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Première séance du mercredi 17 novembre 2004

59e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, le Premier ministre m'a fait savoir qu'il ne pouvait assister à la présente séance en raison d'engagements internationaux.

M. Jean-Louis Idiart. Il a démissionné ?

M. le président. Nous commençons par une question du groupe socialiste.

SERVICES PUBLICS EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais je ne doute pas qu'on pourra y répondre quand même.

En Creuse et dans d'autres départements, de nombreux élus ont démissionné ou menacent de le faire. Ce mouvement est soutenu par les populations, par des forces syndicales et associatives. (« Par le PS ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous en avons eu la démonstration à Guéret.

Tous ont le sentiment d'une profonde injustice. Lors du congrès des maires de France, qui se tient en ce moment, de nombreuses voix s'élèvent pour protester contre des décisions de fermetures de services publics prises sans aucune concertation préalable.

Les élus ne démissionnent pas par plaisir ou manipulation. Ils sont, de toutes tendances politiques, fiers de leur mandat et conscients de leurs responsabilités. Leur geste est un geste grave et les accusations de manipulation qui ont pu être portées à leur encontre les ont choqués, blessés.

Dans nos communes et nos communautés de communes, nous travaillons pour le développement de notre territoire, à travers la création de zones économiques et artisanales, de structures d'accueil, d'infrastructures. Nous agissons avec l'ensemble des partenaires, départements, régions, État, Europe. Tout manquement à la parole, tout engagement non respecté a de lourdes conséquences. S'agissant des services publics, puisque je veux m'en tenir à eux, je dirai que nous avons connu des jours meilleurs.

M. Bernard Deflesselles. De plus mauvais aussi !

M. Michel Vergnier. Nous avons un sentiment d'abandon du monde rural. Nous n'acceptons pas que nos efforts soient ruinés par des décisions purement comptables.

Nous ne refusons ni le dialogue, ni les évolutions. Nous voulons que la solidarité que nous avons si souvent manifestée ne s'exerce pas à sens unique. Nous voulons que la République assure l'égalité des citoyens en tous les points du territoire.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Michel Vergnier. Nous avons atteint un seuil en dessous duquel il n'est plus possible de descendre. Nous voulons des territoires vivants et attractifs. Nous voulons avoir les mêmes droits à l'éducation et à la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Vergnier, nous voudrions, nous, avoir la question.

M. Michel Vergnier. Nous préférerions, monsieur le président, dépenser plus d'énergie à construire qu'à nous défendre.

Quelle réponse le Gouvernement peut-il apporter aux élus de la Creuse et, plus généralement, aux élus ruraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je vous remercie, monsieur Vergnier, de votre question. Ni le Gouvernement, ni la majorité, ni l'opposition, ne peuvent se satisfaire d'assister, et souvent depuis très longtemps, à la désertification des campagnes et au départ, insidieux, progressif, de certains services publics. Il nous faut donc réagir.

M. Christian Paul. Eh bien, faites-le !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Mais nous devons réagir tous ensemble parce que nous ne réussirons pas à ramener des services publics, à leur redonner une certaine vitalité les uns sans les autres.

Vous suggérez une concertation. Je suis d'accord. Engageons-la, ensemble.

Le Premier ministre a annoncé hier au congrès des maires de France la réunion dans les meilleurs délais de la conférence nationale des services publics en milieux ruraux. Nous attendons beaucoup de cette conférence.

M. Patrick Lemasle. En attendant, les services publics ferment !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. En particulier, des idées innovantes car on n'apporte pas les services publics au xxie siècle comme on les apportait au xixe siècle.

Ainsi, les expériences qui ont réussi, parfois en milieu urbain, comme le regroupement des services publics dans des maisons de services publics, avec une certaine polyvalence des personnels, avec des moyens technologiques modernes, sont des pistes intéressantes qui pourraient être étudiées au cours de cette conférence nationale.

Enfin, je rappelle, monsieur Vergnier, que l'annonce de la relance des contrats de plan, qui vont permettre aux territoires d'être mieux reliés, constitue déjà une première réponse, qui témoigne de l'intérêt que le Gouvernement porte au milieu rural et à son désenclavement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PENSIONS DE RÉVERSION

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Pierre-Christophe Baguet. En pleine torpeur estivale, M. le ministre de la santé et de la protection sociale a signé un décret, conséquence de la réforme des retraites, qui modifie, en l'aggravant, le régime des pensions de réversion des veufs et veuves.

L'UDF, en particulier par la voix de Jean-Luc Préel, a depuis longtemps alerté le Gouvernement sur les conséquences douloureuses de ce décret.

Devant l'indignation générale, le Gouvernement a saisi le Conseil d'orientation des retraites. Celui-ci vient de rendre son avis. Après l'UDF, il vous demande de rétablir un minimum de justice pour des milliers de nos concitoyens.

Toutefois, les propositions du Conseil d'orientation des retraites ne concernent pas la situation des jeunes veuves. Pour elles, la suppression à compter de 2007 du versement du minimum veuvage est vécue comme une nouvelle injustice, d'autant plus que tous les salariés continuent à payer la cotisation à l'assurance veuvage.

La presse indique aujourd'hui que le Gouvernement serait prêt à abroger ce décret. Le Gouvernement peut-il nous préciser ses intentions sur ce point ? Un nouveau décret est-il envisagé ? Si oui, dans quel délai et avec quel contenu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Baguet, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Philippe Douste-Blazy, qui est retenu au Sénat par la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement, constatant que la publication du décret pris en application de l'article 31 de la loi d'août 2003 portant réforme des retraites suscitait une certaine émotion dans le pays, a décidé d'une part de suspendre le décret en question - c'est donc pour l'instant l'ancien droit qui s'applique -, d'autre part, de demander au Conseil d'orientation des retraites, dont vous connaissez toutes et tous la qualité des travaux puisque certains membres de cette assemblée participent à ses travaux, de nous aider à trouver les meilleures solutions en la matière.

Dans son avis, rendu avant-hier, le Conseil d'orientation des retraites formule trois pistes de travail.

D'abord, il propose de ne plus permettre, à partir de soixante ans ou au moment de la liquidation de la retraite, ni nouveau calcul ni modification de la pension de réversion. En clair, plus aucun changement en ce qui concerne les modalités d'attribution de la pension de réversion ne pourrait intervenir à partir de soixante ans ou de l'âge de la liquidation de la retraite. C'est une garantie importante.

Ensuite, le Conseil d'orientation des retraites estime que devraient être exclus du plafond de ressources à la fois la part complémentaire de la réversion, les revenus du patrimoine ainsi que l'épargne retraite et les primes des contrats de prévoyance.

Enfin, le Conseil d'orientation des retraites considère qu'il convient de continuer à abaisser l'âge pour bénéficier de la pension de réversion, mais à un rythme plus lent.

À partir de ces conclusions, et je voudrais souligner l'implication personnelle de Mme Moreau, la présidente du Conseil d'orientation des retraites, dans le règlement de ce dossier, le Premier ministre a demandé à Philippe Douste-Blazy et à moi-même de rencontrer l'ensemble des partenaires sociaux et des associations concernées.

M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Une réunion se tiendra la semaine prochaine sous la présidence du Premier ministre. Vous constaterez alors combien le Gouvernement considère les pensions de réversion comme un élément essentiel de la justice sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PAUVRETÉ

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.

La pauvreté et les inégalités s'aggravent dans notre pays. L'an dernier, nous apprenions que le nombre d'enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté avait atteint, selon les normes internationales, 2 millions. Le nombre de familles surendettées ne cesse d'augmenter. Le nombre de RMIstes s'est accru fortement.

Hier, un rapport du Secours catholique a confirmé que le nombre des personnes accueillies, après avoir augmenté de 2,3 % en 2003, connaissait une nouvelle hausse de 0,5 % cette année. Les chiffres sont même beaucoup plus élevés dans les structures comme le Secours populaire et les Restos du cœur.

Le Secours catholique déclare qu'il est urgent « d'arrêter la spirale des emplois qui produisent de la pauvreté, conséquence d'une société de plus en plus libérale et américanisée ».

M. Lucien Degauchy. C'est vous qui êtes à l'origine de la précarité !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est pourtant cette société-là et ces emplois-là que vous affectionnez.

Vous répétez vouloir valoriser le travail. Le rapport du Secours catholique démontre le contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et le Secours populaire fait le même constat.

M. Claude Goasguen. Et les emplois-jeunes ?

M. Jean-Claude Sandrier. Votre politique n'a en fait de cesse d'abaisser le coût du travail pour mieux assurer une hausse des dividendes de 15 %, voire 20 %. À cela, il faut ajouter la hausse des prix du gaz, du fioul, de l'électricité, des transports, du timbre-poste alors que la masse salariale stagne.

M. Lucien Degauchy. Et la hausse du SMIC ?

M. Jean-Claude Sandrier. Devant une telle régression sociale, de nombreux maires, soucieux de l'intérêt de leurs concitoyens, prennent des arrêtés pour empêcher les mesures moyenâgeuses et dangereuses d'expulsion, de coupures d'eau, de gaz, d'électricité. Or vous faites annuler ces arrêtés alors que, dans le même temps, votre imagination est sans limite pour vider de sa substance l'impôt sur la fortune. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre capitulation devant les marchés financiers ne nous laisse que peu d'espoir (Même mouvements)...

M. le président. Laissez M. Sandrier s'exprimer, il n'a pas utilisé tout son temps de parole !

M. Jean-Claude Sandrier. ... que vous manifestiez une quelconque volonté de rechercher les moyens nécessaires pour faire reculer la pauvreté et les inégalités dans notre pays. (Brouhaha sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Maintenant, posez votre question.

M. Jean-Claude Sandrier. Mais peut-être avez-vous changé d'avis. Dans ce cas, nous sommes impatients d'écouter votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, écoutez les orateurs, même si vous ne pensez pas comme eux.

La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, j'avoue que votre intervention est pour le moins surprenante. Nul ne saurait se réjouir de voir la précarité et la pauvreté progresser comme elles le font depuis des années dans notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. On ne s'en réjouit pas !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement a pris des mesures. Ainsi, le plan de cohésion sociale comporte de nombreuses dispositions en faveur des personnes les plus exclues de notre société.

M. Alain Bocquet. C'est faux !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nous allons remettre au travail les gens qui le peuvent, avec des contrats qui serviront de passerelles vers des emplois durables. Nous allons nous attaquer au problème du logement, car la dignité passe par le travail mais également par le logement. Cela demande un peu de temps. Je vous rappelle qu'en 1999, l'année la plus noire, il n'a été construit, alors que vos amis socialistes étaient au pouvoir, que 39 000 logements. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous aidons au quotidien les associations, comme le Secours catholique, le Secours populaire ou les Restos du cœur. Même si beaucoup reste à faire, ces associations sont particulièrement heureuses de se sentir soutenues par un gouvernement auquel le Président de la République a fixé comme priorité la lutte contre l'exclusion et la précarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

IMMIGRATION CLANDESTINE

M. le président. La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe de l'UMP.

M. Franck Gilard. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, le Gouvernement et la majorité se sont résolument attaqués depuis 2002 à définir une véritable politique d'immigration en France, politique qui faisait défaut sous le gouvernement Jospin. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne vous en rendez pas compte ?

Nous ne pouvons que nous réjouir que le tabou de l'immigration soit enfin levé dans notre pays après tant d'années de laxisme. L'approche de l'immigration est désormais globale, elle prend en compte tous les éléments, lutte contre l'immigration clandestine, identification et rôle des mafias, politique d'intégration.

La lutte contre l'immigration irrégulière a commencé à porter ses fruits. En effet, les interpellations de clandestins ne cessent d'augmenter depuis maintenant deux ans, pour atteindre plus de 12 000 reconduites à la frontière, contre quelques centaines du temps de M. Vaillant.

En dépit de ces résultats, le problème n'est pas réglé et la situation exige une vigilance et une détermination sans faille des pouvoirs publics.

Mais cette vigilance ne peut, et ne doit pas d'ailleurs, être le seul fait de la France. Pour être plus efficace, une coopération pleine et entière avec les autres États et notamment nos partenaires européens s'impose.

Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu à Calais afin de rencontrer M. David Blunkett, votre homologue britannique, avec lequel vous avez évoqué le dossier de l'immigration. Pouvez-vous nous dire comment, deux ans après la fermeture attendue du centre de Sangatte, vous allez renforcer la coopération entre nos deux pays pour lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, j'étais effectivement hier à Calais avec mon homologue et ami, David Blunkett, pour marquer notre détermination à lutter contre l'immigration clandestine.

Dans ce domaine, les résultats que nous avons obtenus depuis deux ans sont excellents. Je le dis ici avec satisfaction devant Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), qui a marqué de tout son poids ce grand combat qu'il a mené courageusement, avec son homologue britannique. Les chiffres sont là pour en témoigner puisque, dans le Calaisis, le nombre de clandestins par jour a été divisé par vingt. Ce nombre est en effet passé de 2 000 à 100 et celui des interpellations, qui était de 100 000 en 2002, n'est plus aujourd'hui que de 15 000 environ. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Plus de 400 passeurs ont également été interpellés. Les bureaux de contrôle nationaux juxtaposés, ouverts à Calais, Douvres, Dunkerque et Boulogne, fonctionnent parfaitement.

Il faut bien sûr aller plus loin - c'est notre intention - en déployant les moyens techniques nécessaires : ondes millimétriques, détecteurs de battements cardiaques ou d'émanations de gaz carbonique. Cela dit, un clandestin, c'est d'abord un homme ou une femme victime de trafics scandaleux. Nous avons donc le devoir de faire en sorte que la dignité et la responsabilité soient au rendez-vous, c'est-à-dire de démanteler les filières d'immigration clandestine. Voilà pourquoi, avec nos amis britanniques, nous organisons des vols groupés pour reconduire ces immigrés clandestins, nous augmentons le nombre des officiers de liaison, qui interviennent dans les pays d'origine comme dans les pays de transit, et le nombre d'équipes d'enquêtes communes qui sont susceptibles d'agir sous le contrôle de la justice.

Vous le voyez, nous agissons avec humanité, détermination et responsabilité. Je suis d'ailleurs heureux de constater que tous les élus de cette région, de droite comme de gauche, soutiennent cette politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FISCALITÉ LOCALE

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe UMP.

M. Pierre Méhaignerie. Ma question s'adresse au ministre chargé des collectivités locales.

De nombreux élus locaux n'ont pas augmenté les impôts locaux en 2004 et n'envisagent pas davantage de le faire en 2005. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On assiste cependant, depuis quelques semaines, à une campagne (« Honteuse ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) organisée, méthodique, répétitive et le plus souvent mensongère sur l'augmentation des impôts locaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Une telle campagne a pour résultat de créer dans le pays des inquiétudes et n'est pas sans conséquences sur l'évolution de la confiance et de la consommation. Les élus locaux ont besoin d'être rassurés et les Français d'être éclairés. Mes deux questions sont les suivantes. Le Gouvernement peut-il s'engager à organiser dans chaque région un débat sur l'évolution comparée des transferts de l'État vers les collectivités locales ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans un souci de transparence, est-il décidé à publier régulièrement, dans chaque département, l'évolution des taux de fiscalité des différentes collectivités afin que chacun assume ses propres responsabilités ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Zéro !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président de la commission des finances, naturellement ma réponse est oui, mille fois oui ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La meilleure façon de répondre à la désinformation, ce sont les faits, les exemples concrets. En voici un : en 2003, les quatre régions qui avaient les taux de fiscalité les plus élevés étaient quatre régions de gauche (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste), tandis que les quatre régions qui avaient les taux de fiscalité les plus bas étaient quatre régions de droite ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je propose donc de mettre à la disposition de l'ensemble de l'Assemblée, et de tous les Français, les documents dont vous aurez besoin pour pointer de façon très précise l'évolution de la fiscalité locale. Cela permettra à chacun de connaître la situation réelle des finances locales et de voir quelles sont les causes des augmentations d'impôts. Vous verrez alors, et je serai aussi vigilant que vous, que l'essentiel de ces augmentations est dû non pas à la décentralisation, qui est financée par les dotations de l'État, mais tout simplement au financement de promesses électorales ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

FONCIER MOBILISABLE EN ÎLE-DE-FRANCE

M. le président. La parole est à M. Roger Boullonnois, pour le groupe UMP.

M. Roger Boullonnois. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, un rapport que vous aviez commandé il y a un an indique que le ministère de l'équipement et ses établissements publics sont propriétaires, en Île-de-France, de 3 millions de mètres carrés de terrain dont ils n'ont plus l'utilité à court, moyen ou long terme. Or, les experts, notamment ceux de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France, estiment les besoins à 53 000 nouveaux logements par an.

La situation de sous-construction de logements, qui a prévalu pendant les années du gouvernement Jospin, a de multiples impacts sur les conditions de vie des Franciliens, qui ont de plus en plus de mal à se loger, et sur la capacité de l'Île-de-France à attirer des entreprises et des emplois. En effet, comment pourrons-nous convaincre les responsables d'une entreprise étrangère d'implanter leur centre de recherches international ou leur siège européen en Île-de-France s'ils savent que leurs collaborateurs ne pourront pas se loger à proximité à un coût raisonnable ?

Paris est pour le moment classée comme la deuxième métropole la plus attractive d'Europe. Pourra-t-elle le rester longtemps ? Un an après la remise du rapport, où en êtes-vous, monsieur le ministre, de cette action essentielle de mobilisation du foncier public et quelles sont vos ambitions pour les années à venir ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Boullonnois, le ministère de l'équipement et les entreprises publiques dont il a la tutelle sont probablement le plus gros propriétaire foncier en Île-de-France. Nous en avions le pressentiment. J'ai missionné M. Pommellet il y a un an et demi. Le rapport qu'il m'a remis en juillet à ce sujet fait état de neuf millions de mètres carrés qui « dormaient » et qui sont susceptibles d'accueillir des entreprises ou, le cas échéant, des logements. En octobre, j'ai constitué une équipe opérationnelle pour vendre ce foncier et, le 4 novembre, j'ai signé un contrat avec Réseau ferré de France, la SNCF et la RATP, qui s'engagent tous les trois à vendre ces mètres carrés dans les meilleurs délais.

Cela représente un potentiel de 40 000 logements, qui pourront accueillir 100 000 personnes, soit à peu près la communauté d'agglomération de Meaux, que vous connaissez bien. Les élus locaux savent donc maintenant sur quel potentiel ils peuvent compter. Ils savent à qui s'adresser et peuvent donc monter les projets dont la population a besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CHÔMAGE

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.

M. Jean Le Garrec. Ma question s'adressait au Premier ministre. Celui-ci étant absent, je me tourne avec un peu de malice vers M. le ministre d'État.

Le Premier ministre a déclaré ces jours-ci que le chômage baisserait en 2005 d'une façon durable et continue. Il est même allé plus loin en précisant qu'il baisserait de 10 %.

M. Bernard Deflesselles. Et alors ? C'est une bonne nouvelle !

M. Jean Le Garrec. Nous savons aujourd'hui que le chômage est la première préoccupation des Français et M. Sandrier avait parfaitement raison dans son analyse de la pauvreté. Nous aurions eu tendance à croire M. le Premier ministre, mais nous savons que ce qu'il a annoncé n'est pas possible, pour au moins trois raisons.

La première est que la croissance est en panne, vous le savez, monsieur le ministre d'État. Le pouvoir d'achat fait du sur-place, les entreprises rechignent à investir et les prélèvements sont en augmentation de six milliards d'euros, pour ne citer que quelques éléments du tableau.

La deuxième raison est que vous n'avez pas de politique de l'emploi. Ce gouvernement a en effet passé son temps, pendant deux ans, à casser tous les outils que nous avions créés (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) - TRACE, par exemple - et les dispositifs que vous avez voulu instaurer connaissent un échec formidable, impressionnant : peut-être 300 CIVIS et un millier de RMA, et je suis bon prince ! Vous avez détruit, mais vous n'avez rien construit !

M. Lucien Degauchy. Hypocrite !

M. Jean Le Garrec. La troisième raison est que le plan de cohésion de M. Borloo, auquel nous travaillons, est un mélange complexe de mesures inachevées, de renvois à des décrets ultérieurs, de constructions « virtuelles » - le mot est du ministre lui-même.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Le Garrec !

M. Jean Le Garrec. Le Conseil économique et social considère d'ailleurs que ce plan sera totalement inefficace pour l'emploi. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas du baratin, mes chers collègues ! (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la réalité.

Où en êtes-vous donc, monsieur le ministre d'État ? A la méthode Coué, à l'autosatisfaction ou à la célèbre formule des Shadoks : « Quand on ne sait pas, on y va. Le problème est d'y aller le plus vite possible » ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. L'UNEDIC nous a annoncé hier une baisse de 150 000 dans les chiffres du chômage. Quand on connaît la prudence de cet organisme par rapport à des comptes qu'il souhaite consolidés et garantis auprès de l'État, dont il a obtenu du Premier ministre et du ministre d'État la garantie pour 2,2 milliards d'euros, on se dit que 60 % du chemin sont déjà faits ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Si nous sommes capables de tenir la croissance à plus de 2 %, si nous sommes capables ensemble - départements, régions et autres collectivités territoriales - de mettre en place les 285 000 contrats d'avenir, si nous sommes capables de mettre en place le RMA, alors nous ferons ensemble baisser le chômage, ce qui est d'intérêt national ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


PROTECTION DE L'ENFANCE

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe UMP.

Mme Martine Aurillac. Madame la ministre de la famille et de l'enfance, depuis votre arrivée à ce ministère, vous vous êtes attachée, à la suite de M. Christian Jacob, non seulement à rendre toute sa place à la famille, mais aussi à promouvoir l'accueil et la protection de l'enfance.

Outre la création de la PAJE, vous avez engagé une action efficace contre la maltraitance - c'était l'objet de votre communication du mois d'octobre -, ainsi qu'une réforme de l'adoption internationale, pour harmoniser et simplifier les procédures tout en développant un meilleur accompagnement des familles en amont et en aval.

Dans le même esprit, la conférence de la famille 2005 s'intéressera aux familles fragiles, qu'elles soient nombreuses, monoparentales ou déstabilisées par un choc de l'existence. Elle portera également sur les enjeux démographiques.

Le 20 novembre prochain, nous fêterons le quinzième anniversaire de la signature de la convention des droits de l'enfant, que la France avait été la première à ratifier, en 1990.

Au moment où le périmètre de l'Europe s'élargit à vingt-cinq membres et en comptera bientôt vingt-sept, la protection de ces droits ne peut se réaliser dans un cadre purement national. Une coopération est en effet indispensable.

Pourriez-vous donc nous indiquer, madame la ministre, quelles sont les actions entreprises à cet égard et comment vous comptez, dans ce domaine où notre pays a donné l'exemple, faire entendre la voix de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Madame la députée, je vous remercie d'avoir souligné la détermination du Gouvernement à travailler en faveur de la protection de l'enfance.

M. Jean-Louis Idiart. C'était nécessaire !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Vous avez rappelé les grandes lignes de notre politique. Je n'y reviendrai donc pas.

Certaines préoccupations touchant à l'enfance et à la famille concernent évidemment d'autres pays d'Europe. Je pense notamment aux dangers que courent nos enfants au contact d'Internet, à la séparation des couples binationaux, à l'adoption ou, bien sûr, aux problèmes démographiques de nos populations vieillissantes.

S'agissant des contacts qui ont déjà été pris, j'ai pu faire entendre la voix de la France devant les Nations unies, à Genève, lors du rapport quinquennal sur nos engagements dans la convention des droits de l'enfant. Sur ce sujet, le travail de la France pendant les cinq dernières années a été unanimement salué.

Pour ce qui est des autres pays, une coopération est déjà en place avec l'Allemagne. Ainsi, je me rendrai le 2 décembre prochain à la rencontre de mon homologue allemande, Mme Renate Schmidt, que nous avons accueillie récemment, afin de mettre en place un travail sur la possibilité de faire cohabiter harmonieusement pour les femmes vie professionnelle et vie familiale. Je vais lui demander de mettre en place un groupe de haut niveau, qui sera en contact permanent avec nos deux pays.

Nous coopérons également, au Centre français de protection de l'enfance, avec ce pays sensible qu'est la Roumanie. Un travail important est en cours.

Je salue enfin le fait que vous ayez parlé de l'anniversaire de la convention des droits de l'enfant, le 20 novembre prochain. Je réunirai à cette occasion tous les partenaires de la protection de l'enfance et de la famille, qu'ils soient publics, privés ou associatifs, avec lesquels j'entends non seulement travailler pour la protection de l'enfance, ce qui est légitime, mais aussi mettre en évidence les cas de bien-traitance, afin d'initier une nouvelle politique, une nouvelle philosophie et un nouveau regard en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CANDIDATURE DE PARIS
AUX JEUX OLYMPIQUES

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour le groupe UMP.

Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, nous avons franchi une étape dans la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2012, avec le dépôt du dossier de candidature auprès du Comité international olympique.

Mais nous ne sommes pas les seuls sur cette ligne de départ où ont pris place d'autres grandes villes. New York, Moscou, Londres et Madrid ont aussi fait acte de candidature. Aujourd'hui, chaque délégation attend le résultat qui sera annoncé le 6 juillet prochain.

Il nous faut encore franchir des étapes et nous aimerions que vous nous apportiez des précisions sur le calendrier qui nous attend pour les sept mois qui nous séparent de la date fatidique du 6 juillet.

Nous savons tous qu'un des enjeux majeurs des semaines à venir sera de montrer au Comité international olympique que c'est la France tout entière qui porte cette candidature. Je peux témoigner, comme députée-maire de l'arrondissement de Paris qui va accueillir le village olympique, du fait que toute la population se sent effectivement concernée aujourd'hui. Des enquêtes d'opinion récentes nous l'ont d'ailleurs montré.

Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les actions que vous allez engager pour entretenir et amplifier ce mouvement populaire, et nous dire quelles retombées nous pouvons attendre, nationalement et localement, de ces jeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous avez raison, madame la députée, nous avons vécu le 15 novembre, c'est-à-dire il y a deux jours, une étape importante dans le cadre de notre candidature : le dépôt d'un dossier finalisé, qui va permettre aux membres du Comité international olympique d'étudier de près notre candidature.

Ce dépôt clôt une période très importante pour nous, qui a permis de déterminer des choix capitaux, comme l'installation du village dans votre arrondissement, à égale distance de deux noyaux autour de Paris - le noyau nord et le noyau sud-ouest -, ce qui permettra aux athlètes olympiques et paralympiques de ne pas faire plus de quinze minutes de transport pour rejoindre leur lieu de compétition.

N'oublions pas non plus les équipements réalisés autour de Versailles, de Satory, de Saint-Quentin-en-Yvelines, d'Auvers-sur-Marne, de La Rochelle et d'autres villes qui accueilleront les matchs de football, comme Lens et Nantes.

Nous avons aussi vécu le temps de l'engagement. Avec la ville de Paris et la région Ile-de-France, l'État s'est engagé à garantir la bonne fin de l'organisation des Jeux. Il s'agit d'engagements lourds, de l'ordre de 4,1 milliards d'euros, qui permettront sans doute de convaincre les membres du CIO.

Aujourd'hui et jusqu'au 6 juillet 2005, c'est le temps de la mobilisation. Il nous faut convaincre. Déjà 80 % des Français sont avec nous pour cette candidature. Il faut dépasser ce chiffre et faire en sorte que tous les Français accompagnent ce magnifique dossier, pas simplement parce que, pendant un mois, à Paris, nous vivrons des moments exceptionnels de solidarité, d'engagement et de fraternité, mais parce que, derrière cette organisation, se profilent de véritables retours sur investissement.

À l'issue des Jeux, quatre millions de Français supplémentaires pratiqueront un sport, ce qui représente 20 000 emplois de plus. Sept millions de touristes supplémentaires viendront en France - pas simplement à Paris ou en Ile-de-France -, ce qui représentera également 20 000 emplois de plus pour les accueillir et environ 5 milliards d'euros par an pendant dix ans.

Voilà une raison supplémentaire, au-delà de la fête, d'un moment exceptionnel ou d'un projet d'urbanisme qui concerne un arrondissement, pour nous mobiliser. Vous l'avez fait, monsieur le président, en accueillant les représentants des différents groupes de l'Assemblée nationale, il y a trois jours, à l'hôtel de Lassay.

Maintenant, il s'agit pour nous d'accompagner tous ensemble ce magnifique projet et de faire en sorte que l'équipe de France fasse son tour de piste à l'ouverture des Jeux olympiques au stade de France, en août 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

FISCALITÉ DES PRODUITS PÉTROLIERS

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre d'État, la suppression de la TIPP flottante représente un supplément de recette fiscale de l'ordre de 700 millions d'euros en année pleine, oui, 700 millions d'impôts indirects supplémentaires. Ce chiffre, qui émane du ministère de l'économie, est reproduit dans un rapport de la commission des finances. C'est donc un fait incontestable, reconnu par le ministère : la flambée des prix du pétrole provoque une ponction fiscale supplémentaire sur les consommateurs de produits pétroliers, particulièrement ressentie par les ménages les plus modestes.

Qui pourrait croire un instant qu'un baril à cinquante dollars au lieu de vingt-cinq ou trente-six soit sans incidence sur les recettes fiscales de l'État ? 19,6 % de cinquante dollars, c'est plus de 19,6 % de vingt-cinq ou de trente-six dollars. (« Bravo ! » sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comme votre gouvernement refuse par principe de restituer cette ponction fiscale aux ménages à travers la TIPP flottante, vous avez inventé la commission « pirouette cacahuète » : pirouette, parce qu'elle ressemble à une manœuvre dilatoire, cacahuète, parce que, au final, on lui fera dire qu'il n'y a rien à rendre aux Français.

Pour cela, le Gouvernement mélange les choux et les carottes. Les choux, ce sont les surplus de recettes au titre de la TVA, qu'il est impossible de ne pas reconnaître ; les carottes, ce sont les moins-values, constatées au titre de la TIPP, qui sont la cause d'une tendance lourde, qui mérite qu'on s'y attarde.

M. Richard Mallié. Quelle caricature !

M. Didier Migaud. En effet, la consommation de produits pétroliers n'est pas dynamique. De 1991 à 2001, elle a augmenté moins vite que la croissance française. La conséquence, ce sont des recettes fiscales qui diminuent en proportion de la richesse nationale. Le strict respect des limitations de vitesse ne fait qu'accentuer ce phénomène, qui n'a strictement rien à voir avec l'explosion du prix du pétrole et ses conséquences négatives sur le pouvoir d'achat.

En mettant en avant cette tendance lourde, vous reconnaissez que vous avez menti aux élus locaux (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en leur faisant croire que vous leur transfériez une ressource dynamique et l'on peut comprendre leur colère légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) D'autant que l'échange entre M. Méhaignerie et M. Copé montre que vous persistez dans le mensonge. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. Et la question ?

M. Didier Migaud. Mais persister dans un mensonge n'implique pas qu'il devienne vérité.

Ma question est très simple : la commission que vous mettez en place, monsieur le ministre d'État, sert-elle à quelque chose ? Tout n'est-il pas ficelé d'avance ? Allez-vous oui ou non restituer aux Français la totalité de la ponction fiscale supplémentaire que vous leur avez fait subir par votre refus de la TIPP flottante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il n'y a vraiment pas de quoi polémiquer ! En tout et pour tout, il y a trois questions à examiner et un homme de votre compétence va les comprendre facilement.

M. Yves Durand. Oui !

M. Patrick Lemasle. Merci pour les autres !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Première question : y a-t-il des recettes en plus liées à la TIPP et à la TVA ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) À ce sujet, je me permets de vous signaler que, si quelqu'un a fait une confusion, ce qui peut arriver à tout le monde, c'est vous, car lorsque vous avez cité le taux de 19,6 %, vous ne parliez naturellement pas de la TIPP, mais de la TVA.

Une commission se réunira demain pour le dire. Elle comprendra des parlementaires de tous les groupes, sera présidée par un magistrat de la Cour des comptes et déterminera les recettes en plus ou en moins, issues de la TIPP et de la TVA. Il n'y a pas lieu de polémiquer. C'est une procédure rapide.

M. Patrick Lemasle. C'est un peu rapide, en effet !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le groupe de l'UMP comme le groupe UDF nous l'avaient demandé.

Deuxième question : l'Europe nous autorise-t-elle à restituer d'éventuels surplus ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) À votre place, je serais plus prudent ! J'ai assisté hier au conseil Ecofin.

M. Jacques Desallangre. Vous ne l'aviez pas dit !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai le plaisir d'indiquer à l'Assemblée nationale que l'Europe nous a donné son autorisation (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Maxime Gremetz. Quelle chance !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...même si j'ai eu à affronter l'opposition déterminée des socialistes allemands et espagnols. Les Français doivent savoir que, alors que les socialistes français faisaient pression pour leur promettre la redistribution des surplus de recettes, leurs amis allemands et espagnols se mobilisaient au contraire pour empêcher la France d'honorer les fausses promesses des socialistes français. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Troisième question : à qui redonner ces éventuels surplus ? J'ai souhaité que ce soit à ceux de nos compatriotes pour qui la facture de fuel pour le chauffage est la plus douloureuse, c'est-à-dire ceux qui ont une petite retraite. J'ai donc proposé une prime exceptionnelle pour ceux qui touchent le minimum vieillesse.

Si les socialistes ne veulent pas la voter, nous proposerons à la majorité d'assumer cette décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)


TOURISME SEXUEL

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le groupe UMP.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre délégué au tourisme, les responsables politiques du monde entier dénoncent le tourisme sexuel dont sont victimes les enfants. Malheureusement, celui-ci progresse. Ainsi, les récentes études de l'UNICEF révèlent que 3 millions d'enfants de pays pauvres sont victimes de l'exploitation sexuelle.

C'est un drame humain irréparable, car ces enfants garderont toute leur vie les séquelles physiques et psychologiques de ce qu'ils ont vécu. Ce sont des enfants comme les nôtres. Leur misère n'en fait pas des adultes avant l'âge.

C'est également, pour notre conscience collective, un scandale moral car, sous prétexte d'arguments économiques ou culturels, certains touristes de pays riches profitent de la faiblesse de pays pauvres pour pratiquer là-bas ce qu'ils savent interdit ici. Ce n'est pas parce que tout est à vendre que l'on a le droit de tout acheter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans un récent rapport, Carole Bouquet souligne que bien des progrès ont été accomplis pour alerter les opinions publiques. Malheureusement, des lacunes subsistent. Le faible nombre des condamnations en témoigne. Pourtant, dès 1999, l'Organisation mondiale du tourisme déclarait : « L'exploitation des êtres humains sous toutes ses formes, et spécialement lorsqu'elle s'applique aux enfants, porte atteinte aux objectifs fondamentaux du tourisme et constitue la négation de celui-ci. »

Députée de Nice, élue d'une région aussi touristique que la Côte d'Azur, je suis particulièrement sensible à toutes les dérives inhumaines et immorales qui entachent le tourisme.

M. le président. Madame, veuillez poser votre question, s'il vous plaît.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre, quelles mesures pouvez-vous prendre pour que la France montre l'exemple dans la lutte contre ce fléau ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Madame la députée, le tourisme est noble : il consiste avant tout à découvrir l'autre et, surtout, à le respecter. Je refuse d'ailleurs que les mots « tourisme » et « sexuel » soient associés. Parlons plutôt de l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme, exploitation qu'il faut bien entendu condamner et combattre de toutes nos forces.

À la suite du comité interministériel du 9 septembre 2003, nous avons confié à Carole Bouquet la présidence d'un groupe de travail qui a remis ses conclusions il y a peu de temps à Marie-Josée Roig et à moi-même. Je puis vous assurer, madame la députée, que ce rapport ne restera pas sans suite. Plusieurs actions sont ainsi prévues, en accord avec d'autres membres du Gouvernement concernés par ce sujet.

Il faut, par exemple, développer des programmes de sensibilisation en direction des étudiants en tourisme, informer les Français voyageant à l'étranger, ainsi que les coopérants, des peines encourues en cas de délit, mener une politique volontariste en direction des professionnels du tourisme pour qu'ils soient des relais de premier plan, en particulier sur la législation en vigueur, et inclure à chaque fois que c'est possible une clause d'engagement dans les accords de coopération avec nos partenaires internationaux pour lutter contre ce fléau.

L'arsenal juridique français est déjà bien fourni mais, vous avez raison de le rappeler, la loi est peu appliquée. Nous devons donc réagir. À cet égard, je rappelle que depuis la loi du 2 juillet 2004, les associations peuvent aussi déclencher l'action publique pour ce type d'infractions : il faut les soutenir avec force.

Ainsi que vous l'avez dit, madame la députée, la France, première destination touristique mondiale, a le devoir d'être exemplaire aux yeux de la communauté internationale. C'est le sens de l'engagement du Gouvernement car, vous l'avez dit, ce sont des enfants comme les nôtres. Un coup porté à un enfant est un coup porté à l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRIX DES APPELS
DES TÉLÉPHONES FIXES VERS LES MOBILES

M. le président. La parole est à M. Bernard Mazouaud, pour le groupe UMP.

M. Bernard Mazouaud. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, l'usage du téléphone a pris une place importante dans la vie quotidienne, professionnelle et privée, de nos concitoyens. Cependant, le coût des communications reste parfois trop élevé. C'est le cas notamment pour les appels émis d'un téléphone fixe vers un téléphone mobile en France, qui sont actuellement facturés à l'abonné 15 centimes d'euro la minute, soit près du double du coût de la minute d'interconnexion entre les réseaux fixe et mobile.

Ce surcoût appliqué par les opérateurs de télécommunication n'a plus aucune justification. En effet, celui-ci avait été instauré dans les années quatre-vingt-dix pour subventionner le développement de la téléphonie. Or, à ce jour, excepté les quelques zones dites blanches qui seront à terme couvertes, ces réseaux ne nécessitent plus d'investissements importants.

Face à ce constat, vous avez estimé, il y a quelques semaines, qu'une baisse des tarifs des appels fixes vers les mobiles serait souhaitable pour le consommateur. Je me réjouis de votre initiative qui vise à faire baisser les prix en matière de téléphonie et qui s'inscrit dans la volonté plus globale du Gouvernement de lutter contre la vie chère. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous informer des résultats obtenus en la matière ? Comment les opérateurs de télécommunications ont-ils réagi à votre demande ? Enfin, une baisse des prix sera-t-elle effective prochainement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous avez bien décrit la situation. En effet, pour les appels d'un téléphone fixe vers un téléphone mobile, ce que l'on appelle la terminaison d'appel, c'est-à-dire l'interconnexion entre le fixe et le mobile, est facturée 15 centimes d'euro la minute. Or, son prix de revient est d'environ 7 centimes. La marge perçue à cette occasion est donc de 100 %. On a même inventé un système, le « hérisson », qui permet de simuler que la communication vient d'un mobile et non d'un fixe, afin de se voir facturer une communication de mobile à mobile. Ce dispositif ne procure aucun avantage supplémentaire au consommateur, mais il permet de récupérer 200 millions d'euros chaque année.

La situation actuelle est très antisociale, puisque ceux qui ne possèdent qu'un téléphone fixe, et qui paient donc le plus cher, appartiennent à la catégorie la moins avantagée de la population.

Le Gouvernement a dénoncé cette situation. Le 14 octobre dernier, le Conseil de la concurrence a rendu un avis préconisant la baisse de ce tarif et l'Autorité de régulation des télécommunications a proposé, le 2 novembre, qu'il diminue de 36 % en deux ans, pour passer de 15 à 9,5 centimes d'euro. Dans les jours qui viennent, le Gouvernement prendra un décret qui rendra cette baisse possible en autorisant l'ART à intervenir. À partir du 1er janvier 2005, la baisse sera donc effective et nous rendrons ainsi aux Français 500 millions d'euros sur deux ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

REPRÉSENTATION SYNDICALE À LA GUADELOUPE

M. le président. Au titre des députés non inscrits, la parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Madame la ministre de l'outre-mer, la Guadeloupe vient d'être secouée par une crise après l'incarcération, suivie d'une grève de la faim, d'un syndicaliste. Je n'entrerai pas dans les détails de cette affaire qui a défrayé la chronique à plus d'un titre, mais il est évident qu'elle est, à bien des égards, révélatrice d'un contexte social marqué, entre autres, par l'insuffisance de l'écoute et du dialogue social entre les forces productives de notre archipel.

Or, il s'avère que les organisations syndicales locales, dont je rappelle qu'elles sont très largement majoritaires en Guadeloupe, sont pénalisées, dans la mesure où certaines autorités compétentes, se référant à des critères qui ont été fixés il y a plus de cinquante ans, continuent à considérer comme représentatives les seules organisations syndicales nationales. De surcroît, certains textes régissant la représentation des organisations syndicales auprès des organismes gérés paritairement, qu'ils soient l'émanation de structures nationales ou de structures locales, n'autorisent que la présence de syndicats représentatifs au niveau national.

Le problème de la participation des syndicats locaux des départements d'outre-mer au dialogue et à la négociation sociale se pose avec d'autant plus d'acuité que, je le rappelle, la majorité des travailleurs locaux se reconnaissent dans les organisations syndicales locales.

Madame la ministre, n'est-il pas fortement souhaitable - et c'est un euphémisme - que soit prise une initiative associant le ministère de l'outre-mer, celui de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et celui de la fonction publique et de la réforme de l'État, afin d'examiner dans la concertation les voies et moyens d'une meilleure prise en compte des réalités syndicales des départements d'outre-mer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, vous venez de décrire fort justement le paysage syndical guadeloupéen, qui se partage en effet entre des organisations représentatives au plan national et des organisations reconnues localement, notamment à la suite de leurs résultats aux élections professionnelles.

La Guadeloupe et l'outre-mer ne sont pas seuls concernés par le problème de la participation des syndicats locaux aux organismes paritaires, puisque la plupart des textes - qu'il s'agisse du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code de la santé publique ou du statut des fonctionnaires - prévoient en effet la participation des seules organisations syndicales représentatives au plan national.

Je suis tout à fait favorable à ce que, comme vous le souhaitez, une initiative soit prise dans ce domaine. La notion de représentativité est complexe et nécessite une réflexion interministérielle. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé à travailler avec mes trois collègues les plus directement concernés par cette question - Jean-Louis Borloo, Gérard Larcher et Éric Woerth -, afin de tout faire pour essayer d'améliorer la situation, dans l'intérêt du dialogue social.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

EMPLOI, TRAVAIL, COHÉSION SOCIALE
ET ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

M. le président. Nous abordons les crédits du ministère du travail, de la santé, et de la cohésion sociale concernant l'emploi, le travail, la cohésion sociale et l'égalité professionnelle.

La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la solidarité.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la solidarité. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, madame la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, le budget de la solidarité pour 2005 illustre deux mouvements de fond déjà présents l'an dernier : la décentralisation et l'effort de maîtrise de la dépense. Cette année, ce budget est également marqué par le volontarisme renforcé de la politique de lutte contre l'exclusion menée par le Gouvernement. C'est ainsi qu'un certain nombre d'actions visant à l'insertion des populations fragilisées et à l'intégration des étrangers seront dotées de moyens importants.

Les principales tendances sont les suivantes. Les crédits de lutte contre l'exclusion, de l'intégration et des rapatriés s'élèvent à 1,19 milliard d'euros. À structure constante, ces crédits étaient de 1,068 milliard d'euros pour 2004. L'augmentation est donc de 122 millions d'euros, ce qui représente une progression de plus de 11 %.

Les crédits de la solidarité comprennent la dotation du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle : elle est en stricte reconduction. Les crédits relatifs à la gestion des politiques de santé et de solidarité n'augmentent que très modérément. Enfin, les crédits du développement social connaissent une forte diminution du fait de la décentralisation d'une grande partie des actions.

Après la décentralisation du revenu minimum d'insertion en 2004, le périmètre des crédits de la solidarité est à nouveau modifié cette année. Le premier changement concerne la formation initiale des travailleurs sociaux et les bourses aux étudiants, qui seront transférées aux régions, ce qui entraînera le basculement des 152 millions d'euros correspondant au budget de l'intérieur. Les fonds d'aide aux jeunes et les fonds d'impayés énergie sont transférés aux départements. Au total, le transfert portera sur 165 millions d'euros, montant correspondant à la moyenne des dotations des trois dernières années.

L'autre changement est le rattachement des crédits de l'aide au logement temporaire des personnes défavorisées à la section santé-solidarité en provenance du logement. Ces crédits de 45 millions d'euros sont gérés par les directions départementales de l'action sociale, aussi la modification confère-t-elle plus de cohérence au budget de la solidarité.

Les ouvertures d'autorisations de programmes passeront de 41,4 millions d'euros à 60,92 millions d'euros, soit une progression de 47 %. Les crédits de paiement augmenteront quant à eux de 62 %.

J'aborderai tout d'abord les crédits de la lutte contre l'exclusion. Ils sont fortement majorés, par l'effet de la mise en œuvre du plan de cohésion sociale.

Les mesures nouvelles sont les suivantes : 77 millions d'euros en faveur de l'hébergement d'urgence, 20 millions d'euros supplémentaires pour systématiser le contrat d'accueil et d'intégration et enfin, 10 millions d'euros pour renforcer le lien social grâce au développement des points d'accueil-écoute jeunes et du guichet unique. En tout, il s'agit de 107 millions d'euros de mesures nouvelles au titre du plan de cohésion sociale.

Par ailleurs, une mesure nouvelle de 11 millions d'euros est prévue pour les rapatriés, ce qui aboutit à un doublement des moyens qui leur sont consacrés.

En ce qui concerne l'hébergement social, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit la création de 12 300 places supplémentaires d'accueil et d'hébergement d'urgence. Pour atteindre cette capacité, 9 800 places devront être créées ou transformées d'ici à 2007. Le plan prévoit aussi de pérenniser les 2 400 places ouvertes au titre du plan hiver 2002-2003.

Les crédits correspondants pour 2005 sont donc portés à 451 millions d'euros pour le fonctionnement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Je considère comme positif et réaliste ce rebasage des crédits, qui pourrait toutefois s'avérer encore insuffisant. En effet, le manque de crédits a eu pour conséquence, ces dernières années, l'apparition de dettes de l'État auprès des associations et autres partenaires impliqués dans l'accueil d'urgence, ce qui entraîne des frais de contentieux et provoque l'incompréhension. Il faut féliciter Mme la ministre déléguée d'avoir réussi à assainir la situation cette année, et d'avoir restauré la confiance des associations.

Il faut d'ailleurs savoir que le besoin d'hébergement en CHRS augmentera dans le court et moyen terme. Outre la nécessité d'un rattrapage des places dans les DOM, les publics éligibles augmenteront du fait des orientations récentes de la politique judiciaire : la mise en œuvre de la loi sur la sécurité intérieure de 2004, par exemple, entraîne un accueil plus systématique de personnes échappant à la prostitution et de personnes sortant de détention. L'hébergement en CHRS peut constituer un domicile fixe, indispensable pour qu'un détenu bénéficie d'une libération conditionnelle ou soit placé sous « bracelet électronique ». Enfin, les femmes victimes de violences doivent aussi pouvoir être hébergées provisoirement en CHRS, si nécessaire. Cette augmentation des publics imposera un réajustement des personnes accueillies en fonction de leur situation : il n'est pas rare que les CHRS hébergent des publics qui relèvent en réalité du logement social, et ces personnes doivent pouvoir acquérir leur autonomie.

Le nombre de places en maisons-relais devra également être porté d'environ 2 000 places aujourd'hui à 6 000 places en 2007, et l'aide de l'État pour chaque place sera majorée de 8 à 12 euros par jour et par place.

Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile comporte actuellement 16 707 places. Le nombre de places a en effet augmenté de 230 % entre 1999 et 2003 pour répondre à la pression sans cesse croissante de la demande d'asile. Le nombre de places disponibles doit être porté à 20 000 en 2007 dans les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile.

Ces structures d'accueil connaissent une situation d'engorgement du fait de l'explosion de la demande d'asile et du délai d'examen des demandes. L'OFPRA a réussi à réduire à 2,5 mois le délai d'instruction des dossiers, et il est très souhaitable que la commission de recours des réfugiés fasse de même, ayant reçu des effectifs supplémentaires à cette fin.

Je souligne que les crédits de l'hébergement des réfugiés et demandeurs d'asile se révèlent insuffisants depuis plusieurs années, et doivent être abondés en cours de gestion, pour des montants de plus en plus importants. La dotation pour 2005, portée à 175 millions d'euros, semble plus conforme à la réalité, mais il est à craindre qu'elle n'apparaisse également insuffisante en cours d'année.

J'évoquerai à présent les crédits de l'aide médicale de l'État, l'AME, dont je rappelle qu'elle a été instituée au 1er janvier 2000 pour les personnes étrangères résidant en France et qui ne bénéficient pas de la CMU, c'est-à-dire essentiellement des personnes en situation irrégulière sur notre territoire. L'aide médicale a connu une montée en charge rapide : le nombre des bénéficiaires est passé de 75 000 fin 2000 à 170 000 fin 2003. Ce nombre semble amorcer une décrue, car il n'est que de 156 000 au 30 juin 2004.

Le montant des crédits inscrits en loi de finances a été de 75 millions d'euros la première année, mais on ne connaissait pas alors l'extension que pourrait prendre ce dispositif. Depuis 2003, les crédits inscrits sont de 233 millions d'euros. L'envolée du coût budgétaire en 2002 et 2003 s'explique par l'augmentation du nombre des étrangers en situation irrégulière informés de leurs droits, par l'obligation de régulariser les dettes apparues envers les hôpitaux entre 2000 et 2002, et aussi par la sous-dotation initiale de cette nouvelle prestation dont le coût devait s'avérer huit fois supérieur à la prévision initiale.

Cependant, les crédits adoptés ne suffisent toujours pas et ont dû être abondés en loi de finances rectificative chaque année depuis 2001 ; une demande est prévue cette année également, pour un montant d'environ 400 millions d'euros.

Pour 2005, le budget prévoit un montant de 213 millions d'euros. S'y ajoutent 20 millions d'euros pour les soins urgents prodigués par les hôpitaux, soit au total 233 millions d'euros. Ce montant sera très probablement insuffisant, car l'expérience acquise permet de situer la dépense annuelle, hors dette afférente aux années précédentes, à 500 millions d'euros.

À ce sujet, la commission a adopté une observation sur le fait que les crédits inscrits pour financer l'aide médicale de l'État doivent être adaptés aux besoins inéluctables, dès la loi de finances initiale, et non pas au cours de l'exercice budgétaire.

L'administration gestionnaire estime aujourd'hui que la montée en puissance est achevée et que le nombre des entrées dans le dispositif - donc le coût de l'aide - va se stabiliser.

L'AME a fait l'objet de deux réformes législatives, dont une partie n'est pas entrée en vigueur.

La loi de finances rectificative pour 2003 a rendu plus strict l'accès à l'AME en imposant une condition de résidence de trois mois sur le sol français. En même temps a été supprimée l'admission immédiate à l'aide médicale en cas d'urgence. Ce type de soins relève aujourd'hui d'un financement global de l'obligation déontologique des établissements de santé. Ces deux réformes, soit la condition de résidence et la mise en place des soins urgents, sont d'application immédiate depuis le 1er janvier 2004.

Cependant, une autre réforme, figurant dans l'article 57 de la loi de finances rectificative pour 2002, attend son application réglementaire. Il s'agit de l'instauration d'une participation du bénéficiaire au coût des soins : forfait hospitalier et ticket modérateur en soins de ville.

La commission des finances a jugé regrettable que le décret d'application de cette mesure n'ait pas encore été pris depuis 2002.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Deux dispositions réglementaires sont donc en attente : un projet de décret modifiant les dispositions en vigueur sur l'aide médicale pour l'adapter aux nouvelles dispositions législatives, et un décret d'harmonisation précisant les pièces justificatives exigibles afin d'éviter les fraudes et les abus.

De nouvelles modifications du dispositif sont-elles souhaitables ? Je ne le pense pas. Tout d'abord, comme je l'ai dit, on observe une stabilisation des entrées dans le dispositif. Les dépenses marquent un infléchissement à partir du quatrième trimestre 2003, se poursuivant jusqu'à ce jour. Surtout, des économies substantielles - 100 à 150 millions d'euros par an - pourraient être faites si les réformes déjà votées étaient toutes appliquées.

Pour conclure sur l'AME, je dirai qu'on peut s'interroger sur son affectation budgétaire. Cette question relève en effet davantage, à mon sens, de la santé que de la solidarité. Ne faudrait-il pas envisager une modification à cet égard ? Puisque l'on nous a demandé de faire des propositions, je me permets de présenter celle-ci.

S'agissant de la politique de relance de l'intégration, le contrat d'accueil et d'intégration proposé depuis 2003 aux étrangers arrivant en France va se généraliser à l'ensemble du territoire d'ici au 1er janvier 2006. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations va accompagner ce mouvement, et sa dotation est portée à 171,6 millions d'euros pour 2005.

La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations s'accompagne d'une mesure nouvelle de 10,7 millions d'euros. La commission des finances, dans un souci de maîtrise de la dépense publique, a adopté un amendement de réduction des crédits de fonctionnement de cette structure, qui doit principalement jouer un rôle d'impulsion.

La politique engagée par le Gouvernement dans le domaine de la parité et de l'égalité entre les femmes et les hommes est à la fois large et ambitieuse, s'étendant à de nombreux aspects de la vie sociale et professionnelle.

L'objectif du ministère est aujourd'hui de renforcer les moyens du fonds de garantie pour l'aide à la création d'entreprise par les femmes, d'apporter une aide aux associations qui assurent l'écoute téléphonique et le conseil aux victimes de violences conjugales et, enfin, d'augmenter le nombre de contrats d'égalité professionnelle et de contrats de mixité signés avec les entreprises. La dotation du ministère est reconduite à hauteur de 17 millions d'euros.

Toutefois, ce ministère a vu ses crédits touchés de façon particulièrement préoccupante par les régulations de 2003 et de 2004. Un dégel des crédits a heureusement été décidé récemment, mais 2,8 millions d'euros sont annulés ou gelés. Je souhaite vivement que ces crédits, qui sont modestes, ainsi que l'a observé la commission, ne soient pas soumis à une gestion trop difficile en cours d'année, car le manque de moyens empêche le ministère d'honorer ses engagements vis-à-vis des associations partenaires, qui, il faut le souligner, sont les véritables chevilles ouvrières des actions pilotées par le ministère.

M. Pascal Terrasse. Quelle lucidité !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Je souhaiterais par ailleurs que la demande de création d'un document de politique transversale dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances soit prise en compte : l'identification des actions menées au sein de tous les ministères - ou presque - dans un document financier, qui comporterait des indicateurs financiers et susciterait une prise en compte des résultats dans le cadre d'un examen au Parlement, ne pourrait que constituer une grande innovation et une stimulation positive pour l'évolution de notre société.

Le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des rapatriés est en cours d'examen par le Parlement. L'impact budgétaire de ce projet de loi sera répercuté dans la loi de finances rectificative de 2004. Pour ce qui concerne le budget pour 2005, 22 millions d'euros sont prévus en faveur des rapatriés.

Les crédits destinés à la prise en charge de certaines dépenses de protection sociale en Polynésie française, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, seront quasi stables en 2005.

La gestion des services communs est conforme aux priorités définies par le Premier ministre. Elle est marquée par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Ainsi, 129 emplois sont supprimés dans les ministères de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale.

M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas bien !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Cela représente une économie de 1,87 million d'euros. Par ailleurs, 39 créations d'emplois seront effectuées par transformation et des mesures catégorielles et statutaires interviendront pour 5 millions d'euros.

L'effectif global est établi à 14 829 emplois pour 2005, ce qui traduit une baisse de 0,8 %.

Avant de conclure, je m'interroge sur l'insuffisance de la dotation de fonctionnement de l'administration centrale. En 2004, la dotation de 38 millions d'euros n'a pas permis de couvrir le montant prévisionnel des dépenses de fonctionnement qui s'élèveraient à plus de 44 millions d'euros. Pour 2005, aucune mesure nouvelle n'est inscrite ni pour le surcoût locatif ni pour la prise en charge par la direction de l'administration générale des nouveaux cabinets ministériels.

II conviendrait d'éviter la situation qui s'est produite en 2003, année pour laquelle est apparue une dette importante auprès des entreprises travaillant sur les chantiers du ministère, notamment du site Ségur en rénovation. La situation s'est améliorée à certains égards par rapport à la gestion antérieure, mais elle n'est pas encore complètement assainie. Une prise en compte plus complète des coûts de fonctionnement et d'investissement serait souhaitable.

Après l'adoption de l'amendement relatif aux crédits de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits en faveur de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville constituent un champ assez hétérogène. J'ai choisi, pour ma part, de centrer mon rapport sur un sujet particulier : l'accueil des mineurs isolés étrangers dans notre pays.

Depuis quelques années, notre pays est en effet confronté à un afflux de mineurs étrangers qui arrivent sur le territoire national en provenance de pays très divers. Or leur situation est marquée de nombreuses incertitudes juridiques et donc matérielles.

Le Gouvernement a par conséquent demandé à l'inspection générale des affaires sociales de conduire une mission en la matière. Il est nécessaire que la représentation nationale puisse participer à cette réflexion et proposer des réponses aux différentes questions qui se posent. À quel type de protection de la puissance publique ces enfants ont-ils droit ? Quelle est leur situation au regard du droit des étrangers ? Qui doit financer leur accueil ?

En effet, si la question des mineurs isolés est brutalement apparue sur la scène publique en 2001 autour d'affaires de délinquance organisée commise par des jeunes Roumains - rappelez-vous l'affaire du pillage des horodateurs -, on a constaté ensuite, année après année, une véritable explosion des chiffres.

M. Pascal Terrasse. On nous a dit le contraire en début d'après-midi !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis. Ainsi, les prises en charge de mineurs isolés à Paris ont triplé de 1999 à 2003, passant de 209 à 751,...

M. Pascal Terrasse. Eh oui !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour avis. ...et selon l'estimation d'un responsable associatif, on serait passé de 1997 à 2003, sur toute la France, d'un flux de 200 à un flux de 3 500.

Si le phénomène des mineurs isolés a d'abord concerné principalement Paris et sa proche banlieue, ainsi que quelques ports comme Marseille, la tendance est aujourd'hui à la diffusion sur tout le territoire métropolitain ainsi qu'en outre-mer, en Guyane en particulier. Soixante-quinze nationalités ont pu être repérées en 2001 avec des dominantes : Afrique de l'Ouest, Roumanie, Chine et, dans une moindre mesure, Maghreb et Asie du sud.

Les Roumains posent incontestablement un problème spécifique : leur présence sur le territoire est souvent régulière puisqu'ils peuvent entrer librement dans l'espace Schengen pour trois mois et ce sont plutôt leurs activités délictueuses trop fréquentes qui les mettent en contact avec la justice et les services sociaux.

En 2002 comme en 2003, les mineurs étrangers ont représenté près de la moitié des mineurs déférés au parquet de Paris - soit un peu plus de 2 000 par an -, les seuls Roumains, le tiers.

II faut garder à l'esprit la grande diversité des situations où toutes sortes de parcours, de motivations et de destinées coexistent. On trouvera ainsi de jeunes Africains fuyant des pays en guerre ou à la vie politique troublée, parfois issus de milieux favorisés qui ont été victimes d'une « alternance » politique radicale, parfois d'anciens enfants-soldats ; des jeunes Chinois, venus s'implanter, faire des études ou gagner de l'argent dans « l'Eldorado occidental » ; des jeunes Roumains d'origine rom ou non ; des enfants des rues venus du Maghreb et arrivant là après une longue « galère » ; des Penjâbis, de nationalité indienne ou pakistanaise, envoyés en France pour étudier...

On peut les classer en plusieurs catégories : les « exploités » pris en charge en particulier par des filières de prostitution ; les « mandatés » par leur famille pour travailler et gagner de l'argent après avoir remboursé leur passage, parfois pour faire des études ; les « errants » qui vivaient déjà dans la rue dans leur pays d'origine ; les « réfugiés » au sens strict provenant de situations de guerre ou de conflit ethnique ; enfin, les « fugueurs » quittant une famille maltraitante ou un orphelinat.

L'État a réagi en Île-de-France en mettant en place, à partir de 1999 et surtout de 2002, un dispositif spécifique dont il assure l'essentiel du financement. Ce dispositif comprend plusieurs structures.

Il y a un centre d'accueil et d'orientation pour mineurs demandeurs d'asile à Boissy-Saint-Léger.

Le lieu d'accueil et d'orientation - LAO - de Taverny, qui a commencé à fonctionner en septembre 2002, est destiné exclusivement à accueillir les jeunes en provenance de l'aéroport de Roissy.

Le dispositif parisien d'accueil des mineurs étrangers isolés a été mis en place en octobre 2002 à la demande du secrétariat d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Il a fait l'objet d'une convention cadre en juin 2003 avec la DDASS de Paris et cinq associations conventionnées à cette fin.

L'aide sociale à l'enfance de Paris a parallèlement mis en place une cellule spécialisée, qui se charge de l'accueil de l'évaluation et de l'investigation des possibilités de retour au pays pendant deux mois.

Outre ce dispositif, l'installation d'administrateurs ad hoc, l'accord intergouvernemental franco-roumain du 4 octobre 2002 et certaines dispositions de la loi du 26 novembre 2003 ont apporté des améliorations au dispositif.

Mais les réponses proposées jusqu'à présent, tant en matière de réglementation que de dispositif d'accueil, restent incomplètes et perdent encore de leur efficacité du fait de l'incertitude ou de l'inadaptation de certaines règles de droit.

Je voudrais rapidement énumérer les difficultés et les faiblesses rencontrées.

II me faut d'abord souligner l'absence de dimension européenne alors que tous les pays européens de l'Ouest sont confrontés à cette difficulté.

À l'échelon national, force est de constater que le problème des mineurs isolés se diffuse de plus en plus sur le territoire. Cependant, jusqu'à présent, la réponse organisée en matière d'accueil, avec une implication certaine de l'État, ne couvre guère que l'Île-de-France.

Je voudrais également souligner les difficultés d'identification, de qualification, de domiciliation et de traduction. Les compétences de l'administration, du juge des enfants et du juge des tutelles doivent être précisées. Qui fait quoi ? Les décisions de justice contradictoires prises récemment à propos de mineurs retenus en zone d'attente rendent encore plus difficile le travail des services sociaux et de police.

Le statut des jeunes accueillis par l'aide sociale à l'enfance qui atteignent leurs dix-huit ans est un autre problème. La question de la scolarisation et de l'accès à la formation professionnelle est en effet compliquée par l'absence de droit au travail pour ces jeunes étrangers sans statut au regard du droit des étrangers ou, au mieux, demandeurs d'asile dont le cas n'a pas encore été tranché. Or, l'absence de droit au travail entraîne l'impossibilité d'accéder aux dispositifs de formation en alternance qui impliquent la signature d'un contrat de travail : apprentissage et contrats de professionnalisation.

Même la scolarisation dans le cadre de l'éducation nationale ne va pas de soi : en l'absence d'obligation scolaire à partir de seize ans, l'éducation nationale n'est pas toujours très empressée à prévoir des affectations.

La difficulté à placer ces jeunes est préoccupante et les structures d'accueil dépensent beaucoup d'énergie à placer leurs résidents.

Pour conclure, je voudrais insister sur la nécessité d'élaborer une politique globale à l'égard d'un phénomène dont rien ne laisse espérer qu'il va se régler spontanément grâce à un hypothétique tarissement des flux.

S'il convient de saluer les résultats obtenus en matière de maîtrise de l'immigration irrégulière à l'aéroport de Roissy par la mise en place du système dérogatoire de la zone d'attente et l'investissement de la police de l'air et des frontières dans la lutte contre les réseaux de passage, il paraît beaucoup plus difficile d'obtenir le même succès quant aux flux diffus qui traversent très facilement les frontières terrestres.

Ainsi que je l'ai indiqué, le Gouvernement a demandé à l'inspection générale des affaires sociales de travailler sur l'accueil des mineurs isolés étrangers. Une réflexion interministérielle est aujourd'hui engagée.

Puis-je me permettre de vous suggérer quelques orientations ? Avant tout, il est important de clarifier le droit et d'unifier les pratiques sur l'ensemble de notre territoire.

Il faut tout d'abord lever les incertitudes juridiques, notamment celles qui portent sur les modalités d'entrée dans le système de protection et les compétences des différentes juridictions. Cela pourrait faire l'objet d'une circulaire de politique judiciaire.

Il faut également réfléchir à un dispositif national d'accueil. Pourquoi ne pas reprendre la proposition du rapport du préfet Landrieu d'organiser une « période d'accueil, d'évaluation et d'orientation » des mineurs à leur arrivée ou à leur entrée dans le système de protection ? Il s'agirait de généraliser l'expérience du lieu d'accueil et d'orientation de Taverny.

Une telle solution suppose un accord préalable sur le financement pendant la période d'accueil des jeunes et un conventionnement avec les départements pour leur prise en charge future par l'aide sociale à l'enfance.

Certains proposent une sorte d'étatisation de l'ensemble du dispositif d'accueil, sans distinguer la période d'accueil et le placement ultérieur. Cette position assez radicale s'appuie sur le fait que l'État ayant seul les moyens, puisqu'il dispose de la législation et de la police, de contrôler les flux migratoires, il n'est pas illégitime de lui en faire assumer les conséquences financières.

En termes d'efficacité, on peut faire le constat suivant : les mineurs isolés constituent une population à la fois concentrée géographiquement, même si ce phénomène s'atténue, et potentiellement très mobile. En effet, ils se déplacent au gré des opportunités, étant par définition sans domicile fixe. La réponse logique à une telle situation réside dans un dispositif bien coordonné et équitablement réparti sur tout le territoire. Un tel dispositif peut-il être financé autrement que par l'État ?

S'agissant des adultes demandeurs d'asile, l'État assure le financement du réseau des centres d'accueil pour demandeurs d'asile. Il a réalisé ces dernières années un effort important pour créer des places supplémentaires. Là aussi devrait prévaloir le souci d'une véritable organisation territoriale et d'une répartition équitable.

Autre piste de réflexion : ne peut-on imaginer un statut spécifique, pour les mineurs et les jeunes majeurs isolés étrangers, qui leur donnerait accès à un titre de séjour spécifique avant l'âge de dix-huit ans ? Ce titre leur permettrait de bénéficier des dispositifs d'alternance et garantirait leur maintien ultérieur sur le territoire. Accordé dans des conditions assez strictes, son renouvellement serait subordonné aux efforts d'intégration.

Votre rapporteur en est conscient, un tel statut de droit pourrait entraîner les mêmes effets pervers que l'accès de droit à la nationalité qui existait jusqu'en 2003.

À défaut, on pourrait envisager certains aménagements, restant à préciser, pour l'accès aux formations en alternance, qu'il s'agisse de l'apprentissage ou de la formation professionnelle, aménagements qui pourraient concerner également les demandeurs d'asile adultes. Un amendement en ce sens a été déposé dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la cohésion sociale.

On pourrait aussi envisager un dispositif d'anticipation et de contractualisation : les jeunes étrangers se verraient garantir la délivrance d'un titre de séjour à leur majorité s'ils ont respecté leurs engagements d'intégration, et cette régularisation serait opérée sans délai à l'âge de dix-huit ans.

Avant de conclure, je voudrais rendre hommage à toutes les associations qui contribuent à la prise en charge de ces enfants étrangers isolés sur notre territoire ainsi qu'aux équipes qui animent les différents lieux d'accueil et d'orientation. Je ne peux toutes les citer mais leurs noms figurent dans la version imprimée de mon rapport. Toutes méritent cet hommage pour la qualité du travail qu'elles accomplissent.

Mesdames les ministres, messieurs les ministres, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail. Monsieur le président, mesdames les ministres, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du travail pour 2005 permettront de mettre en œuvre une politique de l'emploi fondée sur trois axes : un dispositif de retour à l'emploi plus volontariste, comme en témoignent les évolutions du service public de l'emploi et la création des maisons de l'emploi ; une meilleure lisibilité des outils existants, avec la simplification radicale et très attendue des contrats aidés ; enfin, le développement des responsabilités et des moyens confiés aux collectivités locales.

Ces crédits ne peuvent être examinés qu'en ayant à l'esprit le plan de cohésion sociale, auquel ce budget participe à hauteur de 681 millions d'euros. Ce budget 2005 anticipe largement ce grand projet qui est le vôtre et celui de toute votre équipe, et dont nous allons discuter la semaine prochaine.

Le budget du travail pour 2005 s'élève à 32,2 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 1,8 % à périmètre constant, compte tenu des changements de périmètre.

Les dépenses ordinaires s'élèvent à 32 milliards d'euros et représentent la quasi-totalité de l'ensemble des crédits. Les crédits de paiement s'élèvent à 116 millions d'euros contre 92 millions d'euros l'année dernière, soit une augmentation de 27 % ; les autorisations de programme atteignent 382 millions d'euros, à comparer aux 88 millions d'euros de 2004, soit 334 % de plus ! Cette hausse spectaculaire s'explique par les crédits affectés aux futures maisons de l'emploi.

Avant d'en venir sur le fond aux actions qui seront financées par ces crédits, je souhaiterais dire quelques mots de la fameuse LOLF, très chère aux commissaires des finances. Le rapporteur spécial que je suis se réjouit du travail que nous avons pu accomplir avec votre ministère, monsieur le ministre de l'emploi. Il se réjouit également de vous présenter ces crédits selon la nouvelle formule de la LOLF.

La mission « travail » se décompose en cinq programmes : développement de l'emploi, accès et retour à l'emploi, accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques, amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail. Si cette architecture paraît un peu technique, j'espère qu'elle nous permettra de mieux expliquer notre démarche budgétaire, tant aux observateurs qu'à nos concitoyens. Certains de nos collègues sont ravis de ces nouvelles conditions de travail, grâce auxquelles ils comprendront mieux l'organisation des lois de finances.

Si l'architecture de la mission « travail » est satisfaisante, il est dommage qu'elle n'intègre pas les crédits correspondant à la prime pour l'emploi, qui relèvent du ministère de l'économie et des finances. Mais cela viendra peut-être.

J'en viens maintenant à l'examen des crédits proprement dits. La compensation des allégements de cotisations sociales à hauteur de 18,2 milliards d'euros représente la part la plus importante des crédits de la mission « travail », soit environ 56 % de l'ensemble. Ces dépenses sont quasiment stables, à l'exception de l'augmentation des exonérations en faveur des zones franches urbaines, du fait de la création de 41 nouvelles zones par la loi du 1er août 2003.

En général, les allégements de cotisations sont stables, mais je voudrais attirer votre attention sur deux points. Le premier est le recentrage de 1'allégement Fillon, issu de la loi du 17 janvier 2003, sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC. Ce recentrage va générer une économie de 1,2 milliard d'euros et permettra d'aboutir à la convergence des minima salariaux au 1er juillet 2005. La commission des finances était très attachée à cette disposition de l'article 74 du présent projet de loi de finances, que nous examinerons ce soir.

Le deuxième point est l'aide provisoire de 550 millions d'euros qui sera allouée au secteur de l'hôtellerie et de la restauration en contrepartie de la suppression du mécanisme du « SMIC hôtelier ». Cette mesure permettra de soutenir un secteur riche en emplois, mais qui a des difficultés à recruter.

Autres dépenses contribuant, comme les allégements de charges, au développement de l'emploi : les aides à la création ou à la reprise d'entreprise. Celles-ci bénéficieront de 160 millions d'euros en 2005, contre 75 millions en 2004. Cette forte hausse s'explique essentiellement par la relance du dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise et par l'augmentation des crédits dédiés aux chèques conseil.

Je parlais tout à l'heure d'un dispositif de retour à l'emploi plus dynamique : les crédits proposés pour 2005 soutiendront la réforme du service public de l'emploi et amélioreront le rapprochement entre offres et demandes d'emploi.

L'Agence nationale pour l'emploi recevra 1,2 milliard d'euros de subventions de fonctionnement, soit une hausse de 2,7 % par rapport à 2004. Un nouveau « contrat de progrès » avec l'État pour la période 2004-2008 permettra de personnaliser encore davantage les services offerts aux chômeurs et aux entreprises. Une enveloppe nouvelle de 32 millions d'euros servira à financer le développement de « plates-formes de vocation », destinées à évaluer les aptitudes des jeunes demandeurs d'emploi et à les orienter vers les métiers les plus recruteurs.

Des maisons de l'emploi seront créées pour assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs de la politique de l'emploi et pour adapter les offres d'emploi et les activités qui les accompagnent aux besoins des bassins d'emploi et des territoires. En 2005, 75 millions d'euros de crédits de fonctionnement devraient permettre le recrutement de 7 500 agents de droit privé. Sont par ailleurs prévus 45 millions d'euros de crédits de paiement et 300 millions d'euros en autorisations de programme.

Ces maisons de l'emploi devront être ouvertes le plus largement possible aux acteurs économiques, en particulier les entreprises, et les crédits aussi peu orientés que possible. Elles devront bien sûr fonctionner en réseau, n'entraînant pas forcément la création d'un lieu nouveau. Bref, il faudra beaucoup de souplesse. Je sais, mesdames les ministres, messieurs les ministres, que vous nous avez entendus sur ce point, ce qui, paradoxalement, inquiète certains. Les uns vous demandent de la souplesse, les autres vous reprochent un certain manque de précision. On ne peut pas tout avoir : qui dit souplesse dit initiative locale, et qui dit rigidité dit absence d'initiative. En ce qui me concerne, je préfère la souplesse et l'initiative locale. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de nous avoir entendus.

La souplesse est également le maître mot de la réforme des contrats aidés. Saluons cet effort de simplification, qui était attendu. Mais je précise d'emblée que cette simplification n'est en rien un désengagement ou un recul : au contraire, on prévoit 445 000 nouveaux contrats aidés en 2005, contre 396 000 en 2004.

Dans le secteur non marchand, toute une série de contrats en faveur des chômeurs en difficulté seront remplacés : les contrats emploi solidarité, les contrats emploi consolidé, le CIVIS et son volet « utilité sociale », ainsi que les différents stages qui parfois, il faut le reconnaître, servent à améliorer les statistiques du chômage. Le projet de loi de finances prévoit naturellement les crédits permettant d'honorer les conventions déjà conclues. Mais à l'avenir, tous ces contrats seront « fondus » dans un dispositif plus souple, le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CAE, nouveau sigle auquel nous devrons nous habituer.

Dans le secteur marchand, le contrat initiative emploi sera amélioré pour mieux répondre aux besoins.

Pour les deux secteurs, une enveloppe régionale unique - c'est une première - de 438 millions d'euros sera répartie entre les régions. Cette enveloppe de crédits fongibles permettra de financer les aides en faveur des CIE et des CAE. Ces aides seront modulables en fonction du type d'employeur.

Certains commissaires des finances attendent quelques éclaircissements sur les critères selon lesquels seront attribués ces 438 millions d'euros entre les CIE et les CAE. Ces aides seraient modulables en fonction du type d'employeur, des publics accueillis, etc... De multiples questions m'ont été posées sur ce sujet et une clarification s'impose. Il est prévu 230 000 nouveaux contrats dès 2005. C'est un chiffre important !

En outre, l'effort en direction des minima sociaux que sont le RMI et l'ASS sera poursuivi. Dans le secteur non marchand, de nouveaux contrats de travail, dits « contrats d'avenir », verront le jour. Ils comporteront un parcours d'insertion et seront encadrés par une convention liant l'employeur, une collectivité locale, l'État et le bénéficiaire de la mesure. 383 millions d'euros y seront consacrés en 2005, avec l'objectif d'en financer 185 000.

Dans le secteur marchand, le contrat d'insertion lié au revenu minimum d'activité devrait prendre son essor en 2005. 40 millions d'euros supplémentaires d'allégements de charges sont prévus en 2005 pour améliorer la protection sociale qu'offre ce contrat. Aux départements de prendre leurs responsabilités.

Je n'ai pu déposer d'amendement en ce sens car il aurait été frappé par l'article 40. Nous observons, dans nos collectivités locales, que les contrats aidés, qui sont toujours des contrats à durée déterminée, renvoient les plus démunis de nos concitoyens au RMI. Ne peut-on permettre à ceux qui sont âgés de plus de 50 ans de rester dans un contrat aidé jusqu'à leur retraite, quitte à modifier les critères de financement ? Il serait préférable pour ces personnes de travailler dans une collectivité locale plutôt que de rejoindre les dispositifs d'aide sociale. Il me semble qu'une disposition en ce sens répondrait à un besoin.

S'agissant des contrats à destination des jeunes, sans parler de l'importante réforme de l'apprentissage, les crédits consacrés aux contrats jeunes en entreprise poursuivent leur progression, puisque ceux-ci bénéficieront en 2005 de près de 430 millions d'euros. Par ailleurs, pour les jeunes les plus en difficulté est prévu un renforcement des parcours individualisés vers l'emploi : 66 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux missions locales et aux permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO. À ce sujet, anticipant quelque peu sur l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, nous attendons de vous un éclaircissement : nous avions émis le vœu que ces moyens supplémentaires ne soient pas consacrés à une filière particulière des maisons de l'emploi, mais aux groupements d'intérêt public « maisons de l'emploi » dans leur ensemble, afin d'inciter à la création de tels GIP. S'agit-il donc de crédits spécifiques ou des crédits dont nous parlions ?

À cela s'ajoutent la création d'un fonds d'insertion doté de 75 millions d'euros et le financement de bourses intermédiaires, grâce à une mesure nouvelle de 52 millions d'euros.

Un problème se pose néanmoins, sur lequel je veux attirer l'attention du Gouvernement : d'après le projet de loi de finances, les régions devraient recevoir en 2005 110 millions d'euros pour mettre en place le volet « accompagnement vers l'emploi » du contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, destiné à remplacer et améliorer l'ancien programme TRACE, ou trajet d'accès à l'emploi. Or, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a voté la recentralisation de ce dispositif. Allons-nous en rester là, ou le débat est-il à nouveau ouvert ? Il importe qu'une cohérence soit retrouvée sur ce dossier.

Pour conclure, mesdames et messieurs les ministres, je me félicite du budget que vous nous proposez, car c'est un bon budget, à la fois crédible, réaliste et volontariste.

Sans vouloir entamer d'ores et déjà l'important débat que nous aurons à partir de la semaine prochaine sur votre grand projet de cohésion sociale, je veux dire simplement que la puissance publique ne peut pas laisser à l'économie de marché le soin de régler tous les problèmes de notre société ; elle doit assumer ses responsabilités. C'est pourquoi la commission des finances a approuvé les crédits du travail pour 2005, et je sais que notre assemblée fera de même : vous pouvez, mesdames et messieurs les ministres, compter sur notre soutien passionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail.

M. Maurice Giro, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du travail représentent une masse considérable, puisqu'ils s'élèvent à plus de 32 milliards d'euros. Le poids de ces crédits apparaît d'autant plus important qu'il s'agit essentiellement de crédits d'intervention du titre IV, qui offrent une vraie marge de manœuvre, alors qu'une grande part du budget de l'État est absorbée par des charges d'endettement et de personnels, qui offrent très peu de prise à court terme.

Ces 32 milliards d'euros représentent 40 % de l'ensemble des crédits d'intervention du budget général de l'État. Ce budget, qui est, il convient de le rappeler, en augmentation de 1,8 %, ne tient pas compte de l'instauration d'une surtaxe de 0,06 % sur la taxe d'apprentissage. Si on intégrait cette recette supplémentaire, la hausse des crédits du travail serait de 2,4 %.

L'impact du plan de cohésion sociale se chiffre à 1 420 millions d'euros en termes de dépenses supplémentaires. Ces crédits seront consacrés à la création des maisons de l'emploi : je rappelle qu'il s'agit de rassembler autour des questions d'emploi l'ensemble des partenaires d'un bassin d'emploi. ils seront destinés aussi à favoriser l'emploi des jeunes, en permettant la création de plates-formes des vocations par l'ANPE, l'élargissement des exonérations de contrat d'apprentissage financées, le financement d'une bourse intermédiaire d'insertion, la mise en place d'un accompagnement renforcé, ainsi que la création d'un fonds d'insertion professionnelle.

Ces crédits favoriseront aussi l'insertion par l'économique, par la création de 1 756 postes dans les entreprises d'insertion, l'augmentation des fonds départementaux pour l'insertion et de l'aide à l'accompagnement dans les associations intermédiaires, et l'instauration d'une aide à l'accompagnement dans les chantiers d'insertion.

Ces crédits financeront également la réforme des contrats aidés, notamment l'amélioration des droits sociaux des bénéficiaires du revenu minimum d'activité, le RMA, la création des contrats d'avenir, les nouveaux contrats initiative emploi, les CIE, et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, les CAE.

Il s'agit enfin de financer la création d'un fonds de garantie pour l'insertion économique et la prolongation de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises, le dispositif ACCRE.

Le succès de la future loi de cohésion sociale nécessitera de remobiliser les différents acteurs du service public de l'emploi, État, ANPE, UNEDIC et Agence nationale pour la formation professionnelle, l'AFPA, mais aussi les collectivités et les organismes divers qui concourent à ces missions. Il suppose aussi une réforme des dispositifs destinés aux publics prioritaires, c'est-à-dire les jeunes, les travailleurs handicapés et les personnes les plus éloignées de l'emploi.

La réforme des contrats aidés suit les lignes directrices suivantes : la simplification, par la réduction des sept dispositifs existants à quatre - deux dans le secteur marchand et deux dans le secteur non marchand ; le retour à l'activité et à 1'emploi marchand ; la gestion de terrain et la continuité.

Par ailleurs, les crédits relevant de la « promotion de l'emploi » vont permettre des exonérations de cotisations et une aide temporaire à l'hôtellerie-restauration. À cela s'ajoutent les moyens destinés aux travailleurs handicapés, le financement de l'allocation de solidarité spécifique et le financement des préretraites.

La médiocrité de la performance de notre pays en matière d'emploi des jeunes n'est pas une nouveauté, et leurs chances d'accéder à l'emploi restent trop faibles, notamment celles des jeunes des quartiers dits « difficiles ». Force est malheureusement de constater que dans les quartiers sensibles deux jeunes sur cinq sont au chômage. Les données censitaires de 1999 montrent que dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, qui comptaient alors 4,5 millions d'habitants, soit 8 % de la population française, le taux de chômage est désormais près du double du taux national, à savoir 25 % contre 13 %. 10 % de ces ZUS sont confrontées à des situations extrêmes, puisque le taux de chômage y dépasse 39 %. Le taux de chômage des moins de 24 ans était en 1999 proche de 40 % pour l'ensemble des ZUS. Rapportées aux chiffres de 1990, les données de 1999 indiquent une dégradation plus rapide de la situation des ZUS que de celle de l'ensemble du pays, ce qui démontre l'insuffisance des dispositifs existants, qu'ils relèvent des missions locales ou des PAIO, ou du programme de trajet d'accès à l'emploi, TRACE. À quoi s'ajoutent des dispositifs spécifiques aux quartiers sensibles : embauche prioritaire dans les zones franches, mise en place d'équipes emploi-insertion, groupements de jeunes créateurs, chantiers écoles, ou encore actions en faveur des jeunes diplômés.

C'est pour remédier à ces insuffisances que le plan de cohésion sociale s'efforce d'apporter une réponse de grande ampleur à la question de l'insertion dans l'emploi des jeunes peu ou pas qualifiés. Pour les cinq ans prévus par le plan de cohésion sociale, le Gouvernement estime à environ 800 000 le nombre de jeunes qui sont, soit déjà sortis du système scolaire, soit appelés à en sortir sans aucune qualification. Son objectif est de leur permettre d'accéder à l'emploi par trois voies : soit par un droit à la formation, soit par une formation en alternance, soit enfin par la création d'une filière d'entrée dans la fonction publique en alternance.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale institue donc un nouveau régime d'accompagnement personnalisé, à la charge de l'État, dont la mise en œuvre relèvera des PAIO et des missions locales. Ce dispositif se distinguera du programme TRACE par un ciblage exclusif des jeunes sans qualification, en faveur desquels il affirmera un droit à l'accompagnement, ainsi que par son ancrage territorial et la volonté de tenir compte des réalités locales de l'emploi

Soixante-six millions d'euros sont prévus en 2005 pour financer 2 500 postes de référents et de coordonnateurs du dispositif ; s'y ajoutera la création d'un fonds d'insertion professionnelle doté de 75 millions d'euros ; l'ANPE sera dotée de 32 millions d'euros destinés à financer des plateformes des vocations dans les bassins d'emploi, afin d'orienter vers des métiers qui recrutent localement les jeunes qui en ont effectivement les compétences. Parallèlement le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle de 52 millions d'euros pour financer les allocations intermédiaires versées aux bénéficiaires du CIVIS.

Parce que l'apprentissage constitue une réponse très adaptée aux besoins des jeunes, ce texte va également poser les bases d'une réforme de l'apprentissage, qui passera en partie par la voie réglementaire : revalorisation du statut de l'apprenti et atténuation de la limite d'âge ; amélioration des conditions de la formation dispensée durant les contrats ; réforme du système du financement afin de le rendre plus transparent et plus incitatif. Le coût pour l'État de cette réforme de l'apprentissage est évalué à 0,6 milliard d'euros à l'horizon 2009.

Le projet de loi de cohésion sociale comporte par ailleurs une réforme du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, le SEJE. Le montant du soutien de l'État aux employeurs sera désormais modulé en fonction du niveau de formation du jeune recruté, dans une fourchette fixée entre 100 et 300 euros par mois, au lieu du montant fixe actuel de 225 euros. Enfin, pour les jeunes sans qualification, la limite d'âge sera reportée de vingt-deux à vingt-quatre ans révolus.

Parallèlement à l'action des pouvoirs publics, le succès du plan sera favorisé par la mobilisation des entreprises. Les entreprises ont pris conscience des enjeux de l'égalité des chances. D'un point de vue économique, la discrimination sans fondement, comme tout comportement qui n'est pas fondé sur la rationalité économique, entraîne une perte d'efficacité : on se prive, pour de mauvaises raisons, des compétences et du travail de jeunes qui peuvent trouver leur place dans l'entreprise.

Divers rapports consacrés à ces questions de discrimination ont cherché à tracer, entre l'indifférence à ce problème et un système de « discrimination positive » fondé sur des quotas, la voie d'une « action positive » qui permettrait la mise en œuvre concrète de l'égalité des chances. Ainsi, le 22 octobre dernier, trente-cinq grandes entreprises ont signé une « charte de la diversité », par laquelle elles s'engagent à refléter dans leur recrutement la diversité de la société française, à promouvoir la non-discrimination, à sensibiliser et former à cette fin leurs personnels, à faire de cette question un sujet de dialogue social et à en rendre compte dans un rapport annuel. Certaines de ces entreprises ont d'ores et déjà pris des dispositions et signé des accords en interne en ce sens.

La mobilisation d'universités et de grandes écoles doit être également saluée. Citons à titre d'exemple l'Institut d'études politiques de Paris et sa filière de recrutement spécifique en direction des ZEP, ou encore l'ESSEC.

L'amélioration de l'accès des « jeunes des cités » à l'emploi passe à la fois par la mobilisation de tous en faveur de l'emploi et par la suppression des discriminations de fait dont ils sont victimes. Dans cette perspective, le déploiement de politiques « territorialisées » de la ville, l'effort exceptionnel de construction, de rénovation et de redynamisation économique permis par la loi de rénovation urbaine, ainsi que la mise en place prochaine d'une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, constituent des éléments forts, d'autant plus qu'ils rencontrent la mobilisation récente des entreprises.

Le plan de cohésion sociale propose, quant à lui, une réforme profonde et mobilisatrice des politiques de l'emploi. On ne peut qu'approuver les choix fondamentaux de ce plan : une gestion territoriale et coordonnée avec les maisons de l'emploi, une gestion de terrain, où les communes et les intercommunalités jouent un rôle accru ; une meilleure mobilisation du tissu économique local, où se trouvent effectivement les emplois.

Le parrainage des jeunes et le démarchage patient des chefs d'entreprise par les acteurs locaux donnent des résultats. Il ne faut pas oublier toutefois cette réalité : si on ne veut pas que les espoirs suscités par les nouvelles politiques et les nouvelles structures soient déçus, il est essentiel qu'elles soient crédibles et que les résultats suivent. C'est pourquoi je souhaite insister sur l'importance d'une véritable mobilisation de tous les acteurs et sur la nécessité de respecter la programmation financière inscrite dans le plan de cohésion sociale.

La commission des affaires sociales a donné un avis favorable au volet « emploi et travail » du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Dans la discussion, la parole est à Mme Cécile Gallez.

Mme Cécile Gallez. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale s'élève à 40,35 milliards d'euros pour 2005, ce qui représente une hausse de 2,5 % par rapport à 2004.

Cet effort important dans un contexte difficile pour nos finances publiques traduit la volonté du Gouvernement, face à la fracture sociale de notre pays, de mobiliser vers l'emploi toutes les ressources humaines de notre pays, tout en mettant en place des moyens supplémentaires pour restaurer le lien social : 1 milliard d'euros de crédits budgétaires permettra, en 2005, de financer la première année d'exécution du plan de cohésion sociale dont l'intérêt, vous le savez, réside dans le fait d'agir simultanément sur toutes les causes de cette fracture.

Cette mobilisation pour l'emploi s'effectue, tout d'abord, par une revalorisation de la rémunération du travail. C'est ainsi que le processus de convergence des SMIC, décidé par le Gouvernement depuis 2002, s'achèvera au 1er juillet 2005, le PLF 2005 retenant l'hypothèse d'une augmentation de 5,6 % l'an prochain.

En trois ans, le SMIC horaire aura progressé de 18 % et 1,5 million de Français auront bénéficié de cette augmentation sans précédent.

Parallèlement, parce qu'il ne peut pas y avoir de croissance sans bonne santé de nos entreprises, l'allégement des charges sociales sera poursuivi, ce qui représente près de la moitié des crédits du budget de l'emploi. La dépense prévue à ce titre progresse de 600 millions d'euros en 2005 par rapport à 2004, pour atteindre 17,7 milliards d'euros.

À compter du 1er janvier 2005, l'allégement de cotisation s'annulera pour toute rémunération supérieure à 1,6 SMIC, au lieu de 1,7 prévu dans la loi Fillon. Toutefois, cela n'aura pas trop d'incidence sur le coût du travail car des allégements fiscaux d'un montant de 1,1 milliard d'euros sont prévus pour les entreprises : réduction de l'impôt sur les bénéfices et crédit d'impôt pour la taxe professionnelle dans les zones en difficulté.

J'insiste sur cet aspect du budget, car nous sommes confrontés à l'éternel débat de société : faut-il que l'économie l'emporte sur le social ou l'inverse ? Or ce budget me semble, par son équilibre, consacrer le fait qu'il n'y a pas de croissance sans cohésion sociale et pas de cohésion sociale sans croissance.

Un effort tout particulier a été fait dans le secteur de l'hôtellerie qui a des besoins importants en matière d'embauche et où 70 000 emplois pourraient être créés grâce à l'aide spécifique d'un montant prévu de 549,5 millions d'euros. En contrepartie, des avancées sociales importantes ont été réalisées avec la suppression du mécanisme du SMIC hôtelier, qui, conjuguée à la revalorisation de 5,8 % du SMIC horaire depuis le 1er janvier 2004, permettra aux 260 000 salariés de ce secteur de bénéficier d'une augmentation de rémunération supérieure à un treizième mois.

Autre défi de ce budget : la mobilisation pour l'emploi des jeunes.

Nous savons que notre pays connaît le plus faible taux d'emploi des jeunes : 26 % - contre 55 % en moyenne dans les autres pays européens -, assorti d'un taux de chômage d'au moins 35 %. Le but du Gouvernement est d'inverser cette tendance et de mettre au travail le maximum d'entre eux.

Je ne vais pas revenir sur les dispositifs mis en place et les montants des crédits les concernant, car cela a déjà été largement évoqué. Je voudrais juste insister sur certains aspects.

Le plan de cohésion sociale prévoit, et ce budget permet de le faire, l'accompagnement personnalisé de 800 000 jeunes sans qualification vers l'emploi durable. Il s'agit donc bien d'un projet social, mais aussi d'un projet économique puisqu'il leur ouvre la possibilité de participer au dynamisme économique de notre pays.

Il s'appuie pour cela sur des dispositifs existants, tout en les modifiant et en les simplifiant : développement des contrats en alternance dans le secteur public, augmentation des contrats de professionnalisation, réforme du CIVIS, réforme de l'apprentissage, dont l'amélioration du statut est en préparation, pour espérer passer de 350 000 à 500 000 apprentis par an en cinq ans.

À ce sujet, je voudrais préciser qu'augmenter le taux de la taxe d'apprentissage n'est pas très souhaitable pour les petites entreprises passagèrement en difficulté et ne pouvant recruter d'apprentis.

La réforme du contrat jeunes en entreprise, dont la prime sera modulable suivant la situation du jeune, est une excellente avancée. Les crédits consacrés à ce contrat passent de 416 à 429 millions d'euros.

La création des bourses intermédiaires pour un montant de 52 millions d'euros me paraît une bonne mesure car, en évitant aux jeunes des pertes complètes de revenus entre deux périodes d'emploi, elle me semble propre à aider les jeunes tout en les incitant à rechercher activement un emploi. Ne pourrait-on pas instituer une mesure semblable pour les seniors qui, après avoir perdu leur emploi, ne sont pas encouragés à en accepter un autre moins rémunéré ? Il serait judicieux de leur donner la différence de salaire perdu afin de les inciter à retravailler.

Par ailleurs, concernant les jeunes, j'insiste sur la nécessité de les confronter très tôt, dès le primaire, à la vie en entreprise par des échanges organisés, en accord avec l'éducation nationale. Cela se fait dans le Valenciennois et a pour avantage d'améliorer leur connaissance d'un monde qui est souvent étranger à leur environnement et de mieux les orienter dans le système scolaire.

Pour les publics les plus fragiles, le budget conforte la politique du retour à l'emploi des personnes titulaires de minima sociaux. Le plan de cohésion sociale prévoyant un nouveau contrat, le contrat d'avenir, à destination des titulaires du RMI et de l'ASS, le budget consacre une enveloppe spécifique de 383 millions d'euros destinée à favoriser le retour à l'emploi de 185 000 personnes.

Le Gouvernement souhaite simplifier la liste des contrats aidés en supprimant progressivement, dans le secteur non marchand, les CES et CEC, pour les remplacer par le contrat d'accompagnement dans l'emploi, CAE. Dans le secteur marchand, l'ensemble des contrats d'insertion seront fusionnés en un contrat unique, le contrat initiative emploi, CIE. Le PLF 2005 prévoit 115 000 CAE et 115 000 CIE.

L'objectif restant toutefois de diriger les personnes vers un emploi dans le secteur marchand, 40 millions d'euros sont affectés à la couverture sociale des contrats d'insertion RMA.

Je me permets d'insister sur deux aspects des CAE et des CIE qui me paraissent très importants : ils s'accompagneront d'un effort de formation, et les services de l'emploi disposeront d'une enveloppe fongible qui leur permettra de choisir « le bon service au profit de la bonne personne ». Il n'y a pas, à mon avis, de meilleure politique sociale que de considérer les personnes au cas par cas.

Par ailleurs, ces mesures favoriseront les seniors. Je rappelle que, comme pour les jeunes, nous avons le plus faible taux en Europe d'emploi des personnes de plus de cinquante ans, qu'elles représentent 15 % des CES et 32 % des CEC, 26 % des CIE et que seulement 6 % retrouvent un emploi durable. C'est un véritable gâchis de compétence, d'énergie et un danger pour la cohésion sociale. Il est en effet vital pour beaucoup d'entreprises de conserver leurs seniors car ils représentent les « piliers de la structure » et peuvent passer le relais en formant les plus jeunes. En revanche, des dispositions figurant dans la loi sur la réforme des retraites leur permettant de cumuler retraite et emploi, il est normal que les crédits de l'ASS n'augmentent pas dans le budget 2005.

Enfin, parmi ces mesures destinées aux publics fragiles, 213 millions d'euros - soit 66 millions d'euros supplémentaires et un effort de plus 40 % par rapport à 2004 - sont consacrés au soutien de l'insertion par l'activité économique. Cela permettra la création de 1 756 places supplémentaires dans les entreprises d'insertion, et une aide de 15 000 euros pour chaque chantier d'insertion. Par ailleurs, 100 millions d'euros seront affectés aux chômeurs créateurs d'entreprise.

Concernant l'insertion des personnes handicapées, la future loi qui reviendra prochainement devant l'Assemblée devrait prévoir que la part de garantie des ressources des travailleurs handicapés soit remplacée par une aide aux postes en CAT ou entreprises adaptées et financée par la CNSA. Cela explique le faible montant, 7,6 millions d'euros, qui leur est consacré dans ce budget-ci.

Toutes ces mesures évoquées dans le premier volet « emploi » du budget doivent être accompagnées, pour être efficaces, d'une véritable dynamique de mobilisation de tous les acteurs de l'emploi.

C'est pourquoi le PLF 2005 prévoit des moyens accrus pour l'ANPE : 1 214 millions d'euros, soit plus 32 millions.

Mais surtout, est prévue la création de 300 maisons de l'emploi, instruments de mutualisation des moyens des acteurs locaux, qui seront le pivot autour duquel s'articuleront tous les acteurs de l'emploi et de l'insertion au niveau local.

Le deuxième grand volet de ce budget concerne la restauration du lien social.

Un triste constat nous prouve que deux jeunes sur cinq sont au chômage dans les quartiers sensibles et que dans les ZUS - qui représentent 8 % de la population -, le taux de chômage est le double du taux national. De plus, parmi ces chômeurs, il y a un décalage de 30 % entre les Français de souche et ceux issus de l'immigration.

Or, 107 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévus dans le PLF 2005 au titre de trois projets de cohésion sociale : renforcer l'accueil et l'hébergement d'urgence, restaurer le lien social, rénover l'accueil et l'intégration des populations immigrées.

En matière d'hébergement, en 2004, une dotation de 633 millions d'euros était prévue dont 113 millions pour l'hébergement d'urgence, 437 millions pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale et 3 millions pour les maisons relais.

Dans ce budget, il est prévu un effort très important de 77 millions d'euros de mesures nouvelles, qui permettra de tenir compte de l'augmentation des demandes et de l'évolution inquiétante des publics - je pense aux familles avec enfants. Je les énumère rapidement : 8,7 millions d'euros pour 1 000 places supplémentaires en maisons relais ; 6,3 millions d'euros pour 800 places en CHRS ; pérennisation de 2 400 places au titre du plan hiver 2002-2003 et financement de 3 000 places pour l'hiver ; 100 points d'accueil et d'écoute jeunes.

Concernant les demandeurs d'asile, 25 millions d'euros seront consacrés à renforcer le DNA, dispositif national d'accueil, et assurer la transformation de 2 000 places d'urgence en places de CADA.

Par ailleurs, 10,7 millions d'euros sont mobilisés pour la Haute autorité de lutte contre les discriminations qui doit être mise en place le 1er janvier 2005.

Enfin, le PLF 2005 prévoit un doublement des crédits alloués en faveur des rapatriés - 22 millions d'euros - afin de tenir compte des mesures nouvelles prévues dans le projet de loi adopté en première lecture à l'Assemblée avant l'été.

Pour terminer, permettez-moi d'évoquer un souhait sur lequel je reviendrai dans la discussion du projet de loi de cohésion sociale. Il est prévu, en effet, de faire bénéficier du soutien d'équipes de réussite éducative les enfants fragiles, dès la maternelle. Je suis convaincue que pour réduire les risques de maltraitance familiale, les troubles de la petite enfance et les difficultés scolaires, c'est même avant qu'il faut agir. Il faut développer l'éducation à la parentalité de parents qui, n'ayant bien souvent rien reçu eux-mêmes, ont du mal à transmettre, et encourager le développement des services de maternologie, qui existent déjà dans certains hôpitaux et qui font un travail extraordinaire, pour favoriser la relation mère-enfant dès la naissance.

En résumé, ce budget en augmentation importante fait apparaître : une augmentation sans précédent du SMIC ; une diminution des charges sociales ; une impulsion importante en faveur du retour à l'emploi, surtout dans le secteur marchand, des Rmistes, des chômeurs, des jeunes et des seniors avec un suivi personnalisé du demandeur d'emploi ; une restauration du lien social et une lutte contre les discriminations, en particulier dans les quartiers sensibles ; une augmentation des places d'hébergement ; un doublement des moyens en faveur des rapatriés. Tout cela réuni dans un plan de cohésion sociale novateur.

Avec une impulsion aussi considérable destinée à réduire le chômage et les inégalités - ce qui ne peut que nous réjouir - nous nous pouvons qu'être très favorables à ce projet de PLF 2005 « emploi, travail, cohésion sociale et égalité professionnelle » : le groupe UMP soutiendra donc le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Les ministres passent, le chômage reste ! Il n'a fait que progresser depuis deux ans et demi, à tel point, messieurs et mesdames les ministres, que vous avez décrété en urgence de nouvelles mesures sociales. Pourtant, le bilan auquel vous êtes inéluctablement associés - issu des gouvernements auxquels vous apparteniez - est, pour user d'un terme modéré, calamiteux.

Depuis juin 2002, on enregistre 262 500 demandeurs d'emplois en plus - je ne ferai pas la comparaison avec la période 1997-2002, et m'en tiendrai à la période récente...-, 157 500 chômeurs de longue durée en plus, près de 50 000 demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans supplémentaires et 350 000 nouveaux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.

Cette dégradation, vous en portez l'entière responsabilité et il ne sert à rien d'accuser une conjoncture défavorable ou une croissance en berne.

D'abord, parce que vous n'avez rien fait, et ne faites d'ailleurs toujours rien aujourd'hui, pour soutenir l'activité économique et stimuler la croissance qui pourrait être créatrice d'emplois. Face à une croissance faible, vous n'avez pris aucune initiative, sinon celle de gaspiller en cadeaux fiscaux les quelques milliards d'euros qui auraient pu servir de marges de manœuvre.

Face au ralentissement de la croissance observé à la fin de cette année, après un début de reprise, vous êtes tout aussi désemparés, comme si vous n'étiez pas acteurs, mais simples observateurs de cette situation économique : le pouvoir d'achat, comme l'a très bien rappelé Dominique Strauss-Kahn à cette tribune au début de la discussion budgétaire, reste d'ailleurs le grand oublié de votre politique. Au moment où la consommation donne des signes d'essoufflement, c'est plus de 6 milliards d'euros de nouveaux prélèvements que vous lui infligerez en 2005, dont 900 millions d'euros au titre de l'élargissement de l'assiette de la CSG sur les salaires. Et vous réussissez ce prodige sans même parvenir à équilibrer nos comptes sociaux, ni même à rassurer nos concitoyens sur l'avenir de leur retraite et de leur protection sociale. Vous incitez ainsi les ménages, faute de confiance, à privilégier une épargne de précaution que la montée du chômage ne peut malheureusement que renforcer encore !

Mais si vous n'avez pas su et ne savez pas, et pour cause, régler la question de la croissance et, pour partie, celle de l'emploi qui s'y attache, vous n'avez pas non plus - et je n'ai pas le sentiment que vous en ayez l'ambition à l'avenir - compensé cette défaillance par une vraie politique volontariste de l'emploi. Pendant trois ans, les gouvernements n'ont fait que jouer au yo-yo avec les contrats aidés - diminués, puis augmentés, à nouveau drastiquement réduits, pour être à nouveau introduits dans votre projet de cohésion sociale -, contribuant à la démoralisation des acteurs sociaux et à l'accroissement du chômage par la diminution du nombre de postes offerts.

Les travaux menés par différents organismes économiques, par exemple sur les conséquences de votre politique budgétaire, ont montré que, pour la seule année 2003, vous avez contribué à augmenter le chômage à travers la suppression d'un nombre important de contrats aidés, représentant environ 70 000 emplois. C'est d'ailleurs la raison qui a conduit le groupe socialiste à demander la mise en place d'une commission d'enquête sur les conséquences de votre politique économique et sociale sur la hausse du chômage. Car il est paradoxal qu'un budget en principe consacré à l'emploi produise le résultat exactement inverse de celui pour lequel il est voté !

Vous avez cassé les outils qui marchaient, c'est-à-dire les emplois-jeunes, auxquels vous portez le coup de grâce dans votre projet dit de « cohésion sociale ».

Vous avez entrepris de stopper la réduction du temps de travail, considérant que c'est en augmentant les heures supplémentaires qu'on créerait des emplois. Vous avez mis en place des contrats jeunes qui bénéficient à l'évidence d'un formidable effet d'aubaine et n'apportent rien en termes de création d'emplois supplémentaires. Vous avez suspendu le programme TRACE pour tenter d'y revenir aujourd'hui en essayant laborieusement de le relancer, au moins en paroles, sinon dans les faits. Que de temps perdu, que d'emplois perdus, que d'espoirs perdus !

À périmètre constant, le budget de l'emploi n'a cessé de diminuer depuis trois ans, alors même que le besoin d'une plus forte intervention publique se faisait sentir : il perd 0,3 % cette année, après des baisses de 6 % en 2003 et en 2004. Il faut en outre tenir compte des 500 millions d'euros de mesures nouvelles pour l'hôtellerie et la restauration qui sont abusivement classées dans les aides à l'emploi, alors qu'elles ne relèvent que d'une tortueuse compensation de l'absence de baisse de la TVA dans ce secteur, annoncée mais non réalisée pour l'heure.

Les mesures consacrées aux publics prioritaires − jeunes et personnes les plus éloignées de l'emploi − baissent de 6,1 % ; à elles seules, les mesures en faveur des jeunes diminuent de 17,5 %, alors que le chômage des moins de vingt-cinq ans n'a cessé d'augmenter. C'est à peine si vous amorcez le rattrapage du retard pris en matière d'insertion par l'économique et d'aide aux associations.

Néanmoins le plus spectaculaire est sans doute que votre « plan de cohésion sociale » − dénomination que je me permets de mettre entre guillemets − ne bénéficie d'aucuns moyens supplémentaires : beaucoup de mots en plus, peu de crédits en sus. C'est à peine si l'on compte 112 millions d'euros alors qu'on en a annoncé 1,4 milliard. Si l'on fait la part des redéploiements, à peine 8 % des crédits promis sont réellement mobilisés au service d'une politique nouvelle. Vous reprenez d'une main ce que vous prétendez donner de l'autre : votre montagne − le plan de cohésion sociale − accouche d'une souris. Sans compter que vous ne prévoyez rien pour lutter contre la précarité qui alimente pourtant massivement le chômage, comme le prouvent les statistiques sur les motifs d'inscription à l'ANPE. Ce sujet est le grand oublié du plan de cohésion sociale.

On pouvait pourtant espérer − certes avec une once de naïveté ou de générosité, ce dont l'opposition, vous l'imaginez bien, n'est jamais avare − que vous tireriez les conséquences de votre échec économique et social et que la politique mi-idéologique, mi-erratique de votre prédécesseur serait passée par pertes et profits. Elle consistait à baisser les moyens de l'emploi quand le chômage augmente, à exiger davantage des chômeurs quand l'emploi se fait plus rare, à supprimer les dispositifs qui marchent et les aides publiques sans les remplacer. Cela pouvait-il aboutir à autre chose que la situation désastreuse dont les prolégomènes de votre plan de cohésion sociale font l'inventaire, puisque c'est au motif de cet échec que vous justifiez aujourd'hui vos propositions ? Hélas, rien ne change. Les ministres passent, le chômage reste, et c'est toujours la même politique que l'on applique.

On aurait pu espérer que, à défaut d'admettre votre échec économique, vous tiriez les leçons de votre échec électoral, les Français vous ayant signifié leur refus des orientations libérales de vos prédécesseurs. Là encore, il n'en a rien été. Vous n'avez tiré qu'une seule conclusion : ce n'est pas de politique qu'il faut changer, mais de discours ; il faut remplacer les phrases dures par les bonnes paroles, tenter le coup de la compassion. Mais la compassion ne remplacera jamais l'engagement et la volonté. Vous continuez à laisser faire tout en faisant croire. Malgré tout l'orientation ne varie pas : c'est la même absence de moyens supplémentaires, la même absence de confiance dans le savoir-faire des professionnels − qui sont découragés par vos revirements −, la même absence de politique économique pour soutenir l'emploi. Vous vous contentez d'une politique d'accompagnement social visant à faire baisser non la réalité du chômage, mais les statistiques qui en rendent compte.

Les uns après les autres, les ministres des divers gouvernements Raffarin sont devant l'emploi comme une poule ayant découvert un faux col, se demandant ce qu'il faut faire, quelles initiatives prendre. Si, aujourd'hui, votre politique a changé, c'est simplement en termes d'affichage, mais le talent médiatique n'a jamais protégé longtemps un ministre contre la courbe du chômage. J'observe d'ailleurs que M. Borloo a préféré sortir de l'hémicycle pour téléphoner plutôt que d'écouter l'opposition : je comprends qu'il aime mieux être adulé que critiqué. Peut-être choisira-t-il bientôt d'appliquer la jurisprudence Sarkozy et de changer de fonctions avant que la réalité du bilan ne le rattrape.

Oui, décidément, les ministres passent et le chômage reste, tout comme les mauvaises pratiques. Ici, ce n'est pas comme à la télévision : une politique se juge non pas d'abord à ses intentions, mais aux moyens qu'elle se donne pour réussir. Or, permettez-moi de vous le dire, vous ne pouvez pas réussir et vous le savez bien.

Il est d'ailleurs frappant d'observer que la promesse du Premier ministre, qui entend faire baisser le chômage de 10 % en 2005, ne figure pas parmi les objectifs annoncés de votre budget. Comment cela pourrait-il être d'ailleurs ? Il est instructif d'observer que c'est la première fois que le Gouvernement se fixe en la matière des objectifs chiffrés et que le Premier ministre s'était bien gardé jusqu'à présent d'évoquer à ce propos une quelconque ambition. Le fait qu'il ne sera sans doute plus à Matignon à la fin de l'année prochaine pour rendre compte de cet engagement n'est sans doute pas étranger à la soudaine précision et au soudain volontarisme de son propos, qui tranche avec son langage habituel.

Vous me pardonnerez d'être sévère, mais, sur ce sujet comme sur bien d'autres, l'opposition a le sentiment que, depuis des mois, ce pays n'est plus gouverné. Une équipe en sursis a vu son contrat abusivement prolongé, contre l'avis des électeurs. Elle n'a pas plus de cohérence qu'elle n'a de politique. Elle juxtapose les ambitions individuelles qui n'attendent rien de mieux que de pouvoir s'employer ailleurs lorsque les rôles seront redistribués. Dans un pareil contexte, dans une telle débâcle civique − car ce que l'on entend, sur le terrain, est particulièrement préoccupant −, quel temps vous reste-t-il pour travailler sur le fond des dossiers, pour amorcer un vrai engagement, pour faire en sorte que les sujets de fond soient traités ?

La politique de l'emploi − et elle n'est pas seule dans ce cas − est victime de cette inconséquence que l'aura médiatique est chargée de faire oublier. C'est peu dire que les salariés, les précarisés, les chômeurs, les oubliés, n'ont guère à attendre de ce budget. Ils le savent bien, déjà, tout en espérant que la volonté et l'énergie qui vous manquent viendront d'ailleurs pour faire à nouveau de l'emploi une vraie priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au risque de dissiper un peu rapidement un suspense qui, en réalité, après nos débats en commission, n'était plus vraiment haletant, je commencerai en indiquant que le groupe UDF ne s'opposera pas, cette année, à l'adoption du budget pour 2005 de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et de l'égalité professionnelle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Deux mesures principales viennent illustrer le choix du pragmatisme qu'a fait le Gouvernement dès sa nomination.

D'une part, la politique d'allégement des charges sociales, engagée par vos prédécesseurs, est reconduite. Elle favorise la baisse du coût du travail, notamment pour les salaires les plus faibles, ce qui, on le sait, est bon pour l'emploi. On peut toutefois regretter que cette politique ne soit pas menée avec plus d'ampleur, car la dépense prévue à ce titre reste stable par rapport à 2004, avec 17,1 milliards pour les allégements généraux, les 600 millions supplémentaires n'étant dus qu'à un report de crédits.

Le débat sur l'instauration d'une TVA sociale, que Jean Arthuis recommandait dès 1993, est aujourd'hui relancé. C'est, pour nous, un autre motif de satisfaction. Cette question ne dépend certes pas directement du ministère des affaires sociales, mais chacun sait que l'instauration de cette taxe, qui pèsera tant sur les produits fabriqués localement que sur les importations, permettrait de déplacer le financement des droits sociaux du travail vers la consommation et allégerait d'autant les charges sociales des entreprises.

D'autre part, ce budget est celui de la remise à l'honneur des emplois aidés dans le secteur public. Avec les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, la politique de l'emploi du Gouvernement se libère enfin de cette fatalité de l'hémiplégie dont elle semblait frappée depuis deux ans et qui veut qu'une majorité de gauche privilégie les emplois aidés dans le secteur public quand une majorité de droite se focalise sur les emplois aidés dans le secteur privé. L'année dernière, nous avions dit très clairement au Gouvernement à quel point ce dernier choix nous semblait erroné. Nous saluons donc aujourd'hui le changement de cap qui constitue un véritable retour au principe de réalité, tout comme nous saluons la simplification de l'architecture des contrats aidés.

Les acteurs locaux de l'emploi attendaient cette mesure, car ils souhaitaient davantage de souplesse pour mieux prendre en compte les spécificités des situations personnelles. Leur revendication méritait d'être satisfaite.

Vous me permettrez néanmoins d'exprimer un regret à propos de la réforme de l'ASS, que l'UDF avait refusée l'année dernière. Si la réduction de la durée et la minoration du montant de l'allocation ne sont pas entrées en vigueur, la suppression de la majoration dont bénéficiaient les chômeurs de plus de cinquante-cinq ans à leur entrée dans le dispositif est, elle, effective depuis le 1er janvier 2004. Les promesses du Président de la République n'ont donc pas été respectées. Cela n'est pas sans conséquences, dans les bassins d'emplois fragilisés par les restructurations, pour les chômeurs âgés en fin de droits qui se marginalisent dans l'exclusion. Je vous ai déjà interpellé sur ce sujet et ne peux que vous inciter à prendre des mesures permettant de rééquilibrer la situation de ces chômeurs déjà doublement pénalisés, à la fois par leur défaut de qualification et par leur âge.

Ce budget est également le premier budget de mise en œuvre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale qui a été adopté par le Sénat et dont l'Assemblée débattra dans quelques jours. Ce sont d'ailleurs les dispositions du projet qui consomment le plus de crédits supplémentaires. À ce titre, je souhaite formuler quelques remarques.

En ce qui concerne les maisons de l'emploi, les crédits prévus dans le budget constituent une première étape dans la montée en charge progressive des financements prévus pour la mise en œuvre de cette disposition, qui, si j'ai bien compris, est le pivot de la politique locale de l'emploi. Pour ma part, j'estime que la création des maisons de l'emploi doit s'accompagner d'une véritable reconnaissance du bassin d'emploi comme échelon de mise en œuvre de la politique de l'emploi. En effet, le bassin d'emploi est, notamment dans les grandes agglomérations, le niveau d'intervention par excellence de ces structures.

M. Philippe Folliot. Très juste !

M. Francis Vercamer. De fait, leur nombre devrait varier en fonction des caractéristiques du marché du travail local et du contexte économique dans lequel il s'inscrit depuis quelques années. Compte tenu de la diversité des missions qui seront les leurs et dans un souci de proximité, il n'est pas inconcevable qu'un territoire caractérisé par la densité de sa population et la fragilité de la situation économique et sociale puisse bénéficier de plusieurs maisons de l'emploi.

Les crédits relatifs aux contrats aidés illustreront, dès l'année prochaine, la confiance retrouvée du Gouvernement dans ce dispositif d'insertion : 445 000 entrées en emplois aidés sont en effet prévues, soit 49 000 de plus qu'en 2004. Je souhaite que cette hausse bénéficie prioritairement aux territoires fragilisés par les délocalisations et les défaillances d'entreprises. On sait à quel point ces contrats aidés sont essentiels dans des agglomérations qui, à l'instar de celle de Roubaix, dont je suis l'élu, sont confrontées au séisme provoqué par la recrudescence de plans sociaux aux lourdes conséquences.

Quelle que soit leur pertinence, les moyens employés ne doivent cependant pas nous faire oublier l'objectif : les moyens, c'est une gamme de contrats aidés simplifiée, avec un accompagnement renforcé et adapté aux besoins des demandeurs d'emploi ; l'objectif, c'est le retour à l'emploi durable dans le secteur marchand ou non marchand. Ne tombons pas dans le travers − nous en payons aujourd'hui les conséquences − que nous avons connu avec le lancement des emplois jeunes, quand la volonté de « faire du chiffre » en multipliant les contrats et de faire ponctuellement baisser le taux de chômage l'a emporté sur la volonté initiale de créer de véritables emplois pour rendre de réels nouveaux services. M. Gorce vient d'ailleurs de rappeler que l'on constate une augmentation du nombre de RMistes : n'est-ce pas l'une des conséquences de ces emplois jeunes ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Mais non !

M. Francis Vercamer. Ce n'est pas le nombre d'entrées effectives en contrats aidés qui fait la réussite du dispositif mais sa capacité à amener le demandeur d'emploi en parcours d'insertion vers l'emploi pérenne.

Quant au développement de l'apprentissage, l'UDF partage la volonté du Gouvernement de revaloriser cette véritable filière d'accès à une carrière professionnelle. Cependant, on peut s'étonner de l'augmentation significative, dès 2005, de la contribution imposée aux entreprises au titre de la taxe d'apprentissage, sans que le monde de l'entreprise n'ait de garantie quant à l'augmentation effective du nombre d'apprentis. Le développement de l'apprentissage n'est pas la seule affaire de l'entreprise ; il est tributaire de l'éducation nationale, à travers l'orientation scolaire.

Enfin, concernant l'insertion professionnelle des jeunes, on peut regretter qu'un effort plus significatif ne soit pas accompli en direction des missions locales, dans le cadre de leur mission d'accompagnement personnalisé.

Le plan de cohésion sociale annonçait une dotation moyenne de 100 millions d'euros par an du fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes. Elle ne sera, malheureusement, que de 75 millions d'euros en 2005. Maintenant que le projet de loi de cohésion sociale leur confère, à l'initiative du Sénat, une reconnaissance législative, les missions locales ont d'autant plus besoin de cet appui financier de l'État qu'elles ont rencontré, ces dernières années, des difficultés à poursuivre leurs missions, notamment avec les aléas de financement des programmes TRACE, dont on connaît les résultats.

Monsieur le ministre, le maire que vous avez été n'ignore pas qu'un budget n'est jamais que la traduction financière de priorités politiques. Le projet de loi de programmation de cohésion sociale illustre la priorité que le Gouvernement donne à la lutte contre l'exclusion. Le budget que vous nous présentez en est une première traduction.

Permettez-moi de revenir sur deux aspects qui paraissent essentiels au groupe UDF et qui ne nous semblent pas, à ce jour, figurer parmi les priorités du Gouvernement.

En premier lieu, le travail des seniors demeure un sujet en friche. Certes, il est confié, par l'intermédiaire de votre ministre délégué aux relations du travail, à la négociation collective. Pour autant, il mériterait d'être clairement affiché comme l'une des priorités du Gouvernement. Loin de n'être qu'une réponse à un impératif comptable liée à la réforme des retraites, le travail des seniors est une conséquence de l'entrée plus tardive sur le marché du travail, des temps d'inactivité liée au chômage ou aux impératifs de conversion ou de formation qui se sont accrus.

À l'avenir, une personne de cinquante-cinq ans pourra avoir le niveau de connaissances et de savoir-faire suffisant pour envisager la poursuite de sa vie professionnelle dans une activité adaptée à son âge.

En second lieu, la sécurisation du parcours du salarié dans la vie professionnelle demeure aussi en suspens.

La réflexion sur la manière de concilier la nécessité d'une plus grande flexibilité pour l'entreprise confrontée à la concurrence internationale avec l'exigence d'une nouvelle sécurité du salarié semble au point mort. Or on ne peut espérer une simplification du droit du travail si la question de la sécurisation du salarié dans son parcours professionnel ne trouve pas, au préalable, de réponse.

Plusieurs syndicats ont proposé l'idée d'un statut du travailleur qui déconnecte un certain nombre de droits des salariés de l'activité qu'ils exercent pour les leur garantir au-delà des aléas du parcours professionnel. Cette proposition doit maintenant être examinée afin de clairement définir ce qu'elle peut concrètement recouvrir.

Globalement, monsieur le ministre, ce budget est donc bel et bien un budget de solidarité.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Francis Vercamer. Il n'est pas le budget de mobilisation pour l'emploi qu'on aurait pu espérer, au regard de la situation économique. Avec justesse, vous pansez les plaies, mais vous ne les guérissez pas.

Dans la logique du projet de loi de cohésion sociale, il s'agit bien d'abord d'un budget de lutte contre l'exclusion à l'égard de celles et ceux de nos concitoyens qui sont les plus en difficultés. Le groupe UDF, à ce titre, en approuvera les orientations. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Formidable, et ce alors qu'aucun amendement n'a été accepté !

M. Francis Vercamer. C'est un budget de solidarité et d'entraide, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. C'est votre liberté de le penser, monsieur Vercamer !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je veux tout d'abord saluer Mmes et MM. les ministres présents au banc du Gouvernement, qui sont en nombre et de qualité.

Le budget de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et de l'égalité professionnelle pour 2005, qui s'élève à un peu plus de 32 milliards d'euros, doit être examiné, selon nous, à la lumière de la politique de l'emploi du Gouvernement et de son projet de loi dit de cohésion sociale, qui absorbe la quasi-totalité des augmentations de crédits.

L'enveloppe de 32 milliards d'euros dont disposera le ministère - en augmentation de près de 600 millions d'euros - cache des mouvements à la hausse et à la baisse.

C'est le plan de cohésion sociale qui consomme le plus de crédits supplémentaires. Vous y affectez 681 millions d'euros, dont l'essentiel financera le nouveau contrat aidé dans le secteur public - ce fameux contrat d'avenir qui me semble, au contraire, sans avenir ; mais cette appellation signifie sans doute qu'il est tourné vers l'avenir ! -, pour les allocataires de minima sociaux - 250 000 sont prévus en 2005 - ou les futures maisons de l'emploi qui, à ce que j'ai entendu dire, pourront être grandes ou petites ou même ne pas être des maisons du tout, ce qui laisse penser que cette catégorie englobe également les maisons virtuelles !

L'allégement des cotisations sociales patronales consenti aux restaurateurs en lieu et place de la baisse de la TVA promise coûtera, quant à lui, 550 millions d'euros.

La plus importante de ces dépenses concerne évidemment les allégements de charges sociales, selon la grande théorie défendue depuis des années. Depuis que je siège dans cet hémicycle, j'entends expliquer, sur les bancs de droite comme de gauche, que l'abaissement des charges sociales est la vraie politique à mener pour créer des emplois. On a continué à les faire baisser et nous voyons aujourd'hui le résultat. Là encore, c'est une politique sans avenir. Toutes les études le montrent.

Des économies ont, du coup, été réalisées pour financer ces dépenses nouvelles.

Ainsi l'enveloppe, qui aurait dû augmenter pour accompagner la hausse du SMIC, restera calée à 17,1 milliards d'euros.

Le poste qui régresse le plus est celui des emplois-jeunes. La disparition programmée de cette mesure, sans prévoir de débouchés concrets pour ces jeunes, permet au Gouvernement de réaliser de sérieuses économies. L'enveloppe, qui s'élevait à 2,7 milliards d'euros en 2003, a chuté à 1,6 milliard cette année et elle passera sous la barre du milliard en 2005. Le nombre des emplois-jeunes encore en place sera inférieur à 100 000 à la fin de 2004 et il sera encore plus faible à la fin de l'année prochaine car aucun de ces contrats ne sera reconduit ni remplacé.

Une mesure avait été ajoutée à la loi sur les 35 heures, dont vous n'aviez pas connaissance, semble-t-il, monsieur le ministre, selon laquelle un jeune qui abandonnait son emploi-jeune au bout de deux ans était remplacé. Vous avez décidé de ne pas la mettre en oeuvre, ce qui hâtera la disparition des emplois-jeunes.

Dans le même temps, les lois de décentralisation, qui délèguent l'insertion sociale aux départements et l'accompagnement des jeunes aux régions, permettent également de réaliser quelques économies, évidemment sur le dos des autres.

Voilà pour l'essentiel d'un budget qui répond, comme les autres, aux injonctions du ministre de l'économie et des finances de limiter la dépense sociale et la dépense publique.

On peut dès lors légitimement s'interroger sur la sincérité, comme sur la réalité, des propos du Premier ministre lorsqu'il annonce une « diminution vertigineuse du chômage ». Depuis 2002, ce gouvernement a enchaîné les dispositions destinées à atomiser le code du travail et multiplié les incohérences, dont la dernière en date est le plan de cohésion sociale marqué, selon nous, par des contradictions majeures qui, je l'annonce solennellement devant vous, mesdames et messieurs les ministres, ne tarderont pas éclater au grand jour, sans doute plus vite que vous ne le pensez.

Le budget du ministère doit donc être jugé au regard de l'action du Gouvernement en matière législative dans son ensemble.

Je cite d'abord la suppression du contrôle de l'utilisation des fonds publics. On parle aujourd'hui de créer une commission d'enquête parlementaire pour vérifier l'utilisation des fonds versés à la Nouvelle-Calédonie alors qu'une loi permettait d'effectuer ce contrôle, loi que le groupe communiste avait fait voter parce qu'il nous semble tout à fait naturel de contrôler l'utilisation de l'argent public, qui n'est ni le vôtre ni le mien, mais celui des Françaises et des Français. Or l'une des premières mesures prises par le Gouvernement a été de la supprimer !

Je cite encore la suppression des crédits pour les emplois-jeunes, les CES, les CEC, le programme TRACE, la réforme de l'ASS, la transformation du RMI en RMA, la remise en cause de la hiérarchie des normes et du principe de faveur pour permettre aux négociations d'entreprises de passer des accords inférieurs aux garanties légales minimales. Dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale que nous avons examiné, il est même prévu des dérogations pour les contrats aidés. Nous assistons ainsi à une régression extraordinaire en matière de droit du travail !

Il y a aussi l'inflation record des exonérations de cotisations sociales patronales sans contrepartie en emplois. Vous savez tous que les fonds publics versés prétendument pour l'emploi n'empêchent ni les délocalisations ni les licenciements.

Autant de dispositions qui ne permettent pas, malheureusement, d'envisager l'avenir de l'emploi de notre pays dans de bonnes conditions. Pourtant, le constat est sans appel.

Parmi les pays de l'OCDE, la France connaît l'un des taux de chômage les plus élevés. Après avoir fortement diminué durant la période 1997 à 2001 - les statistiques sont indiscutables - il est reparti à la hausse depuis trois ans, dans un contexte certes marqué par le ralentissement de la croissance économique, et avoisine désormais les 10 %.

Cela ne nous réjouit pas. Certains pensent que cela nous arrange. Pas du tout !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Et l'effet des 35 heures ?

M. Maxime Gremetz. Arrêtez d'incriminer les 35 heures ! Si vous voulez qu'on engage un débat sur ce sujet, je suis d'accord.

M. Nicolas Perruchot. Ce serait une bonne idée !

M. Maxime Gremetz. Encore faudrait-il que M. le président me donne dix minutes de temps de parole supplémentaires. Je vous présenterais alors les chiffres et les études réalisées.

M. Nicolas Perruchot. Chiche !

M. Maxime Gremetz. Vous prétendez que les 35 heures expliquent la situation actuelle de l'emploi...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. ...mais avant la mise en œuvre de cette disposition la situation n'était pas bien meilleure !

M. Nicolas Perruchot. Cela n'a fait qu'aggraver les choses !

M. Maxime Gremetz. Nous avons amélioré les choses avec les 35 heures là où ont été conclus de bons accords et où les salariés sont très satisfaits. Ce n'est pas vrai dans tous les cas et je l'ai déjà dit.

Il y a eu deux lois sur les 35 heures. La première était claire et précise et elle a été efficace en matière de réduction du temps de travail et de créations d'emplois. La seconde était bien moins bonne à tel point que, durant tous les débats, qui ont été longs et nourris, nous n'avons cessé de répéter que, s'il n'y avait pas de contreparties en emplois, nous ne la voterions pas. Pour la seconde, en fait, on avait cédé aux sirènes du MEDEF, après que M. Jospin eut téléphoné à son ami M. Seillière.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. On va tout savoir !

M. Maxime Gremetz. Vous ne le saviez pas ? Je n'invente rien. C'est la réalité. Ils étaient ensemble à l'ENA alors que moi j'étais au travail en ce temps-là !

M. Pierre Cardo. Vous étiez sur la rivière Lena ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Je ne risquais pas de les rencontrer, ni l'un ni l'autre ! Mais là n'est pas la question.

Ne tombez pas dans la caricature en mettant tout sur le dos des 35 heures ! Personne ne peut vous croire.

La loi a été votée et elle est appliquée. Rien ne sert de répéter sans cesse : « Et les 35 heures ! ».

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. C'est maintenant qu'on paye !

M. Maxime Gremetz. Vous aurez noté, monsieur le président, que j'ai été détourné de mon propos ! (Rires.)

M. Pierre Cardo. Je pense que l'orateur ne demandait que cela !

M. le président. Vous aurez noté, monsieur Gremetz, mon silence quand vous m'avez demandé dix minutes supplémentaires ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, on ne peut laisser des questions sans réponse.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Surtout quand on suscite les questions !

M. Maxime Gremetz. Ce serait faire preuve d'indifférence.

Je disais donc que le taux de chômage avoisine aujourd'hui 10 % - 9,9 % exactement -, soit un taux identique à celui enregistré en septembre 2003, et ce, malgré les dispositions prétendument indispensables et vertueuses prises par le Gouvernement qui rogne toujours un peu plus les droits des salariés au profit des employeurs.

Malgré cela, le MEDEF se récrie. C'est parce qu'il n'en a jamais assez. Pourtant satisfaction lui est donnée ! Le numéro de duettistes est vraiment bien au point. Le Gouvernement annonce différentes mesures. Le MEDEF crie : « Bravo ! ». Devant le tollé suscité par ces mesures, le Gouvernement décide d'en retirer deux tout en faisant passer l'essentiel. Et le MEDEF de se réjouir que le Gouvernement l'écoute ! Mais je ne vous apprends rien. Vous savez tout ça !

On peut ajouter à cela les 2,5 millions de chômeurs à la recherche d'un contrat à durée indéterminée à temps plein, qu'ils soient totalement inactifs ou qu'ils aient une activité réduite, les 885 000 personnes qui cherchent un contrat à durée déterminée ou un temps partiel et les 392 000 personnes plus âgées, dispensées de recherche d'emploi. On dénombre près de 4 millions de personnes qui souhaiteraient travailler et qui ne trouvent pas l'emploi correspondant à leurs attentes.

Ce n'est malheureusement pas, monsieur le ministre, le projet de loi de cohésion sociale qui inversera la tendance dans ce domaine. Telle est notre conviction profonde. Nous constatons en effet que votre projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, que nous commençons à examiner en commission, révèle manifestement quelques contradictions et incohérences.

Ainsi, après avoir supprimé dans les précédents budgets du ministère les crédits permettant la reconduction des contrats aidés de type CES ou CEC, mais aussi les emplois- jeunes, ce projet de loi s'efforce de les toiletter ou de les renommer pour leur donner le même sens auprès des mêmes publics. On observe cependant une différence non négligeable : les garanties d'insertion et de retour vers l'emploi stable deviennent encore plus hypothétiques.

Cette inconséquence est renforcée par la dernière lettre de l'observatoire français des conjonctures économiques. Ce dernier estime que la politique de suppression des emplois aidés a « amplifié de respectivement 0,2 et 0,1 point en 2003 et 2004 la montée du taux de chômage en France ». Ce n'est pas moi qui le dis. Ce n'est pas le fait des trente-cinq heures !

Au mois de septembre, le taux de chômage des jeunes s'est plus fortement dégradé. Il a augmenté de 1 % sur un mois et de 1,8 % en un an. Encore une fois, ce n'est pas moi qui le dis ; ce sont les statistiques et vos services.

Ces nouveaux contrats aux noms ronflants, contrat d'avenir, contrat d'accompagnement, contrat initiative emploi - celui-là n'est pas nouveau, le Président de la République l'avait lancé lors de sa campagne électorale -, ouvrent davantage la perspective du retour à l'activité que celle du retour à l'emploi.

Malgré tout le plus pathétique n'est pas là : vous avez supprimé ces contrats pour en créer de nouveaux ; vous l'avez dit. Ainsi, les emplois jeunes et le programme TRACE ont laissé place aux contrats jeune entreprise ou au CIVIS, par exemple. Nous avons longuement débattu de ces questions-là. Là encore, le constat est sévère.

Le premier texte emblématique du Gouvernement concernait les emplois-jeunes. En application de ce dispositif, les employeurs pouvaient percevoir, pour une durée de trois ans au plus, une aide financière de l'État en cas d'embauche ou de contrat à durée indéterminée d'un jeune âgé de seize à vingt-deux ans, dont le niveau de qualification était inférieur au baccalauréat.

Cette aide devait inciter les employeurs à se diriger vers les jeunes les moins qualifiés, voire sans aucune qualification, afin d'éviter tout effet d'aubaine. Je ne me trompe toujours pas ?...

Parmi les 150 000 jeunes bénéficiaires du dispositif entre juillet 2002 et mars 2004, 20 % seulement d'entre eux n'avaient véritablement aucune qualification et pouvaient légitimement profiter de ces mesures. Les 80 % restants n'auraient pas dû bénéficier de ce dispositif, car le risque d'effet d'aubaine était considérable, ce que l'on prétendait vouloir éviter. Vous pouvez vérifier ces chiffres. Je ne les avance pas à la légère.

L'histoire est tout aussi triste pour le CIVIS. Introduit à la hâte par voie d'amendement gouvernemental dans la loi de finances de l'an passé, ce nouveau contrat devait succéder au contrat emploi- jeune. Le CIVIS comprend trois volets :...

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. ...un volet associations, un volet accompagnement, un volet ouvrant la possibilité pour l'État de subventionner l'embauche, par des associations de jeunes porteurs d'un projet personnel ayant une vocation sociale ou humanitaire. La signature d'un CIVIS est alors l'un des moyens par lesquels les régions peuvent exercer leur compétence d'accompagnement auprès des jeunes peu qualifiés.

Un volet accompagnement vers la création ou la reprise d'entreprise ouvre la possibilité, lors de la signature d'un CIVIS entre le jeune et la région, d'une assistance à la réalisation d'un projet de création ou de reprise d'une activité non salariée. Au bout d'un an d'un dispositif censé incarner un engagement électoral du chef de l'État, les deux derniers volets du CIVIS ne sont jamais véritablement entrés en application, faute de parution des décrets d'application. Vrai ou faux ? (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

Si c'est faux, montrez-moi les décrets. J'ai vérifié. Croyez-moi, vous pouvez les chercher longtemps. N'est-ce pas un comble de ne pas se donner les moyens de mettre en application une priorité gouvernementale ? Une loi est votée ici mais, ensuite, aucun décret d'application n'est pris et les choses en restent là !

Le projet de loi de cohésion sociale ambitionne déjà de modifier, avant même la publication des décrets permettant son application, le régime du CIVIS « accompagnement », pour mieux le faire correspondre aux besoins des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle.

Enfin, dernière incohérence : le financement de ce plan est renvoyé à la prochaine législature. Je le répète : 12,8 milliards d'euros sont prévus sur cinq ans. Vous nous avez expliqué qu'un milliard seulement serait débloqué pour 2005. Pour moi, il n'y a que les chiffres qui comptent. Autant dire que la montée en charge du dispositif intervenant entre 2007 et 2009 reste virtuelle ; elle sera entièrement dépendante des futurs arbitrages budgétaires.

Dans ce contexte, plutôt que d'actionner les leviers de l'insertion, de la formation et de la sécurisation des parcours professionnel, vous n'avez pas d'autres idées lumineuses que d'introduire, à la hussarde, les mesures Seillière-Larcher relatives aux licenciements économiques qui accentueront l'exclusion sociale et la précarité.

Monsieur Larcher, on vous l'a demandé et vous l'avez fait. Monsieur Borloo, on vous l'a demandé et vous l'avez fait. On n'était pas parvenu à balayer du code du travail la sécurisation et les droits nouveaux des travailleurs, ni les mesures relatives au licenciement économique. Vous, vous les avez fait sortir par la porte et vous faites entrer par la fenêtre la loi de cohésion sociale.

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Comment peut-on affirmer vouloir sécuriser, embaucher, assurer la cohésion sociale quand on donne plus de libertés pour licencier ? Quelqu'un peut-il m'expliquer comment un tel tour de force est réalisable ?

L'objectif principal de plusieurs articles est, en effet, d'offrir des solutions aux employeurs des grosses PME et des grandes entreprises pour contourner les obligations liées au plan de sauvegarde de l'emploi introduite par la loi de 1989. Permettez-moi de vous dire...

M. le président. Non, monsieur Gremetz, veuillez conclure !

M. Maxime Gremetz. Je dispose de quinze minutes, monsieur le président.

M. le président. Vous avez déjà dépassé de quatre minutes votre temps de parole.

M. Maxime Gremetz. Vous avez compté dix minutes !

M. le président. Non, non ! Je vous demande de bien vouloir conclure d'un mot, par correction vis-à-vis de vos collègues.

M. Maxime Gremetz. Lors de l'examen en commission du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, j'ai entendu Mme la rapporteure indiquer que, parmi tous les amendements déposés par ce que j'appelle la droite, on retiendrait ceux apportant plus de souplesse.

De quelle souplesse s'agit-il sinon de celle qui donnera plus de facilités aux entreprises pour licencier, pour ne pas embaucher d'apprentis, etc. Quelqu'un a même dit qu'il ne fallait jamais utiliser le mot flexibilité et qu'il valait mieux parler de souplesse. La flexibilité, ce n'est pas bien vu ! Cela est normal, quand on connaît le pourcentage des emplois précaires.

En conséquence, les dispositions relatives aux licenciements économiques sonnent dur dans un texte censé incarner le visage social de ce gouvernement. Ce dernier ne peut à la fois garantir la cohésion sociale et continuer à faire écho aux desiderata du MEDEF dans sa croisade contre le code du travail.

Nous régressons de quinze ans. Que dis-je, quinze ans, c'est bien davantage ! On constate un net recul pour tout ce qui a trait à la protection sociale, à la loi de modernisation sociale pour les licenciements, aux droits des salariés, des comités d'entreprises, des organisations syndicales. Et on recule encore !

Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les ministres, nous voterons contre ce projet de budget. Nous avons déposé de nombreux amendements sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

M. le président. On se retrouvera à ce moment-là !

M. Maxime Gremetz. Je vous remercie, monsieur le président de votre patience, qui est infinie.

M. Pierre Cardo. Et la nôtre alors ?

M. le président. Vous pouvez la qualifier ainsi car vous avez parlé vingt-deux minutes.

M. Maxime Gremetz. Non ? Ce n'est pas possible. Je n'avais que huit feuillets ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, Maxime Gremetz a exprimé, avec le talent que nous lui connaissons, toutes les critiques possibles sur votre budget. Je vais, pour ma part, détailler tous les aspects positifs que j'ai cru y déceler, comme plusieurs de mes collègues.

Je me limiterai par conséquent à quelques remarques et observations sur des points précis dans la mesure où nous débattrons, dans quelques jours, du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Le présent projet de budget, avec 40,35 milliards d'euros, connaît une progression de 2,5 % par rapport à 2004. C'est déjà un effort. De plus, un milliard d'euros, est consacré à la mise en place, en 2005, du plan de cohésion sociale. Tout le monde appréciera l'effort ainsi consenti dans les domaines de l'emploi, tant pour les jeunes que pour les adultes chômeurs de longue durée notamment, de l'accueil et de l'hébergement des personnes exclues, du logement, et pour la restauration du lien social dans nos quartiers.

Il faut éviter, comme cela a souvent été le cas par le passé, que ces mesures ne soient financées par un redéploiement de crédits. Pour l'avoir vécu lors de la mise en œuvre de la loi sur la ville et la rénovation urbaine, je sais, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur d'éviter ces petites mesquineries.

Je me réjouis de voir que votre budget prévoit de mobiliser des crédits en faveur de l'emploi marchand et une simplification dans l'offre des contrats aidés. J'aurais souhaité que vous alliez plus loin, mais c'est déjà un grand pas dans la bonne direction. Vous sortez du traitement, parfois trop social, du chômage, ayant compris que nos concitoyens dans la difficulté n'attendent pas tant une aide pour mieux vivre leur exclusion qu'un environnement facilitant l'accès à l'emploi.

Un effort budgétaire considérable est donc nécessaire pour soutenir les structures qui, comme les entreprises d'insertion par l'économique, ramènent les demandeurs d'emploi, exclus du marché du travail depuis trop longtemps, vers l'emploi productif marchand.

Les actions locales, tant au travers d'initiatives associatives que par l'intermédiaire des PLIE, doivent être privilégiées, de même que des projets innovants dans le domaine socio-économique comme les relais que vous connaissez bien dans votre région. Encore faudrait-il les libérer des carcans administratifs qui pèsent sur eux. Ainsi les jeunes et les adultes les plus exclus seront mieux orientés, formés, préparés à l'emploi par des actions adaptées, traitant également leurs problèmes de santé et d'intégration.

J'espère que, une fois la croissance revenue, les moyens initialement prévus dans la loi de finances pour 2004 seront débloqués. Le gel des crédits a souvent placé les structures associatives dans une situation de trésorerie si difficile qu'elles risquaient de disparaître. J'insiste sur le danger de destruction de ce réseau, si compliqué à construire.

J'en viens à la création des maisons de l'emploi, dont nous discuterons dans quelques jours.

A ce titre, vous prévoyez 120 millions d'euros, ce qui est une bonne base de départ pour ce projet novateur. Il est bon de préciser qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle structure mais d'un dispositif permettant la mise en synergie des moyens existants par la création d'un vrai travail territorialisé en réseau. Vous devrez veiller, monsieur le ministre, à ce que cette initiative vienne bien en complément et non en concurrence de celles déjà prises dans nombre de communes.

Nous constatons la diminution des crédits consacrés aux emplois-jeunes, sans la mettre en parallèle avec les nouvelles mesures de remplacement que vous financez, notamment les contrats d'avenir. Ceux-ci me paraissent correspondre mieux aux besoins d'emplois des acteurs sociaux.

Il y a une dizaine d'années, dans mon rapport pour le conseil national de lutte contre les exclusions, j'ai défendu la création des emplois d'utilité sociale. J'ai trouvé trois défauts majeurs à ces emplois-jeunes.

En premier lieu, ils ne concernaient que les jeunes, alors qu'en parallèle, particulièrement dans les quartiers, nous souhaitions renforcer l'autorité et le rôle des adultes.

Ensuite, il n'y avait pas de limitation concernant le niveau de qualification, ce qui a entraîné un écrémage des recrutements, donc l'exclusion de fait des moins qualifiés. Pourquoi prendre un bac moins cinq avec des problèmes potentiels quand on peut, au même prix, avoir un bac plus cinq a priori sans problèmes ?

Enfin, ces contrats étaient limités à cinq ans, au motif qu'ils seraient rendus solvables. Or, par définition, l'utilité sociale ne peut être rendue solvable, à moins de considérer le transfert de charges aux collectivités locales comme un moyen de parvenir à la solvabilité.

Par rapport aux dispositifs précédents, la simplification qui caractérise la nouvelle version me semble appréciable. Je n'ai certes jamais considéré que la suppression intrinsèque des emplois-jeunes, au moment où elle a été entreprise, était une bonne mesure ; j'estime qu'il aurait été préférable de les amender plutôt que de les supprimer pour créer ensuite autre chose, car il est bien évident que cela pose aux acteurs locaux que nous sommes des problèmes de suivi des mesures et d'adaptation. Néanmoins, vous avez essayé d'y remédier et c'est parfait.

Les mesures que vous avez prévues en faveur de l'urgence sociale sont positives. J'observe que certaines propositions du conseil national de lutte contre l'exclusion ont été prises en compte : création de points d'accueil et d'écoute jeunes, création de places en maisons relais ou en CHRS, pérennisation de places d'accueil, etc. Vous donnez des moyens pour mieux répondre aux besoins exprimés par les acteurs de terrain intervenant dans ce domaine difficile.

Il importera néanmoins que la loi de cohésion sociale s'attaque aussi à la source des problèmes ; je ne doute pas, à cet égard, de votre volonté déterminée.

En conclusion de cette intervention brève et par conséquent incomplète, permettez-moi de dire un mot à propos des villes les plus exposées à la situation que nous évoquons.

Il ne faudrait pas que les efforts louables de votre gouvernement en faveur des populations particulièrement fragiles, comme les demandeurs d'asile ou les familles nombreuses étrangères, se traduisent par des dotations prioritaires aux secteurs les moins favorables à leur intégration, ceux qui allient souvent concentration de familles en difficulté et insuffisance de ressources. J'espère que l'État, dans ce domaine, saura vraiment jouer le rôle de solidarité nationale qui lui incombe, malgré la frilosité de nombre de communes plus favorisées. Si je me permets d'attirer votre attention sur ce risque, c'est qu'il s'est déjà traduit par l'expansion de nombreux ghettos.

Le projet de budget que vous nous soumettez pour 2005, monsieur le ministre, prépare la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la redynamisation des services publics, des associations et de l'activité économique dans nos quartiers. Je partage ces objectifs, tout comme le groupe UMP, et c'est pourquoi nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C'est le scoop de la journée !

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, l'emploi est évidemment essentiel pour la vie quotidienne de tous nos concitoyens car avoir un travail permet d'éduquer ses enfants, de se loger et de vivre, si possible dans les meilleures conditions ; pour nous, parlementaires socialistes, ce budget est donc essentiel. Comme tout budget, il est le témoin de la volonté politique qui anime un gouvernement pour réagir à une situation donnée, en l'occurrence pour affronter l'un des pires dangers menaçant la cohésion de notre société tout entière : le chômage.

Les interventions des rapporteurs ont été fort intéressantes. J'ai en particulier relevé les interrogations de M. Joyandet et de M. Giro : allez-vous respecter la programmation prévue dans le texte que nous examinerons la semaine prochaine ? Je vous pose la question car ils semblent en douter eux-mêmes. Il faut dire que l'expérience des deux années passées est de nature à nous faire craindre le pire.

En effet, M. Cardo l'a également souligné, dans les quartiers les plus défavorisés, nous avons vécu le pire. Il nous a été très sérieusement annoncé, parfois de la bouche même des représentants de l'État, que des emplois CIVIS allaient être créés, qu'il fallait attendre car Bercy bloquait encore mais qu'il n'y en avait plus pour longtemps, comme si le ministère du budget n'avait rien à voir avec la politique gouvernementale. De même, nous avions créé les adultes relais. Ils étaient certes en nombre limité sur le plan national mais ils faisaient l'objet, dans certaines régions, de mesures pilotes. Le dispositif a été purement et simplement supprimé : l'administration nous a dit de patienter car les crédits allaient arriver, mais on n'en a pas vu la couleur et les adultes relais ont été licenciés. Quand quelques postes ont enfin pu être recréés - malheureusement pas autant qu'au départ -, nous avons dû redéfinir les profils, et je pourrais vous donner des exemples vécus en Moselle, à Fameck, une commune classée en ZUS.

Nous ressentons donc des doutes et même si, sur un point en particulier - l'article 59 de la future loi - nous serions tentés de nous prononcer favorablement, nous sommes conscients que ce n'est qu'une session de rattrapage face à une situation dramatique pour nombre de collectivités. Il ne s'agit pas seulement d'accroître la DSU. Si la politique de la ville disparaissait, si les collectivités locales devaient prendre le relais pour cofinancer l'ensemble des emplois aidés, ce que nous obtiendrions d'un côté nous serait retiré de l'autre. Cela n'a peut-être pas force de loi mais c'est la réalité depuis deux ans et demi et nous n'avons aucune raison, pour l'heure, de penser que le contraire deviendra vérité révélée.

Nous constatons donc que ce qui était a disparu. C'est le pire, pas pour nous, mais pour ceux qui ont malheureusement perdu leur emploi, c'est-à-dire une activité et un espoir. Ce que vous annoncez, nous espérons que cela sera, mais ce n'est pas encore le cas et nous verrons bien.

Lorsque nous étions aux affaires, nous avons fait preuve, en quelque sorte, de beaucoup plus de pragmatisme. Pendant cinq ans, notre volonté politique affirmée s'est doublée d'un engagement économique tout aussi déterminé, incitant à la dépense active de l'argent public contre le chômage. Cela a permis d'infléchir une courbe qui, depuis près de vingt-cinq ans était constamment en hausse et paraissait inexorablement condamnée à cette tendance ; on nous annonçait régulièrement la sortie du tunnel mais personne n'y croyait. Je dois tout de même vous rappeler que, en valeur nette, un million d'emplois ont été créés, et que, dans le même temps, par le biais de grandes lois sociales, certaines garanties ont été étendues. Ainsi, nous sommes parvenus à concilier - on parvient quelquefois à penser que cela est possible, en tout cas dans nos rangs - bonne santé de l'économie française et sentiment de progrès pour l'ensemble de nos concitoyens plutôt que pour une partie d'entre eux seulement.

Votre gouvernement, monsieur le ministre, a, quant à lui, réussi l'exploit historique, l'année dernière, de diminuer le nombre d'emplois dans notre pays - ce qui n'était plus arrivé depuis 1993 - de 70 000. Nous vous demandons de prendre acte de ce chiffre, que personne ne conteste et qui rend l'urgence aussi importante que la programmation, car il faut impérativement prendre tout de suite en charge ceux qui travaillaient hier et qui sont désormais au chômage.

Tout cela n'est pas dû au Saint-Esprit ; c'est le résultat d'une politique cohérente, voulue, assumée. Depuis votre arrivée, en 2002, vous avez laissé la voie libre au MEDEF, à ses représentants, à sa volonté de revanche sociale, comme on a encore pu l'entendre tout à l'heure à propos des 35 heures. De même, vous avez cru devoir suspendre la loi de modernisation sociale sans savoir par quoi vous la remplaceriez ; et vous ne le savez d'ailleurs pas encore exactement car cela suscite des débats entre vous.

Je pourrais aussi parler de la réorientation des dépenses de l'État vers la satisfaction de besoins nouveaux : un à un, les dispositifs de protection sociale ont été démolis. Il est même arrivé que certains fondamentaux de notre société soient menacés, et on peut toujours le craindre. Je pense en particulier à la retraite par répartition : à défaut de disparaître complètement, elle est partiellement financée, mais nous savons très bien que, dès 2005, le taux de croissance sera insuffisant pour financer votre réforme et que nous serons donc sans doute amenés à revoir ce dossier. Il en va de même pour la sécurité sociale, qui, soit dit en passant, est dorénavant essentiellement financée par les patients.

Quel est le résultat de cette politique ?

Les faits sont têtus et les chiffres incontestables : alors que le nombre d'allocataires du RMI était redescendu sous la barre du million, on en compte désormais 1,19 million, soit 100 000 supplémentaires en une seule année. Évidemment, face à une situation aussi dramatique, que faire sinon proposer quelques pansements sociaux ? En fait, la loi de programmation sociale est plutôt une loi d'urgence pour poser quelques pansements sociaux absolument indispensables.

Depuis vos cuisantes défaites électorales, votre souci semble clairement de prendre une posture de communication où le social, après avoir été oublié, occupe une place plus importante. Cependant, comme souvent en matière de communication, il s'agit davantage de susciter une émotion - l'émotion légitime de ceux qui souffrent - que de changer les choses en profondeur.

Ainsi se caractérise votre projet de budget pour 2005 : face à la croissance de la richesse nationale, que votre politique contribue à maintenir très pauvre en emplois nouveaux, vous persévérez dans l'erreur en continuant à stigmatiser toute intervention publique en faveur de l'emploi. Cela se traduit par une baisse de 258 millions d'euros des crédits affectés au titre IV, soit une dotation de 30,1 milliards d'euros.

Les premières victimes de cette politique sont évidemment les jeunes, bien que l'on se plaise à dire qu'il faut commencer par s'occuper d'eux. Les chiffres de septembre sont à ce titre éloquents : pour ce seul mois, avec une hausse de 1,2 %, le taux de chômage des jeunes, en France, dépasse 21 %. Ce n'est certes pas une nouveauté, mais vous supprimez un remède qui avait le mérite d'exister avant même d'avoir véritablement mis en œuvre le nouveau traitement. Vous suggérez simplement quelques solutions qui ne seront pas forcément aussi opérationnelles que vous le dites. Avec le programme « Nouveaux services, nouveaux emplois », notre majorité, de 1997 à 2002, avait pour sa part fait le pari de dépenser de l'argent pour rendre les jeunes actifs, leur redonner un peu de dignité, et non pas les laisser croupir dans une inactivité socialement inacceptable.

M. Jean-Louis Idiart. Exactement !

M. Michel Liebgott. À cet égard je tiens à dire à l'un des orateurs précédents que cinq ans, c'est suffisant pour rebondir, pour se former, pour trouver un emploi définitif et être remplacé par un autre jeune, qui va retrouver à son tour un peu de dignité, une formation et, à terme, un emploi. Les emplois-jeunes ne conduisent pas au chômage ; ils conduisent à des emplois définitifs ;...

M. Nicolas Perruchot. Temporaires !

M. Michel Liebgott. ...ils constituent un marchepied parfaitement cohérent, respectable et digne. En fait la démarche a fonctionné.

Le Gouvernement, tel la guillotine d'une autre époque, les a purement et simplement supprimés - M. Cardo lui-même le regrette - pour les remplacer par les CIVIS. A ce sujet je me contente de citer deux chiffres : 300 CIVIS ont été conclus tandis que 100 000 emplois-jeunes environ ont été supprimés.

Certains évoquent le plus grand plan social du siècle, dont la jeunesse française serait la première victime. Je ne suis pas très loin de le penser, même si nous sommes encore au début du siècle et qu'il me paraît difficile de s'engager pour près de cent ans ! En tout cas, c'est un plan social de grande envergure.

Non, monsieur Vercamer, on ne peut pas se satisfaire, après deux ans d'errance, d'un retour aux emplois aidés et, en même temps, critiquer les emplois-jeunes ; il faut savoir ce que l'on veut !

M. Jean-Louis Idiart. Très bien !

M. Michel Liebgott. La deuxième catégorie de victimes est celle des chômeurs de longue durée. En 2002, la somme qui leur était consacrée atteignait 395 millions d'euros. En 2004, le budget, déjà insuffisant, accordait 219 millions d'euros aux programmes prévus en leur faveur. En 2005, il ne restera que 50 millions d'euros, tandis que le nombre de chômeurs de longue durée - là encore, les faits sont têtus - a augmenté de 3,9 % en une année. Ce n'est donc nullement un hasard si l'effort direct de l'État pour les chômeurs de longue durée, à travers les multiples dispositifs existants, est considérablement réduit, malgré les contrats d'avenir. Je ne vous rappellerai pas les chiffres ; même en ajoutant l'enveloppe régionale, nous sommes fort loin du compte.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à qui incombera la gestion à la fois de cette baisse des moyens accordés aux organismes et de l'attente à laquelle nos concitoyens devront se résoudre en termes d'insertion et de cohésion sociale ? En réalité, sur le terrain, ce sont les associations et les collectivités locales qui se trouvent au premier rang.

Pas très loin d'ici se tient le congrès de l'Association des maires de France. Un récent sondage, confirmant la réalité quotidienne que nous percevons lors de nos déplacements dans nos circonscriptions, nous démontre à quel point la manière de faire de la majorité actuelle inquiète les élus locaux.

M. Pierre Cardo. Surtout les élus régionaux !

M. Michel Liebgott. Ceux-ci, dans leur grande majorité, dénoncent la propension de votre gouvernement, jamais égalée, à faire payer aux collectivités son inconséquence politique de ces deux dernières années ainsi que son imprévoyance.

Après cela, il est facile de clamer que l'on va tout changer, mais le mal est fait. Du reste, le secteur associatif ne s'y trompe pas. Plusieurs grandes fédérations se sont clairement exprimées sur ce sujet pour dénoncer la poursuite d'une logique d'abandon par l'État qui annonce une augmentation des aides aux chantiers d'insertion, par exemple, mais elle ne couvrira pas la surcharge pour les associations des contrats censés remplacer les CES pour les chantiers d'insertion.

Dans une région comme la Lorraine que je connais bien, 78 chantiers d'insertion accompagnent environ 2 800 personnes, encadrées par 300 salariés permanents. Les associations craignent que, pour financer les nouveaux contrats, l'État ne réduise fortement sa participation à la rémunération des personnes en insertion : un chantier d'insertion prenant en charge environ 15 personnes devrait donc trouver un financement complémentaire de l'ordre de 20 000 à 50 000 euros. Or ni en commission ni lors de votre audition, monsieur le ministre, nous n'avons eu de réponse précise sur le taux de participation de l'État dans le cadre de ces différents contrats. C'est pourtant le nerf de la guerre ! Le risque est grand que vous vous retourniez vers les collectivités locales, lesquelles n'ont même pas été consultées.

D'une façon générale, l'offre d'insertion diminue fortement : 440 000 entrées en CES-CEC en 2001, 365 000 en 2003, 185 000 en 2004 et plus aucun en 2005 où ils seront remplacés par 185 000 contrats d'avenir dont personne ne sait comment ni à quelle hauteur ils seront financés. Entre 2001 et 2005, le bilan du Gouvernement en matière d'insertion se soldera par la disparition d'un dispositif efficace et la suppression de 255 000 emplois sous forme de contrats aidés.

Si la situation économique était favorable, sans doute pourrait-on considérer que ce n'est pas très grave, mais malheureusement celle-ci s'est dégradée, avec pour conséquence une aggravation de la pauvreté ; le Secours catholique vient encore de le rappeler. Dans un tel contexte, il aurait fallu mener une politique totalement inverse.

Bien sûr - et c'est cela qui nourrit le plus notre colère - si les salariés et les exclus font les frais de votre politique, votre clientèle patronale, elle, peut s'estimer satisfaite. L'application de la loi Fillon du 17 janvier 2003 sur les bas salaires permettra au patronat d'économiser encore 1 milliard d'euros supplémentaire en exonérations de charges, le total des exonérations s'élevant cette année à 16,5 milliards d'euros.

En conclusion, le groupe socialiste dénonce un budget dont les quelques annonces ne parviennent pas à cacher la politique, entamée en 2002, de destruction systématique des dispositifs mis en place entre 1997 et 2002 et qui avaient fait la preuve de leur efficacité. Aux ersatz que vous proposez, nous préférons l'original, qui avait le mérite de fonctionner.

Certes, vous annoncez la création de quarante-cinq maisons de l'emploi sur l'ensemble du territoire : est-ce suffisant pour une population de soixante millions d'habitants dans près de cent départements ? Quel sera dans ces conditions leur impact sur l'emploi ? Va-t-on prévoir, dans les années qui viennent, et au-delà de 2005, les crédits nécessaires à la création d'autres maisons de l'emploi ? Nous pouvons en douter comme nous doutons de la volonté sociale de ce gouvernement dont certains membres ne veulent pas entendre parler du plus petit « mieux disant social » et souhaitent visiblement poursuivre une stricte logique libérale. J'en veux pour preuve les déclarations de M. Christian Estrosi, proche du futur président de l'UMP, dans un quotidien ce matin. Selon lui, il faudrait profiter de l'examen de ce projet de loi pour supprimer des dépenses sociales coûteuses et inutiles, qui sont à la charge des collectivités locales, plutôt que de charger encore la barque.

Nous avons donc toutes les raisons de craindre qu'il faille, année après année, se battre pour obtenir qu'un minimum des crédits prévus dans la loi de programmation de cohésion sociale soit dégagé, d'autant que, dans votre propre majorité, il n'y a pas unanimité, loin s'en faut. En revanche, je suis sûr qu'elle sera unanime à culpabiliser les départements et les régions s'ils ne mettent pas demain en œuvre les mesures que vous aurez définies, mais que vous n'aurez pas financées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cardo. Et vous, qu'avez-vous fait avec le RMI ?

M. le président. Je vais suspendre la séance quelques instants.

M. Maxime Gremetz. Très bien !


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le plan de cohésion sociale : tout a été excellemment dit à ce sujet, au nom du groupe UDF, par Francis Vercamer. En arrière-plan du projet de budget pour l'emploi, deux questions doivent être posées : comment faire pour offrir à nos entreprises un environnement économique propice à la croissance ? Comment, dans le même temps, assurer à nos concitoyens un plein-emploi de qualité ?

La réponse passe, j'en suis convaincu, par une réflexion sur le temps de travail et les 35 heures.

Six ans après l'adoption des lois Aubry sur la réduction du temps de travail, des indices convergents, l'analyse des experts économiques comme l'avis des entrepreneurs, montrent que la réduction du temps de travail autoritaire et indifférenciée pénalise notre économie. Aujourd'hui, il est admis que les 35 heures ont été un échec : elles n'ont pas généré les emplois promis et ont conduit des entreprises, en particulier des PME, à la faillite.

Les 35 heures ont également failli car elles ont accéléré la désindustrialisation de notre pays et désorganisé le secteur public, sans compter leur lourd poids sur les finances de l'État, du fait des mécanismes complexes d'exonération des charges sociales mis en œuvre.

Enfin, elles n'ont pas amélioré réellement les conditions de vie de l'ensemble des actifs. Pire, elles semblent avoir affecté en profondeur les relations qu'entretiennent les Français avec le travail et ont contribué à sa désaffection. Le travail, qui était perçu de manière positive comme un vecteur d'intégration et d'identification sociale est désormais considéré comme une contrainte. L'application des 35 heures a découragé les salariés les plus actifs qui veulent progresser au sein de leur entreprise ou de leur administration.

Aujourd'hui, les pays qui connaissent des taux de croissance supérieurs à celui de la France et des taux de chômage inférieurs ont fait le choix de l'augmentation de la productivité du travail. Nous avons au contraire opté, depuis 1998, pour une politique économique et sociale à contre-courant, en faisant le choix du non-travail, c'est-à-dire de faibles gains de productivité, d'une croissance réduite au minimum, source de chômage.

Il s'agit non pas de faire de l'idéologie, mais tout simplement de répondre aux souhaits des Français : en effet, la plupart des enquêtes ont montré que près des deux tiers de nos concitoyens seraient prêts à renoncer aux 35 heures en échange d'une augmentation de salaire. Pourquoi s'obstiner à le leur refuser ?

La commission d'enquête sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, qui a rendu son rapport en avril dernier, a présenté des propositions pour contrecarrer les effets négatifs des 35 heures, sans pour autant générer une instabilité juridique préjudiciable aux salariés comme aux entreprises. Elles offrent aux partenaires sociaux de nouvelles possibilités de renégocier les volumes d'heures de travail. La loi Fillon de janvier 2003 a ouvert la voie, mais elle est encore insuffisamment utilisée et encore trop peu de branches professionnelles ont conclu un accord.

En restant dans le cadre légal des 35 heures, il faudrait prolonger cet effort d'assouplissement de la législation sur le temps de travail. Il conviendrait ainsi de rendre possibles des dérogations aux conventions de branche en matière de droit du travail, d'élaborer des règles particulières pour les PME et de leur permettre de bénéficier de compensations pour les aider à surmonter ces difficultés résultant d'une situation imposée.

La France ne parviendra pas spontanément à la croissance forte et au plein-emploi. Aujourd'hui, nous avons besoin de passer d'une politique de l'emploi à une action pour l'emploi, associant le levier de la politique fiscale à une simplification systématique des procédures pour encourager l'entrepreneuriat et renforcer l'attractivité de notre pays : soutien à l'innovation, à la création d'entreprises, au développement de pôles de compétitivité régionaux. La mobilisation de tous est donc indispensable.

Pour conclure, je citerai les propos de l'un des candidats à l'élection présidentielle de 2002 : « La manière autoritaire et uniforme dont a été conduite la réduction du temps de travail était inadaptée et coûteuse. Elle n'a pas pris en compte les différences de situations entre les secteurs et entre les entreprises. Elle a conduit à une stagnation des salaires, malgré la croissance ». Et encore ceci : « L'autoritarisme pointilleux qui a présidé à leur mise en œuvre restera dans l'histoire comme un modèle de ce qu'il ne faut pas faire ». Vous l'aurez compris, il s'agit de Jacques Chirac qui déclarait aussi, le 14 octobre 2002, à Troyes, ville qui vous est chère, monsieur le président : « L'assouplissement des 35 heures rendra possible de travailler plus si l'on veut gagner plus. ». De nombreux Français et Françaises attendent de nous que cela devienne une réalité et que nous revenions sur ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur le maire de Blois. (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Messieurs les ministres, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget honore le Gouvernement dans la mesure où il traduit un strict respect des engagements pris. Dans une période de maîtrise de la dépense publique, il ne progresse que de 1,8 %, à périmètre constant, pour se situer à un peu plus de 32 milliards d'euros. Cependant ces 32 milliards sont constitués à plus de 97 % de crédits d'intervention, ce qui permet de dégager une marge de manœuvre, mise à profit pour tenir les engagements. J'en veux pour preuves les mesures relatives au processus de convergence du SMIC, qui s'achèvera le 1er juillet 2005, conformément au dispositif de la loi Fillon, ainsi que l'aide spécifique à l'emploi, créée dans le secteur de l'hôtellerie, de la restauration, des cafés, en contrepartie d'avancées sociales importantes, pour rendre ces métiers plus attractifs.

Il s'agit surtout d'un budget qui accordera dès 2005 les crédits nécessaires à la mise en place du plan de cohésion sociale, tant critiqué par l'opposition pour son manque de moyens alors qu'elle n'a jamais eu la volonté de mettre en œuvre de telles mesures.

Il repose beaucoup sur le pragmatisme, en particulier pour la priorité que constitue la jeunesse, qui est l'avenir de notre pays. En effet nous savons tous combien la situation des jeunes de quinze à vingt-quatre ans est préoccupante. Leur taux d'emploi est de 30 % alors qu'il s'élève à 39 % dans le reste de l'Europe : 230 000 jeunes sont au chômage et près de 100 000 sortent chaque année sans diplôme des écoles. La situation est encore plus catastrophique dans les zones urbaines sensibles où le taux de chômage atteint parfois plus de 40 %.

Dans ce domaine ce budget finance deux séries de mesures.

Le premier axe est l'accompagnement individuel des jeunes sortis du système scolaire sans qualification : 800 000 seront concernés par cette mesure dans les cinq prochaines années. Ce rôle sera confié aux missions locales et aux permanences d'accueil, d'information et d'orientation, dont nous connaissons l'importance et la qualité du travail. Des moyens supplémentaires, à hauteur de 66 millions d'euros, leur seront attribués afin de permettre le recrutement de 2 500 référents ou coordinateurs.

Le réseau verra sa dotation passer de 71 à plus de 113 millions d'euros. À cela s'ajoutera la création d'un fonds d'insertion professionnelle pour 75 millions d'euros, ainsi que la réforme du CIVIS et du contrat jeune. Je m'étonne toutefois, monsieur le ministre, que ce réseau, placé au cœur de l'insertion professionnelle des jeunes, ne fasse pas partie du premier cercle du service public de l'emploi.

Le deuxième axe concerne la relance de l'apprentissage, lequel reste la réponse la plus adaptée aux besoins de qualification et d'insertion professionnelle des jeunes.

Dans de nombreux métiers - le bâtiment, la restauration, les services aux personnes - l'apprentissage assure le meilleur taux d'entrée dans l'emploi. Le développer relève aujourd'hui du bon sens. Le projet de loi de finances pour 2005 impulse donc de passer de 360 000 à 500 000 apprentis en cinq ans.

Toutefois il faut rester vigilant, mes chers collègues, pour que ces moyens supplémentaires ne se perdent pas dans une image négative, une image d'échec dans lequel notre système éducatif confine aujourd'hui l'enseignement professionnel. Il nous faudra repenser la coordination entre les CFA, l'éducation nationale, le système des parrainages, des tuteurs et peut-être même, monsieur le ministre, adapter les limites d'âge.

Le pragmatisme prévaut également dans l'articulation du dispositif. Les emplois sont dans les entreprises. La priorité est donc donnée au retour à l'activité et à l'emploi marchand. Cette priorité ne signifie pas pour autant une remise en cause de la possibilité d'intégration dans le secteur non marchand.

Ainsi, les associations d'insertion par l'activité économique sont dotées de 66 millions d'euros supplémentaires. Les postes en entreprise d'insertion seront abondés à hauteur de 15 000 euros, une aide à l'accompagnement des chantiers d'insertion sera créée, la dotation aux associations intermédiaires passera à 13 millions d'euros et l'effort pour les fonds départementaux d'insertion ira au-delà ce qui était prévu initialement.

Pragmatisme encore en matière de simplification - enfin, serai-je tenté de dire ! Les sept dispositifs actuels seront remplacés par les CIE et le RMA pour le secteur marchand, le CAE et le contrat d'avenir pour le secteur non marchand. De plus, l'utilisation par les services déconcentrés sera plus souple grâce à la fongibilité des enveloppes.

Pragmatisme toujours en matière de proximité. Cette proximité, qui est un gage de notre réussite, passe par la remobilisation du service public de l'emploi et, surtout, par l'instauration de 300 maisons de l'emploi qui se verront dotées de 120 millions d'euros. Ces maisons devront accompagner et orienter les demandeurs d'emploi, adapter les actions et les prévisions par bassin d'emploi. Autant dire qu'elles devront coller à la réalité du terrain.

Je tiens d'ailleurs à appeler votre attention, mes chers collègues, sur la diversité des territoires, notamment ruraux, où l'éloignement interdit d'avoir un lieu unique sur tout le département. J'ai, dans ma circonscription du Jura, un pôle d'accueil et de service qui fédère collectivités, administrations, entreprises, demandeurs d'emploi, organismes sociaux, riche de réussites et probablement aussi d'échecs. Ce pôle, soutenu par une communauté de communes rurales de 8 400 habitants, reçoit pourtant deux mille visites par an en milieu rural et remplit, de ce fait, la mission des maisons de l'emploi. C'est pourquoi, monsieur le ministre, plutôt que de créer des structures supplémentaires au risque de ne plus rien y comprendre, ne serions-nous pas mieux inspirés de tirer les leçons de ces expériences d'accueil, sans doute d'en améliorer encore le fonctionnement et les résultats et de leur donner vocation à devenir autant de maisons d'emploi intégrées à un vrai réseau départemental ? En cas de réponse favorable, ces organismes déjà en place bénéficieront-ils des financements de l'État ?

Ce projet de budget met la politique de l'emploi sur le bon chemin et c'est la raison pour laquelle je le voterai avec conviction et le défendrai avec passion. Mais il est du rôle du Parlement de veiller à ce que la complexité administrative ne vienne pas l'étouffer et le condamner à l'échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe UDF et apparentés, je souhaite insister, à l'occasion de la semaine consacrée à l'emploi des personnes handicapées, sur l'effort que doit consentir l'État pour contribuer à l'insertion des personnes handicapées sur le marché du travail.

Le handicap ne concerne pas que les autres. Nul d'entre nous n'est à l'abri de l'accident ou de la maladie invalidante. Sur ce sujet, avant toute chose, il y a des réalités humaines, des vécus, des ressentiments parfois. Ma première pensée va donc à celles et ceux qui sont victimes d'un handicap et à leur famille. Pour moi, tout n'est pas que finances, budget, lois, réglementation, quotas. Ce qui importe, c'est bien souvent un regard, un sourire, une main tendue, bref un peu d'humanité, dans un monde où l'individualisme serait roi et où il faudrait tous être riches, jeunes, beaux et bien portants.

Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées nous reviendra bientôt en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Il prévoit notamment de faire de l'insertion des personnes handicapées un objet de négociation régulier au niveau des branches et des entreprises et à renforcer les sanctions à l'encontre des employeurs, privés et publics, qui ne satisfont pas à l'obligation légale d'emploi de 6 % des effectifs.

Dans ce cadre, il me semble essentiel de soumettre les services publics à des objectifs plus précis, avec presque une obligation de résultat en la matière, comme il y en a pour les publics jeunes en insertion.

Le groupe UDF a déposé, par la voix de mon collègue Yvan Lachaud, plusieurs amendements au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale tendant à favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées. L'un d'eux vise à associer les maisons départementales des personnes handicapées aux maisons de l'emploi, l'autre prévoit une majoration du crédit d'impôt pour une entreprise recrutant comme apprenti un jeune handicapé.

Le groupe UDF entend mener une politique efficace et concrète en faveur de l'emploi des personnes handicapées. Il y a d'ailleurs consacré sa séance d'initiative parlementaire, à l'Assemblée nationale en février dernier, en demandant l'adoption de la proposition de loi déposée par Jean-Christophe Lagarde, qui prévoyait d'accorder un crédit d'impôts aux entreprises effectuant des investissements pour adapter les postes de travail aux salariés handicapés. Il s'agissait d'un dispositif simple, facile à mettre en place, sans paperasserie pour les chefs d'entreprise.

Pour nous, la situation de handicap, qu'elle soit de naissance ou consécutive à un accident de la vie, nécessite de la part de la société une obligation de solidarité. C'est une nécessité morale, dans la mesure où l'accès des personnes handicapées au monde du travail constitue une condition essentielle non seulement de leur insertion sociale, mais aussi de leur autonomie financière.

Nous considérons que le milieu ordinaire de travail doit être le lieu naturel d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Il s'agit d'abord de combattre les idées reçues selon lesquelles le handicap serait difficilement compatible avec le monde de l'entreprise dominé par l'idée de performance. Aujourd'hui, entre discrimination et assistanat, les insertions réussies tiennent le plus souvent à l'investissement personnel. Nous connaissons tous des réussites exceptionnelles en la matière et celles et ceux qui sont différents, dans des postes adaptés, ont bien souvent des résultats remarquables, car il y a chez eux ce plus d'envie, de motivation, de volonté qui, la plupart du temps, fait la différence.

Nous nous montrerons vigilants sur l'évolution des crédits inscrits au budget de l'emploi en faveur des travailleurs handicapés.

Selon la DARES, en 2003, environ 100 000 personnes handicapées ont accédé à un emploi grâce au soutien de l'AGEFIPH et du réseau Cap-emploi. Toutefois, les emplois proposés sont fréquemment précaires. En effet, quatre emplois sur dix décrochés par une personne handicapée sont des CDD de moins de six mois. À la fin de 2003, 158 000 personnes handicapées étaient à la recherche d'un emploi.

Un véritable effort doit donc être accompli en faveur des personnes handicapées. A cet égard je veux mettre en évidence la contribution que pourraient apporter les nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'emploi des personnes handicapées, en favorisant notamment le télétravail et le travail à domicile. Le groupe UDF propose plusieurs pistes : renforcer les dispositifs de placement des travailleurs handicapés ; relancer les aides à l'emploi - contrats aidés - en faveur des personnes handicapées ; approfondir le dialogue social pour favoriser leur emploi.

Pour nous, l'insertion des personnes handicapées revient à savoir adapter le travail aux êtres humains, et non l'inverse, ce qui constitue non seulement un véritable changement de fond, mais également un pari à long terme pour l'avenir de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale enregistre une hausse de 2,5 %. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, une telle augmentation traduit sans ambiguïté les orientations fixées par le chef de l'État en matière de lutte contre la précarité et les exclusions. Le plan de cohésion sociale sera le fer de lance de cette ambition à laquelle pas moins d'un milliard d'euros de crédits budgétaires seront consacrés.

Si d'autres, plus férus de ces questions, ont détaillé avant moi les principales mesures de votre plan de cohésion sociale et les bénéfices attendus de ce dispositif, je souhaite à mon tour saluer les efforts engagés dans plusieurs directions.

Premièrement, la revalorisation des salaires les plus modestes, avec la hausse envisagée de 5,6 % du SMIC dans le cadre du processus de convergence des SMIC.

Deuxièmement, l'allégement des charges sociales pour assurer à nos entreprises plus de compétitivité et de marge de manœuvre pour embaucher.

Troisièmement, les jeunes sans qualification bénéficieront d'un accompagnement personnalisé vers un emploi durable, ce qui tranche avec les emplois-jeunes sans lendemain.

Enfin, en faveur de la parité et de l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment à travers des dispositifs tels que le fonds de garantie pour l'aide à la création d'entreprise par les femmes. À cet égard, je tiens à saluer votre action, madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, et à vous dire, comme vous avez pu vous en rendre compte lors de votre visite à Mayotte en juillet dernier, que ce type de mesure est très attendu localement et combien nous y étions très sensibles.

Je dois évidemment m'attarder sur une collectivité très chère à mon cœur, celle que je connais le mieux, Mayotte, qui est symptomatique des enjeux dont nous discutons dans le présent débat.

La situation y est, en effet, un peu un concentré de ce que nous connaissons dans l'ensemble du pays mais vu à travers un miroir grossissant. C'est, de toute la République française, la collectivité qui connaît les difficultés les plus criantes en termes d'emplois et de formation professionnelle, mais aussi celle où le Gouvernement fait la preuve de sa mobilisation sur les questions sociales, plus particulièrement sur l'emploi. Ainsi, quand le chômage avoisine les 10 % au plan national, il s'élève à plus de 40 % à Mayotte. Les licenciements économiques - et Dieu sait s'il y en a ! - ne sont pas indemnisés à défaut d'existence d'une convention collective, malgré la réglementation mise en place.

Cette situation est de moins en moins tenable dans une société de consommation où toutes les lignes sociales traditionnelles sont chaque jour repoussées.

La loi du 21 juillet 2003 a apporté une première réponse avec une revalorisation historique du SMIC qui, en deux ans, est passé de 38 % à 45 % du SMIC national, l'extension de l'intervention de l'ANT, l'implantation à compter du 1er janvier prochain de l'ANPE, enfin un dispositif de remboursement des charges sociales malheureusement aujourd'hui très compliqué pour les entreprises locales peu portées sur la paperasserie.

Nos jeunes demandent à travailler pour être reconnus socialement, et c'est heureux. Il faut les encourager pour éviter l'assistanat. Il est donc urgent d'agir. C'est pourquoi j'en appelle à la mise en place d'un plan pour le développement de l'emploi à Mayotte. Cela passe bien sûr, à mes yeux par la réforme du droit du travail applicable localement.

Un premier décret relatif à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail dans les entreprises a d'ores et déjà été publié le 25 février dernier.

Un deuxième train de mesures est en cours d'élaboration. Il s'agit notamment du projet d'ordonnance relative au droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à Mayotte. Cette ordonnance concernera le champ professionnel du code du travail de Mayotte, les salariés à temps partiel, les formalités à accomplir obligatoirement en cas de licenciement du salarié, le droit conventionnel, le recours au travail de nuit, les congés de formation, l'hygiène et la sécurité des travailleurs, la lutte contre le travail dissimulé, le renforcement des sanctions en cas d'emploi d'étrangers sans titre de travail, le licenciement pour motif économique, le contrôle de la formation professionnelle et la juridiction du travail de Mayotte. C'est une refondation du droit du travail qui se dessine et qui favorisera le dialogue social.

Je souhaite que l'ensemble de ces mesures soient intégrées dans le code du travail de droit commun, pour les rendre plus accessibles et éviter une insécurité juridique préjudiciable pour tous.

Dans une société en mouvement comme la nôtre, le principe des « ordonnances baladeuses » a atteint ses limites : une fois l'ordonnance prise, monsieur le ministre, personne ne sait ce qu'elle devient. Autrefois, on pouvait se contenter d'un tel système de rattrapage, mais cela n'est plus possible maintenant compte tenu du niveau de développement et de la complexité des textes. Il faut désormais envisager une intégration des textes concernant Mayotte dans le code, ce qui les rendra plus facilement accessibles aux citoyens.

Au-delà de ce travail important et que je veux saluer ici, il faudra aller plus loin avec un véritable plan de développement de l'emploi. La loi sur la cohésion sociale pourrait vous en offrir l'occasion, monsieur le ministre. Les mesures en faveur de l'emploi dans les DOM mises en place par la loi de programme pour l'outre-mer semblent apporter des réponses intéressantes. Que ce soit au plan juridique ou économique, rien ne s'oppose à leur extension à la collectivité départementale de Mayotte. Dans son plan national de lutte contre le chômage, le Gouvernement semble aller dans ce sens.

La mise en place effective de l'indemnisation du chômage est désormais urgente, les textes législatifs et réglementaires ayant été publiés depuis plusieurs mois déjà. Il revient au dialogue social actuellement en panne de la mettre en œuvre. Aussi l'implication de l'État dans ce contexte me paraît-elle opportune. Je serais donc intéressé de connaître les instructions que vous entendez donner.

Monsieur le ministre, j'ai assez parlé. L'heure est à la décision : c'est avec enthousiasme que je voterai votre budget car il est bon pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, dernier orateur inscrit.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, représentant plus de 40 % des crédits de l'État, le budget de l'emploi est d'une importance capitale dans un contexte de mondialisation, où tout va très vite, trop vite parfois. Pour rester compétitives, nos entreprises - grandes, moyennes ou petites - ont, d'une manière générale, gagné en productivité et su s'adapter aux fluctuations du marché, tout en faisant d'énormes progrès en matière de sécurité, d'hygiène et de protection de leur environnement. Cependant, en matière d'emploi, il faut bien avouer que les 35 heures n'ont pas apporté les créations escomptées. Elles ont même souvent contribué à dégrader les relations humaines dans l'entreprise. Le partage du travail a été un leurre qui a surtout pénalisé les PME, les artisans et commerçants. Ils représentent pourtant, outre les 8,3 millions de salariés qu'ils emploient, un formidable vivier d'emplois.

L'avenir économique de notre pays se joue au travers de notre capacité à bonifier la croissance par une diminution significative du nombre de chômeurs. Nous avons conscience que le plein-emploi n'est pas pour demain mais il faut souligner les efforts accomplis par le Gouvernement pour réconcilier l'économique avec le social.

Le plan de cohésion sociale présenté par le « pôle Borloo » devrait bénéficier dès 2005 de 1 milliard d'euros, dont les deux tiers en provenance du budget du travail et de l'emploi. Sa réussite, à laquelle je crois, est primordiale pour redonner à nos concitoyens, surtout ceux qui sont éloignés de l'emploi - je pense aux personnes handicapées -, la perspective de trouver leur place dans le monde du travail et, par conséquent, dans la société.

Les mesures annoncées dans le budget du travail et de l'emploi vont dans le bon sens : 66 millions d'euros pour l'insertion par l'économique - entreprises d'insertion, fonds départementaux ou chantiers d'insertion - ; 862 millions d'euros pour la création des contrats d'avenir, l'amélioration des RMA, les contrats initiative emploi ; ou encore 273 millions d'euros consacrés à l'insertion professionnelle des jeunes. Les 120 millions d'euros destinés à la création des maisons de l'emploi devraient permettre de lutter contre le chômage par des solutions adaptées à chaque bassin d'emploi, tout en créant une nouvelle synergie entre l'ANPE, les AFPA et les directions départementales du travail et de l'emploi. La recherche d'un emploi, avec parfois une formation préalable, ne doit plus ressembler à une course d'obstacles. Il faut que le demandeur d'emploi puisse s'appuyer sur des réseaux qui simplifient ses démarches.

À une époque où la valeur travail est souvent galvaudée, où il n'est plus rare de changer de métier au cours de son parcours professionnel, la recherche de solutions nouvelles passe par une modification des mentalités. À ce sujet, permettez-moi de donner un coup de projecteur sur deux points particuliers.

Le premier est le secteur des emplois de services, particulièrement de services à la personne dans lequel la France accuse un retard évident. Comme on peut le lire dans le rapport Camdessus, « les emplois de services sont de vrais emplois correspondant à d'authentiques métiers ». Les gisements d'emplois disponibles sont réels, en particulier dans l'hôtellerie, la restauration ou le commerce, et les mesures budgétaires prévues les concernant sont tout à fait judicieuses.

Parallèlement, dans le cadre du maintien à domicile des personnes âgées, donner de la vie aux années de nos seniors peut avoir un impact positif sur l'emploi et la croissance économique. Pour ces emplois, considérés parfois comme peu valorisants, la qualité de la formation sera essentielle. Il faut donc encourager la vocation des assistants de vie en les préparant à leur tâche, difficile parfois, mais ô combien valorisante. Ces emplois de services contribueront à plus de solidarité et plus de fraternité tout en permettant de diminuer le chômage, principalement celui des femmes.

À côté de ces emplois de services, n'oublions pas les 350 000 emplois immédiatement disponibles dans le bâtiment et les travaux publics. Des mesures incitatives, notamment en direction des jeunes et aussi des femmes, devraient permettre de résoudre la crise de recrutement dans ce secteur dont l'importance n'échappe à personne.

J'en viens aux initiatives prises en faveur de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Le principe est celui d'une même rémunération à travail égal, et d'une même progression de carrière. Une politique volontariste menée dans ce domaine a abouti à un accord national interprofessionnel. La création du label « égalité » par Mme Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, sensibilisera les acteurs socio-économiques au niveau tant de l'embauche, de la rémunération, du management et de la création d'entreprise, que de la prise en compte de la parentalité. Le statut des femmes dans l'entreprise ou dans l'administration s'en trouvera changé de manière tout à fait naturelle.

Subir les mutations dans le domaine de l'emploi n'est pas acceptable ; il faut agir. C'est ce que fait le Gouvernement en mettant l'accent sur les mesures en faveur des jeunes qui sont les acteurs économiques de demain. Mesdames et messieurs les ministres, à n'en pas douter, les assouplissements du contrat d'apprentissage, que nous avons examinés hier soir en commission des affaires sociales, ainsi qu'une collaboration plus étroite entre vos ministères et celui de l'éducation nationale sont de nature à favoriser une entrée réussie dans la vie professionnelle.

Le plan de cohésion sociale ne laissera personne au bord du chemin ; il stimulera la croissance et, par là même, garantira la qualité de vie à nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle je voterai ce budget avec cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à remercier les rapporteurs des deux commissions.

D'ores et déjà, je prends acte de votre rapport positif, madame des Esgaux, et de votre question concernant la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Nous étions l'un des derniers pays d'Europe à ne pas avoir d'outil pour mettre fin au scandale de la discrimination, qui est malheureusement une réalité dans notre pays. C'est un point sur lequel l'Europe nous a mis l'épée dans les reins. Néanmoins toute mesure de ce type à un coût budgétaire et je concède que l'enveloppe prévue pour la première année peut être examinée plus attentivement par la commission des finances et par la ministre compétente, Mme Nelly Olin. Ce n'est pas l'institution qui est en cause, mais le délai qu'il lui faudra pour voir le jour.

Monsieur Rolland, je salue votre expertise dans le domaine si douloureux des étrangers mineurs abandonnés dans les rues. Même si ce sujet crucial est désormais de la compétence des départements, il demeure néanmoins de la responsabilité de la nation. Mme Olin entrera dans les détails avec vous, comme cela a été fait pour d'autres opérations récentes, comme à Sangatte dans le Pas-de-Calais où se nouaient des situations dramatiques.

Monsieur Joyandet, je vous remercie également de votre rapport.

À propos de l'augmentation très significative des moyens des missions locales, vous m'avez interrogé sur les rapports entre les missions locales et les maisons de l'emploi. Au Sénat, le débat a tourné autour de la question de savoir s'il fallait mettre la mission locale dans le premier cercle du service public de l'emploi ou, au moins, faire en sorte que l'augmentation des crédits serve le plus possible à l'intégration des missions locales dans le dispositif de mise en réseau. Nous répondrons favorablement à votre suggestion, sous une forme ou sous une autre. En effet, les moyens complémentaires de recrutement sont indispensables pour le programme de Laurent Hénart en faveur des jeunes qui sont très loin de l'emploi ou en formation initiale par alternance. Toutefois il ne faudrait pas figer des situations acquises et consolider des fiefs. Il convient, au contraire d'aller vers une intégration des compétences des acteurs de la politique de l'emploi.

En ce qui concerne les contrats aidés du secteur non marchand, tout le monde considérait - je vous renvoie au rapport Seillier - qu'il fallait des contrats d'une durée mieux adaptée que les CES budgétés pour six mois, car cela ne permettait pas aux personnes concernées de se reconstruire, ni de bénéficier d'un plan de formation. Mais il fallait aussi tenir compte des réalités du terrain. Nous avons donc allongé la durée des contrats, laquelle devra être discutée entre les autorités locales et le préfet, et prévu une ligne unique pour ce type de contrat. On demande de la souplesse tout en recherchant une lisibilité a priori.

Nous sommes en train de consulter les préfets en proposant des durées et des taux par bassin, et nous nous orientons vers un contrat standard, certainement plus long que ce qui existait, couplé à une formation, mais avec une dérogation à la demande de la collectivité locale pour pouvoir s'adapter à des populations ou à des bassins particuliers.

M. Pierre Cardo. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Cela étant, souplesse et simplicité restent les maîtres mots.

Monsieur Gorce, vous avez évoqué deux points qui ne concernent pas directement le projet de budget : le pouvoir d'achat et la consommation d'une part ; la durée de vie d'un portefeuille ministériel, d'autre part. Vous m'autoriserez à ne pas répondre à votre seconde question : être ministre, c'est être au service de ses concitoyens pour le temps où l'on occupe son poste. Quant à votre première question, pensez-vous qu'il soit raisonnable de parler de pouvoir d'achat des salariés alors que, de fait - je ne cherche pas à rouvrir le débat politique de fond sur les 35 heures -, vous avez imposé aux Français, avec cette réforme, et pour de longues années, une modération salariale sans précédent ?

M. Gaëtan Gorce. Les 35 heures n'ont pas empêché la croissance !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Gorce, alors que j'ai été présent du début à la fin de votre intervention. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors que vous avez soutenu un gouvernement qui s'est rendu responsable du plus gros tassement des bas salaires qui se soit jamais produit, vous ne pouvez pas parler de pouvoir d'achat et de la consommation au ministre d'un gouvernement qui a procédé, par l'augmentation du SMIC et grâce aux contreparties de cotisations sociales qu'elle a entraînées, à la plus grande augmentation du pouvoir d'achat qui ait eu lieu depuis vingt-cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. C'est de l'affichage !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Non, monsieur Gorce, ce n'est pas de l'affichage ! Hors inflation, l'augmentation est de 11,7 %. On voit que vous ne connaissez pas la réalité de la feuille de paye d'un smicard, sinon vous ne mépriseriez pas si légèrement l'effort du Gouvernement sur le SMIC ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Lignières-Cassou. Pas de ça avec nous, monsieur le ministre !

M. Gaëtan Gorce. Seule la moitié des smicards bénéficie de cette augmentation ! La comparaison peut être soutenue avec la période 1997-2002 !

M. le président. Du calme, mes chers collègues !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je vous répondrai plus globalement, monsieur Gorce : en vingt ans, et alors que vous avez été au pouvoir les trois-quarts du temps, le pays est passé de un million de sans-emplois...

M. Maxime Gremetz. Il s'agit de chômeurs !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ... à près de quatre millions.

M. Jacques Remiller. Voilà !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Et vous avez réussi l'exploit de créer la plus grande crise du logement social depuis l'appel de l'abbé Pierre ! Cela exigerait de votre part un tout petit peu d'humilité. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. Vous ne résistez pas à la tentation de polémiquer, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Essayons de regarder la réalité en face : je ne prétends pas que le Gouvernement actuel fera des miracles, mais je vous appelle à plus de modération. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. Et inversement !

M. Nicolas Perruchot. Ce sont là des faits, monsieur Gorce !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Vercamer, selon vous, ce budget serait plus un budget de solidarité qu'un budget pour l'emploi. Je tiens à vous remercier d'avoir reconnu l'effort de solidarité.

En ce qui concerne l'emploi, les instruments sont répartis entre différents textes de loi, notamment ceux ayant trait aux exonérations fiscales et ceux relatifs à la formation des jeunes et à l'apprentissage. Des moyens considérables y sont consacrés, qui sont trois fois plus importants que ceux mis en place à l'époque par M. Giraud et qui avaient déjà permis d'augmenter de 150 000 le nombre des apprentis en France. Il s'agit de mesures d'accompagnement de la loi de finances stabilisée.

Les maisons de l'emploi ont également pour vocation de rapprocher les demandeurs d'emploi des entreprises publiques et privées et les contrats d'avenir couvrent aussi bien la formation que le travail en équipe.

Enfin, par-delà ce plan, un effort très important est proposé en direction des métiers de service à la personne, ce que M. Reiss a fort bien souligné.

Monsieur Gremetz, c'est toujours un bonheur de vous écouter.

M. Frédéric Reiss et M. Mansour Kamardine. C'est vrai !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je le dis sans l'ombre d'une ironie !

Vous avez évoqué le coût des compensations des charges des entreprises. Dois-je vous rappeler que c'est le gouvernement que vous avez soutenu et auquel vous avez pleinement participé, qui a créé, sous l'autorité de Mme Aubry, la grande machine à compenser les charges ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Vous ne deviez pas être député à l'époque, car vous sauriez que cette critique ne peut s'appliquer à moi. Demandez-le donc à M. le président : j'ai voté contre !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je réponds à votre intervention, monsieur Gremetz. Vous êtes en apesanteur, à moins que vous n'ayez placé des écoutes téléphoniques sur les conversations extrêmement aimables entre M. Sellière et M. Jospin. (Sourires.) La machine à compenser les charges est bien une machine Aubry ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez également prétendu que ma politique allait entraîner de nouvelles dérogations par rapport aux CES. J'ai du mal à vous comprendre et je crains que, entraîné par votre propre talent oratoire, vous n'ayez pas été attentif aux propos que vous teniez vous-même. J'ai en effet un peu de mal à vous suivre lorsque vous prétendez que le CES a été le parangon du bon contrat de travail, plein d'avenir et sûr pour ceux qui le signaient.

M. Jacques Remiller. Il n'y a qu'à demander aux jeunes !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Nous proposons à sa place, par dérogation positive, des contrats de plus longue durée, mieux rémunérés et bénéficiant d'un meilleur taux d'intervention. De telles dérogations, si vous lisez le texte de la loi de cohésion sociale et le projet de loi de finances, ne peuvent que vous faire plaisir et vous rassurer.

M. Jacques Remiller. M. Gremetz va voter le projet de budget !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. En ce qui concerne les contrats d'avenir,...

M. Maxime Gremetz. Limité !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...vous conviendrez avec moi - j'en suis convaincu, monsieur Gremetz - qu'avec un taux de sortie du RMI de 5, 11 %, il est plutôt judicieux de proposer un contrat offrant des revenus plus élevés, une formation, un accompagnement et un travail en équipe, et que c'est aller dans la bonne direction pour préparer l'avenir. Il convient avant tout de ne pas abandonner les gens à la situation qui est la leur. De ce point de vue-là également, vous ne pouvez que nous suivre.

Monsieur Cardo, les contrats d'utilité sociale doivent, effectivement, être réservés à ceux qui en ont réellement besoin et non à des titulaires de diplômes à bacs plus cinq ou plus six.

Vous m'avez interrogé, monsieur Liebgott, sur le respect des engagements financiers. Dois-je vous rappeler que M. Le Bouillonnec m'a posé la même question il y a dix-huit mois, à propos du grand plan de rénovation urbaine des quartiers français ? J'avais alors répondu que les engagements seraient respectés parce qu'ils figuraient dans la loi de programmation, non pas globalement mais par année, par nature d'action et par programme. Personne ne conteste aujourd'hui que le plan de rénovation urbaine fonctionne à la satisfaction de tous.

Nous utilisons aujourd'hui la même méthode pour le plan de cohésion sociale : une loi de programmation non pas globale, mais par année, par nature d'actions et par programme. De plus, nous sommes dans une démocratie : si jamais le moindre dérapage se faisait sentir, vous en seriez le premier averti. Je peux vous garantir que nous maintiendrons notre position, comme nous l'avons fait dès la première année dans le projet de loi de finances.

L'avenir, par définition, est un peu plus incertain que le passé, encore que l'explication du passé puisse subir des variations en fonction des lunettes que l'on chausse.

S'agissant des adultes relais, monsieur Liebgott, je me permets de vous demander une note précise sur le cas d'arrêt de financement que vous m'avez signalé.

M. Michel Liebgott. Aucun problème, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Il ne s'est produit en effet, à ma connaissance, aucun arrêt de financement des adultes relais. C'est un sujet que je connais par cœur, puisque j'ai été deux années durant ministre de la ville. Il s'agit de contrats à durée déterminée, qui sont aujourd'hui exactement au nombre de 13 781. J'aimerais savoir où, en France, un contrat d'adulte relais a pu être rompu, pour des raisons budgétaires du moins. Le pire n'étant jamais à exclure, j'attends de connaître un éventuel dysfonctionnement, mais il ne pourrait s'agir, en tout état de cause, que d'un cas d'espèce ne reflétant pas la politique suivie par le Gouvernement.

M. Pierre Cardo. C'est à l'origine qu'il y a eu un dysfonctionnement car, quand ces contrats ont été créés, ils n'ont pas été budgétés !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. C'est possible, mais je puis vous garantir que le système fonctionne bien depuis deux ans et demi.

Vous faisant le relais des inquiétudes de certaines associations d'insertion, vous avez posé une question précise relative aux chantiers d'insertion. Mme Olin vous répondra plus précisément, mais vous pouvez être d'ores et déjà rassuré non seulement pour les contrats aidés, qui bénéficieront bien des dérogations positives que j'ai déjà évoquées, mais également pour les chantiers d'insertion qui seront, au titre des contrats, aidés à hauteur de 95 %.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. C'est un engagement formel que Nelly Olin et moi-même prenons devant la représentation nationale.

Par ailleurs, des moyens complémentaires considérables, de l'ordre de 28 millions d'euros, sont prévus par le projet de loi de finances pour accompagner les chantiers d'insertion. Ce champ d'activité, essentiel pour notre pays, sort renforcé du plan de cohésion sociale comme du projet de loi de finances.

Monsieur Perruchot, vous avez exprimé la position du groupe UDF sur la mécanique des 35 heures, qui oblige à des compensations. À défaut, on assisterait à une véritable destruction de l'emploi industriel dans notre pays. Ce système fait supporter à la collectivité nationale des charges budgétaires de 17 milliards aujourd'hui et de 23 milliards d'euros pour les trois ans qui viennent.

M. Gabriel Biancheri. Scandaleux !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. C'est la réalité, que je suis bien obligé de rappeler, sans chercher à rouvrir le débat de fond.

Monsieur Sermier, vous avez soulevé le problème crucial des CFA et des lycées techniques professionnels. Il n'est ni possible ni acceptable que l'effort considérable qui sera fourni en termes de financement pour l'apprentissage ne profite pas également aux lycées techniques et professionnels. Laurent Hénart travaille sur la question. Il s'agira non pas d'opposer mais de coordonner les fonctions propres à chacun.

M. Folliot a traité de ce sujet majeur qu'est le handicap. Il connaît la position de Mme Montchamp et celle de Mme Olin en la matière : autant de droit commun que possible et autant de spécificités que nécessaire. Je prends ici l'engagement que les maisons de l'emploi travailleront de manière prioritaire en réseaux avec les maisons du handicap là où il en existera.

Monsieur Kamardine, le fait que Mayotte fasse partie de la collectivité nationale n'interdit pas de prendre en compte ses spécificités que vous avez énumérées. Je vous propose, comme nous le faisons pour La Réunion, d'élaborer sur le plan technique un contrat de cohésion sociale territoriale pour Mayotte. Nous allons à La Réunion à la mi-décembre.

M. Mansour Kamardine. Je vous invite à Mayotte.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je m'y rendrai volontiers, que ce soit à l'aller ou au retour. Nous pourrons ainsi préparer l'adaptation, du fait de la ligne budgétaire unique, du plan de cohésion sociale territoriale pour Mayotte. Je reste à votre disposition.

Monsieur Reiss, vous avez raison, ce budget est un budget de réconciliation de l'économique et du social et de décloisonnement des différentes administrations et des différents partenariats. Le budget a bien en ligne de mire le développement du service à la personne et, plus généralement, du service au particulier. Comme le projet de budget et le plan de cohésion sociale le montrent, il est en effet temps de réconcilier dans ce pays l'économique et le social.

Pour conclure...

M. Maxime Gremetz. Vous n'avez pas répondu à deux questions précises que je vous ai posées, monsieur le ministre. J'ai cité le journal Les Échos. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, il n'est plus temps. Laissez conclure M. le ministre.

M. Pierre Cardo. Vous poserez vos questions à la buvette !

M. Maxime Gremetz. Je ne désire pas entamer de polémique, mais simplement obtenir des réponses précises à des questions précises !

M. le président. Monsieur Gremetz, personne ne vous entend. Seul M. le ministre a la parole.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je vous les apporterai ultérieurement, monsieur Gremetz.

Le sentiment général du pôle social-emploi-égalité des chances-logement que recouvre mon ministère est le suivant : depuis vingt ans, nous n'avons eu de cesse de critiquer les entreprises françaises - c'est une mode politique et journalistique -...

M. Nicolas Perruchot. C'est vrai.

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...et le développement économique, sans avoir mis parallèlement en place les éléments sociaux nécessaires à la reconstruction de ceux qui, à un moment donné, se sont retrouvés loin de la République, loin de l'emploi et loin d'un logement convenable. Nous n'avons pas su leur tendre la main.

Il existe une espèce de schizophrénie française qui consiste, pour justifier un discours uniquement compassionnel, à critiquer en permanence les forces actives du pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les moyens que nous allons déployer sont considérables : aux 13 milliards d'euros budgétaires consacrés au plan de cohésion sociale, il faut ajouter les avantages fiscaux, qui doublent presque cette somme, la portant à 25 milliards d'euros. Ajoutez encore le budget consacré à la rénovation urbaine, et le montant passe à 60 milliards d'euros en cinq ans. C'est le plus grand plan de reconstruction des villes et des individus que l'on ait jamais produit. Dans le même temps, nous disons aux entrepreneurs étrangers et français, du moins à ceux qui font leur boulot correctement, qu'ils sont les bienvenus sur nos territoires et nous les incitons à se développer dans tout le pays.

Depuis vingt ans les attitudes compassionnelles d'un côté et systématiquement critiques de l'autre ont été extrêmement destructrices.

M. Gabriel Biancheri. C'est exact !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Aujourd'hui, nous consacrons beaucoup de moyens à l'emploi des jeunes et à l'apprentissage. Nous développons des moyens humains pour que les demandeurs d'emplois disposent tout à la fois de l'information, de la prévision et de la formation, et pour les mettre en relation avec les entreprises. De plus, un prochain texte permettra de venir en aide aux villes qui n'en peuvent plus car elles n'ont plus la capacité de soutenir les populations en situation de grande fragilité. Enfin, nous allons débloquer des moyens exceptionnels pour que l'on s'occupe des tout-petits qui commencent dès la maternelle à avoir des comportements complexes, du fait de problème sociaux qui, depuis de nombreuses années, ne sont pas assez bien traités.

Il ne s'agit pas de se renvoyer des arguments les uns aux autres : l'important est que ce projet de loi de finances, tout comme le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, nous permette de respecter les engagements que nous avons pris. Nous ménageons les finances publiques et, dans le même temps, nous disposons de tous les moyens nécessaires : pas un euro ne manque, car pas un euro ne nous a été mégoté. À cet égard, je remercie la commission des finances, qui a considéré qu'il s'agissait d'un véritable investissement pour le pays.

La réconciliation de l'économique et du social, pour reprendre votre expression, monsieur Reiss, est un objectif indispensable pour sortir d'une sorte de dépression nerveuse française, négativiste et qui nous interdit de voir l'avenir de façon sereine. Ce budget prépare l'avenir des ressources humaines de notre pays, à un moment où nous devons faire face à un choc démographique sans précédent. Faisons confiance à nos compatriotes et donnons des moyens aux collectivités, aux réseaux qui œuvrent pour le retour à l'emploi, aux entreprises.

Quant aux bénéficiaires des emplois jeunes, monsieur Gremetz, que n'avez-vous organisé leur formation et leur mutation pour leur offrir ce formidable redémarrage dans la vie qu'ils méritaient ? Je suis au regret de constater que cela n'a pas été fait. Si, au titre des différents programmes que nous lançons, nous pouvons aider ces jeunes à obtenir une attestation de compétence complémentaire ou une nouvelle formation, nous le ferons. Notre plan ne les oublie pas, même si nous ne développons plus le caractère contractuel de ces emplois.

Cela étant il n'y aura évidemment pas de remplacement automatique sur un poste,...

M. Maxime Gremetz. Nous y voilà !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...car nous estimons que les nouveaux contrats d'avenir, qui prévoient, eux, une formation, seront bien plus favorables aux jeunes. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mesdames et messieurs les parlementaires, je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Emploi, travail, cohésion sociale et égalité professionnelle ; articles 74 et 76 (suite) :

Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :

Avis, n° 1864 tome 2, de M. Jean-Marie Rolland, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Solidarité :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 4, de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Travail :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 7, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis, n° 1864 tome 4, de M. Maurice Giro, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot