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Première séance du mardi 26 octobre 2004

30e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous informe qu'en raison de la réunion à Berlin du Conseil des ministres franco-allemand, le Premier ministre et un certain nombre de ministres ne peuvent être présents cet après-midi. Nous le regrettons, mais c'est ainsi.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

CONTRATS D'INSERTION

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Monsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, de nombreuses demandes de contrats emploi solidarité et de contrats emploi consolidé ont été refusées par vos directeurs départementaux du travail, faute de moyens budgétaires, aux lycées, aux collèges, aux collectivités territoriales et aux associations.

Certes, dans votre projet de cohésion sociale, vous avez proposé de nouveaux dispositifs de retour à l'emploi. Ce sont les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement pour l'emploi, destinés à remplacer les CES et les CEC.

Monsieur le ministre, ces contrats vont dans le bon sens, mais, comme vous le savez, ils ne sont pas encore opérationnels. Cette situation menace donc le bon fonctionnement des lycées, des collèges, des collectivités locales et bien sûr des associations, qui font un travail remarquable dans les missions qui sont les leurs, l'insertion sociale et professionnelle.

Que comptez-vous faire pour financer le renouvellement des CES et CEC, dans l'attente de la mise en place de ces nouveaux contrats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le député, il est exact que le plan de cohésion sociale prévoit la mise en place, l'année prochaine, des contrats d'avenir, qui incluent revenu, formation et travail, pour les Rmistes et les allocataires de l'allocation de solidarité spécifique.

Indépendamment de cela, il y a les contrats emploi solidarité et les contrats emploi consolidé. La question était de savoir quel serait leur avenir. J'ai donné des instructions pour qu'ils soient bien entendu maintenus et augmentés, à votre demande, pour les trois derniers mois : 20 000 par mois pour octobre, novembre et décembre.

À partir de janvier ou février, quand la loi sera entrée en application, une ligne budgétaire de 480 millions sera consacrée à ces contrats. Leur durée, qui était imparfaite - trois mois renouvelables -, sera fixée d'un commun accord entre le bénéficiaire, le maire et l'État. Il s'agira donc d'un dispositif à la fois souple et durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POUVOIR D'ACHAT DES RETRAITÉS

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Jeudi dernier, plusieurs milliers de retraités ont manifesté leur mécontentement à l'égard des décisions du Gouvernement, qui ont amplifié la chute de leur pouvoir d'achat. Conséquence directe des décrets Balladur et des mesures les plus récentes de la réforme dite Fillon, cette perte est de l'ordre de 10 % sur les dix dernières années. À cela s'ajoute le décret inique limitant le niveau des pensions de réversion.

C'est pourquoi les retraités demandent, au titre du rattrapage, une augmentation immédiate de 200 euros, et une retraite minimum garantie de 550 euros. Comme tous nos concitoyens, ils ne seront pas non plus épargnés par les augmentations du prix du gaz, de l'électricité, du timbre postal, des carburants, des transports collectifs, et j'en passe, augmentations autorisées par le Gouvernement. Et ce ne sont pas les maigres rattrapages du SMIC et de la prime pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), voire l'hypothétique remboursement d'un centime sur les carburants l'année prochaine, qui leur permettront de renverser la tendance. Il aurait été plus utile pour ces retraités et leurs familles de revaloriser les pensions, de soutenir l'emploi et la consommation, que d'accepter les injonctions du MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) concernant les licenciements économiques, et d'alléger l'impôt de solidarité sur la fortune pour les plus fortunés. (Exclamations et rires sur les mêmes bancs.) Décidément, votre politique de cohésion et de justice sociale relève d'une conception particulière !

Allez-vous vous décider à tenir compte de la réalité de la vie de nos concitoyens, ceux qui appartiennent à ce que le Premier ministre a appelé la France d'en bas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Madame la députée, sur des sujets aussi sérieux que celui-ci, il y a mieux à faire que de pratiquer l'amalgame, la caricature et la démagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La loi du 21 août 2003 a répondu très clairement, madame la députée, à de nombreuses préoccupations qui n'avaient pas été traitées par l'opposition actuelle à l'époque où elle était la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut savoir que cette réforme garantit qu'en 2008, aucune pension de retraite ne sera inférieure à 85 % du SMIC. Quand vous étiez au pouvoir, ce seuil était de 61 %, et cela ne vous dérangeait pas !

Par ailleurs, cette mesure a déjà commencé à porter ses fruits (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), puisqu'au 1er janvier, les pensions de ces personnes - 250 000 familles sont concernées - ont d'ores et déjà été augmentées de 3 %. Et cette augmentation va se prolonger.

Les pensions des quelque 150 000 poly-pensionnés seront également augmentées d'environ 20 %.

J'ajoute, madame la députée, que dans l'article 27 de la loi portant réforme des retraites, figure noir sur blanc une garantie du pouvoir d'achat. Elle s'est déjà traduite concrètement l'an dernier, puisqu'un coup de pouce a été nécessaire pour rattraper l'inflation. Cela a été fait, et vous verrez aussi dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous sommes en train de garantir le pouvoir d'achat des retraités.

Madame la députée, vous faites une fois de plus la preuve que face à des sujets aussi sérieux que le pouvoir d'achat des Français et des retraités, il y a ceux qui posent des questions et ceux - nous, en l'occurrence - qui apportent des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SERVICES PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Pélissard. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

Monsieur le secrétaire d'État, samedi dernier, à Guéret, à l'occasion de l'assemblée générale des maires de la Creuse, en tant que vice-président de l'Association des maires de France, je représentais Daniel Hoeffel, son président.

De nombreux maires, maires adjoints et conseillers municipaux ont déposé leur démission entre les mains de M. le préfet de la Creuse, pour exprimer leur inquiétude quant à la nécessaire présence en milieu rural des services publics. Ces services publics de proximité sont en effet les garants de l'attractivité de nos territoires et du service dû à nos populations. Ce geste ne peut être réduit à une simple dimension symbolique. Il traduit l'inquiétude des maires, des collègues, devant des décisions insuffisamment précédées de concertation.

Les élus locaux, monsieur le secrétaire d'État, comprennent la nécessaire évolution des services publics. Ils ne peuvent être taxés d'immobilisme. Par contre, ils veulent voir prendre en compte les nécessaires problématiques d'aménagement du territoire - dans le domaine postal, l'AMF y travaille d'ailleurs avec La Poste. Ils veulent que les adaptations du service public résultent d'une véritable concertation, préalable à toute décision.

Le rôle des maires, essentiel dans le fonctionnement de notre démocratie locale, ne doit pas se résumer à entériner des décisions prises ailleurs et sans eux. Il faut au contraire qu'ils puissent, le plus en amont possible, être consultés, entendus, afin que la question des services publics dans nos communes ne se règle pas sans eux.

M. Gilbert Biessy. Ça ne veut rien dire !

M. Jacques Pélissard. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer ce que le Gouvernement prévoit pour mieux associer les maires aux évolutions envisagées en ce qui concerne les services publics présents sur nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous abordez là un sujet extrêmement important. Je sais combien vous-même et l'Association des maires de France êtes présents sur le terrain pour suivre ce problème de la présence des services publics en milieu rural. Ce sujet nous intéresse et nous interpelle tous en tant que responsables nationaux, élus nationaux ou élus locaux.

Il nous faut remettre l'usager au centre de nos préoccupations, car il ne l'est pas toujours. Pour cela, vous le savez, nous devons adapter nos services publics à des exigences qui sont parfois nouvelles, en particulier celles qu'imposent les évolutions démographiques, mais aussi la polyvalence des services.

Depuis quelques mois, le Gouvernement a voulu recueillir les idées des acteurs sur le terrain.

M. André Chassaigne. Blablabla !

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. C'est pourquoi nous avons décidé d'organiser quelques expériences pilotes...

M. André Chassaigne. On sait ce que ça veut dire, les « expériences pilotes » !

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. ...dans quatre départements, en particulier dans la France rurale, afin de mieux appréhender les préoccupations des usagers, de nos concitoyens, et des élus locaux.

Un accord national a été signé en 2003 avec l'ensemble des grands opérateurs nationaux du service public. Il y en a une quinzaine. L'AMF est elle-même signataire de cet accord. Cette démarche de concertation a porté ses fruits sur le terrain (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et elle a été reprise dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui a fait l'objet d'un débat d'une excellente tenue à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Vos collègues sénateurs, et vous-mêmes, mesdames, messieurs les députés, avez adopté un amendement qui précise le rôle du préfet. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cet amendement me paraît très important, car il y avait jusqu'ici un manque de transparence dans les décisions et une absence totale de concertation.

M. Bruno Le Roux. Comment peut-on dire des choses pareilles ?

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Ce projet de loi devrait être prochainement adopté par le Sénat. Mais le Gouvernement souhaite, sans attendre sa promulgation, que l'esprit de ce texte puisse prévaloir sur le terrain, c'est-à-dire que les préfets puissent dès aujourd'hui organiser la concertation.

M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement sont mobilisés pour agir dans cet état d'esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste.

M. Bernard Roman. Ma question s'adressait au Premier ministre. En son absence, je l'adresse à M. Borloo, qui le représente au banc du Gouvernement.

Cette nuit, la Polynésie française (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est entrée un peu plus dans une crise institutionnelle et politique d'une certaine gravité. Cette crise est le résultat de l'action du Premier ministre. Dès le lendemain de la victoire d'Oscar Temaru,...

M. Jean-Michel Ferrand. Il est minoritaire !

M. Bernard Roman. ...il a remis en cause son élection, puisque sa ministre de l'outre-mer a déclaré ici même que le processus électoral n'était pas terminé.

Depuis, le Gouvernement n'a cessé de favoriser les intrigues de M. Flosse et de faire violence à la démocratie, laquelle avait pourtant clairement parlé. La coalition de M. Temaru avait obtenu, le 23 mai dernier, 55 % des suffrages des Polynésiens. On ne vole pas impunément sa victoire au peuple.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Bernard Roman. Tel est le message clair des 30 000 Polynésiens qui ont manifesté à Papeete et que viendra porter en métropole une délégation d'élus de la coalition majoritaire issue des élections territoriales de mai dernier. Elle demandera à être reçue par le Président de la République et par le Premier ministre parce que, en vertu de la loi, seules les plus hautes autorités de l'État ont désormais le pouvoir de dénouer cette crise en redonnant la parole aux Polynésiens ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je sais que vous allez chercher à justifier la situation actuelle en invoquant le droit, mais la République, ce sont aussi des valeurs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et une éthique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues !

M. Bernard Roman. Comment peut-on expliquer sans faillir (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. le président. Quelle est votre question, monsieur Roman ?

M. Bernard Roman. ...que le Gouvernement...

M. le président. Monsieur Roman, voulez-vous poser votre question maintenant, s'il vous plaît ?

M. Bernard Roman. Je vais la poser ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Eh bien, posez-la !

M. Bernard Roman. Pour la poser, encore faudrait-il que je puisse le faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues ! Posez votre question, monsieur Roman !

M. Bernard Roman. Comment peut-on expliquer sans faillir (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que le Gouvernement est du côté de la loi alors qu'il est du côté de Gaston Flosse (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme !

M. Bernard Roman. ...qui est mis en examen depuis un an pour des dizaines d'emplois fictifs (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Arnaud Montebourg. C'est vrai !

M. Bernard Roman. ...est soupçonné de malversations par la Chambre des comptes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), fragilisé par les premiers éléments d'un audit indépendant et sanctionné par les électeurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Roman...

M. Bernard Roman. Voici ma question (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) :...

M. le président. Posez-la !

Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Bernard Roman. ...accepterez-vous de recevoir la délégation des élus de Polynésie (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et, surtout, l'écouterez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Démission ! Démission !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

Madame Girardin, vous avez la parole.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, la France est un État de droit (« Ah ! » sur les sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et la Polynésie, c'est la France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cinq décisions de justice ont apporté la preuve que le Gouvernement en Polynésie est impartial (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et se situe résolument dans un seul camp : celui du respect de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'outre-mer. Deux décisions du Conseil d'État ont validé la procédure suivie pour l'élection du nouveau président de la Polynésie, deux autres ont validé la motion de censure qui a renversé Oscar Temaru. Une cinquième décision est intervenue mardi dernier : le tribunal de grande instance de Papeete a rejeté le recours contre le haut commissaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) accusé de voies de fait par les indépendantistes. Donc, vous avez tort de soutenir des actes dont l'illégalité a été avérée ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. On se moque du monde !

Mme la ministre de l'outre-mer. Cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant venant de la part du Tavini, un parti qui revendique l'indépendance et qui fait assez peu de cas des lois de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je voudrais rappeler avec force que, sans État de droit, il n'y a pas de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et quand on commence à mépriser la loi, on s'aventure sur un terrain dangereux ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Et le vote ? Je rêve !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je ne peux pas accepter que vous travestissiez la vérité comme vous l'avez fait, monsieur Roman ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je n'ai jamais dit après l'élection de M. Temaru que le processus électoral n'était pas terminé.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Si ! Vous l'avez dit ici !

M. le président. Écoutez la réponse, mes chers collègues !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je l'ai dit avant qu'il ne soit effectivement élu à la présidence du gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. C'est un mensonge !

Mme la ministre de l'outre-mer. Effectivement, une Assemblée est élue et un président doit l'être à son tour ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je n'accepte pas non plus que vous disiez que M. Temaru a eu 55 % des voix alors qu'il n'en a obtenu que 37 % !

Enfin, s'agissant de la transparence et du contrôle, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est le premier gouvernement...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Démission !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...à avoir introduit le contrôle de la chambre territoriale des comptes...

M. Bernard Roman. Qu'avez-vous fait de tout cela ?

Mme la ministre de l'outre-mer. ... pour vérifier l'utilisation des 150 millions d'euros de dotations correspondant à la compensation après la fin des essais nucléaires. Pendant les cinq ans où vous avez été au Gouvernement, vous n'avez jamais jugé utile de mettre en place ce contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !

RECHERCHE EUROPÉENNE SUR LES VACCINS

M. le président. La parole est à Mme Maryse Joissains-Masini, pour le groupe UMP.

Mme Maryse Joissains-Masini. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

Vous avez récemment déclaré, monsieur le ministre, que l'Europe devait se doter d'un véritable agenda scientifique pour la recherche d'un vaccin contre le sida et structurer sa recherche au niveau européen. Dans l'espoir de voir l'Europe parler d'une seule voix, lors de la conférence internationale sur le vaccin qui doit se tenir prochainement à Washington, vous avez pris l'initiative de réunir vos homologues européens à Paris afin d'arrêter une politique commune à ce sujet. Comme vous l'avez en effet indiqué lors de cette réunion, la recherche européenne est insuffisamment financée et trop fragmentée. La conférence de Washington peut être considérée comme le point de départ d'une collaboration sur la recherche d'égal à égal avec les États-Unis. En effet, alors que plus d'un tiers des candidats vaccins actuellement en développement clinique dans le monde sont issus de la recherche européenne, 90 % des premiers essais pour tester ces vaccins sur l'homme se déroulent aux États-Unis. Par ailleurs, le directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida a précisé que les essais de phase III qui doivent être pratiqués à grande échelle pour vérifier l'efficacité du candidat vaccin vont coûter de 50 à 150 millions de dollars.

Pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, un calendrier prévisionnel pour les essais cliniques et un éventuel vaccin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Madame la députée, quarante millions de personnes dans le monde sont aujourd'hui infectées par le VIH, dont deux millions et demi sont âgés de moins de quinze ans. Une personne est infectée toutes les six secondes. L'infection du sida a, aujourd'hui, deux caractéristiques. La première, ce sont les disparités géographiques, puisque vingt-six millions de personnes infectées vivent en Afrique subsaharienne, un million en Amérique du Nord et 600 000 en Europe de l'Ouest. La seconde caractéristique, ce sont les limites des traitements : ils sont très coûteux, ce qui empêche le Sud d'y accéder ; ils ont des effets secondaires et, enfin, sont très contraignants.

Face à cela, il y a le grand espoir du vaccin. Aujourd'hui, on peut dire que le vaccin protecteur à 100 % n'existera ni à court ni à moyen terme. En revanche, le vaccin dit de première génération, celui qui permettra de retarder la maladie, l'est. Aujourd'hui, entre le début de l'infection et la maladie, s'écoulent dix ans ; demain, grâce à ces vaccins, on pourrait gagner vingt à vingt-cinq ans sans ces traitements si durs à suivre. Il y a, en effet, vous l'avez dit, une vingtaine de candidats vaccins européens ; or 100 % des essais cliniques sont américains. Il n'y a pas de coordination scientifique européenne, d'où des problèmes politiques et économiques majeurs et, bien sûr, des problèmes de santé publique. J'ai donc, en effet, réuni mes homologues européens la semaine dernière à Paris pour mettre en place une stratégie vaccinale européenne avec la mise en place de réseaux européens d'essais cliniques vaccinaux. C'est ce qui sera défendu au niveau de l'Union européenne à Washington lors de la réunion décidée par Sea Island. Nous devons être attentifs à l'Europe de la santé, l'Europe de la recherche, donc de l'espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

BIOCARBURANTS

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. J'y associe mon collègue Alain Gest et ma collègue Pascale Gruny. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Elle concerne les biocarburants.

Ce vendredi, notre assemblée a effectué un nouveau pas décisif dans ce dossier suivi de très près dans cette maison par un groupe de travail très actif.

Ce dossier est stratégique à un triple titre.

Les biocarburants ou « pétrole vert » renforcent l'indépendance énergétique de notre pays à l'heure où le coût du pétrole constitue pour chaque foyer et chaque entreprise un véritable souci. Le développement de cette filière est très apprécié et on doit donc l'encourager.

Les biocarburants nous permettent de concrétiser notre lutte contre le gaz à effet de serre, l'incorporation d'alcool ou diester, et diminuent les émissions de CO2. Nous y sommes donc tous très sensibles.

Enfin, les biocarburants assurent au monde agricole et à la ruralité une perspective économique durable. C'est par milliers d'hectares que nous augmentons les surfaces emblavées destinées au « pétrole vert ».

Le groupe UMP a soutenu les avancées traduites dans la loi de programmation sur l'énergie, s'est réjoui de la visite de Jean-Pierre Raffarin en Picardie, en septembre dernier, et s'est félicité des déclarations du Président de la République dans le Cantal fixant le triplement de l'incorporation à 2007. La route est donc tracée.

Vendredi, lors de la discussion du projet de loi de finances et sur la proposition de Pierre Méhaignerie et de Gilles Carrez, certains députés de notre groupe ont proposé un amendement, que le Gouvernement a accepté, prévoyant l'incorporation de 130 000 tonnes supplémentaires pour l'année 2005. Voilà un signe fort et important.

Comment le Gouvernement compte-t-il faire pour réaliser les quatre unités de production supplémentaire d'éthanol et de diester ? Comment cette procédure se déroulera-t-elle pour doter notre pays le plus rapidement possible d'une forte capacité de production de biocarburants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le député Jérôme Bignon, vous avez rappelé vous-même toute l'importance qu'attachent le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement à ce dossier du développement des biocarburants. Hervé Gaymard a prononcé, sur ce sujet, en conseil des ministres, en août dernier, une communication et le Premier ministre a annoncé le plan biocarburants pour les années qui viennent, l'objectif étant que la France - et elle l'affirme avec force - respecte l'objectif fixé par l'Union européenne d'incorporer 5,75 % de biocarburants par litre de carburant consacré aux transports. Serge Lepeltier, dans le cadre du plan climat, a là aussi souligné l'importance du rôle des biocarburants dans la réduction des gaz à effet de serre. Les enjeux sont très importants. Vous avez cité l'enjeu énergétique. Il y a aussi l'enjeu pour notre agriculture : quelles perspectives dressons-nous pour elle ? Le sujet des biocarburants est, là aussi, essentiel.

Le Gouvernement est donc mobilisé. Le Premier ministre a annoncé le triplement de la production de biocarburants d'ici à 2007 dans le cadre d'une première phase pour atteindre l'objectif en 2010. Nous avons, pour cela, à construire l'équivalent de quatre usines produisant chacune 200 000 tonnes par an. Le Premier ministre a chargé le ministre de l'agriculture de coordonner la préparation de ce plan. Nous procédons actuellement à une consultation approfondie avec l'ensemble de professionnels. Les appels à projets seront lancés dans les mois qui viennent de façon qu'ils puissent être dépouillés au printemps 2005. Je rappelle qu'il faut entre dix-huit et vingt-quatre mois pour construire une usine. Si nous voulons atteindre l'objectif fixé et que ces usines soient donc opérationnelles en 2007, il nous faut tenir ce calendrier. Telles sont les informations que je peux vous communiquer aujourd'hui. Vous recevrez des précisions supplémentaires à l'issue de cette consultation, donc dans les semaines à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maurice Leroy. Très bien !

VIOLENCE SCOLAIRE

M. le président. La parole est à M. Daniel Vaillant, pour le groupe socialiste. (« Ah ! »sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Vaillant. Monsieur le président, monsieur le ministre représentant le Premier ministre, l'activisme médiatique de certains de vos collègues ministres n'y aura rien fait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La violence dans notre société n'a pas diminué depuis que vous êtes arrivé au Gouvernement. La presse l'a d'ailleurs révélé jeudi dernier, citant une note confidentielle des Renseignements généraux : la violence s'est encore aggravée en 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourtant, en 2003, Nicolas Sarkozy ne nous a épargné aucun coup d'esbroufe. On comprend aujourd'hui pourquoi ces résultats réels, eux, sont restés confidentiels.

M. Christian Estrosi. Vous êtes mal placé pour dire cela !

M. Daniel Vaillant. Ils sont mauvais et contredisent la version servie aux médias. Le nombre d'homicides sur mineurs est d'ailleurs en forte augmentation.

Une autre information est inquiétante : il y a quelques jours, les services de l'éducation nationale ont publié des chiffres particulièrement inquiétants. Je ne parle pas des chiffres du budget, qui le sont par ailleurs, mais bien de la violence scolaire, qui a augmenté de plus de 13 % en 2003-2004 par rapport à l'année précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le gouvernement de Lionel Jospin avait agi concrètement, dès 1997, pour réduire la violence scolaire en ciblant les moyens matériels et humains sur les secteurs difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais, depuis deux ans, le budget de l'éducation est en régression. Plus grave encore, la présence et la place des adultes à l'école sont négligées : on en compte des milliers en moins dans les établissements, infirmières, conseillers principaux d'éducation, surveillants et emplois-jeunes aides éducateurs.

Vous faites peser sur nos enfants le poids de vos cadeaux fiscaux en faveur des plus riches. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Les enfants eux-mêmes sont inquiets, la proposition de loi des députés juniors retenue lors du dernier parlement des enfants en témoigne. Quelle décision le Premier ministre envisage-t-il de prendre pour faire baisser la violence à l'école ?

M. Guy Teissier. Quel salmigondis d'idioties !

M. Daniel Vaillant. Allez-vous cesser de réduire le nombre d'adultes présents dans les établissements scolaires ?

M. Lucien Degauchy. Vous n'allez tout de même pas nous donner de leçons !

M. Daniel Vaillant. Comment et quand le Gouvernement compte-t-il se donner les moyens de lutter contre la violence dans notre société ? Il y a urgence, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Vaillant, je dois dire qu'il y a quelque chose de croustillant à vous entendre critiquer, en leur absence, l'action de Nicolas Sarkozy et de Dominique de Villepin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas notre faute s'ils ne sont pas là !

M. Bruno Le Roux. Vos propos sont scandaleux, monsieur le ministre !

M. le président. Monsieur Le Roux, calmez-vous !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est d'autant plus croustillant que la dernière année de votre action au ministère de l'intérieur avait été marquée, si ma mémoire est exacte, par une augmentation de 16 % de la délinquance. Or, depuis deux ans et demi, celle-ci a régulièrement diminué, dans des proportions jamais atteintes sous un gouvernement socialiste. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean Glavany. Vous avez le melon qui enfle !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous avez brossé très largement le sujet, mais je souhaite le recentrer un peu sur un point : la violence scolaire. Le drame survenu à l'école maternelle d'Altkirch a évidemment suscité chez tout le monde beaucoup d'indignation et de colère, mais il a aussi rappelé aux uns et aux autres que, là comme ailleurs, il faut réagir très vite. Premièrement, une enquête administrative a été diligentée sur place par François Fillon. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Et les emplois-jeunes ? répondez à la question !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Deuxièmement, la justice a été saisie. Troisièmement, l'inspecteur d'académie a immédiatement pris plusieurs mesures concernant la mobilisation des enseignants mais aussi la responsabilisation des parents, car cet aspect, lors de tels événements, est en première ligne.

M. Christian Paul. Circulez, il n'y a rien à voir !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Enfin, monsieur Vaillant, face à la violence scolaire, il est grand temps de se poser toutes les questions, et en particulier d'assumer une réalité de tous les jours en s'attachant à décloisonner des ministères habitués à travailler séparément. Une convention a ainsi été signée entre François Fillon et Dominique de Villepin contre la toxicomanie et le racket. Je pense aussi à Dominique Perben et à la sanction immédiate.

Mme Martine David. C'est du verbiage !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Enfin, puisqu'il est question de grandes idées, monsieur Vaillant, je vous dirai qu'il est grand temps, après vingt années d'hésitation, de remettre au goût du jour quelques valeurs perdues de vue, à l'école comme ailleurs : l'autorité,...

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...le respect et le civisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

CRISE DU LOGEMENT

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe UMP.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le secrétaire d'État au logement, la gauche vient une nouvelle fois de démontrer son talent pour donner des leçons sur des sujets à propos desquels elle n'a rien fait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

En ce début de semaine, c'est sur la crise du logement que le Parti socialiste, semblant découvrir le sujet, avait fait des déclarations tonitruantes. (Mêmes mouvements.)

De plus en plus de nos concitoyens rencontrent effectivement des difficultés pour se loger. Cette situation a plusieurs causes, à commencer par la très insuffisante production de logements sociaux à la fin des années mille neuf cent quatre-vingt-dix et au début des années deux mille, sous le gouvernement de Lionel Jospin. (Mêmes mouvements.)

La tendance a heureusement été inversée depuis lors, monsieur le secrétaire d'État, mais il faut poursuivre l'effort de production de logements sociaux.

Par ailleurs, les propriétaires privés se sont progressivement détournés de la location à des personnes disposant de ressources modestes. L'implication du parc privé est pourtant nécessaire, notamment pour répondre à la demande dans des zones comme les centres villes, où les possibilités de construction de nouveaux logements sont limitées.

M. Arnaud Montebourg. La question !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Enfin, l'érosion progressive des dispositifs d'accession à la propriété a malheureusement dissuadé certains de nos concitoyens qui souhaitaient devenir propriétaires.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez participé à l'élaboration du plan de cohésion sociale, présenté, en juin dernier, par le Gouvernement, et qui comporte un volet important en faveur du logement. Pouvez-vous nous dire de quelle manière le Gouvernement compte enrayer la crise du logement qui touche actuellement notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au logement.

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'État au logement. Madame la députée, les élus socialistes - pas tous, heureusement, mais au moins ceux qui se sont exprimés la semaine dernière sur la crise du logement - souffrent d'une triple crise d'amnésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls. Répondez plutôt à la question !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. le secrétaire d'État au logement. Ils ont oublié que, si Jean-Louis Borloo a dû faire voter en urgence, le 1er août 2003, une loi sur la rénovation urbaine, qui a concentré l'action des pouvoirs publics sur les quartiers les plus en difficulté de ce pays...

M. Jean-Pierre Balligand. Avec quel argent ?

M. le président. Monsieur Balligand, taisez-vous !

M. le secrétaire d'État au logement. ...et qui, jour après jour, permet d'obtenir des résultats salués, monsieur Balligand, par tous les élus, de droite comme de gauche - ils passent d'ailleurs actuellement des conventions avec le Gouvernement -, c'est parce que, au moment où il aurait fallu le faire, vous n'aviez pas pris la mesure de la fracture sociale frappant la France.

Ils ont oublié que si, dans le volet logement du plan de cohésion sociale, je dois proposer de multiplier par deux le nombre de logements locatifs publics sociaux,...

M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a pas de moyens !

M. le secrétaire d'État au logement. ...c'est bien parce que, en 1999, sous le gouvernement Jospin, 40 000 logements ont été construits, quand il aurait fallu en produire 80 000, et qu'il nous incombe par conséquent d'accomplir un effort exceptionnel pour rattraper ce retard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, ils ont oublié que le logement social ne se résume pas au parc public : nous devons aussi agir sur le parc privé. C'est pourquoi nous avons prévu de conventionner 40 000 logements locatifs privés au lieu de 20 000 et également, vous l'avez dit, madame Kosciusko-Morizet, de mener à bien la réforme de l'accession à la propriété la plus ambitieuse depuis Pierre-André Périssol, en doublant le nombre de primo-accédants à la propriété aidés par l'État.

M. Augustin Bonrepaux. Tout cela sans moyens ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie !

M. le secrétaire d'État au logement. Vous le voyez, madame la députée, de votre côté de l'hémicycle se trouvent ceux qui nous ont fait entrer dans la crise et, de l'autre côté, ceux qui vont nous en faire sortir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

PROTECTION DE L'ENFANCE

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe UMP.

Mme Claude Greff. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Madame la ministre, l'actualité de ces derniers mois a douloureusement rappelé à chacun d'entre nous la nécessité de toujours mieux protéger nos enfants. Vous avez d'ailleurs présenté ce matin, en conseil des ministres, les grandes orientations politiques que vous souhaitez poursuivre en matière de protection de l'enfance.

Depuis 1983, cette compétence, largement décentralisée, est confiée en particulier aux services de la protection maternelle et infantile et de l'aide sociale à l'enfance des conseils généraux, qui lui consacrent 5 milliards d'euros par an. Mais le champ de la protection de l'enfance est complexe et relève en fait d'une pluralité d'intervenants, l'État restant le garant de leur bonne coordination.

C'est pourquoi, après un certain nombre de faits divers, la rénovation de ces dispositifs est devenue un enjeu essentiel. La loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance permet certes, au travers de la création de l'Observatoire national de l'enfance en danger, de mieux connaître l'activité de l'ensemble des dispositifs de protection de l'enfance, mais il est indispensable de débattre de ce sujet, d'autant que le nombre d'enfants concernés par des mesures de protection n'a cessé de croître.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale des orientations que le Gouvernement entend prendre afin d'améliorer les dispositifs de protection de l'enfance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Madame la députée, je veux dire devant la représentation nationale que, face à ce véritable fléau que constitue la maltraitance faite aux enfants, le Gouvernement est totalement mobilisé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Aujourd'hui, en France, 263 000 enfants bénéficient d'une mesure de protection. Et pourtant, vous venez de le souligner, l'actualité récente a montré que les systèmes de repérage et de signalement de la maltraitance de l'enfance souffraient de graves lacunes, parfois tragiques.

C'est pourquoi, je m'y engage devant vous, ce thème fera l'objet d'un vaste débat public, que je voudrais orienter autour de deux axes : le signalement des mineurs en danger et leur prise en charge.

Pour ce qui concerne le signalement, il faut envisager la maltraitance dans toutes ses acceptions, qu'il s'agisse de maltraitance physique ou psychologique, cette dernière étant beaucoup plus pernicieuse et moins évidente à déceler, tant au sein des familles que dans les institutions accueillant des mineurs en danger. Il faut aussi rendre les signalements plus lisibles et redonner à l'ASE toute la force de sa fonction en la matière.

En ce qui concerne la coordination de la protection, il convient d'abord de désigner un référent unique chargé de suivre, dans la durée, le parcours d'un mineur en danger, à travers toutes les institutions chargées de lui venir en aide. Bien entendu, les modes de soutien et de prise en charge seront diversifiés.

À cet effet, deux groupes de travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Michel Françaix. Deux groupes de travail ! Rien que ça !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. ...vont être mis en place dès la semaine prochaine, et les conseils généraux seront très largement associés à ce travail. Les deux groupes présenteront des propositions concrètes dès le début de l'année 2005.

Je pense vous avoir convaincue, madame Greff, de la détermination du Gouvernement et en particulier de mon ministère à lutter contre la maltraitance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TARIFS DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste.

M. Christian Bataille. Je suppose qu'il est encore possible de s'interroger sur la politique de M. Sarkozy, même quand celui-ci est absent.

M. Michel Delebarre et M. Patrick Roy. Absolument !

M. Christian Bataille. En tout cas, à travers ma question, je le dis sans ambages, je vais critiquer la politique de M. Sarkozy tout comme je l'aurais fait s'il avait été là. (Exclamations et rires sur divers bancs.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues ! Ce n'est pas un scoop !

M. Christian Bataille. Je m'adresse donc à son représentant, si vous le permettez. (Exclamations sur divers bancs.)

M. le président. Nous avons compris. Allez-y, monsieur Bataille.

M. Christian Bataille. En juillet dernier, lors du débat sur le changement de statut d'EDF et de GDF, nous avions annoncé que, en dépit des dénégations du Gouvernement, les consommateurs allaient payer la facture de la privatisation. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Gilbert Biessy. Eh oui !

M. Christian Bataille. Or les présidents d'EDF et de GDF se précipitent en effet pour demander une augmentation des tarifs du kilowattheure électrique et du mètre cube de gaz. (Exclamations sur divers bancs.)

S'agissant de l'électricité, il vous sera difficile de nous faire croire que le tarif de cette énergie, nucléaire à 75 %, augmente à cause du prix du pétrole.

Face à cette demande d'augmentation injustifiée, la réponse dépend du ministre de l'économie et des finances et de lui seul, car EDF et GDF, malgré leur statut nouveau de sociétés anonymes, sont encore détenues à 100 % par l'État - même si nous craignons que ce ne soit plus pour longtemps...

Les socialistes souhaitent que vous répondiez non à cette demande d'augmentation car, après les baisses d'impôts pour les privilégiés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et les majorations du prix de l'essence et du gazole, les consommateurs pensent que ça suffit comme ça ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ma question est donc simple : quelle réponse allez-vous donner aux deux PDG de l'électricité et du gaz ? Oui ou non, allez-vous augmenter les tarifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, cette question, je trouve, méritait plutôt la sérénité que la surchauffe !

La décision sera rendue par le Gouvernement après l'avis de la Commission de régulation de l'énergie. Vous faites écho à vos prises de position d'il y a un an, au moment de la privatisation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), pour reprendre votre propre terme, mais vous oubliez un élément, c'est que, en 2003, la tarification avait baissé.

Si vous aimez le jeu des comparaisons, je vous rappelle que, entre 1997 et 2002, les tarifs du gaz avaient augmenté de plus de 20 % ! Et c'est vous qui en portiez la responsabilité ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si, aujourd'hui, nous répondions favorablement à la demande de GDF, cela porterait la tarification au niveau où vous l'avez laissée en 2001.

Voilà encore un domaine où vous devriez bien, surtout vous, monsieur le député, faire preuve d'une grande modestie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

INDUSTRIE AGRO-ALIMENTAIRE

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe UMP.

M. Marc Le Fur. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

La semaine dernière se tenait le salon international de l'alimentation. Nous avons pu apprécier, à cette occasion, le dynamisme des entreprises de l'agro-alimentaire en France, des grandes, bien sûr, mais peut-être plus encore des petites, qui assurent le tissu économique de bien des régions françaises. Ce dynamisme est à mettre au crédit des 420 000 salariés qui y travaillent, et qui vivent bien souvent en milieu rural.

Le secteur de l'agro-alimentaire, en dépit des difficultés qu'il traverse, continue à créer de l'emploi, très souvent qualifié.

Comment accompagner mieux encore le développement de ce secteur ? M. le Premier ministre, vous a demandé, monsieur le secrétaire d'État, de lancer un partenariat entre les pouvoirs publics et l'agro-alimentaire. Où en sommes-nous ?

Par ailleurs, le Gouvernement a lancé la politique des pôles de compétitivité, qui était très attendue, avec des aides particulières pour certaines régions très investies dans l'agro-alimentaire, comme le Grand Ouest, et la Bretagne en particulier. Sur ce sujet aussi, où en sommes-nous ?

Que pouvons-nous faire pour aider ceux qui travaillent et agissent en faveur de notre économie et de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur Le Fur, je reconnais, dans cette question, vos compétences en ce domaine, vous qui présidez le groupe d'études sur les industries agro-alimentaire dans cette assemblée.

Le salon international de l'alimentation a été une réussite. Tous les chefs d'entreprises, notamment françaises, que j'ai rencontrés tout au long de la semaine, se sont félicités de ce qui est certainement le plus grand événement mondial dans le domaine de l'alimentation, et qui fait honneur à la France. On a pu y constater la vigueur de la concurrence internationale, ce qui doit nous inciter à être actifs et à anticiper sur les fragilités de ce secteur.

Vous l'avez rappelé, monsieur le député, c'est la première industrie nationale. Elle crée de l'emploi, maille nos territoires et assure 70 % des débouchés de notre agriculture. Elle fait de nous les leaders mondiaux à l'exportation de produits alimentaires transformés. C'est dire que nous faisons la course en tête !

Il n'en faut pas moins anticiper sur les difficultés. C'est pour cette raison que le Premier ministre m'a demandé de travailler, aux côtés d'Hervé Gaymard, à un partenariat pour le développement de ces industries. L'objectif est ambitieux puisqu'il s'agit de porter de 420 000 à 500 000 le nombre des salariés qu'elles emploient à l'horizon de dix ans. C'est essentiel pour notre agriculture et pour nos territoires.

J'ai entrepris un travail avec les professionnels et les entreprises : commencé au mois de juin dernier, il devra être opérationnel à la fin du premier semestre prochain. Mais chaque fois que nous pouvons annoncer des mesures concrètes, qui sont validées par les pouvoirs publics et par les entreprises, nous le faisons. C'est ce que j'ai fait à l'occasion du SIAL, notamment sur le développement des fonds propres des entreprises, sur l'exportation et sur la valorisation des métiers de l'agro-alimentaire auprès des jeunes.

Vous voyez que nous sommes en mouvement. Il faut continuer. Et cette action concrète peut s'appuyer sur les propositions des parlementaires que vous êtes, auxquelles je suis très sensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Pavy, pour le groupe UMP.

Mme Béatrice Pavy. Madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées vient de passer en seconde lecture au Sénat. La semaine précédant cette seconde lecture, vous avez souhaité vous rendre sur le terrain, une nouvelle fois, pour mieux appréhender l'attente des associations et des familles, et pour visiter un certain nombre d'établissements accueillant des personnes handicapées. Nous avons, d'ailleurs, été heureux de vous accueillir dans la Sarthe, à l'institut médico-éducatif Jean-Yves Guitton à Savigny-l'Évêque.

Madame la secrétaire d'État, l'attente des personnes handicapées est grande. Vous l'avez vous-même ressentie au cours de ces visites. Des améliorations significatives ont été apportées au texte initial à l'Assemblée nationale concernant les conditions d'attribution de la prestation de compensation du handicap, avec la suppression des conditions d'âge et la quasi-suppression des conditions de ressources.

Malgré ces avancées, de nombreuses interrogations demeurent quant à l'application de ces mesures, plus spécialement pour les personnes handicapées qui souhaitent rester à leur domicile, avec toutes les charges financières qui en découlent. Certains conseils généraux ont déplafonné l'ACTP, allocation compensatrice pour tierce personne, jusqu'à 300 %, pour répondre aux frais liés à une prise en charge de qualité des personnes les plus lourdement handicapées.

Pouvez-vous me dire, madame la secrétaire d'État, quels enseignements vous avez tirés de vos visites sur le terrain et comment vous envisagez de perfectionner ce texte, afin qu'il réponde au mieux aux attentes des personnes handicapées et qu'il rende ainsi la société française plus solidaire et plus humaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame la députée, il est exact que j'ai fait le choix d'aller à la rencontre des associations et des professionnels, sur le terrain. À l'occasion de ce tour de France que vous évoquiez, j'ai eu également la chance d'inaugurer le très bel établissement, Jean-Yves Guitton, cet IME chargé de l'accueil et de la prise en charge de jeunes adultes polyhandicapés et autistes.

Puisque vous faisiez allusion au texte relatif à l'égalité des droits et des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées, je veux souligner l'une de ses avancées importantes : la création de la prestation de compensation. Surtout, le projet de loi en prévoit le financement, en particulier en apportant 850 millions d'euros, dont 550 millions pour la prestation individuelle et 300 millions pour la prestation collective. Cette avancée considérable va permettre aux départements, dont certains, c'est vrai, mènent une politique très offensive en matière de prise en charge et d'accompagnement des personnes handicapées, d'aller au-delà encore de cet effort : 72 % de plus pour les aides humaines, la prise en charge totale des personnes lourdement handicapées et la prise en charge du reste à charge pour les aides techniques.

Madame Pavy, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de souligner l'une des avancées sociales du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, à laquelle vous avez, mesdames et messieurs les députés, contribué. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

LOI DE FINANCES POUR 2005

PREMIÈRE PARTIE

Explications de vote et vote sur l'ensemble
de la première partie du projet de loi de finances

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, ce troisième budget de la législature poursuit la stratégie budgétaire du Gouvernement et de la majorité, marquée par un souci de sincérité et de transparence.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les hypothèses économiques sont prudentes. Je rappelle, pour en témoigner, que nous avions prévu un taux de croissance de 1,7 % en 2004. Il sera très certainement de l'ordre de 2,5 % et c'est précisément ce chiffre qui a été retenu pour fonder la prévision de recettes, au demeurant extrêmement prudente, du projet de budget pour 2005.

Ce budget suit aussi une stratégie de maîtrise des dépenses qui sont reconduites en volume pour la troisième année consécutive, tout en garantissant le financement des priorités de la législature. Trois ans de maîtrise totale des dépenses de l'État, cela ne s'était jamais vu. Le déficit diminue de 10 milliards d'euros par rapport à la prévision de 2004. Cela non plus ne s'était jamais vu.

Priorité a été donnée à la réhabilitation du travail : avec la réunification des SMIC par le haut, la revalorisation de la prime pour l'emploi et la réforme de l'apprentissage, nous plaçons clairement la revalorisation du travail au premier rang de nos priorités. Jamais le gain de pouvoir d'achat n'aura été aussi important pour les salariés au SMIC. C'est l'équivalent de plus d'un treizième mois entre 2003 et 2005.

Un ensemble de mesures fiscales positives pour les ménages et les entreprises ont été prises : des mesures pour tous, comprises par tous, avec la baisse des droits de succession, puisque, désormais, il y aura une franchise totale pour les patrimoines inférieurs à 100 000 euros. Des mesures pour l'emploi et la croissance ont été initiées, avec la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés.

Cette loi de finances met aussi en œuvre le volet financier de la décentralisation, avec la réforme des dotations de l'État, afin de favoriser la péréquation et le financement des transferts de compétences par des transferts d'impôts, conformément au principe d'autonomie financière, c'est-à-dire dans la droite ligne de la réforme récente de la Constitution.

C'est enfin la réforme de l'État, avec la mise en œuvre de la loi organique concernant les objectifs, les indicateurs de performances et l'évaluation de la dépense publique, avec la recherche d'une meilleure efficacité dont témoigne la refonte du recouvrement de la redevance audiovisuelle.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, pour éclairer les perspectives pour 2005, je voudrais rappeler les excellents résultats de l'exercice 2004 : la dépense sera tenue à l'euro près, les recettes seront sensiblement supérieures à la prévision de la loi de finances initiale et, par conséquent, le déficit marquera une baisse de 5 milliards d'euros.

Au terme de ce débat, je voudrais remercier les nombreux intervenants qui ont été extrêmement assidus pendant cette discussion budgétaire.

Je remercie également mes collègues de la majorité pour le travail de grande qualité qu'ils ont accompli et je salue la pugnacité de nos collègues de l'opposition.

Je tiens aussi à remercier les présidents de séance successifs qui ont su diriger nos débats avec efficacité et doigté : vous-même, monsieur le président Le Garrec, mais aussi le président Jean-Louis Debré, ainsi que Paulette Guinchard-Kunstler, François Baroin, Yves Bur, Maurice Leroy et Éric Raoult.

Mes remerciements s'adressent encore aux personnels et aux services de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à la presse qui a rendu compte de nos débats avec une grande précision.

Enfin, je remercie M. le secrétaire d'État - et vous transmettrez nos remerciements au ministre d'État Nicolas Sarkozy -, ainsi que Jean-François Copé, et l'ensemble de leurs collaborateurs avec qui nous avons toujours pu dialoguer et qui ont fait preuve d'une grande disponibilité. Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je tiens à saluer votre grande ouverture d'esprit face aux différents amendements que nous vous avons proposés.

La commission des finances vous appelle donc, mes chers collègues, à voter cet excellent budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord excuser l'absence de Nicolas Sarkozy, qui accompagne le Président de la République et le Premier ministre à Berlin pour assister au quatrième Conseil des ministres franco-allemand.

Je voudrais à mon tour, comme l'a fait le rapporteur général, remercier les différents intervenants. Certes, monsieur Migaud, nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur tous les aspects de ce budget (Sourires), mais nous avons honoré la démocratie par un débat de qualité sur les sujets de fond qui préoccupent nos concitoyens.

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais vous rappeler les grandes lignes de ce budget, au moment où vous allez vous prononcer par un vote.

D'abord, ce projet de loi est marqué par le refus du fatalisme.

Nous proposons aux Français un pacte pour la croissance, reposant sur quatre piliers : réduire les déficits, soutenir la croissance et l'emploi - avec une croissance partagée -, respecter nos engagements et agir pour tous dans le sens d'une plus grande justice sociale. Comme l'a souligné le Président de la République, c'est « un budget d'action pour l'emploi, pour la croissance et pour l'avenir ».

Notre première priorité est de réduire les déficits pour soutenir la confiance des Français et retrouver des marges au profit d'une politique économique volontariste.

À ce titre, le budget pour 2005 marque une réduction historique du déficit : avec 45 milliards d'euros, il s'inscrit en diminution de 10 milliards d'euros par rapport au déficit prévu dans la loi de finances pour 2004. C'est la plus forte réduction des déficits de l'État jamais inscrite en une seule année.

Les dépenses sont stabilisées pour la troisième année consécutive : elles s'élèvent à 288,8 milliards d'euros, soit + 1,8 %, c'est-à-dire l'estimation de l'inflation en 2005.

Enfin, les déficits publics sont menés à 2,9 % du PIB en 2005, conformément aux engagements souscrits par la France auprès de ses partenaires européens.

Soutenir la croissance et l'emploi en préparant l'avenir est notre deuxième priorité. Nous nous battons sur plusieurs fronts. Nous allégeons les charges pesant sur nos emplois, avec la suppression en deux ans de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et le prolongement jusqu'au 31 décembre 2005 du dégrèvement de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements. Nous prenons des mesures actives pour prévenir les délocalisations, inciter à la relocalisation et encourager la constitution de pôles de compétitivité. Comme le souhaitait le Premier ministre, nous faisons de la recherche une priorité pour la croissance et, dans le cadre d'un plan national, une enveloppe de 1 milliard d'euros est prévue pour préparer la France aux défis de demain. Enfin, nous encourageons les Français à créer des emplois par le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile et par le dispositif en faveur de l'apprentissage.

Notre troisième priorité est le respect de nos engagements.

Ainsi, les lois de programmation que vous avez votées sont respectées : loi de programmation militaire, lois de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice. Le plan Borloo - loi de cohésion sociale - est financé à hauteur de 1 milliard, comme prévu. Ainsi que le souhaitait le Président de la République, l'accroissement de l'aide publique au développement est poursuivi et porte notre effort total à 0,5 % du PIB en 2007.

En outre, notre priorité absolue est de faire de ce budget un budget de justice sociale. Les allégements de charges permettront au 1er juillet 2005 de revaloriser le SMIC de 3,7 % de plus que l'inflation, c'est-à-dire de 5,5 %.

Des crédits sont prévus pour réduire les charges de l'hôtellerie et de la restauration en contrepartie de la suppression du SMIC hôtelier.

Enfin, et nous en avons longuement débattu, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la prime pour l'emploi voit son barème revalorisé de 4 %. Cette dépense de 400 millions permettra de maintenir le soutien public aux revenus de plus de 8 millions de personnes.

M. Augustin Bonrepaux. C'est une aumône !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Que vous n'avez pas faite quand vous étiez au Gouvernement !

Les modalités d'imposition des personnes liées par un pacte civil de solidarité sont alignées sur celles applicables aux contribuables mariés.

Par ailleurs, M. Martin-Lalande et un grand nombre d'entre vous y ont beaucoup travaillé au fil des ans, nous avons mené à son terme la réforme de la redevance audiovisuelle, avec 1 million d'exonérations supplémentaires, notamment pour les personnes bénéficiant du RMI.

Au total, ce budget marque une volonté forte en faveur de la croissance et de l'emploi, et je remercie la majorité de soutenir son ambition.

Je voudrais enfin souligner que ce projet a été enrichi, grâce notamment au travail de la commission des finances. Les amendements témoignent de la qualité du dialogue entre le Gouvernement et sa majorité. Le débat a ainsi permis de progresser sur des sujets évoqués depuis plusieurs années.

Tout d'abord, l'ISF est maintenu et nous avons trouvé un accord sur l'actualisation du barème. Par ailleurs, un travail sera mené sur une mesure à destination de l'emploi et de l'investissement dans des PME - M. Novelli avait évoqué ce sujet lors du débat. La question du plafonnement doit également être débattue entre votre assemblée et le Sénat.

Nous avons pris des mesures importantes en faveur des entreprises individuelles : la déductibilité du salaire du conjoint, que réclamait depuis fort longtemps l'Assemblée nationale, a ainsi été actée.

Alors que nous connaissons des difficultés en matière énergétique, nous sommes parvenus, en matière de biocarburants, à un excellent accord. Deux amendements ont été votés avec l'accord de tous les groupes siégeant dans cette assemblée. Le premier prévoit, par un effort sans précédent, d'augmenter de 130 000 tonnes, dès l'an prochain, les quotas d'incorporation de biocarburants ;...

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...le second applique une majoration d'impôt sur les sociétés aux distributeurs qui n'utilisent pas un minimum de biocarburants dans le volume total de carburants qu'ils mettent à la consommation annuellement. À l'heure où nous devons porter nos efforts sur le développement, à long terme, d'énergies alternatives, ces amendements sont fondamentaux.

Je terminerai par trois mesures dont la qualité a été améliorée grâce à votre travail : les pôles de compétitivité, dont le régime a été étendu, la déduction pour aléa des agriculteurs, qui inclut désormais le pétrole et le gazole, et enfin une mesure sur la TIPP en faveur des exploitants de transport routier, qui sont l'une des professions les plus concernées par la hausse actuelle du prix des carburants.

Dans ce débat, le Gouvernement a souhaité montrer son ouverture à l'égard de l'initiative parlementaire. Naturellement, je souhaite que la deuxième partie se déroule dans le même esprit. Dans l'immédiat, je vous demande de bien vouloir approuver la première partie du projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'issue de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, le sentiment du groupe UDF est un mélange de satisfactions, d'interrogations et d'attentes.

M. René André. C'est très centriste, ça !

M. Charles de Courson. Satisfaction, en premier lieu, d'avoir été écouté et entendu par le ministre d'État. Nous lui avions exposé, lors de la discussion générale, les critiques du groupe UDF sur le projet de loi de finances et surtout sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais aussi les points d'approbation et les propositions dont le résultat conditionnerait notre vote final.

Pour la première fois depuis le début de la législature, le ministre d'État a reçu les deux groupes UDF de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les écouter et voir dans quelles conditions leurs critiques et suggestions pouvaient être prises en compte.

Tout d'abord, il a entendu deux de nos suggestions en matière de fiscalité de l'énergie. La première consistait en ce que l'État ne s'enrichisse pas du fait de la hausse du prix du baril du pétrole et rende rapidement aux Français ses plus-values fiscales.

Dès la semaine dernière, le ministre d'État a annoncé la création d'une commission chargée d'évaluer le montant de ces plus-values, puis décidé d'avancer la première réunion de cette commission comme nous l'avions demandé.

Ensuite, il nous a écoutés en ce qui concerne les biocarburants. Le groupe UDF, qui est depuis longtemps attaché aux énergies renouvelables, proposait un dispositif simple et efficace pour développer véritablement leur usage. Notre assemblée a adopté à l'unanimité, sur notre proposition, un amendement visant à instituer une majoration d'impôt sur les sociétés pour les distributeurs de carburants qui ne souhaiteraient pas incorporer une part de biocarburants croissante avec le temps. Avec cet amendement nous avons construit tous ensemble, conformément à la réglementation communautaire, un véritable programme de développement des biocarburants pour les années 2005 à 2010.

En acceptant ces deux propositions, le ministre d'État a démontré que le pluralisme au sein de la majorité était une richesse pour tous, puisque l'ensemble des parlementaires a voté en leur faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous nous félicitons de ce travail en commun, mais il reste encore du chemin à parcourir.

M. Michel Françaix. Pour le moins !

M. Charles de Courson. En deuxième lieu, en effet, le groupe UDF souhaite rappeler les inquiétudes qu'il avait soulevées lors de la discussion générale.

Ces inquiétudes concernent l'exécution de cette loi de finances et de celles à venir. Les hypothèses de croissance seront difficilement tenables si le pétrole se maintient à un prix aussi élevé : 10 % de hausse du baril du pétrole, c'est 0,5 point de croissance en moins. En tout état de cause, l'assainissement des finances publiques sera insuffisant car la réduction du déficit du budget de l'État n'est que de 4,6 milliards d'euros et la préparation du budget pour 2006 sera difficile.

Nous éprouvons également de l'inquiétude quant à la sincérité de ce budget et quant à la rigueur de la gestion de nos finances publiques ; il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'en êtes que partiellement responsable, car la gestion du budget de l'État est plus rigoureuse que celle du budget de la sécurité sociale.

M. Didier Migaud. Ah !

M. Charles de Courson. En troisième lieu, le groupe, comme d'ailleurs tous les Français, est en attente de justice sociale. Sans elle, nulle réforme n'est possible.

L'indexation du barème de l'ISF, pourtant légitime, accompagnée de la revalorisation excessive du plafond de la réduction des emplois à domicile, peut donner l'impression à nos concitoyens que ce sont toujours les mêmes qui sont favorisés. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Charles de Courson. Notre système social, comme le souligne le rapport Camdessus, n'aboutit pas à réduire fortement les inégalités. Les mesures éparses qui sont annoncées par le Gouvernement doivent incarner plus fortement cet impératif de justice sociale.

En ce qui concerne le budget pour 2005, le groupe UDF attend encore deux avancées qui relèvent de la seconde partie.

Nous souhaitons tout d'abord avoir des éléments précis concernant la réforme du prêt à taux zéro, de façon à nous assurer que les banques continueront d'assimiler cette aide à un apport personnel. Le groupe attend un projet détaillé de décret d'application pour juger si cette exigence est remplie.

Nous souhaitons également que le Gouvernement fasse un signe à l'égard de nos concitoyens non imposables plutôt que d'augmenter de 50 % le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, mesure qui ne concernerait que 40 000 familles. Une hausse du plafond réservée aux familles avec enfants et aux personnes âgées pourrait constituer une solution.

Enfin, en matière de pensions de réversion, nous demandons l'engagement ferme du Gouvernement de revenir sur le nouveau mode de calcul des plafonds de ressources pour les veufs et les veuves, qui aurait pour conséquence de priver plusieurs centaines de milliers d'entre eux de leurs pensions de réversion. Il est vrai que cette mesure ne relève pas du projet de loi de finances mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le groupe UDF est également gravement préoccupé par le mode de financement du régime de retraites des électriciens et gaziers. Lors de la discussion sur la réforme des retraites, le Gouvernement n'a pas retenu nos propositions visant à mettre en extinction tous les régimes spéciaux, c'est-à-dire à ne les maintenir que pour ceux qui en bénéficient à la date d'entrée en vigueur de la loi, de façon que tous les nouveaux salariés relèvent, eux, du régime général. Le Gouvernement doit donc aujourd'hui créer une nouvelle taxe sur les consommations d'électricité et de gaz ; en outre, il compromet gravement les fonds propres de Gaz de France - et plus encore d'EDF - au point de rendre inéluctable une recapitalisation fort coûteuse et qui sera probablement effectuée pour partie aux frais des contribuables. Là encore, la justice sociale doit l'emporter. Là encore, il s'agit d'une disposition relevant de la loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le secrétaire d'État, vous l'aurez compris, le groupe UDF est satisfait du travail que nous avons accompli ensemble durant l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2005. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toutefois, il reste des points importants qui peuvent trouver des solutions adaptées lors des débats à venir.

Aussi, dans cette attente, le groupe s'abstiendra sur la première partie (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Jean Glavany. Tous ces efforts pour rien !

M. Charles de Courson. ...en espérant que des solutions aux problèmes que nous venons de soulever seront trouvées lors des débats sur la seconde partie, ce qui permettrait au groupe UDF de voter positivement sur l'ensemble du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Glavany. Bref, il faudra payer plus !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2005 est un modèle de soumission aux marchés financiers et à leur stratégie de compétitivité prédatrice. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Herbillon. C'est ce qui s'appelle tenir un nouveau langage !

M. Jean-Claude Sandrier. Il répond complètement au constat de l'ancien président de la Bundesbank, qui déclarait devant des chefs d'État réunis à Davos : « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés financiers. »

M. Michel Herbillon. On se croirait revenus dans les années cinquante !

M. Jean-Claude Sandrier. Qu'avez-vous réussi, en effet, en deux ans et demi ? Une seule chose : faire augmenter les profits et les dividendes des plus grosses sociétés. D'Axa à Thales en passant par Lafarge, Michelin, Bouygues ou Sanofi, celles-ci ont connu des augmentations comprises entre 20 et plus de 500 % ! De même, durant les trois dernières années, les grands patrons français se sont accordé des augmentations de 12 % à 20 % par an ! Voilà ce que vous nous proposez de poursuivre en 2005.

Mais quel est le coût pour la majorité de nos concitoyens de cette politique d'enrichissement de quelques-uns ? Le chômage et la précarité ont augmenté, de même que le nombre de Rmistes ou celui des familles surendettées ; l'APL a été supprimée pour 800 000 personnes ; les Français voient leur pouvoir d'achat réduit - et le disent - ; deux millions d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté ; le Secours populaire, le Secours catholique et les Restos du cœur sont débordés ; les retraités et les salariés sont de plus en plus ponctionnés...

M. René Couanau. C'est du Zola !

M. Jean-Claude Sandrier. Pour justifier la poursuite de cette politique, vous tentez de mystifier les Français.

Vous avez plein la bouche du mot « croissance », mais de quelle croissance parlez-vous ? Un économiste reconnu nous donne la réponse : en douze mois, la croissance a créé 50 milliards d'euros de richesses et 13 000 emplois ont été détruits. Voilà votre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les fruits de la croissance sont déjà accaparés par une minorité, mais vous persévérez à lui faire de nouveaux cadeaux comme la baisse de l'impôt sur les sociétés ou encore la liquidation programmée de l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Luc Warsmann. C'est inexact !

M. Jean-Claude Sandrier. À cela s'ajoutent les prétendues aides aux ménages - concernant les droits de succession ou les salariés à domicile -, cadeaux supplémentaires qui, comme nous l'avons démontré, profiteront essentiellement aux plus aisés.

Comment faites-vous payer tout cela à la majorité de nos concitoyens ? D'abord en diminuant, en valeur, tous les budgets qui portent l'avenir et le développement social. En fait, seuls les budgets de la police, de la justice et de la défense augmentent, pour aider sans doute à maintenir le couvercle sur la marmite sociale.

Vous faites aussi payer votre politique en déplaçant les charges sur les collectivités, puisque vous prévoyez des impôts locaux en augmentation de 4,5 %, alors que la taxe sur les ordures ménagères a déjà crû de 10 % - sans parler de la CSG, du forfait hospitalier, du forfait d'un euro par consultation, etc.

Vous prétendez vouloir aider la consommation, mais vous ne faites qu'augmenter les prix : c'est le cas pour ceux de l'électricité, du gaz, des services postaux, des transports, de l'eau, des mutuelles.

Pour faire passer la pilule, vous évoquez le déficit, mais il s'agit, là aussi, d'une mystification. Jamais vous ne faites mention des réserves colossales que constituent les actifs financiers, à commencer par ceux des investisseurs institutionnels, qui représentent à eux seuls 140 % du produit intérieur brut des pays de l'OCDE.

Notre pays et le monde sont rongés par le « cancer financier ». Des rendements de plus de 15 % sont exigés pour les actions alors qu'inflation et croissance sont à 2 % ! Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, Américain, ancien conseiller de Bill Clinton, l'a dénoncé : « En adoptant le langage de la déréglementation, en laissant faire les marchés, nous avons en réalité capitulé. » Vous avez capitulé !

Même votre plan dit « anti-délocalisation » cède en réalité au chantage de ces actionnaires qui, les yeux rivés sur le thermomètre du CAC 40, restent aveugles aux détresses humaines que leur attitude entraîne.

Vous confondez la valorisation du travail et celle des dividendes. Votre discours sur la réhabilitation du travail cache le fait que la part des salaires dans la valeur ajoutée ne cesse de diminuer au détriment de celle du capital.

Face à cela, votre mesure phare de justice sociale consiste à accorder une augmentation de la prime pour l'emploi - entre 1 et 3 euros de plus par mois. C'est grotesque, si l'on songe qu'un plein d'essence coûte de 8 à 12 euros de plus depuis janvier !

Les Français attendent des mesures réelles, efficaces pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat, pour les services publics. Cela passe par une fiscalité rééquilibrée et juste ; par des crédits modulables en fonction des efforts consentis par les entreprises en faveur de la formation et de l'emploi ; par de nouvelles recettes, notamment en taxant les actifs financiers ; cela exige de s'attaquer aux paradis fiscaux et aux transactions financières ; de relancer le pouvoir d'achat des salariés afin de faire redémarrer une consommation qui s'essouffle ; de développer la coopération et une maîtrise citoyenne des services publics ; enfin, d'adopter, au niveau national et européen, un vrai plan de sanctions contre les délocalisations, sous la forme d'une taxe frappant les investissements à l'étranger destinés à accroître les profits et d'une taxe sur les différentiels sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le groupe communiste et républicain refuse votre politique de soutien aux riches et aux marchés financiers. Il faut d'urgence rétablir la primauté de l'Humain sur la marchandise et la finance. C'est pourquoi nous voterons contre cette première partie du projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Pour le groupe UMP, l'essentiel, c'est l'emploi. C'est autour de cette priorité que s'est affirmée tout au long du débat la cohésion de notre groupe, avec le Gouvernement, et, lorsque l'on regarde ces jours-ci à quoi s'attache principalement le groupe socialiste, à savoir l'inventaire de mai 1968, on comprend qu'il a quelques difficultés à définir des propositions concrètes, opérationnelles et utiles pour 2005.

De nombreuses mesures sont prises en faveur de cette priorité absolue : augmentation du SMIC, de la prime pour l'emploi, du SMIC hôtelier, encouragement à l'apprentissage, développement des emplois à domicile, franchise d'impôt des jobs d'été, mais aussi mesures contre les délocalisations et mesures pour l'emploi agricole avec le nouveau dispositif d'aide aux biocarburants. Voilà un ensemble de mesures concrètes, utiles, adaptées à ce que nos compatriotes demandent en 2005. Le premier enjeu d'un budget, c'est de répondre à la question qui nous est posée par les Français à un moment donné. C'est pour cela que nous soutenons le projet du Gouvernement.

Pour favoriser l'emploi, il faut tout faire pour assurer une croissance durable, grâce à la confiance et à la maîtrise des déficits. Certains ont voulu mettre en cause la comptabilisation de la soulte EDF, mais pourquoi ne l'aurions-nous pas fait ?

Nous pouvons avoir confiance grâce à la réponse apportée au contexte énergétique d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de rassurer nos compatriotes au moment de la hausse du pétrole ou de prendre des initiatives comme le lancement de l'EPR.

Le Gouvernement a su favoriser une croissance durable en faisant des investissements d'avenir, la recherche, mais aussi le financement d'infrastructures avec, pour la première fois dans ce pays, la mise en place d'un financement sécurisé pour une politique d'infrastructures ambitieuse, avec l'agence de financement des infrastructures.

Enfin, nous devons évidemment obliger l'État à être plus efficace. Les citoyens paient l'impôt et ils veulent en avoir pour leur argent. Cela oblige à procéder à une réforme de l'État. Il y a des années que l'on parle de la réforme de la redevance. Elle se fait enfin, sans faire payer davantage les Français, au contraire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous démontrons à nos compatriotes que la réforme, nous y arrivons, et qu'elle peut être utile et heureuse. Rationaliser, cela peut être, cela doit être aussi payer moins.

L'État doit aussi mieux valoriser son patrimoine. Dans son montant, c'est le principal amendement voté par notre assemblée lors du débat de première partie. Nous attendons que l'État fasse un effort supplémentaire de 150 millions.

L'efficacité de l'État, c'est aussi une plus grande cohérence du système fiscal. Nous avons avancé, tant mieux.

Nous maîtrisons la dépense : 0 % d'augmentation, c'est simple, c'est clair, c'est net, ça montre la vertu du Gouvernement dans la préparation du budget pour 2005 et la discipline que la majorité s'impose à elle-même.

Il y a aussi la maîtrise des prélèvements obligatoires, que ce soient ceux de l'État, nous le démontrons dans cette première partie de projet de loi de finances, ceux de la sécurité sociale, nous le verrons dans quelques heures lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou ceux induits par l'Europe. Ce point a été évoqué hier, l'Europe ne doit pas nous conduire à une augmentation incontrôlée des dépenses et des prélèvements. Enfin, il ne faut pas oublier la maîtrise des prélèvements des collectivités locales. Aucune décision prise ces jours-ci ne justifie une quelconque augmentation de l'impôt local. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Émile Blessig. C'est la meilleure !

M. Hervé Mariton. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP soutient votre projet de budget dans sa première partie. Ensemble, nous faisons de bonnes finances, il appartient au Gouvernement de nous faire une bonne politique. Comme le ministre d'État et le Premier ministre, vous avez toute notre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par une note positive en m'associant aux remerciements du rapporteur général et du secrétaire d'État au budget envers toutes celles et tous ceux qui ont contribué au débat, mais j'en resterai là pour le positif,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !

M. Didier Migaud. ...car ce projet de budget est pour nous insincère, injuste et dangereux.

Ce projet repose sur des hypothèses irréalistes, d'abord en raison du taux de croissance retenu, 2,5, qui est déjà plus élevé que la moyenne des taux retenus par les conjoncturistes. De plus, qui peut croire que le prix du baril de pétrole restera en moyenne à 36,50 dollars ? Et l'on connaît toutes les conséquences que peut avoir un baril à plus de 50 dollars comme c'est le cas aujourd'hui.

L'insincérité se décline sur de nombreux autres aspects de ce projet de budget, y compris d'ailleurs dans le plafond de la dépense publique, car vous avez multiplié les artifices comptables et les débudgétisations pour pouvoir le tenir. Quant au déficit public, je n'en parle même pas puisque c'est grâce seulement à la soulte d'EDF que vous pouvez respecter les engagements qui sont les nôtres.

Ce budget est également injuste, parce que les impôts locaux vont augmenter du fait de votre politique (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Bernard Accoyer. Ils mentent !

M. Didier Migaud. La vérité blesse, je le constate...

Pour le plus grand nombre de nos concitoyens, les impôts et les taxes vont augmenter (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) alors qu'ils vont diminuer pour un tout petit nombre. Jamais dans l'histoire budgétaire, les réductions d'impôt n'ont été autant ciblées sur un petit nombre de personnes, ...

M. Michel Delebarre. C'est vrai !

M. Didier Migaud. ...moins de 1 % de nos concitoyens.

Ce projet de budget est dangereux pour l'avenir, parce qu'il renforce les inégalités entre nos concitoyens. Il engage aussi l'avenir puisque vous reportez un certain nombre de dépenses comme par hasard au-delà de 2007. On sent combien les élections municipales qui, normalement, doivent avoir lieu en 2007, sont l'objet de vos préoccupations.

Il est dangereux également parce qu'il affaiblit la capacité à agir de l'État et des collectivités locales, notamment en remettant en cause des politiques publiques. Au-delà même de la fausse décentralisation que vous avez engagée, c'est ce qui va contraindre les collectivités locales à augmenter les prélèvements (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), si elles veulent pouvoir répondre aux besoins de nos concitoyens.

Par ailleurs, vous engagez notre pays dans une course au moins-disant fiscal et social, à chaque fois sous prétexte de favoriser l'emploi, et, malheureusement, sans conséquences sur l'emploi.

Ce qui est choquant, c'est que nous avons retrouvé la croissance. Nous avons vu votre gêne, monsieur le secrétaire d'État, lorsque nous avons comparé les années 1999 et 2004. Sous le gouvernement Jospin, la croissance avait des conséquences extrêmement positives pour l'emploi et pour une grande majorité de nos concitoyens. En 2004, avec pratiquement la même croissance, le chômage augmente, le pouvoir d'achat stagne, et la consommation est en berne. Voilà la différence entre la politique du gouvernement précédent et celle du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre. On a vu où ça vous a conduits !

M. Didier Migaud. Il était particulièrement choquant de voir votre refus systématique de prendre en compte des mesures pour le plus grand nombre alors que vous marquiez une considération pour un petit nombre. Il faut voir le débat que nous avons eu sur l'impôt de solidarité sur la fortune ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De plus, les mesures qui ont été prises sont un deuxième train qui en annonce un autre, parce que la volonté de cette majorité, c'est un lent grignotage, mais un grignotage certain de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Vous parlez de réhabiliter le travail. La meilleure façon de le réhabiliter, c'est de faire reculer le chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Or, malheureusement, le chômage a augmenté.

La croissance, tout le monde le dit, est fragile, tout simplement parce qu'elle repose sur un pouvoir d'achat qui s'effrite, sur une consommation qui recule, et parce que le chômage augmente. Rien dans votre projet de budget ne vient conforter cette croissance. Au contraire, il est à contre-emploi.

Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2005.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 547

                    Nombre de suffrages exprimés 519

                    Majorité absolue 260

        Pour l'adoption 346

        Contre 173

L'Assemblée nationale a adopté.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je remercie l'UDF, qui s'est exprimée par la voix de M. de Courson, de son attitude constructive. Je remercie le groupe UMP de son soutien et de son ambition pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

    3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 10 novembre inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

    4

DEMANDE DE CONSTITUTION
D'UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le président. J'ai reçu de M. Jean Leonetti et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (n° 1882).

J'informe l'Assemblée que les présidents des quatre groupes ayant demandé conjointement en Conférence des présidents la constitution d'une commission spéciale sur ce texte, il y a lieu de constituer une commission spéciale pour son examen.

En conséquence, les candidatures devront parvenir à la présidence avant le jeudi 28 octobre à dix-huit heures.

    5

LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 (nos 1830, 1876).

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 intervient dans un contexte particulier puisqu'il fait suite à trois grandes réformes sociales.

Il y a un peu plus de deux mois, était promulguée la loi du 9 août 2004 relative à l'assurance maladie. En juin, la représentation nationale a voté la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Enfin, la loi portant réforme des retraites est entrée en application cette année.

Ces réformes fondamentales nous ont amenés à vous présenter un texte plutôt court et resserré, car aujourd'hui la priorité est bien la mise en œuvre de ces réformes.

Il y a deux ans, la sécurité sociale, à laquelle vous êtes tous ici très attachés, s'enfonçait dans une crise à la fois financière et institutionnelle.

En deux ans, nous avons assumé nos responsabilités, rassuré les Français sur l'avenir de notre sécurité sociale.

En matière de retraite, nous avons sauvegardé le principe de la répartition et construit les bases d'un système plus solidaire.

En matière de santé publique, nous avons refondé une politique en donnant toute sa place à la prévention, en particulier grâce à des groupements régionaux de santé publique.

En matière hospitalière, nous avons voulu d'une part présenter un plan d'investissement exceptionnel, d'autre part passer du budget global à la tarification à l'activité ainsi qu'à un mode de gouvernance plus moderne au sein de l'hôpital.

Enfin, en matière d'assurance maladie, nous avons engagé une réforme structurelle destinée à en garantir la pérennité.

Plusieurs questions se posent aujourd'hui. Quand la réforme de l'assurance maladie sera-t-elle effective ? Sera-t-elle efficace ? Des changements de comportement sont-ils possibles ?

De nombreux décrets ont déjà été publiés, le décret concernant la Haute autorité de santé le sera demain. Xavier Bertrand et moi pouvons aujourd'hui affirmer que 95 % des décrets seront publiés avant la fin de l'année.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes le Stakhanov du décret !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quelles sont les premières tendances ? Alors que le déficit de la sécurité sociale devrait atteindre 14 milliards d'euros en 2004, alors que le dynamisme des dépenses est d'abord celui de l'assurance maladie, les données récentes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés confirment un infléchissement très significatif de l'évolution des dépenses de soins.

Après une évolution de 5,9 % en 2001, de 7,2 % en 2002 et de 6,2 % en 2003, les dépenses d'assurance maladie augmenteront cette année d'environ 4,5 %.

Cette inflexion est illustrée de différentes façons. Je ne prendrai que deux exemples. Celui du générique, tout d'abord. En 2002, une boîte de médicaments sur treize vendues en France était une boîte de générique. En 2004, c'est une boîte sur huit.

Pour les seuls médicaments « généricables », une boîte sur deux est aujourd'hui vendue sous forme de générique.

En matière d'arrêts maladie, nous observons une chute, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, en particulier pour le remboursement des indemnités journalières, qui régresse de 1 %, après une augmentation, en 2001 et 2002, de 9 % et 11 % respectivement.

J'ai d'autres motifs d'optimisme : ce sont, tout d'abord, les marges de manœuvre que nous retrouvons au terme de la montée en charge du financement des 35 heures dans les établissements publics hospitaliers. 2005 marquera donc un redressement sensible des comptes de l'assurance maladie, avec un déficit prévu de 8 milliards d'euros : c'est encore insuffisant, mais nous sommes sur la bonne voie.

Quant à l'ONDAM hospitalier, il a été décidé qu'il progresserait de 3,6 %, ce qui représente cette année, pour l'hôpital public, une augmentation des dépenses de 1,8 milliard d'euros. Cependant, après quatorze expérimentations, nous entendons demander aux directeurs des ARH de réaliser 850 millions d'euros d'économies sur trois ans dans le seul domaine de la politique d'achats. En effet, d'un établissement à l'autre, le montant, par exemple, des achats de textiles à usage unique, de fournitures de bureau ou de matériel informatique peut varier de 200 %, voire de 350 % ! De telles erreurs de gestion ne sont pas acceptables. Ces 850 millions d'euros demandés en trois ans sont indépendants du taux de 3,6 % retenu pour l'ONDAM, mais ils permettront, en revanche, de donner de nouvelles marges de manœuvre aux établissements qui réaliseront ces économies de gestion.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Excellente initiative !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La réduction de 5 milliards d'euros du déficit de la branche maladie - celui-ci passera, en effet, de 13 à 8 milliards d'euros - est quelque peu atténuée par le déficit de près de 1,4 milliard d'euros que devrait connaître en 2005 la branche vieillesse du régime général. Ce déséquilibre tient principalement à la montée en charge de la mesure d'équité et de justice sociale qui permet le départ anticipé à la retraite des travailleurs âgés, dont le coût - 1,3 milliard d'euros en 2005 - pèse sur les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse alors que la réforme de l'assurance vieillesse ne produira qu'à moyen terme ses effets positifs sur les comptes. Nous pouvons toutefois nous réjouir que plus de 130 000 personnes qui ont commencé à travailler très jeunes - à quatorze, quinze ou seize ans - dans des métiers souvent pénibles aient pu cesser leur activité dès 2004.

Pour ce qui est des pensions de réversion, le Gouvernement a préféré, face aux inquiétudes qui se sont exprimées, suspendre sans délai le décret incriminé.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! Quel courage !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci, monsieur Le Guen !

Comme vous le savez, j'ai saisi de cette question le Conseil d'orientation des retraites, qui doit examiner la situation des droits dérivés en tenant compte de la nécessité d'assurer aux veufs et aux veuves la stabilité de leurs ressources et un niveau de retraite digne, dans le respect du contrat intergénérationnel.

M. Georges Colombier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le rapport du COR, monsieur Colombier, est attendu pour la fin du mois de novembre.

Le solde des deux autres branches - famille et accidents du travail - reste globalement stable, malgré la forte augmentation, pour la branche accidents du travail, du coût de l'indemnisation des victimes de l'amiante.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 exprime donc principalement les mesures prises pour le redressement de l'assurance maladie et aura un caractère resserré. La loi relative à l'assurance maladie invite les partenaires sociaux à engager des discussions sur l'avenir de la branche, en termes tant d'organisation que de financement, et à faire des propositions au Gouvernement pour l'été 2005 au plus tard. Je serai très attentif à l'évolution de ces discussions, qui permettront, je le souhaite, d'engager enfin la modernisation de cette branche.

Pour ce qui concerne les victime de l'amiante, les deux dispositifs mis en place - le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, ou FIVA, et les mesures permettant aux victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante un départ anticipé en préretraite - sont montés en charge rapidement au cours des trois dernières années. Ils répondent à leur mission dans des conditions satisfaisantes et sont conformes à la logique de solidarité nationale qui anime notre politique dans ce domaine. Afin de consolider cette politique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 prévoit, à l'image de ce qui existe pour d'autres dispositifs de préretraite, la mise en place d'une contribution limitée pour les employeurs dont les salariés bénéficient de ces mesures - par ailleurs sans conséquences pour les salariés, dont les droits ne seront pas modifiés.

Les arrêts du Conseil d'État qui ont reconnu, en février dernier, la responsabilité de l'État dans la gestion de ce dossier, ont des conséquences importantes sur la mise en œuvre des procédures d'indemnisation.

M. Jean-Marie Le Guen. Pas sur le budget, en tout cas !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement souhaite enfin que soit menée au cours des mois prochains, avec l'ensemble des acteurs concernés - partenaires sociaux, employeurs, associations - une réflexion sur les moyens de consolider les dispositifs d'indemnisation, en vue de garantir à la fois leur sécurité juridique et l'égalité des victimes dans l'accès à l'indemnisation.

Un deuxième point important de ce projet de loi est l'intégration financière du régime spécial de retraite des industries électro-gazières au régime général. Cette opération est importante, du fait tant des montants financiers en jeu que de sa complexité même. Dans ce processus, le Gouvernement poursuit trois objectifs : la sécurisation des droits des salariés des industries électro-gazières, la neutralité de l'opération pour le régime général et - ce troisième objectif n'étant pas le moindre - la clarté et la transparence.

Qu'il s'agisse de son affectation ou des versements successifs qu'elle prévoit, la gestion de la soulte payée par les industries électro-gazières pour accompagner l'intégration de leur régime de retraite doit se faire par des circuits financiers garantissant la transparence de l'opération. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit l'affectation de cette soulte à une section spécifique du Fonds de réserve des retraites, qui reversera annuellement à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés les sommes permettant d'assurer la neutralité de l'intégration.

C'est aussi sur la base de ces trois principes que le Gouvernement a tenu à faire avancer les discussions financières entre les industries électro-gazières et la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Celles-ci se sont conclues par un relèvement substantiel du montant de la soulte, qui devrait atteindre 7,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoute la prise en charge des avantages familiaux du régime, sur le modèle du régime général.

Mesdames et messieurs les députés, j'ai la conviction que l'équilibre auquel nous sommes parvenus garantit la neutralité financière de cette opération pour la CNAV, ce qui est très important.

Je tiens à redire, enfin, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 traduit l'impact des réformes ambitieuses menées par le Gouvernement, qui montre ainsi son attachement à la préservation et à l'adaptation de notre système de protection sociale. Il s'est engagé dans un processus de consolidation et de responsabilisation des acteurs de la sécurité sociale : il revient maintenant à ces derniers, pour la retraite comme pour la santé, de l'accompagner en employant les nouvelles marges d'action dont ils disposent pour faire prévaloir des comportements collectifs respectueux de notre intérêt national.

La sécurité sociale connaissait une double crise, financière et institutionnelle. Après la réforme des retraites qui se met en place cette année, la réforme consacrée aux personnes âgées et aux personnes handicapées actuellement en cours de discussion et la loi portant réforme de l'assurance maladie, nous pouvons vous présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui remet sur les rails cette sécurité sociale qui est notre patrimoine, cet héritage social commun auquel, je le sais, vous êtes tous très attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la présentation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 intervient, pour ce qui concerne la branche maladie, un peu plus de deux mois après la promulgation de la loi du 13 août 2004, qui vous a fortement mobilisés lors des débats du mois de juillet dernier. Avec près de 145 heures de débats à l'Assemblée Nationale et 45 heures au Sénat, ce temps parlementaire hors normes à bien des égards a permis de faire évoluer le texte du Gouvernement et d'approfondir bon nombre de sujets, introduisant notamment la référence au médecin traitant, le dossier médical personnel ou la nouvelle gouvernance.

Je tiens à vous redire, avec Philippe Douste-Blazy, que votre mobilisation a un sens et qu'à la différence de ce qu'on observe trop souvent dans l'action publique, nous ne nous sommes pas détournés de la réforme sitôt la loi votée. Bien au contraire, nous avons mis à profit les deux mois écoulés pour engager la mise en œuvre de ce texte - l'élaboration des décrets et l'ensemble de ce que nous appelons le « service après vote » -, comme nous nous y étions engagés devant la représentation nationale et l'ensemble de nos concitoyens. Il y a une vie après la loi - je sais que vous y êtes particulièrement sensibles et nous avons eu à cœur, quant à nous, de mettre en pratique, avant son adoption définitive, l'esprit et les principes de la résolution Debré-Warsmann.

Les premiers décrets d'application ont été publiés le 5 octobre dernier, et ceux qui se rapportent à la nouvelle gouvernance le 13 octobre : nous sommes fidèles à notre feuille de route.

Les comptes de la branche maladie sont l'un des sujets majeurs de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. 2005 va marquer la première étape du retour vers l'équilibre de cette branche. Conformément aux engagements du Gouvernement, nous entamons en effet en 2005 la réduction du déficit de l'assurance maladie, qui passera de plus de 13 milliards d'euros en 2004 à 8 milliards en 2005. Ce rééquilibrage est d'abord le fruit des recettes complémentaires prévues dans le volet financier de la réforme, aisément mesurables, qui contribuent à faire baisser le déficit de 4,2 milliards d'euros.

Mais je tiens à insister particulièrement sur l'objectif à la fois ambitieux et réaliste que se fixe le Gouvernement en termes de maîtrise des dépenses dès 2005, qui est un élément central de la réussite de la réforme. Comme vient de l'indiquer le ministre de la santé et de la protection sociale, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie que nous proposerons au Parlement pour 2005 est en progression de 3,2 %.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La comparaison avec les valeurs des années précédentes témoigne de notre volontarisme et de notre ambition, même s'il est vraisemblable qu'à périmètre comparable - c'est-à-dire sans prendre en compte la contribution forfaitaire d'un euro et l'augmentation du forfait hospitalier -, l'ONDAM 2005 se situerait plutôt autour de 3,8 %.

À cet égard, il est utile de préciser comment la mise en œuvre de la réforme nous permettra de parvenir à ce taux de 3,2 % pour l'ONDAM en 2005.

L'ONDAM que les experts qualifient de « tendanciel », c'est-à-dire calculé avant les mesures liées à la réforme, progresse à un rythme proche de 5,5 %. La mise en œuvre de la maîtrise médicalisée permettra de réaliser une réduction des dépenses de près d'un milliard d'euros, à quoi s'ajoutent 300 millions d'euros correspondant à la maîtrise des dépenses liées aux indemnités journalières.

Cette réduction des dépenses liée à la maîtrise médicalisée sera principalement possible grâce à la promotion du bon usage du médicament, pour 300 millions d'euros, à la mise en place du médecin traitant qui assurera des parcours de soins plus cohérents, pour 200 millions d'euros, à une maîtrise des dépenses de transport sanitaire qui fait suite aux tendances récentes, pour 100 millions d'euros et au respect du périmètre de prise en charge à 100 % au moyen de l'ordonnancier bizone, pour 350 millions d'euros.

Ces objectifs sont ambitieux. Dans le même temps, les acteurs concernés - caisses d'assurance maladie, usagers et professionnels de santé - détiennent désormais tous les outils permettant de faire enfin de cette maîtrise médicalisée une réalité. Trop longtemps, elle n'a reposé que sur la théorie et les discours, et les bonnes intentions ont remplacé l'action. Aujourd'hui, la situation est totalement différente.

La première phase du plan médicament permettra de dégager près de 700 millions d'euros. C'est une première étape pour le Gouvernement, puisqu'à l'horizon 2007, ce plan permettra de réduire les dépenses de médicaments à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Pour 2005, le développement du générique représentera 330 millions d'économies pour la Caisse nationale d'assurance maladie tandis qu'une politique des prix, à la fois plus cohérente et plus dynamique en fonction du cycle de vie des produits, générera 200 millions d'économies.

La modernisation de la gestion hospitalière nous permettra d'économiser 200 millions d'euros, notamment grâce à une nouvelle politique d'achat. Vous savez qu'une première expérimentation a été menée en 2004 autour de 14 établissements pilotes, publics et privés. Accompagnés par 4 cabinets de conseil, ils ont mis en œuvre un plan de réduction de leur prix d'achat sur 6 catégories de produits. La généralisation de ce dispositif sera effective en 2005.

Enfin, je l'ai évoqué tout à l'heure, la contribution forfaitaire de 1 euro et l'augmentation du forfait journalier sont synonymes pour l'ONDAM d'une réduction de ses dépenses à hauteur de 750 millions d'euros.

Un ONDAM de 3,2 % pour 2005, cela signifie 4 milliards d'euros supplémentaires investis dans notre système de santé, près de 2 milliards d'euros pour financer et moderniser nos hôpitaux, 700 millions d'euros pour accompagner les prises en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Cela correspond également à davantage de médicaments innovants remboursés. Il est utile de rappeler que, depuis 2002, près de 600 spécialités pharmaceutiques ont été inscrites au remboursement. Ce mouvement est bien évidemment appelé à se poursuivre en 2005 car nous continuerons les uns et les autres à vouloir, et ainsi à pouvoir, bénéficier du progrès médical. C'est cela la réalité, il faut toujours l'avoir à l'esprit et, parfois, le dire et le répéter : il n'y a pas et il n'y aura en aucun cas rationnement des soins. Car nous dépenserons davantage pour notre santé en 2007 qu'en 2004 ou même en 2005.

Cela suppose que des changements de comportement et une inflexion sensible des tendances observées ces dernières années se poursuivent. Le respect de cet objectif de maîtrise des dépenses implique donc qu'une action déterminée soit mise en œuvre dans deux directions.

D'abord, cette action portera sur la maîtrise médicalisée, qui doit s'inscrire dans la durée. La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ainsi que ses décrets d'application, donnent l'ensemble des outils aux différents acteurs pour atteindre ces objectifs ; à eux maintenant de s'en saisir et de s'en servir.

Ensuite, elle concernera l'application du volet médicament de la réforme, lequel a été élaboré avec l'ensemble des acteurs de la filière et concilie les exigences d'économies avec la nécessaire valorisation de l'innovation dans notre pays.

Vous l'avez compris : 2005 est une année décisive pour la réforme de l'assurance maladie.

En premier lieu, parce que le Gouvernement aura, au 1er janvier, rempli ce qui constitue une grande part de sa mission : placer les acteurs en situation d'agir et surtout permettre, avec une mise en place dans les meilleurs délais des textes d'application, la réforme votée par le Parlement.

Le Gouvernement respecte sa feuille de route. Le nouveau conseil de la CNAM se réunira le 28 octobre prochain, conformément à ce que nous avions annoncé. Le décret relatif à la Haute Autorité de santé, dont Philippe Douste-Blazy vous a parlé tout à l'heure, sera publié demain, suite au travail réalisé avec le Conseil d'État.

Au 1er janvier 2005, la nouvelle gouvernance sera donc opérationnelle depuis plusieurs mois.

Nous l'avons dit à maintes reprises : nous souhaitons passer d'un État gérant et omniprésent à un État garant, qui définit les objectifs et les règles du jeu, qui donne aux gestionnaires de l'assurance maladie les moyens d'agir, mais qui laisse aussi les acteurs assumer leurs responsabilités. Nous entendons rester fidèles à ces principes.

En second lieu, l'année 2005 sera également décisive parce que tous les acteurs, sans exception, devront se mobiliser pour accélérer les premiers changements de comportements que les chiffres de 2004, publiés la semaine dernière, laissent entrevoir.

Au premier rang de ces acteurs, il y a bien sûr les professionnels de santé. Cette réforme a été construite avec eux. Elle ne se fera ni contre eux, ni sans eux.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. À eux de prendre leurs responsabilités à travers leurs représentants pour que les négociations conventionnelles qui vont s'engager aboutissent fructueusement avant la fin de l'année. À eux également de traduire par la suite ces accords conventionnels dans leur pratique quotidienne afin de donner vie à la réforme. L'État comme l'assurance maladie, je veux le souligner, sont à leurs côtés pour les aider à faire évoluer leur mode d'organisation, pour à la fois répondre à leurs aspirations et aux besoins de nos concitoyens. Nous aurons à débattre notamment du Fonds pour l'amélioration de la qualité des soins de ville, sujet qui tient particulièrement à cœur à Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales. Nous avons beaucoup parlé avec les rapporteurs de la pérennité des engagements de ce fonds au service de l'expérimentation et de la qualité des soins de ville. C'est pour nous tous un sujet fondamental. Philippe Douste-Blazy et moi-même avons bien entendu le message qui nous a été adressé à différentes reprises par les parlementaires et par les élus locaux à ce sujet.

Viennent ensuite, dans ce changement des comportements, les assurés. Je crois, avec Philippe Douste-Blazy, à leur esprit de responsabilité. La réforme incite, oriente le patient. Elle n'impose rien car cela ne correspond pas à notre philosophie et à notre vision des choses. Si elle vise avant tout à sanctionner les abus, c'est parce que ceux-ci sont foncièrement inacceptables dans un système où nous bénéficions tous d'un financement solidaire.

Enfin, les caisses d'assurance maladie devront elles aussi être des acteurs essentiels de cette maîtrise médicalisée. La nouvelle gouvernance leur en donne clairement les moyens.

De la même façon, la réussite du volet médicament de la réforme nécessite l'entière mobilisation de tous les acteurs de la filière médicament : l'industrie pharmaceutique, afin de poursuivre un dialogue fructueux avec le comité économique des produits de santé, le CEPS ; les pharmaciens et les médecins, pour accélérer le développement des génériques ; les assurés enfin, pour là aussi changer leurs comportements et leur attitude vis-à-vis de la consommation de médicaments.

Parce que nous croyons foncièrement en cette réforme, nous croyons en la mobilisation de tous ses acteurs pour en assurer le succès. (« Très bien ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette réforme en profondeur de l'assurance maladie est certainement notre dernière chance de conserver notre sécurité sociale à la française, ce système original qui fait notre fierté et dont l'assurance maladie est le garant ; on y cotise bel et bien selon ses moyens et on continuera à être soigné selon ses besoins. C'est un système à la fois libre et solidaire, que la plupart des pays étrangers nous envient, et auquel l'ensemble de nos compatriotes sont profondément attachés. C'est la raison, mesdames, messieurs les députés, pour laquelle nous ne pouvons que réussir. C'est la raison pour laquelle, ensemble, nous allons réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, madame la ministre de la famille et de l'enfance, madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est le neuvième depuis l'institution des lois de financement en 1996. C'est l'occasion de débattre des principales orientations de la protection sociale, en matière de dépenses comme de recettes.

Ce budget, avec 365,5 milliards d'euros, est supérieur à celui de l'État. C'est dire son poids économique. C'est dire aussi combien il est au cœur des préoccupations des Françaises et des Français dans leur vie quotidienne, à travers les branches représentées dans ce budget : la maternité, la maladie, la vieillesse, la dépendance des personnes âgées et des personnes handicapées, la famille, l'accueil de l'enfant et de l'adolescent, les accidents de travail et la maladie professionnelle. Il est au cœur de la vie comme il est aujourd'hui au cœur de nos débats.

Toutefois, en dépit de la place que lui donnent la Constitution et les textes organiques afférents, le débat sur la sécurité sociale donne parfois le sentiment d'avoir lieu ailleurs. C'est ce qui fait toute la complexité du sujet que nous abordons.

La loi de 2002 était marquée par l'alternance ; ce fut un texte de transition. Celle de l'an dernier a été largement déterminée par la réforme des retraites. Celle de cette année l'est par la réforme de l'assurance maladie, mais il faut aussi souligner ses liens avec la pérennisation de l'APA, avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant et avec l'adoption de la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Nous mesurons chaque jour d'ailleurs combien l'application de ces mesures, que le Gouvernement a souhaitées, est essentiel sur le terrain.

Au terme de tant de réformes, on ne peut donc s'étonner que le présent projet de loi de financement pour 2005 ne révèle pas de mesures nouvelles spectaculaires. Il vise à mettre en place une réforme majeure et c'est ce qui fait sa force - monsieur Douste-Blazy et monsieur Xavier Bertrand, vous l'avez souligné.

II convient de rappeler plusieurs mesures significatives de ce PLFSS.

Je pense en tout premier lieu à la fixation d'un ONDAM volontariste - 3,2 % -, dont le respect dépend, il est vrai, de certaines conditions. Mais il n'est pas inaccessible. Je voudrais que nous remplacions le pessimisme d'humeur, manifesté sur certains bancs, par un optimisme de volonté, mes chers collègues. Car je suis convaincu que nous réussirons.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Aucun acteur du système de santé, aucun Français d'ailleurs, n'aurait compris qu'après la réforme, nous nous contentions d'une baisse symbolique du taux de croissance de l'ONDAM ou que nous nous résignions à l'avance à le voir dépassé. Votre détermination est forte, monsieur le ministre, vous l'avez montré il y a un instant en nous indiquant que 95 % des décrets d'application de la réforme seront publiés avant le 31 décembre de cette année.

Parmi les mesures significatives, je citerai également la pérennisation des fonds destinés à indemniser les victimes de l'amiante aussi bien par un effort accru de la branche que par la création d'une contribution sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.

Nous devons aussi évoquer des mesures, certes de moindre ampleur financière, mais qui sont essentielles pour leurs bénéficiaires, comme l'entretien de santé pour les collégiens en classe de cinquième ou encore, sujet majeur pour les familles, le doublement de la prime d'adoption, auquel vous avez contribué, madame la ministre.

Enfin, s'agissant de l'adossement du régime des IEG au régime général, j'ai eu l'occasion, lors de l'audition des ministres, de dire les réserves que m'inspiraient ses modalités. Avec Georges Colombier, nous n'avons cessé d'intercéder pour que cette opération se fasse dans la plus grande transparence et dans un souci de stricte neutralité financière. Les sommes en jeu sont considérables : à titre d'exemple, plus de la moitié de la progression des recettes de la sécurité sociale pour l'an prochain découle directement de cet adossement. Je crois que l'on peut se satisfaire du résultat obtenu. Mais l'intégration ne doit en aucun cas conduire à faire supporter par les salariés du régime général le moindre surcoût pour un régime spécial. La neutralité est essentielle et nous serons vigilants sur ce point.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. De fait, la principale caractéristique de ce projet est qu'il concrétise financièrement les réformes engagées depuis deux ans.

La situation des comptes 2004 est mauvaise, comme nous l'a rappelé, il y a quelques semaines, le président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin. Elle constitue un triste record dans l'histoire de la sécurité sociale. Face à cela, le Gouvernement aurait pu, comme d'autres par le passé, se contenter de prendre des mesures de redressement comptable, par la baisse des prestations et par la hausse des prélèvements. Il aurait pu tout simplement nier la réalité du déficit dans l'attente du retour de la croissance. La voie aurait été alors plus facile, mais aussi plus fragile et en tout cas peu responsable.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-Marie Geveaux. Absolument !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Le chantier des retraites et la réforme de l'assurance maladie ont visé à mettre en œuvre des réformes de structures fondées sur un partage de l'effort, sur l'efficacité de la dépense et sur son équité.

Le maintien des systèmes de retraites par répartition, la mise en œuvre progressive de la réforme ont un coût et, indéniablement, l'application brutale des mesures d'allongement de la durée de cotisations aurait évité le déséquilibre que connaît la CNAV en 2004. De même, on aurait pu se contenter de baisser le niveau de remboursement des soins sans se lancer dans des réformes de structures, sans rénovation de la gouvernance, sans maîtrise médicalisée de la dépense, sans réforme de la classification des actes.

La branche maladie se serait, en apparence, rapprochée plus vite de l'équilibre, mais ce n'eût été que de façon précaire et dans des conditions inacceptables.

Les comptes de 2004, qui s'établissent à 14 milliards d'euros de déficit, sont mauvais, c'est vrai. Le Gouvernement a cependant fait un choix responsable en ne les redressant pas artificiellement par des méthodes purement comptables.

Ceux de 2005, c'est notre espoir, seront meilleurs. Avec le quasi équilibre de la branche famille et de celle des accidents du travail et maladies professionnelles, ainsi qu'avec la réduction du déficit de l'assurance maladie, le solde du régime général connaîtra une nette amélioration de 3,9 milliards d'euros. Cette évolution résultera, d'une part, d'une augmentation des recettes et, d'autre part, d'une moindre diminution des dépenses, à hauteur de 2,9 milliards d'euros, à la suite de mesures aussi diverses que la maîtrise médicalisée des dépenses, le contrôle des arrêts de travail, le plan médicament ou la modernisation de la gestion hospitalière.

Cela ne signifie pas pour autant que notre priorité aille au seul redressement des comptes car des dépenses sont bien évidemment essentielles quand elles concernent la justice sociale. Nous avons ainsi étendu le dispositif dit « carrières longues » aux trois fonctions publiques et dégagé des moyens supplémentaires pour la prise en charge de la perte d'autonomie des handicapés comme des personnes âgées.

On a parfois critiqué, sur certains bancs, la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au motif qu'elle n'était pas une caisse de sécurité sociale ou parce qu'elle ne ferait que compenser un prétendu désengagement de la Caisse nationale d'assurance maladie.

Pour moi, c'est le résultat qui compte. La CNSA apporte 480 millions d'euros supplémentaires à un ONDAM médico-social par ailleurs en très forte progression. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette mobilisation des moyens permettra d'améliorer la médicalisation des établissements ainsi que le recrutement et la formation des personnels employés en établissement ou à domicile. Nous mesurons tous chaque jour, sur le terrain, l'ampleur des besoins et des attentes.

M. Jean-Marie Geveaux. Absolument !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Le caractère globalement satisfaisant de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne signifie pas pour autant, monsieur le ministre, que tout soit parfait et que tous les problèmes soient réglés. Il s'agit de la première étape du redressement.

Je regrette que la complexité de notre système de financement altère profondément sa lisibilité. C'est pourquoi la commission a adopté des amendements visant à améliorer l'information et le contrôle du Parlement. Certes, nous n'avons pas recréé, sur le plan financier, une tuyauterie comparable à celle du FOREC, mais la multiplicité des fonds ainsi que les financements croisés nuisent considérablement à la clarté des actions et donc à notre vision des choses. Mon rapport a justement pour objet de mettre l'accent sur le caractère pédagogique que doit avoir la loi de financement. La sécurité sociale doit être un bien commun et non pas simplement l'affaire des seuls spécialistes.

Alors que nous nous focalisons sur les comptes du régime général, ceux de plusieurs fonds suscitent notre inquiétude.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Sans même parler du Fonds de réserve des retraites dont les recettes permanentes sont quasiment en voie extinction, on ne peut que s'inquiéter, par exemple, de l'absence de réaction, face à la croissance très rapide du déficit du Fonds de solidarité vieillesse, du conseil de surveillance, qui ne s'est pas réuni depuis plusieurs années.

M. Jean-Marie Geveaux. C'est vrai !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. C'est la raison pour laquelle la commission a adopté un amendement d'appel pour que conseil de surveillance au complet se réunisse enfin et se saisisse de cette importante question.

De même, la commission s'est montrée particulièrement préoccupée par le déficit du régime agricole qui s'élèvera à près d'1,5 milliard l'an prochain, soit un déficit de 10 %. Le passage du BAPSA au FFIPSA s'est traduit, en trois ans, par l'accumulation d'un passif de plus de 6 milliards d'euros. Mais pas une ligne dans le projet de loi de financement, pas une ligne dans le projet de loi de finances !

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Une telle somme ne se trouve pas facilement et la commission n'a pas trouvé de recette miracle. Mais elle a adopté à l'unanimité un amendement invitant le Gouvernement à réfléchir sur ce point tant la question est importante, notamment pour nos concitoyens vivant en zone rurale. Je pense aux 2 millions de Français qui relèvent du régime maladie de la Mutualité sociale agricole et au 1,9 million qui, chaque mois, attend pour toucher la retraite agricole.

L'articulation entre le budget de L'État et celui de la sécurité sociale reste problématique. Le maintien dans le premier d'une partie des droits sur les tabacs prive la sécurité sociale de recettes dont elle aurait bien besoin. Lui retirer en plus des droits sur les alcools n'arrange rien.

Voilà des années que la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement sert à éluder certaines questions.

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Avec l'article 70 de la loi du mois d'août dernier, le principe de la compensation intégrale par l'État des pertes de recettes subies par la sécurité sociale a été renforcé, et nous nous en réjouissons. Je souhaite, monsieur le ministre, que cet article soit pleinement appliqué.

La commission, à l'unanimité, a adopté un amendement visant à renforcer le contrôle du Parlement sur ce point.

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Et l'erreur que nous avons rectifiée à l'article 4 montre bien le besoin d'un contrôle accru.

Notre débat sur le PLFSS montre la nécessité, à l'instar de ce qui a été fait pour la loi de finances, de moderniser nos lois de financement. Il est absurde de devoir chaque année appréhender ce budget comme s'il n'existait qu'un horizon annuel. Il est absurde de voter un ONDAM et un objectif de branche maladie dont les champs ne coïncident pas, des recettes et des dépenses dont le périmètre diffère. Il est regrettable - n'ayons pas peur des mots - de ne même pas pouvoir voter un solde financier.

Cependant, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un bon projet de loi. Il s'inscrit dans la logique des réformes engagées et prépare le retour à l'équilibre financier. Il est donc souhaitable que nous débattions dans la sérénité et que nous adoptions ce texte qui ouvre une voie nouvelle dans laquelle nous devrions tous nous engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, vous présenter aujourd'hui le volet assurance maladie et accidents du travail du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est un moment privilégié après des mois de concertation en vue d'une réforme fondée sur la responsabilisation et sur les changements de comportement de tous les acteurs.

Les lois relatives à la santé publique et à l'assurance maladie ont été adoptées l'été dernier. Ce projet de loi de financement sera leur tremplin. Il s'inscrit dans la perspective ouverte par la loi du 13 août 2004 et les priorités définies par le Président de la République comme la lutte contre le cancer ou la meilleure intégration des personnes handicapées. L'important n'est pas de répéter les débats de cet été, mais de nous concentrer sur l'avenir de l'assurance maladie, sujet qui nous importe à tous.

Pour en rester au seul cadre parlementaire, il s'agit, ainsi que M. Perrut l'a souligné, du neuvième et dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale examiné dans le cadre de la loi organique de 1996. J'ai cru percevoir chez mes collègues, lors de l'examen en commission, une certaine frustration quant aux conditions du débat. Je me félicite donc, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé une réforme de la loi organique avant la fin de l'année.

Je souhaite que la modification de ce texte rende la discussion plus claire et qu'elle renforce les prérogatives du Parlement, en particulier en nous donnant la possibilité de décider de la répartition de l'ONDAM.

Une vision pluriannuelle des finances sociales, tout comme l'adoption en cours d'année de lois de financement rectificatives, seraient les bienvenues. L'élaboration de l'ONDAM sera-t-elle enfin médicalisée, conformément aux conclusions du rapport de M. Coulomb ? Le statut et la fonction du rapport annexé, texte aujourd'hui dépourvu de toute valeur normative, méritent d'être reconsidérés.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. J'espère que le Gouvernement pourra nous donner des informations plus précises sur le calendrier de discussion de cette réforme de la loi organique, ainsi que des premières indications sur son contenu.

En matière d'assurance maladie, le point important de tout PLFSS est la fixation du taux de progression de l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie : pour 2005, il sera de 3,2 %, soit 134,9 milliards d'euros contre 131 milliards en 2004. Par rapport aux taux de 5,2 % en 2004 et de 6,2 % en 2003, il n'est pas irréaliste, mais volontariste.

Ce taux ne fait que refléter la réforme votée cet été. Qu'auraient dit les sceptiques et autres pessimistes si le Gouvernement avait proposé un taux de progression de l'ONDAM de 5 ou 6 % ! Où aurait été la réforme ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Les décrets d'application de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie seront rapidement publiés : les mesures de maîtrise médicalisée vont donc faire effet dès les premiers mois de l'année 2005. Le respect de l'ONDAM est donc bien dans l'ordre du possible !

Comme l'ont montré la très nette inflexion des dépenses d'indemnités journalières et celle de la prescription d'antibiotiques, il n'y a pas de fatalité à la hausse incontrôlée des dépenses d'assurance maladie. L'important est que les outils prévus par la réforme soient rapidement mis en place afin de dégager des économies, particulièrement sur les indemnités journalières, sur les prescriptions de transports sanitaires, sur les médicaments et sur le suivi des assurés atteints d'une affection de longue durée. À ce sujet, monsieur le ministre, le dossier médical personnel doit être très rapidement généralisé : la date prévue, le 1er janvier 2007, me paraît un peu tardive.

Loin de tout optimisme béat, le choix de la maîtrise médicalisée, c'est-à-dire de la confiance et de la responsabilité, semble déjà porter ses fruits, comme l'indiquent les dernières prévisions de l'assurance maladie, publiées la semaine dernière. La croissance des dépenses de l'ensemble des soins de ville serait de 4,9 % en 2004, contre 7,5 % en moyenne sur la période 2001-2003. Cela confirme, comme l'a observé la Cour des comptes, qu'il existe une potentialité importante d'économies qui, si elles étaient effectuées, ne remettrait nullement en cause notre système.

La tarification à l'activité dans les établissements est une réforme aussi fondamentale que nécessaire, et elle poursuit sa montée en charge.

La part du budget des prestations « médecine chirurgie obstétrique » de l'hôpital public financées à l'activité en 2005 devrait atteindre au moins 20 %. Peut-être, monsieur le ministre, nous donnerez-vous plus d'informations sur ce point ?

Le projet prévoit que l'activité de prélèvement d'organes, autrement dit les greffes, soit financée à 100 % dès 2005 sur la base du tarif des prestations, ce qui permettra de mieux valoriser cette activité.

M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Il autorise en outre les caisses à consentir des avances remboursables aux cliniques privées et clarifie le mécanisme de caisse pivot. J'ai proposé à la commission un amendement visant à reporter de deux mois, du 1er octobre au 1er décembre, l'application de la tarification à l'activité dans les établissements privés, pour des motifs d'ordre technique.

Avec la mise en œuvre du plan Hôpital 2007 et la réforme à venir de l'organisation interne de l'hôpital, la tarification à l'activité montre que le secteur hospitalier est bien partie prenante de la réforme de notre système de soins menée par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, des éclaircissements sont nécessaires sur trois points : les conditions de convergence des tarifs de l'hospitalisation publique et privée, afin de parvenir à une échelle unique des tarifs en 2012 ; le contenu de l'ordonnance interne de l'hôpital ; la situation, sur laquelle nous avons été alertés, des services de soins de suite et de réadaptation et de la psychiatrie. La commission a adopté un amendement visant à créer une ligne spécifique pour ces services au sein de l'ONDAM.

La commission a adopté un amendement de M. Evin et du président Dubernard dont le but est de créer un groupement d'intérêt public qui associerait l'État et les fédérations hospitalières afin de mener des actions de communication pour promouvoir le recrutement de professionnels de santé dans les établissements. Le problème du recrutement appelle des réponses concrètes de la part du Gouvernement.

Le troisième point de mon intervention concerne les dépenses de médecine de ville hors médicaments.

Les auditions ont montré l'intérêt et même l'optimisme de nos interlocuteurs quant à l'effet de la réforme sur la médecine de ville, à deux conditions. D'une part, que la loi soit rapidement appliquée, mais nous savons que les ministres travaillent ardemment à la publication des décrets d'application. D'autre part, que les caisses de l'assurance maladie et les représentants des médecins signent une convention. La conclusion de ce partenariat conventionnel sera un signe fort de la confiance des acteurs envers la réforme.

Par ailleurs, nous sommes nombreux, je crois, à nous réjouir que l'article 11 du projet de loi mette en œuvre l'une des propositions de la conférence de la famille du 29 juin dernier, en instituant un entretien de santé pour les adolescents en classe de cinquième afin de mieux prendre en compte leurs besoins de santé spécifiques et de repérer au plus tôt les troubles sanitaires et sociaux susceptibles d'altérer leur développement.

Enfin, il apparaît nécessaire de prolonger, par exemple d'un an, la durée de vie du Fonds d'aide à la qualité des soins de vie, et d'accroître sa dotation pour 2005, afin de lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions, s'agissant, entre autres, du soutien à l'évaluation des pratiques professionnelles ou de la poursuite à l'installation de maisons médicales et la création de réseaux de coordination des soins. Compte tenu des règles de recevabilité financière posées par l'article 40 de la Constitution, la commission a adopté un amendement dans ce sens et je souhaite naturellement que le Gouvernement reprenne à son compte ces propositions.

Le quatrième point que j'évoquerai portera sur les dépenses de médicament.

Dans ce domaine, le projet de loi ne comporte qu'un article, et pour cause ! Depuis plus de deux ans, le Gouvernement a engagé un ambitieux programme de réforme, qui porte sur l'ensemble des éléments de la politique du médicament. Ambitieux mais réaliste, le plan Médicament doit permettre aux patients d'avoir accès aux nouveaux traitements, à travers notamment le soutien à l'innovation, tout en recherchant une efficience accrue des dépenses de médicaments, en d'autres termes de soigner mieux en dépensant beaucoup moins.

La priorité est donc désormais de mettre en musique ces mesures et de veiller à ce que l'ensemble des acteurs concernés - industriels, médecins, pharmaciens, assurés, comité économique des produits de santé, Haute autorité de santé - se mobilisent rapidement pour assurer le succès de la réforme.

Je n'oublie pas les accidents du travail. Ce sera mon cinquième point.

Les perspectives de la branche accidents du travail et maladies professionnelles dépendent essentiellement des dépenses liées aux dispositifs de prise en charge des maladies causées par l'amiante à travers le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, et surtout le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCATAA, dont les charges ont augmenté de 59 % en 2003 après avoir doublé en 2002 et triplé en 2001.

Si la progression de ces dépenses risque de menacer durablement l'équilibre de la branche, il ne saurait pour autant être question de remettre en cause la politique menée, au titre de la solidarité nationale, en faveur des victimes de l'amiante.

L'article 21 du projet de loi propose ainsi d'aménager les modalités de financement du FCATAA, en instituant une contribution spécifique pour les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Quelques interrogations demeurent quant à l'éventuelle incidence économique sur les petites entreprises de réparations navales.

Il conviendra enfin d'être attentif aux discussions qui seront engagées par les partenaires sociaux, comme les y invite la loi du 13 août dernier votée par notre assemblée, concernant la réforme de la gouvernance de la branche ainsi que l'évolution des conditions de prévention, de réparation et de tarification des accidents de travail et des maladies professionnelles.

En conclusion, ce projet, s'il paraît aux yeux de certains succinct ou resserré, traduit bien la volonté politique forte du Gouvernement et les préoccupations de la majorité d'améliorer les comptes de l'assurance maladie dès les premiers mois de 2005. Il est de nature à permettre à tous les acteurs du système de santé, et les assurés sociaux au premier chef, d'avoir confiance dans la réforme de l'assurance maladie. « Confiance », voilà bien le mot qui doit nous inspirer !

Je terminerai par cette phrase de Saint-Exupéry : « Je ne saurais prévoir l'avenir mais je saurai le fonder, parce que l'avenir se construit ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ressemble, j'en suis navrée, à une coquille vide : aucune mesure phare, aucune annonce porteuse d'une nouvelle ambition pour la politique familiale. La seule nouveauté dont on puisse se réjouir est le doublement de la prime d'adoption.

En dehors de cette mesure, qui devrait être prolongée par l'annonce de la réforme de la procédure d'adoption, nous attendons en vain des mesures concrètes pour les familles et tout particulièrement celles touchées par la précarité.

Permettez-moi de vous faire part de ma déception après la dernière conférence de la famille sur l'adolescence, qui avait suscité beaucoup d'attentes mais qui n'a fait que prendre acte du malaise des jeunes. À aucun moment le Gouvernement n'a voulu se saisir de la question centrale de la pauvreté croissante des adolescents des milieux défavorisés et de l'inadaptation de la politique familiale actuelle pour aider les familles à financer les études de leurs jeunes adultes. Un diagnostic a été établi mais aucun remède n'a été proposé !

Pourtant, les sujets d'inquiétude demeurent nombreux, à commencer par la situation financière des étudiants qui ne cesse de se dégrader : 100 000 d'entre eux sont en situation de précarité.

La politique menée en faveur des familles ayant de jeunes adultes à charge est en outre complètement dépassée et inefficace. Paradoxalement, le versement des prestations familiales s'arrête au moment où les jeunes coûtent le plus cher. Trouvez-vous normal que le niveau de vie d'un parent au SMIC qui élève seul deux adolescents soit 24 % en dessous du seuil de pauvreté ?

Il est urgent de revoir l'ensemble des aides financières destinées aux jeunes.

L'augmentation de près de 10 % du nombre d'allocataires du RMI en 2004, qui atteint 1,19 million, le durcissement des conditions de l'indemnisation chômage et le basculement de nombreux chômeurs dans un système d'assistance sont autant de signes de l'avancée de la pauvreté.

Dans ce contexte difficile, les décisions du Gouvernement de réaliser des économies sur le dos des familles sont d'autant plus surprenantes. L'année qui s'est écoulée a en effet été marquée par des mesures d'économie pénalisant lourdement les familles modestes.

Certaines réformes comme la PAJE avaient été annoncées comme de grands progrès. Mais, au final, elles se traduisent aussi par des restrictions dans l'accès aux prestations.

Dorénavant, pour avoir droit à l'allocation de libre choix d'activité, les mères de trois enfants et plus doivent avoir travaillé deux ans dans les cinq ans qui précèdent chaque naissance alors qu'auparavant, il leur suffisait d'avoir travaillé deux ans dans les dix ans qui précédaient la troisième naissance.

Il est encore trop tôt pour disposer d'un bilan complet de la PAJE mais certains effets d'éviction sont malheureusement déjà constatés.

S'agissant des aides personnelles au logement, le Gouvernement a fait connaître, avec neuf mois de retard, leurs nouveaux barèmes, qui se traduiront en fait par un accroissement du taux d'effort des ménages et des familles.

De plus, l'augmentation de 15 à 24 euros du montant mensuel en deçà duquel les aides ne seront plus versées, soit 288 euros par an, va exclure environ 75 000 familles du bénéfice de ces aides. Un versement annuel de ces aides éviterait de pénaliser les familles.

D'autres mesures d'économie sont prises, liées à la revalorisation des plafonds de ressources. Durant l'été, le ministère a publié deux décrets visant à modifier la prise en compte des revenus pour les allocations versées sous conditions de ressources. C'est ainsi qu'il a été décidé que les frais de garde des enfants de moins de sept ans, soit 762 euros par enfant, ne seront plus déductibles des ressources prises en compte pour bénéficier des prestations familiales.

Cette décision est défavorable pour environ 100 000 familles modestes. Pour un ménage au SMIC avec deux enfants, le manque à gagner est de 30 euros par mois ; avec deux SMIC, la perte est encore plus importante : 74 euros par mois ! Je vous laisse calculer ce que cela représente dans le budget de ces familles sur une année entière.

Cette décision est également défavorable à 60 000 familles issues des classes moyennes qui étaient aux limites du droit à l'allocation de rentrée scolaire ou à l'allocation pour jeune enfant. Voilà une prime de 257 euros par enfant et un revenu de 161 euros par mois qui s'envolent !

Dans la même logique, les droits des chômeurs ne seront réexaminés que deux mois après leur perte d'emploi alors que jusqu'ici la CAF les recalculait à compter du mois qui suivait le licenciement. Cette mesure devrait concerner 80 000 familles.

J'ai aussi à cœur de rappeler la situation des veufs et des veuves, jeunes ou moins jeunes, pour lesquels les décrets pris cet été sur les pensions de réversion s'avèrent catastrophiques. Nous sommes nombreux sur ces bancs à attendre du Gouvernement des mesures plus justes.

Enfin, je tiens à évoquer l'allocation adulte handicapé, qui est classée parmi les minima sociaux. Il me paraît urgent de revoir le mode d'indexation de cette allocation, qui devrait au moins connaître une évolution similaire au SMIC, et d'augmenter sensiblement son montant.

Toutes ces mesures d'économie pénalisantes pour des centaines de milliers de familles contrastent avec les mesures clientélistes, réservées aux plus aisés et proposées dans le projet de loi de finances pour 2005, notamment celle visant les emplois familiaux. Le plafond de dépenses ouvrant droit à une réduction d'impôt connaîtra une hausse substantielle de 10 000 à 15 000 euros. Cette réforme, qui devrait concerner 40 000 familles très aisées, n'améliorera pas réellement l'accueil des jeunes enfants. Elle est le symbole d'une politique fondée sur l'initiative individuelle et qui sacrifie les modes de garde collectifs.

J'aimerais à ce propos vous interroger, madame la ministre de la famille et de l'enfance, sur votre politique actuelle de construction de crèches. Les parents doivent avoir une véritable liberté de choix du mode de garde de leur enfant. Aujourd'hui, cette liberté est toute théorique surtout dans les grandes villes où le déficit en nombre de places est colossal. Ne pensez-vous pas que la décentralisation risque encore d'aggraver ce phénomène à cause du désengagement de l'État ? Pourriez-vous également nous indiquer si l'examen du projet de réforme relatif au statut des assistantes maternelles et assistants familiaux, constamment repoussé, viendra bien à l'ordre du jour de notre assemblée ?

En 2004, et ce pour la première fois depuis 1998, la branche famille devrait être en déficit d'environ 200 millions d'euros. Il convient de rester vigilant pour éviter que le budget de l'action sociale ne fasse les frais de cette détérioration des comptes et que des mesures apparemment techniques ne viennent une nouvelle fois exclure de nombreuses familles de l'accès aux prestations.

Je souhaiterais également vous interroger, madame la ministre, sur la gestion par la CNAF des prestations familiales des fonctionnaires. En 2005, la CNAF devra faire face à une augmentation importante de ses allocataires avec le transfert de gestion des prestations familiales des fonctionnaires de métropole. Cette réforme n'est pas sans ambiguïté puisque les fonctionnaires garderont le bénéfice de l'action sociale de leur ministère. Comment l'État compensera-t-il à la branche famille les cotisations « employeurs » d'allocation familiale ?

En ce qui concerne les principales nouveautés du PLFSS 2 005 pour la branche famille, la mesure la plus importante concerne la prime d'adoption dont le montant va être doublé pour atteindre 1 624 euros. En 2003, sur les 5 000 enfants adoptés, 70 % l'ont été à l'étranger. Cela représente des frais très lourds en termes de déplacement, d'aide juridique et d'assistance durant le déroulement de la procédure d'adoption. Ces frais sont évalués en moyenne à 12 000 euros.

Venons-en à la modernisation du financement de l'UNAF. Jusqu'à présent l'Union nationale des allocations familiales était financée par un prélèvement sur le montant des prestations familiales. La réforme présentée crée un fonds spécial qui comprendra deux enveloppes. La première servira à financer les missions traditionnelles de l'UNAF. La seconde permettra de financer des actions nouvelles liées à la politique familiale. Son indexation reposera sur l'évolution des prestations légales. Pouvez-vous, madame la ministre, expliciter cette réforme ? De manière plus générale, pouvez-vous nous dire comment vous comptez assurer un véritable pluralisme des associations familiales et ainsi mieux entendre les familles monoparentales ou les familles recomposées ?

Je voudrais m'arrêter un instant sur un article du PLFSS, qui ne relève pas directement de la branche famille mais qui concerne pleinement les adolescents.

Le présent projet de loi prévoit l'instauration d'un examen médical en classe de cinquième pris en charge intégralement par l'assurance maladie.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est pas si mal !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. L'objectif est louable mais c'est aussi un bel aveu d'impuissance, j'en suis désolée, pour l'État...

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. L'État n'est pas puissant !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. ...incapable d'organiser un service de médecine scolaire digne de ce nom !

M. Bertho Audifax. C'est nouveau ça !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. En effet, notre pays ne compte que 2 200 médecins scolaires, soit un médecin pour 5 600 élèves.

Depuis des années, les parents d'élèves réclament davantage de médecins et d'infirmières scolaires dans les établissements et, pour toute réponse, il nous est proposé un examen médical, qui n'est même pas obligatoire et qui devrait se dérouler dans les cabinets des praticiens libéraux ! Il paraît indispensable de revoir le dispositif de cet examen pour le rendre obligatoire au moins dans les zones d'éducation prioritaire et qu'il se déroule dans les locaux scolaires.

Pour finir, abordons le thème de la pauvreté des enfants et des jeunes. Des mesures spécifiques auraient dû être annoncées dans la foulée du rapport du Centre d'étude des revenus et des coûts, le CERC, qui, en 2003, démontrait la gravité de la pauvreté des enfants en France.

Si l'on retient le critère européen de 60 % du revenu médian, la pauvreté toucherait alors près de deux millions de mineurs, soit 16 % de l'ensemble des enfants de notre pays. Cependant, l'analyse monétaire de la pauvreté des enfants reste une approche qui, seule, est insuffisante. Les mauvaises conditions de vie, l'exiguïté et l'insalubrité des logements, les déficiences d'équipements scolaires, sportifs, culturels ou de loisir sont des indicateurs importants pour l'analyse du phénomène.

Afin de mieux appréhender la question de la pauvreté chez les enfants, je proposerai donc que l'Observatoire national de la pauvreté, en collaboration avec le CERC, mette au point des indicateurs statistiques adaptés et établisse un bilan régulier de l'évolution de cette pauvreté.

Dans l'immédiat, pour lutter contre la pauvreté, je demande au Gouvernement de renforcer l'aspect redistributif des prestations familiales pour aider prioritairement les familles fragilisées et tenir compte des frais spécifiques liés à la scolarité des étudiants. Il conviendrait , par exemple , d'évaluer précisément le coût que représenteraient le versement des allocations familiales jusqu'à vingt-deux ans, la majoration de la prime de rentrée scolaire pour les enfants de l'enseignement technique et la majoration du RMI pour les familles ayant des adolescents à charge.

Il faudrait, en outre, faciliter le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux en soutenant la garde des enfants , surtout pour les familles monoparentales.

Il conviendrait également de donner une dimension familiale à la prime pour l'emploi, qui est un dispositif intéressant pour aider les travailleurs pauvres ou modestes, mais qui n'a pas pris suffisamment en compte le surcoût des enfants.

La pauvreté conduit certains parents à se replier sur eux-mêmes et rend très difficile l'exercice de leur autorité parentale. Notre politique familiale devrait œuvrer plus efficacement pour aider les parents à assumer leur rôle éducatif. Seul un accompagnement social global pourra permettre de surmonter les handicaps culturels , qui sont autant d'entraves pour sortir durablement de la pauvreté, et de dépasser une logique de guichet qui distribue des prestations, alors que la pauvreté conduit à une exclusion beaucoup plus globale qui se reproduit d'une génération à l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

M. Georges Colombier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma mission de rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 pour la branche vieillesse a été l'occasion de mener un large travail de concertation et de dialogue avec de nombreux partenaires sociaux.

Ces échanges m'ont permis de dégager quatre faits majeurs que j'analyse en détail dans mon rapport :

La mise en application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Le déficit structurel de la branche vieillesse ;

La réforme des retraites des personnels des IEG engagée par la loi du 9 août 2004 et que finalise le présent projet de loi ;

Le bilan de l'APA et la mise en place de la CNSA.

S'agissant, tout d'abord, de la mise en application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, il est important de souligner qu'au 15 octobre 2004 la quasi- totalité des décrets d'application nécessaires à la mise en œuvre des mesures entrant en vigueur en 2004 a été publiée. Sur 83 décrets prévus, 56 ont été publiés à ce jour et moins d'une vingtaine sont en cours de contreseing.

Parmi les mesures ayant fait l'objet de décrets publiés, je citerai le départ anticipé à la retraite pour les assurés ayant effectué une longue carrière professionnelle, le nouveau régime de retraite complémentaire des commerçants, le rachat des années d'études supérieures ou des années incomplètes, le rachat des trimestres d'aide familiale agricole et la mensualisation des pensions des exploitants agricoles.

J'insisterai plus particulièrement sur la mesure phare de la réforme des retraites : les départs anticipés pour carrière longue. Fin 2004, la CNAV prévoit de liquider 120 000 dossiers. Pour l'année 2005, 90 000 nouveaux départs sont prévus et près d'1,3 milliard d'euros sera consacré aux mesures en faveur des départs anticipés à la retraite.

S'agissant des départs anticipés dans la fonction publique, les mêmes règles que pour le secteur privé s'appliqueront. Ce dispositif relatif aux carrières longues connaîtra une montée en charge progressive, échelonnée jusqu'au 1er janvier 2008. Au niveau budgétaire, le coût associé sera de 140 millions d'euros en 2005 pour les fonctionnaires de l'État et de 70 millions d'euros pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers gérés par la CNARCL.

Mon rapport présente également les mesures dont les décrets d'application n'ont pas encore été publiés ou sont incomplets. Je pense en priorité au droit à l'information individuelle et à la retraite progressive. Ces décrets cristallisent une attente forte des assurés sociaux. Ainsi, je souligne l'ampleur des défis qu'il reste à relever dans le cadre de l'application de la réforme des retraites. Monsieur le Ministre, bien que conscient de la complexité des mécanismes à mettre en oeuvre, je souhaite que ces décrets voient le jour dans les meilleurs délais.

J'ajoute d'ailleurs que deux décrets sur le cumul emploi-retraite ont été publiés le 22 octobre 2004. Compte tenu du calendrier, mon rapport ne fait pas état de la publication de ces dernières mesures d'application. Les apports de ces deux décrets sont essentiels, car ils accordent aux assurés plus de souplesse pour gérer leur cessation d'activité, dans un souci de respect des choix de vie.

Je me fais, en outre, le relais de nombreuses interrogations des partenaires sociaux sur le décrochage du minimum contributif par rapport au SMIC. Force est de constater que le pouvoir d'achat des pensions de retraite n'a cessé de se dégrader face aux salaires, notamment le SMIC. Sans ignorer les contraintes budgétaires de l'État, j'attire votre attention sur l'importance d'engager un rattrapage sur l'évolution du SMIC afin d'éviter un décrochage définitif des pensions de retraite.

Autre constat : l'absence d'engagement de négociations interprofessionnelles sur le traitement de la pénibilité du travail. La question est au point mort, alors que la loi fixe un délai de trois ans pour l'engagement de ces négociations. Je vous demande, monsieur le ministre, de mobiliser les partenaires sociaux sur cette question. Cette réflexion me paraît d'autant plus cruciale qu'elle participe directement de l'objectif de prolongation de la période d'activité professionnelle que sous-tend l'ensemble de la réforme des retraites. Les régimes d'assurance vieillesse, invalidité et accidents du travail ont de surcroît un intérêt financier commun à la conclusion de tels accords.

Il convient de revenir sur l'émoi suscité par la mise en application de la réforme du régime des pensions de réversion. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de suspendre les décrets du 24 août 2004 et de confier une mission d'expertise et d'évaluation au Conseil d'orientation des retraites,...

M. Denis Jacquat. Excellent organisme !

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse.... dont l'indépendance demeure un gage d'objectivité sur l'opportunité de la réforme. Je traduis l'avis unanime de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour que le Gouvernement tienne compte des conclusions du COR, afin que la nouvelle rédaction des décrets réponde au mieux aux attentes des personnes qui, demain, malheureusement, seront veuves ou veufs.

J'aborderai maintenant les comptes de la branche vieillesse. Fait notable de ce PLFSS 2005 : la branche vieillesse est à présent structurellement déficitaire.

La CNAV devrait enregistrer, pour la première fois, un déficit comptable supérieur à 70 millions d'euros. La situation s'aggrave pour l'exercice 2005 : la commission des comptes prévoit un déficit comptable supérieur à 1.4 milliard d'euros.

Ce déficit s'explique en grande partie par la montée en charge des départs anticipés en retraite. A terme, cette montée en charge devrait être compensée par les mesures structurelles contenues dans la loi portant réforme des retraites telles que l'augmentation de la durée de cotisation.

S'agissant du Fonds de solidarité vieillesse - FSV -, aucun changement ne sera apporté aux principes essentiels qui le régissent. Monsieur le ministre, vous nous avez toutefois annoncé que l'ensemble du reliquat de la contribution sociale de solidarité des sociétés sera affecté au FSV pour sécuriser son financement, et cela va dans le bon sens. Je reste pour ma part convaincu qu'il est aujourd'hui indispensable d'aller au-delà des mesures prévues en engageant une réflexion globale pour recentrer les missions du FSV et pérenniser son financement.

Quant au Fonds de réserve pour les retraites - FRR -, il disposera à la fin de cette année d'un peu plus de 19 milliards d'euros. Les perspectives de ce fonds étant relativement incertaines, la question reste donc posée d'une affectation de recettes supplémentaires à ce fonds. J'ai bien conscience que les marges de manœuvre budgétaires de l'État empêchent tout abondement significatif, mais gardons-nous de reporter sur les générations futures nos responsabilités actuelles. Mettons à profit le retour de la croissance pour lever ce handicap.

Venons-en maintenant au point sensible de ces dernières semaines s'agissant de l'assurance vieillesse : l'adossement du régime spécial des industries électriques et gazières - IEG - au régime général et aux régimes complémentaires.

Le Gouvernement a fait le choix de la transparence en retenant la formule de l'adossement et de la soulte pour réaliser le transfert. Je salue sa volonté de respecter tout à la fois la sécurisation des droits des salariés des IEG et la neutralité de l'opération pour le régime général et les régimes complémentaires. J'ai cependant attiré votre attention, monsieur le ministre, comme l'a fait tout à l'heure Bernard Perrut, sur la nécessité de veiller à ce que l'adossement du régime des IEG au régime général ne génère aucun surcoût pour les salariés du régime général.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. C'est indispensable !

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse. Je me réjouis qu'un accord soit récemment intervenu entre le Gouvernement et la CNAV. La voie du dialogue a ainsi été privilégiée dans la perspective d'ajuster le dispositif aux objectifs fixés par le principe de neutralité.

Il me paraît important de faire usage des moyens de contrôle mis à notre disposition pour apprécier la neutralité de l'adossement dans le temps. Nous devrons être vigilants lors de la publication du rapport annuel de la Caisse nationale des IEG et du bilan quinquennal sur l'équilibre global du système au travers des rapports publiés par toutes les caisses - CNAV, AGIRC, ARRCO et IEG.

Mon rapport fait également le point sur la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie - APA - et sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

S'agissant du nouveau dispositif de l'APA voté dans la loi du 31 mars 2003, la direction de la sécurité sociale estime qu'il devrait avoir achevé sa montée en puissance à la fin de l'année 2004. Je note, pour ma part, que de nombreux départements étaient encore saisis cet été 2004 d'un nombre toujours fortement croissant de demandes d'allocations , tant pour l'assistance à domicile qu'en établissement d'hébergement.

Il m'apparaît également opportun d'évoquer les problèmes d'aides hors du régime APA et de financement de la CNSA pour les personnes âgées classées GIR 5 ou 6. Ces dernières ont la possibilité de bénéficier de prestations d'aide ménagère dont le principal financeur demeure la CNAV, qui attribue des enveloppes régionales aux caisses régionales d'assurance maladie chargées de les redistribuer dans le cadre de conventionnements avec les services d'aide à domicile.

Je rappellerai que cette aide ménagère relève d'une politique d'action sociale purement facultative de la CNAV. Or, à moyen terme, les CRAM envisageraient l'éventualité d'un désengagement total de la CNAV sur ce type d'actions. Cela pose avec une acuité nouvelle la question de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie ne pouvant bénéficier du dispositif APA.

J'insiste sur le fait que la réduction, voire la suppression de cette aide à domicile des caisses de sécurité sociale aurait des conséquences à la fois pour l'emploi à domicile et pour les personnes âgées en prise à l'isolement. Je suis d'ailleurs persuadé que mon collègue Denis Jacquat reviendra sur ce point tout à l'heure.

Monsieur le ministre, le désengagement qui se profile porte, certes, sur une action facultative des caisses , mais il pénalise d'abord les personnes âgées classées en GIR 6 qui ne disposent pas de revenus élevés. Il met de plus en cause de nombreux emplois de service, qui répondent pourtant à une demande forte et qui , en tant que services rendus à la personne, bénéficient d'une politique active de soutien de la part du Gouvernement.

Je souhaite donc qu'une concertation s'engage entre les ministères, les départements, les caisses de sécurité sociale et les prestataires de service d'aide à domicile.

La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a organisé les instances dirigeantes de la CNSA et prévu son financement pour l'année 2004.

La politique de prise en charge de la perte d'autonomie devrait s'articuler entre l'action de la CNSA , qui impulsera les principales orientations du dispositif au niveau national , et une fonction locale de gestion du dispositif dont le responsable clairement identifié sera le département en lien avec les partenaires indispensables.

Sur la base du rapport relatif à la mission de préfiguration de la CNSA, présenté au Gouvernement par MM. Briet et Jamet, un travail de concertation a été mené cet été avec M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées, sur les modes de gouvernance et les objectifs de cette nouvelle caisse.

Le rapport Briet-Jamet entérine le rôle de gestionnaire de l'enveloppe budgétaire et d'acteur de proximité des départements. En réaction, les partenaires sociaux ont particulièrement insisté sur la nécessité de veiller à l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Je prends acte des orientations prises par le Gouvernement en faveur de la mise en place de la CNSA. J'ai bien noté que, outre sa fonction de concours financier auprès des conseillers généraux, la CNSA assurera une mission de correction des inégalités entre les départements et une fonction d'expertise technique et d'évaluation qui permettra d'améliorer le dispositif et de développer des actions de recherche.

La structure définitive de la CNSA devrait voir le jour au 1er janvier 2006, et je me félicite que le Gouvernement ait accepté la création d'un conseil de surveillance de la CNSA qui associera les parlementaires au plus près du fonctionnement de cette structure.

Ce PLFSS pour 2005 intervient après une réforme d'envergure visant à sauvegarder notre système de retraite par répartition. Le Gouvernement a fait le choix responsable de ne pas nier la réalité du déficit de la branche vieillesse. Aussi ai-je confiance en l'engagement et en la détermination de notre majorité en faveur d'un rééquilibrage des comptes de la branche vieillesse dans les années à venir.

Sur ma proposition concernant la branche vieillesse, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté le PLFSS pour 2005, sous réserve de quelques amendements précisant les règles de fonctionnement du Fonds de réserve pour les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement s'inscrit dans la continuité des réformes mises en œuvre depuis 2003 par le Gouvernement, s'agissant des retraites, de l'autonomie pour les personnes âgées et dépendantes, et de l'assurance maladie. Il traduit aussi financièrement le début de l'application des mesures de rééquilibrage des comptes nécessité par la situation des différentes branches.

En ce qui concerne la branche maladie, le déficit passera de 13,2 milliards d'euros en 2004 à 8 milliards d'euros en 2005. L'équilibre ne pourra cependant être atteint que par la mise en œuvre rapide des réformes de structure permettant un meilleur pilotage de l'assurance maladie au bénéfice du juste soin. La réforme de notre système de santé et le sauvetage de notre modèle de solidarité face à la maladie sont des chantiers qui s'inscrivent dans la durée, même si la dégradation des comptes impose des changements urgents et en appelle à la responsabilité de tous.

Après l'intervention des partenaires sociaux, qui ont accepté avec responsabilité de s'engager dans la voie de la réforme, et après le temps du débat politique qui a permis de l'adopter, l'été dernier, nous attendons à présent des professionnels de santé qu'ils assument leur part de responsabilité, tant pour les soins de ville qu'à l'hôpital, afin de favoriser une utilisation plus rationnelle de l'offre de soins.

Le respect de l'ONDAM, fixé à 3,2 %, est certes exigeant, mais il faut rappeler que cela représente malgré tout plus de 4,2 milliards d'euros supplémentaires injectés dans le système de santé et plus de 5,5 milliards d'euros par rapport à l'ONDAM voté dans cet hémicycle, il y a un an à peine.

Il est donc essentiel de comprendre que la réforme n'aurait pas de sens si nous continuions d'accepter comme une fatalité un dépassement systématique des objectifs que nous votons.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Bien sûr !

M. Jean-Marie Le Guen. Ah !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Ainsi, le respect des objectifs de dépenses implique bien que l'on cesse d'abonder en permanence les dépenses hospitalières pour de multiples raisons sans chercher à optimiser la gestion des hôpitaux, qui ne peut plus, qui ne doit plus être cette boîte noire où se perd l'efficacité des milliards d'euros engloutis.

À ce sujet, il est urgent de se doter d'outils d'évaluation afin d'apprécier l'impact du plan Hôpital 2007 pour obtenir un meilleur fonctionnement des hôpitaux et une optimisation des moyens que nous lui consacrons.

De même, au moment où s'engagent les discussions avec les professionnels de santé pour dessiner un cadre conventionnel rénové, il est nécessaire de les convaincre que les conventions devront être considérées comme de véritables contrats sur objectif avec engagement individualisé engageant strictement les signataires. Un lien pourrait ainsi être institué entre l'évolution de leurs honoraires et le respect des objectifs de maîtrise médicalisée des dépenses, clairement définis et quantifiés.

Par ailleurs, dans le cadre de la politique du médicament, il faut renforcer les exigences pour une meilleure prescription, car rien ne justifie les spécificités de la consommation française, si ce n'est une propension à vouloir masquer nos faiblesses derrière ce que Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, appelle « la dimension socioculturelle de cette exception française » !

C'est le cas pour la surconsommation médicamenteuse, qui est flagrante. Comment justifier, d'un point de vue médical, que la France consomme trois fois plus d'antibiotiques que les Pays-Bas, deux fois plus de vasodilatateurs et d'analgésiques, deux fois et demi plus de psychoanaleptiques et trois fois et demi plus de psycholeptiques que la moyenne de nos voisins européens ?

M. Jean-Marie Le Guen. En effet !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. C'est également le cas pour les génériques, qui, malgré d'indéniables progrès, ne représentent toujours que 7 % du marché en valeur et 12 % en volume, soit le plus faible taux parmi les pays de l'OCDE, alors que les génériques pourraient faire économiser 2 milliards d'euros avec un taux de consommation identique à celui de nos voisins.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Si nous voulons promouvoir l'innovation pour redynamiser le site France dans le secteur pharmaceutique, il faut que cessent les combats de retardement, qui sont autant de combats d'arrière-garde susceptibles de pénaliser la juste valorisation des molécules innovantes.

L'industrie du médicament doit faire des choix stratégiques et les médecins doivent être plus conscients de leur responsabilité pour imposer le juste soin et la juste prescription.

Concernant les génériques, je considère qu'il faut encore baisser leurs prix et discuter avec les pharmaciens d'une juste rétribution de leur intervention pour ramener à de justes proportions des pratiques comme les marges arrière, estimées entre 300 et 400 millions d'euros !

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Si nous voulons réussir la réforme votée cet été, chacun doit comprendre que nous devrons être exigeants pour garantir à tous nos compatriotes un égal accès à des soins de qualité.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. C'est indispensable.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. S'agissant de la branche vieillesse, le déficit se creuse à 1,4 milliard d'euros, compte tenu de la montée en charge de la mesure de retraite anticipée pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes et ayant atteint quarante annuités de cotisations. La mesure principale, qui trouve sa traduction financière dans le projet de loi, est le versement de la soulte des industries électriques et gazières, en contrepartie de l'adossement de ce régime spécial au régime général.

Je voudrais me féliciter que, à l'issue des négociations entre le Gouvernement et la CNAV, un accord ait été trouvé pour augmenter le montant de la soulte de 6,9 à 9 milliards d'euros...

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. ...dont 7,7 milliards d'euros pour la CNAV et 1,3 milliard d'euros d'avantages familiaux de retraite pris en charge par le FSV.

Il était en effet inacceptable que les salariés du privé aient pu avoir le sentiment de devoir payer une fois de plus les avantages des régimes spéciaux.

M. Jean-Luc Préel. En effet !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je voudrais, monsieur le ministre, que vous assuriez notre assemblée et, à travers elle, les Français que, au travers de la contribution tarifaire sur les prestations d'acheminement de gaz et d'électricité qui pèsera sur les usagers, le coût de la facture d'énergie n'augmentera pas après 2005.

M. Jean-Luc Préel. Comment serait-ce possible ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Comme Bernard Perrut, j'attire votre attention sur la gravité de la situation financière du FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, qui voit s'ajouter à sa situation démographique difficile le poids d'une charge croissante de la dette, qui risque à terme de mettre en péril son existence même. Je souligne la nécessité de trouver rapidement une solution à ce manque de recettes, afin de garantir la pérennité du régime de sécurité sociale des exploitants agricoles et de ne pas laisser courir la charge de la dette.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Voilà un vrai sujet de réflexion !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Cette solution ne peut venir que de la solidarité nationale, sous une forme que le Gouvernement doit rapidement proposer au Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous verrons cela.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. À mon initiative, la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a adopté 22 amendements au présent projet de loi, afin de nourrir 1e débat sur le redressement de nos finances sociales. Il s'agit soit de mesures de simplification, soit de moyens permettant de renforcer les politiques de maîtrise des dépenses engagées par le Gouvernement. La contribution de la commission des finances à la réduction des déficits sociaux s'élève ainsi au total à 500 millions d'euros en consolidation de recettes ou en optimisation de dépenses pour les régimes de sécurité sociale.

Au-delà de ces moyens immédiats, il s'agit aussi, pour la commission des finances, de vous assurer que l'expertise acquise à l'occasion de la mise en œuvre de la LOLF pour le budget de l'État sera mobilisée dans la perspective de la réforme du cadre organique applicable aux lois de financement de la sécurité sociale, et ce en liaison avec le Gouvernement et la commission des affaires sociales. Il faut profiter des synergies qui peuvent résulter de la mise en œuvre de la LOLF pour réformer rapidement la loi organique relative aux lois de financement.

Pour cela, au-delà d'une approche comptable, il faut se donner les instruments plus qualitatifs permettant d'optimiser la gestion et le financement de la sécurité sociale.

Un certain nombre de propositions peuvent d'ores et déjà être énoncées pour consolider cet objectif de retour à l'équilibre des comptes, dans une perspective pluriannuelle cadrant avec le programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne.

Il faut donner plus de substance, plus de contenu et plus de sens à ce qui est voté par le Parlement en loi de financement. Il convient d' instaurer un monopole du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les recettes sociales - cotisations et impositions affectées exclusivement à la sécurité sociale -...

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. ...et de définir des programmes pour les dépenses au sein des différentes branches avec objectifs, projets et indicateurs de performance.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout à fait !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Chaque objectif de dépenses par branche doit comprendre un ensemble de programmes concourant à la prise en charge des risques sociaux.

Sur le modèle de la LOLF, des programmes pourraient regrouper les dépenses destinées à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions avec des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des prévisions de résultats et une évaluation. Ainsi, il sera possible d'avoir un support organique pour « médicaliser l'ONDAM », objectif auquel nous sommes tous très sensibles.

Je suis tout à fait conscient du caractère ardu de cette tâche de définition de programmes sociaux, mais il s'agit justement de saisir cette occasion pour mieux définir la pertinence des actions prises en charge par la solidarité nationale.

Il serait également souhaitable d'élargir le champ matériel du texte et du débat à toute mesure d'organisation de la sécurité sociale, car ces dispositions sont des moyens d'atteindre un équilibre financier. Pour cela, il faudrait redéfinir de manière moins stricte qu'aujourd'hui la notion de « cavalier social ». Il s'agirait d'une disposition favorable au débat parlementaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. La LOLF a renforcé les pouvoirs d'information et de contrôle des membres du Parlement en matière financière. Il convient d'étendre ces dispositions au suivi des lois de financement de la sécurité sociale, dans le but de réussir la réforme engagée pour sauver notre sécurité sociale, un modèle de solidarité au service de la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a une semaine, lors de la présentation du budget de l'État, notre rapporteur général du budget, Gilles Carrez, a affirmé à juste titre que, dans un pays où la charge de la dette représente 15 % du budget, c'est-à-dire le montant cumulé des budgets de la recherche, de l'enseignement supérieur, de la santé, de la cohésion sociale et de la ville, il faut tout faire pour rétablir les comptes et que l'effort consenti pour le budget de l'État doit l'être aussi pour les comptes sociaux.

Il est vrai que, à ne parler que du train de vie de l'État, on finit par ignorer aussi que la croissance de la part des dépenses publiques dans le revenu national cache une forte réduction de la part de l'État dans les prélèvements obligatoires, notamment au profit de la sécurité sociale.

Soulever le problème de la dépense sociale, ce n'est pas forcément poser la question de son montant. Nous connaissons les facteurs d'alourdissement de la « ponction sociale » : vieillissement de la population, progrès médicaux et apparition de nouvelles pathologies.

La question intéressante, c'est avant tout celle de l'utilité de la dépense sociale. Celle-ci est-elle efficace ? Et surtout, est-elle équitable ? Joue-t-elle encore pleinement son rôle dans la protection des individus et la réduction des inégalités ?

Nous avons une double responsabilité à assumer, non seulement face à tous les citoyens, qui, par le biais des prélèvements, nous permettent d'agir, mais surtout vis-à-vis de tous ceux qui ont besoin d'être protégés, pour lesquels et au nom desquels nous mobilisons des moyens importants.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Cette responsabilité est d'autant plus forte que nous faisons face à une formidable demande de sécurité.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Surtout en France !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La sensibilité de nos concitoyens est devenue exacerbée dans notre société moderne productrice de menaces vécues comme non maîtrisables.

Cette dépense est-elle efficace ? Est-elle équitable ? Il est difficile de répondre à ces questions.

Notre rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, Bernard Perrut, s'en est ému. Il a fait remarquer que le système de financement de la sécurité sociale reste peu lisible. On se souvient de l'audit demandé en 2002, lors du retour au pouvoir de notre majorité, sur l'état des finances publiques, et réalisé par M. Jacques Bonnet et M. Philippe Nasse, de la Cour des comptes. Leur verdict sur ce point était sans appel : « L'obscurité de cet inextricable dédale pose un problème général d'efficacité publique »...

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. C'est un problème très obscur en effet !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...et oppose « un sérieux obstacle à l'efficacité de notre système social ». Ils ajoutaient : « Sans doute serait-il futile et un peu naïf de croire que l'organisation de la sécurité sociale pourrait être simple. Mais il y a des limites au-delà desquelles l'excès de complexité de l'outil nuit aux fins qu'il sert ».

Nous avons fait beaucoup d'efforts pour démonter les mécanismes les plus complexes, comme le FOREC, mis en place pour financer des dépenses, notamment celles liées à la réduction du temps de travail, qui n'entraient nullement dans le champ de compétence de la sécurité sociale. Cependant, beaucoup reste à faire. Le budget de la sécurité sociale, ce sont plus de 365 milliards d'euros, dont la majeure partie échappe non seulement aux logiques, mais aussi aux normes et aux contraintes du marché et de l'État.

La révision constitutionnelle du 22 février 1996 a, certes, jeté les bases de l'intervention du Parlement en matière de finances sociales, mais, à ce jour, nous sommes encore incapables d'exercer correctement la mission d'évaluation et de contrôle qui nous incombe. Aussi plusieurs amendements ont-ils été adoptés par notre commission, afin d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement. Je pense, par exemple, à l'un d'entre eux qui prévoit qu'un rapport sera remis au Parlement sur les compensations d'exonérations par l'État.

En tout état de cause, nous souhaitons que cet automne marque un engagement vers de nouvelles procédures tout à fait indispensables. Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de la réforme des lois organiques régissant les lois de financement. Il s'agira, en particulier, d'inscrire le « budget de la sécurité sociale » dans un cadre pluriannuel, de consacrer le principe du vote par branche, de compenser intégralement toute perte de recettes pour les différents régimes et, enfin, dans une démarche comparable à celle qui a guidé la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, de fixer des objectifs à la politique de sécurité sociale et d'évaluer les résultats de cette politique.

Tant la Cour des comptes, dans la perspective du rapport au Parlement de septembre 2005, que le Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale travaillent actuellement à préciser les conditions, les étapes et les modalités de la mise en œuvre de la certification des comptes, opération au demeurant très lourde. Il s'agira également, et c'est un point crucial, de déterminer l'institution à laquelle sera confiée la mission de certifier les comptes des régimes et des branches de la sécurité sociale, dans un contexte particulièrement complexe et très différent de la sphère des comptes privés. Une nouvelle disposition législative sera de toute façon nécessaire. Nous escomptons un premier exercice de certification en 2007 sur les comptes de 2006.

Vous savez également que, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, nous avons défendu un amendement ayant pour objet la création d'une mission d'évaluation et de contrôle chargée d'évaluer les lois de financement de la sécurité sociale. Cette MECS doit être lancée dans les semaines qui viennent. Permettez-moi, à ce propos, de paraphraser le discours d'intronisation de Philippe Seguin, en disant que nous assignerons à cette instance la mission de « déterminer très prosaïquement ce qui marche et ce qui ne marche pas dans tel ou tel domaine et, le cas échéant, selon la formule ancienne, nous exprimerons des vues de réformes ».

Les élus ne seront crédibles que s'ils restaurent la lisibilité. Le propre de l'obscurité est d'aggraver les problèmes en retardant les solutions.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis, et M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse. Très juste !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La République ne s'incarne pas seulement dans la solidarité ; elle requiert aussi une exigence de transparence et de contrôle des pouvoirs et des fonds publics par les citoyens et leurs représentants.

Pour en revenir au texte qui nous est présenté, je veux souligner combien le PLFSS pour 2005 est à la fois réaliste et équilibré, car il se situe en amont de la loi organique relative aux lois de finances et en aval d'une série de textes matérialisant les réformes sociales lancées par le Gouvernement : la loi sur les retraites, la loi de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées, la loi relative à l'assurance maladie et la loi de santé publique, auxquelles s'ajoute la modernisation en cours de l'hôpital public.

L'un des principaux enjeux demeure l'hôpital. Outre les effets de la fin du financement des 35 heures et de la montée en charge de la T2A, qui concernera 20 % des actes de médecine et de chirurgie obstétrique, il me semble que subsistent, dans le secteur de l'hospitalisation publique et privée, des réserves d'économies et de qualité considérables. N'oublions pas le plan Hôpital 2007, souhaité par le Président de la République et mis en œuvre par vous-même, monsieur le ministre, qui doit consacrer 10 milliards d'euros à la modernisation des locaux et des équipements de nos hôpitaux.

Hospitalisation publique et hospitalisation privée représentent près de la moitié des dépenses de santé. Ceux qui connaissent bien le fonctionnement de l'hôpital - les malades, en particulier ceux qui sont atteints de maladies chroniques, les aides soignants, les infirmières, les médecins, les personnels administratifs des hôpitaux de proximité, des hôpitaux généraux et des CHU - savent qu'il est possible d'améliorer la qualité tout en réalisant des économies. Les membres de la mission Couanau, issue de la commission des affaires sociales, ont accumulé les exemples en ce sens. Des économies sont possibles, même si le coût des assurances en responsabilité médicale augmente. La rationalisation des achats en est, en effet, monsieur le ministre, une source indiscutable, et les chiffres que vous avez cités sont très largement inférieurs aux économies qu'il est possible de réaliser.

La réforme de la gouvernance, du pilotage des hôpitaux publics et, surtout, une nouvelle organisation interne redéployant les moyens devraient, à coup sûr, permettre l'indispensable amélioration de la qualité. Il s'agit aussi et surtout de rendre l'hôpital plus humain et de faire en sorte qu'il échappe à cette tragique tendance qui consiste à oublier l'homme, l'homme malade, au service duquel tous ceux qui travaillent à l'hôpital se sont engagés. Les vocations ne sont jamais le fruit du hasard.

Ainsi remotivés, remobilisés, les personnels hospitaliers seront prêts à assumer une évolution de leurs métiers et un changement de comportement que nous tous, assurés malades, professionnels de santé, devons nous imposer pour sauver notre système solidaire de sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il me revient naturellement de vous présenter les aspects du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui relèvent du ministère de la famille et de l'enfance.

Parmi les mesures de ce projet de loi figure tout d'abord l'entretien de santé personnalisé qui, même s'il figure dans la partie relative à la branche maladie, constitue la mise en œuvre de l'une des principales mesures issues de la conférence de la famille du 29 juin dernier. Au cours de cet entretien, qui aura lieu en cinquième, le médecin interrogera l'adolescent sur son état de santé et son environnement. Ce sera aussi l'occasion d'identifier des souffrances psychiques et des situations de maltraitance. Cet entretien de santé sera proposé sans « reste à charge » pour les familles, l'article 11 du PLFSS permettant l'exonération du ticket modérateur.

La deuxième disposition sur laquelle je veux insister porte sur le doublement de la prime à l'adoption, qui passera de 812 à 1 624 euros, dès le 1er janvier 2005. Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'adoption internationale. Les parents en quête d'adoption doivent en effet supporter des coûts spécifiques dans le cadre de démarches coûteuses et il est légitime qu'il en soit financièrement tenu compte.

La troisième mesure, inscrite à l'article 25 du projet de loi, a pour objet de réformer les modalités de financement de l'UNAF. Deux enveloppes, dont les conditions d'évolution ont été adaptées de manière à favoriser une meilleure maîtrise financière, seront désormais clairement identifiées. La première couvrira les missions fondamentales de l'UNAF qui découlent de la loi, notamment la représentation des familles ; la seconde financera les actions qui lui sont confiées en tant qu'opérateur par l'État, comme le soutien à la parentalité ou les services aux familles.

Enfin, la quatrième mesure inscrite à l'article 26 du projet de loi est relative au taux de transfert au Fonds de solidarité vieillesse au titre des majorations de pension pour enfant. Ce taux a été maintenu à 60 %, car j'ai veillé à ce qu'aucune ponction nouvelle ne soit opérée sur la branche famille en 2005.

S'agissant, plus généralement, des comptes de la branche famille, le quasi retour à l'équilibre en 2005 me conduit à vous rappeler, s'il en était besoin, que la situation financière de la branche est fondamentalement saine et que ses ressources sont en cohérence avec ses besoins de financement.

J'en viens aux orientations antérieures dont le PLFSS poursuit la mise en œuvre.

Outre les mesures législatives que je viens d'évoquer, le PLFSS pour 2005 permet de poursuivre et de renforcer notre action en faveur de la petite enfance. Je suis, en effet, très attentive à la montée en puissance de la prestation d'accueil du jeune enfant, en particulier à l'élargissement du nombre des familles concernées - plus 200 000 familles - et aux améliorations des aides à la garde. Cette montée en charge représente 850 millions d'euros supplémentaires, dont 350 millions seront versés aux parents de jeunes enfants en 2005. C'est un effort considérable en faveur des familles dont le pouvoir d'achat est ainsi accru.

Par ailleurs, le développement de l'offre de garde sera poursuivi, avec la rénovation du statut des assistants maternels et familiaux qui devrait être inscrit prochainement à l'ordre du jour de votre assemblée. La branche « famille » prendra en charge plusieurs cotisations des assistants maternels pour un coût de 50 millions d'euros.

Enfin, le PLFSS a budgété la montée en puissance du plan de création des 20 000 nouvelles places de crèches, avec 20 millions d'euros de dépenses effectives mais non limitatives dès 2005.

Pour conclure, je considère que le PLFSS pour 2005 permet de poursuivre notre politique de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, tout en prévoyant, dès 2005, des mesures concrètes dans le domaine de l'adolescence et celui de l'adoption. Aux nombreuses questions de Mme Clergeau, je répondrai bien entendu à l'issue de la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le PLFSS pour 2005 s'inscrit, en ce qui concerne la politique en faveur des personnes handicapées, dans l'ambition affichée par le Président de la République et mise en œuvre depuis deux ans par le Gouvernement.

La création de places en établissements et dans les services accueillant des personnes handicapées a été intensifiée, de façon à faire plus que doubler entre 2002 et 2007 le rythme de création de places observé entre 1998 et 2002. En 2004, l'ONDAM médico-social consacré aux personnes handicapées a progressé de 8,3 %. Cette progression continuera en 2005, mais elle sera encadrée, en raison de l'intervention de la Caisse nationale de solidarité par l'autonomie. Ce sont 330 millions d'euros supplémentaires pour le secteur du handicap que le Gouvernement vous propose d'inscrire à l'ONDAM, pour un objectif total de dépenses de 6,5 milliards d'euros.

Toutes les semaines, ce sont en moyenne 100 places supplémentaires qui sont ouvertes sur l'ensemble du territoire national dans les établissements financés par l'assurance maladie et qui permettent d'offrir une solution à de nombreuses personnes qui n'en avaient pas. Elles viennent s'ajouter aux quelque 60 places créées chaque semaine, en moyenne, dans les CAT.

Les années 2005 à 2007 seront celles de la mise en œuvre de la politique de la compensation vis-à-vis des personnes handicapées. Il s'agit de donner à ces dernières les moyens de choisir librement leur projet de vie, en proposant à chaque personne, dans une approche à la fois globale et individualisée, les solutions les plus appropriées.

Cette politique repose sur deux axes : la création de la prestation de compensation par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et la poursuite de la mise en œuvre du programme de création de places que je viens d'évoquer. Elle s'inscrit dans la grande réforme de solidarité en faveur des personnes dépendantes en raison de l'âge et du handicap, qui a été annoncée par le Premier ministre le 6 novembre 2003 et dont la création, par la loi du 30 juin 2004, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est une première traduction ; 40 % des recettes de cette caisse, soit 850 millions d'euros en 2008, seront consacrés aux personnes handicapées.

Outre le financement de la prestation de compensation, la CNSA contribuera, aux côtés de l'assurance maladie, au financement du programme de création de places en établissements, qui constitue un moyen de compensation collective du handicap.

Comme je m'y étais engagée en première lecture lors de l'examen du projet de loi en question, après avoir pris connaissance des rapports de la mission Briet-Jamet ainsi que des avis et propositions des groupes de concertation, le Gouvernement a choisi une réforme institutionnelle qui reflète deux exigences principales.

D'abord, le maintien de l'unicité de l'assurance maladie, puisque le Parlement continuera à voter les ONDAM médico-sociaux des personnes âgées et handicapées, en dégageant chaque année les mesures nouvelles nécessaires pour conforter notre politique médicalisée d'accueil en institution et de maintien à domicile comme en milieu ouvert.

Ensuite, un pilotage unifié, tant au niveau national, avec l'extension des missions confiées à la CNSA afin d'assurer une gestion prévisionnelle de la nouvelle branche de protection sociale, qu'au niveau local, en faisant du département le chef de file de la solvabilisation de la demande des personnes âgées et des personnes handicapées. J'aurai l'occasion de venir débattre de ces différents points avec vous dans quelques semaines.

Enfin, je dirai quelques mots sur le plan de création de places, assuré en 2005 au moyen de deux programmes.

Le premier, à destination des enfants et des adolescents handicapés, répond à trois objectifs : un objectif de prévention et de prise en charge précoces ; un objectif d'intégration scolaire, grâce à 1 250 places nouvelles en SESSAD, les services d'éducation spéciale et de soins à domicile ; un objectif destiné à répondre aux besoins non satisfaits en places pour autistes et enfants polyhandicapés.

Le second, un programme en direction des adultes handicapés, prévoit d'accroître le nombre de places en établissements pour les publics ciblés avec la création de 2 500 places en MAS, les maisons d'accueil spécialisées, et en FAM, les foyers d'accueil médicalisés, et d'améliorer la palette des réponses en augmentant le nombre de places en services médico-sociaux - qui favorisent, comme vous le savez, la vie à domicile et l'autonomie des personnes par la diversification des modes de prise en charge - avec la création de 1 250 places en services médico-sociaux.

Au total, mesdames et messieurs les députés, ce programme prévoit de créer 40 000 places en établissements d'ici à 2007 (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, en présentant un projet de financement de la sécurité sociale aussi dépourvu de contenu et aussi mince dans ses articles, le Gouvernement témoigne du peu de générosité sociale de sa politique et de son absence de volonté réformatrice.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ça commence bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Encore qu'il soit ambigu d'employer le mot de réforme à propos de votre gouvernement puisque, lorsque vous prétendez agir pour réformer, les Français ont tout à craindre pour leur protection sociale.

L'avantage pour vous d'un texte aussi dépouillé tient peut-être au moindre risque de vous exposer à des dispositions non constitutionnelles. Pourtant, ce que vous nous proposez mérite d'être censuré, non pas tant dans ses dispositions que par l'absence de celles qu'imposerait la situation financière dramatique de nos organismes sociaux. C'est bien ce manque qui met à mal les principes constitutionnels qui enjoignent au Gouvernement d'assurer la recherche de l'équilibre des comptes publics et de préserver les conditions de la protection sociale de nos concitoyens.

L'acceptation délibérée des déficits souligne vos intentions réelles : affaiblir l'assise financière de notre protection sociale, mettre en œuvre les conditions d'une réduction systématique des droits sociaux.

La fragilisation de l'assise financière des organismes de protection sociale ne résulte pas, en effet, de circonstances économiques exceptionnelles mais d'un choix délibéré du Gouvernement.

S'agissant d'une loi de finances, le premier de nos devoirs est de considérer la situation financière que vous nous proposez. Jamais un gouvernement n'aura présenté une situation aussi dégradée des comptes sociaux. En 2005, ce ne sont plus seulement les comptes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs sociaux, tant pour l'assurance maladie que pour les accidents du travail, qui seront plongés dans le rouge. Tous les risques et tous les régimes de protection sociale connaîtront la même situation : la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la Caisse nationale d'allocations familiales, mais aussi le FFIPSA - ex-BAPSA -, le Fonds de solidarité vieillesse, la CNRACL et la CANAM, le tout pour un solde total de 12 milliards d'euros pour cette seule année.

Cette situation catastrophique résulte-t-elle de circonstances exceptionnelles ? Certainement pas, puisqu'elle confirme, en l'aggravant, la situation financière dégradée que vous nous proposez systématiquement depuis trois ans. À défaut d'être exceptionnels, ces déficits résulteraient-ils d'une adversité durable de notre économie ? À entendre le Premier ministre, ce n'est pas le cas. Votre gouvernement ne se flatte-t-il pas d'un retour confirmé de la croissance, tablant sur des prévisions de 2,5 % pour cette année ? À vous entendre, le retour à l'emploi serait désormais engagé.

Comment comprendre que dans la situation économique favorable que vous décrivez, nos régimes sociaux puissent afficher des résultats si catastrophiques ?

Ces chiffres ne seraient-ils pas plutôt le résultat d'un excès de prudence dans vos prévisions ? Par souci de bonne gestion, n'auriez-vous pas surestimé les dépenses ? Malheureusement, pour la plupart des risques, on peut redouter le contraire. À commencer par l'assurance maladie pour laquelle - nous y reviendrons - l'ONDAM est, du point de vue de tous les observateurs, très largement sous-estimé, alors même que vos recettes semblent basées sur des hypothèses, elles, bien optimistes. Est-il bien raisonnable de prévoir 2,5 % de croissance, indépendamment même du poids de l'augmentation du coût du pétrole ? Prévoir 4 % de croissance de la masse salariale et des recettes sociales y afférent, est-ce prudent alors que cette croissance n'aura été que de 2,8 % cette année et que vous faites si peu pour l'enrichir en termes d'emploi ? Tout cela est-il vraiment crédible ?

Sur le plan financier, on a vu la semaine dernière comment M. le ministre Nicolas Sarkozy jonglait avec la présentation budgétaire pour faire croire que la France respecterait les engagements du pacte de stabilité. Cela étant, on s'interroge toujours pour savoir comment seront réglés les 2,2 milliards d'euros de déficit cumulé des prestations agricoles et les 2,5 milliards d'euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse. J'en veux pour preuve l'amendement proposé par l'un de nos rapporteurs et visant à indexer sur les droits perçus sur le tabac les sommes nécessaires à une remise à flot - amendement qui a semé l'effroi chez certains.

La question demeure et ne saurait être réglée par un simple rapport, monsieur le ministre. Il faudra bien que vous expliquiez comment vous comptez financer ces déficits, à moins que vous n'osiez avouer devant l'Assemblée nationale que ces déficits iront simplement s'ajouter à la dette sociale que vous ne cessez de creuser.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr que non !

M. Jean-Marie Le Guen. En ce cas, vous nous exposerez votre stratégie.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avec plaisir !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme on peut le voir, ce n'est pas la prudence financière qui dicte vos choix. Ce gouvernement conduit une politique économique et sociale tournée essentiellement vers le souci d'alléger la pression fiscale sur les plus riches, en favorisant la rente au détriment de la croissance, de l'emploi et de l'équilibre des comptes sociaux.

Je veux être encore plus précis dans ma critique : mettre l'ensemble des comptes sociaux dans le rouge, alourdir comme jamais la dette sociale et affaiblir d'autant les capacités à réagir demain, a pour vous bien des avantages. Cela vous permet, aujourd'hui, d'alléger d'autant le budget de l'État et de donner l'illusion d'une baisse de la pression fiscale, même si cette distribution de cadeaux fiscaux se fait exclusivement en faveur des plus riches. Surtout, votre politique vise à culpabiliser les Français, à décrédibiliser les régimes de solidarité nationale et à les plonger dans une crise financière et morale qui contraint à les réformer, comme vous dites, c'est-à-dire à les déformer en les vidant de toute notion de solidarité.

En ce qui concerne les finances du pays, les choix du Gouvernement sont clairs : il sacrifie les régimes sociaux. Chacun sait pourtant que ce sont les Français qui, au final, paieront ce sacrifice. Qui paieront, ou plutôt qui paient déjà, puisque vous nous présentez une politique économique qui arrive à cumuler l'augmentation des prélèvements pour tous, la baisse des impôts pour les plus riches, la diminution des prestations pour les familles aux revenus moyens, la baisse des pensions de réversion pour les veufs et les veuves et de la couverture sociale pour tous les malades.

Si M. Sarkozy peut faire valoir les résultats de cette politique auprès du MEDEF, celle-ci sonne pourtant comme un échec de la gestion de votre ministère. Nous avons, avenue de Ségur, un ministre qui ne défend ni les budgets sociaux ni l'équilibre des comptes.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce n'est pas comme vous !

M. Jean-Marie Le Guen. En d'autres temps, on avait reproché à un ministre des affaires sociales de ne pas être un ministre des comptes. Celui-là pouvait au moins se prévaloir d'une politique généreuse, ce qui n'est pas votre cas. Votre politique parvient à n'être ni généreuse, ni rigoureuse.

Votre projet de loi n'est pas celui d'un ministre de la santé et de la protection sociale. Il n'est que déficit, affaiblissement des régimes sociaux, recul de la couverture sanitaire et sociale. Les familles sont oubliées, les retraités spoliés et l'assurance maladie chaque jour plus restreinte. Voilà pour votre bilan social (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout en nuances !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais, monsieur le ministre, vous n'êtes pas seulement en responsabilité de la situation des organismes de la protection sociale, vous êtes aussi responsable de la santé publique qui engage l'avenir de notre pays et la qualité de vie de nos concitoyens.

Et si l'on doit reconnaître que l'affaiblissement des budgets sociaux ne date pas de votre retour avenue de Ségur, il faut constater, malheureusement, que sous votre conduite, la santé publique a pris un court nouveau, celui de la régression. Après six mois de présence au ministère, la santé publique a en effet reculé sur tous les fronts.

M. Paul-Henri Cugnenc. Quel sens de la nuance !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vais entrer dans le détail, monsieur Cugnenc.

La politique de hausse des prix du tabac, dont pouvait, à juste titre, s'enorgueillir votre prédécesseur, a été abandonnée devant, non pas la lassitude ou le désaveu de l'opinion publique, mais le mécontentement des buralistes.

La lutte contre l'alcoolisme a connu, il y a quelques jours, sa défaite la plus cinglante et la plus grave depuis vingt ans alors même que chacun a constaté votre absence de combativité pour défendre cet acquis.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Cette fois, nous l'avons bien compris, c'est devant les députés UMP et les viticulteurs que vous avez reculés.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. En matière de lutte contre l'obésité, vous êtes venu ici personnellement, le vendredi 31 juillet,...

M. Richard Mallié. Non, c'était le 30 !

M. Jean-Marie Le Guen. ...pour supprimer, contre l'avis des deux assemblées, l'obligation de la diffusion de messages d'éducation sanitaire dans les publicités alimentaires,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous avons fait mieux !

M. Jean-Marie Le Guen. ...allant ainsi à l'encontre des recommandations de l'APSSA et de l'OMS, pour céder, une fois encore, aux lobbies de l'industrie alimentaire et des publicitaires.

En matière de lutte contre les toxicomanies, le gouvernement auquel vous appartenez a renoncé à remettre en cause la loi de 1971 comme s'y était pourtant engagé le gouvernement Raffarin II.

En matière de santé et d'environnement, votre gouvernement a été l'un de ceux qui s'est illustré au plan européen pour remettre en cause le programme REACH qui devait imposer un contrôle plus rigoureux aux industries pétrochimiques.

En matière de santé et travail, vous n'avez pas trouvé pour l'instant d'autre attitude face à la dégradation des conditions de travail, notamment chez les plus de cinquante ans, que le renforcement illusoire - mais combien injuste - de la répression et de la stigmatisation.

Je veux parler enfin de l'AME dont la situation s'inscrit à l'évidence dans le cadre de la santé publique. Tant les intervenants humanitaires que les praticiens hospitaliers, notamment les urgentistes, ont dénoncé les dangers et le caractère impraticable de la réforme mise en œuvre par le précédent gouvernement. Le fait que les décrets ne soient toujours pas publiés corrobore d'ailleurs cette appréciation.

Il est de votre devoir, monsieur le ministre, de faire entendre la voix du ministère de la santé et de revenir sur ces dispositions scandaleuses.

Quel bilan en six mois d'action ministérielle ! C'est inégalé. Qui donc défend la santé publique dans notre pays ?

Je n'aurai garde cependant d'oublier la vigilance médiatique dont vous avez fait preuve tout l'été vis-à-vis de la canicule,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela vous gêne !

M. Jean-Marie Le Guen. ...montrant une fois de plus que la communication passe mal entre les services météo et le cabinet du ministre.

Ou bien encore cette mobilisation contre la rage qui vous a conduit à préconiser la vaccination générale des chats et des chiens de ce pays, mesure qui n'a pas eu l'air de plaire au ministre de l'agriculture, lequel y a mis bon ordre. Si la santé publique en dépendait, il fallait, monsieur le ministre, insister.

Ce bilan,...

M. Henri Houdouin. Excellent !

M. Jean-Marie Le Guen. ...vous trouvez peut-être que je le juge durement. Il est pourtant...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Excellent !

M. Jean-Marie Le Guen. ...bien factuel et peu contestable. Je ne pense pas d'ailleurs que ce sont vos convictions qui fassent défaut. Et je n'ai pas à juger l'importance que vous y accorder.

Ce qui fait défaut, monsieur le ministre, c'est votre engagement. Or vous n'êtes pas engagé, malgré votre exposition médiatique qui veut dire le contraire. Vous n'êtes pas engagé parce que - et c'est un reproche que je vous fais - peu désireux, il y a six mois, de revenir à ce poste, vous êtes déjà en partance : Matignon en juillet, présidence de l'UMP en août, Bercy en septembre, tout vous intéresse, en particulier tout ce qui pourrait vous faire quitter l'avenue de Ségur. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Jaloux !

M. Paul-Henri Cugnenc. Votre propos manque d'élégance, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ambitionnez ces plus grands ministères. Et pourquoi pas ? Mais pourquoi n'avez-vous pas imaginé plutôt que vous pourriez faire justement du ministère de la santé un ministère plus grand et plus respecté dans le fonctionnement de l'État ?

Cela pouvait signifier, cependant, prendre le risque de déplaire à des catégories électorales qui peuvent influer sur le choix d'une future carrière. Buralistes, viticulteurs semblent parfois, il est vrai, plus influent que les acteurs de la santé publique.

M. Paul-Henri Cugnenc. Prenez garde aux excès, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi, en effet, iriez-vous à l'encontre de cette majorité parlementaire qui ne sait plus toujours à quel engagement électoraliste se vouer pour reconquérir l'opinion ?

Pourquoi ne pas déjà prendre en compte les intérêts de Bercy, de la place Beauvau et de qui sais-je encore si votre action de demain en dépend ?

Vous n'êtes pas là, monsieur le ministre, et pendant ce temps la santé publique se défait.

Vous allez me trouver de nouveau trop dur et insensible à vos efforts. D'un certain point de vue, je veux vous en donner acte. Ce flou politique n'est pas une question de tempérament ou en tout cas pas seulement. Ce désordre n'est pas là par hasard, il n'est qu'un témoignage supplémentaire du désordre dans lequel s'installe l'ensemble de cette majorité et, avec elle, le gouvernement de la France.

Un président sans véritable soutien parce que sans véritable bilan, un Premier ministre qui n'en finit pas d'être en partance, un gouvernement où l'on songe d'abord à se « recaser », un parti majoritaire en voie de se laisser conquérir par un homme qui, au plan personnel, semble le premier opposant au Président et dont l'impatience bousculera plus qu'il ne convient la marche théorique de nos institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général. Quel rapport avec le PLFSS ?

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi dès lors ne participeriez-vous pas au « bal » ?

Peut-on simplement rappeler qu'à ce spectacle, les Français ne sont pas invités et qu'ils payent chèrement leur place ?

Au milieu de cette confusion, la pente naturelle des orientations gouvernementales ne manque pourtant pas de s'affirmer.

De ce point de vue, la politique familiale, pour ne pas être la plus bousculée, en est néanmoins la parfaite illustration.

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse. Tout ce qui est excessif est insignifiant, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est que le rappel de faits précis concernant la santé publique et la description d'une situation politique que vous connaissez beaucoup mieux que moi puisqu'elle concerne la majorité.

M. Richard Mallié. Caricature !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est surtout n'importe quoi !

M. Jean-Marie Le Guen. L'année 2004 avait bien commencé : en catimini, le Gouvernement avait décidé de faire perdre 1 300 euros à 40 000 mères précaires à l'occasion de l'instauration de la PAJE, mesure purement technique comme d'habitude, avant de reculer devant les protestations.

Fin juillet, l'UNAF déclarait, à la suite de la publication d'une série de décrets, « ce sont 6 000 familles qui, par ces mesures modifiant l'assiette des prestations familiales ne bénéficieront plus [...] des prestations telles que l'allocation de rentrée scolaire, le complément familial ou l'allocation de base de la PAJE. Ces familles pénalisées s'ajouteront aux 130 000 familles qui ne percevront plus d'aide au logement en raison de l'augmentation de 15 à 24 euros du seuil de non-recouvrement des aides au logement et aux 90 000 autres familles qui verront ces mêmes aides supprimées en raison de la modification de l'assiette ressources ».

Dans le même temps, il est vrai, vous mettez en avant les actions de votre politique fiscale - ou plutôt celle de M. Sarkozy - qui accroissent la réduction d'impôts pour les personnels de maison, réduction supplémentaire qui profitera exclusivement aux 40 000 familles les plus riches de notre pays. C'est un choix social très clair qui décrit précisément votre politique au détriment des cadres moyens au bénéfice d'une minorité de très hauts contribuables.

En matière de retraite, votre politique est tout aussi explicite des intentions et des pratiques du Gouvernement.

Fin juin, vous proposiez à la CNAV, monsieur le ministre, un texte de décret sur les pensions de réversion, qui avait pour conséquence de pénaliser 30 à 40 % des futurs veufs et veuves en diminuant substantiellement les pensions de réversion pour les personnes partant à la retraite à partir de 2005. La vigilance des organismes sociaux, notamment de la présidente de la CNAV, a permis de mettre à jour vos intentions.

Devant l'importance des mécontentements, vous avez réagi sans plus tarder. D'abord, vous voulez savoir de quoi il s'agit. D'un décret ! Qui l'a signé, demandez-vous ? On vous informe que c'est vous. Mais alors ce doit être un autre qui l'a inspiré. Il semble d'ailleurs, depuis, que M. Fillon ne veuille pas porter le chapeau. Dès lors, vous commandez un rapport de l'IGAS, un de plus, un comme chaque semaine,...

M. Paul-Henri Cugnenc. Quel numéro !

M. Jean-Marie Le Guen. ...pour analyser les conséquences d'un décret que, pourtant, votre administration, sous votre responsabilité, a instruit, rédigé, soumis avant publication.

Arrêtons-là la plaisanterie.

M. Gérard Bapt. Ce n'est malheureusement pas une plaisanterie !

M. Jean-Marie Le Guen. Dites-nous, monsieur le ministre, que vous allez retirer définitivement ce décret et que vous entendez rétablir les droits des veufs et des veuves à leur niveau de protection sociale. Ou plutôt, parce qu'en fait ce décret n'est rien d'autre que l'application pure et simple de la loi Fillon que vous avez votée, quand allez-vous modifier cet article de la loi qui prive les veuves et les veufs des pensions de réversion auxquelles ils ont droit ? La question s'adresse également à vous, chers collègues de la majorité.

Il faut revenir aussi sur l'épisode de la soulte d'EDF. Là encore, il est significatif qu'il ait fallu que ce soient les organismes sociaux et précisément la présidente de la CNAV qui rappellent à l'ordre le Gouvernement sur l'injustice de ses choix. Sans leur vigilance, vous laissiez le ministre de l'économie et des finances spolier sans rien dire les retraités et les futurs retraités du secteur privé.

Qu'a fait, là encore, le ministre de la santé et de la protection sociale pour défendre l'équilibre de nos comptes et les intérêts des assurés ?

J'en viens maintenant à l'assurance maladie, en commençant par les recettes. Je ne reviendrai pas sur la forte probabilité de leur surestimation ni sur les critiques qui doivent être portées à l'encontre de la politique économique du Gouvernement, qui sacrifie l'emploi et la croissance, diminuant d'autant les recettes de notre assurance maladie.

Je rappellerai néanmoins les choix qui ont été les vôtres à l'occasion du débat de cet été. D'abord, vous avez transféré sur la CADES les déficits accumulés sous les gouvernements Raffarin, accroissant ainsi d'une manière sans précédent la dette sociale. Le directeur de la CADES rappelait la réalité des contributions respectives des différents gouvernements. Aujourd'hui, cette dette se monte à 103,8 milliards qui se répartissent ainsi : 20,9 milliards pour la période 1994-1996, sous l'autorité du gouvernement Juppé ; 13,2 milliards pour les années 1996-1998, sous l'autorité du gouvernement Jospin ; et 50 milliards - je pense, pour ma part, que ce sera plutôt 60 milliards - pour la période 2002-2007.

Alors, vous pouvez toujours dire que d'autres gouvernements avant vous ont eu recours à cette méthode, il suffit de voir quelles sont les sommes respectivement en cause pour mesurer où sont les responsabilités de l'aggravation sans précédent de la dette sociale.

Les chiffres parlent clairement et traduisent le changement de nature de cette dette qui pèsera désormais d'une façon considérable au détriment des politiques de solidarité, après 2007. Pour ne combler que très partiellement, il est vrai, les déficits annuels que vous continuez à laisser s'accumuler, vous avez décidé cet été - et donc nous allons confirmer aujourd'hui la mesure dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale - une hausse de la CSG sur les salaires et, plus encore, sur les retraites, ainsi qu'une hausse du forfait hospitalier bien que vous vous défendiez du contraire. Ce sont bien les salariés, et en particulier les couches moyennes qui seront, dès janvier, les premiers taxés par votre politique, malgré vos dénégations répétées.

Ces recettes supplémentaires ne sont pourtant pas suffisantes pour asseoir les comptes de l'assurance maladie. Pour équilibrer les comptes, il aurait au moins fallu que le ministre des affaires sociales soit, une fois encore, moins sensible aux arguments de Bercy. Faut-il rappeler que le versement d'un milliard d'euros par l'État dans le budget de l'assurance maladie est fait à titre exceptionnel, et que l'on ne sait même pas s'il est fait au titre du rattrapage des exonérations de cotisations sociales non remboursées par l'État, à hauteur pourtant de 3 millions, ou si cela correspond à une petite ristourne sur les droits du tabac et alcool ? Il n'est pas prévu que ce versement soit reconduit l'année prochaine, alors que manquent désormais au budget de l'assurance maladie plus de 11 milliards d'euros de taxes annuelles spécifiques sur le tabac, l'alcool, les contrats d'assurance, autant de prélèvements dont la légitimité repose, pourtant, sur le financement de l'assurance maladie. À cet égard, je trouve très pertinente la proposition de notre rapporteur Yves Bur tendant à prévoir que les recettes affectées au PLFSS soient votées dans le cadre de ce texte et non pas dans celui du projet de loi de finances. On verra alors ce qu'il advient de ces 11 milliards d'euros de taxes annuelles spécifiques.

L'État s'attribue ces droits de façon choquante, ce qui permet au ministre des finances d'accorder des baisses d'impôt aux plus riches, au lieu de contribuer à la baisse des déficits de l'assurance maladie, qui, eux, sont et seront à la charge de l'ensemble des contribuables et même de ceux qui ne sont pas contribuables.

Lorsqu'au mois de juillet, nous vous avons interpellé sur cette question, vous avez trouvé habile de nous répondre que déficit de l'État et déficit de la sécurité sociale étaient la même chose. Qui peut s'exprimer ainsi ? C'est la question que nous vous posions alors et que nous reposons aujourd'hui. N'êtes-vous pas comptable des recettes et des comptes de l'assurance maladie et de la sécurité sociale ? Vous ne pouvez donc pas considérer que des finances qui sont légitimes lorsqu'elles abondent l'assurance maladie ont leur place aussi bien dans le budget de l'État que dans celui de l'assurance maladie !

Nous n'acceptons pas que, profitant de la dissolution du FOREC, dont par ailleurs vous vous vantez, ces recettes aient été détournées de la sécurité sociale pour rejoindre le budget de l'État. Monsieur le ministre, en tant que défenseur de la protection sociale, vous devez prendre, là encore, vos responsabilités.

Après avoir évoqué les recettes, j'en viens aux dépenses de l'assurance maladie, que je vais tenter d'évaluer, avant de les analyser.

La fixation de l'ONDAM n'est ni plus rigoureuse ni plus justifiée cette année qu'elle ne l'est depuis son origine. Cet ONDAM a donc toutes les chances de subir un sort similaire à celui des ONDAM précédents et de n'être en fait qu'une sorte d'affichage ayant pour résultat une large sous-estimation des dépenses.

Quel est cet ONDAM ? Il a été fixé à 3,2 %, mais, en réalité, il est de 3,8 %, puisqu'il faut soustraire de l'assiette les fameux déremboursements que vous avez décidés et dont vous ne vous vantez guère. Je note au passage que ces déremboursements correspondent à 0,6 % des dépenses d'assurance maladie et à un transfert de fait sur les assurances complémentaires de l'ordre de 1 milliard d'euros. Il est vrai que pour celles-ci, ce n'est encore rien par rapport à ce qu'elles auront à connaître dans les mois et les années qui viennent.

Vous avez fait grand cas, ces jours derniers, d'une tendance à la baisse, non des dépenses mais de la croissance des dépenses d'assurance maladie !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Cette croissance, qui semble vous satisfaire, serait pourtant toujours largement supérieure à l'ONDAM voté en 2004 !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr, puisque c'est en 2004 que je suis arrivé !

M. Jean-Marie Le Guen. Certes, mais la majorité, elle, est en place depuis 2002 !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il y a eu une réforme, au cours de l'été 2004 !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, j'ai eu l'honnêteté de rappeler cette date, mais reconnaissez que vous êtes aussi un peu comptable d'une politique majoritaire ! D'ailleurs, la réforme est-elle entrée en application ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les comportements changent ! C'est de la psychologie !

M. Jean-Marie Le Guen. La réforme, nous en reparlerons, mais ne nous faites pas croire ici - vous pouvez raconter ce que vous voulez ailleurs - qu'elle est appliquée. Vous ne pouvez nous faire croire cela !

Je note au passage que, sans crainte d'accroître la confusion entre les rôles des uns et des autres, vous avez pour la première fois pris la place des services compétents de la Caisse nationale d'assurance maladie pour publier ces chiffres conjoncturels. Bonjour l'indépendance et le respect de l'assurance maladie ! Il est vrai que cela vous évite que les commentaires des professionnels, qui ont l'habitude d'étudier et de commenter ces chiffres, ne viennent sérieusement relativiser vos cris de victoire.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ils ne l'ont pas fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Il est en effet trop tôt pour tirer les conséquences d'une expérience aussi courte et sans savoir s'il s'agit d'un retard de liquidation ou de l'impact de telle ou telle variation saisonnière.

Il est en tout cas ridicule, je l'ai dit tout à l'heure et vous paraissez en convenir, de vouloir en attribuer le mérite au plan voté cet été, qui d'ailleurs n'est pas encore mis en place. Vous en êtes encore à compter le nombre de décrets ! J'ai cité tout à l'heure le mineur Stakhanov, qui, pour appliquer le Gosplan, devait produire un certain nombre de tonnes de charbon. Eh bien, avec la même recherche de productivité, vous allez produire, vous, un certain nombre de décrets !

M. Claude Evin. C'est Xavier Bertrand, le mineur Stakhanov !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais ces décrets n'étant pas encore pris, il est peu vraisemblable qu'ils aient eu un effet sur la réalité ! Parce que si la loi n'est pas la réalité, le décret ne l'est pas plus !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est incroyable !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous savons, monsieur le ministre, que tout discours sur les besoins de financement de la sécurité sociale crée un effet de ralentissement des dépenses, perceptible pendant six ou huit mois. C'est ce que l'on appelle l'effet psychologique.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Vous connaissez cela très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Les dix-huit plans précédents ont eu un effet psychologique. Le comble serait que le plan Douste-Blazy ne produise aucun effet psychologique !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah, vous y arrivez !

M. Jean-Marie Le Guen. Votre plan, comme les dix-huit qui l'ont précédé, a eu un effet psychologique. Mais je ne sais pas si c'est vous, votre plan ou le fait d'en parler.

Quoi qu'il en soit - et j'imagine que vous connaissez la réponse pour afficher autant d'assurance -, il serait intéressant d'analyser plus finement les causes de cette décélération. Vous parlez de « comportements ». Parlons plus directement et plus franchement de recours aux soins. Faut-il se féliciter de la baisse du recours aux soins ? Oui, si elle correspond à la limitation d'un certain nomadisme médical, très souvent dénoncé sur ces bancs mais dont on sait qu'il n'est en réalité qu'un phénomène très marginal dans le domaine de la consommation médicale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Faut-il se féliciter de la baisse du recours aux soins si elle correspond à des soins différés, si elle est due au fait que des malades retardent une consultation pourtant nécessaire ? Une évolution des prescriptions thérapeutiques et des examens serait, elle, beaucoup plus significative, car elle traduirait un changement structurel durable et plus qualitatif. Nous jugerons dans quelques mois la nature et la durée de ce timide mouvement.

Vous avez annoncé un ONDAM hospitalier de 3,6 %, alors que celui-ci est de 4,2 % pour l'exercice en cours. Vous avez indiqué que le taux serait commun au secteur public et au secteur privé. Une telle égalité n'est a priori pas justifiée.

Dans le secteur public, dont les finances sont largement dégradées du fait de reports de charges évalués à plus de 650 millions d'euros, on estime qu'au regard de la situation réelle des hôpitaux et des engagements pris par le Gouvernement, la hausse de l'ONDAM hospitalier ne saurait être inférieure à 4,74 %. Et l'on n'a pas intégré l'évolution des rémunérations versées aux praticiens hospitaliers, en particulier aux chirurgiens.

Nous avons tous été frappés ce matin, monsieur le ministre, par l'annonce de la baisse du budget alloué aux hôpitaux, d'un montant de 850 millions d'euros. Depuis quelques jours, quelques mois, voire quelques années, nous sommes les témoins d'annonces très contradictoires. D'un côté, le Gouvernement multiplie les effets d'annonce - plan Hôpital 2007, plan cancer - qui sous-entendent des investissements supplémentaires pour l'hôpital et, de l'autre, il parle de réduire les dépenses d'assurance maladie, dépenses qui ne sont d'ailleurs pas chiffrées.

Vous envoyez des signaux très contradictoires à l'hôpital public, ce qui risque, c'est le moins que l'on puisse dire, d'ôter toute crédibilité à la façon dont vous voulez piloter l'hôpital public.

Je m'attarderai un instant sur la situation financière des hôpitaux, qui est très préoccupante. Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à « remettre les compteurs à zéro » avant la mise en œuvre de la tarification à l'activité. Les financements supplémentaires que vous avez annoncés pour l'année 2004 ne correspondent pas à cet engagement puisqu'ils ne sont qu'une aide ponctuelle. Cette aide est insuffisante et ne modifie pas la base budgétaire sur laquelle les hôpitaux fondent leur budget. Les déficits ponctuellement et partiellement effacés cette année réapparaîtront donc au 1er janvier prochain.

Vos prévisions reposent essentiellement sur les fameux 200 millions d'euros d'économie résultant d'une centralisation des achats. Cette somme de 200 millions n'est pas à la hauteur des problèmes rencontrés. Elle semble être le résultat d'une mesure magique et s'accompagne d'un chiffrage tout aussi imaginaire qu'aucune étude sérieuse ne valide aujourd'hui.

Par ailleurs, il est inquiétant de constater que les hôpitaux ne connaissent toujours pas les taux de paiement à l'activité ni les groupes homogènes de séjours.

Monsieur le ministre, alors que nous sommes à quelques semaines de la mise en application d'une fraction supplémentaire de la TAA, les risques de sous-estimation de l'enveloppe du MIGAC ne sont toujours pas levés.

Je voudrais profiter de ces quelques réflexions concernant l'hôpital pour évoquer le plan cancer. Comme votre prédécesseur, vous avez annoncé la mise en place dans tous les départements du dépistage du cancer du sein. Monsieur le ministre, s'il est mis en place sur le plan administratif, nous sommes encore loin, malheureusement, de sa mise en œuvre concrète.

Par ailleurs, les doutes et les interrogations dont nous vous avions fait part concernant l'Institut national du cancer demeurent, car il semble que l'on s'achemine vers un fonctionnement bureaucratique et dispendieux.

Monsieur le ministre, sauf à le plonger dans une crise grave crise, vous ne pourrez pas, s'agissant de l'hôpital public, vous en tenir à une enveloppe aussi restreinte.

J'en viens aux soins de ville. Selon le chiffre que vous avancez pour l'hôpital, l'évolution de l'ONDAM pour les soins de ville serait au plus de 2,8 %, voire selon certains de 2,6 %, alors que la tendance actuelle la situe à plus de 5 %. Pour justifier cette estimation, vous nous parlez d'économies. Quelles sont ces économies ?

Vous chiffrez le montant du forfait de 1 euro à 600 millions d'euros. Les spécialistes, eux, l'évaluent plutôt à 250 millions, compte tenu de la difficulté de sa mise en application.

Vous chiffrez à 1 milliard d'euros la maîtrise médicalisée, qui semble n'être aujourd'hui qu'un vœu pieux. Vous nous parlez aussi de 700 millions d'euros obtenus sur le médicament. Cela peut en effet correspondre à la réalité. J'irai même plus loin en disant que nous pourrions être plus ambitieux car de nombreuses molécules passent actuellement du princeps au domaine public, c'est-à-dire quittent le stade du brevet protégé. Cela va donner à l'assurance maladie, cette année et dans les années qui viennent, l'opportunité de réaliser des économies exceptionnelles dans le domaine du médicament.

Cet ONDAM est irréaliste pour la CFDT et justifie, selon la Caisse nationale d'assurance maladie et la commission des comptes de la sécurité sociale, des mesures exceptionnelles de maîtrise. Cet ONDAM, monsieur le ministre, n'est tout simplement pas crédible, parce que ses estimations sont une vue de l'esprit : en effet, il ne tient pas compte de certaines mesures déjà engagées ni d'autres mesures à venir.

Vous chiffrez les dépenses supplémentaires dues à l'accord passé avec les chirurgiens privés à 150 ou 180 millions d'euros. Quel montant atteindront-elles réellement, monsieur le ministre ? Vous ne nous en direz sans doute pas plus ce soir. Combien sera attribué au secteur public et hospitalier ?

S'agissant de la nouvelle nomenclature technique, les plus optimistes en estiment le coût à 180 millions, mais ils sont contredits par tous les syndicats médicaux qui, eux, chiffrent volontiers à 300 millions cette nécessaire réforme.

À combien va s'élever le coût du dossier médical personnalisé ? Les estimations les plus basses chiffrent à 500 millions annuels le coût de sa mise en place, alors que les coûts atteints ou envisagés dans des pays comparables atteignent des montants très nettement supérieurs.

Combien encore, monsieur le ministre, pour l'extension de la CMU complémentaire aux 300 000 enfants en grande pauvreté qui en sont dépourvus et sur laquelle le Premier ministre s'était personnellement engagé ?

Combien enfin pour les dispositifs médicaux, dont vous aviez escompté un moment faire supporter dorénavant le coût par les malades, ce qu'a dénoncé l'Association française des diabétiques et à quoi vous avez du finalement renoncé.

Comme je l'avais fait en 2002 et en 2003 - je vous renvoie à nos débats d'alors -, sans que malheureusement les faits ne viennent démentir mes estimations d'alors, j'affirme aujourd'hui que vous sous-estimez délibérément d'au moins un milliard d'euros le déficit de la branche d'assurance maladie, et qu'une fois de plus, vous vous apprêtez à transférer cet accroissement du déficit sur la dette sociale que les Français devront régler lorsque vous aurez quitté les affaires.

Quand on veut juger votre politique, on en revient toujours aux déficits, qui s'accumulent et viennent grossir la dette. C'est par l'introduction de la cavalerie que vous évitez la sanction de vos abandons. Mais force est de constater que pour vous, les déficits sociaux ont d'autres vertus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) S'il s'agissait du budget de l'État, que diriez-vous, mes chers collègues, d'un gouvernement qui tolérerait des déficits dépassant régulièrement les dix milliards d'euros, alors que ce budget a vocation à être en équilibre, et qu'il l'a d'ailleurs été à plusieurs reprises ces dernières années ? Votre gouvernement a pourtant pris l'habitude de laisser plonger les comptes de l'assurance maladie dans le rouge.

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse. Nous n'avons pas comme vous bénéficié de la croissance !

M. Jean-Marie Le Guen. Dix milliards d'euros, voire douze milliards d'euros, soixante ou quatre-vingts milliards de francs : voilà des chiffres qui frappent les imaginations et qui expriment la réalité sociale dans laquelle nous sommes.

M. Gérard Bapt. Vous avez tout à fait raison !

M. Jean-Marie Le Guen. Que vous nous disiez que vous ne voulez pas faire autrement, soit, mais refuser de considérer l'extrême gravité de ces chiffres, qui grèvent d'une façon invraisemblable l'avenir social de notre pays, c'est là faire preuve d'une profonde irresponsabilité. Si j'insiste sur cette réalité, c'est qu'elle va peser lourdement sur le débat social dans notre pays.

En 2002 de tels niveaux de déficit justifiaient que l'on reproche au Gouvernement ses erreurs de prévision. En 2003, ils justifiaient que l'on dénonce son impéritie. Aujourd'hui, après le plan qui a été voté cet été, il apparaît clairement que votre gouvernement se satisfait de prolonger une situation gravement déficitaire, au péril de nos finances publiques. Votre politique - et à travers vous, c'est votre gouvernement que je mets en cause, monsieur le ministre - n'a pas pour but de combattre le déficit, au contraire : après l'avoir installé, vous le gérez, pis, vous l'utilisez.

La politique que vous avez fait adopter cet été, au-delà de dispositions incertaines ou douteuses à vocation d'abord médiatique ou idéologique - on se souvient de la réforme de la carte Vitale ou du régime des indemnités journalières, on y reviendra -, repose en effet sur deux axes. Le premier consiste à différer la correction des déficits en reportant sur les générations futures la dette colossale accumulée depuis 2002 : en 2007, lorsque vous aurez à présenter votre bilan à vos électeurs, vous pourrez leur dire que vous avez voté des lois de financement de la sécurité sociale qui ont reporté une dette plus de 60 milliards d'euros sur les dix années qui viennent. Voilà quel sera le bilan de cette législature, tel qu'il est déjà inscrit dans l'évolution des comptes sociaux.

Un tel déficit vous permet de décrédibiliser l'assurance maladie, de l'asphyxier, et de précipiter ainsi nos concitoyens dans un fatalisme qui les pousse à renoncer à un système auquel ils sont attachés. Il ne se passe d'ailleurs pas une semaine, monsieur le ministre, sans que vous n'exprimiez vos doutes sur l'avenir de l'assurance maladie. Vous en venez même - c'est un comble ! - à évoquer ce que vous serez conduit à proposer pour remédier à l'échec du plan que vous avez fait adopter il y a deux mois ! Si vous vous préparez ainsi à accompagner l'échec de votre propre plan, c'est bien la preuve que l'impuissance de l'assurance maladie à assurer son redressement fait partie intégrante de votre politique.

Car le second axe de votre politique est la transformation de l'assurance maladie, que vous souhaitez engager au rythme de la résignation de l'opinion. Le Gouvernement exerçant désormais tout le pouvoir dans l'assurance maladie pourra restreindre les dépenses, sans plus de débat parlementaire ou même de négociation sociale, en fonction des évolutions respectives de l'opinion et des déficits. Telle sera dans les mois qui viennent la fonction réelle du comité d'alerte institué par la loi votée en juillet. Il ne s'agit plus de maîtriser les dépenses de santé mais de limiter les remboursements, qui ne couvriront plus notamment le coût de la consultation médicale, et d'organiser le transfert des charges supplémentaires sur les assurances complémentaires.

Vous inversez ainsi une histoire plus que cinquantenaire, qui a vu l'extension continue de la couverture sociale des Français : en effet, d'année en année le régime des salariés s'est étendu aux agriculteurs puis aux indépendants, jusqu'à aboutir à l'instauration de la CMU. Pour la première fois depuis 1945 un gouvernement inverse cette évolution historique en amorçant, en justifiant, en organisant la limitation de la couverture obligatoire.

Cette politique débouche mécaniquement sur une assurance maladie duale. Ce que vous voulez, c'est laisser dans le champ de l'assurance maladie obligatoire ce qu'on appelle le gros risque - en fait le mauvais risque aux yeux des assureurs -, c'est-à-dire la prise en charge de l'hospitalisation, des pathologies les plus graves, des personnes âgées et des plus pauvres ; le reste sera privatisé de fait.

Cette vision, qui est l'expression d'un libéralisme hypocrite, est une fausse solution. Elle suppose en effet que les classes moyennes payent deux fois : une première fois pour l'assurance maladie obligatoire au nom de la solidarité ; une seconde fois pour la couverture du petit risque, qui correspond pour l'essentiel à sa consommation médicale. Ce schéma, à l'évidence instable socialement et politiquement, aboutira à l'appauvrissement du secteur obligatoire, refuge des plus pauvres, des plus âgés, des plus malades.

Par ailleurs, cette politique qui instaure deux secteurs assurantiels différents, l'un obligatoire et l'autre complémentaire, fait l'économie de la réorganisation de notre système de santé, notamment du rapprochement pourtant nécessaire de la médecine de ville et de l'hôpital. Dès lors, nous évoluerons inexorablement vers une médecine à deux vitesses tournant définitivement le dos à l'égalité d'accès aux soins.

Je veux aussi vous interpeller, monsieur le ministre, sur l'éventualité d'un projet de loi organique (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) modifiant le PLFSS, que vous avez évoquée il y a quelques jours. Il serait utile et important pour notre assemblée que vous nous indiquiez vos intentions à ce propos. A cet égard, je crois me faire le porte-parole de toute la commission : je pense en particulier aux arguments avancés par nos rapporteurs en commission, qui se référaient à la loi organique ; je pense aussi à certaines propositions de notre collègue Bur et d'autres collègues, qui m'ont paru tout à fait intéressantes. Quels seront les principes et le calendrier de cette réforme ?

À l'évidence cette éventuelle réforme du PLFSS pose deux questions majeures, quoique très différentes.

La première est celle de la modification de son mode de préparation, d'évaluation et de contrôle : je crois qu'il n'y a pas d'opposition de principe à cette modification, même s'il peut y avoir débat sur ses modalités.

La seconde est de savoir si l'ONDAM doit devenir opposable, à qui et selon quelles modalités. À l'évidence il n'y a pas d'unanimité sur ce second aspect, non seulement entre nous, membres de cette assemblée, mais chez les différents interlocuteurs de l'assurance maladie. Au moment, monsieur le ministre, où vous vous engagez sur un ONDAM qui semble à beaucoup peu crédible et où vous lancez une négociation conventionnelle stratégique pour l'avenir de notre système de santé, il est nécessaire que vous éclairiez tous les partenaires sur les règles du jeu. Ne pas nous indiquer les principes de cette réforme, notamment en ce qui concerne les aspects que je viens d'évoquer, serait dissimuler une partie des cartes. Cela vous permettra peut-être de tromper tout le monde un certain temps, mais c'est préparer un marché de dupes, concernant un principe fondamental de la gestion de notre système de santé : cela ne nous semble pas une bonne façon de procéder.

Il est clair en tout cas que ceux qui s'engageraient dans une négociation conventionnelle sans engagement public sur les principes, sinon de simples promesses verbales, officieuses et bilatérales, s'exposeraient à se faire payer de mots.

Il y a en effet, au-delà des questions financières, des réalités sociales, dont on ne peut plus aujourd'hui différer l'examen, liées notamment à l'évolution de notre système d'assurance maladie : c'est le principe même de l'égalité d'accès aux soins qui est désormais remis en cause par l'aggravation faramineuse de la dette sociale et des dépenses de santé.

Sur le plan financier d'abord, vous multipliez en effet des mesures qui impliquent l'augmentation du coût d'accès aux soins. Je les ai déjà évoquées : il s'agit de l'augmentation du forfait hospitalier, de mesures de déremboursement, dont l'« euro Raffarin », la plus connue, n'est que la première, ou de l'incitation à la libération des tarifs médicaux. Je me souviens de votre intervention, alors que vous étiez encore parlementaire, au moment où ces sujets commençaient à être discutés, Jean-François Mattei étant encore aux affaires : vous vous étiez alors, en tant que responsable d'une formation politique, prononcé en faveur de la liberté tarifaire. Je n'avais pas d'ailleurs eu le sentiment à l'époque que cette prise de position avait véritablement contribué à faire avancer le ministre dans les négociations.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Un excellent ministre !

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument, comme le sont par définition tous les ministres de la République, surtout ceux de votre majorité.

M. Claude Evin. Faut pas pousser ! (Rires sur tous les bancs.)

M. Richard Mallié. Vous voilà désavoué, monsieur Le Guen !

M. Claude Evin. Seulement sur la partie de ses propos qui concernent les ministres de la majorité

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez bien compris, mes chers collègues, que je ne parlais que des personnes, pour lesquelles j'éprouve le plus grand respect. Cela ne m'empêche pas de formuler à l'égard des politiques qu'ils mettent en œuvre, explicitement ou implicitement, les plus grandes réserves, voire les critiques les plus graves.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. On avait compris.

M. Jean-Marie Le Guen. Je le dis, parce qu'apparemment tout le monde n'avait pas compris.

En quelques mois, la barrière financière, qui avait fortement reculé grâce à la mise en œuvre de la CMU, va redevenir l'un des facteurs majeurs de renoncement aux soins.

L'accès aux soins est aussi mis en danger par le développement des inégalités territoriales. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce problème à maintes reprises, non seulement à propos de l'assurance maladie, mais aussi à l'occasion d'autres textes, comme le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Il est vrai que des mesures ont été prises, mais, à l'inverse de ce que pense la majorité, de mon point de vue elles seront inefficaces. Le calendrier retenu par le Gouvernement pour mesurer leur validité fait fi de toutes les réalités sanitaires et sociales, celles que nous connaissons actuellement et encore plus celles que nous allons vivre dans les mois qui viennent.

Tout le monde peut constater que l'évolution démographique suit un cours très inquiétant, et cela va s'accentuer de façon dramatique dans les années qui viennent en raison du déséquilibre de la pyramide des âges des médecins.

M. Richard Mallié. Tout le monde sait qu'il suffit de trois mois pour former un médecin !

M. Jean-Marie Le Guen. Or vous ne mettez en place aucun dispositif concret, pratique, pour faire face à la désertification médicale.

M. Bertho Audifax. Pendant des années vos amis socialistes nous ont dit qu'il y avait trop de médecins !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avions fait des propositions lors de la première lecture, mes chers collègues, et elles avaient été votées, mais elles ont été refusées en deuxième lecture. En juillet, en effet, le Gouvernement n'a pas voulu donner la responsabilité de l'offre médicale à l'assurance maladie. Aujourd'hui, il n'y a plus de responsables en la matière : un maire ou des conseillers généraux qui ont à faire face à des problèmes de désertification médicale sur leur territoire peuvent toujours appeler le ministère : je ne sais pas quel interlocuteur et quels moyens ils y trouveront. Nous avions proposé d'attribuer à l'assurance maladie la mission de résoudre ce type de problèmes, qui ne relèvent absolument pas de la compétence des collectivités locales.

M. Richard Mallié. Que ne l'avez-vous fait entre 1997 et 2002 !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais vous avez écarté cette piste intéressante. Cela étant dit, si vous voulez d'autres propositions, ne vous en faites pas, je vous en ferai ! Il est vrai, monsieur Mallié, qu'elles vous imposeraient de renoncer à votre dogme libéral, qui fait de la rémunération à l'acte le seul mode de fonctionnement de la médecine. Tant que vous n'aurez pas rompu avec ce dogme, il n'y aura pas de progrès. Toutes les incitations financières seront impuissantes à résoudre cette question de désertification médicale, et vous aurez à rendre des comptes quant à ces problèmes qui vont persister dans nos territoires ruraux, mais aussi dans certaines banlieues, qui se trouvent exactement dans la même situation.

Au plan territorial donc, l'égalité d'accès aux soins est mise en danger. En préparant la liberté tarifaire, vous allez pousser l'ensemble des jeunes médecins à s'installer dans les zones à fort pouvoir d'achat, où ils trouveront une clientèle ayant les moyens de payer des consultations qui ne seront plus remboursées par la sécurité sociale.

L'égalité d'accès aux soins est enfin mise en cause par le développement des inégalités dans la couverture sociale, car, alors que le coût des assurances maladies complémentaires a déjà progressé de plus de 25 % ces deux dernières années, il faut s'attendre à de nouvelles et fortes augmentations qui accroîtront encore le nombre de Français qui devront renoncer à leur couverture complémentaire. Et ce n'est pas la mesure injuste que vous avez mise en place cet été qui pourra les aider. Cette aide fiscale à l'acquisition d'une complémentaire, pour une toute petite partie de la population et avec des moyens tout à fait ridicules par rapport au coût réel d'une couverture complémentaire, n'est qu'une pseudo aide, une mesure gadget incapable de répondre aux besoins de nos concitoyens qui avaient ou qui ont encore une couverture complémentaire et qui se trouveront dans l'impossibilité d'y faire face dans les semaines, les mois qui viennent.

J'aborde maintenant les questions touchant à la santé et au travail.

Parmi les facteurs d'inégalité devant la santé, les questions relatives à la santé au travail ont une place prépondérante. Ce sujet doit, lui aussi, être aujourd'hui complètement repensé.

Ce travail, vous dites l'avoir entrepris, monsieur le ministre, et nous aurons l'occasion de voir ce qu'il en est. D'ores et déjà, il faut examiner l'avenir de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, AT-MP.

Mais je voudrais d'abord aborder plus spécifiquement le problème de l'amiante et l'application de deux dispositifs : le FIVA pour l'indemnisation des victimes de l'amiante, et le FCAATA pour les départs anticipés en préretraite, dispositifs créés par le gouvernement de Lionel Jospin.

Malgré ces avancées considérables, nous devons reconnaître avec humilité, respect, mais aussi beaucoup de tristesse que la société française, ses entreprises, l'État, ses gouvernements n'ont pas pris, en leur temps, toute la mesure de ce drame. II y a bientôt cinquante ans, les experts médicaux avaient pourtant mis en évidence les risques de l'amiante. Nous n'avons que tardivement et insuffisamment réagi.

L'arrêt du Conseil d'État du printemps dernier donne acte de cette réalité en précisant les responsabilités des uns et des autres, y compris celles de l'État.

Il faut que nous soyons désormais à la hauteur des circonstances de ce drame. Chaque année en effet, plusieurs milliers de nos concitoyens décèdent de façon très prématurée en raison de leur exposition à l'amiante.

Il faut en tirer toutes les conséquences, pour les personnes concernées d'abord.

Le FIVA, mis en place par Martine Aubry, fonctionne plutôt bien de l'avis de tous.

Le FCAATA connaît plus de difficultés. Je veux dire ici que la main de l'État ne saurait être mesquine, tatillonne et peut-être injuste dans la reconnaissance des lieux et des entreprises qui ont été impliqués. Il est aujourd'hui intolérable de discuter les droits sociaux des personnes touchées par ce drame.

L'engagement du ministre de la santé sur ce point serait bienvenu, même si l'on sait que cela ne dépend pas entièrement de lui, cette question étant encore rattachée au ministère du travail. Mais là aussi, le ministère de la santé aurait à gagner en influence et le discours politique du Gouvernement en clarté si le ministre s'engageait sur cette question.

Dans les dispositions financières que vous nous présentez, il y a pourtant un désengagement choquant de l'État.

Cette année comme l'année dernière, l'État, à la différence des années précédentes, n'abondera pas le FIVA. C'est tout simplement scandaleux. La responsabilité de l'État est pourtant doublement engagée dans ce drame : parce que, comme l'a indiqué le Conseil d'État, l'État n'a pas su, alors qu'une information claire et sûre existait, assurer la protection des salariés dans ce pays, mais aussi parce que l'État lui-même a employé des personnels qui ont souffert de l'exposition à l'amiante.

S'agissant du FCAATA, le projet de loi instaure une nouvelle taxe substantielle à payer par les entreprises concernées. Le principe ne nous choque pas. Au contraire, il peut être considéré comme intéressant pour l'avenir s'il peut éclairer les responsabilités des entreprises lorsqu'elles font prendre des risques sanitaires particuliers, alors qu'elles devraient en avoir la connaissance, à leurs employés, même si l'on sait aujourd'hui combien cette proposition résulte, en fait, de la double conjonction de l'arrêt du Conseil d'État et du désengagement de l'État.

Les conditions financières ainsi imposées sont-elles économiquement gérables pour les entreprises concernées ? Plusieurs collègues en doutent. Toujours est-il que nous devons affirmer ce principe, qui doit être compris comme un signal adressé pour l'avenir à l'égard de toutes les entreprises et branches qui pensent toujours pouvoir s'émanciper des règles de la santé durable.

Cela m'amène à dire quelques mots sur la branche AT-MP. Nous savons que vous avez l'intention de la réformer dans un sens que toutes les organisations syndicales redoutent. Le MEDEF, nous le savons tous également, n'est en fait revenu dans les instances de l'assurance maladie que pour ça : assurer sa mainmise sur cette branche.

Nul doute que, dans les mois qui viennent, nous aurons l'occasion de nous opposer à ceux qui veulent toujours « externaliser » les coûts de la santé et ses conséquences humaines pour mettre ce risque sur le dos des salariés et le leur faire payer deux fois : une première fois sur leur santé, une seconde fois sur leurs cotisations d'assurance maladie. En attendant, il serait juste, au moment où vous prétendez exiger de tous un effort de responsabilité et une clarification des comptes, que soient enfin analysés les coûts pour l'assurance maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ce sont à l'évidence plusieurs milliards d'euros de dépenses qui sont injustement imputés à l'assurance maladie, au profit des entreprises.

J'en viens à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

Nous avons, l'année dernière, dénoncé la création de la CNSA, non seulement en raison de l'injustice de ses modalités de financement, car reposant pour l'essentiel sur les seuls salariés - et apparemment, ce gouvernement n'en a pas encore clarifié les modalités exactes de ce financement car le feuilleton du jour de la Pentecôte continue -, mais aussi parce que cette nouvelle caisse, quoi qu'en dise le Gouvernement, se place en concurrence potentielle avec la Caisse nationale d'assurance maladie pour l'action sanitaire en direction des personnes âgées.

Les risques d'une nouvelle segmentation de la couverture maladie des Français sont désormais avérés. Cette confusion - installée par votre Gouvernement - s'est trouvée renforcée par le rapport Briet-Jamet, rejeté par l'ensemble des acteurs du secteur médico-social.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Parallèlement, l'invraisemblable impréparation et le sous-financement de la loi sur le handicap viennent encore accroître la confusion dans ce secteur.

C'est pourquoi il est fondamental de bien opérer la séparation entre le financement des soins, qui doit toujours ressortir de la CNAM, de la compensation de la perte d'autonomie, qui pourrait relever de la CNSA. Faute d'une telle distinction, qu'a d'ailleurs souhaité introduire la commission des finances à l'initiative de son rapporteur, il y a tout lieu de craindre non seulement la confusion, mais aussi la perte de financement du droit à la compensation.

Au-delà de cette question, alors même que nous savons que pour 2004, 2005 et 2006 se constitue au sein de la CNSA une cagnotte de près de 1 milliard d'euros, nous voulons connaître son utilisation. Selon le Gouvernement, la CNSA n'est pas en effet une contribution supplémentaire pour des risques déjà pris en compte, mais constituerait une cotisation pour des risques et des droits nouveaux.

Alors que les tours de passe-passe et les annonces contradictoires ne cessent de se multiplier autour de la création de la CNSA, il faut remettre de l'ordre et cesser de jongler avec les besoins légitimes des personnes âgées et des personnes handicapées. Il faut nous dire exactement quel argent de la CNSA va à quel risque, entre le sanitaire et le social, entre les personnes âgées et les personnes handicapées, entre l'aide à la personne et les investissements dans le secteur. Cette clarification est absolument nécessaire.

J'en viens à l 'offre de soins.

Votre réforme, on le sait, n'en est pas véritablement une et rien dans ce PLFSS ne vient corriger ses erreurs. Car l'angle mort de votre plan est bien son refus d'intervenir sur l'offre de soins par crainte de heurter des conservatismes et de remettre en cause des situations acquises. Vous reportez cette tâche à plus tard et vous la confiez au marché, c'est-à-dire aux assurances lorsque celles-ci seront, demain, sorties de leur rôle complémentaire pour devenir l'acteur principal.

Pourtant - et le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie l'avait bien montré, mais c'est le chemin que vous n'avez pas su suivre -, c'est bien l'inadaptation de l'offre de soins qui est à l'origine d'une part importante de l'inflation des coûts de la santé. Ce n'est pas notre système d'assurance maladie qui est irresponsable, c'est notre secteur de santé qui est trop curatif, trop cloisonné - notamment entre la ville et l'hôpital, mais aussi entre les différentes professions de santé - et trop individualisé dans ses pratiques pour profiter pleinement des gains de productivité. Il valorise trop le quantitatif par rapport au qualitatif.

Comment évolue notre offre de soins dans sa globalité, toujours aussi segmentée, alors que chacune de ses composantes s'installe dans une situation souvent préoccupante ?

En ce qui concerne l'hôpital, j'ai déjà souligné les difficultés financières qu'il rencontre et l'irréalisme de l'ONDAM que vous voulez lui appliquer. Vous le confrontez à une mise en œuvre bien souvent dogmatique de la T2A, dans un contexte de tension financière qui rend la situation insupportable aux personnels à bien des égards. Les annonces se multiplient, du plan cancer au plan Hôpital 2007, mais l'intendance ne suit pas.

Votre volonté obstinée de faire converger la tarification des secteurs public et privé démontre à l'évidence votre tentation de privatiser les secteurs les plus rentables de l'hôpital public.

Vous ne définissez pas clairement les rôles respectifs que vous voulez accorder aux différentes catégories d'hôpitaux et, d'une façon générale, il n'y a pas de message clair sur la place de l'hôpital public dans l'avenir de notre offre de soins.

Pour ce qui est de la réforme de la gouvernance, le président Dubernard a rappelé l'existence et le travail de la mission Couanau. Pour ma part, j'ai parlé du rapport du Haut conseil de l'assurance maladie. Je rappelle que, préalablement à une réforme nécessaire que devait engager ce Gouvernement, l'ensemble des organisations syndicales, mais aussi l'opposition, se sont « mouillées » pour voter ce rapport, mais surtout pour l'écrire. De la même façon, c'est aussi cette opposition qui a contribué à l'écriture du rapport Couanau sur la gouvernance, rapport qu'elle a signé. Mes chers collègues, vous ne trouverez pas beaucoup d'autres références, dans l'histoire des rapports entre l'opposition et la majorité sur des thèmes aussi délicats, où l'opposition soit allée aussi loin dans la force de proposition et dans l'engagement sur des pistes de réformes !

M. Richard Mallié. Évidemment, quand l'opposition était majoritaire, elle n'a rien fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce que nous vous reprochons sur la réforme de l'assurance maladie, c'est d'avoir quitté le chemin tracé par le rapport du Haut conseil de l'assurance maladie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce que nous vous reprochons aujourd'hui sur la réforme de la gouvernance, c'est de « patiner » ou plutôt de sembler prêt à y renoncer quand cela est de nature à faire plaisir à tel ou tel de vos interlocuteurs. Il semble d'ailleurs que le Président de la République ait été amené à faire un certain nombre de rappels à l'ordre, pas simplement sur le nombre de décrets à produire, mais aussi sur d'autres contenus.

Mettre en œuvre la T2A sans la gouvernance, c'est se condamner à l'échec en introduisant des tensions ingérables au sein des hôpitaux. Ne pas proposer à l'hôpital public une réforme de la gouvernance qui soit équitable, mobilisatrice, c'est condamner son avenir.

Sur le médicament - nous aurons, là encore, l'occasion d'y revenir plus largement dans le débat -, nous aimerions entendre une parole plus forte du ministre de la santé sur quelques sujets cruciaux. Que pense le ministre du discours de certains laboratoires qui, au prétexte de plus en plus incertain de l'innovation, ne cessent d'augmenter leurs exigences en termes de prix ? Que pense-t-il de leur pratique de commercialisation intensive non seulement dans notre pays, mais aussi au plan mondial, de leur façon parfois irresponsable de forcer la présentation du rapport entre le bénéfice et le risque ?

Chacun se rappelle l'affaire du Vioxx, qui avait fait un certain bruit dans le monde du médicament et de la santé. Que pense le ministre de l'avenir d'autres molécules de la même famille thérapeutique, à commencer par le Celebrex ?

Par ailleurs, nous avons récemment appris que le Zyrtec, qui devait bientôt devenir générique, était brusquement retiré de la vente et remplacé par un produit ne présentant aucun véritable avantage thérapeutique supplémentaire, mais permettant une nouvelle politique commerciale. Que fait le ministre de la santé face à de telles pratiques ? Qu'en pense-t-il ?

Monsieur le ministre, vous vous êtes félicité − comme nous − de la pénétration des génériques dans la consommation pharmaceutique des Français. Pour l'instant, les effets de cette pénétration ont une limite : le prix très élevé des génériques. N'est-il pas temps de le faire baisser significativement et de s'assurer que c'est bien le corps médical, et pas seulement le pharmacien, qui les prescrit ? Je crois reprendre là une interrogation déjà formulée par notre collègue Yves Bur.

En abordant enfin la question des soins de ville, de l'augmentation de leur coût, de l'évolution de l'offre de soins ambulatoires, nous allons mieux mesurer les conséquences de la loi du 13 août. En fait, monsieur le ministre, ces questions sont, pour l'essentiel, théoriquement sorties du champ de notre compétence et de la vôtre. On peut le parier sans grand risque, vous serez bientôt tenté de proclamer que tout cela ne dépend pas de vous, que vous n'êtes désormais plus rien dans cette affaire, que tout découlera de la convention médicale passée entre l'assurance maladie et les professionnels de santé. Ce faisant, vous négligerez de dire que l'assurance maladie repose désormais sur une seule personne. Faudrait-il, pour autant, que nous renoncions à nous interroger sur les conditions de sa nomination, puisqu'elle travaille déjà, mais, jusqu'à la fin du mois de novembre, ne peut signer aucune convention, aucun texte. Ainsi, une part importante de l'avenir de la santé des Français et, chaque année, plus de 30 milliards d'euros de fonds publics échapperaient à tout contrôle démocratique.

Ce discours ne tiendra que le temps de notre discussion. Dès que les négociations sur la convention seront engagées, les masques tomberont. À la première difficulté, les syndicats médicaux vous convoqueront et il ferait beau voir que vous vous y soustrayiez longtemps, quelles que soient les formes que vous prendrez pour sauver les apparences. En fait, personne n'imagine que ce proconsul aux pouvoirs sans contrôle puisse avoir d'autre légitimité que celle que vous lui avez concédée lorsque vous avez délégué votre directeur de cabinet pour gérer l'assurance maladie, et d'autre mandat que celui que le Gouvernement lui donnera. Si les professions de santé devaient manifester, il y a fort à parier que, par incompréhension de la nouvelle gouvernance, elles défileraient avenue de Ségur plutôt que Porte de Montreuil.

Mais rassurons-nous, monsieur le ministre : nous savons que vous ferez tout pour éviter qu'elles n'en viennent à de telles extrémités. D'ailleurs, malgré un contexte financier incroyablement tendu, le corps médical a obtenu, depuis votre retour au pouvoir, concession sur concession.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Incroyable ! Il faut se pincer !

M. Jean-Marie Le Guen. Ses revenus ont augmenté de plus de 25 % pour certains − ce qui n'est d'ailleurs pas toujours injustifié. Aussi envisage-t-il très sereinement l'issue des négociations. Si ce gouvernement a reculé devant les buralistes, devant les représentants de l'industrie chimique et devant les viticulteurs, on peut douter qu'il soit politiquement disposé à faire contrepoids aux exigences du corps médical, même lorsqu'elles sont incompatibles avec le maintien de l'égalité d'accès aux soins.

Cette situation de faiblesse est aussi la conséquence du discours que vous tenez depuis votre installation. Vous avez en effet été d'autant plus enclin à désigner les Français comme des assurés fraudeurs et des malades abusifs, que vous ne souhaitiez pas insister sur les responsabilités du corps médical dans certains dysfonctionnements de notre système d'assurance maladie. Lorsque vous vous adressez au corps médical, c'est davantage sur le ton de la supplique que sur celui de la mobilisation. Lorsque vous évoquez les changements qu'il devrait apporter à son comportement, vous vous gardez bien de les préciser, craignant déjà être allé trop loin. Lorsqu'il vous fait connaître ses revendications, elles ne vous paraissent jamais contradictoires entre elles ni contraires à l'intérêt général. La complaisance du Gouvernement n'est limitée que par le sens de l'opportunité, non par celui de l'équité. Mais, là encore, on est toujours dans le domaine de l'implicite.

Ayant désigné votre directeur de cabinet comme unique négociateur de la convention, vous devez nous dire quel mandat de négociation vous lui avez fixé.

Nous avons parlé de l'ONDAM, de son contenu actuel, de ce qui n'y figure pas, des accords déjà signés : monsieur le ministre, quelle enveloppe donnerez-vous au directeur de l'UNCAM pour négocier ? Sera-t-elle vide, comme le prévoit apparemment l'ONDAM que nous allons voter ? Sera-t-elle même négative, puisque, d'ores et déjà, grâce à la maîtrise médicalisée, vous déduisez 1 milliard d'euros du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ?

Quel mandat lui donnerez-vous quant à l'opposabilité des tarifs ? Vous importe-t-il de savoir combien les Français seront remboursés chez le médecin ? Dans l'affirmative, comment voyez-vous évoluer dans leur masse la fraction des honoraires non remboursés ? Nous vous considérons dès à présent comme le premier responsable des résultats de la négociation.

Nous prendrons part à ce débat dont dépend, pour beaucoup, l'avenir du système de santé, mais, dès aujourd'hui, nous proposons quatre idées auxquelles nous sommes attachés.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez fait de la désignation du médecin traitant l'un des points forts de votre réforme. Nous sommes prêts à nous rallier à cette conception, à condition qu'il ne s'agisse pas, comme nous le craignons, d'un simple rattachement administratif, mais d'un véritable engagement entre le médecin et son malade. Cela passe sans doute par la définition d'un rôle particulier pour le médecin traitant, notamment lors de la mise en place du DMP, et par une rémunération qui ne saurait être inférieure à la rétribution actuelle du médecin référent.

La deuxième idée est que, à l'évidence, il faut aller vers une simplification de la codification des actes et, surtout, vers la reconnaissance pleine et entière du médecin généraliste, en proposant que l'on ne distingue plus le C du CS.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Tiens, tiens ! Les bonnes vieilles recettes !

M. Jean-Marie Le Guen. La troisième idée est la valorisation du parcours de soins. Nous ne sommes pas opposés au principe d'un remboursement différentiel, pour inciter le malade à consulter d'abord son médecin traitant avant d'avoir recours à un spécialiste, sauf en cas de protocole. Mais cette incitation doit être positive et ne pas prendre la forme d'une sanction, car cela pénaliserait tout le monde. Nous sommes tous d'accord pour dire que cette valorisation du parcours de soins peut être une source d'économies et contribuer à une amélioration considérable de la qualité des soins. Il faut en faire aussi profiter l'assuré.

Monsieur le ministre, je vois que vous faites une addition.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'attends la quatrième idée !

M. Jean-Marie Le Guen. J'y suis, précisément : nous sommes opposés, vous le savez, à ce qu'on appelle la liberté tarifaire et qui n'est rien d'autre que le non-remboursement d'une partie des soins. Nous savons néanmoins qu'il existe un secteur 2, nous connaissons les injustices qui en découlent dans la situation des médecins. En même temps, nous savons que, en raison des coûts pour la sécurité sociale et des modifications profondes que cela entraînerait, il n'est pas possible de le faire disparaître du jour en lendemain. Aussi, nous vous proposons de permettre aux partenaires de discuter des modalités d'une nouvelle répartition entre les médecins, en veillant à ne pas augmenter la masse des honoraires non remboursables. Si vous ne souscrivez pas à cet engagement, on peut supposer que vous donnerez mandat au proconsul d'organiser la baisse généralisée des remboursements.

Monsieur le ministre, vous avez souvent reproché à l'opposition de ne vous faire aucune proposition. Je ne doute donc pas que vous répondrez précisément sur les quatre que je viens de formuler.

L'agenda du ministre de la santé est chargé, et ce n'est pas vous rendre un trop grand hommage que de reconnaître votre tâche comme difficile et souvent ingrate.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci !

M. Jean-Marie Le Guen. Un moment d'inattention, une facilité, une erreur, ne serait-ce que de prévision, coûtent ici beaucoup plus cher que dans n'importe quel autre domaine d'action de l'État.

M. Claude Evin. Plus cher même qu'à Bercy ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Alors que votre famille politique ne cesse de critiquer le « trop d'État », vous êtes souvent contraint, pour assumer pleinement vos responsabilités, d'espérer des moyens supplémentaires.

Ce texte ne nous éclaire nullement sur vos intentions. Pourtant la loi du 13 août ne vous exonère d'aucune responsabilité dans la conduite de notre système de santé, bien au contraire. Nul doute que, au-delà du vide de ce texte que nous jugeons peu recevable, vous serez, non pas personnellement, mais au nom de l'ensemble de votre gouvernement et de sa majorité, amené à rendre des comptes aux Français sur une politique qui aura fait régresser les conditions de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Le Guen, si l'on en juge par la manière dont vous avez défendu l'exception d'irrecevabilité, le moins que l'on puisse dire, c'est...

M. Augustin Bonrepaux. ...qu'il faut la voter !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...que notre politique vous gêne. En effet, là où nous agissons, vous avez été immobiles ; là où nous sommes en train de réussir, vous avez échoué. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Evin. Ça fait trois ans que vous êtes là !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous dénoncez les prétendus manques de la politique sociale et de la politique de santé publique. Vous avez la mémoire courte. En 1998, le rapport Charpin, commandé par le Premier ministre de l'époque, M. Jospin, dénonçait la catastrophe qui menaçait les retraites. Qu'avez-vous fait ? Rien. Nous, en un an, nous les avons réformées.

Pendant cinq ans, vous avez systématiquement dépassé l'ONDAM. Qu'avez-vous fait ? Rien. Nous, nous avons mis en place une réforme de l'assurance maladie qui permettra de soigner mieux en dépensant mieux.

Qu'avez-vous fait pour les personnes âgées ? Vous avez mis en place l'APA, sans en assurer le financement et en dissimulant les projections de votre administration. Nous, nous finançons l'APA et un plan « autonomie et solidarité » de 9 milliards d'euros.

Le nombre de jeunes fumeurs n'a cessé d'augmenter entre 1997 et 2002.

M. Claude Evin. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous, nous avons pu diminuer de près de 2 millions le nombre de fumeurs, ce qui devrait sauver des centaines de milliers de vies. Vous n'avez même pas voté les mesures qui l'ont permis. Pour la première fois, une enquête montre la baisse drastique du tabagisme chez les jeunes. Comment pouvez-vous dire que nous n'avons pas de politique de prévention ?

Vous avez également considéré que l'ONDAM à 3,2 %, que nous proposons avec Xavier Bertrand, serait sous-évalué, insuffisant. Mais vous rappelez-vous le taux des ONDAM que vous avez votés ? Il était de 2,3 % en 1998, de 2,6 % en 1999, de 2,5 % en 2000. Alors que, à l'époque, ces taux vous paraissaient crédibles, des taux supérieurs, aujourd'hui, ne le seraient plus ? La grande différence, c'est que, avec la loi du 13 août 2004 et avec l'ensemble des outils de la maîtrise médicalisée, nous nous sommes donné les moyens de respecter l'objectif.

Vous avez également parlé du FSV. Dois-je vous rappeler que, sans les ponctions de recettes que vous avez opérées pour financer l'APA et les 35 heures, le FSV serait aujourd'hui en équilibre ?

Vous nous avez parlé de la protection des recettes de la sécurité sociale. Quelle est la majorité qui a voté, en 1994, le principe de compensation des exonérations de charges ? Quelle est celle qui a renforcé, il y a quelques mois, ce principe de la loi relative à l'assurance maladie ? La vôtre ou la nôtre ?

Mesdames, messieurs les députés, les choses sont claires.

À l'opposé, quel gouvernement a créé le FOREC pour financer les 35 heures ? Quel gouvernement a déshabillé le FSV pour financer de nouvelles prestations ? Il faut que chacun assume ses responsabilités, monsieur Le Guen.

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sur la soulte, vous avez évidemment une vision particulière des choses. J'ai, en tant que ministre chargé de la protection sociale, personnellement veillé à ce que la méthode utilisée pour le calcul de la soulte soit la méthode prospective. Ce n'est pas celle qui était proposée au départ, c'est celle que j'ai proposée.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo pour votre discrétion ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous me posez des questions en me disant que je n'ai rien fait, je vous réponds ! 

Nous avons favorisé la discussion avec les partenaires sociaux. Comme toujours, cela semble vous déranger. Nous avons pourtant abouti ainsi à un accord juste pour le régime général.

M. Bruno Gilles. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pour ce qui est des chiffres de la CNAM en 2004, je ne dis pas qu'ils sont dus à la réforme, qui n'est pas encore en place. Je dis simplement que, contrairement à ce que certains ont pu affirmer, contrairement à ce que vous nous avez déclaré, les comportements ne sont pas immuables. Ils peuvent changer. Nous avons dit non à la maîtrise comptable, oui à la maîtrise médicalisée, fondée sur un changement des comportements.

Par ailleurs, je ne crois pas qu'il soit utile de faire peur aux et aux autres en leur parlant d'une baisse de l'accès aux soins. Il y a simplement des indices d'une consommation de soins et d'une délivrance d'arrêts de travail plus rationnelles.

En ce qui concerne l'hôpital, nous prévoyons un ONDAM en hausse de 3,6 %. Entre 1997 et 2002, les budgets de l'hôpital ont augmenté en moyenne de moins de 2,5 %.

M. Claude Evin. 4 %.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Qui donne de véritables moyens à l'hôpital, monsieur Le Guen ? Vous me dites qu'une augmentation de 3,6 % n'est pas suffisante. Elle était en moyenne de 2,5 % entre 1997 et 2002 !

Vous avez asphyxié l'hôpital avec les 35 heures, au moment où les établissements de santé manquaient de personnel. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il est utile de le rappeler !

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse. Nous commençons tout juste à nous en sortir !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui, monsieur Le Guen, on peut en même temps donner des moyens supplémentaires à l'hôpital public pour le cancer et pour les services de périnatalité, et demander une gestion des hôpitaux publics plus saine en ce qui concerne les fournitures de bureaux ou les services informatiques. Cela n'est pas du tout contradictoire.

M. Bernard Roman. Un million de gommes !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. L'informatique, ce n'est pas la gomme.

M. Le Guen a dit que nous n'avions pas de politique de santé publique. Parlons donc de la prévention.

S'agissant de la prévention routière, en deux ans et demi, le nombre de morts sur les routes a diminué de plus de 40 %. À qui le doit-on, à vous ou à nous ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'y êtes pour rien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. S'agissant du cancer du poumon, du cancer de la vessie, des cancers ORL, des cancers des voies aéro-digestives supérieures, que constate-t-on ? On observe que le nombre des fumeurs a diminué de 2 millions. Est-ce grâce à vous ou grâce à nous ?

En deux ans et demi, le dépistage du cancer du sein s'est plus développé que pendant les cinq ans où vous avez soutenu un gouvernement socialiste.

Qui a lancé le plan cancer, qui a créé l'Institut national du cancer, vous ou nous ?

Vous me parlez de la loi Evin. Je la défends. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Evin. Il est temps !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je ne peux que la soutenir. Le contraire vous arrangerait, mais je la soutiens. D'ailleurs, nous avons fait voter récemment au Sénat un amendement relatif à l'étiquetage et visant à prévenir les femmes enceintes contre les dangers de la consommation de boissons alcoolisées.

M. Bernard Roman. Nous verrons ce que vous direz quand vous serez au banc du Gouvernement et que les amendements viendront en discussion ici !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, la loi organique rejettera la maîtrise comptable. Je précise au passage qu'elle ne s'appliquera qu'à partir de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année prochaine.

Vous avez également parlé de l'organisation des soins et de la démographie. En réalité, vous voulez remettre en question les piliers de la médecine à la française, c'est-à-dire le paiement à l'acte, la liberté d'installation, la liberté qu'a le malade de choisir son médecin, la liberté de prescription.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. C'est le passé trotskiste de M. Le Guen qui ressort, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et nous, nous faisons le choix inverse, monsieur Le Guen.

Vous cherchez à faire croire à une baisse de la couverture maladie. Mais depuis trois ans, monsieur Le Guen, le taux de remboursement pour l'assurance maladie continue de progresser. Et les médicaments innovants bénéficient à très juste titre d'un taux de remboursement plus élevé.

En ce qui concerne les laboratoires pharmaceutiques, la meilleure réponse à vous faire est de vous rappeler la transposition en droit français de l'accord signé le 30 août 2003 dans le cadre de l'OMC, qui vise à permettre de donner des licences obligatoires de médicaments anti-VIH, anti-malaria, anti-leishmaniose aux pays en voie de développement touchés par des épidémies. Vous n'avez aucune leçon de morale à nous donner à propos de l'industrie pharmaceutique, monsieur Le Guen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Non, pas vous, pas ça !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En ce qui concerne le générique, peut-être devriez-vous être un peu plus modeste. Je rappellerai simplement que c'est ce gouvernement qui est en train de prendre un décret afin de diminuer en moyenne de quinze à dix ans la durée de protection des molécules génériques. Pourquoi n'en avez-vous pas parlé pendant cinq ans, vous qui avez de bonnes idées sur le générique ? Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

Mesdames, messieurs les députés, il faut tout de même remarquer que M. Le Guen, à la fin de son intervention, a émis quelques idées. C'est heureux, parce que pendant le débat sur la réforme de l'assurance maladie, on n'avait pas entendu les idées de M. Le Guen. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd'hui, il en a quelques-unes, et il a pris quelques secondes pour nous les exposer.

Il a exprimé quelques idées. D'abord, après nous avoir dit que nous avions fait beaucoup pour les médecins - je ne vois pas très bien où sont les cadeaux que nous leur aurions faits -...

M. Claude Evin. Eux le savent !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...il nous a proposé de donner deux millions d'euros aux médecins traitants.

M. Jean-Marie Le Guen. Deux milliards !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Deux milliards, oui.

M. Jean-Marie Le Guen. Même quand vous mentez, je suis obligé de vous rectifier !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ensuite, quand il pose que C égale CS, cela signifie encore deux milliards d'euros de plus.

Quant aux contreparties, elles sont restées assez obscures.

En réalité, mesdames, messieurs les députés, monsieur le président, M. Le Guen, pendant je ne sais pas combien de centaines d'heures de débat...

M. Guy Geoffroy. Trop longtemps, en tout cas !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...sur la loi portant réforme de l'assurance maladie, n'a jamais fait une proposition sérieuse, crédible. Aujourd'hui, il tente, à l'occasion d'une exception d'irrecevabilité, de nous donner des leçons. La vérité, c'est qu'il vient de dépenser devant nous 4 milliards d'euros sans nous indiquer - c'est une habitude socialiste - les recettes correspondantes.

Mme Hélène Mignon. C'est vous qui n'annoncez que des cadeaux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est la raison pour laquelle je vous demande évidemment de ne pas voter cette exception d'irrecevabilité. Ce ne serait pas sérieux et cela ne rendrait pas service à l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Richard Mallié. Nous avons longuement entendu M. Le Guen, que nous avions déjà entendu pendant un mois entier lors de la session extraordinaire. Nous connaissons ses excès habituels. Il court après un portefeuille ministériel et projette sur les autres ce qu'il souhaite. Voilà ce que nous avons entendu pendant l'heure et demie où il nous a « bassinés » sur un certain nombre de sujets. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, il a fait un très long, un trop long exposé, qui mélangeait tout, et d'où il ressort que les ministres actuels ne sont pas à la hauteur. En fait, je n'ai rien entendu de nouveau par rapport à ce que j'avais entendu durant le mois de juillet que j'ai passé ici, aux côtés de beaucoup d'entre vous.

Monsieur Le Guen, gérer, c'est prévoir. Or, nos ministres ont fait preuve d'engagement et ont su prendre leur responsabilité. Vous leur avez fait des reproches à cet égard en parlant de la canicule. Mais cette année, s'il y avait eu une canicule, nous aurions su faire face à la situation. L'engagement et la responsabilité, c'est aussi la réforme de l'assurance maladie. Le ministre vous a bien répondu sur ce point. Il m'a un peu coupé l'herbe sous le pied (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Jean-Marie Le Guen. Faites quelque chose, monsieur le président ! C'est un accident du travail ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. ...en disant un certain nombre de choses que je comptais dire. Cela montre que ces ministres ne sont pas si mauvais que M. Le Guen le prétend.

La réforme de l'assurance maladie, monsieur Le Guen, c'est une maîtrise médicalisée, non une maîtrise comptable, comme nous l'avons entendu maintes et maintes fois dans les années antérieures.

Vous avez traité M. Douste-Blazy de « ministre des comptes ».

M. Jean-Marie Le Guen. Non !

M. Richard Mallié. Si, vous l'avez dit, monsieur Le Guen ! Vous avez dit au ministre : « Vous êtes le ministre des comptes de la sécurité sociale ».

M. Jean-Marie Le Guen. Non, j'ai espéré qu'il soit le ministre des comptes !

M. Richard Mallié. Quels que soient les ministres qui l'ont précédé, on ne peut pas le qualifier ainsi !

Notre réforme vise tout simplement à la responsabilisation des acteurs. En 2002, c'est vrai, notre gouvernement a voulu donner un peu plus aux médecins généralistes en faisant passer le C à 20 euros, ce qu'ils attendaient depuis fort longtemps. En contrepartie, ils se sont engagés sur les visites non justifiées. Aujourd'hui, nous pouvons en constater les résultats.

Nous avons confiance dans cette réforme de l'assurance maladie. C'est pourquoi nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Claude Evin, pour le groupe socialiste.

M. Claude Evin. Comme chacun le sait, l'exception d'irrecevabilité doit viser à démontrer que le texte de loi qui nous est soumis ne permet pas de garantir les principes inscrits dans notre Constitution. C'est exactement ce qu'a fait M. Le Guen, très longuement il est vrai. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il a en effet démontré que le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté ne permet pas de garantir à nos concitoyens un bon niveau de prise en charge des soins. D'autre part, il a montré que ce projet de loi n'apporte pas de réponse en termes de protection de la santé publique.

M. Bernard Roman. Exactement !

M. Claude Evin. Or, comme chacun ici le sait, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Depuis, le Conseil constitutionnel a considéré que cette protection de la santé s'étendait à l'ensemble des citoyens.

M. Le Guen a donc brillamment démontré que le projet de loi qui nous était soumis n'était pas conforme au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Il n'est donc pas conforme à notre Constitution, puisque ce préambule a été introduit dans la Constitution de 1958.

Par conséquent, mes chers collègues, M. Le Guen a brillamment démontré qu'il était nécessaire que vous adoptiez cette exception d'irrecevabilité, car ce texte n'est pas conforme à notre Constitution.

Voilà pourquoi le groupe socialiste votera cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Luc Préel. Notre collègue Jean-Marie Le Guen n'a évidemment en rien démontré l'irrecevabilité de ce texte. Il a mis à profit un long temps de parole - et il est vrai que c'est l'usage - pour expliquer tout le bien qu'il pensait du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce qu'il ne nous a pas expliqué en une heure et demie, à savoir l'inconstitutionnalité de ce texte, son collègue Claude Evin vient de nous l'expliquer clairement en deux phrases ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Et il vous a convaincu !

M. Jean-Luc Préel. En réalité, nous devons, d'ici à une semaine, discuter de tout ce qui intéresse au plus haut point les Français, c'est-à-dire les problèmes de la santé, de la famille, de la retraite, tout cela mettant en jeu la somme assez considérable de 365 milliards d'euros. C'est donc un sujet extrêmement sérieux, qu'il convient d'étudier avec la plus grande attention.

L'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale fait suite à l'adoption de réformes que nous n'avons pas totalement approuvées. Celle concernant les retraites nous semble très partielle. Celle concernant l'assurance maladie, comme j'aurai l'occasion de le dire ce soir lors de la discussion générale, n'a pas été à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer. Elle reporte en particulier sur les générations futures le déficit, ce qui est moralement discutable.

Les effets de ces réformes ne sont pas encore apparents. Et nous allons prochainement discuter d'une loi organique qui réformera les PLFSS, c'est-à-dire la manière de concevoir le financement de la santé, de la retraite et de la famille. Nous discutons donc de ce texte à un moment très particulier.

Après avoir entendu notre ami Le Guen, nous sommes fondés à nous demander si nous sommes tous très attachés à l'égal accès de nos concitoyens à des soins de qualité et à leur optimisation, partant du principe que chaque euro doit être dépensé à bon escient. Notre système de santé connaît toujours de graves problèmes quant à la qualité et à la permanence des soins, à l'évaluation des pratiques, aux urgences, à la démographie médicale et aux restructurations hospitalières. Nous débattrons, je l'espère, de l'ensemble de ces problèmes dans les prochains jours afin d'essayer d'améliorer les choses avec les fonds dont nous disposons.

M. le ministre a longuement répondu à Jean-Marie Le Guen pour défendre son ONDAM réaliste et volontariste, considérant que ceux qui avaient été fixés par les socialistes ne l'étaient pas. Je me trouve, en la matière, dans une situation quelque peu particulière parce que je critique constamment, depuis neuf ans, comme nombre d'entre nous, ces ONDAM non réalistes, faute d'être médicalisés. M. Coulomb, dans un rapport très intéressant, a mené une réflexion sur la médicalisation de l'ONDAM, et je regrette que, cette année, comme les années antérieures, l'ONDAM n'ait pas été davantage médicalisé. Quand il l'est à un taux relativement modeste et peut-être irréaliste, il a peu de chances d'être conforme à la fin de l'année, et il est donc totalement décrédibilisé C'est un des problèmes que nous avons à résoudre et dont nous traiterons ces prochains jours.

Le groupe UDF n'a donc pas été convaincu par les arguments de Jean-Marie Le Guen, aussi ne votera-t-il pas cette exception d'irrecevabilité. Il attend avec impatience de passer au débat pour obtenir, comme il l'espère, des réponses sur des questions telles que celles sur les pensions de réversion des veuves, sur la retraite des enseignants du privé ou encore sur les industries électriques et gazières. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures quinze, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, n° 1830 :

Rapport, n° 1876, tomes I à V, de MM. Bernard Perrut, Jean-Pierre Door, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Georges Colombier, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 1877, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot