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Première séance du lundi 25 octobre 2004

29e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous allons examiner, dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents, l'article 43 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Article 43

Prélèvement au titre du budget
des Communautés européennes

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est pour moi un moment important que d'ouvrir, pour la première fois, le débat annuel sur la contribution française au budget de l'Union européenne. Cette séance doit être l'occasion de discuter non seulement du projet de budget communautaire pour 2005 et de l'évolution de la contribution française, mais aussi des prochaines étapes décisives de la construction européenne. Consciente de l'implication de chacun d'entre vous et de votre volonté commune de faire avancer les dossiers européens, je tiens tout particulièrement à saluer M. Balladur, président de la commission des affaires étrangères, M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne, même s'il n'est pas avec nous aujourd'hui, et M. René André qui a eu la responsabilité d'analyser l'avant-projet de budget de la Commission européenne pour l'exercice 2005.

Depuis un an, l'Union européenne a franchi deux étapes considérables : elle a mis fin à la division de l'Europe en accueillant le 1er mai 2004 dix nouveaux États membres auxquels tout nous opposait il y a encore quinze ans, et elle a proposé aux citoyens européens de refonder le contrat qui les unit, en rédigeant un nouveau projet de traité constitutionnel.

Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne pour l'année 2005 et de soumettre à votre vote le prélèvement sur recettes correspondant à la contribution de la France au budget communautaire.

Ce projet de budget, adopté par le Conseil de l'Union européenne en première lecture le 16 juillet dernier, présente deux caractéristiques principales. D'abord, il sera le premier exercice complet de l'Union élargie à vingt-cinq États membres. L'élargissement n'étant devenu effectif qu'en cours d'année, il avait fallu, pour 2004, adopter simultanément deux budgets distincts. Ensuite, il respecte un équilibre satisfaisant entre nos ambitions pour les politiques communes et notre souci de rigueur budgétaire.

Le Conseil des ministres européens des finances du 16 juillet a arrêté pour l'année prochaine un projet de budget de près de 116 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 105 milliards en crédits de paiement. Élaboré par la présidence néerlandaise, il est le fruit d'un compromis global entre les États membres, dans la mesure où il permettra de financer les priorités politiques de l'Union tout en tenant compte des impératifs de discipline budgétaire.

Ce projet de budget marque une hausse de 4,1 % des engagements et de 5,4 % des paiements par rapport à 2004. La progression des crédits s'explique surtout par la mise en œuvre des décisions des Conseils européens d'octobre et de décembre 2002 sur l'élargissement, c'est-à-dire principalement par la montée en puissance des aides agricoles et des fonds structurels en faveur des dix nouveaux adhérents. Ce budget, qui équivaut à 0,99 % du revenu national brut de l'Union, reste très en dessous du plafond des ressources propres, qui s'élève à 1,24 %. Il s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin de mars 1999 et c'est pour moi un motif important de satisfaction, à l'heure où s'engagent des discussions longues et délicates sur le prochain cadre financier pluriannuel, couvrant la période 2007-2013.

La structure du budget reflète la volonté de l'Union de maintenir un niveau élevé d'intervention dans les différents champs des politiques communes.

Les dépenses agricoles, classées dans la rubrique 1 du budget communautaire, devraient progresser de 6,2 %. Comme je vous l'ai indiqué, cette augmentation s'explique avant tout par l'accroissement des aides en faveur des nouveaux adhérents : selon le schéma arrêté par le Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002, ils devraient toucher, en 2005, 30 % du niveau des aides agricoles directes auquel ils auront droit en 2013, contre 25 % en 2004. L'agriculture représente le premier poste du budget communautaire, avec 49,6 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit près de 43 % des dépenses totales, à un niveau qui reste globalement stable par rapport à 2004. Le Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002 a prévu jusqu'en 2013 un budget agricole stable pour l'Europe à vingt-cinq, donc un maintien des enveloppes consacrées à l'agriculture française. Ce cadre, avec la réforme de la politique agricole commune de juin 2003, assure aux 14 millions d'agriculteurs européens des perspectives claires pour les années à venir. Le Gouvernement veillera à ce qu'il soit strictement respecté.

La seconde rubrique du budget communautaire, consacrée à la politique de cohésion, enregistre une hausse de 3,3 % en crédits d'engagement, hausse bien plus modérée que celle de l'année précédente qui, du fait de l'élargissement, dépassait 20 %. La politique régionale confirme sa position de deuxième poste du budget de l'Union, avec 36,5 % des dépenses. Les régions en retard de développement bénéficiaires de l'objectif 1 des fonds structurels, situées à l'Est et au Sud de l'Europe, resteront les principaux destinataires, mais des financements significatifs sont prévus pour l'ensemble des régions de l'Union.

Je suis, à cet égard, bien consciente que la politique de cohésion ne peut ignorer le défi que représentent pour nous, à l'heure actuelle, les délocalisations. Face à l'inquiétude légitime qui croît aujourd'hui pour l'avenir de nos emplois, le Gouvernement privilégiera deux objectifs : d'une part, le renforcement de la vigilance exercée par les institutions de l'Union sur la capacité des États membres à financer le complément national aux aides communautaires ; d'autre part, l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés, en priorité de son assiette et, si possible, de ses taux minima.

M. Jacques Myard. Faut pas rêver !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Les autres politiques, traditionnellement regroupées dans la rubrique 3 du budget communautaire, recevront 8,9 milliards d'euros, soit 7,7 % du budget total. Au sein de cet ensemble, les dépenses relatives à la recherche confirment leur prédominance, avec une dotation d'environ 3,7 milliards, devant l'énergie et les transports. Le projet de budget adopté par le Conseil prévoit des dotations significatives pour des domaines prioritaires pour le Gouvernement - l'éducation avec les programmes Socrates et Erasmus Mundus, et la sécurité intérieure avec la mise en place de l'Agence européenne pour la gestion et la coopération opérationnelle aux frontières extérieures.

Les actions extérieures de l'Union Européenne, qui figurent à la rubrique 4, seront dotées de 5,1 milliards d'euros de crédits d'engagement. Cela correspond à une stabilisation à la baisse de 1,2 % par rapport à 2004, le Conseil ayant tenu, compte tenu des aléas et des imprévus de la vie internationale, à rétablir une marge de sécurité. L'effort en direction de nos partenaires des autres continents sera poursuivi. L'Europe confirme son effort particulier en faveur de l'Irak en augmentant de 25 % sa contribution, qui passe à 200 millions d'euros.

La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, qui s'élèvent à 6,3 milliards d'euros et dont la progression très maîtrisée - 3,1 % cette année - traduit bien les efforts de tous pour concilier les besoins de l'élargissement avec les impératifs de la discipline budgétaire.

La dernière rubrique regroupe les aides de pré-adhésion. Après une très forte diminution en 2004, à l'occasion du transfert des dépenses en faveur des dix nouveaux adhérents dans les autres rubriques du budget communautaire, ce poste de dépenses augmentera d'environ 7 % pour atteindre 1,8 milliard d'euros en crédits d'engagement. En 2005, il concerne quatre pays : la Roumanie et la Bulgarie, qui sont déjà candidates et qui devraient, si elles sont prêtes, adhérer dès janvier 2007 ; la Croatie, à laquelle le Conseil européen des 17 et 18 juin dernier a accordé ce statut et avec laquelle les négociations d'adhésion devraient s'ouvrir au début de 2005 ; il concerne enfin la Turquie.

Permettez-moi de souligner à ce sujet que l'octroi d'aides de pré-adhésion n'est que la conséquence de la reconnaissance du statut de pays candidat à la Turquie, ...

M. Hervé Mariton. Terminologie maladroite !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ...décidée lors du Conseil européen d'Helsinki en 1999 et réaffirmée lors du Conseil européen de Copenhague de 2002. En tout état de cause, c'est au Conseil européen, et à lui seul, qu'il appartiendra, le 17 décembre prochain, de décider de l'ouverture éventuelle des négociations d'adhésion avec ce pays, sur la base du rapport et des recommandations que la Commission nous a fournis le 6 octobre.

Au total, le Gouvernement estime que ce projet de budget répond bien à nos trois ambitions pour les politiques communes : premièrement, maintenir un haut niveau d'intervention dans les différents domaines qui constituent des priorités pour notre pays : l'agriculture, la recherche, l'éducation, l'emploi et la compétitivité de nos territoires ; deuxièmement, accompagner l'adhésion des dix nouveaux États membres en leur assurant le bénéfice des politiques communes dans des proportions adaptées à leur capacité d'absorption ; troisièmement, garantir la viabilité financière du budget européen par une discipline qui s'inscrit dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin de mars 1999.

Sur la base du projet de budget communautaire, la contribution française devrait s'établir à 16,5 milliards d'euros en 2005. Ce montant dépasse la prévision d'exécution dont nous disposons pour 2004, laquelle est de 15,4 milliards d'euros. Mais c'est un projet de budget qui reste globalement stable par rapport à la prévision initiale qui, inscrite il y a un an dans le projet de loi de finances pour 2004, s'établissait à 16,4 milliards.

Le surcoût lié à l'élargissement n'intervient que de manière progressive, au rythme de la montée en puissance des aides agricoles et structurelles en faveur des nouveaux adhérents. Comme vous le savez, le coût budgétaire de l'élargissement pour la France sera modéré dans l'actuelle période de programmation financière. Je rappelle quelques chiffres : sur la période allant du 1er mai 2004, date de l'élargissement aux dix nouveaux États membres, au 31 décembre 2006 - avant les nouvelles perspectives financières -, les crédits de paiement correspondant au surcoût de l'élargissement sont évalués, en prix courants, à 33 milliards d'euros, sur un total supposé - cela reste une hypothèse - de 320 milliards d'euros pour l'ensemble du budget communautaire.

De leur côté, les nouveaux États membres, depuis leur entrée dans l'Union, contribuent au financement du budget européen à hauteur d'environ 5 %, soit 16 milliards d'euros sur la période 2004-2006. Le coût net pour les quinze anciens membres peut donc être estimé à 17 milliards d'euros. L'effort français s'élèvera à quelque 4 milliards d'euros environ pour la période, soit, en moyenne, 1,3 milliard d'euros par an pour le financement de l'élargissement.

L'arithmétique des soldes nets ne doit pas constituer le critère absolu de notre engagement européen, vous le reconnaîtrez avec moi, mesdames et messieurs les députés. Les soldes budgétaires sont certes importants mais ne rendent que très imparfaitement compte de l'étendue des bénéfices que nous tirons, comme l'ensemble des États membres, de l'unification de l'Europe et de la construction d'un nouveau type d'espace politique : un continent pacifié et stabilisé, un marché intérieur de près d'un demi-milliard d'habitants et une monnaie qui s'impose comme l'une des premières du monde. (M. Myard toussote.)

Mais les statistiques existent et doivent être connues. En 2005, la France devrait demeurer le deuxième contributeur du budget communautaire, derrière l'Allemagne.

M. Jacques Myard. Ça nous coûte cher, tout ça !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Environ 5,9 % de nos recettes fiscales seront allouées à l'Union. Mais la France restera aussi le deuxième bénéficiaire du budget, derrière l'Espagne. Nous devons cette performance avant tout à notre excellent taux de retour sur la politique agricole commune : en 2003, la France a bénéficié de plus de 23 % des dépenses agricoles communautaires. Par comparaison, ce ratio est de 7 % pour la politique régionale.

Au total, la France est contributrice nette au budget européen dans des proportions qui varient, ces dernières années, entre 1,5 et 2,7 milliards d'euros. En 2003, notre solde net s'est élevé à - 1,725 milliard d'euros, ce qui nous situe au quatrième rang des États membres contributeurs nets, très nettement après l'Allemagne et peu après le Royaume-Uni et les Pays-Bas. La participation, pour la première fois, en 2005, des dix nouveaux adhérents au financement de la totalité de l'exercice budgétaire nous permet de faire reculer légèrement la clé de notre contribution : nous financerons ainsi le budget de l'Union élargie à hauteur d'environ 16,5 %, au lieu de 17,1 % en 2004.

Tels sont les chiffres concernant le projet de budget qui vous est proposé aujourd'hui. Mais, en cette période charnière de la construction européenne, nous devons également, au-delà des échéances de la seule année 2005, préparer l'avenir à plus long terme.

Préparer l'avenir, c'est évidemment, dans un premier temps, réussir la ratification de la Constitution européenne.

M. Jacques Myard. Chiche !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce texte est très important : pour l'Union européenne elle-même car il met en ordre la construction de la maison européenne, en assurant un fonctionnement adapté à une Union élargie ; pour notre pays et nos concitoyens, en raison des progrès manifestes enregistrés dans le cadre du traité constitutionnel, progrès qui concerneront l'ensemble des Français, en matière de sécurité, de justice, d'action extérieure de l'Union européenne ou encore de gouvernance économique, pour de meilleures performances.

Le Président de la République l'a affirmé lors de son intervention du 14 juillet : le projet de traité constitutionnel engage l'avenir des Français. C'est pourquoi il sera soumis à la consultation des citoyens, par référendum, au cours de l'année 2005.

Il nous faut préparer l'échéance du référendum sur la ratification du traité constitutionnel en accomplissant, en premier lieu, les procédures internes permettant de vérifier si le traité européen exige des modifications de notre Constitution nationale...

M. Jacques Myard. C'est évident !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ...puis, le cas échéant, de conduire à bien une éventuelle révision.

Il nous appartient ensuite d'instaurer un véritable débat sur la Constitution européenne, de la présenter et de l'expliquer. Tel est l'enjeu important des mois qui s'ouvrent devant nous. Telle est ma première priorité.

Le Gouvernement, et tout particulièrement Michel Barnier et moi-même, avons à cet égard un double rôle à assumer : il nous appartient d'une part d'informer les Français, d'autre part de donner au débat la possibilité de se mettre en place.

Il convient de donner à chacun des Français les moyens de se former une opinion afin qu'il puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause et en toute responsabilité. À cette fin, dès la signature du traité le 29 octobre, à Rome, nous diffuserons largement une sorte de mode d'emploi, texte clair et précis, exposant très objectivement les nouveaux outils que la future Constitution apportera à la construction européenne. Dans un premier temps, dès qu'il sera imprimé, nous mettrons le traité à disposition dans les lieux publics, afin que nos concitoyens puissent le consulter. Ils le recevront évidemment chez eux, un peu plus tard, lorsque se rapprochera l'échéance du référendum.

M. Jacques Myard. Et ils se réjouissent à l'avance de ne rien y comprendre !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous créerons également un site internet et un centre d'appel téléphonique pour répondre aux interrogations de chacun sur ce texte important.

Nous devons également susciter et favoriser le débat. J'y suis tout particulièrement attachée. Le rôle des parlementaires, députés et sénateurs, sera primordial. Je souhaite que non seulement vous puissiez être étroitement associés à la mise en œuvre du débat, mais que vous puissiez également le provoquer, ...

M. Jacques Myard. Croyez bien qu'ils y participeront activement, mais pas nécessairement dans le même sens que vous, madame la ministre !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ...d'abord en procédant, je l'espère de façon sereine, à la révision constitutionnelle nécessaire pour adapter, au préalable, notre Constitution au traité européen, ensuite en engageant avec nos concitoyens et dans chacun de vos départements, un dialogue sur un traité qui nous permettra de mieux vivre et travailler, à vingt-cinq, dans l'Union européenne. Sachez que je me tiens à votre disposition pour porter, avec vous, ce message. Je compte sur chacun d'entre vous.

Ce débat peut et doit également venir des Français eux-mêmes, au travers notamment des associations, de tous horizons et de toutes convictions. Un grand nombre d'entre elles se sont déjà manifestées. Le rôle du Gouvernement est simplement d'aider ces relais d'opinion, en mettant des moyens à leur disposition et en leur donnant la possibilité d'organiser activement des débats. Je serai plus présente que jamais, dans les mois qui viennent, aux côtés de ceux qui le souhaiteront, pour expliquer la Constitution partout en France.

Préparer l'avenir, c'est également faire des choix clairs pour le budget européen et assurer sur le long terme un financement durable, efficace et transparent de l'Union. Les discussions sur les prochaines perspectives financières viennent de s'engager et se prolongeront sans doute jusqu'à 2006. Le Gouvernement y participe activement et des contacts approfondis ont été établis sur ce dossier avec nos différents partenaires. Je suis très présente dans chacun des États membres afin d'être à l'écoute dans la discussion et le dialogue sur la meilleure façon de porter ensemble nos ambitions communes. Le Parlement sera, bien entendu, régulièrement informé de l'évolution de ce dossier. Michel Barnier et moi-même nous engageons à venir vous informer, lorsque vous le souhaiterez, devant la délégation pour l'Union européenne et devant vos commissions, de l'évolution des discussions sur les perspectives financières ainsi que sur la révision de la stratégie de Lisbonne, qui vise à donner plus de dynamisme à notre économie, tout en assurant le progrès social. Nous aurons à cet égard à conduire ensemble de nombreuses actions.

Telles sont les grandes lignes sur la préparation du budget de l'Union après 2006. Il devra porter nos ambitions pour l'Europe. C'est là tout l'enjeu de la négociation difficile des prochaines perspectives financières.

Il s'agira, en premier lieu, de financer notre effort de solidarité pour les nouveaux États membres, principalement au titre de la politique de cohésion qui - j'insiste sur ce point - devra continuer à être mise en œuvre sur l'ensemble du territoire européen. La solidarité vaut également pour les agriculteurs de toute l'Union, conformément à la décision prise par le Conseil européen à Bruxelles en octobre 2002. Je le répète : le Gouvernement sera vigilant en la matière.

M. René André, suppléant M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le budget de l'Union devra aussi permettre le développement de nouvelles politiques au service de la croissance et de la sécurité, deux priorités essentielles pour le Gouvernement.

Enfin, dans le cadre politique que nous souhaitons voir se mettre en place, le budget devra contribuer à renforcer la présence de l'Europe dans le monde.

Nous pouvons atteindre tous ces objectifs ambitieux en dépensant moins que ne le propose actuellement la Commission - je l'affirme très sincèrement - et en affichant une croissance plus raisonnable des crédits. Nous ne pouvons pas ignorer la contrainte financière, qui s'exerce aujourd'hui sur tous les États membres et dont le budget de l'Union devra également tenir compte. Le Président de la République a pris un engagement fort en faveur de la discipline budgétaire avec six de nos partenaires. Notre approche est celle d'un budget en croissance, dans la limite de 1 % du revenu national brut de l'Union.

Le système de financement de l'Union ne sera toutefois viable que si nous le rendons plus efficace et plus équitable. Tous les États membres devront faire un effort pour financer l'élargissement et le réussir, ainsi que pour financer les nouvelles politiques, dans des conditions raisonnables et loyales et dans un cadre de discipline budgétaire. Mais il vaut mieux agir en amont qu'en aval. C'est pourquoi le Gouvernement est opposé au principe, qui nous est proposé, de la correction a posteriori des soldes, qu'elle soit générale, comme le propose, pour l'avenir, la Commission, ou qu'elle bénéficie spécifiquement à quelques États membres, comme c'est le cas aujourd'hui. Permettez-moi de souligner ce point, sans aucune acrimonie à l'égard de nos voisins britanniques, avec lesquels nous entretenons généralement, par-delà les célébrations du centenaire, des relations fondées sur une entente cordiale. Les conditions qui ont prévalu lors de la mise en place du « chèque britannique » n'existent plus aujourd'hui : les vingt-quatre États membres, autres que le Royaume-Uni, reconnaissent cet état de fait.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Il faut changer les règles du jeu. Mais pour cela, il faudrait le vote à la majorité !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes Le Gouvernement plaidera donc avec une grande fermeté et la plus grande résolution pour un réexamen du système.

Tels sont les trois grands chantiers de l'année 2005, étape clef de l'aventure européenne : rénover les institutions grâce au traité constitutionnel, poursuivre et réussir l'élargissement, adapter les moyens et les politiques de l'Union élargie pour l'avenir.

Les risques sont à la hauteur des enjeux. Notre devoir d'explication, sur lequel j'ai déjà beaucoup insisté, s'en trouve renforcé. J'ai pu mesurer l'importance de notre responsabilité, depuis six mois que je parcours les États membres et une grande partie de nos régions, accompagnée, chaque fois que c'est possible, de plusieurs d'entre vous. Je n'ignore pas que les risques et les difficultés, qui sont liés aux enjeux, ne sont pas propres à la France. Il nous appartient à tous d'être mobilisés et de nous adresser à chacun de nos concitoyens pour lui donner les clefs de la décision.

Par-delà les malentendus, les divergences, les imperfections ou les critiques relevés ici ou là sur les propositions qui vous sont faites, une seule question demeure, que je vous pose à tous : que serions-nous aujourd'hui sans la construction européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes devrait s'élever à 16,5 milliards d'euros en 2005, soit un milliard de plus qu'en 2004.

M. Jacques Myard. C'est scandaleux !

M. André Schneider. Et combien pour Strasbourg ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette progression importante s'explique essentiellement par la montée en puissance des crédits européens consacrés aux pays de l'élargissement. Depuis le 1er mai 2004, dix nouveaux États membres bénéficient de plein droit des fonds structurels européens, des subventions pour le développement rural ainsi que des aides directes agricoles - celles-ci représentant 25 % de celles versées aux agriculteurs des Quinze.

Le choix généreux et équitable d'étendre les programmes communautaires aux pays de l'élargissement se traduit par un effort financier sans précédent : les crédits pour engagement au profit des pays d'Europe centrale et orientale atteindront 12,5 milliards d'euros en 2004 et 15 milliards en 2005, soit près de 15 % du budget européen.

Le coût de l'élargissement, masqué partiellement pendant ses premières années par le caractère progressif de la mise en place des programmes dans les nouveaux États membres, devient plus concret dès 2005. Les paiements correspondant à ces programmes, sur lesquels est assis le calcul des contributions des États membres, devraient passer de 6 milliards d'euros en 2004 à 10 milliards dès l'année prochaine. Cela explique l'essentiel de la hausse de 5,5 % des dépenses communautaires prévue pour 2005.

S'ajoutent à cela de réels progrès dans la consommation des crédits européens chez les Quinze. La rationalisation de la gestion des fonds structurels décidée en 1999, avec en particulier la procédure de « dégagement d'office » des engagements dormants depuis plus de deux ans, ainsi que les réformes de la gestion et du contrôle des fonds mises en œuvre dans de nombreux pays - soulignons au passage l'effet d'amélioration qu'ont eu en France les excellentes circulaires de 2002 - commencent à porter leurs fruits.

M. Jacques Myard. C'est encore très insuffisant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le taux d'exécution des dépenses européennes est ainsi passé de 68 % en 2001 à 82 % en 2003. Au 1er août 2004, 56 % des crédits communautaires de l'année ont été consommés, soit un niveau atteint habituellement en octobre ou novembre seulement.

Certes, il y a encore beaucoup à faire puisque les engagements restant à liquider - le « reste à réaliser » ou « RAL », dans la terminologie européenne -, s'élèvent toujours à 70 milliards d'euros. Et la France doit consentir un effort particulier dans ce domaine : elle n'avait consommé, à la fin de 2003, que 29 % de sa dotation de fonds structurels pour 2000-2006, loin derrière les meilleurs élèves européens que sont l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et l'Autriche, qui en ont absorbé près de 45 %, mais aussi en deçà de la moyenne communautaire, qui s'établit à 34 %.

Enfin, il faut remarquer que la recherche bénéficie en 2005 d'une nette priorité. En augmentation de 7,5 %, après 8,2 % en 2004, les crédits européens qui lui sont consacrés atteignent plus de 5 milliards d'euros. Ce choix de privilégier les dépenses d'avenir est décisif, et d'autant plus efficace qu'il est relayé, en France, par un effort tout aussi déterminé pour promouvoir l'émergence d'une économie du progrès, de la connaissance et de la compétitivité.

Pour autant, le dynamisme de ces catégories de dépenses ne se traduit pas par une explosion des dépenses européennes : je puis rassurer sur ce point notre collègue Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Ce n'est pas assez pour me rassurer !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tel qu'il a été adopté récemment par le Conseil de l'Union, le budget pour 2005 est en effet bien maîtrisé. Tout comme en 2004, les crédits de paiement se limiteront à 1 % - ou, pour être précis, à 0,99 % - du revenu national brut communautaire en 2005. Cette discipline d'ensemble, qui complète utilement celle à laquelle s'astreignent les États membres dans la gestion des finances publiques nationales, passe par une maîtrise sans faille des dépenses à l'intention des Quinze. Limitée à 2 % en valeur pour les engagements, et même à 1,6 % pour les paiements, leur progression semble s'inspirer de la « norme d'évolution zéro » que la France, en particulier, impose à ses dépenses propres, comme l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 nous donne l'occasion de le constater.

M. Hervé Mariton. Il faut continuer !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette capacité manifeste des institutions européennes à maîtriser les dépenses renforce d'ailleurs notre conviction que les négociations relatives à la définition du nouveau cadre financier pour la période 2007-2013, qui ont commencé début 2004, passent avant tout par un examen attentif de l'opportunité et de l'efficacité de la dépense européenne.

Il faut en effet rappeler que le défi financier de l'élargissement, qui appelle un effort financier extrêmement lourd, impose de faire des choix. Pour les finances publiques des États membres et pour l'image même de l'Europe dans l'opinion, rien ne serait plus néfaste qu'un dérapage incontrôlé des dépenses européennes sans clarification de leurs objectifs et de leurs moyens.

M. Jacques Myard. C'est impérieux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le souci de maîtriser la dépense, condition de l'assainissement pérenne des finances publiques et moteur décisif du renforcement de l'efficacité de l'action publique, rend nécessaire d'opérer un examen minutieux et sévère de l'opportunité de nombreux programmes dont la taille et l'incidence ne répondent pas toujours, tant s'en faut, aux normes de performance que s'imposent les États membres. Ce n'est qu'après cette mise à plat des dépenses communautaires que la question de leur mode de financement dans le futur pourra être utilement posée.

Il est vrai, à cet égard, que la répartition des charges budgétaires européennes entre les États est aujourd'hui plus que jamais contestable : vous l'avez souligné dans votre intervention, madame la ministre, et nous le répétons chaque année. Une logique comptable et à courte vue, comparant annuellement les bénéfices et charges de l'Union par pays, a conduit à multiplier les ristournes au bénéfice de certains - il serait plus juste d'écrire « certain » au singulier - et aux dépens de tous.

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La pertinence de ce type de raisonnement est de plus en plus contestable, au moment où le budget européen devient principalement un budget de solidarité envers les États en retard de développement. Dans cette logique, on voit de plus en plus mal ce qui justifie d'exonérer le Royaume-Uni des deux tiers du coût de l'élargissement qui devrait normalement être à sa charge selon les règles applicables à l'ensemble des États membres. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il ne suffit pas de le répéter chaque année : il faut que des résultats s'ensuivent !

Mme Maryse Joissains-Masini. Pourquoi, dans ces conditions, admettre que la situation perdure ?

M. Jacques Myard. Il fallait voter contre au départ!

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans ce débat aussi, je veux rappeler que le moyen le plus efficace d'atténuer les charges des États membres reste, comme dans notre pays, le plus simple : maîtriser la dépense.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est pourquoi la position du Gouvernement dans les négociations sur l'avenir du budget européen est la bonne : contenir avant tout l'inflation des crédits en les limitant à 1 % du PIB européen. À cette condition seulement, la discussion sur les ressources pourra être abordée dans un esprit de solidarité et d'équité.

Le projet de budget européen pour 2005 montre qu'il est possible de persévérer dans la voie de la discipline budgétaire tout en satisfaisant les besoins légitimes des États de l'élargissement. C'est pourquoi la commission des finances a adopté l'article 43, et je vous propose, mes chers collègues, d'émettre le même vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

M. Jacques Myard. Ne comptez pas sur moi !

M. Bernard Accoyer. Excellente intervention !

M. le président. Vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure, monsieur Myard.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangère, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le prélèvement européen pour l'année budgétaire 2005 est évalué à 16,6 milliards d'euros, soit 6,1 % des recettes fiscales que nous sommes en train d'examiner.

En 2003, la France a versé 15,2 milliards d'euros et a reçu 13,4 milliards. Elle est donc un contributeur net au budget de l'Union européenne. En solde net, elle se place en volume au quatrième rang des contributeurs, après l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ; en pourcentage du RNB communautaire, elle occupe le huitième rang.

Le projet de budget pour 2005, dont le montant est arrêté à 116 milliards d'euros, est le premier établi à vingt-cinq pays en année pleine. Il traduit la montée en puissance progressive mais maîtrisée des dépenses de l'élargissement : 5,4 % d'augmentation en un an.

Dans ce projet, la Commission et le Conseil se sont efforcés de mieux maîtriser la croissance des crédits de paiement, pour éviter la « surbudgétisation » de ces crédits constatée aux cours des derniers exercices et qui s'était traduite par des excédents budgétaires considérables reversés aux États membres. Au-delà de cette maîtrise, il convient de prendre également en considération l'ensemble des contrôles sur la consommation de ces crédits dans les différents pays bénéficiaires.

Le troisième poste budgétaire, loin derrière l'agriculture - qui représente plus de 45 % - et la politique régionale, concerne les politiques internes. Il est consacré essentiellement à la recherche, mais aussi aux réseaux transeuropéens de transport et à une quarantaine de programmes dans les domaines les plus variés, comme l'éducation ou l'environnement.

J'ai la conviction que, comme pour l'éducation, la recherche devrait être une priorité majeure de l'action européenne, et je ne doute pas, madame la ministre, que vous partagez cette grande ambition pour l'Europe. L'effort qui lui est consacré doit être maintenu, sinon amplifié dans le cadre des prochaines perspectives financières.

Le soutien de l'investissement créateur d'emplois est également une voie de l'action communautaire à privilégier. Datant du début des années 90, l'initiative européenne de croissance a été relancée par la présidence italienne au deuxième semestre 2003, avec une politique de grands travaux dans le domaine des transports. La Commission européenne fait preuve d'une approche volontariste et souhaite réaliser une liste de programmes « à démarrage rapide », composée de cinquante-quatre projets nécessitant environ 62 milliards d'euros d'investissements à l'horizon 2010. La France, bien entendu, y aura sa part, mais on peine à en voir une traduction dans le projet de budget national pour 2005.

La procédure budgétaire pour 2005 est encadrée strictement dans les perspectives budgétaires adoptées en mai 1999 à Berlin. Le projet de Constitution adopté par le dernier Conseil européen introduit dans le traité un « cadre financier pluriannuel » simplifié et raccourci. Mais je regrette que la France n'ait pas obtenu que les décisions soient prises à la majorité qualifiée, du fait, une fois de plus, de l'opposition de la Grande-Bretagne et de son allié - peut-être de circonstance -, les Pays-Bas.

Si nous voulons, mes chers collègues, revenir sur le fameux « chèque » Thatcher, il nous faut créer un rapport de force et insister beaucoup. On ne peut être européen que complètement, ou pas du tout. L'Angleterre doit comprendre qu'elle a un choix à faire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.) Cela explique d'ailleurs l'ensemble des discussions que nous pouvons avoir ici où là, y compris en dehors de cette tribune.

La Commission européenne a présenté au premier semestre une première ébauche de perspectives pluriannuelles. Les États membres ont fait connaître leurs positions, comme la France et cinq autres pays contributeurs nets - Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède - qui ont fait part de leur souci de voir les dépenses des prochaines perspectives financières se stabiliser autour du niveau actuel et ne pas dépasser 1 % du revenu national brut de l'Union.

La Commission européenne s'est cependant prononcée en faveur d'un accroissement modéré du budget de l'Union pour atteindre, en 2013, 1,15 % en crédits de paiement et 1,27 % en crédits d'engagement. Faut-il rappeler que le maximum autorisé par les accords européens est de 1,24 % ? Certes, selon les simulations du ministère des finances, ces nouvelles perspectives financières entraîneraient, par rapport à 2006, une détérioration de notre solde net de l'ordre de 5 milliards d'euros. Mais les avancées de la construction européenne ne se limitent pas aux soldes comptables ou financiers, loin s'en faut.

Cette augmentation du budget communautaire reste néanmoins limitée et maîtrisée, car nous restons en deçà du plafond de ressources de 1,24 % défini dès 1999. J'estime qu'à ce prix-là seulement le budget communautaire pourra être à la hauteur des ambitions que les citoyens européens mettent en l'Europe. Un tel budget pourrait comporter des politiques communes fortes dans des domaines aussi importants que l'agriculture, la politique régionale, la recherche, l'éducation ou les investissements.

Il y a une contradiction intrinsèque dans la position du Gouvernement, qui consiste à demander la limitation du budget communautaire à 1 % du RNB, tout en souhaitant que la politique régionale continue à bénéficier aux régions défavorisées des quinze pays, avant que nous ne passions à vingt-cinq.

M. Jacques Myard. Il faut demander plus à l'impôt et moins aux contribuables !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je vous renvoie à l'excellent rapport établi par M. Laffineur et par un sénateur. On lit à travers les lignes qu'il faudrait tout de même faire l'effort de doter l'Europe d'un budget suffisant pour faire face à ses responsabilités.

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Sans aller jusqu'à ce que je préconise, à savoir l'institution d'un impôt européen, sans aller jusqu'à décider d'une augmentation importante, il faut être capable d'envisager une augmentation maîtrisée, car nous ne pouvons pas demander une juste solidarité pour nos régions en retard ou en voie de reconversion et ne pas nous en donner les moyens.

Avec la « sanctuarisation » des dépenses agricoles de marché, obtenue de haute lutte par le Gouvernement, la variable d'ajustement sera vraisemblablement la politique régionale pour les régions défavorisées des quinze plus anciens États membres. La France se priverait alors des 13 milliards d'euros qui devraient lui revenir entre 2007 et 2013 au titre le la politique régionale, selon les propres calculs du ministère des finances. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

De même peut-on s'interroger sur les objectifs de la politique agricole commune au cours des prochaines années. Je ne ferai pas ici référence au découplage, honni des uns, réclamé par les autres, mais qui, n'en doutez pas, et on le voit déjà sur le terrain, a des effets pervers. S'agissant de certaines productions, on observe de véritables effets d'aubaine, les agriculteurs gérant plus les subventions communautaires qu'ils ne s'occupent de leurs cultures...

M. René André. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. ...quand ils n'occupent pas les centres de distribution de fioul.

Les réformes successives de la PAC n'ont pas occasionné de baisse des revenus agricoles en France et en Europe, malgré les craintes. Je remarque que lorsqu'on fait l'évaluation d'une réforme, on s'aperçoit que, finalement, elle a « un peu payé ».

Si la PAC doit bien sûr être maintenue au-delà de l'année 2006, elle doit néanmoins trouver en elle les forces de se réformer pour répondre aux objectifs fondamentaux qui lui sont assignés : produire pour nourrir, produire pour l'agro-industrie, garantir la traçabilité des produits, conserver leur qualité, mais aussi celle de l'environnement et des paysages.

La Turquie émarge actuellement sur le budget au titre des pré-adhésions - tout comme, d'ailleurs, la Bulgarie et la Roumanie - pour un montant de 286 millions d'euros en engagement et 212 en paiement. Depuis 1999, on lui a reconnu un statut de négociation allant éventuellement vers le statut de pré-adhésion, la décision devant intervenir dans les semaines qui viennent. La procédure utilisée est la procédure habituelle, appliquée à tout pays qui en fait la demande. Le ministère des finances a calculé que l'adhésion de la Turquie pourrait générer des dépenses supplémentaires comprises entre 20 et 25 milliards d'euros par an, ce qui remettrait profondément en cause les politiques communes actuelles.

La Commission européenne elle-même propose la fin du « chèque britannique », qui serait remplacé par un « mécanisme de correction généralisée » bénéficiant à tous les pays dont le solde net excéderait un certain niveau. Protégée par la règle de décision à l'unanimité, la Grande-Bretagne s'est évidemment opposée à toute remise en cause de son chèque, appelé « chèque Thatcher ». On comprend moins pourquoi le gouvernement français s'est opposé à ce mécanisme de correction généralisé, si ce n'est pour des raisons tactiques. Reste qu'il nous faudra être très vigilants et créer un rapport de force, voire un état de crise, nuitamment, comme cela se passe d'habitude, pour que l'on s'en sorte. Les règles doivent s'appliquer d'une façon générale à l'ensemble des pays. Il ne doit pas y avoir de règles particulières, sauf dans le cadre de la pré-adhésion.

M. le président. Cet excellent principe est aussi valable s'agissant du temps de parole... (Sourires.) Il faudrait songer à conclure, mon cher collègue.

M. Didier Migaud et M. René André. C'est intéressant, monsieur le président !

M. le président. Je n'en doute pas, mais je suis certain que tout le monde sera très intéressant. Et il se trouve que je dois faire respecter le temps de parole.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. La commission des finances m'a chargé de présenter son rapport. Je ne suis que son modeste servant !

M. le président. Poursuivez !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. La Commission européenne envisage deux grandes options de réforme du système des ressources propres : un poids accru de la ressource PNB ou la création d'un impôt européen.

M. Jacques Myard. Pas question !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Elle a défini plusieurs pistes à l'horizon 2014, et envisage certaines mesures qui pourraient être immédiatement mises en œuvre. Encore une fois, monsieur Myard, je suis favorable à la création d'un impôt européen qui, j'en suis convaincu, créerait un lien entre le citoyen et l'Union européenne. Si l'on n'en passe pas par là, l'Union risque de n'être qu'un modèle plaqué.

S'agissant de la programmation et de la consommation des fonds structurels en France, j'ai continué mon enquête, au nom de la commission des finances auprès des préfets de région et présidents de conseil régional de France métropolitaine. La programmation et la consommation ont favorablement progressé, mais le niveau atteint au 1er août 2004 reste cependant en deçà de l'optimum. Le rapporteur général du budget y a fait référence il y a quelques minutes.

Les risques de dégagement d'office sont réels pour le Fonds social européen et certains programmes d'initiative communautaire transfrontaliers, au bénéfice des grandes villes, voire d'une politique dynamique auprès de la jeunesse étudiante.

Le FEDER connaît une situation inverse de sur-consommation qui a entraîné, dans certaines régions, un arrêt de la programmation en cours d'année. Cela a entraîné par ailleurs la définition de critères de sélection plus stricts, et la baisse du taux de prise en charge.

M. le président. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue ! Vous en êtes à près de quatorze minutes.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Dans plusieurs régions, des crédits européens ont été substitués aux crédits de l'État. Certes, ces pratiques sont très difficiles à prouver, mais on sent bien qu'on a tendance à mélanger les contrats de Plan État-région et les documents de programmation européenne, les fameux DOCUP. Je vous renvoie, à ce propos, à l'excellent rapport de notre collègue Louis Giscard d'Estaing, qui écrit : « L'exécution des actuels contrats de Plan État- région est aussi marquée par une véritable crise du financement. La difficulté principale est liée à l'impécuniosité de l'État. »

La plupart des présidents de conseil régional, ainsi d'ailleurs que des préfets de région, ont indiqué dans leur réponse qu'il souhaitaient que se poursuive la programmation des crédits européens en termes de politique régionale. Pour ce faire, il faudra un budget,...

M. le président. Mon cher collègue...

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. J'abrège, monsieur le président... mais il faudra aussi, et je l'ai indiqué à M. de Villepin lors de son audition par la commission des finances, rappeler à certains préfets le respect dû non seulement aux minorités élues, mais aussi aux exécutifs majoritaires.

M. le président. Cette fois-ci, nous sommes hors sujet. Je vais vous interrompre. Ce n'est pas correct à l'égard des autres orateurs !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. La commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits au bénéfice des communautés européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF.)

M. Jean-Claude Lefort. Malgré toutes ces critiques ?

M. le président. Chers collègues, je vous indique, pour mémoire, qu'il nous reste à conclure la première partie de la loi de finances. Que chacun veille à respecter son temps de parole s'il tient à éviter une longue séance de nuit.

La parole est à M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, 2004 fut une grande année pour l'Europe. 2005 ne le sera pas moins. Après l'élargissement à dix nouveaux membres, qui a permis à l'Europe de se réconcilier définitivement avec elle-même et de prendre enfin la mesure du continent, 2004 a vu l'Union s'engager dans la voie de l'adoption d'un traité constitutionnel dont le projet a été arrêté le 18 juin dernier par la conférence intergouvernementale.

Désormais, troisième puissance démographique avec plus de 450 millions d'habitants, derrière la Chine et l'Inde, l'Union est aussi la première puissance commerciale mondiale et peut compter sur un PIB supérieur à celui des États-Unis.

Pourtant, cette puissance exprimée par des chiffres ne se traduit pas encore suffisamment par des actes au plan international ; 2005 sera peut-être l'occasion de démentir cette assertion et d'ouvrir la voie à une véritable Europe politique.

Tout d'abord, les États européens auront à ratifier le traité instituant une Constitution européenne, et nous formons le vœu que ce texte, avancée significative dans la construction de l'Europe, devienne la Constitution de l'Union et soit le premier pas vers une Europe politique puissante et respectée.

Ensuite, c'est aussi en 2005 que débuteront véritablement les négociations relatives aux perspectives financières pour 2007-2013. Or le cadre budgétaire qui se dessinera dans cette période déterminante aura une portée stratégique pour l'avenir de l'Union européenne. Car il s'agit bien de donner à celle-ci les moyens de mener des politiques communes efficaces en matière agricole ou de recherche, par exemple, mais aussi une politique active au plan international et dans le domaine de la défense. Il s'agit également de faire en sorte que l'Union utilise au mieux ses ressources budgétaires qui sont, en dernier ressort, le fruit du travail des citoyens européens et ne peuvent être étendues à l'infini.

L'examen du budget communautaire et de la contribution française pour 2005 nous offre la possibilité de préciser les enjeux qui seront ceux de l'Agenda 2007. Mais, avant d'en venir aux prochaines perspectives financières, évoquons un instant le budget pour 2005.

Mes chers collègues, je ne vous abreuverai pas de chiffres. Rappelons simplement les montants les plus significatifs. Avec 116 milliards d'euros en engagements et 105 milliards en paiements, le budget communautaire pour 2005 s'accroît de 4,1 % en engagement et 5,4 % en paiement. Cette hausse s'explique principalement par les effets de l'élargissement. La politique agricole commune représente 43 % de ce budget et la politique régionale une part de 36,5 %.

La France contribuera à hauteur de 16,6 milliards d'euros en 2005. C'est ce qui est mentionné à l'article 43 du projet de loi de finances, article que la commission des affaires étrangères a adopté.

En 2004, il avait été prévu que la France verse 16,4 milliards. Il semblerait que, in fine, l'exécution du budget ne nous impose qu'un prélèvement sur recettes de 15,4 milliards d'euros. Cette différence d'un milliard s'explique par la surestimation des crédits de paiement dans le budget communautaire. Cette tendance traditionnelle au surcalibrage budgétaire est très critiquable. D'ailleurs, pour 2005, la Commission, et plus encore le Conseil, ont tenté d'en réduire les effets en calculant au mieux les crédits de paiement.

Deuxième contributeur au budget européen et deuxième bénéficiaire des dépenses communautaires, notre pays se situe au quatrième rang des contributeurs nets pour un montant de 1,725 milliard d'euros en 2003. Les dépenses européennes en France proviennent, quant à elles, à 83 % de la politique agricole commune et à 11 % des politiques régionales.

Nous avons indiqué tout à l'heure que l'élargissement de 2004 expliquait, pour l'essentiel, la hausse du budget communautaire. Il en coûtera, en effet, 17 milliards d'euros à l'Union pour 2004-2006 et 1,3 milliard à la France pour 2005. Il s'agit là de montants encore modestes au regard de l'importance de cet élargissement. Mais il faut bien constater qu'en 2005, les nouveaux États membres ne bénéficieront pas entièrement des retombées de la politique agricole et des fonds structurels.

Telles sont les principales données chiffrées pour l'année qui vient. Quelles leçons peut-on en tirer ?

Tout d'abord, le budget 2005 s'inscrit dans des limites encore raisonnables et tente de réduire la surbudgétisation. C'est un effort positif. Ensuite, il repose sur une maîtrise des dépenses d'élargissement contenues, pour quelques années encore, dans un cadre acceptable. C'est appréciable.

Mais ces éléments positifs pour 2005 ne peuvent pas masquer la préoccupation qui est la nôtre pour les perspectives financières de 2007 à 2013.

Les premières propositions de la Commission européenne vont dans le sens d'une forte hausse des dépenses communautaires. La Commission préconise ainsi un budget qui, en 2013, atteindrait 1,15 % du revenu national brut en paiement, contre 0,99 % aujourd'hui. En valeur, cela se traduirait par une augmentation de 25 % du budget européen par rapport à 2006, dernière année du précédent cadre financier pluriannuel. C'est excessif. C'est d'ailleurs ce que notre pays n'a pas manqué de dire, notamment dans l'initiative qu'il a prise en décembre 2003 avec cinq autres pays, dont l'Allemagne et le Royaume-Uni, en appelant à la maîtrise des dépenses européennes et au maintien du budget communautaire à un niveau de 1 % du revenu national brut.

Pour la période 2007-2013 qui s'ouvre devant nous, un double constat s'impose.

En premier lieu, notre solde net se détériorera inexorablement du fait principalement de la réorientation des politiques régionales vers les nouveaux membres. Il faut prendre acte de cette tendance, en cherchant toutefois à en maîtriser au mieux les effets négatifs pour nos finances publiques. De ce point de vue, les premières propositions de la Commission, là encore, ne sont pas acceptables. La Commission propose une hausse du budget européen assortie d'un mécanisme de correction complexe pour réduire les effets de cette hausse sur les plus gros contributeurs, l'Allemagne par exemple. Or, avec l'introduction de ce mécanisme et l'augmentation du budget, le surcoût pour la France serait de 5 milliards d'euros pour l'année 2013. On mesure l'ampleur de cette hausse en la comparant à notre solde net d'aujourd'hui, qui est de 1,7 milliard. Comment pourrons-nous expliquer cela à nos concitoyens, alors que nous les incitons - avec raison - à poursuivre leurs efforts et que nous prenons des mesures difficiles pour réduire le poids de nos dépenses publiques dans un contexte économique peu favorable ?

Ensuite, il nous faut être conscients que tant que la règle de l'unanimité demeurera, le mécanisme choquant du « chèque britannique », dont plus aucune des justifications ne subsiste, survivra également. Or la France en assume la plus grande part, à hauteur de 1,5 milliard d'euros en 2005. C'est une situation inacceptable, surtout si nous nous souvenons que l'élargissement nous coûtera 1,3 milliard d'euros en 2005. Trente ans après son entrée dans l'Europe, le Royaume-Uni nous coûte plus cher que les dix nouveaux États membres !

M. Richard Mallié. C'est dire !

M. Roland Blum, rapporteur pour avis. Malheureusement, puisque la règle de l'unanimité demeure, je crains que nous n'ayons encore à composer quelques années avec ce dispositif - osons le mot - inique.

Au vu de ces deux éléments, je crois qu'il nous faut promouvoir une approche raisonnée de la dépense communautaire, qui permette d'engager des politiques actives tout en maîtrisant le niveau des dépenses à 1 % du revenu national brut, comme le prône notre pays avec un grand discernement. Le Gouvernement doit être soutenu par la représentation nationale dans ce combat. C'est notre responsabilité, tant pour l'Union européenne que pour la France.

Si nous devions résumer finalement notre sentiment sur la contribution française au budget européen, nous exprimerions notre satisfaction sur les conditions d'élaboration du projet de budget pour 2005. Nous ferions part, en revanche, de nos préoccupations pour l'avenir.

Mais faisons preuve d'optimisme et de détermination : je crois que la France peut réussir à préserver ses intérêts et ceux de l'Union dans ces négociations difficiles, à une condition cependant : qu'elle ne s'isole pas par un rejet du projet de Constitution européenne. La France ne peut décevoir l'Europe si elle ne veut pas que l'Europe, ensuite, la déçoive.

Telles sont les observations de la commission des affaires étrangères, qui a émis un favorable à ce budget. J'invite tous nos collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères.

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de la contribution française au budget européen est, pour l'Assemblée nationale, l'occasion de s'arrêter un trop court instant sur les conditions dans lesquelles l'Union européenne finance ses politiques, mais aussi sur le montant de la contribution de la France au budget communautaire et, plus largement, sur les perspectives européennes pour les prochaines années.

Je ne reviendrai pas sur les éléments chiffrés relatifs à l'année 2005, sauf pour rappeler le caractère indicatif du montant de la contribution française, fixé à 16,6 milliards d'euros. Si j'insiste sur ce caractère indicatif, c'est parce que, les années passées, la France a finalement eu à verser moins que prévu dans la loi de finances initiale,..

M. Jacques Myard. Tant mieux !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. ...en raison de la constante surestimation des crédits de paiement par les instances communautaires. Ainsi, en 2004, sur un montant initial de 16,4 milliards d'euros, la France n'aura eu, en fin d'exercice, à transférer vers l'Union que - si j'ose dire - 15,4 milliards d'euros.

M. Jacques Myard. Nous nous en félicitons !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Un tel décalage est à la fois satisfaisant et peu satisfaisant et on saura gré au Gouvernement d'avoir plaidé pour une meilleure prévision budgétaire à l'échelon communautaire. Je n'ajouterai rien à ce qui a été dit à ce sujet avant moi.

J'insisterai sur les négociations pour le cadre financier de 2007 à 2013, car non seulement elles seront déterminantes pour les budgets de l'Union et de la France, mais elles seront aussi l'occasion de mesurer l'influence réelle - que l'on dit sur le déclin - de notre pays au sein d'une Union à vingt-cinq. Elles auront valeur de test et nous pourrons juger sur pièces.

La Commission européenne a fait connaître ses premières propositions en juillet. Elles ne sont pas satisfaisantes, tant s'en faut. Le collège des commissaires s'est prononcé en faveur d'une hausse de 25 % par rapport à 2006 des crédits de paiement, qui atteindraient en 2013 1,15 % du revenu national brut de l'Union au lieu d'un peu moins de 1 % aujourd'hui.

Dans ces négociations, la France, avec cinq autres pays, défend une position claire : elle veut maintenir les dépenses communautaires à un niveau raisonnable de l'ordre de 1 % du revenu national brut de l'Union. J'estime, pour ma part, qu'il est du devoir de la représentation nationale de soutenir la position ainsi défendue par le Gouvernement, dont la mission sera d'autant plus difficile, madame la ministre, que ces négociations s'engageront désormais entre vingt-cinq pays aux intérêts contradictoires. La position française est, à mes yeux, raisonnable et réaliste.

En premier lieu, la position française est raisonnable parce qu'elle s'inscrit dans une tendance générale de limitation des dépenses de l'État - et celles de l'Union peuvent être assimilées à des dépenses étatiques - et, à l'inverse, d'accroissement plus rapide des dépenses des collectivités locales et des dépenses sociales. L'Europe impose à chaque État membre une grande rigueur budgétaire et la Commission nous fait volontiers la leçon. Pourrait-on imaginer que l'Union ne se soumette pas elle-même à la discipline qu'elle prêche ? Je ne le crois pas.

Par ailleurs, les dernières années ont vu s'imposer l'idée que l'Union européenne doit savoir proportionner ses actions à ce qui est utile et efficace, conformément au principe de subsidiarité.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. L'accroissement inconsidéré des dépenses communautaires serait en parfaite contradiction avec ce principe. On ne peut, en outre, écarter l'idée qu'une telle dérive n'engendre des discours anti-européens de nature - oserai-je dire populiste ? -, en tout cas démagogique. Évitons à l'Europe d'y prêter le flanc.

La position défendue par la France est, ensuite, réaliste parce qu'elle tient compte de la capacité réelle de l'Union à exécuter correctement son budget. Comme nous l'avons déjà indiqué, ces dernières années, l'Union n'a jamais été en mesure de réaliser en totalité ses prévisions, faute de pouvoir assurer la mise en oeuvre de l'ensemble des programmes prévus, notamment dans le cadre de la politique régionale. Dans ces conditions, soit l'augmentation du budget européen proposée par la Commission est un simple effet d'annonce, critiquable parce que trompeur, soit cette hausse se traduira par le lancement tous azimuts de projets dont l'Union n'aura pas la capacité opérationnelle de contrôler l'exécution. Dès lors, toutes les dérives seraient possibles.

Enfin, il ne nous semble ni possible ni souhaitable, dans une Europe à vingt-cinq et bientôt à vingt-sept membres, de nous en tenir à la politique de répartition très généreuse engagée dans les années 80. Il faut en être conscient : nous ne pouvons plus aujourd'hui soutenir un effort aussi considérable que celui que nous avons consenti pour le Portugal, l'Espagne, la Grèce ou l'Irlande.

Avec dix nouveaux États, qui représentent 20 % de la population de l'Union mais seulement 5 % de sa production - ce qui veut dire que leur contribution au budget de l'Union demeurera longtemps limitée -, nous ne pouvons continuer sur les bases de la politique de redistribution menée depuis vingt ans.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. C'est la solidarité !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il faut réfléchir à la mise en œuvre de politiques structurelles dans des conditions nouvelles, qui maintiennent notre effort de solidarité à l'égard des nouveaux États membres, mais à un niveau raisonnable, tout en permettant aux régions les moins développées des autres pays de l'Union de continuer à bénéficier du soutien européen.

Nous devons aussi engager une réflexion sur le lien entre les politiques structurelles et ce que l'on appelle la concurrence fiscale. Le Gouvernement a ouvert récemment, avec courage, le débat sur les liens entre le niveau de l'impôt sur les sociétés et celui des fonds structurels. Je crois, en effet, qu'un pays ne peut, d'un côté, baisser son impôt sur les sociétés et, de l'autre côté, réclamer de bénéficier, dans des proportions importantes, de financements versés par les contribuables des autres États. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Pas d'assistanat !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Empêcher une dérive du budget de l'Union est de l'intérêt de l'Europe, mais aussi de la France.

Nous sommes aujourd'hui le deuxième contributeur brut au budget européen. Si, jusqu'à présent, nous percevions en contrepartie des sommes importantes de la part de l'Union dans le cadre des politiques agricole et régionale, ces rentrées vont s'amenuiser. L'enjeu est donc le suivant : comment limiter la progression de notre contribution nette qui, elle, nous place au quatrième rang ?

Deux voies sont concevables : agir sur les conditions de répartition des contributions des États ; limiter le volume des dépenses européennes.

Modifier les conditions de répartition de la charge des contributions entre les États est une voie difficile parce qu'elle supposerait de réduire le poids du « chèque britannique ». Il nous coûte aujourd'hui, à nous Français, 1,5 milliard d'euros alors même que, il faut le rappeler, la part de la France en 2005 dans le financement de l'élargissement est de 1,3 milliard d'euros. Ainsi, nous subventionnons finalement plus les Britanniques que l'ensemble des dix nouveaux membres. Que peuvent en penser, entre autres, les Polonais ou les Slovaques ? Si les raisons invoquées en 1984 pour aménager la contribution britannique étaient peut-être justifiées, tel n'est plus le cas. Mais, même si la Commission a proposé de réduire le montant de ce « chèque », la décision devant être prise à l'unanimité, nos voisins d'outre-Manche auront du mal à l'accepter et nous aurons, de notre côté, du mal à accepter le statu quo.

D'autant que l'introduction du mécanisme de correction proposé par la Commission européenne n'est pas acceptable pour nous. En effet, ce mécanisme est destiné à limiter l'impact d'une hausse du budget communautaire pour les contributeurs nets les plus importants, c'est-à-dire l'Allemagne et les Pays-Bas. Comme l'a souligné M. Blum, la France, dont la contribution nette est aujourd'hui de 1,7 milliard d'euros, verrait celle-ci passer à 7 milliards, soit une augmentation de plus de 5 milliards. Comment envisager qu'elle puisse l'accepter sans une modification profonde du montant du chèque britannique ? La Grande-Bretagne est, à juste titre, très fière des progrès économiques qu'elle a réalisés depuis vingt ans. Il serait temps pour elle d'en accepter les conséquences dans sa contribution au budget communautaire.

L'autre voie qui peut être empruntée pour limiter les dépenses est celle défendue par le Gouvernement : la maîtrise des dépenses. Il faut que l'Union limite son budget à 1 % du revenu national brut, faute de quoi la charge de la contribution nette de notre pays représenterait un poids insupportable pour nos finances publiques.

Tout cela suppose nécessairement que nous marquions une longue pause dans l'élargissement, afin de mieux intégrer les dix nouveaux États membres et, à court terme, la Roumanie et la Bulgarie - et lorsque je parle de longue pause, je pense que chacun a bien compris ce que je voulais dire...

Mme Anne-Marie Comparini et M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. La France doit faire entendre clairement sa voix lors des prochaines négociations en cherchant appui auprès d'autres partenaires, d'autant que ses intérêts ne sont pas seuls en cause. Si d'aventure elle n'était pas entendue, je serais, pour ma part, favorable à ce que notre pays s'oppose fermement à l'adoption d'un cadre financier qui nuirait à ses intérêts et engagerait l'Europe dans une fuite en avant dont nul ne peut aujourd'hui mesurer les effets.

M. Jacques Myard. C'est déjà fait !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Pour ce faire, en dernière instance, un seul moyen demeurera : un refus clair et net.

Soyez assurée, madame la ministre, que les membres de la commission des affaires étrangères ont conscience de la difficulté et de l'importance de votre tâche et souhaitent vous aider pour que les perspectives financières de l'Union, à l'horizon de 2013, soient conformes à l'intérêt de l'Europe et de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. René André, suppléant M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. (M. Jacques Myard applaudit.)

M. René André, suppléant M. Pierre Lequiller président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Je vous remercie, monsieur Myard, de vos applaudissements anticipés.

M. Jacques Myard. Je préfère applaudir avant ! (Sourires.)

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le traditionnel débat sur le « prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes » est l'une des trop rares occasions offertes à la représentation nationale de se prononcer sur les finances communautaires. Le titre de l'article 43 est cependant significatif de la double ambiguïté dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

L'Europe décide de ses dépenses, mais elle ne dispose pas encore de véritables ressources propres communautaires. Le projet de Constitution ne permettra, à cet égard, aucun progrès sensible sur ce point, si ce n'est à la marge, et je le regrette.

L'Europe est financée par un prélèvement annuel sur les recettes des États membres, et pourtant les parlements nationaux n'ont qu'une faible capacité d'action dans ce domaine ...

M. Jacques Myard. Il ne fallait pas voter Maastricht !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. ...dans la mesure où le financement des politiques communautaires résulte d'engagements internationaux de la France et de la décision « Ressources propres », prise à l'unanimité du Conseil. Les modalités de calcul des recettes ne peuvent être remises en cause chaque année et le montant global des recettes prélevées s'ajuste automatiquement au montant des dépenses décidées par le Conseil et le Parlement européen.

On cherche trop souvent à critiquer l'Europe et à surévaluer son coût. La vérité, c'est que le budget européen est un budget très modeste de 105 milliards d'euros en crédits de paiement et 115 milliards d'euros en crédits d'engagement. Il représente un tiers de notre budget national. Dans une Europe qui compte aujourd'hui 456 millions d'habitants, cela ne représente que 230 euros par an et par habitant, alors que le chiffre était de 260 euros avant l'élargissement. Ce budget est donc rigoureusement maîtrisé  et permet à l'Union européenne d'honorer ses engagements tout en intégrant les dix nouveaux États membres. Le travail déjà effectué en Espagne, au Portugal ou en Irlande en apporte la démonstration, ce qui ne signifie pas que nous ne devions pas être particulièrement vigilants dans l'évaluation des politiques menées européennes.

Les crédits relatifs à l'administration des institutions européennes ne s'élèvent qu'à 6,3 milliards d'euros. L'essentiel du budget de l'Union, contrairement aux idées reçues, est donc consacré à des dépenses d'investissement et d'intervention. On parle souvent du nombre des fonctionnaires européens. Je rappelle qu'il est inférieur à celui des fonctionnaires de la mairie de Paris.

M. Jacques Myard. Ils n'ont pas les mêmes pouvoirs !

M. Jean-Louis Idiart. Ils sont proportionnellement moins nombreux qu'à Maisons-Laffitte !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. Il s'agit ensuite d'un budget inutilement polémique.

Je n'évoquerai pas le problème de la Turquie. Mais quel que soit à l'avenir le statut de la Turquie vis-à-vis de l'Union européenne - membre à part entière, membre associé, partenaire privilégié ou simple voisin -, l'Union européenne aura le devoir de soutenir financièrement la Turquie dans sa marche pour le développement économique et la stabilité politique.

M. Jacques Myard. C'est vrai !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. C'est l'intérêt de la Turquie, mais c'est évidemment aussi l'intérêt de l'Europe tout entière.

En revanche, madame le ministre, rien ne justifie dans ce budget que les crédits accordés à la Turquie l'aient été au titre de la pré-adhésion. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Hervé Mariton. Expression fâcheuse !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. Cela n'est pas convenable. Alors que les chefs d'État et de Gouvernement doivent se réunir le 17 décembre pour se prononcer sur l'opportunité d'ouvrir des négociations d'adhésion, les crédits d'aide à la Turquie, indiscutables sur le fond, auraient dû figurer dans la rubrique 4 du budget, qui concerne les relations extérieures de l'Union.

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. Je pense que c'est, en quelque sorte, une erreur de l'Union que d'avoir présenté les crédits de cette façon.

Il s'agit enfin d'un budget de transition, dans l'attente de l'adoption des prochaines perspectives financières pluriannuelles 2007-2013, sur lesquelles les négociations s'engageront en 2005.

Les principaux contributeurs nets au budget communautaire  - l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas, l'Autriche et la France - ont exprimé le souhait de stabiliser les dépenses au niveau actuel, soit 1 % du revenu national brut communautaire. De son côté, la Commission a proposé de porter le budget à 1,15 % du revenu national brut en crédits de paiement et à 1,27 % en crédits d'engagement.

Sans aller jusqu'aux chiffres préconisés par la Commission, je considère à titre personnel qu'il serait légitime que l'Europe se dote d'un budget plus ambitieux, pour trois raisons.

D'abord, l'adoption de la Constitution permettra à l'Union de développer des actions et des politiques qui répondront mieux aux attentes des citoyens.

M. Jacques Myard. Vous rêvez !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. Elle donnera à l'Europe de nouvelles compétences dans de nouveaux domaines : l'espace, l'énergie, le sport, la coopération administrative, la protection civile, le tourisme et la recherche.

M. Jacques Myard. Le tricot...

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. L'adoption de la Constitution facilitera la prise de décision à la majorité qualifiée sur les questions relatives au droit pénal, à l'immigration, à la coopération judiciaire, à la politique sociale, à la culture...

M. Jacques Myard. Ah ! la culture !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. ...et à la politique commerciale. Elle renforcera les compétences de l'Union en matière de justice et d'affaires intérieures ; elle améliorera la gouvernance économique de la zone euro ; elle approfondira la politique de sécurité et de défense commune ; enfin - nous sommes nombreux à le souhaiter - elle confortera le modèle social de l'Union.

Chacun a, dès lors, bien conscience qu'avec un projet aussi ambitieux pour l'Europe, il est nécessaire d'avoir un budget qui lui permette de remplir justement ses ambitions,...

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. René André, suppléant M. le président à la délégation. ...ce qui, à mes yeux, ne me paraît pas pouvoir être réalisé avec un budget aussi faible, alors que les compétences nouvelles transférées à l'Union européenne par les États membres devront s'accompagner, par ailleurs, des ressources correspondantes,...

M. Hervé Mariton. Comment maîtrisera-t-on les prélèvements obligatoires ?

M. René André, suppléant M. le président de la Délégation. ...à condition que le prélèvement final sur les citoyens demeure identique.

La deuxième raison tient à ce que la croissance du budget communautaire doit permettre la mise en œuvre de la réforme de la politique régionale proposée par Michel Barnier, lorsqu'il était commissaire européen, et poursuivie par Jacques Barrot...

M. Jacques Myard. On est sauvés !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. ...et Danuta Hubner.

Au-delà d'un effort naturel pour les nouveaux États membres, il importe en effet de neutraliser l'impact de l'élargissement pour l'Europe des Quinze. Les nouveaux membres - et c'est tout à fait normal - attendent des aides, et les anciens bénéficiaires veulent les conserver ou en perdre le moins possible. Si les objectifs de la politique régionale doivent être mieux ciblés, si le système doit être simplifié et généralisé, le maintien d'une politique régionale à l'Ouest de l'Europe est indispensable : il faut un budget qui le permette.

Troisième raison : iI conviendra de veiller, à l'occasion de la négociation sur les perspectives financières - c'est très important -, à ce que l'accord obtenu par la France en octobre 2002 sur la sanctuarisation de la politique agricole commune ne soit pas remis en cause, alors que certains États n'attendent que cette occasion pour le faire.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Jacques Myard. Enfin un peu de lucidité !

M. René André, suppléant M. le président de la délégation. Là encore, il faut avoir les moyens de mettre en œuvre cette sanctuarisation.

Enfin, le sujet de négociation le plus délicat sera la répartition du financement des dépenses entre les États membres. Je pense là aussi au problème du « chèque britannique », qui a été très largement évoqué. Il faut être bien conscient que pour pouvoir obtenir une modification du paiement du « chèque », l'unanimité est nécessaire. Or, ainsi que le soulignait M. le président de la commission des affaires étrangères, nous n'avons pas encore obtenu l'accord de nos collègues britanniques sur ce point.

Le mécanisme de correction proposé par la Commission ne permet pas non plus de donner satisfaction à la France. Je suis de ceux qui s'opposeront à ce que cette proposition, telle qu'elle est, puisse être appliquée. Là aussi, il faudra l'unanimité.

En conclusion, le budget de l'Union européenne devrait permettre à l'Europe d'honorer ses engagements et d'assurer la continuité des politiques communes malgré l'élargissement, mais également de trouver un nouvel élan en prenant des initiatives fortes dans les domaines où la nécessité de son intervention se fait le plus sentir. Le plafonnement du budget communautaire et l'absence de véritables ressources propres constituent incontestablement un frein à l'approfondissement de l'Union. Il convient donc de profiter du débat très attendu sur le nouveau cadre financier pluriannuel de l'Union pour donner enfin à celle-ci les moyens de ses ambitions.

Sous le bénéfice de ces observations, la délégation à l'Union européenne auprès de votre assemblée a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 43 du projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux orateurs inscrits dans la discussion sur le prélèvement européen.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, chaque année, nous sommes appelés à nous prononcer sur le prélèvement européen mais, en 2004, le débat s'inscrit dans un contexte particulier car l'année est riche en dossiers - projet de Constitution, élargissement de l'Union à dix nouveaux pays, débat sur la Turquie - qui, tous, renvoient à la même question : quelles priorités pour l'Union au xxie siècle ? Le projet de budget n'y échappe pas.

Aussi, même si notre pays éprouve parfois des difficultés à aller jusqu'au bout de sa réflexion sur la nouvelle Union et peine à exprimer clairement ses choix pour l'Europe, il ne vous étonnera guère qu'au nom du groupe UDF, je réclame un vrai budget pour un vrai projet européen. C'est dans cet esprit que j'ai analysé le prélèvement 2005.

Arrêté à 105 milliards d'euros en crédits de paiement, ce budget charnière, comme vous l'avez appelé, madame la ministre, porte en lui toutes les interrogations que les prochaines perspectives financières 2007-2013 font naître.

Ces interrogations portent d'abord sur la faiblesse - la modestie, disait René André - du budget européen. Comment, avec un tel montant, concilier le principe de solidarité à l'égard des nouveaux adhérents, qui fonde la construction européenne, et l'exigence de compétitivité des autres régions européennes ?

M. Hervé Mariton et M. Jacques Myard. C'est la subsidiarité...

Mme Anne-Marie Comparini. N'aurait-il pas mieux valu prendre acte de l'élargissement et de son coût ?

Après tout, en 1988, après l'adhésion des pays méditerranéens, les crédits avaient presque doublé sans que nul ne s'en émeuve. Or, alors que l'écart entre anciens et nouveaux membres est aujourd'hui bien plus important que lors des derniers élargissements, le budget n'est pas à la hauteur prévisible des efforts de rattrapage.

Dès lors, on peut craindre que l'orientation financière des exercices en cours, si elle était maintenue, n'entraîne peu à peu l'Union dans une impasse économique et ne condamne les politiques communes à l'échec et à leur renationalisation.

M. Jacques Myard. Tant mieux !

Mme Anne-Marie Comparini. En disant cela, je ne souhaite qu'une chose : voir l'Europe réussir l'élargissement sans réduire la portée du projet européen.

Deuxième sujet d'interrogation : le contenu des politiques conduites.

Dans sa présentation 2005, trois axes définissent le budget européen : la politique agricole qui représente 43 % du budget, la politique de cohésion, pour un tiers des dépenses, et les autres politiques, pour 15 %.

Sans négliger l'activité agricole ni l'objectif de convergence, l'Europe a besoin de fabriquer sa propre croissance. Nous en sommes d'autant plus conscients que, chaque jour, la concurrence internationale devient plus âpre du fait de la montée en puissance de la Chine et de l'Inde ou en raison de l'élargissement du fossé technologique entre l'Europe et les États-Unis. Il lui faut donc un budget plus efficace, donnant davantage de moyens aux politiques communautaires qui créent des activités.

Les chefs d'État semblent l'avoir compris. N'ont-ils pas affirmé au Conseil européen de Lisbonne qu'il fallait stimuler la croissance et l'innovation pour placer résolument l'Union dans l'économie du savoir ? Encore faut-il lui en donner les moyens. De ce point de vue, l'attitude de certains États est inquiétante, notamment celle de la France qui, à Bruxelles, demande plus d'Europe et, à Paris, se montre plus frileuse quand il s'agit d'accroître les capacités financières de l'Union.

Ces deux remarques montrent à l'évidence que le système européen de financement est obsolète.

M. Jacques Myard. C'est foutu ! (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Anne-Marie Comparini. Non, monsieur Myard ! On peut toujours l'améliorer grâce à une autre approche budgétaire.

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Myard est anti-européen !

M. René André. Et de ce point de vue, il n'est pas améliorable !

Mme Anne-Marie Comparini. Pour ces raisons, le groupe UDF souhaite que la France défende une hausse du budget communautaire, et non l'inverse.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini. Non pas pour le plaisir d'augmenter sans cesse les dépenses mais parce qu'il nous faudra bien créer les conditions d'une croissance endogène grâce à une hausse de moyens ciblés sur de véritables stratégies d'investissement, sur de vraies stratégies industrielles, si je peux les appeler ainsi.

Quelques exemples. Dans les domaines de la recherche et des nouvelles technologies, il est possible de doubler le budget européen et de convaincre les États membres de dépenser 3 % de leur PIB d'ici à 2013. Un autre secteur doit suivre la même évolution : celui de la formation des jeunes Européens. Pourquoi ne pas intensifier les échanges en augmentant les bourses pour les formations techniques et professionnelles et en accordant un financement aux universités qui sont, ou deviendront, des pôles d'excellence européens ?

Par ailleurs, si l'Europe veut conforter ses capacités économiques, elle doit augmenter ses investissements sur les réseaux de transport européens. Les chefs d'État ont d'ailleurs pris des engagements à cet égard, qui devront bien se traduire un jour dans le budget.

Il ne faut pas oublier non plus, mes chers collègues, que la mise en place d'un espace européen de justice ainsi que la montée en puissance de la politique étrangère et de sécurité commune nécessitent d'importants moyens.

La France doit aussi défendre le principe d'une hausse du budget européen parce que celle-ci va de pair avec la logique de solidarité financière retrouvée. Le souci des États membres ne saurait se réduire à la seule mesure des soldes nets, c'est-à-dire à une logique de « compte en banque » qui, finalement, enlève tout intérêt à l'aventure européenne et alimente la fâcheuse tendance des gouvernements à concentrer le débat sur la notion de juste retour. Nous touchons là aux limites du financement actuel de l'Union. Il faudra bien en sortir par une négociation générale et envisager, comme le réclame l'UDF depuis plusieurs années, la création de nouvelles ressources propres pour l'Union : TVA ou taxe énergétique.

M. Jacques Myard. Ce serait une fuite en avant, madame Comparini !

Mme Anne-Marie Comparini. La France doit, enfin, contribuer - et elle le peut - à la mise en œuvre d'une véritable gouvernance économique européenne. Cela passe évidemment par une réforme du pacte de stabilité...

M. Jacques Myard. Ah !

Mme Anne-Marie Comparini. ...et par une meilleure coordination des politiques monétaires et budgétaires au sein de l'Union.

Mes chers collègues, nous pouvons dire que nous avons su relever le défi de la gouvernance politique. Celle-ci est en route après l'adoption par les chefs d'État et de gouvernement du traité instituant une Constitution pour l'Union. Cette adoption est quasi inespérée après que les égoïsmes nationaux ont fait échouer la première tentative à Rome en décembre 2003, et elle est la bienvenue, n'en déplaise à ceux qui, à gauche, accusent aujourd'hui ce traité de bien des maux ! Regardons son apport en matière budgétaire : il confère au Parlement européen le pouvoir de valider ou non le budget communautaire.

M. Jacques Myard. On craint le pire !

Mme Anne-Marie Comparini. Autant dire que c'est une révolution démocratique qui donnera aux eurodéputés la possibilité d'orienter les politiques européennes !

M. Jean-Claude Lefort. C'est tout de même la moindre des choses !

M. Jacques Myard. Parce que la démocratie règne au Parlement européen ?...

Mme Anne-Marie Comparini. D'autres défis nous attendent : celui de la gouvernance économique et financière, je l'ai dit , celui de l'Europe démocratique qui associe le citoyen et son représentant au Parlement. Un exemple : il n'est pas convenable que, sans discussion parlementaire, les crédits à destination de la Turquie soient passés, entre 2004 et 2005, de la ligne « Relations extérieures » à celle des moyens affectés aux pays en pré-adhésion. Je tenais le dire puisque mon groupe a retiré l'amendement qui avait été proposé à cet égard.

Gouvernance économique et Europe démocratique, telles sont les deux voies ambitieuses dans lesquelles il convient d'engager l'Union. Je souhaite donc que le vote d'aujourd'hui conduise les autorités françaises ainsi que celles de tous les États membres à les suivre résolument. C'est tout le sens du vote positif de l'UDF sur l'article 43. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis dans cet hémicycle pour aborder, comme chaque année, la question du montant de la contribution française au budget européen. Le débat auquel nous sommes conviés aujourd'hui revêt cependant un caractère particulier pour trois raisons majeures que je veux souligner brièvement.

Tout d'abord, l'acte qui nous réunit ce jour et auquel il nous est demandé de procéder constitue, selon moi, une atteinte aux droits démocratiques théoriquement incompressibles d'une assemblée parlementaire digne de ce nom.

Ensuite, cet acte est chargé de sens car il intervient à un moment très précis de la construction européenne. C'est, en effet, le premier budget européen établi pour les vingt-cinq États membres de l'Union.

Enfin, il intervient alors que, bien loin de mettre un terme à la dérive antidémocratique de l'actuelle construction européenne, le projet de traité portant Constitution aggrave encore cette dérive.

Je reprends chacun de ces points.

Nous assistons aujourd'hui à une réelle attaque contre la démocratie parlementaire. On est même en droit de se demander si cet acte que nous sommes appelés a effectuer aujourd'hui est tout bonnement légal. En effet, à l'heure qu'il est, nous ne disposons d'aucun budget pour la France puisque la partie recettes n'a pas encore été votée. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous dépenser quelque somme que ce soit ?

De plus, la contribution française n'est pas une vraie contribution. C'est ni plus ni moins un prélèvement obligatoire.

M. Jacques Myard. Un vol !

M. Jean-Claude Lefort. En effet, si notre assemblée votait contre, comme elle en a théoriquement le droit, que se passerait-il ? Nous serions purement et simplement condamnés par la Cour européenne de justice à verser le montant des sommes fixées.

M. Jacques Myard. Eh oui, monsieur Lefort, la France n'est plus souveraine !

M. Jean-Claude Lefort. Nous sommes donc réunis aujourd'hui sans possibilité réelle de voter contre. Comment ne pas voir, dans ces conditions, que nous sommes privés de notre droit démocratique ? C'est d'autant moins acceptable que nous ne pouvons ni augmenter ni diminuer le montant de ce prélèvement et que nous ne pouvons pas non plus modifier l'affectation, secteur par secteur, de cette somme exigée le revolver de la Cour de justice placé sur notre tempe !

M. Jacques Myard. C'est le gouvernement des juges !

M. René André. N'exagérons pas quand même !

M. Jean-Claude Lefort. C'est un très mauvais remake de « la bourse ou la vie » !

Tout cela est inacceptable, d'autant plus qu'il s'agit - j'aborde ainsi mon deuxième point - du premier budget de l'Union à vingt-cinq.

Or que constate-t-on ? Les dix pays qui viennent d'entrer dans l'Union sont globalement beaucoup moins riches que les quinze anciens. Et le prélèvement européen opéré sur notre budget - qui n'existerait pas - est cette année de 16,6 milliards d'euros contre 16,4 milliards l'an passé. Autrement dit, pour la construction européenne, c'est la stagnation pure et simple, et certainement pas la solidarité qui nous est imposée.

On nous rétorquera que des contraintes budgétaires doivent être respectées. Mais alors, pourquoi s'apprête-t-on à alléger les impôts pour les plus riches de nos concitoyens tout en multipliant, dans la partie dépenses, les cadeaux en leur faveur ?

M. Jacques Myard. Vive le capital qui crée des emplois !

M. Jean-Claude Lefort. L'élargissement n'entraînant aucune augmentation, c'est à coup sûr des restrictions et des inégalités qui vont se créer en Europe.

Et que vive de la sorte le dumping fiscal ! Que vive le dumping social ! Que vivent les délocalisations ! Que vive une Europe non harmonieuse, tirant tout le monde vers le haut ! C'est un pur danger, et je pèse mes mots, car cette politique provoquera non seulement une désaffection supplémentaire envers l'Europe mais aussi une montée des nationalismes.

Ce prélèvement démontre, s'il en était besoin, que l'Europe qui se construit n'est pas l'Europe sociale ni celle de l'emploi. Ce n'est pas non plus celle de la solidarité en interne ni celle de la solidarité tout autant indispensable en externe.

Car moins d'argent pour vingt-cinq, c'est moins d'État mais aussi, à coup sûr, moins d'aides pour les autres pays que nous sommes appelés à soutenir. Où est donc cette autre conception du monde que nous opposons à celle, prévalant à ce jour, qui accentue dangereusement les inégalités explosives entre les peuples de la planète ? C'est très grave car qui ne voit qu'il s'agit là d'une décision intenable politiquement alors que la situation de ces peuples est déjà explosive ?

Le budget européen pour 2005 consacre une certaine conception du monde et de la globalisation, celle qui a cours outre-Atlantique.

M. Jacques Myard. Même pas !

M. Jean-Claude Lefort. L'esprit de domination qui en est la marque et le chacun-pour-soi qui en résulte donnent à voir que nous sommes loin d'une Europe qui marquerait ce monde d'une voix singulière, porteuse de justice, de droit, d'universalité, et qui déploierait, en conséquence, une action volontaire.

Ce budget est concocté par la Commission européenne mais aussi par des milliers de technocrates irresponsables...

M. Jacques Myard. C'est un pléonasme !

M. le président. Monsieur Myard, si l'on additionnait le temps de vos interruptions, vos cinq minutes de temps de parole seraient largement écoulées. Laissez donc parler M. Lefort !

M. Jean-Claude Lefort. Je disais donc que ce budget est concocté par la Commission européenne mais aussi par des milliers de technocrates irresponsables qui sont l'objet de pressions connues et autorisées de lobbys puissants ayant pignon sur rue à Bruxelles. Et l'on ne dit rien !

Ce budget, également source, de ce fait, de gâchis et de fraudes, est tout simplement inacceptable. Il consacre l'esprit de résignation ; il consacre aussi la domination du technocrate sur le politique.

Il consacre enfin la crise existentielle que vit l'Europe en termes de projet et de sens. La construction européenne est loin d'une épopée humaine capable d'entraîner et de rassembler vingt-cinq peuples et 456 millions d'habitants dans une mobilisation dynamique portée par l'espoir tangible d'un avenir humain nécessaire.

Et demain, qu'en sera-t-il ? C'est le troisième et dernier point que je développerai.

Demain, les choses seront aggravées en ce qui concerne notre pouvoir démocratique d'infléchir et de peser sur la politique européenne. Aujourd'hui, ce pouvoir n'est plus que résiduel, ainsi que je l'ai démontré. Demain, il sera réduit à néant si d'aventure la « Constitution Giscard » est adoptée, vitrifiant l'Europe dans un libéralisme pur et dur, sans retour en arrière possible.

En effet, cette Constitution ultra-libérale, et donc de droite, évince purement et simplement les parlements nationaux. Ils ne sont même pas reconnus comme faisant partie des institutions de l'Europe. Il fallait une certaine audace pour écrire cela : eh bien, c'est écrit ! Les parlements nationaux voient leur rôle exclu du projet constitutionnel stricto sensu ; ils n'apparaissent que dans les annexes. On ne saurait mieux dire : si ce mauvais projet Giscard était par malheur adopté, nous aurions, demain, un rôle « annexe ». Et que chacun y regarde de près : ce rôle annexe serait non pas de droit mais strictement conditionnel, encadré, de portée non systématique et non obligatoire pour la Commission. On nous demande de signer non seulement un chèque en blanc mais aussi notre arrêt de mort en tant qu'assemblée nationale française. Et vous voudriez que je saute de joie ?

Et vous, chers collègues, assis sur toutes les travées de cet hémicycle, êtes-vous prêts à ce sacrifice total ?

M. Jacques Myard. Il est déjà trop tard !

M. Jean-Claude Lefort. Êtes-vous prêts à faire hara-kiri de la démocratie française ? Je ne peux le croire, tellement la démocratie doit être notre bien commun.

C'est pourquoi je m'adresse à vous de manière quelque peu solennelle. Je vous suggère de joindre votre voix à la nôtre et de refuser avec nous ce budget, afin de marquer une volonté forte transcendant les chiffres proposés aujourd'hui, afin que nous exprimions tous ensemble cette exigence majeure : l'Europe, oui, mais franchement, pas celle-là !

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'Union européenne pour 2005 est effectivement le premier à concerner, pour l'ensemble d'une année, l'Union élargie à vingt-cinq. Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, il résulte d'un compromis global entre les États membres, qui permettra de financer les priorités politiques de l'Union tout en tenant compte des impératifs de la discipline budgétaire.

Il est marqué par une hausse de 4,1 % des engagements et de 5,4 % des paiements par rapport à 2004, la progression des crédits s'expliquant par la mise en œuvre des décisions des Conseils européens d'octobre et de décembre 2002 sur l'élargissement, et plus spécifiquement par la montée en puissance, prévue pour 2005, des aides agricoles et des fonds structurels en faveur des nouveaux adhérents.

Il s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin de mars 1999, ce qui constitue un motif important de satisfaction, à l'heure où s'engagent des discussions délicates sur le prochain cadre financier pluriannuel.

Sa structure permettra de maintenir un haut niveau d'intervention dans les différents domaines qui constituent des priorités pour la France : je pense bien entendu à l'agriculture et à la recherche, mais aussi à l'éducation, à l'emploi et à la compétitivité de nos territoires. C'est un point de satisfaction qu'il convient de souligner.

Mais ce projet de budget, mes chers collègues, est surtout marqué par l'accompagnement de l'adhésion des dix nouveaux membres. Il leur assurera un juste bénéfice des politiques communes en garantissant la viabilité financière du budget européen par une discipline stricte.

Sur la base de ce projet, la contribution française au budget communautaire devrait s'établir, en 2005, à 16,5 milliards d'euros, montant stable par rapport à la prévision initiale inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004.

Au-delà des chiffres, je souhaiterais centrer mon intervention sur l'étape nouvelle qui attend l'Union : l'adoption prochaine de la Constitution européenne.

J'insisterai, pour commencer, sur l'un des principaux objectifs de cette Constitution : mieux associer les citoyens à la poursuite de la construction européenne. Cet objectif a été atteint avec l'accord conclu le 18 juin 2004, à Bruxelles, entre les chefs d'État et de gouvernement,...

M. Jacques Myard. Waterloo !

M. le président. Il serait utile au débat que vous fassiez « morne plaine » un instant, monsieur Myard ! (Rires.)

M. André Schneider. Cet objectif, disais-je, a été atteint avec l'accord conclu le 18 juin 2004, à Bruxelles, entre les chefs d'État et de gouvernement, sur la base du travail accompli par la Convention européenne qui a réuni les représentants des gouvernements des vingt-cinq États membres ainsi que des différentes institutions européennes et des parlements nationaux.

M. Jacques Floch. Excellent travail !

M. André Schneider. D'une manière générale, la Constitution organise le fonctionnement des pouvoirs de l'Union ainsi que le partage des compétences entre celle-ci et les États qui en sont membres. Elle reconnaît aussi l'existence d'un ensemble de valeurs communes et de droits fondamentaux, qui obtiennent une force juridique. Plusieurs avancées notables méritent d'être soulignées.

En ce qui concerne le respect des États membres, tout d'abord, la Constitution précise que l'Union garantit leur identité. Si le droit adopté par l'Union dans les domaines de compétence que les États membres lui ont attribués prime sur le droit de ces derniers, la Constitution européenne ne remplace pas les Constitutions nationales mais coexiste avec elles. Elle prévoit, de plus, que tout État membre bénéficie d'un droit de retrait volontaire de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

En matière de fonctionnement de l'Union, ensuite, les coopérations renforcées, créées en 1997 par le traité d'Amsterdam, permettent à des États d'aller de l'avant en utilisant le cadre institutionnel de l'Union pour la mise en œuvre des politiques conduites en commun. Par rapport au traité de Nice, la Constitution européenne confirme que ces coopérations renforcées s'appliquent à la politique étrangère et de sécurité commune, elle assouplit leur fonctionnement et elle étend leur application à la politique de défense. Ainsi, les États qui souhaitent aller de l'avant le pourront sans contraindre les autres, tout en leur laissant la possibilité de les rejoindre librement et volontairement.

En matière institutionnelle, enfin, la Constitution permettra de faire fonctionner l'Union à vingt-cinq.

La Commission européenne conservera un rôle central avec le monopole de l'initiative des lois.

La première Commission nommée après l'entrée en vigueur de la Constitution, qui sera en fonction entre 2009 et 2014, comprendra un commissaire issu de chaque État membre. Ensuite, le nombre des commissaires correspondra aux deux tiers de celui des États membres ; ils seront sélectionnés selon un système de rotation égalitaire entre les États membres.

Autre innovation importante, le Président de la Commission sera élu par le Parlement européen, sur proposition du Conseil, après concertation avec le Parlement européen, en fonction du résultat des élections européennes. L'Union aura à sa tête un président identifiable : comme le Parlement européen et la Commission, le Conseil européen sera dirigé par un Président à plein-temps,...

M. Jacques Myard. C'est illusoire !

M. André Schneider. ...qui ne pourra exercer de mandat national. Il sera élu à la majorité qualifiée par le Conseil européen, pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. Le Président du Conseil européen donnera une voix et un visage à l'Union européenne en assurant sa représentation sur la scène internationale. Il présidera et coordonnera les travaux du Conseil européen.

La règle de vote au Conseil européen sera adaptée à l'élargissement à vingt-cinq. La majorité qualifiée est actuellement définie selon un système complexe de pondération, chaque État membre bénéficiant d'un certain nombre de voix en fonction de son poids démographique. La Constitution y substituera un système fondé sur une double majorité d'États et de population : une loi sera adoptée par le Conseil à condition d'obtenir l'accord de 55 % au moins des États de l'Union représentant 65 % au moins de la population de l'Union.

Enfin, la Constitution européenne augmentera les pouvoirs du Parlement européen en matière législative et budgétaire, mais aussi de contrôle politique.

Ce débat me donne l'occasion, madame le ministre, de vous interroger sur un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur : la place de Strasbourg dans le concert européen. (« Ah ! » sur de nombreux bancs.)

Quand on parle d'Europe, mes chers collègues, on pense forcément à Strasbourg.

M. Jacques Floch. Il y a une excellente proposition dans l'air !

M. André Schneider. Je vais y venir, mon cher collègue.

Cette ville, depuis plus d'un demi-siècle, fait office de capitale politique de l'Europe en accueillant sur son territoire des institutions aussi prestigieuses et diverses que le Parlement européen, le Conseil de l'Europe, son assemblée parlementaire et la Cour européenne des droits de l'homme, mais aussi l'Assemblée des régions d'Europe, l'Observatoire européen de l'audiovisuel, la chaîne Arte, ainsi que la plus ancienne institution européenne : la commission centrale pour la navigation sur le Rhin, créée en 1816.

La vocation européenne de Strasbourg est donc à la fois ancienne et incontestable. Cette situation fait peser sur notre pays des responsabilités particulières, car elle ne pourra perdurer que si Strasbourg est en mesure d'offrir à tous ceux qui sont amenés à y vivre - fonctionnaires, parlementaires européens... - ou à y séjourner régulièrement, un cadre de travail attractif.

Une résolution adoptée en janvier dernier par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe appelle d'ailleurs la France à adopter d'urgence, pour le développement de cette ville, une nouvelle approche, plus visionnaire et dynamique, qu'il s'agisse de la desserte ferroviaire et aérienne de Strasbourg ou de l'amélioration des services éducatifs et culturels, afin, et je vous cite madame la ministre, de « permettre à Strasbourg de remplir pleinement, et pour longtemps, sa mission européenne ».

Dans le même ordre d'idées, dans un rapport d'information réalisé pour le compte de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, notre collègue Jacques Floch estimait, en mai dernier, qu'il était «urgent d'amplifier notre mobilisation pour préserver et conforter la vocation européenne de Strasbourg. À la différence de Bruxelles et Luxembourg, Strasbourg n'est pas une capitale d'État. Il lui faut donc savoir mobiliser les concours susceptibles d'être apportés à sa stratégie de rayonnement européen par l'État d'une part, par les collectivités locales d'autre part. »

Mes chers collègues, je partage ce constat : il est urgent d'agir.

Concernant les collectivités locales, de nombreux efforts ont été engagés.

S'agissant de l'État, plusieurs éléments positifs méritent d'être soulignés.

En premier lieu, la mise en place en 2003 par Noëlle Lenoir du comité de pilotage « Strasbourg, ville européenne » et la signature d'un contrat triennal pour la période 2003-2005 permettent de disposer d'une structure propre à rassembler les énergies et coordonner les actions.

En deuxième lieu, l'amélioration de la desserte ferroviaire de Strasbourg progresse.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Vive le TGV-Est !

M. André Schneider. Mardi dernier a été posé le premier rail du TGV-Est qui reliera, dès 2007, Strasbourg à Paris en 2 heures 20 - au lieu de 4 heures.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Et nous l'avons payé, nous !

M. André Schneider. En troisième lieu, la décision de retenir Strasbourg comme site unique de l'ENA dès la rentrée 2005 est très positive.

M. Jacques Myard. Ce n'est pas un cadeau !

M. André Schneider. Malgré ces éléments encourageants, les besoins demeurent réels et permettez-moi, à cet égard, d'émettre trois souhaits :

Tout d'abord, la deuxième phase du TGV-Est doit être mise en œuvre le plus rapidement possible. Pour l'instant, la date de 2008 est retenue, mais il serait souhaitable que les travaux commencent dès 2007. J'espère que M. Bussereau, dont je salue l'arrivée, ne restera pas sourd à cet appel. (Sourires.)

Mon deuxième souhait concerne le secteur éducatif et culturel. Strasbourg a besoin d'une véritable école internationale dispensant un programme complet en anglais depuis l'école primaire jusqu'à l'université. Nous avons besoin aussi d'un soutien en faveur de nos équipements culturels : rappelons une nouvelle fois que n'étant pas une capitale nationale, notre ville ne bénéficie pas des institutions culturelles à rayonnement international, la plupart financées par l'État, dont dispose Paris.

Ce constat me permet d'arriver à mon troisième vœu : Strasbourg, en tant que capitale européenne, a des charges spécifiques et a besoin de ressources financières adaptées. C'est pourquoi je souhaite la création, au sein de la dotation globale de fonctionnement, d'une enveloppe spécifique intitulée : « Strasbourg, capitale européenne » À cet effet, je déposerai prochainement avec mes collègues alsaciens une proposition de loi allant dans ce sens. D'ores et déjà, madame la ministre, je compte sur votre appui dans cette démarche.

Pour conclure, je confirme que le groupe UMP approuve bien entendu le projet de budget de l'Union européenne pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, dernier orateur inscrit.

M. Jacques Floch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État au budget, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, je ne pensais pas que nous allions parler du traité constitutionnel aujourd'hui. Mais nous n'échapperons pas à ce débat dans les temps qui viennent, car notre avenir est en jeu.

Je remercie André Schneider de m'avoir fait l'honneur de citer la proposition que j'ai formulée au nom de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale. En effet, j'en suis convaincu, l'influence de la France passe aussi par le développement de Strasbourg et son maintien en tant que capitale européenne.

Cela dit, l'objet de notre débat est le financement de l'Europe, et la question de savoir si nous acceptons que le budget national serve à financer notre présence en Europe, en étant conscients des avantages que la France, depuis des décennies, a pu en retirer. Il va sans dire que nous devons être vigilants quant au fonctionnement des institutions européennes et à la participation de l'argent des contribuables européens - particuliers, entreprises, États - au financement d'une construction européenne qui est loin d'être achevée. L'Europe, c'est une grande idée qui a désormais quelques décennies derrière elle. Mais cette idée a besoin d'un budget !

Le débat sur le prélèvement européen est l'une des rares occasions qu'a l'Assemblée nationale de dire son sentiment sur les finances de l'Union. Et de mon point de vue, nous n'en parlons pas suffisamment. Une pédagogie plus appuyée s'impose pour faire comprendre à nos concitoyens que l'argent mis à la disposition de l'Europe est de l'argent redistribué, en particulier à la France, et singulièrement aux agriculteurs, même si notre pays verse un peu plus qu'il ne reçoit. L'argent européen a permis d'ouvrir bien des chantiers, d'aider l'agriculture et de maintenir nombre d'entreprises dans notre pays.

Heureusement, les travaux de la délégation pour l'Union européenne permettent des contributions plus explicites et plus complètes à une loi de finances par trop succincte et dont l'expression apparaît trop comptable, alors que nous avons besoin, à la veille de la signature d'un nouveau traité européen, d'une vision plus politique de l'Europe que nous appelons de nos vœux. Un budget est en effet, dans tous les cas de figure, l'expression d'une volonté politique. En ce sens, la description du budget de l'Union qui nous est donnée dans la présentation du prélèvement européen reflète l'image qu'ont de l'Union européenne le Gouvernement et le Parlement. Sans doute cette présentation devrait-elle être plus explicite à propos des politiques que nous conduisons.

Pour l'Union européenne, les règles restent évidemment les mêmes, c'est-à-dire une procédure plaçant les dépenses obligatoires entre les mains du Conseil. Le futur traité constitutionnel ne modifiera pas de manière drastique la structure du budget. Le Parlement européen aura simplement un droit de regard beaucoup plus important.

M. Jacques Myard. Et il s'en félicite ! ...

M. Jacques Floch. Davantage de démocratie pour mieux expliquer l'utilisation de l'argent européen me paraît important.

M. Jean-Claude Lefort. C'est la moindre des choses.

M. Jacques Myard. La démocratie, c'est dans les parlements nationaux qu'elle s'exerce, et nulle part ailleurs !

M. le président. Laissons-la s'exprimer, monsieur Myard : seul M. Floch a la parole.

M. Jacques Floch. M. Myard a une conception restrictive de la démocratie. Pour nous, elle s'exerce à l'Assemblée nationale, au Sénat, dans nos assemblées territoriales, mais dorénavant aussi au Parlement européen.

M. Jacques Myard. Ici, la démocratie est organisée, ce n'est pas la chienlit !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Floch.

M. Jacques Floch. Si les agriculteurs français ont à se plaindre ou à se féliciter des aides agricoles, ils ne peuvent s'adresser qu'au Président de la République, représentant de la France au Conseil européen, ou au ministre de l'agriculture, membre du Conseil agriculture de l'Union. Les aides directes agricoles représentent 43 % des dépenses communautaires, soit 49 milliards d'euros. Le plafonnement des dépenses agricoles de marché décidé en octobre 2002 et accepté par notre gouvernement commence à faire ses effets. Sans doute la négociation a-t-elle été compliquée, mais peut-être aurions-nous eu intérêt à mieux expliquer le pourquoi de cette décision.

En tout état de cause, notre pays continue à bénéficier de la plus grande part des dépenses agricoles communautaires avec 23,4 % du budget de la PAC. Il n'y a aucune raison pour que la France, premier producteur, premier transformateur et premier exportateur de produits agricoles et de produits issus de l'industrie agro-alimentaire ne soit pas soutenue à la hauteur de ses capacités. Il faut le dire et le répéter. C'est pourquoi, dans deux domaines, la France doit rester très vigilante : la réforme de l'organisation commune du marché du sucre ; le pilier pour le développement rural mis en place par l'agenda 2000.

Or nous risquons, en matière d'aménagement rural, de nous retrouver devant un sérieux dilemme : la très malheureuse proposition de six États, dont la France, de plafonner le niveau des dépenses à 1 % du revenu brut communautaire est incompatible avec toute forme de progrès. M. Barnier, alors commissaire, avait souligné tous les aspects négatifs d'une telle disposition si elle était retenue. M. Barrot, nouveau commissaire, partage ce sentiment et annonce qu'il demandera à ce qu'on aille plus loin. Je souhaite vivement que l'un et l'autre soient entendus.

La politique régionale est importante pour la France puisqu'elle reçoit, pour les régions en retard : 3,8 milliards d'euros ; pour les zones en difficulté, 6,1 milliards ; pour la formation, 4,5 milliards, et 1 milliard pour les programmes d'initiative communautaire. Comment ferons-nous pour payer ces sommes, avec une restriction budgétaire européenne au niveau de 1 % ?

Même la commission s'est opposée à cette proposition en demandant que le plafonnement soit porté à 1,14 %. Dans les instances européennes, l'on ne se prive pas de dire, que tendre vers 1,30 % permettrait une vraie politique de convergence, de compétitivité régionale, d'emploi et de coopération territoriale européenne. Autant de politiques conduisant de la meilleure façon à l'intégration européenne de nos nouveaux partenaires, car - faut-il le rappeler ? - l'intégration ne consiste pas seulement à entrer dans un grand marché en tant que producteur ou consommateur, il s'agit aussi d'améliorer les droits sociaux et de tendre à la parité fiscale pour assurer l'équité entre les États et l'égalité entre les citoyens européens.

Un des grands moyens pour lutter contre les délocalisations et les méthodes de voyou de certains passe par de telles politiques. La France, avec d'autres partenaires, devrait d'ores et déjà être porteuse de cette manière de construire l'Europe. Notre collègue Jean-Louis Dumont a déploré que le projet de budget arrêté par le Conseil ne traduise pas cette ambition commune, en particulier dans l'initiative de croissance européenne qui programme une somme dérisoire : 62 milliards d'ici à 2010 pour financer 54 projets. Le moins que l'on puisse dire est que le projet de grands travaux formulé par Jacques Delors il y a vingt ans, manque encore du soutien qui lui permettrait d'être appliqué.

Les pays candidats à l'entrée dans l'Europe unie sont dans une situation encore plus difficile que les dix derniers entrants. Pourtant, les aides de pré-adhésion restent de l'ordre du symbolique. De ce fait, le risque est grand qu'en 2007-2008, l'effort nécessaire ne soit considérable, ce qui retardera toutes les politiques lancées par l'Europe des vingt-cinq et donnera à penser à nos concitoyens que nous sommes allés trop vite, trop loin, alors même que la création de ce vaste espace de démocratie, de liberté, de solidarité, est l'une des grandes idées du siècle.

Madame la ministre, la France se doit d'être à la tête des réformes nécessaires. Encore devons-nous en finir avec la raideur de nos convictions financières et monétaires.

M. Jacques Myard. Parlez pour vous !

M. Jacques Floch. La réalité nous remet les pieds sur terre. Par exemple, l'euro fort par rapport au dollar nous ferme des marchés, mais nous fait payer le pétrole moins cher dans cette période de démence de l'or noir.

Tous les moyens sont bons et doivent être mis en oeuvre pour relancer la croissance, et pas seulement l'assouplissement du marché du travail, qui fait supporter aux seuls salariés le poids de la crise. La combinaison des politiques fiscales, monétaires et budgétaires, dans une perspective de convergence, ainsi qu'une meilleure organisation du marché des capitaux, permettraient sans aucun doute aux Européens d'avoir une croissance plus forte, une croissance qui leur permettrait de mieux vivre ensemble et ferait de l'Europe un modèle envié.

Ce n'est pas ce vers quoi tend le projet de budget européen pour 2005. Et c'est bien dommage. Mais, comme toujours, nous devrons, les uns et les autres, nous faire une raison et l'accepter.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, sachez comme je suis heureuse de vous avoir entendus vous exprimer et sur le projet de budget européen pour 2005, et sur la réflexion que nous menons ensemble sur les étapes importantes que constituent la préparation des perspectives financières 2007-2013 et le traité constitutionnel.

Avec ce projet de budget pour 2005, nous sommes tous conscients d'avoir entre les mains un moyen d'agir : tout en respectant la discipline budgétaire, nous pouvons aboutir aux ambitions que nous souhaitons porter, à l'égard des nouveaux États membres comme à l'égard des politiques que nous voulons mettre en œuvre.

Monsieur Lefort, le prélèvement européen, dont nous débattons aujourd'hui, est en effet une contribution obligatoire, qui résulte de la participation de la France au budget de l'Union européenne, en vertu des traités internationaux en vigueur auxquels nous avons adhéré. Mais j'ajoute que les décisions concernant les ressources propres sont ratifiées, à intervalles réguliers, par les parlements nationaux.

Comment concevoir les évolutions de ce budget ? La méthode à suivre doit être raisonnable. Il s'agit d'examiner, point par point, chacune des dépenses auxquelles nous souhaitons faire face, compte tenu de nos ambitions. Nous avons un vrai projet et nous voulons mettre en place un vrai budget, madame Comparini. Notre démarche est saine, car nous sommes conscients des contraintes budgétaires qui s'imposent à nous. Certains estiment que la stabilisation du budget communautaire à 1 % du PIB n'empêche pas de développer des politiques ambitieuses. D'autres voudraient tout de suite aller plus loin. Toujours est-il qu'il importe de se fixer un cadre pour avancer dans la négociation. Comme le disait M. Blum, la réflexion permet de proposer un budget en rapport avec les ambitions qui sont les nôtres. Étudions chacun des postes budgétaires, dégageons la véritable valeur ajoutée du budget communautaire et recherchons les moyens d'être efficaces.

Nous devons aussi respecter le pacte de stabilité et de croissance. À cet égard, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait d'importantes propositions pour nous permettre d'atteindre les niveaux requis à l'échelle de l'Union européenne. Il est nécessaire de se conformer à l'objectif de maîtrise des dépenses et d'avoir un regard sur ce vers quoi nous avançons.

Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, comme vous l'avez souligné, il s'agit de prendre également en compte la subsidiarité et les compétences de chacun : qui fait quoi et qui le fait mieux au service des objectifs européens.

S'agissant de la période allant jusqu'en 2013, la solidarité et l'équité, mises en avant par M. Carrez comme par M. Dumont, revêtent une importance particulière. Ces deux mots renvoient aussi au respect des engagements, notamment en matière de politique agricole commune. M. Dumont a critiqué la réforme mise en œuvre en ce domaine. Pourtant, j'estime que nous progressons vers des objectifs qui servent à la fois nos agriculteurs et nos ambitions dans le monde. Il faut bien avoir à l'esprit ce qui a été obtenu ces dernières années et être très déterminé à préserver la politique agricole commune, indispensable à tous les agriculteurs européens.

La politique régionale repose sur une solidarité à mettre en œuvre vis-à-vis de l'ensemble de nos partenaires. Toutefois, nous devons rester très attentifs à l'objectif 2 et veiller à ce qu'il ne soit pas résiduel si nous voulons maintenir une compétitivité au service du développement de notre économie et de la prospérité de nos régions.

Sans doute parce que j'avais la responsabilité de la recherche dans le précédent gouvernement, vous avez été nombreux à m'interpeller sur ce point. L'ambition en ce domaine doit être à la fois nationale et européenne, mêlant complémentarité et subsidiarité.

Dans la réflexion que nous menons actuellement, nous pouvons, dans le cadre du budget de 1 %, avoir un vrai projet, d'autant que ce budget est en croissance, rappelons-le. Nous avons là le moyen de réagir sainement par rapport à l'environnement qui est le nôtre.

Pourquoi réfléchissons-nous en termes de valeur ajoutée, d'analyse de nos projets et de discipline budgétaire ? Parce que les propositions qui s'appuient sur une certaine dérive budgétaire ne nous donnent pas satisfaction. Surtout, elles impliquent de mettre en place des mécanismes de correction en matière de ressources.

J'ai bien noté que l'impératif d'équité en matière de contribution budgétaire faisait l'unanimité parmi vous. Vous vous accordez tous sur la remise en cause du « chèque britannique », pour le financement duquel la part de la France s'élève à 30 %, ce qui est très lourd. Comme vous l'avez souligné, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, ce montant est supérieur à notre contribution aux nouveaux États membres. Je suis sensible au fait que la commission elle-même propose cette remise en cause. Certes, la règle de l'unanimité s'impose mais elle doit jouer dans les deux sens. Et vous savez, monsieur Balladur, avec quelle fermeté le Gouvernement défendra une contribution équitable, indépendante de toute contrepartie. Le mécanisme généralisé de correction, nous le décrions pour les contributions spécifiques. Il nous faut prendre le temps de la réflexion afin de progresser.

Avant d'en venir au traité constitutionnel, je me tourne vers M. Schneider. Vous le savez, monsieur le député, le Gouvernement et le Président de la République ont exprimé, encore récemment, leur soutien au projet de Strasbourg, capitale européenne. Et vous reconnaîtrez avec moi notre implication en ce domaine, qu'il s'agisse de la desserte aérienne ou des engagements nationaux et européens en matière de desserte ferroviaire, ainsi que l'attention toute particulière que nous accordons aux compétences complémentaires qui peuvent être octroyées à la ville, en particulier dans le cadre du contrat triennal. Je ne sais pas si votre proposition de loi est de nature à faire avancer la réflexion. Toujours est-il que je suis très sensible aux travaux du comité de pilotage « Strasbourg, ville européenne », que je suis activement.

Pour finir, j'évoquerai le traité constitutionnel pour m'inscrire en faux contre vos propos, monsieur Lefort. Selon vous, les parlements nationaux ne verront pas leur rôle reconnu en matière de décisions et de réflexions.

M. Jacques Myard. Il a raison !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. N'avez-vous pas constaté dans la proposition de traité constitutionnel que les parlements nationaux seront appelés à se prononcer sur différents sujets ?

M. Jacques Myard. Ce seront des donneurs d'avis sans suite !

M. le président. Monsieur Myard !

M. Jean-Claude Lefort. Je parle de l'annexe I !

M. le président. Monsieur Lefort !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Grâce aux présidents des délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, je connais l'état de vos réflexions sur le principe de subsidiarité. Vous savez que sera mis en place un mécanisme d'alerte précoce. Il sera même possible aux parlements de brandir un carton rouge si jamais ils estiment que les compétences ne sont pas distribuées de manière conforme aux principes de la Commission. Les parlements nationaux verront donc leur rôle renforcé avec ce nouveau traité constitutionnel.

M. Jean-Louis Idiart. Pas du tout !

M. Jacques Myard. Mais relisez donc le texte, madame !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. J'ai évoqué le respect du principe de subsidiarité. Sachez qu'il y aura d'autres domaines dans lesquels vous pourrez intervenir : les procédures de révision simplifiées ainsi que la justice et les affaires intérieures, avec notamment des contrôles et des évaluations pour Europol et Eurojust.

M. Jacques Myard. « Je suis empereur et vous me faites patron de galère ! ».

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mais nous aurons de multiples occasions de reparler du traité constitutionnel.

Ce projet de budget s'applique à une année où nous aurons des enjeux importants à prendre en compte tous ensemble. Je vous remercie de l'avoir, pour la plupart, soutenu. Nous essaierons de le mettre en œuvre de la manière la plus efficace possible, en faisant interagir institutions et États membres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en venons aux orateurs inscrits sur l'article 43.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord émettre un souhait, c'est que l'intitulé de l'article 43, compliqué et alambiqué, devienne dans un proche avenir plus simple et plus actuel : « Participation - ou contribution - de la France à l'Union européenne », par exemple.

L'examen de cet article doit être aussi l'occasion d'un large débat, beaucoup plus ouvert, sur ce que nous attendons de l'Europe.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Daniel Garrigue. D'abord, nous voulons une Europe plus forte.

Vous avez à juste titre, madame la ministre, et le rapporteur général du budget l'a fait après vous, souligné l'exigence des disciplines budgétaires. C'est vrai qu'une réforme analogue à la réforme de l'État que nous avons engagée serait opportune dans les services de la Commission européenne.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Daniel Garrigue. Jusqu'ici, le budget européen n'a été qu'imparfaitement consommé. Les montants votés ont toujours été supérieurs aux montants dépensés. Mais nous voyons bien aujourd'hui, compte tenu des engagements légitimes qui ont été pris en matière de politique agricole commune et de fonds structurels, que les propositions budgétaires faites par la France et par certains de ses partenaires risquent d'être en deçà de ce qui est nécessaire. Ne faudra-t-il pas trouver un compromis entre ces exigences et l'affirmation d'objectifs resserrés, mais ambitieux, dans des domaines comme la recherche, la politique industrielle, la formation ou la défense européenne ? Car c'est dans ces domaines que se développera la compétition entre les États et les groupes d'États au xxie siècle.

Ensuite, nous voulons une Europe plus solidaire.

On ne peut pas ne pas dénoncer le paradoxe qu'il y a à voir, d'un côté, perdurer le « chèque » octroyé au Royaume-Uni, alors que la santé de l'économie anglaise est l'une des meilleures de l'Union, et, de l'autre, à entendre trop souvent manifester les inquiétudes et les préventions à l'égard des dix nouveaux États membres.

Nous avons accepté leur adhésion. Certes, nous avons à leur rappeler qu'il faut éviter certaines dérives, notamment l'idée de faire financer par la solidarité communautaire une partie de ce qui devrait être financé par l'effort national. Mais nous devons aussi affirmer, et fort heureusement, aujourd'hui, tous les orateurs l'ont fait de façon très nette, notre solidarité et notre générosité à leur égard. Il y va des espoirs que nous avons fait naître chez eux comme de l'image que nous avons à leur donner.

En outre, une Europe plus lisible. Madame la ministre, vous avez rappelé à juste titre que c'est le Conseil européen du 17 décembre qui décidera, en tout état de cause, de l'entrée de la Turquie. Mais il y a une question qui se pose pour la Turquie et qui se poserait aussi demain si la Russie ou l'Ukraine étaient candidates, et cette question ce n'est pas simplement le préalable, certes important, du respect des critères de Copenhague, mais celle des critères de l'Europe aux yeux des Européens. Il faudra bien la poser un jour d'une manière ou d'une autre.

Enfin, il est important que l'Europe ne reste pas une affaire de spécialistes, ce qu'elle est aujourd'hui, et que les enjeux soient partagés par l'ensemble de nos compatriotes. C'est tout le défi que nous sommes décidés à relever dans le débat sur la Constitution européenne que nous aurons dans les prochains mois.

Au bénéfice de ces observations, je voterai l'article 43.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je veux m'associer aux propos que vient de tenir Daniel Garrigue sur l'organisation de la discussion. Il me semble quelque peu singulier que sur un sujet important dont on se plaît à nous répéter qu'il est l'avenir de la nation, on se limite à un orateur par groupe.

Madame la ministre déléguée, le budget européen représente 116 milliards d'euros. La France est le deuxième contributeur avec près de 17 milliards, soit 6 % de nos ressources fiscales. Le solde net pour les contribuables français est de près de 2 milliards d'euros.

On doit se demander si ce budget est rationnel et s'il répond aux défis de l'Europe d'aujourd'hui. Permettez-moi de vous dire que la réponse est négative dans les deux cas.

D'abord, ce budget est fossilisé. Il a un grand avantage pour les orateurs, dont votre serviteur : on peut, sans risque aucun de se tromper, répéter ce qu'on a dit les années précédentes, le problème étant toujours le même. Ensuite, il est structurellement mauvais. C'est un saupoudrage continuel, créant des doublons avec les actions des États, en violation du principe de subsidiarité.

En dehors de la PAC, qui est véritablement une politique cohérente de soutien au marché, je crains fort qu'on doive chercher partout ailleurs les justifications réelles des actions qui sont menées, y compris pour les fonds structurels, dont on nous a dit qu'ils sont très importants.

Je me demanderai toujours comment il est acceptable d'aller chercher dans nos poches de l'argent pour le faire remonter à Bruxelles, qui se chargera de le redescendre pour financer les trottoirs de Salonique ou de Lisbonne ou pour construire des piscines. Ce n'est pas du niveau d'une organisation d'un continent et il est clair qu'il y a d'autres méthodes pour y parvenir, tout aussi efficaces, comme les protocoles financiers, qui fonctionnent avec moins de fonctionnaires tout en garantissant la solidarité vis-à-vis des nouveaux États.

Quant aux politiques internes, elles couvrent vingt-cinq actions - ce n'est pas rien - tout aussi importantes, soit disant pour le marché, soit disant pour la construction européenne. On donne très souvent de l'argent pour que nos entreprises soient concurrencées sur les marchés étrangers puisque, comme chacun le sait, ces actions externes, notamment à travers les cabinets anglo-américains, concurrencent directement les nôtres. On est en train de se tirer une balle dans le genou !

Mme Maryse Joissains-Masini. Tout à fait !

M. Jacques Myard. Et je ne parlerai pas du scandale que constitue la ristourne à la reine d'Angleterre, qui est bien plus riche que vous et moi réunis ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Idiart. Ça lui permet d'acheter des chevaux !

M. Jacques Myard. Ce budget, au regard même de votre propre conception de l'Europe, qui n'est pas la mienne, devrait être recentré sur quelques actions nécessaires et ne pas rentrer dans le détail de l'action culturelle. À cet égard, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, permettez-moi un aparté. Les communes, parfois les syndicats de commune, les départements, les régions, l'État et l'Europe interviennent dans le domaine culturel. Ce n'est pas sérieux ! Une chatte n'y retrouverait pas ses petits ! Nos contribuables nous demandent des comptes. On veut de la simplification. Commençons donc par supprimer ces lignes.

Ce budget répond-il à la nécessité de l'organisation européenne d'aujourd'hui ? Je crains fort que l'organisation qu'on nous propose ne soit complètement obsolète. Nous sommes aujourd'hui dans une Europe à vingt-cinq, vingt-sept demain et sans doute trente après-demain matin - sans la Turquie -, la Croatie frappant à la porte ainsi que d'autres États de l'ex-Yougoslavie. C'est un monde totalement différent de celui de l'Europe à six. Tout à l'heure, certains de nos collègues ont évoqué le vote à la majorité, oubliant totalement que la France, sur maints et maints sujets de l'organisation européenne, est minoritaire. Sait-on aujourd'hui que la France, l'Angleterre et l'Allemagne, même ensemble, ne pourraient pas bloquer demain une décision adoptée à la majorité qualifiée ?

Sur la PAC, les fonds structurels, la place de la langue française, on se prépare des lendemains qui déchantent. Il s'agit en réalité, avec votre système et votre traité constitutionnel, d'une véritable fuite en avant vers une Europe fédérale à dérive centralisatrice dont je suis intimement convaincu que l'échec est inéluctable.

Il faut donc repenser tout cela. Je crains fort que si l'on suivait votre logique, et cela a été souligné par un certain nombre de nos collègues, mais à mots couverts, le système que vous nous proposez n'aboutisse à une union de transferts. Il ne peut pas fonctionner avec un prélèvement de 1 % du PIB, c'est illusoire. Nous ne sommes pas dans une zone économique optimale et il faut en tenir compte.

Il y a là une contradiction fondamentale entre ce que vous dites, les moyens que vous vous donnez et la réalité de l'Europe. Je crains fort qu'il ne faille tout remettre à plat. Il faut conserver l'ouverture des frontières et un marché organisé avec un certain nombre de règles, mais il faut revenir à une union d'États qui coiffe l'ensemble du système, une sorte de Conseil de sécurité européen qui ira de l'Atlantique à l'Oural, comprenant la Russie et l'Ukraine car, que vous le vouliez ou non, ces deux pays font partie du système géostratégique européen. Le système que vous nous proposez est voué à l'échec, et de surcroît il les met dans un ghetto. C'est la pire des solutions.

Je voterai contre cet article.

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour une courte intervention.

M. André Schneider. Le vote positif du groupe UMP s'inscrit tout à fait dans la démarche humaniste et sociale excellemment décrite à l'instant par Daniel Garrigue.

M. Jacques Myard. Par moi aussi ! (Sourires.)

M. André Schneider. Madame la ministre déléguée, l'élu strasbourgeois que je suis a parfaitement conscience de vous irriter parfois.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pas du tout !

M. André Schneider. Mais je veux vous remercier pour les engagements que vous venez de prendre. J'ai cru comprendre que nous pouvions discuter ensemble d'autres modalités éventuelles. À ce titre, tous les élus alsaciens sont prêts à vous rencontrer.

M. le président. Je mets aux voix l'article 43.

(L'article 43 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons à l'examen des articles 25 à 28, et 35, précédemment réservés, ainsi qu'aux articles 37 à 42.

Je vous informe, mes chers collègues, qu'il nous reste à examiner une cinquantaine d'amendements. Si chacun de nous y met du sien, je pense que nous pourrons achever leur examen dans un délai raisonnable.

Article 25 (précédemment réservé)

M. le président. Nous en venons à l'examen de l'article 25.

Je le mets aux voix.

(L'article 25 est adopté.)

Article 26 (précédemment réservé)

M. le président. Nous en venons à l'examen de l'article 26.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, inscrit sur l'article.

M. Jean-Louis Dumont. Il s'agit là d'un article d'aubaine, qui traite de mesures transitoires concernant le tabac.

J'en profite, monsieur le secrétaire d'État au budget, pour revenir sur l'un des points que j'avais abordés au cours de la discussion générale. À l'instigation du Gouvernement, des mesures ont été prises pour lutter contre le tabagisme et les ravages qu'il provoque sur la santé des personnes, et elles ont été approuvées sur tous ces bancs. Ces mesures n'avaient pas anticipé les conséquences qu'elles auraient pour la profession des débitants de tabac. Leur chiffre d'affaires a évidemment chuté. Des jeunes, ou des moins jeunes, se sont interrogés non seulement sur leur avenir mais aussi sur la valeur de leur fonds de commerce, et se sont demandé ce qu'ils avaient bien pu faire pour qu'on les oublie.

On leur a demandé de vendre du tabac, et l'on dit aujourd'hui que c'est un produit dangereux. Si c'est un produit dangereux, il faut non seulement inciter les gens à ne plus le consommer, mais aussi le considérer comme tel, et donc en limiter le transport et la diffusion. J'y reviendrai.

Je voudrais insister sur un point qui me semble plus important encore. Des mesures ont été annoncées, dont certaines ont été prises et sont en cours d'exécution. Il n'empêche que nous assistons à un double phénomène. Sur l'ensemble du territoire national, nous constatons une chute du chiffre d'affaires des débitants de tabac. Il diminue dans la plupart des cas en fonction de la chute des ventes de tabac. Mais dans les régions frontalières, on constate - je le constate dans la Meuse, mais mes collègues le constatent aussi dans les Pyrénées, dans l'Aisne ou ailleurs - qu'à moins de 100 kilomètres de la frontière, ou de l'ancienne frontière, on va acheter son tabac de l'autre côté, dans l'espace européen. On en profite d'ailleurs pour en ramener un peu plus. Et puis aussi pour faire plaisir à ses amis. Et si, entre amis, on se fait un petit bénéfice, ce n'est pas plus mal, n'est-ce pas ?

M. Jean-Louis Idiart. Sans compter qu'on en profite pour faire aussi le plein d'essence.

M. Jean-Louis Dumont. Oui, il y a aussi le plein d'essence et le reste.

Monsieur le secrétaire d'État, j'attire votre attention sur le fait que les débitants de tabac situés à moins de 100 kilomètres d'une frontière non seulement ne vendent plus de tabac mais perdent aussi des clients. À Clermont-Ferrand, on continue à aller dans les débits de tabac pour y acheter aussi le journal, des bibelots, des produits chocolatés, que sais-je encore. Le débitant voit alors son chiffre d'affaires diminuer uniquement en raison de la baisse de ses ventes de tabac.

M. Richard Mallié. C'est faux ! Les gens achètent aussi à l'étranger sur le Net.

M. Jean-Louis Dumont. Mais, dans les régions frontalières, il ne perd pas seulement l'argent des ventes de tabac, il perd aussi le client. En effet, des produits chocolatés - et je dis cela sans faire de publicité -, vous savez très bien qu'on en trouve à foison du côté de la Belgique ou du Luxembourg. Et l'on y trouve les mêmes produits que ceux que l'on peut acheter en France. Dans ces régions, c'est leur chiffre d'affaires global que les débitants voient baisser.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, s'il faut dire oui à une politique de santé publique, s'il faut accepter de faire des efforts, il ne faut pas oublier la nécessaire prévention, y compris celle d'une maladie mortelle qui frappe les débitants de tabac. Nous devons les accompagner, les aider. Il y a des mesures à prendre. En parcourant la liasse d'amendements, j'ai remarqué que de nombreux collègues ont proposé qu'on limite le transport du tabac à partir de l'étranger, et donc qu'on le considère ainsi comme un produit dangereux, qui ne doit pas être transporté en grande quantité. Je voudrais que, du côté de Bercy, on comprenne bien qu'entre le jeune débitant qui, venant de s'installer, paie plein pot ses remboursements d'emprunts, et celui qui va partir en retraite, il y a des mesures à prendre.

Je l'ai déjà dit : lorsqu'un agriculteur quitte la production laitière, il a droit à une aide. À une époque, lorsqu'un pompiste artisan prenait sa retraite, il touchait une aide, car on savait que la partie pompe de son fonds de commerce ne valait plus rien, que ce fonds n'existait pour ainsi dire plus, sans compter que le pompiste devait aussi appliquer des mesures pour l'environnement. Je pourrais prendre l'exemple de nombreuses autres professions.

Je rappelle qu'à une certaine époque, la profession de débitant de tabac était recherchée, elle bénéficiait d'ailleurs de quelques privilèges accordés par le ministère des anciens combattants. Aujourd'hui, elle se trouve, du fait d'une volonté politique qui s'est exprimée, je le répète, au-delà des bancs de la majorité, dans une situation telle que nous devons l'écouter et prendre des mesures très rapidement.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour prêter une attention particulière à ce problème et pour prendre des mesures au bénéfice de gens qui n'ont démérité en aucune façon. Bien au contraire, ils se lèvent tôt, se couchent tard, travaillent beaucoup, et aujourd'hui ils ne perçoivent plus rien.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de M. Carrez, nos 345 et 346.

Ces amendements sont rédactionnels, n'est-ce pas, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait, monsieur le président. Et la commission y est favorable.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 346.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 26
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 441, 22, 110, 419 et 442, portant article additionnel après l'article 26, et pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements, nos 22, 110 et 419 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l'amendement n° 441.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement traduit les préoccupations que j'ai exprimées il y a quelques instants.

Il s'agit de prendre en compte la situation des contribuables liés avec l'État par un contrat de gérance de débit de tabac et dont l'activité est située à moins de 100 kilomètres d'une frontière terrestre, en les faisant bénéficier d'un crédit d'impôt correspondant à la perte de chiffre d'affaires de l'activité d'ensemble de leur établissement.

Pour ceux qui ne sont pas situés à moins de 100 kilomètres d'une frontière terrestre, qui sont dans une situation totalement différente, cet amendement propose d'instaurer un crédit d'impôt correspondant à la perte du chiffre d'affaires lié seulement à l'activité tabac.

Je ne reviens pas sur l'explication que j'ai donnée tout à l'heure. Je demande simplement que cet amendement puisse recevoir une attention bienveillante, quitte à ce qu'il soit éventuellement sous-amendé. Qu'au moins les débitants de tabac sachent qu'on ne leur réclamera pas l'impôt dû au titre de l'année dernière ou d'il y a deux ans alors que leur chiffre d'affaires a été, dans certains cas, divisé par deux.

Monsieur le secrétaire d'État, il y a déjà dans le code général des impôts des articles qui prennent en compte les pertes de chiffre d'affaires. Mais ici, il s'agit de bien autre chose que d'une perte de chiffre d'affaires momentanée, due par exemple à une rue barrée en raison de travaux ; et il arrive fréquemment que l'on intervienne dans ce genre de cas. Il s'agit ici d'une perte de chiffre d'affaires définitive, qui peut devenir mortelle pour certains de ces débitants de tabac. Il faut donc prendre des mesures immédiates, en leur donnant force de loi afin qu'elles s'appliquent partout.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. La mise en place de ces crédits d'impôt serait extraordinairement compliquée, alors même qu'un certain nombre de dispositions au bénéfice des buralistes situés à proximité d'une frontière ont été prises il y a exactement un an.

Par ailleurs, cet amendement me donne l'occasion de faire le point sur l'état d'avancement des négociations au plan communautaire. Car c'est bien par cette voie que nous parviendrons à résoudre ce problème, que je ne nie pas, monsieur Dumont, et que vous connaissez bien, vous qui êtes élu dans un département frontalier.

Devant le congrès des buralistes qui s'est tenu le vendredi 15 octobre dernier, Nicolas Sarkozy s'est engagé à demander à Bruxelles une harmonisation de la fiscalité au titre des ventes transfrontalières, ainsi qu'une limitation des quantités de tabac pouvant circuler sans taxes entre les pays de l'Union européenne. Ainsi, si nos propositions sont suivies, le seuil de 800 cigarettes, dont vous savez qu'il n'est actuellement qu'indicatif, deviendrait impératif.

D'autre part, lors de ce même congrès, le ministre a annoncé la perspective d'une revalorisation des retraites des buralistes.

Il faut également rappeler les contrats d'avenir qui ont été mis en place à la fin de l'année dernière par le prédécesseur de M. Sarkozy.

Vous voyez donc que tout un ensemble de dispositions ont été prises. Et pour ce qui est de l'avenir, c'est moins sur le terrain de la fiscalité que sur celui de la négociation européenne qu'il faut progresser.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Nicolas Sarkozy, qui est retenu en Allemagne par la préparation du sommet gouvernemental franco-allemand qui se tiendra demain.

Monsieur Dumont, vous avez raison d'être attentif à la situation des débitants de tabac. Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, des aides ont été versées pour compenser la baisse de leur chiffre d'affaires en 2003 et en 2004.

Une demande a été faite auprès de l'Union européenne, j'ai là, monsieur Dumont, une copie de la lettre que M. le ministre d'État a adressée en ce sens au nouveau président de la Commission européenne, afin que puissent être prises les mesures qui viennent d'être rappelées par M. le rapporteur général.

Nous sommes donc très attentifs à la situation des débitants de tabac. Vous avez raison d'insister sur le fait que, dans les zones frontalières, comme on peut le constater à proximité de toutes les frontières, leur situation est très délicate.

Votre amendement tend à créer un crédit d'impôt. Il s'agit là d'une dépense qui à mon avis ne permet pas de compenser la perte de recettes. Techniquement, cette suggestion ne me semble pas devoir être retenue. Mais, sur le plan politique, nous prenons note de vos propositions. Nous sommes déterminés à agir, en liaison avec tous les députés élus dans les zones frontalières.

M. le président. Devant une telle détermination, retirez-vous votre amendement, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Je le maintiens pour le principe, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 441.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir les trois amendements identiques nos 22, 110 et 419.

M. Richard Mallié. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces amendements ont été rejetés par la commission. L'abaissement du seuil de 800 à 200 cigarettes, dès lors qu'il ne serait pas reconnu par les pays frontaliers, serait parfaitement inopérant. C'est donc dans le cadre d'une négociation communautaire, comme je le précisais voici un instant, que l'on peut envisager d'abaisser ce seuil. Dans la pratique, les services des douanes, qui doivent apporter la preuve qu'il s'agit d'un usage commercial, seront hors d'état de le faire.

Pour ces raisons, la commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. Richard Mallié. Ces amendements sont retirés.

M. le président. Les amendements nos 22, 110 et 419 sont retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 442.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement est très proche des trois précédents. Il est proposé de limiter la circulation des cigarettes, cigares et cigarillos que ce soit dans les véhicules légers de telle ou telle personne qui se rend au Luxembourg ou en Belgique ou dans les camions internationaux. Les douanes sont attentives à ce trafic et ont déjà fait plusieurs prises. On constate, entre le trafic et la circulation, que des camions internationaux reviennent avec du tabac acheté à bas prix à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières de l'Union européenne ce qui porte gravement atteinte à l'activité des débitants de tabac. Donc il est nécessaire de prendre des mesures. Cela donnerait du travail aux douaniers, ce corps d'élite du ministère des finances que l'on menace de retirer de nos campagnes, alors que se développent, entre autres, les trafics de drogue. Maintenir les douaniers dans les zones frontalières permettra de lutter contre certains produits illicites ou estimés tels. On considère aujourd'hui le tabac comme un produit dangereux, voire illicite, même s'il rapporte encore quelque argent à l'État, d'où la tendance à toujours augmenter les taxes en guise de prévention.

Toutes ces raisons m'amènent à demander au rapporteur général et à M. le secrétaire d'État une attention particulière, un signe fort. J'ai bien entendu ou lu les propos tenus lors de l'assemblée générale des débitants de tabac. On nous propose d'aller négocier à Bruxelles. Quand on voit ce qu'il en est pour l'éventuelle adhésion de la Turquie... Si cela dure dix ans, ils seront tous morts, monsieur le secrétaire d'État !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est moins compliqué et moins long !

M. Jean-Louis Dumont. En êtes-vous sûr ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Certain !

M. Jean-Louis Dumont. J'en suis moins sûr !

La mesure qui vous est proposée bénéficiera à des commerçants qui n'ont absolument pas démérité, qui ont besoin non seulement de vivre et de faire vivre leur famille mais aussi et surtout de faire face à leurs engagements auprès de leur banque. Or le banquier, quel que soit son statut, ne leur fera pas de cadeau ! Il suffit de se rendre chez nos débitants de tabac. Je ne suis plus fumeur depuis une quinzaine d'années mais, tous les matins, je continue d'acheter mon journal ou d'autres produits chez le même buraliste. J'ai pu constater l'évolution des acheteurs, des produits vendus et des investissements du débitant de tabac.

Monsieur le secrétaire d'État, il faut préserver cette profession, ne serait-ce que pour la vente des timbres-amende, voire des timbres-poste. Vous ne pouvez pas prendre des mesures qui permettent de financer l'État, voire les collectivités en installant partout des radars automatiques. Vous savez comme on a multiplié ces amendes. Si vous ne donnez comme contrepartie au débitant de tabac, qui ne vendra plus de tabac, qu'une ristourne liée aux amendes, demain, il n'y aura plus de débitant de tabac. Où vendrez-vous vos timbres-amende, monsieur le secrétaire d'État ? L'avenir de Bercy dépend aussi des mesures d'accompagnement social et économique au bénéfice des débitants de tabac !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 465.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 465.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 27

M. le président. Sur l'article 27, je suis saisi de trois amendements n°s 348,347 et 349.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir ces amendements.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sont des amendements rédactionnels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 492 de M. de Courson est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 350 et 351.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour les soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rédactionnels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 350.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Article 28

M. le président. Aucun orateur n'est inscrit sur cet article qui ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)

Après l'article 28

M. le président. Je suis saisi d'une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 28.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l'amendement n° 440.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 371.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. L'examen des articles 10 à 16 nous a donné l'occasion d'évoquer les nouveaux cadeaux fiscaux accordés aux entreprises sous prétexte de lutter contre les délocalisations, mais sans que l'effet bénéfique pour l'emploi soit avéré. Plutôt que de poursuivre cette course au dumping fiscal, mieux vaudrait encadrer les dispositifs existants, permettant ainsi de juger leur efficacité réelle. Tel est l'objet de cet amendement portant sur l'article 209 quinquies du code général des impôts qui définit le régime du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé. Ce régime, créé en 1965 pour soutenir nos «champions nationaux » dans leur conquête de marchés extérieurs, concerne aujourd'hui une quinzaine de firmes multinationales, comme Total, Saint-Gobain, Sodexho ou Lafarge. Il permet à une société mère de consolider ses pertes ou profits de manière plus avantageuse en prenant en compte, dans son résultat imposable, les résultats des filiales étrangères qu'elle détient à plus de 50 %. On peut d'emblée s'interroger sur la raison d'être du mécanisme quand les bénéficiaires de l'agrément délivré par les services de Bercy ont, depuis longtemps, réussi leur implantation sur les principaux marchés de la planète. En outre, l'instruction du 16 mars 1995 publiée dans le Bulletin officiel des impôts, précise que « cet agrément n'est accordé que dans la mesure où les avantages devant résulter pour les groupes de l'application de ce régime ont des contreparties économiques suffisantes pour la collectivité, notamment en matière d'exportations, d'emplois ou d'entrée de devises ». On peut légitimement s'interroger sur le respect de ces principes. Le ministre de l'économie et des finances se retranche derrière l'avis de son comité des investissements à caractère économique et social.

Le cas du groupe Vivendi Universal, géant de la communication, témoigne pourtant de dérives manifestes. Le Gouvernement a accordé, fin août, un agrément, ce qui lui permettra d'améliorer ses résultats nets de 500 millions d'euros chaque année pendant cinq à sept ans. Première conséquence : Vivendi a repris le versement de dividendes aux investisseurs institutionnels qui possèdent son capital. Quelles sont les contreparties pour la collectivité et pour l'emploi ? Vivendi a promis de créer 2 100 emplois en cinq ans, soit 420 emplois par an, représentant 1,8 million d'euros par poste : voilà l'emploi aidé le plus cher du monde ! C'est impressionnant. Le groupe, via des sous-traitants, implantera 600 emplois de téléopérateur à Belfort et Douai. Société de 55 000 salariés, Vivendi aurait dû de toute façon créer ces postes nécessaires à son activité. Si les gros actionnaires profitent de l'effet d'aubaine, il n'en est pas de même des 210 salariés du centre d'appel Timing à Montrouge, sous-traitant exclusif de SFR, la branche téléphonie de Vivendi, dont les emplois sont en passe d'être supprimés pour cause de délocalisation au Maroc. Le résultat du dumping fiscal, vous en conviendrez, laisse pantois ! Cependant, sans attendre une réforme nécessaire du dispositif, les députés communistes et républicains estiment urgent de prendre une mesure préventive et de plafonner les effets de ce régime à 20 % de l'impôt dû par la société concernée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Comme Nicolas Sarkozy l'a expliqué la semaine dernière, le régime du bénéfice mondial consolidé a été institué en 1965. Il a traversé toutes les législatures sans jamais être remis en cause, parce qu'il correspond à une nécessité. Seule une dizaine de grandes entreprises en bénéficient. Il est attribué par décision du ministre, après consultation d'une commission spécifique dont l'avis est toujours scrupuleusement suivi par le ministre. Il fonctionne de façon satisfaisante et permet d'éviter dans certains cas des délocalisations d'activité. Donc il ne faut en aucun cas le remettre en cause.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le ministre d'État, à la fin de la semaine dernière, s'est exprimé clairement sur cette affaire des bénéfices consolidés. Pourquoi ne sommes-nous pas favorables à votre proposition, monsieur Sandrier ? Ce régime consolidé, qui date des débuts de la Ve République, ne fait en réalité que placer les groupes agréés dans une situation comparable à celle de leurs concurrents et de tels régimes, souvent d'ailleurs de droit commun, existent dans la législation de tous les États. Ce n'est pas une affaire de grands groupes, cela peut concerner de petites sociétés moins connues. C'est en réalité le cas d'une société agréée sur deux. Adopter votre mesure, monsieur Sandrier, ferait perdre tout sens au régime. Elle risquerait d'entraîner la désaffection de ce bénéfice, alors que l'Europe réfléchit à un dispositif équivalent pour l'ensemble des pays de l'Union.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable à votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Le fait que ce texte existe depuis 1965 n'est pas un argument pour le maintenir. S'il est fondamentalement erroné, il faut se dépêcher de le modifier. Il est dommage que certains ne l'aient pas fait avant. Ce n'est toutefois pas une raison pour ne pas l'envisager aujourd'hui.

Sa justification première, qui était d'aider de grands groupes nationaux à s'implanter au plan international, a disparu. L'année 1965 est loin. Cette démarche n'est plus justifiée depuis longtemps !

Enfin, l'exemple de Vivendi est vraiment caricatural et tend à prouver que cette mesure est inutile. J'ai montré que ce groupe n'en avait plus besoin, puisque les emplois auraient de toute façon été créés ! Vivendi peut remercier le Gouvernement pour ce cadeau !

M. Richard Mallié. Le disque est rayé !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Nous allons essayer de faire en sorte que le disque ne soit pas rayé.

L'argument de l'ancienneté du texte ne me semble guère d'actualité, monsieur le secrétaire d'État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais il est toujours utile !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un bon impôt est un vieil impôt, monsieur Idiart !

M. Richard Mallié. Défendons l'entreprise française !

M. Jean-Louis Idiart. Il faudrait donc reconstituer la patente et supprimer la taxe professionnelle, voire recréer l'octroi. Vous entrez là dans une grande phase fiscale de révisionnisme ou de restauration. Nous sommes bien partis !

M. Jean-Louis Dumont. Cela donnerait une seconde jeunesse à certains !

M. Jean-Louis Idiart. Je croyais avoir entendu, depuis le début du débat budgétaire, que vous vouliez surtout toiletter, nettoyer, actualiser. Et voilà que vous nous dites que c'est un bon texte ancien et qu'il faut par conséquent le conserver.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il faut le conserver parce qu'il est efficace !

M. Jean-Louis Idiart. Quoi qu'il en soit, nous pensons, au groupe socialiste, qu'il serait tout de même judicieux de rendre ce mécanisme un peu plus transparent. Il est inacceptable que des sommes aussi importantes et déterminantes pour notre budget ne fassent pas l'objet, au minimum, d'une information de la commission des finances. Il faut cesser d'attaquer les uns ou les autres, car votre mécanisme n'a pas convenu au pays : la presse et surtout les parlementaires s'en sont inquiétés et offusqués. Pour réhabiliter le Parlement, la meilleure solution consisterait, je crois, à mettre en place un système reconnu et accepté, et cela passe par une explication transparente du ministre de l'économie et des finances devant la commission des finances.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 136 rectifié.

M. Yves Jego. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 291.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Au moment où l'aide publique au développement stagne, au moment où l'on se rend compte qu'il conviendrait de consentir des efforts financiers importants afin que la solidarité puisse jouer, au moment, enfin, où M. le Président de la République vient de réitérer, à New York, lors de l'ouverture de la session des Nations unies, les propos très forts et très positifs qu'il avait tenu au Sommet de Johannesburg, en réclamant une solidarité beaucoup plus importante - accompagné d'ailleurs par d'autres pays de l'espace européen -, il nous semble nécessaire de prévoir la mise en œuvre d'une mesure fiscale votée au cours de l'examen de la loi de finances pour 2002 : nous accomplirions en effet un acte de solidarité en appliquant dès le 1er janvier 2005 un taux de 0,05 % à l'ensemble des transactions financières.

On qualifie souvent ce prélèvement de « taxe Tobin ». Nous avons, dans un premier temps, sous une autre majorité, inscrit le principe de cette taxe dans la loi fiscale française,...

M. Yves Jego. Vous vous êtes d'ailleurs contentés de ça !

M. Jean-Louis Dumont. ...et il nous semble aujourd'hui nécessaire de l'appliquer.

J'en appelle à notre responsabilité collective : on ne peut pas être solidaire, on ne peut pas redistribuer, on ne peut pas effectuer du développement humain, comme le réclame le PNUD, en coupant les crédits.

Dans la discussion générale, un autre président de séance, aussi dur que vous, monsieur le président, m'a coupé avant la fin de mon propos. (Sourires.) Aussi, je souhaite rappeler aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, que le PNUD a axé l'analyse de son rapport annuel, paru en juin ou en juillet, sur l'aspect particulier de la culture, répondant ainsi à une des demandes formulées par la France, sinon par les institutions européennes. Cette prise de conscience du PNUD devrait tout de même attirer notre attention sur les faibles moyens mis à la disposition des instances internationales. Certaines lignes augmentent dans le budget de 2005, je sais, mais cela reste insuffisant.

Alors, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'État, entendez la voix de la raison, la voix de la solidarité, la voix également des valeurs républicaines, tant vantées par la France mais aussi tant admirées par les autres pays, qu'ils soient francophones ou non ! Faisons un effort au bénéfice du développement humain, de la solidarité, de l'aide publique au développement : instituons cette taxe sur les transactions financières !

M. le président. La commission entend-elle cette voix, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette voix me rappelle des souvenirs pas si lointains, du reste. La précédente majorité, dans un magnifique élan de générosité, a voté la taxe sur les transactions financières.

M. Jean-Louis Dumont. C'est tout à son honneur !

M. Yves Jego. Mais elle ne l'a jamais appliquée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Puis, dans un deuxième élan, non moins généreux, elle a fixé son taux à zéro ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Dumont. C'était la première étape ! La deuxième est pour aujourd'hui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, la taxe existe, mais son taux est nul.

Nous n'allons pas répéter le débat passionnant d'il y a trois ou quatre ans. Le principe même de cette taxe est très intéressant et des générations d'étudiants en économie ont planché sur ce que l'on appelait la « taxe Tobin ». Toutefois, comme l'avait fait remarquer le ministre de l'époque, Dominique Strauss-Kahn, l'on ne peut, en pratique, retenir cette idée car sa mise en œuvre requiert des accords internationaux, pour commencer, à l'échelon européen - ce qui est loin d'être le cas puisque aucun de nos voisins n'a adopté le principe d'une telle taxation -, et, de surcroît, au moins avec l'Amérique du Nord...

M. Jean-Louis Dumont. Les États-Unis n'en veulent pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et les grands pays d'Extrême-Orient. Or, pour le moment, nous n'y sommes pas parvenus.

Il n'en demeure pas moins que le Président de la République, à chaque réunion internationale à laquelle il participe, met cette idée en avant. Selon moi, nous pourrons avant tout la faire progresser au plan européen, mais il ne servirait à rien de fixer un taux dans la loi de finances car cette disposition serait totalement inapplicable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Le rapporteur général appartenant à la majorité, il est un peu normal qu'il caricature...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oh non ! Il en est incapable !

M. Jean-Louis Idiart. ...ce qui s'est passé sous la précédente législature. Généralement, il n'en fait pas trop, mais là, il ne se prive guère.

Vous auriez dû ajouter, mon cher collègue, que la précédente législature a été marquée par des débats forts. Vous préférez discuter, dans vos rangs, de l'ISF - avec des résultats manifestement plus concluants -, tandis que, pour notre part, nous avions des débats très forts qui, dans cet hémicycle, durèrent plusieurs heures, à propos de la taxe Tobin, ce prélèvement solidaire international. Ainsi, nous ne faisons aujourd'hui que continuer de souhaiter ce que nous souhaitions déjà alors.

Et, lorsque nous avons voté le principe de la taxe, c'était dans une intention très claire : mandater le gouvernement français pour aller discuter et se battre sur ce dossier au niveau européen. Or, depuis le début de la législature en cours, je n'ai pas entendu une seule fois un ministre aborder ce sujet dans un cadre européen. Le Président de la République, évidemment, lorsqu'il se rend aux Nations unies ou dans quelque pays en voie de développement, fait des déclarations...

Mme Maryse Joissains-Masini. Il fait de la politique !

M. Yves Jego. Il fait des déclarations, tout comme vous, monsieur Idiart !

M. Jean-Louis Idiart. Certes, mais nous proposons, pour que les choses avancent - c'est fort difficile, nous le savons - que l'on discute dès aujourd'hui de ce sujet au niveau européen. Au-delà de cet amendement, il serait donc positif que le Gouvernement se déclare prêt, par exemple, à intervenir dans le cadre européen, et peut-être, pour commencer, avec nos voisins et amis les plus proches, puisqu'une rencontre franco-allemande débute dans quelques heures.

Il serait grave, me semble-t-il, monsieur le rapporteur général, que notre assemblée ne fasse pas un pas dans cette direction.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je m'associe simplement à cette demande car j'estime que parler sans cesse de la taxe Tobin sans faire avancer les choses risque très rapidement d'apparaître comme une démarche politicienne, et, sur une telle question, personne n'y a intérêt.

Il faut tout de même considérer que ces transactions représentent 175 milliards d'euros par jour - le montant a été estimé lorsque le Président de la République est intervenu à New York - et il semblerait, mais cela mérite vérification, qu'une taxation de 1 %, c'est-à-dire absolument ridicule par rapport au total, produirait une somme considérable, permettant d'assurer les besoins minimaux en alimentation, en santé et en éducation des pays qui en ont le plus besoin.

Il n'est pas possible de balayer sans arrêt cette question d'un revers de manche ou de l'aborder dans des discours, à New York ou ailleurs, sans jamais en débattre au sein de l'Union européenne. Si la France est prête, demandons au moins que le sujet soit mis à l'ordre du jour. Si cela fait consensus - il semblerait que ce soit encore le cas -, que notre assemblée le propose.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je dirai d'un mot aux orateurs de l'opposition que j'ai préféré entendre le Président de la République, avec le président du Brésil, poser le problème à l'ONU, plutôt que de voir certains se rendre intéressants et sympathiques avec une mesure législative mais à un taux zéro.

M. Louis Giscard d'Estaing et M. Yves Jego. Tout à fait !

M. Richard Mallié. Bon tacle, monsieur le secrétaire d'État !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Naturellement, dès lors que le Président de la République, au nom de notre pays, s'est saisi du dossier, il le portera devant l'Union européenne, ce qui est en effet nécessaire, et, sur ce point, vous avez raison, messieurs.

M. Jean-Louis Idiart. Mais pourquoi le Gouvernement ne le fait-il pas maintenant ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'initiative politique a donc été prise ; elle sera poursuivie mais elle ne saurait se traduire par l'adoption d'un amendement comme celui-ci. Il n'en demeure pas moins qu'il est légitime de poser le problème lors de la discussion budgétaire.

M. Louis Giscard d'Estaing. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 405.

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 405.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 53.

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 52.

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 381.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement propose de revenir à ce qui était le taux normal de TVA, soit 18,6 %, avant son augmentation par le gouvernement Juppé en 1995.

Le Gouvernement soutient que la baisse de l'impôt et les nombreux cadeaux fiscaux qu'il accorde aux plus riches seront favorables à l'emploi et accompagneront la croissance.

M. Richard Mallié et Mme Maryse Joissains-Masini. Caricature !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est pourtant la vérité !

M. Richard Mallié. Non, c'est de la caricature !

M. Jean-Claude Sandrier. Mais l'expérience nous conduit à douter des pronostics gouvernementaux car elle nous montre que cela ne fonctionne pas. En effet, dans la « France de mai », M. Raffarin nous annonçait déjà que les résultats de sa politique pour l'emploi seraient visibles dès la fin 2003. Mais les résultats ne reflètent pas les améliorations promises, bien au contraire.

Vos mesures sont particulièrement injustes et, surtout, inefficaces. La logique, et même l'évidence, voudrait que l'on baisse les impôts indirects, qui sont les plus injustes. Nos concitoyens les plus modestes consacrent en effet la totalité de leurs revenus à l'achat de produits et de biens de consommation de première nécessité, tous frappés par la TVA, alors que les classes aisées n'y affectent qu'une petite partie de leurs revenus. Le reste, placé, bénéficie de nombreux systèmes d'exonération.

Par cet amendement, nous vous proposons un rééquilibrage entre fiscalité directe et taxes sur la consommation. La baisse de l'impôt sur le revenu et les atteintes successives portées à l'impôt de solidarité sur la fortune sont contraires à une vision de la société fidèle à l'esprit de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, à raison de leurs facultés. »

En adoptant cet amendement, vous accepteriez une mesure efficace pour soutenir l'activité économique et l'emploi par la relance de la consommation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

Je rappelle qu'un point de TVA en moins représente 4,5 milliards d'euros de moins. Gardons cet ordre de grandeur à l'esprit. L'argent public étant rare, il faut faire le choix entre une baisse générale, très coûteuse, et des baisses ciblées. Depuis deux ans, nous avons obtenu de Bruxelles la reconduction du taux réduit sur les travaux dans les logements, ainsi que du taux réduit pour les logements sociaux neufs, ce qui représentait un effort considérable.

M. Jean-Claude Sandrier. C'est la gauche qui l'a fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant à la baisse du taux pour la restauration, elle est toujours en instance, mais nous avons trouvé, dès cette année, une solution avec une baisse de charges sociales compensée pour les employeurs, qui a permis de sortir du SMIC hôtelier. C'était bien une mesure en faveur de l'emploi.

Je crois pouvoir dire que le précédent gouvernement, sous la précédente majorité, qui avait procédé lui aussi à des baisses ciblées, notamment sur le logement, avait regretté la baisse générale de 20,6 % à 19,6 %, dont les effets sont tellement diffus qu'ils ne permettent pas un véritable accompagnement de l'économie.

Dans l'avenir, et en fonction des moyens budgétaires disponibles, c'est plutôt vers des baisses ciblées des taux de TVA qu'il faut s'orienter.

C'est donc après une discussion approfondie en commission que nous avons rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je me contenterai de livrer un chiffre. Nicolas Sarkozy a souhaité que ce budget soit au service de l'emploi et nous avons voulu également, selon le souhait de notre majorité, diminuer l'endettement. Ce sera de 10 milliards. L'amendement de M. Sandrier, s'il était adopté, coûterait 5,5 milliards...

M. Richard Mallié. Une paille !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...et diviserait par deux la diminution de l'endettement !

Naturellement, le Gouvernement ne peut pas accepter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Comment pouvez-vous prétendre que l'objectif du Gouvernement est de procéder à des baisses ciblées de la TVA ? Vous m'en citerez une quand il l'aura faite !

Quant aux 4 ou 5 milliards nécessaires pour couvrir le coût de notre amendement, il est relativement facile de les trouver : vous pourriez revenir sur vos mesures en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune.

En fait, vous ne voulez pas aborder la question du choix entre une fiscalité proportionnelle et une fiscalité qui pèse plus sur les uns que sur les autres.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Dès qu'on aborde le sujet de la TVA, « courage, fuyons ! »

Vous évoquiez la diminution d'un point du taux de TVA sous la précédente législature. Mais nous n'avons pas encore fait disparaître les deux points dont nous avait gratifié généreusement M. Juppé en 1995 ! On n'en parle plus !

On nous a beaucoup parlé, en revanche, de la TVA sur la restauration. Vous aurez remarqué que nous n'avons pas déposé des quantités d'amendements sur ce sujet. Aujourd'hui, on ne nous en parle plus !

La meilleure chose qui ait été faite pour la restauration est certainement la nomination au Conseil économique et social de M. Daguin ! Voilà quelqu'un qui aura au moins gagné quelque chose dans cette affaire ! J'ai suffisamment subi sa démagogie lorsqu'il était votre candidat dans le Gers : il se présentait alors comme le grand défenseur de quelques causes ; on a vu ce que cela donnait ensuite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Bref, on ne nous parle plus de la TVA sur la restauration !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Moi, je vous ai parlé du SMIC hôtelier ! C'est une belle réforme, et généreuse !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cinq cents millions, hier, et le SMIC hôtelier !

M. Jean-Louis Idiart. Certes, mais vous n'allez pas très loin sur ces sujets !

Vous êtes pour une fiscalité ciblée et des baisses ciblées de TVA, dites-vous. Il est toujours plus facile de cibler sur une faible partie de la population - on l'a vu à propos de l'ISF - qui peut ainsi se tirer convenablement d'affaire. Il est vrai qu'ils sont peu nombreux.

Quant à la TVA, mieux vaut taxer les moins riches, car ils sont plus nombreux et que cela rapporte donc davantage !

S'agissant de la TVA, je le répète, aucun effort particulier n'a été consenti pendant le présent débat budgétaire. On a bien compris vos propositions en matière de fiscalité dans certains domaines mais, pour la TVA, on n'a rien vu !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Parce qu'il n'y a rien !

M. Jean-Louis Idiart. Effectivement ! Mais celui qui va faire ses courses tous les jours voit bien ce que cela lui coûte !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous, on a choisi de faire le treizième mois pour le SMIC ! On a pensé au pouvoir d'achat !

M. Jean-Louis Idiart. C'est trop facile !

Nous déplorons, je le répète, l'absence d'effort de baisse de TVA dans ce budget.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 381.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 82 et 184.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 82 est défendu.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour soutenir l'amendement n° 184.

M. Louis Giscard d'Estaing. Le chocolat et la confiserie, contrairement à la plupart des produits alimentaires, ne bénéficient pas du taux réduit de TVA de 5,5 %. Notre amendement propose de supprimer cette différence de taxation qui entraîne des distorsions de concurrence par rapport à des produits similaires qui ne sont pas taxés au même taux.

Il s'agit aussi de régler des conflits d'interprétation relatifs à la composition des différents produits concernés. Vous voyez à quoi je fais allusion !

Il s'agit, enfin, de permettre la réduction du prix payé par le consommateur final. Ce serait donc une mesure de relance de la consommation qui serait, par ailleurs, conforme aux souhaits exprimés par la Commission européenne concernant la révision de la VIè directive et de son annexe H projetée en 2003.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. Jean-Claude Sandrier. Trop cher !

M. Jean-Louis Dumont. Vive le chocolat, qui est un antidépresseur ! C'est un combat de santé publique !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les amendements « chocolat et margarine » rythment nos discussions budgétaires depuis au moins deux décennies. Un jour ou l'autre, il faudra bien aboutir !

Cela dit, l'état de nos finances publiques est tel que nous ne pouvons être favorables à ces amendements qui coûteraient quelques centaines de millions d'euros.

M. Jean-Louis Dumont. Pour le bonheur de tous les Français !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La situation du chocolat, de fait, n'est pas satisfaisante. Le petit carré que vous consommez avec votre café, mes chers collègues, est taxé à 5,5 %. En revanche, dès lors que le chocolat est vendu sous forme d'escargot ou sous toutes ces belles présentations où on le vend dans nos provinces, il est taxé à 19,6 % !

Selon l'emballage, le poids, la forme et la composition, la TVA est à 5,5 % ou 19,6 %.

M. Richard Mallié. On est, de toute façon, chocolat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est bien dommage, et il faudra clarifier les choses.

M. Jean-Louis Dumont. Il faut les clarifier dès maintenant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant à la margarine, chacun connaît ses vertus du point de vue de la préservation de notre santé. Pourtant la margarine est à 19,6 et le beurre à 5,5 : comprenne qui pourra ! Mais nous n'avons pas les quelques centaines de millions d'euros qu'il nous faudrait pour financer ces amendements. La commission des finances s'est donc montrée très raisonnable et c'est la mort dans l'âme qu'elle les a refusés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je n'ajouterai pas grand-chose au raisonnement remarquable du rapporteur général. J'ai écouté M. Giscard d'Estaing avec amitié et même avec gourmandise. Mais, dans l'état actuel de nos finances publiques, cette mesure n'est pas recevable.

Cela étant, comme la profession pose la question, je recevrai, cette semaine, le président des chocolatiers et confiseurs pour évoquer avec lui ces mesures. Peut-être, à terme, pourrons-nous envisager des dispositions avec eux. Dans le contexte de cette loi de finances, contrainte par la conjoncture et par l'ampleur de nos dettes, le Gouvernement ne peut accepter un tel amendement. Je le regrette et je souhaite, monsieur Giscard d'Estaing, que cela ne vous coupe pas l'envie de manger un morceau de chocolat sur le chemin de l'Auvergne ! Et je vous invite à retirer votre amendement, sachant que nous sommes sensibles à cette question.

M. Jean-Claude Sandrier. Combien vont coûter vos cadeaux sur l'ISF ?

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Merci, monsieur le secrétaire d'État, de cette réponse qui va dans le sens de la démarche à l'origine de cet amendement. Il est important que, à cette occasion, le Gouvernement ait rappelé qu'il a présente à l'esprit la nécessité d'uniformiser le taux de TVA, et en particulier de réduire le taux sur les produits à base de chocolat.

Si vous voulez bien prendre en compte les motivations de cet amendement, je le retire.

M. le président. Les amendements n°s 82 et 184 sont retirés.

La parole est à M. Jean-Claude sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je reprends, avec ou sans sa permission, l'amendement de M. Giscard d'Estaing car j'ai une proposition de financement : revenez sur vos dispositions concernant l'impôt sur la fortune !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184, repris par M. Sandrier.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 266.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. J'aurais, moi aussi, pu reprendre l'amendement sur le chocolat car il est cohérent avec celui-ci, qui concerne les bicyclettes.

Ne devrait-on pas prendre en considération ce que certains produits peuvent apporter à la santé publique ? Baisser le taux de TVA sur la margarine ou le chocolat pourrait bien avoir une incidence sur le financement de la sécurité sociale ! On nous dit ce que cela coûte dans le cadre du PLF mais pas ce que cela permettrait d'économiser dans celui du PLFSS. Combien de dépressions et d'excès de cholestérol évités ?

Le présent amendement, qui propose de baisser le taux de TVA sur les petits services de réparation de bicyclettes, viendrait en complément. Je ne suis pas sûr que cela coûterait très cher. En tout cas, vous donneriez ainsi un bon coup de main - ou de pied ! - à cette industrie qui en a bien besoin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

La réglementation européenne nous a permis de retenir trois dispositifs de baisse de TVA sur les services à haute intensité de main-d'œuvre. Nous avons choisi notamment le secteur des travaux dans le logement...

M. Jean-Louis Dumont. Excellent choix !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et les services aux personnes. Ayant ainsi épuisé nos droits de tirage, nous ne pouvons pas en ajouter un quatrième. Voilà pourquoi nous n'avons pas retenu cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 264 rectifié, 108, troisième rectification et 109, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir l'amendement n° 264 rectifié.

M. Jean-Louis Idiart. La Commission européenne a intégré les réseaux de chaleur parmi les biens et services pouvant bénéficier du taux réduit de TVA dans le cadre du projet de révision de la directive TVA.

Cette orientation est positive et permettrait l'alignement de la fiscalité pesant sur une énergie renouvelable et aux effets positifs en matière environnementale - le bois - sur celle actuellement applicable à l'électricité et au gaz.

Une telle mesure pourrait concerner à la fois l'abonnement et la consommation mesurée au compteur.

Elle permettrait, outre l'incitation au développement d'une énergie renouvelable, un allégement de la facture énergétique de nombreux ménages modestes, notamment les locataires de HLM.

Qui plus est, des estimations du coût budgétaire de la mesure, compte tenu du faible nombre actuel de chaufferies collectives et réseaux de chaleur utilisant le bois, indiquent que celui-ci pourrait être initialement très modeste - inférieur à 5 millions d'euros.

Nous proposons donc d'assurer la mise en œuvre de cette baisse du taux de TVA.

M. Richard Mallié. Que ne l'avez-vous fait avec la cagnotte ?

M. Jean-Louis Idiart. Après la hausse du prix du fuel et à quelques jours de l'annonce d'augmentations nouvelles - gaz, électricité -...

M. Jean-Louis Dumont. Les locataires vont souffrir !

M. Jean-Louis Idiart. ...il conviendrait d'envoyer un signal en direction de certaines catégories prouvant que nous pensons à elles et que nous faisons, dans ce domaine, un effort en matière environnementale.

M. le président. Les amendements nos 108, troisième rectification, et 109, deuxième rectification, vont dans le même sens.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je me souviens d'avoir déposé dans le passé des amendements similaires visant à ce que les abonnements aux réseaux de chaleur passent au taux réduit. Aujourd'hui, il est prévu de les intégrer dans le projet de révision de l'annexe H, laquelle fixe, au plan européen, les différents services pouvant faire l'objet du taux réduit.

Une fois la révision achevée, et compte tenu de l'évolution du cours du pétrole, il est probable que l'on encouragera la géothermie et la filière bois. Mais il faut encore un peu de patience car, pour l'instant, ces amendements sont incompatibles avec les directives européennes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 264 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108, troisième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109, deuxième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 223.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. Cet amendement traite également de la réduction du taux de TVA.

La Commission européenne a intégré les réseaux de chaleur parmi les biens et services pouvant bénéficier du taux réduit de TVA dans le cadre du projet de révision de la directive TVA.

Nous espérons que le rapporteur général fera un effort en faveur de cet amendement car, jusqu'à présent, nous n'avons pas été entendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'observation que je viens de faire vaut également pour cet amendement : la révision de l'annexe H est en cours et il nous faut donc attendre. Mais je pense que le Gouvernement pourra le confirmer : dès lors que cette directive sera adoptée, son application ne devrait poser aucun problème dans notre pays, qui dispose déjà de réseaux de géothermie bien développés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je le confirme, monsieur le rapporteur général, dès que cet accord sera intervenu, la réduction du taux de TVA sera possible.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je ne veux pas allonger le débat, mais je tiens à souligner l'importance de l'enjeu, d'autant que le prix du pétrole ne cesse d'augmenter. La réalisation des réseaux de chaleur est déjà ancienne. S'agissant de la cogénération bois, elle a eu le plus grand mal à démarrer. Or, dans certaines régions, la forêt française n'est pas seulement composée de grandes futaies, mais de taillis ou de taillis sous futaie. Si l'on veut assurer la survie et le développement de l'économie forestière, l'application du taux réduit de TVA est une voie qui mérite d'être explorée sans tarder.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le rapporteur général, je trouve que vous faites preuve de sévérité et que vous manquez de cohérence. En effet, notre amendement suit la procédure que vous avez proposée pour la restauration. Il n'est donc pas nécessaire d'attendre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela ne m'avait pas échappé !

M. Jean-Louis Idiart. Vous avez donc triché en me répondant !

Lorsque vous voulez vraiment satisfaire une catégorie particulière, vous n'hésitez pas à le faire et à prendre les mesures nécessaires. Là, vous ne le faites pas. Alors, dites-le franchement, ce sera plus clair pour les destinataires de cette mesure !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 222 et 384, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l'amendement n° 222.

M. Jean-Louis Dumont. Nos collègues Dosé et Tourtelier ont constaté que le taux de 5,5 %, applicable lorsque les déchets sont collectés et éliminés par une même collectivité ne s'appliquait pas lorsqu'une autre collectivité assure le traitement des déchets.

Dans le cadre du travail pédagogique réalisé au bénéfice de la collecte, du traitement, du tri sélectif et de la valorisation, l'application du taux réduit de 5,5 % à l'ensemble des prestations de gestion des déchets par les collectivités territoriales serait une mesure largement positive.

On ne peut réussir de politique ambitieuse en matière de déchets sans un traitement global. Cette différenciation des taux est une charge négative au regard des efforts que font les collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 384.

M. Jean-Claude Sandrier. La loi de finances pour 1999 a pour effet de faire bénéficier du taux réduit de TVA les prestations de gestion des déchets par les collectivités territoriales qui ont signé un contrat multimatériaux avec les sociétés agréées pour la valorisation des emballages.

Dans certains cas, la compétence est séparée en deux collectivités, l'une assurant la collecte, l'autre le traitement. Quand la collectivité assurant la collecte contracte avec une société agréée, la collectivité assurant le traitement n'a pas droit au taux réduit sur les prestations de traitement qu'elle finance.

C'est pour remédier à cette anomalie que nous vous proposons d'adopter cet amendement, qui ne peut être que bénéfique à la collectivité au regard de la forte augmentation des taxes et redevances relatives aux ordures ménagères.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces amendements sont sans objet car ils sont satisfaits par l'instruction fiscale du 12 mai 1999 qui ne réserve pas le bénéfice du taux réduit aux prestations rendues aux seules collectivités ayant conclu un tel contrat.

En effet, dès lors qu'une collectivité locale titulaire du service public de collecte et de traitement des ordures ménagères a recours à une autre collectivité pour l'une de ces prestations, celle-ci sera considérée comme un prestataire de premier rang et bénéficiera donc également du taux réduit de TVA, pour autant qu'un contrat ait été signé avec une entreprise ou un organisme agréé.

Je cite l'instruction, qui est très claire : « Dans cette hypothèse, la collectivité prestataire applique le taux réduit à la partie de sa rémunération correspondant aux prestations de collecte et de tri sélectif ou de traitement concerné par la mesure, soit lorsqu'elle a elle-même conclu un contrat avec une entreprise ou un organisme agréé ou lorsque la collectivité bénéficiaire des prestations a conclu un contrat et est membre d'un établissement public de coopération intercommunale ayant conclu un tel contrat. »

Si un problème particulier est porté à votre connaissance, monsieur Sandrier, je vous propose de l'examiner, soit avec la DGCL, soit avec les services du ministère.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. J'ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur général et j'ai noté l'attention portée par M. le secrétaire d'État à la démonstration. Celle-ci montre que l'application des textes votés dans cet hémicycle s'effectue en fonction des desiderata de l'administration, qui ne fait pas toujours preuve de cohérence à l'échelle du territoire.

Je me souviens d'un ministre s'engageant solennellement en matière de fiscalité agricole. Un an après, nous revenions ici avec les mêmes amendements, ce qui prouve, je le répète, que les propos tenus dans cet hémicycle ne se concrétisent pas toujours sur le terrain.

Monsieur le rapporteur général, si les cosignataires de ces deux amendements appartiennent à des groupes politiques différents, venant de territoires différents, c'est parce qu'ils ont constaté que la directive était appliquée inégalement sur le territoire.

Notre belle et grande administration, qui est au service des lois et des règlements de la République, doit donc être rappelée à l'ordre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. On peut suivre la proposition de M. Carrez, mais M. le secrétaire d'État peut aussi faire un rappel de directive : ce serait plus simple.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Tout à fait !

M. le président. Le Gouvernement s'y engage. Retirez-vous votre amendement, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Oui.

M. le président. M. Sandrier également ?

M. Jean-Claude Sandrier. Oui.

M. le président. Les amendements nos 222 et 384 sont retirés.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 382.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Le taux de TVA applicable aux abonnements annuels des particuliers aux services de gaz et d'électricité a été ramené par la loi de finances pour 1999 au taux réduit de 5,5 %. En revanche, les réseaux énergétiques de chauffage urbain, dépendant des collectivités locales et alimentant pour une part importante les logements collectifs sociaux gérés par les organismes HLM, restent assujettis au taux de 19,6 %.

Le présent amendement, s'il était adopté, permettrait l'application du taux réduit de TVA à l'énergie calorique ainsi qu'aux abonnements aux réseaux de chaleur utilisant cette énergie renouvelable.

À cet égard, je vous rappelle que le bois énergie - pour ne citer que lui - crée deux à quatre fois plus d'emplois que les énergies concurrentes, et que les réseaux de chaleur desservent essentiellement de grands ensembles de logements collectifs occupés par des ménages à revenu modeste. Les estimations effectuées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie montrent que cette disposition serait très efficace pour développer des chaufferies collectives au bois et n'aurait qu'une incidence budgétaire mineure.

Il apparaît équitable que la baisse de TVA soit étendue aux abonnements de distribution publique d'énergie calorique.

Le coût d'une telle mesure serait faible puisqu'il représenterait environ 5 % de l'impact de la réduction de TVA pour les abonnements EDF-GDF.

Il n'y a aucune raison de maintenir un taux de TVA aussi élevé. Il a pour seule conséquence de réduire l'accès aux réseaux publics d'énergie calorique développés par les collectivités locales, dont nul ne conteste pourtant l'utilité sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement pour les raisons évoquées précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 382.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 383.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. L'envolée actuelle, et selon toute probabilité durable, des prix du pétrole, même si elle s'explique pour une part par des manœuvres spéculatives, conduit à s'interroger plus fortement sur la stratégie à adopter en matière énergétique.

La France est très en retard par rapport à ses voisins dans le domaine des énergies renouvelables, sauf pour ce qui concerne l'hydroélectricité, mais celle-ci sert d'alibi.

Pour répondre aux besoins à moyen et long terme, une solution unique n'est pas envisageable. Il est indispensable, au contraire, de diversifier les sources d'énergie et de rechercher la complémentarité entre elles. En tant qu'énergie non polluante, l'éolien a un rôle à jouer, d'autant qu'il permettrait de développer une filière industrielle française.

C'est pour favoriser ce processus, au moyen d'une baisse du taux de TVA sur les matériels destinés à la production d'énergie éolienne, que nous vous proposons d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission l'a repoussé, dans la mesure où il est tout à fait incompatible avec la réglementation européenne actuelle. Ces matériels ne figurent pas à l'annexe H.

M. Jean-Louis Dumont. Cette annexe tombe comme une hache !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 383.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 81 et 239.

Ces amendements sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 81 et 239.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 91.

La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.

M. Richard Mallié. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tirant les conséquences d'une décision du Conseil d'État, l'administration fiscale autorise la déduction de la TVA grevant les dépenses de restaurant, de réceptions et de spectacles. Cependant, les dépenses d'hébergement et de logement ne sont déductibles que pour autant qu'elles bénéficient à des tiers à l'entreprise - concrètement, à ses invités. Ouvrir le droit à déduction pour ces dépenses lorsqu'elles sont en faveur des salariés et des dirigeants obligerait à modifier un article de l'annexe II du code général des impôts, et cette mesure relève du pouvoir réglementaire. C'est pourquoi la commission a jugé, après un débat assez long, qu'elle ne pouvait pas figurer dans la loi.

Considérez toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous vous adressons un message. Des discussions ont eu lieu pendant une bonne dizaine d'années avec les entreprises concernées sur la possibilité de déduire les dépenses de restaurant, avant que le Conseil d'État ne finisse par donner raison aux contribuables. S'agissant maintenant des dépenses d'hébergement, il nous semble que la question doit être clarifiée, sans quoi nous risquons de nouveaux contentieux et de nouvelles décisions de justice.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a entendu le message de la commission. Il saura travailler sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Le rapporteur général vient de rappeler l'enjeu. En matière de déductibilité de la TVA sur les notes de restaurant, une interprétation tout à fait contestable avait été donnée lorsque Laurent Fabius était ministre des finances. Il est vrai qu'en matière de cohérence, avec la gauche, nous savons à quoi nous en tenir.

M. Yves Jego. Très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing. À l'époque, on avait dénié ce droit lorsque les dépenses étaient effectuées au bénéfice des salariés de l'entreprise. Il fallait donc distinguer, dans le cas d'une note de restaurant, les invités d'une entreprise des collaborateurs de celle-ci, pour lesquels il était impossible de récupérer la TVA - en contradiction, d'ailleurs, avec le droit européen.

Dans son arrêt Alitalia, le Conseil d'État avait toutefois décidé que les dépenses de représentation engagées conformément à l'objet social de la société ne pouvaient être exclues du droit de déduire la TVA. Par la suite, la Cour de justice des Communautés européennes avait également condamné la France pour les mêmes raisons.

Le problème étant aujourd'hui réglé pour les frais de restauration, cet amendement vise à franchir l'étape suivante, celle des dépenses d'hébergement ou de logement. L'intervention du rapporteur général et la réponse du Gouvernement montrent bien qu'une décision est nécessaire dans ce domaine - par la voie du règlement s'il le faut. La TVA grevant ces dépenses doit également être déductible, par souci d'harmonisation et de cohérence avec les règles européennes.

M. le président. Compte tenu de ces observations, je suppose que vous retirez l'amendement ? (M. Mallié acquiesce.)

L'amendement n° 91 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 89, 185 et 498.

Les amendements n° 89 et 498 ne sont pas défendus.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour soutenir l'amendement n° 185.

M. Louis Giscard d'Estaing. Une entreprise peut obtenir le remboursement intégral du crédit de TVA dont elle dispose en fin d'année à la seule condition que ce crédit soit au moins égal à 150 euros. Il nous paraîtrait normal que l'administration fiscale soit tenue d'effectuer ce remboursement dans un délai de trente jours à compter de l'envoi de la déclaration par l'assujetti.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui concerne la partie réglementaire du code général des impôts. Je me dois de défendre ici les services de l'administration : s'il est un domaine où les choses se sont améliorées ces dernières années, c'est bien celui du délai de remboursement de la TVA déductible...

M. Richard Mallié. On peut encore faire mieux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aujourd'hui, ce délai est, dans la plupart des cas, inférieur à trente jours.

M. Louis Giscard d'Estaing. Justement !

M. Richard Mallié. Ça ne coûterait rien d'adopter l'amendement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S'il subsiste quelques dossiers pour lesquels ce délai est dépassé, il faudra veiller à le réduire.

Nous ne cessons de nous plaindre, les uns et les autres, que la loi s'encombre de dispositions réglementaires au point de devenir incompréhensible.

M. le président. C'est notamment l'avis du président de l'Assemblée nationale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il convient donc - et cela demeure l'argument principal - d'éviter ce travers à la loi de finances.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je comprends parfaitement la motivation de cet amendement, qui est de bon sens. Nous avons d'ailleurs demandé à l'administration fiscale de parvenir rapidement à ce qu'au moins 80 % des remboursements de TVA déductible soient effectués dans un délai inférieur à un mois. Par ailleurs, vous le savez, nous avons engagé une modernisation complète - par la voie, entre autres, de l'informatisation - des services de la direction générale des impôts. Nous allons donc obtenir par la force de l'action ce que vous voudriez obtenir par la force de la loi, au risque de susciter des contentieux, voire d'aller à l'encontre de l'objectif visé.

En outre, puisque la loi organique relative aux lois de finances va entrer en application, nous pourrions envisager, monsieur le rapporteur général, de fixer sur ce point des indicateurs de performance, afin que les députés puissent, dès l'an prochain, puis année après année, en suivre l'évolution. Si, dans la pratique, cette procédure se révélait un échec, nous pourrions alors recourir à la loi. Dans l'immédiat, je suggère le retrait de l'amendement.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques n°s 90 rectifié et 497 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 373.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous déposons régulièrement cet amendement, et depuis si longtemps que je m'attends à ce qu'il soit à nouveau repoussé.

Il s'agit de supprimer la majoration des frais d'émission établie en vue de la révision générale des valeurs locatives. Celle-ci n'ayant jamais vu le jour, une telle taxation est injustifiée et injustifiable. Je ne suis d'ailleurs pas certain qu'un contribuable ne gagnerait pas contre l'État s'il saisissait la justice à ce sujet.

Je vous sais très attentifs à la question des prélèvements obligatoires. Cet amendement vous donne l'occasion de concrétiser votre volonté de les réduire, ce qui est une bonne chose. En outre, son adoption serait une mesure de justice, dans la mesure où elle bénéficierait à un grand nombre de personnes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est en effet un amendement bien connu de la commission, qui l'a une nouvelle fois repoussé. La nouveauté, cette année, est que nous n'avons même pas eu de débat sur l'opportunité de réviser les valeurs locatives, ce qui pourrait laisser craindre un renoncement. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, qu'au ministère des finances, du moins, cette révision est toujours d'actualité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Je partage l'avis du rapporteur général au sujet de l'amendement. Quant à la révision des valeurs locatives, elle sera naturellement effectuée dans les années à venir. Tout dépendra de la date que voudront bien retenir les élus en fonction de certaines échéances locales auxquelles ils sont particulièrement attentifs...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 373.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 297.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Notre excellent collègue Augustin Bonrepaux propose le quasi-doublement de l'abattement spécifique dont bénéficient les associations sur la taxe sur les salaires.

Alors que le chômage des jeunes augmente et que les emplois-jeunes ont été supprimés, les mesures prises par le Gouvernement ont des effets négatifs sur la vie des associations, et notamment sur leur capacité à rémunérer leur personnel. C'est ainsi que les postes FONJEP sont remis en question d'une façon qui se veut subtile mais dont l'effet manifeste est que l'on supprime des emplois. On peut véritablement parler d'offensive anti-associative. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'économie sociale représente, dans le monde associatif, un million d'emplois en équivalents temps plein, et je ne parle pas des mutuelles et des coopératives. Les associations mériteraient donc une plus grande attention de votre part, et un autre sort.

Nous avons parlé tout à l'heure de l'Europe, et plusieurs orateurs se sont réjouis qu'on ait sanctuarisé les crédits au bénéfice de l'agriculture, mais, pour obtenir des crédits européens, il faut respecter des critères écologiques. Après avoir remis en cause les CTE, vous compromettez les efforts pédagogiques qui sont faits pour inciter les producteurs ruraux à faire de l'environnement un de leurs principaux axes de bataille pour les années à venir. La DIREN, notamment, perd des crédits sous prétexte qu'on n'arrivait pas à les utiliser. J'appelle votre attention sur l'effet négatif de telles décisions sur les associations qui font de l'éducation à l'environnement auprès des exploitants agricoles dans les vallées humides, dans les zones Natura 2000, et bien au-delà, pour une meilleure utilisation de l'eau. L'eau, on s'en est aperçu ces dernières années, est vitale, mais on est en train de la perdre, en quantité et en qualité.

Je pourrais prendre d'autres exemples dans l'aide à la famille, dans le domaine culturel ou sportif.

Augustin Bonrepaux et plusieurs de mes collègues vous proposent donc de compenser la suppression des emplois jeunes par le doublement de l'abattement spécifique dont bénéficient les associations sur la taxe sur les salaires, qui passerait à 10 500 euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. Jean-Louis Dumont. Toujours défavorable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Dumont, c'est un amendement à 250 millions d'euros que vous nous proposez. Nous ne pouvons pas faire un tel effort dans le budget pour 2005.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne suis pas étonné du refus du rapporteur général et du Gouvernement. Jeudi dernier, le Gouvernement a refusé un amendement à 25 millions d'euros alors qu'il s'agissait de financer les Restaurants du cœur. Rien pour les Restaurants du cœur,...

M. Jean-Louis Dumont. Rien pour les jeunes !

M. Augustin Bonrepaux. ...rien, si ce n'est une promesse de commission !

M. Yves Jego. Vous caricaturez ce qui a été dit ! Il y a eu la promesse d'être efficace !

M. Augustin Bonrepaux. Pourtant, nous avions présenté un amendement de repli, qui, lui, coûtait dix fois moins cher, mais, ici, quand on parle des pauvres, quand on parle des plus modestes, c'est toujours non. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Arrêtez de caricaturer !

M. Augustin Bonrepaux. Vous refusez 250 millions pour les associations, mais la baisse de l'impôt sur les grandes fortunes représentera davantage. Il y a 40 millions au titre de la revalorisation du barème et vous préparez déjà le plafonnement, qui coûtera 200 millions. Et vous allez en rajouter sous prétexte d'aider les entreprises.

M. Richard Mallié. Vous ne proposez rien !

M. Augustin Bonrepaux. Cela montre bien que ce budget est inégalitaire, fait uniquement pour les plus favorisés.

M. Yves Jego. Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Augustin Bonrepaux. Ça vous ennuie qu'on le rappelle mais, dans le pays, les gens s'en rendent compte et on va vous le dire. Si l'hiver est aussi rigoureux que le précédent, vous aurez à rendre compte à tous les pauvres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 87 et 499, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 87 est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 499.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 509.

La parole est à M. le secrétaire d'État pour le défendre.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est un sujet qui a déjà été évoqué devant les assemblées au moment du vote de la loi de Nicolas Sarkozy sur la relance de la consommation et de l'investissement.

Afin d'uniformiser le régime fiscal applicable aux acteurs du secteur des habitations à loyer modéré, l'article 96 la loi de finances de 2004 exonère d'impôt sur les sociétés les organismes d'habitations à loyer modéré ainsi que les SEM pour leurs opérations de logement social.

Cet amendement tend à repousser la date d'entrée en vigueur de cette réforme afin de permettre aux organismes HLM ainsi qu'aux SEM de mieux se préparer à sa mise en œuvre. Il vise aussi à neutraliser les conséquences fiscales qui résultent de la défiscalisation des SEM du fait de l'entrée en vigueur de la nouvelle exonération.

C'est un amendement utile qui permet de traverser la période de transition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement.

L'année dernière, nous avions eu une longue discussion sur le projet de défiscalisation des organismes HLM et des SEM au titre de leur activité de logement social, et on avait mis en avant, je m'en souviens très bien, la nécessité de prévoir une période transitoire pour ce changement extrêmement important. Vous proposez un an supplémentaire pour que les organismes puissent mettre en place notamment les procédures comptables et financières adaptées.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est la demande des organismes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ma part, je donnerai donc un avis plutôt favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Une fois n'est pas coutume, je vais féliciter le Gouvernement d'avoir pris cette initiative au bénéfice du logement social et de l'ensemble des organismes qui assurent cette mission de service public bien nécessaire en ce moment. M. Daubresse, à l'instigation de Jean-Louis Borloo, tente de relancer la construction de logements sociaux. Il y aurait une contradiction à bouleverser la fiscalité des organismes HLM au moment où l'on essaie de mobiliser toutes leurs forces et leurs fonds propres en faveur du logement social.

L'année dernière, avec son amendement, le sénateur Marini avait fait un mauvais sort aux organismes HLM. On reporte seulement à 2006 la date d'entrée en vigueur de la réforme. J'espère qu'on pourra y revenir car, vu l'équilibre délicat de leurs finances, les organismes HLM ne pourront pas supporter facilement cette révolution au moment où ils doivent n'avoir qu'une seule pensée : construire.

Bref, j'approuve cet amendement du Gouvernement, mais j'appelle son attention sur le fait que, pour autant, la question n'est pas définitivement résolue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 509.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Les articles 29 à 34 relatifs aux collectivités territoriales ont été examinés vendredi soir.

Article 35

M. le président. Je mets aux voix l'article 35.

(L'article 35 est adopté.)

M. le président. L'article 36 a été examiné vendredi en même temps que l'article 24.

Articles 37 et 38

M. le président. Je mets aux voix l'article 37.

(L'article 37 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

Après l'article 38

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 449 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l'article 38.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement vise à aider la presse, dont la situation est difficile.

M. Jean-Louis Dumont. Si elle était bonne, elle se vendrait !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je vous laisse la responsabilité de vos propos. Je pense que la presse française est de bonne qualité, mais qu'elle a des difficultés de diffusion. Des amendements ont d'ailleurs été adoptés dans cette première partie de loi de finances pour favoriser la multiplication des points de vente, ce qui aura, je crois, un impact direct sur la presse.

La presse essaie aussi de se moderniser, mais le contexte n'est pas très facile. M. Joyandet propose de modifier le code général des impôts et de porter de 1 à 2,25 % le taux de la taxe sur la publicité hors médias qui alimente le fonds de modernisation de la presse. Ce serait un geste très fort, sans impact sur le budget général.

J'aimerais en outre, monsieur le président, que d'autres journaux puissent prétendre à être éligibles au fonds de modernisation de la presse, je pense notamment à tous les journaux qui couvrent des domaines comme l'économie, le sport ou le social, et qui ont un véritable rôle dans le pays. La commission serait libre de choisir les journaux relevant du fonds, et je crois que ce serait un geste très apprécié dans notre pays. Nous allons prochainement fêter ici les vingt ans d'un grand syndicat de la presse magazine d'opinion à l'initiative du président Jean-Louis Debré. Je pense que ce serait un geste très bien ressenti par toute la presse française à la veille de ce colloque.

M. le président. Monsieur Baguet, l'amendement ne porte que sur un taux. Vous ne pouvez pas présenter une telle demande, qui fait référence à l'exposé sommaire, mais l'esprit de votre intervention est clair.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, pour différentes raisons, la première étant qu'il a pour conséquence d'augmenter la taxe sur la publicité. Or vous aurez probablement observé que, dans ce projet de loi de finances pour 2005, il n'y a pas une seule augmentation d'impôt. On l'a vu par exemple dans la nuit de vendredi à samedi, à propos de la redevance télé, nous nous sommes efforcés d'avoir un budget sans augmentation de la fiscalité, quelles que soient les taxes ou redevances concernées.

De plus, cette taxe alimente le fonds de modernisation de la presse. Or les reports de crédits s'élèvent à 35 millions d'euros. Chaque année, en raison de la lourdeur des procédures, et M. Baguet le sait bien, les crédits ne sont pas consommés.

Mieux vaut donc réfléchir à un fonctionnement plus souple du fonds, ce qui relève du domaine réglementaire, plutôt que d'augmenter une taxe qui, en apportant de nouveaux crédits à ce fonds, grossirait la trésorerie inemployée.

M. Joyandet, que M. Baguet a eu la gentillesse de suppléer, souhaitait que nous ayons cette discussion. La presse écrite traverse, il est vrai, une période difficile en dépit du système d'aides extrêmement développé dont elle bénéficie. Il faut donc réfléchir à de nouvelles modalités d'action.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous savons les difficultés que traverse la presse écrite : le développement de la presse gratuite, des titres qui s'interrogent sur leur avenir - un titre subit, avec bonheur, je l'espère, sa ixième reprise. Des problèmes se posent également dans la presse régionale. L'État verse 1,4 milliard d'euros d'aides directes ou indirectes à la presse.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, mais la question méritait d'être posée. Nous devons continuer à y travailler. Une société démocratique comme la nôtre a besoin d'une presse quotidienne, nationale et régionale, pluraliste et abondante. Or, actuellement, ses difficultés d'expression sont importantes.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Gilles Carrez a raison : le fonds de modernisation dégage déjà un solde de 35 millions d'euros, mais cela est dû à la longueur des procédures. On n'investit pas du jour au lendemain. Il faut réfléchir, faire des études de marché. La modernisation des imprimeries et des circuits de distribution demande du temps.

Le ministre de la culture a demandé un rapport dont les conclusions doivent être remises très prochainement. Puisque nous sommes presque en 2005, je pensais qu'il était opportun que nous nous prononcions par anticipation. Mais peut-être pouvons-nous trouver une autre formule.

Nous proposons d'augmenter la taxe sur la publicité hors médias de 1 % à 2,25 %. L'année dernière, on avait déjà augmenté cette taxe à la demande de M. Pélissard et du président de la commission des finances. Pierre Méhaignerie avait en effet montré l'intérêt de traiter de façon écologique tous ces documents que l'on appelle le hors médias.

Nous avions augmenté cette taxe, même si la presse écrite s'en était un peu émue à l'époque, et je crois que l'on avait trouvé un arrangement satisfaisant pour tout le monde.

Si l'on a augmenté cette taxe pour préserver l'environnement, on aurait pu aussi l'augmenter pour aider la presse à se développer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 449 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39.

(L'article 39 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 40.

(L'article 40 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 42.

(L'article 42 est adopté.)

Article 44 et état A annexé

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 209.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cet amendement est à la fois d'humeur, d'appel et de rattrapage.

En effet, le budget pour 2004 avait prévu des cessions du patrimoine immobilier de l'État pour 500 millions d'euros, mais elles n'ont pas dépassé 100 millions d'euros.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Certes, il y a eu des obstacles juridiques, des incertitudes sur les appels d'offres, mais il y a eu aussi, me semble-t-il, des mésententes entre ministères.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous souhaitons, par cet amendement, faire un appel fort, afin de rattraper ce qui n'a pas été fait l'année dernière. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'inscrire un supplément de cessions immobilières de 300 millions d'euros.

Il est en effet indispensable, dans la période actuelle, à la fois de mieux gérer le parc immobilier de l'État et de procéder à des cessions immobilières et foncières pour peser sur les prix.

La volonté du Gouvernement doit être totale ; un ministère doit s'engager sur cet objectif qui nous apparaît d'intérêt général, au point que nous en ferons probablement cette année la première des priorités de la mission d'évaluation de la commission des finances.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Telles sont la justification et la raison d'être de cet amendement d'appel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président de la commission des finances, non seulement le Gouvernement entend votre appel, mais il est décidé à l'écouter.

Il est vrai, comme vous l'avez rappelé, que le budget pour 2004 avait inscrit 500 millions. Je suis un petit peu plus optimiste que vous : nous en aurons réalisé, je l'espère, 150 millions. Mais la coupe n'est pas remplie.

Cela s'explique par diverses difficultés. Vous avez fait allusion à des difficultés d'ordre politique, j'y ajouterai des difficultés de nature administrative, le poids des habitudes, l'absence de volonté de changement, le fait que certains renâclent à quitter le VIIe arrondissement, même pour aller au sud de Paris. Tout cela est de l'ordre de l'inadmissible.

C'est la raison pour laquelle, avec Nicolas Sarkozy, dans le projet de loi de finances, nous avions inscrit 700 millions, c'est-à-dire un rattrapage de cette année insuffisante plus une part importante de cessions.

La mission interministérielle est maintenant en place, avec un délégué général et un délégué général adjoint. Les opérations sont en cours. Nous commencerons naturellement par l'École nationale d'administration, mais pas seulement, parce qu'il serait vain de se limiter à un symbole. Il faut aller encore plus loin. D'ailleurs, - je m'adresse aux députés qui ne sont pas élus de la région parisienne - les cessions de l'État ne doivent pas concerner que des sites parisiens ou franciliens. Dans nos régions et nos départements, des opérations doivent être menées dans le sens de l'intérêt général.

M. Michel Bouvard. Tout à fait, nous avons des exemples !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Méhaignerie, votre appel est plus qu'entendu. Il est tout à fait utile et important. Nous avions inscrit 700 millions, vous proposez 1 milliard. Je vous suggère, pour des raisons d'équilibre de notre budget par rapport aux recettes prévisibles, de couper la poire en deux et de majorer notre chiffre non pas de 300 millions mais de 150 millions. Si vous vouliez bien l'accepter, nous aurions quelque chose de compatible avec la loi de finances et un objectif atteignable. Rien ne serait pire, en effet, que de se fixer un but que l'on ne pourrait atteindre. L'objectif de 850 millions nous paraît réaliste. Nous le réaliserons naturellement sous votre contrôle et dans le cadre de l'application de la LOLF, ce qui nous permettra de mieux juger nos performances.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Chacun ici peut se réjouir de l'avancée faite par le secrétaire d'État.

À propos des difficultés que vous avez évoquées, je veux faire part, s'agissant non pas directement de l'État mais des offices agricoles, des résistances exprimées par exemple par la CGT de l'ONIC pour se déplacer de l'avenue Bosquet vers Montreuil, et je regrette que M. Brard ne soit pas là. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas ce qui va ralentir le plus le débat !

M. Didier Migaud. Des prétextes !

M. Hervé Mariton. S'agissant de la cession de l'ENA, je crois que l'on peut dire sans risque de se tromper que la plupart d'entre nous pensons que cette cession fortement symbolique devra se faire vers le privé. Nous ne comprendrions pas très bien qu'une telle cession se fasse à l'intérieur de la sphère publique, quelles que soient les candidatures. Si l'État se vendait à lui-même, de manière directe ou indirecte, ce ne serait pas un brillant exemple !

M. Jean-Louis Idiart. Donnez-nous la liste !

M. Hervé Mariton. Enfin, tant l'amendement de M. Méhaignerie que votre réponse démontrent très clairement que quand on veut on peut.

Voilà quelques mois, nous avions évoqué, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle, la question du patrimoine ferroviaire et la confusion qui régnait et règne encore entre la SNCF et RFF. Il apparaît aujourd'hui que ce qui avait été impossible à régler en sept ans semble pouvoir trouver une solution en l'espace de quelques mois. On doit donc saluer la volonté politique du Gouvernement, et peut-être aussi la stimulation que nous avons permise.

Cela situe aussi la hauteur de l'enjeu. Réseau ferré de France nous a confirmé que son propre programme de valorisation du patrimoine se faisait à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros. Ce qu'un seul établissement public peut faire, il n'y a pas de raison que l'État ne puisse le faire sur son propre patrimoine.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d'État, derrière le problème des ventes d'actifs, il y a celui de la mauvaise gestion immobilière de l'État. Pierre Méhaignerie a tout à fait raison de dire que ce sera l'un des principaux objectifs de la MEC pour 2005. En effet, parallèlement au frein mis aux ventes d'actifs immobiliers, des opérations immobilières aléatoires et fragiles sont engagées par différents ministères.

Augustin Bonrepaux, qui rapporte le budget du tourisme, pourrait attester que, alors que nous dénonçons depuis sept ans le fait qu'un tiers du budget des services centraux du ministère du tourisme soit absorbé par le loyer payé à Beaugrenelle, la solution qui a été trouvée pour reloger le ministère est encore plus coûteuse - dans les immeubles de Bofill, place de Catalogne, derrière Montparnasse -, alors qu'il y a vraisemblablement quelque part des locaux disponibles appartenant à l'État qui auraient permis de reloger ce ministère et de faire une réelle économie sur les coûts de gestion, suscitant ainsi une économie pour le contribuable et peut-être quelques moyens supplémentaires pour l'action de promotion de la France à l'étranger.

Cette situation n'est pas isolée. En province, nous pourrions tous donner des exemples de mauvaise gestion du patrimoine immobilier de l'État. Chaque parlementaire en a une liste. Il y a donc une véritable urgence. Ce doit être l'une des priorités de l'action publique, au travers des stratégies ministérielles de réforme. Chaque ministère doit avoir pour objectif de mieux gérer son patrimoine, mais il faut aussi une vision d'ensemble qui permette de reloger, dans des conditions plus intéressantes financièrement, des services de l'État qui sont actuellement logés dans le privé, à des prix hors de proportion avec ce que le contribuable peut supporter.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je partage ce qui vient d'être dit. Nous les élus, quand nous nous promenons dans nos circonscriptions, on nous fait des remarques sur tels locaux vides qui appartiennent à l'État. Les élus locaux que beaucoup d'entre nous avons été ou sommes savent très bien ce que c'est que gérer un patrimoine. Mais puisque nous sommes les représentants de la nation, c'est nous qu'on met sur la sellette - et non les hauts fonctionnaires, aussi brillants soient-ils - et, à travers nous, les ministres que nous soutenons.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je veux dire à mon tour combien cet amendement est utile et intéressant pour notre débat. Il permet à l'État à la fois de renforcer son effort en matière de gestion du parc immobilier et de tirer les conséquences de ses propres réformes. Plusieurs années après la fin du service militaire, de nombreux terrains militaires n'ont pas encore été réaffectés ou cédés alors que les collectivités locales sont sur les rangs pour les acquérir.

Enfin, sur la question des logements de fonction vacants dans le patrimoine immobilier de l'État, des études récentes sont parues. Il semblerait judicieux, dans le cadre de cet amendement, que l'on en tire aussi la conclusion que des logements vacants, et qui le sont depuis de nombreuses années, ont vocation à être cédés dans le cadre d'une gestion patrimoniale et immobilière raisonnée de l'État.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je suis abasourdi par ce que j'entends ! On nous dit d'une part qu'il faut améliorer la gestion du patrimoine de l'État et, d'autre part, que la meilleure façon de le gérer est de le vendre : on s'en débarrasse pour être sûr qu'il sera bien géré ! Nous assistons en outre à une surenchère étonnante : le Gouvernement propose de vendre, et on lui demande d'en vendre encore plus.

Monsieur le président de la commission des finances, l'année dernière déjà, j'avais demandé qu'on ne laisse pas l'État brader ce patrimoine sans contrôle...

M. Yves Jego. Ce sont des mots !

M. Augustin Bonrepaux. ...et que la commission des finances soit associée à ces opérations. Mon collègue Michel Bouvard a demandé pour sa part que la mission d'évaluation et de contrôle y soit associée. Or je ne me souviens pas qu'on nous ait jamais fourni des évaluations ou des prix de vente.

Je tiens par ailleurs à souligner une contradiction : au moment où l'État vend des locaux, le ministère du tourisme s'apprête à en louer, pour un montant qui correspond précisément à l'augmentation de son budget. Au moment même où l'on consent un effort pour le tourisme, on supprime - pour la première fois depuis quinze ans - toutes les subventions pour la modernisation et le tourisme social. Alors qu'en 2001, le contrat de plan prévoyait la modernisation du tourisme social,...

M. Yves Jego. Vous n'avez pas bien géré le patrimoine de la France !

M. Augustin Bonrepaux. ...cette année, on supprime les crédits.

M. Didier Migaud. C'est scandaleux !

M. Augustin Bonrepaux. Toutes ces contradictions montrent bien que cet amendement a pour seul objet de vous donner bonne conscience. En supprimant l'amendement de notre collègue Bouvard, qui s'est toujours intéressé au tourisme, vous voulez même supprimer le seul financement qui demeurera : celui de l'agence nationale des chèques-vacances. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ne venez pas nous dire que c'est votre souci d'une bonne gestion qui vous dicte ces contradictions : c'est que les caisses sont vides, et que vous essayez de les remplir par tous les moyens !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Bonrepaux, je n'accepte pas ces propos ! Tout d'abord, je rappelle que j'ai posé voici quelques années, du temps du gouvernement socialiste, une question écrite demandant quelle avait été l'évolution du nombre de mètres carrés de bureaux dans la région Île-de-France après la décentralisation de 1981.

M. Michel Bouvard. Il a augmenté !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Selon certaines sources, cette augmentation serait de 50 %. J'attends toujours la réponse à cette question.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Après la décentralisation, on a assisté à une augmentation sans fin de ces chiffres.

Par ailleurs, vous êtes sans doute le seul à penser que l'État gère bien son patrimoine immobilier ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En troisième lieu, nous avons tous intérêt, pour le foncier comme pour l'immobilier, à rééquilibrer l'offre et la demande.

M. Michel Bouvard. Tout fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout ce que fera l'État pour libérer des espaces fonciers ou immobiliers aidera à rééquilibrer les prix, de telle sorte que le prix de revient soit moins élevé pour l'État et pour l'ensemble de la société.

Monsieur Bonrepaux, je suis donc très surpris de vos propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 209 est rectifié, les mots : « 300 millions » étant remplacés par les mots : « 150 millions ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis favorable à cet excellent amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 209 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 530, qui récapitule les modifications apportées à l'article 44 et à l'état A.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire pour le soutenir.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'amendement n° 530 présente les modifications, remboursements et dégrèvements intervenus dans les recettes fiscales au cours des débats relatifs à la première partie de la loi de finances pour 2005. Le déficit proposé est ainsi majoré de 500 millions d'euros et s'élève donc à 45,435 milliards d'euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 530.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 44 et l'état A annexé, modifiés par les amendements adoptés.

(L'article 44 et l'état A annexé, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En application des articles 101 et 118 du règlement de l'Assemblée nationale, je demande, au nom du Gouvernement, qu'il soit procédé à une seconde délibération sur l'article 8 sexies créé par l'amendement n° 133 de M. Bouvard et, par suite, sur l'article 44 et l'état A annexé.

Seconde délibération

M. le président. En application de l'article 118, alinéa 3, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 8 sexies, ainsi que de l'article 44 et de l'état A annexé.

La seconde délibération est de droit.

La commission interviendra dans les conditions prévues à l'alinéa 3 de l'article 101 du règlement.

Article 8 sexies

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1, visant à la suppression de l'article 8 sexies.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission était opposée à cette disposition pour des raisons de principe : bien que les PME n'aient pas de comité d'entreprise, il ne nous paraît pas raisonnable de supprimer pour les salariés des PME la condition de ressources à laquelle sont soumis les salariés de toutes les entreprises.

Par ailleurs, selon les services du ministère, cet amendement aurait des conséquences financières importantes. Même si j'estime, intuitivement, que ce coût sera inférieur au chiffre avancé par le ministère, il reste loin d'être négligeable - de l'ordre de 100, voire 200 millions d'euros. Je suis donc favorable à la suppression de cette disposition, et donc à l'amendement n° 1.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Bouvard est bien conscient que l'amendement qu'il a proposé soulève plusieurs difficultés. Cette disposition risque tout d'abord de rompre l'égalité entre les salariés. Elle risque également d'introduire une incompatibilité avec les règles de concurrence de l'Union européenne. Enfin, et même si l'on peut en discuter le montant, cette mesure a un coût.

Il n'en reste pas moins qu'en présentant cet amendement et en le faisant adopter par l'Assemblée nationale, M. Bouvard a posé une vraie question.

M. Didier Migaud. Voilà qui va le rassurer !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je propose que nous réunissions sous quinzaine, autour des parlementaires qui ont travaillé sur cette question, notamment M. Bouvard et Mme Pavy, l'agence nationale des chèques vacances, les professionnels du tourisme et les représentants des PME, notamment la CGPME, afin d'examiner des solutions avant la fin du débat budgétaire. Il s'agit notamment de déterminer le rôle des organismes paritaires pour le chèque vacances dans les PME, les critères d'attribution et les conditions de ressources. À la question de M. Bouvard, et peut-être sous une autre forme, il nous faut trouver une réponse technique susceptible de devenir une réponse politique.

Monsieur Bouvard, cette promesse ne restera pas lettre morte et nous mettrons en place avec vous, sous quinzaine, je le répète, ce groupe de travail. Il nous reste encore quelques semaines de débat budgétaire pour avancer sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je ne vous cache pas ma déception de vous voir proposer cet amendement dans le cadre d'une seconde délibération. Mais, quelle que soit la majorité en place, nous sommes habitués aux feuilles roses et je me console un peu en pensant que, sous d'autres législatures, des collègues appartenant à la majorité ont éprouvé les mêmes regrets. J'apprécie cependant que ma proposition ne soit pas purement et simplement enterrée.

Permettez-moi de formuler trois remarques.

D'abord, l'inégalité entre salariés existe déjà : qui pourrait faire croire aux salariés des PME qu'ils ont les mêmes avantages que ceux des grands groupes ou que les fonctionnaires ? Ils n'ont ni jours de RTT, ni comité d'entreprise ou d'action sociale - ce qui explique les difficultés qu'éprouvent souvent les PME à recruter des salariés qui resteront durablement dans l'entreprise. La mesure que je propose me semble donc être une mesure de justice.

En second lieu, j'avoue ne pas bien voir quel problème poserait cette disposition du point de vue de la concurrence dans le cadre de l'Union européenne. Le chèque-vacances, en effet, s'il est un dispositif français, est également en train de s'étendre à d'autres pays.

J'en viens, enfin, au coût de la mesure. Depuis environ cinq ans qu'a été adoptée l'extension du chèque-vacances aux PME, seul un très petit pourcentage des salariés de ces entreprises a bénéficié de cette disposition. L'amendement que nous avons présenté se justifiait précisément par le fait qu'elle était souhaitée unanimement par le Parlement, puisqu'une proposition et un projet de loi ont été déposés, en des termes très proches, par l'opposition et par le Gouvernement. Le fait que mon amendement ait été adopté contre l'avis du Gouvernement témoigne bien de cette volonté partagée d'étendre aux PME le chèque-vacances.

La totalité des salariés des PME n'en profiteraient d'ailleurs pas immédiatement. La montée en puissance se ferait certainement en plusieurs années et, dans l'intervalle, le coût du dispositif ne serait donc probablement pas aussi élevé que l'affirment les services du ministère. Je crains même qu'il ne faille longtemps pour atteindre ce chiffre.

En outre, cette mesure n'est pas sans générer, parallèlement à la dépense, quelques retours. Or les recettes publiques correspondantes ne sont pas prises en compte dans le calcul du solde budgétaire qu'on nous présente, où n'apparaissent que les implications financières négatives.

J'accepte donc votre proposition de mettre rapidement en place un groupe de travail sur cette question : cela permettra peut-être d'adopter une disposition budgétaire dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année ; car je ne pense pas que cela soit possible avant la discussion du texte au Sénat, et il serait dommage qu'une fois de plus il revienne au Sénat de débattre d'une mesure souhaitée par l'Assemblée.

Mais peut-être que, dans le collectif de fin d'année, vous pourrez nous donner des nouvelles de l'avancée des travaux et nous faire quelques propositions. Sinon, nous pourrons toujours redéposer un amendement qui sera à son tour adopté avant de finir comme celui-ci. Mais je vous connais trop, monsieur le secrétaire d'État, pour douter que vous ne teniez les engagements que vous avez pris devant la représentation nationale.

Je vais donc à regret prendre acte de cette deuxième délibération. Mais je souhaite vraiment qu'une solution soit trouvée, parce qu'il y a là une mesure d'injustice profonde à l'encontre de certains salariés. De plus, au moment où chacun se plaint, le Gouvernement en tête, notamment M. Borloo et le Premier ministre, de la pénurie de salariés dans plusieurs secteurs, tels le bâtiment et le tourisme, je pense que les PME concernées auraient moins de difficulté à séduire durablement les Français qui recherchent un emploi si leurs salariés bénéficiaient des avantages qui existent par ailleurs, comme le chèque-vacances.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. On ne peut pas être surpris de la position du Gouvernement, parce que la seule mesure à caractère social qu'avait adoptée l'Assemblée, c'était déjà trop !

M. Yves Jego. Et la hausse du SMIC, ce n'est pas une mesure à caractère social ?

M. Jean-Louis Idiart. Ça n'est pas dans le budget !

M. Augustin Bonrepaux. Le refus du Gouvernement s'inscrit bien dans la perspective du budget du tourisme puisque celui-ci diminue de 16 % pour les actions à caractère économique, de 18 % pour le soutien aux associations ; et pour les programmes d'aménagement qui concernent le tourisme social, il n'y a plus de crédits ! Alors faire un effort pour l'agence nationale des chèques-vacances, c'était trop !

M. Richard Mallié. Et les 400 millions d'EDF gérés par la CGT ?

M. Augustin Bonrepaux. Aider un peu plus de gens nécessiteux à partir en vacances, cela ne fait pas partie de vos préoccupations.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. N'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. C'est la réalité, monsieur le secrétaire d'État, ce budget en est la preuve. L'Agence nationale des chèques-vacances contribue financièrement à l'aménagement et à la rénovation touristiques. Il faudrait lui donner plus de moyens. Moi, je vous réponds avec des faits : le financement pour le tourisme social est réduit à zéro ! Si vous me dites que ce n'est pas vrai, ce sera une heureuse surprise pour tous ceux qui ont des projets en ce domaine. Car vous savez qu'il y a des projets dans toutes les régions et que les infrastructures nécessitent des rénovations au fur et à mesure de leur vieillissement. Or, d'un côté, vous taxez les associations de tourisme au titre de la fiscalité et, de l'autre, vous réduisez de façon scandaleuse les moyens qui leur sont attribués.

Cette proposition était une mesure positive qui, bien sûr, passe à la trappe. Nous ne pouvons pas nous associer à tout cela.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Une erreur ou des oublis répétés ne deviennent pas une vérité.

M. Yves Jego. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Lorsqu'on fait l'addition de l'alignement du SMIC, qui représente tout de même plusieurs milliards d'euros compensés en partie par le budget de l'État et qui contribue grandement à la réhabilitation du travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ...

M. Yves Bur. Ça les gêne !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...de la prime pour l'emploi - 400 millions d'euros -, de l'effort fait pour les bas revenus en termes d'exonération de redevance,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pour un million de personnes !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...du SMIC hôtelier, dont vont profiter plusieurs dizaines de milliers de salariés, et des 400 millions prévus pour l'accession sociale à la propriété, je vois mal comment on peut contester l'orientation sociale de ce budget. Vous aurez beau mettre en exergue les 35 ou 50 millions pour l'ISF, cela ne représente que le trentième de ce qui est fait pour le secteur social.

M. Didier Migaud. Et tous les prélèvements supplémentaires ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il faut rappeler tous ces éléments, parce que, je le répète, des erreurs ou des oublis répétés sans arrêt ne font pas une vérité.

M. Richard Mallié. C'est de la malhonnêteté intellectuelle !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La partie sociale est largement dominante dans ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 8 sexies est supprimé.

Article 44 et état A

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2. C'est un amendement de conséquence présenté par le Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 44 et l'état A, modifiés par l'amendement n° 2.

(L'article 44 et l'état A annexé, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, auraient lieu le mardi 26 octobre, après les questions au Gouvernement.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, je souhaite dès maintenant, au terme de ces six jours de débats, remercier la présidence, les services de l'Assemblée, principalement ceux de la commission des finances, ainsi que les services du ministère de l'économie et des finances, à savoir la direction de la législation fiscale - dont on a beaucoup parlé - et la direction du budget, qui ont fourni un gros travail. Je remercie également la représentation parlementaire de la qualité du travail qui a été effectué sur tous les bancs pour que ce projet de loi de finances corresponde à nos objectifs de justice sociale et d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Là, ce n'est pas réussi !

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mardi 26 octobre 2004, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 ;

Fixation de l'ordre du jour ;

Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, n° 1830 :

Rapport, n° 1876 tomes I à V, de MM. Bernard Perrut, Jean-Pierre Door, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Georges Colombier, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 1877, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances de l'économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot