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Deuxième séance du vendredi 5 novembre 2004

45e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie concernant l'industrie, la poste et les télécommunications.

La parole est à M. Hervé Novelli,  rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'industrie.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'industrie. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, le budget de l'industrie pour l'année 2005 est le dernier − non pas pour vous, monsieur Devedjian,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Sait-on jamais ?

M. le président. Il est très imprudent de parler ainsi, monsieur Novelli ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. ...qui êtes un bon ministre et à qui nous tenons −, mais avant que n'entre en vigueur la nouvelle présentation qui sera faite en application de la récente loi organique relative aux lois de finances.

Cette nouvelle présentation sera fort utile, car il est aujourd'hui bien difficile d'avoir une vision complète du budget du ministère de l'industrie, compte tenu de la fusion des moyens et de la dispersion des actions menées dans le cadre du ministère de l'économie et des finances.

Il est cependant possible de définir ce budget par quelques constatations simples. Ainsi, il se caractérise par une relative stabilité par rapport à 2004, la dotation augmentant cependant de 2,5 % en 2005. Tel qu'il apparaît dans le projet de loi de finances pour 2005, il s'élève à 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Il se caractérise aussi − et surtout − par une concentration des actions en faveur de l'innovation et de la compétitivité des entreprises.

La stabilité d'ensemble des crédits de l'industrie cache des évolutions contrastées, avec, d'une part, la stabilité des crédits consacrés à la politique de l'énergie et des matières premières, et, d'autre part, la hausse des crédits consacrés à l'innovation, mais aussi à l'accompagnement des restructurations industrielles.

Les crédits consacrés à la politique de l'énergie et des matières premières sont donc stables, s'élevant à 706 millions d'euros. Dans ce contexte, l'ADEME bénéficie en 2005 d'une progression de 3 % des crédits en provenance du budget de l'industrie. Il s'agit en fait d'un rattrapage : la dotation de fonctionnement a très faiblement évolué en cinq ans, alors que l'activité de l'établissement a fortement crû, notamment depuis l'arrivée de son nouveau président.

Les moyens de la Commission de régulation de l'énergie − la CRE − sont renforcés pour la troisième année consécutive, dans le contexte de l'accélération de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. Son budget progresse en effet de 12 %, soit une dotation de 15 millions d'euros. Je m'en félicite, mais suis convaincu que cette subvention devra encore augmenter dans les prochaines années. En effet, les missions de la CRE ne cessent de s'élargir, car, avec la libéralisation des marchés, les besoins de régulation du secteur sont de plus en plus importants. La CRE doit disposer de moyens suffisants pour remplir sa mission. Or, si l'on compare sa situation avec celle des organismes européens équivalents, il apparaît que ceux-ci disposent de moyens plus importants. Ainsi, avec dix emplois et 1 million d'euros de budget pour 100 TWh, la CRE figure parmi les régulateurs dotés des moyens les plus faibles. Au Royaume-Uni, le régulateur compte trois fois plus de personnels et dispose d'un budget plus de trois fois supérieur − 50 millions d'euros, contre 14 millions pour la CRE. En proportion de la consommation d'énergie, le nombre d'emplois est encore deux fois plus élevé au Royaume-Uni.

Le régulateur britannique est financé par des prélèvements sur les opérateurs. Monsieur le ministre, une discussion devrait être engagée sur l'opportunité d'attribuer à la CRE une taxe affectée, comme il en existe dans de nombreux pays européens − au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique, en Espagne, au Danemark, en Autriche, en Irlande, soit neuf pays au total, sans compter les trois où le régulateur est partiellement financé par la taxe : le Portugal, la Suède et la Finlande.

Monsieur le ministre, je vous vois sourire et devine ce que vous allez me dire : « Enfin, quoi ? M. Novelli, partisan d'une nouvelle taxe ? » (Sourires.) La contradiction n'est qu'apparente. Cette taxe permettrait à l'avenir de financer la CRE dans de bonnes conditions de régulation et, pour que le prélèvement reste constant, nous pourrions obtenir des économies équivalentes dans l'administration centrale du ministère que vous dirigez.

M. le ministre délégué à l'industrie. Mais faisons ces économies de toute façon !

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. J'y suis en tout cas fort favorable et ne voudrais pas que l'on me fasse passer − même si je sais que telle n'est pas votre intention − pour un taxateur forcené.

En ce qui concerne le secteur de l'électricité, la situation d'EDF mérite de retenir notre attention. Une commission nommée par le ministre des finances et présidée par M. Marcel Roulet doit remettre, le 15 novembre...

M. Christian Bataille. Le 16 !

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. ... un rapport sur le projet industriel et financier d'EDF. S'il est regrettable et paradoxal que cette commission, qui doit évaluer pour une large partie les besoins financiers d'EDF et dans laquelle siègent plusieurs parlementaires, ne compte en son sein aucun membre de la commission des finances, il est, à mes yeux, un sujet de préoccupation plus important : la soulte que les industries électriques et gazières doivent verser à la CNAV. Son montant a été réévalué, afin de satisfaire aux légitimes demandes de la CNAV et pour que le régime général ne soit pas lésé. Cependant, encore une fois, cette soulte va être financée en partie par une taxe sur le transport et la distribution de l'électricité : c'est donc, in fine, l'usager qui paiera les avantages de retraite des salariés de l'industrie électrique et gazière.

M. Christian Bataille. C'est l'usager qui va payer la privatisation !

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. La plus simple équité exige que l'on engage enfin la réforme des régimes spéciaux, qui n'a pas encore été menée.

M. Jean Dionis du Séjour. L'UDF l'a dit !

M. le ministre délégué à l'industrie. Si l'UDF l'a dit...

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Le mode de financement de la soulte est d'autant plus important qu'il crée un précédent pour les autres régimes spéciaux de retraite du secteur public.

Quant à la subvention de l'Institut français du pétrole, elle baisse de 4 %, et, surtout, est inférieure au montant que l'État s'est engagé à verser lorsqu'il a signé le contrat d'objectifs avec l'Institut. Jusqu'en 2002, l'IFP était financé par une taxe parafiscale. Depuis l'exercice 2003, il bénéficie − et c'est heureux − d'une dotation budgétaire, dont le contrat prévoit qu'elle sera de 200 millions chaque année de 2003 à 2005. Or, 192 millions d'euros seulement sont inscrits pour 2005. C'est un point important, car la parole de l'État a été engagée. Le Gouvernement doit trouver des ressources supplémentaires − et je vous fais confiance pour cela, monsieur le ministre. Sans doute peut-on envisager des restructurations dans les participations de l'IFP, afin d'arriver à la dotation initialement prévue dans le contrat pluriannuel.

Enfin, les moyens affectés au Commissariat à l'énergie atomique sont maintenus, à hauteur de 419 millions d'euros. La subvention de l'État représente 55 % des ressources du CEA, dont un peu moins de la moitié en provenance du budget de l'industrie.

Les crédits consacrés au soutien à l'innovation et à la compétitivité des entreprises sont renforcés, ce dont je me félicite, car l'innovation est un facteur clé de la croissance, et la position technologique de la France, depuis quelques années, est en retrait : aujourd'hui, 50 % de la croissance américaine est liée aux dépenses d'innovation des années antérieures, notamment dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Un budget global de 648 millions d'euros est prévu pour financer les actions de soutien au développement des entreprises.

La position de l'ANVAR, au centre des dispositifs de soutien à l'innovation, est renforcée. Depuis cette année, elle gère l'ensemble de ces aides. En 2005, elle recevra en plus les aides du réseau de recherche sur les technologies pétrolières et gazières.

Dans le cadre de la simplification fort attendue des dispositifs d'aide aux PME, l'ANVAR et la Banque de développement des PME, la BDPME, vont être regroupées dans une agence des PME. Bien que favorable aux initiatives permettant de rationaliser l'organisation administrative et de simplifier la vie des entreprises, je crois − et c'est d'ailleurs ce que j'avais proposé l'an dernier − qu'il aurait été plus judicieux de fusionner les délégations régionales de l'ANVAR et le solide réseau des DRIRE, qui gèrent déjà de nombreux dispositifs de soutien au développement des PMI. L'objectif de simplification est compréhensible, mais il convient de rechercher la meilleure synergie possible.

La dotation d'intervention de l'ANVAR en faveur de l'innovation augmente de 10 %, pour atteindre 90 millions d'euros. Les crédits budgétaires destinés au soutien direct de l'innovation progressent globalement de 9 %. Ils s'établiront à 171 millions d'euros, dont 158 millions pour le seul fonds de compétitivité des entreprises.

Les crédits destinés à la compensation de l'allégement des cotisations sociales patronales des jeunes entreprises innovantes augmenteront de 10 millions d'euros et seront portés, en 2005, à 35 millions d'euros. Cette aide, créée en 2004, s'intégrera désormais dans le nouveau dispositif des pôles de compétitivité.

La dotation aux écoles des mines est maintenue à 107 millions d'euros.

La forte baisse de la dotation aux centres techniques industriels − 41 % − est la conséquence de la débudgétisation progressive des subventions allouées aux centres professionnels de développement économique − les CPDE − et aux CTI qui l'ont choisie. Ces organismes sont désormais financés par des taxes affectées. Comme ils sont très utiles aux entreprises, je me félicite qu'une solution ait été trouvée pour pérenniser leur financement. La loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement précise, grâce à un amendement que j'avais présenté, que les CPDE exercent une mission de service public et peuvent, comme les CTI, percevoir une taxe affectée. Si une solution n'avait pas été trouvée, les CPDE auraient été menacés de disparition : je suis donc très satisfait que le Gouvernement ait réglé le problème.

Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que certains CTI ont choisi de conserver la solution de la dotation budgétaire. Dès lors, il convient de ne pas léser ces organismes, en leur attribuant les moyens financiers nécessaires à leur activité.

Rappelons que la politique industrielle de la France s'inscrit dans le cadre de la politique industrielle européenne. Celle-ci repose avant tout sur la garantie d'un environnement concurrentiel, mais l'encouragement de l'innovation fait également partie de la politique communautaire. Ainsi, l'Union soutient des programmes de coopération entre industrie et recherche, notamment dans le cadre de l'initiative Eurêka. À titre d'exemple, le premier programme européen dédié à la sécurité de l'approvisionnement et à la décarbonisation de la chaîne énergétique a été lancé, sous le nom d'Eurogia. Je tiens à souligner que les projets validés par Eurêka viennent toujours de l'initiative des industriels eux-mêmes, et que l'investissement public dans ces projets est corrélé à l'investissement privé. C'est là un bon exemple de coopération.

Encore faut-il, monsieur le ministre, que la gestion budgétaire suive les priorités affichées dans le projet de loi de finances. Or, on remarque, et cette observation ne vaut pas uniquement pour l'année 2005, que ce sont les organismes qui concourent à la recherche et à l'innovation qui font chaque année l'objet des mesures de régulation les plus importantes. Le CEA et l'IFP - j'en ai parlé il y a un instant - voient chaque année une part importante de leurs dotations gelées ou annulées - en 2004, 21 millions d'euros sont gelés sur le budget de l'IFP et 34 millions d'euros sur celui du CEA. La CRE fait aussi partie des organismes victimes des gels. Il y a là un paradoxe que je souhaite souligner devant vous.

Le discours du Gouvernement sur la recherche et l'innovation me semble pertinent, mais il faut veiller à ce que les mesures de régulation budgétaire ne soient pas uniquement ciblées, par facilité, sur les organismes de recherche. Les administrations centrales pourraient certainement réfléchir à d'éventuelles économies ou gels les concernant. De ce point de vue, la LOLF sera la bienvenue pour donner de la souplesse dans les choix de régulation.

Enfin, la poursuite de l'accompagnement des restructurations industrielles constitue la troisième orientation importante du budget. Les crédits sont en augmentation de 9 %.

Les moyens consacrés à la gestion de l'après-mines augmentent de 24 %, passant de 527 à 654 millions d'euros. C'est la prise en charge par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs nouvellement créée qui explique l'augmentation des crédits. L'État garantira, à travers cet établissement public, l'ensemble des droits sociaux des mineurs, après la disparition des entreprises minières et ardoisières, à l'exception de ceux qui relèvent du régime spécial de sécurité sociale.

Les ressources de la nouvelle agence seront principalement constituées d'une subvention de l'État de 546 millions d'euros. Cette dotation provient, à hauteur de 422 millions d'euros, d'un transfert de la dotation aux Charbonnages de France. Le reste de la dotation est une mesure nouvelle, par laquelle l'État prend en charge les pensions de retraites anticipées des mineurs, qui auparavant étaient assumées par les Charbonnages. Toutefois, sachant que Charbonnages est une entreprise en déficit structurel dont l'État accompagne la cessation de l'exploitation, il ne s'agit pas réellement d'une nouvelle charge pour le budget de l'État.

Par ailleurs, les aides à la construction navale passent de 70 millions d'euros en 2004 à 21 millions en 2005.

Enfin, les crédits consacrés à la revitalisation des bassins industriels sinistrés sont en légère baisse. S'agissant de leur gestion budgétaire, je remarque chaque année que les crédits des restructurations industrielles sont mal consommés - entre 50 et 70 % selon les années. Je tiens à rappeler que la Cour des comptes avait critiqué le faible taux de consommation de ces crédits. Je ne peux que réitérer la demande que j'avais déjà faite il y a deux ans de réduire, voire de supprimer, ces lignes budgétaires. À mon avis, ces moyens auraient d'ailleurs davantage leur place au ministère des affaires sociales plutôt qu'au sein du budget du ministère de l'industrie.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais faire quelques remarques concernant la présentation des crédits de l'industrie selon l'architecture prévue par la LOLF.

Ces crédits se déclinent en six programmes. Quatre programmes se trouvent dans la mission « Développement des entreprises », qui dépend entièrement du ministère de l'économie, deux programmes appartiennent à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Les crédits du CEA, de l'IFP et une partie des crédits de l'ANVAR et de l'École des mines se retrouvent dans cette mission.

Le programme « Passifs financiers miniers » fonctionnera dès 2005, puisqu'il fera l'objet d'une expérimentation.

Il convient de noter que l'ensemble des crédits de fonctionnement des DRIRE, ainsi que leurs crédits d'intervention, sont regroupés dans le même programme « Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel ». Cela constitue à mon sens un progrès dans la lisibilité de l'emploi des moyens.

Les opérateurs du secteur, ou leur tutelle, sont placés dans des programmes séparés des régulateurs. Par exemple, la CRE se trouve dans le programme « Régulation et sécurisation des échanges », alors que la tutelle d'EDF et GDF se trouve dans le programme « Développement des entreprises ». Cette séparation, qui vise à distinguer les fonctions et intérêts divergents - la séparation juridique des opérateurs et des régulateurs correspond à la réglementation communautaire -, est compréhensible. Toutefois, il ne faut pas qu'elle nuise au contrôle parlementaire.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est un budget recentré sur le cœur de l'action des pouvoirs publics vers l'industrie, à savoir l'innovation et la compétitivité des entreprises. C'est donc un bon budget, un budget qui doit préparer l'avenir, et il s'y emploie, un avenir confronté aux défis de la mondialisation des échanges. Je recommande donc à mes collègues l'adoption de ces crédits, déjà votés par la commission des finances de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'industrie.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'industrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, le projet de loi de finances est dominé par la plus grande réduction du déficit jamais intervenue dans une seule année. Malgré cet effort indispensable mais rigoureux, les crédits du ministère de l'industrie ne sont pas sacrifiés, ce qui marque l'engagement du Gouvernement en faveur de ce secteur essentiel pour notre économie.

Ainsi, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement progressent de 1,4 %. En croissant à un rythme proche de la croissance moyenne des dépenses civiles de l'État et de l'inflation prévue, elles connaissent une évolution beaucoup plus favorable que l'ensemble des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui reculent de 1,1 % à périmètre constant.

Les autorisations de programme progressent, quant à elles, très fortement pour atteindre 1 131 millions d'euros, contre 473 millions d'euros en 2004. Cette évolution résulte toutefois d'un changement de nomenclature important concernant les subventions au secteur minier.

Cette évolution d'ensemble satisfaisante permet la poursuite de plusieurs priorités.

La première de ces priorités est la solidarité pour la gestion de l'après-mines.

Les crédits correspondants sont présentés dans le cadre d'un programme expérimental anticipant la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois des finances. Cette nouvelle présentation entraîne des évolutions comptables qui ne traduisent pas l'évolution réelle des moyens.

L'effet de changement de nomenclature neutralisé - et je renvoie sur ce point à mon rapport écrit -, deux augmentations substantielles de crédits apparaissent.

D'une part, une très forte augmentation des moyens consacrés à la prévention des dégâts miniers, qui ont plus que doublé en deux ans, ce qui permettra de mieux prévenir les affaissements miniers qui conduisent, localement, à des situations dramatiques.

D'autre part, de nouvelles ressources sont dégagées pour financer les prestations sociales aux anciens mineurs. Nous avions adopté, à l'initiative de nos collègues Richard Maillé et Michel Sordi, une proposition de loi garantissant les droits de ces travailleurs qui ont véritablement alimenté le redressement économique de notre pays après la guerre. Je suis heureux que la nation, à travers ce budget, continue de leur manifester sa gratitude en organisant le financement de la nouvelle agence pour la garantie des droits des mineurs.

La deuxième priorité de ce budget est la régulation avec la poursuite de l'augmentation régulière des moyens de la Commission de régulation de l'énergie, le projet de loi de finances pour 2005 prévoyant d'augmenter de plus de 12,1 % les moyens de fonctionnement qui lui sont alloués et d'accroître son effectif budgétaire de douze postes.

Naturellement, cet effort devra être poursuivi l'année prochaine pour tenir compte de l'augmentation prévisible de la charge de travail de la CRE compte tenu de l'élargissement intervenu cet été de la part de marché ouverte à la concurrence, élargissement qui conduira probablement à augmenter le nombre de différends dont la CRE est saisie.

Enfin, la dernière priorité, qui est la plus importante, est le soutien à l'innovation.

Les dotations allouées à la recherche, l'innovation et au développement des PMI regroupées dans l'agrégat 22 progressent, en effet, de plus de 20 % en autorisations de programme tandis que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement sont maintenus.

Cette évolution globale des crédits de l'agrégat 23 permet une forte progression des moyens soutenant les grands programmes de recherche industrielle par l'intermédiaire du fonds de compétitivité des entreprises du chapitre 66-02, dont les crédits de paiement augmentent de 10,5 % et les autorisations de programme de 11,27 %.

Je tiens également à relever l'augmentation de 40 % des crédits destinés à la compensation du dispositif d'exonération de charges sociales au profit des jeunes entreprises innovantes créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et qui rencontre un grand succès.

Il convient, en outre, de noter qu'en complément du renforcement des subventions, le soutien budgétaire à l'innovation repose largement sur des incitations fiscales, fortement renforcées par le projet de loi de finances pour 2004, notamment avec la réforme du crédit d'impôt recherche. Celle-ci permet une très vive augmentation du soutien fiscal à l'innovation, le projet de budget pour 2005 évaluant la dépense fiscale liée au crédit d'impôt recherche pour cette année à 730 millions d'euros, en augmentation de 46 % par rapport à l'année dernière.

Je me félicite de ces évolutions compte tenu de l'importance de la recherche industrielle pour la compétitivité de notre économie et je tiens à souligner l'attachement unanime de la commission des affaires économiques à une politique publique vigoureuse de soutien à la recherche industrielle.

Je ne vous présenterai pas le détail de l'évolution des crédits pour chacun des autres agrégats budgétaires, dont vous trouverez l'analyse dans mon rapport écrit, je préfère évoquer de manière plus précise les crédits affectés au secteur de l'énergie et des matières premières.

Les autorisations de programme de l'agrégat correspondant progressent de plus de 20 % alors que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement sont quasiment stables.

J'ai déjà évoqué la progression des moyens de la Commission de régulation de l'énergie qui figurent au sein de ces agrégats.

Deux autres points me paraissent devoir être soulignés.

Le premier est l'apparition d'une nouvelle ligne budgétaire, appelée « partenariat mondial de lutte contre les menaces » et dotée de 22 millions d'euros en autorisations de programme et de 11,7 millions d'euros en crédits de paiement.

Elle assurera le financement de la contribution française à un programme décidé lors du sommet du G8 de 2004 et dont l'objet est la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, notamment par l'élimination de 34 tonnes de plutonium militaire russe et américain conformément à un accord de réduction des armements conclu entre ces deux pays.

Ce projet, dont le CEA est un acteur majeur, fait largement intervenir la technologie française de recyclage, qui a été retenue pour la partie américaine et qui sert de référence pour sa réalisation en Russie. Le plutonium doit être transformé en combustible MOX pour être utilisable dans des centrales civiles.

Je profite de la présentation de ce nouvel article budgétaire pour m'étonner, une fois de plus, de l'agitation parfaitement injustifiée récemment entretenue à l'occasion de l'arrivée de plutonium américain à Cherbourg par quelques activistes se réclamant de l'écologie. Dans cette affaire, comme pour tout ce qui concerne les déchets nucléaires en général, je comprends mal comment des gens peuvent s'opposer systématiquement à des actions qui visent justement à résoudre les problèmes qu'ils n'ont de cesse de dénoncer.

Le second point notable dans cet agrégat budgétaire concerne la subvention à l'Institut français du pétrole, qui est, comme vous le savez, un centre de recherche et de formation de premier plan au niveau mondial, dont l'action s'inscrit résolument dans une perspective de développement durable.

Ses recherches visent à maximiser les ressources d'hydrocarbures disponibles qui seront nécessaires pour faire face à la croissance considérable des besoins mondiaux en énergie et à développer des solutions techniques permettant de réduire l'impact sur l'environnement de l'utilisation de ces combustibles. Elles sont donc particulièrement nécessaires dans le contexte du nouveau choc pétrolier que nous sommes en train de vivre.

Or la subvention allouée à l'IFP recule, cette année, de 4 %. Cette évolution est d'autant plus regrettable qu'un contrat d'objectifs conclu entre l'État et l'IFP prévoyait la stabilité du financement de cet organisme. L'État, sur ce point, ne respecte donc pas ses engagements, alors que la stabilité des financements est particulièrement nécessaire dans le secteur de la recherche, qui nécessite l'engagement d'actions de long terme.

Cette situation est regrettable, mais elle s'explique par le contexte de rigueur budgétaire, et la commission des affaires économiques peut l'accepter. En revanche, il ne serait pas admissible d'aller au-delà, et notamment de remettre en cause des dotations votées pour 2004.

Tels sont les éléments qui me paraissaient devoir être soulignés dans le projet de budget et qui ont conduit la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'industrie pour 2005.

Mais, au-delà de l'analyse des crédits, la discussion de la loi de finances est traditionnellement également l'occasion d'évoquer les politiques conduites qui n'ont pas systématiquement de traduction budgétaire.

Cette année, compte tenu notamment de la très vive augmentation des prix du pétrole, je souhaite évoquer la politique énergétique du Gouvernement, dont le volontarisme et la cohérence n'ont pas été suffisamment soulignés.

Tout d'abord, le renouvellement de notre parc électronucléaire a enfin été engagé grâce à la décision politique de lancer la construction d'un nouveau réacteur - l'EPR -, décision mise en œuvre avec diligence par EDF qui vient d'annoncer le choix du site de Flamanville.

Cette décision, nécessaire pour garantir la sécurité d'approvisionnement électrique non seulement de la France, mais de l'Europe continentale tout entière, conforte, en outre, une filière industrielle d'excellence dont les perspectives à l'export sont très importantes, vers la Chine notamment.

Je note également que, pour la première fois, une décision majeure de politique énergétique a été prise dans la transparence et par un processus démocratique, puisque la proposition de construction de ce réacteur, initialement formulée par votre prédécesseur, monsieur le ministre, puis discutée dans le pays à l'occasion d'un grand débat national, a ensuite été approuvée par le Parlement lors de la discussion de la loi d'orientation sur l'énergie.

Le deuxième axe de cette politique est le soutien des énergies renouvelables, notamment de celles se substituant à des combustibles fossiles. Ce soutien a fait l'objet de mesures fortes prévues par la loi d'orientation sur l'énergie dont la plus importante, le renforcement du crédit d'impôt, a été reprise dans la loi de finances avant que soit garantie sa mise en œuvre rapide. En outre, des amendements parlementaires garantissant la promotion des biocarburants ont été adoptés dans la première partie du projet de loi de finances.

Il est très heureux que le Gouvernement, conformément à la position prise par le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lorsqu'il présentait le projet de loi d'orientation sur l'énergie, ait su faire primer, dans ces domaines, l'impératif de développement durable sur les considérations budgétaires.

Enfin, le troisième axe d'action est la relance de la politique d'économie d'énergie grâce aux nouveaux instruments que seront les certificats d'économie d'énergie et à la sensibilisation du grand public par des campagnes de communication.

Tous les instruments permettant de limiter notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles importés et de lutter contre le changement climatique ont donc été mobilisés.

Mais la politique énergétique, c'est également la politique industrielle dans le secteur de l'énergie, c'est-à-dire la préparation de l'avenir de nos grandes entreprises publiques EDF et GDF, que l'immobilisme condamnait au déclin.

Là aussi, une réforme a été réalisée pour moderniser le statut de ces entreprises, afin de leur donner les moyens de poursuivre leur développement. Cette réforme a, en outre, permis - il faut le rappeler - de régler le problème des retraites des agents des industries électriques et gazières, garantissant ainsi le service des pensions et évitant la faillite comptable d'EDF et de GDF qui aurait été inéluctable si rien n'avait été fait.

Cette réforme essentielle apparaîtra chaque jour davantage comme évidente. Elle était pourtant très difficile, certains la jugeant même impossible. C'est donc l'honneur de la majorité d'avoir eu le courage de l'engager néanmoins et je veux saluer la capacité de conviction et d'écoute du ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et du ministre délégué à l'industrie, qui ont su réussir cette réforme avec les personnels concernés, et non contre eux.

C'est aujourd'hui à ces personnels, conduits par des directions renouvelées, qu'il appartient de poursuivre l'histoire faite de succès de ces deux entreprises en saisissant la chance que constitue ce nouveau cadre juridique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la poste et les télécommunications.

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la poste et les télécommunications. Dans le cadre du mouvement actuel d'ouverture à la concurrence au niveau européen, telle que voulue par le Conseil de l'Union européenne, les secteurs des postes et télécommunications ont en commun de connaître des mutations technologiques profondes et de représenter des enjeux majeurs dans l'organisation de l'offre de services à nos concitoyens. Ils ont ainsi en commun de remplir des missions de service public nécessaires aux Français, pour ne citer que la distribution du courrier à domicile ou la couverture de 100 % du territoire en moyens de télécommunication.

Un autre point commun est l'intervention, ou tout au moins le rôle, essentiel, de l'État. La Poste et France Télécom assument des missions de service public et, à l'évidence, l'État se trouve placé face à des responsabilités déterminantes dans la définition de leurs objectifs. C'est pourquoi il convient de s'engager dans une clarification du rôle de l'État actionnaire, d'une part, et du rôle de l'État régalien, d'autre part, ce qui devra permettre à la représentation nationale d'exercer son contrôle de la façon la plus éclairée et la plus efficace possible.

Il s'agit donc de définir le plus complètement possible les missions de service public remplies, afin de permettre à La Poste et à France Télécom d'être soutenues à due concurrence des efforts engagés pour ne pas affecter leurs comptes d'exploitation. Je pense en effet, et il faut l'affirmer, qu'il n'y a pas de contradiction entre l'ouverture à la concurrence et l'accomplissement de missions de service public voulues par le Gouvernement et soutenues par l'État.

Plus précisément, concernant le projet de budget pour 2005, l'importance du secteur ne se mesure plus au montant de ses crédits affectés s'agissant maintenant de deux entreprises largement soumises à la concurrence. L'État finance néanmoins certaines actions au titre de la régulation ou du financement de missions de service public. Il s'agit d'un budget somme toute modeste, mais maintenu par rapport à l'an dernier.

L'ART, d'abord. Les gels sur le budget de l'Autorité de régulation des télécommunications, de l'ordre du million d'euros, sont préoccupants. Si l'on comprend la nécessité de la régulation budgétaire, il est souhaitable qu'elle soit mieux programmée.

Le soutien public à l'enseignement des écoles et à la recherche en matière de télécommunications est déterminant et doit être maintenu. Il conviendra ainsi d'œuvrer pour inciter les entreprises du secteur à travailler en partenariat avec les écoles concernées, puisqu'il s'agit de secteurs essentiels pour le développement des activités sur l'ensemble du territoire, comme d'ailleurs au plan international.

Il faut se féliciter de la création, en application de la loi organique sur les lois de finances - LOLF -, d'une action spécifique sur la poste et les télécommunications, qui se justifie par leur spécificité, notamment au regard des missions de service public expressément mentionnées dans la description des objectifs. Le seuil de l'indicateur retenu sur la couverture en Internet haut débit pourrait être relevé à 512 kilo-octets. C'est la moindre des choses. En outre, un autre indicateur, celui de la couverture du territoire en téléphonie mobile, nous paraîtrait utile.

L'activité courrier de La Poste est ouverte à la concurrence en dessous de 100 grammes, et le sera en dessous de 50 grammes en 2006. Une clause de rendez-vous est prévue en 2009, où devra être prise la décision de généraliser, ou non, la concurrence. Elle devra faire l'objet d'un examen approfondi par le Gouvernement, afin de veiller à ne pas évincer La Poste des sources de profit tout en la laissant assumer seule les activités déficitaires dont nombre d'entre elles sont pourtant essentielles.

En effet, La Poste remplit depuis longtemps des missions de service public. Elle s'adresse à tous les Français, y compris les plus démunis, que ce soit sur le plan financier ou en regard de situations d'isolement. Elle est, à ce titre, un acteur et un levier de cohésion sociale. Le contrat de plan signé l'an dernier entre l'État et La Poste a commencé son travail de clarification, et cet effort doit se poursuivre. Au-delà du service universel, qui est très limité, les autres obligations sont plutôt mal identifiées et résultent plus d'une tradition que des textes. Cette situation n'est ni sincère sur le volet budgétaire ni efficace sur le plan économique pour l'entreprise. Ces missions doivent donc être mieux définies, mieux évaluées en termes de coûts et clairement financées.

Ainsi, le contrat de plan affirme le maintien des 17 000 points de contacts du réseau sur l'ensemble du territoire. Ces points de contacts pourront revêtir la forme de « points postes » dans des maisons communales ou même chez des commerçants selon des modalités à négocier avec les élus locaux - c'est très important. Un fonds de péréquation doté de 150 millions d'euros sera abondé grâce à un abattement des bases fiscales sur la taxe professionnelle.

De même, La Poste fournit aussi, de fait, un service bancaire ouvert aux plus démunis. C'est une mission traditionnellement rendue par La Poste. Son réseau de proximité comme son action contre l'exclusion bancaire lui donnent une dimension sociale et la placent aux avant-postes de la lutte contre l'isolement. Alors que la cohésion sociale s'impose comme un axe national prioritaire, nous devons, il me semble, veiller à ce que cette mission soit valorisée.

Pour revenir aux éléments purement budgétaires, et conformément au contrat de plan, une solution a été trouvée en juillet 2004 au transport de presse : les éditeurs acceptent une augmentation régulière des tarifs et, pour sa part, La Poste s'engage à améliorer la qualité de son service. En conséquence, l'État peut réduire sa contribution de 289 à 241 millions d'euros cette année.

La charge des retraites des postiers s'élève à 57 milliards d'euros et le contrat de plan prévoit la mise en place d'une solution à son financement en 2005.

L'application des 35 heures à La Poste a entraîné un coût annuel de 450 millions d'euros sans bénéficier des aides publique, ce qui est une situation singulière qui a réduit très considérablement ses capacités d'investissements, et donc de modernisation. Ce n'est pas neutre dans le retard qu'a pu prendre La Poste sur sa compétitivité. Fort heureusement, le contrat de plan a prévu l'exonération des charges sociales sur les bas salaires en 2006. Par ailleurs, La Poste a signé hier, avec les organisations syndicales, les accords de Vaugirard, qui sont un exemple, non seulement des vertus du dialogue social, mais aussi de ce que peut être la mise en œuvre d'un nouveau modèle social "à la française".

Enfin, La Poste n'est pas maîtresse du prix du timbre et des taux administrés des livrets d'épargne. Il est prévu, dans le contrat de plan, une évolution des tarifs en fonction de la concurrence et des coûts, ce qui justifie une hausse d'environ 5 centimes d'euros du timbre. Cette augmentation, qui représente en moyenne 5 euros de surcoût par famille et par an, permettra à La Poste de financer sa modernisation. Le contrat de plan a inscrit la création d'un établissement de crédit postal et l'extension des activités financières au crédit immobilier sans épargne préalable.

La situation de France Télécom s'améliore nettement par rapport à l'année 2002, où cette entreprise était l'une des plus endettées au monde. L'État a joué son rôle d'actionnaire. France Télécom est engagée dans un plan ambitieux d'amélioration de la productivité qui doit permettre de réduire sa dette de 15 milliards d'euros.

France Télécom exerce aussi des missions de service universel : téléphonie fixe, cabines téléphoniques, tarifs en faveur des personnes les plus défavorisées, et bientôt annuaire universel.

L'équipement du territoire en moyens de télécommunications, c'est-à-dire essentiellement en téléphonie mobile et en Internet haut débit, est un enjeu majeur. La période récente montre un rattrapage rapide de notre pays en « dégroupage de la boucle locale », qui permet la concurrence sur les lignes téléphoniques, et surtout en Internet à haut débit.

La convention sur la téléphonie mobile signée le 15 juillet 2003 a produit ses effets, et la première phase connaît un très bon niveau de réalisation.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous êtes optimiste !

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour la poste et les télécommunications. L'avenant de juillet 2004 et le renouvellement des licences GSM des trois opérateurs ont accru leurs obligations. Le récent « paquet législatif télécom » a en outre obligé à l'itinérance locale dans les zones blanches. On peut néanmoins douter de la fiabilité des indicateurs statistiques de l'ART qui estiment à 90 % la surface du territoire couverte ; il ne suffit pas en effet qu'un des trois opérateurs couvre la mairie pour que l'ensemble de la commune soit considérée comme couverte ! Quoi qu'il en soit , la tendance est extrêmement favorable.

L'article L. 1425-1 nouveau du code général des collectivités locales, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, permet aux collectivités d'intervenir dans des travaux d'infrastructure de réseau, passifs ou intelligents. Les potentialités d'un tel usage sont évidentes. Les risques que comporte un tel développement en régie d'infrastructures, voire de services de téléphonie ou de communications électroniques, sans qu'aucune ingénierie de projet ne soit véritablement mise à disposition des collectivités, le sont tout autant.

Enfin, vous le savez, monsieur le ministre, j'estime que la possibilité d'étendre le service universel au haut débit et à la téléphonie mobile devra être envisagée avec soin. Je sais pouvoir compter sur vous pour apporter une vision éclairée et pragmatique sur ce sujet crucial.

Mesdames, messieurs, compte tenu de tous ces éléments, je vous invite à émettre un vote favorable à ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la poste et les télécommunications.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la poste et les télécommunications. Le budget des postes et télécommunications concerne les moyens affectés au pilotage de deux secteurs presque complètement ouverts à la concurrence. Il mobilise pour ce faire des crédits très limités en volume : 395 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, mais seulement 150 millions d'euros si l'on met à part la prise en charge du transport de la presse à tarif réduit.

Ces 150 millions d'euros représentent seulement 0,35 % des masses financières en jeu, puisque les marchés français des télécommunications et des postes représentent respectivement 35 milliards d'euros et 16 milliards d'euros, dont 14 pour La Poste.

En fait, ce budget a vocation à « faire levier » en s'appuyant sur de petites structures administratives remplissant soit des missions d'animation ou de conception prises en charge par les trois sous directions de la DIGITIP compétentes pour les communications électroniques, la communication en ligne et les activités postales - 61 personnes au total - ; soit des missions d'encadrement et de contrôle telles qu'elles sont dévolues à l'Autorité de régulation des télécommunications - 165 personnes - et à l'Agence nationale des fréquences - 372 personnes.

En 2002, les deux secteurs des postes et des télécommunications devaient répondre à une problématique identique qui se décline selon trois axes : l'assainissement de la situation de l'opérateur historique ; la transposition des directives modifiant le cadre de régulation sectorielle ; l'amélioration de la couverture territoriale en offre de services, c'est-à-dire la réduction de la fracture numérique, d'un côté, et le maintien de la présence postale, de l'autre.

Dans le secteur des télécommunications, toutes les dispositions nécessaires sont prises et nous en sommes au stade de la mise en œuvre.

France Télécom opère un redressement impressionnant, sous la conduite remarquable et remarquée de Thierry Breton. Le groupe a dégagé un résultat d'exploitation de 9,5 milliards en 2003, en hausse de 40 % par rapport à 2002. Sa dette financière, qui avait culminé à 68 milliards fin 2002, a été ramenée à 44 milliards fin 2003.

Notre majorité peut s'enorgueillir d'avoir fait les bons choix, permettant à France Télécom de bénéficier d'un management digne de ce nom et d'une stratégie offensive qui honore l'ensemble du personnel de cette entreprise et préserve un service de qualité au public. Nous avons d'autant plus de mérite que nombreux étaient les oiseaux de mauvais augure qui ne croyaient pas à l'existence du sauveur suprême...

M. Daniel Paul. De qui parle-t-on ? De Nicolas Sarkozy ?

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. ...et jugeaient le plan Breton dangereux pour l'avenir de l'entreprise.

Cette rapide amélioration de la situation a été suivie de la réintégration totale des filiales Orange et Wanadoo, et de la mise en œuvre du processus de transfert du groupe au secteur privé, rendu possible par la loi du 31 décembre 2003. L'État ne détient plus à ce jour, directement ou via l'ERAP, que 42,25 % du capital de l'entreprise, la vente, début septembre, de près de 11 % du capital ayant rapporté 5,1 milliards, qui ont été affectés à la diminution de la dette publique.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. De plus, le dispositif de régulation du secteur des télécommunications a été aligné sur le droit commun par trois lois : celle du 31 décembre 2003, celle du 21 juin 2004 et celle du 9 juillet 2004. La mise en œuvre de ces lois par les décrets d'application progresse à un bon rythme.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. Dix-sept décrets d'application de la loi du 31 décembre 2003 sur le statut de France Télécom sont parus. Le projet de décret relatif au service universel a été soumis au Conseil d'État. Pour la loi du 9 juillet 2004 sur les communications électroniques, neuf décrets d'application ont fait l'objet d'une consultation publique en septembre, notamment le décret qui permettra à l'ART de maîtriser les tarifs « fixe vers mobile ». Enfin, les quatorze décrets d'application de la loi du 21 juin 2004 sur l'économie numérique en sont encore au stade de l'élaboration. Leur mise au point suppose en effet un travail interministériel complexe.

Le processus de couverture des zones blanches s'appuie sur la convention tripartite, liant les opérateurs, l'État et les collectivités locales, du 15 juillet 2003. La première phase de déploiement, financée de manière tripartite, qui concerne 1 250 sites, commence à seulement produire ses effets sur le terrain, mais lentement, très lentement...

M. Jean Dionis du Séjour. Merci de le reconnaître !

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. ...du fait de la lourdeur des procédures administratives, qui prennent entre dix-huit à vingt-quatre mois. À ce jour, plus de quarante sites ont été autorisés, dix-huit pylônes ont été mis à la disposition des opérateurs et quatre seulement ont été mis en service, ce qui est manifestement insuffisant.

M. Jean Dionis du Séjour. En effet !

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. Le ministre de l'équipement et le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire ont invité les préfets, par la circulaire du 5 octobre dernier, à mobiliser les acteurs concernés sur le terrain, à savoir les services de l'équipement et les collectivités locales.

La seconde phase, qui concernera 934 autres sites, sera prise en charge intégralement par les opérateurs, grâce aux conditions négociées par le Gouvernement pour le renouvellement des licences GSM.

Enfin, la couverture en Internet à haut débit progresse rapidement sous l'impulsion de France Télécom, qui conduit, depuis juin 2003, un effort très important pour étendre la couverture ADSL : 90 % de la population devrait être ainsi « raccordable » à haut débit par le téléphone fin 2004, 96 % fin 2005 et 100 % - nous l'espérons - fin 2006.

De son côté, le CIADT du 14 septembre dernier a mis en place un soutien de 13 millions d'euros pour l'expérimentation des technologies de raccordement alternatives dans les zones peu denses, notamment par satellite. Il a affecté 100 millions d'euros, réservés sur les fonds structurels européens, au soutien de quelque 200 projets des collectivités locales lancés sur le fondement du nouvel article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Cela étant, il convient que, pour un administré, le fait d'être « raccordable » implique bien la possibilité d'être raccordé immédiatement, indépendamment de toute considération technique sur l'éloignement par rapport au répartiteur. En particulier, les technologies nouvelles comme le WiMax ou le READSL doivent être rapidement mises en œuvre pour évacuer les déconvenues dans les zones d'activités à développer ou les zones à faible densité de population.

Si les télécommunications offrent le spectacle d'un secteur qui marche dans la bonne direction, a contrario, le secteur postal donne l'impression d'un chantier ouvert où beaucoup reste à faire.

Certes, le contrat de plan entre La Poste et l'État pour 2003-2007 a permis de dresser un état des lieux et de tracer des perspectives, mais il faut maintenant qu'aboutisse le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, qui a déjà été examiné par le Sénat en janvier 2004 et qui constitue une pièce essentielle du dispositif de rétablissement de la performance de l'entreprise La Poste.

Celle-ci se trouve en effet confrontée à une double série de handicaps concurrentiels.

D'une part, elle doit supporter de lourdes charges mal compensées par l'État, à hauteur d'environ 1,4 milliard d'euros par an. Il s'agit non seulement de missions d'intérêt général comme la présence postale, l'aide au transport de presse, l'accès social aux services financiers, mais aussi de contraintes exorbitantes de gestion, comme l'application sans aide des 35 heures, l'exclusion du régime d'exonérations de charges sur les bas salaires, ou le paiement, sur ses recettes, des pensions versées à la population rapidement croissante des fonctionnaires retraités.

D'autre part, elle se voit enfermer, au niveau de l'évolution des tarifs et de l'adaptation géographique de ses infrastructures de production, dans des contraintes qui l'empêchent à la fois de dégager des marges d'autofinancement et d'investir efficacement pour accroître sa productivité. Elle connaît de ce fait un retard de performance, notamment par rapport aux puissantes postes allemande et hollandaise.

Le budget pour 2005 s'inscrit dans une logique qui semble permettre et promettre un déblocage de la situation au cours des prochains mois. L'augmentation d'un million d'euros des moyens de l'ART préfigure la mise en place de sa future compétence dans le secteur postal. La baisse de 48 millions d'euros de l'aide au transport de la presse prend en compte les futurs gains de productivité dégagés par le vaste plan de réorganisation et de modernisation « Cap qualité courrier 2007 », lancé cette année, et peut-être aussi le relèvement en février 2005 du prix du timbre à 55 centimes d'euro.

Reste que la plus attendue des mesures concerne la mise en place d'une filiale bancaire pouvant distribuer, en plus de la gamme actuelle des produits financiers de La Poste, du crédit immobilier sans épargne préalable.

Cette banque postale constitue un excellent moyen d'apporter à La Poste la rentabilité qui conditionne sa capacité à remplir les missions de présence territoriale et de lutte contre l'exclusion bancaire, auxquelles nous sommes très attachés.

En effet, le renforcement de l'activité financière constitue un soutien direct à la présence postale, aussi bien en raison du revenu complémentaire global qu'elle produit, qu'à cause de la part prépondérante qu'elle a dans le chiffre d'affaires des bureaux des petites communes, qui s'élève, dans celles de moins de 2 000 habitants, à 63 %. Le maintien de l'accès social au livret A, au profit notamment des exclus bancaires et des personnes sans domicile fixe, qui coûte environ 50 millions d'euros par an, dépend au premier chef de la capacité de La Poste à proposer une offre de services financiers attractive à une clientèle classique, socialement intégrée, dont les opérations rentables compensent celles, déficitaires, des plus démunis.

Certes, la consolidation du pôle bancaire de La Poste aura probablement un impact concurrentiel sur le marché bancaire français. Mais cet impact sera sans doute salutaire sur ce marché devenu trop concentré, au point d'ailleurs que les professionnels y développent couramment des comportements d'écrémage de clientèle et qu'ils y imposent des niveaux de tarifs tels que le ministre d'État a dû récemment demander qu'un réexamen des grilles tarifaires soit effectué en liaison avec les associations de consommateurs.

En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite que l'échéance de janvier 2005 soit tenue pour l'examen par l'Assemblée du projet de loi sur la régulation postale. Je le souhaite dans l'intérêt de tous les acteurs de ce secteur : non seulement La Poste, qui a besoin de la mise en œuvre rapide des mesures prévues dans le contrat de plan pour assainir sa situation et maintenir sa capacité à remplir ses missions d'intérêt général ou sa vocation sociale, mais aussi ses concurrents, qui pâtissent, depuis le 1er janvier 2003, du retard à la transposition de l'abaissement du plafond du domaine réservé à cent grammes.

Quoi qu'il en soit, le budget que vous nous proposez est celui de la raison, par la réforme et la modernisation, dans le respect du service au public et d'une volonté constante d'aménagement du territoire, notamment rural.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Au-delà de l'examen des crédits budgétaires du ministère de l'industrie, il convient de faire le point sur la situation de notre industrie, tant la priorité donnée à la rentabilité financière pèse sur tous les aspects de notre activité économique et sur la situation sociale.

Certains prétendent que notre pays n'a pas de politique industrielle et même que la France serait en voie de désindustrialisation.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas vrai !

M. Daniel Paul. Pourtant, la part de l'industrie dans notre PIB est encore aujourd'hui d'environ 20 %. Elle est plus importante si l'on y intègre l'énergie. Et si l'on y ajoute les services marchands liés à l'industrie, ce sont 40 % de notre richesse nationale qui dépendent de l'activité industrielle.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est tout de même pas si mal.

M. Daniel Paul. Notre pays est toujours bien un pays industriel, mais il subit de plus en plus durement une politique qui consiste à entendre et à appliquer ce que dit le MEDEF et à laisser libre cours aux impératifs de rentabilité financière, rapide et maximale.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas ce que nous dit M. Seillière.

M. Daniel Paul. Aujourd'hui, cette logique met à mal nos territoires. Elle entraîne les fermetures d'entreprises, les externalisations d'activités et les délocalisations. Elle aggrave les rapports de domination entre les groupes et leurs sous-traitants, avec pour objectif de peser sur ce que vous appelez, monsieur le ministre, les coûts du travail, afin de dégager toujours plus de rentabilité.

Si l'on raisonne en termes d'emploi, on constate que l'emploi manufacturier, en vingt ans, a baissé d'un tiers, que cette réduction s'est accélérée dans la dernière période, fruit de l'accentuation des pressions pour obtenir toujours plus de productivité, puisque, dans la même période, les salaires comme les prélèvements sociaux se sont réduits, fruit aussi de votre grande complaisance à l'égard du MEDEF et du baron Seillière que vous vous êtes plu à citer tout à l'heure.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Encore ? C'est une obsession, une monomanie !

M. Daniel Paul. Si la production industrielle n'a guère baissé, alors que le nombre d'emplois est en chute libre, c'est que la productivité horaire des salariés français n'a en fait rien à envier à celles de nos voisins européens. Les chiffres de l'INSEE indiquent d'ailleurs que, dans la dernière période, cette productivité horaire a progressé deux fois plus en France que chez nos voisins allemands et britanniques.

M. le ministre délégué à l'industrie. Évidemment !

M. Xavier de Roux. C'est directement lié à la loi sur les 35 heures : moins on travaille, plus la productivité augmente. On apprend cela à l'école maternelle !

M. le ministre délégué à l'industrie. Quand on travaille une heure par jour, on a une productivité fabuleuse ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Ce mouvement n'est pas prêt de s'arrêter : la presse économique - plus précisément La Tribune - indique ce matin que « les seules dépenses d'investissement qui interviennent sont des dépenses d'investissement de productivité, avec, comme conséquence, une poursuite de la baisse des effectifs ».

Rien d'étonnant donc à ce que, année après année, la part des salaires se réduise, quand augmente celle des profits des entreprises, ce qui signifie que, en France, la rémunération du capital a gagné sur la rémunération du travail.

Vous dites qu'il faut revaloriser le travail, monsieur le ministre. Alors, faites cesser cette pression permanente sur les coûts salariaux, sur les charges salariales : elle porte atteinte à la dignité des salariés, réduit la couverture sociale et favorise l'augmentation des taux de profit exigés par les actionnaires pour les grandes entreprises.

Et tout est bon pour peser sur ces coûts. C'est le cas des externalisations, notamment dans l'industrie automobile. Ainsi, il n'y a pas si longtemps - vingt ans à peine -, Renault Sandouville, que je connais bien, fabriquait la plus grande partie des éléments des voitures qui sortaient de ses chaînes. Aujourd'hui, les parcs équipementiers fournissent l'essentiel des pièces et l'usine de montage, comme elle pèse sur ses salariés, exerce sur ses sous-traitants des pressions pour qu'ils baissent leurs prix, poussant ainsi au développement de l'intérim et à des transferts d'emplois. C'est le cas dans la région havraise, où l'équipementier Faurecia est contraint de transférer sur d'autres sites plusieurs dizaines de postes.

La logique ne voudrait-elle pas qu'il y ait un véritable lien juridique entre donneurs d'ordre et sous-traitants, avec une coresponsabilité en cas de procédure de restructuration ?

Parce que nous considérons que les PME et les PMI ont un rôle essentiel à jouer, nous voulons les protéger des logiques des grands groupes, leur faciliter l'accès au crédit, les aider à créer des emplois et à accéder à la recherche. Nous voulons également que, dès la détection des difficultés, des tables rondes régionales soient organisées avec les salariés, les élus locaux, les banques et les représentants de l'État, pour examiner les causes et les solutions à mettre en œuvre. Comment admettre que soit refusée l'organisation d'une telle table ronde dans le cas, par exemple, de la réparation navale havraise ou de SIDEL, leader mondial de son secteur, sur lesquelles pèsent de sérieuses menaces ? Qu'il soit si difficile de mettre en œuvre ces tables rondes dans tous les sites menacés permet de mesurer le chemin qui reste à parcourir.

Nous avons connu, depuis la fin des années soixante-dix, des plans successifs dans la sidérurgie, au prétexte qu'il y avait « trop d'acier » et que l'acier français était « trop cher ». Or, aujourd'hui, la demande d'acier explose à travers le monde.

Lors du débat sur l'ouverture du capital d'EDF, beaucoup d'entre nous ont évoqué le rôle que cette entreprise avait joué dans la reconstruction de notre pays non seulement en fournissant à notre industrie une électricité sûre et financièrement accessible, mais aussi en étant à l'origine de grands programmes qui ont assuré le développement de grandes filières industrielles. En fait, toutes nos entreprises publiques ont joué ce rôle d'entraînement.

On pourrait ainsi évoquer l'exemple de la SNCF et de ses liens avec Alstom. Mais, désormais, celle-ci participe parfois à la désindustrialisation. Ainsi, certaines régions montagneuses sont encore - et c'est heureux - des régions industrielles, mais, lorsqu'il est demandé à la SNCF des devis pour l'acheminement par voie ferroviaire des matériaux nécessaires ou des produits fabriqués, il n'y a pas de réponse. La logique qui lui est aujourd'hui imposée et sa course à la rentabilité autonome de ses activités - dans le domaine du fret, en particulier - nuisent au développement d'activités industrielles sur notre territoire.

N'oublions pas que lorsque les directives européennes ont instauré un cadre de mise en concurrence, les libéraux français n'ont eu de cesse, non pas de préserver les atouts que représentaient ces entreprises pour notre pays, mais de mettre en œuvre leur privatisation. Il n'est que de lire le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les entreprises publiques pour comprendre les objectifs poursuivis. Ces mesures ont eu pour conséquence de mettre fin au cadre national qui organisait la complémentarité entre entreprises publiques et industries de biens d'équipement et de casser les objectifs d'aménagement du territoire, sans empêcher pour autant la recherche de financements nouveaux auprès des collectivités locales...

Aujourd'hui, vous poursuivez cette logique en prétendant constituer des « champions », alors que vous favorisez la prise en mains par le privé de fleurons de notre industrie publique. C'est ainsi qu'a été annoncé, il y a quelques jours, le « mariage » de SAGEM et de la SNECMA, opération dictée par des objectifs de rentabilité financière qui risque de « laisser sur le carreau » des partenaires actuels de l'entreprise publique.

Nous condamnons ces opérations, qu'elles concernent EDF ou d'autres entreprises, car non seulement elles rompent avec le rôle des entreprises publiques dans l'industrialisation de notre pays, mais elles ouvrent ces entreprises aux appétits des financiers. À ce sujet, monsieur le ministre, il faut craindre que l'ouverture du capital d'EDF n'entraîne une augmentation de la part réservée aux dividendes. En effet, celle-ci, versée à l'État, s'établissait jusqu'à présent à 37,5 % du résultat brut, soit, depuis dix ans, près de 5 milliards d'euros. Or, dans l'industrie, elle est globalement de 40 à 45 %. EDF connaîtrait donc une ponction supplémentaire, qui, cette fois, serait partagée entre l'État et les actionnaires, puisque vous prévoyez l'ouverture du capital de l'opérateur public. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces éléments ?

Nous sommes aussi, vous le savez, attachés à la notion de responsabilité sociale et écologique des entreprises. À cet égard, nous ne comprenons pas pourquoi, alors que notre pays risque d'être confronté à l'explosion du problème de l'amiante, on fait preuve d'une telle frilosité dans le développement d'une filière de traitement et de destruction d'un matériau aussi nocif.

Nous estimons que l'économie a pour fonction de répondre aux besoins des populations, avec des emplois utiles. Dans cet esprit, nous sommes favorables à la construction d'« une sécurité de vie » pour les salariés. Il ne s'agit pas de nier les évolutions des métiers et des productions, mais de donner toujours la priorité à l'homme sur la finance. C'est ce que nous proposons avec le projet « sécurité emploi formation », loin de votre obsession d'instaurer une concurrence permanente entre les territoires et entre les hommes et les femmes qui y vivent.

Le journal L'Expansion indiquait, il y a quelques jours, que, ces douze derniers mois, 11 000 emplois avaient été délocalisés hors de notre pays. Le phénomène fait la une, comme pour nourrir et attiser les craintes des salariés, des élus locaux et de l'ensemble de notre population. En agitant sans cesse l'épouvantail des délocalisations et de la perte d'attractivité de la France, le MEDEF prépare le terrain à des reculs sociaux. Toutes les régions de notre pays recensent de telles menaces et, au plan national, on recense plus de cinquante dossiers de ce type.

Un tel chantage est d'autant plus inacceptable que l'État y prête la main. Ainsi, cette situation s'expliquerait par le coût du travail. Or, on omet de dire que la part des salaires dans le PIB, qui était de plus de 75 % dans les années soixante-dix, est passée, depuis le début des années 2000, au-dessous de 70 %. Elle se situe dans la moyenne de l'Europe des Quinze et est inférieure taux du Royaume-Uni, qui s'établit à près de 73 %.

Un tel chantage est inacceptable, parce qu'il tait le poids des objectifs de rentabilité imposés par les marchés financiers et qu'il aboutirait, s'il se poursuivait, à la mise à mal de notre protection sociale.

Un tel chantage est inacceptable, car il vise à développer la concurrence entre les territoires et entre les hommes et à obtenir des baisses de « charges » patronales, des aides supplémentaires des collectivités locales, des accords réduisant les salaires et remettant en cause le code du travail. C'est d'ailleurs ce que vous envisagez en créant les « pôles de compétitivité », qui permettront aux entreprises de profiter de nouvelles aubaines fiscales - vous prévoyez d'injecter, chaque année, 250 millions d'euros dans une vingtaine de sites. Dans le même temps, les placements financiers approchent, en France, 2 000 milliards d'euros auxquels vous refusez de toucher. Reconnaissez qu'il y a pourtant là des marges qui permettraient d'agir.

Cette logique financière est telle qu'elle met à bas nos atouts - lesquels font de notre pays l'un des premiers pour les investissements directs de l'étranger - et fait subir à des régions comme la Haute-Normandie, la Picardie ou le Nord-Pas-de-Calais des coups sévères, alors que dans la région du Havre, par exemple, les lourds investissements publics, ou soutenus par l'argent public, qui ont été réalisés ont eu des effets insuffisants sur la quantité et le niveau des emplois.

Faute d'être combattue, cette logique financière prend pour cible les coûts salariaux et ménage le cancer des profits. Elle entraîne la stagnation des salaires, la précarité de l'emploi, l'intérim et le chômage, ainsi que la baisse du pouvoir d'achat, prélude à celle de la consommation et de la production. Ce n'est plus un cercle vertueux, mais un cercle vicieux pour les populations et les collectivités.

Par ailleurs, la réduction, au fil des années, des efforts en matière de formation supérieure et de recherche-développement ne peut que handicaper notre économie. Les secteurs de pointe que constituent encore l'aéronautique et le nucléaire, par exemple, ne peuvent plus cacher la grande détresse de beaucoup d'autres et les difficultés qui en résultent pour les territoires et les emplois.

Votre politique nourrit cette mainmise financière, alors qu'il faudrait la combattre. Vous réduisez les moyens d'intervention de l'État, alors qu'il faudrait les développer, y compris dans le domaine du crédit. Notre pays est engoncé dans une construction européenne qui ne pense qu'en termes de concurrence, alors qu'il faudrait réfléchir en termes de coopération dans les domaines de la recherche, de l'énergie ou du transport, dont on sait l'importance pour le développement d'une politique industrielle. Dans ces conditions, vous ne serez pas étonné, monsieur le ministre, que nous refusions votre proposition budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l'organisation d'une discussion spécifique sur le budget de l'industrie, de la Poste et des télécommunications, qui nous permet de commenter l'action du Gouvernement et de l'interroger sur sa politique en matière de stratégie industrielle, de réforme du service postal et de développement des NTIC. Je ne ferai pas de commentaires particuliers sur les crédits budgétaires du ministère de l'industrie, si ce n'est pour évoquer la réduction de 4 % de la subvention de l'IFP. À cet égard, je partage les critiques émises par le rapporteur de notre commission. Une telle réduction porte atteinte à la stabilité du financement de cet organisme particulièrement nécessaire au secteur de la recherche, notamment pour les recherches sur les matières premières énergétiques qui sont entrées dans un cycle de déplétion.

Je voudrais, pour commencer, évoquer, monsieur le ministre, la situation très inquiétante qui attend EDF. Je veux dire avec force et avec calme, après mon collègue Charles de Courson, ce qu'est la soulte de 7,7 milliards d'euros versée par l'entreprise publique dans le cadre du PLFSS. Elle permet, certes, d'afficher une réduction du déficit de ce budget, mais il serait insincère de considérer cette baisse comme une stratégie durable en matière de diminution de la dépense publique. Cette soulte n'est rien d'autre qu'une recette exceptionnelle, non pérenne, qui n'aura pas d'impact sur l'équilibre des finances publiques en 2006.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur les lourdes conséquences de la non-réforme des régimes spéciaux, notamment celui des IEG, donc d'EDF. Beaucoup de questions restent à ce jour sans réponse et menacent gravement l'avenir des deux sociétés anonymes. Qu'en est-il, en effet, de la retraite complémentaire et de son alignement sur l'AGIRC-ARCCO que certains appellent la deuxième soulte ? Quel est le montant de celle-ci ? Comment la financer ? Quels seront l'assiette retenue et le taux pivot ? Nous avons besoin de savoir qui paiera pour maintenir le régime spécial des IEG. Où en est la négociation sur le régime « chapeau » ? EDF, dont les fonds propres sont limités, pourra-t-elle survivre à de tels versements et provisions ?

Au mois de juin, le groupe UDF - qui a reçu le soutien de Hervé Novelli - a été le seul à demander la mise en extinction de ce régime spécial pour les personnels embauchés après le changement de statut. Nous avons manqué d'audace, mais ce n'est qu'une occasion ratée. Quoi qu'il en soit, les problèmes que nous avions soulevés sont désormais avérés. Non seulement ce sont les consommateurs d'énergie qui vont payer le surcoût du régime de retraite très avantageux des IEG, mais nous craignons fort que l'État, donc les contribuables, ne doive à terme recapitaliser EDF. En effet, aucun investisseur privé ne voudra participer à une ouverture de capital, compte tenu du poids énorme des charges sociales.

La réforme des industries électriques et gazières était donc courageuse et utile, mais elle est incomplète et risque de créer un précédent en matière de non-réforme des régimes spéciaux de retraite et de protection sociale, ce qui signifierait le renoncement à l'égalité des Français face à la retraite.

Enfin, et j'en termine sur ce sujet, je demande au président de la commission des affaires économiques d'organiser au plus vite une audition des présidents de GDF et EDF. Celle-ci pourrait avoir lieu à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie, si elle n'est pas trop tardive. Le groupe UDF a été quelque peu surpris de la manière archaïque dont ce gouvernement - après bien d'autres, il est vrai - a procédé à leur nomination. En tout cas, il revient désormais au Parlement de contrôler les orientations retenues par les nouvelles équipes dirigeantes. Les enjeux auxquels EDF et GDF vont devoir faire face sont historiques : ouverture à la concurrence, fin du principe de spécialité, ouverture possible du capital, stratégies industrielles en France et à l'étranger, mise en place de gestionnaires de réseaux plus indépendants. Dès lors que ces entreprises sont toujours détenues majoritairement par l'État, il nous faut maintenir un contrôle parlementaire pour éviter que ne se reproduisent les erreurs du passé.

Sur la stratégie industrielle de la France et sur le volet de la lutte contre les délocalisations, beaucoup a déjà été dit lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Nous ne reviendrons pas en détail sur l'utilisation du rapport de notre collègue Christian Blanc et sur les mesures que Nicolas Sarkozy a proposées, qui nous semblent aller dans le bon sens. L'article 12 du PLF a le mérite de fonder les premières bases des pôles de compétitivité, dont nous espérons le succès pour relancer l'excellence de nos PME et de nos savoir-faire industriels dans la compétition mondiale. Cela dit, on peut s'interroger sur l'organisation définie par le CIADT, qui nous semble trop centralisée et source potentielle de complexités administratives inutiles. L'UDF n'a cessé de le répéter : il aurait fallu - et il faudra bien - aller au bout de la logique de décentralisation en confiant aux régions la responsabilité économique et le pilotage de ces pôles, comme le préconise précisément le rapport de Christian Blanc.

Nous voulons profiter de l'évocation du thème des délocalisations pour attirer votre attention sur la proposition du président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, concernant la mise en place progressive d'une TVA sociale ou TVA compétitive. C'est une réflexion de fond sur les modes de prélèvements obligatoires qui mérite d'être analysée en profondeur. Nous sommes persuadés que cet impôt sur la consommation est l'une des solutions durables pour promouvoir nos capacités de production dans le domaine industriel ou agricole. Aujourd'hui l'essentiel de notre système de protection sociale est supporté et financé par le travail, ce qui, d'une part, génère du chômage ou du travail au noir et, d'autre part, handicape la compétitivité de l'usine France.

Si l'on maintient les taxes sur la production, on donne la prime aux nomades, c'est-à-dire à ceux qui vont produire ailleurs, et on pénalise ceux qui persistent à produire chez nous. En quelque sorte, on fait payer à nos usines un droit de douane négatif qui augmentera leurs difficultés à exporter, droit que l'on ne fera pas peser sur ceux qui vont produire à l'extérieur.

Nous estimons que l'équité serait de taxer les produits et les services consommés sur notre territoire, afin de faire supporter la même charge à ce qui vient de Chine, d'Asie ou d'ailleurs, et à ce qui est produit sur notre territoire.

Si on allège les impôts de production, on réduit le prix de revient ; il est alors permis de penser que le prix de vente sur le marché hors taxes va baisser et que la TVA, augmentée à due concurrence, ramènera pratiquement au même niveau nos coûts de consommation. Seuls augmenteront les prix de mise sur le marché de ce qui vient de l'extérieur. Nous souhaitons connaître l'analyse du ministre en charge de l'industrie, et donc de la compétitivité française, sur cette réorientation de notre fiscalité.

En ce qui concerne le volet postes et télécommunications, on ne peut que regretter le retard pris dans la transposition de la directive postale qui ouvre à la concurrence certains secteurs du service courrier. Le groupe UDF, comme l'ensemble des acteurs concernés, attend avec impatience la discussion en première lecture du projet de loi relatif à la régulation des activités postales. En tant que porte-parole de notre groupe sur ce texte, je défendrai une vision résolument moderne des activités postales, exigeante sur la question du service universel postal - il faudra d'ailleurs éviter les écueils d'une transposition partielle de la directive comme ce fut le cas pour le service universel de l'électricité et du gaz -, mais aussi pragmatique sur la question de la présence postale territoriale. Nous préférons obtenir des garanties solides sur la distribution du courrier par des facteurs maintenus dans leur mission de présence territoriale quotidienne - éventuellement étendue à l'aide aux personnes âgées - plutôt que de refuser toute modernisation du réseau d'agences postales.

L'UDF est également favorable à la création de nouveaux services financiers pour La Poste, même si cela peut faire grincer les dents de ses concurrents. De même, le groupe UDF s'associera volontiers aux initiatives visant à étendre les activités de crédit immobilier aux crédits à la consommation, afin de permettre à La Poste de conquérir une nouvelle clientèle et de soutenir le dynamisme des économies locales.

Enfin, nous souhaitons que le ministre précise le mode de financement du fonds postal national de péréquation territoriale institué par le Sénat au cours de son examen du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, en nous indiquant clairement la part que pourrait y prendre l'État et la part qui reviendrait aux collectivités territoriales.

En matière de NTIC, le Gouvernement et le Parlement ont bien travaillé, avec l'adoption de trois lois, comme l'a rappelé M. Trassy-Paillogues : sur le statut de France Télécom, sur la confiance dans l'économie numérique, et sur la concurrence dans le secteur électronique. La politique claire en matière de baisse des tarifs ADSL et le redressement spectaculaire de France Télécom sont également à porter au crédit d'une action publique forte et claire. Le pays y a d'ailleurs répondu très favorablement en rattrapant en grande partie le retard français dans ce domaine. Le chiffre de cinq millions d'abonnés au haut débit atteste de la vigueur de ce rattrapage.

L'UDF n'ira cependant pas jusqu'à prétendre que tout va bien pour les NTIC sur l'air de « Tout va très bien, madame la marquise », l'optimisme béat n'étant pas dans sa nature. Certes, la réduction de la fracture territoriale sur Internet est bien engagée. En revanche, le plan « zones blanches en téléphonie mobile » patine. Il a pris un an à un an et demi de retard et, monsieur le ministre, nous comptons sur la réaction de l'État en la matière. En l'occurrence, le critère de réception par un opérateur devant la mairie n'est évidemment pas pertinent. Il faut également lutter contre la fracture sociale dans l'accès aux NTIC, et notamment à Internet. Pour cela, le troisième volet du plan RESO 2007 annoncé par le Premier ministre doit devenir une réalité. La réduction de cette fracture, qui se surajoute à la fracture constatée en matière d'illettrisme, est délicate et demandera beaucoup d'efforts.

Je dirai un dernier mot sur les NTIC pour souligner l'importance de l'émergence de nouveaux modèles économiques dans le secteur des télécommunications. À ce titre, la directive sur les droits d'auteur doit être transposée au plus vite. C'est tout sauf un débat marginal que nous devons avoir à cette occasion, car il faut consolider les règles de la propriété intellectuelle en les adaptant aux nouveaux moyens de communication.

En conclusion, les enjeux du ministère de l'industrie sont plus que jamais au cœur des préoccupations des Français. Sur l'environnement et sur la question des matières premières énergétiques, sur notre capacité à maintenir notre compétitivité industrielle et à adapter notre fiscalité, les Français attendent de l'audace et du courage pour engager les réformes nécessaires. C'est pour vous soutenir dans la voie de la réforme que le groupe UDF votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la notion de désindustrialisation fait aujourd'hui l'objet de bien des controverses, les difficultés en matière d'emploi, et surtout d'emploi industriel, sont indiscutables, comme les chiffres le montrent. Le tableau est sombre : le chômage persiste et atteint les 2,5 millions de chômeurs, avec 12 000 demandeurs d'emploi en plus pour un seul mois. Surtout, le chômage des jeunes accuse une progression sensible, avec une augmentation de 6,4 % en un an et un accroissement parallèle de la précarité. Les licenciements pour cause économique ont augmenté au mois d'août. Alors que M. Borloo déclarait que « la baisse du chômage est une tendance lourde et réelle », dans le même temps, on apprenait que le taux de chômage, et surtout du chômage industriel, augmentait. Les principes keynésiens dont on se réclame parfois jusque dans les milieux gouvernementaux, qui font feu de tout bois, supposeraient une relance de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises.

Hélas, votre marge de manœuvre en matière de consommation des ménages s'est trouvée singulièrement réduite avec la hausse du prix de l'essence, du gazole et du fuel, à laquelle vous allez ajouter une hausse des tarifs du gaz domestique, officiellement annoncée cet après-midi, et sans doute bientôt de l'électricité. Je crois que le Premier ministre n'a fait que différer une augmentation considérée comme inéluctable par la direction d'EDF elle-même. L'investissement des entreprises est lui aussi en berne, et la production industrielle en France a baissé de 1,9 % le mois dernier.

Au-delà des considérations spécifiques concernant l'emploi, l'ambition industrielle de la politique nationale nous apparaît surtout limitée à la production de discours. Comme la notion de développement durable, servie à toutes les sauces, la notion de délocalisation fait désormais partie du discours obligé du moment, le Président de la République lui-même n'ayant pas manqué de dénoncer les délocalisations. Mais les actes, eux, ne suivent pas ou sont repoussés dans un terme lointain. Lors du conseil des ministres du 22 septembre dernier, M. Chirac a appelé le Gouvernement à définir une nouvelle ambition industrielle pour la France après le comité interministériel d'aménagement du territoire pour, disait-il, lutter contre les délocalisations. En réponse, M. le Premier ministre s'est contenté de confier à Jean-Louis Beffa, PDG de Saint-Gobain, le soin de mener une réflexion sur un programme de grands projets industriels. Nous sommes loin du concret, de l'immédiateté et de la cruauté concrète des destructions d'emplois.

Surtout, nous n'avons pas un budget industrie à la hauteur des intentions annoncées. Son examen point par point en est la démonstration. Chacun sait le rôle qu'a joué depuis longtemps l'ANVAR en matière d'innovation et de valorisation de la recherche, dimensions sans lesquelles une économie qui se veut conquérante et compétitive ne peut jouer les premiers rôles. Pourtant, l'ANVAR voit son budget stagner à hauteur de 41 millions d'euros. Les interventions publiques en matière de subventions aux actions d'accompagnement de la politique d'innovation, qui sont un élément clé pour améliorer l'environnement et la compétitivité des entreprises, sont en baisse de près de 9 %. De son côté, la politique de maîtrise de l'énergie se voit, en cette période de cherté pétrolière et de disette annoncée, reconnaître une importance renouvelée en théorie quant au rôle que devrait jouer l'ADEME. On constate pourtant que les subventions d'investissement accordées par l'État sont en totale stagnation.

De la même façon, votre discours ne cesse de vanter le rôle des PME-PMI. Des actions de développement industriel régional intéressantes ont été menées dans les décennies passées. Les contrats de plan État-région ont constitué, de ce point de vue, un instrument privilégié pour permettre à nos PME-PMI de se moderniser et d'affronter la compétition mondiale en jouant un rôle dynamique à l'exportation. Pourquoi, dans ces conditions, ces crédits baissent-ils de 2 % en crédits de paiement et autorisations de programme ?

Par ailleurs, l'élu du Nord-Pas-de-Calais que je suis connaît l'importance de la politique de reconversion et de restructuration industrielle. Je n'ai toutefois pas été surpris d'entendre tout à l'heure M. Novelli s'interroger sur le sens de cette politique, puisqu'il est l'héritier spirituel de M. Madelin...

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Alain Madelin n'est pas mort, que je sache ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. ...qui a jadis déclaré à cette tribune que tout franc supplémentaire donné à son budget de l'industrie était de l'argent gaspillé. Je reconnais dans les propos de M. Novelli la continuité de la pensée de M. Madelin et la fidélité qu'il lui témoigne, et c'est bien en cela que nous sommes en désaccord. La politique de reconversion et de restructuration industrielle est, de notre point de vue, un volet déterminant pour des régions entières qui ont eu le sentiment en bien des moments que la solidarité nationale faisait défaut pour les aider à passer d'un univers encore marqué par le xixe siècle à un monde d'échanges et de compétition mondiale. En parfaite contradiction avec le discours ambiant, la dotation correspondante a baissé de près de 30 % en autorisations de programme et stagne en crédits de paiement à hauteur de 34,5 millions d'euros, après une baisse de 10 % l'an passé. Enfin, le « bleu » budgétaire met en évidence que le soutien au programme de recherche et développement industriels et d'actions en faveur du développement des technologies de l'information et de la communication est en chute libre depuis 2002. On est ainsi passé de 213 millions d'euros en 2002 à 158 millions d'euros en 2005. Le soutien à l'investissement dans les PMI a perdu près de 20 % durant la même période. On comprend dans ces conditions pourquoi le taux de PMI dont les projets d'investissements ont été retenus dans le cadre du fonds de développement des PMI plafonne depuis deux ans à 30 %.

Seule nouveauté introduite par le Gouvernement : l'adoption de mesures pour lutter contre les délocalisations basées sur les exonérations fiscales et les crédits d'impôts, mesures qui ne semblent malheureusement pas à la hauteur du problème, d'autant plus que, selon le Conseil des impôts, le ratio entre la fiscalité et les emplois créés ne se vérifie pas toujours.

Ainsi, la République tchèque attire de nombreux emplois en dépit d'un taux d'imposition sur les sociétés assez élevé.

Avant de terminer, je voudrais, monsieur le ministre, évoquer un sujet qui vous est cher autant qu'à moi : celui de l'avenir d'EDF et de son rôle dans l'industrie française. D'autres avant moi en ont parlé, mais je ne suis pas d'accord avec eux.

La commission Roulet, à laquelle j'appartiens et dont les travaux ont fait l'objet, hélas, de déplorables indiscrétions, remettra bientôt ses conclusions, que je ne dévoilerai pas, ici. Je crains cependant que M. Sarkozy et les siens ne veuillent faire la démonstration que cette grande entreprise, bien de la nation, patrimoine national doive faire l'objet d'un apport de capitaux, ce que les pouvoirs publics, en dépit de ce qui avait été annoncé, ne sont pas en état de faire, CQFD. Dès lors, si l'on s'en tient à ce discours, la privatisation d'EDF sera donc le sauvetage d'une entreprise mise à mal par l'incurie, que dis-je, l'impéritie supposée des socialistes et de leurs amis.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Très bien ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. Vous allez faire la démonstration qu'EDF ne vaut rien.

M. Daniel Paul. Disons plutôt qu'ils vont essayer de le démontrer !

M. Christian Bataille. Soyez prudents, cependant. J'ai ainsi le souvenir qu'un éminent personnage - M. Juppé, pour ne pas le nommer - avait déclaré à cette tribune que Thomson ne valait qu'un franc. On connaît la suite...

M. le ministre délégué à l'industrie. Cela a été stimulant ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. Méfiez-vous donc de ce type de diagnostic.

Il est clair qu'à la suite de cette opération politique - il ne faut pas s'appeler Geneviève Tabouis pour le prédire -,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous croyais plus jeune que cela, monsieur Bataille ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. ...les tarifs vont augmenter. Les consommateurs vont donc payer la privatisation. Et il ne fait nul doute que le MEDEF applaudira. On aura pourtant grand tort d'oublier qu'EDF reste un instrument sans égal entre les mains de la nation.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est de l'amour !

M. Christian Bataille. Si cette entreprise publique est à vos yeux une forme économique dépassée, ...

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Oui !

M. Christian Bataille. ...elle est pourtant bien plus qu'une survivance bureaucratique du tout-État, qui remonterait d'ailleurs, si l'on en croit certains d'entre vous, à l'Ancien Régime. Elle est un instrument irremplaçable pour conduire une politique industrielle volontariste qui nous donne plusieurs longueurs d'avance sur nos grands voisins, allemands et italiens.

EDF permet effectivement de concrétiser, au plan économique, la volonté politique de l'État. Surtout, par une garantie de fourniture, par une pratique de tarifs négociés à long terme et adaptés à chaque type d'industrie, EDF reste, bien plus que le coût des salaires que vous évoquez constamment, un atout pour notre économie. Cette grande entreprise est au cœur de la compétitivité de l'industrie française et, par conséquent, de notre économie.

Pour en revenir au problème que j'ai soulevé au début de mon intervention, EDF reste une des meilleures réponses à apporter au tropisme de la délocalisation. Alors, à quoi bon dire que vous voulez lutter contre les délocalisations si vous dégarnissez nos défenses pour faire de notre économie une passoire livrée au jeu du marché ?

Au-delà du budget dont nous débattons aujourd'hui, cette entreprise reste un des leviers, un des moyens d'actions dont vous auriez tort de vous priver. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 14 septembre 2004 a jeté les bases d'une nouvelle stratégie de développement industriel axée sur l'innovation technologique et la création de pôles de compétitivité.

Le projet de loi de finances pour 2005, le budget de l'industrie participent à la réussite de cette politique volontaire et dynamique visant à lutter contre la désindustrialisation et à mobiliser l'ensemble des acteurs -entreprises, centres de recherche et centres de formation - pour préserver et développer notre activité industrielle.

Dans le contexte budgétaire de maîtrise des dépenses publiques, il convient de souligner que le budget de l'industrie est en progression de 2,5 % par rapport à l'exercice 2004. Les dépenses d'intervention et d'investissement y tiennent une part prépondérante.

Les orientations de votre budget que le groupe UMP approuve, monsieur le ministre, portent sur le soutien à la politique énergétique de la France, sur l'accompagnement des mutations industrielles et sur le soutien à la recherche, à l'innovation et au développement des PMI.

La réflexion sur l'avenir de la politique énergétique de la France a été au cœur de l'action du Gouvernement au cours de l'année 2004.

La flambée des prix du pétrole, les risques d'alourdissement de la facture énergétique, alors que nous connaissons une accélération de la reprise économique, sont autant d'éléments qui militent en faveur de la mise en œuvre rapide d'une politique énergétique qui relance la maîtrise de la demande d'énergie, diversifie notre bouquet énergétique - développement des énergies renouvelables, maintien de l'option nucléaire ouverte avec le choix de l'EPR - et renforce notre effort de recherche dans le domaine de l'énergie.

Les crédits du ministère de l'industrie concourent à la réalisation de ces objectifs comme la subvention allouée à l'ADEME - maîtrise de l'énergie - ou au CEA - recherche sur les énergies du futur et le nucléaire.

Nous nous félicitons également de l'augmentation des moyens de la Commission de régulation de l'énergie - la CRE - en raison de son rôle majeur dans le cadre d'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité à la concurrence.

La subvention de l'Institut français du pétrole accuse, pour sa part, une baisse de 4 % et nous le regrettons. Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que cette diminution de crédits porte atteinte aux actions de recherche entreprises par cet organisme mondialement réputé et reconnu.

La solidarité s'exprime au travers de l'accompagnement des mutations industrielles, dont les moyens sont en augmentation de 8,7 %. La nouvelle présentation du programme « passifs financiers miniers » regroupe l'ensemble des actions en faveur du secteur minier et de la gestion de 1' « après-mines », et c'est une bonne chose. Elle a pour objectif une meilleure lisibilité des crédits, mais vous en conviendrez, monsieur le ministre, la comparaison avec l'exercice précédent n'est pas aisée.

L'évolution de ces crédits est aussi difficile à évaluer en raison de la mise en place, au 1er  janvier 2005, de l'Agence nationale pour la garantie des mineurs, issue de la loi du 3 février 2004. La création de cette agence résulte de l'initiative de nos collègues députés UMP Richard Mallié et Michel Sordi, à laquelle de nombreux députés de notre groupe se sont associés. Je tenais à les féliciter pour cette démarche de solidarité nationale envers les mineurs, dont les droits sociaux sont garantis par l'État.

Il ressort néanmoins d'un examen approfondi du « bleu budgétaire » que les crédits pour la prévention des dégâts miniers ont doublé en deux ans et que les ressources pour le financement des prestations sociales versées aux anciens mineurs ont été accrues.

Les mesures de soutien à la recherche, à l'innovation et au développement des PMI ont un effet de levier sur la croissance, l'emploi et la compétitivité de nos entreprises.

Elles occupent une place importante dans votre budget et, plus généralement, dans l'ensemble de l'action du Gouvernement en faveur des entreprises.

La montée en puissance du crédit d'impôt recherche -depuis sa création, le nombre d'entreprises qui bénéficient de ce crédit d'impôt a été multiplié par sept -, le dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises - plus de 500 entreprises en ont déjà profité -, le renforcement de l'aide aux PMI grâce à la nouvelle Agence des PME résultant de la fusion de la BDPME et de l'ANVAR et la création au 1er  janvier 2005 de l'Agence nationale de la recherche - chargée de l'évaluation et du financement des projets de recherche - concourent à la réalisation de ces objectifs.

La formation aux métiers de l'industrie est soutenue grâce aux moyens que vous allouez aux écoles d'ingénieurs -écoles des mines, Supélec, école nationale supérieure de création industrielles -, aux centres techniques industriels, pour la création du centre de microélectronique de Provence ainsi qu'au programme de groupements européens d'établissements d'enseignement supérieur. L'industrie doit, en effet, pouvoir s'appuyer sur des personnels de plus en plus qualifiés.

En conclusion, monsieur le ministre, vous avez défini les objectifs pour le développement de l'industrie française, déterminé les actions prioritaires, engagé les moyens financiers à la hauteur de nos ambitions pour la croissance et l'emploi, et le groupe UMP partage les convictions du Gouvernement en ce domaine.

La partie de votre budget consacrée aux postes et télécommunications concerne deux secteurs désormais presque complètement ouverts à la concurrence. Les crédits affectés n'ont, par conséquent, qu'une fonction d'animation, d'encadrement ou de contrôle et ne reflètent pas l'ensemble de la politique du Gouvernement en faveur du secteur postal et des télécommunications.

Ce secteur a été soumis au cours des derniers mois à un double changement : le premier est lié à la mise en place d'un cadre de régulation plus souple et le second à l'arrivée de nouvelles offres technologiques. Il doit aujourd'hui répondre à une double attente, celle d'une amélioration de la couverture territoriale et celle d'une plus grande satisfaction sociale, les consommateurs exprimant des attentes, notamment en termes de baisse des prix des communications.

J'insisterai plus particulièrement sur la réduction de la fracture numérique, qui est un enjeu de cohésion sociale et territoriale, car ces nouvelles technologies de l'information constituent une chance pour rendre nos territoires plus attractifs et compétitifs, notamment les plus fragiles. Elles permettent de créer des synergies nouvelles dont le rôle est capital pour l'emploi et la compétitivité de nos territoires. Cela permet de mettre en relation des acteurs géographiquement éloignés.

Les avancées législatives, avec la loi sur l'économie numérique qui autorise les collectivités locales à intervenir dans des travaux d'infrastructures de réseaux et à exercer la fonction d'opérateur de services de télécommunications en cas de carence des opérateurs, ont permis de lever des blocages juridiques à l'extension de la couverture numérique du territoire.

Par ailleurs, lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 14 septembre dernier, le Gouvernement a mis en place un soutien de 13 millions d'euros pour l'expérimentation des technologies de raccordement alternatives dans les zones peu denses. Il a également affecté 100 millions d'euros, réservés sur les fonds structurels européens, au  fonds national de soutien au déploiement du haut débit sur les territoires. Il faut également souligner les efforts importants de France Télécom pour étendre la couverture ADSL.

Toutes ces dispositions vont permettre à la France de combler son retard en la matière, même s'il convient de rester attentif aux risques que comporte un tel développement en régies d'infrastructures, de services de téléphonie ou de communications électroniques.

La France du haut débit progresse donc rapidement et nous souhaitons saluer le bilan positif et très encourageant des efforts entrepris par l'État et les collectivités locales dans ce domaine. Cela prouve que l'action commune des opérateurs téléphoniques et des initiatives locales sont essentielles.

En revanche, le bilan est moins positif pour la téléphonie mobile, puisque 3 000 communes environ sont encore situées en « zone blanche ». En outre, sans que l'on puisse parler de zones blanches, il reste un grand nombre de secteurs géographiques dans lesquels la population n'est couverte que par un seul opérateur.

Cette absence de couverture touche principalement les zones rurales. J'en sais quelque chose, car, dans ma circonscription du nord de la Mayenne, beaucoup de petites communes ne sont pas encore couvertes.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Cela va venir !

M. Yannick Favennec. L'amélioration de la couverture nationale de la téléphonie mobile est à l'évidence un enjeu essentiel pour l'avenir de l'aménagement du territoire. Comme le remarque mon collègue Yves Censi dans son rapport, dans le domaine de la couverture du territoire, il manque un indicateur, comme il en existe pour l'Internet haut débit.

En matière de téléphonie mobile, la loi pour la confiance dans l'économie numérique a retenu, dans les zones blanches, le principe de l'itinérance locale.

L'itinérance locale et la mutualisation possèdent un triple atout : la garantie d'une accessibilité pour tous les usagers, quel que soit l'opérateur choisi, l'optimisation de l'utilisation des financements publics et enfin la protection de l'environnement car elles facilitent la réutilisation des pylônes existants.

Il est important, maintenant, d'accélérer la mise en œuvre de ce dispositif, sachant qu'il faut dix-huit à vingt-quatre mois pour mener à bien toutes les procédures préalables à la mise en service d'un nouveau site.

Le processus de couverture des zones blanches s'appuie sur la convention nationale signée le 15 juillet 2003 entre les opérateurs, l'État et les collectivités territoriales et sur son avenant, signé le 13 juillet 2004, qui prévoit la prise en charge intégrale de la seconde phase par les opérateurs, dans le cadre de leurs obligations de licences GSM. Au total, 2 250 sites devraient être couverts dans 3 500 communes.

La poursuite de la libéralisation et l'évolution de la régulation dans le secteur des télécommunications doivent également conduire à mieux prendre en compte les attentes des consommateurs. Cela se manifeste aujourd'hui sous la forme d'une demande d'intervention publique, qu'il s'agisse des éventuelles interactions entre les télécommunications et la santé publique ou de l'équité des prestations, sujets sur lesquels le Gouvernement reste attentif au comportement des principaux opérateurs.

L'ART a proposé aux opérateurs une réduction sur deux ans du prix des appels des téléphones fixes vers les mobiles. Voilà, monsieur le ministre, un motif de satisfaction pour les consommateurs que nous sommes tous !

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, dont l'examen par l'Assemblée nationale est prévu au début de l'année 2005, devrait permettre d'offrir à La Poste le cadre législatif et les adaptations juridiques dont elle a besoin pour améliorer sa compétitivité.

Pour renforcer sa compétitivité et son efficacité économique, il est nécessaire de mieux définir les missions de service public que l'État assigne à La Poste et de mieux en évaluer les coûts.

S'agissant de la présence postale en milieu rural, il est impératif que les points de contact évoluent en concertation permanente avec les élus locaux.

M. Jacques Desallangre. Il faut payer la facture !

M. Yannick Favennec. Les représentants de La Poste ont souhaité organiser avec les élus un débat afin de leur présenter l'entreprise et sa stratégie ainsi que les problématiques postales dans un contexte concurrentiel. Toutefois, même si la recherche de solutions consensuelles prévaut par rapport à une action imposée, il existe bien un déficit de communication en direction des élus locaux. D'ailleurs, les maires des petites communes rurales manifestent beaucoup d'inquiétude quant à l'avenir de la présence postale sur leur territoire.

M. Jacques Desallangre. Ils ont raison !

M. Yannick Favennec. Le secteur postal attend des changements législatifs importants qui devraient permettre à sa principale entreprise de rétablir ses performances et de faire face aux missions d'intérêt général qui lui incombent.

Monsieur le ministre, l'UMP votera votre budget, qui concrétise les orientations du Gouvernement, tant en matière de politique industrielle que dans les secteurs de la poste et des télécommunications. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, ce qui caractérise la politique industrielle de la France depuis quelques années, c'est malheureusement l'absence.

Absence tout d'abord de budget propre - tous les moyens se confondent dans le magma du budget des finances et votre influence ne peut s'exercer que sur quelques maigres lignes de votre budget.

Absence ensuite de crédits, qu'illustrent les efforts de notre rapporteur pour présenter un document conséquent. En effet, les moyens budgétaires sont tellement inexistants que notre rapporteur s'est cru obligé de combler ce vide par de longs et enrichissants développements sur la situation économique mondiale, sur l'énergie, sur EDF et GDF, qui sont des sociétés de droit privé, sur AREVA, qui est aussi une société de droit privé, sur les brevets européens, et j'en passe...

Toutes ces considérations, si elles sont fort instructives, ont peu à voir avec votre action, votre budget et vos choix.

Absence encore de combativité pour défendre les crédits dont vous disposez face aux appétits de votre ministre en chef de Bercy. Malgré la faiblesse de vos dotations, vous avez accepté en 2003 plus de 100 millions d'euros d'annulations et 200 millions de reports. Cette même légèreté caractérise votre gestion en 2004, comme en témoignent les 100 millions d'annulations et une sous-consommation patente des crédits de restructuration industrielle, dont seulement 67 % sont utilisés. C 'est un vrai scandale quand on considère l'ampleur des dégâts engendrés par la désindustrialisation que, malheureusement, comme d'autres, je connais bien dans le Soissonnais.

Les conséquences de cette sous-consommation se manifesteront en 2005 avec la réduction officielle des crédits alloués à la revitalisation des bassins sinistrés. Les aides aux projets d'implantation et de restructuration diminuent de 17 %. Tous mes concitoyens soissonnais, notamment les victimes des délocalisations, seront touchés quand ils apprendront à quel point le Gouvernement ignore leur détresse et les besoins qui sont les leurs en matière d'emploi !

Absence toujours de politique industrielle explicite : aucun support d'information n'est prévu et aucune de vos interventions, monsieur le ministre, n'expose les actions et les perspectives stratégiques de votre ministère.

Vous tenterez peut-être de nous faire croire que la multiplication des exonérations de charges sociales ou fiscales reflète une politique industrielle. C'est peu !

Vos cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, qui, au passage, oublient les artisans et les PME, n'empêcheront pas les délocalisations et le dumping social. Ils ne feront qu'amplifier les effets d'aubaine.

Absence enfin du ministre devant la commission des affaires économiques : aucun document ne nous a été présenté, et personne pour défendre votre budget. C'est la cerise sur le gâteau !

M. le ministre délégué à l'industrie. Me comparez-vous à un gâteau ?

M. Jacques Desallangre. Cette vacuité est regrettable et fort dommageable pour notre pays, car l'emprise croissante des marchés sur l'ensemble de l'économie devrait renforcer la nécessité pour les États de mener une véritable politique industrielle, une politique qui traduirait les efforts de la Nation, sélectivement et conformément à l'intérêt général et aux choix stratégiques du pays.

Cette politique préserverait notre liberté de décision et notre indépendance. Car, sans indépendance économique, une nation ne peut préserver suffisamment de marges de manœuvre pour concrétiser ses choix.

Aujourd'hui, une réelle politique industrielle offensive s'impose, car l'ouverture des frontières provoque une lutte sans merci pour gagner des parts de marchés et améliorer la compétitivité. L'État ne peut ni refuser la place croissante des marchés, ni se soumettre à l'anarchie que, hélas, ils engendrent. Son industrie doit correspondre à sa politique. Son économie ne peut être uniquement définie par la concurrence mais par les choix de société exprimés par les citoyens et se traduire en objectifs concrets. Car la politique industrielle conditionne notre régime démocratique.

La liberté d'une nation passe en effet par la maîtrise d'un certain nombre de secteurs industriels et de filières techniques, et par son refus du retard technologique. Les grands projets et les opérateurs capables de relever les défis de la globalisation sont autant de moyens au service de l'État pour atteindre les priorités définies par sa politique.

Voilà, brièvement, ce que devrait être l'ébauche d'une politique industrielle, mais la France a perdu depuis trop longtemps cette ambition.

Le Gouvernement, monsieur le ministre, et vous plus que tout autre, refusez de juguler l'emprise grandissante du marché sur notre économie. Au contraire, vous accélérez le mouvement en bradant entreprises publiques et services publics. Certes, vous avez sauvé Alstom, au passage en bradant les intérêts des petits actionnaires et en offrant de larges cadeaux aux banques d'affaires. Mais dans le même temps, vous soumettez totalement EDF-GDF au marché, avec, à la clé, des hausses pour le consommateur, vous vendez France Télécom et vous asphyxiez La Poste et la SNCF.

Monsieur le ministre, votre budget illustre votre renoncement à tempérer et à réguler les marchés. Vous faites le choix de la vacuité au lieu d'une politique favorisant les fleurons de notre industrie, de nos services publics et préservant nos emplois. Vous organisez la perméabilité de notre économie au marché, avec son lot de désindustrialisation et de désertification, de délocalisations et de licenciements.

Mais pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela, monsieur le ministre ? Le rapporteur spécial Hervé Novelli a déjà tout dit. Je le cite : « La politique industrielle de la France s'inscrit dans le cadre de la politique européenne, qui, elle-même, s'inscrit dans le cadre d'une politique de totale et libre concurrence. » La messe est dite, mais nous ne voulons pas la servir avec vous ! Votre politique est libérale et contrainte. Mais avez-vous jamais eu la plus petite intention de la soustraire à cette contrainte ?

Vous mettez donc en œuvre cette politique libérale, soumise docilement aux seules lois du marché. Le groupe des député-e-s communistes et républicains ne vous suivra évidemment pas dans cette voie, qui sacrifie l'intérêt général et l'intérêt national. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez aujourd'hui se veut la traduction d'un volontarisme accentué de l'État dans le domaine de la politique industrielle. Je note en particulier la part consacrée à l'accompagnement des mutations industrielles, renforcée par les pôles de compétitivité.

Élu de l'agglomération de Roubaix, je suis évidemment attentif aux initiatives destinées à l'accompagnement des territoires fragilisés.

L'État intervient pour accompagner les entreprises des secteurs d'activité qui connaissent de profondes transformations, avec leur lot de restructurations. Il intervient également pour accompagner les territoires qui avaient accueilli ces entreprises et qui vivent de plein fouet les conséquences humaines et sociales de ces mutations.

Le débat que nous avons eu il y a plusieurs semaines sur les délocalisations a mis en lumière l'inégalité de nos territoires devant ce phénomène et m'a donné l'occasion d'expliquer le véritable séisme social et territorial que vivent le bassin d'emploi de Roubaix et de Tourcoing.

Cette seule agglomération a enregistré l'année dernière près de 3 000 licenciements économiques, et ce sont près de 1 000 emplois qui ont été supprimés, au cours du premier semestre 2004, dans le seul secteur de l'industrie textile.

Parce qu'ils ont contribué à l'essor industriel de notre pays, il est légitime de concentrer les moyens de l'État sur les territoires fragilisés par les mutations industrielles, afin de faciliter l'implantation de nouvelles activités innovantes.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, mais je le redis ici : l'État n'est pas quitte de ce qu'il doit aux territoires qui ont assuré - et assumé - la prospérité industrielle de notre pays. Ils l'ont assurée pour le meilleur - le plein-emploi, la redistribution des richesses - mais également pour le pire - les atteintes à l'environnement urbain, et surtout à la santé des hommes.

Le Gouvernement fait porter aujourd'hui une partie de ses espoirs sur les pôles de compétitivité, qui constituent un outil indispensable pour relancer la dynamique de développement économique des territoires fragilisés.

Vous savez tout l'intérêt que les élus de l'agglomération de Roubaix et de Tourcoing portent à ce dispositif, dans le cadre du projet d'aménagement du site de l'Union,...

M. Christian Vanneste. Tout à fait !

M. Francis Vercamer. ...reconnu d'intérêt national par le CIADT de décembre 2003, avec le projet du centre européen des textiles innovants.

J'ai eu l'occasion, avec Christian Vanneste, de rencontrer vos services à ce sujet. En métropole lilloise, les acteurs du développement économique et les élus se mobilisent pour élaborer l'appel à projets.

Je souhaite simplement, en liaison avec le ministère de l'aménagement du territoire, que ce dispositif s'accompagne d'une accélération de la requalification des friches industrielles.

Pour mémoire, le Nord-Pas-de-Calais compte à lui seul la moitié des friches industrielles de notre pays. En métropole lilloise, c'est l'agglomération de Roubaix-Tourcoing qui compte la plus grande part de friches insérées en milieu urbain, dont la vocation est toujours d'ordre économique.

Ces terrains et bâtiments ne pourront accueillir de nouvelles activités qu'à condition d'avoir été préalablement requalifiés.

Le soutien de l'État est plus que jamais nécessaire parce qu'il est une condition essentielle du retour dans nos agglomérations d'industries innovantes, fortement créatrices d'emplois.

Le renouveau économique des territoires fragilisés passe, dès 2005, par un renforcement significatif de l'accompagnement des collectivités locales par l'État dans le domaine de la requalification des friches industrielles. Cela peut vous paraître, monsieur le ministre, une vérité d'évidence. Je souhaitais cependant vous rappeler cette priorité, parce qu'au-delà de la course aux activités tertiaires à laquelle se livrent les collectivités locales, il reste aujourd'hui, monsieur le ministre, des territoires qui sont demandeurs d'implantation d'activités industrielles, et c'est le cas de l'agglomération de Roubaix. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a trois semaines, à la faveur d'un débat parlementaire, voulu d'ailleurs par l'UMP, nous avons presque tous convenu de l'ampleur de la désindustrialisation et des délocalisations qui frappent notre pays. Nous pensions que ce constat annonçait que l'État accorderait à l'avenir la priorité à l'industrie, la recherche et l'aménagement du territoire. Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, prouve qu'il n'en est rien, et votre incontestable bonne volonté s'accompagne d'une désespérante absence de moyens.

Si je voulais vous vexer, je vous dirais que vous ne faites pas mieux que Mme Nicole Fontaine. Mais comme je ne le veux pas, je me contenterai de pointer les défaillances de ce budget, sans négliger les quelques aspects positifs qu'un élu de l'opposition se doit de citer également.

Monsieur Novelli, vous avez rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait ce budget. En 2003, l'emploi industriel a baissé en France de 2,5 % et les exportations industrielles de la France ont reculé de 1,6 %, entraînant, vous l'avez dit, une dégradation du solde de notre commerce extérieur. Vous avez même parlé, monsieur le rapporteur spécial, d'un affaiblissement de notre position technologique. Tout le monde peut mesurer cet affaiblissement : il suffit de comparer le nombre de brevets déposés par nos entreprises et ceux de nos concurrents.

Si la croissance internationale a permis de tirer l'activité de notre tissu industriel national, celui-ci va subir dans les prochaines semaines les effets de la dépréciation du dollar par rapport à l'euro, qui va amoindrir sa compétitivité. C'est un fait qu'on ne peut que regretter.

Tel est le contexte de ce budget. J'ajouterai que si l'emploi, notamment l'emploi industriel, est redevenu une priorité majeure, l'industrie française souffre toujours des mêmes maux, de la même incapacité à lancer des projets. En particulier, notre pays est toujours confronté au phénomène nimby, « not in my backyard » - nous pourrions en parler longuement - qui contrarie certaines initiatives.

Dans un tel contexte, nous attendions de vous un budget de combat, au service de l'emploi, de nos territoires et de nos entreprises. Il n'en est rien. Confronté à la réalité du pouvoir, votre fameux volontarisme économique se réduit à l'exercice de style.

Ce budget présente néanmoins quelques aspects positifs. On a évoqué l'augmentation des moyens de la régulation, notamment de ceux de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE. On se félicitera des dispositions visant à soutenir les jeunes entreprises innovantes. D'une façon plus générale, nous convenons avec vous que l'effort doit porter prioritairement sur la recherche, les programmes de recherche et l'innovation.

Autre point positif qu'on doit vous concéder, la définition d'une ligne en matière de politique énergétique : en tant qu'élu de l'opposition, il est normal que je reconnaisse que vous avez posé des choix, même si nous ne les partageons pas. Ainsi, il vous faudra reconnaître que la privatisation de l'EDF nous rendra demain plus dépendants de choix ou de stratégies extérieures, sur lesquelles l'État n'aura que peu de prise.

Mais ces quelques points positifs ne sauraient dissimuler les graves défauts dont souffre ce budget. Alors que l'État a enregistré en 2004 un grand nombre d'annonces de fermetures de sites industriels et de délocalisations, il est surprenant de le voir réduire les crédits à destination des bassins sinistrés. Ainsi, les dépenses du chapitre 64-96 vont diminuer de 1,5 % en crédits de paiement et de 28 % en autorisations de programme. De même, les actions en faveur de la compétitivité des entreprises ne sont pas renforcées, puisque leur poids budgétaire reste stable, alors qu'il aurait dû s'accroître dans un tel contexte.

Les crédits consacrés aux actions en matière de qualité sont réduits de près de 3 % en crédits de paiement, 15 % en autorisations de programme.

Sans vouloir revenir sur ce qui a été dit sur l'Institut français du pétrole, l'actualité impose plus que jamais un soutien de l'État plus affirmé aux missions de l'IFP.

Au-delà de ces aspects strictement financiers, ce projet manque d'ambition politique, comme vient de le relever notre collègue du groupe communiste. Il traduit l'absence de politique industrielle de notre pays, et plus largement de l'Union européenne. Entre 1975 et 2000, la France a perdu 70 000 emplois industriels par an, ce qui représente en valeur absolue une perte de deux millions d'emplois sur la période. Le phénomène s'est accéléré depuis 2000, puisqu'en l'espace de quatre ans, la France a perdu 450 000 emplois, soit une moyenne annuelle de 110 000 emplois industriels. Selon l'INSEE, 678 bassins de vie sur 1 745 sont dans une situation de déclin confirmé. L'économie spécialisée de quarante départements français relève d'un secteur industriel menacé.

Il y a donc, monsieur le ministre, urgence à engager notre pays dans la reconquête de son industrie. Les débats parlementaires organisés il y a un mois par l'UMP ou ceux initiés au mois de mars par le parti communiste nous ont donné aux uns et aux autres l'occasion de revenir sur nos propositions en faveur de l'industrie. Pour notre part, nous avons été clairs : une politique industrielle doit s'adosser à une politique économique fondée sur la croissance et la relance de la consommation intérieure. Or une telle politique n'apparaît pas dans les documents budgétaires et dans cette loi de finances.

Nous considérons d'autre part qu'une politique fondée sur la réduction des coûts salariaux et la baisse de la fiscalité est une erreur. Comme nous le savons tous, la proximité des marchés, la qualité de la main-d'œuvre, le niveau des équipements et des services publics pèsent davantage dans la décision d'implanter ou de maintenir une entreprise que le niveau de fiscalité. Quant à la baisse des coûts salariaux, elle nous mène à une impasse, ce que le Gouvernement, par la bouche de Nicolas Sarkozy, a admis lui-même.

Il nous faut donc essayer de redéfinir nos stratégies pour tenir compte de ces réalités.

Je vous propose donc, pour conclure, d'envisager cette politique, d'abord sous l'angle européen, ensuite sous celui des territoires en reconversion, et enfin du point de vue des entreprises.

En Europe, il nous faut amorcer au plus vite le débat sur l'harmonisation, fiscale, sociale et normative. On pourra distribuer tous les documents budgétaires possibles, organiser dans cet hémicycle tous les débats qu'on veut, cela ne suffira pas si nous ne nous attachons pas à convaincre nos partenaires européens de la nécessité de placer la question de l'harmonisation au centre du calendrier communautaire.

Nous voudrions connaître également, monsieur le ministre, votre vision de l'avenir des crédits européens qui contribuent à l'aménagement du territoire. Il s'agit des crédits du Fonds européen de développement régional, le FEDER. Nous avons tous, nous, quand nous étions au pouvoir, vous aujourd'hui, utilisé ces crédits, d'abord pour remédier aux défaillances financières de l'État, mais aussi pour accompagner les politiques de restructuration industrielle. Alors que des engagements importants ont été pris, comment allons-nous faire face à la fin de certains programmes du FEDER et à l'extinction des crédits qu'elle provoquera ?

Le deuxième angle de cette stratégie économique est celui des territoires confrontés aux mutations économiques. Je veux bien admettre, monsieur le ministre, votre sincérité et votre bonne foi sur la question des pôles de compétitivité, je n'arrive pas à y adhérer. Je reprendrai un exemple qu'on vous a souvent opposé : si un pôle de compétitivité spécialisé dans l'automobile est créé, un équipementier automobile qui ne serait pas situé dans cette zone risquera de déménager s'il ne veut pas avoir à combattre à armes inégales avec ses concurrents. Que ferez-vous alors ?

Aujourd'hui, l'urgence est ailleurs. Les outils de reconversion développés par l'État sont bien souvent devenus fictifs. Ainsi, aucune administration de mission n'est chargée de suivre la réalisation des contrats de site signés par l'État avec les bassins sinistrés. Je pense à la situation du bassin de Lacq. Je vous ai écrit à deux reprises sur cette question : je vis douloureusement l'absence de la puissance étatique sur ce territoire.

Le soin de mettre en œuvre des actions prévues dans les contrats de site est laissé à des collectivités locales souvent démunies, ou à des officines privées, sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. C'est pourquoi, comme à notre collègue Novelli, quoique pour d'autres raisons que lui, la remise à plat de notre politique de mutation et de reconversion industrielles me semble nécessaire.

Troisièmement, à l'égard des entreprises, notre objectif est clair : avoir des « entreprises-leader », qui investissent et qui embauchent. Cela nécessite de la part de l'État un volontarisme véritable, et non pas simplement verbal. Si votre majorité s'est investie pour Alstom - ces efforts ont été souvent rappelés dans cet hémicycle - elle a laissé filer l'industrie de l'aluminium : pour un Alstom, combien de Péchiney, monsieur le ministre ! Et après l'aluminium, je le répète, ce sera la chimie. Face à ce « détricotage » de notre tissu industriel, nous attendons de vous la définition d'une vraie politique sectorielle, qui engage l'État dans des stratégies de filières. Alors que les États-Unis ont obtenu des résultats en la matière, il serait anormal que la France et l'Union européenne ne s'y engagent pas également.

Voilà les raisons pour lesquelles le groupe socialiste ne votera pas votre budget.

Je profite des quelques secondes qui me restent pour aborder une question qui me tient à compte, celui du bassin de Lacq. Comme vous le voyez, un député béarnais qui monte à Paris - cela est arrivé à un autre député béarnais, mais de l'UDF - est confronté à quelques difficultés !

Je voulais souligner la nécessité absolue de prévenir les sinistres industriels. En l'occurrence, on sait que l'épuisement du gisement entraînera nécessairement des difficultés sociales. Nous nous étions engagés dans la reconversion du bassin de Lacq, qui devait le faire passer d'une chimie de l'extraction à une chimie de la molécule : après une chimie centrée autour de la matière première, il s'agissait de définir une chimie de l'intelligence, qui assure le destin de ce bassin industriel.

Or, depuis quelques années, nous ne voyons plus rien venir. Nous avons pourtant accepté bien des décisions impopulaires, tel Crétacé 4000, et autres projets de reconversion sur lesquels je ne peux pas m'étendre ici en raison de leur technicité. Sachez seulement qu'ils ont suscité un engagement collectif des élus, de droite comme de gauche, et de toutes les forces syndicales confondues. Nous avons tous demandé à l'État et au groupe Total de prendre leurs responsabilités.

Je vous invite, monsieur le ministre, à vous arrêter en Béarn.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je suis gascon !

M. David Habib. Vous êtes donc chez vous chez nous !

M. le ministre délégué à l'industrie. Non, ce n'est pas pareil !

M. David Habib. Je sais, mais nous avons l'immodestie de penser que le Béarn a beaucoup appris à la Gascogne ! (Rires.)

Je vous invite donc à venir chez nous, monsieur le ministre, afin d'y organiser enfin la nécessaire réunion de l'ensemble des partenaires. Il s'agit de restaurer un climat de confiance entre les différents acteurs, notamment le groupe Total, né localement en Béarn, et l'État, qui a tiré beaucoup d'argent de ce bassin industriel - la diminution, inscrite dans ce budget, des recettes de la redevance des mines, dont vous avez, monsieur Novelli retracé l'évolution dans son rapport, traduit tout simplement la diminution de l'activité gazière du bassin de Lacq.

Je vous appelle donc, monsieur le ministre, à mettre l'avenir de ce territoire au centre de vos priorités. Vous êtes gascon ? Devenez béarnais. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Micaux.

M. Pierre Micaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs - permettez-moi de saluer l'importance de votre travail -, mes chers collègues, je ne parlerai que de l'électricité et du gaz : encore m'étendrai-je très peu sur le gaz, de façon à ne pas trop excéder mon temps de parole.

L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz se poursuit. Depuis le 1er juillet dernier, les professionnels et les collectivités locales peuvent acheter leur énergie sur le marché libre, et toute notre attention est focalisée sur l'évolution du prix du kilowattheure.

Si le coût est un élément déterminant du service, la qualité de celui-ci est, elle aussi, primordiale. Or je constate que nos réseaux de distribution d'électricité sont structurellement vulnérables, car en partie vétustes : ce point est important.

Le réseau de distribution électrique français est vulnérable.

Alors que le marché européen de l'énergie se met en place, il est intéressant de comparer notre système électrique à celui de nos voisins européens, avec lesquels nos réseaux sont interconnectés. Le taux d'enfouissement du réseau basse tension français figure parmi les plus faibles d'Europe - entre le Portugal, l'Espagne et l'Italie : c'est notre place ! -, dans une fourchette de 20 à 30 %, alors qu'en Allemagne et au Royaume Uni, ce taux d'enfouissement est d'environ 80 % ! Quant aux Pays-Bas, le réseau est enfoui en totalité !

L'argument selon lequel les différences de densité de population justifieraient cette situation est insuffisant. Car si, en effet, la densité de population est deux fois plus importante en Allemagne et en Angleterre qu'en France, le critère pertinent en la matière est le nombre de consommateurs par kilomètre de réseau. Or ce paramètre est identique en France et en Allemagne.

Le caractère aérien de notre réseau le rend plus fragile vis-à-vis notamment des aléas climatiques. Rappelons-nous que, si la tempête de décembre 1999 n'a produit que des dégâts mineurs en Allemagne, elle a en revanche détruit en France 23 000 poteaux, privant d'électricité pendant plusieurs jours 3,5 millions de ménages et d'entreprises. Nous avons versé des larmes à l'époque, mais avons tout oublié aujourd'hui !

Je note par ailleurs qu'actuellement, dans notre département, dont je préside le syndicat d'électrification, les poteaux en béton, sachez-le, ne sont pas remplacés, mais purement et simplement recouverts de plastique ! Il faut le faire !

Deuxième constat : un réseau en partie vétuste.

Outre sa fragilité structurelle, notre réseau de distribution d'électricité basse tension comporte près d'un quart de son linéaire en fil nu aérien, soit 150 000 kilomètres sur le territoire national. Excusez du peu ! Cette technique, désuète, n'existe ni en Allemagne ni en Angleterre. Ces réseaux en fil nu sont très anciens puisqu'ils ont été construits, pour une partie significative, avant la nationalisation de 1946. Il y a cinquante-huit ans ! Et rien n'a bougé depuis !

Dans mon département, ces ouvrages vétustes ont été le siège des trois quarts des interruptions d'électricité basse tension lors de la tempête de 1999. Et je ne parle pas des Landes et de bien d'autres départements !

Dans le cadre de l'accord État-EDF « Réseau électrique et environnement 2001-2003 », EDF s'était engagé sur des objectifs quantifiés de suppression de basse tension en fil nu. 8 000 kilomètres de ces lignes vétustes devaient être déposés chaque année. Or, chez nous, dans notre département, malgré nos démarches, aucun kilomètre, aucun hectomètre n'a été fait en matière de renouvellement. Absolument rien ! Zéro !

Ces constats étant faits, quels moyens mettre en œuvre pour moderniser nos réseaux ? Le réseau électrique est le vecteur incontournable de la qualité et de la continuité de l'électricité et, par là même, du développement économique et de l'aménagement du territoire. Des efforts considérables restent à accomplir pour moderniser nos réseaux. L'insuffisance d'investissement sur ces ouvrages risquerait d'être lourd de conséquences pour le système électrique français.

Il faudra donc qu'EDF, qui conserve le quasi-monopole de gestionnaire des réseaux électriques, engage un programme ambitieux de renouvellement des ouvrages de distribution, comme le prévoient les contrats de concession.

Par ailleurs, les tarifs d'utilisation des réseaux devront être fixés à un niveau suffisant pour mobiliser les ressources nécessaires au rattrapage de notre retard. Toute baisse de ces tarifs devrait être le fruit de gains de productivité, et non pas de la diminution des investissements sur les réseaux. Et cela devrait s'appliquer non seulement à EDF, mais à tous les producteurs et distributeurs européens ! C'est fondamental !

M. Jacques Desallangre et M. Daniel Paul. Très bien !

M. Pierre Micaux. Je note au passage avec regret la position récente de la Commission de régulation de l'énergie, qui a confié son réseau à la régie de Grenoble pour aller à la chasse aux économies. Je trouve cela regrettable. La CRE est-elle au service des collectivités locales ou seulement à son propre service ?

M. Jacques Desallangre. C'est le libéralisme !

M. Pierre Micaux. D'autant qu'à la fin du mois, on a su se gratifier de certaines primes de salaire ! Il est bon de le rappeler, monsieur le ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Un dispositif législatif ou réglementaire devra fixer les règles techniques nationales de qualité de distribution et de performance des réseaux, afin d'éviter toute dégradation de qualité de l'électricité.

Depuis plusieurs années, EDF, ne consacrant pas ou peu de crédits au renouvellement du réseau public de distribution d'électricité, il est vraisemblable que les éléments de comptabilité d'EDF transmis à la CRE ne fassent pas apparaître de charges de renouvellement des ouvrages. C'est tout à fait significatif ! Par conséquent, il est à craindre que les tarifs d'utilisation n'intègrent pas non plus ces charges.

Si, donc, EDF avance à l'avenir le manque de moyens financiers pour assurer son rôle de gestionnaire du réseau de distribution, ce sera en partie la conséquence de l'inconsistance de son programme pluriannuel de renouvellement des ouvrages.

M. Jacques Desallangre. C'est parce qu'elle est allée en Argentine !

M. Pierre Micaux. Par ailleurs, EDF fait part de ses doutes sur la pérennité du système concessionnaire pour la distribution. Le monopole qu'EDF conserve sur le territoire national pour le transport et la distribution pourrait effectivement être remis en cause par Bruxelles, puisque la libéralisation du secteur de l'énergie a notoirement pour objectif la fin des monopoles.

Toutefois, cela ne semble pas d'actualité. La plus efficace des sauvegardes pour EDF serait de mieux prendre en compte les valeurs du service public et de l'aménagement du territoire. (Approbation sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En conclusion, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, je souhaite que nous puissions, grâce à M. le président de la commission des affaires économiques en particulier, auditionner le plus rapidement possible les deux nouveaux présidents de Gaz de France et d'EDF, dès qu'ils auront terminé leurs investigations, car nous avons des inquiétudes. Hier matin en effet, j'apprenais dans la presse parisienne que le groupe EON souhaite mettre la main sur notre participation dans Edison en Italie - ce qui induirait une perte probable du capital d'EDF dans Edison de quelques milliards d'euros, excusez du peu ! Je souhaite donc obtenir des éclaircissements.

Je souhaiterais également avoir une explication sur la situation d'EDF dans le monde, en Argentine, en Italie maintenant, peut-être même en Allemagne, afin que nous sachions où nous en sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Monsieur le ministre, il fallait assurément tout le talent de MM. les rapporteurs Censi et Trassy-Paillogues pour concocter de si bons rapports avec le peu d'ingrédients contenus dans votre projet de budget de la poste et les télécommunications.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je me doutais bien qu'on nous cachait quelque chose !

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour la poste et les télécommunications. In cauda venenum !

M. Alain Gouriou. Il est vrai que les liens entre l'État et les deux anciens grands services publics sont devenus, depuis trois ans, de plus en plus ténus.

Pour ce qui est de La Poste, force est de regretter la valse-hésitation du Gouvernement quant à la manière de conduire son projet de réforme. D'un coté, le projet de loi de régulation postale a été débattu en première lecture au Sénat en janvier 2004 - voilà presque un an -, et ce même projet serait présenté en janvier 2005 à l'Assemblée nationale. Vous allez nous le préciser, monsieur le ministre. Il faut reconnaître qu'on se hâte bien lentement !

De l'autre coté, M. le ministre d'État, M. Sarkozy, exprime, devant la presse, sa volonté de faire aboutir au plus vite cette réforme de la poste française, qui souffre d'une comparaison désobligeante avec la poste allemande, laquelle a réalisé sa réforme voilà dix ans.

II faut reconnaître que le dossier est complexe, et nous partageons, messieurs les rapporteurs, bien des incertitudes et bien des interrogations que vous avez vous-mêmes exprimées.

Il n'y a aujourd'hui pas de directives claires et précises sur l'exercice du service public et les missions qui sont attribuées à La Poste. Des milliers d'élus ruraux craignent en effet la disparition sur leur commune de ce qui reste souvent le dernier service public encore présent : leur bureau de poste. Des milliers de maires vous le diront massivement dans quelques jours à l'occasion du congrès national des maires.

II est aussi permis de s'interroger, monsieur le ministre, sur le montant et le mode de financement du fonds de péréquation supposé assurer une hypothétique présence territoriale.

Les services financiers de La Poste se sont vu attribuer la possibilité d'accorder aux particuliers des prêts pour l'immobilier sans épargne préalable. C'est une bonne chose, monsieur le ministre, mais nous proposons d'aller un peu plus loin pour que cette activité de prêts soit étendue aux prêts à la consommation, afin de permettre à l'entreprise de fidéliser sa clientèle, d'attirer une nouvelle clientèle, en particulier les jeunes, et de conforter ainsi ses propres moyens de modernisation ainsi que sa présence sur le territoire.

Malgré l'accord intervenu entre les éditeurs de presse et l'opérateur postal, il ne nous paraît pas juste de faire supporter à La Poste une charge considérable qui vient alourdir ses dépenses.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer aussi sur les négociations quant au financement des retraites ? Faut-il s'attendre à une soulte semblable à celle qui a été réclamée à EDF et qui viendrait encore grever les charges de La Poste, qui, dès lors, n'aurait d'autres choix que de s'endetter lourdement ou d'augmenter ses tarifs ?

Les organes dirigeants de La Poste affichent volontiers leur volonté de dialogue et de concertation avec les élus locaux sur les conditions d'assurer la présence territoriale de La Poste, et l'on pourrait s'en réjouir. Malheureusement, les commissions départementales de la présence postale ne sont convoquées que très irrégulièrement, et cette concertation se réduit souvent à un simulacre, accompagné d'une pratique d'annonces de fermetures ou de transformations de bureaux à la hussarde, sans prise en compte des avis et des élus et des populations concernées.

Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de la montée de l'inquiétude des personnels. Les postiers viennent de démontrer leur attachement à leur entreprise et à leurs missions de services publics en se mobilisant pour faire remonter à 80 % en 2004 la qualité du service « J + l ». Mais ils continuent de dénoncer un manque de visibilité stratégique et un décalage entre les discours de la direction et ce qu'ils vivent au quotidien sur le terrain.

En ce qui concerne les télécommunications, nous partageons, messieurs les rapporteurs, votre satisfaction quant au redressement de France Télécom - devenue cette fois une entreprise complètement privée -, au désendettement progressif et à l'effort conséquent de l'opérateur historique en matière de recherche et développement, effort que nous souhaiterions voir accompagné par les autres opérateurs français, ce qui est loin d'être le cas.

On ne peut que déplorer aussi la lenteur avec laquelle se résorbent les zones blanches en couverture GSM par les trois opérateurs, en principe associés.

En revanche, la situation des industries équipementières des télécommunications et des branches électroniques et informatiques a de quoi inquiéter. La crise a eu pour effet d'accentuer la concurrence et d'accélérer les délocalisations vers les pays à bas coût de main-d'œuvre. C'est aujourd'hui une véritable débandade : sur les seuls bassins industriels du Grand Ouest, région pionnière dans ces domaines, on assiste depuis deux ans à la fermeture totale ou partielle des entreprises étrangères, souvent installées depuis des années.

Siemens affiche sur nos murs le slogan : « Siemens, présent en France depuis 150 ans ». Mais cela ne durera pas : Lucent Technologies, Philips, Mitsubishi, Cisco, Pirelli, ST Microelectronics, Siemens et tant d'autres font aujourd'hui leurs bagages. Les PME et les PMI sont les premières victimes d'une guerre des prix où la concurrence asiatique pointe son nez - à charge, pour les équipementiers européens, de s'aligner sur des prix cassés. Les sous-traitants s'effondrent les uns après les autres car chaque commanditaire fait peser sur son fournisseur des conditions de prix de plus en plus inacceptables.

Ne peut-on parler de délocalisation déguisée, monsieur le ministre, lorsque France Télécom Marine fait passer ses bateaux sous pavillon des îles Kerguelen afin de remplacer les équipages français par des équipages malgaches payés quatre fois moins cher - dixit le président de la société lui-même -, avec pour conséquence la nécessité de reclasser 160 marins français ?

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis pour l'industrie. Eh oui !

M. Daniel Paul. C'est scandaleux !

M. Alain Gouriou. Il y a plus grave : ce ne sont plus seulement les activités manufacturières qui sont délocalisées vers la Roumanie ou la Tchéquie, l'Inde ou la Chine, ce sont aussi les activités de recherche et de développement. Ainsi, comme je l'ai signalé au ministre délégué à la recherche, M. d'Aubert, les effectifs de recherche et de développement du groupe Alcatel en France ne représentent plus que 27 % du total de ses chercheurs. C'est notre avenir qu'on assassine !

M. Léonce Deprez exprimait en commission son regret de ne pas trouver dans l'action du Gouvernement une véritable politique industrielle Je partage son avis, à ceci près que, dans le domaine des industries et des technologies de pointe, une politique limitée au plan national me paraît dépassée. En matière d'équipements, de réseaux à très haut débit, de logiciels, de contenus, c'est d'une volonté politique et de grands projets au niveau européen que nous avons besoin pour faire le poids face aux États-Unis, au Japon et à la Corée, qui investissent massivement depuis des années et qui possèdent d'ores et déjà une avance réelle sur n'importe quel pays européen. Il nous faut un réseau performant à l'échelle de l'Union européenne pour éviter la balkanisation des systèmes qui a sévi dans trop de domaines.

Je m'associe enfin à M. Dionis du Séjour pour souhaiter la réussite des futurs pôles de compétitivité.

Je conclurai en attirant votre attention, monsieur le ministre - même si je sais que vous n'êtes pas directement concerné -, sur les effets pervers que le nouveau régime de la taxe professionnelle versée par France Télécom peut avoir sur les finances des collectivités locales. La loi de finances pour 2003 en avait neutralisé le versement par un prélèvement égal sur les dotations versées aux communes. Aujourd'hui, bien que les bases fiscales de France Télécom diminuent, voire disparaissent, le montant prélevé par l'État sur les dotations des collectivités demeure tel qu'il a été fixé en 2003. De grandes collectivités, comme la communauté urbaine de Bordeaux, mais aussi de plus petites subissent de plein fouet cette perte de ressources. Nous souhaitons que le dispositif fasse l'objet d'un correctif dans le cadre de la loi de finances pour 2005. Ce régime fiscal de France Télécom se justifie d'autant moins que l'entreprise est désormais de statut privé.

Nous n'avons pas trouvé dans votre budget les éléments positifs que nous souhaitions. Nous ne pourrons donc émettre un vote favorable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la présentation du budget au Parlement est évidemment un moment important, puisqu'il revient à la représentation nationale d'attribuer les moyens financiers et humains nécessaires à la politique conduite par le Gouvernement. Mais c'est aussi pour moi une occasion privilégiée de faire avec le Parlement le bilan de cette politique et d'en mesurer les résultats.

C'est dans cet esprit, qui se verra conforté au fur et à mesure de la mise en place de la LOLF, que je souhaite aujourd'hui vous présenter le budget de l'industrie pour 2005. L'exercice imposé voudrait que je présente les chiffres, mais vos rapporteurs en on fait un exposé si détaillé que je me contenterai de les survoler. Je remercie donc Hervé Novelli, Yves Censi, Jacques Masdeu-Arus et Alfred Trassy-Paillogues pour leur analyse très complète du budget de l'industrie, des postes et des télécommunications et de la politique d'ensemble du ministère de l'industrie.

Je souhaite que notre débat ne se limite pas à la seule vision comptable des moyens mis en œuvre, car l'action du ministre de l'industrie ne se mesure pas aux seuls moyens qu'il engage.

Cette action se décline en quatre grands axes que je veux vous exposer maintenant :

Premier axe : la politique en faveur de la compétitivité des entreprises, que je place au premier rang car, avec l'accélération de la désindustrialisation - parfois redoutée à l'excès - et compte tenu des faiblesses de notre pays en matière d'innovation, c'est pour moi le défi essentiel que nous avons à relever pour préparer l'avenir de notre pays et la défense de nos emplois.

Deuxième axe : la politique dans le domaine de l'énergie, qui est au cœur de l'actualité et des préoccupations économiques actuelles, ce dont je me réjouis car ce fut pendant de trop longues années une composante négligée de notre politique industrielle.

Troisième axe : la politique de soutien aux secteurs en difficulté, de modernisation et d'adaptation de notre outil industriel.

Quatrième axe : la modernisation de l'administration du ministère de l'industrie. Il ne suffit pas de demander aux entreprises de s'adapter, il faut aussi que l'État donne l'exemple et révise ses modes d'intervention pour les rendre plus efficaces.

Premier axe, donc : la politique en faveur de la compétitivité des entreprises et de l'attractivité de notre territoire.

Notre pays dispose d'atouts indéniables. Je tiens à le souligner, car c'est une pratique bien française que celle de l'autoflagellation. C'est une forme d'élégance que de se dénigrer soi-même, et cela vaut sur tous les bancs.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. C'est un snobisme !

M. le ministre délégué à l'industrie. Le résultat est parfois qu'on cesse de croire en nous-mêmes et en nos qualités. Or, en termes de PIB, notre pays est la cinquième puissance économique du monde, et la part de l'industrie dans la valeur ajoutée est élevée depuis plusieurs décennies, ainsi que l'a souligné à juste raison M.Paul. A ce propos, je rappelle que l'Europe du Nord est presque totalement désindustrialisée et que la Grande-Bretagne subit une hémorragie considérable. Quand je m'ausculte je m'inquiète, mais quand je me compare à d'autres, je me rassure un peu. (Sourires .)

Notre pays occupe des positions importantes dans des domaines comme l'aéronautique et le spatial, l'énergie, la santé, les télécommunications, les transports ; il dispose dans ces secteurs de champions comme EDF, Areva, France Télécom, Aventis-Sanofi, Saint-Gobain, Total, Renault, PSA, Alcatel, Loréal, Danone, Carrefour. Je peux en citer beaucoup d'autres dont nous pouvons être fiers. De temps en temps, il faut arrêter de dire que nous sommes les plus mauvais élèves de la classe.

La France a su, dans la plupart de ces domaines, faire de ses entreprises des champions européens ou mondiaux ; d'autres vont le devenir ou sont en passe de le devenir.

Elle bénéficie aussi d'une attractivité toujours forte, puisqu'elle est le premier pays d'Europe, avec la Grande-Bretagne, pour l'accueil des investissements étrangers.

Notre pays est enfin le cinquième exportateur mondial. Ce n'est pas si mal.

M. Daniel Paul. Ça commence à décliner !

M. le ministre délégué à l'industrie. Non, ça va mieux. Mais je conviens que cette situation reste fragile. Notre époque est marquée par la rapidité phénoménale des progrès technologiques. L'évolution très rapide des marchés et de la demande nécessite une adaptation permanente de notre industrie et de notre économie. Il nous faut donc conquérir de nouveaux territoires pour garantir le développement de l'activité industrielle sur notre territoire et, avec elle, des emplois.

Pour relever ce défi, notre pays souffre aussi - il ne servirait à rien de le nier - de handicaps qu'il lui faut surmonter.  Certes, j'ai lancé un « cocorico » - et parfois, c'est nécessaire pour donner aux gens des raisons de se battre -, mais il faut également être conscient de ses faiblesses pour pouvoir les dépasser.

Premier handicap : la France est l'un des pays d'Europe qui dépose le moins de brevets : avec 6,5 % environ des brevets européens déposés chaque année, il est loin derrière l'Allemagne - 19,8 % - et le Japon - 15 %. Plus inquiétant est le rythme des dépôts de brevets, qui augmente moins vite en France que dans le reste de l'Europe. Hervé Novelli a d'ailleurs relevé cette faiblesse dans son rapport, et il a eu raison. Au-delà, un débat s'est engagé au sein de l'Union européenne sur le brevet communautaire, et il faut voir que le coût du dépôt des brevets explique bien des choses.

Deuxième handicap : la compétitivité par les coûts s'est érodée. Je ne peux, sans pour autant vouloir lancer une polémique, ne pas mentionner les 35 heures, qui ont un coût (« Bien sûr ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. -Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et constituent un handicap. La France est le pays d'Europe où le nombre d'heures travaillées dans l'industrie est le plus faible : 37,4 heures pour une moyenne européenne de 40 heures. Si on peut estimer que, sur le plan social, les 35 heures ont des effets positifs, on ne peut en revanche pas nier qu'elles nuisent à la compétitivité

M. Jacques Desallangre. La compétitivité de l'ouvrier français est la meilleure !

M. le ministre délégué à l'industrie. Certes, moins l'on travaille, et plus l'heure travaillée est productive. Si vous travaillez une heure par jour, elle sera d'une productivité fabuleuse.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. C'est mathématique !

M. le ministre délégué à l'industrie. Cette évolution n'est pas sans conséquence sur nos coûts salariaux au sein de l'Europe et sur notre compétitivité.

Troisième handicap : notre fiscalité reste élevée et le poids des déficits accumulés n'est évidemment pas étranger à cette situation. Les deux sont liés.

Pour surmonter ces handicaps, plusieurs enjeux doivent être relevés.

Le premier enjeu du budget qui vous est présenté est la préparation de l'industrie de demain. Trois séries d'actions sont entreprises à cet effet.

Il s'agit tout d'abord de lutter contre la désindustrialisation dont le phénomène le plus visible et le plus critiqué est celui des délocalisations.

Le projet de loi de finances pour 2005 a fait de la lutte contre les délocalisations une priorité. Il a tenu à marquer que ce phénomène n'est pas une fatalité si l'ensemble des acteurs se mobilisent pour renforcer l'attractivité de notre territoire.

Deux dispositifs sont proposés par ce projet de loi, dans ses articles 10 et 14 : d'abord, un crédit d'impôt pour les entreprises qui acceptent de se relocaliser sur notre territoire, lequel sera dégressif sur cinq ans et fonction des emplois créés ; ensuite, un crédit de taxe professionnelle, qui sera accordé aux entreprises qui sont localisées dans les régions les plus défavorisées en termes d'emploi et les plus exposées aux délocalisations - il sera également fonction des emplois préservés.

Il s'agit ensuite de développer l'innovation et de préparer l'industrie de demain.

II est essentiel de permettre à notre économie de retrouver durablement sa croissance en développant l'aptitude de notre tissu industriel à innover en permanence. Cette stratégie, qui est aussi celle de nos partenaires européens, a été arrêtée à Lisbonne. Il faut reconnaître que son application a un peu de retard et qu'il est urgent de la traduire dans les faits.

Mon ministère contribuera à cet objectif grâce à trois leviers.

Premier levier : le soutien direct à l'innovation et à la recherche industrielle. C'est l'axe majeur du budget pour 2005. Cela passe par la remise à niveau des crédits budgétaires destinés au soutien direct à l'innovation, notamment au travers du Fonds de compétitivité des entreprises. Les moyens du FCE sont une des priorités de ce budget : avec 158 millions d'euros, ils augmentent de 9,5 % environ, et le Gouvernement proposera que cet effort soit poursuivi dans le cadre du collectif budgétaire pour 2004. Les fonds ainsi mobilisés favoriseront également la mise en place des pôles de compétitivité pour lesquels le ministère de l'industrie apportera 40 millions par an sur les trois prochaines années.

Deuxième levier : l'amélioration de l'efficacité des soutiens à l'industrie. Indépendamment des moyens financiers, ce que l'État attend, c'est une plus grande efficacité de notre dispositif d'innovation. Il ne suffit pas d'investir de l'argent. Il faut que l'argent investi produise mieux. C'est pourquoi il a décidé de mettre en place une agence nationale de la recherche, dotée de 350 millions d'euros en 2005, qui financera des projets de recherche dont il est essentiel qu'ils soient sélectionnés pour leur intérêt non seulement scientifique, mais aussi économique. Nous travaillons activement, avec François d'Aubert, à la mise en place de cette agence qui démultipliera encore notre effort de recherche et d'innovation, en finançant des projets de recherche correspondant à des priorités nationales préalablement identifiées.

Le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche, qui sera présenté en conseil des ministres d'ici à la fin de l'année, devrait contribuer à renforcer les effets d'entraînement de la recherche publique sur le développement de l'innovation technologique dans le secteur privé et à favoriser la mobilité fonctionnelle des chercheurs en offrant des passerelles entre les organismes de recherche, les universités et les entreprises.

M. Christian Vanneste. C'est essentiel !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est en effet essentiel pour valoriser notre recherche et nos investissements dans ce domaine.

De même, avec le rapprochement de l'ANVAR et de la BDPME, le Gouvernement a voulu que soient mobilisés, au service d'une politique cohérente et globale de financement des PME, non seulement les moyens budgétaires de l'ANVAR et de SOFARIS, mais aussi les moyens extra-budgétaires de la BDPME. A ce propos, je répondrai sans esprit de polémique à M. Bataille, qui a su intervenir avec beaucoup de retenue et de pertinence dans ce débat, que je ne suis pas d'accord avec lui : les crédits de l'ANVAR seront de 90,1 millions d'euros en 2005, contre 81,1 millions d'euros en 2004 ; ils connaissent donc une progression très sensible.

Les PME n'auront plus à s'adresser à plusieurs guichets mais auront un interlocuteur unique, qui mènera une action cohérente.

M. Guy Geoffroy. Très juste !

M. le ministre délégué à l'industrie. Tout au long de la vie des entreprises, de la création jusqu'à un stade avancé de développement, un financement continu sera assuré. Ce rapprochement devrait être effectif dès le début de l'année prochaine. Il aura été réalisé en quelques mois.

Enfin, ces dispositifs budgétaires et cette nouvelle organisation doivent être appréciés au regard des mesures fiscales décidées pour 2005 au profit de l'innovation et de la compétitivité des entreprises : allégements fiscaux pour les entreprises participant à un projet de recherche et de développement dans les « pôles de compétitivité » ; renforcement du dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises innovantes, progrès salué objectivement par l'opposition, ce dont je la remercie ; montée en charge du crédit impôt-recherche pour 2005 ; mise en place d'un crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale.

Le troisième levier, c'est la formation. Aujourd'hui plus que jamais, dans la compétition mondiale, la force d'une économie repose sur la valeur ajoutée de l'intelligence. C'est donc une action essentielle que mène le ministère de l'industrie, à travers son réseau d'écoles de formation, notamment les écoles des mines et celles des télécommunications. Plus de 212 millions d'euros y seront consacrés l'an prochain : cet effort, qui représente 10 % du budget total de mon ministère, sera en hausse significative par rapport à 2004.

Il nous faut aussi renforcer les synergies entre les acteurs économiques. La mission première de l'État dans le domaine économique et industriel consiste à favoriser la constitution d'un environnement des entreprises qui soit propice à la performance. Mon ministère gère à cet effet un ensemble de dispositifs qui contribuent à pousser les entreprises sur le chemin de la croissance. Parmi ces dispositifs figurent les actions relatives à la normalisation, à l'essaimage des nouvelles technologies et à l'appui apporté aux centres techniques industriels. Malgré les contraintes budgétaires, les crédits réservés à cet ensemble d'actions sont stabilisés en 2005.

Le paysage français est caractérisé par une grande complexité et par la multiplicité des acteurs. La mise en synergie des actions de chacun est un objectif au moins aussi essentiel que le renforcement des moyens d'action. Mieux employer ce qui existe déjà offre de vastes possibilités. C'est tout le sens de la démarche de constitution des pôles de compétitivité, qui visent à donner la priorité, non plus à des entreprises, à des régions ou à des filières industrielles, mais à des projets communs de développement économique, fondés sur l'innovation et réunissant les efforts conjoints des industriels, des collectivités locales et de l'État.

Pour assurer l'efficacité de notre action sur le terrain, le Gouvernement a également entrepris une réforme des chambres de commerce et d'industrie, qui, au-delà de la réforme des modes électifs, vise à une meilleure représentativité, à une nécessaire déconcentration de la tutelle et à une plus grande efficacité au service du tissu industriel. Je considère qu'il est du ressort de l'État de susciter la réflexion collective des acteurs, de conduire l'élaboration d'une stratégie - car la politique industrielle relève de la stratégie - et de dégager une vision sur le long terme. Qui d'autre pourrait tenir ce rôle essentiel, qui implique de rapprocher des acteurs économiques parfois concurrents afin de les faire penser à l'échelle d'un secteur et non plus d'une entreprise, d'élargir leur horizon ? Nous avons d'ores et déjà engagé des démarches de ce type dans plusieurs branches d'activités prioritaires.

D'abord, dans le textile,...

M. Christian Vanneste. Très bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...qui sera touché, le 1er janvier 2005, par le choc très brutal de l'ouverture des échanges avec la Chine. Ce secteur a fait l'objet d'une mission stratégique, qui vient de me rendre son rapport et d'un groupe européen de haut niveau basé à Bruxelles, dont la France a été à l'initiative et auquel elle a participé activement. Ensuite, dans la chimie, qui est en pleine phase de recomposition, avec des groupes en devenir comme Rhodia et Arkema, et qui a fait l'objet d'un groupe de travail que j'ai constitué en septembre et qui est présidé par un de vos collègues, M. Daniel Garrigue. Là non plus, la situation n'est pas mauvaise aujourd'hui, mais l'horizon est menaçant. Les enjeux sont tels qu'il n'est que temps d'adopter une stratégie pour prévenir les crises qui se profilent déjà. De ce point de vue, je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Habib. Enfin, dans la pharmacie, domaine d'avenir où la France est forte mais doit se préoccuper de conserver son potentiel industriel, qui a vu la création d'un comité stratégique, présidé par le Premier ministre. Ce comité a pour objet de déterminer une politique du médicament,...

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...pas seulement du point de vue de la sécurité sociale, mais aussi sur le plan industriel de la recherche et de la localisation d'emplois dans notre pays.

La réforme du financement des centres techniques de l'industrie et des comités professionnels de développement économique s'inscrit dans cette logique de structuration du débat avec les filières professionnelles et mérite d'être soulignée. Cette réforme est maintenant achevée avec la mise en place d'une taxe affectée garantissant le niveau de ressources de ces organismes précieux pour les secteurs industriels qu'ils servent, comme M. Novelli l'a souligné.

Le deuxième axe de notre politique est tourné vers l'énergie.

Le Gouvernement a tenu, dès son arrivée, à réaffirmer avec force une réalité quelque peu oubliée : l'importance capitale de la politique énergétique au sein des politiques en faveur de la compétitivité. Je remercie Hervé Novelli d'avoir décrit, dans son rapport, les enjeux de cette politique.

Quelques chiffres pour illustrer ce propos : notre pays n'ayant pratiquement plus de ressources énergétiques fossiles, il supporte en conséquence une facture pétrolière de 23 milliards d'euros, soit 6 % de son PIB ; la hausse du pétrole représente une augmentation de 2,8 milliards d'euros de cette facture pétrolière ; la consommation d'énergie est l'un des premiers postes de consommation des ménages avec 7,4 % de leurs dépenses. Ces rappels montrent, s'il en était besoin, combien l'accès à l'énergie à des conditions compétitives est un facteur essentiel pour le maintien de la croissance.

À cet égard, deux textes fondamentaux ont été débattus au Parlement : le projet de loi d'orientation sur l'énergie, que vous avez voté en première lecture en juin dernier et qui pose les fondements de notre politique énergétique pour l'avenir ; la loi sur la réforme des industries électriques et gazières, qui traduit nos engagements européens pour la concrétisation de l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz et donne aux grands opérateurs industriels que sont EDF et GDF les moyens de se développer dans le cadre international.

Je veux répondre en quelques mots aux questions qui ont été posées s'agissant de la soulte versée par EDF. La charge des retraites est déjà comprise dans les tarifs de l'électricité, monsieur Novelli. La soulte n'est que l'actualisation d'une charge qui pèse déjà sur les entreprises électriques et gazières. Elle n'est donc pas une charge supplémentaire. De toute façon, elle aurait dû être payée même si elle n'avait pas été actualisée. Demain, il n'y aura pas d'augmentation tarifaire du fait de la soulte puisqu'elle sera absorbée à la fois par le tarif et par la contribution tarifaire, le total devant être égal au tarif précédent, comme le prévoit l'article 50 de la loi du 9 août dernier.

M. Alain Gouriou. Cette démonstration n'est guère convaincante !

M. le ministre délégué à l'industrie. Par ailleurs, j'indique à M. Bataille que je ne considère pas, personne ici non plus d'ailleurs, qu'EDF ne vaut rien, loin de là. C'est même parce que nous la considérons comme une entreprise exceptionnelle, qui a un savoir-faire unique au monde, que nous avons fait l'EPR. C'est dire si nous croyons à EDF ! M. Bataille aussi, j'en conviens, mais pas tout le monde.

M. Jacques Desallangre. De qui parlez-vous ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Je parle de ceux qui n'ont pas voté pour l'EPR, qui, manifestement, croient moins à EDF que nous.

C'est bien parce que nous croyons à l'avenir d'EDF que nous ne voulons pas grever sa croissance et le financement de cette croissance par un endettement qui pourrait lui être fatal, comme il a failli être fatal à France Télécom. S'agissant du financement de l'indispensable croissance d'EDF - dont la commission déterminera les conditions -, ...

M. Daniel Paul. Suivant un chemin que vous lui avez tracé !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...nous pensons qu'il vaut mieux recourir au marché des capitaux plutôt qu'à l'endettement, qui pèse sur la compétitivité de l'entreprise, sur sa capacité à conquérir des parts de marché et donc sur l'emploi. L'endettement pèse, indirectement certes, mais très lourdement sur l'emploi. Nous avons fait le choix de l'ouverture du capital pour préserver et développer l'emploi.

M. Daniel Paul. L'État actionnaire n'y suffisait pas ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Ceux qui veulent endetter l'entreprise, en réalité la menacent. Certains ont cru bon de dire que nous nous inspirions de l'Ancien Régime parce que nous voulions privatiser. S'ils connaissaient l'Histoire de France, ils sauraient que les manufactures, toutes les entreprises d'État ont été créées par la royauté.

M. Jean Dionis du Séjour. Par Colbert !

M. le ministre délégué à l'industrie. Certains en sont, effectivement, restés à la manufacture royale.

M. Christian Vanneste. Au colbertisme !

M. le ministre délégué à l'industrie. Colbert, c'est l'Ancien Régime.

M. Jacques Desallangre. Ils avaient le sens de l'intérêt général, en ce temps-là ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'industrie. S'agissant de la maîtrise de l'énergie, le Gouvernement a lancé, dès mai 2004, avec l'ADEME, une campagne de sensibilisation aux économies d'énergies. Cette campagne est reprise et amplifiée avec l'ensemble des professionnels du secteur pétrolier et automobile, qui se sont ralliés à cette démarche et lui assureront la diffusion la plus large, au travers de leurs réseaux commerciaux et de gestes concrets qui permettront à nos concitoyens de limiter leur consommation et de préserver leur pouvoir d'achat. La voiture stop and start développée par PSA, par exemple, est le genre d'innovation qu'il faut encourager parce qu'elle permet, en ville, des économies de consommation de 15 %.

Je ne peux omettre de mentionner qu'en 2003, pour la première fois depuis trente ans, la consommation de carburant dans les transports a diminué de 1,1 % alors qu'elle augmentait en moyenne de 2,1 % chaque année. Même si cette évolution est en grande partie liée à la politique de renforcement de la sécurité routière, c'est un résultat qu'il faut souligner, car il démontre l'interdépendance entre l'ensemble des politiques conduites par le Gouvernement et les progrès qui peuvent être accomplis dans le domaine de la maîtrise des coûts de l'énergie.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour la poste et les télécommunications. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l'industrie. S'agissant de la diversification du bouquet énergétique, le Gouvernement a confirmé sans ambiguïté, après débat au Parlement, le choix de la filière nucléaire et le lancement de l'EPR. EDF vient d'entériner son choix du site de Flamanville. J'en félicite, d'ailleurs, M. Gatignol, qui a tellement milité en ce sens.

M. Daniel Paul. L'heureux homme !

M. le ministre délégué à l'industrie. Certains n'en voulaient pas. Il eût été immoral de décevoir ceux qui étaient prêts à le recevoir pour favoriser ceux qui s'y opposaient.

M. Charles Cova. M. Fabius, par exemple, n'en voulait pas !

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce projet va donc se concrétiser.

Ce choix du nucléaire, avec celui de l'énergie hydraulique, dont nous sommes l'un des plus gros producteurs d'Europe, est celui de l'autonomie énergétique, la réponse de la France à ses difficultés d'accès aux ressources fossiles, à la maîtrise des rejets de gaz à effet de serre et à la préservation du pouvoir d'achat de nos concitoyens soumis aux évolutions du prix du pétrole. À cet égard, le choix du nucléaire dès 1974 a réduit notre dépendance pétrolière d'un tiers, ce qui confère à l'ensemble de notre économie un avantage compétitif et qui prouve le bien-fondé de ce choix.

Mais il est clair que le nucléaire et l'hydraulique ne constituent pas la solution unique.

M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !

M. le ministre délégué à l'industrie. S'ils répondent bien aux besoins d'électricité domestique et industrielle, en base, de notre pays, ils ne nous exonéreront pas de réaliser des progrès dans les domaines du transport et du chauffage, qui restent très dépendants du pétrole.

C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité développer également les bio-carburants en portant leur production de 500 000 à 1,3 million de tonnes en 2007, soit presque le triple, car c'est encore une énergie dans laquelle, au vu de nos atouts, nous pouvons être l'un des leaders européens. Si nous savons relever ce défi, nous en avons la possibilité.

S'agissant de la maîtrise des nouvelles technologies de l'énergie, le budget de l'industrie finance trois grands acteurs de la recherche qui sont le fer de lance de notre pays pour les recherches dans ce domaine : le CEA, l'ADEME et l'IFP, l'Institut du pétrole.

La dotation au CEA est stabilisée en 2005 mais cet organisme disposera prochainement d'un plan à long terme et d'un contrat d'objectif qui conforteront dans la durée ses moyens pour la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie, notamment l'utilisation de l'hydrogène, les piles à combustible et l'énergie photovoltaïque.

Avec 192 millions d'euros en 2005, la dotation de l'Institut français du pétrole est en baisse de 8 millions d'euros, monsieur Novelli, mais cet organisme dispose de ressources externes importantes qui permettront la poursuite des actions engagées au titre de son contrat d'objectifs. Soyez assuré, monsieur Masdeu-Arus, que l'État - tout en se gardant le choix des moyens - respectera ses engagements.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis pour l'industrie, et M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Très bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. Enfin, mon ministère renforce sa subvention globale à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui est portée à 50 millions d'euros.

Je veux souligner le rôle essentiel de l'État pour garantir à nos concitoyens la sûreté du développement de notre offre énergétique et la transparence dans les conditions d'accès à cette énergie.

C'est pourquoi ces besoins prioritaires sont pris en compte dans le budget qui vous est présenté.

Premièrement, un effort particulier est réalisé, pour la troisième année consécutive, afin de renforcer la sûreté nucléaire et la radioprotection : 22 emplois supplémentaires sont créés dont 12 dans les divisions opérationnelles de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui se trouvent implantées dans les DRIRE, au niveau régional.

Deuxièmement, les moyens de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sont également renforcés, monsieur Novelli, avec une progression de 12,31 % des crédits et la création de 12 emplois supplémentaires.

Je rappelle que la LOLF visait à faire disparaître les taxes affectées. J'en ai moi-même, j'en conviens, recréé un certain nombre, mais n'abusons pas du procédé. S'agissant en l'occurrence de l'autorité de régulation, ne constatant pas de corrélation entre l'augmentation des besoins énergétiques et l'activité de cette autorité, je ne vois pas quelle légitimité aurait une taxe : cela reviendrait à avoir une taxe au rendement proportionnel aux besoins énergétiques sans pour autant que cela corresponde à l'augmentation de l'activité de l'autorité de régulation !

Le troisième axe de la politique du Gouvernement est l'adaptation aux mutations en cours.

L'une des missions traditionnelles et ô combien importante du ministère de l'industrie consiste à accompagner et à faciliter les mutations qui touchent nos industries.

La priorité à l'accompagnement des mutations industrielles est clairement affichée dans le budget pour 2005. Les crédits d'intervention du ministère destinés aux restructurations, à la reconversion des salariés, à la réindustrialisation des bassins d'emplois et à la gestion de l'arrêt de l'extraction charbonnière sont en progression de 8,68 %. L'évolution est importante.

Les crédits de restructuration industrielle concourent directement à la redynamisation du tissu industriel et local. La dépense, qui revêt un aspect social, s'inscrit avant tout dans une logique économique. Elle se concentre sur les sinistres les plus graves du point de vue de l'ordre public, tels Metaleurop en 2003 et Euromoteurs en 2004, qui conduisent à des interventions conjuguées des collectivités locales, de l'entreprise et de l'État.

Un nouveau dispositif de conversion, qui comprend un appel au financement bancaire, une garantie publique par SOFARIS et le recours à un prestataire de conseil ayant un mandat limité dans le temps, sous forme de délégation de service public, a été mis en place. Le dispositif est actuellement appliqué en Basse-Normandie pour Moulinex et dans le Nord-Pas-de-Calais pour Metaleurop.

Il est vrai, monsieur Novelli, que la consommation des crédits de restructuration n'est pas toujours totale. Mais cela est inévitable car, d'une part, ces crédits sont encadrés et contrôlés par Bruxelles et, d'autre part, ils sont prévisionnels. On ne peut pas prévoir les sinistres et, après tout, s'ils ne sont pas employés parce qu'il n'y a pas eu de sinistres, on ne peut que s'en réjouir. Cela étant, chaque fois que nous l'avons pu, nous les avons ajustés.

L'augmentation des moyens consacrés à la sécurité et à la gestion de sites miniers en reconversion s'accompagnera de la modernisation de la garantie apportée par l'État aux droits sociaux des mineurs. La fin programmée des exploitants miniers publics, notamment du premier d'entre eux, Charbonnages de France, qui cessera toute activité fin 2007, nécessite une accélération de la mise en place du dispositif d'après-mine dans tous ses aspects. La mise en œuvre de ce dispositif sera poursuivie à un rythme soutenu durant l'année 2005 : l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sera opérationnelle le 1er janvier 2005, la mise en sécurité des anciens sites miniers sera assurée de manière pérenne, la reconversion économique des anciens bassins miniers continuera à être assurée et la nouvelle procédure d'indemnisation des dommages miniers sera mise en œuvre dans l'année qui vient.

Le quatrième axe de la politique du Gouvernement est la modernisation de l'administration.

Je ne voudrais pas terminer cet exposé sans souligner que ce budget porte aussi la marque de la réforme budgétaire engagée par la loi organique du 1er août 2001.

Au-delà des travaux importants d'ores et déjà réalisés sur les crédits de l'industrie, en termes de stratégies, objectifs et indicateurs de résultats, le programme « Passifs financiers miniers » fera l'objet d'une préfiguration en 2005 sur un chapitre globalisé - le chapitre 69-01 - doté de plus de 654 millions d'euros.

Plus fondamentalement, mon ministère est engagé dans un véritable mouvement de réforme de l'État.

Premièrement, la gestion des contrôles de véhicules est en cours d'externalisation. L'appel d'offre lancé en juin 2004 a été un succès. Cette opération devrait rapporter à l'État 53,8 millions d'euros. Elle traduit l'évolution des missions du ministère qui se recentre sur son rôle de régulateur et de normalisateur.

Je veux ici saluer le dévouement et le sens de l'État des 700 agents des DRIRE qui sont impliqués dans cette réforme exemplaire et qui peuvent être assurés de tout mon soutien.

Je conviens volontiers avec vous, monsieur Novelli, qu'il faut renforcer les synergies avec l'ANVAR. Cela sera d'autant plus aisé que nous rattacherons les DRIRE aux pôles économiques et que la fusion de la DIGITIP - la Direction générale de l'industrie des technologies de l'information et des postes - et de la DARPMI - la Direction de l'action régionale et de la petite et moyenne industrie - pour constituer la DGE - la Direction générale des entreprises  - permettra de rapprocher ces deux services jusque-là soumis à deux directions distinctes. Désormais, il n'y aura plus qu'une seule direction.

Deuxièmement, le Gouvernement a engagé une réforme de l'administration en régions en regroupant les services par « pôles ». Les DRIRE seront intégrées aux pôles économiques, mais elles participeront à une expérimentation de rapprochement avec les DIREN au sein des pôles environnement.

Ce double rattachement des DRIRE aux activités économiques et aux activités de contrôle de l'environnement consacre leur double mission et leur vocation à être l'interlocuteur privilégié des entreprises industrielles de toute nature, qu'il s'agisse des contrôles réglementaires ou de leur développement.

Je veux, là aussi, saluer l'effort des agents des DRIRE, qui doivent dans les années à venir réussir la synthèse essentielle entre ces deux missions en apparence si dissemblables et pourtant complémentaires.

Troisièmement, enfin, l'État a engagé une réforme en profondeur des grands opérateurs publics dont il a la tutelle.

Je ne reviendrai pas sur l'évolution du statut d'EDF, qui a été longuement débattue dans cet hémicycle. J'ai bien noté, monsieur Micaux, votre souci de préservation et d'amélioration de la qualité du réseau de distribution. Nous ne pouvons que le partager. C'est la raison pour laquelle la loi du 9 août a prévu un contrat de service public entre l'État et EDF comprenant notamment un objectif d'enfouissement des lignes électriques. Ce contrat est en cours de négociation, et je peux vous assurer qu'il sera ambitieux. Je veux quand même atténuer la critique adressée à EDF sur le bilan du contrat 2001-2003 : il est vrai que l'objectif de 8 000 kilomètres de lignes initialement prévu n'a pas été respecté, mais il l'a été à 70 %, avec, c'est exact, de fortes disparités selon les départements. Il n'en reste pas moins qu'un effort important dans ce domaine est nécessaire et qu'il devra être pris en compte par la CRE dans la fixation des tarifs.

La modernisation de La Poste est en cours. Vos rapporteurs Yves Censi et Alfred Trassy-Paillogues l'ont décrite dans leur rapport. J'y reviens brièvement. Nous aurons, au mois de janvier, l'occasion de débattre de ce sujet.

Le contrat de plan, qui a été signé en janvier 2004, apporte un cadre d'ensemble aux principaux sujets stratégiques de La Poste et comporte plusieurs dispositions ayant un impact budgétaire.

Ainsi, La Poste aura la possibilité, à partir de 2006, de bénéficier de l'exonération de charges sociales sur les bas salaires, qui lui avait été refusée initialement par la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires et au temps de travail. Bien que cela ait un coût budgétaire significatif de l'ordre de 230 millions d'euros, il s'agit d'un progrès important dont nous pouvons nous féliciter et dont nous aurons certainement l'occasion de reparler lors de la discussion du budget pour 2006 .

Le contrat de plan reconduit le dispositif de compensation relatif aux retraites des employés fonctionnaires de La Poste, en définissant une méthode pour aller vers une solution plus complète.

Après dix-huit mois de travaux intenses, la mission confiée à M. Henri Paul sur le transport de la presse par La Poste a permis d'aboutir à la signature, en juillet 2004, d'un accord couvrant la période 2005-2008.

Cet accord prévoit en particulier que le secteur de la presse continue à bénéficier de la part de La Poste de tarifs préférentiels pour son transport et sa distribution. La presse peut ainsi développer sa diffusion par une politique d'abonnements à un coût raisonnable pour le public, en bénéficiant de prestations relevant du service universel postal, adaptées à ses besoins et fournies avec une bonne qualité de service.

Le projet de loi sur la régulation des activités postales transpose la directive européenne de mai 2002 - que seule la France n'a pas transposée à ce jour - et complète la transposition de la directive de 1997 en créant un régulateur postal français indépendant, dont l'absence a justifié l'avis motivé adressé à la France par la Commission. Le retard français dans la transposition des « directives postales » a conduit la Commission européenne à annoncer son intention de saisir la Cour de justice. Il y a donc urgence.

Plus largement, l'ouverture progressive des marchés du courrier nécessite de moderniser la législation française en créant un cadre d'exercice pour les acteurs du secteur postal et en instituant un régulateur indépendant, ce choix étant déjà mis en œuvre dans de nombreux pays européens.

Le débat politique actuel sur la présence de La Poste sur le territoire conforte le Gouvernement dans sa volonté de donner la priorité à la modernisation du secteur postal, volonté qui doit se traduire par l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi en première lecture dès janvier.

M. Dionis du Séjour m'a posé une question sur le Fonds postal. Je puis vous dire qu'il est financé par l'abattement dont bénéficie La Poste sur les taxes locales, qui produisent 150 millions d'euros.

La Poste est, depuis le 1er janvier 2003, soumise à une concurrence absolue au-delà de 100 grammes. Il lui faut donc être compétitive. La recherche de productivité, j'en conviens, coûte des emplois. Mais c'est la condition pour être compétitif. L'absence de compétitivité coûte encore plus d'emplois.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Bien sûr !

M. le ministre délégué à l'industrie. La compétitivité est le seul moyen, dans la concurrence, de conserver et de développer par ailleurs d'autres emplois. Si l' on ne recherche pas la productivité, on est assuré du déclin économique, de la déconfiture et de la perte totale des emplois. Il faut donc cesser de stigmatiser la productivité, ...

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie et M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis pour l'industrie. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l'industrie. ... parce que cela traduit une incompréhension des phénomènes économiques.

Enfin, tout le monde a noté que l'État s'est désengagé en dessous de 50 % de France Télécom.

En ce qui concerne les zones blanches, nous avons en effet du retard. Pourquoi ? Tout simplement parce que la mise en œuvre du dispositif implique le franchissement d'étapes indispensables. La recherche et la négociation de sites pour les pylônes sont assez délicates et nécessitent entre six et douze mois. Elles peuvent être retardées par des associations d'usagers ou de protection de l'environnement.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce ne sont pas les seules raisons !

M. le ministre délégué à l'industrie. Certes, mais cela existe.

Le retard peut aussi être dû aux délibérations des collectivités locales, souvent au niveau des départements. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il peut également être dû aux appels d'offre et aux conditions de passation des marchés publics. Nous avons donc demandé aux préfets, dans un souci de rapidité, de simplifier les procédures de passation des marchés.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. Les chiffres concernant les pylônes ont été rappelés et ils sont éloquents : il n'y a malheureusement que quatre pylônes en service. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est quatre fois mieux que du temps du précédent gouvernement (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), puisque, lorsqu'il est parti, il n'y en avait qu'un seul pylône d'installé. Au-delà de cette plaisanterie, j'espère que nous ne nous contenterons pas de ces quatre pylônes !

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, le budget du ministère de l'industrie est donc économe, mais résolument offensif. Je veux rappeler aux jeteurs de sorts que, avec 2,5 % de croissance pour 2004, la France est leader de la zone euro. Il faut croire que notre politique économique n'est pas si mauvaise que cela pour être à un point au-dessus de la moyenne de la zone euro.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur pour avis pour la poste et les télécommunications. Très bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. Même si je ne me satisfais pas de ce pourcentage de 2,5 %, je trouve que, par rapport aux autres, ce n'est pas si mal.

Certes, la situation de l'emploi ne nous satisfait pas,mais, le mois dernier, nous avons vu passer une petite hirondelle (Sourires), avec une amélioration de 9 000 emplois.

Enfin,M. Bataille s'est trompé : l'investissement des entreprises est positif. En 2003, il était, c'est vrai, négatif, mais, pour 2004, il est de plus 6 %, ce qui est porteur d'espoir, comme l'ensemble de ce budget. C'est quelque chose d'historiquement significatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre, vous connaissez l'engagement des élus de Roubaix-Tourcoing et de la vallée de la Lys pour la défense du textile.

Je saisis l'occasion de l'examen du budget de l'industrie pour vous faire part de mon inquiétude concernant les modalités d'attribution des marchés d'habillement et d'équipement des forces de défense et de sécurité civiles et militaires, qui sont accordés au « moins-disant ». Cela préoccupe également M. Alfred Trassy-Paillogues.

Cette méthode simple et économique entraîne la fabrication de ces articles à l'étranger, dans des pays à bas coût de main-d'œuvre. De ce fait, des entreprises françaises disparaissent et les acheteurs sentent peser sur la sécurité des approvisionnements des incertitudes dues à la distance, au transport et, aujourd'hui, aux risques d'actions terroristes.

La mise en place de critères de sélection plus nombreux, pondérés et hiérarchisés, et, pour ce type d'articles spécifiques, d'un appel d'offre restreint garantiraient un partenariat avec de véritables industriels et permettraient de répondre à nos intérêts nationaux, qu'il s'agisse de la sécurité de nos approvisionnements ou de l'avenir de nos entreprises.

À l'heure de la préparation d'un nouveau code de la commande publique pour 2006, pourrait-on, sans contrevenir aux dispositions de l'accord de Marrakech portant création de l'Organisation mondiale du commerce en matière de marchés publics, obtenir une dérogation ? C'est d'ailleurs ce que les États-Unis ont demandé. C'est également ce qu'a suggéré le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, en proposant d'affecter, par exemple, « prioritairement une partie de notre commande publique aux PME innovantes et aux bassins d'emplois en difficulté », comme celui de Roubaix-Tourcoing, que nous sommes plusieurs ici à représenter - du reste,vous avez pu entendre Francis Vercamer défendre le secteur textile dans son intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Le textile est effectivement une des priorités du Gouvernement. J'ai rappelé tout à l'heure que nous avons installé le groupe de haut niveau pour essayer d'obtenir des instances européennes un assouplissement des règles, qui sont souvent très contraignantes.

L'industrie textile représente dans sa branche habillement - vous le savez mieux que quiconque - plus de 100 000 emplois en France. Vous avez eu raison de souligner que la part de la commande publique n'était pas négligeable, puisque près de 50 entreprises, correspondant à environ 15 000 emplois, en dépendent.

Le code des marchés publics n'oblige pas, il est vrai, à recourir au « moins-disant ». Son article 53 introduit la notion d'offre « économiquement » la plus avantageuse, ce qui est plus qu'une nuance. Cela ne correspond pas forcément, vous l'avez justement souligné, à la moins chère. D'autres critères peuvent être pris en compte, comme le degré d'innovation ou les performances environnementales.

Je compte sensibiliser prochainement à ces possibilités - d'ores et déjà ouvertes par le code des marchés publics - les ministères les plus concernés. Il s'agit plus d'une question de sensibilisation et de pratique que d'une question de législation.

De façon plus générale, une action de mobilisation positive visant à permettre aux PME d'accéder aux marchés publics va être entreprise. Des indicateurs de mesure permettant de suivre la part de la commande publique et de la commande privée qui profite aux PME seront régulièrement publiés. Ainsi pourrons-nous identifier les donneurs d'ordres qui accordent, ou non, une part significative de leurs marchés aux PME.

Un produit de financement aidant les PME à accéder à leur « premier euro de chiffre d'affaires » sera également mis en place. Bien souvent, c'est la jeunesse de l'entreprise, et non la qualité de la prestation, qui fait hésiter le donneur d'ordres. Une garantie de versement d'indemnités contractuelles au bénéfice du donneur d'ordres en cas de défaillance de la PME devrait faciliter la signature de contrats.

Enfin, d'importantes dispositions concernant la sous-traitance figurent dans la nouvelle directive européenne relative aux marchés publics ; elles seront transposées dans le code des marchés publics. Ainsi, la qualité d'une offre sera appréciée à concurrence de la part de sous-traitance qu'elle ménage au bénéfice de petites et moyennes entreprises. Mais, vous le savez, c'est fondamentalement l'innovation qui est primordiale, même si nous devons nous garder d'être plus naïfs que les autres pays en matière de marchés publics.

C'est pourquoi je vais relancer les travaux du réseau d'innovation textile - habillement, R2ITH, qui est particulièrement intéressant.

Le dispositif ambitieux des pôles de compétitivité permettra, lui aussi, d'aider le textile français à se tourner résolument vers le futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je poserai la question de Mme Jacqueline Fraysse, qui a trait également à La Poste.

M. le président. Je vous en prie.

M. Jacques Desallangre. En 2004, les responsables de La Poste ont accentué leur politique de restructuration consistant à faire éclater les services de l'opérateur historique en trois branches distinctes  - courriers-colis, services financiers et réseau grand public - afin de mieux cloisonner verticalement les activités et les personnels.

Les résultats de La Poste sont en nette progression : 4 % par an. Et son président annonce un résultat d'exploitation consolidé de 595 millions d'euros pour 2004.

Le chiffre d'affaires de l'activité courrier a augmenté de 6,7 % et atteint 5,63 milliards d'euros. Le chiffre d'affaires de l'activité express grimpe, lui aussi, de 6,7 %. L'activité colis progresse de 6,5 % et se positionne sur les gammes de produits à haute valeur ajoutée.

Quant aux services financiers, ils développent un produit net bancaire de 2,13 milliards d'euros.

S'agirait-il d'un miracle économique ? En fait, ces résultats sont obtenus par un contrôle supplémentaire des coûts de l'ensemble des branches - ce qui implique des pressions supplémentaires sur les effectifs employés, une diminution du nombre des agences et une réduction des services offerts à la population.

Déjà, la compensation incomplète des 35 heures au niveau des emplois avait amputé les effectifs de 10 000 équivalents temps plein, entraînant un accroissement de la productivité du travail des postiers. Toutefois, monsieur le ministre, vous m'avez donné une explication à cela : moins on travaille, plus on est productif.

Le pouvoir d'achat des postiers a perdu 15 % sur les dix dernières années et la précarité de l'emploi frappe aujourd'hui plus du tiers des effectifs de l'opérateur. Lorsqu'on sait que la masse salariale du groupe représente 85 % de sa valeur ajoutée, que 90 % des contractuels ne perçoivent que 1 200 euros par mois et que le nouveau PDG projette de réduire la masse salariale de 20 à 30 % en ne remplaçant pas les 140 000 départs prévus d'ici à dix ans, on voit clairement où se nichent les bons résultats financiers.

La réforme va transformer les 17 000 bureaux de poste de France en 6 000 à 9 000 « points postes », qui délivreront des services postaux au rabais. En définitive, 6 000 bureaux disparaîtront et 10 000 emplois seront supprimés.

On mesure, là aussi, l'impact dévastateur qu'aura dans les zones rurales et les zones urbaines sensibles cette réforme, qui réduira de 132 à 50 le nombre des centres de tri postal, avec une suppression de 30 000 emplois à la clé. Au final, plus de 70 000 emplois seront supprimés sur les 240 000 existants.

Or les effets de cette stratégie conduisent à une réduction des horaires d'ouverture des bureaux de poste, ainsi qu'à une disparition de services offerts à la population.

Ainsi, compte tenu de la chronicité du sous-effectif à laquelle est confronté le bureau de Nanterre-Picasso, le responsable a été conduit à demander à son personnel de ne plus faire d'opérations financières lorsqu'il ne reste qu'un seul guichetier.

À Sèvres, le responsable renonce à approvisionner son bureau en timbres-poste pour permettre à ses guichetiers de se concentrer sur les opérations financières.

À Orly-Rungis, on ferme le site le samedi à midi, afin que le personnel puisse, les jours d'affluence maximale, faire face aux besoins en semaine, notamment des commerçants.

À Nanterre, encore, de nombreux quartiers ne sont plus approvisionnés faute de facteurs et l'on renonce de plus en plus souvent à la seconde tournée !

J'arrêterai là, mais beaucoup d'autres exemples pourraient être cités.

Monsieur le ministre, La Poste est encore qualifiée de « service public ». Comment comptez-vous arrêter le sacrifice de la mission de service public qu'exerce cet opérateur historique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Desallangre, je crois au contraire que La Poste a considérablement amélioré le service public, en même temps qu'elle a accompli des gains de productivité.

J'en veux pour preuve un indicateur que vous n'avez pas cité en matière de courrier. Il y a trois ans, le taux d'arrivée du courrier au jour « J+1 » était de 69 %. Aujourd'hui, il est de 80 %.

M. Jacques Desallangre. Il faut l'avoir posté à treize heures au lieu de dix-huit heures.

M. le ministre délégué à l'industrie. Non, l'indicateur est resté constant .

Le taux de 80 % représente donc une amélioration considérable du service public. On prend la mesure de ces progrès en allant visiter les nouvelles installations créées par La Poste. Par exemple, le nouveau centre de tri de Paris-Nord, que vous décriez, est d'une modernité et d'une efficacité exceptionnelles, et sa productivité est unique en Europe. Il n'y en a malheureusement qu'un, mais son activité couvre près de la moitié de Paris et de la région parisienne. C'est cela, l'avenir de La Poste.

On assiste en outre à un enrichissement des tâches. Le métier de postier devient de plus en plus technique. Il fait de plus en plus appel à l'intelligence et demande une formation d'un niveau de plus en plus élevé. L'augmentation de la productivité est considérable. Et il est totalement faux de prétendre que les gains de productivité sont en contradiction avec le service ; au contraire, ils permettent de l'améliorer.

De toute façon, pour les lettres de plus de cent grammes, La Poste est d'ores et déjà confrontée à une concurrence considérable. Que se passera-t-il si elle ne relève pas ce défi ? Comment pouvez-vous lui reprocher de faire des gains de productivité qui sont la condition même de sa survie, de son développement et de l'amélioration du service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Ce que je reproche, c'est que l'État joue pas son rôle.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je vous rappelle tout de même, monsieur le ministre, que les députés communistes se sont toujours prononcés contre ces directives européennes, considérant que, pour des secteurs comme la poste - pour ne parler que de celui-là -, on aurait pu procéder autrement que par des mises en concurrence.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial pour l'industrie. Mais on est en Europe !

M. Daniel Paul. Sans doute aurait-on pu bâtir plus une Europe de coopération que cette Europe de la concurrence qui sonne le glas de bon nombre de services publics.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est l'Union européenne, pas le Pacte de Varsovie !

M. Daniel Paul. Mais là n'est pas ma question.

M. le président. J'allais vous suggérer d'y revenir.

M. Daniel Paul. Elle a également trait à La Poste, monsieur le président.

Il est de plus en plus question de filialiser les activités financières de La Poste via la création d'un établissement de crédit postal, dont l'autonomie par rapport à la maison mère serait plus étendue que celle de l'actuelle filiale EFIPOSTE.

La nécessité pour La Poste de proposer des prêts à la consommation ne justifie aucunement la création d'un tel établissement, puisqu'un simple décret permettrait de lever l'interdiction actuelle. Les directives européennes ne peuvent davantage être invoquées dans la mesure où elles ne portent que sur la libéralisation du secteur courrier.

Les services financiers de La Poste, ne l'oublions pas, ont fait leurs preuves. De surcroît, les fonds collectés ont alimenté les prêts aux collectivités locales, servi aux offices HLM ou financé la construction d'établissements culturels. Ces services financiers ont à l'évidence vocation à perdurer : ils ont contribué et contribuent encore au développement économique et social du pays. Pourquoi donc filialiser le secteur financier et ouvrir, comme l'a proposé un amendement gouvernemental au Sénat, le capital de la filiale ?

Les activités financières de La Poste semblent de plus en plus destinées à répondre à une logique essentiellement financière : les fonds CCP sont déjà passés dans leur totalité du Trésor à EFIPOSTE, avec une gestion privée et boursière - sans que personne, du reste, n'ait demandé aux « clients » ce qu'ils en pensaient.

Filialiser les activités financières de La Poste, c'est inscrire l'entreprise dans une logique de séparation en centres de profits...

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis pour l'industrie. Mais oui !

M. Daniel Paul. ...à l'exemple de ce qu'a fait la poste allemande dont le nombre de centres de proximité a chuté. Ce que cette filialisation prépare en fait, c'est l'éclatement de l'unité de La Poste et la restructuration à terme du réseau. En séparant les activités, on fera baisser l'activité aux guichets pour mieux justifier ensuite la fermeture de bon nombre d'entre eux.

Que comptez-vous donc faire, monsieur le ministre, pour enrayer ce processus de mise à mal à court et moyen terme de l'entreprise publique La Poste et du service public postal ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Paul, La Poste compte dix millions de clients dans le domaine des services financiers - ce n'est pas rien. Pour mieux répondre à leur attente, notamment à celle des jeunes, il lui est indispensable d'élargir sa gamme de produits financiers, en proposant en particulier des crédits immobiliers sans épargne préalable.

Cela dit, le développement de ces services doit naturellement se faire, vous en serez certainement d'accord, dans un cadre qui respecte les règles du droit commun, notamment en matière prudentielle et concurrentielle.

Aujourd'hui, les services financiers de La Poste s'exercent au sein de l'établissement public dans des conditions particulières, puisqu'ils ne sont pas complètement assujettis à la réglementation bancaire. Les banques ont du reste maintes fois dénoncé cet état de fait qu'elles considèrent comme une concurrence déloyale et réclamé davantage de transparence. Le fait qu'un établissement détenant 9 % de parts de marché puisse opérer dans des conditions différentes de celles des autres acteurs constitue, il est vrai, une situation anormale. Une régularisation s'impose.

C'est pourquoi il est prévu de mettre en place, en 2005, un établissement de crédit postal. La modification législative qui permettra de mettre cette réforme en œuvre figure dans le projet de loi sur la régulation postale, que le Sénat a déjà adopté en première lecture.

La création de cet établissement ne signifie nullement un début de privatisation de La Poste comme vous semblez le craindre. Celui-ci sera en effet détenu par La Poste, comme l'est aujourd'hui EFIPOSTE, la filiale qui s'occupe des dépôts des comptes CCP depuis leur transfert du Trésor public, voilà cinq ans. EFIPOSTE est une entreprise d'investissement qui gère avec succès 35 milliards d'euros de dépôts, et selon des règles de gouvernance qui n'appellent aucune critique.

Il va de soi que les produits et services financiers continueront à être commercialisés par les bureaux de poste. Naturellement, le Gouvernement sera vigilant sur les conditions de rémunération du réseau de La Poste par l'établissement de crédit. Enfin, je vous indique que les personnels des services financiers - autrement dit les 20 000 agents des centres régionaux des services financiers, mais également les personnels des bureaux de poste - demeureront employés par La Poste. Seules quelques personnes du siège - et seulement du siège - devraient rejoindre l'établissement de crédit postal.

L'évolution en cours est analogue à celle qui a lieu actuellement en Europe : ainsi, en Allemagne, la Postbank a été transformée, en septembre 1995, en société anonyme de droit privé bénéficiant d'un statut bancaire complet. Elle vient d'ailleurs d'être...

M. Daniel Paul. Privatisée, justement !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...privatisée, en effet. Je n'ai aucune raison de vous cacher la vérité ; je vous dis seulement que telle n'est pas l'intention du Gouvernement.

M. Jacques Desallangre. Si peu !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous me croyez lorsque je vous dis des choses qui vous font plaisir, mais pas quand cela ne vous convient pas !

La gamme offerte aux clients a été élargie à l'assurance-vie, mais également aux OPCVM et aux prêts individuels depuis 1995 et au crédit immobilier depuis 1996. La Postbank a également mis en place des partenariats pour élargir son offre globale à l'affacturage, à l'assurance individuelle et à l'assurance sur biens. Une évolution analogue a été observée aux Pays-Bas dont la poste a passé une alliance avec ING. Nous sommes donc bien dans le modèle européen...

M. Daniel Paul. Hélas !

M. le ministre délégué à l'industrie. Mais vous avez cinquante ans de retard ! Le choix de l'Europe a été fait en 1957, monsieur Paul.

M. Jacques Desallangre. Mais le choix du service public, ce n'est pas ringard !

M. Daniel Paul. Ni contradictoire !

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Cette fois-ci encore, je poserai la question de Mme Jacqueline Fraysse.

Monsieur le ministre, ma collègue souhaite revenir sur le rapprochement entre la SAGEM et la SNECMA. Votre gouvernement a accueilli ce projet de fusion avec enthousiasme, soulignant la complémentarité des deux entreprises, et y voit l'occasion pour notre pays de parvenir à une dimension industrielle à laquelle il ne pouvait jusque-là prétendre dans ce secteur.

Nous ne partageons pas ce sentiment. Préparé dans le plus grand secret - l'encadrement lui-même n'en a eu connaissance qu'au dernier moment -, ce projet de fusion paraît à l'évidence guidé par un tout autre souci.

La SNECMA est un groupe cohérent sur le plan industriel, doté de filiales bien structurées et bénéficiaires. Son activité, orientée autour de l'aviation civile et militaire, est en décalage avec celle de la SAGEM, concentrée sur la téléphonie et l'électronique de communication. Le bénéfice industriel de cette opération pour le pays et pour les salariés concernés n'est donc pas évident.

Cette fusion poursuit en fait d'autres ambitions. Elle présente d'abord l'intérêt de réduire immédiatement les coûts, avec les conséquences sociales que l'on sait. Une fusion n'a jusqu'à présent jamais créé d'emplois ; on sait en revanche combien peuvent être détruits. Que deviendront par exemple les 900 salariés de l'entreprise Hispano-Suiza, qui travaillent sur le même segment d'activité que la SAGEM ?

Ce projet de mariage de la carpe et du lapin, comme l'appelle ma collègue, a tout lieu de rendre crédible la constitution d'une holding financière d'envergure mondiale tournée essentiellement vers la création de plus-values financières. Là encore, nous ne connaissons que trop les conséquences sociales de ces jeux internes de dominos industriels dictés par les évolutions des marchés financiers : une holding obéissant aux fluctuations des cours n'hésite pas une seconde à sacrifier l'emploi et le savoir-faire sur l'autel de la rentabilité financière. Les salariés de nombre d'entreprises françaises en ont déjà fait les frais, particulièrement depuis votre arrivée au pouvoir.

Enfin, les activités de la SNECMA intéressent l'indépendance nationale. Or la fusion avec la SAGEM fera que demain l'État ne détiendra plus que 35 % du capital de l'ensemble, alors qu'il détenait 62 % de celui de la SNECMA. La fusion envisagée, qui apporte la dernière main à la privatisation de la SNECMA, présage clairement du bradage d'un de nos fleurons technologiques et porte de fait gravement atteinte aux intérêts stratégiques de notre pays.

Aussi Mme Fraysse aimerait-elle connaître, monsieur le ministre, les décisions que vous envisagez de prendre pour garantir le contrôle public des stratégies industrielles dans ce domaine clé de l'avionique, et permettre à la représentation parlementaire comme à la représentation syndicale de débattre de ces questions qui concernent des enjeux économiques et sociaux d'importance nationale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour commencer, monsieur le député, j'ai tendance à faire confiance aux industriels quand ils sont capables d'imaginer par eux-mêmes leur destin.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis pour l'industrie. C'est cela, la richesse !

M. le ministre délégué à l'industrie. Et lorsque les managements de deux entreprises décident de s'associer, j'ai tendance à croire davantage à leur projet que si c'est mon propre ministère qui l'a imaginé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout simplement parce que c'est leur métier et parce qu'ils savent de quoi ils parlent.

M. Jacques Desallangre. C'est la garantie du succès, quoi !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est le mariage de la carpe et du lapin, dites-vous. Cela me paraît relever d'une vision à courte vue. Car aujourd'hui, dans l'aéronautique, on emploie de plus en plus l'informatique et les nouvelles technologies. L'exemple de Dassault est à cet égard caractéristique.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis pour l'industrie. Eh oui ! Voyez Dassault Systèmes !

M. le ministre délégué à l'industrie. Dassault Aviation a ainsi donné naissance à Dassault Systèmes. La complémentarité entre l'aéronautique et l'électronique est devenue une condition de la compétitivité. Tout le monde ne peut pas voir ce métier dans toute sa complexité et sa subtilité, mais ceux qui l'exercent en ont certainement une vision plus efficace.

Rappelons que ce projet permettra d'avoir un potentiel de 14 000 personnes affectées à la recherche, ce qui aura certainement, sur le plan de l'innovation, des résultats très positifs. Vous me dites également que l'État, qui avait 62 % de la SNECMA, n'aura plus que 35 % du nouvel ensemble et vous parlez de privatisation rampante. Pour commencer, elle n'a rien de rampante : nous l'assumons pleinement. Mais surtout, je préfère avoir 35 % d'une affaire pleine d'avenir que 62 % d'une entreprise...

M. Daniel Paul et M. Jacques Desallangre. Qui marche !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...qui marche en effet, mais qui n'aurait pas su - heureusement, elle l'a fait -imaginer son avenir. Autrement dit, je préfère avoir 35 % de gens dynamiques, capables d'imaginer leur avenir, de concevoir une stratégie et porteurs d'un grand potentiel de développement, que 62 % de gens qui resteraient les deux pieds dans le même sabot. Fort heureusement, ce n'est pas le cas et je les en félicite.

Enfin, sur le plan de l'intérêt pour l'État, je vous rassure : s'agissant d'aéronautique et d'électronique, il y aura des commandes militaires. L'État ne sera pas absent, ne vous inquiétez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, Géoposte regroupe les activités colis de l'entreprise publique La Poste, laquelle poursuit une politique d'extension en Europe et dans le monde coûteuse et éloignée de ses missions de service public.

Depuis 1998, elle a ainsi acquis 85 % de l'opérateur allemand DPD, racheté Interlink et Parceline au Royaume-Uni. Cette politique d'extension se poursuit aujourd'hui sur l'Espagne, chez TatExpress et Corréos. Les « besoins » en développement sont particulièrement coûteux pour La Poste, qui puise dans ses fonds propres.

Qu'en est-il des conséquences de cette stratégie d'extension à l'étranger et de l'endettement qui s'ensuit ?

D'un côté, on constate une forte augmentation des tarifs pour les utilisateurs hors grands comptes. Géoposte s'éloigne donc du respect de l'égalité de traitement entre ses usagers.

De l'autre, cette politique de fusions, d'acquisitions et de croissance externe a de graves implications sur l'emploi : elle a conduit à la fermeture de Dilipack, de DPD France, ainsi qu'à des licenciements chez TatExpress. Vous qui prétendez lutter contre le chômage, que comptez-vous faire pour contrer cette gestion purement financière de l'activité colis ?

J'ajoute que ces « restructurations » ont aussi des effets sur les garanties collectives des personnels. En effet, sur 24 000 salariés de l'activité colis, 18 500 d'entre eux ne disposent que de garanties inférieures à celles offertes par le statut de la fonction publique ou de la convention commune. La Poste concourt donc à la précarité accrue des salariés. Par sa politique d'extension à l'étranger, elle participe en outre à la généralisation de la sous-traitance et du dumping social.

La croissance externe de Géoposte amène la maison mère à se vider de sa substance pour nourrir une filiale au développement hasardeux et réduire sa responsabilité sociale à l'égard de ses usagers comme de ses agents. J'ai le sentiment, monsieur le ministre, de revivre la commission Roulet, qui a étudié, il y a quelques années, la façon de procéder d'EDF dans ses investissements en Amérique du sud, en puisant dans ses fonds propres. Et aujourd'hui, on vient nous dire que, faute de fonds propres, il faut ouvrir le capital d'EDF ! Je vois là un certain mimétisme !

La Poste contribue ainsi au démantèlement du réseau national avec la fermeture de guichets et la transformation de bureaux, au mépris des attentes des citoyens.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour maintenir la participation de la Poste au développement économique et social de nos territoires, lutter contre la précarisation de l'emploi et permettre le développement d'une Europe axée non pas sur le principe de la concurrence entre ses entreprises mais sur la coopération entre ses opérateurs historiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Paul, je veux souligner, pour en féliciter sa direction, la qualité de sa politique sociale de La Poste, car elle vient de signer un accord-cadre, le 3 novembre 2004, y compris avec la CGT !

M. Guy Geoffroy. Nul n'est parfait ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'industrie. Compte tenu des accusations qui ont été lancées à l'encontre de La Poste, il est important de le rappeler. Cet accord qui a été salué à l'unanimité, transforme en CDI 10 000 CDD !

M. Daniel Paul. Il en reste beaucoup d'autres !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous n'êtes jamais satisfait ! Reconnaissez tout de même que nous sommes sur la bonne voie.

Cet accord prévoit en outre le versement d'une prime de 300 euros, certes sur deux ans, mais ce n'est tout de même pas rien. Les employés de La Poste vont profiter des gains de productivité tant stigmatisés tout à l'heure ! Il faut cesser de vouer aux gémonies la direction de La Poste !

Quant à l'international, je vous rappelle que la poste allemande a racheté DHL. Nous sommes plongés dans une compétition locale, régionale, nationale et internationale. Pour les colis, la concurrence est totale. La poste allemande est très menaçante, par son dynamisme. Elle a acheté DHL, le plus gros opérateur du marché. Et vous voudriez que nous restions l'arme au pied ? Je ne peux pas imaginer une telle chose.

Notre stratégie consiste à permettre à La Poste de devenir un acteur européen important dans le cadre de l'ouverture européenne des marchés à la concurrence. Dans le métier du transport de colis, qui est d'ores et déjà un marché extrêmement concurrentiel, La Poste a su agir judicieusement ces dernières années

Je rappelle qu'elle était dans une situation financière très difficile et qu'elle a été très fortement recapitalisée sous le gouvernement précédent - qui a bien fait, cela ne me gêne pas de le dire. La direction de La Poste a su profiter des circonstances et, aujourd'hui, Géoposte a trouvé les moyens de son développement sans avoir besoin de faire appel à l'actionnaire.

Cette politique nous permet d'être présents en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Belgique, en Pologne, dans les États baltes et en Russie. Dans d'autres pays, La Poste a noué des partenariats commerciaux, souvent avec des postes locales, mais aussi avec Fedex pour les liaisons transatlantiques et asiatiques. Après cette phase d'acquisition, La Poste procède actuellement à une intégration marketing et logistique des réseaux pour homogénéiser son offre. Pour l'activité courrier, La Poste travaille à rattraper d'ici à 2009 - date envisagée par la Commission pour la libéralisation du courrier - le niveau de ses meilleurs concurrents européens.

Notre politique consiste à lui permettre de faire face à ses concurrents, et c'est ainsi que, non seulement nous sauverons l'emploi, mais que nous le développerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons à une question du groupe de l'UDF.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, le discours officiel sur l'industrie pharmaceutique est souvent rassurant, voire triomphant, même si vos propos ont été mesurés, je le concède. On nous dit que cette industrie est un modèle pour les autres secteurs en matière de recherche et développement ; qu'elle est au premier rang européen en matière de la production ; qu'elle a donné naissance à un géant mondial de nationalité française avec la fusion de Sanofi Synthélabo et d'Aventis. Il y a du reste une part de vérité dans ce discours optimiste.

Il est clair par ailleurs que cette industrie a un énorme potentiel de croissance. Industrie à très haute technicité, elle représente un enjeu stratégique pour la France industrielle de demain.

Pourtant, dans un rapport intitulé "Renforcer l'attractivité de la France pour l'industrie pharmaceutique innovante", rapport réalisé à la demande du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Antoine Masson nous alerte, affirmant que la France "a décroché" par rapport à l'évolution des dépenses de recherche et développement des entreprises pharmaceutiques.

Cette situation serait due, toujours selon le même rapport, à deux phénomènes : d'une part, l'accentuation du développement des entreprises pharmaceutiques françaises vers l'étranger ; d'autre part, un désintérêt croissant des entreprises étrangères pour la France.

En tant qu'élu d'une circonscription où l'on a inventé et où l'on fabrique des comprimés d'aspirine effervescents, je ne peux rester muet sur le sujet, d'autant qu'à Agen, 1 500 emplois directs ou indirects sont concernés.

M. le ministre délégué à l'industrie. UPSA !

M. Jean Dionis du Séjour. Je vois que vous connaissez bien le terrain local, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Le rapport Masson préconise notamment la création d'une task force sur le modèle britannique entre l'État et les entreprises. Dans votre discours vous nous avez dit que ce comité fonctionnait depuis six mois.

Ce rapport préconise en outre la création d'un fonds d'un montant de 100 millions d'euros par an, destiné à financer, sur une base pluriannuelle, des projets partenariaux public-privé, avec une contribution des industriels.

Il recommande aussi l'engagement d'une négociation avec l'industrie pharmaceutique en vue d'intégrer dans la convention avec l'État sur les achats de médicaments par la sécurité sociale des engagements visant à accroître l'investissement des industriels dans la recherche développement.

Il prône également l'établissement, en coopération entre l'État et l'industrie, d'une liste des obstacles administratifs, structurels et organisationnels au développement de partenariats entre la recherche publique et l'industrie pharmaceutique, préliminaire à la levée de ces obstacles.

Enfin, il suggère l'établissement, en collaboration entre l'État, l'industrie pharmaceutique et les sociétés de services, d'une liste de dispositions propres à rendre la France plus attractive pour les essais cliniques.

Les idées de M. Masson me paraissant très bonnes, ma question est donc simple, monsieur le ministre : quelles sont vos intentions face ces propositions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Vos questions sont fort judicieuses, et le rapport de M. Masson est précisément la raison pour laquelle le Premier ministre a constitué ce comité stratégique. Permettez-moi de rectifier un point, monsieur Dionis du Séjour : ce comité n'a pas été créé il y a six mois, mais il y a moins d'un mois, et il doit rendre ses conclusions sous six mois.

Les questions que vous posez sont en effet au cœur de sa réflexion. S'agissant de vos troisième et quatrième points, le comité stratégique y travaille déjà. L'établissement de la liste des obstacles administratifs est aujourd'hui en cours, de même que l'élaboration, en collaboration entre l'État, l'industrie pharmaceutique et les sociétés de services , d'une liste de dispositions pour rendre la France plus attractive pour les essais cliniques. C'est un point très important. Pasteur comme d'ailleurs Mérieux ont à cet égard une approche très intéressante. Il y aura bientôt une proposition dans ce domaine.

J'en viens aux deux premiers points que vous avez évoqués.

La création d'un fonds d'un montant de 100 millions d'euros pas an ? Nous nous battons pour cela à Bruxelles.

M. Jean Dionis du Séjour. Certains pays l'ont déjà fait.

M. le ministre délégué à l'industrie. Oui, mais je ne suis pas sûr qu'ils l'aient fait très régulièrement. Et ce genre de démarche peut se retourner contre ses auteurs. Nous n'entendons pas agir clandestinement par rapport à Bruxelles. La France n'est pas la Grèce socialiste, qui triche avec l'Union européenne. Nous pratiquons quant à nous la loyauté.

S'agissant du deuxième point, les choses sont là aussi un peu complexes. Nous portons ce dossier à Bruxelles,  et je crois la Commission bien consciente de la nécessité de localiser sur le territoire européen la recherche pharmaceutique. Car si nous n'y prenons garde, la fuite des cerveaux vers les États-Unis, très préoccupante pour l'Europe, risque de s'accélérer. Or, nous le savons bien, la dépense médicale est appelée à progresser, à doubler même tous les dix ans si la tendance actuelle se poursuit. Comme 110 000 emplois sont concernés, c'est bien évidemment une préoccupation pour le Gouvernement.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits inscrits à la ligne : « Économie, finances et industrie » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Lundi 8 novembre 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Agriculture, pêche et forêt ; articles 71 et 72.

Agriculture :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 9, de M. Alain Marleix, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1865 tome 3, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Forêt :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 10, de M. Pascal Terrasse, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Pêche :

Avis, n° 1865 tome 4, de M. Aimé Kergueris, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Enseignement supérieur :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 29, de M. Michel Bouvard, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1864 tome 9, de Mme Corinne Marchal-Tarnus, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot