Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)

 

Troisième séance du lundi 8 novembre 2004

48e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

Mme la présidente. J'informe l'Assemblée que la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a décidé de se saisir pour avis du titre II du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale (n°1911).

    2

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Mme la présidente. Nous abordons l'examen les crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, concernant l'enseignement supérieur.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'enseignement supérieur.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'enseignement supérieur. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, avec le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire, nous examinons le dernier volet du budget de votre ministère, après celui de l'enseignement scolaire et celui de la recherche.

Ce budget de l'enseignement supérieur représente 13% des crédits de votre ministère. Il n'en constitue donc pas l'élément le plus important en volume. Il en est cependant un élément central et déterminant pour notre pays dans sa capacité à préparer l'avenir.

Avant d'en venir à l'exécution de l'exercice 2004 et aux moyens du projet de loi de finances pour 2005, je tiens à rappeler que l'examen auquel nous procédons cette année est le dernier dans la forme de l'ordonnance de 1959 et le dernier à opérer une présentation cloisonnée des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire.

En effet, conformément au vœu exprimé par notre assemblée sur proposition de votre commission des finances et aux travaux de la MILOLF, le Gouvernement a accepté la mise en œuvre, dans le cadre de la LOLF, d'une mission interministérielle sur la recherche et l'enseignement supérieur qui regroupera treize programmes, issus de différents ministères, permettant d'appréhender dans sa globalité l'effort du pays en faveur de la recherche.

Je veux saluer l'accord ainsi intervenu entre le Gouvernement et le Parlement, en précisant que cette maquette est pour nous évolutive et qu'elle doit pouvoir déboucher, à terme, sur des programmes par destinations et par grands secteurs de recherche.

S'agissant de l'actuelle section Enseignement supérieur, elle figurera au sein de deux programmes de la mission interministérielle.

Le premier programme, d'un montant de 9,206 milliards d'euros, est intitulé Formations supérieures et recherche universitaire. Il a pour finalité la transmission et la production des connaissances ainsi que la diffusion de la culture scientifique. Il comprendra quinze actions.

Les trois premières couvrent la formation initiale et continue et déclinent la nouvelle architecture des formations : licence, maîtrise, doctorat.

Sept actions concernent la recherche universitaire. Elles sont déclinées par grands secteurs scientifiques et constituent des actions miroirs avec les actions du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires. Je m'en réjouis car cela permettra une meilleure lecture de l'effort de la nation pour la recherche, et constituera un moyen de mieux mesurer la performance.

Deux actions « diffusion des savoirs » et « bibliothèque » portent sur la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique.

Une action regroupe les crédits à destination des établissements d'enseignement supérieur privés.

Enfin deux actions « pilotage et animation » et « immobilier » complètent transversalement ce programme.

Je tiens également à exprimer, monsieur le ministre, le regret qu'il n'ait pas été possible, comme la commission des finances l'avait suggéré, de scinder en deux ce premier programme en identifiant l'enseignement supérieur, d'une part, et la recherche universitaire, d'autre part, compte tenu semble-t-il des difficultés à identifier la part respective de l'enseignement et de la recherche chez les enseignants- chercheurs. Si j'en comprends les raisons, je souhaite néanmoins que les indicateurs nous permettent d'avoir une meilleure appréciation de ces deux domaines, complémentaires mais différents.

Le second programme, intitulé Vie étudiante, regroupe, comme son nom l'indique, l'ensemble des actions en direction des étudiants, pour 1,707 milliard d'euros, répartis entre quatre actions : aides directes, aides indirectes, aides médicales et socio-éducative et animation du programme.

Ce programme est cohérent, mais nous gagnerions, je pense, à avoir un intitulé plus clair des actions, en indiquant leur finalité plutôt que la nature des moyens affectés.

Je veux enfin saluer le premier travail effectué sur les objectifs et les indicateurs, notamment pour la recherche universitaire, renvoyant au rapport écrit pour le détail des observations, tout en constatant cependant une prédominance des objectifs d'efficacité socio-économique au détriment des indicateurs de qualité de service et d'efficacité de gestion. Toutefois, je ne doute pas que nous puissions arriver, en concertation, à une meilleure pondération dans les mois à venir.

J'en viens aux crédits eux-mêmes.

L'exercice 2004 a été marqué par une gestion tendue, aussi bien pour les dépenses ordinaires que pour les dépenses en capital.

S'agissant des dépenses ordinaires, aux mesures conservatoires prises dès le début de l'exercice a succédé, le 20 avril 2004, un gel de crédits à hauteur de 212,66 millions d'euros sur le titre III et de 10,54 millions d'euros sur le titre IV. Le décret du 9 septembre 2004 a procédé à des annulations sur le titre III à hauteur de 2,13 millions d'euros, et ce n'est que dans la deuxième quinzaine de septembre que le dégel est intervenu sur l'ensemble des crédits mis en réserve.

Pour les dépenses en capital, le contrôle financier a bloqué les crédits des titres V et VI à hauteur de 30 %, tant pour les crédits de paiement que pour les autorisations de programme dès le début de l'exercice. Le gel du 20 avril a porté sur 81,15 millions d'euros d'autorisations de programme, uniquement sur les chapitres relatifs à la construction universitaire.

Le blocage des crédits a ainsi, s'agissant de l'exercice en cours, perturbé leur gestion, d'autant plus que la situation des dépenses d'investissement était particulièrement tendue, compte tenu du faible taux de couverture des besoins en crédits de paiement formulés par les rectorats et les établissements d'enseignement supérieur. Il a fallu attendre fin avril pour le dégel des crédits de paiement, pour la subvention d'équipement à la recherche universitaire et à la maintenance des bâtiments et la mi-juillet pour les crédits de paiement destinés aux constructions universitaires.

Sauf erreur de ma part, demeurent encore gelées les autorisations de programme des chapitres concernant la construction à hauteur de 80 millions d'euros, représentant 9 % des autorisations de programme du budget 2004.

Par contre, 42 millions d'euros ont été ouverts par décret d'avance le 3 septembre 2004, afin de faire face à la montée en puissance des opérations « Université troisième millénaire ».

Je tiens à répéter aujourd'hui, après l'avoir dit lors de mon intervention générale sur la première partie du projet de loi de finances ainsi que lors de l'examen du projet de loi de règlement de 2003, que ce mode de régulation ne sera pas compatible avec les exigences de la loi organique sur les lois de finances en matière de responsabilisation des gouverneurs de programme et de gestion de la performance.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Vous n'y êtes pour rien, monsieur le ministre. J'espère que la formulation de cette observation aidera à faire évoluer la situation.

J'en viens aux dispositions du projet de loi de finances pour 2005.

Les crédits de paiement de l'enseignement supérieur s'élèvent à 9,362 milliards d'euros, ce qui marque une progression de 3 % par rapport à 2004. Je n'hésiterai pas à parler de bon budget, non seulement parce que les crédits progressent - ce qui est justifié -, mais aussi parce des redéploiements sont opérés.

Je partage entièrement votre analyse selon laquelle la France consacre moins de moyens à son enseignement supérieur que les autres grandes nations développées, alors que l'enseignement secondaire y a un coût plus élevé. Cela vous a conduit à tirer les conséquences de l'évolution démographique s'agissant des moyens de l'enseignement secondaire et à faire porter prioritairement l'effort sur l'enseignement supérieur.

M. Frédéric Dutoit. Bonne excuse !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Les moyens des services et les interventions publiques progressent, à structure constante, de 1,62 %, pour atteindre 8,449 milliards d'euros. Ces moyens nouveaux permettent notamment de respecter les engagements pris par le Gouvernement en matière de créations d'emplois : 850 emplois d'enseignant-chercheur, répartis entre 245 de professeur et 605 de maître de conférence, ce qui représente un effort de 35,52 millions d'euros. À cela s'ajoutent 150 postes d'ATER, pour un coût de 4,77 millions d'euros. Des mesures d'amélioration des perspectives de carrière accompagnent ces créations.

L'effort porte aussi sur les personnels non enseignants, avec la création de 150 emplois d'ingénieur d'études, pour 5,32 millions d'euros. Un effort est aussi engagé pour la résorption de l'emploi précaire et la requalification des emplois administratifs et techniques, aussi bien dans les établissements d'enseignement supérieur que dans le réseau des oeuvres universitaires.

Les crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur progressent de 1,017 milliard d'euros à 1,034 milliard d'euros, et les bibliothèques universitaires bénéficieront de 2 millions d'euros supplémentaires. Les établissements d'enseignement supérieur privés percevront, quant à eux, 5 millions d'euros de moyens supplémentaires.

L'établissement public du musée du Quai-Branly voit sa dotation portée à 13,2 millions d'euros, dans la perspective de l'ouverture du musée en janvier 2006.

Une dotation de 11,76 millions d'euros supplémentaires est prévue pour l'accompagnement social des étudiants, dont 6,32 millions d'euros pour la revalorisation des bourses. De plus, 300 bourses de mérite sont créées, pour 0,34 million d'euros. Par ailleurs, 1,1 million d'euros est prévu pour la mise en place d'une allocation unique d'aide d'urgence et 4 millions d'euros sont prévus pour les prêts d'honneur.

Le plus gros effort du budget 2005 portera sur les dépenses en capital, qui progressent de 18 %, pour s'élever à 912,4 millions d'euros. Á cet égard je tiens à saluer, monsieur le ministre, votre souci d'honorer la signature de l'État, notamment pour le volet U3M des contrats de plan. Ainsi 168,81 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus pour les constructions et le premier équipement, en progression de 48 % après une hausse de 50 % en 2004. Si les autorisations de programme diminuent de 55,85 millions pour s'établir à 198,04 millions d'euros, il faut rappeler que 82 % des autorisations de programme des contrats de plan auront été ouvertes à la fin de 2005. Par ailleurs, 110 millions d'euros devraient être inscrits au collectif de fin d'année. Le volet U3M des contrats de plan respectera ainsi, à l'année près, le calendrier prévu, ce qui est - il faut bien le dire - une situation d'exception par rapport à l'ensemble des contrats de plan État-région.

Mon rapport écrit détaille ce qui constitue les priorités parmi les opérations universitaires en cours. Je me bornerai à citer la création du pôle universitaire de la ZAC Rive gauche, à Paris, directement liée à la réorganisation de Paris VII Diderot et aux travaux de désamiantage et de sécurité de Jussieu.

Le budget prévoit également la restructuration de 5 000 mètres carrés de bibliothèque universitaire et l'ouverture de 28 000 mètres carrés.

Enfin, dans le cadre des contrats de plan, la recherche bénéficie d'un effort à travers le renforcement et la création de pôles de compétence et de réseaux d'équipements structurants tels que les génopoles ou les maisons des sciences de l'homme. La mise en oeuvre des plates-formes technologiques interviendra principalement dans les villes moyennes pour favoriser le transfert de technologie et la collaboration entre les structures d'enseignement et le tissu des PME-PMI. Soixante-quatre plates-formes auront été mises en place.

Je passe plus rapidement sur les travaux de sécurité, qui remplissent les objectifs prévus. Le budget d'investissement consacre, dans ses travaux, une part importante, de 163 millions d'euros en autorisations de programme et de 131 millions d'euros en crédits de paiement au désamiantage de Jussieu.

À ce point de la présentation des crédits, je voudrais livrer, monsieur le ministre, quelques réflexions qui font l'objet de plus longs développements dans mon rapport écrit.

Ma première réflexion concerne le patrimoine des établissements d'enseignement supérieur, lequel est méconnu en ce qui concerne tant son contenu que son état de conservation. La situation n'est malheureusement pas propre à votre ministère, mais elle est peut être particulièrement sensible dans la mesure où il n'existe pas de politique de gestion du patrimoine des universités digne de ce nom, comme l'a établi la mission sur la gestion immobilière et financière des universités, conjointe à l'inspection générale de votre ministère et au conseil général des Ponts-et-Chaussées.

Dès lors, il convient de s'interroger sur la logique qui a conduit à privilégier les constructions neuves en délaissant quelque peu les restructurations et l'entretien. La stabilisation des effectifs étudiants doit nous conduire, au moment où nous arrivons au terme du contrat de plan État-région, à nous poser la question de la réorientation de notre politique immobilière.

De même, monsieur le ministre, la commission des finances tient à exprimer sa vive préoccupation face à une inflation normative en matière de sécurité pas toujours justifiée, semble-t-il, mais dont le coût pour les établissements devient de plus en plus lourd.

Deuxième réflexion sur l'efficacité de notre enseignement supérieur : à la dispersion des implantations, qui oblige à multiplier les constructions de bâtiments, s'ajoute souvent la faiblesse de l'encadrement dans des antennes universitaires de plus en plus nombreuses, et particulièrement dans les plus récentes, tels les derniers départements d'IUT.

Une large couverture territoriale a contribué à la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur ; celle-ci étant désormais assurée, il y a lieu de s'interroger et, sans doute, de revoir des projets qui, si l'on poursuit dans cette voie, n'aboutiront qu'à un émiettement des moyens et à une perte d'efficacité au moment précisément où s'intensifie entre universités françaises, mais également entre universités européennes, une concurrence qui nous oblige à améliorer la lisibilité de notre formation et de notre recherche en limitant la dispersion de nos établissements. Du reste, pour les villes de province non encore dotées d'établissements d'enseignement supérieur, d'autres solutions de formation existent, sous la forme notamment de BTS, sans qu'il soit forcément besoin de créer des départements d'IUT.

Ma troisième réflexion a directement trait à la mise en œuvre de la LOLF à partir du 1er janvier 2006. Celle-ci intègre, ainsi que vous le savez, une fongibilité des crédits asymétriques prévoyant un plafond d'autorisations d'emploi pour sa mise en œuvre. Or nous n'avons à ce jour aucune idée précise des effectifs alors même que la nécessité de faire face au renouvellement démographique nous impose une véritable gestion prévisionnelle.

La Cour des comptes a souligné, dans son rapport d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif, que « les services ministériels ne disposent pas d'une information complète et sûre sur les liens entre emplois, postes et personnes ». Le rapprochement des différents fichiers relatifs aux emplois et personnels révèle un écart entre les effectifs recensés selon les diverses sources qui, en 2001, autrement dit à la fin de la précédente législature, atteignait 3 000 personnes physiques.

Je ne puis que faire mien ce constat, puisque le Parlement se heurte aux mêmes difficultés. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2004, en cours d'exécution, les emplois budgétaires ne correspondaient pas aux effectifs : les emplois budgétaires de professeur d'université s'élevaient à 15 365 alors que l'effectif affiché était de 18 037. Pour les maîtres de conférence, le rapport était plus serré : 33 442 emplois budgétaires pour un effectif de 34 200. Quant aux vacataires, ils sont purement et simplement ignorés dans les statistiques.

Je pourrais aussi souligner le frein à une gestion rationnelle des emplois que constitue l'absence de concordance entre les nomenclatures des disciplines enseignées et de celles réellement suivies par les étudiants.

Se pose enfin le problème des postes ouverts et non pourvus, parfois faute de candidats - cas de plus en plus fréquent dans ma propre région du fait de l'envolée des prix de l'immobilier et des loyers -, parfois par volonté délibérée des universités, dans le but notamment de rétribuer des ATER.

Monsieur le ministre, chacun connaît votre ardeur réformatrice. Vous l'avez affirmée en d'autres occasions, en faisant toujours preuve d'un sens du dialogue et de la concertation indispensable à l'aboutissement d'une réforme. Notre enseignement supérieur, universités et grandes écoles, a d'incontestables atouts, mais il souffre sans doute d'un défaut d'organisation et de pilotage.

En affichant une priorité claire au niveau des moyens dans un contexte de stabilité de la dépense publique, le projet de budget pour 2005 marque l'importance que le pays attache à ce secteur. Aussi votre commission des finances l'a-t-elle approuvé et elle en recommande l'adoption. Néanmoins cette dépense nouvelle ne sera efficace que si elle s'inscrit dans le cadre d'une rénovation de la gouvernance de l'enseignement supérieur, dans un réel effort de mise en réseau qui appelle une gestion plus efficace. Nous serons donc très attentifs, monsieur le ministre, aux projets de loi que vous préparez et pour lesquels vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'enseignement supérieur.

Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'enseignement supérieur. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, mon éminent collègue, Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, vient de vous exposer les informations budgétaires chiffrées concernant le projet de budget pour 2005 de l'enseignement supérieur. Aussi me permettrez-vous, après cette brillante intervention, de concentrer la mienne sur l'impact qu'auront ces moyens budgétaires sur la mise en œuvre des missions de l'enseignement supérieur : former les futurs enseignants-chercheurs, qualifier et diplômer le plus grand nombre d'étudiants, assurer leur accompagnement pédagogique et social, proposer des cursus permettant leur insertion professionnelle, former enfin de véritables citoyens européens en leur ouvrant un cursus qualifiant et cohérent dans l'ensemble des pays de l'espace européen.

En hausse de 3 % par rapport à 2004, le projet de budget pour l'enseignement supérieur pour 2005 s'élève à 9,36 milliards d'euros ; il progresse donc plus vite que l'ensemble du budget de l'État.

Il participera au renforcement des moyens humains des universités en permettant la création de 1 000 emplois d'enseignant, dont 700 emplois d'enseignant chercheur et 150 postes d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche ouverts au budget à compter du 1er janvier 2005, ainsi que 150 emplois supplémentaires de maître de conférence ouverts à compter de la rentrée universitaire 2005. Parallèlement, des moyens supplémentaires seront consacrés aux bibliothèques et 150 emplois de personnel ingénieur, administratif, technique, ouvrier et de service seront ouverts à compter du 1er janvier 2005.

Enfin, les mesures de requalification permettront la revalorisation des rémunérations et des régimes indemnitaires et amélioreront les perspectives de carrière des principales catégories de personnels.

Reste que, d'ici à dix ans, 40 % des enseignants chercheurs et des personnels seront appelés à faire valoir leurs droits à la retraite. Ce phénomène mériterait d'être pris en compte et anticipé.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Tout à fait !

Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis. Pour mieux accueillir nos quelque 1 430 000 étudiants, les crédits de paiement des dépenses en capital progressent de plus de 18 %. L'État pourra ainsi plus aisément honorer ses engagements et ses obligations de construction dans le cadre notamment des contrats de plan État-région. Des crédits importants devraient être consacrés à des travaux de maintenance et de mise en sécurité des bâtiments, des établissements d'enseignement et des laboratoires de recherche.

De réels efforts financiers sont entrepris pour améliorer la vie des étudiants. Les conclusions de notre collègue Jean-Paul Anciaux sur le logement étudiant portent leurs fruits, alors que 1 300 000 jeunes de statut étudiant ont besoin de se loger. Le projet de loi de finances prévoit d'augmenter de 35 % les crédits réservés à la maintenance et à la mise en sécurité des résidences universitaires. Quatre mille places supplémentaires en résidence universitaire devraient être livrées pour la prochaine rentrée et l'objectif de sept mille places rénovées chaque année devrait être atteint à partir de 2005. Enfin, certaines résidences ne répondant plus aux normes acceptables de surface et de confort, une enveloppe alimentée pour partie par des fonds propres des CROUS a permis d'engager des travaux de remise en état dans vingt d'entre elles.

L'effort portera également sur les bourses. Leurs taux progresseront de 1,5 % à la rentrée 2005. Les plafonds de ressources seront relevés de 1,5 % afin d'accroître le nombre des bénéficiaires. Trois cents bourses au mérite supplémentaires seront allouées aux meilleurs étudiants boursiers. Enfin, une aide d'urgence a été créée afin de faire face aux situations difficiles auxquelles ne répond pas suffisamment le système des bourses à critères sociaux, tandis que des crédits sont alloués à la rénovation du dispositif des prêts d'honneur, qui devrait, à terme, constituer un véritable mode financement des études. Toutefois, les étudiants issus des classes moyennes restent exclus de la plupart de ces dispositifs et se voient souvent contraints de travailler pour participer au financement de leurs études.

L'espace européen de l'enseignement supérieur se construit. Fondée sur une volonté commune des États, cette politique se fixe deux objectifs principaux : faire de l'Europe un vaste espace permettant la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, et rendre cet espace lisible et attractif à l'échelle mondiale. Les deux principaux leviers de cette construction sont l'architecture des diplômes et l'évaluation.

Pour ce qui concerne l'architecture des diplômes, la France apparaît plutôt en avance dans cette construction puisque 75 % des universités auront adopté le dispositif LMD - licence, master, doctorat - pour la rentrée 2005. Cette restructuration des cursus donne l'occasion de repenser les parcours : la définition de nouveaux objectifs, diversifiés, et la possibilité d'acquérir des unités de crédits semestriels capitalisables et transférables - les ECTS - devrait conduire à la mise en place de nouvelles passerelles.

Les licences en trois ans, représentant 180 crédits, débouchent sur un master ou sur une activité professionnelle. Les masters à bac + 5 représentent 300 crédits capitalisés et se divisent en masters de recherche ou masters professionnels. Enfin, les doctorats en huit ans ouvrent la voie à la carrière d'enseignant chercheur.

Cette restructuration permet de s'assurer de l'adéquation des cursus proposés aux possibilités d'intégration qu'offre le milieu professionnel. C'est donc une véritable recomposition en profondeur de l'offre de formation que les établissements d'enseignement supérieur sont invités à réaliser. Comme pour l'enseignement scolaire, l'objectif est bien la réussite. Actuellement, 40 % des étudiants quittent l'enseignement supérieur sans avoir obtenu de licence cependant que 22 % des bacheliers - les meilleurs - s'inscrivent dans les filières courtes DUT ou BTS à insertion professionnelle rapide et avérée. Bon nombre d'étudiants se détournent des études scientifiques et des carrières de chercheur ; les plus prometteurs choisissent la voie des grandes écoles. Enfin, une évasion vers les universités étrangères se dessine, pour les étudiants comme pour les chercheurs, alors que nos universités attirent peu de bons étudiants étrangers. Un gouffre culturel s'est creusé entre le monde de l'entreprise et l'université dont 80 % des décideurs ne sont pas issus.

Dès lors, l'évaluation devient un impératif, un gage de qualité et de performance, à commencer par l'évaluation des cursus et des pédagogies, en particulier dans l'accompagnement et l'encadrement des étudiants durant les premières années d'études car elles sont caractérisées par un taux d'échec très élevé. L'évaluation doit également porter sur la cohérence des enseignements et des enseignants eux-mêmes afin de valoriser le pôle enseignement de leur carrière, qui, pour l'heure, évolue exclusivement en fonction des publications de recherche.

La construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur offre une réelle chance de rénovation à l'université française. L'étudiant doit en être le premier bénéficiaire. Or aucun crédit particulier n'est affecté dans le projet de loi de finances pour 2005 à la mise en œuvre des nouveaux cursus ni à la poursuite de l'apprentissage des langues en vue d'une mobilité européenne.

Un rééquilibrage s'impose. L'enseignement supérieur reste le parent pauvre de l'éducation nationale. Alors qu'un élève du secondaire coûte en moyenne 36 % de plus en France que dans l'OCDE, un étudiant de l'enseignement supérieur, toutes filières confondues, y est 11 % moins cher. Quant au coût moyen par étudiant, il varie du simple au double entre une première année en université publique et une année de classe préparatoire aux grandes écoles.

Les effectifs dans l'enseignement supérieur sont de nouveau en progression depuis 2002. Au fil des temps, l'université est devenue une institution de masse, multipliant ses effectifs par cinq tous les trente ans. Le taux d'échec des premières années semble devenu structurel. Le nombre de bacheliers effectuant un parcours universitaire de plusieurs années sans obtenir de diplôme va croissant.

Néanmoins la problématique de l'université française ne se résume pas à cette massification. Le niveau des connaissances à l'issue de l'enseignement secondaire, dicté par des programmes destinés à amener au niveau du baccalauréat 80 % d'une classe d'âge, s'est éloigné de celui des connaissances requises pour réussir une première année d'université.

Donner un nouveau souffle à l'enseignement supérieur mobilisera encore beaucoup d'énergie et nécessite un rééquilibrage des dépenses. Le budget de l'État ne pourra répondre seul au défi de la redynamisation de notre enseignement supérieur. Nous devons réfléchir à des partenariats, faute de quoi notre enseignement supérieur ne pourra prétendre à jouer son rôle d'ascenseur social. Pourquoi ne pas lancer un grand débat sur l'enseignement supérieur ?

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis. Je suis persuadée que le Gouvernement est conscient que la rénovation de l'université française, moteur de notre recherche, est vitale pour notre économie. En effet l'avenir de notre développement industriel repose essentiellement sur l'innovation et les productions de haute technicité. Le besoin en matière grise est crucial.

L'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et les priorités que celui-ci trace en termes d'efforts financiers sont une preuve de la lucidité du Gouvernement et de sa volonté d'engager la nécessaire dynamisation de notre enseignement supérieur, particulièrement de nos universités. Aussi, monsieur le ministre, la rapporteure de la commission des affaires culturelles familiales et sociales donne-t-elle un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. Claude Goasguen, premier orateur inscrit.

M. Claude Goasguen. Madame la présidente, monsieur le ministre, depuis quelques années, ce débat sur l'enseignement supérieur qui, du reste, réunit toujours les mêmes participants devant une assistance clairsemée, est à ce point un débat à répétition que nous ne pouvons qu'être saisis de vertige.

Notre université - cela est à la fois inquiétant et rassurant - n'est pas en mauvais état, mais elle ne va pas bien. Ce qui est encore plus frappant pour ceux qui, comme moi, sont issus de l'université et qui l'aiment, c'est qu'elle semble s'accoutumer à un marasme relatif dont, finalement, elle se sort en limitant les dégâts.

Certes, il vaut mieux que l'université soit tranquille plutôt que d'être agitée des soubresauts qu'elle a connus il y a quelques décennies. Néanmoins l'on ne peut s'empêcher de s'interroger sur le sens d'une telle passivité à un moment où l'enseignement supérieur est confronté à l'épreuve - et ce n'est pas de la rhétorique - de la mondialisation et de la concurrence entre les universités.

Les grandes écoles, les écoles de commerce, les écoles d'ingénieurs qui représentent aujourd'hui la qualité de l'enseignement supérieur se sont infiltrées, par leurs initiatives et par leur goût du progrès, dans un vaste champ que l'université n'a sans doute pas su occuper en temps utile ; mais il n'est jamais trop tard.

Autrement dit, monsieur le ministre, nous sommes inquiets. Vous n'êtes pas responsable de la situation. Nous en sommes tous responsables depuis des décennies, aussi bien à droite qu'à gauche. L'université souffre, non pas d'un excès de contestation, mais d'un excès de conformisme et de conservatisme, et c'est regrettable.

Pour en revenir au budget, je me félicite de l'effort consenti en faveur de l'enseignement supérieur et je me réjouis que le dogme selon lequel il fallait financer l'enseignement secondaire avant l'enseignement supérieur ait été renversé. N'oublions jamais que si les États-Unis sont aujourd'hui la première puissance en matière d'enseignement supérieur, c'est parce qu'ils y ont consacré des moyens, alors même que leur enseignement primaire et secondaire est moins bien financé que le nôtre. Ils sont si attractifs parce que leur enseignement supérieur est en plein développement.

Il est donc normal que nous rattrapions le retard que nous avons accumulé dans ce domaine.

La question du financement de l'université et de l'enseignement supérieur doit être au cœur de notre réflexion. Et n'allez pas voir dans cette affirmation l'éternel discours du libéral en mal de réformes structurelles, car ce n'est pas le cas.

Nous devons mener cette réflexion tous ensemble. J'ai récemment participé à une émission de radio avec un président d'université, plutôt conservateur, et le président de l'UNEF. Je dois avouer que je me suis souvent senti plus proche du second. (Sourires.)

M. Frédéric Dutoit. Mais, c'est le monde à l'envers ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Arrêtez-le ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen. Cela tient au fait que, aujourd'hui, le problème ne se pose plus en termes de libéralisme ou de socialisme, de gauche ou de droite, mais qu'il relève tout simplement du bon sens.

On nous dit que la France ne consacre pas un assez gros pourcentage de son PIB à l'enseignement supérieur. Or ce chiffre ne veut rien dire en lui-même. En réalité, ce sont les proportions respectives des financements public et privé par rapport au PIB qu'il faut regarder. Ce qui fait monter les sommes consacrées à l'enseignement supérieur aux États-Unis, ce sont les participations des États, des ménages et des entreprises. À taux égal, je suis persuadé que le financement public des Américains dans les universités est proportionnellement plus faible que celui de la France. En revanche les entreprises françaises ne participent qu'à hauteur de 6 % au budget général de l'enseignement supérieur, alors que la part des ménages n'est que de 11 %.

Cela étant, je vous le dis tout net, je suis absolument opposé à une augmentation des droits universitaires. En effet ces derniers ne constituent que 5 à 6 % des crédits universitaires et une telle augmentation apparaîtrait comme une mesure tellement antisociale que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Non, la réforme doit être plus radicale.

Malheureusement, les universités ont peur du financement privé. Elles craignent d'être en position défavorable par rapport aux fondations, en particulier si elles comptent en leur sein beaucoup de représentants des sciences humaines et des lettres, ce qui est probablement un frein. Si les matières scientifiques sont aujourd'hui en difficulté, cela n'est pas un hasard.

Les présidents d'université préfèrent en général augmenter les droits universitaires, car la concurrence imposée par le secteur privé les inquiète, pour ce qu'il aurait comme conséquences, selon eux, sur l'organisation des cursus.

J'ai, à plusieurs reprises, suggéré - et je persiste et signe - que, au moins à titre expérimental, nous devrions permettre la création de fondations académiques. Par fondation académique, j'entends non pas des fondations d'université comme aux États-Unis, mais des fondations concernant, au niveau des académies, plusieurs universités, dont les présidents géreraient eux-mêmes des fonds venant à la fois du privé et du public. Il ne s'agit pas de les transformer uniquement en collecteurs d'argent ; elles seraient aussi des redistributeurs.

Le président d'université, dont je viens de vous parler, que par ailleurs j'admire car il est un grand universitaire, est latiniste. Il craint notamment que les latinistes soient les victimes d'un tel système. Or, que je sache, on fabrique autant de latinistes aux États-Unis qu'en France, voire davantage et de qualité équivalente.

Une université qui a de l'argent a la possibilité de payer des formations, même celles de ce type qui sont parmi les moins lucratives. En revanche, je peux vous assurer que, dans une université qui ne dispose pas d'autant de moyens, ce sont précisément les formations qui sont le moins tournées vers des débouchés professionnels qui en pâtissent. L'université doit savoir sortir de ces habitudes misérabilistes.

La question du financement est liée à l'avenir de la pénétration par les filières professionnelles et à la mutualisation des fonds. Les fonds d'apprentissage doivent rentrer dans l'université, mais, pour cela, il faut que les écoles de commerce et d'ingénieurs acceptent de traiter avec les universités, au sein d'un même conglomérat de fondations publiques d'université et d'écoles publiques ou privées.

Le financement est essentiel, monsieur le ministre : quelles que soient les additions que nous ferons dans nos lois de finances, nous n'y arriverons jamais si nous n'associons pas davantage les financements privés et l'effort public, qui est justifié.

Je tiens d'ailleurs à vous féliciter de l'action que vous avez initiée afin d'équiper nos étudiants en ordinateurs portables, car cela constitue une véritable révolution dont on n'a pas encore mesuré toute l'ampleur. Cette réforme, comme toutes les réformes, a suscité des controverses. J'ai même entendu des réflexions négatives selon lesquelles cela était bien joli, mais que, dans deux ans, les portables seraient démodés ou encore que c'était « du bidon ».

Il s'agit pourtant d'une réforme fondamentale, dont je voudrais que l'on mesure toutes les conséquences. Je nous trouve en effet très faibles sur l'utilisation des technologies nouvelles en tant que discipline d'enseignement. Ancien recteur du CNED, je suis sans doute plus particulièrement attaché à ces méthodes, mais je suis persuadé que nous n'avons pas suffisamment développé les enseignements à distance.

M. Jean Dionis du Séjour. En effet !

M. Claude Goasguen. La possibilité pour les étudiants d'êtres équipés d'ordinateurs est une chance formidable pour le développement de l'enseignement supérieur.

Pensons d'abord aux étudiants salariés, qui ne peuvent être présents à tous les cours dans les universités et qui réalisent des prouesses pour essayer de s'adapter. Désormais, ils pourront recevoir leurs cours sur leur ordinateur portable à condition de les coupler avec une présence qui peut être organisée. L'université de Denver dans le Colorado gérait ainsi quelque 400 000 étudiants.

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir pousser cette révolution, à partir de l'irruption de la technologie, pour une action plus générale et globale.

S'agissant des étudiants étrangers, ne tombons pas dans la facilité. Certes nous nous réjouissons tous qu'ils soient nombreux en France, mais il faut avoir le courage d'exprimer certaines vérités à ce sujet.

Les étudiants étrangers vont vers les universités américaines, car elles sont attractives et parce qu'elles sont considérées comme les meilleures. Ne nous trompons pas : la présence d'étudiants étrangers dans les universités françaises ne signifie pas qu'elles ont gagné des « parts de marché ». Nous sommes bien sûr tous satisfaits que nos universités en accueillent, mais il ne faudrait pas que leur arrivée ait pour effet de démunir ce que nous avons nous-mêmes contribué à construire, je veux parler des universités africaines, par exemple en Côte d'Ivoire ou au Sénégal. Les présidents d'université eux-mêmes reconnaissent que nous ne recevons pas toujours les meilleurs étudiants, et cela risque d'alourdir, sur le plan matériel, des universités qui sont déjà en difficulté.

Bien entendu, monsieur le ministre, il faudrait être aveugle pour ne pas voter le budget que vous nous proposez, car il est bon tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Toutefois ce n'est pas une raison pour le voter aveuglément.

Je vous demande donc instamment, et je sais que vous y êtes attaché, de mener les expérimentations nécessaires au sein des universités. Permettez-moi d'appeler votre attention sur l'état tragique dans lequel se trouve l'université parisienne, sacrifiée, plus que toute autre, depuis mai 1968.

Je voudrais que ce budget, quantitativement solide et qualitativement intéressant, permette d'ouvrir une véritable réflexion sur la modernisation de notre université. En effet, comme pour tout universitaire, ma souffrance est grande de voir l'université ne plus occuper la place éminente qu'elle avait il n'y a pas si longtemps, lorsque nous achevions nos études.

M. Jean Tiberi. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Nostalgie ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant mon collègue M. Goasguen, qui participe fidèlement tous les ans à la discussion du budget de l'enseignement supérieur, j'ai bien compris que le compte n'y était pas mais que, néanmoins, il le voterait.

Je le rejoins au moins sur un point : celui de la condition des universités parisiennes. Vous avez raison, mon cher collègue, à cet égard. Les universités parisiennes, particulièrement intra-muros ont pris beaucoup de retard alors que, en province, nous avons souvent plus de chance. Il faut reconnaître que les collectivités locales ont mis beaucoup de temps pour réagir dans le cadre des contrats de plan et pour engager des actions dans ce secteur avec le concours de l'État.

M. Jean Tiberi. C'est ce que j'ai fait !

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, avant d'aborder votre budget, je veux revenir sur un point important, bien que technique, à savoir les conséquences de la nouvelle donne budgétaire. En effet, l'importance de la mission interministérielle appelée Recherche et enseignement supérieur avec ses treize programmes et ses sept ministères impliqués, justifiera une coordination réelle, analogue à celle qui existe pour le budget de la recherche, sur le BCRD.

Ma question est simple : quel est le dispositif de pilotage envisagé ?

La présentation du budget de l'enseignement faite par votre ministère montre une croissance de 3 %. Certes c'est plus que la progression moyenne du budget de l'État, mais cela aboutit à peine, en euros constants, et en euros constats par étudiant, à une stabilisation des moyens, avec une hypothèse de 2 % d'étudiants supplémentaires et 2 % d'inflation.

Il n'y a donc aucune amorce de rattrapage du sous-financement notoire de notre enseignement supérieur. Or diverses analyses ont montré que cela aboutit à diminuer le potentiel de croissance de notre économie.

Ce simple maintien des moyens se confirme lorsqu'on analyse les différents points de votre budget.

Il y a certes, je le reconnais, une consolidation des 1 000 emplois créés à la suite du mouvement des chercheurs : 850 postes d'enseignant et 150 postes d'ingénieur d'études. En réalité, cependant, à la rentrée 2005, il n'y aura que 150 créations de postes d'enseignant-chercheur. Ce faible nombre est un signal négatif qui ne peut attirer les jeunes vers les métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche, à un moment où ils se détournent des filières scientifiques. Il n'y a pas de créations d'emplois IATOS non plus.

S'agissant des moyens de fonctionnement des universités, l'augmentation est de 16 millions d'euros et non de 29 millions comme l'annonçait la note de présentation budgétaire. En effet, ce chiffre inclut la dotation de 13 millions d'euros destinée à l'établissement public du musée du Quai-Branly, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des finances. En fait la progression n'est donc que de 1,2 %, inférieure à celle du nombre d'étudiants alors que nous assistons à la mise en place du dispositif LMD, qui ne se fait vraisemblablement pas à coût nul, même si votre ministère n'a pas produit d'évaluation à ce sujet. J'y reviendrai.

Quant aux bourses, la progression annoncée de 1,5 % du taux et du plafond à la rentrée de 2005 permettra à peine de maintenir leurs taux à euros constants et la proportion de boursiers.

S'il est vrai que les crédits de paiement, les dépenses en capital, augmentent de 18 % - construction, mise en sécurité et maintenance -, il convient de souligner qu'il s'agit d'un rattrapage indispensable des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programmes des deux années antérieures, que ce soit pour la sécurité ou pour le CPER. Ce ne sont donc pas réellement des moyens nouveaux.

Monsieur le ministre, votre budget manque d'ambition. De plus, vous n'anticipez pas les départs à la retraite, ce qui pose un grave problème, en particulier pour les filières scientifiques. L'absence de toute mesure dans ce domaine pourrait l'aggraver. Je regrette d'ailleurs qu'un plan pluriannuel de recrutement, sur lequel vous vous êtes, je crois, prononcé favorablement à l'occasion des États généraux de la recherche, ne soit pas mis en place dès ce budget. Nous venons ainsi de perdre trois précieuses années.

Bref, monsieur le ministre, vous ne remédiez pas au sous-financement de l'enseignement supérieur en France et je ne suis pas seul à le dire. Les avis concordent, qu'il s'agisse de bon nombre d'économistes ou de la conférence des présidents d'université. C'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe socialiste ne votera pas votre budget.

Avant d'aborder d'autres questions, je veux évoquer trois sujets qui me préoccupent et sur lesquels j'aimerais que vous fassiez le point.

S'agissant d'abord du désamiantage du Jussieu, pourriez-vous nous indiquer où nous en sommes ? Les opérations tiroirs mises en place pour accueillir les laboratoires dont les locaux sont en cours de traitement se passent-elles dans de bonnes conditions ? Des retards sont-ils à prévoir ?

Ensuite, sur l'évaluation du patrimoine des universités, sujet extrêmement complexe, je souhaite connaître votre avis et savoir quelles difficultés nous rencontrons.

Enfin, quelles sont les évolutions dans l'accueil des étudiants étrangers ? Quelle est la structure de leurs origines géographiques ?

Au-delà des problèmes de moyens, je veux aborder quatre questions importantes pour notre université.

Il s'agit d'abord de la mise en place du dispositif LMD.

Aujourd'hui, il est présent dans 75 % des universités et les 100 % seront atteints au début de l'année prochaine. Je crois, et vous ne me contredirez pas, qu'une régulation a posteriori va s'imposer. En effet, nous constatons une certaine anarchie entre les établissements : de nombreux intitulés et contenus différent de l'un à l'autre. Aussi, monsieur le ministre, aimerais-je connaître les initiatives que vous envisagez de prendre d'ici à la conférence de Bergen, qui réunira en mai 2005 les ministres européens de l'éducation, à la suite de la conférence de Berlin en 2003. Par ailleurs, ce dispositif nécessite pour réussir un encadrement renforcé. Quelles sont vos propositions à ce sujet ?

Il s'agit ensuite des enseignants-chercheurs.

Tout le monde s'accorde pour reconnaître que, aujourd'hui, il est essentiel que les jeunes enseignants-chercheurs bénéficient, en début de carrière, d'une charge d'enseignement moins lourde qu'actuellement afin qu'ils consacrent davantage de temps à la recherche. Il faut arrêter de couper les enseignants de la recherche, car c'est cette dernière qui fera la qualité future de l'enseignement. Quelle est votre position à ce sujet ? Quelles dispositions comptez-vous prendre ?

Il s'agit par ailleurs de la situation des étudiants.

Nous constatons le développement d'une grande précarité : sur 2 millions, 107 000 seraient en situation de précarité et plus de 22 000 connaîtraient une pauvreté grave et durable.

M. Frédéric Dutoit. C'est juste !

M. Alain Claeys. La recherche de petits boulots devient de plus en plus aléatoire et risquée pour nombre d'étudiants qui ne peuvent, à l'évidence, mener leurs études dans des conditions minimales de sécurité. Sur quelles pistes travaillez-vous pour réduire cette précarité ? En tant que ministre de l'éducation nationale, entendez-vous revenir sur certaines dispositions afin d'accroître le nombre de postes de surveillant offerts aux étudiants ?

Il s'agit enfin des post-doctorants. Comment comptez-vous concilier sécurité des contrats et mobilité ?

J'en viens à présent à la modernisation et à la démocratisation de nos universités, sujet qui me tient particulièrement à cœur. C'est volontairement que je ne parle pas d'autonomie des universités. Celle-ci est en effet affirmée par la loi du 12 novembre 1968. Selon moi, l'essentiel est de s'interroger sur la portée actuelle du principe de l'autonomie des universités : comment le conforter et, dans le même temps, garantir le service public de l'enseignement supérieur tel que l'établit l'article 1er de la loi du 26 janvier 1984 ?

Pour reprendre un rapport de la Cour des comptes, je dirais qu'une autonomie sans capacité de moyens et sans instruments de pilotage ou outils de contrôle est une autonomie en trompe l'œil.

La modernisation de nos universités est urgente. Elle doit être intégrée dans la loi d'orientation et de programmation de la recherche. C'est en effet au sein de nos universités que s'effectue l'essentiel de la recherche publique en France. Dans ces conditions, personne ne comprendrait qu'elles soient exclues de cette loi. Cela constitue pour nous une question centrale, qui doit dépasser les clivages partisans. Il en va de l'avenir des universités et de la lisibilité de notre système d'enseignement supérieur et de recherche, tant au niveau européen qu'à l'échelle internationale.

L'enseignement supérieur a su relever le défi de la politique de démocratisation, en multipliant les accès de proximité en fonction de la poussée démographique. Cela se traduit par une forte densité d'établissements sur le territoire : 153 implantations universitaires, 50 sièges d'universités. Aujourd'hui, il est urgent d'apporter de la cohérence dans le maillage du territoire, en conjuguant qualité et réseaux. Dans cet esprit, je crois que le principe des pôles de recherche et d'enseignement supérieur - les PRES -, adopté par la CPU le 21 octobre 2004 et repris aux États généraux de Grenoble, peut contribuer à structurer notre système.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour mener à bien la réforme en ces domaines, quatre conditions préalables doivent être remplies.

La première est la lisibilité. Vous engagez-vous, monsieur le ministre, à reprendre le principe du programme de recrutement pluriannuel, initié par vos prédécesseurs, Jack Lang et Roger-Gérard Schwartzenberg ? À un moment où beaucoup de jeunes doutent de la pertinence du choix des filières scientifiques, il est indispensable de leur donner cette lisibilité.

La deuxième condition est que les dotations financières soient suffisantes pour que la modernisation de nos structures ne soit pas ressentie par les universitaires comme un désengagement de l'État. Je le précise, monsieur le ministre, parce que j'ai le sentiment que votre prédécesseur a buté il y a un an sur cette difficulté.

La troisième condition concerne l'évaluation : qui dit autonomie, dit en contrepartie évaluation, qualitative et quantitative, assurée par l'État.

La quatrième condition renvoie à votre position à l'égard des personnels de l'éducation nationale. Vous devez être parfaitement clair et leur garantir que leur statut de fonctionnaires d'État sera maintenu. Je me souviens de la notion très compliquée de fongibilité asymétrique du projet de Luc Ferry. Mal expliquée et mal conjuguée, elle avait inquiété, à juste titre, les personnels IATOS.

Monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2005 nous paraît être une occasion manquée de donner des signes positifs, mais j'espère que la future loi d'orientation répondra aux attentes des universitaires et des chercheurs et, plus largement, à celles de nos concitoyens qui défendent le service public de l'enseignement supérieur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le budget de l'enseignement supérieur pour 2005 serait un budget charnière. Il l'est, en dépit de votre ardeur réformatrice. Prudent, il ne fait que répondre aux insuffisances manifestes de l'enseignement supérieur français.

En ce qui concerne les personnels, on peut constater que, comme vous l'aviez annoncé, les emplois d'enseignant-chercheur connaissent une certaine progression, mais la faiblesse chronique du taux d'encadrement demeure et la notion d'emploi environné est toujours absente de la logique de gestion des ressources humaines, alors que la création de postes d'enseignant-chercheur n'est pleinement efficace que si les personnels administratifs et techniques sont en nombre suffisant.

Nous ne pouvons occulter cette situation : les besoins réels des universités sont souvent amplifiés par la mise en place du LMD, mangeur de temps, ou par les départs à la retraite. D'ailleurs, certaines universités − je l'entends souvent dire à Lyon − emploient des vacataires du secondaire pour assurer les enseignements supérieurs. Comment un enseignant peut-il mieux accompagner les étudiants − ce qui est l'un des objectifs du LMD −, se concentrer sur l'enseignement et sur la recherche, s'il lui faut, en outre, consacrer du temps au travail administratif ?

Il y a là, me semble-t-il, une première question à débattre.

Sommes-nous prêts à payer le prix pour obtenir un enseignement supérieur attractif ? Il conviendrait de définir d'abord un plan pluriannuel de postes à créer, dans l'université et pas seulement dans la recherche. C'est en effet le couple enseignement supérieur-recherche qui nous donnera ces pôles puissants dont a parlé notre collègue M. Goasguen. Cependant il faut aussi, comme je l'ai souligné lors de l'examen du budget de la recherche, des changements organisationnels, telle la mise en place d'un statut général des enseignants-chercheurs et des chercheurs. Ce statut conférerait de la souplesse dans la temporalité, garantirait l'alternance et la concomitance des activités d'enseignement, de recherche et d'animation des équipes. Au moment où nous voulons renouveler les générations d'enseignants et de chercheurs et, surtout, rendre ces deux fonctions plus intéressantes, c'est une possibilité à ne pas perdre de vue.

La question des locaux doit également être examinée. Nous connaissons les campus français, leur vétusté, leur fonctionnement d'un autre âge. Songeons aux bibliothèques qui sont fermées le soir et en fin de semaine.

M. Michel Herbillon. Eh oui !

Mme Anne-Marie Comparini. M. Goasguen a raison : voilà vingt ans qu'on cite cet exemple et, pour autant, l'on n'a pas trouvé de solution.

Certes − et cela mérite d'être souligné −, vous prenez en compte les besoins d'investissement des universités. Les lignes de contrats de plan État-région concernant l'université sont parmi les rares à être consommées à un bon rythme, mais le retard est tel que nous devrions d'ores et déjà envisager un nouveau programme Universités 2006-2010.

Il faudra également débattre de cette question : réussirons-nous à augmenter le nombre d'étudiants étrangers, dont la présence dans nos universités est primordiale pour le rayonnement intellectuel de la France, sans avoir modernisé des établissements qui, aujourd'hui, ne tiennent pas la concurrence face aux grandes universités européennes ou nord-américaines ?

En matière de vie estudiantine, votre projet de budget pour 2005 veille à améliorer l'autonomie des étudiants, favorise l'accès aux nouvelles technologies par la négociation de prêts avantageux pour acquérir des micro-ordinateurs portables. Saluons également l'effort particulier que vous consentez pour le logement : il était très attendu. Ne serait-il pas temps, cependant, de réfléchir à la manière d'aider les étudiants à financer leurs études ? Vous réactivez les prêts d'honneur, mais ne pourrait-on, sur le modèle des prêts pour l'achat d'un ordinateur, obtenir du système bancaire des formules de prêts à taux très réduit pour les étudiants ?

En France, comme dans tous les pays d'Europe, nombre d'étudiants travaillent pendant leur scolarité, mais les emplois qu'ils occupent ont rarement un rapport avec leurs études. Ne peut-on développer des liens entre études et travail, afin que ce premier emploi soit la porte d'entrée pour leur insertion future ? Il y a là un défi à relever dans l'intérêt de tous : dans celui de l'étudiant comme dans celui de l'entreprise, qui parierait ainsi sur un jeune qui n'a pas encore achevé ses études.

Au-delà de ces observations inspirées par vos propositions, je regrette que le manque de moyens de votre ministère vous empêche d'exprimer dès 2005 un dessein d'avenir pour l'université. Il y aurait tant à faire. Certes, grâce à la qualité de nos enseignants du supérieur, nous avons su répondre à la demande croissante d'éducation de ces vingt dernières années. Toutefois, avec le temps, le système national se révèle inadapté aux besoins de notre société et de notre économie. Chaque année nous éloigne un peu plus des pays qui ont su rénover leur université. Il est donc temps, pour nous aussi, de revoir les objectifs de notre système afin qu'il soit capable de relever les nouveaux défis.

Les besoins grandissants de formation tout au long de la vie représentent ainsi un secteur en pleine croissance lié aux changements technologiques. L'ouverture internationale est indispensable à la valorisation du cursus de chaque étudiant, mais c'est aussi un impératif pour les établissements s'ils veulent affirmer la réputation de leur offre de recherche et de formation.

Enfin, nous devons assurer le développement des relations et des partenariats avec l'entreprise, mais aussi, comme l'a dit M. Goasguen, avec les grandes écoles du système français. Les expériences ne manquent pas, à commencer par celles qui sont menées dans ma bonne ville de Lyon, où l'alliance entre l'université de gestion et les écoles de management ou l'école Centrale de Lyon offrent aux jeunes des parcours très intéressants, pour eux comme pour les entreprises.

À la différence de la situation qui prévalait il y a peu d'années encore, la première mission des universités est désormais de donner à chaque étudiant toutes les chances de trouver son domaine d'excellence pour se préparer aux métiers de demain. La préparation à la vie professionnelle doit devenir un impératif. Elle passe − on ne le dira jamais assez − par une bonne orientation dès le secondaire, comme vous le déclariez récemment dans une interview, monsieur le ministre. L'application de la réforme du LMD nous y oblige d'ailleurs.

La seconde mission de l'université est d'ouvrir ses enseignements sur la réalité de l'économie actuelle. Elle doit le faire dans des campus attractifs et bien équipés, avec des enseignants à qualification élevée qui éclairent leurs cours grâce à des ouvertures sur la recherche et qui sont capables d'obtenir des stages pour leurs étudiants ou de recevoir des professeurs venus d'autres universités du monde. Certes, tout cela a un coût et impose de nouvelles organisations. Nos partenaires européens ont su réaliser ces améliorations en acceptant le renchérissement du supérieur, en s'ouvrant sur le privé et en prenant en compte cette nouvelle stratégie éducative dans les budgets nationaux.

Monsieur le ministre, je voudrais, pour conclure, formuler un vœu : je souhaite que la grande séance de remue-méninges que vous avez ouverte, avec le rapport Thélot sur l'avenir de l'école ou avec le rapport Baulieu sur la recherche scientifique, n'oublie pas l'université et que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous puissions partager des objectifs ambitieux. Cela montrerait que, en se dotant de moyens importants et en établissant un calendrier clair, la France est en mesure de lancer un programme d'éducation visionnaire. C'est dans cette perspective que le groupe UDF votera ce budget...

M. Michel Bouvard et M. Michel Herbillon. Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini. ...comme il a voté celui de la recherche, en espérant vivement qu'un projet de fond − inspiré par votre ardeur réformatrice − nous sera proposé en 2005 à l'occasion de l'examen du budget 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux, malgré l'heure tardive, de prendre part à ce débat. Chacun sait, quel que soit le banc sur lequel il siège, que les besoins du développement humain et la nécessité d'anticiper pour permettre le renouvellement du patrimoine planétaire lancent à l'enseignement supérieur des défis qu'il ne pourra relever sans de profondes réformes, qu'il s'agisse des méthodes de création, de diffusion et d'appropriation collective et individuelle des connaissances, des savoirs et des savoir-faire, des missions des établissements d'enseignement supérieur ou de leur gestion quotidienne.

La construction d'un espace européen de la recherche et de l'enseignement supérieur pourrait d'ailleurs être une formidable occasion de développer, d'une part, des coopérations inédites entre lieux de formation, laboratoires de recherche, entreprises innovantes, collectivités territoriales, et, d'autre part, des réseaux associant aux projets les plus divers citoyennes et citoyens, syndicalistes, décideurs économiques et politiques, chercheurs et spécialistes de différents champs du savoir.

M. Michel Herbillon. Voilà un beau plaidoyer pour l'Europe !

M. Frédéric Dutoit. Je suis très européen, monsieur Herbillon !

Mme Anne-Marie Comparini. Et quel Européen !

M. Frédéric Dutoit. Il n'y a que vous qui en doutez, madame !

Néanmoins, cette évolution ne pourra s'accomplir si les dogmes et les appétits financiers toujours plus âpres continuent de reléguer l'être humain au second plan. Je crois d'ailleurs avoir décelé dans les propos de notre collègue M. Goasguen quelques velléités de ce type (Rires et protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Claude Goasguen. Pas du tout !

M. Frédéric Dutoit. ...lorsqu'il nous a présenté les universités américaines comme des modèles à suivre.

M. Michel Herbillon. Ce n'est pas du tout ce qu'il a dit !

M. Claude Goasguen. Je n'ai jamais dit ça !

M. Frédéric Dutoit. C'est en tout cas un modèle qu'il considère d'un bon œil !

Pour réussir, une telle construction a besoin de s'appuyer sur une vision civilisatrice, voire sur une conception empreinte d'universalité. Or ce budget, monsieur le ministre - tout le monde l'a reconnu, même si la droite le votera finalement - va à contresens des exigences de notre temps.

Il affiche une hausse de 3 %. À y regarder de plus près toutefois, la comparaison d'une année sur l'autre est faussée par les restrictions et les annulations antérieures. En outre, l'examen des chapitres rend difficile une analyse plus détaillée du fait des jeux d'écriture résultant de la mise en œuvre expérimentale de la LOLF dans quatre établissements. Quant aux dépenses ordinaires, elles n'augmentent que de 2 %, soit une quasi-stagnation en euros constants.

Le projet de budget pour 2005 porte certes la trace des 1 000 créations d'emplois annoncées sous forme de mesure d'urgence en avril dernier pour faire face à la mobilisation. Je veux parler des 700 emplois d'enseignant-chercheur créés au 1er janvier 2005 et de la consolidation des 150 recrutements d'ATER et des 150 emplois d'ingénieur d'études engagés à la rentrée 2004. Finalement, la seule mesure nouvelle porte sur 150 emplois de maître de conférence créés le 1er septembre 2005.

Ainsi s'interrompt le processus amorcé en avril, alors que la mise en place de nouvelles formations avec la création de la licence professionnelle et du grade de master, le renforcement de l'encadrement pour améliorer le taux de réussite, et les exigences de la recherche accroissent les besoins des établissements en personnels.

Alors que le budget de la recherche se borne à titulariser les 500 emplois déclassés l'an dernier en CDD, on constate, dans le même temps, l'absence de toute création nouvelle d'emploi de personnels IATOSS ou ITA, de même que de chercheur. Certes, 750 emplois sont inscrits pour permettre la titularisation de personnels précaires en application de la loi Sapin, mais il s'agit d'emplois gagés, financés par les établissements.

En ce qui concerne les carrières, quelques mesures de repyramidage figurent au budget.

Vous prétendez que les crédits de fonctionnement progressent de 2,3 % à structure constante, à comparer à l'augmentation de 11 % de l'aide aux établissements d'enseignement supérieur privés. Nous voyons bien là où vont vos priorités, et M. Goasguen aurait lieu d'être satisfait.

Les taux et les plafonds des bourses concernant les étudiants n'augmentent que de 1,5 %, pour une inflation prévue de 1,8 %. C'est donc la quasi-stagnation. La création annoncée de 300 bourses de mérite supplémentaires à la rentrée 2005, les 5 millions d'euros pour la solidarité et les 4 millions destinés aux prêts d'honneur ne représentent qu'un léger coup de pouce qui sera loin de satisfaire les besoins exprimés.

En France, 59 % des étudiants parviennent à terminer leurs études universitaires générales, soit 11 % de moins que la moyenne des pays de l'OCDE. Quant au taux d'obtention pour une classe d'âge d'un premier diplôme universitaire du type licence, maîtrise ou diplôme d'ingénieur, il est également inférieur à cette même moyenne.

À la suite du rapport Anciaux, un certain effort est consenti en faveur du logement étudiant. Cependant, il est limité à la maintenance et à la mise aux normes de sécurité des résidences universitaires.

M. Michel Herbillon. Et les constructions ?

M. Frédéric Dutoit. La construction promise de nouvelles chambres devra, elle, encore attendre.

La proportion d'étudiants en situation de pauvreté grave et durable a augmenté et cette situation de précarité a trop souvent une incidence directe sur leurs résultats universitaires. Il est bon de pouvoir posséder un ordinateur. Encore faut-il avoir de quoi vivre pour pouvoir suivre ses études. Or avec l'esprit préoccupé et l'estomac vide, il est difficile de se consacrer entièrement aux études et les résultats s'en ressentent cruellement. Il est inacceptable que des étudiants se privent de l'essentiel par manque de moyens financiers.

Je tiens d'ailleurs à rappeler combien l'enseignement supérieur et la recherche sont assurés en majorité par des personnels précaires. Comme dans d'autres secteurs de la société, l'emploi précaire est devenu la norme. Il n'est que temps de la remettre en cause.

Les assises nationales sur la précarité, organisées par l'intersyndicale Recherche et enseignement supérieur, ont réuni, les 21 et 22 septembre derniers, de nombreux participants et ont été l'occasion d'un riche et vif débat. Il s'agissait en particulier de répondre, dans un contexte marqué par l'échec, dans l'enseignement supérieur et la recherche, du plan Sapin de résorption de l'emploi précaire, à l'indigence de ce projet de budget pour 2005 et aux menaces pesant sur l'existence même du statut de fonctionnaire, volontiers traité comme une exception française en voie d'extinction.

Il serait juste de titulariser les actuels CDD dans un corps de fonctionnaires, dans le cadre d'un nouveau plan d'intégration. À la différence du plan Sapin, le nouveau dispositif devrait prévoir le maintien en fonction de tous les précaires actuels de même que l'intégration des maîtres de conférences, des chercheurs et des ingénieurs de recherche dans des corps A+.

Le rapport d'étape des États généraux de la recherche est bien loin de répondre à ces exigences. S'il pose en principe la reconnaissance des statuts stables et la réduction de l'emploi précaire, il n'évoque pas de plan d'intégration pour les précaires actuels. Il ne se prononce pas non plus clairement en faveur du statut de fonctionnaire titulaire pour les personnels de la recherche publique. Au contraire, il le met sur le même plan qu'un CDI de droit privé. Et s'il reconnaît que certaines propositions, notamment celle des CDD post-doctoraux, risquent de conduire à renforcer la précarité, il n'y renonce pas pour autant.

En revanche, la proposition d'un CDD pour tous les doctorants avec un salaire attractif et évolutif, indexé sur l'indice des prix et ouvrant aux actions sociales de formation, constitue une piste très intéressante. En même temps, reconnaître que tous les doctorants sont des travailleurs scientifiques revient à admettre qu'ils occupent des emplois certes précaires mais qui exigent des garanties spécifiques.

Les besoins de l'enseignement supérieur sont immenses. D'après un rapport du haut conseil d'évaluation de l'école, l'économie aura besoin en 2010 de 70 % de bacheliers par génération contre 62 % actuellement, et de 45 % de diplômés de l'enseignement supérieur contre 38 % aujourd'hui. Voilà qui implique, à rebours de votre manque d'ambition pour notre jeunesse, de maintenir l'exigence des 80 % d'une classe d'âge parvenant au baccalauréat.

Monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2005 n'est en rien à la hauteur des besoins. Il ne pourra maintenir un enseignement supérieur de qualité dans notre pays et des conditions d'études dignes pour nos étudiants. Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous nous y opposions.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un pays est fort de la qualité de la formation de ses cadres, c'est-à-dire de ceux qui auront demain la charge de son avenir ; il est fort de la qualité de son université.

Un rapport du conseil d'analyses économiques cité par Corinne Marchal-Tarnus dans son excellent rapport,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Pierre-André Périssol. ...établit un lien entre le niveau d'enseignement supérieur atteint par la population et les performances obtenues par le pays en termes de croissance. Ces performances sont autant d'ordre quantitatif, puisqu'il estime qu'une année d'enseignement supérieur en plus conduit à une croissance de 8 %, que d'ordre qualitatif puisque la place de l'enseignement supérieur et de la recherche conditionne la capacité d'un pays à bénéficier d'innovations, donc à garantir son indépendance.

Sans doute l'université française a-t-elle réussi à faire face au doublement des effectifs étudiants au cours d'une génération et il faut lui savoir gré d'avoir su relever ce défi majeur. Mais, dans le même temps, un étudiant sur trois échoue au DEUG.

Notre pays aura besoin pour son économie de davantage de diplômés de l'enseignement supérieur. Or l'université peine à améliorer ses résultats dans un moment où nous devons élever le niveau de qualification dans l'enseignement supérieur.

Les classements internationaux n'accordent pas aux universités françaises les meilleures places. Je sais qu'il faut relativiser ces classements et que la spécificité de la France en matière d'organisation du système de recherche joue en sa défaveur. Néanmoins aucun responsable politique n'a le droit de se résigner à ne voir aucune de nos universités figurer parmi les quarante premières mondiales, comme le confirme d'ailleurs leur faible attractivité sur les étudiants étrangers. Il nous faut réagir et je proposerai à cet égard trois orientations.

Il convient d'abord de rééquilibrer la place de l'université dans la recherche. Le rééquilibrage, encore timide, du financement de la recherche publique française en faveur du financement sur projet plutôt que par simple récurrence, doit permettre à la recherche universitaire de s'inscrire plus fortement encore dans la voie de l'excellence scientifique.

La création de l'Agence nationale pour la recherche - que nous évoquions encore jeudi dernier lors de l'examen du projet de budget de la recherche - permettra de distribuer les fonds non pas en fonction de la nature de l'établissement mais selon des critères de performance. Cette création, conjuguée avec l'implantation de pôles de compétitivité, sera de nature à donner à l'université la possibilité d'améliorer sa place dans le dispositif de recherche français.

Il ne s'agit pas, en effet, d'opposer universités, grandes écoles et organismes de recherche pour favoriser l'un au détriment des deux autres, mais de mutualiser les efforts et d'atteindre une masse critique suffisante pour figurer sur la scène internationale.

Il faut ensuite permettre aux universités d'abonder leurs moyens, donc leurs ressources. En donnant plus de place à la recherche, elles attireront devantage de contrats de recherche, rémunérés surtout à un plus juste niveau.

L'application du droit sur les fondations et des dispositions fiscales afférentes, à des fondations d'anciens étudiants permettrait, tout en donnant un sentiment de fierté aux anciens, de renforcer la notoriété de leurs universités et d'accroître les ressources de celles-ci.

Enfin, il est indispensable que 1'exécutif des universités dispose réellement des moyens d'assumer ses responsabilités. Les propositions qui ont été formulées en ce sens et les concertations qui ont été menées ne peuvent être laissées en jachère dès lors que c'est l'avenir de notre université qui est concerné.

Monsieur le ministre, vous avez pris des décisions fortes pour inverser la situation s'agissant des conditions de vie des étudiants, avec en particulier un programme accéléré de construction et de réhabilitation de résidences universitaires. Un tel coup de barre était essentiel mais, nous le savons, la route sera longue. L'effort devra être poursuivi et amplifié, en associant les investisseurs privés à la réalisation de studios pour étudiants.

Notre université a besoin d'une action résolue. Nous connaissons vos convictions et nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ingénieur de formation et de profession, je limiterai mon intervention à la synergie entre la recherche et l'enseignement supérieur et à l'adaptation de la carte universitaire aux besoins de la nation.

Cette dernière se trouve, comme l'université, confrontée à un redoutable défi : comment rester dans la course à l'innovation au niveau mondial, alors que la concurrence règne entre les universités du monde entier et que la compétitivité d'un pays repose désormais sur l'innovation ?

Traditionnellement, le système éducatif français a formé des administrateurs et des ingénieurs plus que des innovateurs. Notre enseignement supérieur est peu financé par rapport au secondaire. Il est tourné vers les formations bac +2 et bac +5 et il n'est mobilisé que de façon marginale pour des objectifs de recherche.

En effet, le modèle français d'organisation de la recherche, qui repose encore aujourd'hui sur des établissements publics puissants - CNRS, CEA, CNES... - et qui a permis d'enregistrer de brillantes réussites technologiques et industrielles, est en partie responsable de notre retard en matière d'innovation, comme en atteste la faible part prise par la France dans le dépôt de brevets mondiaux.

La France ne retrouvera les premiers rangs en matière d'innovation qu'en mobilisant à nouveau son université sur les priorités nationales de recherche. Aujourd'hui, l'université française remplit mal ce rôle. Elle est doublement marginalisée, par les grandes écoles dans la formation des élites scientifiques et économiques et par les organismes nationaux dans la gestion de la recherche.

Le chemin pour impliquer l'université dans les grands enjeux de recherche peut passer en partie par les pôles de compétitivité, c'est-à-dire une synergie entre recherche, université et entreprise. Le Gouvernement, reprenant les conclusions du rapport de notre collègue Christian Blanc, s'apprête à lancer un appel d'offres pour la mise en place de ces pôles. Au-delà du concept, l'heure est maintenant venue de faire un certain nombre de choix décisifs pour préciser la place de l'université dans ces pôles de compétitivité.

Quelle sera la place faite aux universités dans la gouvernance de ces pôles de compétitivité ? Quelle autonomie sera donnée aux universités pour qu'elles puissent réagir effectivement en synergie avec les industries présentes dans ces pôles ? De quelles ressources disposeront les universités pour mener à bien leurs programmes de recherche ?

Ces questions, monsieur le ministre, trouveront-elles leur réponse dans l'appel d'offres que l'État compte lancer en janvier 2005 pour choisir les sites de ces pôles de compétitivité ?

La deuxième interrogation porte sur la carte universitaire française. Celle-ci fait preuve d'une rigidité extrêmement pénalisante.

L'université française fonctionne encore sur l'idée d'enseigner dans un même lieu l'ensemble des disciplines existantes et rejette le concept d'universités thématiques. Cette approche est-elle susceptible d'évoluer ?

L'université française est aujourd'hui presque exclusivement concentrée dans les métropoles régionales et à Paris. Pour faire face à la forte croissance des effectifs universitaires dans les années quatre-vingt-dix, on a multiplié les antennes universitaires, mais, aujourd'hui, ces antennes vivent mal - je vous poserai une question à ce sujet tout à l'heure.

Troisième remarque : la plupart de nos universités ont un problème de taille critique, tant pour exister sur le plan international que pour tirer un plein parti de la multidisciplinarité. Pourquoi ne pas ouvrir aux universités et aux grandes écoles la possibilité d'associations, de formes de regroupements plus ou moins légères, à travers des « établissements publics de coopération universitaire » ?

Enfin, la réponse aux besoins d'un bassin d'emploi par la création de formations courtes, IUT, BTS, adaptées aux besoins économiques de ces bassins, est, elle aussi, d'une rigidité effrayante. Quelle modification des procédures de fixation de la carte universitaire envisagez-vous pour donner de la réactivité à ces formations courtes ?

Chaque année qui s'écoule dans le cadre budgétaire actuel nous éloigne un peu plus des pays concurrents qui ont su s'adapter aux nouveaux modes de fonctionnement de la société de la connaissance.

Or la réforme des universités envisagée au début de la législature par le Gouvernement semble repoussée à la prochaine législature puisqu'il paraît acquis que le champ de la future loi d'orientation sur l'école n'ira pas au-delà du baccalauréat. Quelle que soit la difficulté politique, que je ne sous-estime pas, de mise en œuvre d'une telle réforme, n'est-on pas en train de s'enfermer dans une grave impasse ?

Notre modèle universitaire, en déterminant le futur niveau d'éducation de la population, conditionne l'avenir économique, social, politique et culturel de notre pays. Avec l'université, c'est donc tout l'avenir de nos enfants qui est en jeu.

M. Michel Herbillon. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun, dans cet hémicycle, mesure combien l'influence d'un pays dans le monde, son attractivité, sa croissance et son poids économique dépendent de plus en plus étroitement aujourd'hui de sa capacité de recherche et d'innovation, et donc de sa capacité à offrir une formation supérieure de qualité à sa jeunesse.

La connaissance est, et sera encore plus demain, la clé de toute prospérité. Cela génère naturellement une compétition entre les différents systèmes nationaux de formation supérieure, y compris pour attirer à eux les meilleurs étudiants, les meilleurs professeurs et les meilleurs chercheurs.

La France dispose, grâce en particulier à ses enseignants, d'un réseau d'universités, d'écoles et de centres de recherche universitaires de qualité, qui a su notamment faire face à une très forte croissance démographique de la population étudiante. Mais il faut regarder la réalité en face. En comparaison de ses principaux partenaires, notre pays n'a pas, depuis de nombreuses années, consacré assez d'attention et de moyens à l'enseignement supérieur. Si la dépense par élève y est une des plus élevées au monde dans le secondaire, elle est inférieure de 11 % à la moyenne des pays de l'OCDE pour les étudiants du supérieur et même trois fois plus faible que celle consacrée aux États-Unis. Cela entraîne des handicaps sévères pour nos universités, que différents rapports et classements internationaux récents ont soulignés.

II y a donc une vraie urgence à se mobiliser et à agir et, dans ce domaine comme dans bien d'autres, la réforme s'impose. Je sais, monsieur le ministre, combien cette question vous préoccupe. Je connais votre volonté d'engager une politique ambitieuse en faveur des universités et, plus largement, en faveur de notre système d'enseignement supérieur, comme vous l'avez fait pour l'école.

Le projet de budget pour 2005 apporte d'ailleurs des éléments de réponse concrets très positifs pour remédier à un certain nombre de ces handicaps, qu'il faut examiner sans tabou. De façon globale, la croissance de 3 % du budget, et particulièrement la forte augmentation de 18 % des crédits de paiement des dépenses en capital, illustre cette volonté.

Mais je tiens particulièrement à mettre en exergue l'effort important qui sera consenti en 2005, conformément aux engagements pris par le Gouvernement au printemps 2004 dans la perspective du projet de loi sur la recherche, en faveur de la recherche universitaire. Celle-ci bénéficiera concrètement de la création de 1 000 emplois supplémentaires, dont 700 d'enseignants chercheurs et d'une augmentation très significative des crédits de soutien aux laboratoires, ainsi que des crédits d'équipement.

Je veux saluer également votre détermination, monsieur le ministre, à engager une véritable politique pour améliorer la vie des étudiants. Je pense aux aides sociales et à la démocratisation de l'accès à l'outil informatique, notamment à travers les facilités qui vont être accordées pour permettre aux étudiants d'acquérir des micro-ordinateurs portables et le développement de l'accès gratuit à Internet dans les campus.

Je tiens également à insister sur les mesures prises en faveur du logement des étudiants. Notre retard dans ce domaine est criant par rapport aux autres pays européens, sans parler des campus américains, aussi bien pour le manque de logements disponibles que pour l'entretien de du parc existant. Nous n'offrons pas des conditions de vie suffisamment propices à une vie étudiante de qualité. L'amélioration des conditions de logement doit être une priorité, y compris pour renforcer l'attractivité de nos universités auprès des meilleurs étudiants étrangers.

On ne peut donc que se féliciter et soutenir le programme du Gouvernement visant à la construction de 50 000 logements et à la réhabilitation de 70 000 autres sur dix ans. La montée en puissance de ce projet se concrétisera d'ailleurs dès 2005 puisque 4 000 nouvelles places seront livrées, soit quatre fois plus que cette année, et 7 000 places seront rénovées.

Je tiens également à manifester ma satisfaction, monsieur le ministre, face à votre volonté d'élargir et d'accélérer la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur. J'aurai l'occasion d'approfondir ce sujet, qui me tient à cœur, dans quelques jours, lorsque je présenterai à la Délégation pour l'Union européenne mon rapport sur les universités en Europe.

Il est certain que la modification de l'architecture des diplômes et des cursus grâce à la mise en œuvre du schéma licence-master-doctorat, le LMD, en nous obligeant à renouveler l'offre de formation, constitue un formidable effet de levier de changement et représente, pour nos universités mais aussi pour nos grandes écoles, une véritable chance de réforme. L'Europe doit être la nouvelle frontière pour nos étudiants et nos enseignants. La constitution d'un espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche devrait permettre de constituer un modèle attractif susceptible de concurrencer les autres universités dans le monde, notamment les universités américaines.

Monsieur le ministre, votre volonté et celle du Gouvernement d'engager une politique de modernisation de notre système d'enseignement supérieur sont manifestes.

Mme la présidente. Monsieur Herbillon, il faudrait conclure.

M. Michel Herbillon. Je termine, madame la présidente.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre entier soutien pour voter votre budget, pour vous appuyer dans votre démarche, dont on mesure la difficulté à l'aune de la propension des gouvernements successifs à repousser les réformes nécessaires.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très juste !

M. Michel Herbillon. Nous avons pu observer, lorsque vous étiez au ministère du travail, que vous étiez l'homme des missions délicates et des réformes réussies - nous l'avons vu pour les retraites.

M. Frédéric Dutoit. Bel exemple !

M. Michel Herbillon. Nous savons donc pouvoir compter sur vous pour mener à bien les réformes engagées et pour ouvrir, nous l'espérons, d'autres chantiers indispensables pour l'avenir de nos universités, notamment celui de leur autonomie financière.

Mme la présidente. Monsieur Herbillon, je vous prie de conclure.

M. Michel Herbillon. Je termine, madame la présidente. Nous ne sommes pas si nombreux pour que vous ne puissiez pas m'accorder une minute de plus.

Mme la présidente. Presque tous les orateurs ont respecté leur temps de parole, sauf M. Goasguen.

M. Claude Goasguen. Oh !

M. Michel Herbillon. Je pense également à la nécessité de développer une véritable politique d'évaluation, d'améliorer les conditions de vie des étudiants, de rénover les sites et les bâtiments universitaires, de renforcer le lien entre les universités, les grandes écoles, les laboratoires de recherche et le monde de l'entreprise, de réfléchir au financement des universités, à l'organisation et à la gouvernance des universités.

Oui, les chantiers ne manquent pas. Oui, l'université française est à un tournant. Elle a réussi avec succès l'étape de la massification, avec plus de 2 millions d'étudiants. Le défi est désormais qualitatif.

C'est en relevant ce défi dans la concertation et, j'espère, dans le consensus de l'ensemble des acteurs concernés, c'est en continuant de concilier l'égalité des chances, la démocratisation de l'enseignement et la recherche de l'excellence, c'est en s'attachant à combler notre retard dans l'innovation et à investir dans tous les sens du terme dans l'intelligence, que l'Université française pourra se réformer et renforcer sa notoriété et son attractivité dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Dutoit. Cinq minutes de trop !

Mme la présidente. Vous avez presque doublé votre temps, monsieur Herbillon. Vous avez fait encore plus fort que M. Goasguen.

La parole est à M. Christian Philip.

M. Christian Philip. La France, nous le savons, a vraiment besoin de mieux maîtriser nos dépenses publiques. Tel est l'effort constant de notre politique budgétaire depuis 2002. Mais cette stratégie ne signifie pas pour chaque secteur de compétence de l'État immobilisme, statu quo ou absence de rééquilibrages. L'enseignement supérieur en est, je crois, un parfait exemple. Je vais sans doute répéter ce que d'autres ont déjà dit, mais, intervenant en dernier, il m'est difficile d'être très original.

Notre pays n'a jamais su donner à cet enseignement supérieur les moyens nécessaires, alors que, chacun le sait, c'est un des facteurs essentiels de la compétition internationale et du développement économique. Les comparaisons sur 1'investissement consenti par les grands pays et nos partenaires européens prouvent, à l'évidence, notre retard.

Voilà pourquoi je me réjouis, monsieur le ministre, du budget que vous nous présentez. Il augmente plus que la moyenne du budget de l'État. Ceci témoigne que l'on a conscience du différentiel évoqué et que l'on souhaite mener une politique volontariste.

Certes, cet effort reste insuffisant par rapport aux besoins, mais, quoi qu'en dise M. Claeys, nous assistons bien à un début de rattrapage, particulièrement sur certains postes à l'intérieur de ce budget. Dans le contexte actuel, il marque un signal que nous devons relever, d'autant plus qu'il faut tenir compte de la progression des crédits de la recherche, qui ne peuvent être oubliés et qui viennent confirmer une attention qui profitera à l'enseignement supérieur. Ceci dit, c'est vrai, il faudrait s'engager sur une action plus volontariste et sur le long terme.

Le vrai problème, c'est la situation de nos universités. Sans exacerber la rivalité traditionnelle entre universités et grandes écoles, nous ne pouvons continuer à accepter que le système qui accueille le plus grand nombre d'étudiants, et les étudiants qui ont le plus besoin d'un encadrement, soit le plus mal loti.

Certes, les moyens ne sont pas tout, mais comment s'étonner dans ces conditions du taux d'échec en premier cycle universitaire ?

Comme l'État ne pourra seul assumer ce rattrapage dans les prochaines années - il faut avoir la franchise de le dire ! -, il faut permettre à nos universités de diversifier leurs ressources. Cela passe par des dispositions législatives leur permettant, par exemple, de s'adosser à des fondations dotées d'une attractivité fiscale particulière. Je sais qu'une loi relative à l'enseignement supérieur, c'est un sujet difficile, « à éviter » dit-on souvent ! Mais certaines dispositions sur ce plan des ressources, sur une plus grande maîtrise du recrutement des enseignants par les établissements eux-mêmes, sur l'évaluation sont indispensables. Pourquoi ne pas envisager de les inclure dans la prochaine loi d'orientation et de programmation sur la recherche après concertation avec la conférence des présidents d'université et les autres organes représentatifs de l'enseignement supérieur ?

Je le répète, il faudra plus de moyens, mais l'État devra accompagner ce rattrapage par des exigences : rapprocher les écoles et les universités, car une école, aussi prestigieuse soit-elle, n'est plus aujourd'hui d'une taille lui permettant de se situer dans les évaluations internationales ; revoir le doctorat, afin d'en faire un vrai pôle d'attractivité pour les étudiants étrangers ; accroître la mobilité des professeurs ; nous interroger sur le nombre des universités. Le chantier de l'enseignement est vaste, urgent et essentiel pour notre pays.

M. Michel Herbillon. Absolument !

M. Christian Philip. Je terminerai en vous interrogeant, monsieur le ministre, sur le rôle que vous souhaitez jouer dans le processus d'harmonisation européenne des diplômes. Il y a , d'abord , la question des formations professionnelles à bac + 2 , dont on connaît le succès et la nécessité. Acceptons-nous ou pas leur évolution vers bac + 3 ? Il y a, ensuite, la question du troisième cycle, où intervient l'appréciation portée sur un système d'enseignement supérieur.

Mme la présidente. Monsieur Philip, veuillez conclure !

M. Christian Philip. Je termine, madame la présidente ! Je serai moins long que M. Herbillon ! (Rires.)

M. Michel Herbillon. Ah non ! Vous n'allez pas vous y mettre vous aussi ! (Sourires.)

M. Christian Philip. Votre administration de l'enseignement supérieur a su se faire reconnaître comme un partenaire crédible et volontariste. Sur la cotutelle des thèses et les études doctorales, que faisons-nous ? Que ferons-nous ? Quelles idées proposerons-nous à Bergen lors de la prochaine réunion des ministres de l'Union européenne en charge de l'enseignement supérieur ?

La France doit être une force motrice. Nous pouvons proposer et convaincre non pas sur un projet conçu contre le système dominant qui est celui des États-Unis, mais sur un projet propre à l'Europe et à son développement, à même de donner à l'Europe une vraie reconnaissance. La France doit être présente d'une manière forte sur le terrain de l'harmonisation des diplômes. Nous ne sommes pas en retard et notre parole est attendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier les rapporteurs, en particulier Michel Bouvard, dont l'engagement en faveur de l'enseignement supérieur et de la modernisation de l'État à travers ce qui est désormais chez lui une passion, à savoir la mise en œuvre de la LOLF, est certain . Celle-ci, grâce notamment à la mise en place des indicateurs évoqués par M. Bouvard et que nous allons affiner, constitue une nouvelle approche, qui ne peut que conduire à une gestion plus efficace des moyens de l'enseignement supérieur. Je viens d'apprendre que la régulation était incompatible avec le cadre de la LOLF. J'en accepte l'augure. Monsieur Bouvard, s'agissant du patrimoine des universités, question sur laquelle vous revenez avec beaucoup d'insistance, la LOLF - pardon de la citer chaque fois qu'un problème se pose ! - nous permettra, notamment dans les quatre universités où elle fait l'objet d'une expérimentation, d'avoir une vision complète de l'actif et du passif. Il suffira ensuite de l'étendre à l'ensemble des universités pour mieux connaître le patrimoine de nos établissements.

Je remercie Mme la rapporteure pour avis d'avoir souligné l'effort accompli par le Gouvernement en direction des créations de postes, de l'investissement et de l'accompagnement social des étudiants. Comme beaucoup d'autres orateurs, elle a évoqué la nécessité d'engager la réforme de notre système d'enseignement supérieur.

Je remercie enfin tous les orateurs, sans exception, pour leur engagement et la qualité de leur intervention. Évidemment, je remercie plus particulièrement les porte-parole de l'UMP et de l'UDF, M. Goasguen et Mme Comparini, pour leur soutien.

Notre débat de ce soir porte sur les crédits d'un secteur crucial, puisqu'ils conditionnent à la fois le niveau de formation de nos futurs cadres et la recherche. Du niveau et de la qualité de notre engagement dans ce domaine dépend, à bien des égards, notre capacité à préserver notre avenir, notre rang dans le concert des nations, donc finalement notre modèle social, qui repose sur notre aptitude à rester en tête de la compétition économique. Dans ce domaine, vous l'avez tous rappelé, il nous reste du chemin à parcourir.

En effet, si notre système d'enseignement supérieur est de grande qualité, si nous disposons de multiples foyers d'excellence, il n'en reste pas moins que, globalement, et depuis très longtemps, la France investit moins que d'autres dans ce domaine. Á bien des égards, l'enseignement supérieur est même le parent pauvre de notre système éducatif. Si notre pays dépasse largement ses partenaires de l'OCDE pour les dépenses par élève dans le secondaire, il est très en dessous de la moyenne pour les dépenses par étudiant. Face à cette situation, le Gouvernement a décidé de réagir.

Dans cet esprit, je vous propose ce soir un budget qui affiche une hausse officielle et officieuse - je veux dire par là qu'elle est réelle, monsieur Dutoit - de 3 %. C'est là de l'argent public qu'il faut aller chercher, c'est une partie du budget de l'État qu'il faut investir dans l'enseignement supérieur, quels que soient les calculs savants auxquels on peut se livrer par ailleurs sur l'impact des pensions ou je ne sais quoi ! Les moyens que l'État consacre à l'enseignement supérieur augmentent de 3 %, et cela dans un contexte économique extraordinairement difficile, comme l'a dit Christian Philip. N'oubliez jamais que nous empruntons 25 % de nos dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire que nous endettons notre pays, les générations futures, pour payer des dépenses de fonctionnement qui seront consommées dans l'année ! La hausse du budget que je vous présente n'est donc pas synonyme d'un manque d'ambition ; elle reflète bien la volonté du Gouvernement de rattraper notre retard dans ce domaine.

L'effort est très significatif en termes d'emplois notamment, avec la création de 1 150 postes dans le courant de l'année 2005. Ceux-ci, annoncés en pleine crise de la recherche, correspondent très exactement à l'accord que nous avions passé avec les représentants du monde de la recherche et les présidents d'universités. Il a toujours été clairement indiqué que la création de ces postes serait engagée dès 2004 pour gagner du temps, mais qu'ils seraient financés sur le projet de budget pour 2005. Par ailleurs, 150 postes de maîtres de conférence supplémentaires sont prévus. C'est bien la preuve que nous n'entendons pas nous arrêter à l'effort considérable réalisé en 2004 et que cette démarche s'inscrit dans la durée.

Monsieur Claeys, je suis favorable à un plan pluriannuel en matière d'emplois scientifiques et j'œuvre pour l'inscription de certains objectifs dans le projet de loi d'orientation et de programmation dont le Parlement débattra au printemps prochain, en tout cas avant l'été 2005, mais il ne s'agit pas, en l'espèce, de renouer avec une pratique ancienne. En effet, s'il y a eu des annonces par le passé, il n'y a jamais eu de véritable plan pluriannuel de l'emploi scientifique et universitaire. La question est de savoir jusqu'à quel niveau nous pouvons nous engager ensemble dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation.

Monsieur Dutoit, nous faisons un gros effort pour résorber la précarité : 750 emplois avaient été créés en 2004, et nous en recréons 750 en 2005.

Que M. Bouvard soit rassuré, il n'y a pas de surconsommation des emplois dans le supérieur par rapport à l'autorisation parlementaire ; au contraire, il y a un taux de vacance de 1 %. Cela dit, du point de vue des effectifs comme de celui du patrimoine, nous devons améliorer notre connaissance de la situation des universités. Je veux néanmoins appeler votre attention sur le fait que la LOLF instaurant non seulement la fongibilité asymétrique, mais aussi la gestion en masse salariale, les universités disposeront demain d'une plus grande marge de manœuvre dans la gestion de leurs personnels. Il serait donc illusoire, voire contre-productif, d'entendre piloter de manière trop précise depuis l'administration centrale la spécification des moyens en emplois des universités.

Ce budget porte également une attention toute particulière à la vie étudiante. Le rythme de construction de logements sera multiplié par quatre à la rentrée prochaine. J'ai également souhaité conforter financièrement le système d'aides aux étudiants en affectant 22 millions d'euros à des mesures nouvelles, qu'il s'agisse de la revalorisation des taux et des plafonds des bourses, de la création de bourses de mérite et de bourses de mobilité supplémentaire, ou de la réactivation des prêts d'honneur. Naturellement, il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre la précarité des étudiants, en particulier celle des étudiants étrangers. Il faut bien sûr poursuivre notre effort sur les bourses et le démultiplier sur le logement grâce à l'initiative privée et à la collaboration avec les collectivités locales. Dans le passé, certaines régions s'étaient ainsi engagées dans un très gros effort de rénovation du logement universitaire - j'en connais une en particulier - et dans le domaine des œuvres universitaires.

Mais il faut aussi dire, puisque notre devoir est de regarder les choses en face, qu'il n'est pas légitime que des étudiants étrangers soient accueillis en France sans un contrôle préalable garantissant le niveau de leurs ressources et la qualité de leurs projets d'études au regard de leurs perspectives dans leur propre pays.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très juste !

M. Michel Herbillon. En effet !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est un sujet dont je me suis entretenu avec le ministre des affaires étrangères et les présidents d'université, car il y va de la double responsabilité de l'État et des universités, qui doivent veiller à ce que les étudiants étrangers accueillis dans notre pays le soient dignement. Mais, pour cela, encore faut-il que la vigilance soit accrue.

M. Claude Goasguen. Bien entendu !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. Claeys m'a interrogé sur l'évolution de l'accueil des étudiants étrangers. Voici quelques chiffres : pour l'année 2003-2004, 245 000 d'entre eux vont dans l'enseignement supérieur, dont 14 % dans les universités, 12 % dans les écoles d'enseignement supérieur, 9 % dans les écoles d'ingénieur et 4 % en STS. La plupart sont dans le troisième cycle.

Plus de 50 % sont originaires des pays d'Afrique francophone, 25 % des pays limitrophes et d'Europe de l'est et 6 % seulement d'Asie, essentiellement de Chine. Ces étudiants étrangers sont concentrés sur quelques académies, ce qui ne va pas sans poser quelques difficultés.

Là encore, je crois qu'il faut mener une réflexion pour définir en la matière une stratégie qui tienne compte non seulement de nos intérêts, mais aussi de notre coopération avec certains pays du monde.

M. Claude Goasguen. C'est sûr !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En matière d'action sociale, d'autres projets sont à l'étude ou en cours de réalisation pour améliorer les conditions d'octroi des aides sociales, prévoir le versement pluriannuel des bourses ou renforcer le suivi en matière de santé de la population étudiante. Ces chantiers font l'objet de discussions approfondies avec les organisations étudiantes.

M. Goasguen a évoqué l'opération « un portable à un euro par jour », qui marque une modification profonde dans les modes d'enseignement dans notre pays. On compte aujourd'hui un peu plus d'un million de visiteurs uniques sur le site Internet de l'opération. 35 000 portables ont été achetés. 200 000 sont en pré-commande. Le rythme quotidien d'achat est d'environ 1 000 portables par jour, alors qu'il était, avant l'opération, de 250 à 300.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais surtout, 80 % des universités se sont engagées à s'équiper d'un accès WiFi, qui permettra à tous les étudiants d'utiliser ce matériel dans des conditions confortables sur les campus.

Grâce à cette opération, les étudiants auront acheté autant d'ordinateurs portables en octobre et en novembre que pendant toute l'année précédente, et autant en un an que pendant les cinq années précédentes.

Les objectifs que nous avions annoncés sont donc très largement dépassés. Il reste cependant des efforts à faire pour que les étudiants qui ont le moins de moyens puissent bénéficier aussi de ces nouvelles technologies. C'est la raison pour laquelle nous travaillons avec les présidents d'université à la mise en place de prêts d'ordinateurs portables pour ceux qui ne pourraient pas acquitter la somme d'un euro par jour ou auxquels les banques refuseraient les prêts que nous avons pu négocier.

L'effort accompli dans ce budget en matière de crédits d'équipement est considérable. Pour les contrats de plan État-région, nous passons de la phase de la préparation à celle de la réalisation des projets. On ne peut donc pas dire, monsieur Claeys, que nous ne faisons que rattraper les autorisations de programme. Seulement, nous tenons compte du rythme auquel les projets s'engagent sur le territoire.

La conséquence en est une forte accélération de l'inscription au budget des crédits de paiement. Si l'on prend en compte ceux du projet de loi de finances et ceux que le Gouvernement proposera bientôt d'ouvrir en loi de finances rectificative, leur montant va plus que doubler entre 2004 et 2005.

Toujours dans le domaine des investissements, je vous indique, pour m'en tenir à un exemple symbolique, que je viens de poser la première pierre de la future université Denis Diderot sur la ZAC rive gauche. C'est le plus grand chantier universitaire ouvert depuis très longtemps dans notre pays.

Quant au campus de Jussieu, sur lequel vous m'avez interrogé, 165 millions d'euros d'autorisations de programme et 131 millions de crédits de paiement sont inscrits au budget. Ainsi, vingt et une barres sur un total de vingt-huit auront été désamiantées en 2005. Ce projet d'une ampleur considérable montre comment la difficulté posée par le nécessaire désamiantage des lieux a permis de faire naître cette opportunité magnifique qu'est la consolidation d'une véritable université du XXIsiècle.

Vous êtes nombreux à l'avoir dit : l'examen de ce budget ne peut pas être dissocié de celui de la recherche, que François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, vous a présenté il y a quelques jours. Là encore, l'effort du Gouvernement a été considérable, puisque le milliard d'euro supplémentaire d'effort public représente une hausse de 10 % des crédits.

En tant que pièce essentielle du dispositif français de recherche, l'université, monsieur Dionis du Séjour, est pleinement associée à cet effort. Les crédits nouveaux inscrits au budget civil de recherche et développement profiteront à la recherche universitaire. De même, l'Agence nationale pour la recherche, que nous allons créer et qui sera dotée dès cette année de 350 millions, financera notamment les projets des universités.

Mesdames et messieurs les députés, la conviction selon laquelle l'avenir de notre pays dépend largement de la qualité de l'investissement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche est partagée sur tous les bancs de l'Assemblée. Mais je souhaiterais que l'on y reconnaisse également que le Gouvernement a tiré toutes les conséquences de cette évidence et que l'effort exceptionnel accompli en 2005 représente un premier pas extrêmement significatif dans ce domaine.

M. Frédéric Dutoit. Un tout premier pas ! (Sourires.)

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Certes, monsieur Dutoit, mais je m'engage à ce que cet effort soit soutenu dans la durée. La plupart d'entre vous - notamment Mme la rapporteure pour avis, M. Goasguen, Mme Comparini, M. Claeys - ont insisté sur le fait que l'organisation de notre enseignement supérieur devait évoluer. Cette évolution est engagée, notamment à travers la réforme du LMD, qui est considérable.

Mme Anne-Marie Comparini. En effet !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait bien mesuré les conséquences qu'aura sa mise en œuvre sur le fonctionnement de l'enseignement supérieur. Mais nous pouvons être fiers tant de l'engagement des universités dans cette réforme majeure que du travail remarquable qui a été accompli par l'administration de l'éducation nationale, notamment par la direction de l'enseignement supérieur, qui a dû faire face, dans un délai extrêmement court, à un nombre considérable de demandes.

Ce processus, qui devait se prolonger jusqu'en 2007, se réalise en presque deux fois moins de temps que prévu, avec toutes les conséquences que cela comporte sur l'administration centrale, sur l'administration des universités et sur la lisibilité immédiate du dispositif pour les étudiants.

S'il est vrai, monsieur Claeys, que les intitulés des masters sont nombreux, ils le sont considérablement moins que ceux des multiples DESS qui les précédaient. La direction de l'enseignement supérieur a d'ailleurs vérifié, lors que de chaque habilitation, la cohérence des cursus proposés aux étudiants. Je suis convaincu que, dans le courant de l'année 2005, après quelques corrections éventuelles, ce processus va se caler.

Quoi qu'il en soit, c'est une grande réforme, qui va nous placer en tête des pays européens à la réunion de Bergen. Vous nous avez demandé dans quel état d'esprit nous l'abordions : nous sommes heureux d'être les premiers à avoir mis en œuvre aussi rapidement les préconisations de l'Union européenne.

Mais surtout, cette réforme restructure en profondeur notre offre d'enseignement supérieur. N'apporte-t-elle pas une réponse à bien des questions que vous avez posées ? D'autant que nous ne nous arrêterons pas là. Avant l'été 2005, nous vous proposerons une loi d'orientation et de programmation sur la recherche.

M. Jean Dionis du Séjour. Ah !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle concernera bien entendu l'enseignement supérieur, puisqu'il est impossible qu'un texte consacré à un tel sujet ne traite pas de la recherche universitaire et, à travers elle, de l'organisation de l'enseignement supérieur.

Cette loi abordera la question des post-doctorants et de leur accueil. Elle posera celle du service des enseignants chercheurs, si délicate qu'elle soit en termes de moyens. Elle mettra au cœur de la réforme l'évaluation des enseignants-chercheurs et des établissements, de même que la création de ces pôles d'enseignement supérieur et de recherche, qu'il ne faut pas confondre avec les pôles de compétitivité qui ont été évoqués à plusieurs reprises.

Mme Anne-Marie Comparini. En effet, ce n'est pas la même chose.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ces pôles permettront de regrouper sur un même site des établissements d'enseignement supérieur, des grandes écoles, des laboratoires de recherche, voire des entreprises, avec une organisation spécifique leur permettant enfin d'atteindre une dimension internationale et une visibilité nécessaire que beaucoup d'entre eux ne possèdent pas aujourd'hui.

Une fois réalisées ces deux étapes que sont la réforme du LMD et la loi d'orientation et de programmation sur la recherche, nous pourrons engager le grand débat sur l'avenir de l'enseignement supérieur que plusieurs d'entre vous ont évoqué. Nous pourrons également passer à l'étape suivante que constitue la réflexion sur l'autonomie des établissements ou sur les modes de financement de notre enseignement supérieur.

M. Frédéric Dutoit. Ce n'est pas demain la veille !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En attendant, je voudrais appeler votre attention sur la nécessité d'être pragmatique. L'université est un corps fragile. Lui imposer dans le même temps une première réforme aussi fondamentale que celle du LMD, avec toutes les conséquences qu'elle suppose sur son organisation, une seconde réforme sur la recherche, avec tous les sujets que je viens d'évoquer, et ouvrir en plus un grand débat sur le mode de gouvernance des universités et sur leur financement ne me semble ni réaliste ni raisonnable.

M. Frédéric Dutoit. À mon avis, il faudra encore attendre dix ou quinze ans !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela ne signifie pas pour autant que la réforme soit repoussée à une autre législature, comme l'a dit M. Dionis du Séjour. Mais elle devra venir en son temps, lorsque les deux étapes que je viens d'évoquer seront achevées.

Les questions que vous allez me poser me permettront de répondre plus longuement sur certains points, notamment sur le sujet qu'a évoqué M. Christian Philip. Pour l'instant, j'insiste sur le fait que notre université a besoin d'évoluer et qu'elle doit être, au même titre que l'organisation de l'enseignement supérieur, une priorité absolue de notre gouvernement.

Il est faux de dire que nous continuons chaque année à perdre du terrain sur les universités des autres pays développés ou de nos partenaires européens. La vérité est que, si nous avons pris du retard, nous avons engagé depuis plusieurs années un effort de rattrapage important, notamment avec la réforme du LMD, qui nous rapproche aujourd'hui des autres universités européennes. Il faut poursuivre dans cet effort qui est essentiel pour l'avenir, pour la croissance et pour l'indépendance de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe UMP.

La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le ministre, la décision de mettre en place le pôle universitaire guyanais a été accueillie localement avec une très grande satisfaction. En effet, cette création, réclamée et soutenue par l'ensemble des responsables politiques et socio-économiques de la Guyane depuis de longues années, paraissait évidente en raison de la présence sur place de l'université des Antilles et de la Guyane, du centre spatial guyanais et de la plupart des organismes de recherche français, ainsi que de l'environnement géographique de ce département.

Le pôle a pour objectif de promouvoir l'enseignement supérieur en tenant compte des enjeux de développement de la Guyane, de mettre en place une politique de recherche associant des universités et des instituts de recherche français et étrangers et de renforcer le rayonnement de la France et de l'Europe sur un continent majoritairement dominé par l'influence américaine.

Le projet, estimé à environ 62 millions d'euros, financés à la fois par l'Union européenne, l'État et les collectivités territoriales, est actuellement en voie de réalisation. Le site a été déterminé, le terrain à Cayenne acquis, le schéma directeur élaboré et le groupement d'intérêt public installé. La programmation et le phasage constructifs ont été arrêtés, qui prévoient une réalisation en deux tranches : 2004-2007 et 2007-2010. Cependant, les retards constatés dans le versement des crédits d'État font naître de réelles inquiétudes quant à la possibilité de construire les bâtiments nécessaires à l'enseignement, à la vie étudiante et à la recherche dans les délais impartis.

Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, si vous entendez prendre les dispositions nécessaires pour conduire à bien cet ambitieux projet, dans le respect du calendrier prévu.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Oui, madame la députée, l'État tiendra tous ses engagements. Vous l'avez dit vous-même, l'avis de création du pôle universitaire guyanais a été publié au Journal officiel le 18 mai dernier. Ce pôle associe l'État, les quatre collectivités locales, l'université des Antilles et de la Guyane, l'IUFM de Guyane, l'université de Montpellier 2, le pôle universitaire toulousain, ainsi que l'université de Brasilia. Les organismes nationaux de recherche présents en Guyane ont tous fait le choix d'être membres associés au GIP, liés par convention.

Le premier conseil d'administration s'est tenu le 12 juillet dernier. Ainsi que vous l'avez dit, l'acquisition du terrain a été réalisée, les crédits pour cette opération sont en place, y compris les crédits de paiement, et l'adoption du schéma directeur d'aménagement est en cours sous la responsabilité du rectorat. Le plan d'aménagement du site et la programmation financière ont été actés. Enfin, une première tranche de travaux a été financée en 2004. Je prends l'engagement que les travaux se feront au rythme prévu et selon les crédits inscrits au contrat de Plan.

Mme la présidente. Au titre du groupe UDF, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, la carte universitaire française révèle une concentration quasi exclusive sur Paris et les métropoles régionales. Il s'agit là d'une spécificité française, puisqu'en Allemagne, aux États-Unis et en Grande-Bretagne - je pense à Oxford et à Cambridge -, plusieurs universités prestigieuses se situent dans des villes moyennes.

Cependant, depuis le plan Université 2000, les universités des métropoles régionales ont développé des antennes, afin de pallier la suroccupation de leurs locaux, due à une démographie étudiante en hausse depuis 1945. Ces antennes ont pu être construites grâce à un effort considérable des collectivités locales. Accueillant les étudiants préparant un DEUG ou en IUT, elles ont rencontré un net succès, que ce soit en termes de qualité des études, de réussite aux examens ou d'aménagement du territoire. En outre, elles permettent aux familles modestes d'envoyer leurs enfants à l'université à un coût accessible.

Mais, actuellement, la dynamique porteuse des années quatre-vingt-dix s'inverse. J'y vois deux raisons de fond : d'une part, la stagnation de la démographie étudiante fait que les universités des métropoles régionales cherchent davantage à garder les étudiants qu'à les aiguiller dans les antennes universitaires ; d'autre part, l'harmonisation européenne des diplômes et la mise en place du LMD fragilisent les diplômes à bac + 2 et les étudiants préfèrent partir dès la première année du DEUG vers l'université de la métropole régionale qu'ils devront de toute façon rejoindre pour la licence.

La situation est aujourd'hui alarmante. En effet, les effectifs des antennes universitaires ne cessent de s'effriter. Ainsi, à Agen, dans certaines disciplines, ils ont reculé de plus de 30 % en un an. Monsieur le ministre, au-delà des mesures budgétaires nécessaires, êtes-vous prêt à donner l'intégralité du premier cycle, licence comprise, aux antennes universitaires ? C'est un enjeu majeur pour l'aménagement du territoire. Nous devons tout mettre en œuvre pour éviter, dans le domaine universitaire, une nouvelle centralisation régionale qui apparaîtrait comme archaïque.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'approche de la territorialisation de l'enseignement supérieur doit se faire en tenant compte de la structuration actuelle de l'appareil de formation. Or, nous avons aujourd'hui 88 universités, qui incluent 114 IUT, comprenant 639 départements, implantés sur 153 sites sièges et antennes, auxquelles il faut ajouter 236 écoles d'ingénieurs réparties sur tout le territoire.

Cet ensemble de sites universitaires constitue sans doute l'un des maillages les plus fins d'Europe. Comment améliorer la lisibilité de ce système territorial en répondant à l'objectif d'attirer sur le sol français les meilleurs étudiants étrangers en provenance d'Amérique du Sud, d'Asie et d'Afrique ? De ce point de vue, la situation territoriale de l'enseignement supérieur peut, demain, constituer un handicap si l'atomisation se poursuit.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. S'agissant plus particulièrement des antennes, il importe aujourd'hui de rompre avec la logique de gonflement quantitatif des sites existants...

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... et d'asseoir la légitimité de ces antennes en s'appuyant sur leurs segments de qualité. Un petit site n'est pas destiné à accueillir, à l'identique, la palette de formation d'un plus grand.

L'objectif retenu n'est donc pas d'attribuer le niveau licence à toutes les formations bac + 2 implantées dans les antennes. À l'inverse, il n'est évidemment pas exclu que telle ou telle antenne, dans un domaine de qualité reconnu, puisse voir conforter sa position par l'attribution du niveau licence.

L'attention portée aux antennes universitaires peut être illustrée par le cas d'Agen, puisque, sur ce site, plusieurs éléments attestent la volonté conjointe des universités bordelaises et du ministère de pérenniser les formations existantes. La présence étudiante est réelle, puisque plus d'un millier d'étudiants sont inscrits dans des formations diplômantes habilitées par l'État et que les effectifs sont en progression à l'IUT, avec 1 128 étudiants universitaires à la rentrée 2003-2004. L'offre de formation, diversifiée et attractive, est portée par trois des quatre universités bordelaises, essentiellement au niveau licence, sans oublier les formations courtes de l'IUT. Le cas d'Agen est donc une belle illustration du fait que certaines antennes peuvent porter l'ensemble du dispositif.

Mme la présidente. Au titre du groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. André Chassaigne, pour poser sa première question.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, votre collègue ministre de la santé a annoncé fin mai l'augmentation du numerus clausus en fixant le nombre de places à 6 100 pour 2005 et à 7 000 pour 2006. Or, le rapport Berland sur la démographie médicale préconisait d'aller jusqu'à 8 000 places jusqu'en 2007 et de recruter en complément quelque 2 000 à 3 000 médecins en dehors de l'Union européenne. Nous sommes donc en deçà des besoins exprimés.

Cette augmentation ne produira ses effets en matière de démographie médicale qu'en 2020 environ. Pendant quelques années encore, de 3 500 à 4 000 médecins devront remplacer près de 9 000 médecins partis à la retraite. Nous n'éviterons donc pas le creux de la vague, et cela aura des conséquences graves pour la population, en particulier en milieu rural.

Ce qui est encore plus préoccupant, c'est que cette annonce ne semble pas suivie d'actes immédiats et que les moyens afférents restent indéfinis. Le numerus clausus est fixé en fonction non seulement des besoins de santé de la population, mais aussi des capacités de formation des facultés de médecine, lesquelles correspondent aux capacités d'accueil de ces dernières, au nombre d'enseignants et aux capacités d'accueil de l'hôpital. Augmenter le numerus clausus reste donc une décision partagée entre le ministère de la santé et celui de l'éducation nationale.

Certes, former plus de médecins est une nécessité, mais maintenir la qualité de l'enseignement médical et continuer à l'améliorer demeure essentiel. Une telle augmentation du numerus clausus ne pourra donc se faire sans augmenter les moyens mis à la disposition de cette formation. Pourtant, les conditions pédagogiques, réputées bonnes, se dégradent au fil des années. Si certaines facultés ont vu leurs promotions grossir de près de 50 % en trois ans, le nombre d'enseignants n'a pas bougé. Certaines facultés attendent même de nouveaux locaux, mais rien ne semble programmé.

L'augmentation du numerus clausus doit s'accompagner d'une politique budgétaire volontariste et ambitieuse. Des moyens supplémentaires doivent donc être accordés. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser devant la représentation nationale quel est l'ensemble des moyens mis en œuvre afin de soutenir cette mesure dans nos universités.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l'augmentation du numerus clausus était nécessaire. Du reste, elle aurait dû intervenir il y a bien longtemps, et je me souviens l'avoir réclamée il y a dix ans, lorsque j'étais ministre de l'enseignement supérieur. Il aura fallu attendre ce gouvernement pour qu'elle soit réellement engagée.

M. Alain Claeys. C'est faux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non, c'est la réalité : le numerus clausus a fortement augmenté cette année.

M. Alain Claeys. Citez les chiffres !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour 2005, nous avons décidé de porter le numerus clausus des études de médecine à 6 300.

M. Alain Claeys. Vous continuez ce que nous avions commencé en 1998 !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Disons plutôt que nous avons fait un saut quantitatif considérable. Naturellement, il faut poursuivre ces efforts, en accompagnant les besoins des universités de médecine en termes d'effectifs enseignants et de moyens d'accueil.

Les effectifs enseignants n'ont pas décru ces dernières années - contrairement à ce que vous disiez, monsieur Chassaigne -, alors même que le numerus clausus était maintenu à un niveau très bas. Depuis quatre ans, l'effectif des enseignants hospitalo-universitaires titulaires s'accroît et, au 1er septembre 2005, près de 150 nouveaux recrutements auront été opérés, dont 40 pour la seule année universitaire 2004-2005.

En ce qui concerne l'accueil des étudiants, plusieurs opérations de rénovation ou de construction de locaux sont en cours ou programmées et l'adaptation des capacités d'accueil pour les stages hospitaliers s'organise. Du reste, lors de la discussion avec le ministère de la santé, j'ai tenu à ce que les chiffres retenus pour l'augmentation du numerus clausus cette année puis l'année prochaine tiennent également compte de notre capacité à offrir des conditions d'accueil satisfaisantes en matière de formation.

Enfin, j'ai décidé d'ouvrir le chantier d'application du LMD aux professions de santé. Ce sera l'occasion de réfléchir aux mesures à prendre pour mieux contrôler le flux des étudiants qui s'engouffrent dans la première année des études médicales. Chacun sait que nombre d'entre eux ne surmonteront pas l'épreuve de la sélection, alors même qu'ils se trouveraient, pour beaucoup, en mesure de poursuivre des études universitaires. Les cursus doivent donc être aménagés en conséquence.

Au demeurant, monsieur Chassaigne, cet engouement pour les études médicales n'est pas sans conséquence sur la désaffection des étudiants envers certaines formations, scientifiques notamment. Or, vous le savez, notre nation a besoin de l'engagement de ces jeunes dans des carrières scientifiques. C'est la raison pour laquelle certaines dispositions de la loi d'orientation sur la recherche que nous sommes en train de préparer viseront à leur conférer un nouvel attrait.

Mme la présidente. Au titre du groupe UDF, la parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le ministre, nous avons beaucoup parlé de l'université et des grandes écoles, mais nous ne pouvons pas nous quitter sans évoquer l'enseignement supérieur privé, qui contribue à la diversification des formations supérieures, notamment professionalisantes, avec les écoles d'ingénieurs, et à l'étendue du spectre de notre offre.

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes attentif à des relations plus construites avec l'enseignement supérieur privé. Vous l'avez montré en désignant l'un de nos collègues pour préparer des propositions d'amélioration.

Aussi aimerais-je connaître votre position sur le renforcement des conventions et contrats d'objectif pluriannuel avec les établissements supérieurs privés, qui constitue en fin de compte une mesure de bon sens pour permettre à ces écoles de préparer leurs projets d'avenir sur le moyen terme.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis effectivement attaché à ce que l'enseignement supérieur privé soit reconnu en tant qu'appui de l'enseignement public, et j'ai d'ailleurs demandé à votre collègue M. Chartier de travailler sur cette question.

Le Gouvernement a décidé en 2003 de mettre en place un comité consultatif de l'enseignement supérieur privé, associant les représentants des grandes fédérations. Celui-ci a reçu la mission de proposer un mode de répartition des crédits qui soit plus objectif et transparent que par le passé.

En particulier, il va approfondir ses travaux afin de mieux prendre en compte les démarches de formation des établissements dans une perspective de contractualisation. Cette initiative va donc entièrement dans le sens de l'évolution que vous préconisez.

En 2005, les crédits affectés à l'enseignement supérieur privé s'élèvent à 39,5 millions d'euros, soit une progression de plus de 11 %. Cette hausse est consacrée, aux trois quarts, à un rattrapage en fonction de critères proches de ceux utilisés pour l'enseignement supérieur public, et pour le quart restant, à la politique contractuelle.

De manière générale, notre démarche est pragmatique et raisonnable : nous souhaitons simplement que l'enseignement privé ne soit pas méconnu. Il apporte une possibilité complémentaire de formation, qu'il est normal de soutenir par des moyens publics, pour autant que la qualité de ses formations soit rigoureusement évaluée.

Mme la présidente. Au titre du groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. André Chassaigne, pour poser sa seconde question.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, la question de l'accès au logement pour les étudiants, thème récurrent dans nos débats, est devenue particulièrement préoccupante aujourd'hui.

1,3 million d'étudiants ont besoin de trouver un logement. Pourtant, les résidences universitaires publiques n'offrent que 150 000 places, dont 100 000 chambres vétustes et inadaptées aux normes actuelles de confort. Les locations privées, de plus en plus chères, sont absolument inaccessibles aux étudiants les moins favorisés. Rappelons à cet égard qu'un quart des 2,3 millions d'étudiants relèvent d'une situation sociale et financière considérée par les services sociaux comme fragile ou franchement critique.

On en arrive parfois à des situations extrêmes où certains dorment pendant plusieurs mois dans des campings, à l'hôtel, ou sollicitent l'accueil des centres d'hébergement d'urgence pour SDF.

Les conclusions du rapport sur le logement étudiant remis en janvier 2004 par Jean-Paul Anciaux au Premier ministre sont tout à fait claires : il faut construire 50 000 logements étudiants et en réhabiliter 70 000 en dix ans.

Dans un rapport de 2004 du Conseil économique et social, Mme Nicole Prud'homme estime que 75 % des 100 000 chambres disponibles auraient besoin d'une réhabilitation. Ceci supposerait un budget avoisinant le milliard d'euros.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un ensemble de mesures jugées positives par l'ensemble des associations consultées : abrogation définitive des décrets entraînant la baisse des aides au logement, constructions nouvelles et rénovation de logements du CROUS, revalorisation de l'aide au logement pour les étudiants salariés, déplafonnement de l'ALS en résidence universitaire, accès au LOCAPASS facilité.

Toutefois, ces mesures vont s'inscrire dans le temps et ne répondront pas aux besoins les plus graves, du moins dans l'immédiat. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de préciser le calendrier prévu pour l'application de ce plan et surtout les moyens mis en œuvre afin de répondre aux situations les plus urgentes.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, il y a un vrai problème de logement social destiné aux étudiants, qui touche particulièrement les non-boursiers en situation difficile et les étudiants étrangers.

Convenons que c'est avant tout un problème de société dû à la cherté du parc privé et à l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers, que les gouvernements précédents n'ont pas anticipé.

Le Gouvernement prévoit à long terme et lance, pour la première fois, un plan coordonné entre les ministères du logement et de l'éducation. Ce plan d'action sur le logement étudiant, qui suit les préconisations du député Anciaux, décline des mesures fortes et concrètes, à savoir le développement de la contractualisation avec les collectivités locales, le renforcement de l'offre publique, avec un engagement fort de l'État qui crée un contingent de prêts locatifs sociaux pour les constructions et les réhabilitations, et l'amélioration du système d'aides au logement.

Le plan Anciaux, c'est 50 000 logements construits et 70 000 réhabilités au cours des dix ans à venir. Dès cette année, j'ai voulu que soient livrés de nouveaux logements : ce sont donc 1 100 places qui sont construites et 3 700 places qui sont rénovées, réparties dans des grandes villes universitaires. L'objectif de 5 000 places nouvelles par an sera atteint dès 2006.

Il faut rappeler que le plan Anciaux est soutenu par toutes les organisations étudiantes représentatives.

S'agissant des résidences dont l'état ne permettrait pas d'attendre une rénovation complète, une enveloppe de plus de 2,7 millions d'euros a permis d'engager des travaux de remise en état dans plus de vingt résidences.

L'engagement de l'État ne s'arrête pas là : les subventions allouées par le ministère au réseau des œuvres universitaires progressent de 6,60 % ; le déplafonnement de l'ALS, allocation logement à caractère social, prendra effet à la rentrée 2005 ; les étudiants boursiers bénéficient du dispositif LOCAPASS, qui, sur la base de l'avis conditionnel de la bourse, permet d'éviter l'apport de la caution et de la garantie.

Enfin, dans le cadre du dispositif « logement en ville » géré par les CROUS, plusieurs milliers de logements supplémentaires de la part des bailleurs privés ont été ouverts aux étudiants. Les premières vérifications auxquelles nous avons procédé auprès des présidents d'université montrent que, s'il y a toujours des problèmes importants, les tensions sur le logement ont été beaucoup moins fortes lors de cette rentrée que lors de la précédente.

Certes, des difficultés demeurent, car la mise en œuvre de ce plan nécessite du temps. Il n'empêche que cette mobilisation vigoureuse porte déjà ses fruits, et permet d'espérer des progrès sensibles dans les années à venir.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

ÉDUCATION NATIONALE,
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

II. Enseignement supérieur

Mme la présidente. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche : II.- Enseignement supérieur. »

Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre IV de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre IV de l'état B sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, concernant l'enseignement supérieur.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Aujourd'hui, mardi 9 novembre, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Fixation de l'ordre du jour ;

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de simplification du droit :

Rapport, n° 1883, de M. Étienne Blanc.

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Outre-mer :

Avis, n° 1865 tome 16, de M. Joël Beaugendre, au nom de la commission des affaires économiques :

Départements et régions d'outre-mer :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 32, de M. Alain Rodet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1868 tome 6, de M. Didier Quentin, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République.

Collectivités d'outre-mer à statut particulier et Nouvelle-Calédonie :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 33, de M. Victor Brial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1868 tome 7, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'Administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 9 novembre 2004, à zéro heure cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot