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Deuxième séance du mercredi 8 décembre 2004

94e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

PROJET DE LOI RELATIF
AUX PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

La mobilisation des associations représentatives des personnes en situation de handicap a été et demeure exceptionnelle. Une manifestation a d'ailleurs lieu depuis ce matin à quelques dizaines de mètres de l'hémicycle, et je veux saluer la présence dans les tribunes de nombreuses personnes en situation de handicap venues de toutes les régions de notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Trente ans après la loi de 1975, il est urgent de faire entrer de plein droit les cinq à six millions de personnes en situation de handicap dans tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle. Mais cet objectif ambitieux reste plombé par un manque de moyens budgétaires et par une conception étriquée, car individuelle, du handicap.

Le chemin à parcourir est bien long, surtout lorsque le Sénat revient sur les acquis obtenus en première lecture pour l'accessibilité, les ressources ou le droit à l'éducation.

M. Michel Delebarre. C'est scandaleux !

M. Daniel Paul. Vous voulez restreindre le droit à la scolarisation en milieu ordinaire « lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent de manière avérée la communauté des élèves ». Accepter une telle rédaction, cela revient à dire que les élèves handicapés ne doivent pas être scolarisés dans les mêmes établissements que les autres élèves.

Au regard de ces régressions et de ces insuffisances, nous poursuivrons notre combat en deuxième lecture, plus que jamais convaincus qu'il appartient à la société de permettre à ces personnes de surmonter toutes leurs difficultés.

Madame la secrétaire d'État, vous avez dit au Sénat avoir à cœur de présenter une réforme des ressources lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi devant l'Assemblée nationale. Je vous demande donc de confirmer que votre gouvernement aura la volonté d'accorder aux personnes en situation de handicap un revenu d'existence, et non plus de subsistance, au moins égal au SMIC. Plus globalement, aurez-vous le courage de corriger tous les aspects négatifs ou insuffisants qui provoquent la colère des personnes en situation de handicap et de leurs représentants, et de répondre enfin au grand espoir qu'ils gardent encore en eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le député, les associations attirent notre attention sur l'importance du volet accessibilité du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il est vrai qu'il est difficile d'imaginer la citoyenneté et la participation des personnes handicapées sans ce volet plein et entier de l'accessibilité.

La loi doit donc poser les termes de l'accessibilité de manière précise. Elle doit aussi prévoir des délais qui permettront de mesurer l'efficacité du dispositif. Le Gouvernement a la volonté de réintroduire un délai de dix ans dans le texte que nous examinerons en deuxième lecture dans une quinzaine de jours.

Mais l'accessibilité n'est pas simplement physique. C'est un véritable défi qu'il nous faut relever collectivement. L'accessibilité, c'est l'accès à l'école. En la matière, la loi prévoit l'inscription de l'enfant handicapé à l'école la plus proche de chez lui : c'est un progrès considérable qu'il va falloir mettre en œuvre. L'accessibilité, c'est aussi l'accès à l'information, à la culture, aux loisirs.

M. Maxime Gremetz. Et à l'emploi !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. S'agissant des ressources, un Gouvernement qui s'engage sur l'égalité des droits et des chances ne peut pas renvoyer les personnes handicapées sans emploi aux minima sociaux et aux revenus de l'exclusion. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'étudier ensemble, dans le cadre de la deuxième lecture, les moyens d'assurer la compensation en termes de ressources afin d'améliorer la situation des personnes handicapées qui, privées de travail du fait de leur handicap, se retrouvent avec des revenus souvent très insuffisants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Bertrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Michel Bertrand. Monsieur le ministre de l'équipement et des transports, les chiffres du mois de novembre relatifs à la sécurité routière, que vous avez publiés ce matin, sont positifs et encourageants. Nous nous en réjouissons. Nous félicitons à la fois nos concitoyens pour leurs efforts et le Gouvernement pour l'efficacité de la politique de lutte contre la violence routière qu'il a engagée depuis deux ans.

Par ailleurs, et comme s'y était engagé le Premier ministre en mai dernier, un décret visant à moduler le montant des amendes en fonction de la gravité des infractions pour excès de vitesse a été publié hier au Journal officiel.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Jean-Michel Bertrand. On ne peut que saluer cette mesure qui laisse place à plus d'équité et de justice. Le seuil d'acceptabilité de la sanction avait été atteint et les automobilistes ne comprenaient plus qu'on puisse sanctionner de la même façon un dépassement de la vitesse autorisée de cinq kilomètres-heure ou de cinquante kilomètres-heure.

Toutefois, il ne faudrait pas qu'un tel assouplissement puisse être interprété comme un contre-signal ayant pour conséquence la baisse de la mobilisation et de la vigilance des automobilistes à l'égard de cette grande cause nationale qu'est la sécurité routière. Cela doit être plutôt perçu comme un encouragement.

Dans cet esprit, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale si vous envisagez à court terme d'autres mesures d'assouplissement et de graduation des dispositifs de contrôle afin de valoriser les automobilistes responsables et respectueux ? Je pense notamment au positionnement de certains radars. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, les résultats de novembre 2004 - moins 9,8 % pour le nombre de tués - sont d'autant plus encourageants qu'ils se rapportent à ceux d'un mois de novembre 2003 déjà en forte baisse par rapport à novembre 2002.

Lorsqu'on fait le bilan des actions engagées dans ce vaste chantier de la sécurité routière, on s'aperçoit que, chaque jour qui passe, neuf vies sont épargnées. C'est dire combien il importe d'encourager les Françaises et les Français qui conduisent à continuer à respecter les règles, à respecter les autres. Ces chiffres constituent également un encouragement pour la politique suivie par le Gouvernement.

Dans cet esprit, le Premier ministre a annoncé qu'il cherchait à mettre davantage d'équité dans le dispositif. C'est pourquoi nous venons de signer un décret visant à diminuer les sanctions pour les petites infractions - dépassements de la vitesse autorisée inférieurs à vingt kilomètres-heure hors agglomération -, et à les augmenter pour les plus grosses infractions : dépassements de la vitesse autorisée supérieurs à cinquante kilomètres-heure. Ces dernières infractions pourront entraîner six points de retrait de permis de conduire, ne souffriront aucun arrangement en cas de retrait du permis de conduire et pourront même donner lieu, si le tribunal le juge nécessaire, à une confiscation du véhicule.

Vous le voyez, monsieur Bertrand, avec ces mesures mieux modulées, nous cherchons à renforcer le sentiment de justice pour que la politique de sécurité routière, mieux comprise et mieux admise, soit mieux respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE DE L'EMPLOI

M. le président. La parole est à Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Monsieur le Premier ministre, on ne comprend plus grand-chose à la stratégie de votre gouvernement en matière d'emploi.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !

M. Éric Besson. Dans chaque domaine, on cherche où est la cohérence, où sont les orientations. Prenons l'exemple des emplois aidés et notamment des emplois-jeunes. Vous les avez systématiquement démantelés depuis deux ans et, aujourd'hui, vous tentez de faire croire que vous pourriez reconstruire, en deuxième mi-temps, une partie, une partie seulement de ce que vous avez détruit en première mi-temps.

S'agissant des 35 heures, le Président de la République a dit qu'elles étaient un acquis social et de nombreux experts, y compris de la majorité, nous ont expliqué qu'elles avaient permis de créer environ 350 000 emplois.

Plusieurs députés du groupe UMP. C'est faux !

M. Éric Besson. Dans le même temps, vous les avez chargées de tous les maux et vous les videz progressivement de leur substance sans jamais oser l'assumer.

Je pourrais continuer à évoquer cette longue liste de chantiers ouverts sur lesquels votre gouvernement communique abondamment sans que jamais les actes concrets ne suivent. Pour la réforme de la taxe professionnelle, qui peut dire, monsieur le Premier ministre, où nous en sommes ? S'agissant du plan Borloo, voté hier, un seul député UMP est-il capable de répondre à cette question basique : que va-t-il apporter concrètement à un chômeur à partir du 1er janvier prochain ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Quelle crédibilité peut-on accorder à un gouvernement qui annonce, de façon improvisée, un contrat de travail intermédiaire non financé et n'ayant fait l'objet d'aucune concertation, le jour même où la majorité accroît la flexibilité du travail ?

Les résultats de cette politique brouillonne sont malheureusement explicites : 200 000 chômeurs de plus depuis votre entrée en fonction et un record pour le chômage des jeunes.

Depuis deux ans et demi, monsieur le Premier ministre, vous annoncez tous les trois mois que ça ira mieux dans six mois. Les acteurs économiques ne comprennent plus grand-chose à votre stratégie, ce qui nuit à l'investissement ; les ménages craignent pour leur avenir, ce qui pèse sur la consommation. Face à ce lourd échec, ma question est simple : avez-vous une politique de l'emploi ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Et si vous répondez par l'affirmative, pouvez-vous nous l'expliquer simplement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, s'agissant de notre politique de l'emploi, la meilleure réponse a été donnée hier, avec le vote du plan de cohésion sociale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce plan, c'est la modernisation du service de l'emploi, c'est la création des contrats d'avenir, qui vont donner une vraie formation à ceux qui sont au RMI ou à l'ASS (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste), c'est le droit au reclassement, qui met fin à une inégalité fondamentale entre nos compatriotes, qu'ils travaillent dans des entreprises de plus ou de moins de 1 000 salariés.

S'agissant des 35 heures, quel est le constat ? C'est une décision économiquement et socialement contre-productive. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Économiquement parce que, à l'inverse de tous nos concurrents, nous avons réduit le nombre des jours travaillés, mettant ainsi en cause notre compétitivité.

M. Augustin Bonrepaux. Vous cassez tout !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Socialement aussi et, sur ce plan-là, nous n'en avons pas encore mesuré tous les ravages. Ainsi, dans les établissements médico-sociaux, la situation est d'ores et déjà très difficile.

Enfin, notre méthode...

M. Augustin Bonrepaux. Vous n'en avez pas !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...est fondée sur le dialogue social. Nous voulons, par le dialogue social, permettre à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus, et aux entreprises de répondre aux défis de la compétitivité. Ces réponses, le Premier ministre les apportera après le temps de la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et à la suite des mesures d'assouplissement de 2003. Car il avait rencontré, lui, les partenaires sociaux ; il n'avait pas imposé ces mesures du jour au lendemain par décision autoritaire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

aide aux collectivités locales pour le financement des travaux d'accessibilité

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Stéphane Demilly. Madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, le Président de la République a fait, fort justement, de l'amélioration de la situation des personnes handicapées une grande cause nationale et un objectif prioritaire de l'action du Gouvernement.

En ce moment même, aux portes de l'Assemblée, les associations de handicapés expriment leurs attentes, fortes et légitimes, par rapport au projet de loi que nous nous apprêtons à examiner en deuxième lecture.

L'accessibilité aux bâtiments, et notamment aux bâtiments publics, est l'une des revendications majeures des handicapés. En ma qualité de maire, soucieux de donner l'exemple, j'envisage d'installer un ascenseur qui permettra de desservir les étages de l'hôtel de ville. C'est un édifice des années trente, que nous partageons d'ailleurs avec un service de l'État, le tribunal d'instance.

Devant le coût important de ce projet, je me suis renseigné sur les financements publics prévus pour ce type d'opération et je me suis naturellement tourné vers vos services, persuadé que votre ministère avait réservé des moyens financiers pour aider les collectivités à rendre leurs bâtiments accessibles aux handicapés. Quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre de vos collaborateurs qu'aucun moyen spécifique n'était prévu pour l'instant ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. L'ascenseur social n'existe pas !

M. Stéphane Demilly. Pour la dotation globale d'équipement, m'a-t-on gentiment conseillé, voyez la préfecture ! Mais chacun sait que l'enveloppe 2005 de cette dotation est consommée à l'avance par les dossiers de 2004, voire de 2003, qui attendent un financement.

Je me fonde sur mon expérience simple et concrète d'élu local, madame la secrétaire d'État, mais cet exemple, vous le savez, est loin d'être unique.

La question que je souhaite vous poser au nom du groupe UDF est simple et concrète : au-delà des grands objectifs fixés par le projet de loi, quels moyens financiers le Gouvernement entend-il débloquer pour aider les collectivités à rendre enfin les bâtiments publics accessibles aux personnes handicapées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre. Bonne question !

M. le président. Monsieur Delebarre, ce n'est pas parce que la question était bonne que vous deviez changer de place ! On va croire que vous passez à droite ! (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le député, vous attirez l'attention du Gouvernement sur le coût pour les collectivités locales des nouvelles obligations en matière d'accessibilité. Je rappelle que tous les établissements recevant du public devront être aménagés pour que les personnes handicapées puissent y accéder. L'ensemble des propriétaires de ces bâtiments seront concernés par cette mise en accessibilité, dont les collectivités locales.

M. Bernard Roman. Quels sont leurs moyens ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Cette obligation nous permettra de rétablir l'égalité des citoyens devant le service public.

Votre question m'amène à vous apporter deux précisions. D'abord, l'objectif d'accessibilité est inscrit dans la loi. Je suis bien entendu sensible à la situation des maires que l'architecture des bâtiments contraint à effectuer des travaux complexes. Si nous voulons appliquer le principe d'accessibilité, nous devrons assurer un service de proximité, en faisant preuve d'imagination et d'innovation, sans pour autant déséquilibrer les finances locales. Cela relève du bon sens.

Vous comprenez également, monsieur le député, qu'il est important d'accorder des délais aux collectivités. Non seulement les délais sont nécessaires, mais ils doivent être suffisants pour ménager leur équilibre financier.

M. Jean-Pierre Soisson. Pourquoi le Sénat a-t-il déconné ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Quant aux propriétaires privés qui seront eux aussi contraints à la mise en accessibilité, comme les petits commerçants ou les différents services de centre ville, une dotation supplémentaire du FISAC, obtenue grâce à l'intervention de Christian Jacob, permettra de les aider à financer les travaux.

Enfin, je vais rechercher les conditions dans lesquelles la dotation générale d'équipement pourra aider efficacement les collectivités locales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FORMATION DES IMAMS

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Ferrand, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Ferrand. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, notre population compte environ cinq millions de musulmans, dont moins de 10 % sont pratiquants. D'après un recensement effectué le 1er octobre dernier, notre pays compterait 1 685 lieux de culte. Une cinquantaine seraient liés à une mouvance radicale.

Quelque 1 200 imams officient sur notre territoire, mais 75 % d'entre eux ne sont pas français et plus d'un tiers ne parlent pas notre langue. Cette situation est inacceptable et ne doit pas perdurer.

Certes, l'État ne doit pas interférer dans les convictions religieuses des personnes vivant sur notre territoire, mais, comme vous l'avez déclaré récemment, nous devons disposer en France d'imams français, parlant français, dans l'intérêt de l'ensemble des musulmans, de l'islam de France, mais aussi de notre République.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour changer cette situation ? Quel type de formation envisagez-vous pour les futurs imams ? Par qui seront dispensées ces formations ? Enfin, allez-vous les proposer aux imams qui exercent déjà ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez raison, il faut partir d'un constat simple : 1 200 imams exercent en France, dont plus d'un tiers ne parlent pas le français. Ceci est inacceptable dans notre République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est pourquoi j'ai décidé d'ouvrir deux chantiers.

Le premier est celui de la formation initiale de ces imams, qui comporte une formation purement théologique et une formation plus profane.

La formation théologique relève de la responsabilité des musulmans eux-mêmes, des fédérations et du Conseil français du culte musulman.

La formation profane, indispensable, doit comprendre l'étude du droit, de la sociologie, de nos institutions, et surtout l'apprentissage de la langue française. Elle relève de la responsabilité de l'État français, et nous l'assumerons. Dès la rentrée prochaine, François Fillon et moi-même entendons mettre en place un module universitaire qui proposera cette formation à tous ceux qui le souhaitent.

Mais il faut aller plus loin. Aux imams qui vivent en France mais ne maîtrisent pas suffisamment les connaissances essentielles, nous proposerons une formation continue. J'ai demandé aux préfets de prévoir des stages d'apprentissage, portant à la fois sur nos institutions et sur l'étude de la langue française. Ces stages seront mis en place dès le premier trimestre 2005, en priorité dans les régions qui en ont le plus besoin : l'Île-de-France, le Nord, PACA et Rhône-Alpes.

Ma réponse est claire : des imams français, parlant français, tel est notre objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FILIÈRE VITICOLE

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe UMP.

M. Alain Suguenot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

Il y a quatre mois, je me suis rendu auprès de M. le Premier ministre, accompagné de quatre collègues parlementaires, que j'associe bien volontiers aujourd'hui à ma question. Nous lui avons remis le Livre blanc sur la situation du vin dans la société française.

M. Jean-Pierre Soisson. Écoutez-le ! Il a raison !

M. le président. Monsieur Soisson, quand on parle du vin, restez calme !

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est le chablis !

M. Alain Suguenot. Nous avons procédé à de nombreuses auditions : professionnels de la santé, associations, représentants des ministères, et bien entendu professionnels de la filière. Nous avons engagé une réflexion commune pour faire des propositions concrètes et modérées, afin d'arrêter, une fois pour toutes, d'opposer la santé publique et les 400 000 personnes qui portent à bout de bras un patrimoine et une culture que le monde entier nous envie.

Parmi ces propositions figure la mise en place d'un Conseil de la modération. Réunissant toutes les parties concernées, son rôle, comme son nom l'indique, sera d'assurer une communication intelligente et responsable. Ce conseil sera une véritable réponse aux milliers de viticulteurs qui descendent aujourd'hui dans la rue et qui ont le sentiment que la viticulture est sacrifiée, comme une brebis expiatoire, sur l'autel de la pensée unique de l'interdit.

M. Yves Fromion. Belle formule !

M. Alain Suguenot. Monsieur le ministre, telle Iphigénie sous le couteau de Calchas, la viticulture française nous tend les bras et attend une réponse de notre part. Allons-nous rester sourds à ses appels ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le député, les manifestations qui se déroulent aujourd'hui dans plusieurs régions témoignent en effet de la très vive inquiétude des viticulteurs. Le Gouvernement en a parfaitement conscience. Il connaît les difficultés de la filière viticole et il mesure son importance sur le plan économique, mais également sur le plan social compte tenu du nombre d'emplois qu'elle représente.

M. Jean-Pierre Soisson. Et il agit en conséquence !

M. le président. Monsieur Soisson !...

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Il mesure lui aussi l'écart entre la réalité économique et ce que signifient la vigne, le vin et les vignerons dans notre histoire et nos traditions locales.

Le Livre blanc qui a été présenté au Premier ministre, qui l'a favorablement accueilli, contient des propositions intéressantes en matière d'éducation, de formation, de communication et de modération.

Par ailleurs, les professionnels de la filière ont proposé à mon prédécesseur Hervé Gaymard une organisation nouvelle de l'offre, tant pour les produits relevant des AOC que pour les vins de pays et les vins de table. Les discussions se poursuivent dans les régions viticoles pour définir l'organisation la mieux adaptée à leurs besoins.

Monsieur le député, le temps de l'action est venu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Des paroles !

M. le président. Monsieur Roman !...

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. J'ai prévu de recevoir, le 14 décembre, l'ensemble des professionnels, et parmi eux tous ceux qui s'expriment aujourd'hui. Ensemble, nous élaborerons les modalités de cette action. Naturellement, j'associerai à ma démarche tous les parlementaires qui le souhaitent.

Quant au Conseil de la modération, que le Livre blanc présente comme un lieu de concertation et d'échange, je le mettrai en place dès le mois de janvier, en accord avec les professionnels de la filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SOLIDARITÉ ENVERS LES PLUS DÉMUNIS

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le groupe socialiste.

Mme Hélène Mignon. Monsieur le Premier ministre, vous nous promettiez en juin un grand juillet social et annonciez la troisième étape du quinquennat, celle du partage de la croissance. Le 16 novembre, en recevant le rapport annuel du Secours catholique, vous évoquiez un devoir de mobilisation collective pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Propos pour le moins étonnants au moment où vos décisions budgétaires creusent encore plus le fossé entre ceux d'en haut et ceux d'en bas.

Longtemps considéré comme le rempart universel contre la pauvreté, le travail joue de moins en moins ce rôle dans un environnement marqué par l'instabilité de l'emploi. Emplois précaires, CDD, intérim, temps partiels ou emplois aidés font en effet des travailleurs pauvres condamnés à vivre en dessous du seuil de pauvreté.

La loi de cohésion sociale, adoptée hier à l'Assemblée et que la presse unanime qualifie de loi sans crédits, est peu convaincante et n'améliorera en rien la situation de l'emploi, mis à part qu'elle fera baisser artificiellement le taux du chômage.

Les Restos du cœur viennent d'ouvrir leurs portes et ceux qui s'adressent à eux sont de plus en plus nombreux, comme c'est le cas pour tous les organismes qui offrent aux plus démunis des repas, des logements et des soins gratuits. Le SAMU social, lui aussi, est de plus en plus sollicité.

Il est inacceptable que ces associations soient obligées de mener de façon répétitive des campagnes de dons et que leurs bénévoles soient contraints d'aller récupérer des denrées alimentaires. Cette solidarité-là est de la responsabilité de l'État.

Monsieur le Premier ministre, la France est riche, mais elle n'a jamais eu autant de pauvres. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que ces familles puissent vivre dans la dignité, non pas grâce à la charité - fût-elle collective - mais à la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Madame la députée, permettez-moi tout d'abord de vous dire que, sur tout ce qui touche à la dignité des plus fragiles d'entre nous, nous avons un devoir d'humilité.

Selon vous, il n'y a rien dans le plan de cohésion sociale. Je rappelle, encore une fois, que le volet financier de ce plan, prévu sur cinq ans, s'élève à 13 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. La loi de programmation fixe, année par année, les actions à mener et prévoit, en face, les moyens correspondants. Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à faire une évaluation tous les six mois.

S'agissant des plus démunis, madame Mignon, nous ne pouvons recevoir de leçons que de ceux qui peuvent en donner : je ne crois pas que le parti socialiste soit le mieux placé pour cela ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vais vous donner quelques chiffres. Pour les associations - et je salue le travail courageux de tous les bénévoles -, 145 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été mobilisés en 2003 et 186 millions en 2004. Il y a une dotation complémentaire de 10 millions d'euros destinée à approvisionner les associations d'aide alimentaire en produits carnés. Il y a également 500 000 logements qui vont être construits, alors qu'en 1999, vous n'avez été capables d'en construire que 39 000 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Grotesque ! C'est du bluff !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je crois donc qu'un peu d'humilité et de décence de votre part s'imposerait ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS
ET À L'ACTIVITÉ BÉNÉVOLE

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe UMP.

M. Yannick Favennec. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, les associations occupent une place primordiale dans notre société, notamment en milieu rural, et je le constate quotidiennement dans mon département de la Mayenne. Elles permettent de développer le lien social car elles répondent aux besoins les plus élémentaires de nos concitoyens ; elles participent activement à l'animation de nos territoires ; elles jouent un rôle extrêmement important au sein de notre économie.

Les nombreux bénévoles, qui sont des femmes et des hommes formidables, au dévouement exemplaire, sans qui les associations ne pourraient exister, accomplissent un travail remarquable. Mais ils ont parfois le sentiment de ne pas être suffisamment reconnus, aidés et soutenus.

M. Augustin Bonrepaux. Ils ont raison !

M. Yannick Favennec. Ils doivent, entre autres difficultés, faire face à des complexités administratives qui les découragent et les démotivent.

En juillet dernier, monsieur le ministre, vous avez manifesté votre volonté de donner une reconnaissance officielle au secteur associatif et présenté les grands axes de votre politique pour une meilleure reconnaissance des associations et de l'activité bénévole. Vous avez, à cette occasion, annoncé un projet de loi relatif au volontariat associatif et fait un certain nombre de propositions. Je pense en particulier à la création d'un passeport du bénévole, permettant de recenser et d'acter les compétences acquises au sein de l'association, ainsi qu'aux mesures qui permettraient de concilier dans les meilleures conditions engagement associatif et carrière professionnelle.

Par ailleurs, pour réaliser leurs projets, les associations ont également besoin de moyens financiers, publics ou privés, et vous avez souhaité mettre en place, avec le réseau bancaire, un système de garantie et de caution mutuelle, comme il en existe dans d'autres secteurs économiques.

Six mois après,...

M. Augustin Bonrepaux. Toujours rien !

M. Yannick Favennec. ...monsieur le ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale de l'état d'avancement des différents chantiers qui ont été ouverts en faveur des associations et nous indiquer vos objectifs pour accompagner et soutenir l'engagement des bénévoles dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Favennec, vous avez raison : 2004 a été l'année de la reconnaissance institutionnelle du fait associatif et, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, l'intitulé « vie associative » apparaît enfin dans le nom d'un département ministériel.

Cela m'a permis, le 8 juillet dernier, de présenter vingt-deux actions concrètes aux représentants du monde associatif. Le Premier ministre lui-même a reçu, le 15 novembre, la Conférence permanente des coordinations associatives pour travailler avec elles sur le contrat « France 2005 » qu'il a souhaité proposé au pays.

Vous avez rappelé quelques-unes de ces vingt-deux actions concrètes ; je voudrais, pour ma part, insister sur deux ou trois d'entre elles.

C'est tout d'abord le dépôt d'un projet de loi sur le volontariat associatif, afin de permettre au volontaire, qui n'est ni un salarié ni un bénévole, de s'engager exclusivement pour porter un projet associatif au sein de l'association. Le monde associatif a très bien reçu cette proposition, qui permettra en particulier aux jeunes de s'engager dans le bénévolat au service des associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

J'ai également mis en place le Conseil de développement de la vie associative, doté de 8,3 millions d'euros, en particulier pour travailler à la formation des bénévoles. Ces derniers ont en effet besoin d'une formation pour porter les projets associatifs auxquels ils tiennent.

J'ai travaillé sur deux sujets importants concernant la protection des bénévoles : la responsabilité civile auprès du secteur des assurances ; la caution et la garantie mutuelle auprès du secteur bancaire. Je ferai des propositions dans ce domaine au premier trimestre 2005.

Loin des déclarations de principe et des incantations qui ont marqué le centenaire de la loi de 1901, nous sommes maintenant en mesure de travailler avec les associations, considérées non pas comme des clients ou des affidés, mais comme des partenaires indépendants, qui vont nous permettre de développer de vrais projets associatifs en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE DU LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Nicolas. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

Monsieur le ministre, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a été voté hier par l'Assemblée nationale et est aujourd'hui discuté en commission mixte paritaire. C'est un texte fondamental, puisqu'il oppose à la fracture sociale que nous connaissons dans notre pays des mesures concrètes et porteuses d'espoir.

Dans le domaine du logement notamment, qui peut être un redoutable discriminant social, les objectifs sont impressionnants et à la hauteur de l'enjeu puisqu'il s'agit de la production, sur cinq ans, de 500 000 logements collectifs dans le secteur social, de 200 000 logements à loyer maîtrisé dans le secteur privé et de la remise sur le marché de 100 000 logements vacants. Nous avons pu constater, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, que les moyens pour la concrétisation de ces objectifs étaient bien là.

M. Henri Emmanuelli. Non, justement, ils n'y sont pas !

M. Jean-Pierre Nicolas. La réalisation d'un programme de construction aussi ambitieux pose néanmoins le problème du foncier. Pour que les objectifs du plan de cohésion sociale soient atteints, il est nécessaire, il est même indispensable que des terrains puissent être facilement mobilisés. Or, actuellement, ce n'est pas le cas ; je le constate chaque jour à Evreux et dans la communauté d'agglomération.

Je me réjouis donc de l'adoption par le Parlement d'un amendement du Gouvernement permettant de vendre les terrains de l'État à un prix inférieur à leur valeur vénale. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quel sera l'impact de ce dispositif ?

Pourriez-vous nous indiquer également quelles mesures vous entendez prendre pour faire en sorte que le foncier soit mis à disposition dans des conditions permettant de concrétiser votre farouche volonté d'agir en faveur du logement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le député, la grave crise du logement que nous traversons est, chacun le sait ici, une crise de l'offre. Pour la résoudre, Jean-Louis Borloo a proposé de mobiliser tous les leviers tant sur l'offre locative publique et privée que sur l'accession à la propriété avec la grande réforme que nous faisons, grâce notamment au renforcement du prêt à taux zéro. Les moyens financiers sont au rendez-vous dans la loi de programmation financière que vous avez votée hier. Les partenaires sont au rendez-vous : nous avons signé avec le 1 % logement une convention de 210 millions d'euros par an et nous allons en signer une avec les représentants des bailleurs sociaux la semaine prochaine.

Reste à résoudre, et vous l'avez souligné à juste titre, le problème du foncier et de la mise à disposition des terrains. Sur ce sujet, l'État doit être exemplaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a présenté un amendement qui permet de vendre les terrains privés de l'État, d'aliéner le domaine de l'État, avec une décote que nous allons probablement fixer à 25 % environ en dessous du prix des domaines. Cela constituera de fait une subvention d'équilibre de l'État pour que nous puissions mobiliser les terrains et construire du logement, notamment social. Ce ne sont pas des discours : ce sont des actes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Grâce à l'action de Gilles de Robien sur le foncier, nous avons pu recenser, par exemple en Île-de-France, 9 millions de mètres carrés mobilisables, dont 1,3 million dans les trois ans à venir. Et nous allons pouvoir appliquer cette mesure de modération des prix pour construire des logements sociaux.

L'étape suivante sera la loi « Habitat pour tous », que nous préparons en étroite liaison avec le ministère de l'équipement. Elle comportera des actions très volontaristes pour aider les maires bâtisseurs à construire ce type de logement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les actes seront aux rendez-vous. Nous avons les crédits. Ce sont vos discours, messieurs de l'opposition, qui sont dénués de crédit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

PROJET DE LOI RELATIF
AUX PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour le groupe socialiste.

Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le Premier ministre, madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés de la majorité, il ne vous a pas échappé qu'en ce moment même des personnes en situation de handicap et leurs associations manifestent leur mécontentement devant l'Assemblée nationale à l'égard du projet de loi les concernant, que nous examinerons bientôt en deuxième lecture. Il y a plusieurs mois déjà, la plus grande partie du monde associatif du secteur du handicap avait fortement critiqué un texte ne répondant pas à ses attentes et, qui plus est, non financé. Votre choix s'est limité à la suppression d'un jour férié, d'ailleurs au détriment des seuls salariés, pour alimenter la fameuse CNSA.

Le texte revu par le Sénat n'apporte guère plus de réponses aux attentes légitimes des personnes en situation de handicap et aux associations qui les représentent. Sur certains points, tels que le droit à la scolarisation des enfants handicapés, les sénateurs de la majorité UMP ont même aggravé ces dispositions en adoptant un amendement discriminatoire qui autorise l'exclusion de ces enfants du milieu scolaire ordinaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Scandaleux !

Mme Marie-Renée Oget. Et ce, malheureusement, avec l'accord du Gouvernement !

M. Yves Deniaud. Vous, vous n'avez rien fait !

Mme Marie-Renée Oget. Nombre d'associations et de personnes handicapées sont déçues par l'absence de reconnaissance d'un véritable droit à compensation, par la faiblesse du montant de leurs ressources - clé de leur projet de vie -, par les dérogations trop importantes rendant illusoire l'accessibilité des bâtiments et par bien d'autres dispositions que je ne peux énumérer ici. Ces citoyens expriment leur colère.

Tout en souhaitant que les débats à venir permettent de corriger ces erreurs sur un sujet qui aurait pu être consensuel, je vous demande, madame la secrétaire d'État, ce que vous avez, pour l'heure, à répondre à ces personnes. Quel cadeau leur préparez-vous pour Noël ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame la députée, vos propos me semblent, pour le moins, excessifs ! Et je vais vous dire en quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ils sont excessifs car la loi de 1975, la loi de 1987 et la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l'Assemblée débattra en janvier en deuxième lecture, ont été construites, débattues, mises en œuvre à l'initiative, d'abord, du Président de la République, qui a toujours été un pionnier de ce chantier considérable (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et aujourd'hui, c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui se mobilise pour faire avancer les choses ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Depuis trente ans, madame la députée, tout ce qui a été fait dans ce domaine l'a été par l'actuelle majorité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Consacrer dans une loi le droit à compensation représentera, dans les faits, 12 millions d'heures d'aides humaines en plus, 40 000 emplois supplémentaires créés pour les personnes handicapées, 100 places dans les établissements et services médico-sociaux et 60 places en CAT créées chaque semaine. Ce sont des avancées considérables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. C'est du bluff !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je tiens à saluer le travail des parlementaires, et en particulier, au Sénat, l'expertise, la grande rigueur et la qualité du rapporteur, Paul Blanc, et du président de la commission des affaires sociales, Nicolas About. Cela a également été le cas, à l'Assemblée, pour le rapporteur Jean-François Chossy, et le président de la commission des affaires culturelles, Jean-Michel Dubernard.

Nous allons poursuivre notre travail. Le Gouvernement continuera d'aborder de manière volontaire la question de l'accessibilité, en réintroduisant les délais dans la loi, ce qui lui permettra d'être effective. Ainsi, les personnes handicapées seront des citoyens à part entière. Je ne doute pas que je trouverai, sur tous vos bancs, le soutien qui permettra d'annoncer aux personnes handicapées et à la nation dans son ensemble que nous avons accompli un pas considérable dans la prise en compte du handicap. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

TRAVAIL DES ENFANTS DANS LE MONDE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Flory, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Flory. Ma question s'adresse à M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

Monsieur le ministre, à l'approche des fêtes de fin d'année et, particulièrement, de la célébration de Noël, je souhaite évoquer la question du travail des enfants dans le monde. Il y a quinze ans, 159 États membres de l'Organisation des Nations unies, dont la France, ont adopté à l'unanimité la convention internationale des droits de l'enfant. Ce texte fondamental définit les grands principes généraux applicables à la protection des enfants dans le monde.

Récemment, la Journée internationale des droits de l'enfant a été l'occasion de sensibiliser chacun à une réalité malheureusement trop éloignée des nobles objectifs de cette convention. Les chiffres nous contraignent à un constat brutal : dans les pays en voie de développement, un enfant sur cinq âgé de cinq à quatorze ans travaille dans des conditions bien souvent inhumaines. Même si, en la matière, les statistiques sont difficiles à établir, le Bureau international du travail estime que 250 millions d'enfants au moins travaillent de par le monde. Les continents les plus touchés sont l'Afrique, une partie de l'Asie et l'Amérique latine. Les raisons de ce recours au travail des enfants sont multiples : on évoque généralement la pauvreté, mais aussi les lacunes du système éducatif, le poids des traditions ou encore la moindre capacité des enfants à résister à l'exploitation.

Monsieur le ministre, je sais combien le Président de la République, le ministre des affaires étrangères et vous-même êtes attachés à la lutte contre la pauvreté dans le monde. Je suis intimement convaincu que la France, pays des droits de l'homme, a, en ce domaine, un important rôle à jouer sur la scène internationale. Aussi vous serais-je reconnaissant de nous faire part des actions engagées par notre pays pour améliorer les conditions de vie des êtres les plus démunis, auxquels nous devons manifester notre entier soutien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député, votre question est essentielle, il n'en est pas de plus légitime ni de plus moralement fondée. En effet, si l'on s'en tient aux chiffres que fournissent l'Organisation internationale du travail et l'UNICEF, 250 millions d'enfants seraient aujourd'hui exploités ou travailleraient dans des conditions contraires aux droits de l'enfant. Attentive à cette réalité, la France agit dans le cadre des conventions internationales.

Cependant, on ne peut pas séparer la question de l'exploitation des enfants de celle, plus générale, du développement. Lutter contre la pauvreté, pour le développement d'un pays, pour l'amélioration de sa situation économique ou socioculturelle, c'est aussi contribuer à offrir de meilleures conditions de vie aux enfants et à combattre l'exploitation.

Je voudrais énumérer les cinq axes de l'action du gouvernement français.

Premièrement, notre pays a été, aux Nations unies, l'un des principaux acteurs de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui fixe en particulier l'âge minimum à partir duquel un enfant peut travailler ou qui détermine le type de travail qu'il peut effectuer. Après l'avoir ratifiée, la France fait tout, aujourd'hui, pour qu'elle soit mise en œuvre, notamment dans les pays d'Afrique avec lesquels elle coopère.

Deuxièmement, la France milite en faveur du pacte mondial des Nations unies demandant à toutes les entreprises de s'accorder sur des règles de déontologie. À ce jour, 1 500 grandes entreprises multinationales ont signé cette convention, que la France cherche à promouvoir et à élargir, notamment auprès des entreprises sur lesquelles elle peut avoir une influence.

Troisièmement, la France est également pionnière en matière d'accès à l'éducation pour tous, en particulier pour les jeunes filles. J'étais récemment à Brasilia pour parler de cette question, qui est l'un des grands objectifs du Millénaire pour le développement.

Quatrièmement, vous connaissez la détermination du garde des sceaux et du Gouvernement dans son ensemble en matière de lutte contre l'esclavage et la prostitution des enfants. La France contribue au fonds des Nations unies contre l'esclavage.

Enfin, nous nous préoccupons de la question, cruciale en Afrique, des enfants soldats. En avril dernier, le Conseil de sécurité a voté la résolution 1539 et les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont récemment décidé de mener en commun une action déterminée pour aider les enfants plongés dans des situations post-conflits.

Nous sommes donc à l'œuvre autour de ce sujet central et moral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TRAFICS DE DOCUMENTS OFFICIELS

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe UMP.

M. Dominique Tian. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, nous assistons depuis quelques années à une véritable explosion des vols de documents officiels. Ainsi, en février 2004, dans les Hauts-de-Seine, quatre malfaiteurs ont attaqué un véhicule de livraison et mis la main sur 6 000 passeports, 6 500 permis de conduire et 10 000 cartes grises. Le butin est évalué à 30 millions d'euros. On estime que, depuis 2003, 35 000 documents officiels ont été dérobés. Cette filière est très rentable puisque, au marché noir, un passeport se négocie autour de 2 000 euros. Seuls 20 % des papiers volés ont été retrouvés. Ce marché est donc alimenté pour les années à venir.

Comment expliquer cette recrudescence des vols ? Une étude récente évalue à 215 millions d'euros le préjudice subi par les services sociaux − sécurité sociale, UNEDIC ou URSSAF. La SNCF, elle-même, perdrait chaque année plus de 6,5 millions d'euros. Plus grave, les 10 000 cartes grises dérobées servent la plupart du temps à recycler des véhicules volés. Quant aux vrais faux passeports, quelque 90 % d'entre eux alimentent les réseaux d'immigration clandestine, les 10 % restant étant écoulés auprès des réseaux internationaux de prostitution, de trafic de drogue et de banditisme.

Cette industrie de la fausse identité est aussi au cœur de l'activité des réseaux terroristes islamistes : non seulement elle les finance, mais elle permet à leurs militants de franchir les frontières.

Bien entendu, les services de police − notamment les GIR − ne restent pas inactifs et remportent de nombreux succès, mais ils ont à faire face à des délinquants particulièrement organisés.

Monsieur le ministre, face à l'ampleur du problème, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre un terme à ce marché des fausses identités ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le mot d'explosion n'est pas trop fort, monsieur le député, car on constate une multiplication des trafics de documents volés et de faux papiers. Le phénomène est d'autant plus préoccupant que ces trafics se développent dans tous les grands pays industrialisés, où ils nourrissent divers réseaux mafieux contre lesquels nous devons nous mobiliser.

Devant une telle situation, il faut à la fois beaucoup d'humilité et beaucoup d'ambition. J'ai donc décidé de mettre à profit les leçons des grands maîtres qui m'ont précédé au ministère de l'intérieur.

La première leçon, c'est qu'il faut une main de fer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agit de réprimer sans faiblesse, et c'est ce que nous faisons avec des condamnations extrêmement sévères.

La deuxième règle, c'est qu'il faut un gant de velours. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous devons savoir agir préventivement, et c'est ce que nous avons fait en sécurisant les transports de documents, confiés désormais à des sociétés de transports de fonds, et en sécurisant également le stockage.

Mais la leçon des grands maîtres précise que le gant doit avoir une doublure, qu'il doit dissimuler une arme secrète. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Un bas de soie ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cette arme porte le doux nom d'INES : l'identité nationale électronique sécurisée. Voilà une jeune fille qui fera parler d'elle (Sourires), car elle est dotée de toutes les vertus et elle offre toutes les garanties. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle permet d'incorporer dans une puce (« Elle a des puces ? » sur les bancs du groupe socialiste) des identifiants biométriques, des photographies, mais aussi des empreintes digitales. Nous aurons également recours à la cryptologie française, la plus fiable et, j'ose le dire, la meilleure du monde. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais comme nous ne nous contentons pas de ces garanties, nous produirons ces titres en concertation avec nos partenaires européens, notamment allemands.

Ce dispositif sera mis en place dès la fin de 2006. Vous voyez que, instruits par nos maîtres, forts de leurs leçons, nous avançons avec le souci de la plus grande efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

COMPÉTENCES DES TRIBUNAUX D'INSTANCE, DE PROXIMITÉ ET DE GRANDE INSTANCE

Discussion d'une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance (n°s 1957, 1971).

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a institué la justice de proximité. Son objectif était triple :

D'abord, ouvrir l'institution judiciaire, comme cela se fait déjà depuis longtemps avec les assesseurs des tribunaux pour enfants ou les jurés de cour d'assises, afin de permettre à des citoyens ayant par ailleurs une expérience professionnelle de participer à l'œuvre de justice et de favoriser ainsi, au bénéfice de l'institution judiciaire, un échange de cultures et de points de vue ;

Ensuite, apporter à nos concitoyens une réponse judiciaire, simple, rapide et efficace pour les litiges de la vie quotidienne, comme l'avait souhaité le Président de la République ;

Enfin, faire en sorte que cette justice soit de qualité. Ainsi, après un examen des candidatures par les cours d'appel à la suite d'un travail de préparation confié à la mission Juges de proximité mise en place au sein de la direction des services judiciaires, c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui assume la responsabilité pleine et entière de la nomination des juges.

La valeur professionnelle des juges de proximité est aujourd'hui une garantie qui permet une extension de leurs compétences : des propositions de loi en ce sens ont été déposées à l'initiative du Sénat et de votre assemblée, et vous êtes saisis aujourd'hui du texte qui a été examiné par le Sénat.

En matière civile, la proposition de loi poursuit plusieurs objectifs.

Le premier est d'élargir le périmètre d'intervention de la juridiction de proximité sans en modifier la nature. Cette juridiction pourra être saisie directement de toute action mobilière ou personnelle par les personnes physiques, y compris pour les besoins de leur vie professionnelle, mais aussi par les personnes morales.

Le deuxième objectif est de relever les taux du ressort du tribunal d'instance et de la juridiction de proximité, afin que davantage de dossiers soient traités par les juridictions de terrain les plus faciles d'accès : le taux de compétence de la juridiction de proximité est porté de 1 500 à 4 000 euros et celui de la juridiction d'instance de 7 600 à 10 000 euros.

Par ailleurs, la spécificité du tribunal d'instance est maintenue pour certains contentieux techniques, tels ceux relatifs au crédit à la consommation ou au contrat de bail. Nous y reviendrons certainement, monsieur le rapporteur, lors de la discussion des articles, mais il me semble important que ces contentieux techniques soient traités par des juges professionnels, la juridiction de proximité restant compétente pour les demandes en restitution de dépôt de garantie en matière de baux d'habitation. Ce dispositif, qui a été souhaité par le rapporteur au Sénat, me paraît raisonnable et pratique.

Enfin, le troisième objectif de la proposition de loi est de redéfinir, pour partie, les champs de compétences respectifs du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, de manière à les simplifier.

J'en viens maintenant aux dispositions en matière pénale.

S'agissant des contraventions, le dispositif proposé présente l'avantage d'apporter une simplification par rapport à la loi de septembre 2002. La juridiction de proximité sera compétente pour les quatre premières classes de contraventions, sauf si elles sont connexes avec des contraventions de cinquième classe, le tribunal de police conservant la pleine compétence pour les infractions de cinquième classe, c'est-à-dire les plus graves.

La proposition de loi confirme, ensuite, la compétence du juge de proximité pour valider les compositions pénales s'agissant des infractions commises sur l'ensemble du ressort du tribunal de grande instance dans lequel se trouve la juridiction de proximité.

Une évolution me paraît, en outre, particulièrement novatrice. Il s'agit de la participation des juges de proximité aux formations collégiales des tribunaux correctionnels, à raison, bien sûr, d'un seul par formation afin qu'il reste minoritaire aux côtés des deux magistrats professionnels.

Il s'agit, enfin, d'améliorer la formation des juges de proximité : une réflexion est engagée à ce sujet par le ministère dont j'ai la responsabilité, en liaison avec l'École nationale de la magistrature.

Telle est la présentation très rapide que je tenais à faire de cette proposition de loi qui tire les premiers enseignements du fonctionnement de la justice de proximité. Le dispositif simplifié qui est proposé permettra une activité plus importante des juges de proximité tout en correspondant mieux au niveau de formation, à l'expérience et à la qualité de ces nouveaux juges. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, lancé pendant la campagne présidentielle et développé pendant la campagne législative, le concept de « justice de proximité » s'est trouvé en phase avec les attentes d'une majorité de Français. Jamais, en effet, nos concitoyens n'ont eu autant recours à la justice et ne se sont autant pressés aux portes des palais. Mais jamais non plus ils n'ont été aussi critiques envers l'institution judiciaire. Ils ont quelques raisons à cela. Depuis des années en effet, les délais de procédure n'ont cessé de s'allonger, tant dans le secteur civil que dans le secteur pénal. Alors qu'on ne cesse de proclamer que la justice doit être rendue dans un délai raisonnable, le temps judiciaire s'est étiré interminablement.

Il fallait rendre la justice aux citoyens : c'est tout l'objectif de la justice de proximité. Ce n'est pas seulement une question de moyens, car c'est surtout au niveau structurel qu'il faut rechercher l'origine des dysfonctionnements judiciaires. En effet, bien des réformes du passé, sous prétexte d'améliorer le fonctionnement de la justice, n'ont fait qu'aggraver les maux dont elle souffre en complexifiant les procédures. II ne sert donc à rien de recruter davantage de juges, de construire de nouveaux palais et de donner plus de moyens à la justice si celle-ci doit tourner à vide.

Il était plus que temps de réagir et de repenser, en remettant tout à plat, le fonctionnement de l'institution judiciaire. Il faut cesser de compliquer les procédures, en perdant de vue leur finalité. Le peuple français comprend mal sa justice, pourtant rendue en son nom : cela ne pouvait plus durer.

La création d'une nouvelle juridiction, la justice de proximité, constitue une étape indispensable dans cette démarche. Elle trouve son inspiration dans les anciennes justices de paix, disparues avec l'ordonnance du 22 décembre 1958, dans la grande réorganisation de la Ve République. Il avait cependant fallu trouver par la suite des solutions de proximité aux litiges, le tribunal d'instance ne pouvant tout faire. C'est ce qui explique la création des conciliateurs et des médiateurs de justice, des maisons de justice et du droit, des antennes de justice, des conseils départementaux de l'accès au droit.

Il a été également fait appel par le passé à des magistrats non professionnels, et en cela la réforme n'est pas complètement une nouveauté. Il en a été ainsi, en tout ou partie, des tribunaux de commerce, des conseils de prud'hommes, des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux paritaires des baux ruraux, des tribunaux pour enfants, des tribunaux maritimes commerciaux.

De plus, des réformes ont ouvert le recrutement à des personnes ayant occupé d'autres activités professionnelles et qui enrichissent par leur expérience le corps judiciaire. Il en a été ainsi des conseillers en service extraordinaire, des détachements judiciaires et, surtout, des magistrats à titre temporaire institués par la loi organique du 19 janvier 1995, qui sont les prédécesseurs directs des juges de proximité et dont, malheureusement, le recrutement s'est tari lorsque Mme Guigou a décidé de supprimer le caractère probatoire de leur formation. Le Conseil supérieur de la magistrature, ainsi empêché de disposer d'éléments d'appréciation, n'a pu que bloquer toute nomination. Ceux qui sont aujourd'hui très critiques envers les juges de proximité doivent se souvenir qu'ils ont participé à l'instauration de réformes qui avaient la même inspiration, mais qu'ils n'ont pas su mener à terme.

Recrutés parmi des citoyens ayant acquis par leur parcours professionnel une belle expérience des problèmes économiques et sociaux, les juges de proximité sont chargés des petits litiges qui empoisonnent la vie quotidienne. Disséminés sur l'ensemble du territoire, faciles d'accès, considérablement moins chargés que les juridictions traditionnelles, ils statuent à bref délai et à moindre coût. Les juges professionnels, ainsi déchargés d'une partie du contentieux, peuvent recentrer leur activité sur les dossiers les plus lourds, ce qui permet d'accélérer, à tous les stades et pour tous les justiciables, le cours de la justice.

Cependant, des insuffisances sont apparues, surtout en matière civile, après la mise en place de la justice de proximité par la loi du 9 septembre 2002 et par la loi organique du 26 février 2003. En effet, ces juges sont sous employés. Le contentieux civil ne représente que 5 % de celui relevant des tribunaux d'instance et les juges de proximité ne rédigent en moyenne que trois à cinq jugements et une dizaine d'injonctions par mois. Certains n'ont tenu que deux audiences civiles dans l'année.

Il fallait donc agir pour rendre la réforme efficace et ainsi répondre aux objectifs que nos concitoyens nous ont assignés. À cet égard, la présente proposition de loi, qui a été déposée dans les mêmes termes sur le Bureau de chaque assemblée, tire - contrairement à ce que certains esprits chagrins ressassent - les conclusions d'un premier bilan.

La qualité des recrutements a été assurée grâce à l'adoption de la loi organique. Entre juillet 2003 et août 2004, le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi à cinq reprises et a statué sur 690 dossiers. Ce mois-ci, il examine 160 nouveaux dossiers.

L'examen de l'origine professionnelle des candidats montre que les différents viviers envisagés pour le recrutement ont été explorés. Il s'agit, pour 40 %, de professionnels libéraux et officiers ministériels, en activité ou en retraite, avec une très large proportion d'avocats ; pour 10 %, d'anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif ; pour 40 %, de personnes justifiant d'un diplôme bac + 4 et de quatre années d'expérience juridique, c'est-à-dire des juristes d'entreprise, d'anciens fonctionnaires de police, d'anciens militaires de la gendarmerie, d'anciens fonctionnaires de catégorie A ; pour 8 %, de personnes justifiant, à défaut d'un diplôme bac + 4, de vingt-cinq ans d'expérience juridique dans des fonctions d'encadrement ou de direction ; pour 1 %, d'anciens greffiers en chef ou greffiers ; pour 1 %, de conciliateurs de justice en exercice justifiant au moins de cinq années d'exercice.

L'âge moyen des candidats retenus est de cinquante-huit ans pour les hommes et quarante-sept ans pour les femmes. Si ces dernières sont pour l'instant moins nombreuses que les hommes, les prochaines promotions devraient comporter autant d'hommes que de femmes.

Au 15 octobre, l'École nationale de la magistrature avait formé 466 personnes. Trente et une ont démissionné, non pas, comme certains le disent, postérieurement à leur nomination mais antérieurement, pendant leur formation ou pendant la période qui les sépare de leur installation effective en juridiction. Cette période est d'ailleurs trop longue et je sais que vous vous attachez, monsieur le garde des sceaux, à la raccourcir, sans pour autant réduire les garanties et les divers contrôles qui sont indissociables d'un recrutement de qualité.

À l'extension des compétences proposées par ce texte doit nécessairement correspondre un renforcement de la formation.

Je précise à ceux qui font un mauvais procès à la formation de ces juges de proximité, s'ils veulent bien m'entendre, que d'après les auditions que j'ai réalisées au cours de la confection du présent rapport, un nouveau dispositif de formation devrait prévoir une augmentation de la durée et de la diversité de la formation aussi bien pour la formation initiale qu'au cours du stage probatoire ou en formation continue. Ces propositions, qui ne sont pas du domaine de la loi, sont soumises à votre appréciation, monsieur le garde des sceaux. Elles sont génératrices d'un coût supplémentaire qu'il me semble important de financer pour le succès de la réforme.

Les principales innovations de celle-ci concernent une extension significative des compétences au civil puisque le texte confie à la juridiction de proximité toutes les actions personnelles ou mobilières entrant dans son taux de compétence, qui passe de 1500 à 4000 euros. Dans cette limite, les personnes physiques mais aussi les personnes morales peuvent saisir la justice de proximité, y compris pour leurs besoins professionnels. Corrélativement, le taux de compétence du tribunal d'instance passe de 7 600 à 10 000 euros. Ceux qui craignaient une diminution des prérogatives des tribunaux d'instance en seront pour leurs frais.

Au pénal, une disposition majeure donne la possibilité au juge de proximité de compléter l'audience correctionnelle collégiale. En tant qu'assesseur du tribunal correctionnel, le juge de proximité accède ainsi au tribunal de grande instance dans des conditions fixées par le président de ce tribunal et sous l'autorité du président d'audience.

Cette évolution, très attendue par les chefs de juridiction et l'ensemble des magistrats qui sont sur le terrain, aura pour effet de désengorger les tribunaux correctionnels et de permettre à bon nombre de juges professionnels de se recentrer sur leurs tâches prioritaires. Rappelons, en effet, qu'avec les réformes qui ont instauré l'appel en matière criminelle et la création du juge des libertés et de la détention, de nombreux juges civilistes ont dû participer aux tâches pénales. Ceux-là pourront revenir vers leur domaine de prédilection.

L'assessorat pénal aura également une incidence très pédagogique pour le juge de proximité. Au contact de magistrats professionnels et à l'examen d'affaires graves par définition, le juge de proximité améliorera sa formation dans la conduite des audiences, les réflexes procéduraux, ainsi que, aspect non négligeable, dans la proportionnalité de la sanction à la gravité de l'affaire.

Tout cela sera très instructif pour lui dans la conduite de ses propres audiences pénales pour les contraventions de la première à la quatrième classe. Soucieux de définir d'une façon claire et cohérente les compétences du juge de proximité, celui-ci ne statuera plus, en effet, pour certaines contraventions de cinquième classe.

On retrouve tout au long du texte qui vous est proposé, que ce soit au civil ou au pénal, la volonté de simplification, de rationalisation et de clarification des compétences.

La répartition est simple.

Le tribunal d'instance se réserve les affaires relatives aux crédits à la consommation, les actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre, les contestations sur l'application de la loi de 1948 sur les rapports entre bailleurs et locataires.

Le tribunal de grande instance obtient quatre blocs de compétences homogènes : le président du TGI, en sa qualité de juge de l'exécution, connaîtra de l'ensemble des procédures civiles d'exécution ; le TGI sera compétent pour toutes les actions civiles pour injure ou diffamation ; les litiges afférant à l'application de la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété d'immeubles seront regroupés au sein du TGI ; enfin, cette juridiction disposera d'une compétence exclusive pour l'ensemble des actions immobilières.

Le Sénat, au cours de la première lecture, a apporté trois modifications.

Il a maintenu la compétence de la justice de proximité, qu'elle soit exercée par le juge d'instance ou par le juge de proximité, pour le paiement direct des pensions alimentaires, les diffamations et injures, et le contentieux de la copropriété. La nécessité de garantir, pour ces trois matières, l'accès à la justice l'a emporté sur la simplification de la répartition des compétences recherchée par les auteurs de la proposition de loi.

À juste titre, me semble-t-il, le Sénat a par ailleurs proposé de donner au juge d'instance une compétence exclusive en matière de baux d'habitation.

Enfin, et on comprend pourquoi, les sénateurs ont précisé que s'agissant des actions aux fins d'expulsion, le tribunal d'instance statuera toujours à charge d'appel.

Voici, présentés d'une façon réaliste et objective, débarrassée de toute idéologie préconçue, les aspects essentiels de ce texte que le petit-fils de juge de paix que je suis souhaite vivement voir adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Monsieur le garde des sceaux, la juridiction de proximité a été créée par votre loi d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002. L'objectif que vous affichiez alors était de rapprocher la justice du citoyen et de la rendre plus accessible pour faciliter la solution des petits litiges.

La réalité est tout autre. Si vous avez créé cette nouvelle juridiction, c'est d'abord pour satisfaire une promesse électorale de Jacques Chirac basée sur le concept, un peu curieux à vrai dire, selon lequel des juges non professionnels seraient plus à même de rendre la justice que des juges professionnels ; c'est ensuite, à l'évidence, pour pallier l'insuffisance des moyens dont souffrent les tribunaux dans notre pays.

En créant les juges de proximité, vous avez de facto réduit le champ de compétence des tribunaux d'instance, lesquels sont pourtant unanimement salués - ils l'étaient avant 2004, ils le sont toujours - pour la qualité de la justice qu'ils rendent. Ils sont en effet la seule juridiction qui ne fait pas l'objet de critiques, que le justiciable peut saisir directement, gratuitement, facilement, et dont les délais de jugement restent très raisonnables, de l'ordre de trois à quatre mois.

J'ajoute que les juges d'instance ont toujours considéré que leur « raison d'être » tenait justement à ces petits litiges dans lesquels leur intervention est très particulière, et qui concernent les crédits à la consommation, les litiges entre bailleurs et locataires, les travaux mal effectués dans une maison ou un appartement, les contestations de funérailles, de frais de scolarité, d'élagage des arbres, etc. Ces contentieux de la vie courante paraissent simples de prime abord mais, en réalité, ils font appel à des notions juridiques parfois complexes, et personne ne comprend pourquoi un juge non professionnel serait plus compétent pour les régler qu'un juge professionnel. Un juge non professionnel aura de surcroît toujours la tentation de trancher avec bon sens et non en droit, alors que juger en équité n'est jamais la meilleure façon de régler un litige et que la justice, vous le savez, monsieur le garde des sceaux, ce n'est pas couper la poire en deux, c'est avant tout dire le droit.

Je veux dénoncer à nouveau, comme je l'avais fait lors de l'examen du premier texte sur les juges de proximité, la conception étrange de la justice qui semble être la vôtre : à vos yeux, seules les affaires dont le coût financier est important justifieraient un juge professionnel bien formé. En matière de santé, il ne viendrait pourtant à l'idée de personne, pour des soins dont le montant serait inférieur à un certain seuil, de pallier le manque de médecins par le recrutement de personnes justifiant d'une « expérience » en matière de santé.

Au lieu de donner la priorité absolue à cette réforme curieuse, le bon sens aurait dû vous conduire à doter les tribunaux d'instance de tous les moyens nécessaires pour leur permettre de bien fonctionner. Et si votre souhait était de rapprocher vraiment la justice des citoyens, c'est sur les procédures du tribunal d'instance, que l'on peut encore accélérer, sur une meilleure compréhension du procès ou encore sur une meilleure exécution des décisions, qu'il aurait fallu travailler.

Pourtant, et malgré les critiques unanimes que suscitait votre projet en 2002, vous l'avez réalisé. Aujourd'hui, deux ans après, on peut en tirer un premier bilan.

Premier constat : vous vouliez simplifier la justice, vous l'avez compliquée !

Le premier résultat de votre création est en effet que les tribunaux d'instance sont aujourd'hui totalement désorganisés car les juges d'instance doivent fixer le planning des juges de proximité, organiser leur formation, trouver des locaux pour les accueillir et mettre à leur disposition des greffes qui voient donc leurs tâches s'accroître pour la même quantité d'affaires.

J'ajoute que le juge de proximité pouvant toujours renvoyer au juge d'instance une affaire qui lui paraîtrait trop complexe - et cela arrive souvent -, la conséquence est un alourdissement de la charge du juge d'instance et du délai de traitement des contentieux.

Deuxième leçon à tirer : vous vouliez réaliser des économies, votre réforme coûte cher !

À l'heure actuelle, en effet, le coût d'un jugement rendu par un juge de proximité pour un litige de moins de 1 500 euros peut être évalué à 300 euros. Il est six fois moindre lorsque le jugement est rendu par un magistrat professionnel. Et les moyens qui devraient être consacrés à des réformes importantes, comme la mise en place de la faillite civile ou la réforme des tutelles, sont détournés au profit d'une juridiction que personne ne demandait et dont le coût est d'autant plus aberrant que tous les budgets, notamment le vôtre, ne sont pas à la hauteur des besoins.

Les juges de proximité, vos juges de proximité, n'apportent donc rien à la justice sinon plus de lenteur, plus de complexité et plus de dépenses. Beau résultat !

Mais le plus grave n'est pas là. Le plus grave, ce sont les juges de proximité eux-mêmes : je veux parler de leur recrutement et de leur formation.

Vous aviez annoncé pour 2004 un effectif de 600 juges de proximité. Il s'avère que le nombre des juges en fonction à ce jour n'excède pas la moitié et que l'objectif prévu de 3 300 juges de proximité en cinq ans ne sera pas tenu, à l'évidence.

Malgré cela, vous prévoyez l'extension du dispositif en feignant d'ignorer que le vivier des candidats potentiels n'est pas suffisant, que, sur le nombre de juges de proximité en exercice, trente ont déjà démissionné et que plusieurs ont été signalés comme posant des difficultés sérieuses - du fait par exemple d'un prononcé de peines supérieures au maximum prévu par la loi, ce qui est assez inquiétant, ou d'un comportement anormal à l'audience.

Être magistrat, monsieur le garde des sceaux, c'est un métier : la formation des auditeurs de justice demande près de trois ans et il faut plusieurs années avant d'obtenir une totale maîtrise de la fonction juridictionnelle.

Les juges de proximité, eux, dont la majorité provient du secteur privé, sont formés en trois semaines au mieux. On confie ainsi l'application de textes de plus en plus techniques et de plus en plus nombreux - nous sommes bien placés ici pour connaître l'inflation législative - à des personnes sans formation et dont l'activité principale est extérieure à l'institution judiciaire.

Les contraintes budgétaires de l'École nationale de la magistrature ne lui permettront pas d'augmenter sérieusement son offre en ce domaine et, en tout cas, rien n'est prévu à cet effet dans le budget pour 2005.

J'ajoute qu'il est incohérent de multiplier les textes et les réglementations si le prétendu « bon sens » et un simple vernis juridique suffisent pour être habilité à traiter des dossiers complexes aux implications multiples.

Il ne suffit pas de cinq jours de formation théorique et de vingt jours de formation pratique pour un travail que les magistrats professionnels doivent apprendre pendant près de trois ans. L'expérience montre que, dans les faits, les juges de proximité les plus consciencieux mettent énormément de temps à rendre leurs décisions, tandis que d'autres, moins consciencieux, s'estimant sans doute dispensés de l'application des règles de droit et de procédure, rendent des jugements souvent bien aléatoires.

On sait de surcroît que l'égalité entre les justiciables est toujours relative, qu'elle est théorique et qu'il faut protéger certains justiciables plus que d'autres pour rétablir un équilibre. Mais, pour cela, encore faut-il bien connaître les textes et pouvoir les appliquer avec discernement. Il est dès lors inacceptable de demander à des juges non professionnels et mal formés de statuer en droit, sans recours possible, sur des contentieux techniques mettant en présence deux parties en situation d'inégalité.

Le Conseil constitutionnel, comme d'ailleurs le Conseil supérieur de la magistrature dans son avis du 19 septembre 2002, avait pourtant insisté sur les garanties de compétence et de formation qui devaient être réunies pour votre réforme. Ce n'est pas le cas.

Il faut ajouter que vos juges d'un type nouveau n'offrent aucune garantie d'impartialité ni d'indépendance et qu'ils sont dépourvus de toute légitimité. Ils n'ont ni la légitimité professionnelle des magistrats, ni la légitimité sociale ou populaire que les véritables échevins tirent, soit de l'élection, soit du tirage au sort, soit d'un lien entre leurs compétences extérieures à la justice et le contentieux qui leur est confié.

Le cumul de leurs fonctions juridictionnelles et de leur profession expose de surcroît les juges de proximité à de graves conflits d'intérêt. Je pense notamment aux auxiliaires de justice exerçant dans le voisinage du ressort où ils vont exercer leurs fonctions de juge de proximité, un ressort qui, de plus, va être étendu par leur intervention en correctionnelle.

Face à tous ces défauts et plutôt que d'essayer de les corriger, même si cela aurait été difficile, vous voulez étendre encore la mission des juges de proximité en augmentant le montant des affaires civiles qui leur seront confiées et en étendant leurs compétences.

Au lieu de tirer les conséquences de votre mauvaise réforme, vous pratiquez ainsi la fuite en avant et vous étendez la mission des juges de proximité pour justifier leur existence. Contrairement à ce que vous indiquez, en effet, ce n'est pas la création de blocs de compétences entre tribunal d'instance et tribunal de grande instance pour clarifier le champ de leur intervention qui justifie l'extension de l'intervention de la juridiction de proximité. Bien au contraire, c'est la création des juges de proximité qui rend nécessaire a posteriori la détermination de nouveaux blocs de compétences entre tribunal d'instance, tribunal de grande instance et justice de proximité.

L'extension du domaine d'intervention des juges de proximité pose en tout cas un problème très grave. Dans sa décision du 20 février 2003, relative au statut de ces juges, le Conseil constitutionnel avait, en effet, rappelé sa jurisprudence habituelle qui veut que les fonctions judiciaires soient occupées par des personnes consacrant leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution « ne faisant toutefois pas obstacle à ce que, pour une part limitée, ces fonctions soient confiées à des personnes exerçant à titre temporaire ».

Toute la question est de déterminer cette « part limitée » qui peut être progressivement soustraite à la magistrature de carrière, et le développement du champ d'intervention des juges de proximité va faire perdre tous les repères en ce domaine. La proposition de loi étend, en effet, leur périmètre d'intervention aux actions soit mobilières, soit personnelles, la condition étant actuellement cumulative. Quant aux justiciables, les personnes morales seront concernées au même titre que les personnes physiques.

Les juges de proximité vont ainsi traiter un énorme contentieux de masse dans lequel les justiciables personnes physiques seront en défense et pour lequel il faudra appliquer les règles protectrices du droit de la consommation, par exemple, règles très techniques et très particulières qui exigent souvent une grande compétence : maîtrise de la règle de droit, maîtrise de l'abondante jurisprudence, rédaction des jugements.

Sur le droit de la consommation justement, le projet réserve aux juges d'instance la compétence en matière de crédit à la consommation. Mais le crédit à la consommation n'est qu'une partie du droit de la consommation. Il y a aussi tout ce qui concerne la vente - démarchage à domicile, vente par correspondance... -, la conformité des produits, les clauses abusives dans les différents contrats, l'information du consommateur, etc.

C'est une législation très particulière et très stricte qui est d'ordre public, ce qui signifie que le magistrat peut l'appliquer d'office même quand le consommateur ne soulève pas le problème. Et c'est là que réside le rôle de rééquilibrage reconnu au juge d'instance quand deux parties sont manifestement inégales.

Mais pour tenir ce rôle, encore faut-il connaître la législation ! Or, elle est fort complexe : le code de la consommation compte 1 200 pages. Peut-on les apprendre en cinq jours de formation à l'École nationale de la magistrature ? Il est fort à craindre que les consommateurs ne se retrouvent en position très désavantageuse face à un créancier assisté d'un avocat. Cette extension porte ainsi une atteinte supplémentaire au principe de l'égalité devant le juge puisque les procédures sans représentation obligatoire vont devenir plus nombreuses.

J'ajoute que les juges de proximité seront encore plus souvent en relation, dans le cadre de leur profession habituelle - huissier, avocat, juriste d'entreprise -, avec les créanciers en demande devant le tribunal et l'on peut à nouveau se poser la question de leur indépendance et de leur déontologie.

Je veux rappeler, à cet égard, que les juges de proximité jugent seuls, qu'ils ne sont soumis à aucun contrôle, qu'ils ne sont pas notés, qu'ils sont désignés pour sept ans et que leurs décisions ne sont pas susceptibles d'appel !

Le paradoxe est d'accorder un pouvoir énorme à un juge qui n'est pas professionnel, alors que le juge professionnel est, quant à lui, soumis à des contrôles toujours plus forts.

Vous allez sans doute invoquer la participation citoyenne à la justice et citer l'exemple anglais des magistrate's court, mais vous savez qu'ils statuent à trois , alors que le juge de proximité est seul.

Quant à la participation citoyenne aux décisions judiciaires telle qu'elle existe aujourd'hui en France - cours d'assises, tribunaux pour enfants, conseils de prud'hommes, tribunaux paritaires des baux ruraux -, nous savons qu'elle prend toujours la forme d'une simple participation à la justice, la décision restant prise par des juges professionnels.

Si l'échevinage est souhaitable pour que des citoyens puissent participer à la fonction de justice, ce sont les formations mixtes qu'il faut développer pour associer magistrats professionnels et citoyens, à l'exemple de ce qui se passe dans nos cours d'assises. Et, au lieu de professionnaliser des citoyens en les recrutant pour sept ans, c'est le tirage au sort, avec éventuellement une rémunération à la vacation, qui pourrait être envisagé.

Les juges de proximité pourraient aussi être utilisés pour proposer des décisions que prendrait le juge d'instance en distinguant les actes juridictionnels - tenue d'audience et prise de décision - de la participation à la justice.

En fait, il est clair qu'avec votre réforme c'est toute l'institution judiciaire qui est désormais remise en cause. Au-delà des tribunaux d'instance , dont la survie à moyen terme est désormais compromise, quelles seront les prochaines affaires considérées comme peu importantes, et donc les juridictions bientôt amputées ? Celles des mineurs ? Celles des affaires familiales ? Les paris sont ouverts, mais l'inquiétude est grande .

J'en viens maintenant à l'aspect le plus grave de ce texte : l'intervention des juges de proximité en correctionnelle. Les formations dans lesquelles le juge de proximité sera appelé à siéger comme assesseur sont les collèges, qui connaissent des affaires correctionnelles les plus graves et les plus complexes. La moitié des affaires correctionnelles est en effet jugée à juge unique, souvent selon la procédure de comparution immédiate, dont le domaine a considérablement été étendu par les lois Perben I et II puisqu'il couvre à présent les infractions punies jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

A cet égard, je veux rappeler d'abord que, dans son avis, le Conseil supérieur de la magistrature attachait une importance particulière à ce que la répartition du contentieux entre les juges de proximité obéisse à des règles objectives. Or leur intervention en correctionnelle sera laissée à l'entière discrétion des présidents de tribunaux de grande instance. Cela constituera une source d'inégalité considérable entre les justiciables dans un domaine où sont directement en jeu les libertés individuelles.

Cette inégalité sera évidemment aggravée par l'impossibilité matérielle de constituer, partout et pour toutes les audiences, les juridictions correctionnelles collégiales de la même manière. A cet égard, c'est la constitutionnalité elle-même de ce dispositif qui paraît sujette à caution, notamment au regard de la décision du Conseil constitutionnel sur la question de la composition à juge unique des juridictions correctionnelles. Voici en effet ce qu'indiquait le Conseil le 23 juillet 1975 :

« Considérant que les dispositions nouvelles de l'article 398-1 du code de procédure pénale laissent au président du tribunal de grande instance la faculté (...) de décider de manière discrétionnaire et sans recours si ce tribunal sera composé de trois magistrats (...) ou d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président ;

« Considérant que des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision de la juridiction ;

« Considérant qu'en conférant un tel pouvoir l'article (...) met en cause, alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale, le principe d'égalité devant la justice qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi... »

Le Conseil constitutionnel a donc annulé la disposition sur le juge unique.

Or, la présente proposition de loi méconnaît cette exigence à deux titres.

D'une part - et cette possibilité est laissée à la discrétion des présidents de tribunaux de grande instance, selon les ressorts -, les justiciables seront jugés soit par trois magistrats professionnels, soit par deux magistrats professionnels et un juge de proximité. Il n'y a pas de plus bel exemple de juridictions composées selon des règles différentes pour juger des mêmes infractions !

D'autre part, en raison de la pénurie, réelle, de juges de proximité, on ne pourra pas généraliser cette mesure à l'ensemble des tribunaux correctionnels. Donc, ici encore, les justiciables seront jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

Par ailleurs, et c'est le point le plus important, je vous rappelle la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 29 août 2002 à propos des juges de proximité :

« Considérant, que l'article 66 de la Constitution (...) ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté... »

Le juge de proximité assistera à l'audience, participera au délibéré. Il interviendra au même titre que les autres magistrats sans que l'on puisse le dissocier en aucune manière de la formation. Or, dès lors que le juge de proximité sera partie intégrante de la juridiction correctionnelle, il participera directement et pleinement, comme les magistrats professionnels , à l'exercice de ce pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Le tribunal correctionnel est en effet un organe collégial et la décision est rendue au nom du tribunal tout entier. Il sera impossible de dissocier, au sein d'un tribunal correctionnel, notamment lorsqu'il délibérera, les pouvoirs de l'un de ceux des deux autres. Il s'agira d'une oeuvre collective ! Le juge de proximité sera donc amené à prononcer, avec les deux autres magistrats, des peines privatives de liberté et il y aura même un cas où ce sera lui qui décidera. En effet, si les deux magistrats professionnels sont d'un avis opposé sur l'opportunité de prendre une mesure privative de liberté, ce sera le juge de proximité qui tranchera en faisant pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Il pourra donc envoyer quelqu'un en prison pour dix ans ou plus !

Il n'y a qu'un pouvoir, le pouvoir juridictionnel, qui permette de prononcer des peines privatives de liberté. Dès lors, on ne peut introduire dans une juridiction correctionnelle un juge de proximité, sauf à être en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel et avec la Constitution elle-même. Votre réforme, qui était déjà inopportune, inutile, coûteuse et même dangereuse pour la justice, va ainsi devenir de surcroît inconstitutionnelle.

J'ajouterai qu'elle suscite la méfiance des justiciables et l'opposition totale du monde judiciaire.

Elle est très mal perçue par ceux à qui elle est destinée, à savoir les justiciables, qui n'hésitent pas à augmenter le montant de leurs demandes en gonflant les dommages et intérêts réclamés pour échapper à un « faux juge » dont ils craignent la partialité ou l'incompétence. Quand les justiciables perdent confiance en une juridiction justement faite pour eux , c'est grave !

Mais ce texte fait aussi l'unanimité contre lui de tous les syndicats de magistrats et, au-delà des syndicats, des magistrats eux-mêmes qui le rejettent d'une seule voix.

Les juges d'instance, qui sont les principaux concernés, étaient choqués par la réforme initiale et le sont aussi par son extension. Mme Laurence Pécaut-Rivolier, présidente de l'Association nationale des juges d'instance, a fait part de sa « stupéfaction face à un projet qui lui semble une aberration décidée sans aucune concertation et qui semble en fait annoncer à terme le démantèlement de la justice d'instance professionnelle et indépendante ».

« Ce projet m'a profondément heurtée », explique Valérie de Lamorat, juge d'instance à Rambouillet. « Si moi, je ne suis pas juge de proximité, que suis-je ? »

« Les juges de proximité, c'est nous, nous avons un contact direct avec le justiciable », renchérit Eric Commeignes, juge à Montpellier.

Monsieur le garde des sceaux, je vais maintenant vous lire deux motions que j'ai reçues en tant que parlementaire du département de l'Isère. L'une, en date du 22 octobre 2004, émane de l'assemblée générale des fonctionnaires du tribunal d'instance de Grenoble ; l'autre provient du tribunal de grande instance de cette même ville.

Je vous donne lecture de la motion, prise à l'unanimité de ses membres, par l'assemblée générale des fonctionnaires du tribunal d'instance de Grenoble :

« Compte tenu des conditions actuelles de fonctionnement des greffes d'instance, l'assemblée générale dénonce l'opportunité d'un tel projet. » Je pense qu'ils ont voulu dire : l'inopportunité d'un tel projet !

« L'assemblée générale exige qu'un bilan de fonctionnement des juridictions de proximité et des tribunaux d'instance soit effectué avant d'envisager tout développement de compétence.

« S'agissant de la juridiction de proximité, l'assemblée estime :

« D'une part, que la question du maintien de cette nouvelle juridiction doit faire l'objet d'un large débat, dans lequel les greffes d'instance doivent pouvoir être entendus parce qu'ils sont au contact quotidien des justiciables ;

« D'autre part, que les difficultés d'ordre matériel, informatique, procédural, constatées depuis l'origine, doivent être d'abord résolues.

« S'agissant du tribunal d'instance, l'assemblée rappelle :

« Les innombrables et nouvelles réformes impliquant massivement le greffe d'instance : nationalité française en 1993 et 1998 , augmentation du seuil de compétence civile de 30 000 à 50 000 francs en 1999, PACS en 1999, notoriété successorale en 2001-2002 ;

« La situation problématique des services de tutelle des majeurs protégés, engorgés par une constante augmentation de personnes prises en charge ;

« En outre, l'entrée en vigueur effective de la loi "Borloo" sur le rétablissement personnel, dont l'application est confiée dans sa très grande majorité aux tribunaux d'instance, ne fait qu'aggraver la situation.

Si l'on veut bien l'examiner du point de vue de la réalité du terrain, et non à travers le seul filtre vendômien, la situation du greffe d'instance de Grenoble ne déroge pas à ce constat et témoigne au contraire d'une situation irrémédiablement compromise.

L'assemblée générale des fonctionnaires du tribunal d'instance de Grenoble adresse un appel solennel à nos gouvernants et aux parlementaires, les avertissant que les greffes d'instance ne seront plus en état de fonctionner si la proposition de loi est adoptée.

Par ailleurs, j'ai reçu la semaine dernière une motion adoptée à l'unanimité par l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet du tribunal de grande instance de Grenoble qui « regrette :

« que préalablement à cette proposition de réforme aucun véritable bilan n'ait pu être tiré de l'activité de ces nouveaux juges dont le recrutement s'est avéré particulièrement problématique dans un grand nombre de ressorts et dont il n'est pas démontré qu'ils répondraient aux attentes des justiciables ;

« que les assemblées générales des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance ne soient pas également consultées. »

Cette assemblée « constate :

« que le relèvement du taux de compétence induit une complexification accrue des litiges qui pourraient être soumis aux juges de proximité ;

« que l'intervention de professionnels face à des consommateurs ou des non-professionnels aboutit à des situations de déséquilibre qui doivent se corriger par l'arbitrage d'un magistrat spécialement formé et expérimenté, apte à faire prévaloir la règle de droit dans le cadre de procédures où la représentation par avocat n'est pas obligatoire ;

« que la formation des juges de proximité ne peut être sérieusement assurée, que l'assistance d'un greffier ne peut être envisagée qu'avec un redéploiement des effectifs actuels, en l'absence de créations de postes, que les conditions d'installation matérielle de ces juges restent aléatoires, et que les tribunaux d'instance qui fonctionnaient auparavant dans des conditions relativement satisfaisantes risquent de se trouver désorganisés. »

Elle « rappelle :

« que l'objectif limité assigné à la justice de proximité par le législateur était de favoriser l'accès des justiciables les plus modestes aux juridictions capables de trancher rapidement des litiges très simples et de réserver aux tribunaux d'instance la connaissance des affaires plus complexes ;

« que le Conseil constitutionnel a réservé la possibilité pour les juges de proximité de prononcer des sanctions en matière pénale au domaine des infractions qui ne sont pas réprimées par des peines privatives de liberté, au visa de l'article 66 de la Constitution. »

Enfin, cette assemblée nous « demande », à vous, monsieur le garde des sceaux, ainsi qu'à tous les parlementaires :

« que le projet d'extension des compétences des juges de proximité soit purement et simplement abandonné en l'état et qu'une éventuelle réforme conduisant à un échevinage soit soumise à une large concertation préalable ainsi qu'à un débat parlementaire enrichi par les contributions des assemblées générales des juridictions de première instance et des institutions représentatives des barreaux, et par une réflexion approfondie sur toutes les incidences de cette importante modification de l'organisation judiciaire ;

« que la présente motion soit transmise à M. le garde des sceaux par les chefs de la cour d'appel de Grenoble ainsi qu'aux parlementaires élus dans le département de l'Isère. »

Je viens de m'acquitter de la tâche que m'avaient confiée les magistrats de Grenoble. Leur analyse rejoint d'ailleurs la mienne.

Après l'opposition unanime des magistrats, syndiqués ou non, je rappelle l'opposition à votre projet des conciliateurs de justice. Ainsi, Nelly Bonnart-Pontay, présidente de l'Association nationale des conciliateurs de justice, déplore : « La justice de proximité affaiblit nos fonctions et va nous conduire à disparaître. » « Nous faisons un véritable travail de justice de paix, ajoute-t-elle. À l'heure de la conciliation et de la médiation citoyenne, cette réforme prend le contre-pied des politiques de délestage de la justice. C'est comme si on faisait marche arrière en rejudiciarisant des conflits qui se régulaient par un autre biais. »

Ainsi, mesdames, messieurs les députés de la majorité, votre proposition de loi ne tient aucun compte de l'apport, depuis vingt ans, des conciliateurs de justice. Ceux-ci trouvent, dans la majorité des cas, des solutions amiables qui permettent de rétablir un dialogue et représentent un élément d'apaisement des tensions dont souffre notre société.

Voilà, monsieur le ministre. Votre réforme, personne n'en voulait. Vous l'avez faite quand même et vous allez l'aggraver encore.

Je vous dois une confidence : je reste perplexe devant votre entêtement à donner corps à un slogan électoral du Président de la République, qui vous conduit à prolonger encore une réforme dont l'échec est avéré, reconnu et unanimement dénoncé. Je reste étonné devant autant d'autisme vis-à-vis de ceux qui ne sont certes pas ministres de la justice, mais qui en sont des professionnels et des acteurs au quotidien.

Les députés du groupe socialiste ne sont pas opposés à la justice de proximité. Loin de là. Nous l'avons développée pendant cinq ans, entre 1997 et 2002.

M. le garde des sceaux. Ah bon ?

M. André Vallini. Nous avons renforcé les tribunaux d'instance qui ont, eux aussi, profité des 30 % d'augmentation des crédits de la justice sous la législature précédente. Nous avons développé les modes de résolution amiable des confits tant au civil qu'au pénal. Et nous avons multiplié les maisons de la justice et du droit.

Nous voterons contre ce texte, non parce que nous sommes opposés à la justice de proximité, mais parce que nous voulons une véritable justice de proximité, rendue par les tribunaux d'instance et par les conciliateurs, dont il faut renforcer le rôle. En fait, ce que vous voulez développer est davantage une justice approximative qu'une justice de proximité.

M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !

M. André Vallini. Monsieur le ministre, dans notre pays, la justice va mal et les citoyens la comprennent mal.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !

M. André Vallini. Elle manque de moyens et de clarté. Et, au lieu de vous attaquer en profondeur aux problèmes qu'elle rencontre, au lieu de simplifier ses procédures, au lieu de lui donner les moyens de bien fonctionner, vous passez votre temps à la compliquer encore davantage, sans lui donner les effectifs dont elle a besoin.

À cet égard, la création des juges de proximité est une illustration parfaite de tous les défauts de votre politique : une politique qui ne résout rien, une politique de pur affichage à destination de l'opinion publique.

La justice traverse dans notre pays une crise de confiance sans précédent. Ce n'est pas moi qui le dis, mais un article paru il y a deux ou trois semaines dans le Figaro magazine.

M. Jean-Pierre Blazy. Cette publication ne vous sera pas suspecte, monsieur le garde des sceaux.

M. André Vallini. Il fait état d'un sondage selon lequel 70 % de nos concitoyens pensent que la justice fonctionne mal.

Mais il y a plus grave. Votre politique pénale semble varier au gré des humeurs de l'opinion publique. Un jour, c'est la psychose sécuritaire qui vous oriente vers le tout répressif au mépris de la présomption d'innocence. Le lendemain, c'est l'affaire d'Outreau qui vous fait redécouvrir l'importance de la présomption d'innocence.

Un jour, vous remplissez des prisons de plus en plus inhumaines, avec les lois Sarkozy et Perben. Le lendemain, vous cherchez tous les moyens d'en éviter l'explosion. Bref, c'est l'ensemble de votre politique judiciaire que nous condamnons. Nous voterons donc contre ce texte.

Pour terminer, je vous demande, mes chers collègues, de voter l'exception d'irrecevabilité en fonction des motifs sérieux d'inconstitutionnalité que j'ai soulevés.

Si cette exception d'irrecevabilité n'était pas votée et que le texte soit adopté, je vous informe d'ores et déjà que nous le déférerions devant le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, je me contenterai de faire quelques observations sans relever le caractère ridiculement outrancier de la conclusion de M. Vallini. Si les choses allaient si bien depuis longtemps en matière de justice, cela se saurait. Par exemple, je ne m'attarderai pas sur l'état lamentable dans lequel j'ai reçu les prisons des mains de Mme Lebranchu.

M. André Vallini. Nous parlons de la justice. Le problème n'est pas celui des prisons !

M. le garde des sceaux. Vous les avez évoquées vous-même il y a un instant. Permettez-moi donc de vous répondre !

S'agissant de la situation des juridictions, on ne m'y parlait, lors de mes premières visites, que des postes de magistrats vacants. Si on ne m'en parle plus aujourd'hui, c'est parce que nous avons fait les efforts de recrutement et de création de postes nécessaires. Nous les poursuivons aujourd'hui dans les greffes. Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, elle nécessitait des réformes, actuellement en cours, et des renforcements de moyens indispensables.

Vous avez évoqué l'opinion publique. Je me permets de vous suggérer la lecture complète de l'article du Figaro magazine que vous avez mentionné. Vous verrez qu'une immense majorité de Français - près de 70 % - soutient la réforme relative aux juges de proximité. Je ne l'aurais pas indiqué si vous ne vous étiez pas référé vous-même à cet article, mais il importe d'être complet.

M. Jean-Pierre Blazy. Les juges de proximité ? les Français ne savent pas ce que c'est !

M. le garde des sceaux. Bien sûr ! Les citoyens n'y connaissent rien. Le peuple n'est pas d'accord avec nous ? Prononçons sa dissolution !

M. Jean-Pierre Blazy. Caricature !

M. le garde des sceaux. C'est un air bien connu, monsieur Blazy !

M. Jean-Pierre Blazy. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre : ils ne savent pas ce que sont les juges de proximité parce que ceux-ci n'existent pas encore !

M. le garde des sceaux. Je vous ai écouté avec attention, monsieur Vallini. Je ne sais pas si vous aviez lu avant de monter à la tribune les documents dont vous nous avez fait profiter, car vous nous avez reproché de vouloir vider la justice d'instance de son contenu.

M. Guy Geoffroy. Nous l'avons développée, au contraire.

M. André Vallini. Non : vous la désorganisez !

M. le garde des sceaux. Or les motions que vous avez lues ont eu pour effet de démontrer que nous l'alourdissions. Il faudrait choisir entre les deux !

S'agissant de la simplification de la justice, qui apparaît, j'en conviens, comme une nécessité, je voudrais rappeler, sans anticiper sur ce que nous pourrons efficacement tirer du rapport de M. Magendie, le décret d'avril 2004 réformant la procédure civile, qui simplifie bien des situations, et la réforme de la procédure du divorce, qui entrera en application le 1er janvier prochain et allégera en partie la tâche des magistrats. Ce sont là deux exemples concrets.

Quant au rapport Magendie, que j'ai déjà cité, je reconnais qu'il contient nombre de propositions. Je ne doute pas que le groupe socialiste de l'Assemblée nationale ne nous soutienne dans les réformes que nous en tirerons afin de simplifier l'accès à la justice et d'accélérer le processus judiciaire.

Vous avez encore évoqué, monsieur Vallini, la question de la formation. Elle mérite qu'on s'y attarde un instant. En ce qui concerne les conditions de recrutement des juges de proximité, qui seront nommés par le Conseil supérieur de la magistrature, particulièrement attentif au respect et à l'esprit de la loi, le texte prévoit que soient recrutées des personnes ayant une formation juridique et une expérience dans les métiers du droit. Il est par conséquent ridicule de prétendre qu'ils doivent tout apprendre en cinq jours à l'École nationale de la magistrature. C'est une caricature de la réalité.

Vous avez évoqué le code de la consommation, qui comprend 1 200 pages. Je ne suis pas sûr qu'elles soient au programme de l'École nationale de la magistrature pour les juges professionnels. Vous êtes suffisamment juriste, monsieur Vallini, pour savoir que ce que l'on enseigne dans les écoles de droit, ce sont les principes et le maniement du droit, ou encore la réflexion juridique, mais que l'on n'y apprend pas les codes par cœur. Ne caricaturons pas les connaissances que doit avoir un juge.

À ce sujet, je précise encore que nous réfléchissons au moyen d'allonger la formation et de mettre en place, puisque les juges sont en cours de nomination, une formule de formation continue qui permettrait de parfaire leurs connaissances et de faciliter leur travail.

Vous avez évoqué l'échevinage en précisant que vous y étiez favorable. Puis, étant donné que le texte en introduit un peu dans les tribunaux correctionnels avec la présence d'un juge de proximité, vous avez immédiatement ajouté que vous y étiez hostile.

M. André Vallini. Mais non !

M. le garde des sceaux. J'avoue mal comprendre ce type de logique.

M. André Vallini. Ne caricaturez pas !

M. le garde des sceaux. Venons-en à l'argument de l'anticonstitutionnalité. Est-il anticonstitutionnel de compléter un collège correctionnel par un avocat quand il manque un juge ? C'est ce que prévoient les textes en vigueur. Le Conseil constitutionnel nous répondra, je n'en doute pas. Mais personne n'a jamais soulevé l'exception d'anticonstitutionnalité sur une pratique qui appartient à notre droit depuis aussi longtemps.

Voilà quelques exemples d'incohérences que je voulais relever. Pour revenir au texte, les contentieux exclus par la proposition de loi concernent le domaine du crédit à la consommation, domaine très technique qui demande une expérience importante, et celui de la location. Mais nous y reviendrons certainement en examinant les articles de ce texte.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire, monsieur le président, après l'intervention de M. Vallini. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Émile Blessig, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Émile Blessig. Vous avez développé deux thèmes, monsieur Vallini. Le premier consiste à demander plus de moyens sans vouloir rien changer, le second à opposer systématiquement magistrats professionnels et non-professionnels. Pensez-vous servir le débat ou vous faites-vous seulement le porte-parole de revendications émanant de votre département, que vous nous avez d'ailleurs lues à la tribune ?

S'agissant des moyens, vous nous avez dit qu'ils avaient augmenté de 30 % lorsque vous étiez aux affaires.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous, vous les avez diminués !

M. Émile Blessig. Et pourtant, rien ne fonctionnait, en particulier les tribunaux d'instance. À vous écouter, il suffirait d'augmenter les moyens pour que tout aille mieux. Or ils croissent depuis dix ans mais le mécontentement des Français face au fonctionnement du service public de la justice, lui, est stable, voire en augmentation.

Il convient donc de distinguer entre l'organisation du service public et les principes de fonctionnement de la magistrature. En France, notre tradition est d'avoir une magistrature ouverte, parce que fondée sur la capacité - ce principe est d'ailleurs inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme - et non sur la seule compétence. Or vous mélangez sans cesse les deux. Nous nous fondons sur la capacité que notre pays dispose d'un corps de magistrats ouvert qui associe juges non professionnels et professionnels.

Je pose la question : l'arrivée d'un magistrat supplémentaire dans les tribunaux d'instance n'est-elle pas de nature à améliorer le traitement de l'ensemble du contentieux de la vie quotidienne ? Au caractère individualiste, personnel, de la démarche des juges, ne faut-il pas préférer une démarche collective ? Nous constatons que, dans certains domaines, notamment l'instruction, on met en place des équipes, des binômes, et que l'on souhaite développer les assistants de justice. Dès lors, pourquoi serait-il impossible d'envisager, au sein des juridictions de proximité, une collaboration harmonieuse et efficace entre juges non professionnels et professionnels ?

C'est le pari que fait la majorité. Aussi ne voterons-nous pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Dans cette proposition de loi - je devrais dire ce projet de loi, tant l'inspiration gouvernementale est évidente -, le ministre a été le mauvais esprit et sa majorité la docile et fidèle plume.

Ne caricaturez pas, monsieur le garde des sceaux, la position de l'opposition. Je ne fais pas de procès au ministre et à la majorité, qui souhaitent certainement améliorer la proximité de notre justice, mais j'estime que le chemin qu'ils empruntent n'est pas le bon. Comme l'a dit M. Vallini, ces dispositions vont complexifier notre système judiciaire et en amoindrir l'efficacité. Il en résultera moins de légitimité professionnelle et moins de légitimité sociale. C'est une autre voie qu'il faut prendre pour créer les conditions d'une véritable justice de proximité. Et que l'on n'essaie pas de nous faire croire qu'échevinage et justice de proximité, c'est la même chose.

Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a affirmé que la Constitution ne s'opposait pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale, dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Or la proposition de loi lui confère ce pouvoir. Elle fera même du juge de proximité l'arbitre de la sanction pénale en cas de désaccord entre deux juges professionnels, lui donnant ainsi un pouvoir supérieur à celui de chacun d'eux.

D'une juridiction correctionnelle à l'autre, les justiciables connaîtront des situations inégales. Insidieusement se met en place une justice à plusieurs vitesses que nous ne saurions cautionner. C'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002 a défini des objectifs prioritaires pour cinq ans, parmi lesquels figure l'amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens et de l'accès des citoyens au droit et à la justice.

Les moyens nécessaires à l'accomplissement de ces objectifs ont augmenté de manière significative. On assiste à une sanctuarisation des dépenses de justice qui correspond à l'une des priorités du Gouvernement et de sa majorité. La part du budget de la justice dans le budget de l'État est en constante augmentation, passant de l,62 % en 2000 à 1,89 % dans le projet de loi de finances pour 2005. Il en est de même pour la création de postes de magistrats : la loi de programmation et d'orientation a prévu 950 postes d'ici à 2007 ; 330 ont déjà été créés et 100 nouveaux postes sont inscrits dans le budget pour 2005.

Malgré tous ces efforts, l'opinion des Français sur le fonctionnement de la justice est plutôt mauvaise. Ainsi, selon un récent sondage réalisé au mois d'octobre 2004, 70 % des personnes interrogées estiment que la justice fonctionne mal, 27 % seulement qu'elle fonctionne bien.

M. André Vallini. Ah !

M. Émile Blessig. Quand on s'intéresse à la justice, monsieur Vallini, on ne peut pas se réjouir de tels chiffres, car ils sont constants.

M. André Vallini. Je ne m'en réjouis pas !

M. Jean-Pierre Blazy. Ils nous désolent !

M. Émile Blessig. Nous sommes tous désolés, mais certains cherchent à améliorer la situation pendant que d'autres critiquent.

Il ressort également de ce sondage que les deux seuls domaines dans lesquels les Français estiment que les choses se sont améliorées au cours des dix dernières années sont la lutte contre la grande criminalité et la justice de proximité. Nous sommes donc sur la bonne voie et nous devons continuer à travailler en ce sens. Il faut en conclure que l'augmentation des moyens budgétaires et humains n'est pas une fin en soi et qu'elle doit être accompagnée d'une réforme des modes de fonctionnement. Aussi devons-nous faire preuve de créativité et d'inventivité pour rendre le service public de la justice plus efficace. À cet égard, l'instauration d'une juridiction de proximité est un réel outil d'amélioration de notre système judiciaire.

La présente proposition de loi a pour objet de poursuivre la réforme engagée en 2002, en améliorant les modalités d'organisation et de fonctionnement des trois juridictions de base que sont le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et la juridiction de proximité. S'il faut clarifier les compétences de chacun, c'est parce qu'une organisation judiciaire accessible exige que ces compétences soient lisibles.

Je ne reviendrai pas sur toutes les dispositions du texte, que notre rapporteur vient d'exposer, mais j'insisterai sur deux points.

Au civil, le texte prévoit une extension du taux de compétence du juge de proximité jusqu'à 4 000 euros. Cette extension permettra d'accroître la part des litiges examinés par cette juridiction, aujourd'hui limitée à 5 % du contentieux relevant du tribunal d'instance. Elle permettra donc d'alléger la charge de travail des juges d'instance pour leur permettre de se concentrer sur les dossiers délicats qui sont plus chronophages.

Le tribunal d'instance est confirmé dans ses fonctions de juge de l'habitation et du crédit. Il est par ailleurs compétent, à charge d'appel, pour toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros. Quant au tribunal de grande instance il est juge de la propriété, dans un souci de clarification.

Au pénal, le juge de proximité décharge le tribunal de police des contraventions des quatre premières classes : l'expérience a prouvé son efficacité dans ce rôle. Par souci de rationalisation et de lisibilité, les contraventions de cinquième classe sont réservées au tribunal de police.

Par ailleurs, la possibilité est offerte aux juges de proximité de siéger en qualité d'assesseur au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel. Il s'agit là d'un premier pas vers l'échevinage qui, bien que réclamé, est aussitôt critiqué dès que l'on fait un pas dans cette direction. Il serait donc souhaitable que ceux qui émettent ces critiques fassent preuve d'un peu plus de cohérence dans leur approche de ce texte.

Ceux qui s'opposaient à la loi organique relative aux juges de proximité invoquaient les risques liés au manque de compétence de ces juges non professionnels. C'était un faux débat. En effet, pourquoi des litiges importants en matière de commerce, de baux ruraux ou de droit social relèveraient de la compétence de juges non professionnels, alors que ceux de la vie quotidienne exigeraient un juge professionnel ? C'est une question de capacité et d'organisation du travail des juridictions de proximité.

Les critères exigés par le Conseil supérieur de la magistrature pour le recrutement de ces juges nous rassurent sur leurs compétences. Pour ce qui est de leur indépendance, la loi a fixé des règles afin de la sauvegarder. Et je fais confiance au CSM pour juger de la capacité des futurs juges de proximité à traiter les affaires qui leur sont confiées.

Aujourd'hui, on met plutôt l'accent sur le risque d'une absence d'impartialité des juges non professionnels. L'impartialité est une condition nécessaire à tout magistrat, mais il n'y a aucune garantie absolue qui assure de son existence chez le magistrat professionnel. Toute la difficulté de concilier indépendance et impartialité doit trouver sa solution dans une organisation globale de la justice qui donne des garanties. Concernant les juges de proximité, des règles d'incompatibilité entre leur fonction de juge et l'exercice d'une activité professionnelle ont été clairement fixées.

L'institution de la justice s'honore de mettre en place des systèmes de régulation et de contrôle qui permettent d'éviter les dérives individuelles. Toutefois, celles-ci existent, qu'il s'agisse de juges professionnels ou de juges non professionnels. C'est donc faire un procès d'intention que d'insister lourdement sur ces risques à propos des seconds.

En conclusion, la vraie question à laquelle nous sommes confrontés est de savoir comment améliorer le fonctionnement de la justice et optimiser l'augmentation des moyens alloués, afin que le service public de la justice regagne la confiance des citoyens. Les réformes sont indispensables et elles continueront, notamment par la mise en œuvre de la nouvelle architecture budgétaire définie par la LOLF, qui renforcera, et c'est normal, l'exigence d'efficacité et de lisibilité de l'utilisation des fonds publics.

L'œuvre de justice ne s'arrête pas à la décision prise par un magistrat dans le secret de son cabinet. L'analyse juridique du jugement n'a de sens que si cette décision se concrétise dans une action au service du justiciable et de la société. C'est vers ce passage d'une action intellectuelle et individuelle à une action collective au service des citoyens que doit s'orienter le service public de la justice.

De ce point de vue, la réforme ou l'aménagement de la justice de proximité que propose ce texte va dans ce sens.

Le chemin est encore long, mais nous le parcourons avec détermination. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP soutient l'institution du juge de proximité, et votera les améliorations proposées par ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étendre le champ d'intervention des juges de proximité est pour le moins étrange compte tenu des difficultés rencontrées aujourd'hui par cette nouvelle juridiction.

Je tiens d'abord à souligner qu'il paraît inconcevable d'étendre le champ de compétence des juges de proximité alors que nous ne disposons d'aucun bilan officiel, objectif et complet. La loi d'orientation et de programmation pour la justice votée en 2002 prévoyait un bilan en 2004, que nous attendons toujours. Pourquoi ce retard ? Sans doute pour masquer la réalité d'un échec, car de toute évidence la justice de proximité que vous avez mise en place fonctionne très mal.

Vous avez été incapables de mettre en place les juridictions de proximité selon les objectifs que vous vous étiez fixés. Selon la loi du 9 septembre 2002, 3 300 juges de proximité devaient être recrutés. Or seulement 175 juges de proximité - c'est le rapporteur qui le dit - ont été nommés en deux ans. Ils devaient être 300 à la fin de l'année. Mais, de toute évidence, ce chiffre ne sera pas atteint. Compte tenu de la faiblesse de ces recrutements, quelle efficacité pouviez-vous espérer ?

Peut-être est-ce cette faiblesse des effectifs qui vous empêche de dresser un bilan complet. Étant donné que la majorité de ces juges ont pris leurs fonctions en mai, septembre, voire octobre dernier, j'avoue qu'il est difficile de tirer les leçons de ce qu'ils ont pu faire ou ne pas faire. Les juges de proximité sont présents dans seulement 29 cours d'appel sur un total de 35 : 6 ressorts de cour d'appel en sont dépourvus. Nous sommes bien en deçà des objectifs affichés.

De plus, l'activité de ces juges de proximité est très faible. Le contentieux civil porté devant les juridictions de proximité représente moins de 5 % de celui relevant des tribunaux d'instance. Alors que la justice de proximité avait aussi pour prétention de soulager les tribunaux engorgés, cet objectif n'est même pas atteint.

En ce qui concerne la formation, il est indéniable que la compétence des juges de proximité est sujette à caution.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter ce que disent les associations et syndicats de magistrats ou les formateurs de ces juges. D'ailleurs, le rapport de M. Garraud fait au nom de la commission des lois souligne les carences de cette formation. Il souligne les difficultés importantes rencontrées notamment dans la tenue des audiences et la rédaction des jugements, qui sont pourtant des moments essentiels de la procédure.

De nombreux juges de proximité ont déjà démissionné, estimant que leur formation n'était pas suffisante et qu'ils n'avaient pas la qualification nécessaire pour remplir la tâche qui leur était confiée.

M. Guy Geoffroy. C'est faux !

M. Jean-Pierre Blazy. Cinq jours de stage à l'École nationale de la magistrature, ce n'est pas suffisant. Le problème de formation n'est pas lié aux difficultés de mise en place d'une nouvelle juridiction, il est structurel.

Je prends l'exemple de ce que j'ai constaté dans le Val-d'Oise pour illustrer la situation nationale. Dans ce département, seulement cinq juges de proximité sont en fonction alors qu'une douzaine de juges étaient annoncés pour 2004. On dénombre également pas moins de six démissions de juges qui ne se sentaient pas suffisamment compétents et formés.

Il faut aussi remarquer, comme on pouvait le prévoir, que les juges de proximité en exercice sont plutôt âgés - en moyenne 58 ans pour les hommes et 47 ans pour les femmes. Ils poursuivent souvent une activité professionnelle, surtout quand ils sont issus des professions libérales, ce qui peut aussi faire courir le risque de voir surgir des conflits d'intérêt. On pourrait comprendre que les acquis professionnels et leur longue expérience de la vie puissent constituer des atouts dans l'exercice de leur fonction de juge, ce qui de ce point de vue les rapprocherait quelque peu de l'échevinage. Mais votre réforme, en tentant de les professionnaliser davantage, va leur faire perdre cette qualité. Finalement, votre réforme est hybride. Elle ne relève pas de l'échevinage, elle ne fera pas non plus des juges de proximité des juges professionnels.

Formation insuffisante, mise en place chaotique, absence de bilan... Il est pour le moins paradoxal dans ce contexte de vouloir étendre les compétences des juges de proximité. À l'évidence, votre justice de proximité ne fonctionne pas, mais vous choisissez la fuite en avant en décidant de renforcer la compétence des juges de proximité.

Vous augmentez la valeur du litige qui détermine la compétence du juge de proximité en relevant le seuil des litiges de 1 500 à 4 000 euros. Vous étendez son périmètre d'intervention à des sommes plus importantes alors que le juge de proximité n'a pas les garanties suffisantes et juge toujours sans appel possible.

Pire, les juges de proximité pourront désormais participer au prononcé de mesures privatives de liberté puisqu'ils peuvent éventuellement siéger comme assesseurs dans les audiences correctionnelles aux côtés de deux magistrats professionnels. À ce titre, ils assistent à l'audience et au délibéré. À la discrétion des présidents des tribunaux de grande instance, les justiciables pourront être jugés soit par trois juges professionnels, soit par deux juges professionnels et un juge de proximité. Cela introduit une inégalité qui n'est pas acceptable : les justiciables ne sont pas traités de manière équitable.

La juridiction de proximité ayant été mise en place dans des conditions très approximatives, les juges rencontrent des problèmes logistiques et juridiques importants. Il existe pourtant déjà une justice de proximité plus efficace - qui ne semble pas avoir votre préférence, monsieur le ministre - bien rendue par nos juges d'instance, malgré les difficultés qu'ils rencontrent. Ainsi, il aurait été plus judicieux de renforcer les effectifs des tribunaux d'instance, de créer non seulement des postes de juge mais aussi de greffiers et de personnels auxiliaires. On le fait, mais pas suffisamment. En notre temps, nous l'avons fait également, mais la justice était dans une situation tellement désastreuse en 1997 que cinq ans n'ont pas suffi.

M. Guy Geoffroy. Cinq ans de socialisme !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, le budget de la justice voit ses crédits augmenter de 4 % en 2005, mais le problème essentiel de notre justice reste celui des moyens. Il faut également renforcer le réseau des maisons du droit et de la justice, recruter davantage de conciliateurs et de médiateurs - un dispositif qui, lui non plus, n'a pas vos faveurs. Bref, il faut développer cette justice de proximité qui à la fois désengorgera les tribunaux de ce que vous appelez « les petits litiges » et en même temps favorisera le rapprochement de la justice et des citoyens. C'est cette justice de proximité que nous avons essayé de développer qu'il faut continuer à développer encore.

La justice de proximité que vous nous proposez aujourd'hui n'est qu'une justice au rabais utilisée pour faire l'économie du recrutement de juges professionnels. Les juges de proximité sont présentés comme une solution permettant de rapprocher la justice du citoyen mais servent en fait à fournir à la justice des magistrats bon marché.

Vous pourriez nous rappeler que Lionel Jospin avait proposé dans sa campagne présidentielle la création de juges de proximité, sans en préciser alors la définition.

M. Guy Geoffroy. N'ayez crainte : j'ai bien l'intention d'en parler ! Quant à la définition en question, vous seriez bien incapable de la donner !

M. Jean-Pierre Blazy. Mais à la réflexion, et à la lumière de votre expérience négative je pense que c'était une erreur.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Une très mauvaise idée !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, la justice est toujours imparfaite, mais l'incompréhension grandissante dont elle fait l'objet chez nos concitoyens tient à ce qu'ils la perçoivent comme trop lente et trop éloignée d'eux. D'où l'intérêt de réfléchir à la question de l'échevinage, qui autoriserait la présence de citoyens non professionnels de la justice dans les audiences.

La justice est rendue au nom du peuple français. L'échevinage permettrait de faire participer les citoyens à l'institution judiciaire et constituerait un moyen de remédier à l'incompréhension profonde qui existe souvent entre les juges et la société. Un système d'échevinage, avec un professionnel et deux assesseurs élus, au premier comme au second degré de juridiction, mériterait d'être examiné. Ce système fonctionne plutôt bien là où il est actuellement expérimenté : dans les chambres commerciales des tribunaux de grande instance en Alsace-Lorraine et au sein de certaines juridictions spécialisées dans toute la France, tels les prud'hommes ou le tribunal pour enfants. On pourrait envisager d'étendre ce dispositif à l'ensemble de notre justice.

Vous pourriez me dire, monsieur Geoffroy, que nous ne l'avons pas fait entre 1997 et 2002,...

M. Guy Geoffroy. Par exemple !

M. Jean-Pierre Blazy. ...mais vos erreurs actuelles nous incitent à poursuivre la réflexion pour demain.

M. Guy Geoffroy. Pirouette !

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument pas. Nous menons notre réflexion à la lumière de vos erreurs, afin d'en tirer des enseignements pour l'avenir. C'est notre rôle en tant que membres de l'opposition.

M. Guy Geoffroy. Ce sont vos erreurs qui nous ont éclairés !

M. Jean-Pierre Blazy. Finalement, monsieur le ministre, le Gouvernement et la majorité récidivent dans l'erreur. Vous nous proposez une justice artisanale au rabais, une justice dite de proximité dont vous voulez accroître les compétences alors qu'elle ne fonctionne pas, et qui nous paraît présenter un réel danger tant pour les justiciables que pour l'institution elle-même. Vous serez alors responsables d'une plus grande désaffection des Français et d'un plus grand isolement de la justice.

C'est pourquoi les socialistes défendront pour l'essentiel des amendements de suppression et voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

(Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois d'août 2002, lors de la session extraordinaire, nous étions réunis pour débattre de la loi d'orientation et de programmation de la justice qui devait instituer à terme la justice dite de proximité, une idée que l'UDF défendait depuis longtemps. Malgré une appellation peu appropriée, nous avions alors émis le souhait que ces nouveaux juges ne soient pas des juges au rabais, sous tutelle.

En effet, leur compétence était limitée au seuil de 1 500 euros, seuil qui nous paraissait bien faible au regard des nombreux besoins. De même, nous nous étions prononcés en faveur d'une procédure simplifiée et allégée. Nos collègues sénateurs ont déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui et dont l'objet principal consiste à élargir le champ de compétence des juges de proximité. Ils proposent de modifier la répartition de certaines compétences entre juridictions civiles et pénales afin de rendre plus lisible notre organisation judiciaire. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette initiative pour laquelle l'UDF a milité dès 2002. Devant l'insuffisance de statistiques analytiques concernant l'activité des juges de proximité, il était urgent de réagir.

Le texte propose également de faire appel aux juges de proximité pour compléter les formations collégiales des tribunaux correctionnels. Afin d'élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, il nous est proposé de passer du seuil de 1 500 euros à 4 000 euros et de supprimer l'exclusion des litiges d'intérêt professionnel ainsi que ceux intéressant les personnes morales. Par conséquent, il convient tout naturellement de relever à 10 000 euros le seuil d'intérêt du litige des tribunaux d'instance afin de ne pas réduire leur champ de compétence.

Faire appel aux juges de proximité pour compléter les juridictions collégiales correctionnelles présente l'avantage de permettre aux juges professionnels, qui restent majoritaires, de bénéficier du concours d'hommes d'expérience. Il constitue également un premier pas vers l'échevinage.

Il est prévu également de regrouper les compétences d'attribution en réunissant notamment les litiges relatifs aux baux. Réserver une compétence exclusive au tribunal de grande instance pour les litiges relatifs au statut de la copropriété, ou encore donner au tribunal d'instance la connaissance du contentieux du crédit à la consommation, nous paraît relever d'un louable souci de lisibilité et de cohérence.

Voilà en quelques mots les points majeurs de cette réforme qui recueille toute notre approbation.

Permettez-moi toutefois d'insister sur le statut et les conditions d'exercice des juges de proximité. Comme le soulignait notre collègue sénateur Pierre Fauchon : « Il est nécessaire que ces juges répondent pleinement à la demande d'une justice qui corresponde effectivement à la notion de proximité au sens non seulement physique du terme, mais également moral et procédural ».

Repenser l'organisation en les regroupant au sein d'une justice d'instance ou conserver la formule adoptée d'une juridiction autonome, telle qu'elle existe actuellement, est une question à laquelle nous devrons réfléchir à terme. Après quelques années de pratique, nous devrons dresser un bilan.

Il ne faudra pas hésiter alors à revoir cette organisation en profondeur, si d'aventure le bilan faisait apparaître des dysfonctionnements statutaires.

Je crois qu'il nous faut garder présent à l'esprit l'intérêt général que nous poursuivons tous, a fortiori au moment où le lien de confiance entre la justice et nos concitoyens se distend de plus en plus.

En outre, le développement de cette justice de proximité doit s'accompagner des moyens budgétaires que cette réforme implique. Et il convient notamment d'accélérer le recrutement des juges de proximité.

Que le nombre d'affaires relevant de leur compétence ne représente que 5 % du contentieux civil des tribunaux d'instance montre la faiblesse de leur implication. Vouloir augmenter ce pourcentage est bien sûr un gage de crédibilité et d'utilité de cette juridiction, mais il faudra s'en donner les moyens. Le rythme de recrutement est bien trop faible et l'objectif de 3300 juges d'ici à 2007 nous paraît inaccessible. Il convient donc d'accélérer l'examen des dossiers de candidature tout en garantissant la qualité du recrutement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Absolument ! Nous sélectionnons !

M. François Rochebloine. Telles sont les réflexions que je souhaitais porter à votre connaissance au nom de l'UDF, qui votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de loi est la transcription exacte des annonces que vous aviez faites, monsieur le garde des sceaux, en septembre dernier. Elle vise à élargir les compétences des juges de proximité.

Les juges de proximité, créés par la loi du 9 septembre 2002, devraient être au nombre de 300 dès la fin de cette année, pour 3 300 prévus pour 2007.

La première promotion, composée de 27 juges de proximité, a été installée en septembre 2003, il y a à peine plus d'un an. Un an, c'est bien peu pour évaluer sérieusement les effets de cette création sur la qualité de notre justice et sa réelle contribution au désengorgement des tribunaux. Pourtant, vous avez d'ores et déjà décidé d'élargir leurs compétences en matière civile et pénale.

D'abord, ils pourront juger des litiges jusqu'à 4 000 euros, des litiges professionnels ainsi que ceux intéressant les personnes morales.

Ensuite, ils pourront siéger comme assesseurs au sein des formations collégiales des tribunaux correctionnels et, donc, de participer au prononcé de peines d'emprisonnement.

Vous aviez pourtant dit, monsieur le garde des sceaux, lors de la présentation de votre projet à la représentation nationale, que les juges de proximité auraient la charge des petits litiges de la vie quotidienne.

Pourra-t-on parler de « petits litiges de la vie quotidienne » après l'adoption de cette proposition de loi ? Raisonnablement non !

Nous entrons désormais dans une tout autre dimension qui, de fait, modifie considérablement la nature même de cette nouvelle juridiction.

Les nouvelles compétences conférées à cette juridiction en matière civile vont, notamment, faire entrer dans son contentieux un plus grand nombre d'affaires relevant du droit de la consommation. Or ces affaires deviennent de plus en plus complexes sur le plan juridique. Il en va ainsi du contentieux des contrats de vente par correspondance, des contrats de vente à domicile, des contrats de location de longue durée, des contrats d'abonnement de téléphonie portable, des contrats d'assurance, etc.

C'est pourquoi, dès le mois de septembre, les grandes associations de défense de consommateurs se déclaraient inquiètes et demandaient au Gouvernement de revoir sa position. Il ne faut pas oublier que, dans ce genre d'affaires, le particulier se présente souvent sans avocat, face à une entreprise qui, elle, est très bien défendue.

Par ailleurs, il serait particulièrement naïf de croire que le montant de la somme en jeu détermine le niveau de complexité d'une affaire. Et il serait particulièrement malhonnête de faire croire qu'une affaire portant sur une somme modique est nécessairement simple à juger, les juristes ici présents ne me contrediront pas.

La question de la formation des juges de proximité est par conséquent primordiale, tant les litiges concernés peuvent être complexes. Or, un an après leur mise en place, la qualité et la durée de leur formation sont largement contestées.

Certains, conscients de leurs carences face à l'étendue de leur mission, ont même préféré démissionner : une vingtaine sur 170, ce n'est pas rien !

Cinq jours de formation théorique et un stage en juridiction sont manifestement insuffisants pour la plupart d'entre eux. Ce ne sont pas tous d'anciens magistrats ! Et connaître le droit ne suffit pas à donner les compétences nécessaires à un magistrat. Sinon, pourquoi se verraient-ils dispenser une formation de trois ans à l'issue de leurs quatre ou cinq années de droit ? Les règles de procédure ne s'apprennent pas en huit jours de formation et les réflexes liés à cette fonction ne s'acquièrent pas en vingt-quatre jours de stage.

Selon la présidente de l'Association nationale des juges d'instance, certains juges de proximité se croient dispensés d'appliquer les règles de droit et de procédure pour juger en équité. Cela n'est bien évidemment pas acceptable.

Une présidente de tribunal de grande instance n'a pas hésité, quant à elle, à dénoncer des jugements truffés de bourdes, pour reprendre son expression, et un juge de proximité a même parlé d'escroquerie à propos de la formation qu'il a reçue.

Ces faiblesses patentes pourraient au moins être compensées par la possibilité de faire appel des décisions rendues. Vous avez fait le choix inverse, au motif que le tribunal d'instance statue en dernier ressort jusqu'à 3 800 euros. Certes, mais vous oubliez sans doute trop vite que nous avons affaire ici à des juges non professionnels dont la formation est insuffisante et que la règle du dernier ressort a été établie alors que les magistrats étaient tous professionnels.

Autoriser l'appel limiterait les risques d'erreur et les justiciables pourraient ainsi accorder plus facilement leur confiance à cette nouvelle juridiction.

Il est également prévu que les juges de proximité auront désormais à connaître des litiges d'intérêt professionnel ainsi que ceux intéressant les personnes morales : voilà une modification qui contredit également la philosophie initiale de ce texte.

Mais, venons-en à la possibilité désormais donnée aux juges de proximité de participer à des décisions en matière correctionnelle. Ils pourront en effet siéger aux côtés de deux magistrats professionnels dans les formations collégiales correctionnelles.

Lors de la discussion de votre projet de loi organique, vous aviez pourtant déclaré, monsieur le garde des sceaux, que jamais les juges de proximité n'auraient à participer à des jugements pouvant donner lieu à des peines privatives de liberté.

Au-delà de ce revirement, cette disposition va à l'encontre de la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002 sur les juges de proximité, selon laquelle « la Constitution ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale dès lors qu'il ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ».

J'ai certes pris connaissance de l'échange au Sénat sur le point de savoir si le Conseil constitutionnel visait ici le juge de proximité ou la juridiction de proximité. Mais je rappelle simplement que « juridiction » est, selon le Vocabulaire juridique de M. Gérard Cornu, synonyme de «juge » et que le mot « juge » désigne au sens générique toute juridiction.

Par conséquent, le juge de proximité, partie intégrante de la juridiction correctionnelle, aura le pouvoir de prononcer, au même titre que les deux autres magistrats professionnels, des mesures privatives de liberté. Par l'adoption de ce seul dispositif, le Parlement s'expose donc à la censure du Conseil constitutionnel.

Il est vrai, monsieur le garde des sceaux, que vous aviez, à cette étape de l'application de la loi sur les juridictions de proximité, à faire face à une vraie difficulté. Alors qu'à peine un dixième des juges prévus ont été recrutés, ceux-ci sont sous-employés et ne viennent donc nullement désengorger les tribunaux d'instance.

Un président de tribunal s'est livré à un petit calcul. Je le cite : « En déléguant loyalement tout ce qui relève de cette nouvelle juridiction, c'est-à-dire 3 % de l'activité de mon tribunal, je peux occuper 0,66 % d'un juge de proximité. Or on m'en destine douze. Soit j'en utilise un pendant huit mois, soit je les fais tourner, et chacun ne revient qu'une fois tous les dix-huit mois ».

Pour régler cette situation ubuesque, vous avez donc décidé de leur confier plus d'affaires, tant au civil qu'au pénal. Pourquoi se précipiter et persister dans une voie qui n'est manifestement pas la bonne ?

Prenons le temps, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, de mesurer les effets de la mise en place de cette nouvelle juridiction, afin de pouvoir en corriger les défauts ou d'admettre que sa création était une erreur.

D'autres voies sont possibles pour mettre en place une véritable justice de proximité au service des justiciables. Nous en avions esquissé quelques-unes lors du débat sur la loi instituant ces nouveaux juges : le renforcement des effectifs des tribunaux d'instance, outil de proximité s'il en est - et je rappelle que le recrutement de 3 300 juges de proximité équivaut au recrutement de 330 magistrats à plein-temps -, la multiplication des conciliateurs et des médiateurs, et la réforme de la carte judicaire.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait le choix, avec le soutien de votre majorité, du spectaculaire au détriment de l'efficace. Certes, l'annonce du recrutement de 3 300 juges de proximité a l'avantage d'être photogénique, mais vous ne pourrez pas corriger indéfiniment la photo.

Pour notre part, nous continuons à appeler de nos vœux une justice proche des justiciables, compréhensible et accessible pour tous. Ce n'est pas la voie que vous avez choisie, nous le regrettons. Nous sommes favorables à la justice de proximité, vous ne pouvez pas nous faire un mauvais procès à cet égard. Malheureusement, vous n'en prenez pas le chemin : le groupe des députés communistes et républicains s'associera donc à tous les amendements de suppression et votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question sur laquelle nous avons à statuer aujourd'hui est une question certes technique, mais également politique, au sens le plus noble du terme. Il nous faut en effet faire un premier bilan de l'activité des juges de proximité, et d'en tirer les conséquences.

Nous avions déposé à l'Assemblée une proposition identique à celle qu'a examinée le Sénat. Nous voulions cette extension de compétences, rejoignant en cela les préoccupations du Gouvernement - n'en déplaise à certains, la mise en place de la justice de proximité a été positive -, pour enraciner cette nouvelle forme de justice au quotidien, de manière pragmatique et déterminée. C'était indispensable : en effet, les dysfonctionnements qu'elle connaît peuvent laisser penser à nos concitoyens que l'institution judiciaire lui porte un moindre intérêt.

C'était bien ce qui était au cœur des réflexions de l'ensemble des candidats à l'élection présidentielle de 2002. Je vais me répéter mais, de toute façon, j'avais décidé de le faire : sur deux sujets qui me tiennent particulièrement à cœur, les centres éducatifs fermés et la justice de proximité, il y avait une similitude étonnante, mais aussi rassurante pour l'homme de bonne foi, entre le programme présidentiel du candidat Jospin - pour partie de la plume de M. Vallini, il me l'a dit lui-même - ...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il faudrait que M. Blazy se mette d'accord avec lui !

M. Guy Geoffroy. ...et les propositions d'autres candidats, dont celle du président sortant. La confrontation des documents laissait penser que le pragmatisme régnait partout et que l'idéologie s'évanouissait au service de l'intérêt de nos concitoyens.

Cher collègue, vous avez dit tout à l'heure, dans un remords rétrospectif qui ne trompera personne, que vous regrettiez d'avoir eu cette idée. Mais comment se fait-il qu'avant même d'avoir pu en juger, vous ayez déclaré qu'un tel dispositif ne fonctionnerait pas ?

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons eu raison !

M. Guy Geoffroy. La réponse est simple : vous aviez décidé qu'il en serait ainsi et vous avez recherché des informations...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Partiales !

M. Guy Geoffroy. ...à l'évidence partisanes. Vous êtes allés vers ceux - et il y en a, pourquoi le nier - qui considèrent que le dispositif n'est pas encore abouti et que certains blocages...

M. Jean-Pierre Blazy. Pas des blocages, des insuffisances !

M. Guy Geoffroy. ...nécessitent de le faire progresser.

Pour ma part, je n'ai pas le même sentiment, et Jean-Paul Garraud partagera sans doute cet avis. Lorsque nous avons accompagné M. le ministre au tribunal de police de Paris, nous n'avons pas fabriqué à l'avance un dialogue avec des répliques dictées à la virgule près. Nous avons rencontré une présidente tout à fait confiante et des juges conscients de leurs responsabilités, mobilisés par leurs missions, convaincus que l'on pouvait leur faire confiance.

Mme la présidente. Vous avez atteint la limite de votre temps de parole.

M. Guy Geoffroy. Je termine, madame la présidente.

Nous avons également rencontré des formateurs et les organisateurs chargés de la mise en place de l'ensemble du dispositif. Nous en sommes ressortis avec le sentiment que la justice de proximité était en marche, qu'il ne fallait pas la bloquer mais au contraire lui donner sa chance.

Le texte qui vous est proposé n'est pas un texte révolutionnaire, mais un texte de continuité. Il entend élargir les compétences de la juridiction d'instance pour asseoir celles de la justice de proximité, compte tenu d'une sous-utilisation de ses juges. C'est une nécessité, ce n'est pas un drame !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est un aveu de faiblesse !

M. Guy Geoffroy. Permettre que, au plan pénal, la justice de proximité pénètre dans la justice correctionnelle dans des conditions bien définies constitue une avancée qui libérera des juges professionnels pour les affecter là où ils manquent.

Madame la présidente, veuillez m'excuser d'avoir abusé de votre bienveillance mais me voilà parvenu à ma conclusion. Pour ceux qui pensent avant tout à l'intérêt de leurs concitoyens et qui font fi d'une idéologie qui fait perdre son temps à notre pays, la justice de proximité d'aujourd'hui et de demain passe par les développements proposés dans ce texte que les députés du groupe UMP soutiendront sans défaillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Madame la présidente, je veux revenir sur les différentes interventions pour donner des informations à l'Assemblée.

Divers orateurs ont évoqué le niveau de l'activité des juges de proximité, à propos de laquelle je citerai quelques chiffres. Aujourd'hui, celle-ci représente 5 % de l'activité du tribunal d'instance au civil et 20 % au pénal. Après la réforme, on arriverait à un taux de 20 % au civil et de 100 % pour les quatre premières classes de contraventions au pénal.

Par ailleurs, monsieur Vallini, il n'y a rien d'anormal lorsque l'on innove, comme l'a fait la majorité en septembre 2002 en créant cette juridiction, d'avoir ensuite à recaler le niveau de compétence afin d'assurer une activité normale. Prétendre comme vous l'avez fait que ce serait le signe d'un échec est un argument grotesque.

En outre, je veux corriger une information erronée qui a été donnée à cette tribune : aucun juge de proximité en fonction n'a démissionné. En revanche, des personnes en cours de formation ont souhaité arrêter leur stage.

M. Jean-Pierre Blazy. Il y donc bien eu des démissions ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le garde des sceaux. Vous avez parlé de trente juges qui auraient démissionné parce qu'ils n'étaient pas satisfaits de l'exercice de leurs fonctions. Or ils étaient seulement en cours de recrutement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Exactement !

M. le garde des sceaux. Il faut savoir reconnaître ses erreurs, ou alors il est inutile de débattre dans cet hémicycle.

M. Pierre Hellier. Nos collègues font de la désinformation !

M. le garde des sceaux. J'indique également que 305 juges de proximité seront en fonction au début du mois de janvier.

Opposer la mise en place de la justice de proximité et le renforcement des moyens accordés à la justice traditionnelle est tout aussi grotesque. Rappelons que votre assemblée a voté, dans le cadre de la loi de programmation, la création de 950 postes de juges professionnels. Sur les 7 200 existants, cela représente une proportion considérable. Aller au-delà aboutirait, je l'ai déjà dit ici il y a deux ans, à une transformation profonde de la nature des fonctions qu'ils exercent et je souhaite qu'ils restent à un niveau de responsabilité élevé. Il ne faut pas aller plus loin en matière de créations de postes. En outre, il me paraît utile de mettre en place des juges non professionnels à travers la justice de proximité. Depuis la fin de l'année 2002, nous en sommes déjà à 430 postes budgétaires supplémentaires pour les juges et 1 300 pour les greffiers. Voilà qui montre que l'on peut tout à la fois renforcer les moyens de l'institution judiciaire professionnelle et ouvrir de nouvelles perspectives avec la justice de proximité.

Comme l'a dit Guy Geoffroy tout à l'heure, le choix est politique. La question est de savoir, mesdames, messieurs les députés, si nous voulons ouvrir l'institution judiciaire sur la société civile.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. le garde des sceaux. La réponse du Gouvernement, et je l'espère de la majorité également, est oui car nous estimons qu'un mélange de cultures et une autre vision de la réalité sociale et économique sont nécessaires pour que la justice dans sa globalité fonctionne de manière satisfaisante. En allant dans ce sens, nous apportons une partie de réponse au sentiment d'insatisfaction qu'expriment parfois nos concitoyens à propos de la justice. C'est cela l'essentiel, au-delà des questions techniques que nous allons maintenant examiner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 10.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. Par cet amendement, nous entendons supprimer l'article 1er qui conduit à transférer aux tribunaux d'instance l'engorgement dont souffrent les tribunaux de grande instance.

J'ajoute, monsieur Geoffroy, que M. Blazy n'a pas dit qu'il regrettait que nous ayons proposé d'instaurer des juges de proximité lors de l'élection présidentielle de 2002. Ce qu'il a sans doute voulu dire, et je m'en suis entretenu avec lui à l'instant, c'est que nous n'avions pas assez précisé ce que seraient nos juges de proximité, qui n'auraient rien eu à voir avec les vôtres.

M. Guy Geoffroy. Il n'a jamais dit ça, le compte rendu fera foi !

M. André Vallini. Ce que voulait faire Lionel Jospin et ce que nous voulons toujours faire si demain nous revenons aux responsabilités, c'est aller vers une justice citoyenne fondée sur l'échevinage. Pour nous, il s'agit d'associer des citoyens à la fonction de justice et non, comme vous le faites, de permettre à des non-professionnels, mal formés, d'exercer des fonctions juridictionnelles importantes, ce qui constitue un danger.

M. Guy Geoffroy. Vous vous engluez dans vos contradictions !

M. André Vallini. Depuis deux ans, les faits nous ont donné raison : le dispositif fonctionne très mal.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. La suppression de l'article 1er reviendrait à priver la réforme de tout fondement. Tout au long de la séance, avec leurs amendements de suppression répétés, les membres de l'opposition montreront d'ailleurs que leur attitude n'est pas constructive. Leurs propos sont très caricaturaux et n'apportent pas de crédit à leurs démonstrations. Ils témoignent même d'un certain mépris pour les juges de proximité et pour cette réforme, pourtant très populaire, soulignons-le, puisque beaucoup de candidatures sont envoyées.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas sérieux !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Quand j'entends évoquer la nécessité de recruter davantage de juges d'instance, je retrouve le penchant de l'opposition à considérer la réforme de la justice avant tout sous l'angle des moyens.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est uniquement quantitatif, pour eux !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Mais cela ne suffit pas, il importe d'innover et de mener des réformes courageuses comme celle-ci.

Par ailleurs, vous prétendez qu'aucun bilan de cette réforme n'a été établi. C'est faux.

M. Jean-Pierre Blazy. Un bien maigre bilan !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il y a d'abord le bilan que j'ai dressé dans mon rapport sur avis sur le projet de budget du ministère de la justice. Il y a ensuite le bilan qui figure dans mon rapport sur la présente proposition de loi.

Forts de ces conclusions, nous faisons en sorte, dans un esprit constructif, que cette réforme s'applique car elle correspond à une vraie attente de nos concitoyens. Il s'agit de renforcer la cohérence du dispositif et d'apporter des clarifications, notamment en matière de répartition des compétences. Le tribunal d'instance n'aura en aucune façon à souffrir de la mise en place de la juridiction de proximité, bien au contraire, puisque celle-ci traitera certains contentieux dont il a la charge.

Parce que cet amendement, comme d'autres qui vont suivre, entend tuer cette réforme nécessaire, l'avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 11.

Est-il défendu ?

M. André Vallini. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle tendant à insérer, au début du premier alinéa de l'article 2, après le mot : « législatives », les mots : « ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions ». L'objectif visé est de soumettre les compétences du tribunal d'instance en matière de location d'immeubles aux mêmes réserves que celles prévues pour sa compétence générale en matière civile.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 1.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 12 tendant à supprimer l'article 3.

La parole est à M. André Vallini, pour le défendre.

M. André Vallini. Nous voulons supprimer l'article 3 car nous ne cessons de rappeler que l'extension des compétences des juges de proximité va aggraver encore l'échec de la réforme.

Je voudrais répondre à M. Garraud à propos du mépris que, selon lui, j'éprouverais. Tout à l'heure, j'ai parlé d'entêtement à M. le garde des sceaux, et d'autisme à l'égard des professionnels de la justice que sont les magistrats. Mais c'est vous, monsieur Garraud, qui me forcez à parler de mépris. C'est vous qui méprisez les magistrats, notamment ceux des tribunaux d'instance, puisqu'ils sont unanimes à dire que cette réforme est un échec. Les motions des assemblées générales du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance de Grenoble que j'ai lues tout à l'heure, croyez vous que je les aie sollicitées ? Je les ai reçues par courrier, comme mes neuf collègues de l'Isère, et je n'ai eu aucun contact avec ces magistrats qui, spontanément, ont décidé de voter ces motions qu'ils nous ont ensuite transmises. D'après vous, ces gens-là se trompent, tous autant qu'ils sont, du président jusqu'au greffier ? Et vous, vous avez raison ! Tous les syndicats de magistrats, de gauche comme de droite, sont contre votre réforme. Eux se trompent, mais vous, vous avez raison ? Si ce n'est pas du mépris, monsieur Garraud,...

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je ne souhaite pas polémiquer, ce n'est pas le lieu, même si les excès de langage de M. Vallini...

M. André Vallini. Lesquels ? C'est vous qui parlez de mépris !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. ...y invitent.

En ce qui concerne les réactions de la magistrature, que je connais passablement, nous avons eu l'occasion d'apprécier la mise en place de cette réforme en nous rendant sur le terrain.

M. Jean-Pierre Blazy et M. André Vallini. Un terrain bien balisé !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Nous avons vu la réforme en marche et nous avons entendu ce que plusieurs juges de proximité nous ont dit.

M. André Vallini. Je vous parle des juges professionnels !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Mais comme vous refusez la réforme par principe, vous faites feu de tout bois.

La suppression de l'article 3 remettrait tout simplement en cause la nouvelle compétence générale de la juridiction de proximité. Je rappelle tout de même qu'elle n'est nullement une juridiction « d'appoint », pour reprendre votre expression, mais un nouvel ordre de juridiction au sens du Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 19 et 23.

La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l'amendement n° 19.

M. André Vallini. Si par malheur cette réforme devait être adoptée, il faudrait pour le moins prévoir que les décisions des juges de proximité soient susceptibles d'appel. On donne beaucoup de pouvoir à des gens mal formés, peu au fait des questions juridictionnelles. Ils rendent la justice au nom du peuple français et leurs décisions ne sont pas susceptibles d'appel ! C'est une aberration juridique. Mesdames, messieurs de la majorité, réfléchissez bien avant d'accroître encore les compétences des juges de proximité et prévoyez au moins que leurs décisions, qui sont parfois aléatoires, voire fantaisistes, et même aberrantes, puissent être révisées en appel.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 23.

M. Michel Vaxès. Vous aurez compris d'après les propos de mon collègue qu'il s'agit d'un amendement de repli puisque nous sommes opposés à l'extension des compétences de la juridiction de proximité. Si toutefois cette proposition de loi devait être adoptée, ce dont je ne doute pas compte tenu du rapport de force dans l'hémicycle, nous voudrions que les jugements de ces tribunaux soient susceptibles d'appel. Ce serait une modification substantielle qui rendrait le texte plus acceptable.

La majorité nous objecte deux arguments.

Elle rappelle d'une part que le tribunal d'instance statue en dernier ressort jusqu'à 3 800 euros. Certes, mais la décision est prise par des magistrats professionnels, ce qui n'est pas le cas pour la juridiction de proximité. L'appel rendrait donc possible la correction d'éventuelles erreurs commises par des juges que nous estimons ne pas être suffisamment formés. Et ne venez pas nous accuser de mépris, monsieur Garraud. Je peux tout de même dire qu'une formation me paraît insuffisante sans pour autant être taxé de mépris. Ceux qui ont postulé aux emplois de juge de proximité ne sont pas responsables, c'est à un autre niveau que cela s'est décidé.

D'autre part, vous avancez qu'il est toujours possible de se pourvoir en cassation. Soit, mais alors comment parler de justice de proximité ? Un pourvoi, tout le monde le sait, coûte beaucoup plus cher au justiciable qu'un appel. La logique de proximité que vous revendiquez commande de pouvoir faire appel des décisions de la juridiction de proximité.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. S'agissant de la formation, qui revient souvent dans le débat, M. le garde des sceaux a indiqué que l'accroissement de la compétence des juges irait de pair avec une formation complémentaire qui sera assurée par l'École nationale de la magistrature, par des stages sur le terrain et par la formation continue. Je vous rassure : un plan de formation est prévu.

L'amendement vise à rendre toutes les décisions susceptibles d'appel. Je souligne, comme vous l'avez fait, que, jusqu'à présent, le juge d'instance statue en dernier ressort jusqu'à 3 800 euros. À quelques euros près, l'étendue des décisions du juge de proximité sera la même. Pour assurer la proximité de la décision qui est exécutée, il est aussi important de veiller à ne pas paralyser la justice, surtout en matière civile, par un appel systématique. Il faut que nos concitoyens obtiennent une réponse rapide aux petits litiges qui empoisonnent leur vie quotidienne. Or, en multipliant les voies de recours, on crée encore davantage de problèmes.

Enfin, en cas de difficulté juridique particulière, le juge de proximité peut toujours en référer au juge d'instance ; c'est un point important.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Pour répondre à M. Vallini, je vais donner quelques informations sur le profil-type des juges de proximité qui sont en place. Ce n'est pas inintéressant. Leur moyenne d'âge est de cinquante-huit ans pour les hommes et de quarante-sept ans pour les femmes. On dénombre 55 % d'hommes et 45 % de femmes. Le benjamin a trente-sept ans et le doyen soixante-treize ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Quel dynamisme !

M. le garde des sceaux. On en reparlera quand vous aurez cet âge, monsieur le député.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne serai pas juge de proximité !

M. le garde des sceaux. S'agissant de leur niveau d'études, 48 % ont bac + 4 et quatre ans d'expérience juridique. Quant à leur origine professionnelle, 38 % ont exercé une profession libérale ou un emploi juridique au sein d'une entreprise.

En vérité, ce que M. Vallini et tous ceux qui ont la même approche que lui contestent, c'est en fin de compte la diversité de recrutement car, le juge de proximité étant nommé par le Conseil supérieur de la magistrature, il bénéficie des garanties d'indépendance que confère le statut. La question de fond est de savoir comment recruter les serviteurs de la République, y compris les juges. Ne doit-on recruter essentiellement qu'à vingt-cinq ans grâce à un concours très difficile ? Est-il illégitime de recruter autrement des femmes et des hommes qui exercent ce métier ? Telle est bien la question de fond. Il existe d'ores et déjà plusieurs modes de recrutement des juges professionnels. Il y a heureusement des recrutements en cours de carrière et ils devraient prendre une plus grande part au fur et à mesure que l'emploi gagnera en fluidité et que la vie professionnelle se prolongera. À l'évidence, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir poursuivre une activité quand ils exercent des fonctions valorisantes.

L'ouverture de l'institution judiciaire est une nécessité à laquelle répond la fonction de juge de proximité. C'est aussi une question de justice et nous ne pouvons que nous réjouir de la diversification du profil de ce type de juge.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 19 et 23.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 22.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. Cet amendement tend à restreindre les compétences des juges de proximité. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la loi d'orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002 prévoyait que les juges de proximité n'interviendraient que dans les affaires personnelles et mobilières. Même trop large à nos yeux, ce champ était tout de même limité, et vous voulez aujourd'hui l'étendre aux affaires mettant en cause les personnes morales. Une telle disposition nous paraissant excessive et dangereuse, nous souhaitons la voir supprimée.

Quand je fais état de l'unanimité des juges professionnels contre les juges de proximité, vous me répondez, monsieur Garraud, avec la bonne foi qui vous caractérise, que les juges de proximité sont très favorables à la réforme qui les a mis en place. Encore heureux ! C'est le moins que l'on puisse attendre pour la réforme qui les a créés ! Je parlais des juges professionnels. Ils sont totalement opposés à votre réforme car elle complique considérablement leur travail. Vous me rappelez cette règle que le magistrat que vous êtes connaît sûrement : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Or vous vous servez de l'échec de cette réforme pour justifier qu'elle soit poursuivie.

Quant à vous, monsieur le garde des sceaux, je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Le recrutement n'est pas aussi diversifié que vous le prétendez. Vous savez très bien que, pour l'essentiel, les juges de proximité sont recrutés dans ce que Balzac appelait « la bonne société ». Ce sont des notables de province,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles. Nous y voilà !

M. André Vallini. ...il n'y a aucune diversité sociologique ou socioprofessionnelle. La vraie diversité aurait consisté à tirer au sort des échevins,...

M. le garde des sceaux. À tirer au sort !

M. André Vallini. ...des auxiliaires de justice qui aideraient les magistrats professionnels à remplir leurs fonctions.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est un débat qui date ! Décidément, vous avez cinquante ans de retard !

M. André Vallini. Seul l'échevinage assurerait la diversité. Si l'on veut que la justice professionnelle s'ouvre aux citoyens, la procédure doit être la même que pour les jurys d'assises. C'est alors qu'on pourra parler de justice citoyenne.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Malgré vos efforts, je ne polémiquerai pas avec vous, monsieur Vallini. N'y comptez pas. Ce que vous venez de dire est caricatural ! Recommander le tirage au sort alors que vous vous plaignez du manque de compétence et de formation des juges de proximité !

L'amendement que vous défendez vise à limiter la compétence de la juridiction de proximité aux actions personnelles mobilières. C'est ce qui existe pour le moment avec un plafond de 1 500 euros. La définition des actions personnelles et mobilières ayant donné lieu à quelques complications sur le terrain, nous nous efforçons d'en tirer les conséquences. Nous proposons donc de clarifier, de gagner en cohérence en rendant le juge de proximité compétent pour les actions mobilières et pour les actions personnelles. Nous voulons aller dans le sens de la simplification. C'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 21.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

M. Vallini a évoqué dans l'exposé sommaire de son précédent amendement les personnes morales, alors que c'est le présent amendement qui exclut de permettre aux personnes morales de saisir la juridiction de proximité, ce qui représente une innovation majeure du texte.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 13, tendant à supprimer l'article.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cet amendement a pour objet de maintenir la compétence de la juridiction de proximité pour les litiges d'une valeur inférieure à 4 000 euros portant sur les dépôts de garantie des contrats de location.

Cet amendement consiste à permettre aux juges de proximité de conserver un contentieux important concernant la restitution des dépôts de garantie relatifs aux contrats de louage. Il est tout à fait possible sur le plan technique de scinder ce contentieux et le contentieux général du contrat de louage, lequel ne relève actuellement pas de la compétence de la juridiction de proximité. C'est la raison pour laquelle il est apparu illogique à la commission, compte tenu de la volonté des auteurs de la proposition de loi d'augmenter les compétences de la juridiction de proximité, d'enlever aux juges de proximité quelque 80 % du contentieux qu'ils traitent actuellement.

Nous vous proposons de maintenir la compétence de la juridiction de proximité relative au dépôt de garantie.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'article 4 est ainsi rédigé et l'amendement n° 20 de M. Vallini tombe.

Article 5

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, inscrit sur l'article.

M. Michel Vaxès. Cet article est dangereux parce qu'il prévoit qu'un juge de proximité pourra prononcer des peines privatives de liberté. Nous sommes - je le répète - particulièrement hostiles à une telle disposition.

Nous pourrions faire valoir des arguments de droit - je l'ai fait précédemment -, notamment la décision du Conseil constitutionnel d'août 2002 relative aux juges de proximité. Dans le cadre de ma présente intervention, je préfère opposer à une telle disposition des raisons de bon sens. Est-il acceptable que des juges non professionnels puissent participer au prononcé de peines pouvant aller, je le rappelle, jusqu'à vingt ans d'emprisonnement ? Non, cela n'est pas acceptable à nos yeux. Nous refusons - le débat a déjà eu lieu - de comparer les juges de proximité aux jurés des cour d'assises. Les juges de proximité n'ont aucune légitimité citoyenne. Ils sont recrutés en fonction de leurs compétences techniques, au regard de leur expérience professionnelle, tandis que les jurés...

M. André Vallini. Tirés au sort !

M. Michel Vaxès. ...sont de simples citoyens, siégeant uniquement à ce titre dans les jurys d'assises, qu'ils soient par ailleurs notables, ouvriers, chômeurs ou employés. Ils siègent en tant que citoyens ! La comparaison des jurés de cour d'assises avec les juges de proximité, je le répète, ne vaut pas !

M. André Vallini. Très juste !

M. Michel Vaxès. Un juge de proximité, après avoir reçu un petit morceau de formation, comparée à celle des juges professionnels, se trouverait investi de responsabilités pouvant déboucher sur des peines privatives de liberté importantes.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 14, visant à supprimer l'article.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. M. Vaxès l'a fort bien défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

L'opposition prétend qu'il suffirait d'accroître le nombre de magistrats, notamment de juges d'instance, pour régler les problèmes. Le nombre de recrutements prévus aux quatre concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature est important mais, afin de garantir la qualité des recrutements, tous les postes offerts au troisième et au quatrième concours ne sont pas pourvus, faute d'un niveau toujours satisfaisant des candidats. Il ne suffit donc pas d'accroître le nombre des magistrats. D'autres solutions doivent être envisagées, et c'est tout le sens de la juridiction de proximité.

L'article 5 est important puisqu'il permet aux juges de proximité de compléter les formations correctionnelles collégiales. Messieurs de l'opposition, en la matière, vous êtes à côté de la plaque ! Les juridictions attendent avec une impatience particulière la disposition prévue à l'article 5, en vue de désengorger les tribunaux correctionnels. En effet, de nombreux juges civilistes ayant été attirés par les formations pénales du fait de la mise en place des réformes relatives au double degré de juridiction en matière criminelle ou à la mise en place du juge de la liberté et de la détention, le vivier des juges civilistes a été mis à l'épreuve en vue de compléter les audiences correctionnelles. En participant à la composition des audiences correctionnelles, les juges de proximité permettront aux juges civilistes de revenir à leur domaine de prédilection.

De plus, la participation à une formation correctionnelle collégiale sera particulièrement instructive pour les juges de proximité.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous confirmez donc qu'ils ne sont pas formés !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Au contact des magistrats professionnels, ils pourront améliorer leur propre pratique. Ils sont d'ailleurs très demandeurs. L'article 5 est très attendu par l'ensemble des personnes intéressées par la juridiction de proximité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 3 rectifié.

La parole est à M. Emile Blessig, pour le soutenir.

M. Émile Blessig. En Alsace-Moselle, les tribunaux d'instance sont compétents à connaître des actions immobilières possessoires ou pétitoires, y compris en matière commerciale, dont l'importance ne dépasse par leur taux de compétence.

La compétence du tribunal d'instance dans ce domaine n'a jamais suscité de difficultés. Cet amendement vise à préciser que les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas en Alsace-Moselle, de manière à ce que le code de procédure civile locale ne soit pas implicitement réformé.

Selon l'adage, la loi générale ne saurait supplanter la loi spéciale. C'est un principe juridique tout à fait reconnu. Un autre adage, plus populaire, précise que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant,...

M. André Vallini. Il ne s'agit pas d'un principe juridique !

M. Émile Blessig. ...voire en l'écrivant. L'adoption de cet amendement rassurerait la communauté judiciaire alsacienne et mosellane.

Mme la présidente. Je suppose que l'avis de la commission est favorable, puisque le rapporteur a cosigné l'amendement.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. En effet, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. M. Blessig a lui-même reconnu le caractère superfétatoire de cet amendement, en raison du principe selon lequel la loi générale ne saurait remettre en cause la loi spéciale. Le dispositif prévu par la proposition de loi ne remet pas en cause la compétence des tribunaux d'instance en matière possessoire en Alsace-Moselle.

Je souhaite le retrait de cet amendement. Si une telle précision est fournie dans un cas et non dans les autres, un doute surgira sur l'interprétation des cas non spécifiés. On prend un risque très préoccupant en introduisant une différenciation entre les dispositifs juridiques. Selon les juristes de la chancellerie, cet amendement, loin de s'avérer nécessaire, présente donc un grave inconvénient. Je tiens à souligner, monsieur Blessig, que je partage votre point de vue quand au fond, et qu'il ne s'agit nullement, au travers de l'article 6, de remettre en cause les compétences spécifiques du juge d'instance en Alsace-Moselle.

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. J'ai la plus grande confiance dans les analyses des juristes de la chancellerie, mais il était important à mes yeux qu'une telle précision puisse être fournie à l'occasion de l'examen de la proposition de loi. Elle pourra ainsi figurer au Journal officiel. J'ai pris bonne note de l'engagement de M. le garde des sceaux, selon lequel les dispositions prévues à l'article 6 ne modifient en rien les compétences du tribunal d'instance en Alsace-Moselle.

Je retire donc l'amendement n° 3 rectifié.

Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cet amendement a pour objet de maintenir la compétence du tribunal de police dans les cas de poursuite concernant des contraventions connexes.

Il a été précisément défini en matière pénale que le tribunal de police était compétent pour les contraventions de cinquième classe et la juridiction de proximité pour les contraventions qui vont de la première à la quatrième classe. C'est pourquoi il convenait d'éviter en quelque sorte le saucissonnage de l'ensemble des contraventions, lorsque des contraventions de cinquième classe arrivaient au tribunal de police accompagnées de contraventions de la première à la quatrième classe, et de permettre au président du tribunal de police de juger les contraventions de cinquième classe ainsi que toutes les contraventions connexes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 4.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 15, visant à supprimer l'article.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 16, visant à supprimer l'article.

La parole est à M. André Vallini, pour le soutenir.

M. André Vallini. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 24.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 5.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Coordination également.

Mme la présidente. L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 6.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Coordination.

Mme la présidente. L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 7 est également de coordination.

Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Même chose pour l'amendement n° 8.

Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

Mme la présidente. L'amendement n° 17, visant à supprimer l'article 10, est-il défendu, monsieur Vallini ?

M. André Vallini. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente. L'amendement n° 18, visant à supprimer l'article 11, est-il défendu, monsieur Vallini ?

M. André Vallini. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à l'amendement n° 9.

La parole est à monsieur le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il nous est apparu nécessaire de prévoir des délais pour l'application de ce texte. En matière pénale, nous proposons que le délai soit de trois mois, pour permettre une mise en œuvre efficace. En effet, lorsqu'un procureur de la République cite une personne à une audience, il le fait le jour de la citation. Si, entre-temps, une loi nouvelle est appliquée, sa citation risque de devenir caduque. Le but de cet amendement est donc d'adapter la mise en œuvre de la loi à la réalité des procédures.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Blazy. Le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi, qui n'est rien d'autre qu'un aveu d'échec. Vous avez en effet échoué, monsieur le garde des sceaux, dans la mise en place des juges de proximité, et vous n'êtes pas près d'en recruter 3 300 ! L'objectif était pourtant fixé par la loi de programmation et vous aviez en quelque sorte une obligation de résultat. Même si l'on élargit les prérogatives de ces juges, il restera très difficile de les recruter. Dès le stade de la formation, les candidats démissionnent, et qui sait s'il n'en ira pas de même pour ceux qui seront entrés en fonction ?

Vous persistez dans l'échec, faites courir des risques aux justiciables et à l'institution elle-même.

Nos concitoyens continuent de considérer que la justice est lente et lointaine. Pour y remédier, il faudrait des moyens comme ceux que nous avons su dégager en 1997, après avoir trouvé une situation très dégradée. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après le rattrapage que nous avons effectué, vous avez hérité d'une situation plus favorable.

M. Jean-Luc Warsmann. C'est ce qu'on appelle réécrire l'histoire !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, vous ne renouvelez pas votre erreur et les budgets sont en augmentation, mais les problèmes demeurent.

Si l'on veut une justice moins lointaine, on doit réfléchir sérieusement à l'échevinage, qui ne saurait être confondu avec l'instauration des juges de proximité. Pour que la justice soit plus proche des citoyens, il faut une participation des citoyens comme assesseurs aux côtés des juges, bien au-delà des jurys d'assises. Telle est la réflexion que nous souhaitons engager. En attendant, nous voterons contre ce texte, qui va à l'encontre des aspirations de nos concitoyens pour leur justice et qui recèle des dangers dont vous ne tenez pas compte. Nous espérons qu'un nouveau bilan de la justice de proximité sera dressé prochainement - et, d'ici un an, peut-être nous présenterez-vous un nouveau texte, qui sera un autre aveu d'échec !

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig, pour le groupe UMP.

M. Émile Blessig. Vous parlez d'échec, monsieur Blazy, mais au nom de qui ?

M. André Vallini. Au nom des juges !

M. Émile Blessig. M. le garde des sceaux vous a cité un sondage selon lequel les Français considérent que la justice de proximité constitue un facteur de progrès. Vous-même, vous n'invoquez que les juges, comme si vous n'étiez, depuis le début de ce débat, que les porte-parole des juges professionnels !

M. André Vallini. Non : de tous les praticiens de la justice !

M. Émile Blessig. Personne ne conteste leur légitimité, mais nous légiférons pour l'ensemble du pays et nous considérons, comme les Français, que la justice de proximité est un progrès et qu'il est nécessaire de la mettre en place. La justice est un service public complexe, où il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Aujourd'hui, nous franchissons une deuxième étape dans la construction du dispositif. C'est donc avec confiance que nous voterons ce texte, car nous sommes convaincus qu'il améliorera le fonctionnement de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Jeudi 9 décembre 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Déclaration du Gouvernement sur le spectacle vivant suivie d'un débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004, n° 1921 :

Rapport, n° 1976, de M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1970, de M. Philippe Vitel, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot