre étaient tout à fait favorables à une rédaction qui ne vise pas seulement le fonds de commerce mais aussi l'activité économique, afin de maintenir la vitalité de nos centres-villes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 511.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je partage complètement l'avis de M. le rapporteur général.

Monsieur Laffineur, le texte, dans sa rédaction actuelle, exonère déjà les cessions de fonds de commerce ou les fonds d'entreprise artisanale ou libérale dès lors que tous les autres éléments affectés à l'exploitation sont transmis. Je voudrais vous rassurer en vous disant que l'instruction que nous allons diffuser très prochainement concernant l'application de ce dispositif comporte un certain nombre d'aménagements visant à tenir compte, de façon pragmatique, de la nature des éléments qui sont compris dans les cessions de ce type.

Voilà qui devrait répondre, monsieur Laffineur, à votre légitime préoccupation. Et si tel était bien le cas, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Répondez-vous à l'appel du Gouvernement, monsieur Laffineur ?

M. Marc Laffineur. Vous savez que j'ai toujours beaucoup de mal à résister. (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Et pourtant, c'est parfois nécessaire !

M. Marc Laffineur. Je souscris à ce qui a été dit par M. le rapporteur général, étant moi-même maire d'une ville moyenne, et soucieux comme lui de sauvegarder la vitalité de nos centres-villes. La réponse du Gouvernement me satisfait également. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 511 est retiré. Je suis certain que le Gouvernement y sera sensible.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 28 n'est pas défendu.

L'amendement n° 37 ne l'est pas non plus.

Je suis saisi d'un amendement n° 45.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements, nos 63, 76, 485 et 201 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 137.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement traite d'un problème qui n'est pas nouveau et que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ici, et je veux parler de la disparition progressive de l'hôtellerie familiale dans les zones rurales. Bon nombre de ces établissements ne sont pas repris lorsque leurs propriétaires atteignent l'âge de la retraite. Le poids du patrimoine immobilier dans les successions est souvent parmi les facteurs qui expliquent cette situation.

Cet amendement propose donc d'expérimenter une mesure dans l'ensemble des zones de revitalisation rurale du pays. Il s'agit d'exonérer de droits de succession le patrimoine immobilier correspondant aux équipements hôteliers, sous réserve, bien entendu, qu'il reste affecté à une exploitation hôtelière, et ce pendant une période minimale de dix ans.

Je propose de tester cette disposition pour voir si elle permet d'enrayer au moins en partie la disparition progressive de cette hôtellerie familiale qui est indispensable pour maintenir une activité économique dans les territoires ruraux et qui participe à la diversification de l'offre touristique de notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, qu'elle connaît bien puisqu'il a déjà fleuri l'année dernière.

Cet amendement pourrait être jugé contraire à la Constitution. Un certain nombre de dispositifs visant à faciliter les transmissions ont déjà été mis en œuvre. Ils seront d'ailleurs peut-être améliorés dans la loi relative aux entreprises que nous examinerons prochainement. Ils incluent une exonération d'assiette de l'ordre de 50 %, soit dans le cas de l'engagement de détention d'un minimum d'actions si l'entreprise est en société, soit dans le cas d'une transmission à titre individuel. Mais on ne voit pas comment on pourrait justifier une exception - car c'est bien d'une exonération totale qu'il s'agit ici - pour une seule catégorie de biens, situés de surcroît dans des zones particulières.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis. Cela dit, l'amendement de M. Bouvard correspond à un vrai problème. On constate en effet combien il est difficile de transmettre de petits hôtels dans certaines zones. Dans la région qui est la mienne, ce sont nos amis britanniques qui les achètent. Nous assistons à une transformation de nos petits hôtels de pays...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En résidences.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...en résidences ou même en hôtels-restaurants ou cafés-restaurants tenus par des Britanniques qui se sont expatriés chez nous sans doute en raison de la qualité de notre fiscalité.

Par conséquent, si je suis défavorable à l'amendement pour les motifs qui ont été évoqués, je remercie M. Bouvard de poser cette question. Peut-être pourrons-nous travailler avec lui à une mesure qui serait plus adaptée et que nous introduirions dans le projet de loi relatif aux entreprises.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. J'ai bien compris que le Gouvernement, comme le rapporteur général, fait une ouverture en direction du projet de loi relatif aux entreprises que Christian Jacob nous présentera prochainement. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 137 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 58.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton. La truffe française est menacée.

M. Philippe Auberger. La blanche ou la noire ?

M. Hervé Mariton. Il convient donc, par une exonération partielle des droits de succession ou de donation, d'en favoriser le développement.

Il n'y a qu'une seule vraie truffe, cher collègue Auberger, la truffe Tuber melanosporum, et elle est noire, nécessairement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Auberger. Voilà un amendement très social !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes tous très attachés à la truffe. Soit dit en passant, je croyais que la truffe venait surtout du Vaucluse et du Lot. Je découvre qu'il y en a aussi dans la Drôme.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, la Drôme est le premier département producteur de truffe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Est-ce de la truffe blanche ou de la truffe noire, dans la Drôme ?

M. Michel Bouvard. Allons voir sur place !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quoi qu'il en soit, pour des raisons qui tiennent à l'exigence d'égalité, nous n'avons malheureusement pas pu adopter cet amendement, malgré notre attachement aux chênes truffiers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est du même avis, mais il remercie beaucoup M. Mariton de nous avoir apporté en ce début de matinée les senteurs de la Drôme provençale et de ses produits de grande qualité.

M. Jean-Louis Dumont. À midi, omelette aux truffes !

M. le président. Retirez-vous cet amendement, monsieur Mariton ?

M. Hervé Mariton. Oui.

M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 289.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Les signataires de cet amendement, MM. Terrasse et Launay, souhaitent à leur tour défendre la transmission des terrains plantés d'arbres truffiers.

M. Marc Laffineur. Il y a des truffes dans la Meuse maintenant ?

M. Jean-Louis Dumont. Chers collègues, avant que les départements qui ont été mentionnés il y a un instant ne deviennent des producteurs très importants de truffe, le département de la Meuse, que j'ai l'honneur de représenter dans cet hémicycle, était, il y a un siècle et demi, l'un des plus gros producteurs de truffe.


Il est vrai que la truffe garde ses mystères (Sourires) et, en particulier, celui de sa migration. Mais, sans les dissiper, les expériences menées dans mon département depuis vingt ans grâce à la chambre d'agriculture, sur les vergers trufficoles et la mycorhization des racines, ont permis de constater que les truffes sont d'autant plus belles lorsque se conjuguent humidité et soleil. (Sourires.) Actuellement, les premières truffes que nous récoltons sont d'excellente qualité. Donc, nous devons nous battre pour que ces vergers trufficoles fassent l'objet d'une attention particulière. Au-delà d'une ressource pour nos agriculteurs, il en va aussi de la multi-activité et de la préservation de nos paysages, car le maintien de cette culture permet que certains espaces ruraux ne soient pas totalement abandonnés.

J'en appelle à votre solidarité, mes chers collègues, pour que cet amendement n° 289 puisse connaître une destinée positive. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Peut-on considérer que vous avez également défendu l'amendement n° 290, monsieur Dumont, puisqu'il a le même objet ?

M. Jean-Louis Dumont. Oui, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 289 et 290 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'avoue avoir été impressionné par la science truffière de notre collègue de la Meuse. J'ignorais que l'on cultivait la truffe dans ce département !

Mais, même dans le Val-de-Marne, nous ne sommes pas ignorants en matière de culture de la truffe. On trouve non seulement la truffe avec des cochons ou avec des chiens, mais également avec la mouche à truffes.

M. Charles de Courson. Bien sûr ! Elle tourne au-dessus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsque l'on se promène dans un champ de chênes truffiers et que l'on voit s'envoler des mouches à la verticale, il suffit de creuser et l'on trouve à cet endroit une truffe.

Ce n'est toutefois pas une raison suffisante pour donner un avis favorable à cet amendement. Je suis donc au regret de demander son rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas normal !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il convient de préciser à notre collègue Carrez que l'on cherche les truffes avec des truies et non avec des cochons, si l'on choisit cette filière ! Le sujet peut faire sourire. Il n'empêche que, dans les zones rurales les plus défavorisées où les productions actuelles ne sont pas des plus prospères, la truffe est un élément non négligeable de l'économie agricole et rurale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Nous venons de parler de la truffe avec un peu d'humour. Se pose cependant un problème économique. Si les plantations ne sont pas sauvées, les truffes seront, demain, importées d'Extrême-Orient.

M. Hervé Mariton. Des truffes chinoises !

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait ! Or elles n'ont rien à voir avec nos truffes et dénaturent totalement notre cuisine.

M. Charles de Courson. Et le goût français !

M. Jean-Louis Dumont. Dans nos campagnes certes reculées, quand on offre sur les tables des restaurants des produits du cru, les gens apprécient de se rendre dans le verger. Certains parleront sans doute d'une économie parallèle, mais cela permet de réaliser des investissements et de faire vivre des gens. À quoi servirait-il, mes chers collègues, d'organiser des semaines du bon goût français, si l'on abandonne nos truffes au profit des truffes blanches de Chine qui ne valent rien et coûtent cher ?

M. le président. Je remercie l'assemblée d'avoir apporté sa contribution à la semaine du goût ! (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais apporter une précision à nos collègues. Le projet relatif au développement des territoires ruraux prévoira vraisemblablement de porter de quinze à cinquante ans la durée d'exonération au titre du foncier non bâti.

M. Charles de Courson. Ce qui est considérable !

M. Jean-Louis Dumont. Voilà au moins une bonne nouvelle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 289.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 290 a été défendu. Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques, n°s 65, 77, 205 et 482, ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 135.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. L'amendement n° 135 tend à exonérer des droits de mutation les héritiers de personnes mortes lors de catastrophes naturelles ou d'accidents collectifs. La mesure peut paraître contestable. Néanmoins, aujourd'hui, la détermination de l'origine d'un certain nombre d'accidents collectifs, notamment, n'est pas toujours évidente. Ainsi, il est parfois difficile de savoir si de tels accidents sont naturels ou sont dus à des actes terroristes pour lesquels le régime d'exonération s'applique et, lorsque l'origine de l'accident n'est pas déterminée, nous nous trouvons dans un régime hors exonérations. C'est la raison pour laquelle je présente cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable.

Actuellement, l'exonération est de droit lors d'un décès dans lequel la responsabilité de l'État est établie. Cela vaut en cas d'actes terroristes, tels que ceux qui ont malheureusement frappé Paris voici une dizaine d'années, bien que la responsabilité de l'État ne soit pas directe. Notre collègue Michel Bouvard nous propose d'étendre cette exonération aux catastrophes naturelles et aux accidents collectifs. Or si nous savons définir les catastrophes naturelles, cela se révèle plus difficile pour les accidents collectifs. Cette extension est trop large au regard des limites clairement définies par la jurisprudence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement, bien que sensible à la préoccupation très humaniste de M. Bouvard, ce qui ne surprend pas de sa part, se range aux arguments de la commission.

M. Michel Bouvard. Je retire mon amendement !

M. le président. L'amendement n° 135 est retiré.

Je suis saisi de l'amendement n° 287.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. La majorité a voté la réduction des droits de succession. Dans un souci de cohérence, il nous semble normal d'aligner le dispositif de l'assurance-vie qui permet de transmettre aux héritiers 300 000 ou 400 000 euros sur cette mesure. Les économies ainsi réalisées compenseraient les largesses accordées en matière de successions proprement dites.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Le régime de l'assurance-vie fonctionne correctement et est très apprécié des Français. Il n'y a donc pas lieu d'y toucher.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même sentiment !

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Cet amendement présente un autre gros défaut. L'accepter serait, en effet, faire revenir l'État sur sa parole. Cela ne m'étonne pas de la part de nos collègues ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Des contrats ont été signés, prévoyant l'exonération à hauteur de 152 500 euros. Donc, revenir sur cette mesure serait du plus mauvais effet pour l'image de l'État.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Afin d'éviter toute modification rétroactive, l'amendement de repli, n° 288, prévoit que l'abaissement du plafond sera applicable aux contrats conclus à compter du 20 octobre 2004. Donc, je retire l'amendement n° 287 au bénéfice de l'amendement n° 288.

M. Jean-Louis Dumont. Quelle stratégie !

M. le président. L'amendement n° 287 est retiré.

Je suis en effet saisi d'un amendement n° 288.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Les raisons que je viens d'évoquer valent également pour l'amendement n° 288.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Les arguments ne sont pas les mêmes ! J'aimerais connaître les raisons pour lesquelles le rapporteur général s'y oppose. Cette harmonisation du régime des successions permettrait des économies. Les déductions seraient les mêmes pour tous.

M. Didier Migaud. Il faut une cohérence !

M. Augustin Bonrepaux. De plus, cette mesure n'aurait d'effets que dans l'avenir. Comme vient de le préciser mon collègue Didier Migaud, c'est un amendement de cohérence.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je maintiens mon opposition. Vous en avez d'ailleurs vous-même mesuré les inconvénients lors de la précédente législature. Lorsque l'on touche au mécanisme de l'assurance-vie, il s'ensuit une instabilité qui a des effets extrêmement négatifs sur l'épargne longue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 444.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Par cet amendement, je propose de supprimer l'exonération de droits de mutation accordée, sans que l'objectif d'intérêt général soit d'ailleurs évident, aux marchands de biens.

Les marchands de biens achètent des biens immobiliers pour les revendre avec une plus-value. Cette intention spéculative les distingue, tout au moins sur le plan fiscal.

L'un des moyens privilégiés d'intervention de ces marchands de biens consiste à pratiquer le congé pour vente à l'occasion d'une vente à la découpe, moyen également privilégié par les fonds de pensions pour dégager rapidement des plus-values immobilières.

Ces acteurs ont, hélas ! trouvé chez les bailleurs institutionnels un inépuisable gisement de logements à bons prix. Depuis quelques années, en effet, les bailleurs institutionnels, plutôt que de rénover un parc ancien, cherchent à profiter des niveaux élevés du marché et procèdent à des ventes massives dans leur parc de logement. Ce phénomène a du reste été amplifié par la réforme fiscale des sociétés foncières initiée au détour d'amendements, dont celui de notre collègue sénateur Marini, qui a contribué à doper ce secteur, dans le mauvais sens du terme, puisque ces sociétés sont exonérées de plus-values immobilières, ce qui les incite à accélérer les opérations, quitte parfois à le faire dans la précipitation.

Depuis deux ans, on assiste ainsi à une multiplication de ces congés à visées spéculatives, dont l'ampleur est devenue telle que la plupart des spécialistes du marché de l'immobilier estiment qu'ils contribuent directement à accentuer la flambée des prix de l'immobilier.

Il en résulte l'éviction des classes moyennes et des locataires de condition modeste, qui n'ont pas les moyens de racheter leur logement ou de faire face à l'augmentation des loyers qui suit la mise en vente.

Dès lors que l'intérêt général ne justifie plus une telle exonération, il est proposé de la supprimer, de façon non rétroactive.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement. Il est vrai, monsieur Bloche, que se pose actuellement un problème bien délimité, celui de l'acquisition d'immeubles souvent détenus par des bailleurs institutionnels par des marchands de biens qui procèdent ensuite à la vente à la découpe. Mais la solution proposée ne paraît pas appropriée. Ce problème, auquel nous devons réfléchir, ne peut être traité par la réinstauration des droits de mutation.


Je voudrais vous rappeler que, toujours sous la précédente législature, des mesures ont été prises pour réduire les droits de mutation, mesures que j'ai d'ailleurs approuvées, quoique appartenant alors à l'opposition. Ces droits, dont le niveau était très élevé, avaient pour effet de renchérir le coût d'acquisition et nuisaient en particulier à la mobilité professionnelle ; toute la politique conduite depuis dix ans a donc visé à les réduire. Or vous nous proposez là d'en créer de nouveaux, et, de surcroît, sur des opérations d'intermédiation. Les marchands de biens ont leur utilité ; leur activité ne se limite pas à celle que vous évoquez ici, même si elle est effectivement assez fréquente, en particulier dans Paris intra-muros.

Je pense qu'il faudrait réfléchir sur un autre terrain car créer des droits de mutation sur des opérations d'intermédiation, ayant vocation à être limitées dans le temps, tendrait à ajouter de la fiscalité et se traduirait donc par un renchérissement du prix pour les acquéreurs. En bout de course, l'effet de cette mesure serait donc contraire à celui que vous escomptez.

Tout en reconnaissant le problème, j'émets donc, à titre personnel, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement partage totalement l'analyse de M. le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je serai bref car je défendrai dans un instant un autre amendement qui aborde le problème sous un autre angle.

Je remercie M. le rapporteur général de reconnaître l'existence du problème. Tous les marchands de biens n'ont certes pas de visées spéculatives, mais, compte tenu de la réalité du marché de l'immobilier et surtout du mauvais exemple donné par les bailleurs institutionnels, qui vendent par pans entiers leurs parcs de logements, cette méthode de la vente à la découpe se développe et l'on se trouve confronté à un grave problème de spéculation immobilière et de flambée des prix. Nombre de nos collègues de la majorité ont d'ailleurs justifié la réforme de l'ISF par ce phénomène - je pense à un amendement présenté par M. Auberger et qui a été adopté. C'est, en quelque sorte, en cohérence avec cette démarche de nos collègues que nous avons déposé l'amendement n° 444 rectifié, qui vise à prendre date et à adresser un signe politique fort en direction de la catégorie professionnelle incriminée.

M. le rapporteur général nous rappelle la logique qui fut suivie sous la précédente législature. Mais, depuis lors, ces opérations se sont fortement développées, sans que l'intérêt général ne s'y trouve justifié en quoi que ce soit et avec des conséquences sociales et sociologiques dans plusieurs quartiers de Paris, y compris des arrondissements comme le 8e et le 16e, mais aussi au-delà de la capitale. C'est pourquoi il importe que nous nous saisissions de la question et que nous lui apportions les réponses adaptées. Tel est l'objet de l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je souhaite émettre une suggestion, monsieur le président. Notre collègue Patrick Bloche pose un vrai problème, que chacun reconnaît,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

M. Didier Migaud. ...et j'en remercie M. le rapporteur général, ainsi que M. le secrétaire d'État.

Dès lors que chacun admet l'urgence de trouver une solution dans un certain nombre de villes, notamment à Paris et en région parisienne, pourrions-nous convenir que, d'ici à la deuxième lecture, nous puissions travailler à la rédaction d'un amendement, sans forcément reprendre la formule proposée aujourd'hui ? Nous avons quelques semaines devant nous pour œuvrer utilement contre ces opérations spéculatives que tout le monde s'accorde à dénoncer. C'est une suggestion à l'adresse de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si je suis tout à fait d'accord pour que nous menions une réflexion, je m'interroge néanmoins sur la nature de la réponse à apporter. Je ne suis pas sûr du tout qu'elle se situe sur le terrain fiscal ;...

M. Didier Migaud. Effectivement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...il est fort possible que le terrain juridique soit plus approprié et nous devons étudier cela de façon approfondie. N'est-il pas envisageable, dans ce type d'opérations, d'assurer une meilleure protection du locataire en rendant le congé inopérant ? Vous voyez que la solution n'est pas forcément d'ordre fiscal, d'autant que cela conduirait à accroître le coût des droits de mutation pour des opérations ne posant pas ce genre de problème, ce qui irait exactement à l'inverse de ce que nous faisons depuis dix ans.

Je souhaite donc que nous repoussions ces amendements tout en demandant à mon tour au Gouvernement que nous menions une réflexion, laquelle pourra peut-être aussi déboucher dans le texte sur l'habitat en cours de préparation.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je partage le sentiment de M. le rapporteur général. La question posée par M. Bloche est très judicieuse, mais elle relève du droit civil ou du droit commercial, et je ne suis de ce fait pas persuadé que le projet de loi de finances soit le meilleur vecteur législatif. Il n'en reste pas moins que le Gouvernement est prêt à travailler avec la représentation parlementaire pour trouver des réponses dans les délais les plus convenables possible.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Ces échanges démontrent, s'il en était besoin, la nécessité de travailler, dans les domaines législatif et réglementaire, à trouver des solutions, là où le marché est tendu, au problème du logement locatif social et du logement en accession à la propriété. La preuve a été faite, ces dernières années, que les règles du marché ne répondaient pas aux besoins en la matière, et l'amendement n° 444 rectifié a au moins le mérite de soulever la question.

Bien sûr, il va y avoir la loi Borloo et la loi « habitat pour tous », à laquelle M. Daubresse, le secrétaire d'État au logement, travaille également, en poursuivant ses échanges avec les organismes du logement social, mais j'estime qu'il faut aller vite. Les organismes du logement social peuvent théoriquement se rendre acquéreurs de ces immeubles pour les remettre en état, sauf que la spéculation interdit totalement leur accès au marché. D'autant que s'ajoute, en région parisienne, le problème de la lutte contre le saturnisme, qui passe par la disparition de toutes les conduites en plomb. Je remarque au passage - comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, y compris, à une autre époque, en qualité de rapporteur spécial du budget du logement - que l'Agence de l'eau Seine-Normandie n'a pas, de ce point de vue, une activité très positive.

Quoi qu'il en soit, j'insiste sur le fait que les grands opérateurs se trouvent confrontés à la spéculation des marchands de biens, ce qui empêche l'émergence de véritables règles. Tant que nous n'intervenons pas, c'est tout un pan de la population qui se trouve écarté de l'accès au logement, non seulement à Paris mais aussi dans les grandes agglomérations comme celles de Marseille, de Lyon, voire de Nantes ou de Bordeaux. Il est temps d'agir, peut-être sur le plan fiscal, peut-être par des mesures législatives ou réglementaires, mais, si l'on veut rendre à ceux qui le demandent la possibilité de choisir leur logement, on ne peut rester indifférent à la question que viennent de poser nos collègues Bloche, Le Bouillonnec et Lepetit.

M. le président. Après cet échange constructif, au cours duquel M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur général vous ont dit qu'ils étaient prêts à examiner la question, souhaitez-vous tout de même, monsieur Bloche, que je mette votre amendement aux voix ?

M. Patrick Bloche. Compte tenu de l'esprit d'ouverture de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'État, et préférant que notre amendement ne soit pas repoussé mais reste, si j'ose dire, en suspension, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 444 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 445 rectifié.

Le retirez-vous également, monsieur Bloche ?

M. Patrick Bloche. Non je souhaite le présenter car il est de nature différente.

M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Patrick Bloche. Si je puis me permettre - sans abuser, évidemment, de notre temps collectif -, j'irai un peu plus loin dans notre réflexion : l'amendement n° 445 rectifié, qui pourrait aisément être qualifié d'amendement de repli, aborde le problème sous un autre angle puisqu'il ne touche pas aux droits de mutation, mais à une question de délai.

Face au phénomène de spéculation immobilière que chacun ici reconnaît, les locataires sont mal protégés, pour trois raisons.

D'abord, les marchands de biens détournent la loi de 1989 de son objet. Dans l'esprit qui fut le nôtre lors de son adoption, celle-ci avait pour objet de pacifier et de codifier les relations entre les personnes physiques à l'occasion de la conclusion d'un bail d'habitation, et c'est dans cette optique que son article 15 définit ainsi la procédure applicable au congé vente : « Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. »

Avec les ventes à la découpe que nous évoquons ce matin, la procédure du congé vente est détournée de son objectif initial, des marchands de biens rachetant à des bailleurs institutionnels des immeubles occupés avec pour seule finalité de réaliser de fortes plus-values.

Je serai plus rapide sur la deuxième raison. Le Conseil constitutionnel, en 2000, a pris la décision malheureuse, de notre point de vue,...

M. Jean-Louis Dumont. Ce n'est pas la seule !

M. Patrick Bloche. ...de censurer une disposition essentielle de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, en l'occurrence son article 145. Celui-ci prévoyait que « les logements assimilables au logement social appartenant à la Caisse des dépôts et consignations » demeurent soumis, « après l'expiration de la convention, même lorsqu'ils font l'objet d'un transfert de propriété, et y compris en cas de cession non volontaire, à des règles d'attribution sous condition de ressources et des maxima de loyer fixés ». L'article 145, vous le voyez bien, protégeait les locataires, et son maintien dans la loi aurait permis de pérenniser la vocation sociale des logements concernés, ce qui est incontestablement nécessaire compte tenu de la pénurie structurelle de logements sociaux et de la difficulté, nous le savons tous, à en construire de nouveaux. En annulant cette disposition au nom de la sacro-sainte liberté contractuelle, le Conseil constitutionnel a malheureusement ouvert la voie, en quelque sorte, à la Caisse des dépôts et consignations, qui a massivement remis son parc de logements sociaux sur le marché.

Enfin, les locataires, insuffisamment protégés, en sont réduits à se défendre avec les moyens existants, parmi lesquels figure l'accord collectif de 1998, signé par les opérateurs immobiliers, qui tente d'organiser les procédures de congé-vente. Cet accord prévoit cependant des délais très courts, de seulement cinq mois, qui ne protègent pas efficacement les locataires. De leur côté, en effet, les marchands de biens disposent de quatre ans à compter de la première acquisition pour réaliser leur opération. Le temps joue donc en faveur des marchands de biens et au détriment des locataires.

Je vous propose, à travers cet amendement, qui n'est pas de même nature que le précédent, de rééquilibrer la situation en ramenant de quatre ans à un an le délai imparti pour revendre, lequel conditionne l'exonération de droits de mutation. L'urgence dans laquelle sera alors placé le marchand de biens l'obligera, pour réaliser la revente, à des concessions plus importantes au bénéfice des locataires.

J'ai souhaité défendre cette proposition ce matin, dans le cadre d'un échange où tout le monde semble ouvert. Mais il convient évidemment aussi de renforcer le caractère contraignant de l'accord collectif, ce qui peut être fait, dans un premier temps, par voie réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'émets un avis défavorable car le délai dans lequel il est possible de réaliser l'opération et le taux des droits de mutation - qui faisait l'objet de l'amendement précédant - sont intimement liés. La réflexion que nous mènerons devra porter sur l'ensemble du dispositif, sur les droits de mutation comme sur le délai.

Et, puisque M. Bloche a évoqué certains effets pervers de la loi SRU, je lui rappelle que j'avais moi-même estimé erroné de cesser de considérer les HLM, après leur vente, comme des logements sociaux au sens de la loi SRU.


On voit bien que ce dispositif freine la vente des HLM. L'avis du Conseil constitutionnel n'est pas seul en cause, même s'il pose beaucoup de problèmes. Et je ne suis pas étonné que vous l'ayez souligné dans votre exposé des motifs.

En tout cas, la réduction du délai fait sans doute partie des pistes de réflexion mais je ne peux pas donner un avis favorable, à ce stade.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je trouve que l'amendement de Patrick bloche est excellent.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas surprenant !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, connaissant la diversité des centres d'intérêt de notre collègue et son enracinement dans le réel !

Nous connaissons bien les situations qu'il a évoquées, et vous aussi, monsieur le rapporteur général, du fait de votre mandat local. En effet, en Île-de-France et dans toutes les grandes agglomérations de notre pays, la situation est particulière, et bien que je ne la connaisse pas bien, je ne crois pas qu'elle soit similaire dans la Meuse ou en Ariège, par exemple.

On ne doit pas écarter ces questions d'un revers de la main. Une ouverture a été faite sur l'amendement précédent. Mais si nous voulons éviter la ghettoïsation des privilégiés, d'un côté, et des pauvres, de l'autre, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la cohésion sociale, il faut prendre le problème à bras-le-corps. Le Gouvernement s'y prend fort mal, ne serait-ce qu'avec la suppression du prêt à taux zéro.

S'agissant des ventes à la découpe qu'évoquait Patrick Bloche, il faut prendre des mesures de rétorsion fortes à l'encontre de ceux qui s'y livrent, sous des formes qui restent à préciser, selon qu'il s'agit de personnes privées ou bien publiques et parapubliques, lesquelles ne se comportent pas mieux, parfois, que les marchands de biens.

Un autre phénomène altère aussi la mixité. En effet, il arrive que, dans certains quartiers où, par souci de mixité précisément, une municipalité a favorisé la réalisation, à côté de logements HLM, de programmes d'accession à la propriété, les propriétaires vieillissants les quittent et les louent, considérant que leur rapport constitue un complément substantiel à leur retraite. Mais les loyers sont si élevés que, à cause de la pénurie de logements en Île-de-France en particulier, n'habiteront là que des gens qui ont le couteau sous la gorge, se saignent à blanc pour payer leur loyer et restent le moins longtemps possible. Leur situation matérielle est extrêmement difficile. Et l'on se retrouve, loin de l'objectif initial de mixité sociale, avec une population encore plus paupérisée.

Pour garantir l'égalité entre les citoyens, contrairement à ce que disait Mme des Esgaulx hier, il ne faut pas laisser faire le marché, car le marché est destructeur de la mixité et de la cohésion sociale. Et même sur le bassin d'Arcachon, ce doit être la même chose !

Heureusement, à Paris, la nouvelle municipalité décide d'actes forts. Ainsi, quand Bertrand Delanoë préempte avenue Mozart, il fait acte de salubrité publique. Je souhaite, pour ma part, que l'État donne aux communes les moyens juridiques et financiers d'aller beaucoup plus loin. Je rêve du jour où des gens modestes de Montreuil, s'ils le souhaitent, pourront aller habiter avenue Foch ou avenue de Wagram, ce qui mettrait, du reste, quelque diversité dans ces quartiers qui en manquent ! On pourrait aussi leur offrir le choix d'aller habiter avenue des Champs-Élysées ou avenue des Ternes.

Mme des Esgaulx a au moins raison sur un point : le marché a des mécanismes qui pourraient être utilisés positivement. Mais à la condition de mettre sur le marché des logements en nombre suffisant, logements sociaux, logements intermédiaires et programmes d'accession à la propriété, qui permettent - je sais que Pierre Méhaignerie est d'accord avec moi - même aux plus modestes d'accéder à la propriété. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Je suis tout à fait d'accord avec la proposition qu'on nous a faite de travailler ensemble pour trouver des solutions aux situations spécifiques notamment de l'Île de France, afin d'empêcher, d'une façon ou d'une autre, les ventes à la découpe, ou en tout cas de les encadrer strictement, et de garantir à nos concitoyens le droit d'habiter là où ils le veulent.

Je trouverais insupportable que, dans ma bonne ville, par exemple, les enfants des Montreuillois ne puissent plus, si la vague de spéculation immobilière continue, habiter l'endroit où, de génération en génération, leurs familles ont pris leurs racines. Garantir l'égalité et la cohésion sociale, c'est donner les moyens à ces familles de rester là si elles le souhaitent.

Par conséquent, il faut combattre résolument la spéculation immobilière, ce que le gouvernement actuel, il faut bien le dire, ne fait pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 515.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Cet amendement est le dernier des trois que j'ai déposés sur cette question qui ne laisse personne indifférent sur tous les bancs de notre assemblée.

Je remercie M. Brard d'avoir si joliment illustré la politique de la majorité municipale parisienne, ce qui m'évitera de revêtir ma casquette de conseiller de Paris pour le faire.

C'est au nom de l'intérêt général, qui est mon seul souci - c'est d'ailleurs ici le cas de tout le monde - que je souhaite procéder à cette dernière intervention sur un phénomène dont tout le monde reconnaît ici, qu'il est de grande ampleur. Et s'il se développe essentiellement à Paris, pour l'instant, je crois pouvoir prédire qu'il ne restera pas circonscrit à l'intérieur des boulevards périphériques.

En 2003 comme en 2004, les montages consistant en la cession par un bailleur institutionnel à un marchand de biens qui, ensuite, vend à la découpe, ont concerné 15 % des 40 000 ventes de logements enregistrées à Paris. Au total, selon la mairie de Paris, ce sont 30 000 logements qui ont subi ce type d'opérations.

D'après une étude de l'observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, ce phénomène devrait durer encore plusieurs années si rien n'est fait pour l'enrayer. Et c'est bien l'objet de notre mobilisation dont j'ai cru comprendre qu'elle dépassait la seule opposition.

À Paris, si le phénomène a commencé dans les beaux quartiers, - on a beaucoup médiatisé la vente de logements à Saint Philippe du Roule - il se répand désormais dans les quartiers plus populaires du nord et de l'est parisien, et même au centre. On a beaucoup parlé aussi de la résidence des Arquebusiers dans le 3e arrondissement. Le 11e est touché, je pense au 39 bis rue de Montreuil, le 12e, le 18e et le 19e. Les exemples sont, malheureusement, multiples.

Les conséquences sont très négatives pour Paris et ses habitants, ainsi que pour toutes les agglomérations concernées. Et je répète que ce phénomène ne restera pas que parisien.

En effet, lors de ces ventes à la découpe, les locataires sont souvent mis devant le fait accompli et malheureusement dans l'impossibilité de conserver leur logement. On constate en effet que ces opérations conduisent à l'éviction des locataires qui appartiennent aux classes moyennes ou qui sont de condition modeste, et qui n'ont pas les moyens de racheter leur logement ou de faire face à l'augmentation des loyers qui suit la mise en vente.

Le départ de ces habitants est non seulement source de difficultés personnelles, notamment pour les personnes âgées, mais il a également des conséquences néfastes pour l'équilibre de la ville. C'est en effet toute la mixité sociale - que l'on sait être, depuis les erreurs commises dans les années soixante, une source d'équilibre et d'harmonie sociale - qui est compromise par cette éviction à grande échelle.

Ce phénomène est tellement inquiétant qu'il a conduit les notaires parisiens - tenez-vous bien ! - à pousser un cri d'alarme, pour reprendre leur expression, dont un quotidien du matin s'est fait l'écho. Les notaires sont, en effet, très inquiets de constater que les candidats au premier achat sont exclus d'une ville comme Paris, mais ce ne sera bientôt plus la seule.

De plus, le départ massif et simultané des habitants provoque des changements soudains et brutaux de nature à perturber totalement l'équilibre des quartiers concernés. Il n'est pas rare que plusieurs centaines d'habitants soient ainsi contraints à l'exil en deux ou trois ans. Au-delà du lien social, c'est tout le fonctionnement des services publics et du secteur associatif, ainsi que l'économie des commerces de proximité, qui se trouvent remis en cause.

Afin d'éviter de telles conséquences négatives, - mais je livre aujourd'hui cet amendement plus à la réflexion qu'à l'adoption ! - nous vous proposons, en cohérence avec les amendements précédents, de majorer fortement les pénalités applicables au non-respect des obligations fixées aux marchands de biens pour le bénéfice de l'exonération de droits de mutation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable pour la même raison. D'ailleurs, M. Bloche l'a dit lui-même, il livre cet amendement à une réflexion plus générale. Elle devra permettre d'établir un diagnostic sur certains éléments de blocage contenus dans la loi SRU. Je pense notamment aux délais dans l'élaboration des SCOT et des PLH qui freinent la sortie des opérations, en particulier de logements sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je comprends qu'un délai de réflexion complémentaire soit nécessaire pour les deux précédents amendements et nous souhaitons, d'ici à la deuxième lecture, profiter de la navette pour avancer, en liaison avec nos collègues de la commission des affaires économiques.

Mais pour le présent amendement, il n'en va pas de même. Il ne coûte rien et même il pourrait rapporter, et d'autant plus que tout le monde, sur tous les bancs, convient qu'il y a des abus. Dès lors, peut-on rester sans rien faire ? Il serait bon d'adresser un signal. Peut-être pourrait-on « ajuster » sa rédaction, mais sanctionner des abus - ce qui est le but de l'amendement puisqu'il propose de majorer de 10 % les pénalités applicables au non-respect des obligations fixées aux marchands de biens pour le bénéfice de l'exonération des droits de mutation - est légitime. Ce n'est pas parce que l'amendement émane de l'opposition qu'il n'est pas recevable !

J'en appelle au sens des responsabilités du rapporteur général et à la sagesse de l'Assemblée, qui pourrait adopter cet amendement dès la première lecture.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.


M. Jean-Pierre Brard
. Selon le rapporteur général, certains points de la loi SRU sont à revoir. C'est probable. Mais comme elle fonctionne malgré ses pesanteurs, elle fournit un alibi facile au Gouvernement et lui permet, l'instruction des dossiers étant longue et compliquée, de ne pas engager les financements. On en voit les conséquences catastrophiques sur les besoins à satisfaire. Il y a à Paris - je parle sous le contrôle de Patrick Bloche - 110 000 demandes de logement, 5 800 à Montreuil, pour 400 attributions par an. Cette situation calamiteuse pousse à la spéculation.

Si le Gouvernement en avait la volonté politique, il pourrait facilement faire sauter les blocages en allégeant les procédures. Cela permettrait de mieux satisfaire la demande de logements. « Quand le bâtiment va, tout va. » Aussi, au lieu de gérer les finances publiques de façon régressive en invoquant sans cesse le déficit, vous feriez mieux de donner du travail à ceux qui en cherchent et de satisfaire les besoins en matière de logement en engageant plus rapidement les programmes prévus par les municipalités. Les blocages que vous alléguez ne sont qu'un prétexte pour ne pas engager les finances publiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le secrétaire d'État, ce serait un signal fort contre la spéculation que de voter un de ces amendements. S'agissant des logements, le patrimoine est très souvent détenu par de grandes institutions et leur vente à la découpe s'effectue sans aucune remise aux normes. À quoi bon voter des lois sur la sécurité des ascenseurs ou la lutte contre le saturnisme, alors que, par pure spéculation, on découpe, on revend, on assèche toute capacité de l'accédant ou du nouveau locataire à faire les travaux nécessaires. Il faut une intervention forte afin que, dans les mois et les années à venir, nous puissions répondre à la demande de logements tant en location qu'en accession à la propriété.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je comprends l'intérêt de cet amendement, mais je vous demande d'aller jusqu'au bout de la réflexion. S'agissant, par exemple, de l'amendement de notre collègue Bloche, qui semble raisonnable à première vue, si un marchand de biens dépasse le délai de quatre ans, il devra acquitter une pénalité supplémentaire de 10 % par rapport aux droits de mutation. Mais, en réalité, c'est l'acquéreur final qui sera victime de ce renchérissement. En effet, le marchand de biens, qui n'est qu'un intermédiaire, n'a en aucun cas vocation à garder le bien.

M. Bloche soulève néanmoins un problème réel et nous sommes prêts à engager une réflexion. Mais, si nous adoptons l'un de ces amendements, y compris le dernier, ce sera aux dépens de l'acquéreur. Ce ne serait pas la sagesse, pour les raisons que vous avez vous-même évoquées, monsieur Bloche, à savoir une augmentation beaucoup trop rapide des prix de l'immobilier.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La qualité du débat le montre, il y a manifestement une bonne intention de la part des auteurs de l'amendement. Mais, cela étant, l'argumentation du rapporteur général est intéressante. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jean-Pierre Brard. C'est une véritable ouverture !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Comme le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée, je lui demanderai de réfléchir sur les mécanismes bureaucratiques qui ont conduit à la rareté foncière.

Trois ans sont nécessaires pour établir un SCOT ou un plan local d'habitat. Le Gouvernement doit veiller, dans sa sagesse, à réduire les délais bureaucratiques que nous connaissons aujourd'hui et qui sont à l'origine de la montée des prix.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas faux !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement, dont les membres sont aussi des élus locaux qui vivent ces problèmes au quotidien, a bien entendu l'appel de Pierre Méhaignerie. Je rappelle aux députés de l'opposition, que les mesures qui sont à l'origine de ces lourdeurs ont été votées par la majorité précédente, à la demande du gouvernement qu'elle soutenait.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est exact !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 515.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Brard. Plus réacs, on meurt !

M. le président. Nous allons essayer de survivre encore un peu, car nous abordons le débat, tant attendu, sur l'ISF.

L'amendement n° 26 de M. Guillaume n'est pas défendu.

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement est intéressant parce qu'il a été déposé avant la leçon de choses administrée hier par M. le ministre d'État. À la suite de quoi chaque député de l'UMP est parti avec sa feuille de route. L'habillage et la rhétorique étaient très séduisants, mais, en gros, le message délivré par le ministre aux députés de l'UMP était le suivant : « N'allez pas trop vite, ne soyez pas complètement sots sur le plan politique ! On a déjà pris assez de « baffes » dernièrement. Aussi, soyez prudents ! »

Après, nous n'avons plus entendu M. Novelli qui a pourtant des idées sur ce sujet. Il fait partie des extrémistes, mais des extrémistes raisonnés et intelligents.

M. Hervé Novelli. Je vous remercie, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut reconnaître à ses adversaires les mérites qui leur reviennent. On a toujours tort de les sous-estimer.

Les ultralibéraux, dont M. Guillaume, veulent se débarrasser de l'ISF. L'exposé sommaire de son amendement indique que cet impôt n'existe plus chez aucun de nos voisins. C'est faux ! Savez-vous que, même le Luxembourg, où le secret bancaire est inscrit au registre des libertés fondamentales, recouvre l'ISF - calculé, certes, d'étrange façon ?

Dans la première partie de son amendement, M. Guillaume propose donc la suppression de l'ISF. La deuxième partie est très intéressante, car elle vise à relever les tranches supérieures du barème de l'impôt sur le revenu. J'ai donc déposé un sous-amendement n° 518 tendant à écarter la suppression de l'ISF pour ne retenir que la deuxième partie de l'amendement.

M. Philippe Auberger. Cela a déjà été discuté !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Auberger, vous êtes dans le registre : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! » Pour notre part, en l'exposant, nous démontrons ce que vous êtes réellement, ce qui n'est pas dénué d'intérêt !

M. Philippe Auberger. Un peu de pudeur monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que vous vouliez nous empêcher de discuter de l'ISF et que vous ayez les yeux de Chimène pour les privilégiés. Car, plus le temps passe, plus la situation devient nuisible pour vous au plan politique. Vous souhaitez donc en rester au discours anesthésiant et aguichant que le ministre d'État a tenu hier soir. Car vous avez bien compris que votre maître à penser avait raison.

Voilà pourquoi je vous demande de retenir la partie intelligente et républicaine de l'amendement de notre collègue Guillaume et de relever les tranches supérieures du barème de l'impôt sur le revenu.

M. le président. Je suis donc saisi par M. Brard d'un amendement n° 518.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Très défavorable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Quand on n'a pas d'arguments, dans cet hémicycle, on se contente de répondre « favorable » ou « défavorable ». Cela étant, le secrétaire d'État est plus clair que le rapporteur général. Son sang n'a fait qu'un tour quand j'ai repris l'amendement et il y est donc « très défavorable », ayant pointé un bout de son oreille qui n'est généralement attentive qu'aux privilégiés !

Je le disais tout à l'heure à l'un de vos collaborateurs, monsieur le secrétaire d'État, quand on est de droite, il faut s'assumer. Vous êtes ici les fondés de pouvoir de ceux qui sont responsables de la progression de la pauvreté, du chômage et du nombre de RMIstes dans notre pays. Assumez-vous donc !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il n'y a pas de fondés de pouvoir en République, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. C'était une image rhétorique. Disons que vous êtes les avocats inconditionnels et zélés de tous ceux qui conduisent des millions de Français au-devant des difficultés. Si vous préférez cette formulation, je vous l'accorde volontiers.

M. le président. C'est plus conforme à la Constitution. Je rappelle en effet qu'il n'y a pas de mandat impératif.

La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Jean-Pierre Brard. Il n'a pas compris la leçon du ministre et qu'il valait mieux se taire !

M. Alain Joyandet. Contre cet amendement.

Cela a été rappelé hier soir, personne, sur les bancs de la majorité, n'a demandé la suppression de l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard. Si, M. Guillaume !

M. Alain Joyandet. Une seule raison peut nous conduire à y toucher : l'emploi. C'est en cela que je vois la justification de la réflexion engagée.

Depuis hier, j'ai entendu beaucoup d'arguments, très justes, qui peuvent motiver cette démarche. Je me réjouis de la position du ministre d'État et je suis en plein accord avec les propositions qui nous ont été faites.

Je souhaite m'adresser à mes collègues de gauche, qui nous reprochent de ne pas avoir l'esprit de responsabilité. Si l'ISF génère des problèmes en matière d'emploi, nous devons en parler tous ensemble. Hier soir, M. le ministre d'État a fait des propositions. Si la question est d'intérêt général et concerne l'emploi, pourquoi ne pas en débattre ?

Je tiens à dire à M. Brard que je n'éprouve aucune sollicitude pour ceux qui ont quitté la France afin de ne pas payer l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard. Je l'espère bien !

M. Alain Joyandet. J'estime que l'esprit de responsabilité doit tous nous animer. Si nous pouvions trouver des solutions permettant de réduire le chômage dans notre pays, je pense que nous ferions œuvre utile. L'ouverture qui a été faite hier soir par Nicolas Sarkozy va dans ce sens. Le barème de l'impôt sur le revenu ne choque personne. Pour le reste, nous devons trouver des solutions. Si nous ne parvenons pas à un certain consensus sur une éventuelle réforme de l'ISF, celle-ci n'aura aucune conséquence positive sur le plan économique. Car ceux qui ont quitté la France pour ne pas payer l'ISF n'y reviendront pas s'ils ne disposent pas d'une certaine lisibilité à moyen terme.

M. Jean-Pierre Brard. Dénoncez-les ! Stigmatisez-les !

M. Alain Joyandet. Certes, mais compte tenu de la position défendue par la gauche dans le passé, elle aurait intérêt à ne pas caricaturer la nôtre. Pour notre part, nous devons avoir une démarche très prudente dont le seul objectif est de parvenir à un consensus national.

Car, derrière ces polémiques, des gens attendent un emploi et, s'agissant de l'ISF, c'est la seule chose qui m'intéresse : améliorer la situation économique, monsieur Brard, et permettre à certains de nos concitoyens de trouver un emploi et de sortir de la pauvreté. Je ne m'intéresse pas aux riches qui fuient la France pour ne pas payer l'impôt de solidarité sur la fortune. Ma réflexion porte sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la fiscalité dans notre pays et créer des emplois.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 518.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président.
Je suis saisi d'un amendement n° 367.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement devrait donner satisfaction à notre collègue Joyandet. Il vise à élargir l'assiette de l'ISF, ce qui permettrait de réexaminer le seuil d'imposition et les taux, de façon à rendre cet impôt - qui, rappelons-le, est un impôt de solidarité - à la fois plus juste et plus efficace.

Nous l'avons bien compris hier soir : vous voulez, au fil du temps et par touches successives, vider l'ISF de toute substance, lui supprimer toute efficacité. Or nous avons besoin de cet impôt, non seulement pour financer le RMI, mais aussi, par exemple, pour améliorer le sort des personnes âgées, lutter contre le cancer ou relancer l'investissement public.

Contrairement à ce qui a été dit, l'objectif d'un certain nombre de nos collègues est connu : il consiste à supprimer l'ISF, ou du moins à détourner son utilisation et, plutôt que de consacrer son produit à des actions nécessaires en faveur des plus démunis, à le réorienter vers les PME - sans exiger la moindre contrepartie en emplois, comme d'habitude.

Notre proposition, au contraire, va vraiment dans le sens d'une incitation à l'emploi. Il s'agit de prendre compte de manière modulée les biens professionnels dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il est en effet nécessaire de moderniser cet impôt, notamment en tenant compte de la manière dont sont composés les grands patrimoines, et de l'adapter en fonction d'une priorité clairement donnée à l'emploi, et donc au patrimoine productif. C'est pourquoi nous proposons de faire évoluer la logique d'imposition des grandes fortunes en plaçant leurs détenteurs face à une responsabilité sociale et nationale vis-à-vis de l'emploi.

L'amendement vise à intégrer les biens professionnels à hauteur de 50 % de leur valeur, en modulant le taux d'intégration en fonction des choix faits par l'entreprise en matière d'emploi et de salaire. Cette modulation permettrait de renforcer l'efficacité de la politique fiscale en matière d'incitation à la création d'emplois. Dans ce domaine, en effet, le regain de croissance auquel nous assistons est particulièrement pauvre, faute d'une politique adéquate.

En résumé, grâce à notre amendement, l'assiette de l'impôt serait élargie lorsque les bénéfices imposés ont pour origine une croissance purement financière et au contraire allégée quand ces bénéfices sont engendrés par une croissance réelle, riche en emplois qualifiés. Une telle réforme constituerait un levier et un signal en faveur du développement de l'activité économique réelle et de l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. J'ai trouvé intéressante la première idée de M. Sandrier : il souhaite, comme nous, que l'ISF favorise l'emploi. Mais à peine a-t-il exprimé ce souhait qu'il propose d'intégrer les biens professionnels dans l'assiette de cet impôt, ce qui va exactement à l'encontre de l'objectif recherché.

Comme les intentions de M. Sandrier sont pures, je compte sur son appui lorsque nous défendrons différentes propositions visant à mieux utiliser l'ISF au bénéfice de l'investissement - en particulier dans les petites et moyennes entreprises -, de l'emploi et de la lutte contre les délocalisations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le ministre de l'économie et des finances l'a rappelé hier soir : en matière d'ISF, le Gouvernement a inscrit sur sa boussole la justice sociale et l'emploi. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Vous proposez, monsieur Sandrier, d'inclure les biens professionnels dans l'assiette de l'impôt. Or le fait de taxer les forces économiques de notre pays est tout à fait contraire à une politique favorable au recrutement de main-d'œuvre. Au nom de la défense de l'emploi, le Gouvernement est donc naturellement hostile à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 96, 27 et 20, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour défendre l'amendement n° 96.

M. Philippe Auberger. Tout d'abord, je voudrais remercier le ministre d'État pour avoir donné satisfaction à la majorité, laquelle réclamait l'ouverture d'un dialogue sur l'ISF, notamment à propos de ses conséquences dommageables en matière d'emplois ou de son influence sur la délocalisation des capitaux productifs. Je rends hommage à la décision du ministre d'État et à la façon dont il a présenté les choses hier soir, et je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir lui transmettre cette appréciation.

M. Jean-Pierre Brard. C'est de la fascination !

M. Philippe Auberger. Le ministre d'État l'a dit, et nous l'approuvons : en l'état actuel des choses, il faut maintenir l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est d'ailleurs l'objet des différents amendements adoptés par la commission des finances, qui se contentent d'apporter des aménagements très limités, puisqu'ils portent sur un total de 200 millions d'euros.

Rappelons que l'écart entre les évaluations du produit de l'ISF et leur réajustement effectué dans la perspective du projet de loi de finances pour 2005 fait apparaître une augmentation de 400 millions d'euros. Afin d'éviter une progression qui nous paraît excessive au regard de l'évolution des valeurs, nous avons donc proposé de la réduire de moitié.

Nous avons bien retenu que les orientations du Gouvernement étaient surtout de maintenir l'emploi et même de le développer, notamment en favorisant l'investissement des capitaux qui ne sont pas consacrés à l'ISF en faveur du développement des petites et moyennes entreprises. Nous sommes évidemment tout à fait favorables à cette orientation. Il ne faut pas décourager la prise de risque ni entraver l'apport de capitaux productifs dans notre pays, qui tend à en manquer. Il faut également, monsieur le secrétaire d'État, ne pas décourager le travail, l'effort et l'épargne.

Nous sommes donc bien évidemment favorables à l'actualisation du barème. C'était d'ailleurs une de nos propositions, que je remercie le Gouvernement d'avoir acceptée. Mais je souhaite que l'on se demande pour quelle raison un certain nombre de nos compatriotes - de l'ordre de 15 000 à 20 000 foyers par an - entrent chaque année dans le champ de l'ISF, et si une nouvelle façon de voir les choses ne devrait pas conduire à l'éviter.

Ce phénomène - et le ministre d'État l'a admis - est souvent lié à la situation de l'immobilier, et n'a donc rien à voir avec les problèmes d'emploi et de maintien des capitaux dans notre pays. Mais je maintiens l'idée - et je ne désespère pas de la voir concrétisée dans un délai proche - qu'il faut exclure la résidence principale de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Nos collègues de la gauche admettent bien que l'on exonère totalement les œuvres d'art. La résidence principale serait-elle moins importante ? Une telle affirmation ne peut que heurter le bon sens de nos concitoyens.

M. Hervé Novelli. Très juste !

M. Philippe Auberger. Par ailleurs, je rappelle à notre majorité qu'en 1976, lorsque nos prédécesseurs ont voté l'imposition des plus-values - je m'en souviens pour avoir occupé alors les bancs réservés aux collaborateurs des ministres -, ils ont tenu à exonérer totalement les plus-values sur la résidence principale. Cela montre bien que celle-ci fait l'objet d'un sort particulier dans notre système fiscal. C'est une valeur familiale qu'il convient de préserver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est sous le bénéfice de ces observations que je retire l'amendement n° 96, ainsi que les amendements nos 97, 95, 98, 103, 93 rectifié et 94.

M. Gérard Bapt. La retraite est sonnée !

M. Philippe Auberger. Conformément à la Constitution, le Gouvernement a en effet fait des propositions, et il importe maintenant à la majorité et à l'Assemblée de se concerter avec lui avant qu'elles viennent en discussion.

M. le président. L'amendement n° 96 est retiré et les amendements nos 97, 95, 98, 103, 93 rectifié et 94 ne sont pas appelés.

M. Jean-Pierre Brard. Je reprends l'amendement n° 96.

M. le président. Monsieur Brard, vous pouvez reprendre l'amendement n° 96, mais pas intervenir, car il a déjà été défendu.

M. Jean-Pierre Brard. Certes, mais mal ! La preuve, c'est qu'il a été retiré !

M. le président. Les amendements nos 27 et 20 ne sont pas défendus.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 96 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté l'amendement n° 96, mais nous avons eu une discussion approfondie sur le problème de la résidence principale.

Comme l'a magistralement expliqué Philippe Auberger, il est incompréhensible pour nos concitoyens que l'on puisse exonérer les œuvres d'art de l'assiette de l'ISF - ce qui a été constamment défendu pendant la précédente législature - tout en taxant la résidence principale.

Les chiffres sont extrêmement inquiétants, monsieur le secrétaire d'État. En 2004, 28 000 contribuables supplémentaires sont entrés dans le champ de l'ISF - au niveau de la première tranche pour les deux tiers d'entre eux. Ils y entrent essentiellement au titre de leur résidence principale, comme le montre la décomposition de l'assiette. Par ailleurs, si l'on examine la répartition géographique de ces contribuables, on s'aperçoit qu'ils sont, pour la plupart, situés dans les grandes villes. Ils subissent donc le contrecoup de l'évolution très forte des prix de l'immobilier, ainsi que le soulignait hier notre collègue Marie-Hélène des Esgaulx, laquelle ajoutait d'ailleurs que le phénomène pouvait également être observé sur le littoral, et en général partout ou la pression de la demande est particulièrement forte par rapport à l'offre. De même que l'ISF provoque des délocalisations d'entreprises et d'emplois - le diagnostic est à cet égard parfaitement établi -, cet impôt pose donc une difficulté particulière s'agissant de la résidence principale.

Pour y répondre, la commission a adopté un amendement portant l'abattement au titre de la résidence principale de 20 à 30 %. Il est en cohérence avec l'amendement visant à l'actualisation du barème, que le ministre d'État a repris hier, ce dont à mon tour je le remercie. Cette actualisation est applicable dès 2005 et s'articule avec celle concernant l'impôt sur le revenu. Mais le barème n'ayant pas été modifié depuis 1997, il convenait, à nos yeux, de rattraper le retard en augmentant l'abattement sur l'élément d'assiette qui pose le plus de problèmes, à savoir la résidence principale.


Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que votre réponse tienne compte de l'élément très spécifique que représente la résidence principale.

On pourrait aussi, pour traiter cette question, opérer une actualisation différenciée de la première tranche.

Cette question, je le répète, préoccupe de nombreuses familles, qui éprouvent un sentiment d'insécurité parce qu'elles ne savent pas trop si elles ne sont pas à la limite de l'entrée du barème. Plus le logement est grand en raison du nombre de membres de la famille, plus sa valorisation est forte, et, surtout, il s'agit de plus-values totalement virtuelles parce que, à l'évidence, les personnes intéressées ne vont pas vendre leur logement pour autant, et continuent d'y habiter. Elles sont taxées en vertu d'une revalorisation purement artificielle, liée au contexte immobilier local, totalement indépendant de leur volonté.

Ce problème mérite attention, et je souhaite que vous soyez à notre écoute sur ce sujet qui, je le répète, préoccupe de nombreux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est extrêmement sensible à la position juste et équilibrée de M. Auberger et aux propos très équilibrés également du rapporteur général.

La question de la résidence principale est une vraie question. Contrairement d'ailleurs à ce que pensent certains observateurs, ce n'est pas simplement une affaire francilienne, et vous l'avez bien dit, monsieur le rapporteur général. Cela concerne les grandes agglomérations, ainsi que, Marie-Hélène des Esgaulx l'a évoqué hier, des zones touristiques que nous connaissons bien elle et moi, sur l'Atlantique ou ailleurs. Alors que j'étais en déplacement la semaine dernière dans leur département, M. Accoyer et M. Saddier m'ont expliqué qu'avec les montagnes, les vallées et les lacs,...

M. Michel Bouvard. Partout où il n'y a plus de terrain !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...espaces par nature protégés, il n'y avait plus d'espace.

M. Michel Bouvard. Il y a en plus la proximité de la Suisse !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avec, en plus, la proximité d'un grand pays très actif sur le plan économique, il y a une tension extraordinaire sur les prix de l'immobilier.

Le Gouvernement est conscient de ces difficultés, le ministre d'État l'a d'ailleurs rappelé hier soir de manière claire et solennelle. Nous étudierons le problème pour aboutir à moyen terme à une solution. Les commissions des finances y ont déjà réfléchi et continueront à y travailler.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J'ai repris cet amendement pour faire sortir le débat de son caractère politicien. Il faut que le roi apparaisse nu, que le masque tombe, que vous apparaissiez malgré vous dans votre sincérité profonde et que l'on sache quelles sont vraiment vos intentions.

La résidence principale, on pourrait en discuter à l'infini. Il ne s'agit que d'aménagements, disait délicatement Philippe Auberger, mais, d'aménagement en aménagement, on n'aménage plus, on émascule, et c'est ce que vous faites depuis vingt-six mois que vous êtes revenus au pouvoir. Vous effeuillez l'ISF comme certains effeuillent la marguerite, mais vous, ce que vous aimez, c'est la fortune qui permet de l'asseoir.

Les propos de Philippe Auberger tout à l'heure étaient très intéressants. Son discours était émouvant, sensible, sentimental, affectueux vis-à-vis du ministre d'État. Il vous a même demandé, monsieur le secrétaire d'État, vous dont ce n'est pas la vocation première, de faire le facteur et de transmettre au ministre d'État ses déclarations d'allégeance. Je me demande même si, derrière, il n'y a pas une demande implicite de maroquin ministériel. Si j'étais vous, je me méfierais tout de même ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Ils sont nombreux !

M. Jean-Pierre Brard. Évidemment, il y a de nombreux candidats !

Comme le disait tout à l'heure en aparté Patrick Bloche, l'UMP est sous hypnose. D'une certaine manière, vous traitez l'ISF un peu à la façon d'un mauvais coiffeur. Il vous demande si vous voulez qu'il coupe court. Pas trop, répondez-vous, mais, comme il n'a pas le coup de ciseau très sûr, il coupe là où il ne faut pas, et vous quittez le salon chauve.

M. Jean-Yves Chamard. C'est ce qui nous est arrivé à tous les deux ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous plus que moi ! (Sourires.) Je pense que vos électeurs sont passés par là !

En réalité, monsieur Auberger, il faut cesser d'utiliser des mots alibis auxquels vous ne croyez pas. Vous me faites penser aux vieilles bigotes qui récitent leur chapelet à la façon dont Pascal incitait à croire en Dieu : je ne suis pas sûr qu'il existe mais, au cas où il existerait, mieux vaut y croire. Pascal vivait il y a trois siècles et demi, M. Auberger n'a donc plus d'alibi pour pratiquer de la même façon.

Quand vous expliquez, monsieur Auberger, qu'il faut maintenir l'emploi et même - quelle témérité révolutionnaire ! - le développer, qu'il ne faut pas décourager la prise de risques, le travail et l'effort, c'est le discours de la bourgeoisie louis-philipparde, et je vous vois d'ailleurs bien en Louis-Philippe, c'est le discours de la bourgeoisie du Second empire, c'est le discours de Paul Reynaud quand, après le Front populaire, il déclara : finie la semaine des quatre jeudis. C'est à peu près le discours que vous tenez à propos des 35 heures.

M. Richard Mallié. Et vous, c'est la lutte des classes du xixsiècle.

M. Jean-Pierre Brard. Vous dites qu'il ne faut pas décourager le travail. Respectez les gens que vous réduisez à la misère et au chômage. Pensez-vous que les 4 millions de chômeurs ne veulent pas travailler ? Ceux qui sont sans emploi depuis des années et qui ont avec leurs familles une relation extrêmement difficile, c'est à vous qu'ils le doivent, c'est vous qui les avez réduits au chômage !

Quant à vous, monsieur le rapporteur général, quand vous prétendez que nous nous sommes opposés à l'inclusion des œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, je pense que vous manquez un peu de mémoire. Sous la législature précédent, la majorité de l'époque l'a votée, contre l'avis du gouvernement, et c'est votre ami Pierre Lellouche, qui, succédant à M. Marcus, en digne porte-parole du lobby des marchands d'art parisiens, s'était fait le chantre de l'exonération des œuvres d'art.

M. Michel Bouvard. M. Lellouche a succédé à M. Kaspereit !

M. Jean-Pierre Brard. M. Kaspereit était, lui, un véritable amateur d'art.

Ce n'est donc pas la peine, monsieur le rapporteur général, de vous cacher derrière votre petit doigt. Je présenterai tout à l'heure un amendement tendant à introduire les œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, et vous pourrez donner libre court à votre inclination. Cela dit, je ne me rappelle pas vous avoir vu voter mon amendement à l'époque.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, je ne l'ai pas voté, et je ne voterai pas celui-ci.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

Vous êtes sans doute pour, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Certainement pas !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est ridicule !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 4.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le retire compte tenu de la réponse précise du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 49 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement, n° 368.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le défendre.

M. Jean-Pierre Brard. Maintenant, monsieur le secrétaire d'État, que le Conseil des impôts - cela vous gêne sans doute que j'en parle puisque, à chaque fois que nous mentionnons le travail du Conseil des impôts, vous nous opposez votre mutisme - a rétabli la vérité des faits sur l'impact, en réalité très limité, de l'impôt de solidarité sur la fortune sur les délocalisations, nous devrions pouvoir avoir un débat plus serein, débat auquel vous vous déclarez prêt, au moins dans les mots, plus constructif et sans animosité sur les aménagements à apporter à cet impôt, non pas pour le transformer en une coquille vide, comme en rêvent beaucoup à droite, mais pour le rendre plus efficace et plus juste.

L'élargissement de l'assiette est l'une des pistes de réforme, avec une adaptation du barème, des seuils et de la progression. L'introduction des œuvres d'art, que notre assemblée, dans sa sagesse, a déjà eu l'occasion de voter, est totalement cohérente avec cette conception de l'ISF.

Ainsi, dans un souci de justice, d'équité et de transparence, cet amendement vise à intégrer les œuvres d'art ainsi que les objets d'antiquité et de collection dans l'assiette de cet impôt et à ne maintenir l'exonération actuelle que pour les biens meubles qui constituent le complément artistique des immeubles classés ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, pour les œuvres présentées au public quelques semaines par an, ainsi que pour les œuvres des artistes contemporains encore en vie.

Notre proposition de fixer forfaitairement à 3 % de l'ensemble des autres valeurs déclarées la valeur des œuvres d'art est très modérée. De plus, c'est très simple pour les assujettis, et vous parlez tout le temps de simplification.

Enfin, vous le savez comme moi, le commerce des œuvres d'art est un très grand support de la fraude et du blanchiment de l'argent. Quand j'ai dénoncé mardi l'inactivité et le manque de zèle pour combattre la mafia russe dans le sud-est de la France, j'ai vu les mimiques courroucées du ministre d'État, mais je n'ai pas eu de réponse, et pour cause, puisqu'il n'y a pas d'action résolue.

Cet amendement visant à inclure les œuvres d'art dans l'assiette de l'impôt sur la fortune non seulement permet d'élargir l'assiette, préserve la création contemporaine, permet d'exonérer les œuvres présentées au public, mais est aussi un moyen de lutter contre le blanchiment de l'argent sale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?


M. Gilles Carrez
,
rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement qui a été, lors de la précédente législature, un motif de discorde au sein de la majorité plurielle et entre celle-ci et le gouvernement. On se souvient de votes bloqués, de papiers roses, de deuxième délibération.

Les œuvres d'art sont exonérées, c'est très bien, mais il n'en demeure pas moins que nous devons expliquer à nos concitoyens pourquoi il n'en va pas de même de la résidence principale. Je ne vais par refaire le débat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Permettez-moi de revenir sur plusieurs points du débat qui s'est engagé depuis hier soir sur l'impôt de solidarité sur la fortune. Au demeurant, c'est un débat qui a commencé dès que vous êtes revenus aux responsabilités.

Manifestement, des accords sont intervenus. Derrière une présentation particulièrement habile du ministre de l'économie et des finances, et le retrait provisoire de nombre d'amendements, se cache la volonté de l'UMP de grignoter lentement, mais sûrement, le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Michel Bouvard. Mais non, puisqu'il va progresser en 2005 !

M. Didier Migaud. Un train en cache un autre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. C'est de l'auto-persuasion !

M. Didier Migaud. Décidément, vous avez du mal à rester tranquille sur ce sujet, surtout lorsque le ministre de l'économie et des finances n'est pas présent et que vous pouvez donner libre cours à vos sentiments véritables.

M. Marcel Bonnot. Au moins, nous en avons !

M. Jean-Pierre Brard. M. Novelli, lui, reste calme !

M. Didier Migaud. Eh oui, au fond de lui-même, il pense qu'il a gagné, en partie, le combat qu'il mène depuis longtemps.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre le lui a dit dans le creux de l'oreille !

M. Didier Migaud. Il y a déjà eu la loi Dutreil, on attend les dispositions Sarkozy dans le projet de loi de finances pour 2005 et on nous annonce le projet de loi Jacob. Petit à petit, on grignote cet impôt de solidarité sur la fortune et bientôt on nous expliquera qu'il est devenu inutile, que son coût de recouvrement est bien trop élevé rapporté à son produit. C'est tout à fait ce que vous pensez. Cela figure même dans quelques amendements parce que certains ont le courage d'écrire ce que beaucoup pensent tout bas ou disent dans les couloirs.

M. Novelli a toutes les raisons de se réjouir. Même s'il n'a pas gagné cette fois-ci, petit à petit, il creuse son sillon.

M. Éric Besson. Il finira ministre !

M. Didier Migaud. Les idées exprimées tout à l'heure par Philippe Auberger entrent progressivement dans les mentalités.

M. Philippe Auberger. Vous me prêtez beaucoup d'influence. J'en rougis d'aise !

M. Didier Migaud. Et le ministre de l'économie et des finances nous explique maintenant qu'il va confier ce dossier aux deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et qu'il se ralliera à leurs propositions consensuelles. Le jeu est clair !

M. Philippe Auberger. C'est la démocratie !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et pourquoi pas ?

M. Philippe Auberger. De quoi vous plaignez-vous, monsieur Migaud ? Nous allons jouer notre rôle !

M. Didier Migaud. Quand on connaît la position du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et davantage encore celle de son homologue du Sénat, qui n'a jamais caché son opposition frontale à l'impôt de solidarité sur la fortune, il y a davantage de raisons de s'inquiéter des propos du ministre de l'économie et des finances, que d'être rassuré sur la volonté de l'UMP d'ajuster seulement à la marge cet impôt de solidarité sur la fortune.

M. Philippe Auberger. C'est un procès d'intention !

M. Didier Migaud. Vous nous avez beaucoup cités. Quand les débats vous gênent, cela vous intéresse de pouvoir vous raccrocher à Bérégovoy, à Rocard, à Jospin, à Strauss-Kahn et même à Migaud ! Je suis honoré de figurer parmi ces grands noms.

M. Jean-Pierre Brard. C'est comme cela que l'on entre dans l'histoire !

M. Didier Migaud. Peut-être !

Mais vous ne tenez pas compte du contexte. C'est vrai, nous sommes un certain nombre à avoir reconnu qu'il serait raisonnable de remettre sur la table certaines dispositions de l'impôt de solidarité sur la fortune. M. Sandrier l'a dit tout à l'heure.

M. Philippe Auberger. C'est si vrai que vous ne l'avez pas fait !

M. Didier Migaud. Si, nous avions commencé. Un certain nombre de dispositions ont été prises.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ça se saurait !

M. Philippe Auberger. Lesquelles ? En tout cas, pas sur l'ISF !

M. Didier Migaud. Sur les transmissions d'entreprises, par exemple. J'ai rédigé un rapport sur ce sujet.

M. Philippe Auberger. Un rapport sans suite !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et cela ne concernait pas l'impôt de solidarité sur la fortune !

M. Didier Migaud. Nous souhaitons justement que cette question-là soit traitée globalement dans le cadre d'une réforme de notre fiscalité.

M. Philippe Auberger. Quel manque de sérieux !

M. Didier Migaud. Non, ce n'est pas un manque de sérieux !

M. Philippe Auberger. Si, vous n'avancez aucun argument !

M. Didier Migaud. En revanche, vous, sans en donner l'impression, par petites touches successives, vous remettez en cause une partie de notre fiscalité. C'est ce que nous dénonçons. Et vous faites la même chose avec l'impôt sur le revenu.

M. le président. Monsieur Migaud, il faudrait penser à conclure.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, certains ont parlé longuement sur ce sujet. Permettez-moi d'en faire autant.

Et que dire de l'indexation ! Il est intéressant de noter que vos références, lorsqu'il s'agit de l'ISF, sont différentes. Pour les bourses, par exemple, que nous avons évoquées, l'indexation n'est pas la même. Vous retenez seulement 1,5 %. Vous privilégiez systématiquement les mesures favorables à une petite partie de nos concitoyens, dès qu'il s'agit de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt de solidarité sur la fortune. Je suis choqué que vous passiez tant de temps pour essayer d'accrocher telle ou telle réduction de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt de solidarité sur la fortune, alors que vous méprisez des propositions qui concerneraient des millions de nos concitoyens.

Mais le comble, monsieur le secrétaire d'État, c'est de vous entendre justifier ces dispositions au nom de l'emploi ou de la justice fiscale. Votre boussole a perdu le nord ! Personne ne peut vous croire.

Si vous aviez comme obsession la justice fiscale ou l'emploi, vous ne proposeriez pas les projets de budget que vous nous proposez depuis juin 2002.

Tous les résultats le montrent, depuis juin 2002, les inégalités se sont aggravées et l'emploi s'est dégradé.

M. Michel Bouvard. La dégradation avait commencé avant !

M. Didier Migaud. Il ne suffit pas, monsieur le secrétaire d'État, d'utiliser les mots magiques « d'emploi » ou de « justice ». Vous avez tenu ce même raisonnement pour la réduction de l'impôt sur le revenu pour l'emploi à domicile. Sans cesse vous justifiez vos propositions au nom de l'emploi, alors que la réalité démontre le contraire.

Nous tenons à dénoncer ce lent mais scrupuleux grignotage de l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Michel Bouvard. On ne grignote rien puisque le produit de l'ISF va progresser !

M. Didier Migaud. Aujourd'hui, nous allons avoir un deuxième train de mesures, qui en annonce un troisième, qui vraisemblablement en annoncera un quatrième. Nous tenons à les dénoncer et surtout à nous exprimer contre vos propositions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous pensiez être tirés d'affaire avec l'ISF grâce la prestation du ministre d'État hier soir, vers minuit, à un moment où les journalistes, qui ne sont pas présents à l'Assemblée, sont assoupis.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous êtes désagréable avec la presse !

M. Jean-Pierre Brard. Vous pensiez ainsi régler vos petites histoires à l'esbroufe !

Mais non, même si nous avons bien compris qu'en parfaits fantassins, les députés de l'UMP s'étaient alignés immédiatement sur les conseils du ministre. Mme des Esgaulx ne trouve rien à redire à la proposition du ministre, et je lui conseille même, pour assurer la promotion d'Arcachon d'organiser un séminaire des deux commissions des finances autour d'une douzaine d'huîtres !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Merci de parler de ma circonscription !

M. Jean-Pierre Brard. Du reste, il n'y aura rien à discuter, puisque la partition est déjà écrite !

C'est vrai, sous la précédente législature, les parlementaires de gauche n'étaient pas d'accord avec le gouvernement, et la majorité plurielle parlementaire a voté les amendements visant à inclure les œuvres d'art dans le calcul de l'assiette de l'ISF.

Il faut le reconnaître, il y a des piliers de la gauche caviar,...

M. Michel Bouvard. La gauche truffière !

M. Jean-Pierre Brard. ... ces piliers de cocktails qui discutent de la misère du monde et de la désespérance, une coupe de Taittinger à la main.

M. Charles de Courson. Des noms !

M. Jean-Pierre Brard. Par exemple, Mme Françoise Cachin, ancienne directrice des musées de France, lors du vote de la dernière loi de finances de la gauche, a envoyé par fax - à moi y compris, mais là elle s'était trompée ! - l'argumentaire à développer pour empêcher mon amendement d'être adopté.

Florence Parly, alors secrétaire d'État au budget, qui venait de donner naissance à un enfant, avait été remplacée au pied levé par un secrétaire d'État qui, ne connaissant pas le sujet, se contenta, pour me répondre, de lire le message de Mme Cachin.

M. Michel Bouvard. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Je lui avais d'ailleurs fait remarquer qu'il s'était interrompu au cours de la lecture, puisque j'avais le texte intégral !

La gauche caviar est à la gauche ce que la télé-réalité est à Arte (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Enfin, un moment de lucidité !

M. Jean-Pierre Brard. Ces gens-là sont de gauche, comme moi je suis archevêque et ils peuvent tout aussi bien, selon les périodes, se retrouver sur vos bancs ! Ils n'ont pas de conviction !

M. Charles de Courson. Et là, ça vous gêne moins !

M. Michel Bouvard. Ce sont des intermittents de l'opinion ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. À votre place, j'éviterais de plaisanter au sujet des intermittents. Ils risquent de vous le rappeler à l'occasion.

M. Michel Bouvard. Certains sont soumis à l'ISF !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous rappelle que certains d'entre vous ont des électeurs intermittents ! Demandez donc à M. Chamard, il en sait quelque chose !

Quant à vous monsieur de Courson, vous ne risquez pas d'être dans la gauche caviar, car ces gens-là au moins ont des références dont vous ne nous faites pas profiter dans l'hémicycle.

M. Charles de Courson. C'est-à-dire ?

M. Jean-Pierre Brard. Ils possèdent une sorte de vernis culturel, même s'il n'est pas très épais. (Sourires.) Je parle de la gauche caviar, pas de vous, monsieur de Courson, car votre ancêtre, le Peletier de Saint-Fargeau avait des références !

Le rapporteur général n'a pas répondu au problème de la fraude. Sur l'aspect blanchiment de l'argent sale, c'est le grand silence. I n'y a pas de volonté politique de combattre la fraude, pas plus que les paradis fiscaux, pas plus que la grande criminalité. Certes, il y a des discours, mais nous attendons toujours les actes !

Nous pouvons localiser tout cela géographiquement, que ce soit dans le sud-est de la France ou dans certains lieux de la capitale, du côté de la rue de Seine.

Que faites-vous concrètement ? Je vous donne une possibilité de rendre tout cela transparent, mais vous n'en voulez pas ! C'est aux actes que l'on juge les politiques, non aux mouvements de menton, ni aux mouvements de manches.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.


M. Gilles Carrez
,
rapporteur général. M. Brard nous a fait sourire, et je l'en remercie. Pour ce qui est de la fraude fiscale, je tiens à lui rappeler, sous le contrôle de M. Bouvard, que nous avons tout fait dans le cadre de la loi organique pour définir une action et fixer des objectifs précis.

Monsieur Migaud, compte tenu du souci d'objectivité et de rigueur qui vous anime constamment, je tiens aussi à vous fournir quelques précisions. Voici un peu plus d'un an, vous critiquiez le texte relatif à l'initiative économique, qui comportait des dispositions relatives à l'ISF visant à lutter contre les délocalisations, qu'il s'agisse de la disposition relative à l'engagement collectif de conservation des actions permettant de maintenir l'entreprise sur le territoire national ou de celle concernant une réfaction d'assiette en fonds propres dans les PME leur permettant d'investir et de recruter en France. Vous nous reprochiez alors - vos propos figurent au Journal Officiel - de vider l'ISF de sa substance, affirmant que cela coûterait des centaines de millions d'euros. On a même entendu un matin Mme Ségolène Royal, probablement mal réveillée, expliquer à la radio que nous supprimions l'ISF ! Or ces mesures sont en vigueur depuis le 1er janvier 2004, et les déclarations remplies au mois de juin en tiennent donc compte. Et qu'observe-t-on ? Le produit de l'ISF progresse de 315 millions d'euros ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Bapt. Il y a une fuite !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas objectif !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Force est de reconnaître que ce sont des éléments objectifs.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas sérieux, monsieur le rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Écoutez bien, mes chers collègues : « Votre rapporteur général estime que le maintien de l'ISF ne doit pas exclure la réflexion sur les moyens de le rendre plus efficace et de renforcer son adaptation à l'évolution économique. Il s'agit par là de conforter l'ISF et la justice fiscale plutôt que de faire perdurer des mécanismes dont la complexité ne pourra, à terme, que fragiliser l'ISF. »

Mes chers collègues, le rapporteur général dont il est question dans ces lignes, ce n'est pas moi, mais mon prédécesseur, M. Migaud, dans son rapport de juillet 1998 sur la fiscalité du patrimoine !

M. Didier Migaud. Lisez jusqu'au bout !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, il ne faut jamais extraire une phrase de son contexte.

M. Didier Migaud et M. Gérard Bapt. C'est pourtant ce que vous faites !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non ! Je vais d'ailleurs poursuivre ma lecture : « La trop grande complexité des règles d'assiette est, en effet, une inévitable source de contentieux, soit incompréhension réelle, soit tentative d'en détourner l'interprétation à des fins d'évasion fiscale. Les coûts de gestion en sont inévitablement affectés. Du point de vue économique, la simplicité des règles est aussi gage de l'application la plus large possible, c'est-à-dire d'une base imposable suffisante pour permettre la mise en œuvre de taux modérés et, partant, une meilleure acceptation de l'impôt par ses redevables et une meilleure compréhension par l'opinion publique. Cette moindre pression fiscale évite à l'impôt de subir des phénomènes de contestation, même lorsqu'elle s'exprime de façon « feutrée », comme dans le cas des délocalisations, contestation qui entraîne à son tour l'adoption de mesures dérogatoires supplémentaires et, d'exception en exception, finit par conduire à l'idée que l'impôt n'est même plus réformable. Aussi convient-il de rechercher celles des dispositions de l'ISF qui pourraient être améliorées. »

C'est exactement ce que nous a proposé hier soir le ministre d'État.

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà ce que proposait M. Migaud voici exactement cinq ans,...

M. Hervé Mariton. M. Migaud est un homme sage ! Il avait raison il y a cinq ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...mais son rapport a été suivi par l'immobilisme le plus total, faute de courage politique, dans ce domaine comme dans bien d'autres - par exemple dans celui des retraites. La différence entre l'ancienne majorité et la majorité actuelle, c'est que nous ne nous contentons pas de réfléchir : nous agissons, jusque dans des domaines jusqu'ici considérés comme des tabous.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour nous, ce n'est pas l'idéologie qui compte, mais l'action, le pragmatisme au service de l'emploi dans la lutte contre les délocalisations, le pragmatisme au service de la croissance et de l'innovation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Ah non !

M. le président. Mes chers collègues, la présidence a été jusqu'ici très libérale,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez dit : « libérale » ?

M. le président. Pas dans son idéologie, monsieur Brard ! (Sourires.) La présidence est toujours impartiale ! Je faisais allusion aux temps de parole ! Chacun aura le temps de s'exprimer.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je serai bref et clair, car les termes du débat sont assez bien posés. Regardons les chiffres : en 2005, avec les dispositions qui seront probablement adoptées aujourd'hui même, le montant perçu au titre de l'ISF sera supérieur de plus de 500 millions d'euros à ce qu'il était en 2004.

M. Jean-Pierre Brard. C'est donc que les riches n'ont pas fui la France !

M. Hervé Mariton. Que nos collègues de gauche, même s'ils ont évolué depuis la position exprimée par M. Migaud voici quelques années, n'instruisent pas de faux procès : n'y a ni suppression, ni disparition, ni même diminution de l'ISF.

M. Didier Migaud. Ah non ?

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas sérieux !

M. Hervé Mariton. Nul ne doit oublier ce chiffre : notre groupe et notre assemblée ont pris leurs responsabilités, et les recettes de l'ISF progresseront de 500 millions d'euros en 2005. Ce chiffre est objectif, qu'on s'en félicite ou qu'on le regrette.

M. Jean-Pierre Brard. Ça prouve que les riches sont encore plus riches !

M. Hervé Mariton. Les mesures qui seront prises aujourd'hui ont deux objectifs clairs : assurer la cohérence de l'impôt et mettre celui-ci au service de l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des incantations !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Il semble bien que l'ISF mette le rapporteur général de la commission des finances dans un état second !

M. Richard Mallié. Il rappelle ce que vous avez dit !

M. Didier Migaud. Il est rare que M. Carrez s'énerve, mais il est vrai que certains sujets produisent un effet certain, comme l'impôt sur le revenu ou l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. le président. Le rapporteur général a pourtant cité un bon auteur ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Cet auteur a écrit des choses qu'il ne renie nullement. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si on lit le texte jusqu'au bout, on y trouvera des propositions portant notamment sur l'élargissement de l'assiette de l'ISF,...

M. Michel Bouvard et Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Elles n'ont pas eu de suites !

M. le président. Veuillez laisser M. Migaud s'exprimer.

M. Didier Migaud. ...qui ont permis de poser le débat...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'était au début de la législature !

M. Didier Migaud. ...et de démontrer, au moins, que notre approche de cet impôt n'était pas intégriste et idéologique comme la vôtre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce que vous avez rêvé, nous le faisons !

M. Didier Migaud. Pas du tout ! Je ne partage pas vos fantasmes en matière d'ISF !

Vous avez la volonté de remettre en cause cet impôt. Bien sûr, le précédent de 1987 vous hante, et le Président de la République, qui a peut-être encore l'idée d'être à nouveau candidat en 2007, ne veut pas qu'on puisse lui imputer une nouvelle disparition de cet impôt. Il vous faut donc contourner cette difficulté en trouvant des arguments tels que l'emploi ou la justice fiscale pour le grignoter peu à peu. Et, de fait, il finira bien par ne plus rapporter.

M. Hervé Mariton. Pour l'instant, ce n'est pas le cas !

M. Didier Migaud. Je suis prêt à examiner précisément les chiffres avec vous - dans le cadre, par exemple, de la commission des finances.

M. Michel Bouvard. Les chiffres sont dans le rapport !

M. Didier Migaud. Il serait utile, à cet égard, que le rapporteur général procède à des contrôles sur pièces et sur place dans un certain nombre de centres d'impôts qui recouvrent l'ISF pour que nous puissions, avec lui, apprécier les évolutions de cet impôt.

Nous sommes, sur ce point encore, en total désaccord avec votre philosophie et sommes persuadés que ce train de grignotage de l'ISF en cache un autre, qui arrivera au début de l'année prochaine.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 368.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 284 et 369, pouvant être soumis à une discussion commune.

J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que sur le vote des amendements n° 284 et 285, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 284.

M. Augustin Bonrepaux. L'ISF est la grande affaire de cette loi de finances : nous y aurons passé près de trois heures en commission, avec les contradictions internes à la majorité.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Je vous rappelle qu'hier, la séance de la commission n'a pas pu commencer parce que vous étiez en réunion de groupe !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous avons eu un quart d'heure de retard !

M. Augustin Bonrepaux. Non, monsieur le président : une demi-heure ! Et nous y avions déjà bien passé, auparavant, deux heures et demie.

Hier soir, nous avons consacré plus de deux heures de séance publique à cette question, et plus de deux heures encore ce matin.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À cause de vous !

M. Richard Mallié. Votre logorrhée nous fait perdre notre temps !

M. Augustin Bonrepaux. Ne le niez pas : c'est votre grande préoccupation ! C'est, pour vous, l'essentiel de cette loi de finances. Vous aviez concocté un certain nombre d'amendements visant à réduire l'ISF, mais M. le ministre est venu vous demander d'être plus prudents, plus diplomates, de faire passer les choses en douceur.

M. Jean-Pierre Brard. D'être plus enjôleurs !

M. Augustin Bonrepaux. Après avoir réfléchi toute la nuit, vous avez retiré ce matin plusieurs de vos amendements, en sachant bien qu'il ne s'agissait que de reporter la question. Vous aurez déjà satisfaction sur la révision du barème, qui se traduira par un manque à gagner de 40 millions d'euros. Mais je note que, hier, vous avez refusé de modifier l'amendement Coluche au prétexte qu'il coûterait 25 millions si on lui appliquait le dispositif du crédit d'impôt - alors qu'il ne coûterait sans doute pas plus de 5 millions d'euros selon le dispositif minimal que nous proposions.

Décidément, pour les plus modestes, vous n'avez jamais de moyens ! Cela déstabiliserait le budget de l'État ! Mais pour vos propres propositions, vous n'hésitez pas : vous avez déjà le fromage ; la loi Jacob vous donnera le dessert !

M. le ministre d'État demande aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat se mettent d'accord, mais on sait bien que ce plafonnement - qui coûterait tout de même 200 millions d'euros ! - est demandé en même temps au Sénat par M. Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces 200 millions ne vous effraient pas, alors même que l'État n'a plus de trésorerie et se trouve en situation de cessation de paiements. Vous continuerez et vous aurez satisfaction, le moment venu, sur l'exonération de la résidence principale.

Vous vous abritez derrière le prétexte de lutter contre les délocalisations et pour l'emploi. Déjà, dans la loi Dutreil, vous aviez inséré deux dispositifs en ce sens. Selon M. le rapporteur général, notre évaluation est erronée, parce que le rendement de l'ISF a augmenté.

M. Michel Bouvard. De 12 % !

M. Augustin Bonrepaux. Vous seriez mieux avisé, monsieur le rapporteur général, de nous indiquer le coût exact de cette mesure, que le rapporteur du Sénat était incapable de chiffrer au mois d'août. Si vous disposez d'éléments chiffrés, il faut nous les fournir ? Il ne suffit pas de nous dire que le rendement de l'ISF a augmenté, car cela signifie seulement que les fortunes progressent. On peut, comme vous, s'en réjouir, mais si vous n'aviez pas réduit le dispositif de l'ISF, son rendement progresserait davantage. J'attendais un peu plus de précision et de sérieux de la part du rapporteur général !

Quant à votre argument fondé sur la lutte contre les délocalisations, il est démenti par le rapport du Conseil des impôts qui explique que les effets économiques de ces délocalisations sont très limités et que « la domiciliation à l'étranger d'un redevable de l'ISF ne se traduit aucunement, pour l'économie française, par la "perte" ou la "fuite" de l'ensemble de son patrimoine. » Les redevables qui quittent la France pour la Belgique sont déjà âgés et, « si une réforme de l'ISF peut être recommandée, ce n'est pas au nom d'arguments relatifs à l'attractivité de la France ou au maintien d'activités en France. » La modification, l'année dernière, du pacte d'actionnaires, exprime bien, sous le prétexte de l'emploi, votre souci de réduire cet impôt.

Nous proposons donc la suppression de l'article 885 I bis du code général des impôts.


M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 369.

M. Jean-Pierre Brard. Je vais défendre cet amendement malgré l'impatience de certains de nos collègues.

M. Michel Bouvard. Nous, il y a d'autres sujets qui nous intéressent !

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que vous vouliez parler d'autre chose parce que au fond de l'inconscient de chaque Français sommeille toujours Jacquou le Croquant. Et vous avez bien compris que ce débat sur l'ISF est un peu nuisant pour vous.

Ce qu'a dit tout à l'heure le rapporteur général est tout à fait exact : le thème de la fraude a été retenu dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF. Mais personne n'a répondu à ma question sur le crime international et sur le blanchiment de l'argent de la mafia. Vous savez que le produit de la prostitution, laquelle est dans les mains de la mafia russe, est blanchi par l'acquisition d'œuvres d'art et de magnifiques villas dans le sud-est de la France. Et vous restez muet sur le sujet.

J'en viens à mon amendement. Il vise à supprimer la possibilité, prévue par la loi Dutreil relative à l'initiative d'économique, d'échapper à l'ISF dans le cadre d'un pacte d'actionnaires représentant seulement 20 % des droits d'une société.

Pour mieux comprendre les raisons qui nous conduisent à proposer la suppression de l'article L. 885 I bis du code général des impôts, je tiens à citer ce que le MEDEF, en la personne de son célèbre baron, déclarait au sujet de la loi suscitée : « Ce projet de loi est ambitieux et nécessaire pour notre pays. C'est un premier signe fort lancé par le Gouvernement pour le développement de l'esprit d'entreprendre en France. » Et quand M. Seillière parle d'esprit d'entreprendre, on sait ce que ça veut dire, les sidérurgistes de l'est de la France l'ont encore en mémoire. Il ajoute : « La création, le financement et la transmission des entreprises sont désormais prioritaires. » En s'arrêtant là, monsieur le baron évite d'avoir à préciser que, pour lui, ces mesures sont prioritaires sur le droit du travail ou encore sur le financement de la protection sociale.

Dans une interview accordée par monsieur Dutreil à Paris Entreprises, qui l'interrogeait sur le caractère tabou de l'ISF, et publiée sur le site Internet du MEDEF - je suppose gratuitement -, nous pouvions lire ces propos pour le moins édifiants : « On m'a dit : "Surtout, ne te mêle pas de l'ISF parce que tu vas prendre des coups." Je me suis donc dit : "Attaquons-nous à l'ISF." [...] Nous avons mis en place trois mesures [...]la troisième consiste à définir le pacte d'actionnaires pour que, notamment dans les entreprises familiales, les actionnaires familiaux, ceux qui sont minoritaires, puissent se regrouper dans le cadre d'un pacte et bénéficier, une fois unis par ce pacte, d'une réduction de 50 % de l'ISF. Voilà des mesures qui indiquent la direction et qui constituent un premier pas. Mais je suis bien conscient qu'un premier pas en appelle un autre ». Hélas ! les RMIstes, les victimes du chômage, les personnes en CDD ou en situation précaire, ne passent pas leur journée à lire le site Internet du MEDEF. C'est dommage, car vos intentions profondes, monsieur le secrétaire d'État, sont dans la déclaration de M. Dutreil, et leur sens profond est explicité par M. Seillière. Il est vrai que vous ne savez rien lui refuser. Les motivations idéologiques de la mesure apparaissent clairement. C'est pourquoi nous voulons la supprimer.

Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État : vous n'êtes pas le fondé de pouvoir du MEDEF, ni des privilégiés ; vous êtes leur zélé serviteur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce qui est bien pire encore parce que c'est avec une mentalité de soumission que vous engagez ces actions gouvernementales. C'est une mentalité de valet !

M. Marc Le Fur. De tels propos sont déplacés !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avis défavorable.

J'ajoute, monsieur Brard, que vous vous honoreriez par l'emploi d'un langage plus posé.

M. Jean-Pierre Brard. Mais je suis très posé !

M. Marc Laffineur. Vos propos étaient scandaleux monsieur Brard !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'État, quelle sera l'incidence sur les recettes en 2004 de cette disposition introduite par l'article 885 I bis et par l'article 885 I ter dont nous parlerons ensuite ? Lors de l'examen de la loi Dutreil, on avançait des sommes allant de 80 millions à 300 millions d'euros. La disposition prévue à l'article L. 885 I bis est particulièrement critiquable s'agissant du pacte d'actionnaires, car elle permet à des personnes qui ne travaillent pas pour l'emploi mais qui ont véritablement des situations de rentiers dans leur entreprise d'échapper à l'impôt sur la fortune.

S'agissant du rendement de l'ISF, le rapporteur général nous a dit qu'il va augmenter. Je note qu'il avait déjà augmenté au moment de la bulle Internet, compte tenu de ses conséquences sur les patrimoines et les portefeuilles. Aujourd'hui, comme il y a une bulle immobilière qui accroît la valeur des patrimoines immobiliers, il est donc normal qu'il y ait plus de contribuables concernés par l'ISF. Cela ne change rien au fait que vous êtes en train de grignoter progressivement l'assiette de l'ISF. Il est d'ailleurs significatif qu'alors que le Gouvernement n'avait introduit aucune disposition concernant l'ISF, il ait lâché un petit quelque chose à M. Méhaignerie, puis à M. Carrez, puis à M. Auberger.

Le problème, c'est que vous avez oublié le passage du projet de budget devant le Sénat ! Le grignotage ne va pas se terminer à la fin de la première lecture à l'Assemblée nationale. Qu'allez-vous donc bien pouvoir lâcher à M. Marini, lui qui souhaite actualiser le barème, non pas sur l'inflation prévue pour cette année, mais en opérant un rattrapage qui correspondrait à plus de 150 millions d'euros ?

M. Sarkozy nous a dit hier soir qu'il s'en remettait à la sagesse de l'Assemblée, aux travaux du groupe de travail et à une loi à venir. Mais lorsque le texte reviendra devant l'Assemblée, ce ne sera plus lui, le ministre d'État chargé de l'économie et des finances.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sera M. Novelli !

M. Nicolas Perruchot. C'est un scoop ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Si c'est M. Novelli, il sera bien au courant des déclarations de M. Sarkozy puisqu'il était là hier soir ! Le futur ministre pourra donc prendre des dispositions supplémentaires, et, si j'ai bien compris, l'opinion de M. Sarkozy s'exprimera peut-être différemment lorsqu'il sera président de l'UMP.

Cela dit, je souhaite avoir une évaluation précise de l'incidence, sur le rendement de l'ISF, des dispositions de la loi Dutreil relatives au pacte d'actionnaires et à l'investissement en capital dans une PME européenne.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'ai rapporté ce dispositif il y a un an et demi. J'avais annoncé un coût de l'ordre de 100 millions d'euros. Je me souviens très bien qu'à l'époque, vous aviez avancé les chiffres de 400 millions, 500 millions, 600 millions, voire un milliard. On avait tout entendu.

M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je confirme aujourd'hui que le coût du dispositif en question est un peu supérieur à 100 millions d'euros. C'est donc bien moi qui avais raison dans mes évaluations. Je vous remercie, monsieur Bapt, de m'avoir posé la question, parce que cela me permet de démontrer que mon souci permanent de transparence et d'information n'est pas pris en défaut.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur général, vous nous avez dit tout à l'heure que c'était une mesure très favorable à l'emploi. Mais vous ne dites pas ce qu'elle a apporté à l'emploi ! Vous reconnaissez que ce dispositif coûte plus de 100 millions, mais vous oubliez de préciser qu'il y a en fait deux mesures à prendre en compte. Le chiffrage total sera donc plus proche de notre évaluation que de la vôtre. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons jamais dit : on n'a jamais prétendu que cela coûterait un milliard. Mais si cela doit coûter 500 millions, c'est déjà beaucoup pour le budget de l'État !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 284.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 49

                    Nombre de suffrages exprimés 49

                    Majorité absolue 25

        Pour l'adoption 8

        Contre 41

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je considère que le vote est identique pour l'amendement n° 369 puisqu'il a le même objet.

(L'amendement n° 369 n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 356 n'est pas défendu.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 285.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement est encore plus justifié que celui que je viens de défendre parce que, monsieur le rapporteur général, quand vous nous avez proposé, dans la loi Dutreil, d'exonérer d'ISF les placements en capital au sein des PME, qu'elles soient installées en France ou à l'étranger. Vous aviez dit que c'était pour favoriser l'installation d'entreprises en France. Et vous venez de le répéter, comme si vous ne saviez pas qu'il est impossible de prendre des mesures spécifiques pour installer des entreprises en France. Vous avez fait adopter ce dispositif, mais ensuite, bien sûr, il a fallu le corriger parce qu'il ne tenait pas compte de la loi européenne.

Monsieur le rapporteur général, puisque ce dispositif est en application depuis le 1er janvier, vous devriez pouvoir nous dire à la fin de l'année combien d'entreprises se sont installées en France, combien sont parties à l'étranger, et combien ça coûte. Vous pourrez certainement nous préciser également combien de sociétés ont plutôt choisi de s'installer en Pologne ou en Tchéquie, c'est-à-dire dans des pays où elles ont tendance à se délocaliser pour l'instant.


Monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'État, expliquez-nous donc en quoi ce dispositif est favorable à l'installation des entreprises en France. Comme nous avons le sentiment, quant à nous, qu'il s'agit, une fois encore, de vider l'ISF de sa substance, nous proposons purement et simplement la suppression de ce dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui me donne l'occasion de refaire de la pédagogie. Je vous rappelle, monsieur Bonrepaux, que les dispositifs d'épargne sont traités au plan européen. Lorsque Dominique Strauss-Kahn, alors ministre des finances, a institué les plans d'épargne en actions, il a été conduit à ouvrir également les possibilités d'investissement aux actions de l'Union européenne.

S'agissant des engagements de conservation de PME, ils n'ont à l'évidence pas impliqué la Pologne ou les dix nouveaux pays puisque ceux-ci ne sont entrés dans l'Union qu'au 1er mai 2004 alors que les pactes devaient être signés au plus tard le 31 décembre 2003. En outre, ces pactes ont concerné à 99 % des entreprises françaises. L'objectif de ces engagements était, rappelons-le, de permettre la conservation des entreprises familiales sur notre territoire. Ce sont elles, en effet, qui servent l'emploi, l'investissement et la croissance. À cet égard, ce dispositif est d'ores et déjà réputé avoir été extraordinairement efficace pour la stabilité de nos entreprises petites et moyennes. Il a permis qu'elles ne passent pas sous la coupe de groupes internationaux qui, une fois qu'ils les ont acquises, s'empressent de les transférer à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Comme le rapporteur général, je ne comprends pas cet amendement, hostile à nos PME et qui posera donc de graves problèmes en matière d'emploi. M. Bonrepaux a demandé un scrutin public sur le vote de cet amendement, mais il eût été plus intelligent...

M. Jean-Pierre Brard. Ce propos n'est pas très aimable !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Intelligent en termes d'emploi, monsieur Brard ! Je sais bien que l'intelligence de M. Bonrepaux est immense. (Sourires.)

Il eût donc été plus intelligent de ne pas présenter cet amendement dont je ne comprends vraiment pas la motivation.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je constate, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'avez pas précisé quel était le coût de ce dispositif. M. le rapporteur général a considéré, tout à l'heure, que nous avions été excessifs, mais lui est incapable de chiffrer la mesure, même après une année d'application.

C'est bien joli de nous dire que cela a permis de conserver des entreprises en France. Mais pouvez-vous être plus précis ? Lesquelles ? Combien ? Je constate, quant à moi, que vous n'avez pas été capables de maintenir Pechiney sous contrôle français.

M. Michel Bouvard. Pechiney n'est pas vraiment une PME familiale, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Je doute donc que le dispositif ait favorisé les petites et moyennes entreprises.

M. le président. Nous allons passer au vote sur l'amendement n° 285.

M. Augustin Bonrepaux. Je constate que, ni le Gouvernement ni la commission ne répondent à mes questions.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, le Gouvernement s'exprime lorsqu'il le souhaite.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 285.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 33

                    Nombre de suffrages exprimés 33

                    Majorité absolue 17

        Pour l'adoption 5

        Contre 28

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 402.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement de bon sens, qui vise à favoriser l'emploi, devrait rallier les suffrages d'un grand nombre de mes collègues.

Il vous est proposé d'améliorer le dispositif d'exonération des bien professionnels. Depuis la loi Dutreil pour l'initiative économique, les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés sont considérées comme des biens professionnels au regard de l'ISF et bénéficient d'un abattement de 50 % de leur valeur dès lors que leur propriétaire exerce une fonction dirigeante dans l'entreprise concernée, que cette fonction donne lieu à une rémunération normale et que celle-ci représente plus de la moitié des revenus d'activité dudit propriétaire, étant entendu que ce dernier détient plus de 25 % du capital de l'entreprise concernée.

Il résulte de ces règles un principe d'unicité du bien professionnel, tempéré cependant en cas d'activités similaires ou connexes et complémentaires : « les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés sont présumées constituer un seul bien professionnel lorsque, compte tenu de l'importance des droits détenus et de la nature des fonctions exercées, chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues pour avoir la qualité de biens professionnels ».

Ainsi, un créateur d'entreprise « récidiviste » ne pourrait bénéficier de la qualification de bien professionnel pour l'ensemble de ses activités que lorsque toutes relèvent de domaines proches. S'il entend créer plusieurs entreprises exerçant des activités dissociées les unes des autres, il ne sera exonéré d'ISF que pour la principale, et ne cherchera pas à développer les autres autant qu'il le pourrait sur le sol français.

Un projet de création d'entreprise a pourtant d'autant plus de chance de se développer avec succès que le créateur est expérimenté et a déjà fait ses preuves.

Cette situation constitue ainsi un frein à la création et au développement d'entreprises en France.

Aussi est-il proposé de supprimer la condition de similarité ou de connexité et complémentarité des activités pour la qualification de bien professionnel unique. Ce serait au surplus une simplification non négligeable du droit fiscal. En conséquence, la majorité des revenus devrait provenir de l'ensemble des biens professionnels concernés afin de ne pas pénaliser une entreprise au profit de l'autre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Perruchot, vous avez raison de soulever ce point compliqué. Je vous rappelle cependant qu'ainsi que l'a annoncé hier M. le ministre de l'économie et des finances, un groupe de travail destiné à examiner les mesures qui pourraient être prises en faveur des entreprises s'agissant de l'ISF va être créé. Je vous suggère donc de retirer aujourd'hui votre amendement, sachant que je prends l'engagement, au nom du Gouvernement, que votre proposition sera étudiée dans le cadre du groupe de travail.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bonne réponse !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Merci d'aller dans notre sens, monsieur le secrétaire d'État. Le problème est important, en effet, et mérite d'être posé. Notre objectif étant de faire avancer ce dossier, je retire l'amendement au bénéfice de la discussion qui sera ouverte dans le cadre du groupe de travail.

M. le président. L'amendement n° 402 est donc retiré.

Les amendements nos 72 et 194 ne sont pas défendus.

L'amendement n° 493 n'est pas défendu.

Les amendements nos 56, 203 et 484 ne sont pas défendus.

Les amendements nos 204, 483 et 157 ne sont pas défendus.

Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 517, pouvant être soumis à une discussion commune.

J'indique dès à présent à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 517 du Gouvernement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 2.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à réactualiser dorénavant le barème de l'ISF de la même manière que l'impôt sur le revenu. Je ne reprendrai pas ici tous les arguments de bon sens et d'équité fiscale cités hier par M. le ministre de l'économie et des finances. J'insisterai simplement sur le fait que l'ISF étant un impôt récurrent, acquitté chaque année, comme les impôts locaux - taxe d'habitation, impôt foncier bâti - ou l'impôt sur le revenu, il doit être actualisé. Et afin qu'il soit bien clair que les choses devaient être automatiques, la commission des finances a souhaité que l'actualisation de l'ISF se fasse, dorénavant, dans les mêmes conditions que celle du barème de l'impôt sur le revenu.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, pour présenter l'amendement n° 517 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'amendement du Gouvernement reprend les dispositions annoncées hier par le ministre d'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'amendement du Gouvernement est rédactionnel. Il consiste à faire figurer le tableau du barème dans l'article alors que l'amendement de la commission s'était contenté de poser un principe. Faisant confiance au Gouvernement et à ses services, je retire l'amendement de la commission au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 2 est donc retiré.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas voir dans cet amendement du Gouvernement une sorte de recul. Il ne faut pas s'imaginer que la majorité fait preuve de modération. Il importe, en effet, de considérer cette disposition dans un ensemble. Rappelons-le, les premières réductions ont été décidées dans le cadre du vote de la loi Dutreil avec l'adoption de deux amendements qui coûteront, selon nous, quelque 500 millions à l'État. Cela montre qu'une démarche progressive est engagée. Il est évident que le ministre d'État a réussi à convaincre la majorité qu'il valait mieux faire passer les choses en douceur et qu'elle aurait ainsi progressivement satisfaction. J'en veux pour preuve le nombre considérable de retraits d'amendements de députés UMP portant sur l'ISF.

Or, cette accumulation de réductions de l'ISF va finalement se traduire par la disparition de la substance de cet impôt. Nous sommes évidemment défavorables à cette politique d'autant qu'elle est mise en œuvre alors que la pauvreté, la précarité et le nombre de RMIstes s'accroissent. Vous refusez nos amendements tendant à y remédier au motif que l'État n'en a pas les moyens et qu'il faut faire des économies. Mais nous notons que l'État ne se préoccupe pas de faire des économies lorsqu'il est question de ceux qui ont le plus de moyens.

Pour justifier votre démarche, vous invoquez le fait que certains contribuables peuvent être redevables de l'ISF au seul titre de la valeur de leur résidence principale. Mais de quelle résidence principale s'agit-il ? Et à combien s'élève l'impôt de ceux qui sont assujettis à la première tranche ? En fait, la somme qu'ils doivent acquitter est à peine supérieure à 1 000 euros. N'exagérez donc pas la portée de cet impôt ! N'est-il pas normal que ceux qui en ont les moyens contribuent à la solidarité ?

M. de Courson a rappelé tout à l'heure que l'ISF avait été institué pour financer le RMI. Quel est aujourd'hui le coût du RMI, alors qu'explosent la précarité et la pauvreté ? Il est évident que le produit de l'ISF est loin de compenser ce coût.


Il me semble qu'au lieu de cumuler les réductions d'impôt, il serait préférable que vous vous préoccupiez un peu plus des catégories les plus modestes de nos concitoyens, pour lesquelles vous n'avez jusqu'à présent pas fait grand-chose, et que vous donniez suite à nos propositions.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais apporter une précision à notre collègue Bonrepaux. Il a évalué la perte de recettes liées à l'ISF à 500 millions d'euros. C'est un chiffre fantasmagorique ! Je vous rappelle deux chiffres : premièrement, en 2004, le produit de l'ISF a augmenté de 315 millions d'euros.

M. Michel Bouvard. C'est la conséquence de la flambée des prix de l'immobilier !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Deuxièmement, il y a un an et demi, j'ai annoncé un coût prévisionnel, pour certains dispositifs de la loi sur l'initiative économique, d'une centaine de millions d'euros. Je peux vous confirmer aujourd'hui que leur coût est légèrement supérieur à 100 millions d'euros. Mon évaluation était donc tout à fait juste.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est que le début !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, si l'ISF produit plus, La Palice en eût dit autant, c'est que les riches sont plus riches !

M. Michel Bouvard. Plus 12 % ! C'est que les prix de l'immobilier ont flambé !

M. Jean-Pierre Brard. Si vous aviez raison, l'évolution ne serait que de 1 %, voire 2 % !

M. Richard Mallié. Ces chiffres sont virtuels, monsieur Brard, ils sont dus à la bulle immobilière !

M. Philippe Auberger. L'immobilier a augmenté, reconnaissez-le !

M. Michel Bouvard. Vous caricaturez, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C'est vous qui caricaturez ! Vous n'aimez pas qu'on vous tende un miroir, parce que vous y apparaissez comme vous êtes. Certes, vous vous plaisez, mais vous savez bien que présenter votre visage défait de tout maquillage n'est pas supportable pour l'opinion. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. C'est votre discours qui est ridé !

M. Jean-Pierre Brard. Ne voyez pas les autres à votre image, monsieur Auberger ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Laissez M. Brard conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Je reprends, monsieur le président, après cette interruption intempestive de notre collègue qui sort tout droit des vignes qui ne sont pas celles du Seigneur, mais de Joigny ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur. Jaloux !

M. Richard Mallié. Ce ne sont pas les vignes de Montreuil !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il paraît que c'est de la piquette ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je constate que M. Mallié s'intéresse à ma ville : c'est tout à son honneur ! Je ne le croyais pas aussi motivé.

J'en reviens à mon propos. Ce qui n'est pas acceptable, c'est qu'hier, pour endormir l'opinion publique, le ministre d'État a déclaré que nous allions travailler tous ensemble à la réforme de l'ISF. Mais l'appétit de la majorité est tel que vous prenez déjà des dispositions pour poursuivre son démantèlement, conformément à ce que vous avez prévu depuis votre retour au pouvoir.

Nous ne pouvons adhérer à cette démarche ni accepter vos amendements. Pourtant, nous sommes prêts à participer à une réflexion collective sur ce que doit être l'ISF, sur l'élargissement de son assiette, sur la révision des taux pour faire en sorte que les plus riches paient davantage que ce qu'ils paient aujourd'hui. Tous ces amendements, qui vont dans le sens de décisions prématurées sur l'évolution de l'ISF et qui traduisent votre volonté profonde de le démanteler, doivent être rejetés.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 517.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 46

                    Nombre de suffrages exprimés 46

                    Majorité absolue 24

        Pour l'adoption 36

        Contre 10

L'Assemblée nationale a adopté.

Je suis saisi de deux amendements, nos 147 et 146, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hervé Novelli, pour soutenir ces amendements.

M. Hervé Novelli. Ces deux amendements s'inscrivent dans la philosophie qu'a exposée hier soir M. le ministre d'État.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas exagérer, il ne s'agit que de comptabilité !

M. Hervé Novelli. Cette philosophie consiste à mettre l'ISF au service de l'emploi.

Il y a quelques mois, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur l'initiative économique, que je présidais, s'inspirait de la même philosophie. Il s'agissait alors de soustraire de l'assiette de l'ISF certaines sommes pour qu'elles puissent s'investir dans le capital de l'entreprise, petite ou moyenne, et contribuer ainsi à son développement et à la création d'emplois.

Il faut aller un peu plus loin aujourd'hui et faire en sorte que ces sommes soient directement soustraites de l'ISF pour être investies dans les petites et moyennes entreprises, qui connaissent de véritables problèmes de financement.

Ces deux amendements sont légèrement différents : le premier porte sur les facultés contributives du contribuable et tend à ce que les sommes dues à l'ISF soient investies dans le capital de la petite ou moyenne entreprise à hauteur de 50 % ; le second amendement, plus technique, propose une mesure plus plafonnée.

Je soumets ces deux amendements au groupe de travail que M. le ministre d'État semble vouloir constituer et qui serait composé de membres des commissions des finances des deux assemblées. Je suis reconnaissant au Gouvernement de ne pas fuir le débat. L'ISF n'est pas un sujet tabou, et d'ailleurs il n'existe pas de sujet tabou lorsqu'il s'agit de développer l'emploi et de lutter contre le chômage. Telle est notre philosophie. Je souhaite connaître la position de M. le secrétaire d'État sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je confirme à M. le secrétaire d'État tout l'intérêt que la commission porte aux propositions de notre collègue. Ces amendements prolongent le travail très constructif qu'avait accompli la commission spéciale présidée par Hervé Novelli et qui nous a permis de relancer l'initiative économique, ce qu'a confirmé et la forte croissance du nombre des créations d'entreprises et le succès des différents dispositifs fiscaux que nous avons évoqués ce matin.

Les mesures proposées ici pourraient avoir encore plus d'impact sur les fonds propres des petites et moyennes entreprises. Aujourd'hui, plus de 80 % des emplois sont créés par les petites et moyennes entreprises : tous nos efforts doivent donc être dirigés sur ce secteur. Comme l'a indiqué hier soir M. le ministre d'État, les mesures fiscales comme celles proposées aujourd'hui par notre collègue Novelli sont extrêmement intéressantes pour l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le rapporteur général, monsieur Novelli, je confirme les propos tenus hier soir ici même par M. le ministre d'État. Nous devons réfléchir à la mise en place, dans les meilleurs délais, d'une mesure en faveur de la petite entreprise, de l'entreprise innovante, celle qui joue un rôle important dans le domaine de la recherche. Ces deux amendements constitueront une base de réflexion pour le groupe de travail qui sera prochainement mis en place.

Monsieur Novelli, je vous remercie de nous avoir apporté votre contribution au développement de l'emploi et à la défense de l'entreprise - je sais que vous agissez en ce sens depuis longtemps. Je vous remercie également pour votre attitude lorsque vous mettez à la disposition du groupe de travail le fruit de vos réflexions, telles que vient de les rappeler le rapporteur général.

M. le président. Monsieur Novelli, retirez-vous ces amendements ?

M. Hervé Novelli. Je les retire, monsieur le président !

M. le président. Les amendements n° 147 et 146 sont retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 3, qui fait l'objet d'une demande de scrutin public déposée par le groupe socialiste...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le président, l'amendement est retiré, compte tenu des engagements du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Article 10

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons les articles relatifs à la compétitivité et à l'attractivité de notre pays, dans le cadre de la lutte contre la désindustrialisation.

Notre assemblée a débattu la semaine dernière de ce problème grave pour l'emploi. Ce fut un débat de haute tenue, à l'honneur de notre institution. Cependant, je regrette que nous n'ayons que trop peu évoqué l'intérêt qu'il y a pour notre pays d'attirer les centres de décision des grands groupes internationaux.

L'année dernière, j'ai remis un rapport sur ce thème au Premier ministre et à tous les ministres concernés. L'intérêt pour notre pays d'attirer ces centres de décision, au-delà des emplois créés au sein même de ces centres, réside dans le fait que des décisions stratégiques y sont prises par les dirigeants de ces entreprises.

Ainsi, le quartier général européen d'une entreprise américaine situé à Paris bien que n'employant 70 personnes, décide chaque année de l'allocation de 100 millions d'euros d'investissements industriels en Europe ; or l'expérience prouve que ces investissements sont le plus souvent réalisés dans le pays où est situé le centre de décision.

De même, lorsque l'entreprise connaît des difficultés et se trouve dans l'obligation de procéder à des restructurations, elle a tendance à privilégier les sites les plus proches de son centre de décision. Il est en effet plus facile de restructurer un site situé à 5 000 kilomètres qu'un site situé à moins de 500 kilomètres, avec lequel on a des relations quotidiennes.

La France a connu un exemple de ce type sur son territoire avec une entreprise qui avait envisagé la fermeture de deux sites, mais qui, suite au renforcement de son centre de décision, notamment par la recherche et le développement, a décidé de conserver ces deux outils industriels en France. Ce sont, malheureusement pour eux, ceux situés sur un autre territoire qui vont devoir subir ces restructurations.

Cet exemple me permet également de préciser qu'il faut inclure dans la notion de centre de décision les centres de recherche et développement des entreprises. J'entends par la notion de centre de recherche et développement non seulement le centre de coordination de la recherche mais également, et cela est primordial, le centre opérationnel de recherche.

Dans les mesures que nous propose le Gouvernement pour lutter contre les délocalisations, il y a la création des pôles de compétitivité. Je souhaiterais qu'en plus de ces excellentes mesures, il puisse déclarer l'ensemble du territoire français pôle de compétitivité pour les centres de décision.

Cela passe par une modification en profondeur de l'instruction sur les quartiers généraux, qui est en l'état actuel trop compliquée dans sa mise en œuvre et peu intéressante économiquement par rapport à ce qui existe chez nos partenaires européens, mais néanmoins concurrents.

Que l'on ne se méprenne pas, mon propos n'est pas d'inciter à faire du dumping fiscal et social sur ce sujet, mais simplement de rendre notre pays comparable aux meilleurs élèves de la classe européenne. Je suis en effet persuadé que si, sur ce plan, nous étions dans le peloton de tête, nous serions capables, grâce à nos autres atouts, de convaincre dans un grand nombre de cas les grands groupes internationaux de fixer leur centre de décision sur notre territoire.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je me suis déjà exprimé longuement sur ce sujet important. Nous continuons de penser que les dispositifs qui nous sont proposés ne sont pas du tout à la hauteur et que la course du « moins disant fiscal » dans laquelle se lance le Gouvernement est, à terme, dangereuse pour notre pays. Sur un sujet aussi important, il nous faudrait de vraies propositions, une vraie politique industrielle et une vraie politique en matière de recherche et d'innovation. Mais quand nous regardons de plus près certains budgets, comme celui de la recherche, qui pourtant correspondent à des dépenses susceptibles de conforter l'attractivité de la France, nous nous apercevons que le Gouvernement fait des économies coupables qui vont pénaliser notre pays.

Le Gouvernement, à travers de nombreuses dispositions, est en train de remettre en cause l'attractivité de notre pays et la possibilité pour l'État d'agir sur un certain nombre de nos infrastructures et de nos services publics, qui, en offrant aux entreprises ce qu'elles recherchent, favorisent leur implantation en Europe, et particulièrement en France.

Si nous partageons le même constat qu'un grand nombre de nos collègues, nous sommes très sceptiques sur les propositions qui nous sont faites car elles ne sont absolument pas en mesure de répondre au problème posé.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.


M. Marc Laffineur
. Permettez-moi, monsieur Migaud, de déplorer que vous qui avez été un brillant rapporteur général n'éprouviez nullement le souci d'adopter sur les délocalisations une position, sinon commune, du moins constructive. Si vous ne cessez de critiquer les projets du Gouvernement, vous n'avez fait absolument aucune proposition.

M. Didier Migaud. Mais si !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut vous appareiller, monsieur Laffineur !

M. Marc Laffineur. Je suis très heureux pour ma part que par cet article et les deux articles suivants on aborde enfin le problème des délocalisations. Je tiens à féliciter le Gouvernement de cette initiative qui est tout à son honneur, notamment M. le Premier ministre : c'est un problème qui lui tient particulièrement à cœur, parce qu'il mesure parfaitement le risque de « déménagement » du territoire que font peser les délocalisations. Nous qui pendant des années avons essayé de faire prendre conscience au gouvernement précédent de la gravité de ce problème, nous ne pouvons que nous féliciter de pouvoir enfin en débattre, et essayer de trouver tous ensemble des solutions.

De ces trois articles, je retiendrai le crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale, qui me paraît être une excellente mesure. En effet beaucoup de PME hésitent à prospecter des marchés à l'étranger faute d'avoir les moyens d'embaucher un commercial à cet effet. Ce crédit d'impôt, qui couvrira une partie du salaire de ce commercial, leur mettra le pied à l'étrier en matière d'exportations.

J'approuve également la création des pôles de compétitivité définis à l'article 12. Comme il sera difficile d'en couvrir d'emblée l'ensemble du territoire, commencer par l'Anjou me semblerait déjà un excellent choix ! Trêve de plaisanterie : seule une synergie alliant recherche, entreprises et système de formation permettra de doter nos territoires de pôles suffisamment attractifs pour éviter les délocalisations. On nous propose enfin la bonne solution, car c'est par là qu'il faut prendre le problème.

Il ne faut pas oublier cependant que notre manque de compétitivité est à attribuer d'abord à l'excès de dépenses publiques et de pression fiscale. C'est ce qui provoque l'aggravation de la charge fiscale, qui pèse lourdement sur les entreprises et les pousse à se délocaliser. C'est pourquoi les réductions d'impôt sont aussi un moyen de lutter contre les délocalisations, comme on l'a vu à l'occasion de l'article précédent.

M. Jean-Pierre Brard. N'importe quoi !

M. Marc Laffineur. Vous me faites sourire, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Eh bien ! Vous, vous me faites plutôt pleurer !

M. Marc Laffineur. Connaissant vos propositions, je ne souhaite pas vous voir un jour au pouvoir, car vous mettriez notre pauvre pays dans un triste état !

M. Philippe Auberger. M. Brard est un indigent !

M. Jean-Pierre Brard. C'est vous qui nous avez mis sur la paille !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Jean-Pierre Brard. Enfin un homme sérieux, bien que de droite !

M. Michel Bouvard. Nous entamons avec cet article l'examen des dispositions destinées à lutter contre les délocalisations d'entreprises. Comme Marc Laffineur, je voudrais d'abord me féliciter que les débats qui ont eu lieu autour de cette question, notamment au Parlement, aboutissent à une action concrète.

La question de l'attractivité de notre territoire est essentielle, c'est-à-dire notre capacité, soit à faire venir des entreprises nouvelles, soit à éviter le départ d'entreprises déjà implantées.

S'agissant des investissements étrangers en France, monsieur le secrétaire d'État, il est nécessaire que nous disposions de données qui décrivent ce qu'ils sont réellement. En effet les chiffres qui circulent depuis deux ou trois ans ne permettent pas d'appréhender la réalité du phénomène. Quand un fonds de pension américain siphonne la trésorerie d'une entreprise française qu'elle a rachetée, pour placer ces fonds dans des filiales à l'étranger - avec les pertes liées au risque de change -, je ne considère pas que c'est là un investissement véritable, propre à contribuer au développement du pays. Le cas est fort différent quand des capitaux étrangers servent à créer une entreprise nouvelle dans notre pays : il s'agit alors d'un investissement positif.

Les chiffres actuellement publiés, sur lesquels s'appuie Mme Gaymard, ne permettent pas de distinguer les investissements étrangers qui ont pour but de prendre le contrôle d'entreprises françaises de ceux qui permettent de créer des entreprises en France. Or nous avons besoin de ces données pour apprécier la réalité de ces investissements étrangers en France.

Je voudrais faire remarquer ensuite que les mesures fiscales incitatives ne suffisent pas forcément à maintenir ou attirer les entreprises en France. Comme l'a souligné notre collègue Didier Migaud, l'attractivité d'un pays suppose aussi un tissu d'infrastructures et de services : dans ce domaine le bilan est positif pour la France. En revanche, il est un point qui dessert notre pays, et dont je veux dire un mot : c'est l'inflation normative et réglementaire qui le frappe, et qui ne fait que s'aggraver. C'est là un puissant facteur de délocalisation et un puissant repoussoir pour d'éventuels investissements étrangers en France.

Qu'il me suffise d'évoquer ma propre expérience des six derniers mois dans ma circonscription, qui est la circonscription la plus industrialisée du département : j'ai pu y constater que la simple application de règlements suffisait à mettre en péril des entreprises, avec le risque de perdre 700 emplois. Comment voulez-vous expliquer cela à des investisseurs étrangers ? J'ai en tête l'exemple d'une entreprise autrichienne qui produit des remontées mécaniques, ou d'une fabrique hollandaise de filtres, implantées depuis dix ans dans ma circonscription, grâce à des soutiens de l'Union européenne et du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire - il s'agit en effet d'une zone frontalière, qui a souffert de la disparition des frontières intracommunautaires au 1er janvier 1993. Aujourd'hui, elles veulent s'agrandir pour développer leur activité et créer des emplois, et voilà qu'on leur refuse un permis de construire sur un site en le déclarant zone inondable : or cela fait dix ans que des entreprises sont installées sur ce site ! Voilà comment, en menaçant la survie de l'entreprise, on nourrit le risque de délocalisation.

On crée aussi un risque de délocalisation lorsque, à la suite d'une sorte de « syndrome AZF » qui a gagné tout le pays, on impose aux entreprises de supporter seules la charge d'augmenter leurs réserves d'eau, alors que ce type d'investissements relève naturellement des collectivités publiques.

M. Sébastien Huyghe. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. La France nourrit encore les risques de délocalisation ou de disparition d'entreprises quand elle applique avec un mois d'avance une directive de l'Union européenne qui interdit telle ou telle production, alors que tous les autres pays européens laissent aux entreprises concernées le temps de s'orienter vers d'autres activités. Voilà ce qui décourage les investisseurs allemands, autrichiens ou italiens, qui finissent par repartir dans leur pays.

Tout le pays souffre de cette inflation normative et réglementaire, qui mobilise des centaines d'agents de l'État, chargés d'appliquer sur le terrain décrets et circulaires édictés au niveau national.

Aujourd'hui, il est grand temps de faire le tri de ce qui est utile et de ce qui est indispensable au regard des risques, qu'il ne s'agit pas de minimiser. Mais il faut arrêter d'empiler les réglementations, car cela finit par rendre notre pays impropre à des implantations d'entreprises et décourager ceux qui ont fait le choix d'y venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur l'article 10, je suis saisi de deux amendements de suppression, nos 292 et 389.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux pour défendre l'amendement n° 292.

M. Augustin Bonrepaux. Nous proposons par cet amendement la suppression d'un dispositif d'affichage, qui n'aura aucun effet de relocalisation d'entreprises.

Il faut d'abord relativiser les effets des délocalisations, comme le fait lui-même le rapporteur général à la page 140 de son rapport : il y est écrit en effet que « des économistes considèrent généralement que les délocalisations ne sont pas un phénomène statistique important et que leurs effets sur l'emploi et la capacité industrielle d'un pays sont limités ».

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est pas moi qui le dis, mais certains économistes ! Je me contente de donner les différents points de vue.

M. Augustin Bonrepaux. C'est écrit dans le rapport ! Vous y écrivez aussi que « selon les estimations de la direction des relations économiques extérieures, le phénomène des délocalisations aurait représenté en 1999-2000 moins de 5 % des investissements directs dans les pays proches ». C'est quand même un argument !

Il n'en reste pas moins que nous avons tous l'expérience de délocalisations, et que nous devons nous efforcer de les éviter et de maintenir les entreprises en France, en particulier dans le secteur industriel. Mais envisager ce problème uniquement sous l'angle du coût horaire de la main-d'œuvre ou de la fiscalité, c'est regarder par le petit bout de la lorgnette.

Ainsi, si on compare le coût horaire de la main-d'œuvre dans l'industrie manufacturière en France à ce qu'il est aux États-Unis, en Allemagne, ou même au Royaume-Uni, nous ne sommes pas trop mal placés. C'est encore le rapporteur général qui nous l'indique à la page suivante de son rapport. Il en va de même en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, que vous proposez de réduire, bien qu'il pèse moins en France que dans beaucoup de pays.

Vous proposez là une « mesurette », qui ne rapportera pas aux entreprises plus de 100 000 euros sur trois ans, puisque la règle européenne interdit d'excéder ce plafond. Et c'est avec ça que vous prétendez inciter les entreprises à revenir en France ? Vous vous moquez de nous ! Ce n'est pas sérieux ! Ce n'est pas avec ça qu'on va lutter contre les délocalisations, surtout au moment où vous êtes en train de dépouiller notre pays de tout ce qui le structure !

Que souhaitent les entreprises ? Pourquoi elles s'installent-elles en France ? Voilà les questions auxquelles il faut d'abord répondre.

M. Éric Raoult. Elles s'installent en France parce que les socialistes ne sont plus au pouvoir !

M. Augustin Bonrepaux. Ce débat ne doit pas être monopolisé par le Conseil des impôts : il nous faut l'engager avec les économistes, avec tous ceux qui sont susceptibles de nous apporter des éléments de réponse.

On peut d'ores et déjà affirmer que ce que les investisseurs apprécient en France c'est la qualité de nos équipements, de nos infrastructures, de notre recherche ou de notre main-d'œuvre. Or qu'avez-vous fait dans tous ces domaines ? En matière d'équipement vous faites prendre des années de retard à notre pays, à force de faire des cadeaux fiscaux qui nous privent des moyens de financer les investissements nécessaires. On voit par cet exemple qu'en réalité vous paralysez notre pays et que vous mettez en péril son attractivité.

L'attractivité ce n'est pas uniquement la fiscalité, c'est un tout. Or vous consacrez tous vos efforts à la fiscalité, ou à la réduction des coûts horaires, au détriment de tout le reste. Nous n'avons aucune chance de gagner à ce jeu-là, en adoptant ces mesures qui, au mieux, n'ont aucun effet.

En réalité, la mesure que vous proposez est un cadeau à votre clientèle. Je relève en effet qu'elle est conditionnée par l'agrément du ministre chargé du budget, à la différence de ce qui est d'usage en matière de crédits d'impôts. C'est la porte ouverte à l'arbitraire et au clientélisme, voire aux effets d'aubaine.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Voilà qui n'est pas très gentil !

M. Augustin Bonrepaux. Le risque est d'autant plus grand que, comme le précise le rapport, ce dispositif « n'a pas fait l'objet d'un chiffrage précis ». C'est toujours pareil : en matière de dépenses fiscales, on est incapable de chiffrer !


Un peu plus loin dans son rapport, il nous affirme avec la même sûreté que cette « mesure permettra de lutter efficacement » contre les délocalisations car « le montant du crédit d'impôt sera d'autant plus élevé que l'entreprise relocalisera ses activités ». Tout cela manque de sérieux ! Ce dispositif n'a fait l'objet d'aucun chiffrage précis et est une pure mesure d'affichage. Le ministre d'État ne fait que gesticuler autour de gadgets !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 389.

M. Jean-Claude Sandrier. Avec l'article 10, nous abordons le fameux « plan antidélocalisations ».

Nous savons tous à quel point le phénomène des délocalisations est utilisé comme argument de chantage par certains patrons peu scrupuleux - bonjour la morale -, afin de peser sur l'emploi, les salaires et les droits sociaux.

L'article 10 tend à mettre en place une procédure favorable aux relocalisations d'entreprises. Si tel était réellement l'objectif, nous pourrions y souscrire, mais nous sommes plus que perplexes face à l'instrument proposé.

Comme à chaque fois qu'un problème est posé, vous n'avez qu'une seule réponse : c'est de réduire les impôts ! Or s'il s'agit de tenter de rattraper des pays beaucoup moins développés, quelle France nous prépare-t-on ?

Apparemment, dans tout modèle libéral, l'alignement ou le rapprochement fiscal précède l'alignement ou le rapprochement sur le plan social. S'il s'agit de s'aligner sur la Pologne, la Chine ou d'autres, c'est particulièrement inquiétant !

Le rapport Camdessus, en préconisant la fin du contrat de travail à durée indéterminée, la casse des droits sociaux et la privatisation de pans entiers de notre modèle social, marque le contexte de son empreinte.

Autre marque de ce contexte : les tentatives, avortées pour l'heure, d'amnistie fiscale pour les fraudeurs expatriés ou de la fin de tout contrôle des licenciements.

Nous sommes bien dans un contexte profondément tourné vers les desiderata du patronat, et votre « plan antidélocalisations » n'est qu'un vil prétexte pour continuer la casse de toute entrave à votre rêve de modèle libéral anglo-saxon.

En fait, le problème - et c'est ce qui est grave - est que vous cédez au chantage d'un certain nombre de patrons. Suivre cette surenchère - c'est ce que vous faites depuis un moment, tout le monde peut le deviner, et vous continuez avec ces dispositions - est intenable, car vous coupez progressivement toutes les possibilités de redistributions des richesses dans notre pays. D'où vos attaques incessantes contre les dépenses publiques prétendument trop fortes, lesquelles, pourtant, sont généralement des dépenses sociales et donc utiles.

Ensuite, vous vous orientez vers une suppression de tout impôt. Après les zones franches dans les quartiers, faisons donc des zones franches dans des pôles de compétitivité ! Transformons la France, pourquoi pas le monde entier, en paradis fiscal !

M. Éric Raoult. Monsieur Sandrier, vos maires ont accepté les zones franches ! Vous ne les avez pas refusées !

M. Jean-Claude Sandrier. Bien sûr, quand on est maire...

M. Éric Raoult. On les critique ici et on les accepte au niveau local ! C'est le double langage !

M. Richard Mallié. Exactement !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas du tout un double langage ! Il faut essayer de s'accrocher à la moindre branche !

M. Richard Mallié. Sandrier s'accroche à toutes les branches !

M. Éric Raoult. Merci la droite !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est comme pour le traitement social de l'emploi : tout le monde sait qu'il n'est pas la bonne solution pour les jeunes qui, en fin de scolarité, ne trouvent pas de travail.

La solution ne se situe pas au niveau des impôts. Il ne faut pas faire de nouveaux cadeaux, ni octroyer des subventions, mais l'inverse. On ne peut le faire seul, j'en suis d'accord, mais il faudrait taxer les délocalisations fiscales, les transferts financiers, et même - comme l'a proposé le Président de la République - les transactions financières,...

M. Éric Raoult. Vous rêvez de nous enfermer dans un goulag fiscal !

M. Jean-Claude Sandrier. ...c'est-à-dire taxer la spéculation. Quelqu'un qui porte le nom de M. Sarkozy, comme le ministre, et qui doit être son frère, a même proposé récemment, comme je l'ai lu dans Les Echos, des mesures antidumping pour certaines industries. Alors allons jusqu'au bout ! Proposons des taxes antidumping ! Voilà ce qu'il faut faire, c'est-à-dire exactement l'inverse de ce que vous proposez !

Monsieur le secrétaire d'État, la succession des mesures basées sur la baisse du coût du travail est un échec pour la France. Vous savez bien que notre productivité est exemplaire, que le coût du travail en France est moins élevé que celui de l'Allemagne, du Japon ou des États-Unis. Notre déficit tient dans cette précarisation de la vie que le MEDEF veut imposer et que vous encouragez.

C'est pourquoi le groupe des députés communistes et républicains demande la suppression de l'article 10.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 292 et 389 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a bien sûr émis un avis défavorable à ces deux amendements de suppression de l'article.

Je l'avoue : je suis un peu déçu de voir nos collègues emportés dans une opposition systématique.

Nous discutons d'une loi de finances dans laquelle figurent un certain nombre de dispositifs fiscaux ; d'autres problèmes se posent sans pour autant relever de loi de finances - Michel Bouvard les a évoqués tout à l'heure. Cela étant dit, face à ce constat malheureux des délocalisations et des risques de délocalisations, nous devrions tous nous retrouver autour de certaines mesures à prendre dans cette loi de finances.

Il faut reconnaître au Gouvernement le mérite de proposer plusieurs dispositions, cohérentes entre elles - nous allons les évoquer une à une dans quelques instants. Or votre seule attitude est de les balayer d'un revers de main au prétexte qu'elles seraient insuffisantes.

Il ne suffit pas de faire des discours, il est important d'agir.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et le Gouvernement, lui, agit.

Monsieur Bonrepaux, quand vous prétendez que les crédits d'impôt proposés représentent des sommes faibles compte tenu de la règle de minimis - le plafond est de 100 000 euros -, vous devriez aussitôt ajouter que ce n'est pas le cas dès lors qu'une entreprise se relocalise dans une zone bénéficiaire des aides au titre de la politique d'aménagement européenne. En effet, s'agissant de ces zones, les dispositifs sont beaucoup plus puissants et peuvent monter jusqu'à dix, voire quinze millions d'euros.

En conclusion, sur ce type de sujet, acceptez, pour une fois, de ne pas faire preuve d'un esprit systématique - pratiquement intégriste - d'opposition au prétexte que vous êtes dans l'opposition et que les mesures proposées viennent du Gouvernement !

M. Jean-Claude Sandrier. Nous attendons d'autres propositions !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les dispositions proposées dans l'article 10 constituent une première étape et feront l'objet d'une évaluation.

Je tiens enfin à saluer la rapidité avec laquelle le Gouvernement réussit, une fois de plus, à passer d'une analyse, d'un diagnostic, à un début d'action, lequel, j'en suis persuadé, sera suivi d'effet. C'est en tout cas l'intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Comme l'a indiqué le rapporteur général, le Gouvernement agit. Nous entendons tous les jours des discours justifiés, parfois moins compréhensibles, sur les délocalisations. Certaines sont des vraies délocalisations, d'autres des fausses, c'est-à-dire consistant simplement à aller chercher un marché où il existe. C'est un réel problème que tous les députés connaissent pour y avoir été confrontés dans leur circonscription, et le Gouvernement a le devoir de le traiter.

Ce phénomène est d'ailleurs de plus en plus complexe. En effet, aujourd'hui, dans certains pays de l'Est de l'Europe, des entreprises délocalisées venues des pays de la Vieille Europe sont en train de repartir : elles quittent la République tchèque, la Hongrie, par exemple, pour l'Asie ou d'autres pays.

S'il faut traiter ce problème en tenant compte des règles européennes - le rapporteur général a rappelé la règle de minimis - et se montrer prudents, il faut surtout agir. En tout cas, nous essayons ! Et pour répondre à M. Sandrier et à M. Bonrepaux, je trouve anormal de refuser la mesure proposée.

Que pouvons nous craindre ? Qu'elle ne produise pas l'effet souhaité ? Nous ferons alors des économies sur l'exécution de la loi de finances.

M. Éric Raoult. Oui !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et si elle était efficace ! C'est d'ailleurs le souhait de tous les Français, en particulier de ceux qui perdent leur emploi à cause des délocalisations.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous n'avons pas le droit de ne pas essayer. C'est la volonté du Gouvernement, et je sais qu'il aura le soutien de sa majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur général, je vous en donne acte : si une entreprise se relocalise dans une zone éligible à la prime d'aménagement du territoire, elle bénéficiera de davantage de moyens. Cela étant dit, la différence par rapport à une zone non éligible, c'est 30 000 euros par an pendant trois ans ! Avouez que ce n'est pas une mesure incitative aux relocalisations !

M. Éric Raoult. Nous verrons bien !

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ne donnez-vous pas la priorité à ceux qui attirent les entreprises ? Nous avons subi, l'année dernière, un désastre économique avec la fermeture de Pechiney, mais cette année, par chance, une entreprise étrangère investit en Ariège. Que demande-t-elle ? Où s'installe-t-elle ?

D'abord, elle s'installe à proximité de bonnes voies de communication, c'est-à-dire non loin de Toulouse. Ensuite, elle souhaite disposer de bons moyens en matière de technologies de la communication. En outre, elle s'installe là car elle y bénéficie d'une main-d'œuvre de qualité.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est donc une nouvelle, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Certes ! Mais quels moyens accordez-vous aux collectivités locales pour développer les technologies de la communication sur tout le territoire ? Vous avez épuisé les fonds européens en les utilisant pour financer votre politique !

Que faites-vous, en matière de contrats de Plan, pour l'équipement du pays en transports ferroviaires ?

Que faites-vous pour la recherche ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Demandez à M. Malvy de mieux gérer sa région !

M. Augustin Bonrepaux. Je peux vous en parler de la région Midi-Pyrénées ! Vous avez réduit les contrats de Plan pour le ferroviaire de près de 50 % en 2004 !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le TGV va arriver à Toulouse dix ans plus tôt que prévu !

M. Augustin Bonrepaux. Mais quand arrivera-t-il à Toulouse ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Dix ans plus tôt que prévu !

M. Augustin Bonrepaux. Et qui va le financer ? Vous commencez à demander aux régions de le financer !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Comme le TGV-Est !

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez oublié que le rôle de l'État est d'être le garant de la solidarité et de l'égalité sur le territoire. Plutôt que d'encourager les entreprises à s'installer, vous allez les en dissuader !

Vous nous proposez une dizaine de pôles de compétitivité. Mais que devient tout le reste du territoire ? Votre politique va dissuader les entreprises de s'installer et d'investir. Croyez-vous vraiment qu'avec une mesurette de 30 000 euros par an pendant trois ans, vous allez attirer les entreprises ?


Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes opposés à cette mesure, car ce n'est pas avec quelques petits gadgets fiscaux que vous parviendrez à renverser le cours des choses.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous essayons, nous travaillons, nous sommes modestes !

M. Augustin Bonrepaux. C'est l'ensemble de votre politique qu'il faudrait revoir.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 292 et 389.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 317.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement technique visant à empêcher qu'une entreprise ne bénéficie d'un crédit d'impôt d'un montant supérieur à celui de ses dépenses ou investissements éligibles. En effet, le cumul avec les dispositifs de crédit d'impôt existant déjà pour l'outre-mer pourrait conduire à ce que la somme des crédits d'impôt excède 100 % de l'investissement.

Sans doute, monsieur le président, me permettez-vous de présenter en même temps les deux amendements suivants, nos 315 et 316, qui sont rédactionnels.

M. le président. Je suis en effet saisi de deux autres amendements de M. Carrez, nos 315 et 316.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 317, 315 et 316 ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 317.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 316.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot