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Deuxième séance du lundi 15 novembre 2004

54e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS,
AVIATION CIVILE
(suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer concernant l'équipement et les transports, ainsi que des crédits du budget annexe de l'aviation civile.

Nous en venons aux questions.

Notre journée étant particulièrement chargée, j'invite les auteurs de questions, ainsi que le Gouvernement, à faire preuve de concision.

Nous commençons par les questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je suis heureux d'adresser ma question à M. Goulard, qui connaît bien le sujet et soutient le projet que je vais évoquer, à savoir la municipalisation intégrale du stationnement payant.

Aujourd'hui, le stationnement payant relève des municipalités pour ce qui concerne l'occupation du domaine public et de l'État pour ce qui concerne la répression, la fixation du montant de l'amende et le recouvrement de celle-ci.

Il existe différents projets, dont l'un est soutenu par M. Philip.

Je voudrais assurer le Gouvernement de la disponibilité et de l'ouverture du groupe socialiste sur cette question de la municipalisation du stationnement payant.

Nous souhaitons avancer en ce sens, dans la mesure où cette municipalisation constitue un outil de maîtrise du stationnement, dans les grandes comme dans les petites villes.

Le système actuel est à l'origine de graves dysfonctionnements. Dans les grandes villes, l'usager a davantage intérêt à payer une amende de onze euros plutôt qu'à acquitter le stationnement payant. Dans les petites villes, ce montant peut paraître très élevé, au point qu'on hésite parfois à passer à la répression.

Notre assemblée a déjà eu plusieurs fois l'occasion d'aborder le sujet. Nous déposerons cette semaine avec Mme Saugues une proposition de loi allant dans le sens de la municipalisation.

Où en est-on, monsieur le secrétaire d'État ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur Caresche, le projet que vous venez d'évoquer a en effet été soutenu par plusieurs parlementaires, notamment Christian Philip, qui l'a expressément mentionné dans un rapport.

Plus que d'une municipalisation, il s'agirait d'une décentralisation du stationnement payant. Car il n'est pas sûr que la commune sera le destinataire des fonds. On peut imaginer que l'attributaire des redevances qui se substitueraient aux amendes pénales sera un groupement de communes, une communauté d'agglomération ou une communauté urbaine.

Cette idée est intéressante à plusieurs points de vue, notamment parce qu'elle permettrait aux collectivités locales d'avoir une politique plus active du stationnement et de s'assurer les moyens du développement des transports collectifs.

Évidemment, elle soulève des difficultés matérielles liées au fait que l'organisation existante serait sensiblement modifiée, qu'il s'agisse du recouvrement des redevances par les services du ministère des finances ou de la gestion de ce contentieux de masse. Voilà pourquoi une mission, qui est en cours, a été confiée à plusieurs corps d'inspection ; il s'agit de mettre à plat les conditions d'une telle réforme.

Le sujet est parfaitement ouvert. Nous sommes en principe favorables à cette réforme, comme le sont de nombreux élus, quelle que soit d'ailleurs leur appartenance politique. Dans quelques mois, nous devrions y voir plus clair sur les conditions de sa mise en œuvre.

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur le financement des grands projets d'infrastructure et sur l'agence qui sera créée au 1er janvier 2005 à cet effet.

Pour l'année 2005, celle-ci bénéficiera de 635 millions d'euros de crédits de paiement, dont 435 millions seront issus de ressources autoroutières - redevances domaniales autoroutières et dividendes versés par les sociétés d'autoroutes.

Mais je ne partage pas l'optimisme que certains ont exprimé ce matin. En effet, on peut d'ores et déjà s'interroger sur la pérennité du financement de l'agence, dans la mesure où l'ouverture du capital des sociétés d'autoroutes est en cours : la SAPRR - société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône - a commencé, la SANEF - société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France - va suivre.

Cette mise sur le marché, qui devrait priver l'État d'importants dividendes cumulés d'ici à la fin des concessions, ne sera pas sans conséquence sur l'aménagement du territoire.

Permettez-moi de vous interroger, plus précisément, sur le tronçon autoroutier de la région Auvergne dit « barreau de Balbigny ».

M. François Rochebloine. Très bonne question !

Mme Odile Saugues. Ce tronçon de 50 km entre Balbigny, dans la Loire, et La Tour-de-Salvagny, au nord de la Cité des Gaules, devait éviter le détour par Saint-Etienne. Il est à ce jour remis en cause.

En effet, le système de l'adossement, qui permettait à l'État de faire construire de nouveaux tronçons autoroutiers en les confiant à l'une des sociétés concessionnaires du réseau voisin, les excédents financiers du réseau existant couvrant les déficits de la nouvelle infrastructure, a été supprimé en novembre 2001 suite à la transcription, en droit français, de la directive communautaire 1999/62/CE. Bruxelles a en effet estimé que ce mécanisme de financement était contraire au droit de la concurrence car il avantageait les sociétés autoroutières disposant déjà d'un réseau concédé au détriment de nouveaux opérateurs.

Monsieur le ministre, le principe de l'adossement étant supprimé, les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France n'étant plus garanties du fait des privatisations, pouvez-vous me dire comment vous comptez assurer aux populations de la région Auvergne la réalisation du « barreau » de Balbigny, élément clef d'aménagement du territoire, qui viendrait achever la liaison Clermont-Lyon ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame la députée, le tronçon autoroutier entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny constitue l'extrémité Est de l'autoroute A 89, qui relie Bordeaux à Lyon, déjà concédée à la société ASF.

Compte tenu de son caractère d'accessoire de cette grande liaison, le Gouvernement a demandé à ASF d'étudier les modalités d'intégration de cette extrémité dans le périmètre de sa concession existante. La Commission européenne, informée de l'intention du Gouvernement, a souhaité obtenir des explications sur les modalités de réalisation de ce projet, qui lui paraissent contrevenir aux règles relatives à la concurrence. Nous allons bien entendu lui fournir toutes les explications qu'elle demande, tenter de la convaincre du bien-fondé de la procédure envisagée - à notre avis la seule si l'on veut terminer dans des délais raisonnables cette autoroute A 89, tellement attendue, notamment par les élus.

Nous espérons évidemment une issue rapide et favorable. Ce projet essentiel mobilise mon ministère. Nous vous communiquerons au fur et à mesure les éléments qui nous parviendront de Bruxelles et nous essaierons de convaincre.

Mme Odile Saugues. Et si c'est non ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Le pire n'est jamais sûr. Si c'est non, nous aviserons. Pour le moment, nous estimons que la procédure envisagée est la meilleure pour réaliser ce tronçon si important pour l'Auvergne, la Loire et la Haute-Loire.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de circulation croissantes entre les agglomérations stéphanoise et lyonnaise, notamment sur la section autoroutière A 47 Saint-Chamond-Givors.

Auparavant, je crois utile d'évoquer très brièvement le projet d'autoroute A 45, qui intéresse également mes collègues Gilles Artigues et Pascal Clément, président du conseil général de la Loire. Prenant acte des dernières décisions gouvernementales sur ce projet d'infrastructure, que M. le Premier ministre a qualifié, dimanche dernier à Saint-Étienne, de priorité nationale, je souhaiterais connaître précisément le calendrier des études, ainsi que les prochaines étapes de la procédure en cours. Quant à nos concitoyens, ils veulent savoir s'ils peuvent compter, pour la mise en service de cette autoroute, sur une échéance à 2015 ou s'ils devront attendre jusqu'en 2020. Une communication ministérielle sur ce point est attendue.

S'agissant de la mise en œuvre du programme de requalification de l'A 47, je l'ai souligné à maintes reprises, les moyens prévus au titre du volet routier du contrat de Plan État-région sont, hélas ! très insuffisants. De plus, les travaux ont pris du retard, notamment la rectification du virage si dangereux de Corbeyre, qui n'est pas encore achevée. Il est vrai que les services de l'équipement se heurtent à de réelles et très importantes difficultés pour la mise en œuvre de ce programme. Sur cet axe autoroutier vital pour le Sud du département, qui supporte un trafic supérieur à 70 000 véhicules par jour, avec un nombre de poids lourds toujours plus important, la réalisation des travaux est très pénalisante pour les populations des communes concernées et l'ensemble des usagers. Ainsi, sur le secteur compris entre La Grand-Croix et Rive-de-Gier, on ne compte plus les journées où la circulation a été totalement ou partiellement paralysée ces derniers mois, du fait notamment de la rénovation du viaduc de Rive-de-Gier. La saturation quasi-permanente en journée, que la ligne SNCF ne peut compenser, commence à peser lourdement sur l'économie locale, renforçant un sentiment d'enclavement. De nombreuses entreprises ressentent douloureusement cette situation, car elles subissent concrètement et quotidiennement les conséquences des perturbations de circulation, l'A 47 constituant l'axe majeur du département de la Loire vers la vallée du Rhône.

Il est important, monsieur le ministre, que vous soyez conscient de la gravité de la situation. Nous en appelons, certes, à la patience des usagers et de la population vis-à-vis de ces travaux, dont certains se font de nuit. Les pouvoirs publics doivent néanmoins prendre la mesure des difficultés afin que ceux-ci ne s'éternisent pas. C'est un appel au secours que je vous lance : les efforts de l'État pour la remise à niveau de l'A 47 doivent être intensifiés. C'est une impérieuse nécessité, une priorité qu'a rappelée M. le Premier ministre dimanche à Saint-Étienne, je le répète. La situation économique de notre département l'exige. Je vous remercie de nous préciser le calendrier de la mise aux normes complète de cette autoroute A 47, à deux fois deux voies, bande d'arrêt d'urgence et voies d'accélération et de décélération comprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. La liaison entre Saint-Étienne et Lyon est indiscutablement de celles dont les conditions de circulation doivent être améliorées en priorité. S'agissant de l'A 45, j'ai approuvé, le 20 janvier 2004, le tracé de la bande des trois cents mètres. Les études d'avant-projet sommaire se poursuivent actuellement dans la perspective d'un déroulement de l'enquête d'utilité publique avant la fin de l'année 2005. Les modalités de concertation et d'information du public sont en cours de définition. Nous envisageons une mise en service avant 2015. C'est, en tout cas, l'objectif que nous nous fixons.

Parallèlement, les études et les travaux de requalification de l'A 47 sont menés en cohérence avec la fonction future de cette voie. Les travaux de protection acoustique sur La Grand-Croix, ainsi que les aménagements de sécurité sur la section Couzon-Combeplaine, sont en cours d'achèvement. Ceux relatifs à la rectification du virage de Corbeyre ont commencé en 2004 et se prolongeront en 2005. Quant aux travaux des équipements dynamiques, ils commenceront au début de l'année 2005.

Hors contrat État-région, un financement complémentaire au programme d'entretien a permis l'engagement cet été des travaux de mise en sécurité du viaduc de Rive-de-Gier. Leur achèvement est prévu pour l'été 2005. Ont également été financées la réfection des chaussées de la déviation de Saint-Chamond et la rénovation des glissières. Enfin, pour remédier aux dégâts provoqués par les intempéries de décembre 2003, une dotation de 2,2 millions d'euros a été prévue, ce qui porte le montant des crédits consacrés à cette autoroute à près de 6 millions d'euros.

Cet effort de réhabilitation de l'A 47 et son traitement prioritaire lors des phénomènes d'intempéries conduiront à une amélioration significative de la sécurité et du traitement des nuisances pour les riverains. Il sera poursuivi dans les prochaines années, notamment au titre de la réfection des ouvrages, des chaussées et des équipements qui améliorent la sécurité des usagers.

Comme prévu, l'avant-projet sommaire global de la requalification de l'A 47 entre Saint-Chamond et Givors a été produit au début de l'année. Il convient désormais de hiérarchiser les aménagements, en tenant compte des possibilités financières et en retenant en priorité les éléments de sécurisation qui doivent être réalisés en toute hypothèse. Le choix des aménagements doit également être arrêté en cohérence avec les futures fonctions que l'A 47 assurera lorsque l'autoroute A 45 sera mise en service.

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Je me réjouis que le Président de la République ait placé la sécurité routière au cœur de ses préoccupations et qu'il en ait fait un de ses chantiers prioritaires. Il est bon que, parallèlement au volet répressif, dont on a beaucoup parlé, soit menée une politique de formation tout aussi importante.

Pour réussir cette dernière, il faut s'appuyer sur ceux qui, autrefois moniteurs d'auto-école, sont aujourd'hui enseignants de la conduite.

Ceux-ci s'interrogent, vous le savez, sur l'avenir de leur profession. Ils ont pourtant fait preuve de beaucoup de responsabilité et de patience.

Parmi leurs revendications tout à fait légitimes, se trouvent, bien évidemment, le prix du carburant, mais aussi les quotas d'attribution de places pour le permis de conduire, en nombre insuffisant malgré les nominations d'inspecteurs auxquelles vous avez procédé dans des proportions jamais égalées. Ainsi, dans mon département de la Loire, les candidats qui ont échoué à l'examen rencontrent des difficultés pour le repasser.

J'aimerais également savoir où en sont les négociations avec Bercy sur les questions de la redevance télé et de la taxe sur les essieux, impositions d'un autre âge qui ne sont plus adaptées à la situation actuelle et qui sont très pénalisantes pour les auto-écoles. En un mot, je voudrais savoir ce qui est prévu pour ces 22 000 structures si importantes, qui emploient quelque 45 000 personnes et auxquelles font appel 6 millions de nos concitoyens chaque année.

J'associe à cette question mon collègue François Rochebloine, qui s'intéresse au problème depuis fort longtemps.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Si le volet répression de notre action a été le plus visible, nous avons également beaucoup travaillé sur le volet formation. Vous avez tout à fait raison : les auto-écoles y ont un rôle très important, qui s'accroîtra encore en 2005. À cet égard, j'ai cité à la tribune le nombre de recrutements d'inspecteurs du permis de conduire.

Les auto-écoles dispensent une formation de qualité, qui doit reposer sur des bases économiques saines. On ne peut pas laisser dépérir des entreprises qui jouent un rôle si important pour la sécurité routière. Elles doivent pouvoir vivre des prestations qu'elles dispensent. Je suis bien conscient des difficultés qu'elles peuvent rencontrer et je suis aussi convaincu que la sécurité routière ne peut que gagner à l'amélioration de leur situation économique.

Pour mieux répondre aux demandes régulières des professionnels du secteur en termes d'allégements de taxes fiscales - diminution du taux de TVA appliqué aux prestations, suppression de la vignette automobile et de la taxe à l'essieu, détaxe du carburant pour les véhicules liés à l'activité -, mes services ont commandé à l'université de Marne-la-Vallée une étude socio-économique à laquelle sont d'ores et déjà étroitement associés les représentants de la profession. Cette étude permettra de disposer d'un état des lieux complet et partagé sur la situation du secteur et d'identifier les scénarios d'évolutions possibles et les dispositions réglementaires, fiscales ou autres susceptibles d'accompagner ces évolutions.

Par ailleurs, sur ma proposition, le Premier ministre a confié à votre collègue Jean-Michel Bertrand, député de l'Ain et maire de Bourg-en-Bresse, une mission pour formuler des propositions visant à faciliter l'accès au permis de conduire à travers une formation de qualité. Permettre aux candidats d'obtenir ce certificat dans de meilleures conditions, c'est leur offrir une ouverture sur la liberté mais souvent aussi sur la vie professionnelle.

Je me permets de rappeler également l'effort sans précédent consenti par le Gouvernement dans le recrutement des inspecteurs du permis de conduire : 330 postes supplémentaires entre 2001 et 2004, auxquels il faut ajouter les 65 prévus pour 2005. C'est notre réponse à une attente forte et légitime des enseignants de la conduite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Ce matin, dans mon intervention, j'ai esquissé l'objet de ma question : le désenclavement du bassin d'emploi de Castres-Mazamet.

Fort de 150 000 habitants, ce bassin d'emploi est l'un des rares en France à ne disposer ni d'autoroute, ni de TGV, ni d'aéroport de dimension nationale ou a fortiori internationale. L'ensemble des acteurs - élus, acteurs économiques - de ce bassin d'emplois expriment de très fortes attentes s'agissant du nécessaire désenclavement du Sud du département du Tarn. Vous avez pu le constater, monsieur le ministre, en vous rendant sur place.

L'enjeu est essentiel à plus d'un titre. Au premier chef, si l'autoroute n'est pas un facteur suffisant de développement, il n'en est pas moins nécessaire aujourd'hui : s'il n'est pas relié au maillage européen du réseau autoroutier, un territoire n'a aucune chance de se développer. En 1995, le Parlement, dans le cadre de la loi d'aménagement du territoire, dite loi Pasqua, avait adopté, au travers de l'article 49, le principe que tout point du territoire national devait se trouver à moins de quarante-cinq minutes d'une gare TGV ou d'un accès autoroutier à l'horizon 2015. Force est de constater que c'est loin d'être le cas pour notre bassin d'emploi. Au rythme actuel des contrats de Plan État-région, il en faudrait quatre ou cinq pour parvenir à le désenclaver. La situation est intenable localement.

Quelles perspectives pouvez-vous me donner, monsieur le ministre, pour la réalisation des études que vous aviez annoncées lors de votre visite, en indiquant qu'elles pourraient intervenir très rapidement avec un objectif de déclaration d'utilité publique sur l'ensemble de l'itinéraire à l'horizon 2006 ? Le conseil régional refuse de financer ces études, ce qui ne manque pas de causer des retards préjudiciables. Quels sont les moyens disponibles pour financer les travaux prévus dans l'actuel contrat de Plan État-région, en particulier la déviation de Puylaurens, les travaux sur Saint-Alby, mais aussi la sortie de Castres en direction de Soual ? Nous nous félicitons que votre intervention, monsieur le ministre, ait permis aux travaux de la rocade de Castres de se dérouler de manière tout à fait satisfaisante. Si vous pouviez nous donner quelques espoirs s'agissant des autres éléments, vous répondriez à la très forte attente de l'ensemble des acteurs économiques et élus de ce bassin d'emploi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Comme je vous le laissais entendre ce matin, monsieur le député, il a été décidé, lors du CIADT du 18 décembre 2003, que la RN 126 serait classée grande liaison d'aménagement du territoire. De ce fait, elle bénéficiera d'un aménagement à deux fois deux voies, absolument essentiel pour désenclaver le pays de Castres-Mazamet, où vous avez eu la gentillesse de m'inviter il y a quelque temps. J'en garde un excellent souvenir ! (Sourires.)

La démarche d'avant-projet sommaire d'itinéraire sur la liaison Toulouse-Castres a été relancée en vue d'obtenir la DUP en 2006. Elle va permettre de définir les aménagements à réaliser et de les hiérarchiser, compte tenu de l'impossibilité de recourir à une concession eu égard à l'importance de la subvention d'équilibre qu'il faudrait y mettre. À ce propos, vous me dites que la région serait défaillante. Si elle venait à confirmer cette défaillance, je vous indique - et vous pourrez le répéter - que l'État suppléerait et financerait les études nécessaires à cette DUP.

M. Philippe Folliot et M. Gilles Artigues. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Souvent, les régions rejettent sur les défaillances de l'État la nécessité dans laquelle elles se trouvent d'augmenter les impôts. Dans ce cas précis - et cela illustre le geste très important qu'a fait le Premier ministre en débloquant 300 millions d'autorisations de programme et 150 millions de crédits de paiement dans la loi de finances rectificative -, l'argument ne tient plus. Et donc, si la région confirmait son refus de financer les études, l'État le ferait à sa place.

Le contrat de Plan État-région Midi-Pyrénées inscrit, je vous le rappelle, un montant d'un peu plus de 100 millions d'euros, dont 33 millions pour l'État, pour l'aménagement de la RN 126, qui comprend notamment la réalisation de la rocade Nord-Ouest de Castres, l'aménagement entre Castres et Saïx et la déviation de Puylaurens. D'ores et déjà, plus de 28 millions ont été consacrés à l'enquête d'utilité publique de Castres à Saïx, qui s'est achevée le 16 février 2004, aux premières acquisitions foncières de la déviation de Puylaurens et à l'engagement des travaux de la rocade de Castres.

Pour la réalisation des aménagements entre Castres et Mazamet, 5,8 millions d'euros sont inscrits, dont 1,6 million pour la déviation de Saint-Alby. Une somme de 850 000 euros a déjà été versée qui a permis de réaliser l'enquête d'utilité publique début 2004. En 2005, compte tenu de la relance des travaux décidée par le Premier ministre, nous serons en mesure de lancer les premiers travaux pour l'importante déviation de Puylaurens et de procéder aux premières acquisitions foncières nécessaires à la réalisation de la déviation de Saint-Alby. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous passons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si les événements du 11 septembre 2001 ont provoqué une grave crise dans le secteur du transport aérien, force est de constater que celui-ci connaît aujourd'hui une remarquable embellie. Le nombre annuel de passagers a recommencé à croître et le trafic - fret et poste - a progressé en 2002 de 2,6 % par rapport à 2001 à Roissy, pour ne prendre que cet exemple. En dépit de la hausse du prix du baril de pétrole, les dirigeants du groupe Air France-KLM annoncent des bénéfices pour l'exercice 2004-2005.

Le transport aérien constitue un enjeu majeur pour l'aménagement et le développement durable de notre pays. Or, engagé dans sa démarche de privatisation d'Air France et d'Aéroports de Paris, le Gouvernement s'apprête à se priver de ses instruments de maîtrise et de développement du territoire. Quant aux communautés aéroportuaires qui devaient assurer la gouvernance de ces grandes infrastructures, elles ont été privées de ressources et ont pâti du manque d'initiatives des pouvoirs publics, et notamment des préfets et des présidents de région.

Afin de prendre en compte la croissance du transport aérien et d'éviter l'engorgement de certaines zones aéroportuaires - et les nuisances qui en résultent pour les riverains -, il est urgent d'établir une politique de développement durable qui soit acceptable par tous sans pour autant nier les ressources qu'assure la proximité d'un aéroport pour un territoire.

Il faut savoir que 90 % des vols de nuit sur l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle concernent le fret. Interdisons-les donc et développons la seule alternative raisonnable qui soit, à savoir le ferroutage, d'autant que 50 % des mouvements de nuit, tous cargos, ont lieu sur des distances inférieures à 500 kilomètres, dont la moitié à destination de cinq agglomérations reliées par TGV : Lyon, Cologne, Londres, Bordeaux et Liège. Comme, de plus, le transport aérien sur la région parisienne est voué à croître encore du fait de l'abandon du troisième aéroport, il convient également de procéder au rééquilibrage des vols internationaux entre les plates-formes d'Orly et de Roissy afin d'assurer un développement harmonisé des territoires en constituant deux pôles forts de croissance au nord et au sud de la capitale.

Je souhaiterais connaître les engagements du ministre sur les deux points que je viens d'évoquer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il y a bien des aspects dans la question de l'éminent parlementaire.

Je commencerai par rappeler que, depuis notre arrivée au Gouvernement, nous avons réduit de 15 % les vols de nuit à Roissy, ce que n'avait pas fait mon aimable prédécesseur.

M. François Asensi. Il a eu tort.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il a fallu, pour cela, éliminer du ciel parisien les avions les plus bruyants, c'est-à-dire les empêcher d'atterrir et de décoller, puis négocier avec les opérateurs adeptes des vols de nuit, dont La Poste que cette évolution n'arrangeait pas du tout : faire partir le courrier du fin fond de la Bretagne ou d'ailleurs deux heures avant afin qu'il arrive plus tôt à Roissy pour que l'avion l'acheminant ensuite puisse décoller avant vingt-trois heures trente n'était pas pour lui faciliter la tâche. Mais c'est ainsi que nous sommes parvenus, sur deux ans, à réduire de 15 % les vols entre vingt-trois heures trente et cinq heures du matin !

C'est un travail de fourmi qui, lui, ne s'entend guère et ne se perçoit pas du jour au lendemain. Mais il montre au moins aux riverains que nous comprenons la gêne, voire le traumatisme qu'ils subissent - car c'est bien ce à quoi, sur un plan médical, peut aboutir le fait de ne pas pouvoir dormir la nuit ! Nous sommes extrêmement volontaires sur ce dossier et nous ne lâcherons pas prise. Au reste, Air France a déjà accompli d'énormes efforts en aménageant les horaires de tous ses vols long courrier pour éviter, ou tout au moins réduire au maximum, les atterrissages à Roissy entre vingt-trois heures trente et cinq heures du matin. Les heures de départ et d'arrivée de certains parcours de 5 000 ou 10 000 kilomètres ne manqueront pas, de ce point de vue, de vous étonner.

La situation s'améliore progressivement. Cela ne va jamais assez vite pour les riverains, mais, côté pouvoirs publics, je puis vous assurer qu'on voit toutes les difficultés à surmonter.

Le ferroutage est un mode de transport très important pour nous. Nous poursuivons l'expérimentation en cours entre Aiton et Orbassano. Je suis d'ailleurs retourné voir récemment le système de route roulante MODALOR et les matériels utilisés sur de telles lignes. Je sais que se posent des problèmes de gabarits, de tunnels et autres. Mais nous croyons à cette technologie, en particulier dans les grands corridors nord-sud où les trains de camions que nous croisons tous sur les autoroutes seraient bien mieux sur des voies ferrées ! Nous y songeons sérieusement. Nous avons pris contacts avec des transporteurs et des chargeurs donneurs d'ordres pour savoir s'ils accepteraient, eux aussi, de passer de la route au rail.

Concernant les lignes à grande vitesse et le fret, grâce au CIADT du 18 décembre 2003, nous allons réaliser non plus un TGV, mais deux à la fois, puisque, comme je l'ai dit ce matin, nous disposons de moyens financiers à cet effet par l'intermédiaire de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Nous croyons à un troisième réseau d'aéroports permettant l'éclatement du trafic aérien sur l'ensemble du territoire aux profits des régions. Cela permettrait le développement de plates-formes comme celles de Châteauroux ou de Vatry où l'installation, le management et l'exploitation sont excellents, même si nous regrettons qu'une grande entreprise ait finalement renoncé à s'y implanter, au profit de Leipzig.

L'État a consenti un effort exceptionnel en faveur du fret : 800 millions d'euros ! Le plan Véron - les partenaires sociaux en ont bien conscience - est le plan de la dernière chance. Nous mobilisons les ressources sur les lignes les moins déficitaires, centrant nos efforts là où il nous semble possible de parvenir un jour à l'équilibre. Et tout le monde s'y met !

Voilà, monsieur le député, quelques éléments de réponse à votre question. Je ne voudrais pas abuser de l'attention de l'Assemblée ni surtout du temps qui nous est imparti. Je reste à votre disposition pour répondre à toute autre question que vous jugerez utile de me poser sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le projet Port 2000 du Havre a toujours été considéré comme d'importance nationale, même si l'essentiel des investissements a été laissé à la charge du port autonome du Havre. Mais un port ne vit que si ses dessertes terrestres de pré - et de post-acheminement lui permettent de bonnes relations avec son hinterland profond.

Pour Le Havre, cela passe, depuis le lancement du projet, par la réalisation d'une voie visant à contourner par le nord la région parisienne selon un itinéraire Le Havre-Amiens-Châlons permettant de rejoindre l'Est et même le Sud-Est de la France, et, plus loin, le centre de l'Europe.

Cela passe aussi par la réalisation des infrastructures nécessaires au Havre même, comme le viaduc de la Brèque permettant de relier le port à la ligne ferrée principale Le Havre-Paris.

Or, si l'on peut espérer une livraison de Port 2000 dans le courant de 2005, c'est-à-dire dans un an, pour la desserte ferroviaire de la première place portuaire française de chargement et de déchargement de conteneurs, les retards s'accumulent faute de crédits suffisants.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pas du tout !

M. Daniel Paul. Une telle situation n'est pas acceptable. Nous sentons déjà les effets de l'augmentation du trafic. Actuellement, deux millions de conteneurs sont traités par an, et l'objectif est de parvenir à trois millions de conteneurs par an. Nous y serons rapidement, ce qui signifie que c'est le transport routier qui va être chargé de faire face à cet afflux. Dans les prochains mois seront mis en service des quais et des terre-pleins supplémentaires. L'insuffisance de la réponse ferroviaire sera encore plus sensible du fait des retards pris par les contrats de Plan État-région concernant le contournement nord de la région parisienne.

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour rattraper le retard et permettre au port du Havre de disposer d'une desserte ferroviaire digne de son développement actuel et futur ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, s'il y a eu naguère quelques retards à déplorer en matière de raccordement ferroviaire des ports, vous ne pouvez mettre en doute notre volonté d'aboutir...

M. Daniel Paul. La volonté ne suffit pas : encore faut-il avoir l'argent nécessaire...

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Je vais détailler les différentes opérations impliquées par l'amélioration de la desserte ferroviaire du port du Havre, car il s'agit vraiment, pour nous, d'une priorité absolue, qui est d'ores et déjà financée. Nous examinons actuellement le budget pour 2005, mais, dans celui pour 2004, nous avions déjà inscrit les financements nécessaires.

Ces opérations sont au nombre de trois : faciliter l'accès au port lui-même grâce à la création d'un faisceau de voies longues et au raccordement dit de la Brèque, que vous avez évoqué ; créer le tronçon Motteville-Montérolier-Buchy, qui permettra d'éviter de passer par Rouen et la région parisienne pour se raccorder avec l'Est et le Nord de la France ; enfin, réaliser la liaison Longueau-Nesles, en Picardie, qui permettra un meilleur contournement de l'Ile-de-France.

La première opération a un coût total - pour sa phase I et sa phase II - de 92 millions d'euros. Pour la tranche I des travaux, la part de l'État est assurée, depuis 2004, à hauteur de 4,2 millions d'euros et nous prévoyons, dans le cadre du budget qui vous est présenté, d'y affecter 8 millions d'euros en 2005. Je rappelle que le total de la participation de l'État pour cette partie du projet est de 19,34 millions d'euros.

Pour le tronçon Motteville-Montérolier-Buchy, nous avons affecté, en 2004, 9 millions d'euros et nous comptons y ajouter 7 millions en 2005. Ainsi, en complétant les crédits en 2006, nous arriverons à la participation totale de l'État, qui est de 22 millions d'euros.

Enfin, pour le tronçon Longueau-Nesles, en Picardie, inscrit au contrat de Plan État-région, que connaît bien M. Gilles de Robien, une autorisation de programme de 1,6 million d'euros a été inscrite au budget pour 2004, qui vient compléter les crédits délégués en 2002 de 2,9 millions d'euros, ce qui permet le lancement des travaux et le déblocage de cette opération.

M. Daniel Paul. Et quand est-il prévu qu'elle se termine ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. N'oubliez pas que, à cause de mon aimable prédécesseur, elle a commencé en retard !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Exactement !

Tous les financements sont en place et les travaux sont considérés comme prioritaires. Par conséquent, monsieur le député, nous réfutons votre affirmation selon laquelle les retards s'accumuleraient. Au contraire, nous faisons tout pour parfaire la desserte ferroviaire du port du Havre.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le 20 novembre 2003, le Parlement européen, après une âpre discussion, a rejeté la première directive de la Commission européenne visant les services portuaires.

L'ensemble des acteurs des services portuaires s'étaient mobilisés, avaient insisté, avec force arguments à l'appui, sur les risques que cette directive faisait peser sur l'emploi et plus encore sur la sécurité, du fait, notamment, de l'introduction du principe de l'auto-assistance, et avaient présenté des contre-propositions tout à fait pertinentes.

Tous les élus, tous les groupes parlementaires dans tous les pays européens - et en France, tout particulièrement - ont été saisis. Les dockers européens, par des journées d'action puissante, ont montré leur détermination et contribué à faire échec à ce mauvais coup. Ce contexte avait conduit le Parlement européen, dans sa majorité, à rejeter cette directive.

On aurait pu penser que les gouvernements des différents pays européens auraient pris la mesure de ce vote et pris acte de l'opinion des acteurs de terrain. Eh bien non ! Ce n'est pas le cas. Un nouveau projet a été adopté le 13 octobre 2004 par le collège des commissaires européens. Encore plus libéral que le premier et basé sur la concurrence et le principe de l'auto-assistance, il revient sur les concessions faites au cours de la procédure de conciliation entre Conseil et Parlement.

Il réintroduit la totalité des services - pilotage, lamanage, manutention -, ignore les propositions présentées par les acteurs de terrain, portant sur la reconnaissance et la spécificité des métiers, l'emploi, le savoir-faire et la sécurité portuaire, qui seraient gravement mis en danger par l'auto-assistance.

Pire encore, Mme Loyola de Palacio a poussé la provocation jusqu'à déclarer : « Cette nouvelle proposition contient ce qu'il faut pour dissiper les préoccupations qu'ont soulevées les propositions antérieures. » On ne peut accepter que le vote du Parlement européen, donc des élus, soit remis en cause par la Commission.

Même l'UNIM, les entreprises portuaires allemandes, la Fédération européenne des opérateurs privés regrettent l'empressement de Bruxelles à remettre l'ouvrage sur le métier, sans concertation préalable. Elles déclarent notamment qu'« il aurait été plus opportun de se demander si l'accès au marché des services portuaires exigeait toujours d'être encadré ».

Quelle initiative comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que la France pèse réellement afin que le vote du Parlement européen sur le premier texte rejetant cette directive soit respecté ?

Enfin, pouvez-vous nous donner les éléments produits par l'Observatoire sur les coûts de passage portuaire en France et en Europe ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur Liberti, l'administration française observe de très près les coûts des services portuaires, afin que nous puissions juger de leur efficacité. Les ports représentent un potentiel d'emplois, une activité économique localisée. Il est donc essentiel, tant pour l'économie du pays que pour celle des régions, qu'ils soient efficaces, de telle sorte qu'ils captent du trafic et qu'il y ait des retombées positives pour notre économie. Nous y sommes donc très attentifs. Je ne peux pas vous donner les chiffres,...

M. François Liberti. Il faut les donner !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. ...mais les ports français se trouvent dans la gamme de prix des grands ports européens. Il n'y a pas de distorsion majeure. Nous nous situons plutôt dans la fourchette haute. Nos surcoûts ne sont pas pénalisants et n'empêchent pas les navires de venir dans nos ports.

Par ailleurs, l'efficacité, la rapidité, la fiabilité sont des éléments extrêmement importants, qui interviennent dans le choix des armateurs et des chargeurs.

Oui, ce sujet est sous contrôle ! Oui, nous sommes extrêmement attentifs à cet aspect de la gestion portuaire !

Quant au projet de directive, il est aujourd'hui au premier stade d'une procédure d'élaboration d'un texte européen. Les règles de fonctionnement font qu'à ce stade, les Etats membres ne peuvent s'exprimer.

L'aperçu que vous avez donné du nouveau projet de directive portuaire ne me paraît pas totalement exact. Vous avez rapidement mentionné le point de l'agrément obligatoire par les États de tous les intervenants dans le secteur portuaire. Peut-on considérer qu'il s'agit là d'une mesure de libéralisation à outrance ? On pourrait penser le contraire, puisque, je le répète, l'agrément, délivré par les États membres, est requis, dans ce projet, pour toutes les entreprises intervenant dans le domaine portuaire. Nous ne sommes pas hostiles à une mesure de cet ordre.

Le projet antérieur, vous l'avez rappelé, a été rejeté par le Parlement. Cela signifie que nous avons, en Europe, des institutions démocratiques, qui fonctionnent.

M. François Liberti. Il faut les respecter ! Quelle légitimité pour la Commission ?

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Le projet actuel est assez différent sur un certain nombre de points, en particulier l'auto-assistance.

Dans le projet précédent, elle était possible avec les moyens du navire lui-même. Dans le projet actuel de la Commission, l'auto-assistance n'est possible que par des moyens à terre, et non avec les moyens du navire. Une exception est prévue - et elle nous paraît légitime - dans le cadre des autoroutes de la mer. Cela mérite d'être encouragée.

Le sujet est plus compliqué que vous ne le dites. Quelle est la légitimité de l'intervention des collectivités publiques dans le financement des infrastructures et des superstructures dans les grands équipements portuaires ? Au sein de la Commission, ces points font débat. Nous verrons, en temps utile, quelle position adoptera le gouvernement français face au projet élaboré et adopté par la Commission. Nous sommes très attentifs à cette situation, car nous devons veiller à la fois à la compétitivité des ports français et à la stabilité du paysage économique, de façon que les entreprises portuaires soient confortées - et, de ce fait, les emplois.

M. le président. Nous passons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, ma question porte sur la réalisation de la déviation Est de Montpellier et en particulier sur le maillon de cette rocade entre la route nationale 113 et la rue de la Vieille-Poste.

Cette section est située en totalité sur la commune de Castelnau-le-Lez. Cet axe de circulation s'avère indispensable, à très court terme, pour répartir les trafics routiers dans cette partie de l'agglomération. La déclaration d'utilité publique a été signée par le préfet de l'Hérault.

Dans le cadre de la restructuration budgétaire, les crédits de paiement alloués en 2004 ne permettent pas d'amorcer les travaux (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), ni même de financer en totalité les acquisitions foncières indispensables à la réalisation des travaux préparatoires. Si l'État retardait la réalisation et donc la mise en service du tronçon de ce boulevard urbain, dont il assume la maîtrise d'ouvrage, les parties réalisées en maîtrise d'ouvrage par l'agglomération et le conseil général - l'agglomération a achevé son tronçon et le département, lui, l'a commencé - déboucheraient dans les vignes, ce qui, vous en conviendrez, serait totalement inacceptable.

Ma question est simple : l'Etat envisage-t-il d'abonder l'enveloppe de crédits de paiement pour les premiers travaux de déplacement de réseaux et la poursuite des acquisitions foncières ?

Je souhaite également savoir si, en 2005, seront mises en place les autorisations de programme d'environ 10 millions d'euros nécessaires à l'engagement de la totalité des travaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. En 2005, nous lancerons les travaux.

L'aménagement des rocades de Montpellier est inscrit au contrat de plan pour un montant de 22,870 millions d'euros. Ce montant doit permettre de réaliser les études et les acquisitions foncières des rocades Est et Ouest et une première section de travaux sur la rocade Est entre la RN 113 et la rue de la Vieille-Poste.

L'avant-projet sommaire de ce dernier aménagement a été approuvé en mai 2003. Cette opération a été déclarée, le mois dernier, d'utilité publique, ce qui est une avancée significative.

Les travaux de la rocade Est entre la RN 113 et la rue de la Vieille-Poste viennent juste d'être déclarés d'utilité publique. Cette DUP permettra d'engager les acquisitions foncières, pour lesquelles les autorisations de programme ont été mises en place en 2004. L'an prochain, ces acquisitions seront poursuivies et les travaux engagés.

J'ai demandé au préfet de région de s'assurer de la coordination de ces travaux avec ceux concernant la réalisation du tramway, sous la maîtrise d'ouvrage de l'agglomération.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le ministre, la connexion des autoroutes A4 et A 104 au cœur de Marne-la-Vallée constitue une zone en plein développement. C'est à cet endroit qu'un muret séparateur central a été érigé, afin de permettre aux voitures issues de l'autoroute A4 de se rabattre sur l'autoroute A 104 en toute sécurité.

Or la présence du mur neutralise la sortie n° 11. Les automobilistes de l'autoroute A 104 en provenance du Sud de la Seine-et-Marne ne peuvent plus accéder à cette sortie pour se rendre dans la ville de Torcy, et en particulier au centre commercial régional Bay 2. Ils sont obligés d'emprunter la sortie précédente et de traverser la petite commune de Collégien.

La situation actuelle est dangereuse car la densité du trafic au cœur de cette commune est devenue très importante.

Lors de l'instruction du dossier de la ZAC de Lamirault à Collégien, l'État s'était engagé à remplacer le muret séparateur par un « saut de mouton », afin de rendre accessible la sortie n° 11 et de limiter de ce fait le nombre de véhicules traversant la commune.

L'ouverture, à la fin du mois de novembre, du centre de loisirs Bay 1 va encore accroître la circulation de ce secteur. La situation est donc extrêmement préoccupante.

Monsieur le ministre, quels aménagements sont envisagés par vos services pour mettre fin à cette situation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame Brunel, l'élargissement à deux fois trois voies de l'autoroute A 104 a conduit, en raison de la proximité des échangeurs à installer, pour des raisons de sécurité liées aux entrecroisements un muret séparateur. Cela interdit aux usagers venant du sud d'emprunter la sortie vers Torcy par la RD 418.

Par conséquent, les usagers voulant effectuer ce mouvement empruntent les voies communales dans la commune de Collégien. Nous parvenons donc, madame la députée, au même constat.

Ce trafic risque, comme vous l'indiquiez, de croître en raison de l'urbanisation de ce secteur, et notamment de l'ouverture du centre commercial Bay 2. Nous devons donc remédier à cette situation, qui n'est guère satisfaisante.

Pour permettre aux usagers qui viennent du sud par la RD 471 d'aller vers Torcy par la RD 418, il est prévu de réaliser un franchissement dénivelé des bretelles de l'échangeur A 4-A 104. L'enquête d'utilité publique s'est déroulée en janvier 2004. La déclaration d'utilité publique doit être prononcée prochainement.

Nous engageons des consultations avec les collectivités locales concernées sur les modalités de financement. Tout se met progressivement en place afin que nous puissions procéder aux travaux dans les meilleurs délais.

Mme Chantal Brunel. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour poser sa deuxième question.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, ma question porte sur le financement de la deuxième ligne du tramway de Montpellier.

Son coût est d'environ 425 millions d'euros et l'aide de l'État est actuellement fixée à 5 millions d'euros.

Le Gouvernement vient d'annoncer une aide de 20 millions d'euros pour financer la deuxième phase de travaux du tramway de Bordeaux. Nous nous en réjouissons tous pour notre ami Alain Juppé, mais aussi pour les Bordelaises et les Bordelais.

Ma commune et ma circonscription sont directement concernées par ce projet de la deuxième ligne. Vous comprendrez donc que je ne puisse concevoir que l'État participe de façon aussi minime au financement de notre tramway à Montpellier.

M. Daniel Paul. Il a raison !

M. Jean-Pierre Grand. Je ne vais pas revenir ici sur l'importance de ce mode de transport et ses conséquences sur les déplacements urbains, la qualité de notre environnement et la gestion équilibrée de la croissance démographique et économique de notre territoire

Je tiens à rappeler que la construction de la seconde ligne de tramway de Montpellier favorisera sur son tracé - et c'est vrai en particulier dans ma ville - une diversité d'urbanisme qui nous permettra de répondre dans les meilleures conditions aux exigences de la loi SRU - je pense en particulier à l'application de son article 55.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je ne puis, comme défenseur des intérêts de l'agglomération de Montpellier, me satisfaire du fait que l'État ne participe qu'à hauteur de 1 % au financement de ce projet d'intérêt général. (Approbation sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Grand, nous avons déjà abordé ce sujet, à plusieurs reprises, ce matin.

Je sais que les projets de transport collectif sont très importants pour Montpellier.

Les participations de l'État n'ont cessé de décroître, depuis plusieurs années, pour atteindre des chiffres en termes de subventions, qui n'étaient plus incitatifs, pour démarrer de nouveaux projets. Il est vrai qu'au début, les lignes budgétaires, si minces fussent-elles, avaient un effet de « starter » sur les projets de quelques métropoles. Les taux étaient tombés, avec la multiplication des projets, autour de 8 %.

Il nous faut un nouveau système de financement pour nous permettre, d'une façon ou d'une autre, de réaliser et d'encourager ces projets de transports en commun.

Aujourd'hui, nous disposons de trois enveloppes, de 500 millions d'euros chacune, gérées par la Caisse des dépôts et consignations, la Banque européenne d'investissement associée à la Caisse d'épargne et le groupe Dexia.

Nous venons d'améliorer le système, avec la Caisse, en offrant des possibilités de financement sur quarante ans, avec des différés d'amortissement et un choix entre taux fixe et taux variable, indexé sur le taux du livret A - qui a, je vous le rappelle, considérablement baissé l'année dernière.

Beaucoup d'élus se précipitent sur ce type d'outil de financement. En effet, 60 % de ces lignes d'emprunts sont déjà préemptées par les élus.

S'agissant enfin de l'approche globale à adopter pour renforcer le caractère européen de nos métropoles, c'est précisément dans ce cadre que devront être intégrées l'ensemble des questions, y compris celle des transports. Nous ne manquons pas d'idées là-dessus, mais nous n'avons pas encore de réponses précises. Sitôt que nous les aurons, monsieur le député, je m'y engage : Montpellier - autrement dit vous-même - sera associé à leur élaboration et vous nous direz si elles vous donnent satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le ministre des transports, je souhaite appeler votre attention sur les enjeux routiers du Tarn, que vous connaissez bien, et vous interroger sur l'exécution du contrat de plan pour ce qui touche plus particulièrement à la route nationale 126 entre Toulouse, Castres et Mazamet, ainsi qu'à l'avenir de la RN 112.

Le bassin de Castres-Mazamet reste le seul bassin de vie de Midi-Pyrénées à n'être pas desservi par une voie à grande circulation. Le Sud du Tarn paie le prix de vingt-cinq ans de renoncements de l'État. Deuxième bassin de main-d'œuvre en 1998 après Toulouse, nous sommes descendus au cinquième rang trois ans plus tard ; deuxième bassin industriel depuis toujours, nous ne sommes plus que le sixième aujourd'hui. Toutes les villes importantes de Midi-Pyrénées sont en progression démographique : ainsi Cahors, Pamiers, Montauban, Albi, desservies par l'autoroute, contrairement à Castres et Mazamet dont les populations chutent.

Lors de votre visite dans le Tarn en 2003, vous aviez souligné, à l'instar de tous vos prédécesseurs, combien l'aménagement à deux fois deux voies de la RN 126 constituait la clé de l'avenir économique de ce bassin industriel. Or le Tarn accuse un retard historique ; ce n'est pas un hasard si ses crédits au contrat de plan représentent 40 % de l'enveloppe régionale - encore ne constituaient-ils que le début du rattrapage.

Vous vous êtes notamment engagé, monsieur le ministre, à financer les études sur la déviation de Puylaurens ainsi qu'à engager les procédures de remembrement et d'acquisition foncière. Or il manquerait environ 2,2 millions d'euros pour lancer cette opération pourtant programmée en 2005. Dans une correspondance en date du 16 avril 2003 que vous m'aviez adressée, vous jugiez capital que l'ensemble de l'axe Toulouse-Mazamet fasse l'objet d'une DUP en 2006. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelle appréciation portez-vous sur un projet de partenariat public-privé associant élus locaux et industriels ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, tous les élus, dont moi-même, souhaitent que la RN 112 entre Albi, Castres, Mazamet et la vallée du Thoré demeure dans le giron de l'État. Voie de liaison entre plusieurs départements et plusieurs régions, la RN 112 n'est à l'évidence pas une route à vocation strictement départementale. Vous devez prochainement rendre votre arbitrage sur ce sujet ; je souhaite, comme tous les élus, locaux, nationaux et même européens, du Tarn que l'État ne transfère pas au département cette route dont les crédits prévus dans le contrat de plan - 10 % environ - représentent la plus faible participation financière en région Midi-Pyrénées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. L'avenir de la RN 112 devra être appréhendé dans le cadre des discussions qui s'engagent avec les conseils généraux. Vue d'ici - mais peut-être est-ce un peu loin -, la RN 112 nous semble un axe à vocation plus locale que structurante. Mais cela peut se discuter et nous sommes tout à fait ouverts à la discussion.

La RN 126 sera quant à elle classée grande liaison d'aménagement du territoire, comme cela avait été initié, du reste, lors du CIADT du 18 décembre 2003, et sera en conséquence appelée à devenir une deux fois deux voies.

Pour ce qui est du calendrier des travaux, nous en sommes au stade de l'avant-projet sommaire pour la liaison Toulouse-Castres-Mazamet ; une relance a eu lieu afin de parvenir à la DUP en 2006. Le contrat de plan État-région prévoit un peu plus de 100 millions, dont 33 millions à la charge de l'État, pour l'aménagement de la RN 126. Sont concernés la rocade Nord-Ouest de Castres, l'aménagement entre Castres et Saïx ainsi que la déviation de Puylaurens. À ce jour, plus de 28 millions d'euros ont été consacrés à ces opérations, ce qui a permis de lancer l'enquête d'utilité publique de Castres-Saïx - achevée le 16 février 2004 -, de réaliser une première partie des acquisitions foncières de la déviation de Puylaurens et d'engager les travaux de la rocade de Castres. Entre Castres et Mazamet, 5,8 millions d'euros sont inscrits, dont 1,6 pour la déviation de Saint-Alby ; 850 000 euros ont été consacrés à la réalisation de l'enquête d'utilité publique en 2004. Pour 2005, grâce à la relance décidée par le Premier ministre - 300 millions en AP et 150 millions en CP -, nous serons en mesure de lancer les premiers travaux sur l'importante déviation de Puylaurens et de procéder aux premières acquisitions foncières pour celle de Saint-Alby. Je reste à votre disposition, monsieur le député, pour la suite de ce chantier.

M. le président. Nous en revenons au groupe UDF.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, vous avez confirmé ce matin l'annonce faite par le Premier ministre de débloquer 300 millions d'euros dans le cadre des contrats de Plan État-région. Ma question concernera la RN 171 et plus spécialement, en Loire-Atlantique, les sections Savenay-Nozay et Nozay-Châteaubriant.

S'agissant de la section Savenay-Nozay, j'aimerais vous interroger sur les travaux prévus au contrat de plan État-région relatifs à la déviation de Bouvron et à certains aménagements de sécurité. Il faut savoir que cet axe rejoint le port de Nantes-Saint-Nazaire et sert depuis peu au transport de l'Airbus A380 alors que la route n'est absolument pas adaptée à de tels convois exceptionnels. La sécurité commande d'engager ces travaux au plus vite.

La déviation de Châteaubriant est également inscrite au contrat de plan État-région. L'échéance prévue dans la DUP tombera dans quelques mois. Il y a urgence, là aussi, à commencer les travaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Les travaux d'aménagement entre Savenay et Nozay ont fait l'objet d'une DUP en 2001. L'État s'est engagé au cours de l'enquête publique à conduire plusieurs études complémentaires, dont celles des déviations de Blain et de La Grigonnais. La concertation avec les communes est en cours pour déterminer le fuseau. Ajoutons que la sécurisation du carrefour de l'Hôtel de France a été réalisée par anticipation en 2001. Enfin, les études de tracé de la déviation de Bouvron sont actuellement reprises - à la demande de la commune elle-même, ce qui n'arrange personne et retarde le chantier. Une enquête publique sera lancée en 2005 pour valider le nouveau tracé.

S'agissant de la section Nozay-Châteaubriant, les travaux d'ores et déjà réalisés, pour un montant de 20,4 millions, correspondent à l'intégralité des aménagements de mise hors gel et de sécurité prévus sur cette section. Par ailleurs, ainsi que vous le savez, la déviation de Châteaubriant figure dans l'avenant au contrat de plan, signé le 27 novembre 2003, pour un montant de 9 millions d'euros, ce qui porte à 45,6 millions d'euros le montant inscrit pour la RN 171 entre Savenay et le département de Maine-et-Loire. La DUP de la déviation a été prorogée le 27 novembre 2003 pour cinq ans. Les études de projet sont en cours ; la détermination des emprises finales est prévue, en étroite concertation avec les élus, pour le début de l'année 2005. J'inscrirai donc au programme 2005 les moyens nécessaires à l'acquisition des terrains et aux premiers travaux grâce à la relance décidée par le Premier ministre, grâce également à l'insistance avec laquelle vous avez défendu, et à juste titre, ces aménagements.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. L'année 2004 a été marquée par des avancées significatives dans le domaine du transport fluvial : je pense au partenariat engagé entre Réseau ferré de France et Voies navigables de France, mais également et surtout au lancement tant attendu des études d'avant-projet et de concertation sur le canal Seine-Nord Europe.

Nous avons évidemment enregistré avec satisfaction la décision prise en ce sens par le comité interministériel d'aménagement et du développement du territoire en décembre dernier, mais c'est avec beaucoup plus de circonspection, nous n'avons déjà dit, que nous accueillons votre budget. Les exercices précédents ont été marqués par une baisse préoccupante des crédits alloués aux voies navigables et plus généralement de la part des financements consacrés aux infrastructures. Votre budget accuse lui-même cette année une baisse de plus de 4 % induite, nous dit-on, par la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport. C'est du reste la FITF qui permettra le lancement des avant-projets du canal Seine-Nord et de l'écluse fluviale du port du Havre.

Or les dotations de cet établissement public n'offrent aucune garantie financière quant à la réalisation prochaine d'un grand projet d'infrastructure comme Seine-Nord. Le décalage entre les moyens alloués et les financements exigés est flagrant. Nous avons donc tout lieu de craindre que ce projet n'accuse à nouveau, et rapidement, un retard considérable, pour ne pas dire davantage.

La situation est d'autant plus inquiétante que d'autres projets doivent être mis à l'étude et voir le jour si nous ne voulons pas que la France ne demeure pas à l'écart de l'Europe des voies navigables. L'intégration des voies navigables françaises dans le réseau européen est, nous le savons, un enjeu majeur pour le rattrapage de la part modale du transport fluvial en Europe, et le transport fluvial présente un potentiel de croissance considérable.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, ma question - à laquelle s'associe bien évidemment Jacques Bruhnes, traditionnellement très intéressé à ce sujet - est la suivante : selon quel calendrier envisagez-vous la finalisation du projet Seine-Nord ? Comment votre gouvernement entend-il ensuite en garantir le financement ? Pouvez-vous enfin nous informer de l'état d'avancement des études sur Seine-Est et Rhône-Saône-Moselle, dont la réalisation commande l'intégration de notre réseau fluvial à celui de nos proches voisins, et qui devraient nous permettre de prendre la mesure des enjeux commerciaux et économiques liés au développement de la voie d'eau ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Je vais finir par croire, monsieur Daniel Paul, que le groupe communiste s'est fixé comme but cet après-midi de mettre en valeur la politique de ce gouvernement...

M. Daniel Paul. Nous voudrions qu'elle aille dans le bon sens et qu'elle ne se limite pas aux effets d'annonce !

M. Gilbert Biessy. Nous aimerions qu'elle soit suivie de réalisations !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Je suis heureux de vous l'entendre dire : il ne s'agit justement pas d'effets d'annonce, mais bien de financements et de projets programmés.

Nous nous sommes fixé une politique pour le transport par voie fluviale, avec notamment la modernisation du réseau « magistral » qui supporte l'essentiel du trafic de fret, l'optimisation des dessertes fluviales des ports maritimes - vous avez cité à juste titre l'écluse fluviale de Port 2000 au Havre -, le renforcement de la sécurité, tant pour les utilisateurs que pour les agents de VNF, et enfin l'amélioration de la synergie entre les réseaux à grand gabarit français et européens, objet de votre question.

Il s'agit bien d'un grand projet européen, annoncé depuis longtemps, mais qui ne parvenait pas à se concrétiser. C'est grâce notamment à l'impulsion de Gilles de Robien...

M. Hervé Mariton. Excellent ministre !

M. Daniel Paul. C'est la brosse à reluire !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. ...qu'il a été inscrit au CIADT de décembre 2003, ce qui signifie qu'il figure parmi les priorités du Gouvernement et qu'il est éligible aux financements de l'Agence de financement des infrastructures de transport : c'est ainsi que 11 millions ont été inscrits au titre de l'exercice 2005 pour financer les études.

Vous m'interrogez sur le calendrier : l'objectif est que la déclaration d'utilité publique soit acquise avant la fin 2007 de sorte que les travaux puissent démarrer dès 2010 afin de bénéficier de financements européens. Oui, il y a un avenir au transport fluvial ; oui, nous y croyons ; oui, cela passe par une meilleure connexion entre le bassin de la Seine et le Nord de l'Europe où, nous le savons, le transport fluvial est infiniment plus développé que chez nous ; oui, nous agissons pour une nouvelle croissance du transport fluvial, et je vous remercie de votre question !

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Daniel Paul. Et Seine-Est et les autres projets ?

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ma question portera, monsieur le ministre, sur la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport, l'AFITF.

Je ferai tout d'abord une remarque sur la décision de créer cette agence par voie réglementaire, en s'appuyant sur une disposition législative créant les fonds de financement intermodaux. La méthode utilisée est non seulement peu orthodoxe, mais de surcroît choquante.

Il est, en effet, choquant que les parlementaires ne soient pas représentés au sein de l'établissement. Leur présence est pourtant cruciale si l'on souhaite garantir l'exercice d'un contrôle sur les choix d'importance manifestement nationale que cet établissement sera amené à prendre. De même, il est choquant qu'il ait fallu une forte pression des élus locaux pour leur assurer une représentation. Toutefois, celle-ci est limitée à trois membres sur onze.

Sur le fond, la situation n'est pas moins préoccupante. Le Gouvernement consulte sur la création d'un établissement dont il dit lui-même que le niveau de financement pourrait atteindre 7, 5 milliards d'euros sur la période 2005-2012, ce qui permettrait, selon vous, d'engager près de vingt milliards d'euros de travaux.

Vous n'offrez cependant aucune garantie, ni ne proposez aucun dispositif de financement suffisamment solide pour fonder votre affirmation. Le montant des dotations de l'État est, cette année, manifestement insuffisant, les produits des placements de l'Agence sont aléatoires et, compte tenu, de la disproportion entre moyens alloués et financements demandés, il y a évidemment fort à craindre que l'Agence ne se trouve bientôt réduite de façon chronique à conduire une politique guidée par l'unique préoccupation du désendettement.

Aussi, monsieur le ministre, je voudrais vous poser plusieurs questions.

Comment entendez-vous répondre à l'impératif démocratique concernant la non-représentativité des élus du Parlement ?

De quels moyens de financement entendez-vous doter l'Agence pour répondre à l'exigence de mise en oeuvre d'un véritable pôle financier public, associant et responsabilisant les différentes sources publiques de financement de façon à garantir le service de l'intérêt général ?

S'agissant de la question des financements, quelles sont les raisons de la sous-utilisation des budgets publics portuaires et du taux calamiteux d'exécution des contrats de Plan État-région des ports, 43 % à la fin de 2003, et 22 % pour le port de Sète que je connais plus particulièrement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je vais crouler sous cette rafale de questions ! (Sourires.)

Je concentrerai ma réponse sur l'Agence. Si nous n'avons pas choisi la voie législative, mais la voie réglementaire, c'est pour aller plus vite et permettre sa mise en place le 1er janvier 2005.

Je vous rappelle que le volet législatif de cette réforme, à savoir l'affectation de recettes à ce nouvel établissement, est inscrit à l'article 41 du projet de loi de finances pour 2005. Si nous avions privatisé les sociétés d'autoroutes, nous ne disposerions d'aucunes recettes et vous auriez pu alors, à juste titre, nous reprocher de ne pas avoir assuré le financement de nos projets.

Alors, pourquoi, alors que nous vous disons que les premières ressources seront disponibles dès le début de l'année, n'y croyez-vous pas ?

M. Gilbert Biessy. Nous sommes comme Saint-Thomas ! (Sourires.)

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Le financement est assuré par le produit des recettes des sociétés d'autoroutes que nous n'avons pas privatisées.

J'ai du mal à suivre votre logique. Je suppose que vous êtes gênés, car, pour la première fois, depuis très longtemps, vous pouvez constater que nous ne nous contentons pas d'effets d'annonce, mais que nous mettons un outil de financement à côté des projets.

Par ailleurs, la voie démocratique sera respectée, monsieur Liberti : l'AFITF sera composée de quatre élus dont deux élus nationaux.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. François Liberti. Dont acte !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je constate avec plaisir que vous approuvez, monsieur Liberti. (Sourires.)

L'Agence disposera de concours budgétaires additionnels ainsi qu'une capacité d'emprunt dans la limite d'un plafond que vous aurez à fixer en loi de finances à partir de 2006 - le contrôle parlementaire s'exerce donc, contrairement à ce que vous prétendez.

Conformément aux décisions antérieures, les ressources seront mobilisées pour 2005-2012 pour une part de financement de l'État à hauteur de 7,5 milliards d'euros, le reste étant à la charge des collectivités, qui cofinancent des projets, et de l'Europe - M. Goulard vient de vous parler du canal Seine-Nord-Europe que nous avons réussi à faire figurer, grâce au soutien des Belges et des Néerlandais, parmi les grands projets RTET, lesquels bénéficient d'un concours communautaire. Tout cela représente un ensemble de projets mobilisant 20 milliards d'euros d'ici à 2012. C'est considérable et c'est porteur en termes d'emploi ! Favoriser le transport fluvial va dans le sens du développement durable, auquel je vous sais attaché.

La mise en place de cette Agence permettra d'assurer de nombreux financements, la poursuite de la réalisation du TGV-Est, le lancement de la rénovation de la ligne ferroviaire Haut-Bugey, la modernisation de la ligne ferroviaire Paris-Limoges-Toulouse, le lancement des travaux de modernisation de la ligne historique Dijon-Modane... Je pourrais continuer à égrener la liste des nombreux projets prévus. Mais comme je ne dispose pas du temps nécessaire pour le faire oralement, je tiens cette liste à votre disposition.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud. Le transfert de routes nationales aux conseils généraux prévu par les lois de décentralisation au 1er janvier 2006 suscite évidemment une attente forte, mais aussi certaines inquiétudes.

Je voudrais ici plaider pour le maintien de la RN 12 parmi les routes nationales. Je traiterai la partie qui va de Paris à Pré-en-Pail, et laisserai à mon collègue et ami Yannick Favennec le soin de vous parler de la partie Ouest de l'itinéraire.

Il revient à l'État d'assurer la cohérence nationale des grands itinéraires. Or les points cruciaux non encore aménagés de la RN 12 - Dreux-Nonancourt, Verneuil-sur-Avre, l'ouest d'Alençon jusqu'à Pré-en-Pail - sont tous trois situés à cheval sur deux départements et deux régions, avec des intérêts contradictoires. Seul l'État peut arbitrer et imposer la réalisation commune.

Par ailleurs, si l'on regarde 1'étoile des radiales autoroutières ou à deux fois deux voies à partir de Paris, il est évident qu'il existe un vide entre l'A 13 et l'A 11 d'une largeur sans égale dans n'importe quelle autre direction, et qui doit être comblé par une grande liaison vers le Sud de la Normandie et le Nord des pays de la Loire et de la Bretagne.

La conduite jusqu'à son achèvement de l'aménagement à deux fois deux voies de la RN 12 relève pleinement, à mon sens, du rôle d'aménagement du territoire dévolu à l'État par les lois de décentralisation, pour prévoir le maintien de routes actuellement nationales sous sa responsabilité.

Pouvez vous, monsieur le ministre, nous indiquer votre position ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je mesure l'importance que vous accordez au devenir de la RN 12. Vous avez compris que nous étions au début d'une phase de concertation avec les départements sur la consistance du futur réseau structurant des routes qui resteront de la compétence de l'État. La question de la RN 12 sera manifestement une question centrale dans les discussions entre l'État et deux départements, l'Orne et la Mayenne.

À l'issue de cette consultation et en fonction des positions exprimées notamment par les deux exécutifs départementaux, le Gouvernement arrêtera le projet par un décret qu'il soumettra au Conseil d'État.

J'insiste sur l'équilibre qu'il conviendra de trouver entre réseau structurant dont l'État conserve la maîtrise et le réseau dont les fonctions locales sont prépondérantes, et qui devra être décentralisé. Cette décentralisation ne doit pas aboutir à transférer aux départements une charge qu'ils ne pourraient pas supporter. Le législateur a d'ailleurs prévu des dispositions à cet effet. Je veillerai qu'elles soient appliquées en toute objectivité et transparence. J'ai rappelé ce matin à quel point les travaux d'entretien du réseau national avaient été relativement élevés ces dernières années, et n'ont pas subi de gels budgétaires, ce qui permet de dire que lorsque l'on décentralisera les routes, les moyens transférés seront certainement plus importants que ce que nous pouvions imaginer il y a quelques années.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Je vais en effet compléter le propos de mon ami Deniaud et lui emboîter le pas en parlant à mon tour de la RN 12, mais dans sa partie Ouest, c'est-à-dire du tronçon qui irrigue le nord de la Mayenne, et ses 100 000 habitants, de Pré-en-Pail à Ernée.

Le projet de décret qui doit être prochainement transmis au préfet de la Mayenne, prévoit que la nationale 12 resterait de la compétence de l'État, de Paris à Brest, sauf pour la partie qui va d'Alençon à Fougères, c'est-à-dire principalement pour le tronçon qui traverse la Haute- Mayenne.

Ce projet de déclassement partiel suscite une vive émotion et l'incompréhension des élus du Nord de la Mayenne, que vous aurez le plaisir de recevoir mercredi prochain, qui le jugent discriminatoire. La RN 12 perdrait son statut de route nationale en Mayenne, alors qu'elle resterait gérée par l'État dans tous les autres départements qu'elle traverse. Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures et la loi de décentralisation doit s'appliquer équitablement d'une région à l'autre, d'un département à l'autre.

Ce déclassement partiel est jugé, par l'ensemble des élus locaux concernés - conseil général, communautés de communes et maires -, quelle que soit leur tendance politique, tout à fait inadmissible, car il pourrait avoir de graves conséquences sur le développement économique du pays de Mayenne, qui compte plus de 20 000 salariés et de nombreuses entreprises de transport tributaires de la qualité des infrastructures routières. Au-delà, ce sont trois régions, trois départements, quatre pays, qui subiraient les conséquences de ce déclassement.

La mise à deux fois deux voies du tronçon Paris-Alençon étant projeté à court terme, il paraît souhaitable de poursuivre l'amélioration de la RN 12 de manière cohérente et continue.

Or on observe des pics de fréquentation importants aux abords des agglomérations : près de 12 000 véhicules par jour dans la seule ville de Mayenne, plus de 11 000 véhicules par jour à l'Est de Fougères.

Par ailleurs, le trafic poids lourds y est très important - entre 15 et 24 % du trafic global. Cette fréquentation est plus importante pour les axes situés dans la Mayenne, rendant les traversées de villes comme Ernée et Mayenne extrêmement difficiles.

Le contournement de Mayenne est une priorité, et je vous demande, une nouvelle fois, de veiller à ce que le contrat de Plan État-région, dans le cadre duquel se situe ce chantier, soit respecté et que les travaux de la déviation de Mayenne démarrent bien au cours du premier semestre 2005.

Je vous rappelle également votre engagement pris, le 28 janvier 2003, devant les élus de l'Ille-et-Vilaine, de la Mayenne et de l'Orne, de réactiver l'étude sur la sécurité de la RN 12, lancée en 2000.

Vous vous étiez engagé à affecter aux projets de contournement - Pré-en-Pail, Mayenne et Ernée - les crédits d'étude non utilisés en 2002.

Telles sont, monsieur le ministre, quelques préoccupations des Mayennais concernant votre budget. Je vous remercie de bien vouloir m'éclairer et, si possible, de me rassurer sur ces dossiers particulièrement importants pour l'avenir de ce territoire, essentiellement rural.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je vais compléter, monsieur Favennec, la réponse que j'ai apportée à M. Deniaud, car vos deux questions sont en effet liées.

Le projet du futur réseau routier national, qui sera très prochainement soumis à l'avis des départements, est élaboré en prenant en compte les trois critères d'intérêt national, d'intérêt européen et de cohérence fixés par la loi.

Pour ce qui concerne la RN 12 à l'Ouest d'Alençon, le niveau de trafic qu'elle supporte et le fait qu'elle double de façon relativement proche l'autoroute A 81 Le Mans-Rennes n'ont pas conduit à prévoir son maintien dans le réseau routier national.

Tout ceci, je vous le concède, ne relève pas d'une science exacte, et l'on peut en discuter. C'est pourquoi, comme je l'ai rappelé, le législateur a prévu que les départements soient consultés. Comme je l'ai dit à M. Deniaud, nous consulterons le département et échangerons nos arguments.

À l'issue de cette consultation, le Gouvernement arrêtera le projet de décret qu'il soumettra au Conseil d'État.

Je souhaite que ce transfert d'une partie du réseau routier national aux départements, qui répond à un besoin de subsidiarité et qui doit permettre à l'État de moderniser ses services, se fasse de façon équilibrée.

J'insiste sur ce mot équilibre. Cette décentralisation ne doit pas aboutir en effet à transférer aux départements une charge qu'ils ne pourraient pas supporter. Le législateur a prévu des dispositions et je veillerai à ce qu'elles soient appliquées en toute objectivité et transparence.

Mais équilibre signifie également que l'État ne doit pas disposer de moyens inférieurs à ceux dont il dispose aujourd'hui pour gérer le réseau structurant du pays, indispensable à son économie, à son développement et à sa vocation de pays de transit.

Je ne vois pas pourquoi une population serait hostile au transfert d'une compétence de gestion aux départements si les moyens sont là. Cela peut être une chance pour eux de faire davantage ce qu'ils veulent en n'ayant pratiquement rien à demander à l'État. Quand on est favorable à la décentralisation, on a des raisons d'être optimiste si les moyens suivent. À cet égard, la loi insiste sur le fait que les moyens doivent suivre, et j'ai déjà dit qu'ils étaient assez importants ces dernières années pour que le transfert financier soit plutôt à l'avantage des départements.

M. Michel Bouvard. Globalement !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. S'agissant du contournement de Mayenne, 1,3 million d'euros de crédits ont été mis en place, ce qui correspond aux apports nécessaires à la poursuite des études entamées lors du précédent Plan ainsi qu'aux premières acquisitions foncières. Vous pouvez donc constater notre volontarisme sur ce projet, monsieur le député.

Les travaux de cette opération, programmés en 2004, ont été retardés du fait des contraintes budgétaires liées à l'impératif de maîtrise des dépenses publiques. Mais ils font partie de ceux qui bénéficieront du plan de relance annoncé par le Premier ministre il y a huit jours.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, au début de l'année 1991, le choix du tracé de l'autoroute A 89 a laissé de côté la vallée de la Dordogne et la région de Bergerac. Parmi les compensations prévues figurait la réalisation, dans des délais rapides, de la déviation Est de Bergerac par la RN 21. Après l'enquête publique en 1996 et l'enquête parcellaire, les premières acquisitions avaient débuté en 1997. Mais des problèmes contentieux et, il faut bien le reconnaître, un certain manque de combativité nous ont fait perdre plusieurs années.

Heureusement, à partir d'août 2002, les travaux ont repris, permettant la réalisation du premier tronçon de cette déviation, le tronçon Sud, ouvert à la circulation le 26 février 2004. Nous sommes évidemment impatients de voir ces travaux se poursuivre, notamment le tronçon suivant, qui relie la route de Sarlat, la RD 660, à la route de Saint-Alvère, la RD 32.

Monsieur le ministre, vous m'avez indiqué en juin et en août que les autorisations de programme étaient engagées à hauteur de 3,6 millions, dont 320 000 euros de crédits d'État. Le préfet de région m'a informé par ailleurs que cette opération, sur proposition du directeur régional de l'équipement, faisait l'objet d'un classement en priorité 1, accepté par la direction des routes. Aujourd'hui, ne subsiste donc qu'un problème de mise en place des crédits de paiement.

Je sais que la construction d'une route est un long combat, mais il y a longtemps que nous nous battons, et nous attendons. Je souhaiterais que vous soyez en mesure de nous dire que les travaux vont reprendre rapidement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. C'est vrai, la construction d'une route est un long combat et vous êtes, monsieur le député, un grand combattant de la portion de route située entre la RD 660 et la RD 32.

Sachez que l'ensemble des autorisations de programme a été affecté pour la réalisation de ce tronçon. Le marché de travaux est prêt mais les contraintes liées aux crédits de paiement en 2004 ont conduit le trésorier-payeur général à émettre des réserves sur l'engagement de marché. Toutefois, j'ai une bonne nouvelle pour vous : la relance décidée par la Premier ministre lève cette contrainte et permettra le lancement des travaux dès 2005. En outre, je peux vous informer que je vais notifier le marché dans les tout prochains jours.

M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud, pour poser sa seconde question.

M. Yves Deniaud. Monsieur le ministre, depuis le début de l'année, une proposition de concession partielle de l'autoroute A 88, entre Falaise et Sées, est à l'étude et fait l'objet de discussions avec le concessionnaire de l'A 28, Rouen-Alençon, à laquelle l'A 88 se rattache, avec le conseil régional de Basse-Normandie et les conseils généraux de l'Orne et du Calvados.

J'aimerais d'abord savoir où en sont les discussions et l'étude et quand une décision favorable pourrait intervenir, car cette autoroute est très attendue, et dans des délais rapides.

Par ailleurs, quand sera officialisée l'admission de l'A 88 au « 1 % paysage et développement » que vous aviez annoncée il y a un an dans le cadre de la discussion budgétaire ?

Enfin, l'A 88 et l'A 28 pourront-elles bénéficier de la procédure des villages-étapes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, l'idée de réaliser sous forme concédée la section terminale Sud de la liaison A 88 Caen-Sées est apparue au début de 2003 et a été discutée dans un premier temps entre la société concessionnaire de l'A 28, Rouen-Alençon, et les collectivités territoriales. Les services de la direction des routes ont alors travaillé de concert avec cette société et les collectivités intéressées, à savoir la région Basse-Normandie et les départements du Calvados et de l'Orne, pour préparer un projet d'avenant.

En mars de cette année, l'état des discussions est apparu suffisamment positif pour que soit lancée une nouvelle enquête d'utilité publique portant sur le tronçon concerné. De gros efforts ont été faits pour que cette enquête se déroule dans des délais extrêmement courts. Dans les dernières semaines, cependant, il est apparu impossible, compte tenu notamment des demandes du concessionnaire et de la région Basse-Normandie, de concrétiser la solution esquissée au mois de mars. Il semble aujourd'hui que la société concessionnaire envisagerait de revoir sa position.

Mes services vérifieront dans les tout prochains jours si ce changement crée des conditions nouvelles permettant de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties. Dans le cas contraire, la réalisation de la section concernée sera poursuivie au meilleur rythme possible dans le cadre du contrat État-région.

Par ailleurs, je vous confirme que l'autoroute A 88 est entièrement éligible à la politique du « 1 % paysage et développement ». Le livre blanc, dont l'établissement pour chaque itinéraire constitue un préalable à la mise en œuvre de cette politique, a été validé par le comité national de gestion et de suivi le 26 octobre dernier. La charte d'itinéraire devrait, quant à elle, être élaborée en 2005. Les chartes d'itinéraires de l'A 28 dans les départements de l'Eure et de l'Orne viennent elles-mêmes d'être approuvées.

S'agissant de la candidature de la communauté de communes du pays de Sées, proche de l'A 88 et de l'A 28, pour l'appellation de « village-étape », le dossier présenté à la DDE de l'Orne en juin dernier est en cours d'instruction. Une réponse de principe devrait pouvoir être donnée d'ici au début de l'année 2005. Ce dispositif pourrait être expérimenté sur le réseau autoroutier concédé, sous réserve qu'il ne concurrence pas les aires de services d'autoroutes sur le plan économique.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question portera sur la nationale 164, axe structurant qui traverse la Bretagne intérieure de Montauban à Châteaulin, particulièrement important pour les poids lourds, qui l'empruntent fréquemment, car l'agroalimentaire est organisé autour de lui.

Sous votre autorité, monsieur le ministre, les choses ont progressé : la déviation de Carhaix a été achevée et celle de Trémorel, qui s'ouvrira à la circulation en décembre prochain, est en cours d'achèvement. Ce sont des réalisations attendues, que vous avez eu le mérite de faire avancer.

Je voudrais aussi saluer le travail accompli par la DDE des Côtes-d'Armor, en particulier celui de maître d'ouvrage du service des travaux neufs. À cet égard, on peut s'interroger sur l'opportunité de transférer la gestion de cette route au moment où ces services réalisent des travaux aussi remarquables.

Mais ma question portera sur les travaux à venir, sachant que beaucoup reste à faire pour achever la mise à deux fois deux voies de la RN 164 - je pense en particulier à la déviation de Gouarec-Saint-Gelven, au centre de ce dispositif, et surtout à celle de Saint-Caradec.

Saint-Caradec est le premier bourg traversé en venant de Paris, ce qui pose des problèmes de sécurité car des écoles se trouvent de part et d'autre de la route. La réalisation de la déviation avait été prévue au contrat de Plan adopté en 1994 mais, curieusement, en 1999, lors de la signature de l'actuel contrat de Plan, elle avait été oubliée au grand dam des habitants et des usagers. Il paraissait donc indispensable de revoir cette situation. Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de décembre 2003 a décidé de réintroduire cette déviation et d'allouer 15 millions d'euros aux travaux de la RN 164, soit, avec la clef de financement habituelle, 30 millions d'euros se répartissant entre Saint-Caradec, pour l'essentiel, et Ty Blaise dans le Finistère. Le problème est désormais de transcrire dans le contrat de plan cette excellente disposition. Comment et quand cela se fera-t-il ? Les travaux pourront-ils être entrepris dès 2005 ?

S'agissant de la déviation de Loudéac, le coût des travaux restants est relativement modique puisqu'il s'élève à 7 millions d'euros. Tout est prêt. Aucun problème majeur ne se pose, semble-t-il. Encore faut-il que les crédits puissent, comme il était prévu, être inscrits dès 2005.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, à l'occasion du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui s'est tenu le 18 décembre 2003, le Gouvernement a décidé d'abonder de 15 millions d'euros l'enveloppe destinée à l'aménagement de la RN 164. J'ai pleinement conscience du rôle de cet axe dans le désenclavement de la Bretagne centrale, dont certains territoires restent encore à l'écart des réseaux de transports rapides.

Cette enveloppe nouvelle est destinée, pour l'essentiel, à la réalisation de la déviation de Saint-Caradec. Il convient donc de finaliser le plan de financement avec les collectivités locales concernées. Des instructions ont été données en ce sens.

J'inscrirai au programme 2005 des investissements routiers les moyens nécessaires afin de lancer l'enquête parcellaire au deuxième trimestre 2005 et d'engager ainsi les acquisitions foncières. Les travaux pourraient débuter en 2006, sous réserve de la mise au point du plan de financement.

S'agissant des travaux de doublement de la déviation de Loudéac, opération inscrite au contrat de Plan, j'examinerai favorablement leur lancement en 2005 grâce à la relance décidée par le Premier ministre.

Pour finir, je vous remercie de l'hommage que vous avez rendu aux agents de l'équipement.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Entre les ambitions routières affichées par les régions et le rythme des réalisations, le décalage est grand. Ce n'est certes pas nouveau : les engagements des contrats de Plan n'ont jamais été respectés dans les délais prévus. C'est pourquoi il serait bon à l'avenir d'éviter d'annoncer de grands projets routiers - je pense, par exemple, à l'A 32 en Lorraine - pour viser, plus modestement, des objectifs rapidement opérationnels et moins coûteux.

Dans le but d'en finir à la mise à deux fois deux voies de la RN 4, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous garantir qu'en 2005 seront achevés le contournement de Blâmont et l'acquisition des terrains de la section résiduelle Blâmont - Saint-Georges pour conserver le bénéfice de la DUP, qui expire en juin prochain ?

Plus généralement, puisque la loi du 13 août 2004 ouvre de nouvelles perspectives pour le financement des projets routiers, envisagez-vous d'autoriser le recours aux financements qu'elle prévoit - instauration de péages, redéploiement du fonds commun de TVA - pour achever à un coût acceptable sur tout son parcours la mise à deux fois deux voies de la RN 4, qui intéresse pas moins de quatre régions, l'Île-de-France, la Champagne-Ardenne, la Lorraine et l'Alsace, ainsi que l'aménagement du dernier tronçon de la RN 59, qui ne représente que quatorze kilomètres ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, s'agissant de la RN 4, 99 millions d'euros sont inscrits, représentant à eux seuls près de 18 % de l'enveloppe du volet routier de la région. Je tiens à souligner les efforts très importants accomplis sur cet axe puisqu'à ce jour plus de 84 % des financements de l'État prévus ont été mis en place, principalement pour l'aménagement entre Thiébauménil et Blâmont-Est et sur la déviation de Bébing Imling.

La mise en service de la déviation de Bénaménil et celle de Bébing Imling sont intervenues en septembre 2003 et les travaux entre Bénaménil-Est et Blâmont-Est - que vous appelez Blâmont-Saint-Georges - sont en cours dans une perspective de mise en service l'année prochaine.

Par ailleurs, les études et les procédures nécessaires à la réalisation des acquisitions foncières sur la section comprise entre Blâmont-Est et Héming se poursuivent. Plus de 3 millions d'euros de crédits d'études et d'acquisitions foncières ont été mobilisés depuis 2000 à cet effet, dont les travaux ne sont toutefois pas programmés à l'actuel contrat de Plan. Il s'agit de conserver le bénéfice de la DUP, qui, comme vous l'évoquez, expire en juin prochain.

Quant à la RN 4 entre l'Île-de-France et Toul, des investissements importants sont en cours. Là encore, la relance, décidée par le Premier ministre, permettra notamment de lancer les travaux de la déviation de Fère-Champenoise. L'éligibilité au FCTVA des fonds de concours doit permettre aux collectivités locales d'en faire bénéficier les travaux routiers. Cette décision leur appartient, et je les encourage vivement dans ce sens.

Quant au péage sur la RN 4, je ne suis pas sûr que la question soit à l'ordre du jour. Je ne connais pas une telle demande, en tout cas des élus concernés d'Île-de-France ou de Champagne-Ardenne. Mais les débats qui auront lieu dans les jours à venir nous permettront peut-être d'avoir des éclaircissements sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon. Messieurs les ministres, ma question porte sur le financement d'opérations ferroviaires à réaliser à Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne, opérations qui s'inscrivent dans le vaste projet de renouvellement urbain des quartiers de la communauté d'agglomération Melun-Val-de-Seine.

Ces opérations ont fait l'objet d'une étude menée par Réseau ferré de France qui accompagne la ville et la communauté dans son opération de renouvellement urbain.

Il s'agit du déplacement de la gare de Vosves à Dammarie-les-Lys sans déviation du tracé ferroviaire, de la suppression du passage à niveau n° 15 et de son remplacement par un passage piéton, et de la suppression du passage à niveau n° 18 et de son remplacement par un franchissement dénivelé à fonctionnalité identique.

Ces aménagements étaient prévus au cahier des charges de la tangentielle Ouest-Sud, programme inscrit dans le contrat de Plan État-région 2000-2006, aujourd'hui remis en cause pour des raisons financières et des blocages au niveau du département de l'Essonne.

Le projet de renouvellement urbain de Dammarie-les-Lys, qui est parfaitement défini aujourd'hui, nécessite, outre le déplacement de la gare, d'autres franchissements sécurisés : le prolongement à environ vingt-cinq mètres du pont-rail en substitution de la suppression du passage à niveau n° 18 au mail Jean Moulin ; la réalisation d'un passage piéton dénivelé en lieu et place du passage à niveau n° 16, afin de permettre aux nombreux utilisateurs des infrastructures sportives des bords de Seine de s'y rendre en toute sécurité ; la réalisation d'un passage routier dénivelé en remplacement du passage à niveau n° 17, afin de reconquérir une friche industrielle de près de cent hectares pour du logement, des activités tertiaires et des loisirs. Une première tranche de vingt à vingt-cinq hectares, inscrite dans le dossier ANRU, est prévue pour 2008.

Vous comprendrez, messieurs les ministres, que l'enjeu est d'importance pour l'agglomération chef-lieu du département de Seine-et-Marne. La création d'une gare sur la commune de Dammarie-les-Lys, où 2 500 voyageurs entrants sont attendus par jour, contribuera bien sûr à l'amélioration des déplacements. Elle confortera également l'attractivité de ce nouveau quartier en termes d'habitat, d'entreprises et d'emplois.

Les élus de l'agglomération melunaise ont conçu ce projet de renouvellement urbain à l'unanimité, dans le strict respect des obligations et des objectifs définis par la loi urbanisme et habitat et par le plan de cohésion sociale. Ces actions de développement doivent en même temps s'accompagner de la réalisation des infrastructures de transports, faute de quoi de nouveaux déséquilibres sont à craindre.

C'est pourquoi, messieurs les ministres, je vous demande s'il est possible, sans attendre la reprise du projet de la tangentielle Ouest-Sud, d'affecter une partie des crédits inscrits dans le contrat de Plan État-région 2000-2006 à ces aménagements très attendus par les habitants de l'agglomération melunaise, sans oublier bien sûr le financement des opérations visant à améliorer l'accueil, la sécurisation et le confort des usagers sur les tronçons existants, à savoir la rénovation et la sécurisation des bâtiments voyageurs et le changement du matériel roulant.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, vous évoquez en effet un très grand projet, la tangentielle Ouest-Sud - aucun sens n'est privilégié dans ce projet, bien évidemment - qui est inscrit au contrat de Plan pour un montant de 381 millions d'euros, soit 305 millions d'euros pour la partie Ouest et 76 millions d'euros pour la partie Sud.

Il se trouve que les estimations actuelles du projet dépassent largement l'enveloppe inscrite au contrat de Plan. Les dernières études aboutissent à un chiffrage de l'ordre de 1 500 millions d'euros, soit sensiblement plus que les inscriptions au contrat de Plan.

Dans ces conditions, le STIF, le syndicat des transports d'Île-de-France, a décidé de rechercher des phasages possibles du projet, ainsi que d'autres possibilités de financement.

Je peux vous confirmer que le déplacement de la gare de Vosves à Dammarie-les-Lys et la suppression des passages à niveau nos 15 et 18 pourront être réalisés par phases et financés dans le cadre du contrat de Plan. Il appartiendra au STIF de mettre ces opérations en cohérence avec un projet plus global compatible avec les enveloppes prévues et de le proposer aux financeurs du contrat de Plan au nombre desquels figure l'État.

Des aménagements complémentaires, comme le remplacement des passages à niveau nos 16 et 17 ou le prolongement du pont-rail au mail Jean Moulin que vous avez mentionné, présentent un intérêt indéniable sur le plan de l'urbanisme, mais ils doivent faire l'objet de financements complémentaires car ils ne participent pas aux projets ferroviaires stricto sensu. Ces financements pourraient être mis en œuvre dans le cadre du schéma directeur du RER D en cours d'élaboration ou du programme de mise en sécurité des passages à niveau, voire d'un projet de plan local de déplacements d'axe ou de pôle. L'État ne peut être que favorable à ces propositions.

Mais, plus que la SNCF ou RFF qui sont maîtres d'ouvrage des travaux, il me semble que c'est plutôt au STIF de décider de l'opportunité de tel ou tel aménagement intégrant le plus finement possible les préoccupations des collectivités territoriales. La décentralisation du STIF devrait pouvoir répondre à cette attente, en permettant à chacun de prendre position par rapport à ces grands projets, en liaison étroite avec les collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur un dossier qui tient à cœur de tous les élus parisiens et d'une grande partie des 100 000 habitants qui résident le long des trente-cinq kilomètres du périphérique de la capitale.

En 2000, quatre tronçons du périphérique ont été inscrits dans le contrat de Plan État-région 2000-2006 pour bénéficier d'une couverture. Il s'agissait de la Porte de Vanves, de la Porte des Ternes, de la Porte de Champerret et de la Porte des Lilas. Pour tous les habitants qui logent à proximité, c'était une formidable nouvelle, tant les nuisances sonores subies et qui sont largement supérieures à soixante-dix décibels, sont inacceptables pour la vie quotidienne. Que dire de l'école et de la crèche qui sont situées à proximité immédiate du périphérique dans le xviiè arrondissement ? Et je ne parle même pas, évidemment, des effets de la pollution.

Des études préliminaires d'acoustique et de faisabilité technique ont été achevées en 2001 sur l'ensemble des secteurs. La première phase de concertation préalable s'est déroulée au quatrième trimestre 2001 avec la tenue de deux réunions publiques et d'une exposition intermédiaire en mairie pour chaque opération.

Le bilan de cette première phase de concertation a été approuvé par le Conseil de Paris le 8 avril 2002, permettant le lancement des marchés de maîtrise d'œuvre et de conception des ouvrages, ainsi que la poursuite des études sur les aménagements de surface. Des groupements de bureaux d'études et d'architectes ont été retenus en 2002 et les études d'avant-projet ont été menées en octobre 2002 et mai 2003.

Mais voilà que, de mai à juin 2004, deux enquêtes publiques seulement ont eu lieu, l'une pour la Porte de Vanves, l'autre pour la Porte des Lilas. De la Porte de Champerret et de la Porte des Ternes, il n'est plus question. Elles ont, semble-t-il, tout simplement été oubliées par la Ville de Paris. En tant qu'élue parisienne et maire du xviiè arrondissement, ce décrochage m'interpelle.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, j'avais obtenu, en 2002, que soit ajoutée au projet la portion Porte de Villiers, ce qui permettra la construction d'un tunnel d'un seul tenant allant de la Porte de Champerret à la Porte des Ternes. Est-ce la justification, bien pratique alors, de ce décalage ? Je ne peux le croire.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les engagements de l'État sur ce dossier et savoir si le contrat de Plan État-région est bien respecté. Lors d'un déplacement en province le 5 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé que 300 millions d'euros allaient être débloqués au bénéfice des contrats de Plan. L'opération de couverture du périphérique pourrait-elle bénéficier de cette rallonge ? En tout cas, je vous remercie des réponses que vous pourrez apporter à une inquiétude bien légitime que j'exprime au nom de nombre d'élus de Paris.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame la députée, l'État est engagé sur la couverture du périphérique à hauteur de 60 millions d'euros sur les trois secteurs que sont la Porte des Lilas, la Porte de Vanves et la Porte de Champerret. La mairie de Paris, qui assure la maîtrise d'ouvrage, a déposé un dossier qui est en cours d'instruction sur les seuls secteurs de la Porte des Lilas et de la Porte de Vanves.

S'agissant de la Porte de Champerret, le dossier n'est pas prêt, d'après les informations transmises par la Ville de Paris elle-même. D'après le maître d'ouvrage, d'un point de vue technique donc, le lancement des travaux sur ce secteur n'est pas envisagé en 2005. Aussi la question de la subvention de l'État ne se pose-t-elle pas actuellement.

Il me paraît souhaitable qu'une concertation s'engage entre la Ville et les autres partenaires sur ce programme, lourd d'un point de vue financier, afin de mieux coordonner l'action du maître d'ouvrage, qui maîtrise l'horloge technique, et les partenaires financiers, au premier rang desquels figure l'État, et de mieux évaluer la programmation de ce dossier. En tout cas, s'il était prêt, nous pourrions imaginer de mobiliser une partie des 300 millions d'autorisations de programme et des 150 millions de crédits de paiement pour faire avancer le tronçon de la Porte de Champerret.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour poser sa seconde question.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet qui alimente bien des conversations, à savoir l'argent des radars.

Mme Odile Saugues. La cagnotte !

M. François-Michel Gonnot. Très bonne question !

M. Marc Le Fur. Combien coûtent les radars ? Combien rapportent-ils ? Où va l'argent ? Telles sont les questions que nous posent nos compatriotes.

Sur les 1 000 radars prévus, 450 sont installés. Ils contribuent à la répression des délits routiers. Parfois, on peut juger que cette répression est excessive. À cet égard, j'avais évoqué dans mon rapport sur le budget du ministère de l'intérieur une sanction à 111 kilomètres-heure, alors que la limitation de vitesse était de 110. Mais là n'est pas la question. L'essentiel, c'est que cet élément contribue, avec d'autres, à réduire le nombre de décès sur les routes. 2 000 morts en moins, cela fait 2 000 victimes en moins. Voilà un des grands acquis de notre société.

Combien coûtent les radars ? 91 millions d'euros aujourd'hui. À terme, la dépense devrait être légèrement supérieure à 200 millions d'euros. Jusqu'à présent, cette dépense relevait du ministère de l'intérieur. Dès l'année prochaine, elle sera financée par votre ministère.

Combien rapportent les radars ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pour l'instant, ils coûtent !

M. Marc Le Fur. Lorsque les mille radars seront installés, ils devraient rapporter la somme considérable de 375 millions d'euros.

Où va l'argent ? Il avait été décidé très explicitement que les radars seraient payés par les radars, mais, en fait, ils seront intégralement financés dès 2005. Il faut également tordre le cou à une idée qui se répand parfois mais qui est sans fondement, selon laquelle l'argent des radars irait au prescripteur. À l'évidence, il n'en est rien, et heureusement !

La meilleure façon de faire évoluer les choses, me semble-t-il, est de démontrer que l'argent prélevé sur l'usager de la route doit bénéficier d'une manière ou d'une autre à la sécurité routière. L'argent peut servir à financer des équipements routiers, des secours sur la route, des centres spécialisés pour soigner les grands traumatisés de la route, ou encore - et cette idée intéressante se développe - à la prévention et à l'éducation routière.

Comme l'avait excellemment dit Hervé Mariton, il convient d'établir un lien précis et objectif entre l'argent pris à l'usager, même dans des situations désagréables, et son affectation à des opérations très clairement identifiées à la sécurité routière.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je vous remercie de votre question, monsieur Le Fur. Elle me donne l'occasion de couper court à certaine rumeur selon laquelle les radars seraient un véritable jackpot pour renflouer les caisses de l'État. Il n'en est rien !

L'article 9 de la loi du 12 juin 2003 relative au renforcement de la lutte contre la violence routière que vous avez votée - ce dont je vous remercie - précise que, pendant trois ans, c'est-à-dire de 2004 à 2006, le produit des amendes perçues par la voie des systèmes automatiques sera versé au budget général de l'État. À ce jour, les 208 radars qui sont installés ont généré un produit de l'ordre de 86 millions d'euros, avec pour contrepartie des engagements juridiques qui se montent à 91 240 000 euros. Nous sommes donc toujours en déficit, sans parler des dépenses de fonctionnement : le système emploie des dizaines de personnes - auparavant, elles étaient à Lille, maintenant, elles sont à Rennes. Le budget nécessaire pour la réalisation du programme des « 1 000 radars » d'ici à 2005 s'établit à 189 millions d'euros : 84 millions au titre de 2004 et 105 millions pour 2005. Lors du comité interministériel de la sécurité routière, le 13 janvier 2004, le Premier ministre a annoncé qu'après financement des investissements et des dépenses induites par le système lui-même, le surplus du produit des amendes serait affecté à des actions de sécurité routière suivant des modalités qui restent à définir. Le bilan étant encore négatif, nous avons encore le temps.

Parallèlement, votre excellent collègue Jean-Michel Bertrand s'est vu confier par le Premier ministre une mission pour améliorer l'accessibilité au permis de conduire. Les deux questions peuvent être reliées.

S'agissant du rapport sur les conditions d'utilisation du produit des amendes engendrées par les infractions au code de la route prévu par l'article 10 de la même loi, le ministère des finances et celui de l'intérieur y travaillent.

J'espère qu'avec cette réponse, les choses sont tout à fait claires, monsieur Le Fur. Je souhaite avant tout voir le produit des amendes baisser, ce qui signifierait que les conducteurs roulent moins vite. Mais, si surplus il y a, le Premier ministre s'est engagé à l'affecter à la sécurité routière. Nous en discuterons le moment venu.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, j'ai attiré votre attention sur le respect des engagements pris par l'État au titre du volet routier du contrat de plan État-région. J'ai bien noté la rallonge de 300 millions d'euros en autorisations de programme et de 150 millions en crédits de paiement. Malgré tout, j'éprouve encore quelque crainte quant au réajustement des crédits en Gironde, qui font apparaître, pour l'année 2005, une insuffisance de nature à retarder le démarrage des travaux du carrefour giratoire de Césarée, à Gujan-Mestras, sur l'A 660.

L'avant-projet sommaire a proposé un phasage : d'abord, les carrefours giratoires, puis le doublement de la voie. Aujourd'hui, le dossier est prêt et l'appel d'offres peut être lancé pour la première phase.

Je rappelle, si nécessaire, l'importance de ces infrastructures, qui font l'objet d'un consensus : le flux quotidien est de 25 000 voitures, compte tenu du développement du Sud du bassin d'Arcachon. Ce segment fait partie de ce qu'on appelle la « route des lasers », qui relie Bordeaux à Arcachon, et qui dessert le laser mégajoule du Barp...

M. Henri Emmanuelli. Et les Landes !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous avez raison, monsieur Emmanuelli.

Il serait bon que l'État soit cohérent dans son action. Il ne peut pas demander aux élus locaux d'engager des frais, de réaliser des zones d'activités pour accueillir toutes les entreprises qui profitent des retombées économiques du laser mégajoule, sans tenir ses propres engagements, d'autant que sa part est extrêmement faible, puisqu'elle représente pour le carrefour 400 000 euros seulement.

Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, et nous indiquer un délai pour la réalisation de cette opération qui est inscrite dans le douzième contrat de Plan État-région pour 13,6 millions d'euros ? Même modeste, la part de l'État est indispensable et elle est très attendue, tant par les élus locaux que par les habitants. Obtenir une assurance à cet égard permettrait de lancer l'appel d'offres.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame des Esgaulx, pour ce qui concerne le volet routier du contrat de Plan État-région Aquitaine dans le département de la Gironde, et en particulier l'aménagement à deux fois deux voies de l'A660 entre Le Teich et La Hume, il a été décidé, au moment de l'élaboration de l'avant-projet sommaire, de réaliser dans un premier temps le carrefour giratoire de Césarée, avant d'engager l'élargissement à deux fois deux voies. Cette opération, programmée en 2004, il est vrai, n'a pas pu être engagée compte tenu des contraintes budgétaires. Mais, dans sa grande sagesse, le Premier ministre a annoncé une relance la semaine dernière, et je suis heureux de vous informer, en espérant vous procurer une agréable surprise, que les travaux seront lancés dès 2005.

M. François-Michel Gonnot. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Christian Philip.

M. Christian Philip. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous me permettrez de revenir sur la réforme souhaitée tendant à la dépénalisation et à la décentralisation du stationnement payant sur voirie.

Je sais que le sujet a déjà été abordé, mais il s'agit d'une évolution importante et urgente. Loin d'être une idée fixe de votre serviteur, cette réforme est réclamée par l'ensemble des grandes associations d'élus, généralistes ou spécialisées dans les problèmes de déplacements. Vous nous avez déjà objecté que certains problèmes techniques demandaient encore réflexion. Mais ils me semblent avoir été résolus depuis quelques mois, qu'il s'agisse des difficultés du ministère de la justice ou de certaines catégories d'agglomération, ou même des obstacles budgétaires, puisque nous proposons de rémunérer la consultation du fichier d'immatriculation des véhicules, c'est-à-dire d'offrir une compensation à l'État. Je n'ignore pas non plus que vous avez confié à des inspecteurs généraux une mission pour comparer cette proposition avec une réforme visant à rendre plus performant le recouvrement par l'État des contraventions. Mais, à mon sens, le sujet n'est pas là.

Le but recherché est de donner à nos agglomérations une compétence réelle sur l'ensemble des questions de déplacement, y compris le stationnement. Même si on peut le considérer comme un appendice, il a son importance dans la maîtrise des déplacements.

Par ailleurs, les contraintes budgétaires de l'État ne permettent malheureusement pas de subventionner autant qu'il le faudrait les grands projets de transport collectif. Les collectivités doivent donc trouver d'autres ressources, sachant que leur liberté restera entière en la matière : elles décideront de l'affectation des sommes recueillies dans le cadre du plan de déplacements urbains.

Le Gouvernement peut-il s'engager à mettre en œuvre cette réforme le 1er janvier 2006 ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, vous avez attaché votre nom à un projet de réforme du stationnement payant dans nos collectivités qui recueille une opinion assez largement favorable auprès des élus locaux. En effet, l'idée est fort intéressante dans la mesure où sa mise en œuvre permettrait une politique locale plus active en la matière, au bénéfice du financement des transports collectifs. Sur le principe, beaucoup vous rejoignent et considèrent qu'il s'agirait d'une amélioration considérable.

Comme je l'ai indiqué en début de séance, une réforme de cette ampleur soulève des obstacles d'ordre pratique qu'il faut lever. Ainsi, les ministères de l'intérieur, de la justice, de l'économie et des finances doivent vérifier certains points avant de se prononcer sur la faisabilité de cette réforme. La question du recouvrement, par exemple, est importante et sensible, de même que celle du contentieux dont chacun sait que c'est un contentieux de masse. Elles méritent un examen approfondi. Le Gouvernement a demandé à plusieurs corps d'inspection - équipement, intérieur, justice, économie et finances - de nous remettre un rapport de faisabilité à un horizon très proche. Une fois que nous l'aurons eu, nous nous prononcerons et nous vous ferons savoir si le Gouvernement prend à son compte la réforme que vous proposez.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits inscrits à la ligne « Équipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits de l'aménagement du territoire.

Toutefois, en accord avec la commission des finances, je vais maintenant appeler un amendement portant sur les crédits des transports et de la sécurité routière, ainsi que trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 73.

Équipement, transports,
aménagement du territoire,
tourisme et mer

II. - Transports et sécurité routière

M. le président. L'amendement n° 113 tend à réduire les autorisations de programme du titre VI de l'état C, concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : II. - Transports et sécurité routière.

La parole est à M. Jean Pierre Grand, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Pierre Grand. L'amendement n° 113 a pour objet de rétablir, en ce qui concerne les aides de l'État, une égalité de traitement entre les transports en commun en site propre d'Île-de-France et de province. Ces modes de transports, et au premier chef les nouvelles lignes de tramway, répondent à un double objectif environnemental de développement durable urbain et de protection de l'environnement, en préservant la qualité de l'air.

Les transports en commun en site propre s'intègrent souvent au projet, symbolique pour les agglomérations françaises, des plans de déplacements urbains. Ils participent à la répartition et à la gestion équilibrées de la croissance démographique et économique.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, ils permettent également, en favorisant la mixité urbaine et sociale sur leurs trajets, de répondre dans les meilleures conditions aux exigences de la loi SRU.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je réclame une égalité de traitement entre Paris et la province, comme je l'ai demandé pour les communes entre elles en province.

N'ayant pas été très satisfait de la réponse que vous m'avez faite tout à l'heure, je rappelle que l'examen des dotations accordées pour les transports en commun en site propre de province révèle que les agglomérations dont le revenu par habitant est le plus faible sont celles qui sont les moins aidées et, a contrario, que celles qui ont le plus fort potentiel sont les plus aidées.

M. François Liberti. On ne prête qu'aux riches !

M. Jean-Pierre Grand. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous reveniez sur la réponse qui m'a été faite sur le traitement des lignes de province car ma conception de la République n'est pas celle-là.

M. Henri Emmanuelli. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'équipement et les transports terrestres, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 113.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'équipement et les transports terrestres. L'amendement n'a pas été examiné en commission, mais il reprend une logique explicitée dans le rapport et que Christian Philip vient d'exposer. Rendre les agglomérations responsables de leur politique de déplacements est une idée qui se défend tout à fait. Elle peut justifier une diminution, voire une disparition, de l'aide aux transports en site propre des villes de province. Même si tout le monde n'est pas de mon avis, un tel projet serait cohérent à condition, d'une part, que soient envisagés des modes alternatifs de financement et, d'autre part, qu'il n'y ait pas d'inégalité entre l'Île-de-France et la province.

On peut se rallier au choix du Gouvernement, et que nous avons entériné l'an dernier, s'agissant des transports en site propre en province, mais il subsiste une inégalité à l'avantage de l'Île-de-France, que je trouve fâcheuse.

Notre collègue apporte une solution qui poserait de sérieuses difficultés à cette région. Mais son amendement a le mérite de rappeler que le système est aujourd'hui très inégal.

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les transports aériens.

Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les transports aériens. Cet amendement tend à déshabiller Pierre pour habiller Paul, puisqu'il vise à supprimer des aides de l'État aux transports publics de l'Île-de-France au profit des transports publics de province. Chacun cherche naturellement des financements. Mais mettre en difficulté les transports d'Île-de-France pour tenter de compenser la carence de l'État en province représente-t-il vraiment une solution ? Convient-il d'annoncer le retrait brutal de l'État de tels financements, dont certains correspondent à des engagements ? Une telle méthode serait fâcheuse. Mon groupe votera contre un tel amendement.

M. Marc Le Fur. Vous êtes au banc de la commission ! Vous n'avez pas à parler au nom de votre groupe.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Grand pour une raison évidente : la suppression des crédits pour les transports d'Île-de-France serait très lourde de conséquences pratiques. C'est une raison suffisante pour le rejeter.

Nul n'ignore que les difficultés en matière de circulation et de transports croissent de manière exponentielle avec la taille des agglomérations. C'est particulièrement vrai en Île-de-France, dont chacun connaît la spécificité en matière de transports en commun : 66 % des transports urbains y sont concentrés. Une telle situation justifie le maintien de l'intervention de l'État à son niveau actuel. Nous sommes dans une phase de rééquilibrage, notamment en ce qui concerne les crédits ferroviaires des contrats de Plan. Ces crédits n'en restent pas moins nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy. Si l'amendement ne commençait pas par réduire de 48 millions d'euros les autorisations de programme, nous n'y serions pas opposés. Mais on ne peut considérer que l'aide de l'État aux transports en commun d'Île-de-France est trop importante.

Voilà trente et un ans - depuis 1973 ! - que la ville de Grenoble, refusant toute discrimination entre l'Île-de-France et la province, défend l'idée d'une égalité de traitement. Les communes qui accomplissent des efforts considérables en vue de développer les transports publics urbains doivent profiter, de la même manière que l'Île-de-France, de la contribution de l'État. Un certain stade de développement des transports publics urbains appelle des aides de l'État.

Si tel était l'objectif de l'amendement, nous le voterions volontiers. En revanche, nous nous refusons à déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Notre collègue Christian Philip sourit lui-même, sachant qu'il ne votera pas pour un tel amendement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que la suppression des 48 millions d'euros d'autorisation de programme aux transports en commun en site propre en Île-de-France aurait de fâcheuses conséquences.

La même logique s'applique en province. La suppression des crédits pour la province a créé un énorme problème !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous ne les avons pas supprimés, puisqu'ils n'existaient pas.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir rétablir les crédits au bénéfice de la province, auquel cas cet amendement perdrait toute raison d'être.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Notre collègue a déposé un amendement d'appel...

M. Jean-Pierre Grand. Et de très mauvaise humeur !

M. Michel Bouvard. ...afin d'attirer l'attention du Gouvernement sur le financement des transports urbains en site propre dans les villes de province. Il est vrai que les subventions en faveur de ces derniers ont régulièrement décliné au fil des années. Le Gouvernement a mis en place un dispositif auprès de la Caisse des dépôts et consignations...

M. Henri Emmanuelli. Un palliatif !

M. Michel Bouvard. ...dont l'intérêt est réel - vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État.

En tout état de cause, aux yeux du groupe UMP, le problème du financement des transports urbains de province ne saurait évidemment être résolu par la suppression des crédits pour les transports urbains en Île-de-France, région dans laquelle vit une grande partie de la population du pays. Le groupe UMP ne pourrait donc pas voter pour un tel amendement. Toutefois, il souhaite appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur les véritables besoins en financement des infrastructures en site propre en province, auxquels s'attachent des enjeux majeurs en termes de qualité de vie et de lutte contre la pollution.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Comme l'a fort justement laissé entendre Michel Bouvard, il s'agit d'un amendement de très mauvaise humeur. Le dossier est ouvert. Je ne peux imaginer une seconde que l'État ne participe à la construction du tramway de Montpellier qu'à hauteur de 1 % ! Ma conception de l'État s'y refuse !

Je retire mon amendement.

M. Henri Emmanuelli. C'est dommage !

M. le président. L'amendement n° 113 est retiré.

Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 73.

Après l'article 73

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 144 deuxième rectification.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial pour l'équipement et les transports terrestres. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé les travaux tout à fait remarquables de M. Christian Philip qui ont conduit au dépôt de cet amendement. Celui-ci est fondé sur la mise en œuvre d'un principe simple.

M. Henri Emmanuelli. Bravo ! Il a compris !

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial pour l'équipement et les transports terrestres. Ce principe, déjà évoqué ce matin et autour duquel nous tournons depuis quelques minutes, a trait à la compétence des communes en matière de déplacements urbains et à leur financement. En toute cohérence, de tels déplacements, relevant d'un service public local, appellent une compétence locale et des financements locaux.

L'amendement vise donc à donner aux communes, à leurs groupements ou aux syndicats mixtes la compétence du stationnement, de son tarif et de la redevance à acquitter en cas d'absence ou d'insuffisance de paiement du droit de stationnement. Un tel principe, par-delà sa cohérence, ouvre une capacité de financement supplémentaire aux collectivités locales.

Certes, cela a été rappelé, une étude sur le sujet est en cours depuis plusieurs mois. Mais, cela a été également rappelé à l'occasion de la question de Marc Le Fur, le Parlement avait voté en juin 2003 une demande de rapport au Gouvernement sur l'affectation du produit des amendes. Or ce rapport, bien qu'inscrit dans la loi, ne lui a pas encore été transmis ! Faute d'un éclairage complet sur l'affectation du produit des amendes, le plus simple pour le Parlement est donc de décider lui-même de la manière dont, en cohérence et en intelligence, une part de ce produit sera affectée.

Notre collègue Christian Philip, qui a considérablement travaillé sur la question, pourra, avec votre autorisation, monsieur le président, poursuivre la présentation de l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Philip.

M. Christian Philip. Cette réforme, je le répète, est d'autant plus urgente que, comme en témoignait l'amendement précédent, en province, nombre de collectivités sont confrontées à de graves problèmes de financement dans la mise en œuvre de leurs projets d'aménagement qui les contraignent à retarder leurs travaux. L'amendement vise à répondre à l'urgence de la situation.

Les ministères ont eu, à nos yeux, un délai suffisant - un peu plus de six mois - pour réfléchir aux modalités techniques de la mise en application de la réforme que cet amendement propose. Le texte a été corrigé sur la base de leurs suggestions et de celles de toutes les grandes associations d'élus, qui ont été consultées. Il n'y a donc aucune raison d'attendre encore pour présenter cet amendement, qui, s'il est adopté, permettra l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2006.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis pour les transports aériens.

Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis pour les transports aériens. Le mouvement de dépénalisation des amendes de stationnement a été enclenché lorsque Christian Philip a préparé son rapport. Il cherchait alors de l'argent pour compenser - je le répète, mais c'est la réalité - la carence de l'État. La proposition nous a paru intéressante, non pas, à nos yeux, pour compenser la carence de l'État en matière de financement du transport public, mais pour redonner aux communes, à leurs groupements ou aux syndicats mixtes la maîtrise du stationnement au travers de celle de leur PDU, ce qui leur permettrait de conduire une véritable politique de déplacement urbain à l'intérieur de leur périmètre.

Dans le cadre des lois de décentralisation, le groupe socialiste avait déposé un amendement qui rejoignait les propositions formulées par M. Philip. Il est malheureusement passé à la trappe en raison du recours par le Gouvernement à l'article 49-3.

M. François Liberti. Tout à fait !

Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis pour les transports aériens. L'amendement de M. Philip et de M. Mariton nous donne enfin l'occasion d'ouvrir le débat.

Mon groupe déposera cette semaine sur le sujet une proposition de loi que j'ai préparée. Nous partageons non pas les principes qui ont conduit M. Philip à déposer son amendement mais l'objectif visé, qui est d'offrir aux communes tous les moyens institutionnels qui leur permettront de conduire une véritable politique de stationnement.

Mon groupe votera pour cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. J'ai déjà rappelé que la réforme proposée par Christian Philip est intéressante à plus d'un titre, notamment sur le plan financier, puisqu'elle est de nature à apporter des ressources nouvelles aux collectivités territoriales, au profit de leur politique de déplacement urbain et de transports collectifs. Elle constitue également un nouvel instrument au service d'une politique de stationnement payant - d'aucuns ont souligné à juste titre que les amendes, trop uniformes, étaient insuffisamment élevées dans certaines agglomérations et trop élevées dans d'autres.

M. Gilbert Biessy. Il faudrait surtout une véritable politique des transports !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Le Gouvernement rejoint donc les auteurs de l'amendement sur la nécessité de faire évoluer le dispositif.

M. Henri Emmanuelli. Mais...

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Toutefois, vous conviendrez qu'une telle réforme est difficile à mettre en œuvre sur le plan technique.

M. Gilbert Biessy. Faites preuve de courage !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé à quatre corps d'inspection, relevant des quatre ministères directement concernés,...

M. Henri Emmanuelli. Quatre corps d'inspection ? Alors, c'est cuit !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. ...d'établir un rapport sur la mise en œuvre éventuelle d'une telle réforme. (Murmures sur divers bancs.)

Le rapport doit être remis au Gouvernement avant la fin de l'année. L'échéance est donc particulièrement proche.

De plus, l'enjeu budgétaire d'une telle réforme n'est pas négligeable, puisqu'il porte sur plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions d'euros.

C'est pourquoi, tout en réaffirmant le grand intérêt que le Gouvernement porte à votre réforme, monsieur Mariton et monsieur Philip, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, dans l'attente des conclusions de la mission qui a été confiée aux quatre corps d'inspection.

M. Gilbert Biessy. Ah non !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Ces conclusions, je le répète, doivent être rendues avant la fin de l'année.

Dans le cas contraire, le Gouvernement demandera la réserve du vote de cet amendement.

M. Gilbert Biessy. Pour le Gouvernement, la liberté des communes est conditionnelle ! C'est le moins que l'on puisse dire !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial pour l'équipement et les transports terrestres.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial pour l'équipement et les transports terrestres. Nous partageons une approche cohérente et utile en matière de déplacements et de stationnement dans les villes et les agglomérations.

Vous avez donc confié une mission à quatre inspections, messieurs les ministres : quatre inspections, c'est beaucoup, et je crains que cela ne puisse pas nous rassurer quatre fois ! (Sourires.) Quoi qu'il en soit, elles pourront éventuellement aider à préciser ou corriger les dispositions que nous proposons.

Ajoutons que la mise en œuvre, tant du point de vue opérationnel que du point de vue budgétaire, est prévue au 1er janvier 2006. L'adoption de cet amendement n'aurait donc pas de conséquences immédiates sur la loi de finances pour 2005. Après la mission accomplie par M. Philip, après les réflexions et les travaux de nombreuses instances, une affaire qui paraissait déjà mûre lors du débat sur la décentralisation doit l'être au moins autant aujourd'hui ! À un moment où il faut conclure le débat sur le financement des déplacements urbains, il nous paraît utile de voter cet amendement. M. Christian Philip et moi, nous le maintenons.

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. La mesure proposée est raisonnable et apporte de la cohérence dans la gestion des territoires communaux. Globalement, les autorités chargées de l'organisation des transports et les maires sont favorables à ce genre de démarche. Cet amendement mérite non seulement d'être maintenu, mais aussi d'être adopté.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Le groupe UMP soutient cette initiative qui, comme l'a rappelé Hervé Mariton, répond à une attente ancienne et va dans le sens des conclusions du rapport de M. Philip, lesquelles ont recueilli un large consensus. Nous sommes en première lecture : si des imperfections sont détectées dans cet amendement, le Sénat pourra y apporter des corrections. Et nous avons encore un an devant nous avant la mise en œuvre de ces dispositions, ce qui nous donne du temps pour les perfectionner.

En tout état de cause, l'adoption de cet amendement montrerait la volonté du Gouvernement de faire évoluer le régime actuel. L'ensemble des élus locaux, qui sont confrontés dès à présent au problème de la gestion des déplacements et du stationnement, y verrait un signal positif.

M. le président. Le Gouvernement maintient-il sa demande de réserve, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. M. Mariton a lui-même donné la meilleure raison pour ne pas voter son amendement.

Sur le fond, vous avez tous probablement raison, mesdames et messieurs les députés, mais je me méfie des mesures qui ne prennent effet que quinze mois plus tard. Si nous donnons ce signal politique, on va beaucoup espérer dans les chaumières et dans les communes ; or on ne verra rien venir pendant un an. Nous disposerons bientôt d'un rapport technique montrant comment le dispositif pourrait se mettre en place : c'est l'occasion pour nous d'élaborer un système complet, y compris du point de vue opérationnel, qui sera présenté en 2005 et qui, de toute façon, ne sera mis en place qu'en 2006. Vraiment, voter aujourd'hui cet amendement ne ferait que susciter des déceptions une année durant !

M. Henri Emmanuelli. C'est un enterrement de première classe, monsieur Mariton !

M. le président. La demande de réserve, en vertu de l'article 96 du règlement de l'Assemblée, est de droit. Je ne mets donc pas l'amendement aux voix. Il sera soumis à un vote bloqué à la fin de la discussion budgétaire.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 137.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous abordons, avec cet amendement, un dossier très technique, celui de l'allocation temporaire complémentaire - ATC -, versée aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne pendant les huit premières années de leur retraite. Cette allocation est actuellement fixée à 75 % d'une prime perçue par ces fonctionnaires, l'indemnité spéciale de qualification. Elle est financée par les agents eux-mêmes, à partir d'un fonds géré par la Caisse des dépôts et abondé par une cotisation s'élevant à 13 % de cette même indemnité. Ce dispositif, créé par la loi du 29 décembre 1997 modifiant la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, vise à améliorer le taux de remplacement de la pension par rapport aux revenus d'activité de ces personnes lorsqu'elles partent à la retraite, sans modifier les dispositions générales sur les pensions qui leur sont applicables.

L'ATC a permis de porter le taux de remplacement pour les ICNA de 48 à 59 % pendant huit ans. Mais l'application à ce corps de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a provoqué la diminution de ce taux. C'est pourquoi, en accord avec les partenaires sociaux, nous souhaitons renforcer l'allocation temporaire complémentaire, financée, j'y insiste, par les agents. Le Gouvernement ne souhaitant pas remettre en cause l'âge limite de départ à la retraite des ICNA, fixé à cinquante-sept ans pour des raisons bien compréhensibles d'aptitude physique à remplir leur mission de sécurité de la circulation aérienne, la mesure proposée dans l'amendement consiste à majorer l'allocation en la portant, pour les agents partant à la retraite à compter du 1er janvier 2004, à 108 % de l'indemnité spéciale de qualification pendant les huit premières années de la retraite, et à la prolonger pendant cinq ans supplémentaires au taux réduit de 54 % de cette même indemnité. Pour financer cet accroissement, il est proposé de porter la cotisation des ICNA à 24,6 % de l'indemnité spéciale de qualification.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 137.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens. Je fais miens les propos de Didier Migaud, qui, lorsque ce dispositif est venu en discussion, le 18 décembre 1997, regrettait qu'on n'ait pu examiner en commission l'amendement qui le créait. Cette mesure délicate était introduite, là aussi, par un amendement gouvernemental déposé à la fin de la discussion sur la loi de finances rectificative pour 1997 et qui n'a fait pour ainsi dire l'objet d'aucun débat, comme l'atteste le compte rendu.

Ce jour-là, donc, le rapporteur général de la commission des finances, Didier Migaud, après avoir regretté le procédé qui avait empêché la commission d'exprimer un avis, appelait à adopter un amendement portant création d'un objet volant non identifié à caractère social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Était en effet créée une allocation temporaire complémentaire - ATC - destinée à compléter pendant huit ans la retraite issue du régime des pensions civiles de l'État pour les contrôleurs de la navigation aérienne. Son montant était fixé à 75 % de l'indemnité spéciale de qualification, ce qui représente aujourd'hui 640 euros par mois. Le coût global pour 2005 est estimé à 4,4 millions d'euros. L'allocation est financée par une cotisation sur l'ISQ d'environ 13 %, laquelle devrait produire 4,6 millions en 2005, et le fonds est géré par la Caisse des dépôts et consignations. Le dispositif est donc à peu près équilibré.

Pour être tout à fait exact, il faut toutefois remarquer que la cotisation n'équilibre pas tout à fait le régime : le budget de l'aviation civile fournit une petite contribution, à hauteur de 0,5 ou 0,6 million d'euros. Le financement se fait donc à 90 % par la cotisation payée par les intéressés et à 10 % par la contribution de l'État.

Ce dispositif est issu d'une négociation sociale, certes, mais il pose la question du régime des pensions civiles et militaires de l'État : les hauts fonctionnaires perçoivent un salaire indiciaire et des primes plafonnées à 100 % de celui-ci - un calcul astucieux permettant même aux TPG de dépasser ce taux. Quand ils partent à la retraite, leur pension est calculée sur le seul salaire indiciaire et représente, pour une personne sans enfants, 75 % de ce qui n'est parfois que la moitié de la rémunération totale. Les contrôleurs aériens, qui sont dans la même situation, ont demandé la mise en place de ce système qu'ils se payent, si je puis dire, à 90 %. Bien que ma science soit neuve en la matière, j'ai appris que le prélèvement sur l'ISQ est déductible de leurs revenus imposables, dans la mesure où le régime est légalement obligatoire. Ils récupèrent donc une partie de leur cotisation par ce biais.

L'amendement gouvernemental tend à prolonger le dispositif de huit à treize ans - sachant que les contrôleurs aériens prennent généralement leur retraite à cinquante-cinq ans, ou même un peu avant. Il fait passer le taux de cotisation de 13 à 24,6 %, ce qui, d'après les estimations sur trente ans des recettes et des dépenses qu'on vient de me produire, permet l'équilibre du système. Il réévalue enfin le taux de 75 % à 108 % de l'ISQ pendant les huit premières années, faisant donc passer l'ATC de 640 à 930 euros par mois, pour redescendre ensuite à 54 %.

Le dispositif a été négocié dans le cadre d'un protocole, ce qui nous met, en quelque sorte, devant le fait accompli.

On pourrait passer outre car, somme toute, ces agents se payent un système qui permet de lisser la chute de leurs revenus. Mais ne risque-t-on pas de créer un précédent pour d'autres catégories de fonctionnaires se trouvant dans la même situation, tels les hauts fonctionnaires, les DDE, voire, comme on me l'a soufflé, les conseillers maîtres à la Cour des comptes ?

M. le président. Pourriez-vous conclure, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial pour les transports aériens. C'est une affaire compliquée, monsieur le président.

Il existe déjà des systèmes de régime complémentaire : tous les fonctionnaires cotisent à hauteur de 8 % sur leurs primes, dans la limite de 20 % de leur salaire indiciaire, et peuvent adhérer aux quatre régimes de type Préfon, le tout dans une enveloppe globale dont le montant déductible va décroître et sera globalisé. Au regard des règles fiscales, donc, la globalisation rétablit l'égalité entre tous.

Reste le caractère dégressif, sur lequel, à titre personnel, j'ai quelques hésitations. Cependant, étant donné que le régime a été instauré en 1997, et sous réserve que vous vous engagiez, monsieur le ministre, à renégocier avec la Caisse des dépôts la convention de gestion du fonds afin de supprimer la contribution de l'État, je ne m'opposerai pas à cet amendement. Le montant de cette contribution est faible, mais c'est une question de principe. Il s'agit là d'une contribution patronale implicite de 10 %, soit environ 1,3 % de la masse, dont il n'est même pas sûr, d'après les projections qu'on m'a produites, qu'elle soit nécessaire. Si le système est intégralement payé par ses bénéficiaires, je ne m'y oppose pas.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je peux certes examiner si ces fonctionnaires peuvent payer en totalité le dispositif, mais l'essentiel n'est pas là. Il s'agit d'une profession particulière, et la tension au travail justifie que le départ en retraite se fasse plus tôt que pour d'autres catégories. La part des primes dans leur rémunération est très élevée, si bien que la retraite, calculée sur le salaire indiciaire, est plus faible. Un régime complémentaire est donc nécessaire.

Il est vrai, monsieur de Courson, que la cotisation est déductible, mais la retraite complémentaire sera soumise à l'impôt sur le revenu. Ainsi, l'État pourra se rattraper.

Vous craignez la contagion, mais les autres agents ne partent pas en retraite à cinquante-sept ans. Il s'agit d'un métier spécifique. On ne crée pas un dispositif nouveau, on ajuste simplement le dispositif existant dans lequel les bénéficiaires sont les cotisants.

Je ne trouve pas immoral cet amendement. Si je l'avais cru, je ne vous l'aurais pas présenté.

M. Henri Emmanuelli. Qu'en pensent les bénéficiaires ?

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les subtilités de la mesure, mais je ne demanderai pas une suspension de séance au nom de mon groupe pour obtenir des explications complémentaires. (Sourires.) Nous faisons confiance au Gouvernement. Nous avons bien compris qu'il s'agissait d'une mesure spécifique, financée - ce qui est important - par les salariés concernés. On peut espérer que cette mesure n'aura pas d'effet ultérieur.

Je préfère d'ailleurs ce dispositif à ceux qui ont été adoptés voilà quelques semaines dans d'autres secteurs de la fonction publique, et qui accordent des avantages de retraite dont le financement n'est pas assuré par les personnes concernées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pour être un peu plus précis, j'ajouterai, monsieur de Courson, que nous allons examiner si l'on peut atteindre l'équilibre dans la situation actuelle.

Par ailleurs, j'aurais dû vous préciser que, si les négociations ont été assez dures, il y a maintenant un vrai consensus des partenaires sociaux sur ce dispositif.

M. Henri Emmanuelli. Voilà ce que l'on voulait savoir !

M. Émile Blessig. Il fallait commencer par là !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial pour les transports aériens.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial pour les transports aériens. Certes, mes chers collègues, ce dispositif est le fruit d'une négociation, mais faisons attention à la cohérence de nos positions en matière de retraite.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial pour les transports aériens. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à M. le ministre de préciser s'il était prêt à examiner la possibilité de la suppression de toute dotation du budget de l'aviation civile - même si elle ne représente que 10 % de l'alimentation du fonds -, pour que, sur le principe, on puisse dire que cette mesure n'est pas financée par la solidarité nationale.

Je rappelle que d'autres catégories de fonctionnaires peuvent également partir plus tôt, quitte à avoir un abattement. C'est aussi le cas ici : la plupart des salariés qui partiront à cinquante-sept ans sont entrés vers vingt-deux ou vingt-trois ans, ce qui représente trente-quatre ans de cotisations. Ils auront un abattement de 3 % par an.

Puisque M. le ministre a accepté d'examiner la suppression de toute dotation du BAAC, même symbolique - 5 000 mille ou 7 000 mille euros par an -, je vous invite, mes chers collègues, même si c'est avec une certaine réticence, à voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 71.

La parole est à M. le rapport spécial pour l'équipement et les transports terrestres, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial pour l'équipement et les transports terrestres. La commission des finances a adopté cet amendement, qui demande au Gouvernement de déposer, chaque année, sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, un rapport sur le financement et le fonctionnement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Il s'agit d'obtenir des précisions sur le montant des recettes, et en particulier sur les conditions du recours à l'emprunt et sur la nature des dépenses engagées dans l'année.

Cet amendement vise à garantir au Parlement la capacité de suivre, avec toute la vigilance nécessaire, des crédits débudgétisés.

Il avait été question, dans le projet de création de l'AFITF, que le Parlement vote l'autorisation d'emprunt. Pour différentes raisons, cette voie n'a pas été retenue. On peut le comprendre. Mais il reste indispensable que le Parlement soit informé des différents modes de financement, en particulier des conditions et du niveau de recours à l'emprunt.

L'Agence est un établissement public, créé par décret. Ce sera demain l'élément essentiel de financement de la politique d'infrastructure. Le recours à cet établissement public ne doit pas départir le Parlement de sa nécessaire vigilance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Avis très favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'appelle maintenant les crédits du budget annexe de l'aviation civile.

BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE

M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 50 au titre des services votés du budget annexe de l'aviation civile.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 51 au titre des mesures nouvelles du budget annexe de l'aviation civile.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer concernant l'équipement et les transports, ainsi que des crédits du budget annexe de l'aviation civile.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. le président. Nous abordons la discussion des crédits du ministère des affaires étrangères.

La parole est à M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères et la francophonie.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères et la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, mes chers collègues, les affaires étrangères et la francophonie, enjeux stratégiques pour la France, disposent d'un budget qui ne représente, en définitive, qu'1,58 % du total des dépenses du budget général. On touche manifestement ici au symbolique, qui entretiendra l'image et le rayonnement de la France dans le monde, dont la consistance relève finalement tantôt des succès économiques de l'industrie nationale, tantôt des efforts conjugués de l'ensemble des ministères réunis sous la bannière de l'action extérieure de la France.

Investir dans le symbole est probablement la démarche la plus significative en termes de volonté politique dans une période de disette budgétaire. Lorsque les temps sont durs, on cherche des gisements d'économies là où les dépenses semblent les plus superflues. Or, rares sont les parlementaires, les autorités économiques ou les représentants de l'État qui reviennent d'un déplacement à l'étranger sans témoigner du faste des lieux de la République française, de la qualité des réceptions de l'ambassadeur, voire d'un cérémonial empreint du charme d'un autre temps. Manifestement, en France comme à l'étranger, le Quai d'Orsay sait recevoir. Des revues en parlent, des livres magnifiques mettent en scène cette tradition et, dans d'autres ministères, on trouve parfois de hauts fonctionnaires pour railler ce train de vie qu'ils qualifient bien vite de superflu et qui, selon eux, détonnerait dans une période de disette budgétaire généralisée.

Cette image de faste, reconnue mondialement mais parfois décriée localement en France, prouve le talent des fonctionnaires du Quai d'Orsay. En effet, alors que ce ministère accomplit des efforts sans précédent pour réduire ses coûts de fonctionnement, il maintient très haut l'image de la France dans le monde - qui n'est pas seulement l'image de ses fastes.

Avec un budget de 4,41 milliards d'euros, en augmentation de 1,1 % à périmètre constant, le Quai d'Orsay fait vivre un réseau de 159 représentations diplomatiques françaises à travers le monde, dont les missions sont parfois loin du faste - la mobilisation des diplomates à l'occasion des tensions en Côte d'Ivoire nous le rappelle ces jours-ci plus brutalement que jamais.

En tant que rapporteur spécial des crédits du ministère des affaires étrangères, j'atteste avoir pu constater à plusieurs reprises que le Quai d'Orsay, au-delà des apparences, est en état de mobilisation générale pour résoudre une équation bien connue : comment servir mieux en dépensant moins ?

M. Jacques Myard. Il y a des limites !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial pour les affaires étrangères et la francophonie. Il s'agit, tout d'abord, de redéfinir ses objectifs stratégiques. Le Quai d'Orsay a pris à la lettre la démarche des stratégies ministérielles de réforme voulues par le Gouvernement pour en faire un instrument méthodologique interne, destiné à optimiser son fonctionnement. Ainsi, l'un des grands objectifs qu'il s'est fixé pour 2005 est le rassemblement sur un seul site de ses onze points d'implantation dans la capitale et la proche banlieue, qui soulève à la fois la question de l'optimisation des locaux et celle des ressources humaines.

Par ailleurs, la préfiguration de la future présentation des crédits, qui sera mise en œuvre l'an prochain dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, a aussi été l'occasion pour le ministère d'engager très tôt une réflexion sur l'organisation, qui a fait de ce département ministériel l'un des meilleurs élèves dans la préparation des futurs projets annuels de performance qui se situent pour l'heure au stade des avant-projets.

Parallèlement à ces objectifs stratégiques, le Quai d'Orsay s'est engagé dans une démarche de gains de productivité qu'il convient de saluer. Les crédits de rémunération et de fonctionnement diminuent encore de 1,32 %, après avoir été réduits de 2,37 % en 2004. Ils représentent désormais à peine plus du tiers de la totalité des crédits du ministère, ce qui permet à celui-ci de dégager des moyens d'intervention supplémentaires. La place de la France dans le monde n'est pas seulement une question d'image, de petits fours et de belles demeures, mais elle dépend aussi et surtout de sa politique d'intervention, par le biais des dotations internationales et de l'aide au développement. Or, cette intervention est en hausse, comme l'attestent quelques chiffres : avec 628 millions d'euros, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2004, la France assurera 25 % du financement du Fonds européen de développement. Le Fonds mondial de lutte contre le sida recevra 150 millions d'euros, soit trois fois plus qu'en 2004. La dotation du Fonds de solidarité prioritaire augmente de 34 millions d'euros pour les crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 22 %. Quant aux contrats de désendettement et de développement, le montant qui leur est affecté augmente de 7 millions d'euros, soit de 8 %.

Oui, mes chers collègues, les crédits de l'intervention française sont en hausse, notamment en faveur de la francophonie, dont le rayonnement bénéficie au premier chef de l'apprentissage de la langue française. Ainsi, la baisse des crédits de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger - l'AEFE - n'est qu'optique, grâce aux économies rendues possibles par la transformation du statut des personnels résidents. Comme l'an dernier, le réseau continue à progresser. Pour l'année scolaire 2003-2004, le réseau des établissements français a en effet accueilli près de 157 000 élèves, soit 12 500 de plus que l'année précédente, dans 269 établissements gérés directement par l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ou conventionnés.

Que ce soit dans ses missions ou dans sa gestion, le Quai d'Orsay est donc loin d'être un mystère du passé. Il doit cependant poursuivre son effort d'adaptation, en termes tant de structures que de stratégie. Pour ce qui est de la structure, le Quai d'Orsay est propriétaire de près de 2,4 millions de mètres carrés en France et à l'étranger. Les éléments que j'ai pu rassembler montrent qu'il n'en a encore qu'une appréciation imparfaite et que cette gestion mériterait d'être dynamisée.

Sans être un fervent partisan de nouvelles structures étatiques, je plaide néanmoins pour la création d'un service autonome qui serait en mesure de gérer les biens immobiliers de l'État français à l'étranger, dans une vision patrimoniale et non seulement domaniale.

Pour ce qui est de la stratégie du Quai d'Orsay, si le réseau diplomatique français a une dimension similaire à celle des réseaux des grandes puissances, les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà entamé leur redéploiement en fonction des enjeux que représente l'Extrême-Orient. Je forme donc le vœu que l'accélération du redéploiement diplomatique français, à partir d'un réseau européen trop dense à l'heure de l'Union européenne, préfigure l'engagement permanent de la République française sur la scène internationale à un niveau où l'attendent les nations amies et les Français qui se sont toujours fait une certaine idée de la France.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne détaillerai pas tous les chiffres qui figurent abondamment dans les différents rapports qui vous ont été soumis : je me limiterai à citer ceux qui étayent ma conviction, partagée par la commission des affaires étrangères, que ce budget répond bien aux grandes priorités de ce ministère et indiquent à quelles conditions il nous permettra de tenir nos engagements internationaux.

Pour revenir, tout d'abord, brièvement sur l'exécution du budget de 2004, je rappellerai le scepticisme exprimé sur plusieurs bancs de cette assemblée lorsque j'ai observé que ce budget était satisfaisant et réaliste à condition qu'il puisse échapper à la régulation budgétaire. Le pari que nous avons fait alors de nous arc-bouter sur un budget réaliste était judicieux, car le chef de l'État a demandé au Premier ministre, par une lettre du 10 mars 2004, d'éviter toute nouvelle régulation budgétaire à ce ministère qui a déjà beaucoup donné dans le passé et a souffert, en 2003, d'une régulation budgétaire correspondant à 15 % des dépenses, qui affectait la valeur ajoutée de notre action diplomatique.

Nous devons donc nous estimer satisfaits de l'exécution de ce budget, dont la gestion a pu être, tout au long de l'année, mieux lissée et plus sereine. Il nous reste cependant, pour bien terminer cette année 2004, à obtenir la rallonge budgétaire demandée, qui reçoit le total soutien de notre commission.

Cette rallonge est justifiée parce que la France a dû faire face à des engagements internationaux qui n'étaient pas tous prévisibles en début d'année, notamment la montée en puissance des OMP, les opérations de maintien de la paix des Nations unies, et l'accélération du décaissement du FED. Nous aurons donc besoin, d'ici à la fin de l'année, d'une rallonge budgétaire de l'ordre de 90 millions d'euros, qui, nous le savons, ne pourra pas être totalement obtenue par le simple effet de la parité de l'euro par rapport au dollar. Nous sommes tombés d'accord avec le ministère des affaires étrangères pour considérer qu'une rallonge minimum de 50 millions d'euros sera nécessaire afin de terminer l'année d'une façon tout à fait satisfaisante.

C'est donc sur des bases plus saines, bien que toujours marquées par des contraintes, que nous abordons le budget pour 2005. Avec une aide publique au développement de 0,44 % du PIB, nous tenons nos engagements. Et je pense que chacun ici est bien conscient, dans le contexte que nous connaissons, de l'effort que cela représente.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Venant de 0,31 % en l'an 2000, nous serons unanimes, j'en suis sûr, pour saluer l'effort accompli, d'autant que la moyenne des pays du G 7 fait moitié moins que nous, avec un taux de 0,21 % du PIB.

M. Jacques Myard. C'est scandaleux !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Jérôme Chartier l'a dit, les crédits du FED augmentent de 11 %, avec 628 millions d'euros, ce qui est une somme considérable, et les crédits de paiement du FSP sont accrus de 24 %, avec 174 millions d'euros. Il y avait du retard à rattraper. Nos engagements sont ainsi tenus.

L'effort n'est pas moindre en faveur des Français de l'étranger et des étrangers en France. Je ne prendrai que l'exemple de la réforme de l'asile et des moyens accrus qui ont été donnés à l'OFPRA et à la CRR. Ces moyens ont été pratiquement triplés en trois ans, puisqu'ils sont passés de 17 millions à 46,3 millions d'euros. Le nombre de dossiers en stock a diminué de 34 500 au début de 2002, à 13 800 à la mi-2004. Le stock moyen était de dix mois en 2002, cumulable alors avec une demande d'asile territorial, ce qui n'est plus possible avec la loi du 10 décembre 2003. Vous voyez que, là aussi, les engagements pris seront tenus pour que ces procédures qui ont vocation à accueillir ceux qui ont véritablement besoin de l'asile, ne soient pas détournées, à proportion de 80 % comme c'est le cas, par de fausses demandes cachant des entrées irrégulières sur le territoire.

S'agissant des moyens du ministère - personnel et fonctionnement -, l'effort de rationalisation, entamé d'ailleurs depuis dix ans, se poursuit.

Ainsi, les moyens de fonctionnement diminueront légèrement à périmètre constant, et si le déblocage des 4 millions d'euros supplémentaires sur les recettes de visas est effectif - ce que je crois -, les moyens de fonctionnement progresseraient en réalité de 0,7 %, rythme sensiblement inférieur à l'inflation, mais qui reste gérable, compte tenu des parités prévisibles entre l'euro et le dollar. Il en va de même pour les frais de personnel, en raison du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux et, là aussi, de l'effet de change.

En revanche, le dispositif d'indemnisation de l'expatriation est stabilisé en 2005, contrairement aux rumeurs qui avaient circulé. Il n'y aura donc pas de nouvelle baisse. Au contraire, le mode de fixation des majorations familiales sera, quant à lui, amélioré en 2005.

Pour autant, je pense que le moment est venu d'avoir une vision à plus long terme des moyens de notre diplomatie et, comme l'a écrit le Président de la République, que les « économies réalisées sur certains postes soient redéployées au profit d'autres qui méritent plus de moyens ». Un moyen terme doit donc être trouvé entre le conservatisme, qui n'est pas justifiable, et une vision purement comptable, tout aussi détestable.

M. Jacques Myard et M. Jean-Claude Lefort. Très juste !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Ainsi, s'agissant du réseau diplomatique, les mesures doivent concerner essentiellement la réorganisation des fonctions administratives et de gestion, les fonctions politiques étant souvent exercées avec des effectifs déjà très tendus et peu susceptibles d'être réorganisés. Il est cependant légitime de s'interroger sur la nécessité de disposer de trois représentations permanentes à Bruxelles, de deux à Genève et à Vienne.

Dans le domaine culturel, il est nécessaire de moderniser et de redynamiser un réseau touffu, complexe et coûteux. Il faut repenser la carte des établissements culturels, qu'il s'agisse de leur implantation géographique ou de leur statut juridique, afin d'aboutir à des redistributions de compétences. Votre rapporteur estime que l'action culturelle de la France n'est pas amoindrie, bien au contraire, par un réexamen du rôle des différents établissements présents dans un même pays et qui font souvent doublon. Là encore, ce qui compte, c'est le service rendu, et non pas la pérennisation des outils pour eux-mêmes.

En ce qui concerne le réseau consulaire, il est légitime de prendre en compte, là aussi, les évolutions contemporaines, qui ont modifié le rôle de la protection consulaire. Ainsi, dans l'Union européenne, le rôle des consulats doit évoluer, ceux-ci devant devenir des relais de l'influence française, plutôt que de continuer à assurer des prestations consulaires proprement dites.

Le service des visas a, quant à lui, un déficit d'emplois et d'investissements, et l'exemple des frais de visa est révélateur du traitement dont le ministère des affaires étrangères est trop souvent l'objet. Ainsi, les frais de dossier, qui ne sont nullement une recette fiscale, ont procuré 17,4 millions d'euros supplémentaires en 2004. Le ministère des affaires étrangères n'en a récupéré qu'une très faible partie, qui a suffi simplement à compenser son budget dans ce domaine. Or, ces frais de visa constituent juridiquement une prestation. C'est tout à fait incontestable et toutes les références sur ce point figurent dans mon rapport. Rien ne s'oppose, à leur sujet, à la création d'un fonds de concours.

Dans tous ces domaines, il y a, on le voit, matière à un contrat pluriannuel avec Bercy. Il serait temps que nous ayons une visibilité et qu'au moins une partie des moyens économisés puissent être redistribués là où il y a des besoins émergents nouveaux et des demandes auxquelles il nous faut faire face.

M. Jacques Myard. Il faut l'imposer à Bercy !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Pour l'immédiat, et pour les raisons développées précédemment, notre commission considère, sous les réserves que je vais maintenant exposer, que la loi de finances initiale pour 2005 permet au ministère des affaires étrangères de mener à bien les objectifs ambitieux d'action diplomatique internationale tracés par le Président de la République.

Ces réserves portent sur trois chapitres budgétaires qui pourraient s'avérer insuffisants en cours d'année.

Le premier concerne les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Elles seront reconduites, dans le budget, au niveau de 2004, soit 136 millions d'euros. Or, la projection de la montée en puissance de celles déjà en cours et l'émergence de nouvelles opérations pratiquement programmées ou en train de l'être, fait qu'il faut s'attendre à dépenser plutôt 200 millions de dollars, - environ 164 millions d'euros avec un taux de 1,22 dollar pour 1 euro -, soit un manque de 28 millions d'euros. Dans l'hypothèse haute de création de nouvelles OMP, il pourrait manquer de l'ordre de 70 millions d'euros. Ce chapitre 42-31 est provisionnel, mais cela veut dire qu'il devra être abondé en gestion en cours d'année.

Le deuxième, c'est le FED. La montée en puissance des décaissements est telle que, théoriquement, si tous les fonds étaient appelés parce que les décaissements seraient au maximum, nous pourrions être sollicités à hauteur de 705 millions, soit 77 millions de plus que les 628 millions provisionnés, lesquels représentent déjà 11 millions d'euros de plus qu'en 2004. Je signale au passage que cet engagement de la France pour le Fonds européen de développement, souscrit à Cotonou, nous a fait passer, en quelques années, de 360 millions en 2002, à éventuellement 705 millions en 2005, soit un doublement en trois ans. Là aussi, on mesure l'effort colossal accompli par le budget de la France et par celui des affaires étrangères pour répondre à nos engagements internationaux.

Enfin, le budget des dépenses de coopération militaire et de défense conservera une dette de 11 millions d'euros en 2005, qu'il faudra bien apurer.

Notre commission considère donc que la bonne exécution du budget pour 2005 suppose, comme en 2004, non seulement qu'il soit à l'abri des régulations, mais aussi que la réalité de ses chapitres soit réexaminée en cours d'année, afin de procéder aux abondements nécessaires et sans prélèvement sur le budget existant. Le ministre nous a bien dit en commission qu'il en est conscient et que, en l'occurrence, il a obtenu des engagements pour qu'un budget supplémentaire soit voté le moment venu.

Quelques mots sur la deuxième partie de mon rapport, qui détaille le travail entrepris par le ministère pour moderniser l'action extérieure de l'État.

C'est une satisfaction pour nous d'avoir été entendus sur le découpage des missions du ministère. La mouture définitive nous convient tout à fait. Mais nous n'avons obtenu qu'un demi-succès pour la mission interministérielle « aide au développement ». L'ensemble des parlementaires, y compris ceux de la commission des finances, avaient demandé, dans leur rapport, la création d'une mission « action extérieure de l'État ». Je considère donc que le travail n'est pas fini sur ce point, même si une étape a été franchie.

Nous nous réjouissons également de l'extension du périmètre du ministère des affaires étrangères, avec l'intégration du Fonds sida et des crédits de l'aide alimentaire.

Nous observons également avec intérêt l'expérimentation « budget pays » et de quatre chapitres LOLF.

Nous soutenons le développement de l'approche interministérielle : plan affaires étrangères 2007, plans d'action de l'ambassade, conférence budgétaire placée sous la présidence de l'ambassadeur, et renforcement de la coordination finances-affaires étrangères, dont témoigne notamment la mise en compatibilité des systèmes d'information des deux ministères. Nous suivrons attentivement, dès la mi-décembre, les conclusions de la réflexion sur ces sujets confiée, par M. le Premier ministre, à M. Raymond-François Le Bris.

En résumé et en conclusion, l'année 2004 a montré qu'un budget fortement critiqué au moment du débat parlementaire pouvait répondre aux besoins du ministère des affaires étrangères, à condition d'être réaliste - ce qui est le cas du budget 2005 - et de ne pas être victime de mesures de régulation. Cette approche s'est avérée infiniment plus saine que la mise en œuvre chaotique du budget de 2003. Celui-ci était plus séduisant dans sa présentation, mais avait subi une régulation budgétaire qui avait atteint la valeur ajoutée même de notre outil diplomatique.

Le projet de loi de finances pour 2005 s'inscrit dans la même logique. Votre rapporteur estime donc qu'il peut permettre de répondre aux objectifs de l'action extérieure de la France à trois conditions.

Premièrement, il faut que les dotations votées par le Parlement constituent un minimum incompressible, qu'il n'y ait aucune mesure de régulation, y compris concernant les reports.

Deuxièmement, les services votés en 2005 devront être automatiquement abondés par les dotations votées lors du collectif de fin d'année 2004 : il est donc indispensable qu'une réponse positive soit donnée aux demandes du ministère, et que les dotations supplémentaires pour 2004 ne soient pas compensées par des redéploiements internes.

Troisième condition, les chapitres qui pourraient s'avérer insuffisamment dotés en loi de finances initiale pour 2005, notamment le FED et les opérations de maintien de la paix des Nations unies, devront pouvoir être abondés sans peser sur les autres crédits du ministère, sur lesquels il n'existe pas de marge de manœuvre.

Sous ces réserves, votre rapporteur pour avis vous recommande de suivre son avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les affaires étrangères.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le budget des affaires étrangères, plus particulièrement en ce qui concerne les questions de sécurité et de défense, ainsi que les crédits de la coopération militaire.

Sont prévus, au titre des engagements financiers de la France auprès de l'ONU, un peu moins de 223 millions d'euros pour le budget ordinaire de l'ONU, des institutions spécialisées et des tribunaux internationaux, et un peu plus de 136 millions d'euros pour le budget des opérations de maintien de la paix, ce dernier montant se révélant être un peu juste, comme l'a souligné tout à l'heure mon collègue, par rapport à l'augmentation prévisible du coût des opérations militaires de l'ONU et, par voie de conséquence, de la cotisation française.

Au total, notre pays devrait fournir cette année un effort similaire à celui de 2003 pour le maintien de la paix dans le monde, puisque, au 1er juin 2004, il déployait à cet effet 13 950 soldats contre 14 086 un an plus tôt, la majeure partie de ces opérations étant financées par le ministère de la défense.

En complément de ce soutien à l'ONU, la France apporte un appui résolu à l'édification d'une politique européenne de défense et de sécurité.

La création d'une agence européenne de défense ainsi que la mise en place d'un quartier général européen et de groupes interarmées d'intervention rapide constituent autant d'avancées nouvelles qui confortent les jalons posés lors du sommet européen d'Helsinki en décembre 1999. Il convient à présent de traduire ces engagements par des actes, et d'abord sur le plan budgétaire.

Pour l'instant, le montant engagé par le budget communautaire au titre de la politique étrangère et de sécurité commune s'élève à 62,6 millions d'euros pour 2004. La part de la France avoisinera 12 millions d'euros pour 2004 et 2005. Ces deux budgets sont pour l'instant nettement insuffisants au regard des enjeux.

Le dernier aspect sur lequel je voudrais insister concerne la politique de coopération militaire et de défense, qui, si elle peut paraître moins significative au regard des enjeux précédents, reste pourtant l'un des fondements de l'influence militaire et diplomatique de la France.

Depuis 1998, la coopération militaire et de défense est supervisée par le ministère des affaires étrangères. Ce choix, résultant de l'intégration du ministère de la coopération, avait sa cohérence. Il se trouve néanmoins remis en cause dans les faits, sous les coups de boutoir budgétaires et, corrélativement, par l'importance toujours bien réelle de l'implication sur ce terrain du ministère de la défense.

Le projet de loi de finances initiale pour 2005 dote la direction de la coopération militaire et de défense, la DCMD, d'environ 93,5 millions d'euros, soit un montant équivalent à celui de 2004. Cette stabilité en trompe-l'œil conduira à une perte de moyens, compte tenu de l'inflation et des dettes de la DCMD. J'en veux pour preuve deux exemples concrets.

Le premier concerne le programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, le dispositif RECAMP. Pour leur entraînement et leurs missions, les forces africaines se sont vu accorder des matériels dont les armées françaises n'avaient plus l'usage à l'issue de leur professionnalisation. Le vieillissement de ces équipements et leur emploi dans plusieurs pays rendent nécessaire une reconstitution des stocks, dont le coût oscille entre 50 et 80 millions d'euros. Le budget de la DCMD ne permettant pas un tel investissement, c'est celui de l'Armée de terre qui sera mis à contribution.

Le second exemple porte sur le financement de l'école nationale à vocation régionale de Bamako, qui doit être en activité au second semestre 2006. Le coût de ce projet avoisine 3 millions d'euros, mais la DCMD ne disposera en 2005 que d'un montant de 1,24 million en autorisations de programme et en crédits de paiement, ce qui l'obligera à en étaler la réalisation.

Si l'on ajoute à cette disette budgétaire, les réorientations géographiques décidées lors du conseil de défense du 5 mai 2003, le champ d'action de la DCMD étant désormais réduit à l'Afrique, force est de reconnaître que les leviers du ministère des affaires étrangères en matière de coopération militaire et de défense sont assez faibles, alors que les besoins, dans les ex-Républiques soviétiques, dans les Balkans ou au Moyen-Orient, sont par ailleurs importants.

Enfin, il n'existe aucun dispositif d'évaluation de notre coopération militaire. Pour mémoire, je rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, l'école nationale à vocation régionale de Côte d'Ivoire était considérée comme le fleuron de notre coopération militaire africaine, tout comme nombre des officiers des forces nationales ivoiriennes sont passés par nos écoles. Je pense donc qu'il faudra faire le bilan de cette coopération militaire au vu de la situation de crise que nous connaissons.

Pendant ce temps, la ministre de la défense ne cache plus son souhait de se voir confier la responsabilité exclusive de ce type de coopération, comme elle l'a affirmé le 5 octobre dernier en commission de la défense. J'observe par ailleurs que, pour la première fois, le projet de loi de finances initiale contient un chapitre « Coopération militaire ». Et il n'est pas innocent de la part de la ministre d'y avoir inscrit un montant légèrement supérieur aux crédits de la DCMD.

Personnellement, je pense que la politique de coopération militaire et de défense de la France perdrait en légitimité politique à ce mélange des genres. Hélas, les dispositions du projet de loi de finances initiale pour 2005 me conduisent à douter que le ministère des affaires étrangères partage ce point de vue. Je voudrais donc, monsieur le ministre, que l'examen de ce budget soit l'occasion de me rassurer quant à votre volonté de coordonner tous les outils de la politique extérieure de la France, y compris ceux tenus par les armées.

À défaut de pouvoir suggérer un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère, je m'en étais remis à la sagesse de la commission de la défense. Elle a finalement émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la coopération et le développement.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la coopération et le développement. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre délégué à la coopération, mes chers collègues, il m'appartient donc, pour la troisième fois, de vous présenter les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement. Comme l'an dernier, j'ai souhaité élargir mon propos à l'ensemble de l'aide publique au développement, sans me cantonner strictement aux seuls crédits de la coopération dont le ministère des affaires étrangères a la charge.

Il s'agit d'un champ à la fois plus restreint que les crédits de la coopération - dans la mesure où de nombreuses actions de coopération n'ont pas pour destinataires des pays en voie de développement - et beaucoup plus large : les crédits de coopération ne représentent même pas la moitié de l'aide publique au développement au sens où l'entend le Comité d'aide au développement de l'OCDE, qui, comme vous le savez, est l'enceinte faisant autorité en ce domaine.

Cette extension me semble justifiée à un double titre.

D'abord, elle anticipe la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, puisqu'une mission « Aide publique au développement » est aujourd'hui prévue, composée de deux programmes, l'un géré par le ministère des affaires étrangères et l'autre par celui de l'économie et des finances. D'où ma première question, messieurs les ministres : qui sera le ministre en séance chargé de défendre les crédits de la mission « Aide publique au développement », et si, comme je l'espère, il s'agit du ministre des affaires étrangères ou de celui chargé de la coopération, de quelle autorité disposera-t-il pour présenter les crédits inscrits sur le programme géré par Bercy ? J'ai cru comprendre que, lors de la dernière réunion interministérielle, la primauté était donnée au ministre de la coopération. Mais pour connaître un peu la maison Bercy, je nourris quelques interrogations.

M. Jean-Claude Lefort. Bien légitimes !

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial pour la coopération et le développement. Toutefois, cette extension à l'aide publique au développement a également un sens politique : votre gouvernement, à la suite du Président de la République, s'est engagé à ce que la part du produit intérieur brut consacré par la France à l'aide publique au développement atteigne 0,5 % d'ici à la fin de la législature.

Cet objectif s'inscrit bien sûr dans un cadre international qui est celui des Objectifs du millénaire, définis par la communauté internationale. Malheureusement, comme l'a démontré un récent rapport de la Banque mondiale visant à en assurer le suivi, ces objectifs ambitieux ne seront très probablement pas atteints, faute d'investissements suffisants de la part des pays développés.

Dans ce contexte, qu'en est-il de l'effort de la France ? Optiquement, la remontée est indéniable : après s'être stabilisée à 0,32 % du PIB en 2000 - l'année du plancher -, ce pourcentage remonte depuis trois ans et a atteint 0,4 % en 2003, 2004 devant être une année de stabilité. Pour 2005, vous prévoyez 0,43 %, c'est-à-dire, là encore, une toute petite progression : c'est le niveau que vous envisagiez il y a un an pour 2004 et qui n'a pas été atteint car les annulations de dettes que vous aviez anticipées ont été moins nombreuses que prévu, avec pour conséquence un niveau d'APD moins élevé que prévu.

En effet, depuis quatre ans, le niveau de l'APD est directement lié à celui des annulations de dettes. Elles étaient de 520 millions d'euros en 2000, elles ont atteint 1,842 milliard d'euros en 2003 et devraient s'élever à 2,258 milliards d'euros en 2005. Ces annulations représentaient 12 % de notre effort d'APD en 2000, elles en représentent maintenant presque le tiers ! Or, seules 17 % de ces annulations font l'objet de crédits budgétaires, 40 % étant directement imputés sur le découvert du Trésor et 47 % sur le compte COFACE de l'État.

De nombreuses questions pourraient être soulevées concernant ces annulations. Je me contenterai de trois remarques.

D'abord, la lisibilité budgétaire de ces annulations est particulièrement complexe et obscure, obscurité qui semble parfois entretenue, même si des efforts ont été faits dans le dernier « jaune » budgétaire.

Ensuite, l'effet concret de ces annulations sur la situation des pays en bénéficiant reste très incertain. On constate à tout le moins un décalage entre le montant pris en compte au titre de l'APD et les effets positifs sur les pays concernés.

Enfin, quelle est la réalité de ces dettes qui sont annulées ? Il s'agit pour l'essentiel de dettes commerciales, comme le prouve la part de la COFACE dans ces annulations. Est-il bien légitime de considérer toutes ces annulations comme de l'aide publique au développement ?

M. Jean-Claude Lefort. Très juste !

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécia, pour la coopération et le développement. Le niveau d'APD atteint aujourd'hui par la France est donc, pour l'essentiel, dû aux annulations de dettes. Mais que se passera-t-il quand celles-ci vont commencer à baisser, c'est-à-dire vers 2006, laissant le roi nu, pour ainsi dire ? Il faudra, si l'engagement pris et maintes fois répété par le Président de la République doit être respecté, que les outils classiques de coopération prennent le relais.

Ces outils, du moins ceux que vous maîtrisez, messieurs les ministres, ce sont, pour l'essentiel, les crédits d'intervention de la DGCID, le Fonds de solidarité prioritaire et les dons de l'Agence française de développement. Malheureusement ces trois outils connaissent des évolutions qui ne les rendront pas capables de prendre le relais des annulations de dettes.

Les crédits d'intervention inscrits sur le chapitre 42-15 progressent très légèrement, de 1,7 %, après plusieurs années de baisse. Il s'agit des crédits dont disposent les postes à l'étranger pour mener à bien les actions de coopération culturelle, scientifique et technique. Cette stagnation confirme le sentiment que j'ai pu avoir lors de mes récents déplacements, c'est-à-dire que la prétendue priorité accordée à l'APD n'était pas forcément une réalité sur le terrain.

Les crédits de la coopération décentralisée voient leur dotation baisser de 445 000 euros. Bercy a probablement estimé que, puisque les collectivités locales augmentaient leur contribution, il pouvait diminuer les siennes.

S'agissant du soutien aux organisations de solidarité internationale, les OSI, comme on les appelle, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une augmentation de 3,5 millions d'euros, ce qui est très positif. On est néanmoins encore loin du niveau de 2000 et les séquelles laissées par l'exécution 2003 mettront quelque temps à s'effacer.

On doit, en revanche, regretter la stagnation des contributions volontaires. Si le chapitre 42-32 augmente, c'est exclusivement en raison d'un changement de périmètre puisque la dotation au Fonds Sida est désormais inscrite sur votre budget, monsieur le ministre. Les contributions au HCR, à l'Unicef, quant à elles, stagnent. Il s'agit là d'un vrai problème. Notre pays affiche, dès qu'il le peut, ses convictions multilatérales, mais il rechigne, en pratique, à contribuer aux organismes qui les portent ! Ce décalage est particulièrement flagrant s'agissant du PNUD. La France participe à hauteur de 16 millions d'euros au PNUD, ce qui en fait le onzième contributeur, loin derrière les États-Unis, la Norvège, le Japon, les Pays-Bas ou encore la Suède, pays dont les contributions dépassent les 60 millions de dollars. Dans un accord-cadre signé en mai dernier, le Gouvernement s'est engagé à augmenter cette contribution. J'espère, monsieur le ministre, que vous honorerez cet engagement.

La dotation de 103 millions prévue au titre des contrats de désendettement-développement est sous-évaluée ou surévaluée, selon les sources. J'ai obtenu des chiffres contrastés selon mes interlocuteurs. Mon sentiment est que si le Cameroun ne parvient pas au « point d'achèvement » en 2005, ce qui est malheureusement probable, la dotation inscrite ne sera pas consommée. Il conviendra de veiller à ce qu'elle reste affectée à des outils que vous maîtrisez et à ce que le transfert de charges entre votre ministère et Bercy qui s'est produit cette année, puisque vous avez financé sur vos crédits la dotation au Fonds sida censée incomber à Bercy, ne se reproduise pas l'an prochain.

Les subventions d'investissement augmentent de 6,6 %, mais cette hausse est intégralement consommée par le Fonds européen de développement.

Le Fonds de solidarité prioritaire a traversé, en 2003 et en 2004, une grave crise financière, que vous n'avez pu juguler que par le transfert de 50 millions d'euros destinés à l'Agence française de développement. En 2005, le FSP disposera de 182 millions d'euros de crédits de paiement, soit plus qu'en loi de finances initiale pour 2004, mais moins qu'en exécution. Ce montant sera donc très certainement insuffisant encore en 2005. Quant aux autorisations de programme pour 2005, seuls 104,5 millions d'euros sont prévus : à vouloir réduire les risques de paiement liés à une insuffisance de crédits de paiement, on peut craindre d'aboutir à une réduction drastique du nombre de projets de développement à moyen terme.

L'année 2005 sera celle d'un recentrage du FSP sur différents domaines d'intervention, puisque certaines de ses compétences, telles l'agriculture et la santé, seront transférées à l'AFD. Quelles seront les conséquences budgétaires de ce transfert ? Qui est responsable de la stratégie dans ces domaines ? J'espère que vous pourrez nous le préciser.

Les crédits de paiement inscrits au titre de l'AFD, en baisse de 30 %, atteignent 110 millions d'euros. Seule la bonne santé financière de l'AFD lui permet de surmonter ces réductions de crédits et de maintenir le niveau de sa participation à l'aide publique au développement. Cela durera-t-il ?

Le Fonds européen de développement, quant à lui bien doté, consomme une part croissante des crédits : 226 millions d'euros en 1997, 628 millions inscrits au présent projet de loi de finances. Encore cette dotation ne sera-t-elle pas suffisante, puisque des appels à contribution sont prévus à hauteur de 705 millions d'euros. Comme en 2003 et comme cette année, où des crédits devront être inscrits en loi de finances rectificative, la dotation au FED inscrite en loi de finances initiale sera insuffisante, contraignant la France à payer des indemnités de retard.

Je conclurai en évoquant un point stratégique : le dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement - CICID - a pris, à mes yeux, des décisions presque contradictoires. On veut faire du ministre chargé de la coopération le coordonnateur de nos politiques de développement - ce qui est une bonne chose - et, dans le même temps, on réduit le champ d'intervention du ministère des affaires étrangères au profit de l'AFD, plutôt placée sous la tutelle de Bercy.

Comme le notait le Comité d'aide au développement, dans son évaluation de notre dispositif d'aide au développement, une harmonisation de nos structures est absolument indispensable.

La commission des finances a, contre mon avis, adopté les crédits de la coopération et du développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lefort. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement.

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, l'année 2005 montrera, plus encore que les années précédentes, que la coopération et l'aide au développement sont une ardente obligation.

En effet, se tiendra, en septembre prochain, le grand sommet des Nations unies sur les Objectifs du millénaire, qui dressera un premier bilan de la mise en œuvre de ces objectifs cinq ans après leur définition. Le Royaume-Uni a, par ailleurs, décidé de mettre au cœur de sa présidence du G8, l'an prochain, les questions de développement et l'Afrique.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés qui frappent les pays du Sud, la Côte d'Ivoire en est malheureusement un exemple. Rappelons simplement que plus d'un milliard de personnes vivent, aujourd'hui, dans le plus extrême dénuement. Mes chers collègues, nous ne pouvons ni les délaisser, ni en détourner notre regard.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement. Il s'agit là d'une question non seulement morale, mais aussi politique, car il y va de l'intérêt, partagé avec eux, de ne pas laisser ces peuples à la dérive. La stabilité du monde se joue évidemment sur ces questions de développement liées à l'État de droit. Si elles sont au cœur de l'actualité internationale, c'est, en particulier, grâce aux initiatives du Président de la République. Son intervention à l'ONU, en septembre dernier, a connu un formidable écho. La proposition, présentée avec le Président Lula, de trouver de nouvelles formes de financement pour l'aide au développement, inspirée par le rapport Landau, a ouvert un large débat. Notre pays peut être fier de cette initiative.

Nous sommes amenés aujourd'hui à nous pencher sur les crédits de la coopération et du développement pour 2005. Il n'est pas aujourd'hui toujours facile de cerner avec précision l'état de ces crédits pour deux raisons essentielles. D'une part, ce n'est qu'à la fin de l'exercice budgétaire que l'on connaît la réalité du montant de l'aide publique au développement, certaines dépenses comme l'aide aux étudiants étrangers n'étant connues qu'en fin d'année. D'autre part, l'aide au développement recouvre des réalités diverses : dotations budgétaires, allégements de dettes, crédits du ministère des affaires étrangères, crédits du ministère des finances. La nouvelle configuration des crédits de l'aide au développement dans le cadre de la LOLF ne va pas forcément faciliter les choses : le périmètre délimité pour cette nouvelle mission budgétaire ne recouvre pas tout à fait l'actuel périmètre. À cet égard, je souhaiterais que, l'an prochain, les documents budgétaires, notamment le fascicule «jaune », soient plus clairs. Une meilleure lisibilité est indispensable pour informer le Parlement.

Heureusement, en dépit de ces difficultés, nous pouvons nous en remettre aux perspectives claires définies par le Président de la République et reprises par le comité interministériel de juillet dernier. L'objectif est de parvenir à une aide publique au développement de 0, 5 % du revenu national brut en 2007, ce qui constituerait une progression importante. Alors qu'en 2001, ce chiffre était de 0, 32 %, il sera en 2004 de 0, 42 % et en 2005 de 0, 44 % du revenu national brut, l'objectif final étant de parvenir à 0, 7 % en 2012.

Le Gouvernement a fait un véritable choix budgétaire : en 2004, les crédits totaux de l'aide au développement, allégements de dettes compris, augmenteront de 400 millions d'euros pour atteindre 6,8 milliards d'euros, et, en 2005, la hausse sera de 700 millions d'euros pour un montant total de 7,5 milliards d'euros. L'Afrique subsaharienne bénéficie de l'essentiel de cette aide, soit 60 %.

Les crédits spécifiquement consacrés au développement dans le budget du ministère des affaires étrangères augmentent également de 8 %, pour atteindre plus de 2,2 milliards d'euros. Cette hausse s'explique par l'accroissement de la contribution de notre pays au Fonds sida, qui atteindra 150 millions d'euros, et par la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement.

Nous devons aussi nous réjouir de la manière dont les crédits pour 2004 ont été exécutés, puisqu'il n'y a pas eu de gel budgétaire cette année. Votre rapporteur pour avis est satisfait de constater que les observations qu'il avait formulées dans ses précédents rapports aient été suivies d'effet. Nous devons néanmoins demeurer vigilants sur les conditions d'emploi des crédits en 2005.

Notre attention a été appelée sur les contributions françaises au programme de l'ONU et en particulier au PNUD - programme des Nations unies pour le développement. Elles ne connaissent pas de hausse et demeurent à un niveau insuffisant, d'où l'inquiétude des autorités des Nations unies. Nous devrions porter de l'attention à cette question, car si la diplomatie française entend de plus en plus s'appuyer sur l'ONU, il ne faudrait pas que notre politique en matière de développement semble se désintéresser de ces institutions. Des pays comme le Royaume-Uni engagent un grand effort en direction des programmes de l'ONU, mettant en œuvre une politique d'influence au sein de cette institution. De la même manière, le rôle des associations doit être mieux défini, notamment lorsqu'il s'agit d'associations d'intérêt public comme, par exemple, l'Association française des volontaires du progrès.

La commission des affaires étrangères s'est également interrogée sur les conditions dans lesquelles des dotations budgétaires effectives prendraient, dans les années à venir, la suite des allégements de dettes, dont la part dans l'aide publique au développement devrait diminuer. À cet égard, je souhaiterais que le ministre nous éclaire sur ces perspectives, sur le montant des dettes qui pourraient encore faire l'objet d'annulations et sur les postes budgétaires qui pourraient prendre le relais. À ce propos, je voudrais d'ailleurs signaler l'importance que revêt cet effacement des dettes. Demain matin, ce n'est pas un ministre technicien qui officialisera l'effacement d'une très grande partie de la dette malgache, mais le Premier ministre, donnant à cet acte une portée politique.

J'en viens aux conditions dans lesquelles la politique du développement est décidée, en France, sur le plan stratégique et opérationnel.

La réforme de 1998 a, certes, eu des effets positifs, comme la mise en place en 1999 du Haut Conseil de coopération internationale. Elle a permis également de rationaliser certaines procédures et de mieux cibler notre aide, en particulier dans le cadre de la zone de solidarité prioritaire, qui compte aujourd'hui cinquante-cinq pays. L'action de la Direction générale de la coopération internationale et du développement - DGCID - doit être sur ce point regardée avec faveur. On doit néanmoins constater une multiplication excessive des intervenants. Ainsi, les relations entre le Quai d'Orsay et Bercy, entre la DGCID et l'Agence française du développement ne permettent pas toujours de dégager des principes clairs d'action. L'OCDE l'a d'ailleurs constaté récemment. Lors du comité interministériel du 20 juillet dernier, des mesures ont été prises afin de renforcer le rôle du ministère des affaires étrangères dans la définition des orientations stratégiques en matière de développement. L'AFD se verrait, quant à elle, recentrée sur des objectifs plus opérationnels.

Pour ma part, je pense que la réforme de 1998 a poussé le balancier trop loin et qu'il nous faut aujourd'hui proposer un nouvel instrument de définition et d'exécution de notre politique de développement. Il faut réfléchir à la création d'une grande agence non seulement opérationnelle, mais également chargée de la définition des orientations stratégiques de notre politique d'aide, avec, à sa tête, une équipe de direction reconnue, stratégie et financement allant de pair. Nous devons, en effet, envisager de manière globale nos modalités d'action et leur financement.

Au-delà des conclusions du rapport Landau sur les contributions internationales, il nous faut désormais instaurer un mécanisme de valorisation de l'épargne des migrants, qui représente dans le monde plus de 100 milliards de dollars par an et qui n'est pas assez orientée vers des investissements productifs. Je renvoie sur ce sujet aux propos que j'ai tenus lors des deux précédents budgets et à la proposition de loi que j'ai signée avec M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement a mis cette idée à l'étude. Il est temps que ce projet aboutisse et qu'un dispositif opérationnel voie le jour.

Avant de conclure, je voudrais évoquer les interrogations des Français rapatriés en urgence de Côte d'Ivoire. Que vont-ils devenir ? Sur quelle aide peuvent-ils compter ? Je remercie, en leur nom, les militaires de l'opération Licorne et tous les Ivoiriens, plus nombreux qu'on ne le croit, qui les ont aidés à se cacher ou à s'enfuir face aux milices qui organisent la « chasse aux Blancs ».

Nous pouvons donc être satisfaits de l'effort important engagé par la France pour aider les pays les plus pauvres, même s'il doit être constamment soutenu. C'est ce que la commission des affaires étrangères a fait en émettant un avis favorable aux crédits du développement et de la coopération pour 2005. Je vous invite, chers collègues, à faire de même. Je serai, pour ma part, très attentif aux propositions que le Gouvernement pourra faire sur la mise en valeur de nos structures de coopération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rapport que je présente devant vous, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, concerne les crédits pour la francophonie et l'action culturelle extérieure, touchés, comme le reste du budget des affaires étrangères, par la maîtrise des dépenses publiques : en 2005, l'enveloppe totale des crédits dont disposera la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, augmentera de 1,9 %.

Si l'aide publique au développement est confortée, les crédits pour la francophonie et l'enseignement du français ne répondent pas à la volonté pourtant régulièrement affichée par la France.

Au sein de l'Union européenne et, plus largement, dans toutes les instances internationales, notre pays promeut la diversité culturelle et le multilinguisme, mais il se révèle incapable de traduire cette ambition qui nous rassemble par des moyens financiers proportionnés à cet objectif qualifié de prioritaire. C'est ainsi que les dotations aux établissements culturels baisseront de 2 % en 2005. Les gains de productivité recherchés risquent de se solder, à terme, par un recul de la présence française et un déclin de la francophonie.

S'agissant plus précisément de l'enseignement du français, comment ne pas déplorer la baisse de 2,2 % des crédits accordés à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, laquelle, malgré le plan d'orientation stratégique adopté fin 2003, manque justement d'une véritable stratégie et d'une cohérence générale ?

Les conséquences sont la poursuite de la réduction des effectifs du personnel enseignant expatrié, le même malthusianisme en ce qui concerne l'accueil d'enfants étrangers dans nos établissements scolaires et l'attente d'une réflexion majeure sur l'incapacité de la France à proposer une offre universitaire à tous les bacheliers francophones.

A contrario, je souhaiterais saluer l'augmentation de 4,5 % du nombre de boursiers et le sort meilleur fait aux alliances françaises, qui bénéficient d'une croissance de 14,4 % des subventions d'investissement et de 3,3 % des crédits de mise à disposition de personnel.

M. Jacques Myard. Vous êtes contradictoire !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Ces observations m'ont conduit, pour ce qui est du vote de ces crédits, à m'en remettre à la sagesse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a émis un avis favorable.

J'en arrive maintenant au cœur de mon rapport : le projet de création d'une chaîne française de télévision internationale. J'aurai le souci de ne pas me montrer répétitif alors que se sont succédé, en deux ans, l'appel à projet de la Direction du développement des médias, les préconisations de M. Philippe Baudillon, le rapport de la mission d'information parlementaire présidée par François Rochebloine et, enfin, le rapport de trop, celui de notre collègue Bernard Brochand.

Le temps passe. On fêtera, en mars prochain, le troisième anniversaire de l'engagement du Président de la République, et nous avons tous constaté - pour, en général, le regretter - que ce projet ne faisait l'objet d'aucune inscription budgétaire en 2005, pas même de quelques crédits pour affiner l'étude de faisabilité.

La communication ministérielle - la rue de Valois s'étant encore fendue d'une déclaration la semaine dernière - se veut rassurante : la création de cette chaîne, considérée comme une « ardente obligation », ne s'est pas perdue dans les oubliettes de notre audiovisuel extérieur. La question : « une chaîne française de télévision internationale, pourquoi et pour quoi faire ? » faisant l'objet d'un consensus national, votre rapporteur pour avis a souhaité renouveler le genre en privilégiant une autre approche : « une chaîne française de télévision internationale, pour qui ? »

Afin de vérifier qu'il existait bien un public pour cette chaîne, j'ai pu me rendre en Égypte, pays ami - où la France jouit d'une image très favorable, forgée notamment par une histoire commune, qui n'a cependant pas connu les tourments de la décolonisation -, pays stratégique sur le plan des relations internationales, pays arabe et, enfin, pays ayant, selon la formule consacrée, « le français en partage », même si notre langue y est minoritaire. Je me propose de vous livrer rapidement ici les enseignements de cette mission, qui sont révélateurs à bien des égards.

J'ai recueilli cette première interpellation dans la bouche d'un de mes interlocuteurs rencontrés au Caire : « Dans un environnement audiovisuel déjà surabondant, une "CNN à la française" - idée sur laquelle nous avons tous tant produit - était le standard il y a quatre ans, c'est-à-dire il y a un siècle. Aujourd'hui, c'est dépassé ! Les rapports sur la chaîne française d'information internationale sont déjà des ouvrages historiques ». (Sourires.)

Se pose en effet un choix de stratégie audiovisuelle entre un projet de chaîne globale à destination du monde entier et un projet de chaîne transnationale pour des zones déterminées. Il semblerait que l'avenir soit aux chaînes transnationales ; nous y reviendrons.

En Égypte comme en bien d'autres points du globe, il existe une attente envers la France, qui rencontre opportunément notre désir séculaire de diffuser un message universel au-delà de nos frontières. C'est l'attente de la vision française des affaires du monde, illustrée si fortement lors de l'intervention américaine en Irak. C'est l'attente des modèles que la France peut incarner en matière d'État de droit, de démocratie ou de droits de l'homme. C'est aussi l'attente d'explications, alors que la dernière loi française sur la laïcité n'est pas comprise ou encore que se développe dans notre pays un débat sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

La France est attendue car, contrairement aux États-Unis, elle n'est pas soupçonnée de vouloir exporter un modèle de civilisation. La spécificité française reconnue d'ouverture sur le monde place notre pays en situation de contribuer puissamment au dialogue des cultures.

Une chaîne de télévision internationale devrait par conséquent avoir la capacité d'expliquer la position de la France mais aussi, dans le cadre d'un échange équilibré, de se faire l'écho de ce que les autres pays veulent apporter au monde. Le message devient ainsi plus important que la langue. De même, donner une image renouvelée de la France, puissance économique, commerciale et technologique, apparaît plus déterminant que se contenter d'exprimer la voix de la France.

La langue utilisée est toutefois une caractéristique essentielle. Si l'on prétend toucher un large public dans la zone qui a déjà été jugée prioritaire - celle des pays du Maghreb, du Levant et du Golfe - et, par effet d'audience, intéresser les élites dirigeantes, une télévision en arabe s'impose, plus précisément en arabe médian, ayant accessoirement recours à l'anglais et, bien sûr, au français pour les programmes éducatifs d'apprentissage de notre langue.

Ce souci d'audience, dans un environnement audiovisuel où les chaînes reçues par satellite se comptent déjà par centaines, exige de trouver le bon format : plutôt qu'une chaîne « tout info », c'est sans doute une chaîne généraliste, fondée sur l'information, la connaissance et le divertissement. L'information est incontournable car, dans un pays comme l'Égypte, elle passe par la télévision, le coût des journaux limitant considérablement leur lectorat : ce sont les débats et les confrontations, pour lesquels la France est tout particulièrement attendue ; ce sont les enquêtes et les reportages sur des sujets de société ; ce sont, bien sûr, les films, les œuvres de fiction et même les dessins animés. Quant aux programmes musicaux et au sport - plus précisément le foot, qui fait de Zinédine Zidane le Français de loin le plus populaire -, pour des raisons démographiques, ils attireront un public prioritaire : celui des jeunes, les moins de trente ans, qui, en Égypte comme dans d'autres pays, représentant 70 % de la population. Un autre public visé en priorité lors de l'élaboration de la grille des programmes sera les femmes, ne les oublions pas.

En outre, cette chaîne améliorerait considérablement la visibilité de l'offre culturelle française, notamment celle de nos instituts et centres culturels. Comment valoriser un investissement ?

Joseph Samaha, journaliste libanais récemment cité par Le Monde, constatait que « Le seul rapport de forces qui existe en ce moment entre l'Orient et l'Occident, c'est Al Jazira contre CNN ». Il est à cet égard révélateur qu'Al Jazira, télévision animée par une identité anti-occidentale, quoique issue du modèle occidental - n'oublions jamais que l'état-major initial du groupe provenait du service arabe de la BBC -, ait pour projet de créer dans un an un service en anglais, afin de toucher les populations musulmanes d'Asie.

En Égypte comme dans bien d'autres pays où l'information est contrôlée, on se branche très souvent sur les chaînes internationales par l'intermédiaire de décodeurs pirates, d'où une réelle influence. Mais Deutsche Welle est jugée trop officielle, BBC World trop culturelle, Arte trop ciblée et TV5 - malgré l'engagement remarquable de Serge Adda, dont je tiens ici à saluer avec émotion la mémoire - trop francophone, c'est-à-dire insuffisamment française. L'Union européenne, à l'inverse de la France, n'étant pas encore identifiée, la relance éventuelle du projet de diffusion d'Euronews en arabe n'est pas jugée attractive. Le contre-exemple régulièrement évoqué est sans conteste la chaîne lancée par le Pentagone, Al Hurra, assimilée à une œuvre de propagande alors même qu'elle ne diffuse pas uniquement de l'information.

Pour éviter ces écueils, la chaîne française de télévision internationale devrait se décliner en écrans régionaux, à partir d'une matrice commune, à l'image, par exemple, du mode de fonctionnement de France 3. Afin de diffuser des contenus adaptés au public de chaque zone visée et de prendre en compte leur sensibilité culturelle, ce que ne peut faire une chaîne globale, il apparaît nécessaire de bâtir des partenariats avec les médias locaux ou tout du moins d'associer des journalistes recrutés localement. La mise en place de sociétés de production locales enrichirait les programmes et donnerait un ton propre à chaque rédaction. Émerge ainsi l'idée de chaînes transnationales, plus performantes en audience.

Si la montée dans les bouquets satellitaires offre le mode de diffusion le plus logique, l'audience de cette chaîne serait naturellement encore plus large en cas de négociation de canaux hertziens pays par pays, sans compter l'intérêt qu'auraient les personnes étrangères vivant sur notre territoire à la recevoir.

La conclusion de ce rapport, messieurs les ministres, mes chers collègues, sera sans doute plus traditionnelle si j'évoque l'apport incontournable, pour cette télévision française internationale, de l'AFP, de RFI, de France Télévisions - y compris désormais de RFO -, de TV5, d'Arte et d'Euronews. La future chaîne, en s'appuyant sur les outils existants, aura des effets de synergie qui permettront sans doute, à terme, de réorganiser une offre audiovisuelle extérieure parfois essoufflée. Il convient cependant, dans un premier temps, de jouer la carte des complémentarités plutôt que de vouloir d'emblée rationaliser en supprimant telle ou telle rédaction, ce qui n'aurait pour effet que de freiner les coopérations possibles.

La France, grâce à ce nouveau média, pourra pleinement servir sa vocation internationale, qui s'exprime en trois dimensions : l'Europe, la Méditerranée et la francophonie. Cette chaîne, nous le savons tous, est une occasion unique pour que notre pays fasse entendre sa voix mais aussi pour que toutes les nations puissent s'exprimer, car elle constituera une sorte de formidable caisse de résonance des cultures du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du ministère des affaires étrangères concourant à l'action culturelle de la France à l'étranger s'élèvent à environ 1,1 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une augmentation de 0,6 % par rapport à 2004. Quant aux crédits concourant au développement de la langue française et de la francophonie, leur montant atteint 801,8 millions d'euros pour 2005, soit une augmentation de 0,2 %.

Compte tenu de l'inflation, estimée à 1,8 % dans le projet de loi de finances pour 2005, les crédits affectés à l'action culturelle extérieure de la France et à la francophonie, en euros constants, sont donc en baisse. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle intervient après une succession de lois de finances caractérisées par la stagnation de ces crédits.

Je souhaiterais, messieurs les ministres, aborder les quatre points suivants : la coopération culturelle et scientifique française, les établissements scolaires relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, la francophonie et l'audiovisuel extérieur.

Premièrement, la coopération culturelle et scientifique française.

Les maux de notre réseau culturel sont connus : constitué d'un maillage très dense, il souffre d'un manque endémique de moyens évident. Aux cent quarante-huit instituts culturels se rattachent soixante-cinq annexes ainsi que cinq centres franco-étrangers, répartis dans quatre-vingt-seize pays, principalement en Europe et en Afrique. Les alliances françaises, subventionnées par le ministère, sont pour leur part au nombre de deux cent vingt, et il convient d'y ajouter trente-trois délégations générales ; elles sont principalement implantées en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique non francophone et en Asie-Océanie.

Le ministère a entrepris de rationaliser le réseau culturel : dans les villes où coexistent une alliance française et un établissement doté de l'autonomie financière, il est mis fin à cette redondance. Le ministère est par ailleurs conduit à fermer certaines implantations dans des villes secondaires en raison du niveau trop modeste de leurs activités.

S'il est légitime que le réseau s'adapte et que des redéploiements géographiques soient opérés, il ne faut pas pour autant, sous prétexte de rationalisation, le priver des moyens de fonctionner. Il constitue, en effet, un outil indispensable au rayonnement de notre langue et de notre culture.

Je souscris tout à fait, pour ma part, à la politique de rapprochement avec nos partenaires allemands, qui se traduit par la localisation commune d'établissements culturels,...

M. Jacques Myard. Bof !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. ...comme à Ramallah - vous l'avez inauguré, monsieur le ministre, il y a peu - ou à Palerme. Il convient de poursuivre dans cette voie.

M. Jacques Myard. Ça, c'est moins sûr !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Enfin, je regrette qu'à ce jour, les engagements du Gouvernement, pris par votre prédécesseur, M. Dominique de Villepin, au cours de son allocution du 25 mai 2003 à Jérusalem, concernant l'ouverture d'un nouveau centre culturel à Tel-Aviv, n'aient pu être concrétisés. Le déblocage de ce dossier doit être considéré comme prioritaire par les pouvoirs publics, car il s'agit d'honorer la parole de la France et d'œuvrer pour de bonnes relations bilatérales avec Israël.

Deuxièmement, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Après avoir diminué de 6 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2004, la subvention de l'AEFE, organisme qui scolarise près de 157 000 élèves, devrait enregistrer, en 2005, une nouvelle baisse de 7,58 millions d'euros, pour s'établir à 324,7 millions d'euros.

L'année 2005 sera le dernier exercice pour l'entrée en vigueur du plan de transformation des postes de l'agence, prévu par le décret du 4 janvier 2002. Si l'on ne peut que se réjouir de l'amélioration des conditions matérielles des enseignants résidents, la réforme soulève toutefois deux problèmes majeurs. D'une part, avant de pouvoir bénéficier du statut de résident, les enseignants doivent séjourner trois mois dans leur pays d'affectation. Ils sont alors à la charge des établissements durant cette période, ce qui pèse sur les frais de scolarité acquittés par les familles. D'autre part, certains enseignants titulaires de l'éducation nationale sont recrutés par des établissements de l'AEFE, sans pouvoir bénéficier du statut de résident : ces « titulaires non résidents » sont pénalisés dans le déroulement de leur carrière. Une telle mesure est anormale et il serait pour le moins logique que les années de service effectuées dans ce cadre-là soient prises en considération. Aussi, je souhaite que le Gouvernement prenne une disposition statutaire en ce sens. À défaut, je défendrai un amendement sur ce point particulier lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'école.

Enfin, la volonté affichée par l'Agence de développer des bacs binationaux dans ses établissements doit être encouragée. Conçu au départ comme un instrument au service des expatriés ouvert aux élèves étrangers, le réseau des lycées français pourrait ainsi devenir un point d'entrée dans notre système d'enseignement supérieur pour les meilleurs élèves étrangers.

Troisièmement, la francophonie.

Ayant eu la chance d'assister aux Jeux olympiques d'Athènes, je souhaiterais relayer devant notre assemblée le constat établi par M. Hervé Bourges, qui était chargé par le secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, d'observer la place et le statut de la langue française en tant que langue officielle pendant ces Jeux olympiques. Alors que l'anglais et le français sont les deux langues officielles du mouvement olympique, en application de l'article 27 de la charte olympique, la place du français a été réduite à la portion congrue lors des derniers jeux.

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Les instances de la francophonie, mais aussi les pouvoirs publics français, tout comme les fédérations sportives, doivent se mobiliser pour réclamer l'application de la charte olympique lors des Jeux d'hiver de Turin en 2006 et des Jeux d'été à Pékin en 2008. Je souhaitais donc attirer l'attention du Gouvernement sur ce point.

M. Jacques Myard. Il faut des sanctions !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Quatrièmement, l'audiovisuel extérieur.

Avant d'aborder les crédits de l'audiovisuel extérieur, je voudrais ici rendre hommage à Serge Adda, PDG de TV5, prématurément disparu. Je l'ai rencontré à de multiples reprises dans le cadre de mes activités parlementaires et il s'est toujours montré d'une très grande disponibilité à l'égard de la représentation nationale. Il a su, par sa compétence et son professionnalisme, dynamiser la chaîne en modernisant sa grille et en confortant son audience.

Avec 165 millions d'euros, les crédits de l'audiovisuel extérieur sont stables depuis plusieurs années, ce qui signifie qu'ils sont en baisse en euros constants. Ces crédits sont destinés aux opérateurs que sont TV5, Canal France International et Radio France Internationale. Un redéploiement au sein du chapitre qui s'effectue au détriment de CFI permet de dégager un million d'euros en faveur de la chaîne franco-marocaine MEDI 1 SAT. En revanche, il n'est toujours pas prévu de crédits pour la création de la chaîne française d'information internationale, la fameuse CII.

Monsieur le ministre, vous avez à deux reprises indiqué à la commission des affaires étrangères que vous souhaitiez prendre votre temps pour évaluer ce projet et, en quelque sorte, vous l'approprier. Votre collègue, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre chargé de la culture et de la communication a, pour sa part, déclaré que l'absence de crédits pour 2005 ne signifiait pas pour autant que la chaîne ne verrait pas le jour dès l'an prochain, et il a rappelé, vendredi dernier, à Lille, à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de l'école de journalisme, toute l'importance, pour notre pays et pour la francophonie, de la chaîne d'information internationale, qui est une nécessité stratégique.

Si la concertation entre vos deux ministères sur ce dossier semble bien fonctionner, et même mieux que précédemment, force est de constater que le dossier est aujourd'hui au point mort.

Aussi, je souhaiterais, pour ma part, comme de nombreux collègues de toutes sensibilités politiques, que le projet soit relancé sur la base des conclusions de la mission d'information commune, qui avaient été adoptées à l'unanimité des groupes parlementaires en mai 2003 et qui proposaient de créer un groupement d'intérêt public fédérant l'ensemble des opérateurs de l'audiovisuel public, tout en étant ouvert, sur la base du volontariat, aux opérateurs privés désireux de contribuer au projet.

L'on est en droit de se demander comment a pu naître un tel projet : une société de droit privé, détenue à 50 % par TF1 et à 50 % par France Télévisions, financée à 100 % par le contribuable et sans être pour autant visible en France. À mon sens, cela ne peut s'expliquer que par le souci du premier groupe audiovisuel privé français, spécialisé dans la vente « du temps de cerveau humain disponible », de protéger sa propre chaîne d'information continue, par ailleurs excellente, de toute concurrence nouvelle. Sinon, quel intérêt aurait-il à prendre des positions dans le secteur de l'information internationale où il n'a rien à gagner ? Le Gouvernement lui-même semble s'en être aperçu, puisque, après avoir annoncé qu'il allait saisir la Commission européenne pour savoir si le mariage entre TF1 et France Télévisions était compatible avec le droit de la concurrence, il a reconnu - vous-même, monsieur le ministre, vous nous l'avez indiqué en commission des affaires étrangères - qu'il ne l'avait saisie que d'une manière informelle.

Il est essentiel que la future chaîne soit dotée d'un statut clair. S'agissant d'une mission d'intérêt général, financée par de l'argent public, il est difficilement concevable que le montage retenu ne s'inscrive pas dans un cadre de service public. À ce titre, la chaîne doit être visible en France et son responsable doit être désigné par le CSA. Enfin, il apparaît indispensable que l'organisation de la chaîne et ses missions soient définies par la loi, au même titre que pour France Télévisions, Radio France ou RFI.

Je voudrais conclure mon propos en insistant sur le fait que TV 5 ou Euronews ne sauraient constituer des solutions de repli satisfaisantes en cas de retrait du projet de la CII : TV5 est une chaîne généraliste et non pas d'information continue et elle ne peut émettre dans des langues étrangères, compte tenu de son statut international d'opérateur de la francophonie ; quant à Euronews, sa structure capitalistique ne permet pas à la France d'en modifier les missions, et sa grille, fondée sur le tout image, empêche de mettre en place une chaîne d'information comparable à celles existantes, qui font alterner des journaux à heures fixes avec des documentaires, des reportages et des émissions de plateau.

Si le projet de CII devait être abandonné, je pense qu'il faut avoir le courage de le dire, plutôt que de continuer à faire semblant ! Je préférerais, dans ce cas, que l'on renforce les moyens des opérateurs existants comme TV5 ou RFI, qui font d'ores et déjà un excellent travail dans le domaine de l'information internationale, mais dont les moyens sont insuffisants.

Mes chers collègues, force est de constater, et ce n'est pas nouveau, que les moyens engagés par la France en matière d'action culturelle extérieure et de rayonnement de la langue française sont insuffisants. Tout le monde, d'ailleurs, le reconnaît. C'est pourquoi, à titre personnel, je m'abstiendrai sur les crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie pour 2005, comme je l'ai indiqué en commission. La commission des affaires étrangères a, quant à elle, émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits tout en regrettant leur insuffisance.

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, premier orateur inscrit.

M. Bruno Bourg-Broc. L'histoire de notre pays place la France au cœur du débat international. La France, plus que d'autres, doit avoir une diplomatie active, une diplomatie réactive et, parfois, une diplomatie de mission ou de combat. C'est pour cela que notre engagement international a besoin d'un soutien budgétaire ambitieux, volontaire et ferme.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. Pour la première fois depuis de très nombreuses années, le budget du ministère des affaires étrangères n'aura subi, en 2004, ni gel ni annulation de crédits, et cela conformément aux engagements du Président de la République. C'est un signe fort en direction de la communauté internationale : la France prend des engagements et les respecte.

Le budget pour l'année 2005, que nous nous apprêtons à voter, s'inscrit dans un contexte international particulièrement dense et inquiétant et dans un contexte où la France, par la voix du Président de la République, défend davantage encore l'idée qu'elle se fait du dialogue entre les nations, un dialogue respecté et respectueux, un dialogue partagé qui doit permettre l'émergence d'un monde pacifié et multipolaire et assurer une mondialisation maîtrisée et humanisée.

Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, devant la commission des affaires étrangères de notre assemblée, un monde plus sûr ne peut être qu'un monde assurément plus juste. Et le budget que vous nous présentez aujourd'hui répond à cet objectif.

J'en veux pour preuve, ici, l'effort considérable engagé par le Gouvernement depuis 2002, et renouvelé avec force cette année, en faveur de notre aide publique au développement. La France a montré l'exemple en étant le premier membre du G8 à se fixer une date butoir pour que son aide publique au développement atteigne l'objectif de 0,7 % du PIB : ce sera en 2012. Avec l'engagement d'y consacrer 0,44 % en 2005, c'est l'honneur de notre pays que d'atteindre un tel niveau, qui le place au troisième rang des contributeurs mondiaux d'aide publique au développement, avec des outils adaptés, tels que l'Agence française pour le développement à laquelle nous pouvons être satisfaits que soient affectés 110 millions d'euros en crédits de paiement.

Avec ce budget, la France reste le premier contributeur au Fonds européen de développement dont elle assure le financement de près de 25 % des dépenses. La dotation pour le FED, en 2005, augmente considérablement et atteindra au moins 628 millions d'euros.

De même, les crédits de paiements consacrés au Fonds de solidarité prioritaire sont une nouvelle fois en forte augmentation pour 2005, dépassant 174 millions d'euros. Cependant, s'il est légitime de se féliciter de l'augmentation significative des crédits de paiements de ce fonds, il est regrettable que, dans le même temps, les autorisations de programme soient amputées de plus d'un tiers.

Or, compte tenu du poids des annulations de dettes dans l'aide publique au développement, il va falloir tenir compte de la minoration progressive de ces dernières afin de ne pas voir l'aide publique de la France au développement diminuer. Il s'agira donc de consacrer plus de dotations budgétaires à l'aide publique au développement, et l'augmentation des projets financés par le Fonds de solidarité prioritaire est, à ce titre, indispensable pour garantir la progression de notre aide publique au développement à l'horizon 2007-2008.

Pour que ces projets soient opérationnels à cette date, et donc finançables, il sera donc nécessaire de veiller, dès 2006, à augmenter de manière significative le volume des autorisations de programme. L'année dernière, je proposais - et je n'étais pas le seul -, pour répondre à cet enjeu, la mise en place d'une loi de programme qui donnerait un cadre pluriannuel aux crédits de l'aide publique au développement.

M. Jean-Claude Lefort. C'est vrai !

M. Bruno Bourg-Broc. Une France forte, c'est une France solidaire et généreuse, mais c'est également une France qui tient son rang et assume son ambition au sein des institutions internationales, et en particulier l'Organisation des Nations unies. Ainsi, on peut se réjouir de voir concrétisée dans ce budget la décision du Président de la République de contribuer chaque année, à hauteur de 150 millions d'euros, au Fonds mondial de lutte contre les grandes maladies, dont le sida.

Cependant, au-delà de cet engagement, je remarque que l'implication de la France en faveur des fonds et programmes des Nations unies n'est peut-être pas à la hauteur des espoirs suscités par la vision qu'elle développe des relations internationales.

Par exemple, notre pays ne contribue qu'à hauteur de 2,4 % au PNUD, de 2,1 % au Fonds des Nations unies pour l'enfance et de 0,5 % au Fonds des Nations unies pour l'aide aux populations.

Concernant le PNUD, 16 millions d'euros seulement y sont consacrés dans ce budget. La France, qui est le troisième contributeur mondial d'aide publique au développement, n'est actuellement qu'au onzième rang des contributeurs du PNUD. Je rappelle qu'au mois de mai dernier, un accord-cadre signé entre le France et le PNUD indique que la France s'efforcera d'augmenter ses contributions au PNUD parallèlement à l'augmentation de son aide publique au développement.

M. Jacques Myard. Mieux vaut faire du bilatéral !

M. Bruno Bourg-Broc. Dans les institutions internationales, en théorie, l'influence ne doit pas dépendre essentiellement du niveau des contributions, mais le pragmatisme étant la règle, il est à craindre que le nombre de Français aux postes de décision au PNUD, par exemple, soit en baisse dans les prochaines années. Ainsi, la touche particulière que la France apporte aux relations internationales se trouverait affaiblie au sein des institutions internationales. Or la France se doit d'être présente physiquement pour espérer peser politiquement et diplomatiquement à travers le monde.

L'effort budgétaire que le ministère des affaires étrangères consent depuis plus de dix ans en termes de rationalisation des dépenses et des effectifs risque de porter atteinte à la crédibilité de notre pays qui place haut son exigence d'intervention internationale et qui, dans le même temps, conduit le nombre de ses représentations à l 'étranger à diminuer - même si le nombre d'ambassades augmente légèrement - et les effectifs de ce ministère à subir cette année encore la suppression de 100 postes budgétaires.

Assurer une présence française dans le monde, c'est aussi un rôle qui revient au réseau des établissements culturels français chargés de mettre en œuvre la politique culturelle extérieure de la France. Tout en faisant évoluer la carte du réseau, ce qui, malheureusement, s'accompagne de la fermeture de certains centres à travers le monde, compensée en partie par un redéploiement au profit de certains réseaux prioritaires comme la Chine et la Russie, ce budget s'efforce de moderniser ces établissements, d'améliorer leurs performances et l'offre des services qu'ils proposent. Mais il faut assurer la cohérence de ces services et leur multiplication n'est pas synonyme d'une efficacité plus grande.

La présence et la dimension culturelle de l'action extérieure de la France s'analysent aussi par l'effort de notre pays en faveur de l'enseignement français à l'étranger. Dans des circonstances budgétaires que nous savons tous soumises à des impératifs de bonne gestion, le budget que vous présentez renouvelle une fois de plus son engagement en faveur de la diversité et du rayonnement culturels français à l'étranger.

L'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger se trouve confirmée dans ses objectifs et ambitions. Le nombre d'élèves scolarisés dans des établissements conventionnés par l'Agence connaît une augmentation durable et régulière depuis plusieurs années, qui n'est pas remise en cause. La bonne réputation des lycées français de l'étranger les conduit à scolariser des élèves français, mais aussi un nombre toujours plus important d'élèves qui appartiendront souvent plus tard à l'élite de leur pays, ce qui constitue un formidable atout pour favoriser les liens avec la France. C'est pour cette raison que je regrette que la subvention du ministère à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger subisse une baisse de 7,58 millions d'euros.

Je me félicite cependant de l'engagement pris par le ministre délégué à la coopération de développer à l'avenir les baccalauréats binationaux dont, dès l'année prochaine, un bac franco-portugais.

De même, la budgétisation d'une augmentation de 1 million d'euros pour le financement des bourses scolaires va dans le bon sens.

L'ambition de notre pays de proposer une vision du monde différente de celle des Anglo-Saxons ne peut se passer du formidable outil culturel et diplomatique que représente la francophonie.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. À ce titre, le budget que vous nous proposez, messieurs les ministres, inscrit son action en faveur du rayonnement de la langue française dans une démarche plus générale de promotion de la diversité culturelle et linguistique. Le soutien à la francophonie institutionnelle est réaffirmé, mais, dans sa globalité, l'engagement de la France en faveur de la francophonie ne correspond pas au niveau d'implication auquel l'on pouvait s'attendre suite aux déclarations des différentes autorités publiques françaises en faveur d'un monde où l'on ne parlerait pas tous la même langue et où chacun s'épanouirait, riche de la diversité des cultures mondiales.

À la différence des espaces hispanophones et lusophones, l'espace francophone est organisé : c'est une chance qu'il faut utiliser. Je regrette donc que les crédits concourant au développement de la langue française et de la francophonie soient simplement reconduits, et donc en baisse en euros constants. Il est impératif, en matière de développement comme de francophonie, que nos paroles soient suivies d'actes. Ayons cela à l'esprit à la veille du sommet de Ouagadougou.

Notre présence internationale ne peut pas faire l'impasse sur le développement d'un audiovisuel extérieur qui porte la marque « France ». Le Président de la République a fait de la création d'une chaîne internationale d'information d'inspiration française une ardente nécessité. Or aucun crédit n'est prévu pour sa mise en place dans le projet de loi de finances pour 2005. Cet outil d'influence doit voir le jour. C'est un outil indispensable qui participera de la diversité culturelle dont nous nous réclamons et qui confirmera le statut de la langue française comme langue internationale. Cette chaîne d'information doit également avoir pour objectif de sensibiliser le monde à la vision française des relations internationales. Il est indispensable, messieurs les ministres, que la France se dote le plus rapidement possible d'une chaîne d'information internationale.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. Ce budget pour 2005 répond aux priorités que le Président de la République a fixées à notre diplomatie. Il engage plus encore la France dans la défense d'un monde plus sûr parce que plus juste. Il est digne de nos ambitions et de notre volonté de rayonnement et d'influence sur le plan international. C'est en alliant volontarisme et responsabilité politique et budgétaire que vous nous proposez aujourd'hui ce budget, messieurs les ministres, et c'est dans le même esprit que le groupe UMP émettra un vote favorable même si, naturellement, nous souhaitons qu'il soit plus important encore pour qu'il y ait parfaite adéquation entre notre volonté, nos discours et nos actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les débats de politique internationale ne sont pas fréquents dans notre hémicycle. C'est une vieille habitude, fondée sur une interprétation contestable des institutions de la VRépublique, qu'il faudra bien réformer sur ce plan pour donner tout son sens à la démocratie et, j'ose le dire, à la diplomatie parlementaire.

C'est la raison pour laquelle notre discussion budgétaire a un double objet : examiner les crédits prévus pour l'année 2005 et faire le point sur les questions sensibles de la politique étrangère de la France telle qu'elle est conduite par le Président de la République et le Gouvernement.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez pris vos fonctions il y a moins d'un an et nous sommes conscients de la difficulté de votre tâche. Quant aux membres de la commission des affaires étrangères, ils sont sensibles à votre disponibilité. La succession au Quai d'Orsay est pour vous doublement délicate. D'abord en raison de l'état du monde et de ses vagues déferlantes de malheurs, de l'ampleur des crises, des risques croissants que représentent, entre autres dangers, le terrorisme international, la prolifération nucléaire, les guerres régionales et la fracture nord-sud. Ensuite, en raison de ce sentiment tenace, ressenti chez nombre de pays amis comme chez ceux qui le sont moins, d'une arrogance française.

Nous avons approuvé et soutenu sur le fond la politique de votre prédécesseur dans le dossier irakien, mais tout autant déploré la forme, la manière dont nous nous adressons aux autres. Et nous continuons de nous interroger sur les résultats de cette politique, regrettant notamment le manque d'initiative de la France et de l'Europe au Proche et Moyen-Orient.

Je garde personnellement le souvenir de la première audition de M. de Villepin devant notre commission en juillet 2002. Il s'était bien gardé - à juste titre - de mettre en cause la gestion politique de son prédécesseur, M. Hubert Védrine. Toutefois, il avait exprimé une sérieuse réserve en lui reprochant in fine de s'être brouillé avec les Israéliens et les Américains. Je ne ferai pas de commentaire sur cet aspect de notre diplomatie, sinon pour constater qu'aujourd'hui, vous êtes en quelque sorte contraint de réparer des dégâts singulièrement amplifiés.

S'agissant de l'Irak, personne n'a intérêt à ce que perdure la situation chaotique qui prévaut, hélas, dans ce pays. C'est pourquoi nous aimerions connaître les intentions de la France et la position qu'elle adoptera lors de la conférence internationale qui se tiendra le 22 novembre à Charm El Cheik, en Égypte. Nous souhaitons que l'Union européenne aborde ce rendez-vous en défendant une position commune.

On ne peut évoquer l'Irak sans penser à nos deux compatriotes journalistes retenus en otage depuis maintenant quatre-vingt-sept jours. Fort heureusement, la communauté nationale et la représentation nationale font bloc avec le Gouvernement pour obtenir leur libération. Je sais qu'après les malheureuses et obscures initiatives du mois dernier, dont vous n'êtes aucunement responsable, votre ministère, l'ambassadeur Bajolet et vous-même déployez tous les efforts possibles pour parvenir à un heureux dénouement. Permettez-moi de souhaiter qu'en la circonstance, notre diplomatie puisse s'adresser à toutes les parties susceptibles de nous aider sur le terrain, comme aux voisins immédiats.

Et puisque j'évoque les voisins immédiats, je souhaiterais avoir une explication claire et rationnelle sur la volte-face de notre politique à l'égard de la Syrie, décidée semble-t-il « en haut lieu ». Là encore, quelle est notre ligne politique ? Dans quelle direction souhaite-t-on aller ?

Avant d'évoquer la question des crédits pour 2005 de votre ministère, permettez-moi d'exprimer une satisfaction : elle concerne l'invitation faite au président Arafat de rejoindre les services hospitaliers militaires français et qui l'a conduit à finir ses jours sur notre sol. Comme vous sans doute, j'ai ressenti une vive émotion en regardant le grand et beau drapeau français mêlé aux emblèmes palestiniens lors des funérailles de Ramallah. Il y avait là plus qu'un symbole, la marque d'une continuité politique et d'une reconnaissance.

Je voudrais souligner un succès incontestable de votre diplomatie, à l'initiative de votre prédécesseur, avec vos homologues britannique et allemand : la démarche, ô combien européenne, qui a conduit l'Iran à signer un protocole d'accord l'engageant à renoncer à l'armement nucléaire. Certes, le suivi de ce dossier devra être minutieux et constant, les contrôles exigeants. Mais il y a là un exemple d'efficacité qui doit être salué et renouvelé.

En revanche, le fiasco de votre politique ivoirienne est un sujet d'inquiétude. Notre politique africaine est peu lisible et peu cohérente et conduit parfois à des drames qui s'ajoutent aux crises non résolues, drames humains vécus ces jours-ci à la fois par notre armée, la communauté française et la population ivoirienne.

Vous n'êtes pas, monsieur le ministre, responsable des accords de Marcoussis-Kléber dont nombre d'entre nous pensaient, dès la signature, qu'ils portaient en germe non la gravité de la crise actuelle, mais une application pour le moins improbable, tant ces accords étaient déséquilibrés et semblaient privilégier la partie rebelle que l'on continue curieusement à appeler « forces nouvelles ».

Aujourd'hui, il s'agit d'apaiser, de recoudre, de reconstruire pour sortir de la crise. La responsabilité du Président Laurent Gbagbo est bien entendu primordiale. Mais pourquoi jeter de l'huile sur le feu, comme l'a fait hier le Président Chirac ? Nous nous mettons de la sorte un peu plus hors-jeu. Les solutions pour redonner un espoir, un avenir à ce beau pays de Côte-d'Ivoire appartiennent désormais à l'Afrique elle-même, à l'Union africaine, sous l'égide des Nations unies dont il faut espérer que le mandat soit plus clair.

Maintenons nos forces militaires au service de la paix, mais sans engagement partisan.

Messieurs les ministres, le président Balladur le dirait beaucoup mieux que moi :...

M. Jean-Claude Lefort. Il n'est pas là !

M. François Loncle. ...notre commission des affaires étrangères est disponible. Nous travaillons notamment sur l'implication souhaitable de l'Europe dans la résolution du conflit israélo-palestinien, sur le renouveau de la relation transatlantique ou encore sur le rôle des organisations non gouvernementales. Nous ferons sur ces sujets des propositions, qui, nous l'espérons, non seulement retiendront votre attention, mais seront, pour certaines d'entre elles, prises en compte par la diplomatie française.

J'en viens aux moyens dont vous disposez. Vous avez eu, monsieur le ministre des affaires étrangères, comme M. Hubert Védrine à partir de 2000, la volonté de ne pas suivre la pente dangereuse qui mène au désengagement financier de l'État vis-à-vis de l'action extérieure de la France. Vous avez bénéficié, semble-t-il, du soutien verbal du Président de la République. Malheureusement, les résultats sont décevants. Le réseau diplomatique est à nouveau amputé par des suppressions de personnels. L'aide publique au développement ne progresse pas si on prend en compte le chapitre du remboursement des dettes. Comme l'ont déjà noté plusieurs de mes collègues, les contributions françaises aux organisations internationales diminuent, à l'exception de celle dont bénéficie le Fonds de lutte contre le sida. On a également souligné le sort réservé au programme de développement des Nations unies : il est à cet égard particulièrement choquant de voir la France reléguée au onzième rang des contributeurs. Se dégradent aussi dangereusement les crédits de l'action culturelle de la France à l'étranger, de l'enseignement du français et, plus globalement, de la francophonie. Diminuent aussi - cruel constat aujourd'hui - les crédits affectés aux frais de rapatriement : moins 146 000 euros.

Cette situation a été soulignée par plusieurs de nos rapporteurs. Nous constatons, pour le regretter, que le ministère des affaires étrangères reste la bête noire de Bercy, comme en témoignent d'ailleurs des documents issus de ce ministère. L'un d'entre eux, rendu quasiment public depuis que les syndicats nous l'ont transmis, propose un incroyable plan de régression budgétaire.

M. le ministre des affaires étrangères. En connaissez-vous la date ?

M. François Loncle. Il date de janvier 2004, et il a heureusement été abandonné pour le moment. Mais il porte en germe ce qui pourrait constituer une menace si notre vigilance n'est pas totale.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Mais nous sommes vigilants !

M. François Loncle. Parce que nos moyens ne correspondent pas à cette « diplomatie d'influence » que vous appeliez de vos vœux le 24 août dernier lors de la conférence des ambassadeurs,...

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. La situation est toujours meilleure qu'en 2000 !

M. François Loncle. ...le groupe socialiste ne votera pas, monsieur le ministre, votre budget pour 2005, en souhaitant, sans trop y croire, que ce vote négatif soit une sorte de stimulant pour ceux qui prépareront le budget pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Vous avez la mémoire courte !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, je veux naturellement commencer mon intervention en évoquant la disparition du président de l'Autorité palestinienne, M. Yasser Arafat, et la situation qui en résulte au Proche-orient.

Yasser Arafat était une figure emblématique de la cause d'un peuple dépossédé depuis longtemps de son droit légitime de disposer d'un État. Résistant farouche à l'occupation israélienne, il a été en même temps un homme de dialogue, ce qui lui valut de recevoir, avec Yitzhak Rabin, le prix Nobel de la paix.

Il s'est éteint chez nous, en France, un pays qu'il affectionnait particulièrement, après une réclusion insupportable de trois ans dans cet amas de ruines qu'est la Mouqata'a - réclusion que vous avez d'ailleurs justement condamné, monsieur le ministre des affaires étrangères, lors de votre rencontre avec lui à Ramallah.

Le groupe des députés communistes et républicains apprécie hautement les paroles et les actes des autorités françaises en ces circonstances particulières, depuis son hospitalisation dans notre pays jusqu'au départ de sa dépouille pour Le Caire. Revenant de Ramallah où j'ai assisté aux obsèques, je peux témoigner de la reconnaissance profonde et émue du peuple palestinien et de ses dirigeants actuels vis-à-vis de notre pays.

Ces circonstances exceptionnelles, où la France s'est véritablement montrée exemplaire, expliquent que, sur ce budget que nous critiquons vivement par ailleurs, nous nous abstiendrons en signe de soutien envers ce qui a été fait et d'encouragement à ce que la France persévère dans la voie de l'audace et du respect.

Car, monsieur le ministre, notre rôle dans la région est très attendu. C'est pourquoi notre vote est aussi une exigence pour l'avenir. Au Proche-Orient, une page nouvelle s'est objectivement ouverte pour deux peuples. Celui qui constituait un prétexte pour refuser toute négociation de paix n'est plus. Désormais, Tel-Aviv comme Washington sont convoqués par l'histoire. Or, déjà, ils se dérobent devant les deux conditions majeures qu'il convient de soutenir sans hésitation pour donner enfin toutes ses chances à la paix au Proche-Orient.

La première consiste à créer les conditions pour que l'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne, qui doit avoir lieu d'ici le 9 janvier, soit démocratique et confère, par la participation de tous les Palestiniens au processus électoral, une forte légitimité au nouveau président. Or des obstacles nombreux s'opposent au plein exercice démocratique et souverain du peuple palestinien : l'occupation, le mur, la population de Jérusalem-Est, les 7 500 prisonniers politiques parmi lesquels se trouvent deux députés, dont Marwan Barghouti. L'Union européenne s'est dite prête à soutenir le processus électoral par une aide technique et l'envoi d'observateurs chargés de vérifier la liberté de vote du peuple palestinien. Il ne faut céder sous aucun prétexte sur ces exigences. Washington et Tel-Aviv se déconsidéraient totalement à refuser des conditions aussi légitimes et fondées en droit. Si des élections vraiment démocratiques ne devaient pas avoir lieu, ou si aucune élection n'était rendue possible du fait de leur comportement, une nouvelle période des plus sombres s'ouvrirait en effet pour toute cette région. C'est pourquoi l'Union européenne doit maintenir fermement ses engagements, qui vont au-devant des volontés de tout un peuple.

La seconde condition, c'est la reprise des négociations pour la création d'un État palestinien viable dans les frontières reconnues de 1967. Cela ne constitue pas un problème, mais, au contraire, une solution pour qu'Israël vive en sécurité. Alors que le président Arafat était encore de ce monde, une « feuille de route » avait été élaborée en avril 2003 prévoyant la création d'un État palestinien deux ans plus tard. Maintenant qu'il n'est plus là, le président Bush évoque cette possibilité à l'horizon 2009, soit dans cinq ans ! C'est inacceptable.

Il en va de même pour la tenue d'une conférence internationale, conforme à la « feuille de route », que Tony Blair n'a même pas pu obtenir. La « feuille de route », pas plus que la marche du monde, ne sont la propriété de M. Bush. Dire toujours « oui » à la superpuissance américaine, et ce au mépris du droit, n'est pas une bonne démarche.

Monsieur le ministre, nous disposons de deux moyens politiques en cas de blocage sur cette question : premièrement, l'accord d'association que nous avons conclu avec Israël, et dont l'article 2 n'a jamais été activé ; deuxièmement, la jurisprudence - d'ailleurs initiée par les États-Unis -, que constitue la résolution 377 (V) du 3 novembre 1950. Plusieurs fois utilisée, elle permet à l'Assemblée générale de se substituer au Conseil de sécurité de l'ONU en cas carence durable de celui-ci à remplir son rôle de maintien ou de rétablissement de la paix.

Utilisons ces moyens au plus vite !

Le monde actuel a un besoin urgent d'espoir réparateur. Nous sommes fortement réclamés à cette fin. Rien ne serait pire, dans ces conditions, que notre diplomatie - au nom de je ne sais quel réalisme aboutissant à la résignation ou à la démission - rase les murs, se taise devant l'arrogance, les inégalités flagrantes ou l'esprit de domination. Elle ne peut détourner les yeux devant les violations incessantes du droit international ni les accepter sans le moindre murmure de protestation.

Or c'est trop souvent ce que nous faisons. Mais pourquoi se taire et accepter l'inaction ? Quand nous avons des mots justes, pourquoi ne pas les transformer en actes ? La grille de lecture proposée pour expliquer le cours du monde - autour de la seule question du terrorisme, de l'axe du mal contre l'axe du bien - n'est pas recevable car elle n'est pas pertinente.

La critique principale que nous portons sur votre action - je ne parle évidemment pas sur le plan personnel - est qu'elle est marquée par un certain divorce entre les mots et les actes. Il en est ainsi pour la situation actuelle au Proche-Orient : il est nécessaire de ne pas céder devant l'imperium, de sortir de la peur d'agir ou de dire.

Par exemple, on s'en prend à l'Iran - pays de « l'axe du mal » - à propos de ses engins nucléaires. Très bien. Mais pourquoi ne disons-nous pas la vérité sur la possession d'armes nucléaires par Israël ? Pourquoi taire le fait que ce pays a construit, dans des chantiers navals allemands qui plus est, trois sous-marins atomiques ?

Prenons par ailleurs le projet de Constitution européenne.

Je n'aborderai pas ici ce qui fait opposition formelle entre nous, à savoir le modèle de société de droite ultralibéral que ce traité prévoit d'instaurer de manière « illimitée », mot utilisé dans le traité à l'article IV-446. Nous ne partageons pas, en effet, le même projet de société.

Je ne retiendrai donc que le fait que ce projet ne peut pas nous placer en situation d'autonomie et nous permettre, comme il est pourtant dit et assuré, de travailler à l'instauration d'un monde multipolaire. Vous aurez bien du mal, monsieur le ministre, vous et d'autres, à expliquer qu'une défense européenne dépendante de l'OTAN, comme il est précisé dans le traité, peut nous donner les moyens d'une autonomie politique sur la scène internationale.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Compatible avec le traité !

M. Jean-Claude Lefort. C'est bien ce que je voulais dire.

Autre exemple qui touche plus directement le projet de budget pour 2005. Si celui-ci augmente, cela tient pour une grande part à l'augmentation de l'aide publique au développement, et il est exact que les engagements pris en la matière sont réalisés, mais il faut y regarder de plus près. En effet, si l'APD augmente, c'est que les allégements de dettes sont inclus dans ce chiffre, ce qui est parfaitement contestable. Ces allégements représentent 30 % du montant total de l'APD. Sans cela, l'APD reculerait dans le budget pour 2005.

J'ai dit « contestable » car ces allégements ne sont pas de même nature que l'APD et se réalisent dans l'opacité la plus totale. Où, comment, pourquoi, qui en bénéficie ? On ne voit rien dans le budget, et les documents y afférents viennent tout juste de nous être remis.

M. le président. Pourriez-vous conclure, monsieur Lefort ?

M. Jean-Claude Lefort. Cela m'amène d'ailleurs à proposer formellement - bien que le président de la commission des affaires étrangères ne soit plus présent dans l'hémicycle pour entendre ma proposition -, que notre assemblée se dote d'une mission d'étude et d'observation pour procéder à un audit global et détaillé de toutes les créances détenues par la France et pour y voir clair sur l'état exact des remboursements, des affectations et des conditions posées.

Mais allons plus loin pour souligner le décalage entre les mots et les actes de la politique française qui est au cœur de nos critiques fortes.

Après qu'on nous a raillés sur ce point, l'idée a été avancée d'instaurer une taxe, notamment sur les transactions financières internationales et les ventes d'armes, pour lutter contre la pauvreté. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec notre propre idée ! Mais, depuis, on ne voit rien. À quand donc cette taxe ? Et si vous me dites, monsieur le ministre, qu'on y travaille à la Banque mondiale, pourquoi sommes-nous tenus dans l'ignorance ?

Et que dire de l'absence de mise en place de l'Observatoire de la mondialisation promis par le Président de la République ?

Autre exemple : la lutte contre les pandémies qui tuent 6 millions de personnes chaque année, dont 3 millions par le sida. Nous participons au fonds onusien dans des conditions meilleures que d'autres, mais, dans le même temps, on signe à l'OMC un accord qui rend impossible l'accès des pays concernés aux médicaments, et cela transforme le fonds en machine à subventionner les exportations. Même leur fabrication et leur exportation sont interdites pour les pays qui sont en mesure de le faire. Ce sont encore et toujours les industries pharmaceutiques qui sont protégées. Et c'est encore prévu dans la directive européenne en préparation, de sorte que, si l'on meurt aujourd'hui du sida, ce n'est pas parce qu'il n'y aurait pas de médicaments, c'est parce que les pays du sud ne peuvent pas les acquérir.

Sortons de cette logique et soyons à l'origine d'une caisse mondiale de sécurité sanitaire permettant que tous les médicaments déclarés essentiels, dont ceux contre le sida, soient accessibles à tous au moindre coût, en dédommageant à un juste prix les droits de propriété intellectuelle.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous avions de nombreuses raisons de nous opposer à votre budget en considérant l'intérêt de la France, de l'Europe et du monde. Nos critiques et nos exigences maintenues, notre vote d'abstention n'en prend que plus de sens politique, que chacun saura apprécier.

Nos propos l'indiquent, il vous faut aller franchement de l'avant sur la voie d'une grande politique française sur la scène internationale.

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Affaires étrangères, coopération et francophonie (suite) :

Affaires étrangères et francophonie :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 1, de M. Jérôme Chartier, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Affaires étrangères :

Avis, n° 1866 tome 1, de M. Richard Cazenave, au nom de la commission des affaires étrangères,

Avis, n° 1867 tome 1, de M. François Lamy, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Coopération et développement :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 3, de M. Henri Emmanuelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1866 tome 3, de M. Jacques Godfrain, au nom de la commission des affaires étrangères.

Francophonie et relations culturelles internationales :

Avis, n° 1864 tome 1, de M. Patrick Bloche, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 1866 tome 4, de M. François Rochebloine, au nom de la commission des affaires étrangères.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot