Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)

 

Première séance du mardi 2 novembre 2004

37e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

CULTURE

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.

La parole est à M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de la culture pour 2005 atteint 2 787,43 millions d'euros, soit une progression de 5,6 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2004, déjà en hausse de 5,7 % par rapport à 2003. Hors crédits votés pour 2004 sur la réserve parlementaire, la progression s'établit à 5,9 % et hors transferts et hors réserve parlementaire, elle atteint 6,5 %. Ces chiffres sont source de satisfaction. En effet, dans un contexte budgétaire contraint, le ministère de la culture bénéficie de nouveau cette année de moyens en augmentation, traduisant, s'il en est encore besoin, la priorité accordée par le Gouvernement à l'action culturelle.

Comme Pablo Picasso, je crois « qu'un tableau ne vit que par celui qui le regarde ». Plutôt que de me livrer à une observation minutieuse et comptable des crédits, je préfère donner vie aux chiffres du budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, en les regardant comme les moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique que vous entendez conduire. J'ai d'ailleurs retrouvé dans le projet de budget toute votre personnalité : votre action pour l'année à venir, tout en étant équilibrée et raisonnable, sera réconciliatrice et audacieuse.

L'une des premières manifestations de votre volonté, nous la trouvons dans le rééquilibrage entre les deux missions essentielles du ministère de la culture : la création et le patrimoine.

De tout temps, la France a puisé dans son histoire pour régénérer ses forces. Cette histoire millénaire, elle se lit dans la pierre, les vitraux ou les jardins.

M. Michel Françaix. C'est beau !

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Certain de la nécessité pour votre ministère de poursuivre sa mission traditionnelle de préservation et de valorisation du patrimoine, mais aussi conscient de l'urgence née de l'état de délaissement dont souffrent nos monuments, vous avez fort heureusement choisi de redonner toute sa place au patrimoine.

M. Michel Françaix. Si peu !

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Comme le prévoit le plan national pour le patrimoine, les moyens disponibles augmentent de 10,4 millions d'euros à structure budgétaire constante, soit une progression de 4 % par rapport à 2004, si l'on tient compte du transfert hors du budget de la culture de 5,45 millions d'euros pour le patrimoine rural non protégé. Les crédits de paiement augmentent de plus de 25 millions d'euros, soit une progression de 13 %.

Le budget témoigne également des effets du transfert engagé de la maîtrise d'ouvrage, puisque, à l'intérieur de cette augmentation, à structure budgétaire constante, les autorisations de programme augmentent de 19 millions d'euros. Cela s'ajoute aux dotations affectées aux grands projets immobiliers, qui voient, pour 2005, leurs crédits de paiement augmenter de 20 millions d'euros, soit près de 25 %, pour couvrir l'augmentation antérieure des autorisations de programme. Ces dernières devraient diminuer de 19 % et être réparties entre les investissements.

Très concrètement, ces mesures devront permettre un pilotage plus efficace des travaux engagés pour la rénovation des monuments et du patrimoine et assurer ainsi une plus grande lisibilité pour les entreprises œuvrant dans ces secteurs. Je vous rappelle qu'elles sont plus de 160 en France et qu'elles emploient près de 9 000 ouvriers ou artisans spécialisés, détenteurs de savoir-faire qui appartiennent eux aussi à notre patrimoine. Monsieur le ministre, vous avez reçu leurs représentants syndicaux la semaine dernière et vous avez pu, à cette occasion, percevoir combien la situation est difficile. Je sais que vous êtes à leur écoute et que l'on peut compter sur vous pour les soutenir, car cela aussi fait partie de la défense de notre patrimoine.

Si nous nous réjouissons de l'ampleur donnée aux actions patrimoniales et de restauration, il nous faut rappeler expressément la nécessité de maîtriser la dépense publique.

L'alliance avec la sphère privée et le monde de l'entreprise, notamment au travers du mécénat, est aujourd'hui nécessaire pour réaliser cet objectif. Sur ce point, je me fais volontiers l'écho du rapporteur général qui, nous faisant part de son souci de la bonne gestion et de la bonne exploitation des monuments historiques, s'est offusqué de constater que des travaux au château de Chambord avaient empêché, en plein mois de juillet, sinon la visite du moins la vente de produits dérivés.

Je vous suggère également de nouveau l'instauration d'une journée du don - défiscalisable, bien entendu - aux fondations, qui permettrait de décupler la générosité des Français, en faisant mieux connaître les initiatives qui ont pour vocation d'aider ceux qui aident.

Parallèlement, parce qu'elle se situe au cœur de l'alliance entre création et patrimoine, il a été décidé de redonner un nouvel élan à la commande publique, mais aussi de dégager plus de moyens pour les acquisitions. Plus de 650 000 euros supplémentaires leur seront ainsi accordés : 500 000 euros pour l'enrichissement des musées, par l'intermédiaire du fonds du patrimoine et 150 000 euros au profit du patrimoine écrit.

Et puisque j'évoque un rééquilibrage, j'en profite pour saluer celui qui est opéré au profit des opérations culturelles conduites dans les régions.

En deuxième lieu, monsieur le ministre, vous avez choisi d'être raisonnable. Comme en 2004, l'augmentation des crédits s'accompagne d'un effort de maîtrise des dépenses publiques : tous les départs à la retraite ne sont pas remplacés et les moyens de fonctionnement des services sont stabilisés.

Votre prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, aura indéniablement été l'introducteur de la réforme budgétaire au ministère de la culture. C'est donc une administration en cours de modernisation que vous avez trouvée au printemps dernier. En effet, en même temps qu'une vaste « opération vérité » destinée à rompre avec les effets d'affichage et à restaurer la sincérité du budget de la culture, la réforme structurelle exigée par la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a été conduite avec ardeur. Vous vous êtes inscrit immédiatement dans ses pas et avez même, en quelques mois, accéléré le rythme des avancées. Ainsi peut-on dire que le ministère de la culture est aujourd'hui un exemple. C'est, à bien des égards, une révolution copernicienne dont nous ne pouvons que souhaiter la réalisation complète.

Les difficultés rencontrées pour la préparation du rapport de la commission des finances témoignent toutefois de la résistance au changement de certains services, agents ou responsables de votre administration, en dépit de l'énergie et de l'efficacité des membres de votre cabinet, que je salue.

Notre excellence dépend de notre capacité à nous réformer. Si, comme le faisait remarquer Salvador Dali, que nous célébrons cette année, « le moins que l'on puisse demander à une statue, c'est qu'elle ne bouge pas », le moins que la commission des finances puisse demander à vos services, c'est qu'ils bougent, eux, qu'ils se transforment et évoluent encore, sous votre conduite, pour gagner en efficacité. À cet égard, l'année à venir verra le passage à la nouvelle nomenclature budgétaire, qui suppose des objectifs, des outils d'évaluation et des indicateurs de performance, dont vous trouverez, mes chers collègues, le détail dans le rapport de la commission des finances, ainsi que les critiques et les recommandations que nous faisons à leur sujet.

Ces réformes de structure accompagneront l'effort de maîtrise de la dépense publique que vous poursuivez avec détermination, en proposant un certain nombre d'économies, notamment par la voie des transferts ou par une gestion affinée de votre personnel, même si le nombre de vos agents est un secret bien gardé par vos directions. (Sourires.)

M. Frédéric Dutoit. C'est vrai !

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Sensible aux interrogations du président de la commission des finances, dont je partage les doutes et les incompréhensions, notamment au sujet des plafonds d'emplois et de l'absentéisme des agents, j'avais proposé, vous vous en souvenez peut-être, une demande d'enquête de la Cour des comptes. Cette enquête a eu lieu, mais à la demande de nos collègues sénateurs. Je fais miennes les recommandations formulées aussi bien par la Cour des comptes que par le rapporteur du Sénat, en espérant qu'elles servent de guide à une nouvelle gestion des emplois publics pour les services et les établissements.

Pour être équilibrée et raisonnable, monsieur le ministre, votre action n'en est pas moins réconciliatrice et audacieuse.

En effet, pour réconcilier les Français avec le talent et avec l'histoire, vous avez choisi le renforcement des interventions culturelles puisque le projet de budget propose l'ouverture de près de 25 millions d'euros de moyens nouveaux sur ce titre, hors dotation générale de décentralisation. Si l'on tient compte des ajustements budgétaires et du transfert de 170 millions d'euros vers les chapitres expérimentaux, les moyens d'intervention hors dotation générale de décentralisation progressent de 2,3 %, passant de 659,25 millions d'euros à 674,50 millions d'euros.

Votre action s'est portée vers toutes celles et tous ceux qui ont du talent, puisque ces moyens nouveaux sont destinés en priorité au plan pour le spectacle vivant » sur lequel vous concentrez vos efforts.

Vous avez évalué à 753 millions d'euros les moyens nécessaires en faveur du spectacle vivant : 427 millions d'euros pour les interventions, 32,4 millions d'euros destinés à de grands projets d'investissements et 269 millions d'euros pour les établissements publics nationaux.

Le lancement de ce plan bénéficiera à lui seul de 18 millions d'euros.

Afin de concrétiser les engagements pris par le Gouvernement au printemps, vous avez défini trois priorités d'action que vous avez dotées des moyens nécessaires : une politique de l'emploi, des efforts en faveur de l'élargissement et du renouvellement des publics, et la dynamisation de la création et de la diffusion.

En ce qui concerne les établissements publics, je salue notamment la création de l'établissement public de l'Opéra-Comique en janvier prochain.

La politique du livre et de la lecture bénéficie également de votre attention constante, monsieur le ministre. En effet, une mesure nouvelle de 2,65 millions d'euros accompagne la mise en œuvre de la loi de juin 2003 relative au droit de prêt en bibliothèque. En tenant compte de la participation du ministère de l'éducation nationale, celle de l'État atteindra environ 12 millions d'euros qui permettront de verser une importante rémunération aux éditeurs et aux auteurs, et de mettre en place un régime de retraite complémentaire au profit des 2 300 écrivains et traducteurs qui ne disposent pas d'un tel régime à ce jour.

Enfin, votre budget est placé sous le signe de l'audace.

Celle-ci réside en premier lieu dans vos propos.

Rompant avec une habitude très française de vouloir faire tenir les choses ou les êtres dans des catégories aux cloisons étanches, vous replacez l'action de votre ministère au cœur du dispositif gouvernemental en faveur de l'emploi, de la compétitivité et de la promotion de l'excellence française. En effet, le projet de budget permet de dégager des moyens au service du rayonnement culturel de la France et au renforcement des actions internationales du ministère qui concourent à l'attractivité du site France.

Vous avez aujourd'hui l'audace de dire que le domaine culturel peut-être appréhendé au travers du prisme de l'économie, que les activités culturelles ou artistiques sont un vecteur de croissance, d'emploi, de formation, d'innovation et de compétitivité pour nos entreprises.

Notre politique culturelle concourt à forger ou à transformer l'image de la France dans le monde : l'image que nous donnons de notre nation, l'image que nous renvoyons de notre peuple et de sa capacité à étonner le monde, à suggérer un modèle culturel européen original et de qualité.

À cet égard, la création d'une chaîne d'information internationale, capable de faire entendre partout, et dans plusieurs langues, la voix de la France est une nécessité dont il n'est pas sérieux de douter. Par l'alliance de l'efficacité d'un opérateur privé et des garanties offertes par un groupe public, cette chaîne de télévision offrira l'occasion d'une réforme structurelle de l'audiovisuel extérieur, passant par la redéfinition de son périmètre et la rationalisation des structures existantes, notamment dans un souci de maîtrise des dépenses publiques.

Vous imaginez donc volontiers que je partage votre vision stratégique du rayonnement culturel et que j'encourage très vivement votre choix. Ce n'est qu'avec audace que l'on conduit une politique ambitieuse.

« La politique,  a dit le général de Gaulle, quand elle est un art et un service, non point une exploitation, est une action pour un idéal au travers des réalités. »

En commentant ce matin les réalités, c'est-à-dire vos crédits, nous avons vu apparaître votre idéal. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, lors de la présentation de votre budget, qu'il n'est « que la première étape d'une démarche qui exige de la volonté, du courage, de la ténacité et beaucoup d'enthousiasme ».

Nous connaissons votre volonté et nous ne doutons ni de votre courage, ni de votre ténacité.

La commission des finances partage votre enthousiasme et je vous invite, mes chers collègues, à adopter comme elle les crédits de la culture pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France d'Abel de Marigny, d'Alexandre Lenoir, de Dominique Vivant-Denon, de Paul Léon ou d'André Malraux a perpétuellement admis que la politique culturelle devait être l'affaire privilégiée de l'État.

Fruit d'un héritage tantôt d'Ancien Régime, tantôt de nouvel Empire, tantôt républicain, notre culture tout comme sa politique sont restées très centralisées, au point que nous en sommes arrivés à nous demander si elles ne procédaient pas d'un héritage tout simplement «jacobin ».

Ainsi, les fonctions dévolues successivement aux surintendants des Bâtiments du Roi, aux directeurs des Beaux-Arts de la IIIe République, ou bien encore au ministre des affaires culturelles du général de Gaulle furent exercées avec un pouvoir concentré et centralisé, contrastant de manière étonnante avec celles de nos voisins anglo-saxons.

Mais, comme s'il était besoin de démontrer que le « Gaulois » n'est pas aussi irréductible qu'il n'y paraît, la politique culturelle de notre pays a considérablement évolué ces dernières décennies, puisque l'État - initialement « tutelle » - s'est progressivement transformé en un État « partenaire », pour bâtir - en concertation avec les collectivités - une politique culturelle originale et plus proche du terrain.

Par voie de conséquence, la culture est devenue une action collective et non plus uniquement régalienne.

J'estime d'ailleurs que le budget de la culture, soumis aujourd'hui au vote des représentants de la nation, est le reflet financier de cette volonté commune.

Celle-ci se traduit désormais par un projet ambitieux, qui consiste à construire une nouvelle dynamique d'aménagement et de développement culturels du territoire, comme vous l'avez appelé de vos vœux, monsieur le ministre.

Il est vrai que les dépenses effectuées dans le secteur de la culture ont un effet multiplicateur, souvent méconnu, sur la création de la richesse dans notre pays.

D'abord, elles participent au dynamisme du secteur touristique, grâce à la diversité de notre patrimoine et de notre création.

Ensuite, elles permettent de faire vivre d'innombrables salles de théâtre et de concert, en province comme à Paris, de même que des librairies, des conservatoires, ainsi que différents commerces de proximité, dans toute la France.

Enfin, elles interviennent également - pour une part non négligeable - à l'emploi et à l'activité dans le secteur du bâtiment.

Pour achever mes propos liminaires, je veux me réjouirveux me réjouir que le ministère de la culture ait été épargné par les gels et annulations de crédits, décidés par le ministère des finances en 2004. Cette décision est symboliquement très importante, puisqu'elle prend en compte le caractère considérable des besoins de la culture.

Pour ce qui est de l'analyse purement « financière » de ce budget, je ne reviendrai pas sur les propos de mon collègue et ami Olivier Dassault, dont je salue la qualité de l'intervention. Néanmoins, je tiens à rappeler que le budget 2005 bénéficie d'arbitrages très favorables, malgré un contexte budgétaire tendu. Il permettra ainsi au Gouvernement de respecter ses engagements en faveur non seulement du spectacle vivant, mais également du patrimoine monumental et artistique.

Même si ce budget apparaît plus efficace, il n'en reste pas moins que la structure de ses dépenses est encore trop rigide. En effet, plus de 44 % des dotations du ministère de la culture sont aujourd'hui encore « fléchées », principalement sur des dépenses difficilement compressibles, comme celles relatives au personnel ou au coût de fonctionnement des établissements publics.

En revanche, afin d'améliorer la souplesse budgétaire du ministère de la culture, il est prévu, pour 2005, de déconcentrer 70 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances, hors dépenses de personnel et dotations attribuées aux établissements publics.

Pourtant, la situation n'est pas encore totalement satisfaisante, puisque la déconcentration de gestion des crédits ne s'accompagne pas nécessairement d'une déconcentration, systématique et identique, de moyens en personnels. J'encourage donc le ministère à engager une réflexion sur les possibilités de renforcement des effectifs des directions régionales des affaires culturelles, faute de quoi la déconcentration risque d'aboutir à une désorganisation accrue des DRAC.

Je reste persuadé qu'une meilleure déconcentration permettra de prendre les décisions plus proches des initiatives locales et assurera une utilisation optimale des crédits alloués.

L'effort doit être maintenu, surtout qu'entre 2003 et 2005, les taux de crédits déconcentrés ont bénéficié d'une augmentation régulière.

D'ailleurs, je sais, monsieur le ministre, que vous avez pris un certain nombre de dispositions allant dans ce sens.

Le budget de la culture pour 2005 présente des progrès sensibles sur des secteurs prioritaires, puisque, cette année, les efforts se concentreront sur le spectacle vivant, sur le patrimoine et sur la relance de la commande publique.

Premièrement, le spectacle vivant.

Avec 753 millions d'euros, le spectacle vivant représente le premier poste budgétaire du ministère. Il convient de s'en féliciter puisqu'il permet non seulement de consolider l'emploi, mais aussi d'élargir l'accès à la culture, tout en soutenant la création et la diffusion artistique.

Deuxièmement, la sauvegarde du patrimoine.

En 2003, le Gouvernement avait annoncé un plan d'urgence pour le patrimoine monumental. En effet, la situation sanitaire de nos monuments étant très préoccupante, je me réjouis que, dès cet été, vous ayez décidé un redéploiement des crédits pour poursuivre les chantiers en cours.

De plus, l'importante hausse des crédits de paiement, prévue par le budget 2005, devra permettre de desserrer l'étau budgétaire et de continuer la politique de rénovation de nos monuments historiques.

Troisièmement, le développement de la commande publique.

Les 650 000 euros de mesures nouvelles prévus sur cette ligne budgétaire seront à la fois consacrés à l'enrichissement de nos musées et au financement du plan d'action pour le patrimoine écrit.

Quatrièmement, le rééquilibrage en faveur des régions, qui s'est accentué depuis 2002.

La parité est quasiment respectée entre les investissements réalisés à Paris-Île-de-France et ceux réalisés en région : 52 % contre 48 %.

Je tiens à souligner que cette législature marque un très net rééquilibrage par rapport à la précédente, puisqu'en moyenne, entre 1997 et 2001, seulement 38 % des crédits étaient destinés à la province. Cela traduit la nouvelle politique du ministère de la culture qui exprime ainsi la ferme volonté de favoriser l'aménagement culturel du territoire et le rapprochement des décisions de subvention des acteurs de terrain.

Mais, si les collectivités sont officiellement incitées à s'investir dans la politique culturelle régionale, le rôle des DRAC n'est pas pour autant amené à se réduire. De plus en plus sollicités, souvent contestés et critiqués, ces services de l'État demeurent en réalité mal connus.

Afin de mesurer le rôle des DRAC et l'impact des récentes évolutions en matière de déconcentration et de décentralisation culturelles, je me suis rendu dans cinq régions très différentes : Rhône-Alpes, Lorraine, Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais et Pays-de-la-Loire.

J'ai pu ainsi apprécier le rôle fondamental et reconnu des DRAC sur le terrain, mais également les forces et les faiblesses de l'action culturelle territoriale. Par ailleurs, j'ai entendu affirmer, et ce de façon récurrente, que le rôle clé des directions régionales des affaires culturelles n'était plus à démontrer.

Elles sont avant tout un pôle d'expertise nationale.

Lors de mes déplacements, je l'ai constaté auprès des institutions culturelles et des élus locaux. Les DRAC sont pour eux le garant d'une politique culturelle nationale, dont l'objectivité et la compétence des personnels ont été maintes fois soulignées.

Elles disposent ensuite d'une vision globale du territoire local et jouent de ce fait un rôle important en matière de rééquilibrage et d'aménagement territorial.

De plus, elles ont un rôle de catalyseur et de fédérateur de projets, par le dialogue permanent qu'elles entretiennent avec les acteurs locaux de la culture.

Elles permettent très souvent de faire aboutir des projets de qualité et remplissent un rôle essentiel dans la découverte de nouveaux talents.

Enfin, elles jouent un rôle fondamental de coordination auprès des différents partenaires.

Même si j'ai ressenti une opinion très favorable des acteurs locaux sur le rôle positif et indispensable des DRAC, il n'en reste pas moins que de nombreux interlocuteurs ont regretté certaines insuffisances.

Il s'agit principalement du manque de moyens de ces structures déconcentrées et d'une certaine complexité des procédures, souvent sources de confusion, notamment pour les acteurs culturels peu au fait des arcanes administratives.

Les fonctionnaires des DRAC eux-mêmes - conseillers sectoriels, administratifs ou directeurs - sont conscients des insuffisances de leur action.

M. Frédéric Dutoit. C'est vrai !

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis. J'ai, en effet, rencontré des fonctionnaires motivés, très souvent passionnés par leur métier, mais frustrés de ne pas toujours pouvoir répondre aux attentes de leurs interlocuteurs, faute de temps, de moyens financiers, de pouvoir décisionnel et d'évaluation de leurs actions.

Je conclurai en soulignant quelques-unes des orientations souhaitables pour les prochaines années.

À n'en pas douter, tous les intervenants plaident pour un renforcement et une clarification du rôle des DRAC sur le terrain.

Premièrement, le rôle des DRAC, dans la coordination des politiques culturelles en région, devrait être conforté et clarifié. Les expérimentations culturelles récemment menées ont été l'occasion pour les acteurs de la culture, institutions et collectivités, acteurs connus ou inconnus des DRAC, de se rencontrer et d'échanger, ce qui n'avait jamais eu lieu auparavant.

Paradoxalement, il semble qu'il revienne aux DRAC de permettre aux acteurs locaux de se rencontrer régulièrement, sans qu'aucun cadre détermine quelle forme doit prendre cette concertation institutionnalisée.

La demande est forte et il conviendrait de tenir compte des spécificités locales.

Néanmoins, quelques expériences semblent intéressantes.

La Lorraine propose ainsi la création d'une conférence régionale par domaine d'action culturelle - patrimoine, spectacle vivant et formation - rassemblant les collectivités, les acteurs culturels et les services de l'État.

Les régions Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes réfléchissent, quant à elles, à l'organisation d'agences régionales patrimoniales, qui regrouperaient les services compétents de l'État et de la région. On peut d'ailleurs regretter que ces projets soient au point mort, du fait des changements de majorité au sein des conseils régionaux.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, des structures de concertation « inter-établissements » ont été mises en place au niveau régional, avec l'appui des villes et de l'ensemble des écoles contrôlées et agréées du réseau.

Enfin, en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, des conférences ou comités de partenaires financiers - État, région, départements - se réunissent déjà régulièrement pour évoquer les questions de financement.

Deuxièmement, l'administration centrale devrait réviser son fonctionnement. Pour que la déconcentration soit réellement un succès, il faudrait que le ministère de la culture fasse clairement la distinction entre ses compétences - en tant qu'intervenant direct dans la région au titre des priorités nationales - et son rôle de conseil local.

Il appartient donc à l'administration centrale de recentrer son action sur la conception et l'impulsion de politiques culturelles prioritaires, en concertation avec l'ensemble des acteurs de la culture.

Mais la concertation doit également prévaloir en interne, avec un décloisonnement des directions du ministère, afin d'améliorer les liaisons et la complémentarité entre projets.

Troisièmement, le ministère de la culture devrait mieux évaluer la pertinence des politiques culturelles locales. Toutes les DRAC visitées dénoncent cette faiblesse de l'administration centrale, qui les handicape dans leur propre évaluation des actions et institutions locales.

Un redéploiement des moyens et des inspections du ministère permettrait une meilleure évaluation à la demande des collectivités ou lorsque ces dernières perçoivent des subventions.

Quatrièmement, les DRAC doivent enfin avoir les moyens de leurs ambitions Il convient de créer des « pôles culture » cohérents dans chaque région, afin que l'État ait un discours homogène et qu'il dispose d'un guichet unique sur les questions culturelles, notamment patrimoniales.

Les DRAC, quant à elles, doivent être confortées dans leur rôle de chef de file de la politique culturelle au niveau régional.

De plus, il faudrait réfléchir à un réel redéploiement des fonctionnaires du ministère, puisque les effectifs des services régionaux de la culture ne pourront sensiblement évoluer que dans le cadre d'une réforme plus globale des services centraux.

La création d'un corps unique de conseillers des services centraux aux services déconcentrés va dans le bon sens.

Somme toute, si la nomination en « centrale » est surtout vécue comme une promotion, la possibilité pour des conseillers du ministère de partir en DRAC ne doit plus être vécue comme une « punition », mais comme une opportunité.

Cependant, dans le cadre de la poursuite de la réforme du ministère, et plus largement de la décentralisation, le rôle du ministère de la culture doit impérativement rester premier dans la définition et la mise en œuvre de la politique culturelle de la Nation.

En revanche, il ne peut exercer ce rôle sans un dialogue constant avec l'ensemble des acteurs de la culture, les collectivités territoriales, mais aussi les associations, les entreprises et les citoyens, afin d'entraîner l'adhésion du public, de tous les publics. Dans ce cadre, le rôle actuel et à venir des DRAC est fondamental.

En conclusion, l'État assume pleinement ses responsabilités, avec ce budget équilibré aussi bien entre patrimoine et création, qu'entre Paris et les régions, ou entre investissement et fonctionnement.

Dans un contexte budgétaire tendu, il parvient à mettre en œuvre des projets diversifiés et illustre combien ce ministère est au cœur de l'aménagement et du développement culturels du territoire.

Je reste persuadé que la « dépense culturelle » contribue à la croissance économique, à l'emploi, et au renforcement des liens sociaux.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux - j'y vois même un symbole - d'inaugurer avec vous l'examen en séance publique de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 qui prévoit, une hausse comptable de 5,9 % des crédits de la culture, ce qui correspond, à périmètre constant, à une progression de 6,5 %, pour un total de 2,787 milliards d'euros.

Vous le savez, ce qui importe, pour les comparaisons d'une année sur l'autre, c'est le périmètre de ce budget, qui peut varier, j'y reviendrai, pour des raisons techniques. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'y a pas grand sens, selon moi, à fixer un seuil au budget de la culture. Rien ne sera jamais suffisant, mais il faut franchir des étapes.

Beaucoup plus significatifs en effet, sont l'évolution du budget, son utilisation, autrement dit ses objectifs et ses résultats. Car un budget est avant tout l'expression d'une politique. C'est d'abord de cette politique que je veux vous parler.

C'est précisément pourquoi je me félicite de présenter un budget qui augmente dans de telles proportions. Vous savez quelles sont aujourd'hui les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, et j'entends que le ministère, dont j'ai la charge, prenne toute sa part de l'action du Gouvernement pour mener à bien les réformes pour la croissance et pour l'emploi.

Aussi vous suis-je particulièrement reconnaissant, monsieur le rapporteur spécial, de m'avoir soufflé cette citation de l'écrivain chinois de langue française, prix Nobel de littérature et remarquable artiste, Gao Xing Jian : « La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité ». Une nécessité qu'il nous faut placer au premier plan de notre ambition collective dans le monde d'aujourd'hui, car elle participe - je dirais même qu'elle est la force motrice - de notre identité et de notre rayonnement.

C'est vrai pour des raisons économiques aussi - et je sais qu'elles vous tiennent à cœur, monsieur le rapporteur spécial - car la culture ce sont, évidemment, des industries et des emplois. C'est aussi un élément essentiel de l'aménagement du territoire et de la cohésion nationale. C'est la vitrine des talents de notre pays.

La mondialisation a sa part d'ombre : ce sont les délocalisations, qui renforcent, chez nos concitoyens, un sentiment de découragement, d'impuissance, de fatalité. Face à cette tentation, je crois profondément aux forces de la volonté. Une volonté qui doit, selon moi, puiser à la source de notre meilleur atout : la vitalité de notre culture, de nos créations, de nos valeurs. Oui, c'est la part de lumière de la mondialisation. Une part dont notre pays est, sans arrogance, par tradition et par conviction, porteur, en Europe et dans le monde.

Je voudrais vous faire partager cette idée. Lors de mes déplacements - j'ai parcouru près de 50 départements depuis le début du mois d'avril -, tous les élus locaux, les maires, que j'ai rencontrés en ont pris conscience : ils investissent dans l'action culturelle, en partenariat avec l'État, avec les DRAC, dont je me félicite qu'elle constitue le thème central du rapport pour avis.

La diversité des projets illustre combien ce ministère est au cœur de l'aménagement et du développement de nos territoires.

Aussi suis-je très heureux de vous annoncer, ce qui n'a pas échappé à vos rapporteurs, que cette année, les crédits d'investissement de ce budget se répartissent à peu près à parité entre Paris - 52 % - et les régions - 48 %. Cet équilibre est nouveau. C'est un progrès. Cette législature marque un net rééquilibrage par rapport à la législature précédente. En moyenne entre 1997 et 2001, 62 % des crédits d'investissement allaient à Paris.

M. Patrick Bloche. À cause du musée du quai Branly !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce budget illustre mon souci d'œuvrer avec vous, pour que notre politique culturelle soit vraiment équilibrée : entre patrimoine et création, entre Paris et les régions, entre les investissements et les interventions.

L'équilibre de ce budget rejoint mon ambition culturelle pour la France, dans ses trois dimensions principales.

Premièrement, promouvoir la diversité culturelle dans le monde et construire l'Europe de la culture. À l'étranger - je viens d'inaugurer l'année de la France en Chine, aux côtés du Président de la République - la culture est partout attendue.

Je suis profondément convaincu que les Français ne réalisent pas suffisamment qu'ils détiennent, au sein de l'Europe, les armes de la puissance, de la prospérité et du rayonnement, grâce aux ressources de leur patrimoine, de leurs paysages, de leur culture vivante, de leur créativité, de leur imagination.

Cette redécouverte des richesses et du capital culturels de la France passe par la reconnaissance de la nécessité de l'effort et du travail de chacun, par l'ouverture des esprits, la fièvre des savoirs, le souci de la préservation et de la diffusion de notre patrimoine et de nos créations.

Tel est l'enjeu de la promotion de la diversité culturelle, dont je suis, vous le savez, l'un des missi dominici, promotion qui sera consacrée l'an prochain par l'adoption, souhaitée vigoureusement par la France, d'une convention internationale, dont le Président de la République avait, le premier, lancé l'idée. Cette idée progresse et surmontera tous les obstacles. La dernière réunion du réseau international de politique culturelle, à Shanghai, il y a quinze jours, comme tous les contacts bilatéraux que je ne cesse de cultiver avec mes homologues du monde entier, sont très encourageants. Mesdames, messieurs les députés, ce qui est en jeu, c'est ni plus ni moins le droit des États, le droit des pays à soutenir publiquement la politique menée en matière culturelle dans chacun des États.

C'est dans cette perspective que je situe notre engagement pour l'Europe de la culture, que je propose de consolider par l'adoption d'un pacte qui en ferait une véritable priorité politique au plus haut niveau pour l'Europe élargie.

La préparation de ce pacte pourrait faire l'objet, l'an prochain, d'une grande conférence sur l'Europe de la culture, que je proposerai d'organiser à Paris.

Deuxièmement, réaliser l'alliance du patrimoine et de la création. L'une des dimensions essentielles de l'action du ministre de la culture et de la communication, pour laquelle j'ai besoin du soutien de la représentation nationale - votre rapport sur les DRAC, monsieur le rapporteur pour avis, constitue à cet égard un encouragement précieux - consiste à décloisonner les disciplines, mais aussi à mieux associer culture et médias, pour entraîner l'adhésion des publics, l'ouverture à tous les publics. Nous avons en France un patrimoine exceptionnel, un patrimoine monumental bien sûr, mais au-delà, c'est toute notre histoire et la richesse de nos répertoires, dans toutes les disciplines, et jusqu'aux plus contemporains, qui participent de son rayonnement, avec le dynamisme de nos créateurs. Je souhaite œuvrer pour qu'ils se rencontrent encore davantage, qu'ils échangent dans toutes les disciplines afin de satisfaire un public nouveau et toujours élargi.

Il faut veiller à ce que nos concitoyens puissent accéder à une offre et à des pratiques culturelles aussi larges que possible, sans se laisser enfermer dans des querelles de genres, d'époques ou d'esthétiques.

J'ai constaté, lors de mes déplacements, combien le public appréciait le voisinage, voire le travail en commun, de magnifiques ballets classiques et de très bons spectacles de hip-hop, par exemple. De même, les réouvertures, à Paris, cette année, de la Comédie-Française, puis, l'an prochain, de l'Odéon, ont pour moi la même importance que celle, à Pantin, de la Cité de la danse : les lieux et les époques ne sont pas semblables mais le lien humaniste est le même. Quant au bâtiment des archives de Pierrefitte-sur-Seine, il constituera, en même temps qu'un lieu de mémoire, une création architecturale. Pour ma part, j'essaie de soutenir tous les patrimoines - monumental, écrit comme oral, audiovisuel, numérique - et toutes les créations, jusqu'aux plus novatrices, voire les plus dérangeantes d'entre elles.

Je considère le décloisonnement, c'est-à-dire l'ouverture et le dialogue, comme une nouvelle frontière de la culture. Et je me réjouis que vos préconisations sur le budget, monsieur le rapporteur spécial, comme les vôtres, relatives aux DRAC, monsieur le rapporteur pour avis, encouragent ce nouveau dialogue, cette nouvelle dynamique, qui fait écho, sur nos territoires, dans nos régions, au dialogue des cultures et des civilisations que nous prônons dans les enceintes internationales.

Le troisième élément de ma politique consiste à replacer les artistes au cœur de la cité.

Je suis arrivé rue de Valois dans un climat de crise ; la situation, vous le savez, était très tendue. Le dialogue a été renoué avec les artistes, les techniciens et tous ceux qui font la culture, grâce aussi, je tiens à le dire, à la participation active des élus, en particulier des parlementaires, et les festivals ont eu lieu. Je vous en remercie, tout comme je remercie les membres et présidents des différentes commissions qui se sont déplacés pour participer avec moi aux débats, et encore, le 18 octobre dernier, lors des Entretiens du spectacle vivant que j'ai organisés à Saint-Denis.

Je vois dans ces échanges, dans ce dialogue, dans ces rencontres, l'un des symboles de notre politique d'ouverture. La culture n'est pas un monde à part et nous devons faire en sorte que les échanges se multiplient pour que l'ensemble de nos concitoyens participent de cette action prioritaire.

Mais je ne suis pas là pour faire de l'autosatisfaction et, je vous le dis solennellement, je considère que l'essentiel reste devant nous. Au-delà de la résorption de la crise et des situations d'urgence, les différents rapports que j'ai demandés font dorénavant un point clair sur la situation. Il est temps que le Parlement en débatte.

Pour mener à bien cette politique, je veux m'appuyer sur deux instruments : un budget et les réformes qui l'accompagnent.

Pour commencer, je veux revenir sur la progression de mon budget. Je me réjouis qu'elle provienne pour les deux tiers de l'augmentation des crédits de paiement. Je suis en effet, comme M. le rapporteur spécial, un adepte de la clarté, et je partage son souci d'une meilleure compréhension de notre langage budgétaire, afin de satisfaire la transparence nécessaire à l'égard des parlementaires, représentants du peuple - et tout particulièrement de ceux de la commission des finances -, comme à l'égard de l'ensemble de nos concitoyens.

J'ajoute, pour être précis et permettre toutes les comparaisons, que, cette année, les changements de périmètre concernent le patrimoine rural non protégé, décentralisé, pour 5,45 millions d'euros, le plan exceptionnel d'investissement pour la Corse, pour près de 3,7 millions d'euros, ou encore les charges pour les allocations familiales des fonctionnaires.

Les besoins en crédits d'investissement du patrimoine - je pense tout d'abord au patrimoine monumental, mais aussi à celui des musées, des bibliothèques ou des archives - sont considérables. Les reports de crédits, encore élevés fin 2003, puisqu'ils atteignaient 227 millions d'euros, seront réduits, fin 2004, à leur part dite « frictionnelle », c'est-à-dire minimale, incompressible, de 16 millions d'euros, d'où la nécessité d'abonder la loi de finances initiales en crédits de paiement. Je comprends que cette diminution des reports soit saluée par le président de la commission des finances comme un bon élément de gestion. Mais permettez au ministre de dire que c'est pour lui source d'inquiétude car cette perte de marges de manœuvre nous contraint à faire face directement à nos responsabilités.

Les autorisations de programme baissent globalement de 22 millions d'euros compte tenu de la fin de nombreux programmes, comme le musée du quai Branly ou la première étape de restauration du Grand Palais. Par ailleurs, près de 11 millions d'euros supplémentaires seront consacrés au patrimoine monumental, conformément au plan engagé l'an passé par le Gouvernement.

Les crédits de titre IV progressent au total de 23,4 millions d'euros, soit 18 millions d'euros de crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant et 5,4 millions d'euros consacrés à la dotation globale de décentralisation, qui contribue principalement à équiper les bibliothèques.

Les crédits de fonctionnement des établissements publics progressent de 2 %. Toutefois, là encore, attention aux effets de périmètre car la création de deux nouveaux établissements publics, ceux de Chambord et du Jeu de Paume, peut fausser la lecture.

Enfin, les crédits de fonctionnement sont pratiquement reconduits ; je pense que les membres de la commission des finances y seront sensibles.

La politique culturelle de la France, telle qu'elle est exprimée dans ce projet de budget, dégage dix grands axes, parmi lesquels trois sont prioritaires.

En 2005, je vous annonce des efforts particuliers en faveur du spectacle vivant, du patrimoine et de la relance de la commande publique.

Le spectacle vivant est la première priorité de ce budget. Rappelons d'abord les chiffres : avec 753 millions d'euros, ce poste budgétaire est le premier du ministère et, de surcroît, il est très dynamique puisqu'il a crû de près de 10 % depuis le début de la législature. Ce mouvement est appelé à se poursuivre dans les années qui viennent. Dès 2005, 23,1 millions d'euros de mesures nouvelles seront affectés au spectacle vivant. Les moyens d'intervention consacrés à ce secteur auront ainsi progressé de 66 millions d'euros depuis 2002.

Ce socle considérable de crédits permettra notamment la mise en œuvre, en 2005, du plan pour le spectacle vivant, qui traduit les engagements que j'ai pris au printemps, en vue de conforter la création et la diffusion des œuvres, d'élargir les publics et de pérenniser les emplois. Les Entretiens du spectacle vivant, qui se sont déroulés le 18 octobre dernier à l'Académie du cirque Fratellini, à Saint-Denis, en présence de parlementaires - je les en remercie de nouveau -, ont démontré la nécessité de ce plan. Le 7 décembre, dans cette assemblée, nous aurons l'occasion de débattre de ce secteur, qui a connu une crise et qui espère beaucoup.

Ces mesures nouvelles permettront notamment : de conforter les dotations de plusieurs établissements de production du spectacle vivant, à hauteur de 4 millions d'euros, pour leur permettre de faire face à leurs charges tout en préservant leur capacité de production ; de rétablir la subvention au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz - qui avait été supprimée en 2004 -, à hauteur de 1 million d'euros ; de conforter l'emploi permanent d'artistes, d'administrateurs et de techniciens dans les établissements publics et dans les compagnies, des expériences concrètes étant rapidement mises en œuvre, avant la fin de la saison 2004-2005 ; de lancer une initiative forte en faveur des arts de la rue, 2 millions d'euros étant notamment consacrés à renouveler et renforcer la création, à accroître sa diffusion nationale et internationale, ainsi qu'à favoriser la rencontre dans l'espace urbain de toutes les disciplines artistiques.

Avec ce budget, nous renforcerons aussi notre action dans des domaines où nous agissons déjà. Laissez-moi vous en donner quelques exemples.

L'État investit massivement, à hauteur de 32,36 millions d'euros, pour construire, aménager et remettre aux normes des lieux de production, de diffusion et d'enseignement sur l'ensemble du territoire.

L'État financera aussi, aux côtés des collectivités territoriales, plusieurs opérations d'intérêt national, et je vais vous en citer quelques-unes : dans le domaine de la formation, la réhabilitation et l'extension du Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne et la construction d'un auditorium à l'École nationale de musique de Bourges ; dans le domaine de la production et de la diffusion des formes artistiques, l'aménagement de la salle de musiques actuelles de Caen. Il vous intéressera peut-être de le savoir, en 2005, près de 5,5 millions d'euros seront consacrés aux musiques actuelles.

Dans cette même perspective d'investissement sur l'ensemble du territoire, le budget 2005 permettra de financer trois Zéniths supplémentaires, à Strasbourg, à Nantes et à Dijon. Ces trois salles de grande capacité dédiées aux musiques actuelles, représentent chacune, pour l'État, un investissement de 3 millions d'euros, étalé sur plusieurs années. Cette politique s'inscrit dans un dessein plus vaste de rééquilibrage des équipements de spectacle et tout particulièrement des lieux spécialisés sur l'ensemble du territoire national.

J'ai également souhaité, dès ma prise de fonctions, faire du patrimoine une priorité de mon action.

Vous vous rappelez certainement que le Gouvernement, conscient de la nécessité d'œuvrer pour la sauvegarde de ce secteur, dont les besoins sont immenses, avait annoncé, il y a un an, un plan pour le patrimoine monumental. Un rapport du ministère de la culture et de la communication a confirmé le constat selon lequel la situation de nos monuments est parfois très préoccupante.

Au titre des monuments historiques, 218 millions d'euros sont inscrits au budget en crédits de paiement, soit une augmentation de 25 millions d'euros, c'est-à-dire de 13 %, par rapport à 2004. Cet effort succède aux mesures de redéploiement de crédits prises dès cet été afin de permettre la poursuite des chantiers en cours.

Je crois en effet l'avoir montré lors des Journées du patrimoine, certains édifices sont dans un état de restauration avancé, à l'instar du Donjon de Vincennes ; d'autres le sont moins, comme la cathédrale de Strasbourg, où je me rendrai en fin de semaine ; d'autres encore sont dans un état qu'on peut qualifier sans exagérer de proche du péril.

À mesure que nous identifierons plus précisément ces besoins, nous pourrons consolider notre action et mobiliser tous nos moyens pour y faire face. À cet effet, j'ai demandé à mes services d'effectuer sans attendre un inventaire, région par région, des chantiers en cours et des besoins restant à satisfaire. Parallèlement à ce travail d'inventaire, j'ai souhaité que les moyens d'action du ministère soient mieux coordonnés, tant au niveau central qu'entre ce dernier et le niveau régional.

Tout cela, j'en suis conscient, n'est que la première étape d'un rattrapage qui ne pourra s'élever à la hauteur des besoins que s'il se poursuit, comme je le souhaite, sur plusieurs années.

J'en viens à la troisième priorité de ce budget : les acquisitions et la commande publique.

Parce qu'elle se situe au cœur de l'alliance entre création et patrimoine, qui constitue le terrain d'action du ministère, et même à l'articulation entre création et patrimoine, je souhaite redonner un nouvel élan à la commande publique, mais aussi dégager des moyens pour les acquisitions. C'est un axe important de ma politique. Longtemps, ces crédits ont été sacrifiés et ont servi, en cours de gestion, de variable d'ajustement ; en 2005, ils seront sanctuarisés.

J'ai tenu à ce que 650 000 euros soient rajoutés sur cette ligne budgétaire : 500 000 seront consacrés à l'enrichissement de nos musées et 150 000 au plan d'action pour le patrimoine écrit.

Permettez-moi, en défendant le budget que l'État consacre à la culture - un budget en augmentation -, de remercier, de la tribune de l'Assemblée nationale, tous les mécènes privés, entreprises et particuliers, qui soutiennent activement la politique culturelle. Je pense notamment aux acheteurs d'œuvres d'art, qu'elles soient contemporaines ou patrimoniales : grâce à ces interventions conjuguées, elles resteront sur le territoire national.

M. Michel Herbillon. C'est très important !

M. le ministre de la culture et de la communication. Mais la relance de la commande publique doit s'accompagner de mesures permettant l'exposition de chefs-d'œuvre qu'on ne voit plus. J'ai ainsi décidé de restaurer rapidement la galerie Formigé, à la Manufacture nationale des Gobelins, afin que le Mobilier national puisse exposer ses acquisitions et ses œuvres. Trop rares en effet sont ceux qui connaissent ces travaux exceptionnels ou ceux de la manufacture de Sèvres. Il est important de rendre aux Français la jouissance de ce savoir-faire que nous n'avions jamais perdu. La galerie Formigé sera en outre la vitrine idéale pour présenter le savoir-faire de nos métiers d'art, qui méritent de revenir sur le devant de la scène.

J'ajoute que les dispositions de ce budget permettent l'ouverture, tant attendue par le public, qui pourra en mesurer le caractère spectaculaire, du remarquable circuit muséographique de l'Union centrale des arts décoratifs au début de l'année 2006.

Au-delà de ces priorités que j'ai souhaité mettre en lumière cette année, ce budget reflète l'attention constante qu'il convient de porter à sept autres missions essentielles de ce ministère.

Ainsi, la lecture et les bibliothèques sont au cœur de la politique culturelle, parce qu'elles ouvrent sans cesse des voies d'accès à la culture. Il est important qu'elles puissent vivre au-delà des contingences budgétaires. Ainsi cette année, l'effort du ministère en faveur des acteurs les plus fragiles du secteur sera amplifié : en particulier, l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2003 sur le droit de prêt en bibliothèque, s'accompagne d'une mesure nouvelle de 2,6 millions d'euros ; 10,7 millions d'euros au total seront consacrés par le ministère, en 2005, au droit de prêt. Parallèlement, les aides aux librairies, maillons essentiels de la chaîne du livre, que nous devons protéger, atteindront 3,5 millions d'euros, tandis que l'augmentation de la dotation générale de décentralisation, ainsi que la poursuite du programme de mise en place des « Ruches », permettront d'irriguer l'ensemble du territoire national.

M. Michel Françaix. Il y a du travail !

M. le ministre de la culture et de la communication. En effet !

Comme le rappelait le rapporteur de la commission des affaires culturelles, cela suppose une bonne synergie entre l'État et les régions, pour éviter que des mesures contradictoires ne soient prises.

De même, le budget des Archives nationales, qui augmente de près de 6 % en 2005, sera marqué en particulier par l'ouverture de 18 millions d'euros de crédits, destinés à lancer deux importants nouveaux projets, et d'engager un programme cohérent et complet de rénovation des archives : la construction du nouveau Centre des archives nationales de Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis, et la construction d'un bâtiment provisoire sur le site de Fontainebleau, qui permet de sauvegarder la capacité de fonctionnement du Centre des archives contemporaines.

Quand on parle d'archives, on parle de mémoire et du respect dû à chacun. Permettez-moi à cet égard d'évoquer devant vous, avec gravité et fierté, la présentation, à l'occasion des Journées du patrimoine, de l'Édit de Nantes, symbole, s'il en est, de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. Au-delà des éléments chiffrés d'un budget, nous devons penser aux valeurs que nous servons et auxquelles la France est particulièrement attachée. Vous permettrez donc au ministre de la culture que je suis de dédier ce moment de réflexion à nos otages.

La mémoire est constituée des identités, des histoires multiples qui ont fait la France. Cette année, le Gouvernement s'est engagé solennellement à installer au Palais de la Porte Dorée la future cité nationale de l'immigration, qui a vocation à devenir un lieu de mémoire vivante à vocation culturelle, emblématique du rôle de la culture créatrice de liens de cohésion sociale. Dès 2005, 2 millions d'euros d'investissement seront consacrés à cette nouvelle institution.

Un grand chantier qui me tient beaucoup à cœur, parce qu'il s'inscrit dans le dialogue des cultures et des civilisations, particulièrement nécessaire à notre temps, va s'approcher en 2005 de sa conclusion et donc de son ouverture au public. C'est le magnifique musée du quai Branly, destiné à présenter les collections d'arts premiers au public au début de 2006. Dès 2005, ce budget permet la livraison du bâtiment, les aménagements intérieurs, l'organisation de l'exploitation technique et la finalisation de la programmation culturelle. Cet exemple montre que la politique pour les musées de France est fondamentale à mes yeux.

Je viens d'évoquer des réalisations architecturales exemplaires, qui symbolisent la rencontre féconde entre les époques. La protection de nos racines doit pouvoir cohabiter avec les formes les plus contemporaines de la création. J'y attache d'autant plus d'importance que je suis aussi, vous le savez, le ministre de l'architecture et que j'ai tenu à renforcer les moyens consacrés à ce secteur. J'ai tenu à dégager des moyens spécifiques pour la formation des jeunes architectes, pour accompagner notamment la réforme de l'enseignement dite du LMD - licence, mastère, doctorat - qui entrera en vigueur dès la rentrée 2004. Je me félicite de la mise en œuvre de cette réforme ambitieuse et très attendue, qui place nos écoles et notre recherche à l'égal de leurs homologues européennes. Par ailleurs, un certain nombre d'écoles d'architecture seront rénovées.

La transmission des savoirs est la mission essentielle de l'enseignement, et particulièrement de l'enseignement supérieur, délivré par les nombreuses écoles sous tutelle de mon ministère. Je tenais à rappeler que cet objectif trouve, lui aussi, sa traduction dans ce budget.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont un investissement essentiel, pour l'avenir de notre capacité de création et pour la formation des jeunes. Elles passent par l'éducation artistique et culturelle : 39 millions d'euros lui seront consacrés en 2005. Ces moyens considérables manifestent clairement ma volonté, non seulement de préserver des acquis dans ce domaine, mais aussi de redéfinir, en étroit partenariat avec mon collègue de l'éducation nationale, un programme d'actions en faveur des jeunes.

C'est pourquoi, j'ai souhaité, en accord avec François Fillon, organiser une réunion, au début du mois prochain, des recteurs d'académie et des directeurs régionaux des affaires culturelles, sous la présidence des deux ministres, pour réaffirmer que l'éducation artistique et culturelle est une priorité.

MM. Pierre-Christophe Baguet et Christian Vanneste. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. A mon arrivée rue de Valois, j'ai trouvé un ministère en mouvement. Mon prédécesseur avait engagé des réformes : j'ai choisi de les accélérer. En effet, la dynamique d'une politique ne réussit dans la durée que si l'on parvient, là où c'est nécessaire, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, à réformer. L'État se doit d'être exemplaire, dans ses attributions culturelles comme dans les autres. Plusieurs domaines témoignent de ma détermination à accompagner l'évolution de ce ministère : la gestion des effectifs, les créations d'établissements publics, la politique immobilière, l'organisation des services déconcentrés, et la mise en œuvre de la réforme budgétaire.

L'évolution des effectifs traduit des objectifs communs à l'ensemble des ministères : ainsi, cette année, la règle fixée par le Gouvernement du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, se traduit par le non-remplacement de quatre-vingt dix emplois, ce qui est un peu moins que l'année dernière et nécessite évidemment des adaptations, notamment pour préserver l'action culturelle territoriale et maintenir le rééquilibrage des effectifs en faveur de cette dernière. J'ajoute que j'ai tenu, dans le cadre de cette réforme, à ce que le régime indemnitaire des agents du ministère soit amélioré, plus de 2 millions d'euros y seront consacrés, afin de le rapprocher progressivement - ce qui n'est que justice - de celui de l'ensemble des autres ministères. En effet, ce ministère est l'un des plus mal dotés et son attractivité ne repose que sur ses missions. C'est un souci lorsque l'on veut, par exemple, attirer des gestionnaires de qualité avec des expériences variées.

Par ailleurs, la mise en place d'outils de gestion des ressources humaines avance et la fusion de certains corps est envisagée. Mais avec 1 500 personnes en administration centrale pour 26 000 agents, fonctionnaires ou contractuels, dont 13 000 dans les établissements publics, ce ministère n'est pas surdimensionné, ni en effectifs ni en nombre de corps. Cela ne m'interdit pas cependant de chercher, là où c'est possible, plus d'efficacité et de flexibilité.

Afin d'accompagner la création des nouveaux établissements publics du ministère, quatre-vingts emplois y seront créés. Il faut par exemple accompagner la montée en puissance du musée du quai Branly, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale. Par ailleurs, en 2005, les nouvelles créations d'établissements publics comprennent l'Opéra-Comique, mais aussi le domaine de Chambord. Dans ce dernier cas, la réforme permet de regrouper en un seul ensemble cohérent des actions précédemment gérées par trois ministères : l'agriculture, l'écologie, et la culture.

D'une manière plus générale, en ce qui concerne la création d'établissements publics nouveaux, la méthode de décision, pour moi, est simple. Je n'ai qu'une seule grille de lecture : la définition des missions et des objectifs doit précéder le choix de la structure appropriée. Je ne suis animé par aucun déterminisme, aucune idéologie dans ce domaine !

La réforme s'étend aussi aux services déconcentrés du ministère, avec la création auprès de chaque préfet de région d'un « pôle culture », animé par le directeur régional des affaires culturelles. Dans la dynamique de ce pôle, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine trouveront toute leur place. Le rapprochement de ces deux structures permettra de renforcer la cohérence de l'action de l'État dans ces domaines. Les discussions avec les intéressés viennent de commencer et doivent aboutir au premier trimestre 2005. Ce rapprochement démontre que le ministère de la culture et de la communication est pleinement engagé dans l'effort collectif qui constitue la stratégie ministérielle de réforme pilotée par le Premier ministre. En outre, j'attends du pôle culture en région une meilleure synergie, comme vous l'avez souhaité, entre les différents établissements dépendant de mon ministère, sans confusion des genres, avec la représentation des intérêts de l'État. Une mission d'ingénierie et de médiation est particulièrement nécessaire compte tenu de la politique conflictuelle actuelle entre l'État et les collectivités territoriales.

La politique immobilière est un nouvel axe de réforme. Au début 2005, à Paris, le ministère passera de dix-sept implantations à neuf avec un regroupement de ses activités sur l'immeuble dit des Bons-Enfants - on ne pouvait trouver meilleure appellation...même si je ne suis pas sûr que les artistes s'y reconnaîtront ! (Sourires.)

Ce sont autant d'économies de location. Les établissements publics seront également invités à réfléchir à leurs implantations, notamment la RMN, le Louvre et bien évidemment le Centre des monuments nationaux qui sera concerné par le transfert de certains monuments aux collectivités locales, qui le souhaitent, de certains bâtiments.

Le budget 2005 marque enfin une étape décisive dans la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Si vous entamez, mesdames, messieurs les députés l'examen de la deuxième partie du budget par les crédits de la culture, c'est peut-être parce que nous avons été exemplaires en ce domaine. L'on peut, certes, faire de la repentance de temps à autre, mais lorsque les résultats sont là, il ne faut pas hésiter à le dire et je remercie à cet égard l'ensemble des fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. le ministre de la culture et de la communication. Étape essentielle puisque, dans ce budget de transition, l'expérimentation de la gestion des crédits en LOLF sera étendue à huit directions régionales des affaires culturelles - Aquitaine, Basse-Normandie, Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Picardie, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes - contre une, Rhône-Alpes, en 2004. Il s'ensuit une certaine complexité dans les documents budgétaires, inévitable compte tenu des transferts qu'il a fallu opérer, mais au total, la mise en œuvre de cette réforme au ministère de la culture a été exemplaire. Trois directions expérimentant la seule gestion des dépenses ordinaires, cinq y ajoutent les investissements. L'architecture traduit très concrètement la réalité et la cohérence de l'action du ministère puisque, au sein de la mission « culture », les deux premiers programmes - « patrimoines » et « création » - regroupent les différentes actions qui concourent à ces deux piliers indissociables de ma politique culturelle, tandis qu'au sein du troisième, « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », on retrouve les actions qui se situent à la jonction de ces deux piliers. Sur ce point, les avant-projets des programmes annuels de performance montrent que je n'ai pas voulu me contenter d'indicateurs existants, bien au contraire.

Ces indicateurs de performance nécessitent plus largement la mise en place d'un véritable contrôle de gestion, d'un système statistique plus complet et d'outils de pilotage des investissements moins embryonnaires. J'ai bon espoir que, pour 2006, tous ces instruments d'efficacité seront en place et apprivoisés par tous.

Mesdames et messieurs les députés, partout où la réforme est nécessaire, j'engage le dialogue. En effet, trop longtemps le dialogue social dans ce ministère n'était pas suffisant, entraînant ici ou là des frustrations.

M. Michel Françaix. C'est bien vrai !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je crois l'avoir démontré avec les artistes et les techniciens, et sur tous les festivals : la discussion et l'écoute permettent d'avancer sereinement, à condition que chacun soit ouvert au dialogue. Cette méthode, je la poursuivrai et je remercie toutes celles et tous ceux qui ont accepté la main que je leur ai tendue.

Un budget équilibré accompagné de réformes dans les fonctionnements et les mentalités me permet de venir non pas défendre devant vous des crédits, mais vous proposer des avancées pour notre pays et son rayonnement.

Ce budget est l'expression d'une stratégie. Oui, ce que je vous propose, c'est bien une vision stratégique, qui se décline dans vos territoires, comme à l'échelon international. Car la culture a partie liée avec la vie de nos concitoyens et avec la grandeur de la France. Au sein de nos frontières, comme en dehors, elle est, selon l'expression de Philippe Jaccottet, « un lien radieux », entre les hommes, entre leurs rêves et leurs projets. Ce lien, nous avons tous, artistes, techniciens, élus, responsables politiques, citoyens, la volonté et le devoir de le tisser ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, premier orateur inscrit.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, qu'il est difficile de débattre aujourd'hui du budget de la culture pour 2005 sans se référer à la crise qui frappe depuis plus d'un an et demi l'emploi culturel dans notre pays et qui, plus profondément, a révélé l'impérieuse nécessité de refonder nos politiques culturelles !

Certes, le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents du spectacle relève de la compétence des partenaires sociaux et n'a pas d'incidence budgétaire directe. Certes, un débat sur les enjeux culturels se déroulera ici même au début du mois de décembre. Mais les mois passent : les artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, victimes du mauvais accord du mois de juin 2003, ne sont plus indemnisés ; ils perdent légitimement patience et nous font partager leur angoisse tant les lendemains tardent à chanter.

Dans l'attente fiévreuse d'un système pérenne, et donc nécessairement différent, vous usez, monsieur le ministre, d'un talent certain pour occuper le terrain médiatique et par là même le temps. Las, la communication, pourtant sous votre tutelle ministérielle, connaît périodiquement des couacs. Au début du mois de septembre, ce sont les premières préconisations pour le moins hasardeuses de M. Charpillon, entre numerus clausus et réduction du champ d'application des annexes 8 et 10 aux métiers « ayant une proximité avec l'acte créateur ». Il y a quinze jours, lors des guère convaincants Entretiens du spectacle vivant, c'est encore l'idée d'une sélection à l'entrée qui refait surface avec la promotion d'une politique nationale de diplôme, à défaut de l'instauration d'une carte professionnelle...

M. le ministre de la culture et de la communication. Cette proposition ne venait pas du ministre, mais de la salle !

M. Patrick Bloche. ...et le contrat à durée déterminée de longue durée qui est évoqué de façon d'autant plus curieuse qu'existe déjà le CDD d'usage, et là, la proposition n'est pas venue de la salle.

Toutes ces bouteilles jetées régulièrement à la mer traduisent de fait la poursuite d'un objectif assez clair : la réduction, coûte que coûte, du nombre d'intermittents. Moins d'intermittents, c'est moins de déficits, nous répètent les gestionnaires de l'UNEDIC arc-boutés sur leur logique purement comptable.

Au fait, monsieur le ministre, quel est aujourd'hui le montant réel du déficit du régime spécifique ? Combien d'intermittents sont-ils véritablement indemnisés ? On peut se le demander tant les chiffres avancés par l'UNEDIC diffèrent de ceux fournis par l'organisme gestionnaire des congés spectacles. Pourquoi le fonds d'urgence que vous avez vous-même mis en place au printemps remplit-il si marginalement sa fonction ? Qu'il s'agisse de la mission que vous avez confiée à M. Guillot ou surtout des trois expertises indépendantes menées en région, l'opacité sur les statistiques de l'assurance chômage du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel perdure de manière inadmissible. Aussi m'apparaît-il indispensable, mes chers collègues, que la représentation nationale s'en mêle très directement car ce manque persistant de transparence devient un vrai déni de démocratie.

Pour en venir à votre budget, monsieur le ministre, si l'on dépasse l'affichage d'une augmentation globale de vos crédits, force est de constater que pour la deuxième année consécutive, il ne s'agit que de rattrapages. La meilleure preuve en est que le montant des crédits de paiement annoncé pour 2005 sera exactement le même que celui de 2002. Dois-je rappeler le calamiteux hold-up, dénoncé avec force par le groupe socialiste, que le gouvernement de M. Raffarin avait opéré sur les crédits de paiement de culture en 2003 ?

Le diagnostic sur les capacités d'initiatives nouvelles dont bénéficiera le ministre de la culture l'année prochaine n'est guère plus flatteur puisque les autorisations de programme diminueront, en valeur absolue, de 15 millions d'euros, soit une baisse de 3 %.

La seule hausse véritable concerne les dépenses ordinaires, mais elle est bien plus faible qu'en 2004 : 2,6 % contre 4 %, chiffres à rapprocher de l'augmentation prévisionnelle des prix de 1,8 % retenue par le Gouvernement pour 2005.

Comme on peut le constater, il n'y a pas eu d'arbitrages miraculeux, malgré la crise de l'emploi culturel déjà évoquée. Les crédits de la culture plafonneront en 2005 à 0,96 % du budget de l'État.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. L'important, ce n'est pas cela, c'est ce qu'on fait !

M. Patrick Bloche. Si on examine à présent les priorités déclarées - spectacle vivant, patrimoine, éducation artistique -, le moins que l'on puisse dire, c'est que le compte n'y est pas. De façon paradoxale, ce sont même les secteurs d'intervention à propos desquels les critiques de notre groupe sont les plus vives.

Ayant évoqué en préalable la crise de l'intermittence, je me contenterai, dans l'actuelle situation d'attente, de m'étonner que les crédits affectés au spectacle vivant n'augmentent que de 1,6 %, soit moins que l'inflation. Douze millions d'euros supplémentaires sur un total de 753 millions, c'est bien peu pour une direction qui couvre des besoins énormes, en fonctionnement et en investissement, et surtout pour « consolider l'emploi, élargir les publics et replacer l'artiste au cœur de la cité ». Me voici désolé de constater à la lecture de ces chiffres que l'« effort sans précédent en faveur du spectacle » fait pschitt !

Quant au patrimoine, je dirai sans forcer le trait qu'il est dans une situation catastrophique.

M. Michel Herbillon. À qui la faute ?

M. Patrick Bloche. Les 10 millions d'euros d'autorisations de programme ne sont que le produit d'un redéploiement interne au sein de la direction de l'architecture et du patrimoine. Quant aux 25 millions d'euros supplémentaires de crédits de paiement, ils sont totalement insuffisants pour compenser la disparition des crédits reportés à hauteur de 80 millions d'euros et le trou de 40 millions d'euros en crédits de paiement de 2004.

En 2005, le ministère connaîtra un déficit de paiement qui atteindra le montant colossal de 100 millions d'euros. Les conséquences en sont dramatiques pour les entreprises de restauration des monuments historiques qui pronostiquent une nouvelle baisse de leur activité de l'ordre de 63 % l'année prochaine. Elles ont manifesté leur inquiétude place du Palais-Bourbon mercredi dernier. J'ai rencontré leurs représentants, vous-même aussi, monsieur le ministre, qui m'ont confirmé l'arrêt de nombreux chantiers avec, à la clef, le licenciement économique de tailleurs de pierre, de couvreurs, de sculpteurs, de maîtres verriers, au savoir-faire ancestral et donc inestimable.

En ce domaine tout particulièrement, comment ne pas critiquer la poursuite du désengagement de l'État que la loi relative aux responsabilités locales a amplifié et que la loi sur le mécénat ne saurait compenser ?

Le groupe socialiste a tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises pour attirer l'attention sur un autre secteur sinistré : l'archéologie préventive. Avec des recettes en 2003 quatre fois inférieures à celles escomptées - 20 millions d'euros au lieu de 80 millions - et un budget sous-évalué pour 2004, du fait de ces rentrées insuffisantes, l'INRAP, que vous avez financièrement déstabilisé, ne peut plus fonctionner ni remplir ses missions correctement. Et c'est le ministère de la culture qui a financé cette année son déficit d'exploitation en opérant un prélèvement sur les dotations réservées à l'entretien des monuments historiques. Il en ira de même hélas ! en 2005. Les services régionaux de l'archéologie s'en trouvent fragilisés, des préfets annulent des arrêtés de fouilles, nombre de chantiers en cours sont stoppés.

Que dire encore d'un secteur aussi central pour la démocratisation culturelle que l'éducation artistique qui connaît un véritable dépérissement depuis deux ans ? Votre dossier de conférence de presse budgétaire a beau évoquer, monsieur le ministre, un « investissement essentiel pour l'avenir de notre capacité de création », la réalité du terrain s'impose : les crédits sont en chute libre depuis 2003 et maintes classes APAC sont moribondes. Pour l'année prochaine, un seul chiffre est avancé de manière elliptique : 39 millions d'euros, sans plus de détails. En 2003, on en était déjà à 38 millions et en 2004, les crédits ont subi des annulations ou servi de variables d'ajustement à des DRAC désargentées. En 2005, aucune mesure nouvelle n'est prévue au titre IV. Ajoutons qu'en ce domaine partagé avec le ministère de l'éducation nationale, le projet Fillon d'un retour aux fondamentaux dans les contenus de l'enseignement ne présage rien de bon pour l'éducation artistique.

Pour toutes ces raisons, le président du groupe socialiste de notre assemblée vient de demander au président de la commission des affaires culturelles la création d'une mission d'information sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l'éducation et de la formation artistiques.

Le temps me manque pour évoquer le sort budgétaire réservé à d'autres domaines d'intervention, qui ne sont pas présentés comme prioritaires.

J'aurais pu souligner combien les arts plastiques, faute de mesures nouvelles, sont négligés. 2005 sera une année de stagnation pour les écoles d'art, les FRAC,...

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est sûr pour certaines régions !

M. Patrick Bloche. ...les centres d'art, les aides directes aux artistes.

Il en va de même pour les acquisitions et la commande publique. Si 500 000 euros sont dégagés pour l'enrichissement des collections publiques des musées, rien n'est fait en faveur de l'art contemporain.

Le livre et la lecture ne sont pas mieux lotis. Hormis une mesure nouvelle de 2,6 millions d'euros qu'impose la mise en œuvre de la loi sur le droit de prêt en bibliothèque, nombre de crédits stagnent, qu'il s'agisse du soutien aux librairies, à un moment où la distribution du livre, déjà victime de la concentration du secteur de l'édition, connaît une grave crise, de l'allégement des frais de transports dans les DOM ou du soutien à l'exportation du livre français.

Que dire enfin de votre politique des musées et de la rationalisation budgétaire appliquée à la Réunion des musées nationaux qui conduit, inévitablement, à son déficit structurel et surtout à une véritable interrogation sur le champ futur de ses missions et le devenir de ses personnels ? Une nécessaire clarification s'impose à brève échéance.

Sans remettre en cause l'effort budgétaire réel dont bénéficient les grandes institutions culturelles, et tout en reconnaissant la pertinence...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bloche !

M. le ministre de la culture et de la communication. Mais, monsieur le président, laissez le parler, il en vient aux compliments ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche. ...de l'extension à l'audiovisuel du crédit d'impôt déjà accordé à la production cinématographique afin notamment de relocaliser en France les dépenses de tournage et de post-production, comment partager, monsieur le ministre, votre autosatisfaction ?

La vérité des chiffres s'impose, mes chers collègues, et conduit le groupe socialiste à lancer un cri d'alerte. Pour la première fois depuis la création du ministère de la culture, des secteurs entiers de son action sont menacés. Et c'est pour nous une inquiétude majeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je demande à chaque orateur de respecter son temps de parole.

La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, toutes celles et tous ceux qui sont attachés ici au rôle et à la mission de l'État en matière culturelle peuvent être satisfaits du budget du ministère de la culture pour l'année prochaine, à moins d'avoir une mémoire sélective, notamment pour la période 1997-2002, ou de se refuser à un minimum d'objectivité.

Il s'agit en effet d'un bon budget, un budget qui illustre l'importance que le Gouvernement accorde à la politique culturelle, conformément aux souhaits et aux engagements du Président de la République.

M. Didier Mathus. Est-ce une garantie pour les résultats ?

M. Michel Herbillon. Nul ne peut nier la priorité accordée à la culture, au regard de la hausse des crédits de 6,5 % dont elle bénéficie en 2005, à périmètre constant. C'est un effort particulièrement significatif dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, comme l'ont excellemment souligné les rapporteurs.

Je tiens également à saluer la sanctuarisation des crédits de la culture, en 2004 comme en 2003. Ils n'ont connu ni gels ni annulations, ce qui tranche singulièrement avec les usages en cours entre 1997 et 2002 où près de 200 millions de crédits avaient été annulés.

Au-delà de l'effort financier réalisé, le budget 2005 est aussi un bon budget car il traduit une continuité et un approfondissement de la politique de réforme engagée depuis 2002 pour redonner à l'action culturelle de l'État davantage de souffle, de dynamisme et de rayonnement.

La politique menée depuis deux ans s'articule en effet autour de plusieurs objectifs qui se retrouvent clairement au fil de ce budget.

Tout d'abord, on constate une volonté d'instaurer de meilleures pratiques de gestion. Le budget de la culture a retrouvé une sincérité qui s'était, chacun s'en souvient, sérieusement altérée lors de la précédente législature, pendant laquelle, pour des raisons d'affichage politique, d'importants crédits d'investissement étaient inscrits en début d'exercice pour finalement ne pas être consommés. Le Parlement ne peut donc qu'être satisfait de la forte réduction de l'écart entre crédits ouverts et crédits consommés.

Ensuite, on ne peut que saluer la maîtrise des dépenses de personnel et de fonctionnement, dont la part dans le budget diminue progressivement depuis 2002. Cette maîtrise est réelle mais raisonnée car, si la rue de Valois contribue à la politique de maîtrise des dépenses publiques en supprimant notamment quatre-vingt-dix emplois en 2005, je sais, monsieur le ministre, que vous veillez à ce que cet effort n'affecte en rien les missions culturelles de l'État, ni en région, ni dans les nouveaux établissements publics qui bénéficieront pour leur part de création d'emplois, en particulier le musée des arts premiers, quai Branly.

Ces efforts de gestion devront être poursuivis, notamment dans le cadre de l'application, en 2006, de la loi organique relative aux lois de finances, qui doit contribuer à passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Nous savons combien votre ministère se prépare activement à cette évolution puisque huit directions régionales des affaires culturelles expérimenteront, dès 2005, la nouvelle architecture budgétaire.

Cette recherche constante d'une meilleure efficacité de la dépense publique ne peut que contribuer à restaurer les marges de manœuvre budgétaires du ministère de la culture au bénéfice des priorités d'action mises en œuvre depuis trois ans.

Le spectacle vivant demeure le premier poste budgétaire, avec 23 millions d'euros de mesures nouvelles en 2005, soit une hausse de 10 % de ses moyens depuis 2002. Ces données soulignent, s'il en était besoin, l'attention portée à ce secteur.

Une telle évolution doit naturellement être replacée dans le cadre de la démarche d'écoute et de dialogue que vous avez courageusement engagée avec les artistes et techniciens du spectacle vivant pour trouver une solution juste et équitable à la crise de leur régime d'assurance chômage et préparer la mise en œuvre, en 2005, du plan pour le spectacle vivant.

À ce titre, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez aujourd'hui dresser un premier bilan de ce dialogue et des entretiens du spectacle vivant qui se sont tenus il y a deux semaines dans la perspective du débat parlementaire qui aura lieu en décembre sur ce sujet.

La hausse des crédits du spectacle vivant profitera aux arts de la rue et encouragera leur développement et leur diffusion, tant sur le plan national qu'international.

Les lieux de production, de diffusion et d'enseignement ne seront pas en reste en termes de fonctionnement - nombre d'entre eux verront leurs dotations confortées - mais aussi de création ou de réaménagement. En 2005, les projets ne manqueront pas, vous l'avez rappelé, avec en particulier l'extension et la réhabilitation du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, la construction d'un auditorium à l'École nationale musicale de Bourges ou encore le lancement de trois Zénith supplémentaires à Strasbourg, Nantes et Dijon.

Ces choix reflètent une véritable volonté d'aménagement et de développement culturels sur tout le territoire, qui se traduit de façon explicite dans la répartition globale des investissements. Il y aura, en effet, en 2005 quasi-parité entre les investissements réalisés en Île-de-France et ceux réalisés en province, alors qu'en 1997 trois quarts des investissements se concentraient en Île-de-France. On mesure mieux le chemin parcouru pour rééquilibrer l'action culturelle sur l'ensemble du territoire, et c'est un parlementaire d'Île-de-France qui vous le dit.

Le patrimoine est une autre priorité forte de ce budget. Trop longtemps, la sauvegarde du patrimoine monumental a été négligée. Le bilan sanitaire de nos monuments classés, réalisé en 2002, a montré combien la situation est inquiétante. Je me félicite donc du lancement du plan pour le patrimoine monumental et de l'effort budgétaire engagé depuis deux ans qui se matérialisera en 2005 par une hausse de 25 % des crédits de paiement. Mais le retard accumulé par le gouvernement socialiste pendant cinq ans, le nécessaire rattrapage à effectuer et les besoins à couvrir sont tels qu'il convient que l'État prolonge cet effort dans la durée. Nous attendons de votre part, monsieur le ministre, un engagement sur le long terme dans le domaine du patrimoine, tant l'action dans ce secteur requiert permanence et persistance dans les moyens alloués. Nous ne doutons pas de votre volonté en la matière.

Dans le même temps, je me réjouis que le budget 2005 traduise une volonté de dépasser une vision purement monumentale du patrimoine pour mener une politique de conservation plus large englobant toutes les formes de patrimoine culturel - écrit, oral, numérique, etc. Je pense au patrimoine cinématographique avec l'installation du pôle cinémathèque et bibliothèque du film à Bercy, au projet de réaménagement de la galerie Formigé au sein de la manufacture des Gobelins où seront exposées les collections historiques, à la création contemporaine en matière de tapisserie et de mobilier, aux savoir-faire exceptionnels de nos métiers d'art ou encore aux crédits attribués au plan d'action en faveur du patrimoine écrit.

Dans le même esprit, je tiens à souligner la priorité que vous avez accordée à la politique d'acquisitions et de commande publique. L'an prochain, les crédits seront sanctuarisés et accrus pour permettre en particulier d'enrichir les collections publiques des musées et contribuer à répondre à l'interpellation vigoureuse de l'ancien président-directeur du musée du Louvre, Pierre Rosenberg, qui a déclaré quand il a quitté ses fonctions : « France, ton patrimoine fout le camp ! »

Je me réjouis également de l'effort consenti en faveur de la politique du livre, en particulier pour la mise en œuvre de la loi de juin 2003 sur le droit de prêt, mais également en direction des librairies, secteur fragilisé, avec comme objectif prioritaire de faciliter leur reprise et leur transmission. On ne dira jamais assez que le livre, la lecture, sont souvent le premier accès, notamment pour les plus jeunes, à la culture et que c'est donc un formidable moyen de lutter contre l'exclusion et la fracture culturelle dans notre société.

Avant de terminer mon propos, permettez-moi d'insister, monsieur le ministre, sur trois secteurs importants de la politique culturelle sur lesquels je souhaiterais obtenir de votre part des compléments d'information.

Je m'arrêterai un instant sur la politique fiscale incitative en faveur de la culture. Des mesures importantes ont été adoptées depuis 2002, d'abord dans la loi sur les trésors nationaux votée sous la précédente législature, puis dans la loi sur le mécénat et les fondations présentée par votre prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, sans oublier le crédit d'impôt en faveur du cinéma qui sera étendu en 2005 à la production audiovisuelle, ce qui est une très bonne mesure.

M. Michel Françaix. C'est la seule bonne mesure !

M. Michel Herbillon. Mon cher collègue, avec celle qu'évoquait Patrick Bloche, nous en sommes à deux ! Vous êtes donc sur le bon chemin.

M. Michel Françaix. C'était la même !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Herbillon !

M. Michel Herbillon. Pouvez-vous nous indiquer si vous avez pu d'ores et déjà mesurer l'impact de ces nouveaux dispositifs fiscaux incitatifs ?

Je souhaiterais également connaître l'état d'avancement des discussions au niveau européen sur la baisse de la TVA sur le disque,...

M. Maxime Gremetz. Bonne question !

M. Michel Herbillon. ...dossier difficile mais ô combien important pour l'industrie du disque qui voit ses ventes s'effondrer de près de 20 % sur les neuf premiers mois de l'année.

M. Michel Françaix. Très bonne question ! Voilà un orateur excellent !

M. le président. Alors, laissez-le conclure !

M. Michel Herbillon. Je partage votre appréciation, monsieur Françaix ! (Sourires.)

L'éducation artistique est le second point sur lequel je souhaite insister. C'est un enjeu majeur car elle est le fondement de toute démocratisation de la culture. Souvenez-vous de la définition qu'André Malraux donnait de la culture : « Le plus grand nombre d'œuvres d'art connu par le plus grand nombre d'hommes ».

M. Maxime Gremetz. Et c'est à Amiens qu'il a fait cette belle déclaration !

M. Michel Herbillon. Elle est au cœur de toute politique de sensibilisation à l'art et à la création et de toute conquête de nouveaux publics. Je pense, en particulier, à nos plus jeunes concitoyens.

Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette conviction. Je connais votre ambition dans ce domaine. Mais au regard du retard considérable de notre pays où l'éducation artistique a été trop souvent le parent pauvre, je souhaiterais connaître les initiatives que vous comptez prendre pour remédier à cette situation et les ambitions que vous vous fixez en ce domaine. Il est temps de passer de l'incantation à l'action, du souhait à la décision. La nouvelle loi d'orientation sur l'école qui sera discutée dans cet hémicycle l'an prochain doit être une opportunité pour franchir une étape décisive et concrète en ce qui concerne l'éducation artistique.

Enfin, nous sommes tous convaincus ici que la promotion de la diversité culturelle doit être au cœur de notre politique culturelle, vous l'avez rappelé dans votre intervention. Nous nous réjouissons de l'engagement déterminé du Président de la République et de la signature prochaine d'une convention internationale sous l'égide de l'UNESCO. Mais je crains que nos compatriotes ne soient pas suffisamment informés de l'importance des enjeux de la diversité culturelle et linguistique, alors qu'ils sont d'ordre stratégique au moment où l'Europe retrouve son unité et où la mondialisation et ses effets suscitent tant d'interrogations.

Certains partenaires francophones, je pense notamment à nos amis québécois, ont mené une campagne de sensibilisation et d'information du grand public en publiant un document que je vous ferai parvenir. Cette campagne me paraît particulièrement opportune. Je souhaiterais savoir si vous envisagez de mener une action similaire en rendant ce combat pour la diversité culturelle plus explicite, plus concret pour les Français, tant il s'agit d'un enjeu essentiel, non seulement pour notre pays mais aussi pour l'Europe et le monde.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez exprime une véritable ambition pour la culture. Il traduit concrètement une politique qui veut prendre en considération tous les enjeux et les problématiques de l'action culturelle, que ce soit la promotion de la diversité culturelle, l'équilibre entre création et conservation, le développement culturel du territoire, la valorisation des artistes et des acteurs de la culture, sans oublier la démocratisation. Vous pouvez donc compter sur mon soutien et sur le soutien ardent et enthousiaste du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la culture constitue une diversité de modes d'agir et de pensée, de ressentir et d'imaginer, de s'exprimer et de communiquer, de connaître et de représenter, de travailler, où s'incarnent des valeurs, des conceptions, un rapport aux autres et au monde donné.

Il est grand temps que la France trouve une nouvelle façon de parler d'elle-même et de sa mémoire, de ses cultures et de sa nouvelle identité plurielle.

Aussi, nous devons parier sur la tradition culturelle dont elle est porteuse et la possibilité, pour toutes les cultures, qu'elle recèle en son sein, d'être présentes dans les moyens d'expression et de diffusion. C'est ce que j'ai voulu entendre dans votre discours, monsieur le ministre.

La politique culturelle de l'État doit s'inscrire dans cette démarche car elle est l'illustration de l'exception culturelle française.

Après les désillusions et surtout les inquiétudes nées du mouvement de la mondialisation libérale, la France doit promouvoir avec force ce concept qui doit reprendre toute sa place pour donner un contenu à la diversité culturelle.

Le gouvernement français s'honorerait à prôner l'exception culturelle pour s'opposer aux tendances lourdes de l'uniformisation et de la standardisation liées aux stratégies économiques transnationales. Que deviendra cette conception si, par malheur, la constitution européenne de M. Giscard d'Estaing était adoptée, qui promeut une concurrence sans entrave dans la politique de l'Union et des pays membres ?

L'exception culturelle est une donnée politique forte qui, refusant d'assimiler les œuvres de l'esprit à des marchandises, légitime une pratique propre à faire prévaloir cette singularité.

Mais même si le discours de la pensée dite unique a subtilement substitué, dans le langage officiel, la diversité à l'exception culturelle, cette ruse sémantique ne trompe personne. Pour moi, il s'agit d'assumer un choix politique clair.

La diversité culturelle est une donnée de fait, dont nul ne conteste qu'elle soit élevée à la dignité d'une cause à défendre et d'une valeur à promouvoir. L'exception culturelle constitue un enjeu plus large et complémentaire, et sa défense rejoint une autre forme de prise de conscience grâce à laquelle, face aux excès et aux échecs du « tout-économique », de plus en plus de voix s'élèvent pour redonner à la culture sa juste place dans le développement humain.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. Frédéric Dutoit. Cette ambition doit nous permettre de résister aux exigences actuelles de la mondialisation libérale. Elle doit consister, sur le plan politique, à dégager le domaine éducatif, linguistique - ce n'est pas mon collègue Herbillon qui me contredira - et culturel de la sphère marchande et à le soustraire définitivement aux règles de la concurrence. Ce n'est visiblement pas le chemin que vous avez choisi, monsieur le ministre.

M. Patrick Bloche. C'est certain !

M. Frédéric Dutoit. Votre budget s'élèvera à 2 787,44 millions d'euros en 2005, contre 2 632,70 millions d'euros en 2004, soit une hausse annoncée de 5,9 %. Mais, compte tenu de l'inflation prévisionnelle estimée à 1,8 % pour 2005, l'augmentation en euros constants ne sera que de 4 %. Encore faut-il la rapprocher de la chute vertigineuse du budget de la culture en 2003,...

M. Michel Françaix. Très juste !

M. Frédéric Dutoit. ...ce qui amène à relativiser sérieusement votre triomphalisme.

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n'y a pas de triomphalisme de ma part.

M. Frédéric Dutoit. Certes, ce budget atteint 0,966 % du budget national, mais il se verra imputer de nouvelles missions en 2005. Le musée du quai Branly, le département des arts de l'Islam au Louvre, le nouveau centre des Archives nationales, pour ne citer que celles-là, nécessiteront d'importants moyens budgétaires. Ainsi, à structure constante, le budget de la culture représentera à peine 0,8 % du budget de l'État.

Vous déclarez que la culture est une des priorités du Gouvernement dans un contexte budgétaire tendu.

M. Michel Herbillon. C'est vrai !

M. Frédéric Dutoit. Mais la réalité est bien différente. Vous annoncez une augmentation de plus de 10 millions d'euros en autorisations de programme au profit du patrimoine monumental. Mais c'est de l'artifice ! Nous savons tous combien la restauration de nos monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques était, jusqu'à une époque récente, reconnue comme une nécessité pour la mémoire historique de notre civilisation et pour les retombées économiques importantes générées par le tourisme culturel. L'augmentation proclamée ne correspond pas du tout à la réalité. Il s'agit en fait d'une baisse de 27 % des crédits de paiement sur l'ensemble des titres V et VI puisqu'il n'y aura pas de report de crédits l'année prochaine. Avec votre projet, le secteur de la restauration des monuments va connaître une crise sociale sans précédent.

M. Maxime Gremetz. D'où le casque que je portais l'autre jour !

M. Frédéric Dutoit. La loi relative à la décentralisation disloque dangereusement le réseau culturel en région. En effet, le dispositif adopté en force cet été permet de transférer aux collectivités territoriales près de la moitié des monuments historiques, les services de l'inventaire et la responsabilité des travaux sur les monuments historiques. Le ministère se voit ainsi amputé d'une partie considérable de ses moyens d'action en région, ce qui met en péril l'égal accès à la culture des citoyens sur l'ensemble du territoire. De même, vous menacez les missions nationales dévolues à l'État, notamment les archives nationales. Pis, dans le cas de l'archéologie préventive, vous asphyxiez financièrement le service public et le mettez en concurrence commerciale.

M. Michel Herbillon. C'est votre discours qui est archéo !

M. Frédéric Dutoit. Bien que vous ayez déclaré ne pas avoir d'a priori en la matière, vous multipliez les EPIC, autre instrument du démantèlement du service public culturel qui dénature profondément les missions culturelles en les transformant en objectifs industriels et commerciaux. C'est une véritable machine de guerre qui se met en route, passant systématiquement en force, contre l'avis des personnels et de l'opinion publique. Ces décisions politiques menacent dangereusement la pérennité du Centre des monuments nationaux. Si ces mesures étaient confirmées après le rattachement récent du Jardin des Tuileries au Louvre, le CMN perdrait 20 % de ses ressources.

Enfin, en ce qui concerne les mesures de personnel, les perspectives sont tout aussi sombres puisque le ministère de la culture perdra à nouveau en 2005 près de 200 emplois alors même qu'il souffre déjà d'un grave sous-effectif qui provoque des dysfonctionnements importants.

Le patrimoine des arts et de la culture est un puissant facteur de cohésion nationale, d'émancipation et d'identification. C'est aussi un domaine porteur de croissance économique. Or le processus répété de désengagement de l'État laisse la part belle au marché.

Non, je ne veux pas renoncer à l'effort public nécessaire pour les arts et la culture, pas plus que je ne veux renoncer à l'idée que les produits culturels ne se réduisent pas à leur seule dimension marchande. Bref, je ne veux pas renoncer à l'exception culturelle française. Le budget de la culture pour 2005 s'inscrit pourtant parfaitement dans la logique ultra-libérale qui caractérise le projet de loi de finances.

Je suis pour ma part convaincu que la culture ne peut, ni ne doit s'enfermer dans l'institution. Il faut de tout pour faire une culture vivante. La culture est à la fois patrimoine et nouveauté. L'art, quel qu'il soit, en appelle au sensible, à la passion, au subjectif, à l'interprétation du réel. C'est pourquoi la culture ne pourra jamais se réduire à la politique culturelle des pouvoirs publics, aussi ouverts soient-ils à l'invention et à l'audace. Et c'est tant mieux !

Un tel constat ne légitime pas pour autant le désengagement de l'État et des collectivités publiques, bien au contraire. Elles, comme lui, doivent être des acteurs volontaristes au service du droit à l'émancipation que la société doit à chaque individu. Mais, avec des crédits insuffisants et des effectifs à nouveau en baisse, votre budget, monsieur le ministre, entérine de nouveaux reculs de la mission nationale que l'État doit exercer dans le domaine des arts et de la culture. Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Merci d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole, monsieur Dutoit.

M. Maxime Gremetz. Vous ne pouvez pas en dire autant de son prédécesseur !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, l'année dernière, j'avais adressé mes félicitations à votre prédécesseur pour avoir récupéré systématiquement les fonds de tiroir car, quels qu'ils soient, les gouvernements n'ont pas à thésauriser sur le dos de nos concitoyens. J'avais toutefois attiré son attention sur la probable difficulté à reconstituer les fonds ainsi restitués.

M. Maxime Gremetz. Nous aussi.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cette année, je vous félicite à votre tour, monsieur le ministre, car vous avez pleinement réussi un exercice pourtant particulièrement délicat. Votre budget est en hausse de 5,6 % dans un contexte de réduction significative des dépenses. C'est donc un succès.

Une seule petite critique. Je regrette que le budget global de la culture repasse sous le seuil psychologique de 1 % du budget total, fixé par le chef de l'État, même s'il s'en approche tangentiellement, à 0,96 %.

L'UDF partage les trois priorités que vous avez définies en présentant votre budget : le spectacle vivant, le patrimoine et la commande publique. Néanmoins, il me paraît important de veiller à ce que les arts plastiques ne restent pas toujours le parent pauvre de la culture. Or la part du budget qui leur sera consacrée en 2005 sera en baisse, passant de 110 millions d'euros en 2004 à 108 millions. Il convient de renforcer la place consacrée aux arts plastiques dans le budget.

De même, la part du budget consacré aux interventions publiques est en diminution de 19,3 %, ce qui marque un recul de l'État dans la sphère culturelle et dans l'action éducative. Qu'il s'agisse des interventions culturelles d'intérêt national, en baisse de 5,3 % ou des interventions culturelles déconcentrées, en baisse de 37,4 %, elles sont toutes en nette en diminution. Cependant, un transfert à hauteur de 195 millions d'euros est opéré en faveur des DRAC qui expérimentent la LOLF.

Le spectacle vivant - théâtre, musique, danse - demeure le premier poste budgétaire, bénéficiant d'une hausse de près de 6,5 %. Je me réjouis du rétablissement, à hauteur de 1 million d'euros, de la subvention au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, qui avait été supprimée en 2004, et de l'attribution de 6 millions d'euros à l'Opéra-Comique, dont le statut vient de changer.

Cependant, cette hausse ne doit pas masquer la baisse des subventions d'investissement accordées au Centre national de la cinématographie et la stagnation des subventions de fonctionnement. Ce centre constitue une structure essentielle dans la promotion et le développement du cinéma et de l'audiovisuel qu'il convient de soutenir activement. L'UDF étant très attachée à la diversité cinématographique, je m'en inquiète, même si le compte de soutien financier à l'industrie cinématographique et audiovisuelle, lui, doit augmenter de 3,2 % pour atteindre 490,96 millions d'euros.

Partisan de la décentralisation, le groupe UDF se réjouit de l'accélération que représente l'adoption de la loi du 13 août 2004 en matière de patrimoine. Toutefois, concernant les crédits consacrés à la restauration des monuments historiques qui augmentent de 13 %, la prise en compte du redéploiement de 20 millions d'euros - qui s'applique aux impayés de 2004 et doit être remboursé en 2005 - ainsi que la suppression du report de crédits pourraient conduire à une diminution de l'enveloppe budgétaire de 27 % ! Il faut, monsieur le ministre, y remédier d'urgence.

Une fois encore, je reviens sur la situation du disque. Les producteurs sont confrontés à une baisse sans précédent de leurs ventes en France. Ainsi, le chiffre d'affaire de l'industrie du disque au premier trimestre 2004 a baissé de 21 % par rapport à 2003. Cette baisse s'explique, entre autres, par l'accès gratuit à la musique sur Internet que les connexions haut débit depuis le début 2002 ont popularisé de manière spectaculaire. Entre 2001 et 2003, le nombre d'abonnés au haut débit a cru de 400 % ! Dans ce contexte, il importe de continuer le combat auprès de l'Union européenne pour obtenir une baisse de la TVA à 5,5 % avant d'étendre le bénéfice du taux réduit à l'ensemble des biens culturels, comme l'UDF le réclame depuis de nombreuses années.

Concernant les intermittents du spectacle, il faut s'inquiéter de l'arrivée prochaine des échéances intermédiaires. Nous ne savons pas, notamment, combien a été dépensé sur le crédit provisoire de 13 millions d'euros ouvert cet été. Monsieur le ministre, je sais que vous suivez personnellement ce dossier. Il faut peut-être profiter de cette période moins tendue, médiatiquement parlant, pour faire le point avec tous les acteurs concernés. En tant que parlementaires, nous sommes tous très attentifs au suivi de ce dossier. Trop de phrases définitives ont été prononcées, y compris dans les estimations financières et économiques. Nous ne serons jamais trop nombreux pour rétablir la vérité et rappeler la contribution essentielle des intermittents à la richesse culturelle de notre pays. À ce sujet, je tiens à remercier personnellement et très sincèrement notre collègue Étienne Pinte pour sa persévérance et son engagement total dans ce dossier, notamment au sein du comité de suivi.

Je souligne également l'ouverture à l'audiovisuel du crédit d'impôt, jusqu'ici accordé au seul cinéma, et le relèvement de son plafond. C'est une très bonne décision. J'attire toutefois votre attention sur l'excessive rigidité de son accès : il ne faudrait pas, dans le cadre de coproductions internationales, priver les coproducteurs de toute aide étrangère. Soyons attentifs à ne pas affaiblir la compétitivité de cette mesure par rapport aux autres dispositifs en vigueur, notamment chez nos voisins européens.

Monsieur le ministre, l'exercice budgétaire franchi, il vous revient maintenant de relever un défi certainement plus difficile encore : la mobilisation de notre pays pour la culture.

Il faut faire évoluer les réserves de nos concitoyens sur le caractère essentiel et fondamental de la culture pour notre société. Cette démarche passe avant tout par la jeunesse. Il faut réellement que la culture pénètre dans l'école dès que possible et que vous preniez toute votre place dans la grande loi d'orientation scolaire qui s'annonce. C'est par un engagement collectif que les futurs adultes seront demain, souhaitons-le, les lecteurs de notre presse moribonde malgré sa qualité, qu'ils seront respectueux du travail de création des auteurs - écrivains, compositeurs ou metteurs en scène -, et qu'ils seront, grâce à l'histoire des arts, plus tolérants et plus convaincus de l'enrichissement mutuel de toutes les races, de tous les pays, de toutes nos régions.

Parallèlement à cet engagement décisif envers les plus jeunes pour notre avenir commun, il faudra aussi convaincre tous les décideurs de ce pays que la culture est une richesse économique et financière non négligeable et qu'elle a plus que jamais son rôle à tenir dans le redressement de la France.

Mais toute politique nationale ne doit bien évidemment pas exclure l'action internationale, et le membre de l'UDF que je suis pense bien sûr à une politique européenne de la culture forte et claire. Il en va de l'avenir de notre monde. C'est un engagement stratégique, rien de moins. C'est pourquoi je m'étonne que le Gouvernement recule encore l'examen de la transposition de la directive européenne sur les droits d'auteur. Nous devons saisir cette occasion pour avoir un débat au fond. Monsieur le ministre, compte tenu de son importance, nous sommes, à l'UDF, impatients d'en discuter.

Dans l'attente de ces grands combats aux enjeux fondamentaux, le groupe UDF votera le budget de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. De mieux en mieux !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Baguet, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique culturelle, née il y a plus de quarante-cinq ans avec André Malraux, et relancée énergiquement il y a plus de vingt-cinq ans par François Mitterrand et Jack Lang, a permis de nous doter du réseau d'équipements culturels - musées, théâtres, opéras, salles de spectacle et de cinémas, bibliothèques et médiathèques - le plus dense et le plus diversifié du monde. Elle a également permis de préserver au forceps une industrie nationale du cinéma, grâce à des dispositifs si longtemps décriés par vos amis politiques - je vous félicite, à cet égard, d'étendre le crédit d'impôt à la production audiovisuelle, comme quoi nous savons nous montrer favorables aux avancées tout en combattant le budget. La politique culturelle a enfin permis de conforter les arts populaires : musique actuelle, théâtre de rue, mime, marionnettes ou cirque. Tel est donc l'héritage que vous avez trouvé en arrivant à votre ministère,...

M. Michel Herbillon. Il y avait aussi des zones d'ombre !

M. Michel Françaix. ...en dépit d'une politique pour le moins chaotique ces deux dernières années. Mais le monde bouge, et vous voilà aux prises avec des évolutions majeures de notre société. L'extension du temps libre, l'affaiblissement du lien social, la marchandisation du secteur de la culture, la révolution numérique et l'hégémonie de l'hyperpuissance américaine ne nous permettent plus, et ne vous permettent plus, de ronronner avec un budget qui se contente tant bien que mal de sauvegarder l'existant.

Tels sont les thèmes majeurs que nous pourrons aborder lors du débat que vous nous avez promis pour décembre prochain.

Je tiens, en attendant, à dire un mot des intermittents du spectacle, de la culture web et de l'éducation artistique.

Alors que vous n'avez rien cédé sur le fond du dossier des intermittents du spectacle, à l'exception du chétif fonds de secours, vous donnez l'impression de vous passionner sincèrement pour leur cause et de vous intéresser à leur sort. Mais, sur le terrain, le nomadisme et la précarité constituent plus que jamais le sort des professionnels du spectacle. Serez-vous leur défenseur, monsieur le ministre, contre les périodes aléatoires et chaotiques de traversée du désert qu'ils connaissent et contre la bureaucratie lourde et lente ? Pour tout vous dire, monsieur le ministre, j'en doute un peu. Vous le savez, l'instauration du contrat à durée déterminée que préconise le MEDEF accroîtra la précarisation d'un secteur que vos bonnes paroles ne suffiront pas à sauver.

Je souhaite également me faire l'avocat de la culture web. À dénoncer le supposé piratage, qui s'opposerait aux droits des auteurs, on pratique une guerre de retardement et on trompe les artistes. Ne soyez pas le ministre d'une croisade moyenâgeuse, infantile et stérile, qui chercherait à éradiquer des pratiques culturelles de masse qui sont désormais irréversibles.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je n'en ai pas l'intention !

M. Michel Françaix. Tant mieux !

Il convient d'ouvrir un débat serein, pour permettre au plus grand nombre de bénéficier d'échanges musicaux, sans tarir l'économie de la création.

Quant aux producteurs de disques, qui tentent d'organiser la survie d'un produit en crise et d'une profession menacée, ils seraient sans doute davantage rassurés si la promesse électorale du candidat Jacques Chirac, lors de l'élection présidentielle, d'une baisse de la TVA sur les disques, était tenue.

L'éducation artistique et culturelle demeure une priorité - discrète - de votre budget. La droite a asséché depuis deux ans les crédits alloués aux enseignements artistiques, en se défaussant sur les collectivités territoriales. Il convient de rétablir une égalité sur les enseignements artistiques en maternelle, à l'école primaire et au collège. À cet égard, l'annonce faite par le ministre de l'éducation nationale d'un retour aux fondamentaux ne nous rassure pas.

Entendez-vous, monsieur le ministre, convaincre votre collègue de l'éducation nationale de la nécessité de s'engager dans de nouvelles étapes et de multiplier les classes culturelles, les ateliers de pratique artistique et les contrats ville-enfants ? Mais, il est vrai, conduire une telle politique en l'absence de moyens budgétaires supplémentaires et de postes d'enseignants nouveaux se révélera bien difficile.

Un autre effort doit être fourni. En dépit de son importance, l'évolution de l'offre culturelle depuis vingt ans n'a pas incité un nouveau public à consommer de la culture. Le public demeure distant et fidèle. Mais on ignore toujours comment toucher ceux qui ne viennent pas spontanément. Si votre action publique permet en partie de financer la vie artistique, elle ne garantit pas que les artistes et les institutions artistiques que vous financez aient toujours, à l'instar des pionniers du théâtre populaire, le double souci de la qualité artistique et de l'accueil de publics nouveaux. L'espace culturel qui se met en place est un espace standardisé et homogénéisé. Ne réduisons pas la culture au divertissement, au tourisme, à la communication, au prestige ou à l'Audimat. Monsieur le ministre, prenez-y garde : si les conditions nécessaires à une vie artistique active ne sont pas réunies et si vous vous contentez d'un budget en manque d'imagination, la Rue-de-Valois risque, au lieu d'être un lieu de résistance à la marchandisation de l'art, de l'orchestrer, voire d'y collaborer.

L'apparente progression du budget tient à sa présentation. Par-delà son arithmétique, si importante soit-elle, tout indique que le cœur du métier de la Rue-de-Valois se rétrécit et que l'on assiste à un long démantèlement de la politique culturelle, sans qu'ait été assuré le relais du financement du côté des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, vous l'avez compris, je ne voterai pas votre budget. J'attendrai pour cela que vous fassiez vivre la si belle et si célèbre formule d'Antoine Vitez : « Une politique culturelle, c'est être élitaire pour tous ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de la culture et de la communication. La formule est jolie.

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont, aujourd'hui, deux raisons de se réjouir.

La première tient au fait que, dans un contexte budgétaire difficile, vous êtes parvenu, monsieur le ministre, à accroître de manière significative la dotation culturelle par rapport à l'exercice précédent. Ce n'était sûrement pas acquis d'office. Notre rapporteur pour avis a eu raison de souligner que, probablement, notre vision des actions culturelles s'est suffisamment élargie pour que sa dimension économique - industrie et emploi - soit désormais mieux prise en compte et devienne l'un des critères d'attribution des crédits.

En tant que rapporteur de la mission sur le spectacle vivant - le rapport doit être rendu dans quatre semaines exactement -, je suis très sensible à la politique nouvelle voulue en la matière. Nous soutenons la démarche courageuse que vous avez entamée pour renouer le dialogue et pour moderniser des pans entiers de ce secteur culturel.

Vous avez également raison, dans une société vouée à l'image et à l'immédiat, de soutenir le livre et la lecture. Nous savons que vous souhaitez conduire une politique volontaire en matière d'éducation artistique et culturelle, qui commence dès l'école. Je partage néanmoins le souci exprimé par plusieurs de mes collègues, notamment Michel Françaix : si j'ai bien lu notre rapporteur, il vous reste à convaincre de l'utilité d'une telle politique votre collègue chargé de l'éducation nationale, ce qui ne semble pas une mince affaire.

Enfin, notre groupe approuve votre objectif de voir la culture servir la cohésion sociale.

La seconde raison que nous ayons de nous réjouir c'est que, prenant acte du regain d'intérêt pour la vie culturelle, le président de notre commission a souhaité que la seconde partie de la législature voie s'infléchir notre activité, du domaine social, qui a beaucoup occupé notre commission ces derniers mois, vers les domaines de la culture et de la communication.

Notre commission est dans l'attente de deux rapports, dont le premier servira utilement le débat sur la culture qui se déroulera ici même, le 7 décembre prochain, à votre initiative, monsieur le ministre. Ce rapport, dont les travaux sont présidés par Dominique Paillé, concerne les métiers artistiques et les intermittents du spectacle. Nous suivons parfaitement l'actualité. Notre mission commune, est de trouver des solutions modernes aux préoccupations que sont, en la matière, la recherche de nouveaux publics et la consolidation de la création, ce qui suppose que l'artiste soit placé au cœur de la cité. Tout en étant convaincus que vous ne faites pas semblant de vous intéresser au domaine de l'intermittence, contrairement à ce que paraît redouter Michel Françaix - la dernière réunion en date à l'espace Fratellini l'a encore montré - nous vous inciterons clairement à innover en la matière.

Le second rapport, confié par notre commission à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, porte sur les méthodes de conservation et de restauration des œuvres d'art et du patrimoine en France. Il vise à répondre à une polémique selon laquelle les méthodes scientifiques auraient à ce point évolué qu'il serait désormais possible de tout faire - c'est-à-dire parfois n'importe quoi - en matière de restauration, à un coût souvent très onéreux, et au mépris du talent originel de l'auteur des œuvres.

La volonté de faire de notre commission un lieu de propositions et d'actions culturelles est donc clairement affirmée. Le président Dubernard s'y est engagé.

M'exprimant au nom de l'UMP, je souhaite orienter mon propos selon trois axes.

Le premier concerne le patrimoine. Nous sommes heureux, monsieur le ministre, que vous en fassiez un objectif prioritaire. L'annonce de 25 % de crédits de paiement supplémentaires pour le patrimoine et l'architecture est un bon point. Mais, vous le savez, le détail des augmentations laisse planer des incertitudes et ne cesse de susciter des inquiétudes chez les professionnels de l'entretien du patrimoine.

M. Frédéric Dutoit. Ce n'est pas moi qui le dis !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je l'ai souligné moi-même !

M. Christian Kert. Il n'est pas nécessaire de vous rappeler ici les enjeux d'une politique patrimoniale. La France compte quelque 40 000 monuments et 265 000 objets protégés, dont l'entretien incombe encore aujourd'hui à votre ministère. Ces dernières années, les crédits consacrés à l'entretien sont plutôt à la baisse. Une telle tendance est non seulement préoccupante pour le patrimoine lui-même, mais également pour les entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine, lesquelles emploient quelque 9 000 compagnons au savoir-faire séculaire et dont le mode fragile de transmission des savoirs ne supporterait pas une rupture de la chaîne.

Ces professionnels ont apprécié le redéploiement de 20 millions d'euros auquel vous avez procédé pendant l'été. Mais ils n'ignorent pas que ce montant devra être remboursé sur le budget 2005 et, qu'il convient de surcroît d'ajouter, à ce montant, les impayés de 2004, à hauteur de 60 millions d'euros, au titre de travaux déjà effectués ou livrés. Nos rapporteurs n'ont pu nous dire si ces 80 millions d'euros pourront être apurés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004. C'est une question d'autant plus importante, voire vitale pour les professionnels que, cette année, des chantiers ont été suspendus et des opérations nouvelles ont été freinées, ce qui se traduit, sur le plan économique, par une fragilisation des entreprises spécialisées.

En outre, l'augmentation de 13 % des crédits de paiement affectés aux monuments historiques risque d'être tout juste suffisante, faute de reports de crédits l'année prochaine. L'inquiétude est contagieuse : les DRAC nous font déjà part de leurs graves préoccupations à cet égard et tiennent à nous prévenir d'éventuelles conséquences sur l'exécution des programmes de restauration de monuments historiques.

Je sais que le ministère de la culture n'est pas exclusivement celui du patrimoine - ce que vous tenez souvent à rappeler, monsieur le ministre. Mais il suffit de considérer le succès sans cesse croissant des Journées du patrimoine pour prendre la mesure de l'attachement de nos concitoyens à leurs pierres, témoignages silencieux mais précieux de leur histoire. Certes, les pierres s'expriment moins que les intermittents du spectacle, mais leur présence dans notre monde du XXIe siècle n'en est pas moins hautement symbolique.

J'évoquerai rapidement le cinéma.

Depuis quelques années, le cinéma français a repris pleinement son souffle. Il est redevenu l'un des premiers, voire le premier cinéma européen. Les résultats de 2004 paraissent devoir d'ores et déjà confirmer cette belle santé. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est heureux que, pour accompagner une telle renaissance, vous ayez pu accroître les crédits destinés à notre cinéma : 522 millions d'euros seront notamment consacrés aux aides au CNC.

Nous sommes sensibles à la création, au début de l'année, du crédit d'impôt cinéma, lequel autorise tout producteur de longs métrages réalisant l'essentiel de ses dépenses de tournage et de post-production en France, à bénéficier d'un crédit d'impôt de 20 % de ces dépenses, plafonné à 500 000 euros par film. De plus, vous envisagez de relever rapidement ce plafond afin de faire bénéficier d'un tel dispositif des films français à gros budget, qui ne sont pas actuellement concernés. Nous en sommes heureux.

Nous sommes encore plus attentifs au dispositif qui vise à régionaliser les aides au cinéma français. Les régions ont bien compris l'intérêt culturel et économique qu'elles ont à aider le tournage de longs métrages sur leur territoire. Il y a donc lieu de continuer à signer des conventions avec les régions, comme David Kessler, qui vient de quitter le Centre national du cinéma après une gestion fructueuse, avait commencé à le faire : nous espérons que son successeur, Mme Colonna, poursuivra son action dans ce domaine.

Après le patrimoine et la régionalisation du cinéma, permettez-moi d'évoquer brièvement la question des langues régionales.

Que la culture se mêle de la défense de la langue française, nous nous en réjouissons. Que l'on en renforce l'usage dans les institutions européennes, c'est un devoir. Mais, monsieur le ministre, lorsque vous évoquez la langue française et les langues de France, nous pensons qu'il ne faut pas ranger ces dernières au rayon du patrimoine inerte. Il existe une véritable demande de sauvegarde de nos langages et l'on a bien compris que, face aux dangers qui visent la pratique même du français, le budget de 1,7 million d'euros consacré à ce chapitre concernera prioritairement l'indispensable renforcement du français institutionnel et la politique en faveur de la maîtrise du français.

Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler, comme l'a fait Olivier Dassault, que si l'on veut un jour rendre réellement service au français à travers le monde, et pas seulement dans le périmètre de la francophonie, il faudra bien se résoudre un jour à créer la chaîne internationale d'information continue !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est un long débat !

M. Christian Kert. La préservation et la valorisation des langues régionales sont présentées dans votre budget comme devant « faire l'objet d'une attention particulière en 2005 ». Ce n'est certes pas l'importance des crédits accordés à l'affaire qui atteste cette attention ! Il faudra une forte volonté de votre part, monsieur le ministre, pour rester fidèle à un Frédéric Mistral, poète provençal qui obtint il y a tout juste cent ans le prix Nobel de littérature. Son message, à travers la pratique de sa langue, était que « la défense de nos identités est conciliable avec la modernité et le progrès ».

La modernité de la langue provençale est illustrée par un ouvrage que je tiens à vous offrir, monsieur le ministre : Tintin en langue provençale - par souci de transparence, j'ai choisi Les Sept Boules de cristal. (Sourires.) Cette édition illustre la nécessité de défendre les langues et les éditions régionales, afin qu'elles puissent courir le monde et contribuer à la défense d'une certaine identité française, à laquelle nous sommes tous très attachés.

Monsieur le ministre, c'est avec plaisir que nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Monsieur Kert, bienvenue au club des tintinophiles de l'Assemblée nationale !

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en marge du budget de la culture, je voudrais appeler votre attention sur ce nouveau mode d'échange sur l'Internet qu'est le peer to peer - en espérant qu'un vocable français plus élégant viendra remplacer l'actuel « pair à pair ». Ce phénomène concerne des millions de personnes dans notre seul pays et a d'ores et déjà bouleversé le champ culturel. Il serait absurde d'envisager désormais l'action publique en matière de culture sans prendre en compte cette révolution. Le risque aujourd'hui est celui d'une coupure radicale entre la réalité des pratiques de la société réelle et la rhétorique d'une société institutionnelle déphasée.

Je concentrerai mon propos sur la question des échanges de fichiers musicaux. Je considère en effet que le problème se pose en termes différents pour le cinéma, où l'échange ne représente pas de vraie valeur ajoutée : pour la musique, ce sont au contraire des champs nouveaux qui ont été ouverts au consommateur.

Depuis quelques mois, les multinationales du disque, aidées par quelques sociétés de droits d'auteur au train de vie souvent fastueux, martèlent le même message : les jeunes qui téléchargent de la musique sur l'Internet sont des délinquants.

M. Frédéric Dutoit. Assertion scandaleuse !

M. Didier Mathus. Campagnes de publicité, mobilisation des médias - dont les intérêts sont souvent liés à ceux des multinationales -, instrumentalisation des artistes : tout aura été fait pour criminaliser les jeunes internautes qui échangent des fichiers musicaux. Intimidés par l'argument massue, mais douteux, de la spoliation des créateurs, influencés par un lobbying aux limites de la manipulation, les pouvoirs publics européens et le gouvernement français ont emboîté le pas aux multinationales. Le résultat est bien connu : cinquante procès sont en cours - chiffre à comparer aux 8 millions d'usagers que comprend, selon les estimations, notre pays !

Le législateur serait donc bien inspiré de s'intéresser à cette question, qui touche à la vie quotidienne de millions de personnes et qui met en cause l'avenir des échanges intellectuels.

Premier constat : l'échange de fichiers par Internet est un progrès pour les échanges humains en général. Il accélère le partage intellectuel et constitue une nouvelle forme de mutualisation culturelle en marge des circuits marchands et des lois du marché. Pour paraphraser Adam Smith, il accroît le bien-être général.

Deuxième constat : ces échanges sont en contradiction avec les intérêts financiers des multinationales de la musique. Celles-ci sont entrées depuis quinze ans dans une logique de marché, avec le formatage, l'industrialisation et la raréfaction de l'offre musicale qui en découlent. S'en trouve souvent favorisé le mariage morganatique entre la musique et la télévision : il n'est qu'à regarder, comme je le fais parfois avec mes enfants, Star Academy !

Il faut bien souligner que personne ne défend la gratuité : elle ne peut exister, c'est un leurre. Mais il est temps de dire que, loin d'être responsables de la ruine des artistes, les internautes participent à une forme de désindustrialisation assez salutaire de la musique. La dématérialisation constitue une des meilleures armes contre la concentration des industries musicales. Allant à l'encontre de la politique des têtes de gondole, elle permet à de petits groupes et à de nouveaux talents de se faire connaître ; elle permet aussi de retrouver des enregistrements non commercialisés et d'échapper ainsi à la réduction drastique des catalogues, qui se limitent souvent aux chansons plébiscitées par la télévision.

Pourtant, l'écrasant lobby de l'industrie du disque continue de criminaliser les internautes adeptes du téléchargement, à coup de campagnes médiatiques de plus en plus agressives et culpabilisantes. Lorsqu'elles parlent de « l'assassinat des artistes », les quatre majors actuelles - EMI, Sony-BMG, Warner et Universal -, qui capitalisent à elles seules 80 % du marché, ne parlent que de leurs intérêts, qui ne sont ni ceux des artistes ni ceux des consommateurs. Elles défendent un format qu'elles contrôlent totalement, le CD, et un modèle économique obsolète qui a fait leur fortune : la distribution physique de ce support. N'y aurait-il de distribution musicale en dehors des majors ? Si demain elles s'effondraient, ce qui est hautement improbable, ce n'est que le portefeuille des actionnaires qui souffrirait, pas la musique ! Mozart n'a pas attendu M. Pascal Nègre pour composer ! Notons d'ailleurs l'incapacité de ces sociétés à proposer des plateformes légales adaptées, qui puisse apporter une vraie valeur ajoutée : l'incompatibilité des formats et la défense jalouse des catalogues en sont la cause.

Des solutions sont pourtant possibles, par le biais de licences légales par exemple, et moyennant un prélèvement forfaitaire auprès des fournisseurs d'accès. La création et les artistes, qui seraient rémunérés normalement, y gagneraient. Rien ne sert de criminaliser des millions d'utilisateurs en s'accrochant à un modèle dépassé, celui du droit exclusif, qui ne correspond pas à l'évolution de la société. C'est au législateur et au Gouvernement de proposer un cadre légal pour avaliser ce formidable progrès, même si cela doit déplaire aux multinationales du disque.

Prenons-y garde, mes chers collègues, derrière cette offensive des oligarques des industries de la culture, appuyés dans leur douteux combat par les sociétés de répartition de droits, c'est toute la liberté des échanges de l'esprit qui est en cause. C'est l'idée que toute œuvre, tout échange culturel doit donner lieu à taxation, que rien de ce qui relève de l'esprit ne peut échapper aux griffes de ces grands marchands mondiaux. Comme d'autres ont tenté d'introduire la brevetabilité du vivant, ils veulent imposer la monétarisation intégrale des œuvres de l'esprit.

Cette question n'apparaît pas directement dans votre budget, monsieur le ministre, mais je pense qu'elle est prépondérante pour les années qui viennent. Personne n'a intérêt à laisser faire ces Dark Vadors du cash-flow ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre, vous avez très bien su sauvegarder et défendre le financement public de la culture : votre budget, dans un contexte très difficile, est en progression de 5,9 %. Nous nous en félicitons.

Dans les cinq petites minutes qui me sont imparties, j'insisterai sur les contraintes spécifiques à votre ministère : plus que d'autres, vous subissez le poids du passé, devez faire face aux contraintes de l'actualité et avez à préparer l'avenir.

Du passé, tout d'abord, vous héritez d'un somptueux mais lourd patrimoine monumental. Près de 20 % des monuments classés sont en péril sanitaire ! L'ampleur du retard pris par l'État a été révélée en 2002, et vous ne pouvez pas faire de miracles. Pour maintenir la dynamique d'entretien et de restauration de ce patrimoine, les crédits prévus augmentent de plus de 25 millions d'euros, soit une augmentation de 13 %. Par ailleurs, pour renforcer la politique de sauvegarde et prendre la pleine mesure des efforts à fournir, un inventaire région par région doit vous être remis cette année.

Le poids du passé est également sensible dans le déséquilibre entre la région parisienne et la province, héritage du centralisme culturel régalien puis républicain. Paris et l'Île-de-France connaissent une très forte concentration tant du point de vue du patrimoine que des institutions culturelles. Nous ne devons pas nous en plaindre, car la capitale est la vitrine de notre excellence culturelle. Mais vous faites aussi un immense effort : votre plan patrimoine s'efforce à un rééquilibrage, en allouant 48 % aux régions et 52 % à la région parisienne. Pour mémoire, entre 1997 et 2001, le rapport était de 38 % contre 62 %.

En revanche, je dois constater que la plupart de vos projets immobiliers concernent Paris et l'Île-de-France : la cinémathèque, le musée des arts premiers, le centre des archives nationales et la cité nationale de l'histoire de l'immigration. Heureusement, Marseille va accueillir le musée des civilisations européennes et méditerranéennes, ce qui, bien que je sois niçoise, me paraît aller de soi. (Sourires.) Le centre d'art contemporain de Metz va devenir une antenne du centre national d'art contemporain Georges Pompidou, avec un financement de 2 millions d'euros. Cette initiative, qui me séduit beaucoup, pourrait être étendue à d'autres régions pour favoriser l'égalité de l'accès à la culture, et en particulier à l'art contemporain, qui reste souvent hermétique au plus grand nombre.

Pour investir en région, il faut disposer de plus grandes marges de manœuvre. Or l'actualité culturelle se charge de peser sur des moyens déjà limités : la crise des intermittents du spectacle représente à la fois un drame humain et un problème politique pour votre ministère. Votre budget en tient compte. Le spectacle vivant a toujours bénéficié d'une large part du budget et vu ses moyens augmenter régulièrement, ce qui a d'ailleurs contribué à accroître le nombre d'intermittents.

Cette année, le théâtre vivant est une de vos priorités, avec 31 % de votre budget, des moyens d'intervention en hausse sensible de 4,3 %, et une capacité d'investissement stabilisée à 57 millions d'euros.

Compte tenu de la crise, la majorité des nouveaux moyens mis en œuvre sera consacrée à consolider les emplois - tout n'est pas une question de quantité : la qualité des aménagements de ces crédits est très importante - et à conforter les dotations de plusieurs établissements de production du spectacle. Indépendamment de la Maison des variétés et du jazz, je pense aux arts de la rue.

Le représentation d'un spectacle vivant est un moment magique. Chaque représentation est une création nouvelle, suscitant une émotion partagée.

La crise des intermittents nous a permis de mettre en lumière l'importance économique du tourisme culturel. Il n'est donc pas question de remettre en cause cette priorité du ministère. Mais l'on ne peut nier qu'elle pèse forcément sur le budget d'autres disciplines, comme les arts plastiques, auxquels je suis très sensible. Le budget de ceux-ci, qui est déjà très modeste - il représente 5 % du total - baisse légèrement cette année, passant de 110,83 millions en 2004 à 108, 10 millions en 2005.

Est-il nécessaire de rappeler que les musées et leurs expositions actuelles nous enchantent grâce à la création d'artistes contemporains d'une époque passée ? N'oublions pas de préparer l'avenir de notre patrimoine artistique pour le regard de nos très lointains descendants.

Préparer l'avenir de notre patrimoine, c'est précisément le challenge...

M. Michel Herbillon. Défi, plutôt ! (Sourires.)

Mme Muriel Marland-Militello. ...que vous devez gagner, monsieur le ministre.

Il convient en premier lieu - et c'est votre volonté, maintes fois exprimée - de soutenir l'innovation culturelle. Qui mieux que l'État peut soutenir les œuvres les plus ambitieuses, celles qui ont le plus de difficultés à obtenir des financements, et qui passeront l'épreuve du temps ? L'œuvre d'un précurseur n'a pas forcément l'écoute d'un grand public. Vous en tenez compte en prévoyant d'accorder, en 2005, 4 millions d'euros à l'audiovisuel innovant. Je pense qu'il faudrait étendre cette mesure à toutes les expressions artistiques.

Encore faut-il, en deuxième lieu, que le public suive. L'égal accès à la culture que vous ambitionnez n'aura de réalité que si les publics de demain, qui sont les enfants d'aujourd'hui, sont soucieux d'assister, ou d'écouter ou de regarder ce genre d'œuvres, et donc sont réceptifs à ce qui se produit actuellement. Seule l'éducation artistique à l'école pourra le permettre. D'autres l'ont dit avant moi, mais c'est fondamental et j'aimerais tellement qu'un gouvernement de droite le réalise...

M. Michel Françaix. Ce ne sera pas facile ! (Rires.)

Mme Muriel Marland-Militello. L'éducation artistique ne doit pas être considérée comme un enseignement complémentaire, mais comme un enseignement fondamental, au même titre que l'écriture, la lecture et les mathématiques. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous avez dit, monsieur le ministre, que la culture était une nécessité. A vous d'imposer au ministre de l'éducation nationale d'étendre son enseignement fondamental à la culture.

M. Frédéric Dutoit. La gauche fait des émules !

M. le président. Il serait temps de conclure...

Mme Muriel Marland-Militello. Préparer l'avenir pour un public motivé dans le futur est très important. Les classes PAC n'ont pas vraiment réussi. C'était une belle expérience, mais une expérience ponctuelle qui n'avait rien à voir avec l'enseignement fondamental.

Vous souhaitez préparer l'avenir en intervenant dans un domaine innovant, monsieur le ministre. Vous voulez contribuer à renforcer la cohésion sociale en mettant la culture à son service. L'installation du musée de l'immigration au palais de la Porte dorée y contribuera, tout comme la création de la mission « vivre ensemble », destinée à lutter contre la multiplication des actes de violence et d'intolérance.

Enfin, préparer l'avenir, c'est assurer une meilleure lisibilité de la politique culturelle de l'État en région et renforcer les partenariats avec les exécutifs de ces régions. Cela passe par les moyens déconcentrés dans les services des DRAC, qui sont de véritables relais pour les directives nationales d'orientation du ministre, de véritables partenaires de proximité territoriaux. Mais les DRAC manquent de personnels, avec des postes budgétisés mais vacants. Sans parler du manque de mobilité des fonctionnaires de la culture, qu'ils soient à Paris ou en province.

Quelles que soient les humeurs de certains élus territoriaux, on ne peut contester la pertinence générale de leurs décisions, qui suscitent d'ailleurs l'adhésion. En effet, leurs arbitrages conditionnent très souvent les subventions des collectivités territoriales. Leur soutien demeure un label de qualité, qui dynamise les projets innovants et conforte le développement culturel.

En conclusion, monsieur le ministre, je suis convaincue que les financements culturels de l'État sont, et je vous cite, « la meilleure garantie du respect de l'indépendance artistique, de la liberté des créateurs, pour offrir une diversité culturelle auprès d'un vaste public préparé et motivé. »

Nous comptons sur vous pour persévérer dans cette belle voie. Bien évidemment, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte, dernier orateur inscrit.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, nous avons cette année plusieurs motifs de réjouissance. Votre budget augmente de près de 6 %, ce qui fait de lui un budget prioritaire. Un effort tout particulier est fait pour le spectacle vivant auquel nous sommes tous très attachés.

Vous avez, depuis plusieurs mois, rétabli le dialogue avec les intermittents de l'audiovisuel, du cinéma et du spectacle vivant, vous avez multiplié les déplacements et les rencontres avec tous les acteurs concernés. Vous avez été d'une grande disponibilité et vous avez beaucoup écouté.

Vous avez enfin engagé plusieurs travaux de réflexion sur la place de la culture dans notre pays, son financement, en particulier celui de la création culturelle. Je suis particulièrement heureux que vous ayez accepté la demande du comité de suivi - que j'anime - de recourir à un cabinet indépendant privé pour lui confier une mission d'expertise en profondeur du système de financement de l'assurance chômage des intermittents et lui demander de faire des propositions pour construire un système pérenne de financement de l'emploi dans le domaine culturel. II est trop rare que l'État consente à faire appel à des équipes de professionnels pour l'aider à porter des diagnostics et à élaborer des politiques. Cela mérite d'être souligné. JeanPaul Guillot doit vous remettre cette semaine ses premières propositions sous forme de scénarios ; mais je sais que son travail ne s'achèvera pas là.

De son côté le Parlement, s'est mobilisé. A l'Assemblée nationale, une mission d'information sur les métiers artistiques, animée par Dominique Paillé et Christian Kert, doit prochainement rendre ses conclusions. Au Sénat, la commission culturelle, présidée par Jacques Valade, a établi un excellent rapport sur la création culturelle en France. Enfin, des parlementaires de toutes les formations politiques ont travaillé depuis plus de dix mois aux côtés des intermittents au sein du comité de suivi. Cette expérience de travail au sein d'une structure informelle a été très riche en échanges et très constructive.

M. Patrick Bloche. Absolument !

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, vous vous êtes beaucoup engagé, il vous faut maintenant poursuivre votre action. Il me semble notamment urgent et indispensable que le ministère de la culture favorise et finance, s'il le faut, le croisement des fichiers qui concernent les professions culturelles, ceux de l'UNEDIC, de la caisse des congés et d'AUDIENS, la caisse complémentaire ainsi que le travail préparatoire nécessaire.

M. Frédéric Dutoit. C'est essentiel !

M. Étienne Pinte. L'harmonisation et le croisement de ces fichiers étaient prévus dans les 22 mesures pour l'emploi annoncées par Jack Lang et Martine Aubry en 1992, il y a douze ans ; à la suite du rapport Cabanes, en 1997, Jacques Barrot et Philippe Douste-Blazy s'étaient engagés à les mettre en œuvre. Personne ne s'est jamais donné la peine de les réaliser ! La crise qui secoue depuis plus d'un an ce secteur professionnel a mis en lumière l'incohérence des chiffres d'une caisse à l'autre, le manque de visibilité et donc de crédibilité des données annoncées. Ce travail devrait permettre d'y voir plus clair et de travailler dans la confiance.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. Patrick Bloche. Et dans la transparence !

M. Étienne Pinte. En effet !

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

Si votre budget va dans la bonne direction, des réformes en profondeur doivent être menées.

Ces dernières années, les collectivités territoriales, et surtout les communes, ont beaucoup augmenté leur contribution au financement de la culture. Elles doivent aujourd'hui, comme l'État, s'interroger sur leurs pratiques de subvention et d'emploi. Sont-elles exemplaires ? Ces pratiques doivent-elles être améliorées ? Lorsqu'une collectivité territoriale finance une manifestation culturelle, un festival, s'assure-t-on que les répétitions sont payées ? S'interroge-t-on sur la viabilité financière du projet ? En paie-t-on le juste prix ?

Le budget du ministère de la culture n'a que trop tendance, depuis des années, à minorer les subventions allouées au fonctionnement des institutions au profit des subventions dédiées aux crédits d'intervention.

Une telle politique, monsieur le ministre, a contribué à diminuer l'emploi permanent au profit de l'emploi intermittent. Certes, il est formidable que les collectivités territoriales se soient donné pour mission d'augmenter l'offre culturelle, mais en aucun cas l'État ne doit continuer à se décharger sur elles, oubliant trop souvent ses devoirs.

Nous devons réfléchir à la participation de chacun, améliorer la diffusion, nous appuyer sur les réseaux et échanger nos richesses.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoit une répartition des compétences concernant les établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique, mais aucun décret d'application n'est encore sorti.

Ces dispositions sont pour le moment très floues et nous font craindre de nouvelles charges financières pour les collectivités locales. Depuis des années, j'attire en vain l'attention du ministère de la culture et de celui de l'éducation nationale sur le coût que représente pour les communes la prise en charge des classes à horaires aménagées de musique - pour celles qui ont la chance d'avoir des conservatoires nationaux de région.

M. Pierre-Christophe Baguet. En effet !

M. Étienne Pinte. Quant au financement de ceux-ci, monsieur le ministre, il a encore baissé en 2004.

J'attire aussi votre attention sur la question de la pérennisation du financement du centre de musique baroque. La ville de Versailles contribue chaque année à son budget et jusqu'à présent l'établissement public du domaine de Versailles y participait aussi ; il ne fera plus l'année prochaine, à la demande de votre ministère. II revient donc à la direction de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle de prendre le relais. Or je ne vois rien dans votre budget pour cela. Même s'il est souhaitable que le centre de musique baroque fasse appel au mécénat davantage qu'il ne le fait actuellement, le ministère ne peut occulter ses besoins de financement immédiats.

Tels sont les quelques points que je tenais à souligner. Nous aurons l'occasion de reparler de l'avenir du spectacle vivant lors du débat qui y sera consacré à l'Assemblée nationale au mois de décembre. Quant à la question de l'assurance chômage des intermittents et à celle du financement de la création culturelle, il vous revient maintenant, monsieur le ministre, de ne pas décevoir les espoirs que vous avez suscités, de mener à terme les réformes qui s'imposent et qui doivent déboucher, en 2005, sur la refondation de leur statut.

M. Michel Françaix. Très bien !

M. Étienne Pinte. Nous comptons sur vous comme vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je m'aperçois que lorsqu'on est bref dans le discours de présentation de son budget, on donne le sentiment d'oublier certains secteurs pourtant prioritaires.

Prenons l'exemple des arts plastiques. J'ai été étonné des propos tenus par les uns et les autres sur le sujet, alors qu'en l'espace de trois ans, les crédits d'intervention et les autorisations de programme le concernant auront augmenté de près de 10 %. Car dans ce secteur comme dans d'autres, j'essaie de faire en sorte que toutes les formes d'expression et de création soient soutenues.

Des propos tenus par l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés, je retiens que chacun d'entre vous mesure à quel point, dans la France et dans le monde d'aujourd'hui, parler du budget de la culture, ce n'est pas uniquement soutenir les vieilles pierres et les troubadours, c'est être au cœur même de l'influence, de l'activité et du rayonnement de notre pays. Et cela est vrai sur le plan intérieur comme sur le plan international.

Sur le plan intérieur, chacun mesure combien la culture, en ce qu'elle est synonyme de liberté et de respect, est une valeur essentielle dans la France d'aujourd'hui. À cet égard, je souhaite que les tenants de la musique baroque aient le goût de la découverte des formes de la danse hip-hop, et que ceux qui considèrent l'architecture contemporaine comme une nécessité absolue reconnaissent la nécessité de préserver aussi nos racines et notre patrimoine. Cette réconciliation nécessaire, cette ouverture d'esprit est une valeur aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan international.

Je vous ai entendus, les uns et les autres, parler des débats ayant trait à la diversité culturelle, à la place de l'Europe et à la politique française sur la scène internationale. Au-delà des clivages politiques - qui sont nécessaires dans la démocratie vivante que nous avons la chance de connaître -, ces sujets font partie de ceux qui doivent nous réunir. Et ce débat sur la diversité culturelle et artistique est essentiel. Parler, aujourd'hui, dans un monde de violence, de la diversité, de la culture et des identités nationales - sous réserve, bien sûr, qu'elles sachent respecter en permanence les droits de l'homme -, ce n'est pas parler d'un secteur d'activité, c'est parler de principes fondamentaux qui doivent avoir toute leur place sur la scène internationale. Nous œuvrons en ce sens. Et lorsque nos artistes et nos techniciens se produisent à l'étranger - peut-être devons-nous d'ailleurs avoir le souci qu'ils puissent le faire encore davantage, grâce à une politique qui allie l'action de l'État, des collectivités territoriales et des mécènes privés -, c'est très important aussi bien pour le rayonnement politique que pour le rayonnement économique de notre pays.

Il faut que vous sachiez, par exemple, que le spectacle qui a été donné il y a quelques jours par Jean-Michel Jarre à Pékin, à l'occasion de l'ouverture de l'année de la France en Chine, a été vu par 750 millions de téléspectateurs chinois, auxquels il faut ajouter 200 millions de téléspectateurs dans le monde. Samedi dernier, à Shanghai, Les Paladins, spectacle dirigé par William Christie, dans une mise en scène de José Montalvo et une chorégraphie de Dominique Hervieu, a été la parfaite illustration de cette réconciliation des genres et des époques qui est une valeur essentielle dans le monde d'aujourd'hui.

Vous avez posé un certain nombre de questions. Je vais essayer de répondre, très rapidement, aux uns et aux autres.

À Olivier Dassault, je voudrais donner un chiffre précis, parce qu'il serait très méprisant vis-à-vis des femmes et des hommes qui travaillent au ministère de la culture et dans l'ensemble des établissements publics dont je coordonne et dirige l'action, de ne pas reconnaître que l'action de chacun d'entre eux est essentielle : l'effectif prévu pour 2005 est de 26 841 agents.

Je fais en sorte que, quel que soit le lieu ou les fonctionnaires de l'État sont amenés à travailler, il y ait une véritable unité politique du ministère de la culture et de la communication. Le dire, ce n'est pas dénier à chacun l'exercice de sa responsabilité, où qu'elle s'exerce. Mais je souhaite qu'entre le ministre, son cabinet, les directions de l'administration centrale, les directions régionales et l'ensemble des établissements publics, il y ait une véritable unité d'action afin qu'un certain nombre de principes politiques soient appliqués partout.

Cela ne signifie en aucune manière que je veuille brider les énergies, les talents, les autonomies, les projets et la proximité. Mais je crois que cette unité d'action est quelque chose de très important. Et d'ailleurs, je veille le plus possible, dans les contraintes imposées par un emploi du temps toujours complexe, à ce que l'ensemble des grands interlocuteurs du ministère puissent se réunir. Peut-être d'ailleurs serai-je amené à baptiser - baptême tout à fait républicain, bien sûr - ce genre de réunion, parce que cela me semble nécessaire étant donné les difficultés auxquelles peut parfois se heurter la mise en œuvre de cette unité d'action.

Marc Bernier a évoqué avec beaucoup d'attention le rôle des directions régionales des affaires culturelles. Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le député, du travail exceptionnel que vous avez effectué sur place en rencontrant directement les fonctionnaires et les directeurs des DRAC pour constater le rôle qu'ils jouent. Je saisis cette occasion pour dire que je souhaite qu'il y ait - c'est vrai dans tous les domaines, mais en particulier dans celui dont je suis chargé - une vraie synergie des efforts entre l'État et les différentes collectivités territoriales. Je suis parfois inquiet de constater dans certains domaines un état d'esprit conflictuel, marqué par des oppositions qui n'auraient pas lieu d'être. Chacun a bien sûr le droit, dans le respect de son autonomie et de la souveraineté conférée par le peuple, de mener la politique qu'il entend. Mais je souhaite qu'entre l'État, les régions, les départements et les villes, il y ait une synergie, que soient définis en commun des objectifs, et que nous voyions tous ensemble comment les atteindre.

Tenir ce genre de propos n'est pas annoncer un désengagement de l'État. Et si je peux le faire aujourd'hui avec une certaine force, c'est que j'ai bénéficié des arbitrages du Premier ministre, directement inspirés par les orientations du Président de la République, pour faire en sorte que la culture apparaisse comme prioritaire pour notre pays. Souhaiter un partenariat avec les collectivités territoriales comme avec les mécènes privés, ce n'est pas annoncer un désengagement de l'État, c'est vouloir faire en sorte que nous additionnions nos énergies et nos efforts. À cet égard, j'ai demandé aux directions régionales de me prévenir le plus en amont possible des difficultés et des tensions qui peuvent survenir. Nous avons tous à l'esprit des scènes nationales, des centres dramatiques, des centres chorégraphiques, des musées, des lieux culturels divers et variés dans lesquels, pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de juger publiquement, des conflits s'installent, des oppositions se font jour. Dans de tels cas, il m'appartient, en liaison avec le travail de médiation des problèmes opéré par l'échelon régional, de faire en sorte que l'administration centrale et le ministre puissent intervenir de manière opportune. Comme vous, je crois à la nécessité des synergies locales pour faire en sorte que les services de l'État apparaissent à la fois comme les experts, les pourvoyeurs de moyens, mais aussi comme ceux qui ont le souci de rassembler et de réunir.

J'étais il y a quelques jours à Besançon pour assister à l'installation d'un comité régional des professions du spectacle. De tels comités existent maintenant dans l'ensemble des régions françaises. Ces lieux de rencontre me semblent très importants, parce que dans des régions qui sont parfois très vastes, les grands acteurs culturels ne se connaissent pas toujours les uns les autres. Entre le théâtre, la musique, la danse, le cirque, les arts de la rue, et j'en oublie, les rapports ou les connexions ne sont pas forcément évidents et immédiats.

Vous avez raison d'insister sur la nécessité d'apprécier la pertinence des politiques. Ce n'est pas toujours facile. Au fond, toute la difficulté budgétaire à laquelle nous sommes confrontés - ceci est vrai dans le domaine du spectacle vivant mais aussi dans d'autres -, c'est de savoir, dans un même élan, entretenir et accompagner toutes les institutions et tous les talents existants, tout en étant en mesure de détecter et de faire émerger les talents nouveaux. Il y a parfois des vases communicants à mettre en place. Cela suppose évidemment des formes de souplesse, et parfois des remises en cause de situations héritées du passé. C'est un objectif qui n'est pas facile à atteindre.

D'où la nécessité, et vous l'avez évoqué, d'avoir de plus en plus le réflexe du réseau, c'est-à-dire du parcours d'une institution culturelle vers une autre. J'ajoute que ce qui doit se passer au plan national, nous essayons de l'engager également sur le plan européen. Je ne suis d'ailleurs pas novateur de ce point de vue : la plupart de nos grandes institutions culturelles ont tissé des liens opérationnels très étroits, ont conclu des coproductions ou des échanges artistiques avec les principales scènes européennes. Sur le plan intérieur, ce partenariat, ces réseaux, ces parcours des œuvres et des publics sont aussi très importants.

Monsieur Bloche, vous avez évoqué, et vous avez eu raison de le faire, la situation des artistes et des techniciens du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant. Vous avez constaté que je n'emploie jamais le terme d'intermittents. Non pas que je veuille dénier la réalité sociale à laquelle sont confrontés un certain nombre d'artistes et de techniciens, mais je ne veux pas que la vocation, le métier, le talent artistiques soient immédiatement et uniquement interprétés ou perçus par nos concitoyens comme un problème social.

M. Patrick Bloche. Vous avez raison.

M. le ministre de la culture et de la communication. Vous évoquez toute une série de rapports que j'ai demandés et qui doivent éclairer la représentation nationale comme le Gouvernement sur les décisions qui sont à prendre. La règle du jeu doit être claire. Quand je confie à une personnalité privée, et donc, par définition, totalement indépendante, ou à un fonctionnaire normalement placé sous mon autorité, le soin de me remettre un rapport de réflexion, il ou elle doit se sentir libre. Et ses propositions n'engagent pas forcément directement le Gouvernement ou le ministre. Elles alimentent le débat nécessaire. C'est le cas du rapport de M. Jacques Charpillon, dont vous avez évoqué la première mouture qu'il avait soumise aux partenaires sociaux pour nouer le débat et l'enrichir. Une réunion du CNPS particulièrement vivante lui a d'ailleurs permis d'établir son rapport définitif, que je recevrai dans les tout prochains jours.

Sur ce sujet, on l'a constaté lors de la journée nationale qui s'est tenue à l'académie du cirque Fratellini, il y a des mots qui fâchent, qui fonctionnent immédiatement comme des détonateurs. Je vous ferai remarquer qu'ils n'ont pas forcément été prononcés par le ministre lui-même. Mais chacun a le droit de s'exprimer.

J'ai fixé un calendrier. Jusqu'à présent, j'en ai respecté scrupuleusement toutes les étapes en essayant de bâtir un système définitif nouveau pour l'assurance chômage des artistes et des techniciens. Plus on avance, et nous aurons l'occasion d'en reparler le 7 décembre, plus on s'aperçoit que le problème de l'assurance chômage n'est qu'un des éléments...

M. Michel Françaix. C'est ce que nous avons longtemps essayé de faire comprendre à votre prédécesseur.

M. le ministre de la culture et de la communication. Oh, vous savez, je crois que chacun devrait être modeste, parce que Jean-Jacques Aillagon comme moi-même aurions préféré voir ce problème déjà réglé par nos prédécesseurs lorsque nous avons pris nos fonctions rue de Valois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Sur ce sujet très difficile, nous devons avoir l'humilité de reconnaître que résoudre le problème de l'assurance chômage ne réglera pas l'ensemble des questions liées aux métiers du spectacle vivant.

Je crois que nous avons tous besoin de transparence et de clarté. C'est la raison pour laquelle j'ai, en faisant référence à ce qu'a dit Étienne Pinte, et à la demande du comité de suivi, commandé un rapport d'expertise auprès d'une personnalité indépendante, qui dispose d'une structure très importante. J'attends donc ses conclusions. C'est la raison pour laquelle, comme vous le savez, j'ai souhaité que l'ensemble de la représentation nationale soit saisie. J'en profite d'ailleurs, même si cela peut paraître ridicule, pour remercier devant vous le Premier ministre. En effet, l'ordre du jour du Parlement est très chargé en automne. En dehors des séances qu'occupe la discussion budgétaire, le temps pour les autres débats est très limité. Et cela a été une vraie bagarre entre ministres pour savoir qui aurait, non pas du temps d'antenne, mais du temps de débat.

Chacun doit s'engager pour faire état de ses priorités et pour faire avancer les choses. Car si une partie de la solution est entre les mains de l'État, une autre partie est entre les mains des partenaires sociaux, et ceux-ci ont bien sûr besoin d'être éclairés par les débats de la représentation nationale et par les souhaits exprimés par le Gouvernement.

Nous aurions pu rester les bras croisés, décider d'être sourds et aveugles. Cela n'a pas été le cas. Et pour faire avancer les choses, un fonds d'urgence a été mis en place. Il a fonctionné à la date prévue, c'est-à-dire le 1er juillet. Il réintègre dans leurs droits des artistes et des techniciens qui étaient exclus, et ce dans des proportions plus faibles que celles qui avaient été imaginées. Mais s'agissant des chiffres, vous m'avez entendu, à dix reprises plutôt qu'une, faire preuve d'une extraordinaire prudence.

M. Patrick Bloche. Vous avez raison !

M. le ministre de la culture et de la communication. En effet, il arrive parfois qu'on lance une estimation des besoins budgétaires, ou des effectifs qui seraient concernés, et que cette estimation ne se vérifie pas. Mieux vaut donc partir du constat de la réalité.

Vous avez évoqué de nombreux points. Je ne retiendrai pas vos propos polémiques...

M. Michel Françaix. Il n'y en avait pas !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...qui relèvent du nécessaire débat démocratique.

Sur l'archéologie préventive, je ne peux pas vous laisser dire ou penser qu'elle est une des grandes responsabilités sacrifiées dans l'exercice de ma fonction, rue-de-Valois !

M. Patrick Bloche. C'était avant !

M. le ministre de la culture et de la communication. Au contraire, la représentation nationale a adopté cet été une loi qui instaure avec sagesse un équilibre financier durable pour l'archéologie préventive.

M. Patrick Bloche. On verra ! Soyez prudent !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce n'était pas facile. Députés et sénateurs ont véritablement fait œuvre utile. Il n'était pas évident de réconcilier le respect du passé, de nos racines, de notre histoire, avec la nécessité d'aménager, de construire et de rénover nos villes, nos quartiers et nos campagnes. Il fallait un dispositif de mutualisation et vous l'avez choisi.

La première version aboutissait à des aberrations qui, vous le savez fort bien, pouvaient donner lieu à la mise en place d'un système spécifique. Les parlementaires, à l'Assemblée ou au Sénat, ne cessaient de me soumettre des cas particulièrement aberrants. Vous avez eu la sagesse de construire un système définitif évitant ces situations totalement folles d'aménageurs qui demandaient des dizaines et dizaines de millions d'euros pour de petites parcelles. L'INRAP dispose maintenant de ressources garanties. Dans une phase transitoire, l'État assure directement son fonctionnement. La taxe créée, chaque jour davantage prélevée, permettra son financement à l'avenir.

Vous avez ensuite évoqué avec grande imprudence deux sujets. On s'aperçoit à cette occasion que chacun rencontre parfois des problèmes dans sa propre famille politique et c'est normal !

M. Patrick Bloche. Je me tournais vers l'avenir, monsieur le ministre !

M. le ministre de la culture et de la communication. Évoquer les fonds régionaux d'art contemporain et les librairies était, en effet, assez imprudent de votre part. Vous savez parfaitement, concernant les FRAC, que, dans certaines régions, les nouveaux exécutifs ont décidé brutalement, pour des raisons incompréhensibles, de suspendre l'intervention de la région. Or la conjugaison des efforts entre l'État et les régions autour de l'art contemporain était remarquable. Ayons, en effet, la franchise de reconnaître que l'art contemporain est parfois difficilement compréhensible par certains de nos concitoyens. L'éducation artistique est indispensable. Les uns et les autres avez évoqué la nécessité de l'apprentissage et de la découverte de formes et de créations les plus inhabituelles dès le plus jeune âge. En la matière je suis favorable à un partenariat solide entre l'État et l'ensemble des régions françaises.

Quant aux librairies - et n'y voyez aucun esprit polémique de ma part - prenons garde à ce que l'objectif politique, que je peux parfaitement comprendre, de la gratuité du livre scolaire, ne provoque la paupérisation ou la disparition de certaines librairies de proximité. De ce point de vue, j'ai toujours pris les contacts nécessaires avec les exécutifs régionaux pour parvenir à des résultats. Mais le choc de volontés divergentes ne m'a malheureusement pas permis d'être toujours suivi et c'est normal. J'attire toutefois votre attention sur la nécessité de maintenir l'offre culturelle de proximité. Je pense de même pour les kiosques de presse dont nous évoquerons la situation lors de l'examen du budget de la communication.

M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !

M. le ministre de la culture et de la communication. L'offre de proximité est essentielle.

M. Patrick Bloche et M. Michel Françaix. Absolument !

M. le ministre de la culture et de la communication. Tenir ce genre de propos ne signifie pas être passéiste. On peut parfaitement trouver des lieux modernisés et revisités. L'un d'entre vous a parlé d'Internet. Je n'y suis absolument pas hostile ! Je suis persuadé que, dans les librairies, dans les kiosques de presse ou dans d'autres lieux, on peut très bien réunir des formes de distribution bien différentes. Veillez à ne pas porter atteinte à cette diversité au cours de vos discussions internes ! Il n'est, en effet, pas facile pour une petite librairie de tenir le choc dans un quartier excentré d'une ville ou dans un centre-ville face aux très grandes entreprises qui jouent un rôle considérable, que je ne néglige pas. Là encore, l'équilibre est nécessaire.

S'agissant de la Réunion des musées nationaux, c'est une grande institution culturelle en laquelle j'ai toute confiance. Je souhaite que mes récentes décisions, telles que l'affectation des galeries nationales du Grand Palais, qui n'ont d'ailleurs pas fait l'objet d'une communication suffisante, lui permettent de conserver ce rôle d'excellence nationale, quitte à encourir les foudres de Mme Marland-Militello qui considère que tout se passe dans la capitale et pas assez en province ! Il est cependant normal qu'il existe des lieux d'excellence au sein de la capitale, sans toutefois oublier la province !

Cette grande institution doit également avoir une mission d'ingénierie culturelle auprès de tous les musées de province, quel que soit leur statut. Reconnaissons, de ce point de vue, l'épanouissement considérable de son ressort comme lieu emblématique de notre excellence nationale et comme force d'appui et d'ingénierie pour nos institutions locales.

Michel Herbillon a eu raison d'insister avec beaucoup d'ardeur sur la nécessité de défendre l'éducation artistique. Je compte être un partenaire très actif des projets sur l'école du Gouvernement et du ministre de l'éducation nationale. Évitons, là aussi - mais tel n'est évidemment pas votre cas, monsieur Herbillon - toute opposition factice. Le ministre de l'éducation nationale a tout à fait raison de mettre l'accent sur les savoirs fondamentaux. La mission essentielle de l'école est de veiller à ce que nos jeunes concitoyens sachent lire et écrire dès le plus jeune âge. Le rappeler peut sembler « ringard », mais c'est une nécessité politique à laquelle nous devons être particulièrement attentifs.

Je considère effectivement qu'il incombe à l'école d'ouvrir à la culture, aux arts, malgré toutes les difficultés que représentent le dialogue et la rencontre entre les artistes et l'univers de l'éducation nationale. De nombreuses expériences très utiles sont menées qui conduisent à la découverte de l'expression artistique, à la pratique culturelle et artistique. Je rassemblerai très bientôt de nombreuses écoles et de jeunes concitoyens, qu'ils soient musiciens, chanteurs, dessinateurs ou créateurs, pour « donner un coup de chapeau » à la découverte, dès l'école, de nos disciplines artistiques. Pour montrer que cette politique s'engage résolument, nous réunirons d'ailleurs les recteurs et les directions régionales des affaires culturelles.

Vous avez demandé avec raison une appréciation des conséquences de la politique fiscale menée de manière novatrice, qu'il s'agisse des trésors nationaux, du mécénat, de son extension au crédit d'impôt audiovisuel ou de la TVA sur le disque. C'est un long sujet et je vous répondrai par écrit.

Nous en sommes, pour parler très librement et très franchement, à une première étape et nous pouvons utiliser l'ensemble des crédits d'impôt. J'aurai, en revanche, besoin du soutien de la représentation nationale quand le ministère des finances voudra plafonner ce dispositif, alors que cette politique tend à relocaliser les activités et les emplois et a donc un effet considérable sur l'activité économique et financière de notre pays. Des risques naissent progressivement dans ce domaine. J'alerte donc en amont la commission des finances : la défense du budget de la culture et de la communication ne relève pas de la bonne conscience, du supplément d'âme. Nous sommes au cœur même de l'activité, du rayonnement et de l'influence de notre pays, au moment où la mondialisation donne le sentiment à nos concitoyens qu'on leur « pique » leur activité et leur influence et où toutes sortes de violences à caractère politique, idéologique, intellectuelle ou même religieux ont parfois cours dans le monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre concours me sera donc fort utile !

Monsieur Dutoit, j'ai trouvé le début de votre discours, fantastique, parce que signe d'un grand rassemblement.

M. Frédéric Dutoit. C'est vrai !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je partage, en effet, nombre des thèmes que vous avez évoqués, notamment le fait que la culture ne peut se réduire qu'à la politique culturelle des pouvoirs publics. Effectivement, la culture ne se limite pas aux activités des grandes institutions. N'y voyez aucune provocation, mais, pour moi, l'authenticité de la façade d'un café, l'enfouissement d'une ligne électrique dans un village pour préserver l'habitat est un acte culturel, même si on ne peut le comparer au soutien à la troupe la plus prestigieuse de notre pays.

Cela étant, j'ai eu également le sentiment, à mon grand étonnement, que vous étiez devenu une sorte d'ultra-libéral (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) apôtre d'une forme d'échange absolu ! Peut-être n'avez-vous tout simplement pas entendu, ce qui est tout à fait regrettable, les nombreux propos et surtout les décisions du Président de la République, du Premier ministre, du Gouvernement et de sa majorité pour que la diversité culturelle reste une réalité en France et sur la scène internationale. C'est essentiel, face au débat européen qui s'ouvre sur la constitution européenne. Il ne faut pas dire n'importe quoi. Nous souhaitons l'échange entre les pays européens et au-delà, grâce à Internet et à toutes sortes d'autres formes d'expression. Toutefois, en matière culturelle, des exceptions sont réaffirmées, notamment dans le projet de constitution. Lorsque la diversité culturelle est menacée, la règle de l'unanimité s'applique. Si une proposition risque de porter atteinte à la diversité culturelle, le Président de la République, le Premier ministre ou le ministre compétent, selon l'instance concernée, pourra s'y opposer.

M. Frédéric Dutoit. Je prends date !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous lis à ce sujet un passage très clair du projet de constitution : « Le Conseil statue également à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union ».

Alors, que l'on ne nous fasse pas de faux procès : nous ne sommes pas pour la loi de la jungle mais pour l'affirmation systématique du principe de diversité culturelle. Permettez-moi d'ailleurs de vous dire que je l'ai rappelé, la semaine dernière, à l'ensemble des ministres présents, à Shanghai, à la réunion internationale sur la diversité culturelle. Et permettez-moi aussi de vous dire au passage - cela devrait tous nous réjouir - que nos grands artistes, représentant toutes les disciplines, ont fait, pendant une semaine, la « une » de l'ensemble de la presse chinoise, et que tous les ministres présents en étaient estomaqués.

Je ne réponds pas sur la prétendue « asphyxie » que vous dénoncez. Chacun a le droit de s'exprimer. J'aimerais pouvoir vous convaincre, mais je n'en suis malheureusement pas certain.

M. Frédéric Dutoit. Nous avons tout de même le droit de ne pas être d'accord avec vous !

M. le ministre de la culture et de la communication. Merci, monsieur Baguet, de votre coopération et de votre vote positif sur le budget, qui, pour moi, revêt une valeur symbolique.

Vous avez parlé du taux de 1 %. Comme je l'ai dit au début de mon discours, on pourrait toujours habiller les choses pour parvenir au bon taux, mais le fait est que le budget ne régresse pas. Rappelons les chiffres : il est tout de même passé de 0,91 % en 2003 à 0,93 % en 2004 puis à 0,968 % en 2005.

J'ai répondu par avance à votre remarque sur les arts plastiques mais je serais intéressé de savoir quelle analyse conduit à la réalité que vous décrivez car elle ne correspond vraiment pas à celle que je crois vous présenter dans mon budget.

De même, les crédits du CNC sont absolument reconduits en 2005.

Enfin, nous continuons à mener un travail en profondeur à propos de la politique de baisse de la TVA sur le disque. Je pense que les problèmes liés à la piraterie sont susceptibles de faire évoluer nos partenaires sur ce sujet.

Monsieur Françaix, vous m'accusez de « ronronner ».

M. Michel Françaix. Ce n'est pas une accusation !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est votre droit le plus strict, mais je puis vous dire qu'il n'est pas toujours aisé d'être au cœur de la mêlée. Il m'est même arrivé, lors de mes déplacements, de constater que certains élus de l'opposition préféraient m'y laisser seul et ne pas participer à la discussion.

M. Michel Françaix. C'est dommage !

M. le ministre de la culture et de la communication. Telle est sans doute la répartition normale des responsabilités. Je confesse mille défauts, et il est certain que rien n'est définitivement réglé, je le proclame dix fois plutôt qu'une, mais j'assume mes responsabilités et je ne pense pas que l'on puisse m'accuser d'être en décalage avec la réalité.

Vous avez parlé des problèmes du Web et estimé, en substance, que je menais une croisade moyenâgeuse. J'ai pour objectif, dans le domaine du cinéma comme dans celui de la musique, que l'offre la plus vaste soit proposée à l'ensemble de nos concitoyens. J'ai indiqué que je voulais faire en sorte que puisse être créé le plus grand magasin de musique du monde. Cela signifie que je ne suis nullement opposé à l'accès à la culture via Internet, mais il convient tout de même de veiller à ce que cela ne détruise pas la diversité culturelle et artistique : il faut tout simplement faire preuve d'esprit de responsabilité.

M. Michel Françaix. Eh oui !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce n'est pas facile car les plus jeunes de nos concitoyens considèrent, au fond, que la gratuité généralisée n'a aucune conséquence. Il nous appartient cependant de le dire avec lucidité et franchise, certainement pas pour se faire censeur ou castrateur, mais plutôt pour agir en propagateurs de l'esprit de responsabilité.

J'ignore si la comparaison est bonne, mais ce dossier me rappelle celui de la nécessaire protection de l'environnement. Nos concitoyens comprennent aujourd'hui qu'il faut agir pour protéger et valoriser l'air, l'eau ou la diversité biologique. Il en va de même pour la création culturelle et artistique : si l'on n'y prend pas garde, si l'on rend possible la gratuité et l'accès indéterminé, ce seront les plus faibles qui se trouveront affaiblis, tandis que les plus grandes entreprises mondiales auront la capacité de tenir le coup et de réagir : c'est précisément la diversité, souhaitée par tous, qui sera battue en brèche.

Monsieur Kert, vous attendez, et vous avez raison, les conclusions de plusieurs rapports parlementaires, auxquels j'attache moi-même la plus grande importance. Je considère que le dialogue permanent doit nous faire parvenir aux meilleurs résultats possibles.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises, les uns et les autres, les questions liées au patrimoine. C'est pour moi un sujet de grande préoccupation. En effet, chaque fois que je me déplace dans un département, je suis tout d'abord ébloui par la richesse exceptionnelle que recèle notre pays mais j'en reviens évidemment un peu préoccupé par l'importance des besoins ! Un sursaut est certainement nécessaire pour franchir une étape nouvelle.

M. Robert Lecou. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. J'ai l'idée, pour les prochaines Journées du patrimoine, dans quelques mois, d'examiner la possibilité de lancer des opérations un peu expérimentales de mécénat populaire.

M. Marc Le Fur. Très bonne idée !

M. le ministre de la culture et de la communication. Mais ce n'est pas pour préfigurer le désengagement de l'État ou celui des collectivités locales. Vous savez en effet combien l'État s'engage sur ces sujets et combien je suis mobilisé. Je rappelle, à ce propos, devant le rapporteur spécial et les commissaires des finances, que je suis actuellement en discussion, au sein du Gouvernement, dans le cadre de la préparation de la loi de finances rectificative. Toutefois, j'ai bien conscience qu'une étape nouvelle s'ouvre à nous, et c'est un peu comme pour les festivals : le succès ne se mesure pas, contrairement à ce que l'on prétend parfois, aux retombées économiques ou commerciales ; le respect du passé et le cœur même de l'attractivité de notre pays sont en cause.

Monsieur Mathus, vous avez évoqué de manière assez caricaturale, allais-je dire, ce que je m'efforce d'accomplir en faveur de la musique. Je ne défends pas les multinationales par principe, par plaisir ou par je ne sais quel atavisme. Sur le sujet de l'accès à la musique par Internet, voici mon objectif prioritaire : qu'un maximum de talents puissent voir le jour, être soutenus, rayonner et vivre de leur talent. Je n'attends donc qu'une chose : que l'offre légale de musique en ligne soit la plus large possible. Et, dès qu'elle donnera le sentiment d'être suffisamment étendue, il nous appartiendra - j'espère que vous répondrez alors présents - d'organiser le plus grand des rassemblements pour donner la meilleure publicité possible aux sites de musique en ligne, afin que la destruction des talents, des artistes et des œuvres ne devienne pas réalité.

On peut se rassurer à bon compte en avançant qu'Internet offre un accès généralisé puis s'apercevoir que, en l'absence de responsabilité, la diversité est détruite. Je ne crois pas, contrairement à ce que vous avez dit, que toutes les autres formes de distribution soient obsolètes. Comme je vous l'ai dit, l'accès à la musique par Internet est évidemment positif, mais l'accès à la musique dans les magasins de proximité n'en est pas moins très important. Vous savez, il n'y a pas que les têtes de gondole ; il existe des magasins très spécialisés dans toutes sortes de domaines, qu'il s'agisse des musiques actuelles, du jazz ou de la musique ancienne. Là aussi, il faut de tout et rien ne remplacera les contacts humains.

M. le président. Pardonnez-moi, monsieur le ministre. Je reconnais la grande qualité de ce débat, mais je souhaite qu'il puisse s'accélérer car il reste encore plusieurs questions à poser et un amendement à examiner.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je conclus très rapidement. D'autant que les deux derniers orateurs faisaient partie de la majorité : il me sera donc plus facile de les convaincre... (Sourires.)

Je voudrais simplement remercier Mme Marland-Militello, M. Pinte et tous les parlementaires qui ont participé à la phase difficile que nous avons traversée ces derniers mois. C'est exceptionnel, emblématique et symbolique du rôle que doit jouer le Parlement et que peut jouer un député. Je l'étais il n'y a pas si longtemps et je me souviens de ce que cela signifie. Vous avez, de ce point de vue, tous les titres pour être exigeants.

Nous sommes au milieu du trajet à accomplir concernant les artistes et les techniciens. Nous sommes en effet sortis de l'urgence, nous avons qualifié la situation et des mesures sont prises. Car permettez-moi de vous dire que le plus important est le soutien à l'emploi et non l'indemnisation du chômage. À cet égard, le budget de l'État, ceux des collectivités locales et la requalification de plusieurs pratiques d'emploi - vous en avez parlé - sont évidemment des perspectives positives. Mais il reste plusieurs grands rendez-vous, à commencer par celui du 7 décembre, à l'occasion duquel nous devrons faire œuvre de proposition.

Les uns et les autres, vous avez évoqué la répartition des crédits entre Paris et la province. Muriel Marland-Militello, vous avez parlé du MUCEM, et beaucoup d'autres réalisations vont voir le jour en province. Ce souci d'équilibre est très important et l'acte symbolique consistant à créer une antenne du Louvre quelque part dans le nord de la France - je souligne que je n'ai pas parlé du Nord-Pas-de-Calais mais du Nord au sens large, grand ensemble géographique et politique - impose un choix de site difficile.

Vous avez tous souligné la nécessité de l'éducation artistique. L'éveil des plus jeunes de nos concitoyens à toutes les disciplines artistiques est effectivement une priorité pour résoudre les problèmes d'emploi.

Je conclurai en répondant à la question précise que m'a posée Étienne Pinte au sujet du Centre de musique baroque de Versailles. La musique baroque, accompagnée des chorégraphies les plus contemporaines, rayonne dans le monde entier, tout comme Versailles a vocation à le faire, aussi bien à travers son château qu'à travers tout ce que vous y organisez, y compris en matière de musique baroque. Je serai un partenaire très attentif et volontaire, à la mesure des crédits du ministère de la culture, que, si j'ai bien compris, vous allez voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Mes chers collègues, je vous demande de respecter impérativement vos temps de parole, sans quoi je serai contraint de vous interrompre. Vous avez vu combien jusqu'à présent j'ai été souple, mais je le serai désormais nettement moins, je préfère l'annoncer dès maintenant, par courtoisie et élégance. Et cela vaut aussi pour le Gouvernement, monsieur le ministre. (Sourires.)

M. le ministre de la culture et de la communication. J'ai bien compris, monsieur le président !

M. le président. Nous commençons par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre, la progression significative des crédits de votre ministère, à hauteur de 5,9 %, s'inscrit avant tout dans le cadre d'un effort tendant à améliorer l'efficacité de la dépense publique : diminution de la part des dépenses de personnel et de fonctionnement, augmentation des crédits d'investissement et choix de priorités ciblées au service de l'attractivité, de la cohésion et du rayonnement de notre pays.

Parmi vos objectifs figure en bonne place la sauvegarde de notre patrimoine national - « de tous les patrimoines », avez-vous d'ailleurs dit. Les autorisations de programme bénéficieront de 10 milliards d'euros supplémentaires et d'un renforcement du rôle confié aux collectivités locales et aux propriétaires privés qui en ont la possibilité. Au titre des monuments historiques - et Dieu sait que Paris en est largement pourvu -, 218 millions d'euros sont inscrits au budget en crédits de paiement, soit une augmentation de 25 millions d'euros, c'est-à-dire 13 % de plus par rapport à l'an dernier. C'est un effort important, nous en sommes conscients, et vous l'avez largement expliqué.

Les besoins dans ce domaine sont immenses. Un récent rapport de votre ministère est venu confirmer que la situation sanitaire des monuments français est très préoccupante. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire de quels moyens vous disposez pour identifier les chantiers à venir les plus urgents et quels sont les critères et le calendrier que vous allez retenir pour définir ces urgences ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, comme je l'ai dit en présentant le budget, le patrimoine monumental est l'une des priorités pour 2005 et les crédits qui lui sont consacrés progressent. Néanmoins, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, les besoins restent immenses.

Nous entrons dans la deuxième année d'application du plan d'action en faveur du patrimoine monumental, qui a été présenté en septembre 2003 par Jean-Jacques Aillagon, au nom du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

Dans ces conditions, les moyens de l'exercice 2005 seront prioritairement consacrés à la poursuite des travaux destinés à la sécurité des personnes ainsi qu'au sauvetage et à la conservation des monuments les plus menacés, en même temps que l'on s'engagera, par exemple avec le schéma directeur de Versailles, autre grande priorité, dans des opérations très emblématiques.

Pour cela, nous avons besoin d'un système de pilotage renforcé afin d'affecter les crédits là où ils sont les plus nécessaires et les plus urgents et de faire en sorte, surtout, qu'il n'y ait pas de report de crédits.

Nous avons ainsi pu, dès cet été, affecter 20 millions d'euros supplémentaires à plusieurs opérations. D'autres crédits supplémentaires ont également été injectés très récemment.

J'ai demandé aux services de la culture un recensement très précis des priorités et des financements nécessaires pour faire face à cette responsabilité qui s'exercera toujours, malheureusement, dans un cadre pluriannuel. Dans ce domaine, comme dans d'autres, crédits budgétaires et modernisation de la gestion et de la prise de décision vont de pair.

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin.

M. Patrick Beaudouin. Je veux évoquer, moi aussi, l'évolution des crédits consacrés au patrimoine et son application pratique. Celle-ci est, en effet, marquée par la prise de conscience de l'ampleur des besoins de conservation de notre patrimoine historique, qui implique une politique de réhabilitation à long terme.

Implicitement, votre budget, monsieur le ministre, engage la mise en place de cette politique, avec une nouvelle répartition de l'action du ministère, qui s'oriente vers le soutien aux opérations conduites par les autorités locales ou les personnes privées et une diminution des opérations conduites directement par l'État.

Dans le cadre de la décentralisation et d'une implication plus grande des collectivités territoriales, cette évolution politique est compréhensible. Mais la diminution proposée de 14 millions d'euros des programmes d'investissements directs de l'État inquiète les responsables locaux, dont le patrimoine local, en cours de rénovation ou dont la rénovation est projetée, appartient à l'État.

Pour illustrer mon propos, le député de Vincennes que je suis prendra l'exemple du château de Vincennes, véritable joyau de l'histoire de France, lieu de mémoire de notre pays, ancré dans l'Est parisien.

Les communes voisines du château sont attachées à sa mise en valeur et à son affectation. La municipalité de Vincennes, que je soutiens, comme ses habitants, à travers plusieurs associations, est particulièrement attentive à ce phare royal et à son futur.

Des travaux de rénovation sont en cours depuis 1988, sous le contrôle d'une commission interministérielle présidée par Jean-Philippe Lecat.

C'est pourquoi, je souhaite vous poser, sur la rénovation du château, quatre questions qui reflètent les inquiétudes et les espoirs de mes concitoyens. Où en sont ces travaux ? Que reste-t-il à faire ? Quels délais de réalisations sont prévus ? Surtout, quel est le montant des crédits affectés à l'opération pour cette année et en prévisionnel ?

Un nouveau projet d'utilisation culturelle du château est-il à l'étude ? Est-ce un projet d'État concerté avec les communes limitrophes ? Le projet culturel futur fait-il toujours une place à l'implantation militaire ? Il faut savoir que les trois services historiques des armées et les salles d'exposition y sont installés.

Une réforme des archives militaires est en cours. Quitteront-elles le château ou y resteront-elles et s'inscriront-elles dans le schéma d'utilisation culturelle de celui-ci ?

Je serais très heureux, monsieur le ministre, d'entendre vos réponses pour pouvoir les transmettre à mes concitoyens qui les attendent avec impatience.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Grâce à votre question, vos concitoyens vont avoir beaucoup de précisions, mais je sais que chacun d'entre vous a des projets qui lui tiennent à cœur. Je ne les oublie pas !

Vincennes a été l'un des buts de mes déplacements lors des Journées du patrimoine. L'opération de restauration du donjon est l'un des chantiers les plus importants et les plus spectaculaires actuellement menés sur les monuments historiques en France : 14,7 millions d'euros - c'est une belle somme mais celles qui sont consacrées aux restaurations sont souvent énormes : 100 millions d'euros pour les toits de Vaux-le-Vicomte ! - dont 4,5 millions en 2001 et 2003, et 5,7 en 2004, sont consacrés à cette opération qui comprend la consolidation de l'ouvrage et sa restauration intégrale.

Pour 2005, il y aura évidemment une tranche de crédits. Je ne peux pas vous l'annoncer aujourd'hui car, en toute logique, il faut que le budget soit voté avant que les individualisations ne se fassent. C'est d'ailleurs au moment des individualisations que l'on s'aperçoit que l'on n'a jamais suffisamment de crédits pour répondre aux besoins !

Les programmes actuels portent également sur la Sainte Chapelle dont les verrières, endommagées par la tempête de décembre 1999, ont fait l'objet d'importants travaux de restauration et dont les voûtes doivent être ponctuellement reprises.

Par ailleurs, j'assume, avec Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, la responsabilité conjointe de certaines parties du domaine. Nous entendons bien, à l'avenir, continuer à assumer conjointement cette responsabilité, la défense y abritant les archives historiques des armées. Dans le cadre du protocole d'accord culture-défense - portant sur près d'un million d'euros pour 2003 et 2004 - des travaux de restauration sont régulièrement menés sur les murs d'escarpe et de contrescarpe des douves, et la réfection des couvertures du pavillon de la Reine est envisagée. Un vaste plan d'aménagement des abords et de mise en lumière du château est également en préparation.

Vous pouvez, monsieur le député, rassurer les habitants de Vincennes, et au-delà, tous nos concitoyens, car nous avons la volonté, avec l'expertise exceptionnelle, que je veux saluer devant vous, des fonctionnaires de l'État chargés de ces opérations de réhabilitation, avec l'utilisation des techniques les plus sophistiquées et les plus modernes, de faire face à nos responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. J'interviendrai aussi sur le patrimoine monumental car c'est un sujet qui concerne pratiquement l'ensemble du pays. Nous avons, certes, un patrimoine extrêmement riche, mais il souffre. Il présente deux enjeux, pour le tourisme culturel et pour les entreprises de restauration.

Les 9 000 compagnons restaurateurs qui travaillent dans ce domaine constituent une main-d'œuvre hautement qualifiée. À mes yeux, ils illustrent un segment de cette « économie du savoir » absolument indispensable au développement économique de notre pays. Si le secteur de la restauration continue à souffrir comme aujourd'hui, nous risquons de perdre des pans entiers de compétences.

Je me réjouis d'entendre que les crédits de paiement vont augmenter de 13 % et que les autorisations de programme sont en hausse, mais je voudrais être rassuré : il ne faudrait pas que la suppression des crédits de report remette en cause ces augmentations. Je voudrais pouvoir affirmer à ceux qui travaillent dans ce domaine d'activité et qui sont légitimement inquiets que, demain, en 2005, et dans les années qui suivront, ce secteur connaîtra un regain d'activité.

Vous avez demandé, monsieur le ministre, une enquête sur l'état actuel et les besoins futurs en ce domaine. Où en est-elle ? Quels seront les critères de définition pour les actions de demain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez raison d'insister sur l'urgence de la situation et sur la méthode que nous devons utiliser ensemble.

Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, il fallait faire en sorte que la gestion soit la plus irréprochable possible et donc que, dans le contexte d'une certaine pénurie de crédits, tous les crédits disponibles soient dépensés. C'est la raison pour laquelle, cet été, nous avons affecté 20 millions d'euros supplémentaires à la restauration de nos monuments. Ainsi, pour la région Alsace, 2 millions d'euros supplémentaires ont été récemment injectés.

L'inventaire en cours permettra de faire face à l'urgence et de déterminer, région par région et site par site, les urgences les plus absolues. La masse de travaux à réaliser a été estimée sommairement à 5 milliards - ce qui vous donne une idée de l'ampleur de la tâche ! Cela concerne aussi bien les bâtiments les plus emblématiques que les petites restaurations qui n'en sont pas moins très symboliques.

Concernant votre région, monsieur Blessig, le chantier de la cathédrale de Strasbourg constitue, pour moi, un enjeu prioritaire. En outre, j'examinerai si la consolidation des remparts du château de la Petite Pierre peut, elle aussi, entrer dans le cadre de la programmation de 2005.

La restauration du patrimoine est pour nous une priorité, au-delà du respect nécessaire des vieilles pierres, car elle est au cœur du rayonnement de notre pays.

M. le président. Nous passons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ma question, monsieur le ministre, concerne la mise en œuvre de la politique de décentralisation du patrimoine culturel. La loi autorise maintenant l'État à transférer aux collectivités territoriales la propriété d'un certain nombre de monuments historiques, dits d'intérêt local. La liste de ces monuments susceptibles d'être ainsi décentralisées est encore inconnue. Cependant, le rapport Rémond fournit quelques indications claires en développant une logique essentiellement comptable : les monuments susceptibles d'être décentralisés présentent tous la particularité de ne pas être rentables et d'être difficilement exploitables sur le plan touristique.

Cette même logique marchande de la culture, nous la retrouvons dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux qui transforme le château de Chambord en EPIC. Avec ce projet, le Centre des monuments nationaux perdra encore davantage de pouvoirs de mutualisation des ressources des principaux monuments nationaux.

Nous sommes également très inquiets du fait que l'État se désengage de la maîtrise d'ouvrage de travaux de restauration des monuments historiques propriétés communales, déléguant cette responsabilité à leurs propriétaires avec l'assèchement progressif jusqu'en 2007 du chapitre 56-2020 du titre V. Que les petites communes ne disposent ni des fonds ni des compétences suffisantes pour mener à bien ces travaux ne semble guère indisposer votre ministère ni les directions régionales des affaires culturelles.

Dans ma circonscription, une commune de 530 habitants a un programme de rénovation de l'église classée monument historique. Pour des raisons comptables, la direction régionale des affaires culturelles a coupé le programme en deux : la moitié sous maîtrise communale, l'autre moitié sous maîtrise de l'État. Il y a donc deux appels d'offres, des entreprises différentes et les difficultés que l'on devine ! Voilà qui montre avec quelle intelligence ce type de transfert est géré par certains de vos services, monsieur le ministre !

Globalement, votre budget pour 2005 ne peut qu'augmenter nos inquiétudes. Les dotations prévues cette année pour le patrimoine sont en baisse de 27 %, comme si le Gouvernement, en laissant se dégrader nos monuments historiques, souhaitait forcer la décentralisation du patrimoine permise par les lois de décentralisation.

Ma question sera donc double, monsieur le ministre. Quelles mesures comptez-vous prendre pour ne pas laisser se dégrader irrémédiablement notre patrimoine monumental et quelles garanties pouvez-vous donner aux propriétaires de monuments historiques - je pense en particulier aux petites communes rurales - et aux professionnels de la restauration légitimement inquiets devant les conséquences des désengagements et des coupes budgétaires décidées par le Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, en vous entendant, je me souvenais d'une conversation que j'avais eue, étudiant, avec Jacques Duclos qui, à propos de la répartition des responsabilités entre l'État et les collectivités territoriales sur l'aménagement routier, avait parlé de « privatisation du profit » et de « nationalisation du déficit ».

Je vous rassure : s'agissant de la gestion de notre patrimoine, l'attitude de l'État n'est pas, dans la discussion qui va s'ouvrir avec les collectivités territoriales, inspirée par des motifs financiers ou comptables. Il s'agit simplement de mieux définir qui prend la charge de quoi. Cela se fera sur la base du volontariat le plus total. Personne ne sera obligé de prendre possession et d'assumer la responsabilité de la restauration d'un élément de notre patrimoine.

Dans les jours qui viennent, la liste des monuments établie par la commission Rémond - que j'ai réexaminée - sera révélée, pour que, ensuite, chaque collectivité territoriale puisse prendre sa décision en toute liberté.

Ne caricaturez pas les choses ! On ne peut pas prétendre que les crédits sont sabotés quand ils sont en hausse de 13 %, même si, évidemment, cela ne suffit pas pour répondre immédiatement à toutes les demandes dont je suis l'objet.

On ne saurait à mon sens considérer que la réflexion des experts et des élus qui a abouti à la proposition de classement soit comptable. La notion de rentabilité n'est pas applicable aux monuments historiques. Ceux dont l'exploitation peut aujourd'hui s'avérer rentable pour le Centre des monuments nationaux ne le doivent qu'au fait que l'État assure les travaux de restauration et de gros entretien et met à disposition les personnels titulaires.

En règle générale, j'estime que les collectivités territoriales participent au rayonnement des monuments historiques dont nous sommes tous fiers. Mon seul souci est donc de parvenir à une plus grande cohérence.

Concernant la restitution aux collectivités territoriales et aux personnes privées de la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration des monuments historiques dont elles sont propriétaires, elle ne constitue aucunement un abandon par l'État de ses responsabilités, notamment financières. Sur le plan de l'organisation, en revanche, elle représente à mon sens le retour à une situation normale. Tout propriétaire doit en effet être libre de diriger lui-même les travaux menés sur l'immeuble qui lui appartient, après obtention des autorisations nécessaires au titre du code du patrimoine et du code de l'urbanisme.

La situation des petites collectivités et des propriétaires qui ne disposeraient pas des moyens matériels d'assumer cette compétence a toutefois été prise en compte et fait l'objet d'une réflexion particulière. À cet effet, le transfert ne s'effectuera pas de façon brutale, mais sera étalé au moins sur trois exercices, à l'issue desquels sera proposé aux propriétaires qui en feront la demande un service d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

En aucun cas, la modernisation de la gestion ne saurait être confondue avec un désengagement de l'État. En 2005, je souhaite au contraire poursuivre et renforcer, par des initiatives concrètes, mon action en faveur du patrimoine, le travail accompli ces six derniers mois ne constituant qu'une première étape.

M. André Chassaigne. Il faut transmettre cette réponse aux DRAC !

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, demain est prévue la remise du rapport Guillot, nommé à la tête d'une mission d'expertise chargée de réfléchir à un nouveau système d'assurance chômage pour les intermittents du spectacle. Le 7 décembre, aura lieu à l'Assemblée nationale un débat d'orientation culturelle.

Le mouvement des artistes et techniciens du spectacle est loin de s'essouffler. Le comité de suivi a élaboré des contre-propositions au protocole tant décrié, en liaison avec d'autres organisations des secteurs concernés. La Coordination des intermittents et précaires d'Île-de-France a rendu publics les premiers résultats du pré-rapport d'expertise d'initiative citoyenne sur le système d'assurance chômage.

L'un des éléments du cahier des charges de ce rapport consiste à faire des simulations. Or l'UNEDIC refuse de communiquer les données individuelles. Un moyen indispensable de faire une évaluation objective de la situation des salariés et des conséquences du protocole du 23 juin 2003 serait aussi de faire des croisements de fichiers avec ceux de la caisse des congés spectacles.

Depuis le début du conflit, qui a éclaté au lendemain de la signature du protocole du 26 juin 2003, les chiffres qui ont motivé la réforme, et notamment le montant du déficit des annexes 8 et 10, estimé par l'UNEDIC à 828 millions d'euros en 2002, sont contestés.

L'UNEDIC est un organisme de droit privé gérant un service public. L'accès aux données prévu par la loi de 1978 s'étend aux statistiques existant sur support informatique. Toute rétention d'information de la part de l'UNEDIC est donc suspecte, voire inadmissible.

Monsieur le ministre, dans une lettre adressée à la Coordination, le 25 octobre, vous renvoyez les artistes et les techniciens au rapport Guillot, dont la lettre de mission répondrait "aux principales demandes et préoccupations qui se sont exprimées".

La ténacité et la détermination des intermittents sont remarquables. Au-delà de leurs revendications concernant la sauvegarde de leur régime d'assurance chômage, cette mobilisation doit nous inciter à réfléchir au statut de l'artiste et à la place de la création dans notre société.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à tout mettre en œuvre afin de poursuivre, avec les partenaires concernés et mobilisés, une réflexion impartiale et sereine sur le futur système d'assurance chômage des professionnels du spectacle garantissant la création artistique et les intérêts légitimes des salariés et des employeurs de ce secteur ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je puis vous rassurer sur ce sujet : la volonté du Gouvernement est d'aboutir à un système définitif dans la clarté et la transparence. À cet effet, j'ai désigné un expert indépendant et, au sein du CNPS, un comité de suivi représentant toutes les sensibilités - organisations syndicales et associatives - pour que chacun, semaine après semaine, puisse suivre l'évolution du travail de M. Jean-Paul Guillot.

Dans les heures qui viennent, il va me remettre une première ébauche de son rapport. Il a souhaité bénéficier de quelques journées supplémentaires de travail avant de rendre son rapport définitif, ce que je lui ai accordé. Le suivi et le travail sont permanents, comme peuvent en témoigner les parlementaires, ici présents, qui sont membres du comité de suivi. Cet objectif de transparence est le préalable absolu à l'édification d'un système qui soit le plus incontestable possible.

Il ne m'appartient pas de qualifier les rapports ou les refus exprimés dans les associations ou les organisations qui se sont adressées directement à l'UNEDIC. Pour ma part, j'avais la tâche de garantir, au nom du Gouvernement, l'indépendance et la totale transparence de l'expertise, à partir de laquelle nous pourrions nous exprimer librement, selon nos propres convictions, et formuler des propositions.

Le sujet est difficile, car la vérité des chiffres est parfois révolutionnaire. Le commentaire doit en être prudent, afin de ne pas attiser le feu de manière inconsidérée. Mon souci est que la transparence permette d'agir.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Nous sommes tous ici, comme vous, monsieur le ministre, intimement persuadés de l'intérêt et de la place de la culture dans notre société.

Son rôle est essentiel pour l'individu qui, par les connaissances et les plaisirs qu'elle lui apporte, peut développer son sens critique, son jugement ou son goût, et favoriser ainsi son épanouissement. Mais la culture renforce aussi le lien social et contribue au développement économique. La collectivité est donc, elle aussi, concernée par la politique culturelle.

À Lodève, ville dont je suis le maire, nous avons mis en œuvre une démarche culturelle destinée à faire face à un violent repli économique et à ses conséquences sociales. Aujourd'hui, après bientôt dix ans d'action, je peux témoigner d'un bilan positif : une image valorisée, une fierté retrouvée et une dynamique touristique favorable à l'économie locale.

Cette expérience m'amène aujourd'hui, monsieur le ministre, à témoigner ma satisfaction de voir que, dans un contexte budgétaire difficile, votre département ministériel a été reconnu puisque ses crédits augmentent de 5,9 %. Cet effort est notable et nous l'apprécions.

Dans ce contexte, je souhaiterais obtenir des précisions sur trois sujets.

À l'heure où la décentralisation va se mettre en place, quel accompagnement l'État entend-il assurer aux communes - quelle que soit leur taille - menant une politique culturelle affirmée ?

Quels sont votre volonté et vos objectifs pour le seul atelier décentralisé de la Savonnerie qui existe en France et qui est installé à Lodève ? Cet atelier constitue un exemple de déconcentration utile pour tout un territoire, et la ville de Lodève y est d'autant plus attachée qu'il participe par son attractivité au tourisme culturel. En outre, il a permis de mettre en valeur la qualité des gens qui y travaillent et dont, aujourd'hui, une grande partie est formée de femmes membres de la communauté harkie de Lodève.

Monsieur le ministre, vous l'avez perçu, ces deux premières questions ne laissent pas indifférent le maire d'une ville qui m'est chère et qui serait d'ailleurs très honorée de votre visite : vous pourriez y apprécier une action culturelle reconnue.

Ma dernière question, monsieur le ministre, concerne les monuments historiques. Je voudrais en effet appeler votre attention sur les crédits réservés aux études et travaux des monuments historiques et avoir des précisions à ce sujet, car un faisceau d'informations venant des entreprises et des architectes des monuments historiques m'ont alerté sur leurs inquiétudes.

La France tient une place privilégiée dans ce domaine, grâce aux propriétés de l'État, à ses 36 000 communes et à ses propriétaires privés. Si notre pays est la première destination touristique au monde, il le doit en grande partie à notre patrimoine architectural. L'État a toute sa place au titre de son intervention en qualité de maître d'ouvrage sur ses propriétés, mais aussi au titre de sa position de partenaire privilégié qui apporte les subventions dans le cadre des monuments classés. Sa responsabilité est donc importante, à la hauteur de l'enjeu.

Monsieur le ministre, quelle place sera réservée, dans le budget 2005, au chapitre des monuments historiques ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je me suis déjà beaucoup exprimé sur la nécessité de la restauration de notre patrimoine et des crédits budgétaires qui doivent y être affectés.

Pour ce qui vous concerne, cette question est particulièrement importante et vous donnez raison à Mme Marland-Militello qui craignait une concentration des moyens sur Paris et l'Île-de-France. Ce que vous faites à Lodève est exemplaire. Cette ville de 7 500 habitants organise en effet des expositions remarquables. Je sais que vous allez accueillir bientôt une exposition en provenance du musée de Gand. Lodève le prouve, la petite taille d'une commune ne signifie pas forcément l'indigence. Au contraire, dès lors qu'il y a une grande capacité d'imagination et une volonté politique, une petite commune peut rivaliser avec les grandes villes.

C'est la raison pour laquelle la restauration du patrimoine ne concerne pas seulement les parties les plus emblématiques et mondialement connues que sont les cathédrales ou certains sites exceptionnels. L'authenticité de nos communes et les sites font souvent l'objet de politiques partagées entre les départements, les régions et l'État, s'agissant de la réhabilitation et de la restauration des monuments. Je ne dis pas cela pour échapper à la responsabilité de l'État, que j'ai rappelée tout à l'heure.

S'agissant de la manufacture de la Savonnerie, je veux ici vous confirmer l'importance que j'y accorde. Lorsque je viendrai à Lodève, je rendrai visite aux vingt-neuf agents qui travaillent dans ce lieu magnifique concourant à l'image internationale de la France : en effet, qu'il s'agisse du retissage de tapis de l'époque de Louis XIV ou de créations contemporaines, c'est Lodève qui dote en œuvres d'art la plupart de nos ambassades et même des sièges de gouvernements étrangers. Aujourd'hui, Lodève achève un tapis réalisé d'après une esquisse d'Alechinsky, avant de mettre sur le métier des tapis à caractère historique de l'époque de Louis XIV.

L'engagement de l'État ne se démentira pas dans les années à venir, qu'il s'agisse d'investissement, de personnel ou de commandes, dont j'ai fait une de mes trois priorités pour 2005.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L'église Saint-Martin, qui est un des joyaux du patrimoine de Lamballe. C'est une église classée, construite pour partie au xiie siècle, pour partie au xvsiècle. Elle est très visitée et était, jusqu'à l'été dernier, ouverte au culte. Elle est désormais fermée, ce qui est un drame à la fois pour la population et pour notre patrimoine.

Des travaux de fond sont nécessaires et vos services y travaillent. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?

Par ailleurs, si le souci de tous est que ces travaux soient entrepris, il est nécessaire de rouvrir l'église au culte et aux visiteurs avant leur achèvement, ce qui semble possible, les dommages étant très localisés. Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous nous apporter ?

Ma seconde préoccupation concerne la taxe parafiscale sur le spectacle.

Jusqu'en 2003, il existait une taxe parafiscale au bénéfice du Centre national de la chanson, de la variété et du jazz. Or celle-ci a été remplacée par une taxe de plein exercice. Il n'y a eu, à l'occasion de ce changement, aucune volonté du législateur ni, j'en suis convaincu, du ministre, de changer l'assiette de la taxe. Mais de fait, l'assiette est en cours de modification. Naguère, cette taxe était collectée par la SACEM comme les droits d'auteur : en étaient exonérées les musiques traditionnelles tombées dans le domaine public.

Or aujourd'hui, le Centre national veut étendre cette taxe aux musiques traditionnelles. Je vous laisse le soin d'imaginer le mouvement d'opinion qui se fait jour dans tout l'Ouest, et notamment en Bretagne. Peut-être cela relève-t-il de la caricature, mais on commence à craindre que cette taxe ne concerne un jour les binious et les bombardes !

Monsieur le ministre, j'espère que vous saurez nous rassurer. Il faut simplement revenir à la situation antérieure où les musiques traditionnelles n'étaient pas taxées. C'est d'ailleurs le régime qui demeure pour la musique classique et pour la musique sacrée. Les responsables des festivals, qui ont été reçus par le Centre national, sont ressortis de cette audience extrêmement déçus, pour ne pas dire plus.

Monsieur le ministre, nous attendons le retour au bon sens. Il n'y avait dans l'évolution juridique aucune volonté de modifier l'assiette. Aussi, ne l'élargissons pas, pour des raisons que nul ne comprendrait.

M. le président. La parole est à M. le ministre.


M. le ministre de la culture et de la communication.
Vous avez abordé, monsieur le député, deux sujets très différents.

En ce qui concerne, tout d'abord, la restauration de l'église Saint Martin de Lamballe, je peux vous assurer du vif intérêt de l'État. La direction régionale des affaires culturelles de Bretagne suit le dossier en étroite concertation avec vous. La seule question qui se pose est celle de la délimitation des travaux les plus urgents, nécessaires pour permettre la réouverture de l'église.

M. Marc Le Fur. Absolument !

M. le ministre de la culture et de la communication. La deuxième étape sera constituée par la restauration elle-même.

Il est donc urgent que les services techniques de la ville de Lamballe et ceux de la DRAC procèdent au recensement le plus précis possible des travaux à effectuer de façon à permettre la réouverture, en attendant une restauration définitive. En tout état de cause, les crédits nécessaires sont disponibles.

En ce qui concerne, ensuite, la menace qui pèserait sur les festivals de musique traditionnelle, je puis également vous rassurer - et je vous charge de transmettre ma réponse au président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont on connaît l'attachement pour la musique bretonne - : il n'est pas question de porter atteinte, de quelque façon que ce soit, à la diversité culturelle et à toutes les formes d'expression artistique. L'ouest de la France, et plus particulièrement la Bretagne, accueille aussi bien les festivals les plus branchés que les plus emblématiques de notre patrimoine. J'y tiens, et je veux garantir aux uns et aux autres leurs capacités de rayonnement.

Quant à la taxe, conçue à l'origine pour être prélevée sur l'ensemble des spectacles, peut-être ne l'était-elle, dans la pratique, que sur une partie d'entre eux. Aujourd'hui, les services font diligence et tentent de corriger la situation. Aucune modification législative ou réglementaire n'est intervenue, mais la simple application de dispositions existantes fait fortement réagir. Il en est de même, d'une certaine manière, de la redevance : elle n'a pas toujours été systématiquement perçue, et maintenant que les services font diligence pour la percevoir comme il faut, ça fait mal.

Je conçois parfaitement que l'application de cette taxe puisse poser des problèmes aux petits festivals, quelle qu'en soit la nature. Je veillerai à ce qu'un point précis soit fait rapidement sur le sujet, et je vous donne l'assurance que les représentants des festivals de musique traditionnelle seront reçus rue de Valois - c'est-à-dire au ministère de la culture, car cette expression générique peut englober également les services situés rue Saint-Dominique.

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Monsieur le ministre, ma question concerne les archives départementales. Actuellement, une informatisation est en cours, mais elle s'effectue, semble-t-il, de façon inégale selon les départements. Où en est-on exactement ?

Les Français s'intéressent de plus en plus à la généalogie et à l'histoire locale. Comment les archives font-elles face à cette demande extrêmement forte ?

Dans de nombreux départements, il a été créé des réseaux informatiques qui permettent aux historiens généalogistes amateurs de consulter à distance sans aller embouteiller les archives départementales. Comment votre ministère s'implique-t-il financièrement pour aider les départements ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Depuis les lois de décentralisation de 1983, les archives départementales relèvent des conseils généraux, sous le contrôle scientifique et technique de l'État. L'informatisation des services est donc de leur compétence.

Cette notion d'informatisation recouvre deux types d'opérations. Le premier concerne le fonctionnement interne des services, qu'il s'agisse de leur gestion administrative ou documentaire. Aujourd'hui, 82 services départementaux et 287 services d'archives communales sont équipés d'un logiciel spécialisé de gestion d'archives. L'aide de l'État se manifeste alors essentiellement dans le conseil et le contrôle scientifique et technique, notamment en vérifiant la compatibilité des progiciels existants sur le marché avec les normes de description documentaire préconisées. Sur le plan financier, des aides sont apportées par les DRAC sur des projets particuliers.

Le second type d'opération correspond au développement de la numérisation des documents, d'une part, et d'autre part de leur mise en ligne pour faciliter l'accès du public - c'est vous dire, monsieur Mathus, si nous croyons à Internet. Il s'agit évidemment d'un mouvement plus récent et qui concerne un nombre plus réduit de services. Aujourd'hui, 62 services départementaux numérisent ou font numériser leurs documents ; 63 sont présents sur Internet, dont 28 qui diffusent leur catalogue en ligne et 4 qui permettent l'accès direct à des documents.

Il convient en premier lieu de rappeler, puisque les généalogistes ont été évoqués, que le portail France-généalogie, inauguré en juin 2003, a été développé en partenariat étroit, sur les plans financier et technique, entre le ministère et la Fédération française de généalogie. Il offre actuellement des liens vers les ressources utiles à la recherche. La deuxième phase de développement de ce site est en cours, qui débouchera sur des améliorations sensibles pour les usagers, dont notamment la possibilité d'interroger par nom de personne, au moyen d'un formulaire de saisie unique, de nombreuses bases de données généalogiques différentes.

En deuxième lieu, le ministère apporte des aides directes à des opérations de numérisation initiées par les départements, soit dans le cadre du plan national de numérisation, financé sur des crédits de recherche et piloté par la mission recherche et technologie du ministère, soit par les DRAC, grâce aux crédits d'intervention déconcentrés dont elles disposent.

Voilà, monsieur le député, un exemple qui montre que l'on peut conduire une politique décentralisée des archives et lancer en même temps de grandes opérations nationales - songeons à la future cité des archives de Pierrefitte-sur-Seine -, avec la responsabilité la plus équitablement partagée entre l'État et les départements.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits de la culture seront mis aux voix à la suite des crédits de la communication.

Après l'article 62

En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement, n° 1, tendant à insérer un article additionnel après l'article 62.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Cet amendement a trait à la copie privée, qui n'est pas une petite affaire : on estime qu'en 2004 la taxe sur la copie privée pourrait rapporter environ 160 millions d'euros, qui sont confiés aux sociétés de gestion collective des droits et répartis ainsi aux auteurs, à la création et, pour une part, au spectacle vivant.

Or cette taxe est menacée, pour plusieurs raisons. Premièrement, son socle juridique est aujourd'hui faible. La commission qui en fixe le montant est régulièrement contestée et sa légitimité parfois mise en cause.

Deuxièmement, la multiplication des mesures de protection technique - les MTP - a malheureusement rendu, dans les faits, la copie privée presque impossible. En effet, un CD ou un DVD est aujourd'hui presque toujours verrouillé, ce qui interdit toute duplication. Dans leurs excès, les industriels ont même mis sur le marché des CD illisibles sur des autoradios. Bien évidemment, les organisations de consommateurs contestent le paiement de cette taxe et s'estiment spoliés : ils ne peuvent plus exercer dans la réalité le droit auquel celle-ci correspond. Or, je le répète, les volumes financiers en jeu sont considérables.

Pourtant, il faut défendre cette taxe, car elle fait partie de cet ensemble de règles qui distinguent le droit d'auteur à la française du copyright américain. C'est la raison pour laquelle je milite en sa faveur et j'estime qu'elle doit être sauvée. Cet amendement, en consolidant ses bases législatives, permettrait d'éviter sa contestation.

Il reste que le ministère s'honorerait à mener une action un peu plus énergique contre les industriels du disque pour les empêcher de mettre en place, sans la moindre concertation, ces mécanismes dits « DRM » ou « MTP », parfaitement contraires à la loi du 3 juillet 1985, et qui à ce titre justifieraient des poursuites judiciaires - certaines ont d'ailleurs déjà commencé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. La commission n'a pas été saisie de cet amendement. En ce qui me concerne, je vois un léger paradoxe dans l'exposé de M. Mathus : il propose la suppression de la taxe pour copie privée, dont il affirme qu'elle n'a plus lieu d'être puisque l'on ne peut plus procéder techniquement à la copie, mais il demande d'en faire un nouvel impôt. À titre personnel, je m'oppose à toute forme de nouvel impôt. En outre, le prélèvement au titre de la copie privée est fixé par une commission composée de professionnels et de représentants des consommateurs qu'il serait une erreur de réduire à un rôle consultatif. Il faut préserver la souplesse de ce dispositif fondé sur la concertation, un principe auquel le Gouvernement est très attaché. Je me prononce donc contre cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. L'avis du Gouvernement est défavorable.

L'amendement proposé vise à reprendre sous forme législative les décisions prises par la commission prévue par l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle dite « commission de la copie privée », qui fixe le barème de la rémunération pour copie privée sur les supports vierges d'enregistrement analogiques et numériques.

Contrairement à ce que laisse entendre l'exposé sommaire de l'amendement, la rémunération pour copie privée a bien un fondement législatif depuis la loi du 3 juillet 1985.

Je tiens à préciser que les décisions de cette commission sont publiées au Journal officiel et sont entrées en vigueur depuis plusieurs années conformément à la loi. Elles ont été validées par le Conseil d'État.

Cette commission a le grand mérite de pratiquer une méthode de négociation, qui prend en compte - ce qui n'est pas toujours facile, comme vous pouvez l'imaginer - la diversification des supports ainsi que le fait, qui n'est contesté par personne, que ces supports servent à d'autres usages que celui de la copie privée. Je remarque d'ailleurs - puisque vous proposez de reprendre le même barème dans votre amendement - que vous ne remettez pas en cause la validité des calculs de la commission ni le sérieux de son travail de négociation. En conséquence, il ne me paraît pas souhaitable de la rendre purement consultative.

Il y aurait par ailleurs une certaine contradiction à traiter, comme le proposent les auteurs de l'amendement, une rémunération - de nature privée - comme une imposition. La directive du 22 mai 2001 sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, qui fait obligation aux États membres autorisant la copie privée sur leur territoire de mettre en place un mécanisme de rémunération équitable des titulaires de droits, confirme implicitement que celle-ci ne constitue pas une taxe.

Enfin, les auteurs de l'amendement s'inquiètent de ce que la mise en œuvre des mesures techniques de protection constitue un obstacle à ce que l'on appelle un peu abusivement le « droit à copie », et qui est en réalité une exception au droit d'auteur. Il n'est pas facile de faire comprendre à nos concitoyens en quoi consiste le droit d'auteur. Celui-ci est la protection de la liberté de création elle-même. Il est donc important de faire apparaître que la rémunération pour copie privée n'est pas une imposition.

La copie privée doit donc être pratiquée, comme toute exception, de façon mesurée et dans le cadre des limites posées par la directive elle-même.

L'exception ne doit pas avoir de caractère général, ne pas entraîner un préjudice injustifié aux ayants droit ni faire obstacle à l'exploitation normale de l'œuvre.

La mise en place de mesures techniques de protection n'a d'autre but que de lutter contre le piratage - qu'il convient, il est vrai, de dénommer autrement, tant la piraterie, pour les plus jeunes de nos concitoyens, est une notion sympathique ! Il faudrait faire preuve de créativité sémantique pour trouver un terme susceptible de faire mieux comprendre la nature des enjeux.

Ces mesures de protection, je le répète, ne peuvent être perçues comme un élément de censure, de castration de la liberté artistique.

Ces questions font actuellement l'objet d'une réflexion conjointe des ministres de la culture et de l'industrie dans le cadre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, placé auprès du ministre de la culture, et d'un groupe de travail animé conjointement par ce ministère et celui de l'industrie, dans le cadre de la transposition de la directive du 22 mai 2001, très attendue, je le sais, dans cet hémicycle...

M. Patrick Bloche. En effet !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...et que le calendrier parlementaire devrait rendre possible au mois de janvier.

Le projet de loi prévoit un dispositif permettant d'assurer aux ayants droit comme aux usagers le maintien de la faculté de faire des copies privées. Le Gouvernement, qui est attaché à la diffusion des œuvres autant qu'à la garantie de conditions justes de rémunération des auteurs et artistes, veillera à ce que le dispositif équilibré des articles L. 311-5 et suivants du code de la propriété intellectuelle puisse être conservé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir accepté de ne pas trop regarder la pendule. C'était, je crois, une façon d'apporter votre soutien le plus actif à ce débat. Le budget de la culture, vous l'avez illustré par votre attitude, n'est pas accessoire : il est au coeur de l'activité politique du Parlement et du Gouvernement, et il est essentiel pour l'avenir de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J'en suis convaincu, monsieur le ministre.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'à vendredi 19 novembre, matin, a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

    3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 (n° 1830).

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Intérieur :

Sécurité intérieure, gendarmerie et administration générale et territoriale :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 26, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Sécurité intérieure :

Avis, n° 1868 tome 1, de M. Gérard Léonard, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Sécurité civile :

Avis, n° 1868 tome 2, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Collectivités territoriales :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 27, de M. Marc Laffineur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Administration générale et collectivités locales :

Avis, n° 1868 tome 3, de M. Manuel Aeschlimann, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot