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Troisième séance du jeudi 3 février 2005

137e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

RÉFORME DE L'ORGANISATION
DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE

Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 2030, 2040).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 21 à l'article 1er.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 21 et 82, pouvant être soumis à une discussion commune malgré leur place.

La parole est à M. Jean Le Garrec, pour soutenir l'amendement n° 21.

M. Jean Le Garrec. L'amendement n° 21 de Mme Billard soulève une question que nous avons déjà abordée, l'utilisation du compte épargne-temps.

Nous sommes très inquiets parce qu'aucune barrière n'est prévue, aucun seuil n'est institué, particulièrement pour la prise des congés. Un délai de cinq ans avait bien été fixé dans la loi mais le texte actuel n'y fait plus référence. L'amendement n° 21 propose donc d'indiquer que le CET doit être utilisé dans un délai maximum de cinq ans.

En effet, les congés risquent d'être de plus en plus souvent transférés sur le CET. Celui-ci risque de devenir, nous avons déjà eu ce débat important avec le ministre cet après-midi, une espèce de voiture-balai, pardonnez-moi cette expression, utilisée dans certains sports, particulièrement lors des courses cyclistes, pour les jours de repos et les jours de congé. Les conditions de travail des salariés deviendraient ainsi de plus en plus contraignantes.

Cela pose deux problèmes, dont le ministre a parfaitement conscience même s'il n'ose pas le dire. D'une part, la gestion de ces comptes épargne-temps serait de plus en plus complexe, d'autre part, une pression s'exercerait sur les salariés pour qu'ils n'utilisent pas ce droit créé dans les procédures de droit public social à un repos absolument nécessaire pour faire face à des contraintes de travail de plus en plus fortes et à des jours de congé également dus.

J'ai eu l'occasion de discuter ces jours-ci avec des représentants de services de ressources humaines de très grandes entreprises, dont je tairai le nom par discrétion. Ils sont très conscients de la complexité croissante du travail et du stress que subissent de plus en plus l'ensemble des salariés, y compris les cadres. La pression capitalistique qui a été soulignée par M. Borloo lui-même, dont je regrette l'absence ce soir, est de plus en plus forte. On me racontait hier encore que le directeur financier d'une entreprise réclamait un point de plus-value supplémentaire. Les conditions deviennent de plus en plus difficiles pour les cadres. Ce mouvement s'accompagne d'une très grande démotivation des personnels et d'un attachement de moins en moins grand aux perspectives de développement de l'entreprise. Nul ne peut nier cette évolution. C'est un milieu que je connais assez bien.

M. Hervé Novelli. Vous n'êtes pas le seul !

M. Jean Le Garrec. La transformation du compte épargne-temps en cette espèce de voiture-balai - je vous prie de m'excuser de reprendre cette expression imagée mais que je crois appropriée - dans laquelle on mettra du repos et du congé, va augmenter cette pression sur les salariés, cadres et non cadres, et s'accompagnera d'une augmentation du stress. C'est contraire à l'intérêt des entreprises et des salariés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 82.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Inspirés par le souci dont vient de vous faire part notre collègue Jean Le Garrec, nous souhaitons insérer, après le deuxième alinéa de l'article 1er, un alinéa ainsi rédigé : « Les droits à congé doivent être pris avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle le salarié a accumulé un nombre minimal de jours de congé correspondant à deux mois de congé. »

Il convient en effet de maintenir dans la loi les limites minimales dans lesquelles les droits à congé rémunéré peuvent être accumulés, afin d'éviter que le salarié ne stocke un trop grand nombre de jours sans pouvoir les prendre. En fait, il s'agit de donner une consistance au droit à congé et ne pas transformer à un moment donné le dispositif en processus purement virtuel.

La gestion du compte épargne-temps deviendrait d'ailleurs fort complexe, nous l'avons évoqué tout à l'heure et nos collègues de l'UDF n'ont pas manqué de le relever eux aussi. Quel serait le sort des créances éventuelles des salariés à l'égard des entreprises dans ce domaine ? Auraient-elles un statut privilégié ? Le processus d'assurance est très aléatoire car il n'est que mentionné dans la loi sans que soit précisée l'obligation d'un passage à l'acte, excusez-moi l'expression, quant à la prise du congé. Sans cette certitude, on inscrit le dispositif dans un processus de crédit qui n'aura aucune réalité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur les amendements n° 21 et 82.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires économiques, familiales et sociales. Ces deux amendements vont à l'encontre de la souplesse recherchée. Le compte épargne-temps est un outil qui doit d'accompagner le salarié tout au long de sa vie professionnelle.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement sur les deux amendements n° 21 et 82.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement ne peut pas être favorable, parce que c'est l'accord qui doit déterminer où placer le curseur.

M. Patrick Ollier. C'est la pierre angulaire !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cela fait des heures que nous en débattons.

M. Patrick Ollier. Nous faisons confiance à l'accord !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Manifestement, le dispositif que vous mettez en place n'écarte pas le risque que nous dénonçons, à savoir qu'au bout de cinq ans, les droits du salarié ne soient pas liquidés. C'est stupéfiant ! Cela démontre bien que nous ne sommes pas dans l'optique d'aménagement du temps de travail qui avait inspiré le dispositif initial.

M. Hervé Novelli. Cela ne marchait pas, l'ancien dispositif !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne sommes même plus dans la contrepartie du travail, les fondamentaux sont oubliés. Les fondamentaux, ce sont, je vous le rappelle : j'assure une prestation de service dans le cadre d'un lien de subordination et, en contrepartie, je reçois une rémunération.

M. Hervé Novelli. Le compte épargne-temps, c'est zéro !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avec ce texte, vous touchez à la problématique de la rémunération, c'est-à-dire à un fondement de la relation du droit du travail. Vous devrez, un jour, en rendre compte et payer la facture. Vous êtes en train d'ébranler un principe. Tout le droit du travail a été conçu de telle manière qu'il y ait un équilibre entre la prestation de service et la rémunération. Vous allez introduire cette obligation pour l'employeur de rémunérer l'heure supplémentaire dans un dispositif qui pourra être reporté dans le temps, à la seule initiative de l'employeur. Vous bouleversez la relation du droit du travail. C'est la raison pour laquelle nous mettons en cause ce dispositif. D'ailleurs, le seul fait que vous conceviez que, dans cinq ans, les droits puissent ne pas être liquidés montre bien que vous êtes engagés dans un processus dans lequel il faudra travailler plus et gagner moins.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.


M. Jean Le Garrec
. Jean-Yves Le Bouillonnec, qui est un homme de grand talent,...

M. Alain Vidalies. Ça c'est vrai !

M. Jean Le Garrec. ...a mis le doigt sur le problème des droits fondamentaux, et je voudrais y revenir. Au fil des mouvements qui ont marqué l'histoire sociale de notre pays, nous étions parvenus à un équilibre, fragile, mais bien réel, entre la protection des droits des salariés et la garantie du bon fonctionnement de l'entreprise. Des garanties s'étaient créées. Brusquement, avec ce texte, vous donnez au compte épargne-temps un espace élargi.

M. Hervé Novelli. Un espace de liberté !

M. Jean Le Garrec. Je vous en prie, monsieur Novelli, évitez d'employer en permanence le mot « liberté » !

M. Hervé Novelli. Je sais que cela vous choque !

M. Jean Le Garrec. C'est un mot fort auquel j'adhère, mais que je n'utilise jamais parce que la notion est beaucoup trop complexe. Dans des rapports de force, je voudrais bien savoir où est la liberté ! En tout état de cause, cette liberté doit être garantie et c'est le problème du droit social et de l'ordre public social. Ne jouons pas avec les mots, c'est trop facile ! En la matière, je n'emploie jamais le mot « liberté ». Je parle d'équilibre, de garantie de droits. C'est amplement suffisant.

Vous introduisez donc de plus en plus de choses dans ce compte épargne-temps : congés au-delà de cinq ans, repos, rémunération, augmentation de salaire. Vous faites sauter les barrières de protection. Vous dites vous-même, monsieur Novelli, que la gestion de ces comptes va devenir extrêmement complexe,...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça c'est vrai !

M. Jean Le Garrec. ...ce qui est une vérité, et qu'en dehors des grandes entreprises - et encore, je suis prudent ! - il y a un risque d'externalisation. Ce texte prévoit que les droits affectés sur le compte épargne-temps pourront être utilisés pour abonder un compte d'épargne retraite. Vous ouvrez là encore une porte. M. Larcher doit d'ailleurs bien avoir conscience que l'allongement de la durée de cotisations nécessaire pour pouvoir prendre sa retraite sera un échec, car l'usure des salariés sera telle que nous aurons de plus en plus de problèmes. L'on passe donc du travail à l'argent, à l'épargne, et, demain, le dispositif glissera vers les fonds de pension.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Jean Le Garrec. Vous verrez ce que je vous dis !

M. Hervé Novelli. Je n'y avais pas pensé, mais c'est bien !

M. Alain Vidalies. Lui, il est d'accord !

M. Jean Le Garrec. M. Novelli est d'accord, je le sais bien. Cela dit, il est ultralibéral, mais il a au moins une qualité : il ne s'en cache pas ! C'est l'un des rares à avoir une vision très claire de ce qu'il veut construire. Je combats sa position, mais je la respecte, parce que, au moins, on sait où l'on va. Sinon, c'est de l'embrouillamini, c'est « un coup je te vois, un coup je ne te vois pas ! », et l'on ne sait plus où l'on en est !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Garrec !

M. Jean Le Garrec. Le compte épargne-temps va donc devenir un instrument capitalistique soumis aux mêmes règles que le financement capitalistique. Il sera dès lors dangereux pour les salariés qu'il privera de leurs droits les plus légitimes.

M. Alain Vidalies. Très juste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 79.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise à insérer, dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 227-1 du code du travail, après le mot : « rémunéré », les mots : «, notamment en vue de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission est favorable à cette intéressante précision. Néanmoins, à titre personnel, je préfère la rédaction proposée par l'amendement n° 151 rectifié du Gouvernement, que nous examinerons tout à l'heure et dont l'objectif est identique. Il me semble en effet préférable de procéder à cette insertion au septième alinéa de l'article relatif aux modalités précises d'utilisation du compte épargne-temps.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'amendement n° 151 rectifié du Gouvernement me semble répondre de manière plus satisfaisante à l'objectif visé par cet amendement, à savoir pouvoir utiliser les droits stockés sur le CET pour racheter les annuités manquantes en vue de l'obtention d'une retraite à meilleur taux. Je souhaite donc le retrait de l'amendement n° 79.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 22 et 80.

La parole est à M. Gilles Cocquempot, pour soutenir l'amendement n° 22.

M. Gilles Cocquempot. Cet amendement, cosigné par Mme Billard, MM. Cochet et Mamère, vise à supprimer, dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 227-1 du code du travail, les mots : « ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée ».

En effet, le CET doit être un outil pour permettre aux salariés d'accumuler des droits à congé et non une forme régulière de rémunération servant aux employeurs d'échappatoire pour le paiement d'heures supplémentaire au niveau de majoration correspondant aux heures supplémentaires effectuées.

On ne peut parler, comme nous le faisons depuis le début de notre discussion, des 35 heures, des salaires, sans évoquer aussi le partage des richesses. En effet, l'économie nationale, européenne, et même mondiale, a subi d'énormes mutations qui ont été marquées par une déformation historique du partage de la valeur ajoutée. Il fut un temps où 70 % de la valeur ajoutée de l'entreprise allaient aux salaires et 30 % aux profits. Depuis une dizaine d'années, ces chiffres sont plutôt respectivement de 60 % et 40 %. Le rapport est aujourd'hui très favorable au capital et très défavorable au travail, ce qui aurait d'ailleurs justifié la suppression de l'article 1er. Nous sommes passés du capitalisme rhénan au modèle anglo-saxon cher à M. Novelli . Nous ne pouvons que dénoncer cette dérive.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 80.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à attirer l'attention de l'Assemblée sur le changement de nature du dispositif du compte épargne-temps. Au fond, jusqu'à présent, il y avait une sorte de consensus sur ce dispositif...

M. Hervé Novelli. Il ne marchait pas !

M. Alain Vidalies. ...qui avait évolué au fil des législatures, mais dont la fonction était reconnue et dont les objectifs étaient, pour l'essentiel, partagés. Or vous nous proposez d'en conserver l'intitulé, mais d'en changer complètement la nature et l'objet. En réalité, ceux qui, dans cette assemblée, voulaient s'attaquer frontalement aux 35 heures,...

M. Hervé Novelli. M. Dubernard surtout !

M. Alain Vidalies. ...et qui sont, pour l'essentiel, les promoteurs de la proposition de loi, n'ont pas obtenu le feu vert pour des raisons politiques et compte tenu de l'engagement du Président de la République. L'un d'entre eux - je ne sais pas si c'est M. Morange, M. Novelli ou M. Ollier -...

M. Patrick Ollier et M. Hervé Novelli. C'est M. Dubernard !

M. Alain Vidalies. ...a alors eu l'idée géniale d'y parvenir par le biais du compte épargne-temps, ce qui ne serait évidemment pas possible si l'on conservait la définition d'origine de celui-ci. Au lieu d'un texte qui s'attaque frontalement aux 35 heures, on nous propose donc une sorte de détournement du compte épargne-temps pour aboutir au même résultat. Ceux qui étaient réticents estiment que cela n'est pas vraiment la même chose. Vous mettez ce que vous voulez dans le compte épargne-temps et, pour éviter de vous mouiller, vous présentez cela sous forme d'une proposition de loi qui est inscrite à l'ordre du jour prioritaire. Nous voyons ainsi arriver une sorte d'OVNI législatif dont on nous dit qu'il correspond à une nouvelle conception du compte épargne-temps. En vérité, c'est le résultat des tractations internes entre les libéraux et les moins libéraux, mais évidemment personne n'y reconnaît son enfant.

Le compte épargne-temps reposait sur l'idée, qui n'est d'ailleurs ni de droite ni de gauche, que les gens pouvaient ne pas utiliser tous leurs droits immédiatement et se les réserver pour une sorte de congé sabbatique à la française ou pour faire face à certains événements de leur vie : arrivée d'un enfant, accident, etc. Il pouvait aussi permettre un ajustement dans la gestion du temps des salariés par l'entreprise. Mais, pour répondre à vos préoccupations actuelle, on entre dans un autre monde puisque l'on touche à la réduction des congés payés - le droit aux congés payés pourra venir alimenter le CET -, au repos compensateur. C'est extraordinaire !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement qui vise à préciser les modalités d'utilisation du compte épargne-temps.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?


M. Pierre Morange
,
rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, puisque le compte épargne temps est placé sous le signe de la diversité des situations...

M. Hervé Novelli. Oui !

M. Pierre Morange, rapporteur. ...dans le but de répondre à la diversité des souhaits des salariés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il ne peut pas être favorable. Un grand secteur comme la métallurgie a mis cette disposition en œuvre par un accord et la monétarisation a déjà cours, en application de la loi du 17 janvier 2003.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Ce texte a un côté très « XIXe siècle ». Le ton est celui de Guizot - « Enrichissez-vous ! » -, certains mots comme « épargne » reviennent en permanence et des droits fondamentaux se voient transférés vers le compte épargne temps, sinon vers un compte épargne. En somme, il procède d'une conception du développement de notre pays extrêmement repliée sur elle-même.

M. Hervé Novelli. Non !

M. Patrick Ollier. C'est votre conception des choses, pas la nôtre !

M. Jean Le Garrec. D'où une contradiction fondamentale. Je vous le dis, monsieur Novelli, car vous êtes un des grands inspirateurs de cette proposition de loi.

M. Alain Vidalies. Et même le cerveau !

M. Patrick Ollier. Merci pour les autres !

M. Jean Le Garrec. Le cerveau ? N'allons peut-être pas jusque-là !

Quoi qu'il en soit, ce texte procède d'une vision extrêmement curieuse de notre société, à la fois rétrécie et ultra-libérale. Il transforme des droits fondamentaux en rémunération immédiate, ce qui ne peut pas constituer un objectif.

M. Hervé Novelli. Ou en rémunération différée !

M. Jean Le Garrec. Voilà bien le nœud du problème, car vous savez bien que, en l'espèce, aucune rémunération immédiate n'interviendra jamais.

M. Patrick Ollier. Bien sûr que si !

M. Jean Le Garrec. Non, monsieur Ollier, c'est impossible ! Dans une entreprise, les problèmes ne se posent pas en ces termes.

M. Patrick Ollier. Précisément ! Nous voulons faire évoluer la culture d'entreprise vers l'équilibre et le partenariat.

M. Jean Le Garrec. Croyez-vous que vous ferez évoluer les comportements en les repliant sur eux-mêmes ?

Votre vision ne se fonde pas sur un équilibre, pourtant indispensable, entre temps de travail et temps de repos, mais sur la notion d'épargne. Pour éviter les risques considérables que fait courir l'allongement de la durée de la vie, vous organisez un transfert vers les comptes épargne retraite, puis vers des fonds de pension, et la boucle est bouclée. Ne dites pas le contraire, monsieur Novelli !

M. Patrick Ollier. Nous en avons assez d'entendre ces leçons !

M. Alain Vidalies. Les députés de l'UMP se sont fait avoir par Novelli !

M. Jean Le Garrec. Et le bouquet, c'est qu'on externalise ces comptes en confiant leur gestion à des sociétés d'assurance, ce qui créera un métier nouveau qui échappera de plus en plus...

M. Patrick Ollier. Si des emplois sont créés, tant mieux !

M. Jean Le Garrec. Si c'est là votre vision de la création d'emplois, monsieur Ollier, je crains qu'elle ne vous mène pas bien loin !

M. Alain Vidalies. Le ver est dans le fruit !

M. Jean Le Garrec. Ce métier nouveau échappera de plus en plus aux intéressés. Un jour, ce sera la catastrophe : on découvrira qu'ils ont été spoliés.

M. Patrick Ollier. Non !

M. Jean Le Garrec. Vous verrez, monsieur Ollier : il ne faudra pas beaucoup d'années avant qu'on ne le constate.

M. Patrick Ollier. Je ne suis pas d'accord du tout !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 22 et 80.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 81.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il s'agit en apparence d'un amendement de précision, mais le débat n'est pas inutile sur des questions que les commentateurs, les utilisateurs ou les « négociateurs » - pour entrer dans votre logique - ne vont pas manquer de se poser sur la portée de ce texte.

Comment, en effet, les rémunérations vont-elles être calculées lors de l'utilisation en argent des droits affectés aux comptes épargne temps ? La question n'est pas tranchée.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de le préciser dans la loi, de telle manière que la règle soit la même pour tous ? Sauf erreur de ma part, le problème n'est pas tranché dans le code ; cela signifie que, en l'absence de toute précision, vous renverriez cette question à la négociation collective, ce qui serait insensé.

Dans ce cas, nos concitoyens devront-ils penser que ce droit peut se décliner de manière différente pour le calcul du salaire de référence ?

M. Hervé Novelli. Ce point ne figure pas dans la loi, en effet.

M. Alain Vidalies. La réaction de M. Novelli justifie notre interrogation.

M. Hervé Novelli. Il est renvoyé à un accord.

M. Alain Vidalies. Cette omission n'est donc pas le fruit d'un oubli mais d'une opinion ahurissante, selon laquelle plus rien ne doit figurer dans la loi.

Encore que ce ne soit pas exactement votre politique, monsieur le ministre, car vous auriez pu indiquer seulement que l'existence d'un compte épargne temps est possible et que chacun peut y mettre ce qu'il veut. Mais ce n'est pas ce que vous faites.

Vous transférez systématiquement le droit vers la convention. De fait, vous y êtes contraints car, dans le champ du droit social public, la négociation ne pouvait pas intervenir puisque les droits des uns et des autres sont précisés par la loi. Vous faites donc la démarche inverse qui consiste à sortir nombre de protections du champ de la loi.

M. Hervé Novelli. Pour renvoyer ces questions à la convention, qui est bien préférable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En matière de santé, par exemple ?

M. Alain Vidalies. À nos yeux, un domaine comme la santé ne peut pas être négocié. Telle est du moins notre conviction. Celle-ci était d'ailleurs partagée jusqu'à ce jour et je m'étonne qu'elle ne le soit plus par nos collègues de la majorité.

Sur certaines questions, nous pouvons diverger, mais pas sur les droits au congé ni sur le repos compensateur, qui visent à la protection de la santé. M. le ministre nous annonce que des travaux sont en cours sur les conséquences de la pénibilité du travail, dont il fera état dans la suite du débat, quand nous en viendrons aux amendements concernés.

Les statistiques actuelles - dont nous ne disposions pas il y a cinq ou six ans - montrent que l'utilisation du repos compensateur, notamment dans le domaine du travail posté ou fractionné, n'est pas sans conséquence sur l'espérance de vie. C'est donc un problème collectif, qu'il n'est pas acceptable de renvoyer au domaine conventionnel.

De même, en ce qui concerne les salaires, nous vous demandons une précision. La règle qui régit les modalités de calcul ne doit-elle pas être la même pour tous ? Si ces questions sont laissées à la négociation, on sait quelles conclusions nos concitoyens en tireront.

Si vous ne souhaitez pas que cette précision figure dans la loi, monsieur le ministre, et que vous transfériez des questions aussi importantes vers le domaine conventionnel, ce qui relève aujourd'hui de l'ordre public deviendra objet de négociation. Dès lors, il y aura compromis, c'est-à-dire qu'on demandera aux salariés de transiger sur des droits qui, aujourd'hui, leur sont acquis et qui relèvent de l'ordre public social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, puisque cette précision n'a pas à figurer expressément dans l'article L. 227-1 du code du travail.

Il s'agit en effet de dispositions pouvant faire l'objet de précisions conventionnelles dans la mesure où elles recouvrent, sur le plan des activités humaines, des réalités diverses,...

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. Pierre Morange, rapporteur. ...pour lesquelles l'accord collectif est certainement la modalité de règlement la plus pertinente.

M. Alain Vidalies. Dans le cas présent, il est tout de même question des salaires !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies. Ne vous laissez pas contaminer, vous aussi, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pour les raisons que le rapporteur vient d'évoquer, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet amendement.

Lorsque nous aborderons la question des repos compensateurs et de la santé au travail, j'aurais l'occasion d'évoquer le plan Santé au travail, actuellement en préparation, ainsi que certains éléments de réflexion qui nous sont parvenus à l'occasion de ce débat. Ils montrent que cette problématique doit s'inscrire dans une autre dimension, et les questions que vous avez posées sont pertinentes, monsieur Vidalies. En effet, nous avons de grands progrès à faire en matière de santé au travail et le Gouvernement est bien décidé à y parvenir.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement a pour objet de faire le lien entre le crédit, qui fait actuellement partie des droits du salarié et possède une réalité financière, et le décès de celui-ci. Nous posons ce problème car le texte laisse dans un flou complet l'existence et la vocation de cette créance, même si, monsieur le ministre, vous avez introduit dans le dispositif législatif le processus de l'assurance, dont je rappelle qu'il n'est pas lié à la seule volonté de l'employeur.

Notre amendement vise à introduire dans le texte la phrase suivante : « En cas de décès du salarié, les droits acquis par lui dans le cadre du compte épargne temps sont liquides et exigibles. » Cette précision s'inscrit non seulement dans le droit du travail, mais aussi dans le droit civil, puisqu'il s'agit de protéger, en cas de succession, les créances des ayants droit, à commencer par les conjoints et les enfants.

Le moins que l'on puisse dire est que ce dispositif pêche à l'évidence par l'improvisation. Il fait l'impasse sur la nature du droit que s'est créé le salarié à l'égard de l'entreprise lorsqu'il a pris la décision, voulue par lui ou imposée par l'employeur, de différer l'instant où il recevra la contrepartie de ses heures supplémentaires.

Il n'y a là ni dentelles ni fioritures, mais de vrais problèmes. Si nous posons la question à travers cet amendement, c'est précisément parce que le texte ne comporte aucune précision sur ce point. Je rappelle qu'une question de cette nature ne saurait être renvoyée à la négociation. Elle ne peut rester pendante, parce qu'il s'agit de droits civils, au sens fort du terme.

La loi doit nécessairement préciser que, quoi qu'il arrive et quels que soient les choix de l'employeur, du salarié, et l'orientation du processus d'assurance, la créance existe, même si le processus est interrompu et que le salarié n'atteigne pas l'âge de la retraite.

Le problème se pose également en cas de liquidation judiciaire. Nous y reviendrons car il n'est pas réglé et que de réelles difficultés apparaîtront si les salariés font chou blanc avec les droits qu'ils auront constitués avec leur travail.

Pour l'heure, monsieur le ministre, nous vous demandons de nous préciser ce qu'il advient de cette créance, pour ceux qui peuvent y prétendre au titre non seulement du droit du travail, mais aussi du droit civil.

C'est pourquoi nous soutenons cet amendement tendant à préciser que les droits acquis par le salarié dans le cadre du compte épargne temps sont « liquides et exigibles ». Son adoption réglerait immédiatement le problème des ayants droit, sans compromettre en rien votre dispositif, auquel nous restons opposés, mais que vous imposerez. Elle nous permettrait de dire à tous les Français, conjoints survivants ou enfants, que le législateur a pensé à eux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?


M. Pierre Morange
,
rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Il s'agit d'une question tout à fait essentielle, mais elle est résolue au onzième alinéa de l'article 1er, le décès constituant évidemment un cas de force majeure de rupture du contrat de travail.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ah non ! Ce n'est pas pareil !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il s'agit d'un point important. L'article 1er de la proposition de loi prévoit déjà que, en cas de rupture du contrat de travail - et le décès du salarié en est un -, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits acquis reste due. Ainsi, en cas de décès du salarié, cette indemnité représentative des droits acquis antérieurement à son décès reste due et doit donc être versée à la succession du salarié décédé. Je rappelle que les droits stockés sont assimilés à des salaires et sont garantis par l'AGS - nous en avons déjà débattu - et, au-delà, par une assurance complémentaire que chaque entreprise devra souscrire. Nous prendrons d'ailleurs un décret à ce sujet.

Je souhaite donc le retrait de l'amendement, car je ne peux pas être défavorable à un principe dont nous pensons qu'il est contenu dans la proposition de loi. Nous le préciserons, mais il doit être clairement énoncé. Si l'amendement n'est pas retiré, avis défavorable, mais pour des raisons de forme et non de fond.

M. le président. Monsieur le Bouillonnec, retirez-vous l'amendement n° 74 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, je le maintiens, monsieur le président.

Monsieur le rapporteur, le décès n'est pas constitutif d'un cas de force majeure. Celui-ci permet, en droit civil, à un débiteur de s'exonérer de son obligation alors que le décès est un aléa du contrat qui ne remet pas en cause les obligations qui lui sont liées.

M. Hervé Novelli. C'est néanmoins une rupture du contrat de travail !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne veux pas polémiquer : je réponds simplement à M. le rapporteur.

Le dispositif que vous invoquez me paraît en retrait par rapport à notre amendement. Si nous inscrivons dans la loi que, « en cas de décès du salarié, les droits acquis par lui dans le cadre du compte épargne-temps sont liquides et exigibles », nous posons un principe légal. Notre amendement ne porte donc pas préjudice à l'équilibre de votre texte. Il ne s'agit pas de définir les modalités selon lesquelles l'obligation sera exécutée mais, encore une fois, de poser un principe - celui d'une créance liquide et exigible - auquel les juges qui trancheront un éventuel conflit, qui statueront sur l'accord collectif ou sur le dispositif de liquidation des droits pourront se référer. L'existence de cette disposition légale permettrait au veuf, à la veuve ou aux enfants du salarié défunt de réclamer un dû. Leurs droits seraient ainsi garantis et vous éviteriez, monsieur le ministre, toute difficulté ultérieure.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous cherchons simplement à être efficaces, car l'objectif semble partagé. Toutefois, M. Le Bouillonnec vient de le dire, il n'est pas sûr que cet objectif soit atteint dans la rédaction actuelle de la proposition de loi. Ce problème relève davantage du droit civil que du droit du travail, et le texte doit être précis si nous ne voulons pas que les personnes concernées rencontrent des difficultés.

Ainsi, il est important de savoir s'il s'agit d'un droit ou s'il faut demander la liquidation ; s'il s'agit d'une créance salariale ou d'une créance successorale, le délai de prescription est de cinq ans dans le premier cas, de trente ans dans le second. J'ajoute que, dans une situation voisine, pour la liquidation des droits des comptes d'épargne collective, l'article R. 443-12 du code du travail - il s'agit de sa partie réglementaire, je le reconnais - dispose : « En cas de décès de l'adhérent, il appartient aux ayants droit de demander la liquidation de ses droits ».

Ces précisions sont extrêmement importantes, car si vous ne descendez jusqu'à ce niveau de détail dans la loi, il faudra attendre que la Cour de cassation fixe sa jurisprudence à partir de sa propre interprétation. Or, entre-temps, beaucoup de gens pâtiront de cette incertitude.

Vous n'acceptez pas notre amendement, mais si vous partagez notre objectif, vous devrez faire figurer ces précisions dans la loi pour éviter des difficultés ultérieures.

Mme Chantal Brunel. C'est un vrai sujet !

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. La question que vous soulevez est évidemment douloureuse, et elle mérite toute notre attention. J'ai donc relu attentivement l'article 1er pour vérifier si ce que vous indiquez est exact. Or je ne suis pas un éminent juriste, mais il me semble que la situation que vous décrivez est couverte par l'accord collectif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Mais non ! Ce n'est pas possible !

M. le président. Monsieur Le Garrec, laissez M. Novelli s'exprimer.

M. Hervé Novelli. Ne protestez pas : encore une fois, nous sommes d'accord sur le principe.

L'article 1er de la proposition de loi dispose en effet : « L'accord collectif de travail définit les modalités de gestion du compte. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les droits acquis sont transférés ou liquidés lorsque le montant de ceux-ci dépasse un montant défini par décret ou en cas de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte par le salarié. » Or le décès est une rupture, certes dramatique, du contrat de travail. Je considère donc que la situation est couverte par le texte.

Par ailleurs, si nous vous suivions - et l'on pourrait considérer à bon droit qu'une telle précision est nécessaire -, nous serions obligés d'apporter d'autres précisions pour les autres motifs de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte. Or il ne me paraît pas réaliste de s'engager dans une telle voie. Je suis donc d'accord avec la commission et le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Les droits stockés sur le compte épargne-temps constituent une « créance certaine et exigible » qui se transmet selon les règles du code civil aux successeurs du salarié défunt. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons le retrait de cet amendement.

Par ailleurs, j'ai en mémoire les discours de M. Badinter, puis de M. Mazeaud, nous recommandant, en tant que présidents du Conseil constitutionnel, de ne pas écrire en termes différents ce qui existe déjà dans la codification. Je prends cette précaution parce que je crois qu'il est de notre devoir d'écouter ce que dit le président du Conseil constitutionnel.

Encore une fois, je le dis au nom du Gouvernement, ces droits constituent une créance certaine et exigible. Si j'ai pris le temps de le répéter, c'est parce que j'estime que c'est important. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour une brève intervention.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est un sujet important, monsieur le président, et je suis certain que nous serons amenés à y revenir ultérieurement. Le droit de la veuve ou des enfants n'est pas une créance salariale, monsieur le ministre.

Mme Chantal Brunel. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une créance liquide, certaine et exigible, mais ces caractères lui sont conférés soit par la nature même de la créance née des différents droits et obligations des parties, soit par la loi. Or la proposition de loi ne le dit pas. Il faut donc adopter notre amendement. Votre déclaration en séance publique ne suffit pas, monsieur le ministre.

Encore une fois, ce n'est pas une créance salariale, mais une créance purement civile, réglée dans le cadre d'une succession. Il faut donc l'inscrire expressément dans la loi.

Mme Chantal Brunel. C'est vrai !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Proposant cet amendement, le groupe socialiste fait un pas important dans la direction de l'approbation du texte. Que cela lui plaise ou non, c'est un fait.

Par ailleurs, le problème ne sera réglé que par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. J'ai bien entendu les arguments des membres du groupe socialiste et la réponse de M. le ministre.


Je considère qu'il n'y a pas de danger majeur pour l'équilibre du texte à voter cet amendement de précaution.

Mme Chantal Brunel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je crois que nous sommes tous d'accord sur le principe, et que le problème est de savoir comment traduire ce principe dans la loi. Le texte adopté par la commission précise : « À défaut de dispositions d'une convention ou d'un accord collectif de travail prévoyant les conditions de transfert des droits d'un employeur à un autre, le salarié perçoit en cas de rupture du contrat de travail une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis. » La loi prévoit donc bien qu'en cas de rupture du contrat de travail, on liquide immédiatement le compte, on le monétarise, et on verse au salarié une indemnité correspondant à cette conversion.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais quand il est mort ?

M. Patrick Ollier. Le décès du salarié étant l'une des causes de rupture du contrat de travail, le mécanisme de conversion que je viens de décrire trouve automatiquement vocation à s'appliquer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. La démonstration juridique de notre collègue Le Bouillonnec a été excellente : elle a d'ailleurs convaincu au moins un membre de la majorité, qui a voté cet amendement !

Il ne s'agit pas, monsieur Soisson, d'entrer ou non dans la logique du texte mais, dès lors que celui-ci sera de toute façon voté puisque vous êtes majoritaires, nous jugeons utile de l'améliorer dans l'intérêt des salariés. La réponse du ministre tout à l'heure n'était pas satisfaisante et nous regrettons de n'avoir pas pu approfondir le débat, ce qui aurait peut-être permis de convaincre d'autres collègues de la majorité.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 19 et 122, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 19.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à apporter une précision qui nous paraît utile dans le cadre de la réforme du compte épargne-temps.

Nous sommes largement intervenus sur les origines du compte épargne-temps, et nous avons apporté les éclairages suffisants sur les réorientations proposées ou acquises avec la loi Fillon de janvier 2003.

En effet, l'article 2 de la loi Fillon du 17 janvier 2003 a assigné au compte épargne-temps une nouvelle fonction en précisant, dans le deuxième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail, que celui-ci a pour objet non plus seulement de permettre au salarié qui le désire d'accumuler des droits à congé rémunéré mais également « de se constituer une épargne » ; avec tous les dangers que cela suppose en matière de financiarisation de l'épargne retraite, d'alimentation des marchés financiers, et les incertitudes qui accompagnent les fonds de pension.

Naturellement, les plans épargne entreprise existent, des salariés en possèdent, c'est une réalité. Notre amendement a donc pour objet de mettre en concordance l'existence du compte épargne-temps avec l'exigence d'un départ en retraite avant 60 ans.

C'est pourquoi selon la constitution du compte épargne - jours de congés cumulés ou plan épargne -, nous proposons que celui-ci puisse être utilisé pour aider au départ anticipé à la retraite.

Je vous rappelle que les Français n'ont toujours pas accepté votre réforme des retraites et l'allongement de la durée de cotisation. Ceux qui ont commencé à travailler jeunes ont été désillusionnés à la lecture du décret permettant un départ avant 60 ans.

Nous proposons donc un rattrapage et la mise à profit de ce compte épargne-temps au bénéfice du départ anticipé à la retraite. Lorsque le salarié estimera avoir accumulé assez de droits sur son compte épargne-temps, il pourra les faire valoir et partir avant 60 ans. Il s'agit là d'une aspiration légitime des salariés que vous avez trop négligée au moment de votre réforme de l'été 2003.

Notre amendement est l'occasion de corriger cette anomalie.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 122.

M. Alain Vidalies. Comme l'a dit M. Le Garrec, il ne s'agit pas d'approuver le texte mais seulement, puisqu'il sera adopté, de l'améliorer !

Notre amendement permettrait aux salariés de plus de 50 ans désirant cesser leur activité, de manière progressive ou totale, d'utiliser à cet effet leur compte épargne-temps. Beaucoup de salariés qui ont un travail pénible aimeraient travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite, mais en réduisant leur activité. La mobilisation de leur compte épargne-temps leur permettrait de compenser la perte de rémunération. Ce serait une mesure très utile sur le plan social, tout comme l'autorisation d'utiliser le compte épargne-temps pour le rachat des années d'études, que proposera tout à l'heure le Gouvernement, satisfaisant ainsi en partie les demandes des organisations syndicales ; sans que ce point ait malheureusement fait l'objet de négociations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, cet amendement étant satisfait par le septième alinéa de l'article 1er de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. La proposition de loi mentionne bien la possibilité d'utiliser le compte épargne-temps en vue d'une cessation progressive d'activité. D'autre part, comme l'a dit M. Vidalies, nous aurons tout à l'heure l'occasion d'examiner une proposition du Gouvernement issue, ne lui en déplaise, du dialogue que nous avons eu avec les partenaires sociaux.

M. Alain Vidalies. Un peu tard !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cette proposition vise à ce que le compte épargne-temps puisse servir au rachat des années d'études.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 83.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le quatrième alinéa de l'article 1er décline les éléments qui, à l'initiative du salarié, entrent dans le dispositif du compte épargne-temps, parmi lesquels les jours de congés payés. Nous estimons que le dispositif n'a pas vocation à porter atteinte au principe fondamental des cinq semaines de congés payés et proposons par conséquent d'ajouter après les mots « à l'initiative du salarié », les mots « et dans l'objectif d'accumuler des droits à congé rémunéré ». Cela permettra d'empêcher que les jours de congés payés ne soient convertis en rémunération immédiate ou différée, ce qui constituerait un recul en termes d'acquis sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, puisqu'il s'agit d'un retour en arrière par rapport à la philosophie de cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je rappelle que la proposition de loi prévoit trois types d'utilisation du compte épargne-temps : accumulation de droits à congé, rémunération immédiate, rémunération différée. C'est à la convention ou à l'accord collectif qu'il appartient de déterminer le ou les objectifs dans lesquels les droits sont constitués.

M. Patrick Ollier. Très bien ! C'est la liberté !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Est-il raisonnable de laisser un salarié renoncer à sa cinquième semaine de congés payés ? Je pose la question.

M. Richard Mallié. Et la liberté ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si l'on considère que la cinquième semaine de congés payés est, au-delà de l'acquis qu'elle constitue et que personne ne veut remettre en cause, une nécessité pour la santé et l'épanouissement personnel et familial de chaque individu (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. le président. Allons, mes chers collègues ! Laissez M. Le Bouillonnec s'exprimer !


M. Jean-Yves Le Bouillonnec
. Est-il raisonnable, disais-je, de considérer qu'il ne s'agit pas là d'un dispositif protecteur du salarié, au même titre que les dispositifs protecteurs prévus pour sa santé ? N'oubliez pas en effet - M. le ministre y a d'ailleurs fait allusion - l'effet induit par la multiplication des heures supplémentaires qui finira par poser, on le sait, des problèmes de santé et de sécurité au travail.

Certes, le législateur peut s'en laver les mains. Il peut considérer qu'il appartient à chacun de faire ce qu'il veut. Mais lorsqu'il a construit le système des congés payés, en accordant une troisième, puis une quatrième, puis une cinquième semaine, il n'a pas seulement ouvert des facultés, il a aussi créé des situations favorables pour chacune et chacun. J'ai la conviction, quant à moi, qu'il y a des gens qui doivent impérativement bénéficier de leur cinquième semaine de congés payés, contre eux-mêmes peut-être. C'est la dimension humaine du problème.

Vous ne cessez de répéter, pour votre part, que le dispositif que vous mettez en place est uniquement fondé sur la liberté. Je ferai observer tout d'abord, et c'est la faille essentielle du système, qu'il y a alors rupture d'égalité, car un employeur n'est pas dans la même situation que le salarié lorsque des problèmes de cet ordre sont abordés. Je connais trop les conseils de prud'hommes pour l'ignorer.

En outre, cette conception constitue une atteinte à ce qui est l'obligation de la loi, à savoir protéger contre toute déviance les processus, afin que la situation des individus ne soit pas mise en cause. C'est le sens de l'amendement que nous avons présenté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard.

M. Jean-Yves Chamard. Voici finalement ce qui distingue profondément la droite de la gauche. M. Le Bouillonnec considère qu'il n'est pas raisonnable de laisser un salarié renoncer à la cinquième semaine. Mais, pour nous, la confiance et la liberté constituent le fondement de la plupart de nos décisions.

Chers collègues socialistes, il ne s'agit pas de savoir qui a raison et qui a tort. Nous sommes différents. Vous, compte tenu de la défiance dont vous faites preuve, vous avez tendance à fonctionner sur le mode de la contrainte. Vous pensez savoir ce qui est bien et considérer comme normal de l'imposer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je suis, avec Denis Jacquat et Marie-Thérèse Boisseau, l'un des auteurs de la loi Robien. Avec ce texte, nous avions ouvert une possibilité. Mais lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, vous avez transformé cette possibilité en obligation.

Aujourd'hui, avec cette proposition de loi, nous en revenons aux possibilités. C'est vrai pour le compte épargne-temps et, à l'article 2, pour les dispositions visant à travailler plus pour gagner plus. Mais vous, vous n'avez de cesse de vouloir mettre des barrières pour empêcher l'employeur d'abuser. Vous raisonnez ainsi parce que, dans votre esprit, il faut toujours fonctionner sur le mode de l'obligation. Nous nous fondons, quant à nous, sur la liberté et la confiance. Et je suis fier d'être du côté de la liberté et de la confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. La conception de la liberté qui nous est présentée ici est, pardonnez-moi, cher collègue, caricaturale. Si c'est au nom de la liberté que vous souhaitez qu'un salarié décide de renoncer à sa cinquième semaine de congés payés, cette même liberté devrait vous conduire à prévoir que le salarié peut réclamer d'en prendre une sixième.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Gaëtan Gorce. Pourquoi, en effet, cette liberté fonctionnerait-elle dans un sens et pas dans l'autre ?

M. Jean-Yves Chamard. Le salarié peut travailler à 80 %.

M. Gaëtan Gorce. Le problème, c'est que cette sixième semaine, il ne l'aura jamais, parce qu'elle n'est prévue dans aucune disposition qui lui serait applicable.

Quant à dire qu'il y aurait, d'un côté, la vision du bien et, de l'autre, une vision qui se veut plus relative et donc plus proche de la réalité, permettez-moi de vous dire que, lorsqu'il est question de définir les droits élémentaires des salariés, en l'occurrence leur droit aux congés payés, il s'agit de définir le bien, non pas d'une manière abstraite, mais d'un point de vue social concret, en fonction des améliorations que l'on souhaite apporter à la société. En l'occurrence, dans une société avancée qui produit de la richesse reposant sur la croissance, le droit à congé normal doit être, pour nous, de cinq semaines. Il en est ainsi depuis 1982.

Avec ce texte, vous changez la nature des choses. Il s'agit là de droits fondamentaux, comme le rappelleront les salariés samedi prochain. Or on ne fait pas de l'argent avec des droits fondamentaux. On peut négocier sur des éléments qui constituent la base d'un compromis, mais pas sur les droits fondamentaux et donc pas sur la durée maximale du temps de travail, le droit au repos et le droit à congé.

Si nous dénonçons votre texte avec tant de véhémence - et de disponibilité dans cet hémicycle -, c'est que vous semblez avoir perdu le principe du gaullisme social, dont certains d'entre vous se sont pourtant réclamés, je veux parler du droit social et du droit du travail. Non, certaines notions d'ordre public ne sont pas négociables. La cinquième semaine de congé payé est un droit à repos et non à rémunération. Si vous créez la confusion entre ces notions, c'est tout le droit du travail qui va devenir monnayable. Par conséquent, toutes les garanties des salariés pourront être, dans les mêmes conditions, négociées, réduites ou rémunérées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. J'ai bien compris que la cinquième semaine de congé payé ne passait toujours pas à l'UMP, pas plus que les 35 heures. Notons au passage que ce sont là des combats d'arrière-garde. Les Français seront au moins informés. Dans cet alinéa, et c'est encore plus grave, c'est le repos compensateur, et donc des règles de santé publique et de sécurité au travail, qui est remis en question. J'attends avec impatience les explications que le ministre pourra nous donner sur ce point.

Il est question ici, toujours au nom de la liberté - terme largement galvaudé dans ce débat - d'inciter le salarié à renoncer à la protection qui lui est garantie par la loi et depuis toujours. Rappelons-le ici : dès lors que le salarié a dépassé un certain volume d'heures supplémentaires, il bénéficie d'un repos compensateur intégral pour les entreprises de plus de vingt salariés et de 50 % pour celles comptant moins de vingt salariés. Je précise d'ailleurs que c'est vous-mêmes qui avez relevé de 10 à 20 le seuil d'application des 50 %, diminuant ainsi la protection de ces salariés.

La nouvelle disposition que vous proposez est d'autant plus condamnable que vous avez relevé le seuil du contingent d'heures supplémentaires. On était à 130 heures. Au-delà, il fallait, dès la 131e, rembourser une heure complète. Mais, vous avez fait passer ensuite le contingent à 180 heures puis à 220 heures. Malgré tout, vous voulez à présent remettre en question le repos compensateur qui y est attaché. Celui-ci, je le rappelle et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a été établi, doit être pris dans un délai maximum de deux mois, éventuellement négociable à six mois mais pas plus.

Or là, vous proposez non seulement qu'on puisse le monnayer mais, en plus, vous ne fixez pas de délai. Autrement dit, c'est renvoyer sur le compte épargne-temps et à une éventuelle négociation, sans qu'on sache à quelle date la rémunération correspondante pourra être donnée.

Au-delà du débat qui nous oppose sur le principe même de ce texte, admettez, mes chers collègues, que vous allez trop loin et que vous franchissez une frontière qui est dangereuse pour le salarié lui-même. C'est encore au nom de la liberté que vous allez nous expliquer qu'il faut lui permettre de mettre en danger sa santé et sa sécurité au travail. Est-ce au nom de cette liberté que vous allez proposer qu'on renonce à toutes les règles de santé publique ? Et la liberté de boire autant qu'on le souhaite ? Et la liberté de conduire à la vitesse qu'on veut ? Allez-vous les garantir dans d'autres textes ?

Tout cela montre que nous sommes au cœur de dispositions extrêmement dangereuses dans leur réalité précise mais aussi dans l'esprit qui les anime. Car, comme je l'ai fait observer à l'amendement précédent, vous partez du principe qu'il est possible de faire des règles fondamentales d'ordre public et de protection des salariés un sujet de négociation et de rémunération. Vous allez trop loin. Ces dispositions sont dangereuses et je vous invite à vous ressaisir avant qu'il ne soit trop tard sur des points aussi importants.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Comme je l'ai expliqué à propos de l'amendement précédent, il s'agit de diversifier les modes d'alimentation du compte épargne-temps. Il est important de garder en mémoire que le projet de loi Aubry II avait d'ailleurs prévu cette possibilité,...

M. Gaëtan Gorce. Pas du tout !

M. Pierre Morange, rapporteur. ...ce qui est assez éclairant.

Pour le reste, les règles de protection de la santé des salariés, au plan communautaire comme interne, subsistent : repos quotidien, hebdomadaire, maxima hebdomadaires et congés annuels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, si vous le permettez, j'interviendrai un peu longuement sur ce sujet.

Un peu d'histoire nous renvoie à 1976, qui marque la naissance du repos compensateur. Et celui-ci est né, non pas de préoccupations en matière de santé au travail, mais de la volonté de réduire le nombre d'heures supplémentaires face à la montée du chômage. Voilà la réalité.

M. Alain Vidalies. C'est vrai !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pour reprendre une expression de l'époque, c'était une manière de toiser les heures supplémentaires.

Ce rappel fait, parlons du rôle du repos compensateur et du temps de travail. Je vous renvoie à cet égard, puisque M. Le Garrec a fait référence à cet excellent auteur, à Philippe Askenazy, et plus précisément à son ouvrage intitulé Les désordres du travail. Ses observations inspirent et conduisent la préparation du plan de santé au travail et nous amènent à nous poser un certain nombre de questions.

Pourquoi, par exemple, un pays comme les Etats-Unis, où la moyenne des heures de travail est de 1 750 heures, a-t-il réussi à abaisser sensiblement les risques des salariés au travail, qu'il s'agisse de troubles musculo-squelettiques, ou de risques chimiques ? Il l'a fait dans le cadre d'un plan fédéral qui fait l'objet aujourd'hui d'une visibilité sur dix ans.

Ce sujet, essentiel, me passionne. Quelques jours seulement après que le Premier ministre m'eut confié mes nouvelles responsabilités, nous avons commencé à travailler sur le plan de santé au travail. Ce plan s'inscrit dans la volonté de réduire les risques - il ne faut pas que le drame de l'amiante puisse se reproduire - mais aussi dans une démarche de gestion du quotidien. Tous les jours, en effet, nous devons déplorer 2 000 accidents du travail et deux morts, et cela est inacceptable. Comme en matière de sécurité routière, nous devons donc nous engager avec volonté.

Alors qu'aux États-unis le temps de travail annuel est de 300 heures supérieures à la moyenne française, on y constate moins de 8 000 accidents du travail par jour - les accidents de trajet ne sont pas pris en compte, les situations étant éminemment variables -, soit 40 % de moins. Nous en tenons compte pour élaborer notre plan.

Écoutons ce que dit Philippe Askenazy : « Que ce soit en France, dans la décennie 90, notamment lors de l'application des 35 heures - mais elles ne sont pas les seules visées - ou aux États-unis quelques années auparavant, l'arrivée du productivisme réactif qui s'annonçait comme un enrichissement, voire comme une forme d'émancipation par rapport au modèle tayloriste, s'est accompagné en réalité d'une dégradation des conditions de travail et d'une intensification du travail. »

M. Hervé Novelli. C'est vrai !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cela rejoint les observations de la DARES sur l'enquête auprès des ouvrières dont 41 % avaient le sentiment que le stress, qui représente 28 % des affections, était aujourd'hui plus fort qu'avant.

Cela nous renvoie aussi à une déclaration de Dominique Strauss-Kahn à Davos, en 1998 : « Patronat, économistes, syndicats, gouvernement sont au moins d'accord sur un constat : les 35 heures ne créeront des emplois qu'à la condition que la compétitivité des entreprises ne soit pas compromise par cette proposition. En échange de quatre heures de temps libre, les salariés doivent accepter soit un quasi-gel des salaires pendant plusieurs années, soit une plus grande flexibilité du travail dans l'entreprise. »

Je reprendrai pour finir une citation de Philippe Askenazy : « Après l'échec en termes de bien-être au travail de la RTT, peut-on connaître désormais en France et plus généralement en Europe un miracle à l'américaine ? »

Naturellement, Philippe Askenazy n'est pas notre seul inspirateur. Nous prenons également en compte les remarques que les premiers observatoires régionaux de santé au travail nous font parvenir. Ces préoccupations seront reprises dans le plan santé au travail que le Gouvernement présentera à la Commission supérieure de prévention des risques professionnels le 17 février prochain, après de longues consultations qui n'épuisent d'ailleurs pas le sujet. Nous envisageons la création d'une agence pour mieux connaître les risques et une mise en réseau, notamment au plan européen.


Par conséquent, imaginer que convertir la cinquième semaine en congé différé porterait atteinte à la santé ne me semble pas être la bonne approche. Défendre la cinquième semaine comme un droit social est tout à fait respectable et peut faire l'objet d'un débat, mais lui prêter le pouvoir de résoudre une problématique de santé au travail serait une erreur de fond, que nous aurions tous pu commettre. La problématique de la santé au travail doit être traitée dans sa globalité, en tenant compte des conditions de vie des personnes.

M. Maurice Giro. Bien sûr !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Car la santé a une dimension importante tout au long de la vie, et il faut tenir compte de la pénibilité du travail. C'est un nouveau regard qu'il nous faut porter sur l'organisation des entreprises, et cette proposition de loi répond à ce souci. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour répondre au Gouvernement..

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, nous avons les mêmes lectures, voire les mêmes préoccupations. J'ai eu l'occasion autrefois, dans le cadre de mon entreprise, d'étudier les méthodes américaines. Je connais fort bien le juste-à-temps, l'enrichissement des tâches, la pluriactivité. J'ai pu mesurer le risque et le stress. Je me suis également intéressé de très près aux conséquences désastreuses de certaines tâches sur la santé. J'ai beaucoup travaillé, par exemple, sur le plan amiante. Je sais donc de quoi je parle. J'admets volontiers certaines critiques sur les 35 heures et je n'ai jamais considéré qu'elles apportaient une réponse à tous les problèmes. Relisez mes interventions dans le débat du projet de loi et vous verrez que j'avais soulevé le problème du risque d'aggravation de la pénibilité au travail. Je souhaitais justement que toutes ces dispositions soient mieux équilibrées.

Je voudrais que M. Chamard évite de tenir de tels discours. Je vais être désagréable, mon cher collègue, mais vos propos sortent d'une cour d'école. Ils sont d'une extrême banalité et n'enrichissent pas le travail parlementaire.

M. Jean-Yves Chamard. Ce que j'ai dit est vrai !

M. Jean Le Garrec. Notre débat montre que nous sommes, en France, en matière d'évolution du travail, très en retard. M. de Robien avait ouvert une piste, que je connais bien pour avoir beaucoup travaillé sur son projet de loi. Cette piste était intéressante, mais il aurait fallu vingt ans pour qu'elle ait un effet significatif.

M. Jean-Yves Chamard. Ce n'était qu'une piste, vous l'avez transformée en obligation !

M. Jean Le Garrec. Je connais le nombre d'entreprises qui étaient concernées, ainsi que le nombre d'emplois que les dispositions de Robien ont permis de créer. Je connais fort bien le sujet, monsieur Chamard, et probablement mieux que vous.

M. Jean-Yves Chamard. Ce n'est pas très gentil !

M. Jean Le Garrec. Je n'aime pas donner des leçons, mais je n'aime pas en recevoir !

J'en reviens à cet amendement. Nous n'avons jamais dit que le repos compensateur était la réponse à tous les problèmes. Jamais, et des études très intéressantes ont été réalisées sur ce sujet. D'ailleurs, au stress, nous pourrions ajouter les MTS. Mais nous aurons l'occasion d'en débattre une autre fois, si vous voulez bien nous y inviter, monsieur le ministre. Il est clair que nous ne devons pas céder à la tentation de supprimer les repos compensateurs, ce serait sage. Cela ne réglera pas toutes les difficultés, mais évitera de les aggraver.

Poser le problème dans ces termes relève du bon sens. Nous sommes beaucoup trop prudents et trop avertis pour avoir une approche légère de ce problème. Évitons de créer des conditions plus contraignantes, de jouer avec des temps de repos qui sont absolument indispensables et débattons sur le fond des risques professionnels et de la santé au travail.

M. Gilles Cocquempot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je voudrais très rapidement répondre à la commission. M. Morange nous fait remarquer que la loi Aubry a déjà prévu une telle disposition. Il confond le repos compensateur de remplacement avec le repos compensateur. La loi Aubry ne l'a absolument pas prévu, heureusement, et le rapporteur que j'étais aurait eu du mal à l'accepter.

Par ailleurs, je rejoins tout à fait Jean Le Garrec lorsqu'il trouve paradoxal de prétendre régler le problème en augmentant la durée du travail et en rendant plus compliquée la situation des salariés. C'est pourtant ce que nous propose M. le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 106.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Avant de présenter cet amendement, je voudrais répondre à M. Chamard. La liberté d'un côté, la réglementation de l'autre : voilà une conception philosophique et politique qui ne vise que votre cible électorale privilégiée. Évidemment, le cadre est magnifique, sauf si on veut l'appliquer à la loi Royer sur la liberté d'installation des commerçants et des artisans !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par exemple !

M. Alain Vidalies. Le cadre est magnifique, sauf si on veut l'appliquer aux professions protégées. Bref, monsieur Chamard, méfiez-vous des grands principes dont on ne peut appliquer la grille de lecture à différentes situations. Mettons-nous au moins d'accord pour reconnaître qu'en général ce principe est au-dessus de tout cela et, comme le disait Jean Le Garrec, conservons-le parce qu'il doit être une valeur et non un sujet de confrontation politique.

Revenons à l'amendement n° 106, qui aborde une question fondamentale puisqu'il s'agit du principe même des 35 heures et de ce que vous souhaitez en faire.

À partir du moment où les jours de repos, que nos concitoyens appellent communément les RTT, peuvent être portés sur le compte épargne-temps, comme c'est le cas aujourd'hui, il faut en préciser l'utilisation. On ne voit pas très bien le sens qu'aurait un tel dispositif si les jours de RTT pouvaient être affectés au CET pour être transformés en argent. Cela poserait un problème de cohérence. S'ils étaient destinés à être transformés en argent, mieux vaudrait les payer directement. Si certains salariés veulent transformer ces jours de RTT en argent, d'autres formules existent aujourd'hui, qui n'ont pas été forcément instaurées par la gauche, comme la capitalisation collective dans les entreprises. Mais affecter ces RTT à un compte épargne-temps pour en transformer complètement le sens et les monétiser me paraît totalement incohérent.

Pourquoi ce choix ? Nous nous demandons bien sûr si derrière ce dispositif ne se cache pas la possibilité de réaliser quelques détournements. Mais M. le rapporteur nous a apporté une réponse : les cotisations sociales seront immédiatement payées au moment de la libération des fonds.

D'autres questions subsistent : ce système ferme-t-il la porte à toute procédure qui permettrait, dans un temps relativement bref - car cette disposition n'est encadrée par aucune exigence de temps -, de monétiser ces droits ? En l'état actuel de la loi, le paiement pourra être demandé la semaine suivante. Les modalités, si j'ai bien compris, seront définies dans l'accord collectif. La monétisation entraînera-t-elle dans tous les cas le paiement des cotisations sociales, ou un habillage est-il possible ? Le versement au salarié pourrait-il être effectué par un moyen détourné qui exclurait le paiement des cotisations sociales ?

J'attends les réponses du Gouvernement et du rapporteur à cette question précise avant de vous faire part d'autres éventualités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. J'affirme encore une fois à notre collègue Vidalies que les cotisations sociales sont dues dans tous les cas, absolument tous les cas. Quant aux modalités de liquidation, elles seront définies par l'accord collectif de branche ou d'entreprise.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, je vous confirme ce que vient de dire le rapporteur.

Je vous rappelle que le principe du choix de l'utilisation du CET doit rester intact. L'accord collectif encadre déjà ce choix. Il nous paraît inopportun de nous substituer au salarié, de décider à sa place. Il a le choix de prendre un congé différé ou bien de liquider ses jours épargnés pour faire face éventuellement à des besoins financiers immédiats. Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Gilles Cocquempot.

M. Gilles Cocquempot. Je ne sais pas si mon intervention est une réponse à M. le ministre ou à M. le rapporteur, mais c'est une réponse directe à M. Chamard, que j'ai découvert ce soir.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure en présentant l'amendement de Mme Billard, nous vivons depuis plusieurs années une très grande mutation.

Je voudrais vous lire un passage de la très bonne analyse que signe Laurent Mauduit dans Le Monde d'aujourd'hui : « Les mutations que connaît le capitalisme européen, et notamment le capitalisme français, à partir des années 1990, viennent aussi conforter les premiers effets de la désinflation compétitive. Au diable le capitalisme rhénan ! Vive le modèle anglo-saxon ! Durant cette période, toutes les grandes entreprises françaises copient, les uns après les autres, les mœurs financières anglo-saxones, celles de la shareholder value, le profit pour l'actionnaire, ou des stock-options. L'instauration de ce capitalisme patrimonial favorise donc souvent les hauts cadres dirigeants et, bien évidemment, les actionnaires, qui deviennent les acteurs majeurs de ce nouveau jeu économique.

« Pour ce qui est des salariés, la modération salariale reste le plus souvent la règle, d'autant plus que l'émergence de ce nouveau capitalisme va de pair avec une accélération de la dérégulation sociale. Emplois précaires, stages divers, travail à temps partiel, sous le coup de ces évolutions le marché du travail connaît le grand choc de la flexibilité et voit apparaître une nouvelle catégorie de travailleurs, les working poor, les travailleurs pauvres. Une statistique est particulièrement éclairante à cet égard : les bas salaires, c'est-à-dire les salaires inférieurs à deux tiers du salaire médian, représentaient 11,4 % des salaires totaux en 1983. Vingt ans plus tard, ce taux dépasse 16 %. C'est donc à l'aune de ces bouleversements considérables que l'on peut comprendre la situation présente. Qu'observe-t-on ? Pour l'essentiel, une prolongation, voire une accentuation des tendances en question ». Je citerai à nouveau M. Mauduit lorsque je présenterai d'autres amendements.

M. Hervé Novelli. Nous ne sommes pas là pour lire la presse !

M. Gilles Cocquempot. Mais je voudrais aussi vous parler, monsieur Chamard, de ce que j'ai lu dans un journal très connu, La Voix du Nord, très prisé par le Président de la République, qui a un jour choisi ce journal pour annoncer sa candidature à la présidence.

M. le président. Monsieur Cocquempot, vous êtes censé répondre au rapporteur ou au ministre, et non intervenir sur l'article ou dans la discussion générale, encore moins lire les coupures de presse du jour !

M. Gilles Cocquempot. Monsieur le président, veuillez m'excuser, mais je voudrais citer trois exemples, provenant d'une source officielle puisqu'il s'agit de l'OCDE. Il s'agit des forces européennes du travail, pour démontrer à M. Chamard...

M. le président. Non, mon cher collègue ! Depuis le début, tous les orateurs socialistes ont répondu à M. Chamard !

M. Gilles Cocquempot. Je répondrai donc à M. le ministre !

M. le président. D'accord, mais vous devez conclure votre intervention !

M. Gilles Cocquempot. Je vais conclure, monsieur le président ! Monsieur le ministre, comme le rappelait M. Chamard tout à l'heure (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), au Royaume-Uni, il n'y a pas de durée légale du travail. La durée habituelle est de 43,3 heures. Chez les Britanniques, il existe un système de dérogation générale, le opting out, qui permet à tout salarié de dépasser les 48 heures par semaine.

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, cette façon de faire de l'opposition est ridicule et inacceptable !

M. Gilles Cocquempot. Cette dérogation suscite de nombreux litiges. Est-ce de son propre chef que le salarié dépasse les 48 heures par semaine, ou sous la pression de son employeur ? C'est pareil au Japon, différent aux États-Unis, mais c'est toujours la même logique.

M. le président. Dans la mesure où l'Asahi Shimbun n'a pas encore parlé de M. Chamard, nous allons revenir à l'amendement n° 106.

M. Gilles Cocquempot. Je parlerai des États-Unis et du Japon !

M. le président. Vous devrez attendre votre prochain amendement !

Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président.
Je suis saisi de deux amendements, nos 107 et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour présenter l'amendement n° 107.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes dans la logique de l'argumentation que nous avons soutenue sur cette nouvelle disposition de l'article L. 227-1. Nous évoquons cette fois-ci la nécessité de maintenir dans le dispositif le rappel d'un nombre maximum de jours de congé en précisant que « la totalité des jours de congé ou repos affectés au compte épargne-temps en application du quatrième alinéa du présent article ne peut excéder vingt-deux jours par an. »

Il s'agit de maintenir dans la loi la limite maximale en vigueur de jours de congé ou de repos pouvant être affectés au compte épargne-temps par an, afin - et c'est un élément fondamental à nos yeux - de garantir des droits minimaux de repos sur une année, nécessaires au respect de la santé du salarié, souci que, manifestement, M. le ministre et la majorité partagent avec nous.

M. le président. L'amendement n° 23 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 107 ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que j'ai exposées précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

L'article 1er n'impose évidemment pas aux salariés de renoncer à leurs congés ou à leur repos compensateur obligatoire. Il ouvre seulement la possibilité, dans le cadre d'un accord, d'échanger cette période de congé contre des congés différés qu'ils pourront mobiliser par un temps de formation ou autre, par exemple.

Puisque vous évoquiez un éditorial, je vais vous donner quelques chiffres de l'INSEE sur la pauvreté en France. En 1996, il y avait 4 089 000 personnes pauvres dans notre pays. Elles étaient 3 925 000 en 1997, pour descendre à 3 806 000 en 1998, à 3 641 000 en 1999, pour remonter à 3 742 000 en 2000. Cette réalité doit être traitée dans le cadre d'une politique globale. Permettez-moi d'ailleurs de rappeler que la préoccupation d'une politique globale pour la population pauvre fait partie du plan de cohésion sociale.

Ces chiffres, nous devons tous les partager et les porter collectivement, plutôt que de nous les jeter au visage. C'est un problème de société. Voilà pourquoi le plan de cohésion sociale a, dans ses différents volets, cette préoccupation en même temps que le parcours de retour à l'emploi. Je rappelle aussi que les équipes éducatives, notamment auprès des tout-petits, et la différenciation en fonction des situations qui est apportée par le plan de cohésion sociale visent à apporter une réponse à ces préoccupations.

Pardonnez-moi d'être sorti de l'amendement proprement dit, mais il me semblait important de répondre à l'orateur précédent. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Il est très intéressant d'engager avec le ministre des débats qui ont un spectre large.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je répondais !

M. Jean Le Garrec. En effet, ce compte épargne-temps ne peut avoir de véritable signification que s'il est resitué dans son contexte, et c'est une évidence que nous pouvons partager. Non seulement nous critiquons le concept du compte épargne-temps tel qu'il a été transformé, mais nous nous préoccupons aussi du contexte dans lequel il se situe.

Monsieur le ministre, sur ce sujet, il faut savoir être modeste. La pauvreté est une réalité. Nous nous sommes efforcés de la traiter ; je devais être, me semble-t-il, le rapporteur de la loi contre l'exclusion, et nous y avons beaucoup travaillé.

Ce que j'ai beaucoup reproché à votre gouvernement - vous n'en faisiez pas encore partie à l'époque -, c'est d'avoir supprimé des outils que nous avions mis en place et qui commençaient à fonctionner, d'en avoir inventé d'autres qui ont connu un échec total et d'avoir perdu trois ans. Voilà mon reproche !

Le dispositif TRACE commençait à fonctionner : il avait été difficile à mettre en place, mais commençait à avoir un véritable impact auprès des jeunes. Le dispositif de retour à l'emploi commençait lui aussi à fonctionner. D'autres dispositifs que nous avions organisés prenaient de l'ampleur.

M. Hervé Novelli. Cela n'a pas été un triomphe ! Vous avez vu le taux de chômage ?

M. Jean Le Garrec. Vous le savez, monsieur le ministre : en matière de politique de l'emploi, il faut au moins un an à un an et demi pour juger de l'efficacité d'une procédure. Or, pendant trois ans, vos collègues au Gouvernement ont non seulement démoli ce que nous avions mis en œuvre, mais ils ont mis en place des formules qui ont été un échec énorme ! Le CIVIS, le RMA ont totalement échoué ! C'est notre plus gros reproche !

Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais trois ans et demi ont été perdus. Cela représente, en matière de politique sociale, un prix très lourd, et nous n'avons pas fini de vous le rappeler !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 24, 51 et 108

L'amendement n° 24 n'est pas défendu.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 51.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à supprimer une partie de la réécriture de l'article L. 227-1 du code du travail qui travestit la philosophie du compte épargne-temps.

Depuis sa création, le compte épargne-temps est, on le sait, la propriété du salarié. Il en dispose comme il l'entend, dans le cadre fixé par la loi. Avec cet outil, le salarié dispose donc « d'un pouvoir de décision quant à son ouverture, son alimentation et son utilisation », comme le souligne notre rapporteur lorsqu'il analyse l'histoire du compte épargne-temps. Il ajoute que le compte épargne-temps doit être « bien compris comme un instrument mis à la disposition du salarié pour gérer son temps de travail et être entendu comme tel dès les premières utilisations qui en sont faites. »

Or, dans la réécriture des dispositions juridiques du compte épargne-temps, vous remettez en cause les principes qui ont présidé à la création de ce dispositif. Vous ouvrez ainsi une brèche sans précédent en donnant la possibilité à l'employeur d'un droit d'utilisation du compte épargne-temps. Selon les termes du cinquième alinéa de cet article que nous proposons de supprimer, il est précisé que peuvent y être affectées, « à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient. »

Autrement dit, vous permettez à l'employeur d'utiliser un outil qui appartenait jusqu'ici au seul salarié pour assurer la flexibilité du temps de travail et la modulation. Cette modalité permet au patronat de faire du compte épargne-temps une variable d'ajustement de la flexibilité. C'est bel et bien un nouveau gage donné au patronat au détriment des salariés. Pour ces raisons, nous proposons donc de supprimer le cinquième alinéa de l'article 1er.

Monsieur le ministre, malgré votre toute bonne volonté et votre rondeur, vous ne pourrez pas m'expliquer que le texte de l'article constitue un progrès et qu'on monte au plafond ! Non, on descend là en dessous du plancher et on tombe à la cave !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 108.

M. Alain Vidalies. Par l'amendement n° 108, nous abordons l'importante question des changements des droits des salariés et de la philosophie même de l'approche du compte épargne-temps. Il s'agit d'une des principales innovations du texte.

Tout à l'heure, vous avez déjà refusé de remettre dans le texte de l'article l'expression de la volonté du salarié. Vous avez supprimé cette mention : ce n'est donc plus un compte épargne-temps dont l'existence même et la maîtrise appartiennent au salarié.

Mais vous allez encore plus loin. En effet, si la possibilité - dans des conditions particulières, en raison de l'évolution de l'activité de l'entreprise - d'alimenter le compte épargne-temps uniquement avec l'accord du salarié et dans une limitation très précise, notamment de cinq jours par an, existait déjà, vous reprenez cet habillage en prétendant l'améliorer, alors qu'en réalité vous en changez complètement la nature. C'est la première fois - et le seul cas - où c'est l'employeur qui va décider, après l'exécution du travail par le salarié au-delà de l'horaire réglementaire, d'affecter les droits acquis par ce travail sur un compte épargne-temps.

En même temps, vous avez refusé de dire si l'employé aurait la liberté d'accepter ou de refuser. Et lorsque nous vous avons demandé d'aller jusqu'au bout et de nous dire que le refus par le salarié de faire des heures supplémentaires n'est plus une cause réelle et sérieuse de licenciements, tous nos amendements ont été rejetés. À trois reprises, monsieur Chamard ! Il n'est donc pas question de liberté ici : il y en a un qui décide et l'autre qui obéit. Vous nous avez tout simplement rappelé l'existence du lien de subordination.

Le salarié va donc être obligé d'effectuer les heures. C'est l'employeur qui va décider seul. Il n'y a même plus le cadre de précaution que fixaient l'article et les précisions de la convention collective. Il n'y a plus aucune limitation quant au nombre de jours. L'autonomie de l'employeur dans sa décision implique qu'on est dans un cadre non de liberté, mais de travail obligatoire.

Dorénavant, on aura - et il faut dire que vous faites preuve d'originalité de ce point de vue - le travail obligatoire non payé pour le lundi de Pentecôte et le travail obligatoire non rémunéré immédiatement avec affectation obligatoire sur le compte épargne-temps. Je ne vois aucun espace de liberté ni aucune modernité dans ces dispositions. Sans vouloir caricaturer ou forcer le trait, l'une ressemble plus à quelque chose de l'ordre de la corvée - travail obligatoire et non payé -, l'autre relève plus de l'esprit qui présidait au métayage que de celui du code du travail.

Il s'agit d'une question essentielle et qui a été soulignée par l'ensemble des organisations syndicales. Si vous aviez pu au moins abandonner cet aspect, je pense que la lecture de cette proposition aurait pu être un peu différente.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 51 et 108 ?


M. Pierre Morange
,
rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où, je le rappelle, cette possibilité existe déjà dans les faits. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Permettez-moi de vous lire, à ce propos, le huitième alinéa de l'article L. 227-1 : « Lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir les conditions dans lesquelles les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail peuvent être affectées sur le compte épargne-temps ». Nous avons, certes, supprimé la limite des cinq jours par an et des quinze jours au total, mais cela ne change pas l'esprit du texte. « La convention ou l'accord collectif doit préciser notamment les modalités selon lesquelles ces jours affectés sur le compte épargne-temps peuvent être utilisés à titre individuel ou collectif. »

Je souhaiterais compléter cela par la lecture de la circulaire d'application de la loi Aubry II.

M. Maxime Gremetz. Elle n'est jamais bonne, cette circulaire !

M. Pierre Morange, rapporteur. Je vous laisse la responsabilité de votre remarque, mon cher collègue.

« L'accord peut prévoir que les bonifications, majorations ou repos compensateurs de remplacement afférentes à ces heures alimentent le compte épargne-temps. »

M. Hervé Novelli. C'est très intéressant !

M. Pierre Morange, rapporteur. « Cette modalité de gestion du temps de travail permet donc à un accord collectif de prévoir une affectation collective d'heures de travail sur le compte épargne-temps. »

M. Hervé Novelli. C'était déjà prévu ! Le rapporteur est cruel !

M. Pierre Morange, rapporteur. « L'utilisation de ces heures peut également suivre les mêmes règles, permettant ainsi à l'entreprise de faire face à des périodes de baisse d'activité et lui évitant de recourir éventuellement au chômage partiel. »

M. Richard Mallié. Tel est pris qui croyait prendre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n'est pas marqué que l'initiative revienne à l'employeur !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. M. le rapporteur vient de le révéler, la proposition de loi s'inspire de la circulaire Aubry.

Plus sérieusement, il convient de renvoyer à l'accord collectif la fixation des modalités d'alimentation et d'utilisation du compte épargne-temps. Il est vrai que nous avons, sur ce sujet, une différence d'approche.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous avions cru le remarquer !

M. le ministre délégué aux relations du travail. En tout état de cause, le Gouvernement est d'accord avec l'inspiration des auteurs de la proposition de loi.

M. Patrick Ollier. Merci, monsieur le ministre !

M. Maxime Gremetz. Ça, c'est certain, notre désaccord est profond !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À aucun moment, la directive qui nous a été lue n'évoque l'initiative de l'employeur. C'est vous qui introduisez dans la loi la possibilité pour l'employeur d'affecter lui-même les heures effectuées au compte épargne-temps, dans la contrainte.

M. Patrick Balkany. Pourquoi dans la contrainte ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est la même démarche qui, dans la loi de programmation pour la cohésion sociale, a présidé à la modification des règles du droit du travail régissant les rapports entre salariés et employeurs, offrant à ces derniers la possibilité de procéder à un licenciement économique en cas de modification d'un « élément essentiel » − et non plus « substantiel », comme auparavant − du contrat de travail. En réalité, vous appauvrissez petit à petit le droit du travail, en supprimant les contreparties, les obligations et les garanties.

Dans le présent dispositif, quelle peut être la réponse de l'employé ? De quelle manière peut-il exercer cette sacro-sainte liberté que vous ne cessez d'invoquer depuis trois jours ? Pourra-t-il refuser l'affectation des heures sur le compte épargne-temps sans encourir un licenciement pour faute réelle et sérieuse ou pour motif économique en raison de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ?

Tout cela est bien typique de la démarche fallacieuse de cette majorité qui, dans la loi de cohésion sociale, a fait commencer la nuit à minuit − et non plus, comme avant, à vingt heures −, qui a exclu le temps de déplacement professionnel du temps de travail, et qui, en définitive, veut tout simplement faire exploser le socle des rapports entre employés et employeurs.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On veut désormais permettre à l'employeur d'affecter, à son initiative, les heures effectuées au compte épargne-temps : autant dire qu'on se retrouvera dans la situation qu'il imposera.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 51 et 108.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 109.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Avec l'amendement n° 109, nous poursuivons la même discussion.

M. Patrick Balkany. Si c'est la même chose, est-ce bien la peine de continuer ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonjour, monsieur Balkany ! Vous venez d'arriver !

M. Jean Le Garrec. Merci de nous rejoindre à cette heure tardive !

M. le président. Mes chers collègues, évitez de vous invectiver !

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, je suppose que M. Balkany disait cela pour le Journal officiel. C'est noté : on saura qu'il était là ce soir !

Il existe une différence entre l'article L. 227-1, tel qu'il était conçu jusqu'à présent, et la rédaction proposée. Les cas de figure envisagés sont pour partie les mêmes : on énumère toute une série de conditions qui ouvrent droit à la possibilité d'alimenter le compte épargne-temps. Malgré les variantes, il y a un tronc commun. La rédaction actuelle évoque en premier lieu le choix du salarié, fait ensuite référence à l'accord collectif, et précise enfin que soit l'alimentation du compte est prévue conjointement dans l'accord, soit elle résulte du choix du salarié. La proposition de loi prévoit des modalités complètement différentes. Pour aboutir à ces innovations juridiques, vous êtes obligés de commencer par supprimer le choix du salarié, pour, ensuite, distinguer le cas où celui-ci pourra décider d'alimenter le compte et celui, évoqué pour la première fois, où c'est l'employeur qui aura l'initiative. Ainsi un premier alinéa précise-t-il : « à l'initiative du salarié, tout ou partie du congé annuel », tandis que l'alinéa suivant, qui est sans précédent dans le code du travail, dispose : « à l'initiative de l'employeur, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail ». Qu'on ne vienne pas nous dire que cela renvoie à l'accord collectif, car c'est plus loin seulement que vous indiquez : « La convention ou l'accord collectif peut prévoir en outre que ces droits peuvent être abondés par l'employeur ou par le salarié. » Ainsi, il s'agit bien, dans votre esprit, d'indiquer aux praticiens et aux juges que, dans ce cas de figure particulier, la volonté de l'employeur s'imposera aux salariés. Et il est inutile de citer la circulaire ou la loi Aubry, qui entendaient prendre en compte l'évolution de la production dans l'entreprise, mais, à aucun moment, ne retenaient la possibilité d'une décision unilatérale de l'employeur.

C'est pourquoi nous préférons reprendre, au cas par cas, les limitations d'utilisation précédemment en vigueur. L'amendement n° 109 souhaite ainsi que les heures affectées par le salarié sur le compte épargne-temps le soient « dans la limite de cinq jours par an et sans pouvoir excéder au total quinze jours ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Notre collègue Vidalies ayant repris la même philosophie pour son argumentaire, j'insisterai de nouveau sur la diversité spécifique à ce compte épargne-temps revivifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard.

M. Gaëtan Gorce. Est-ce bien raisonnable, monsieur Chamard ?

M. Jean-Yves Chamard. En effet, est-ce bien raisonnable ? Je crains que vous ne soyez tenté de reprendre la parole après m'avoir entendu. Mais c'est que j'en ai assez de recevoir des leçons de morale et de bonne conduite sociale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. C'est bien ce que je disais : ce n'était pas raisonnable !

M. Jean-Yves Chamard. Nos collègues socialistes imaginent qu'ils sont détenteurs de la vérité en matière sociale et de droit du travail, et que nous devrions les écouter en permanence. Mais on n'est jamais sûr de rien, et je voudrais faire un bref saut en arrière dans le temps. Pendant des décennies, on a cru, à droite comme à gauche, que, pour lutter contre l'inflation, il suffisait de contrôler les prix.

M. Maxime Gremetz. Ne généralisez pas !

M. Jean-Yves Chamard. Un beau jour, on a décidé de cesser de les contrôler, et l'inflation n'a pas pour autant explosé : au contraire.

Pendant des années, mes chers collègues socialistes, vous nous avez interdit de parler de la sécurité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Tout au plus reconnaissiez-vous qu'il y avait un « sentiment d'insécurité ». Et puis, il y eut le premier tour de la présidentielle. Nous avons décidé de nous attaquer de front à ce problème, et les choses vont mieux aujourd'hui.

Ne venez donc pas nous dire que vous savez ce qu'il faut faire. Vous avez été longtemps au pouvoir, vous avez pris des tas de lois en matière sociale et de droit du travail, et on ne peut pas dire que vous ayez réussi. Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de regarder de temps en temps vers des pays qui s'y prennent différemment, que vous ne cessez de fustiger mais qui, en définitive, ont réussi, au moins en partie, à éliminer le cancer du chômage.

M. Alain Vidalies. Quels pays ? Vous parlez du modèle américain ?

M. Jean-Yves Chamard. Je ne me laisserai plus impressionner. La pensée unique de gauche, j'en ai assez, et j'ai bien l'intention de ne plus vous écouter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si ça lui a fait du bien, on est contents !

M. le président. Ça a animé le débat, au moins.

La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je suis très heureux que M. Chamard ait décompressé. C'est excellent pour la santé.

Mme Catherine Génisson. C'est un repos compensateur ! (Rires.)

M. Jean Le Garrec. En effet, c'est du repos compensateur − mais il ne pourra pas être affecté à un compte épargne-temps que l'Assemblée n'a pas mis en place.

M. Chamard ne connaît pas très bien l'histoire : heureusement que nous avons eu, en 1981, la volonté de maîtriser l'inflation, qui était alors à deux chiffres. Je fus partie prenante dans ce combat et je me souviens des efforts que nous avons faits et des risques que nous avons pris. Ils ont permis de réduire l'inflation.

M. Maxime Gremetz. En 1983, ce n'était plus pareil !

M. le président. Monsieur Gremetz, n'interrompez pas M. Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur Gremetz, j'ai déjà assez à faire avec M. Chamard, ne me compliquez pas la tâche ! Je ne vais pas ferrailler des deux côtés en même temps, ce n'est pas mon style. Du reste, cela prouve que nous avons probablement adopté la ligne juste.

M. le président. Monsieur Le Garrec, répondez au ministre ou à la commission, mais pas à M. Chamard.

M. Jean Le Garrec. Certes, monsieur le président, mais je m'inquiétais pour la santé de M. Chamard.

Le problème est étonnant et M. Vidalies l'a très bien expliqué : du point de vue de l'ordre public social, l'affectation des heures supplémentaires sur un compte épargne-temps « à l'initiative de l'employeur », c'est du jamais vu. Les précautions que nous avions prises étaient en fait beaucoup trop larges et, si c'était à refaire, je me battrais pour les rendre plus restrictives. Dans la situation actuelle, ce ne sont plus 130 heures, mais 220 heures, et l'on inscrit dans le code du travail l'obligation de travailler sept heures gratuitement : je n'ai pas encore digéré cela. C'est de la solidarité contrainte, alors que la solidarité sait parfaitement s'exprimer spontanément, on l'a vu au moment du tsunami. Et l'on ajoute à cela des heures supplémentaires qui seront affectées au compte épargne-temps à l'initiative de l'employeur. On croit rêver ! Chers collègues, vous ne savez même pas jusqu'où ira ce démembrement de notre système. Monsieur Chamard, ce n'est pas la leçon que nous faisons, mais un simple constat que nous dressons.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour une courte intervention.


M. Maxime Gremetz
.
Cela me rappelle des nuits merveilleuses, il n'y a pas si longtemps. Vers deux heures et demie, nous avons vu surgir un amendement déposé par notre collègue Chamard, qui défendait la réduction du temps de travail !

M. Jean-Yves Chamard. Choisie, pas imposée !

M. Maxime Gremetz. Ensuite, il a créé une grande commission, à laquelle j'ai participé, avec M. de Robien, sur la réduction du temps de travail !

M. Jean-Yves Chamard. Oui, mais dans la liberté !

M. Maxime Gremetz. Malheureusement, Martine Aubry était d'accord avec vous et avec M. de Robien. Pas moi, parce que je trouvais que ce n'était pas tout à fait ça. C'est ensuite qu'on a fait la loi.

Finalement, M. Chamard nous manquait. Mais il est revenu et il nous apporte un petit plus. Il est pour la réduction du temps de travail.

M. Jean-Yves Chamard. Oui, mais choisie !

M. Maxime Gremetz. Sauf que dans les accords de Robien, ce n'était pas le cas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 25 et 26 ne sont pas soutenus.

Je suis saisi de deux amendements, nos 150 et 110, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Ces amendements visent à renforcer la protection du salarié. Il y va de sa liberté, mes chers collègues, parce que c'est en fonction des garanties collectives dont il dispose qu'il exerce le mieux sa liberté.

L'objectif de l'amendement n° 150 est de faire en sorte que ne puissent pas être affectés au CET, à l'initiative de l'employeur, les repos compensateurs attachés aux heures supplémentaires qu'il aura effectuées.

Cette protection nous paraît minimale. On rejoint ainsi l'observation que nous faisions tout à l'heure, selon laquelle les repos compensateurs liés à la protection de la santé au travail du salarié ne doivent pas être transférés sur le CET.

L'objectif de l'amendement n° 110 est de préciser que les heures supplémentaires affectées au compte épargne-temps sont bien imputées sur le contingent et qu'elles sont rémunérées comme telles.

On est là au cœur du tour de passe-passe auquel veut se livrer la majorité. Il consiste à prendre les heures supplémentaires pour les transformer en heures qui ne sont plus supplémentaires, qui ne s'imputent plus sur le contingent et ne sont plus rémunérées en tant que telles.

Par un coup de baguette magique, à l'initiative de l'employeur, elles deviennent des rémunérations différées, minorées par rapport à ce qu'elles pourraient être, et sans être prises en compte dans le contingent.

Un tel mécanisme permet d'ailleurs de dépasser le contingent légal de 220 heures supplémentaires. On peut faire ces 220 heures, et puis d'autres qui ne seront pas décomptées, parce que l'employeur aura décidé de les transférer sur compte épargne-temps, sans garantir une rémunération équivalente.

Je suis curieux de savoir ce que le rapporteur et le ministre pourront répondre.

Un illusionniste peut paraître très brillant, tant qu'on ne s'est pas aperçu de la façon dont il procède. Dès qu'on l'a repérée, tout devient plus fade et banal. Je crains malheureusement que nous ne soyons dans cette situation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable.

Je rappelle que le Gouvernement, par la voix de Gérard Larcher, avait, lors d'une séance de questions orales, à la suite d'une de mes interpellations, solennellement affirmé le principe énoncé par ces amendements.

Il s'agit en outre du droit aujourd'hui en vigueur, conformément à l'une des circulaires d'application de la loi Aubry II, en date du 3 mars 2000.

Enfin, il va de soi qu'en l'absence de dispositions écartant explicitement l'application des règles relatives aux heures supplémentaires, ces règles s'appliquent.

Il ne convient donc pas de surcharger ce texte.

M. Patrick Balkany. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Les heures effectuées au-delà de la durée collective affectées, à l'initiative de l'employeur, sur le CET, ont la nature juridique d'heures supplémentaires ; nous l'avons déjà dit. Elles se voient appliquer la législation de droit commun.

L'accomplissement de ces heures doit en outre répondre aux conditions limites définies par la convention ou l'accord collectif.

On en revient toujours à l'accord collectif, qui donne la possibilité à l'employeur d'affecter ces heures sur le CET.

Cela existe déjà dans une branche professionnelle, celle de la métallurgie. Cela permet de réguler le travail et d'éviter le chômage partiel. Un tel outil, à l'évidence, est favorable à la fois à l'entreprise et au salarié.

C'est l'état d'esprit des accords collectifs, que nous souhaitons retrouver dans l'utilisation de ce nouveau CET.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Le ministre a raison de rappeler que cette procédure existe déjà dans le droit conventionnel. Certaines des conventions de l'Union des industries métallurgiques et minières y font appel.

Un telle procédure a été autorisée par le gouvernement de l'époque et par Mme Martine Aubry. Car, pour reprendre l'expression de M. Gorce, dans cette affaire, le premier illusionniste a été Mme Aubry ! Et la dérive que vous constatez est née des circulaires de mars 2000.

M. Hervé Novelli. C'est exact !

M. Jean-Pierre Soisson. Celles-ci ont été reprises par un certain nombre d'accords collectifs, dont celui des industries métallurgiques et minières.

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Soisson. Les auteurs de la proposition de loi ne font donc que reprendre des procédures qui ont été testées par voie de circulaires par Mme Aubry.

M. Pierre Morange, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Soisson. À l'époque, nous n'avons pas porté une attention suffisante aux textes d'application de Mme Aubry. Je considère que le code du travail requérait une plus grande attention. Nous avons donc eu tort, les uns et les autres, dans la mesure où c'est le départ de ce que vous appelez une dérive... et de ce que nous considérons comme une avancée.

Pourquoi Mme Aubry est-elle allée dans cette direction ? Pourquoi tous les ministres du travail ensuite l'ont suivie ? Parce qu'il fallait limiter les conséquences négatives du chômage partiel.

C'était donc un moyen, à partir d'un texte réglementaire, de limiter, par la voie conventionnelle, ces conséquences.

Ainsi, messeigneurs, vous n'avez rien inventé ! Aujourd'hui, vous livrez un combat d'arrière-garde. Relisez Martine Aubry : c'est la bible du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. L'apport de M. Soisson est extrêmement intéressant. Il a lui-même utilisé le terme « dérive ». Bien que Martine Aubry soit une amie personnelle, avec laquelle j'ai beaucoup travaillé, il m'est arrivé d'être en désaccord avec elle.

M. Hervé Novelli. À moi aussi !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas un crime !

M. Jean Le Garrec. Je reconnais volontiers, monsieur Soisson, que notre vigilance n'a pas été à la hauteur de l'enjeu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais qui n'a pas commis d'erreur ? N'est-ce pas, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. J'en ai commis beaucoup, mais Dieu m'a pardonné !

M. Jean Le Garrec. Vous avez raison, monsieur Soisson : il s'agit bien d'une dérive, que nous n'avons pas perçue. Maintenant, nous la signalons au Gouvernement...

M. Maxime Gremetz. Pour l'aider !

M. Jean Le Garrec. ...afin qu'il ne commette pas la même erreur, qui aurait des conséquences importantes.

Nous sommes ainsi deux : M. Soisson et moi-même, c'est-à-dire un représentant de la majorité et un représentant de l'opposition, à attirer votre attention, pour vous éviter une erreur que vous regretteriez plus tard.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 111.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. L'acte de contrition de M. Le Garrec était individuel. Les solidarités entre anciens ministres n'engagent pas l'ensemble du groupe. Mais le débat est clos.

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur Vidalies, vous n'avez pas toujours été d'accord avec Mme Aubry, et je vous en sais gré !

M. le président. Laissez Mme Aubry là où elle est !

M. Alain Vidalies. Monsieur Soisson, il m'est arrivé d'être en désaccord avec le ministre du travail d'un gouvernement que je soutenais, si vous voyez à quoi je veux faire allusion. (Sourires.) Mais merci pour cet échange de souvenirs...

L'amendement n° 111 est de précision. On nous rétorquera que le problème ne se pose pas et que le texte satisfait à notre préoccupation.

Cet amendement vise à préciser que les sommes et droits versés par l'employeur ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Si nous l'avons déposé, c'est parce que les autres formes d'abondement qui existent dans le code, s'agissant notamment des plans d'épargne entreprise ou des plans interentreprises qui prévoient un abondement de la part de l'employeur, s'accompagnent systématiquement d'une telle disposition. Celle-ci figure par exemple à l'article L. 443-7 du code du travail.

Si, pour d'autres formes d'abondement, le législateur a considéré qu'une telle précision était utile, ceux qui auront à appliquer ou à interpréter la loi risquent de se dire que, si elle ne figure pas ici, c'est en raison d'un choix délibéré, entraînant des conséquences juridiques.

Mieux vaut mieux procéder de la même manière lorsqu'on veut parvenir au même résultat. C'est plus la différence qui interpellera le juge qui aura à appliquer la loi que la similitude. D'où notre préoccupation d'assurer le parallélisme des formes, puisqu'il semble bien que, sur le fond, nous soyons d'accord.

Ne vous contentez donc pas de nous répondre que c'est évident. Reprenons la même disposition, ou enlevons-la partout dans le code.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Je ne décevrai pas notre collègue Vidalies : la commission a émis un avis défavorable.

Une telle précision est inutile. Il va sans dire que l'affectation au CET par l'employeur se fait sans préjudice de ses obligations dans le cadre de la relation contractuelle salariale établie par ailleurs avec le salarié.

Dans tous les cas de figure, l'accord collectif de travail est là pour y veiller.

Enfin, je vous renvoie aux propos du ministre, qui nous a rappelé certaines réflexions de M. Badinter et de M. Mazeaud.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

La proposition n'autorise pas l'employeur à affecter les augmentations de salaire et les compléments de salaire au CET.

M. Hervé Novelli. Exactement !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il autorise l'employeur à abonder le CET, c'est-à-dire à y affecter des droits supplémentaires qui ne correspondent pas à des sommes dues au salarié. Il s'agit d'intéresser le salarié à l'ouverture du CET.

Cet abondement ne peut donc se substituer à un élément de rémunération. Les choses sont claires.

Nous souhaitons le retrait de cet amendement. Pourquoi inscrire à nouveau ce qui existe déjà et qui est clair ? Je rappelle mes propos précédents sur ce sujet.

M. Patrick Balkany. Vous avez tout à fait raison !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.


M. Jean-Yves Le Bouillonnec
. Compte tenu de la récurrence de cette précision dans le code du travail, son absence du dispositif que vous instituez n'en sera que plus marquante.

M. Hervé Novelli. Nous n'allons pas refaire le code du travail !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle ne manquera pas d'ouvrir le champ à la contestation. Ce sont des principes du droit que nous connaissons tous parfaitement.

M. Jean-Pierre Soisson. Citez donc la loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je cite l'article L. 443-7, qui dispose dans son dernier alinéa : « Les sommes versées par l'entreprise ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ». Cette précision apportée in fine concerne « les sommes versées annuellement par une ou plusieurs entreprises pour un salarié » sur un plan d'épargne d'entreprise. C'est pourquoi l'absence de cette précision dans votre dispositif pourrait être utilisée comme élément de droit à l'appui d'une contestation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, compte tenu du bon déroulement de nos travaux, que nous avons engagés depuis assez longtemps maintenant, je vous demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance.

M. le président. Elle me paraît légitime.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 4 février 2005 à zéro heure, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 37 et 112.

L'amendement n° 37 n'est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 112.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement tend à supprimer le sixième alinéa du texte proposé pour l'article L. 227-1 du code du travail, qui nous occupe depuis un petit moment.

Les augmentations de salaires et les compléments du salaire de base ne peuvent pas être affectés au compte épargne-temps, notamment à l'initiative de l'employeur. Une telle disposition est contraire à la préoccupation des salariés de voir augmenter leur pouvoir d'achat et risquerait de rendre totalement virtuelles les augmentations de salaire pratiquées par l'employeur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable.

Il convient de rappeler que, dans le régime actuel du compte épargne-temps, il est déjà possible d'affecter une fraction des augmentations individuelles de salaire ainsi que les sommes versées dans les conditions définies à l'article L.444-6 du code du travail.

Je souligne par ailleurs que le texte en discussion prévoit expressément que l'abondement en question peut être effectué soit par l'employeur, soit par le salarié. Il n'y a donc pas là de pouvoir réservé.

Enfin, je précise qu'un amendement du Gouvernement, n° 152, répond à la préoccupation formulée par notre collègue. Cet amendement tend à ajouter dans le sixième alinéa, après les mots : « notamment par l'affectation », les mots : «, à l'initiative du salarié, », afin de bien préciser que l'affectation sur le compte d'augmentations ou de compléments de salaire se fait à l'initiative du salarié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Même avis que la commission.

Un amendement du Gouvernement, qui viendra en discussion dans quelques instants, précise en effet que l'affectation sur le compte se fait à l'initiative du salarié.

Je rappelle par ailleurs que la possibilité pour l'employeur d'abonder le CET n'est pas une innovation. Elle existe depuis la loi du 25 juillet 1994 et n'a jamais été supprimée par les dispositions prises ultérieurement.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.


Mme Danièle Hoffman-Rispal
. Sans doute certaines dispositions relevant de la loi de 1994 n'ont-elles pas été supprimées.

Lors de l'examen des lois Aubry, nous avions uniquement considéré la notion de temps pour le compte épargne-temps. M. Soisson nous a demandé tout à l'heure de ne pas employer le sigle CET, mais d'utiliser les mots « compte épargne-temps ». Parlons donc de temps : lorsque nous parlons de temps, nous ne parlons pas d'argent !

Nous sommes en pleine ambiguïté. Nous ne savons plus ce que le salarié va avoir sur ce fameux compte d'épargne. Parfois du temps, par moments de l'argent. Sur quelles bases ? Comment les heures seront-elles majorées ? Sur quel contingent ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est lui qui choisit !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous ne nous y retrouvons plus, au fil du débat. Nous étions à 130 heures de contingent légal d'heures supplémentaires, nous passons à 180, puis à 220.

Ensuite, d'autres heures seront affectées. Des repos compensateurs pourront être monétarisés. Ce texte devient flou. À certains moments, on ne sait plus quel temps le salarié pourra récupérer.

Je reviens sur nos débats relatifs aux conditions de santé, à la pénibilité. J'entends parler de 1 600 heures. À cela s'ajoutent les sept heures du lundi de Pentecôte, cela fait 1 607 heures, auxquelles il faut ajouter environ 212 heures soit environ 1850 heures. Sans compter les autres heures qui peuvent encore s'ajouter ! On parviendra à 2 000 heures. On est loin des 1 607 heures. De toute façon, à un certain niveau, il ne s'agit plus de temps mais d'argent.

À quel moment le salarié d'une PME va-t-il pouvoir récupérer ce travail effectué ? Comment ? À quel taux ? La question reste posée. Il serait temps que nous obtenions des réponses claires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 28 et 113.

L'amendement n° 28 n'est pas défendu.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement n° 113.

M. Alain Vidalies. Cet amendement a pour objectif de supprimer, dans le sixième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail, la référence à la décision prise par l'employeur.

L'alinéa concerne l'affectation au compte épargne-temps des augmentations de salaires et des compléments du salaire de base, dont le salarié est titulaire compte tenu de son activité, de l'application du droit commun, des conventions collectives sur les salaires, la classification, les primes et les augmentations qui peuvent en résulter, par exemple au titre de l'évolution de la prime d'ancienneté, ou de l'évolution de telle ou telle prime spécifique conventionnelle, en raison du changement d'activité dans l'entreprise, bref, de toutes les raisons à fondement légal ou conventionnel qui entraînent une augmentation de salaire.

L'idée qu'une partie de ces augmentations puisse être affectée au compte épargne-temps est acceptable, à la seule condition que cette décision relève exclusivement du salarié, donc du bénéficiaire de ce salaire, en vertu de cette disposition légale ou conventionnelle.

Ce n'est pas simplement une précaution de style. Cela ne concerne pas seulement la question du compte épargne-temps, puisque le code du travail, les relations du travail doivent globalement garder leur cohérence. Dans la relation principale entre un employeur et un employé, il y a deux éléments majeurs : les conditions d'exécution du travail et les conditions de la rémunération. La négociation sur le salaire est évidemment un moment essentiel dans le rapport entre l'employeur et l'employé. Il ne faut pas que, dans cette négociation salariale, l'employeur puisse, à un moment donné, utiliser la perspective heureuse de l'affectation sur le compte-épargne temps, ou - ce n'est pas à exclure - la menace, puisqu'il aura la capacité d'initiative.

À un moment donné, le salarié pourra aspirer à recevoir le bénéfice direct de ce salaire, car cela correspondra dans sa vie privée à son exigence du moment. L'employeur pourra donc, dans la négociation, utiliser cette exigence qui recevait jusqu'à présent une réponse légale, car le salarié pouvait compter sur ce droit. Dans ce contexte, les relations salariales seront perturbées. Chaque fois qu'on introduit dans la discussion sur les salaires des éléments extérieurs, à l'initiative de l'un ou de l'autre, on fait une mauvaise action et on perturbe, dans tous les cas, ces relations. On le voit également quand il y a des interventions extérieures.

Une idée circule aujourd'hui et je ne sais si le Gouvernement la mettra en application. Faut-il inscrire la prime pour l'emploi sur le bulletin de salaire ? Cela nous est parfois présenté comme une formalité administrative, une simplification, une information. Il faut faire attention car, dans ce cas-là, des éléments extérieurs à la relation directe entre le salaire et le travail apparaissent brutalement dans la discussion. Il s'agit soit d'éléments tiers, soit de la possibilité d'utiliser des procédures qui ne sont pas directes.

Si, contractuellement, la possibilité d'affectation au compte épargne-temps est acceptable, cela change profondément de nature si c' est laissé à l'initiative de l'employeur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable de la commission, pour les mêmes raisons que celles formulées à propos de l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous nous sommes déjà exprimés.

Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je présenterai en même temps l'amendement n° 152, parce qu'il apporte des éléments de réponse.

M. le président. Je vous en prie.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous sommes interrogés sur les modalités d'alimentation en argent du CET, et notamment sur les conditions de versement des augmentations et les compléments de salaire.

Cet amendement apporte la précision souhaitée. C'est à l'initiative du salarié que les augmentations et les compléments de salaire y seront affectés dans des conditions prévues par l'accord.

C'est le sens de notre amendement. Naturellement, le salaire de base va continuer à être versé directement au salarié. La prime pour l'emploi est en dehors du dispositif, car cela se situe entre le salarié et l'État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La pertinence des propos de M. Vidalies vient d'être mise en lumière par l'amendement du Gouvernement.

Soyons attentifs ! Si j'ai bien compris la position du Gouvernement, l'amendement deviendrait : « La convention ou l'accord collectif peut prévoir en outre que ces droits peuvent être abondés par l'employeur ou par le salarié, notamment par l'affectation des augmentations... » et vous ajouteriez :  « à l'initiative du salarié. »

Pourquoi, dans cette rédaction, maintenez-vous la formule : « ces droits peuvent être abondés par l'employeur ou par le salarié » à partir du moment où cette affectation se fait à l'initiative du salarié ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Parce qu'il y a abondement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n'y a aucune raison ! l'abondement se fait obligatoirement dans l'exécution. C'est l'employeur qui exécute.

Si vous voulez rejoindre nos arguments, retirez le mot « notamment » et écrivez : « La convention ou l'accord collectif peut prévoir en outre que ces droits peuvent être abondés par l'affectation, à l'initiative du salarié, des augmentations et des compléments ».

Mais il n'y aucune raison d'évoquer l'abondement par l'employeur ou par le salarié. Nous découvrons l'amendement, mais je crois qu'il y a une contradiction dans la formulation.

M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est la rédaction de l'article L. 227-1.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 152, que M. le ministre a défendu par avance ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission est bien évidemment favorable à cet amendement du Gouvernement, qui répond aux différentes sollicitations.

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 152 du Gouvernement.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous ne nous sommes pas exprimés sur cet amendement.

M. le président. Le règlement prévoit que lorsqu'un orateur souhaite répondre au ministre, il doit lever la main. Sinon, je ne peux pas connaître votre souhait de vous exprimer.

M. Alain Vidalies. J'ai présenté mon amendement n° 113.

M. le président. Il vient d'être repoussé.

M. Alain Vidalies. J'espérais obtenir une réponse. L'amendement n° 152 n'a jamais été appelé en discussion, c'est M. le ministre qui a souhaité le présenter.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avec l'autorisation de M. le président.

M. le président. L'amendement n° 152 a été, si je ne me trompe, présenté. Il figure dans la liasse des amendements

M. Alain Vidalies. La commission n'a même pas donné son avis. Vous ne l'avez pas mis en discussion.

M. le président. M. le ministre, dans sa réponse à l'amendement n° 113, a précisé qu'il défendait par là même l'amendement n° 152. M. le ministre a une totale liberté d'intervention.

L'amendement n° 152 a donc été défendu et j'ai demandé l'avis de la commission.

M. Alain Vidalies. Ce n'est pas le ministre qui préside.

M. le président. Je ne vais pas demander à chaque groupe s'il y a des explications de vote.

Si vous souhaitez intervenir, levez la main. Sinon, je ne peux pas savoir que vous souhaitez intervenir. (M. Vidalies lève la main.)

M. le président. Je vous ai vu, monsieur Vidalies. Vous avez la parole.

M. Alain Vidalies. J'ai levé la main, pour répondre sur l'amendement n° 152.

Monsieur le ministre, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'écarter l'amendement n° 113 pour adopter l'amendement n° 152.

C'est d'autant plus regrettable que vous avez pris en compte - et je vous en remercie -, par cet amendement déposé au cours des débats, l'objectif que le groupe socialiste essayait d'atteindre par l'amendement n° 113. Il est important de savoir que, sur ces questions-là, l'initiative ne pourra venir que du salarié.

Mais vos explications ne correspondent pas aux conséquences de la rédaction résultant de l'intégration de l'amendement n° 152, alors qu'elles sont en cohérence avec l'amendement n° 113 qui a été repoussé. On ne peut pas dans un même article dire tout et son contraire.

Vous ne pouvez pas au début prévoir que c'est à l'initiative de l'employeur et du salarié, pour dire à la fin que c'est à l'initiative du salarié On ne s'y retrouvera pas. Cette rédaction comporte une contradiction interne à l'article.

Je demande véritablement, puisque le Gouvernement a la possibilité de prendre toutes les initiatives à ce stade du débat, qu'il soit procédé à un examen très précis des conséquences du texte, compte tenu de l'amendement n° 152. C'est d'autant plus regrettable que l'on est d'accord. C'est juste une question d'expertise. Nous n'avons pas été convaincus par l'observation faite. Je pense qu'il y a une erreur, ou alors il y a autre chose.


Alors, erreur ou ambiguïté ?

Demain, il faudra interpréter la loi. La règle majeure dans le domaine de l'interprétation d'un texte, lorsqu'il y a deux interprétations possibles - l'une qui donne un sens au texte, et l'autre qui ne lui en donne aucun -, c'est de choisir la première. C'est une règle commune au droit civil et au droit administratif.

Le texte qui nous est soumis est incohérent, car il se contredit entre le début et la fin. Ceux qui auront à l'interpréter chercheront donc quelle est la volonté qui a présidé à son élaboration. La première partie pose le principe, et la dernière introduit une exception qui limiterait le champ d'application de l'initiative du salarié, ce qui n'est pas du tout l'objectif visé par l'amendement n° 113. L'interprétation qui prévaudra est donc contraire aux intentions que le Gouvernement a affichées à l'amendement n° 152.

Alors, ou bien, il y a erreur, et, à mon sens, elle peut être rectifiée ; ou on ne nous a pas donné les vraies explications.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement, n° 152.

M. Gaëtan Gorce. Le Gouvernement n'a pas répondu !

(L'amendement est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce., pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Comme vous avez pu l'observer, le groupe socialiste aborde ce débat, depuis le début, avec le souci d'aller au fond des problèmes posés.

M. Patrick Balkany. Cela ne nous a pas échappé !

M. Gaëtan Gorce. Chaque question est abordée dans le détail, avec sérénité, sans provocation ni polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Or nous obtenons rarement des réponses du Gouvernement !

M. Hervé Novelli. Oh !

M. Gaëtan Gorce. L'amendement que vous venez de voter comporte une contradiction interne : on pouvait donc espérer que le Gouvernement serait allé un peu plus loin dans l'explication.

Son refus - que nous avons pu observer à plusieurs reprises depuis le début de ce débat - d'éclairer l'Assemblée nationale, et en particulier l'opposition qui l'interpelle, nous pose problème. Je suis donc contraint, monsieur le président, de vous demander une suspension de séance de quinze minutes, pour permettre au Gouvernement de revoir sa stratégie dans ce débat.

M. le président. Non, monsieur Gorce. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il y a déjà eu une suspension de séance de vingt-cinq minutes.

M. Gaëtan Gorce. C'est scandaleux : la suspension est de droit.

M. le président. Laissez-moi terminer.

M. Gaëtan Gorce. Elle est de droit ! Je vous rappelle le règlement : inutile de vous énerver.

M. le président. Je ne m'énerve pas : j'essaie d'être aussi courtois que vous. M. Dray, lui, a pu voir que je pouvais m'énerver, mais vous, non !

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. le président. Dans la mesure où nous venons d'avoir une suspension de vingt-cinq minutes, je vous propose de poursuivre le débat, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. L'attitude du Gouvernement pose problème.

M. le président. Le Gouvernement est libre de répondre ou non aux remarques. Toujours est-il qu'il a défendu son amendement n° 152.

Cela dit, si, vous souhaitez vraiment une suspension de séance, je vous accorde quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements, nos 115 et 86, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement, n° 115.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre amendement vise à modifier le septième alinéa de l'article L. 227-1 du code du travail. La rédaction de ce septième alinéa est celle-là même que nous proposions pour le sixième alinéa : « La convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés, à l'initiative du salarié, »

Vous le voyez, c'était très simple à faire, monsieur le ministre : vous utilisiez ces mots au sixième alinéa pour ce qui concerne l'augmentation et les compléments de salaire, et nous étions d'accord. Il est étonnant que vous ayez refusé cette proposition rédactionnelle.

M. Hervé Novelli. Ce n'est pas la même chose.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous pouvez dire ce que vous voulez, monsieur Novelli, mais je sais encore lire un article et je dis que l'amendement qui a été adopté comporte une contradiction.

Nous voulons également modifier le septième alinéa. Je rappelle qu'il s'agit du dispositif où la convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés à l'initiative du salarié. L'amendement n° 115 tend à insérer après les mots : « soit pour compléter la rémunération de celui-ci », les mots : « sur la base du salaire perçu au moment de l'utilisation des droits affectés indexé sur l'évolution de l'indice national des prix à la consommation et complété par les majorations appliquées aux heures de travail supplémentaires, »

Par cet ajout, il s'agit de parer à une difficulté non résolue qui affecte notre compréhension du texte, et affectera demain son application.

Le compte-épargne temps ne doit pas avoir pour objet de permettre une rémunération du travail effectué par le salarié et des droits qui y sont attachés à un taux inférieur au salaire normalement perçu lors de l'utilisation de ses droits affectés au CET. Sans quoi, il y aurait rupture d'égalité : le produit du travail ayant donné lieu à une créance, celle-ci serait servie plusieurs mois, plusieurs années plus tard, avec une valeur inférieure.

C'est le problème que nous soulevons et c'est la raison pour laquelle nous proposons l'intégration de ce dispositif permettant de revaloriser la créance lorsque celle-ci est liquidée.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement n° 86.

M. Pierre-Christophe Baguet. Il est nécessaire de préciser que l'indemnisation doit être effectuée sur la base du salaire perçu au moment du versement des droits. Ce sentiment est assez partagé, y compris par notre rapporteur, qui écrit page 51 de son rapport que cette formulation « a disparu dans un souci de simplification. Il va sans dire qu'elle sera utilement reprise dans le texte de la convention collective. »

Si cela va sans dire, pourquoi ne pas l'inscrire, comme prévu, dans l'article L. 227-1 du code du travail ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Conformément aux explications que j'ai présentées devant la commission et auxquelles se réfère M. Baguet, il me paraît nécessaire, tant dans un souci d'allégement des dispositions de ce texte que de souplesse pour les entreprises, de laisser à la convention collective le soin de prévoir de telles dispositions.

Je rappelle que les formules de revalorisation des droits devraient logiquement être différentes selon qu'elles sont comptabilisées en temps, en vue d'un futur congé ou en argent. Dans le premier cas, de facto, la conservation des droits acquis implique que leur valorisation suive l'évolution du salaire du bénéficiaire, alors que, dans le second cas, on peut imaginer une garantie de revalorisation indiciaire, comme cela se pratique dans un certain nombre d'accords collectifs, celui de l'UIMM notamment. Les accords collectifs traitent de cette question en fonction des modes d'alimentation et de sortie du compte épargne-temps qu'ils privilégient.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le compte épargne-temps peut être complété par des versements en argent, effectués soit par l'employeur, soit par le salarié, qui peut décider d'affecter une part de ses rémunérations. Dans cette seconde hypothèse, c'est naturellement sur la base du volontariat.

Il appartient aux partenaires sociaux de fixer les conditions de valorisation des droits épargnés sur le CET. Ils pourront se référer au niveau des salaires lors de l'utilisation du compte ou fixer un taux de valorisation, voire panacher ces deux systèmes de valorisation.

Les précisions que je viens de vous apporter devraient vous conduire à retirer ces amendements. Si tel n'était pas le cas, le Gouvernement n'y serait pas favorable.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Le Bouillonnec ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non seulement, je ne le retire pas, mais je le soumets à l'Assemblée en soulevant un problème important. Je rappelle que le septième alinéa comme le sixième précisent que la convention ou l'accord collectif peuvent prévoir. Nous ne sommes pas dans une disposition du code qui dit que l'employeur ou le salarié vont faire.

M. Hervé Novelli. Non ! La convention ou l'accord le définit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excusez-moi, mais c'est la même chose.

Le septième alinéa laisse-t-il ou non au dialogue social, que vous essayez de préconiser, la possibilité de ne pas intégrer la revalorisation de la créance au moment où elle est liquidée ? Si, c'est cela, dites-le.

Mais ce n'est pas ce que vous déclarez quand vous nous dites que les partenaires fixeront les modalités dans lesquelles seront liquidés les droits du salarié. Or rien dans l'article 1er ne dispose que l'on prévoit une hypothèse de revalorisation.

Alors, que vous disiez que l'accord collectif ou les conventions vont intégrer cet élément, on peut le comprendre, mais lorsque M. Morin propose dans son amendement d'ajouter « sur la base du salaire perçu au moment du versement des droits », il évoque une situation qui rejoint, même si ce n'est pas formulé de la même manière, notre amendement, mais que l'article 1er ne prévoit pas. Dans le dispositif législatif qui va s'imposer comme instrument dans l'accord collectif, vous n'avez pas prévu que le salaire de base sera celui qui existera au moment où les droits seront versés.

Le problème de fond que nous soulevons depuis le début est bien là : c'est la raison pour laquelle notre amendement doit être maintenu ; et j'engage M. Baguet à faire de même, sans quoi le problème que nous posons depuis le début ne sera pas réglé au terme de l'adoption de ce texte par la majorité.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.


M. Pierre-Christophe Baguet
.
Mon interprétation de la réponse de M. le ministre n'est pas la même. J'ai compris qu'il voulait laisser aux partenaires sociaux le choix de la revalorisation de la créance.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Exactement !

M. Pierre-Christophe Baguet. Dans ce cas, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 86 est retiré.

La parole est M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Autant la rédaction de l'amendement de M. Morin est acceptable, autant celle de l'amendement socialiste ne l'est pas. En effet, celui-ci prévoit clairement d'inscrire une clause d'indexation dans la loi, ce que nous cherchons à éviter depuis des années.

Vous devriez vous satisfaire de la réponse du ministre, mes chers collègues.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 114.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement a pour objet de préciser que les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés « à la seule initiative » du salarié, et non pas simplement « à son initiative ».

Cela nous paraît d'autant plus nécessaire que vous avez décidé de modifier les modes d'alimentation du compte. Vous avez notamment créé une sorte d'alimentation forcée où le salarié qui aura effectué des heures supplémentaires ne percevra pas l'argent qui leur correspond parce que l'employeur aura considéré qu'elles se justifient par l'évolution de l'activité de l'entreprise et qu'il aura abondé le compte épargne-temps.

Il ne manquerait plus que le salarié, après avoir supporté cette décision de l'employeur, soit obligé de demander son autorisation pour utiliser son compte. Pour le coup, nous serions dans un cas de figure où le lien de subordination concernerait non seulement les conditions d'exécution du travail mais aussi les conditions d'utilisation de la rémunération. On irait au-delà de toutes les modifications déjà introduites dans le code du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable car elle a estimé cette précision inutile. Le septième alinéa traite bien de l'utilisation des droits affectés à l'initiative du salarié ; le neuvième alinéa vise quant à lui les droits affectés à l'initiative de l'employeur, dans le cadre de l'horaire collectif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cet amendement n'enrichit nullement le texte car il est bien évident que cet alinéa vise l'initiative unique et exclusive du salarié. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dois-je rappeler à notre assemblée que nous ne sommes pas en train d'établir un droit positif mais de préciser comment la convention ou l'accord collectif définissent les conditions d'utilisation des droits affectés sur les comptes d'épargne-temps ? Autrement dit, il ne s'agit pas pour nous de fixer le droit. Et ce n'est pas la même chose d'indiquer aux partenaires sociaux que ces droits sont utilisés « à l'initiative du salarié » que « à sa seule initiative ». La précision que nous introduisons est d'importance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 116.

La parole est à M. Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à maintenir la limite des droits acquis dans l'année, lorsque les droits affectés au compte épargne-temps sont utilisés pour compléter la rémunération du salarié. Il s'agit simplement d'une mesure de prudence car vous avez créé une nouvelle possibilité d'alimenter le compte avec des éléments qui font aujourd'hui partie de la rémunération du salarié, comme les augmentations auxquelles il a naturellement droit, qu'elles soient d'origine législative, conventionnelle ou accordées intuitu personae.

Nous ne sommes pas d'accord sur le principe. Mais si vous prévoyez une telle possibilité, encore faut-il la limiter dans le temps. Sinon les augmentations pourraient in fine être toutes affectées à ces comptes avec toutes les difficultés que cela implique en termes de retraite.

Le véritable paysage de cette proposition de loi se dessine. Vous prétendez assouplir l'utilisation du compte épargne-temps, seul moyen sur lequel vous vous accordez pour remettre en cause les 35 heures. Mais ceux qui vous ont inspiré cette démarche avaient certainement aussi à l'esprit de légitimer de manière quasi définitive le recours aux fonds de pension, en les alimentant de façon privilégiée par le compte épargne-temps. Je dois leur reconnaître un certain génie, qui a d'ailleurs échappé aux commentateurs et aux personnes chargées de présenter le texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Il est pertinent de préserver une certaine souplesse pour les grandes entreprises, qui, pour des raisons de provisionnement, n'estimeraient pas nécessaire de s'en tenir à la limite des droits acquis dans l'année, et à protéger les PME, pour des raisons de trésorerie que l'on peut concevoir aisément.

Une telle limitation restreindrait en outre les droits des salariés, qui peuvent souhaiter une liquidation monétaire intégrale à un moment donné.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le rapporteur a tout dit. Il est vrai que les versements annuels peuvent être de montants très différents. La souplesse est nécessaire pour la liquidation du compte. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffmann-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Encore une contradiction de plus ! Si j'ai bien compris la philosophie du texte, une entreprise peut, si son activité le justifie, choisir d'alimenter le compte épargne-temps avec des heures supplémentaires ou à travers une monétarisation.

Selon le Premier ministre, dans son discours du 9 décembre, il s'agit de « travailler plus pour gagner plus ». Si une entreprise a eu des besoins supplémentaires d'activité, elle a aussi eu des gains de productivité supplémentaires. Le salarié aura travaillé plus, mais quand pourra-t-il récupérer ses gains ? Un an, deux ans, trois ans après ?

Il y a quand même un moment où le respect du droit du salarié doit être observé. Il doit bénéficier des gains de ses heures supplémentaires au cours de l'année où il les a effectuées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 117.

La parole est à M. Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Une des questions qui se pose à propos du compte épargne-temps, c'est de savoir si l'on peut l'utiliser pour alimenter certaines formes d'épargne particulière, définies aux articles L. 443-1-1 et L. 443-1-2, ou pour contribuer au financement de prestations de retraite lorsqu'elles revêtent un caractère objectif et obligatoire, déterminé dans le cadre d'une procédure visée à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

Or, avec votre proposition de loi, le sens même du compte épargne-temps est modifié. Il suffit pour s'en convaincre de lire le début de l'article L. 443-1 : « Le plan d'épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. ».


Parfois, le diable est dans les détails. Là, je dis bravo ! Mais au moins, prenons conscience de ce qu'on est en train de faire. Alors, les choses seront claires.

Monsieur Novelli, je veux saluer votre constance. J'en veux pour preuve que si, s'agissant des retraites, on n'a pas voté directement ce que vous souhaitiez quant aux fonds de pension, là vous faites d'une pierre deux coups puisque vous réussissez à obtenir satisfaction sur la remise en cause des 35 heures tout en nous vendant l'idée que les pauvres salariés pourront alimenter le compte épargne-temps mais aussi le plan d'épargne entreprise, système destiné en réalité à une épargne collective et à financer les retraites, non pas dans un système collectif mais dans un système qui sera peu à peu individualisé. Et la boucle est bouclée ! C'est bien à partir de la situation individuelle de chacun que les droits seront constitués, y compris dans ces plans.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement dans la mesure où il est tout à fait contraire à l'objectif de diversification de l'utilisation du compte épargne-temps.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Les auteurs de la proposition de loi souhaitent développer l'épargne salariale. Le Gouvernement partage cette volonté parce qu'elle permet aux salariés de bénéficier des retours de croissance de leur entreprise.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Dès lors que ces produits d'épargne collective leur sont proposés, il nous paraît cohérent que les salariés puissent les alimenter à partir de sources multiples ayant des liens directs avec leur activité dans l'entreprise...

M. Hervé Novelli. Exactement !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...comme la participation, l'intéressement et, demain, les droits acquis sur le compte épargne-temps

Comme je le disais dans la discussion générale, nous aurons l'occasion d'y revenir au printemps, dans le cadre d'un texte qui comportera un volet participation.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Au surplus, la proposition prévoit la possibilité pour l'employeur d'abonder les droits que le salarié souhaitera transférer du compte épargne-temps vers un PERCO. Cela nous paraît aller dans le sens de l'intérêt des salariés.

Quoi qu'il en soit, le choix d'alimenter un plan d'épargne à partir des droits du compte épargne-temps, comme le proposent les auteurs de la proposition de loi, sera laissé à l'appréciation du salarié.

Cette proposition correspond aux objectifs du Gouvernement dans le domaine de l'épargne salariale et de l'épargne retraite.

Nous ne sommes donc pas favorables à l'amendement.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Chacun peut constater que cet alinéa nous a fait entrer dans un autre univers. Nous sommes passés de l'épargne-temps à l'épargne salariale et à l'épargne retraite.

Bien entendu, vous pouvez vous amuser de mes propos, mais si les salariés comprennent demain que vous avez parlé de la loi sur les 35 heures en affirmant l'intérêt de la technique du compte épargne-temps, et qu'en réalité vous réglez des problèmes d'épargne salariale puis d'épargne retraite, ils auront le sentiment d'avoir été doublement trompés. Trompés, parce que ce n'est pas leur temps de travail, leur liberté de travailler plus et de gagner plus que vous avez voulu régler, mais bien la capacité de l'employeur à affecter une partie du produit du travail qui revient au salarié à des processus d'épargne. Trompés encore parce que votre proposition de loi tend à instrumentaliser les conditions dans lesquelles le produit du travail du salarié viendra alimenter demain d'autres fonds que les siens.

On ne parle plus de l'épargne-temps, mais de l'argent qui est dû au salarié et qu'on ne lui donne pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 151 rectifié.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Tout à l'heure, nous avons évoqué le problème de l'utilisation des droits stockés sur le compte épargne-temps pour acheter les annuités manquantes en vue de l'obtention d'une retraite à un meilleur taux. C'est de cela qu'il s'agit ici.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.

L'ouverture de cette possibilité explicite d'affecter des droits sur le compte épargne-temps en vue du rachat d'annuités correspondant notamment aux années d'études est fort bienvenu, ainsi que je l'avais annoncé lors de la discussion de l'amendement n° 79 de M. Le Garrec.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il nous paraît également que cet amendement est le bienvenu. Si nous n'avons pas voté la loi sur la réforme des retraites, force est de reconnaître qu'elle fait partie de la vie quotidienne des Français. Compte tenu des conséquences de cette loi, nombre de ceux qui souhaitent néanmoins partir à l'âge qu'ils espéraient, et notamment ceux qui ont fait des études, ont la possibilité de racheter des années, mais cela coûte cher. Par conséquent, toute mesure leur donnant la possibilité de concrétiser cette possibilité est la bienvenue.

C'est une bonne initiative que d'utiliser le compte épargne-temps pour procéder à ce rachat dans la mesure où, tout au long de sa carrière, un salarié est attentif à la notion de gestion du temps car elle permet de partir une ou deux années plus tôt.

Enfin, j'en viens à la question que je voulais formuler tout à l'heure mais que la présidence n'a pas voulu me laisser poser.

S'agissant des plans d'épargne entreprise, aujourd'hui la part versée par le salarié est exonérée de certaines cotisations sociales. De même, l'employeur bénéficie d'exonérations. Qu'en sera-t-il de la part versée par le salarié à partir de son compte épargne-temps, compte tenu du fait qu'elle est pour partie constituée de rémunérations ordinaires ? Est-ce la règle générale ou la règle particulière qui s'appliquera à ces sommes ?

Là, la situation est différente. En effet, les sommes sont dans le compte épargne-temps.

M. le président. Monsieur Vidalies, veuillez conclure.

M. Alain Vidalies. Cela fait déjà cinq minutes que je parle ? Monsieur le président, plus on avance, plus les minutes se réduisent ! Vous avez déjà empêché...

M. le président. Je n'ai rien empêché, j'applique le règlement, qui précise que le président peut - et j'insiste sur ce terme - autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission.

M. Alain Vidalies. Si la jurisprudence de cette maison change...

M. le président. Non, elle ne change pas !

M. Alain Vidalies. Au bout d'une minute d'intervention, vous tapez sur le micro avec votre règle ! Croyez-vous que nous allons accepter de nous exprimer dans de telles conditions ? C'est grave !

M. le président. Monsieur Vidalies, tous les orateurs du groupe auquel vous appartenez ont pu s'exprimer, tant cet après-midi que ce soir.

M. Alain Vidalies. Ce que je dis est-il inintéressant ?

M. le président. Monsieur Vidalies, je n'ai pas à juger ici si ce que vous dites est utile, intéressant ou brillant.

M. Alain Vidalies. Vous semblez agacé puisque vous tapez sur votre micro au bout d'une minute et demie. Ce n'est pas agréable pour les parlementaires qui font leur travail. C'est aussi une question de respect.

M. Patrick Balkany. Et que faites vous du respect à l'égard du président ?

M. Alain Vidalies. Ce que nous sommes en train de faire n'est pas si simple, y compris pour ceux qui écoutent et qui doivent nous répondre.

M. le président. Monsieur Vidalies, j'essaie d'appliquer le règlement, qui fait que tout le monde peut s'exprimer suffisamment librement. J'insiste pour que vous puissiez vous acheminer vers votre conclusion et, ayant présenté votre amendement, répondre au ministre ou à la commission, mais tout ceci dans un délai raisonnable, sachant qu'il est une heure et demie du matin.

M. Julien Dray. Mais on peut rester jusqu'à 8 heures !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Levez la séance !

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, la décision de lever la séance vous appartient.

M. le président. Il ne s'agit pas de lever la séance. Je donne quelques légers coups sur le micro pour montrer qu'il est souhaitable que les interventions soient concises.

Je taperai moins souvent sur le micro, en contrepartie de quoi vous essaierez d'être plus brefs.

M. Patrick Balkany. C'est un vœu pieux !

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, vous avez fixé des règles et nous sommes d'accord pour les respecter. Je vous promets que mes collègues et moi-même ne dépasserons pas notre temps de parole. Mais je ne veux pas que les règles évoluent au fil du débat.

M. le président. Elles n'évolueront pas !

M. Alain Vidalies. J'en reviens à l'amendement.

Est-ce la règle dérogatoire qui va s'appliquer, ce qui conduit à un régime d'exonération, ou est-ce la règle générale fixée tout à l'heure par le rapporteur ?

Voilà une précision qu'il me semble utile d'apporter. Il n'est pas évident d'y répondre à la lecture du texte.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'abondement de l'employeur bénéficiera d'une exonération fiscale et sociale. C'est au moment du transfert que devra être acquitté ce qui est dû, notamment les cotisations à l'Urssaf sur la partie qui n'est pas exonérée.

M. Julien Dray. Ce n'est pas clair !

M. Alain Vidalies. Ce n'est pas ce que dit le rapporteur !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 119 rectifié.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous souhaitons reprendre une disposition de l'article L. 227-1 du droit positif qui vise les actions de formation professionnelle comprises dans le plan de formation de l'entreprise.

Dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle - cette loi était la traduction d'un accord sur la formation professionnelle signé par toutes les organisations syndicales - avaient été ajoutées des dispositions sur le dialogue social, et surtout l'inversion sur la hiérarchie des normes.


Selon la loi du 4 mai 2004, les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des salariés peuvent se dérouler - c'est une innovation - en dehors du temps de travail effectif, dans la limite de 80 heures par an et par salarié. La loi a entériné l'accord des partenaires sociaux.

Ces heures de formation donnent lieu au versement par l'entreprise d'une allocation de formation d'un montant égal à 50 % de la rémunération nette de référence du salarié concerné. Elle pourrait être complétée par les droits qu'il a accumulés sur son compte épargne-temps. Ce serait souhaitable, et logique dans la mesure où le salarié qui se forme ainsi perçoit la moitié de sa rémunération habituelle. Comme on vient de le faire pour les retraites, il faudrait adapter le CET à ce nouveau dispositif concernant la formation professionnelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis favorable : cette précision est pertinente et opportune.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cet amendement, qui précise que le compte épargne-temps peut être utilisé dans le cadre d'actions de formation prévues à l'article L. 932-1 du code du travail, nous paraît utile. Nous y sommes donc favorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 88.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement déposé par Hervé Morin, François Bayrou et les députés du groupe UDF a pour objectif d'augmenter les revenus des salariés courageux qui travaillent et qui sont malheureusement de plus en plus nombreux, malgré leur mérite, à rencontrer des difficultés financières. Cet amendement s'adresse à eux puisqu'il propose de majorer les droits acquis au titre du compte épargne temps de 25 %, dès lors que le salarié fait le choix de les utiliser en complément de rémunération. En contrepartie, le surcoût engendré pour les entreprises serait neutralisé par une exonération de cotisations sociales.

Nous partons d'un double constat : d'une part, la faible utilisation du compte épargne-temps qui, bien qu'il existe depuis 1994, n'a été mis en place que par 18 % des entreprises seulement et qui n'est guère utilisé par les salariés ; d'autre part, le blocage des salaires qui est particulièrement lourd à supporter pour celles et ceux se trouvant en bas de l'échelle, et qui, il faut le rappeler, est presque exclusivement dû aux conséquences du coût exorbitant de la mise en place des 35 heures obligatoires. Ce blocage conduit à une perte significative de pouvoir d'achat pour nombre de salariés.

Partant de ce constat irréfutable, il nous a paru utile de relancer, conformément au souhait clairement exprimé par les rédacteurs de la proposition de loi, l'intérêt du compte épargne-temps pour les salariés en en améliorant significativement la rémunération. Il nous semble indispensable de donner au plus tôt à nos concitoyens salariés l'occasion d'augmenter leurs revenus car, même si personne n'en parle, ils sont de plus en plus nombreux à connaître des fins de mois difficiles. La fracture sociale qui a été justement dénoncée en 1995 s'aggrave et se déplace dangereusement. Les difficultés s'accumulent pour beaucoup : elles ont d'abord frappé les exclus, puis les bas salaires - et ce sont eux qui souffrent toujours le plus - mais la vague atteint aujourd'hui les salaires moyens. Des foyers jusque-là à l'abri de la précarité n'y arrivent plus. Cette France-là, celle des salariés méritants, est touchée à son tour.

Il faut dès lors lui permettre de travailler plus pour gagner plus. Or les heures accumulées dans le compte épargne-temps sont bien des heures passées dans l'entreprise, comme les heures supplémentaires. Aussi doivent-elles, en cas de liquidation par rémunération, être payées à tous dans des conditions analogues. Tel est notre souhait pour une nouvelle politique salariale plus juste. Pour qu'une loi soit acceptée par tous, elle se doit d'être juste. Nous proposons d'offrir tout à la fois plus de justice et un moyen supplémentaire de gagner davantage à la France courageuse qui travaille.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. En effet, le mécanisme d'abondement automatique du compte épargne-temps prévu dans l'amendement ne correspond pas exactement à l'objectif visé par l'article 1er de la proposition de loi : accorder à la négociation collective la plus grande liberté possible.

Par ailleurs, le dispositif d'exonération envisagé paraît coûteux et son efficacité relative dans la mesure où les exonérations sont attachées à une majoration qui présente un caractère obligatoire.

Enfin, la proposition de loi prévoit une défiscalisation des abondements de l'employeur affectés à un PERCO car cela correspond à un intérêt collectif, conforter les retraites. En revanche, il n'y a pas de justification à ce que le contribuable subventionne systématiquement le compte épargne-temps quand il est utilisé par commodité, au gré de leurs intérêts, par les entreprises et les salariés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, nous l'avons dit à plusieurs reprises, il nous paraît important que les partenaires sociaux puissent fixer les conditions de valorisation des droits épargnés : référence au niveau des salaires ou fixation d'un taux de valorisation, ou encore panachage des deux systèmes selon l'usage des droits accumulés et la durée du stockage. Les règles qu'ils retiendront, cela va de soi, devront tenir compte de la durée de stockage du droit, pour éviter toute dévalorisation sur le long terme, ce qui correspond à votre préoccupation.

S'agissant des exonérations, les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix, logique à nos yeux, de privilégier l'épargne longue.

J'espère que ces explications vous inciteront à retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je maintiens cet amendement pour manifester notre volonté d'engager une politique salariale plus juste. À travail supplémentaire rémunération supplémentaire, et à un juste prix. Si un salarié décide de travailler plus, il doit toucher plus. Une majoration de 25 % de la rémunération au moment de la liquidation serait plus équitable et uniforme sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Sans partager la philosophie de mon collègue Baguet ni forcément approuver le dispositif qu'il préconise, je constate que nous ne sommes pas les seuls dans cet hémicycle à considérer que la politique du Gouvernement ne garantit pas le pouvoir d'achat des salariés.

Il suffit de se référer aux statistiques de l'INSEE. Je n'aurai pas la cruauté à cette heure de comparer la période entre 1997 et 2002 avec la situation qui prévaut depuis, mais je ne peux que confirmer ce qu'a dit notre collègue, c'est-à-dire que votre politique ne garantit pas le pouvoir d'achat. C'est ce qui vous oblige à créer l'illusion que représentent le compte épargne-temps et le fameux slogan travailler plus pour gagner plus, sorti tout droit d'un congrès du MEDEF, comme l'a rappelé à juste titre Alain Vidalies.

La vraie question est de savoir si vous êtes en mesure de définir une politique salariale, d'entamer avec les partenaires sociaux une négociation qui permette d'en définir les grandes orientations. Vous ne pouvez pas en nier la nécessité et laisser de côté la question de la répartition des gains de productivité. Vous ne pouvez pas considérer qu'il suffit de s'en remettre aux heures supplémentaires pour assurer des hausses de rémunération individuelle qui ne sont qu'éventuelles. Vous ne convaincrez pas l'opinion, et a fortiori l'Assemblée, que la question des salaires sera réglée de cette façon. Comment admettre que l'augmentation normale du salaire passe par des dépassements systématiques de la durée légale du travail ? Une telle démarche est contradictoire avec une politique de l'emploi et avec toute politique salariale digne de ce nom.

M. Hervé Novelli. Ça n'existe pas !

M. Gaëtan Gorce. Surtout, vous laissez de côté les partenaires sociaux, qui n'auront pas leur mot à dire. Il serait temps que le Gouvernement, plutôt que de chercher des pis-aller, se mette au travail pour engager une vraie politique de soutien à la consommation et au pouvoir d'achat, qui fait tant défaut. Vous en avez même pris le contre-pied au début de l'année puisque, au moment où la consommation donnait quelques signes d'essoufflement, vous avez au contraire choisi d'augmenter les prélèvements obligatoires, donc de freiner la consommation et le pouvoir d'achat. Si l'UDF le dit par la voix de son porte-parole, elle n'est pas seule, il y a la CGT.

M. Hervé Novelli. Ce n'est pas gentil pour l'UDF ; vous allez la tuer !

M. Gaëtan Gorce. Ainsi, Maryse Dumas déclare dans une tribune de ce matin que le dispositif que vous proposez, loin d'augmenter le pouvoir d'achat, va le comprimer, et elle explique à longueur de colonnes, mais je ne vais pas vous infliger cette lecture, que ce que vous proposez ne répond pas à l'attente des salariés.

D'ailleurs, si je me tourne vers les sondages pour juger de votre action, la conclusion est la même. Ainsi, 77 % des Français veulent garder les 35 heures et considèrent vos dispositions dangereuses pour la situation sociale. Toutes ces questions devraient alimenter le débat.

M. Hervé Novelli. Monsieur le président, on a déjà eu ce débat des dizaines de fois !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je n'ai pas dépassé mon temps de parole, monsieur le président.

M. Hervé Novelli. C'est la cinquième fois au moins que vous citez le même sondage !

M. Gaëtan Gorce. J'ai bien compris que vous souhaitiez tout déréguler, monsieur Novelli.

M. Hervé Novelli. Je souhaiterais seulement que vous ne vous répétiez pas !

M. Gaëtan Gorce. Vous voulez supprimer toute référence collective et laisser les salaires à la discrétion de l'employeur et du salarié, comme tout le reste, de la durée du travail en passant par tous les avantages sociaux. Mais je ne suis toujours pas convaincu et je ne le serai pas davantage même si nous devions y consacrer la nuit. Et les Français ne le seront pas non plus, ce qui est plus préoccupant.

M. le président. Si vous en reveniez à l'amendement n° 88 ?

M. Gaëtan Gorce. Nous avions pourtant fixé une règle de conduite. Je m'y plie mais je tiens à développer mes arguments sur le sujet et à exprimer mon inquiétude qui est aussi celle des Français.

Même si nous ne partageons pas la philosophie de l'amendement, il soulève à juste titre le problème du pouvoir d'achat, auquel vous n'apportez pas de réponse. Nous avons eu l'occasion de le dire et de le répéter : ce n'est pas le dispositif que vous proposez qui le résoudra.

Je m'arrête, monsieur le président, en gage de bonne volonté à votre égard. Mais je reste à la disposition de M. Novelli s'il souhaite à nouveau engager le débat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 120.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le soutenir.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J'ignore si c'est la fatigue due à l'heure tardive, mais j'ai beau avoir fait de la comptabilité dans des PME pendant près de trente ans et essayer de me mettre en situation, vos réponses à propos des provisions sur le compte épargne-temps ne m'ont pas franchement convaincue, et je me demande toujours quoi faire des cotisations.


J'ai bien écouté le rapporteur et j'ai cru comprendre que c'était au moment où j'abondais le compte que je provisionnais les cotisations sous les diverses formes que peut revêtir le compte épargne-temps. J'ai bien écouté le ministre, et j'ai cru comprendre que c'était au moment où je liquidais que je provisionnais les cotisations. Comme vous avez refusé nos amendements pour le compte épargne-temps à l'année, que nous en sommes maintenant à cinq ans et que, comme l'a fait à juste titre remarquer M. Bouillonnec, le compte épargne-temps est d'abord devenu un compte épargne salariale, avant de se transformer en un compte épargne retraite, toute cette affaire va pouvoir prendre dix ans, quinze ans, pourquoi pas vingt ans, puisqu'il n'y a plus de limites ! À quel moment doit-on provisionner le compte ?

De plus, en termes de cotisations et de rentrées sociales - à l'URSSAF, au CARP ou à la DEP -, dois-je rappeler que de nombreux organismes connaissent des déficits abyssaux ? Nous en avons parlé au mois de juillet dernier. A quel moment exact devront se faire les versements ? Très franchement, je n'ai pas bien compris. La seule chose que je sache, c'est que le salarié est perdant : il a travaillé, il a fait des heures supplémentaires, et ces heures sont abondées sur un compte qui n'est plus un compte épargne- temps, mais qui s'est transformé en un compte monétaire qui n'est plus qu'un compte épargne ou un compte retraite. Imaginez qu'il ait vingt-cinq ans. Que se passera-t-il pour lui vingt-cinq ans plus tard ?

M. Hervé Novelli. Nous n'avons pas fini !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J'espère que, d'ici là, le jeu de l'alternance aura permis de faire voter une loi qui annule ces dispositions !

Il est tard, je sais, mais j'ai derrière moi trente ans de comptabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ai toujours été cohérente, mais là, très franchement, je dois vous avouer que je n'ai pas compris à quel moment le comptable doit payer les cotisations : lorsqu'il abonde ou lorsqu'il liquide ?

M. Alain Vidalies. Bonne question !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vos réponses n'étaient pas les mêmes !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

Je répète ce que j'ai déjà dit : la question posée à M. le ministre sur le compte épargne-temps l'avait été sur les transferts dans le cadre du PERCO. M. le ministre vous a répondu de façon spécifique quant au régime fiscal et à l'exonération de cotisations sociales sur la partie abondée par l'employeur.

En ce qui concerne votre question, madame Hoffman-Rispal, les droits stockés sur le compte épargne-temps sont assimilés à des droits immatériels. Le code de la sécurité sociale, quant à lui, est catégorique : les cotisations sociales qui y sont affectées sont versées au moment de la liquidation des droits. Dans le droit comptable de l'entreprise - je parle à une experte -, dans le cadre des plans comptables qui s'adossent au code du commerce, les charges sont provisionnées tout comme le coût des heures ou des jours travaillées, mais, matériellement parlant, le versement ne se fait que lorsque les droits sont liquidés. La chose est ainsi parfaitement claire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

En effet, la disposition d'incitation à l'abondement par l'employeur des sommes placées sur un CET constitue un levier, pour nous important, de constitution d'une épargne retraite.

Pour répondre à la question de Mme Hoffmann-Rispal, je rappelle que l'exonération porte sur l'abondement de l'employeur. Le provisionnement des cotisations a lieu au moment de la liquidation des droits acquis vers le PERCO.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cela peut prendre du temps !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cela peut en effet prendre du temps.

Monsieur Gorce, je souhaite revenir au revenu disponible brut des ménages, pour vous donner quelques indices. De l'indice 88,4 en 1995, nous sommes tombés à l'indice 86,4 en 2001...

M. Hervé Novelli. Eh oui !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...pour remonter à l'indice 87,3 en 2002 et 2003. L'année 2003 - dois-je le rappeler ? - n'a pas connu de croissance.

Ces chiffres sont tirés du rapport 2004-2005 de l'INSEE, qui vient de paraître. Ils se trouvent à la page 101. Il faut rappeler les chiffres et donner ses références, afin de permettre utilement à chacun de les consulter.

M. Maxime Gremetz. Vous faites comme moi, monsieur le ministre, vous donnez vos références. C'est très bien !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je note qu'au petit matin le ministre prend des chemins de traverse, parce que la question soulevée par l'amendement n'est pas celle à laquelle il a répondu tout en faisant référence à ce document de l'INSEE.

L'amendement qu'a défendu Mme Hoffman-Rispal concerne un point important car certaines dispositions de l'article L. 227-1 du code du travail posent des problèmes : il s'agit des mécanismes d'exonération que vous avez habilement mis en place, mais qui semblent plus favorables à l'employeur et à l'entreprise qu'au salarié. En effet, votre dispositif est conçu de telle sorte que l'employeur pourra affecter des éléments au compte épargne-temps - des heures supplémentaires ou des éléments de rémunération - pour les transférer ensuite, de sa propre initiative, sur un plan d'épargne collective. Et tandis que le salarié n'aura rien décidé, cela permettra à l'employeur de bénéficier d'un double avantage : une exonération de cotisations sociales et une réduction de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, puisqu'il pourra retirer de l'assiette de l'impôt sur les sociétés les éléments correspondants au dispositif.

Si j'étais de mauvaise humeur, je pourrais presque dire que c'est, pour l'employeur, une sorte de blanchiment des heures supplémentaires, au travers d'un mécanisme facile qui consiste, d'une part, à ne pas payer les heures supplémentaires, d'autre part à ne payer ni les cotisations sociales ni l'impôt sur les sociétés qui est dû au titre de ce dispositif.

En arriver à un tel système, c'est grave ! Il change la nature du dispositif que nous avions auparavant instauré, comme plusieurs de mes collègues l'ont rappelé. Nous sommes partis d'un compte épargne-temps pour passer à un compte de rémunération différée avant d'en arriver à un simple compte d'épargne ! Il s'agit désormais d'organiser le recours à une épargne individuelle ou à une épargne collective, pour préparer la retraite, mais dans des conditions telles qu'elles n'ont plus rien à voir avec la réduction du temps de travail ou avec la question du temps stocké en vue d'organiser sa vie différemment. C'est le résultat auquel vous voulez parvenir, mais il serait plus honnête de ne plus nommer un tel dispositif compte épargne-temps. Vous continuez à le faire, je suppose, par simple habitude ou par manque d'imagination.

M. Hervé Novelli. Que voulez-vous, nous sommes des néo-conservateurs !

M. Alain Vidalies. Il vaudrait mieux parler d'un compte fourre-tout !

M. Gaëtan Gorce. « Compte fourre-tout », comme le propose Alain Vidalies, me paraît en effet une bien meilleure appellation ! « Compte épargne à la disposition de l'employeur et dans son intérêt exclusif » est une autre façon tout aussi adaptée de nommer ce dispositif, puisque le salarié voit simplement passer les trains : les rémunérations, les jours de repos ou de repos compensateur, transférés sur des comptes dont la rémunération lui sera garantie plus tard. L'employeur, quant à lui, bénéficiera immédiatement de la non-majoration de l'heure supplémentaire, de l'exonération de cotisation sociale et de la réduction de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

Il faut reconnaître, là encore, que le coup est joliment joué.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je vois en effet, monsieur le président, que vous hésitez à utiliser votre stylo.

M. le président. Je le fais doucement de peur de vous perturber.

M. Gaëtan Gorce. Le bruit risquerait en effet d'irriter les oreilles de l'ensemble de mes collègues. Cela rejoint la question de la santé au travail : vous savez combien les nuisances sonores doivent être régulièrement contrôlées, de peur qu'elles n'engendrent des effets redoutables. Si je continuais à parler sans plus vous entendre, cela poserait des problèmes considérables à notre assemblée.

M. le président. J'ai appris récemment que mon collègue Jean Glavany s'était montré beaucoup plus rigoureux que je ne le suis sur la discussion des amendements, lors d'une mandature où, malheureusement, je n'ai pas siégé.

M. Gaëtan Gorce. Lorsque j'étais dans la majorité, en tant que rapporteur du texte de la loi du 19 janvier 2000, j'ai eu à faire face à une opposition dont les députés ne manquaient pas d'éloquence. Mais leurs propos ne se rapportaient pas toujours à l'objet de la discussion. C'est, du moins, l'impression que j'en avais retirée, du fait, peut-être, de mon inexpérience. Je ne peux donc pas vous garantir la validité de mon jugement.

M. Alain Vidalies. M. Raoult ne faisait-il pas partie de ces députés ?

M. Gaëtan Gorce. Je l'ignore, mais je doute qu'ayant tous les talents, le président de séance, lorsqu'il était dans l'opposition, n'ait pas eu celui-là.

M. le président. J'avais été victime d'une triangulaire où le candidat socialiste avait bénéficié du maintien du Front national.

M. Gaëtan Gorce. Vous ouvrez là un débat intéressant, monsieur le président.

M. Maxime Gremetz. Je suis tout à fait d'accord.

M. le président. C'est vous qui me l'avez suggéré, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Non, c'est l'observation de M. Vidalies qui m'a détourné de mon propos initial.

Mais si l'on doit entamer une discussion sur le Front national, son intérêt proviendra de tous les bancs !

M. le président. Revenons à notre amendement.

M. Gaëtan Gorce. Volontiers, monsieur le président, mais vous êtes, me semble-t-il, un peu sorti de votre réserve.

Ma question touchait aux avantages que la proposition de loi offre à l'employeur et qui me paraissent excessifs. J'utiliserai la totalité de mon temps de parole pour souligner ce point, car l'Assemblée et, au-delà, nos concitoyens - la publicité des débats a pour fonction de les éclairer - doivent savoir que le dispositif que vous mettez en place consiste d'une certaine manière à décaler - je ne dirai pas à détourner - l'argent des salariés en vue de bénéficier d'exonérations supplémentaires.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. J'aimerais avoir les explications précises du Gouvernement et du rapporteur sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 131.

M. Gaëtan Gorce. Il s'agit, là encore, d'un amendement très important.

Depuis le début de ce débat, nous entendons qu'il faut travailler plus pour gagner plus, du moins pour gagner plus tard, puisque tout est organisé pour que la rémunération du salarié soit effectuée longtemps après qu'il aura travaillé : il travaille tout de suite, mais il devra attendre la rémunération promise.

Comme disent les Anglais, time is money, le temps, c'est de l'argent. Mais cet argent, le salarié ne l'aura pas économisé sous forme de temps ; puisqu'il aura travaillé. Cet argent, il le touchera plus tard.

Le mot « argent », qui figure dans le texte, est donc important. Nos collègues Verts avaient raison de le souligner. C'est pourquoi je souhaite m'attarder un peu sur cette question.

Le compte épargne-temps avait été créé en 1994, et repris en 1999 et en 2000 dans le cadre de la loi Aubry, pour permettre au salarié qui avait une activité professionnelle importante d'articuler au mieux ses temps de vie. L'objectif était de lui offrir la possibilité de mettre en réserve du temps pour ses loisirs, pour sa formation ou pour des congés de toutes sortes. Cette logique répondait à un projet de société totalement différent de celui que vous préconisez aujourd'hui. Dans un tel projet, le travail est à la base de l'intégration sociale et le plus grand nombre possible de personnes doit pouvoir y accéder. C'est le sens de la politique que nous avons menée durant cinq ans. Mais le travail - et le salaire qu'il procure, d'où l'importance de l'évolution du pouvoir d'achat -, tout en étant à la base de l'intégration sociale, devait s'articuler avec d'autres temps de vie qui ont également toute leur importance. Je connais sur ces bancs des défenseurs de la valeur du travail et des défenseurs de la valeur de la famille. La famille, c'est important ; qui pourrait le nier ? Comment arriver à concilier les valeurs du travail auxquelles vous êtes attaché, et celles de la famille ?

M. Julien Dray. M. Novelli est contre la famille ! Il est contre tout, d'ailleurs.

M. Gaëtan Gorce. M. Novelli ne réagit plus aux propos que nous pouvons tenir, mais c'est sûrement une apparence.

M. Hervé Novelli. Ça suffit !

M. Gaëtan Gorce. Comment concilier ces valeurs si aucune possibilité de réguler le rapport entre le temps du travail et le temps personnel n'est offerte ? Cette régulation non seulement doit s'effectuer en termes de réduction du temps de travail, en vue de dégager du temps libre, mais elle doit encore permettre de stocker du temps en vue, par exemple, de se consacrer plus tard à sa famille.


Le compte épargne-temps procédait très exactement de cette démarche. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que ce soient nos collègues Verts qui le soulignent à travers cet amendement, eux qui sont particulièrement attentifs à la façon dont la société peut équilibrer les rapports entre temps de travail et temps consacré à la famille.

M. Julien Dray. Oui, ils sont très attachés à l'environnement familial. (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. Nous devons accorder à ce débat toute l'attention qu'il mérite : il serait dommage que nous ne puissions aller jusqu'au bout de la discussion sur un sujet de cette importance.

Les trois mots que l'amendement tend à supprimer « ou en argent » semblent tout simples. On a l'impression d'une allusion banale, à l'importance toute relative. Or cela met en évidence la nature même du débat et ce qui nous sépare, nous et la majorité. Nous considérons en effet que le temps a une valeur en soi, par la capacité qu'il offre de s'épanouir au travail et en dehors du travail. De votre côté, vous ne le voyez que sous l'angle de la rémunération - une rémunération différée, qui plus est !

M. Alain Vidalies. Je parlerais plutôt d'exploitation !

M. Gaëtan Gorce. Je ne reprendrai pas le terme qui m'est suggéré et qui renvoie à des débats plus anciens, car je ne veux pas me laisser entraîner dans une polémique dont vous pourriez penser qu'elle ne vise qu'à susciter vos protestations, mes chers collègues de la majorité. Je veux me cantonner au débat de société relatif au temps de travail qui nous divise depuis quelques années.

Je profite de l'occasion pour rendre hommage à Mme Aubry, car on ne l'a pas suffisamment fait dans cette discussion. Elle a accompli un travail considérable et courageux. Face aux attaques virulentes et souvent injustes qu'elle a essuyées, elle a tenu bon sur l'idée que la réduction du temps de travail, notamment à travers le compte épargne-temps, était à la fois le moyen de créer de l'emploi...

M. Patrick Ollier. Où sont les 700 000 emplois qu'elle avait annoncés ?

M. Julien Dray. 400 000, ce n'est déjà pas mal ! Et c'est mieux que les moins 40 000 que vous affichez !

M. le président. Monsieur Dray !

M. Gaëtan Gorce. ...et le moyen de porter un projet de société différent, fondé sur l'idée que l'on peut vivre autrement si l'on maîtrise son temps de travail.

Tels sont les quelques points sur lesquels je voulais insister. J'observe d'ailleurs que cet hommage légitime ne fait même pas réagir la majorité, ce qui signifie qu'elle commence à se ranger à nos arguments et qu'elle considère que la fierté que nous tirons de l'action menée pendant les cinq ans de la précédente législature est parfaitement justifiée.

M. Hervé Novelli. On a pu voir le résultat ! C'est ce qui explique le succès de Jospin aux élections présidentielles, monsieur Gorce !

M. le président. Vous avez dépassé vos cinq minutes, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je conclus, monsieur le président. Auparavant, la majorité réagissait bruyamment à la seule évocation des 35 heures et de Martine Aubry. Ce n'est plus le cas, et c'est déjà un grand acquis des trois années écoulées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable, pour les raisons déjà exposées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J'appelle l'amendement n° 132, qui n'est pas défendu.

M. Gaëtan Gorce. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement a été déposé par mes collègues Billard, Cochet et Mamère, dont chacun ici connaît l'engagement en faveur de l'emploi. Il mérite donc qu'on s'y arrête quelques instants.

Là encore, l'exposé sommaire ne doit pas laisser croire qu'il ne s'agit que d'une approche partielle du sujet : « Afin que le dispositif introduit par cette loi ne serve pas à l'employeur d'échappatoire »... Notez que nous retrouvons là l'esprit de mon propos de tout à l'heure : on a le sentiment que l'on cherche, par les dispositions proposées, à permettre à l'employeur de ne pas assumer la totalité de ses obligations sociales, tant à l'égard de notre système de solidarité qu'à l'égard du salarié. Le mot « échappatoire » prend donc tout son sens.

Je reprends : ...« ne serve pas d'échappatoire au paiement des obligations sociales, notamment sur les heures supplémentaires, »... J'ai indiqué à plusieurs reprises que la question des heures supplémentaires était cruciale, car votre texte n'en assure pas la rémunération.

...« il convient de réserver le dispositif, poursuit l'exposé sommaire, aux seuls cas où l'initiative d'abondement du compte épargne-temps relève du salarié. » La proposition nous paraît tout à fait pertinente. Puisque, selon vous, la liberté est la clé de ce texte, faisons en sorte que le salarié puisse l'exercer chaque fois que possible.

Après avoir évoqué tout à l'heure la question du temps, je crois qu'il convient maintenant de s'attarder sur celle de la liberté. Quelle conception avons-nous de la liberté, dans cette société en général et dans le débat sur ce texte en particulier ? On peut considérer la liberté en soi : une valeur qu'on brandit dans le débat, qu'on déploie et agite comme un drapeau, sans prendre en considération le contexte social, les contraintes, les conditions dans lesquelles on va l'exercer. Mais la République, dès l'origine, a associé la liberté à l'égalité.

M. Julien Dray. Quel fin dialecticien !

M. Hervé Novelli. Moi, je trouve que cela devient moins bien !

M. Gaëtan Gorce. Et nous considérons, du moins de ce côté de l'hémicycle, que l'exercice de la liberté ne peut se concevoir sans la recherche de l'égalité.

M. Jean-Pierre Soisson. Et la fraternité ?

M. Gaëtan Gorce. Pour éviter que l'association de la liberté et de l'égalité ne mette à mal la cohésion du pays en débouchant sur un affrontement, on y a effectivement ajouté en 1848 la fraternité, afin de bien montrer que nous appartenons à la même communauté, réunis que nous sommes par les principes de liberté et d'égalité.

Comment garantir l'équilibre entre la liberté et l'égalité ? En faisant en sorte que la négociation collective ou la loi prennent en compte ces deux préoccupations : la liberté, par exemple, transparaît quand vous proposez que l'on puisse utiliser son temps différemment ou affecter sa rémunération au compte épargne-temps ; mais l'égalité exige que ce soit le salarié qui en prenne l'initiative. S'il subissait une contrainte, cela nuirait à sa liberté - ou, du moins, il deviendrait impossible de s'assurer que cette liberté est bien celle qu'il voulait exercer.

En défendant l'amendement déposé par Mme Billard, M. Cochet et M. Mamère, non seulement je réclame que la proposition de loi soit précisée, mais j'ai aussi le sentiment de chercher à renforcer son caractère républicain. Nous aurons l'occasion d'y revenir en examinant les amendements suivants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable, sans doute par manque de fraternité... (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à deux heures cinq, est reprise à deux heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

L'amendement n° 38 n'est pas défendu.

M. Alain Vidalies. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. La question soulevée par nos collègues Verts dans cet amendement rejoint celle évoquée par nos amendements précédents relatifs aux conditions de la liquidation des droits salariaux accumulés sur le compte épargne-temps. Si ces droits étaient calculés en fonction de leur valeur au jour non pas de la liquidation mais de l'affectation, sans indexation sur l'évolution des taux d'intérêt, cela représenterait évidemment une dépréciation des droits acquis immobilisés sur ce compte, parfois d'ailleurs contre la volonté des salariés, puisque l'argent peut être dirigé d'une manière directive vers le compte épargne-temps.

Quelles seront les conditions de sortie de ce compte ? La réponse à cette question sera fournie par l'accord collectif, dites-vous. Mais nous aimerions savoir si un compromis sur le salaire peut être passé, si le code du travail offre la possibilité de renoncer dans un accord à l'application d'une convention collective, si on peut renoncer, par un accord d'entreprise, à l'application d'une rémunération du salaire : jusqu'à présent, ce n'est pas le cas.

Si le compte épargne-temps rassemble une partie de la rémunération et que, ne serait-ce que sur cette partie, on peut renoncer à appliquer les règles qui s'imposaient jusqu'à présent, aussi bien au niveau du contrat de travail individuel qu'au niveau de l'entreprise, alors on aura franchi une étape supplémentaire vers le but que se fixe l'article 3. En effet, ce texte se décline comme un cheminement ; il a été écrit dans une perspective, pour bien nous montrer quel horizon s'ouvrait à nous, celui de l'application d'un système dont nous n'avions encore jamais eu connaissance.

Le Gouvernement, nous y reviendrons plus tard dans la nuit, déclare s'opposer à l'application de la nouvelle directive sur le travail. Pourtant que nous propose l'article 3, si ce n'est une individualisation des rapports sociaux ? On passerait ainsi en quelques mois de l'application de la loi à l'application de l'accord d'entreprise, puis à la remise en cause de la hiérarchie des normes.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Alain Vidalies. On aboutirait, pour finir, à l'application du code civil ou en tout cas à des rapports individualisés entre l'employeur et l'employé. La question soulevée par cet amendement est essentielle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Cette question a déjà été évoquée et j'y ai déjà répondu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29 rectifié n'est pas défendu.

M. Gaëtan Gorce. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement de Mme Billard, de M. Cochet et de M. Mamère propose de supprimer le neuvième alinéa de l'article 1er. Les dispositions contenues dans cet alinéa mériteraient, si nous en avions le temps évidemment, d'être étudiées de très près. Elles soulignent en effet certaines des difficultés majeures de ce texte.

Plus globalement, à ce stade de la discussion, il convient de s'interroger sur la philosophie générale du texte qui nous est soumis. Il est utile, en effet, de ramener en permanence les propositions concrètes qui nous sont faites à l'esprit qui les inspire. Sont-elles animées par l'esprit de solidarité ? Vous comprendrez que cette question est importante. Pour moi qui suis maire d'une commune qui s'appelle La Charité (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), le rapport entre la charité et la solidarité est une question que je suis amené à me poser très régulièrement. La charité suscite immédiatement chez moi, ne serait-ce que par la responsabilité que j'exerce, un sentiment d'adhésion et d'attachement. D'ailleurs, la charité n'est pas une valeur condamnable en soi. C'est la manière qu'a un chrétien d'exprimer son soutien à un frère qui peut se trouver en difficulté, voire dans une situation de misère ou de précarité.

M. Jean-Pierre Soisson. La Charité renferme une des plus belles abbayes de France ! Aux bords de Loire, une splendeur !

M. Gaëtan Gorce. Merci, monsieur Soisson. Je partage votre admiration.

M. Julien Dray. Et M. Soisson s'y connaît en beauté.

M. Gaëtan Gorce. Je ne sais pas s'il est possible, monsieur le président, d'insister sur ce point, mais il est vrai que la ville de La Charité-sur-Loire, qui se trouve à deux heures à peine de Paris par l'autoroute, je tiens à le préciser, offre de multiples possibilités de loisirs pour des salariés...

M. Patrick Ollier. On s'éloigne du texte.

M. Patrick Balkany. Ces propos sont très intéressants, ils apportent beaucoup au débat !

M. Gaëtan Gorce. Ils ont un rapport direct avec le compte épargne-temps, monsieur Balkany.

M. Julien Dray. Qui peut permettre d'aller à La Charité, par exemple.

M. Patrick Balkany. Épargnez votre temps, et le nôtre !

M. le président. Je propose que nous en revenions à l'amendement n° 29 rectifié.

M. Gaëtan Gorce. Je suis en plein dedans, monsieur le président, parce que, sans la remarque de notre collègue, je n'aurais pas pu souligner combien un salarié qui aurait fait le choix d'utiliser son compte épargne-temps non pas pour le transformer en rémunération, solution préconisée par la majorité qui suscite chez moi des réserves, mais pour constituer un congé, qu'il pourrait utiliser par exemple...

M. Patrick Ollier. Pour aller à La Charité !

M. Gaëtan Gorce. ...pour se rendre à La Charité - je vois que vous suivez mon raisonnement (Sourires) - ferait un excellent choix.


Non seulement ce salarié se situerait dans un esprit différent de celui de la loi que nous condamnons et serait incité à suivre les conseils que nous lui aurions adressés, mais il pourrait admirer le prieuré, que nous sommes en train de restaurer avec l'aide des fonds européens, et profiter de l'ensemble des équipements mis à la disposition de la population. Ce compte épargne-temps pourrait ainsi être utilisé dans les conditions les plus intéressantes et les plus profitables à son épanouissement. Mais je m'éloigne du sujet.

M. le président. Si vous le dites !

M. Gaëtan Gorce. Je n'ai pas pu résister à la tentation de dire tout mon attachement à cette si belle ville, monsieur le président !

M. Patrick Balkany. Retenez-vous !

M. Gaëtan Gorce. Mais j'en reviens au rapport entre charité et solidarité. J'ai suffisamment parlé de la charité, je vais maintenant évoquer la solidarité. C'est une notion qui est compatible avec celle de charité : elle en est la forme organisée. Le législateur est passé par là.

M. le président. Monsieur Gorce, par pitié et non par charité, veuillez conclure ! Vous avez pratiquement épuisé vos cinq minutes !

M. Gaëtan Gorce. Dans ce cas, je reviendrai à cet intéressant débat sur le rapport entre la charité et la solidarité à l'occasion d'un prochain amendement. Je suis sûr que les Verts en ont déposé qui me le permettront.

M. Patrick Balkany. Vous pouvez lire le bottin aussi !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable par charité. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 123.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J'avoue avoir été ébloui par la remarquable démonstration de Gaëtan Gorce.

M. Patrick Balkany. J'en ai encore mal aux yeux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous rappelle les termes du neuvième alinéa du texte proposé pour l'article L. 227-1 du code du travail :

« La convention ou l'accord collectif précise en outre, le cas échéant, les conditions d'utilisation des droits qui ont été affectés sur le compte épargne-temps à l'initiative de l'employeur. »

Ce qui nous gêne, c'est l'expression « le cas échéant ». En effet, à l'endroit où elle est placée, elle laisse planer la possibilité que l'accord ou la convention ne fixe pas ces conditions d'utilisation , ce qui nous rend légitimement suspicieux. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer ces mots.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Tout à l'heure, M. le ministre a légitimement fait référence au président Mazeaud.

M. Julien Dray. Voilà qui touche mon cœur ! Il était mon maître, il l'est toujours d'ailleurs !

M. Alain Vidalies. En entendant cela, Julien Dray a d'ailleurs accouru, car il a compris que le débat devenait important. Et si le président de la commission des lois était là, il se serait sans doute associé à cet hommage et surtout à cette précision. Les professeurs de droit donnent souvent à leurs étudiants de première année deux exemples d'expressions qu'il ne faut pas écrire dans la loi et qui font la honte du législateur : « notamment » et « le cas échéant ».

M. Jean-Pierre Soisson. Il y a aussi « en particulier » !

M. Alain Vidalies. C'est exact ! Et quand on peut lire : « notamment, en particulier, le cas échéant », là c'est la note éliminatoire ! La première fois que j'ai soulevé cette question, c'était à l'occasion de l'examen d'un texte dont Gérard Gouzes était le rapporteur. Lorsque je lui avais objecté que « notamment » cela ne voulait rien dire, il m'avait répondu : « Tu ne vas pas tuer le métier ! »

M. Patrick Balkany. Vous ne le tuez pas, vous l'enterrez !

M. Alain Vidalies. Et j'ai ainsi compris qu'à partir du moment où le législateur écrivait quelque chose qui pouvait se lire dans tous les sens, cela n'avait qu'un intérêt : nourrir le contentieux et permettre au juge de remplacer le législateur.

Nous sommes bien dans ce cas de figure. Si l'on veut que les choses soient claires, il faut se contenter d'écrire que « la convention ou l'accord collectif précise les conditions d'utilisation des droits qui ont été affectés sur le compte épargne-temps à l'initiative de l'employeur ». En effet, si l'on écrit que la convention ou l'accord collectif précise ces conditions, « le cas échéant », que se passe-t-il si tel n'est pas le cas et quelle est alors la règle ? Il n'y en a plus. Mais lorsque M. Le Bouillonnec pose ce problème, il n'obtient aucune réponse alors que la rédaction est mauvaise. Il faut que le ministre ou le rapporteur nous dise pourquoi ce cas échéant-là échapperait à la critique que je formule. A moins qu'ils ne se rallient à notre position.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Morange, rapporteur. La notion de « cas échéant » signifie simplement que tous les accords de compte épargne-temps ne comportent pas nécessairement d'utilisation dite collective.

M. Alain Vidalies. Alors, il ne fallait pas l'écrire dans cet ordre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Cette liste n'est pas exhaustive et pourrait être source de confusion. C'est pourquoi la simple référence aux modalités de gestion du compte est suffisante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si M. le rapporteur veut donner le sens qu'il dit à l'alinéa en cause, il ne faut pas le rédiger comme cela. En plaçant les mots « le cas échéant » après « la convention ou l'accord collectif précise en outre », vous rendez aléatoire le fait que cet accord précise ou non ce point. Pour donner au texte le sens que lui attribue le rapporteur, il faut que les mots « le cas échéant » soient placés après : « qui ont été affectés ». Je propose donc de procéder par un sous-amendement à cette modification rédactionnelle, qui éviterait tout doute sur l'interprétation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Ce débat peut paraître anecdotique. L'anecdote peut d'ailleurs avoir son charme, et voir réapparaître Gérard Gouzes dans cet hémicycle a été un plaisir pour certains d'entre nous.

Personnellement, je préfère « notamment » à « le cas échéant ». En effet, « notamment » évoque pour moi le mot « nuitamment », qui me laisse espérer des choses que ne contiennent pas « notamment » ou « le cas échéant ». (Sourires.) Je pense que c'est une précision utile au bon déroulement du débat.

M. Jean-Pierre Soisson. Amen !

M. Julien Dray. Monsieur le président, M. Soisson rompt le pacte laïque !

M. le président. Monsieur Dray, n'en rajoutez pas !

M. Julien Dray. La confession des uns et des autres s'arrête à la porte de cet hémicycle !

M. le président. D'accord, mais n'en faisons pas pour autant un incident de séance ! Tout ce que vous dites figurera au Journal officiel !

M. Julien Dray. Il s'agit du respect de la laïcité !

M. Patrick Ollier. C'est ridicule !

M. Julien Dray. Parce que, pour vous, monsieur Ollier, défendre la laïcité c'est ridicule !

M. le président. Monsieur Dray, nous sommes dans l'hémicycle, pas dans un amphithéâtre !

M. Julien Dray. Défendre la laïcité, par les temps qui courent, ce n'est pas faire du théâtre ! La laïcité est menacée en ce moment !

M. le président. Je n'ai pas dit que c'était du théâtre, monsieur Dray ! J'ai parlé d'« amphithéâtre » !

M. Julien Dray. M. Soisson doit retirer ce qu'il a dit !

M. Jean-Pierre Soisson. D'accord ! Vive la laïcité !

M. Julien Dray. Voilà ! Quant à M. Ollier, c'est lui qui est ridicule ! Il a refusé de défendre la laïcité !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 147.

Monsieur Le Bouillonnec, ramenez donc un peu de juridisme dans cet hémicycle en défendant cet amendement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Puisque Gaëtan Gorce a évoqué la nuit, je voudrais plutôt réintroduire ici un peu de poésie !

Rappelez-vous, de Guiche rend visite à Roxane. Au prieuré, c'est la nuit. Il est amoureux d'elle. Il ne le dit pas, mais il l'aime toujours. Et il se confie à elle :

« Voyez-vous, lorsqu'on a trop réussi sa vie,
« On sent, - n'ayant rien fait, mon Dieu, de vraiment mal -
« Mille petits dégoûts de soi, dont le total
« Ne fait pas un remords, mais une gêne obscure ;
« Et les manteaux de duc traînent dans leur fourrure,
« Pendant que des grandeurs on monte les degrés,
« Un bruit d'illusions sèches et de regrets. »
Je pense , pour ma part, qu'au terme de cette loi il y a aura beaucoup d'illusions sèches et de regrets,...

M. Patrick Balkany. C'est aussi parfois le cas quand on rentre à la maison !

M. Gaëtan Gorce. ...de petits remords qui font une gêne obscure. Cette gêne obscure, elle s'infiltre dans la République lorsque de telles lois sont adoptées.

Le dixième alinéa de l'article 1er dispose que « l'accord collectif de travail définit par ailleurs les modalités de gestion du compte ». Nous souhaitons préciser le contenu de ces accords et le cadre dans lequel ils pourront intervenir. Il s'agit non pas de dire ce que devront faire les partenaires sociaux, mais de fixer le cadre des objectifs qu'ils devront atteindre.

Voilà pourquoi cet amendement vise à compléter le dixième alinéa par les mots : «, notamment la durée minimale d'ancienneté dans l'entreprise pour que le bénéfice du compte épargne-temps soit ouvert, les modalités de valorisation du temps en argent des éléments affectés au compte épargne-temps, les conditions d'utilisation de ce compte, d'octroi du congé, de calcul, de liquidation du compte, d'octroi du congé, de calcul, de liquidation et de versement des indemnités compensatrices, les conditions de liquidation du compte si le salarié renonce à son congé. »


En somme, le problème est de définir les thèmes sur lesquels les accords pourront être conclus. Il ne s'agit pas d'en préciser le contenu, puisque vous le renvoyez à la négociation, mais de préciser le cadre dans lequel ils pourront s'installer.

M. Julien Dray. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. L'amendement est contraire au processus de simplification du dispositif existant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable. La simple référence aux modalités de gestion du compte nous paraît suffisante.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Comme vous l'imaginez, j'ai été très touché par la manière dont mon collègue Le Bouillonnec a abordé cette question. Mettre de la poésie et faire référence à l'amour et au sentiment quand on aborde un sujet aussi complexe que le compte épargne-temps n'est pas un exercice facile.

M. Patrick Balkany. Je vous l'accorde !

M. Gaëtan Gorce. Je salue donc sa démonstration. J'ajoute qu'en introduisant de la poésie dans le débat, il a permis à d'autres d'y faire allusion. D'autres questions ont été abordées, notamment la laïcité. On me demandera peut-être quel rapport il y a entre celle-ci et le compte épargne-temps.

M. Patrick Balkany. La volonté de gagner cinq minutes ! (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. Mais tout ce que nous faisons n'est-il pas empreint de laïcité puisque nous sommes dans un monde profane ? D'ailleurs, il n'est pas facile de fixer la frontière entre ce qui relève du sacré et du profane.

M. Patrick Balkany. Certes !

M. Gaëtan Gorce. Les plus laïcs peuvent même avoir la tentation de céder à la lumière inspirée du ciel. J'ai en tête, puisque nous sommes dans les citations, cette très belle phrase de Jaurès : « Que le monde sera beau lorsque, en regardant à l'extrémité de la prairie le soleil mourir, l'homme sentira soudain, à un attendrissement étrange de son cœur et de ses yeux, qu'un reflet de la douce lampe de Jésus est mêlé à la lumière apaisée du soir. »

Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Ah ! Que c'est beau !

M. Jean Leonetti. Vous citez Jésus ? C'est insupportable !

M. Patrick Balkany. M. Dray va faire un rappel au règlement !

M. Gaëtan Gorce. Très belle phrase de Jaurès, qui reconnaissait qu'il n'y a pas de vie possible sans spiritualité, même pour lui, grand laïc et grand défenseur du principe de la laïcité. J'ai oublié la référence de ce beau passage. Peut-être figure-t-il dans une de ces improvisations dont il avait le secret.

J'imagine quelle serait la réaction de Jaurès face à un texte comme celui qui nous est présenté aujourd'hui. Il saurait dire, avec des mots bien plus forts que les nôtres et avec l'inspiration qui était la sienne, nourrie d'une culture et d'une connaissance de notre histoire qui subjugueraient les arguments de la majorité, qu'il n'est pas possible d'accepter qu'à travers la réforme du compte épargne temps, on mette à bas les principes du pacte républicain, sur lequel il s'est toujours mobilisé dans cet hémicycle même.

Nous pouvons l'imaginer ici, siégeant parmi nous avec d'autres grands leaders qui ont fait l'esprit de la République et s'opposant à des mesures qui déliteraient, à travers le contrat social, cet esprit dont il a toujours été le promoteur.

Je veux remercier Jean-Yves Le Bouillonnec de m'avoir permis de faire ce rappel et, après avoir rendu hommage à d'autres grandes figures de l'Assemblée, de citer Jaurès, qui, à défaut d'éclairer toujours nos propos, inspire du moins nos positions dans l'action publique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 148.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le onzième alinéa est extrêmement important, puisqu'il évoque le sort du crédit-temps lors du passage d'un salarié d'une entreprise à une autre. À nos yeux, monsieur le ministre, ce point n'est pas mieux réglé dans votre dispositif que ne le sont l'évaluation de la créance et ses modalités de calcul lors de la fin du crédit-temps.

Cet alinéa indique : « À défaut de disposition d'une convention ou d'un accord collectif de travail prévoyant les conditions de transfert des droits d'un employeur à un autre, le salarié perçoit, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis. »

Pour notre part, nous considérons que l'accord collectif doit au minimum déterminer les conditions de transfert, au sein d'un même groupe, d'un établissement à l'autre et, à défaut, les conditions de conversion monétaire des droits accumulés par le salarié sur le compte épargne-temps en cas de rupture du contrat de travail dans des conditions de monétarisation précisées par la loi.

C'est pourquoi nous vous proposons de remplacer votre rédaction par celle-ci : « La convention ou l'accord collectif de travail détermine les conditions de transfert des droits des salariés en cas de mutation d'un établissement à un autre ou dans une filiale d'un même groupe. À défaut de dispositions conventionnelles prévoyant les conditions de transfert d'une entreprise à l'autre, le salarié perçoit en cas de rupture du contrat de travail une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis, établie sur la base du salaire perçu au moment de l'utilisation des droits affectés indexé sur l'évolution de l'indice national des prix à la consommation et complété par les majorations appliquées aux heures de travail supplémentaires. Cette indemnité est liquide et exigible par le salarié dès la rupture de son contrat de travail. »

Tel est le dispositif que nous vous proposons de substituer à celui que définit le onzième alinéa, de manière qu'il n'y ait aucune ambiguïté ni sur le sort réservé à ces droits ni sur la manière dont ils sont évalués au bénéfice du salarié, soit en cas de transfert, soit en cas de rupture du contrat de travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. L'amendement est déjà satisfait. En outre, les précisions qu'il comporte, notamment sur l'indexation des droits, relèvent de la négociation collective.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable. Le principe posé par la proposition de loi est, je le rappelle, la liquidation des droits épargnés en cas de rupture du contrat de travail.

Quant aux conditions de valorisation des droits épargnés, les partenaires sociaux les fixeront librement soit en se référant au niveau des salaires, soit en fixant un taux de valorisation, soit encore en panachant ces solutions.

M. Gaëtan Gorce. Panacher n'est pas jouer !

M. le ministre délégué aux relations du travail. J'ai répondu à M. Baguet sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je tiens d'abord à saluer le mérite du Gouvernement, qui répond à ces amendements, même s'il les refuse. Au moins permet-il ainsi que le débat se poursuive dans des conditions sereines.

Avant d'en venir à l'amendement, je rappelle qu'il est presque trois heures du matin et je m'interroge sur les raisons qui conduisent notre assemblée à siéger et à débattre, dans de telles conditions, de questions aussi importantes. Il serait plus simple de lever la séance, ce qui nous permettrait de reprendre dans des conditions beaucoup plus sereines la discussion que nous avons engagée. Je me permets cette remarque par attachement pour notre assemblée. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de m'en ouvrir à tel ou tel d'entre vous.

Comment pouvons-nous accepter de travailler dans des conditions pareilles ? Croyons-nous que l'Assemblée puisse débattre, analyser et rejeter de manière sereine les amendements pourtant fort pertinents que nous défendons ?

Elle mériterait pourtant, au regard de son histoire, que nous travaillions dans des conditions plus dignes de ce qu'elle a entendu. En effet, si l'on considère la façon dont nous sommes amenés à conduire cette discussion, on s'interroge nécessairement sur la continuité qui existe entre nos mandatures, entre nous, qui sommes les héritiers des générations qui nous ont précédés,...

M. Patrick Balkany. Voilà une remarque de bon sens !

M. Gaëtan Gorce. ...et ceux qui ont participé à de grands débats. J'imagine le jeune Gambetta, le jeune Blum, le jeune Édouard Herriot entrant dans cet hémicycle et nous observant en train de discuter, l'air fatigué, de questions essentielles, dans des conditions qui ne permettent pas de le faire utilement ni efficacement.

M. le président. Monsieur Gorce, vous ne parlez pas de l'amendement n° 148.

M. Gaëtan Gorce. J'en viens à l'amendement, monsieur le président ! L'accord collectif qu'il évoque renvoie directement à l'idée que la République se fait de son pacte social. Puisque j'ai fait allusion à ses grands dirigeants, je ne peux pas ne pas évoquer la conception qu'ils se faisaient du social ni la place qu'ils donnaient à la négociation et à l'accord. C'est dans cette continuité que s'inscrivent nos propositions.

Cela étant, si les grandes figures auxquelles j'ai fait allusion entraient dans l'hémicycle et me voyaient en train de présenter ces amendements,...

M. Jean Leonetti. Elles ressortiraient immédiatement ! (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. ...elles s'inquiéteraient probablement des conditions dans lesquelles se déroule notre débat sur un sujet pourtant essentiel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 124.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Julien Dray. Nous entrons dans le vif du sujet !

M. Alain Vidalies. Cet amendement nous permet d'examiner à nouveau les conséquences, pour le salarié, de la faillite de l'entreprise et le sort des comptes épargne-temps, plus précisément des sommes qui auront été obligatoirement transférées sur ces comptes à l'initiative de l'employeur, selon le système singulier instauré par cette proposition de loi.

Pour l'instant, lorsqu'un salarié est confronté à la déconfiture de son entreprise et qu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation justifie son licenciement, les sommes qui lui sont dues - arriérés de salaire ou indemnités de licenciement - sont payées par l'AGS qu'alimente une cotisation spéciale acquittée par les seules entreprises. Celle-ci est en effet payée avec la cotisation de l'UNEDIC, mais selon un système géré unilatéralement par les employeurs.

Ce dispositif a connu des difficultés financières importantes, en raison de pratiques qui poussaient à l'extrême les possibilités ouvertes par cette prise en charge : des modifications de rémunération intervenaient pendant la période suspecte et permettaient des indemnisations importantes. Une réaction est intervenue, qui allait dans le sens d'un assainissement.

Pour autant, le parallèle n'est pas possible avec ce qui va se passer désormais, qui semble bien complexe. En effet, dans le cadre de cet assainissement, les plafonds ont été abaissés en fonction de la rémunération des salariés licenciés, afin d'éviter d'éventuels détournements. Ces plafonds intègrent aujourd'hui, entre autres paramètres, l'ancienneté dans l'entreprise.

Le problème est que, les plafonds ne bougeant pas et les possibilités de créance explosant avec, en plus des salaires et des indemnités légales, le compte épargne-temps, qui comporte pour partie du salaire différé, il faut trouver une réponse qui garantisse demain avec la même force qu'aujourd'hui le paiement du salarié. Celui-ci, en l'occurrence, est une victime à laquelle il faut garantir le paiement.

Or l'existence des plafonds ne le permet pas. M. Morange a bien vu le problème puisque, dans son rapport, il indique une solution qui paraît simple et à laquelle va sa préférence : l'augmentation des plafonds à due concurrence.

Cette solution n'a pas la faveur de M. le ministre qui préfère - c'est une des informations qu'apporte notre débat - que les entreprises qui voudront mettre en place le nouveau compte épargne-temps prennent en même temps une assurance particulière pour garantir, en cas de sinistre économique, le paiement de la différence entre le plafond AGS et les nouveaux droits.

Cette solution est plus compliquée que la simple augmentation du plafond. Mais, même si on l'admet, une difficulté majeure se pose du fait que, tout en la proposant, M. le ministre refuse de la rendre obligatoire.

M. Patrick Balkany. Ne vous endormez pas sur le chronomètre, monsieur le président !

M. le président. N'ayez crainte !

M. Alain Vidalies. Ne vous inquiétez pas, monsieur Balkany : la présidence est d'une vigilance extrême à mon égard.

M. le président. Continuez, monsieur Vidalies, cette remarque s'adressait non à vous, mais à moi.

M. Alain Vidalies. Jamais je ne vous laisserai agresser sans réagir, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Patrick Balkany est un ami.

M. Julien Dray. Il faut toujours se méfier de ses amis. Vous connaissez la formule : Mon Dieu, protégez-moi de mes amis ; mes ennemis, je m'en charge !

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, le raisonnement était complexe et je vais devoir le reprendre au début.

M. le président. Vous aviez de toute façon dépassé vos cinq minutes !

M. Alain Vidalies. Je reviendrai au sujet.

M. le président. Si vous voulez, mais je considère que l'amendement n° 124 a été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?


M. Pierre Morange
,
rapporteur. Avis défavorable. Les alinéas 11 et 12 du texte proposé pour l'article L. 227-1 du code du travail répondent à ce souci de sécurisation. En effet, la commission a prévu un mécanisme de versement automatique des droits acquis, en l'absence de mécanisme de garantie complémentaire établi par voie conventionnelle, pour couvrir la différence avec le plafond de l'AGS.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous avons déjà évoqué cette question à de nombreuses reprises. Je rappelle donc qu'outre la garantie prévue par l'AGS, dont le plafond sera fixé par décret, un dispositif d'assurance garantie est prévu. Par ailleurs, si tout allait sur le compte épargne-temps, cela n'excéderait pas 3 % de la masse salariale actuellement garantie par l'AGS. C'est dire que le risque est modeste. Enfin, je rappelle que le Gouvernement a eu le courage de redresser l'AGS, dont la situation a commencé à se dégrader dès janvier 2002.

M. le président. Je vais redonner la parole à M. Vidalies. Vous conviendrez, monsieur Gorce, que si le débat s'éternise quelque peu, c'est parce que la présidence fait preuve d'une mansuétude particulière à l'égard des orateurs du groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. Il ne s'agit pas d'une petite affaire, monsieur le président. Nous débattons de mesures concrètes qui concerneront demain des millions de gens.

M. le président. Alors, ne me reprochez la longueur des débats.

M. Alain Vidalies. Nous prendrons le temps nécessaire pour aller au bout de l'examen des amendements.

Monsieur le ministre, soit le surcoût éventuel pour l'AGS est important et il faut inventer un autre système ; soit il est marginal, et je ne vois pas pourquoi vous, qui êtes sinon un chantre de la simplicité, du moins un adversaire de la bureaucratie, vous recourez à un système d'assurance supplémentaire, qui plus est aléatoire. Ce n'est absolument pas cohérent. S'il n'y a pas de surcoût, établissons que la prise en charge sera effectuée par l'AGS. Ainsi, les droits des salariés seront garantis, les charges des entreprises allégées, et le dispositif aura le mérite de la simplicité et de l'efficacité.

En nous répondant que cette question ne se pose pas, vous laissez subsister une incertitude et, demain, des salariés risquent de voir leurs remboursements limités. En cas de déconfiture de l'entreprise, non seulement ils seront licenciés, mais ils perdront aussi la part de leur salaire qui avait été transférée sur un compte épargne-temps.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je crois savoir que des amendements très nombreux et, paraît-il, de grande qualité ont été déposés hier et cet après-midi encore par le Gouvernement et par des membres de cette assemblée. Il serait donc souhaitable que la commission des affaires sociales puisse se réunir pour les examiner. Aussi, je vous demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance d'au moins vingt minutes.

Je vous signale qu'il est trois heures du matin...

M. le président. Cela ne m'a pas échappé, monsieur Gorce, mais depuis le début de l'examen de ce texte, il y a eu dix-huit suspensions de séance.

M. Gaëtan Gorce. Je voulais atteindre le chiffre de trente-cinq, monsieur le président, pour faire plaisir à nos collègues de la majorité.

M. Patrick Balkany. C'est ce qu'on appelle de l'obstruction !

M. le président. La suspension est de droit, mais je ne vous l'accorde que pour deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à trois heures quatre, est reprise à trois heures six.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, j'aimerais que le président de la commission des affaires sociales - que nous avons la chance de compter encore parmi nous à cette heure tardive - nous indique s'il a l'intention de réunir la commission. Cela nous permettrait de travailler dans de meilleures conditions, puisque nous pourrions prendre connaissance des amendements qui ont été déposés aujourd'hui. Je ne doute pas que M. Dubernard y consente, lui qui préside la commission des affaires culturelles avec beaucoup de précaution, dans le respect des opinions des uns et des autres.

M. Patrick Balkany. Et avec talent !

M. Gaëtan Gorce. Je laisse aux représentants de la majorité le soin de porter ce jugement de valeur, car je souhaite rester objectif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Plus de 600 amendements ont en effet été déposés il y a une heure. Il s'agit d'amendements d'un style très particulier qui s'inscrivent manifestement dans la stratégie appliquée par le groupe socialiste aujourd'hui, puisqu'ils déclinent des pourcentages et des données chiffrées.

En accord avec le rapporteur, j'ai estimé, en vertu de l'article 91, alinéa 9, de notre règlement, qu'il n'y avait pas lieu de tenir une réunion de la commission. Il me semble que le débat pourrait se poursuivre, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous indique que le chiffre de 600 est dépassé ; ce sont 1 300 nouveaux amendements qui ont été enregistrés.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je dois dire que j'ai été extrêmement déçu par la réponse du président de la commission.

M. Patrick Balkany. Il est dommage que vous ne connaissiez pas le règlement !

M. Gaëtan Gorce. Et quand je dis : extrêmement déçu, l'expression de mon dépit est nuancée, car je pensais qu'à ce stade de notre débat, le président de la commission aurait le souci de permettre une vraie discussion. Or je constate que, cédant manifestement aux pressions de la majorité, qui ne souhaite pas que le débat puisse avoir lieu au fond, il préfère précipiter la discussion,...

M. Patrick Balkany. Vous avez raison : la discussion est tout à fait précipitée !

M. Gaëtan Gorce. ...en décidant que des centaines d'amendements seront examinés en séance publique sans avoir fait préalablement l'objet d'un examen sérieux en commission.

C'est d'autant plus regrettable que celle-ci s'est réunie tout à l'heure sans que l'opposition puisse assister à cette réunion. Naturellement, nous respectons la procédure, mais il y a la lettre du règlement et son esprit. Or le président de la commission n'est pas fidèle à celui du travail que nous faisons ensemble depuis maintenant plus de deux ans et demi, et je le regrette sincèrement.

M. Patrick Ollier. Pourquoi n'avez-vous pas déposé ces amendements plus tôt ?

M. Gaëtan Gorce. J'aurais préféré porter un jugement plus nuancé et plus favorable, mais force est de constater que M. Dubernard ne contribue pas, à travers son intervention polémique - ce qui est regrettable, venant d'un président de commission -, à la sérénité de nos travaux.

M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 75 a été retiré. Nous en venons donc à l'examen de l'amendement n° 149.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous souhaitons insérer, après l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er, qui dispose : « Les droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps sont garantis dans les conditions de l'article L. 143-11-1. », un alinéa ainsi rédigé : « Sauf lorsque le compte épargne-temps précède une cessation volontaire d'activité prévue par la convention ou l'accord collectif, le salarié retrouve, à l'issue de son congé, son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. »

Cette disposition, que nous souhaitons intégrer dans le dispositif du texte proposé pour l'article L. 227-1 du code du travail, nous paraît nécessaire pour encadrer les conditions du retour du salarié dans l'entreprise après l'utilisation de ses droits à congé issus du compte épargne-temps. Nous souhaitons apporter une garantie au salarié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Le présent texte ne crée pas de nouveaux types de congé, mais des mécanismes de financement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable. Les congés légalement définis sont assortis d'une clause de garantie de retour à l'emploi. Pour le reste, il appartiendra à l'accord de prévoir les garanties demandées. Dans notre esprit, c'est à l'accord de fixer les modalités d'utilisation et les garanties du compte épargne-temps.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, il est trois heures et quart du matin. Il n'est pas tard, mais je m'étonne des conditions dans lesquelles le Gouvernement veut absolument poursuivre ce débat. Nous y sommes favorables, naturellement, mais, ainsi que je l'indiquais tout à l'heure, l'Assemblée nationale doit travailler dans des conditions qui permettent l'exercice normal du droit d'expression de chacun.

M. Jean Leonetti. Nous, nous ne sommes pas fatigués !

M. Gaëtan Gorce. Or nous avons le sentiment que vous voulez poursuivre le débat coûte que coûte, pour que ce texte soit voté avant les manifestations syndicales de samedi. Comme si vous n'étiez pas fiers du texte que vous nous présentez et que vous défendez d'ailleurs avec bien peu d'enthousiasme si j'en juge par vos interventions.


Vous en êtes si peu fiers que vous voudriez le faire passer en catimini, et ne verriez pas d'inconvénient à ce que cette assemblée délibère en quelques minutes d'un sujet qui nous a occupés pendant des années et qui va déterminer le temps de travail de millions de salariés. Je trouve ce comportement exceptionnel, mais au plus mauvais sens du terme. Assumez donc vos responsabilités !

M. Patrick Balkany. On assume, puisqu'on est là !

M. Gaëtan Gorce. J'ai du mal à croire que vous soyez si peu sûrs de vous politiquement, que vous ne puissiez attendre la semaine prochaine, le temps que les Français puissent aller dire dans la rue ce qu'ils pensent de votre texte. Nous pourrions alors reprendre cette discussion avec une idée plus précise de leur opinion. Au lieu de cela, le comportement de la majorité équivaut à une véritable obstruction à l'expression de l'opinion publique quant à ce texte qui remet en cause le droit du travail de façon scandaleuse.

Mme Geneviève Levy. Ce n'est pas la rue qui fait la loi !

M. Patrick Balkany. C'est la représentation nationale !

M. Gaëtan Gorce. On sait bien quels droits vous défendez, monsieur Balkany, et quels principes sont les vôtres !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Julien Dray, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray. Le problème que vient de pointer notre collègue Gaëtan Gorce est sérieux. La majorité a décidé de rédiger une proposition de loi, ce qui était peu glorieux pour le Gouvernement. Mais en dépit de la volonté affichée par un certain nombre d'organisations syndicales de poser le débat au travers d'une importante journée de manifestations qui aura lieu samedi, comme la loi le permet...

M. le président. Et si nous en venions à votre rappel au règlement, monsieur Dray ?

M. Julien Dray. J'y viens, encore faut-il que je puisse avancer un peu dans ma démonstration.

M. le président. Un rappel au règlement au titre de l'article 58-1 obéit à certaines conditions...

M. Julien Dray. Il définit les conditions dans lesquelles nous débattons. Or, c'est bien cette question que j'entends aborder. Le Gouvernement est en train de s'acharner à faire en sorte que cette proposition de loi soit adoptée avant samedi. Ce faisant, il crée des conditions de travail extrêmement pénibles pour le personnel de l'Assemblée nationale. En tant que parlementaires, nous n'avons pas à nous plaindre, puisque nous sommes là par la volonté du peuple, et acceptons par avance ces désagréments. Mais le Gouvernement pourrait avoir un peu plus d'égards pour le personnel de l'Assemblée, auquel il impose aujourd'hui des conditions de travail inacceptables.

M. Patrick Balkany. Il y a trois malheureux articles à adopter !

M. Julien Dray. On voit bien, d'ailleurs, que le Gouvernement ne répond même plus aux questions que nous posons, se contentant de lire quelques notes techniques sans conviction. Le rapporteur aussi est fatigué, et même les parlementaires de la majorité montrent une certaine lassitude.

Il serait juste que le ministre chargé des relations avec le Parlement vienne s'expliquer dans l'hémicycle sur la manière dont les choses se passent, puisque c'est lui qui a la responsabilité, au nom du Gouvernement, de cette situation. Je demande donc la venue du ministre chargé des relations avec le Parlement, et je propose une suspension de séance d'un quart d'heure afin qu'on aille le chercher.

M. Alain Vidalies. Très bien !

M. le président. La parole est à monsieur le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement, lui, ne récite pas le Guide vert du département de la Nièvre, ni ne déclame des vers en les écornant au passage. Il répond tout simplement, avec des arguments...

M. Julien Dray. Ils sont faibles !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Dray, vous arrivez comme un ludion au beau milieu de nos débats...

M. Julien Dray. De quel droit me traitez-vous de ludion ? Il n'y a que des parlementaires, ici ! Fait personnel !

M. le président. Calmez-vous, monsieur Dray. Et si vous souhaitez invoquer un fait personnel, ce sera en fin de séance.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le terme « ludion » qui gêne tant M. Dray m'a été inspiré par son arrivée tardive...

M. Julien Dray. Et alors ? Vous n'arrivez jamais en retard, vous ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement se tient à la disposition de l'Assemblée nationale pour le temps qu'il faudra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. J'ai demandé une suspension !

M. le président. Monsieur Dray, vous avez demandé une suspension pour aller chercher le ministre chargé des relations avec le Parlement. Or le représentant du Gouvernement en charge de ce dossier est en séance. Le ministre délégué aux relations avec le Parlement n'a pas vocation à être appelé en séance. Je ne vous accorde donc pas la suspension que vous m'avez demandée.

M. Julien Dray. La suspension est de droit !

M. le président. Elle serait de droit pour réunir éventuellement votre groupe pendant quelques minutes, mais pas pour le motif que vous avez invoqué.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Les déclarations du ministre, qui met directement en cause un membre de notre groupe, ne sont pas acceptables, et j'espère que le ministre aura l'occasion de s'en excuser directement dans cet hémicycle. Pour lui permettre d'y réfléchir et pour réunir notre groupe, je demande une suspension d'un quart d'heure, qui permettra d'évaluer la situation provoquée par la perte de sang-froid du représentant du Gouvernement.

M. Patrick Balkany. Ce n'est pas convenable !

M. le président. Je vous accorde deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à trois heures vingt, est reprise à trois heures vingt-deux.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 118.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre amendement vise à introduire, après le I de l'article 1er, le paragraphe suivant :

« Un rapport du Gouvernement relatif à l'utilisation des droits affectés au compte épargne-temps pour la prise en compte de périodes d'études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l'article L. 381-4 du code de la sécurité sociale pour la retraite, dans la limite de douze trimestres, sous la réserve de l'obtention du diplôme et du versement de cotisations nécessaires dans des conditions de neutralité actuarielle pour le régime de retraite, est déposé au Parlement avant le 31 décembre 2005. »

Cet amendement a pour objet d'étudier la possibilité d'utiliser les droits affectés au compte épargne-temps pour financer la prise en compte pour la retraite des périodes d'études supérieures. Le compte épargne-temps doit permettre au salarié qui le désire d'accumuler des droits à congé rémunéré en vue de la prise en compte pour la retraite de périodes d'études supérieures dans la mesure où le salarié assure le paiement des cotisations nécessaires au régime de retraite. Cette proposition s'inspire des dispositions des articles 29 et 45 relatifs au régime général et au régime des pensions civiles et militaires de la loi du 21 août 2003 réformant les retraites.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président. Il n'y a pas lieu de prévoir le dépôt d'un rapport supplémentaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le bilan annuel de la négociation collective, en général présenté en juin, intègre un rapport sur la mise en œuvre du compte épargne-temps, notamment dans les accords de branche et d'entreprise. C'est notamment l'annexe III de ce rapport de la négociation collective. Naturellement, la commission des affaires sociales peut s'en saisir.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Il faut un certain toupet pour mentionner la négociation collective alors que le Gouvernement l'a oubliée lors de la préparation de ce texte et du décret sur le contingent d'heures supplémentaires, contrairement à ses engagements « solennels », pour reprendre l'adjectif employé dans l'exposé des motifs de la loi Fillon. Et s'il n'a tenu aucun compte de ses engagements, c'est qu'il a cédé en rase campagne devant les exigences d'une organisation patronale qui a dit qu'elle ne voulait pas négocier.

Ainsi, dans notre pays, quand une organisation patronale ne veut pas négocier, le Gouvernement en prend acte et choisit de passer par la loi. Est-il normal que le dialogue social et la concertation fonctionnent de cette manière ? Peut-on trouver légitime qu'un Gouvernement ne prenne en compte que le point de vue de l'une des parties, alors qu'il doit garantir l'intérêt général ? Et peut-on accepter qu'un ministre, lorsqu'on l'interroge sur la négociation, fasse état d'une négociation dont il ne tient aucun compte lorsqu'il est placé devant ses responsabilités ? La façon dont on traite le dialogue social est proprement scandaleuse. Il n'y a plus de dialogue social dans ce pays, et c'est le Gouvernement et le MEDEF qui en portent directement la responsabilité.

J'ai encore en mémoire les déclarations du MEDEF nous expliquant en 2000 qu'une refondation sociale était nécessaire et que l'État ne devait pas s'en mêler car c'était l'affaire des partenaires sociaux. Depuis 2002 et le changement de majorité, il ne faut plus que les partenaires sociaux interviennent, c'est à la loi de régler la question. La raison en est simple : le Gouvernement est devenu partisan. Il n'est plus celui qui va défendre l'intérêt général entre les uns et les autres, mais celui qui va servir des intérêts particuliers.

La référence du ministre à la négociation, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, parce que ce gouvernement ne peut se prévaloir à aucun titre du dialogue social. Au contraire, il est celui qui casse le dialogue social depuis des années et méprise les organisations syndicales.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. La conclusion s'impose d'elle-même : ce Gouvernement ne respecte en rien les engagements qu'il prend. Comment croire à la parole qu'il donne ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président.
Je suis saisi de trois amendements, nos 121, 133 et 134, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 133 et 134 de Mme Billard ne sont pas défendus.

M. Éric Besson et M. Alain Vidalies. Ils sont repris !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 121.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans son paragraphe I, l'article 1er de la proposition de loi vise à proposer une nouvelle rédaction de l'article L.227-1 du code du travail. Au paragraphe II, il tend à modifier l'article L.443-7 de ce même code de la manière suivante :

« -après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les versements à un ou plusieurs plans d'épargne pour la retraite collectifs peuvent inclure des droits provenant d'un compte épargne-temps dans les conditions mentionnées au huitième alinéa de l'article L.227-1. » 

Au paragraphe III de l'article 1er, l'article L.443-8 du même code est ainsi modifié :

« -le premier alinéa est ainsi rédigé : « Les sommes et droits mentionnés à l'article L.443-7 peuvent être déduits par l'entreprise de son bénéfice pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu selon le cas. » ;

« - au deuxième alinéa, les mots : « Elles ne sont pas prises » sont remplacés par les mots : « Ils ne sont pas pris » ;

« - au troisième alinéa, les mots : « Elles sont exonérées » sont remplacés par les mots : « Ils sont exonérés ».

J'ai délibérément repris les II et III de l'article 1er afin que chacun comprenne bien de quoi nous parlons. Notre amendement a pour objet de les supprimer et de supprimer ainsi les avantages financiers attribués à l'employeur qui alimente le compte épargne-temps du salarié pour effectuer des versements sur un ou plusieurs plans d'épargne pour la retraite collectifs - PERCO.

Dans ce cas, l'employeur pourra déduire de l'assiette des impôts sur les sociétés les droits ou sommes versées à son initiative sur le compte épargne-temps du salarié, qui bénéficieront des exonérations sociales et fiscales appliquées aux sommes versées dans ce cadre. Cette disposition constitue, selon nous, un véritable détournement des droits des salariés pour alimenter les profits financiers.

Un compte épargne-temps par accord collectif sera ouvert au salarié, qu'il le désire ou non. L'employeur de sa propre initiative pourra y affecter les heures supplémentaires du salarié, ses augmentations de salaires, primes et indemnités, et décider de l'utilisation de ces droits accumulés sur le CET à son initiative pour alimenter un plan d'épargne pour la retraite collectif. Ainsi, l'employeur va pouvoir se dispenser d'une vraie démarche de recrutement et d'embauche, d'une réelle politique des salaires ; il pourra réduire son imposition sur les bénéfices et échapper au paiement des cotisations sociales, tout en confortant le dispositif des fonds de pension sans que le salarié ait son mot à dire.

Voilà à quoi aboutit la nouvelle rédaction de ces articles du code du travail. Ces deux paragraphes, dont nous demandons la suppression, sont les plus révélateurs des intentions réelles de la majorité qui a présenté cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour soutenir l'amendement n° 133.

M. Éric Besson. Il nous paraît très important de supprimer le paragraphe II de l'article 1er pour éviter la fuite d'assiette fiscale, ainsi que l'a très bien expliqué M. Le Bouillonnec. Cette disposition est même essentielle à une époque où le chômage prend des proportions dramatiques.

J'ai participé tout à l'heure, avec Julien Dray, à une réunion portant sur la situation économique et sociale de notre pays. Et j'ai eu l'occasion de lui raconter que je m'étais rendu à Londres pour quarante-huit heures avec quelques-uns de nos collègues pour voir ce que les Anglais avaient fait dans ce contexte. J'ai été très frappé par l'inquiétude de nos voisins quant à la dégradation économique et sociale de notre pays. Ils disaient ne pas comprendre, alors que la croissance mondiale est forte - 4 % cette année -, et que la croissance anglaise est très élevée, comment on pouvait avoir en France une croissance si fragile - 2,3 % environ - et un chômage scotché autour de 10 % de la population active. Ils se demandaient comment s'y prenait notre gouvernement pour arriver à de tels résultats.

Monsieur le ministre, il faut prendre conscience de la gravité de la situation. L'Angleterre a une vision libérale - flexible diriez-vous - du marché. Le Danemark et la Suède ont suivi d'autres modèles, mariant flexibilité et sécurité. Mais vous insistez toujours sur la première et vous ne faites aucune proposition pour améliorer la seconde. Cela donne les résultats catastrophiques que nous avons soulignés dans la discussion générale et dont vous ne semblez pas prendre la mesure.

Puis-je vous rappeler que la France compte 200 000 chômeurs et 250 000 RMIstes de plus depuis l'entrée en fonction du gouvernement Raffarin ? Ces chiffres témoignent de votre dramatique échec. À titre de comparaison, sous le gouvernement Jospin, le nombre des chômeurs avait baissé de 500 000 en trente mois.

Le Gouvernement ne tire pourtant aucune leçon de ces faits. Nous ne cessons de les répéter dans cet hémicycle depuis septembre 2002. Les Français vous ont fait savoir très clairement ce qu'ils en pensaient à l'occasion des échéances électorales du printemps puis de juin 2004. Mais il ne se passe rien.

M. le président. Monsieur Besson, vous êtes loin de l'amendement n° 133...

M. Éric Besson. Absolument pas ! En effet, la fuite d'assiette fiscale va priver les salariés de cotisations aux droits différés, chômage et retraite. Et j'ai essayé, dans ce court exposé, de montrer que le chômage n'était pas une virtualité. C'est un mal qui est en train de s'aggraver, et le Gouvernement porte en la matière une lourde responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 134.

M. Alain Vidalies. Cet amendement doit être resitué dans le contexte de notre discussion et éclairé par les différentes informations qui ont été livrées au cours du débat sur l'origine de ce texte et son contenu véritable. Les informations que nous avons apportées doivent aussi s'examiner à la lumière de celles données par le Gouvernement.

Nous avons fait savoir, quant à nous, que le slogan porteur de ce texte, « travailler plus pour gagner plus » n'émanait pas de l'UMP, contrairement à ce que tout le monde pensait. C'était le slogan lancé lors du congrès du MEDEF en 2002. M. Seillière a d'ailleurs rappelé à l'occasion du dernier congrès du MEDEF, le 18 janvier dernier, que c'était bien lui qui était l'initiateur de ce slogan en déclarant : « Ils utilisent - ils parlent de vous, messieurs - comme nous le leur avons demandé lors de notre congrès de Lyon en 2002, le slogan : en France, on veut travailler plus pour gagner plus ». On connaît donc le fabricant de la marque.

S'agissant de l'absence de négociations, on peut parler de violation de la loi puisqu'on n'a pas tenu compte du décret d'octobre 2002. Monsieur le ministre, vous avez d'ailleurs été obligé de reconnaître in fine que vous n'aviez pas consulté le Conseil économique et social comme la loi vous en fait obligation et comme vous vous y étiez engagé dans les débats sur la loi relative à la démocratie sociale.

Nous savons donc d'où vient le texte. Nous savons aussi pourquoi nous avons utilisé cette procédure. Et nous découvrons enfin qu'il est très difficile d'avoir des réponses très précises, sauf de la part de M. le rapporteur, mais sans jamais avoir de confirmation du Gouvernement sur tout l'aspect fiscal du dispositif.

Finalement, le passage de toutes ces sommes par le compte épargne-temps, sommes dont les salariés seront privés dans certaines circonstances, n'a qu'un seul objectif : arriver sur des comptes spéculatifs à destination de retraite, c'est-à-dire sur des fonds de pension. Les exonérations fiscales sont le véritable objectif de ce dispositif. Et il n'est pas question d'assister en spectateur à cette mise en place. Voilà le contexte dans lequel se justifie cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements. Le développement de l'épargne retraite au travers de l'épargne salariale est un objectif qu'il partage. Les mesures incitatives qui sont proposées nous semblent aller dans le bon sens. Cette incitation à l'abondement par l'employeur des sommes placées sur un CET est un levier important de constitution d'épargne retraite sans pour autant former la base de ce gigantesque fonds de pension qui a été décrit.

Après avoir entendu M. Besson, je voudrais préciser que j'étais moi-même, lundi dernier, avec M. Johnson, ministre du travail et de l'emploi britannique. Cela va m'amener à rappeler certaines réalités. D'abord, en Grande-Bretagne, on travaille 1 707 heures, soit 248 heures de plus en moyenne qu'en France.

M. Hervé Novelli. Eh oui !

M. Gaëtan Gorce. Mais avec quelle productivité horaire ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ensuite, en Grande-Bretagne, le temps de travail peut aller jusqu'à 65 heures par semaine par opt out. Souvenez-vous dans quelles conditions, au mois de décembre dernier, nos amis britanniques ont défendu cette dérogation de l'opt out, contre la France qui a réussi à créer une minorité de blocage pour que l'opt out ne se perpétue pas éternellement.

Enfin, un mot sur les indemnités de chômage en Grande-Bretagne : 55 livres par semaine pendant six mois et, après le refus de la troisième proposition d'emploi, la suppression totale de l'aide.

Alors, si le système britannique inspire M. Besson, ce n'est pas le cas de la majorité et du Gouvernement.

M. Gaëtan Gorce. M. Besson n'a jamais dit cela !

M. Julien Dray. C'est le MEDEF qui inspire la majorité !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ainsi que l'a dernièrement montré le plan de cohésion sociale, nous avons une autre vision de ce que doit être une allocation de chômage, un accompagnement des chômeurs et un retour vers l'emploi. C'est sans doute ce qui explique nos divergences.


Je voulais vous le rappeler parce que nous avons, avec le ministre britannique, évoqué son projet de remettre au travail dans les trois prochaines années un million de personnes qui bénéficient aujourd'hui d'une allocation pour handicapé. Il s'est montré très intéressé par les modes d'accompagnement que nous lui avons présentés. Patrick Ollier a eu à cette occasion la gentillesse de nous accueillir à Rueil-Malmaison où se trouve l'un des prototypes de ce que seront les futures maisons de l'emploi.

M. Patrick Ollier. Merci !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pardonnez-moi, monsieur le président, d'avoir pris le temps de développer ces arguments, mais il se trouve que le matin je retrouve l'énergie paysanne et qu'il était important, à la fin de l'examen de l'article 1er, de rappeler quelques réalités.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, pour répondre au Gouvernement.

M. Hervé Novelli. Ces trois amendements en discussion commune sont naturellement à l'opposé du souci des promoteurs de cette proposition de loi, qui ont voulu assouplir et élargir un compte épargne-temps qui ne remplit pas son office puisqu'il n'est utilisé que par moins de deux entreprises sur dix. C'est dans cette philosophie que s'inscrit cet article et c'est pourquoi je suis défavorable à la suppression du II et du III de l'article 1er.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je souhaite m'exprimer moi aussi sur ces amendements.

M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Gorce, mais, comme le prévoit le règlement, je donne la parole à un seul orateur pour répondre au Gouvernement. Pour la première fois depuis le début de cette séance, un membre du groupe UMP me l'a demandée et, par respect pour le pluralisme, qui nous est cher à tous, c'est à lui que je l'ai donnée. Dans la suite du débat, je veillerai à maintenir cet équilibre : un seul orateur, mais tantôt du groupe UMP, tantôt du groupe socialiste.

Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, il faut que les règles de notre débat soient claires. Si vous les changez dans le cours de la discussion en fonction de l'heure ou de la difficulté politique du sujet abordé, il faut que vous nous le précisiez clairement. Ce que vous nous avez indiqué tout à l'heure n'est plus de mise puisque vous réduisez sans cesse le temps de parole de l'opposition, je me permets de vous le faire observer. Nous étions alors plusieurs à nous exprimer sur un même amendement...

M. Patrick Balkany. Vous avez parlé beaucoup moins que la majorité, c'est certain !

M. Gaëtan Gorce. Ensuite, un seul représentant de l'opposition a pu s'exprimer pour répondre au Gouvernement, et maintenant plus un seul !

Je ne souhaite pas ouvrir de polémique avec vous...

M. le président. Moi non plus, monsieur Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Permettez-moi de terminer, monsieur le président !

M. le président. Oui, mais revenez au règlement !

M. Gaëtan Gorce. Ce qui me paraît logique, c'est que l'auteur de l'amendement présente son amendement, puis que la commission et le Gouvernement donnent leur avis. Dans la mesure où ils ajoutent un élément à la discussion, il est normal que l'auteur de l'amendement ou un représentant de son groupe puisse réagir à leurs propos. Et si un membre de la majorité souhaite s'exprimer à son tour, il faut aussi lui donner la parole. Il faut un représentant de la majorité et un représentant de l'opposition pour respecter l'équilibre.

Mais si vous donnez la parole à un membre de l'opposition, au représentant de la commission, puis au représentant du Gouvernement et au représentant de la majorité, reconnaissez que la situation est déséquilibrée, car un seul point de vue contraire s'exprime contre trois points de vue favorables.

M. Alain Vidalies. Il n'y a pas de précédent !

M. Gaëtan Gorce. Ce déséquilibre n'est pas acceptable ! Et je ne veux pas croire que ce soit de votre part le désir d'accélérer la discussion, au détriment de l'approfondissement des sujets qui nous sont présentés.

M. le président. Monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. J'aimerais que les règles soient clairement fixées, monsieur le président, qu'elles ne soient pas à géométrie variable.

M. le président. Monsieur Gorce, si vous parlez tout le temps avec ce flot verbal, je ne pourrai jamais vous répondre ! Mais votre rappel au règlement porte certainement sur l'article 100, alinéa 7, qui dispose : « Hormis le cas des amendements visés à l'article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire. » Cet article ne précise pas qu'un orateur de la majorité et un orateur de l'opposition peuvent prendre la parole.

M. Alain Vidalies. C'est la pratique !

M. le président. Monsieur Vidalies, la pratique du règlement n'est pas écrite ! Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, l'article 56, alinéa 3, précise : « Le président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission ».

M. Alain Vidalies. Cela ne s'est jamais passé ainsi !

M. le président. Monsieur Gorce et monsieur Vidalies, vous venez de me dire qu'il y a depuis le début de la séance un déséquilibre entre les temps de parole. S'il y a déséquilibre, c'est bien entre le temps de parole que vous avez utilisé et celui de la majorité.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Alain Vidalies. C'est le droit de l'opposition !

M. Gaëtan Gorce. C'est un scandale !

M. Éric Besson. C'est insupportable !

M. le président. Je ne me laisserai pas impressionner !

M. Éric Besson. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur quel article se fonde-t-il ?

M. Éric Besson. Sur l'article 48, alinéa 1.

M. le président. Il concerne la Conférence des présidents : cela n'a rien à voir !

M. Alain Vidalies. C'est un malentendu !

M. Éric Besson. Monsieur le président, étant très émotif, j'ai peut-être commis un lapsus, mais je voulais parler, bien sûr, de l'article 58, alinéa 1, bien que j'aie dit 48. Je vous prie de m'excuser, je n'ai pas votre maîtrise du règlement.

Si j'étais ému, c'est probablement parce que je n'avais pas pu répondre au ministre. Je ne peux pas le laisser dire que je serais un adepte des méthodes suivies en Grande-Bretagne ! Si le Journal officiel est lu dans ma circonscription, compte tenu de mes convictions, une telle phrase pourrait troubler celles et ceux qui m'accordent leur confiance. Pour lever toute ambiguïté, je veux dire que nous ne partageons pas les voies qu'ont choisies les travaillistes anglais pour résoudre le chômage...

M. le président. Ce n'est pas un rappel au règlement ! Vous reprenez le débat sur la Grande-Bretagne alors que vous défendiez un amendement du groupe des Verts portant sur un tout autre sujet. Pardonnez-moi, mais je vous retire la parole.

M. Éric Besson. Je n'ai demandé la parole que deux fois au cours de cette séance ! Vous ne pouvez pas dire que j'en abuse !

M. le président. Il n'y a pas de crédit de temps à l'Assemblée nationale. Cela viendra peut-être, c'est même un souhait de Jean-Louis Debré.

Après l'article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 128.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Je dispose bien de cinq minutes, n'est-ce pas monsieur le président ?

M. le président. En effet.

M. Alain Vidalies. Nous ferons plus tard un rappel au règlement pour vous donner notre opinion sur ce qui est en train de se passer et qui est pour nous d'une gravité extrême.

Mais revenons à cet amendement, qui répond à une initiative singulière, apparue au sein de cette assemblée au cours du débat sur la cohésion sociale. Sans que personne en soit informé, sans que les organisations syndicales soient consultées, a été adopté un amendement, bizarrement rédigé d'ailleurs, de M. Fourgous, coéquipier idéologique des auteurs de la proposition de loi et fervent de l'ultra-libéralisme. Cette aile libérale de la majorité a beaucoup de succès en ce moment. Je ne sais pas si cela est dû au changement de président de l'UMP, mais ils sont au premier rang, et leurs thèses ont vite trouvé des applications...

M. Julien Dray. Il est loin le temps où ils étaient trotskystes !

M. Alain Vidalies. Cet amendement portait sur la définition du temps de travail, plus précisément sur la question des déplacements professionnels.

Jusqu'à présent, les déplacements ne posaient pas beaucoup de problèmes, car les choses étaient claires : quand le salarié quitte son domicile pour se rendre à son entreprise, cela s'appelle le trajet et ce n'est pas décompté dans le temps professionnel. S'il a un accident, c'est un accident de trajet, soumis à une législation particulière. Lorsqu'il arrive à son entreprise, on entre dans le champ du temps de travail. S'il quitte son entreprise pour aller sur un chantier, c'est toujours son temps de travail puisque cela correspond à la définition du code du travail : le salarié est à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.

Et voilà qu'apparaît ce curieux amendement qui prétend que le temps de déplacement professionnel ne relève pas du temps de travail. Nous avons interrogé le Gouvernement sur la portée et la rédaction de cet amendement. Il nous a répondu que cela ne voulait pas dire exactement ce que nous avions lu, alors que c'est d'une simplicité totale.

M. Éric Besson. C'est très grave !

M. Alain Vidalies. Le Conseil constitutionnel a été saisi, et je dois dire que le Gouvernement a été assez habile pour, dans le mémoire, donner à ce texte une portée quasiment contraire à celle qui résultait sans conteste de son libellé. Le Conseil constitutionnel n'a pas pris en compte la rédaction de l'amendement mais l'interprétation que le Gouvernement lui a donnée, lequel gouvernement n'était manifestement pas très enthousiasmé par cette initiative.

Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises. Pour ma part, je me demandais s'il s'agissait d'une erreur ou d'un oubli. Non ! L'histoire est encore plus belle, car ce que vous persistez à appeler l'Union des industries minières alors qu'elle a changé de nom et s'appelle aujourd'hui l'Union des industries et métiers de la métallurgie, l'UIMM, vend la mèche dans son numéro de janvier 2005. Ce dont personne ne connaissait l'origine, ce dont personne n'était informé et ce sur quoi vous ne vous êtes jamais expliqués reçoit enfin le label de la vérité. Voilà ce que nous pouvons lire dans le compte rendu d'activité de l'UIMM : « Dans le cadre de la loi de cohésion sociale, une disposition supplémentaire a été adoptée par le Parlement à la suite d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale. Elle vise à ne pas faire entrer dans le décompte des heures supplémentaires le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail pour les salariés itinérants en déplacement chez un client. Pour positive qu'elle soit, cette réforme demeure modeste. »

M. le président. Veuillez conclure !

M. Éric Besson. C'est très important, monsieur le président. Cela touche la vie quotidienne de millions de personnes !

M. le président. Tout est très important, monsieur Besson, mais nous en sommes à l'amendement n° 128.

Je vous rappelle que nous avons examiné 51 amendements en six heures trente. Il en reste 63, sans compter les 1 300 amendements que le groupe socialiste a déposés.

M. Alain Vidalies. Que nous examinerons jusqu'au dernier, la semaine prochaine !

Ce qui est important, c'est que la rédaction de l'article L. 212-4 tend à reprendre la jurisprudence existante, qui jusqu'à présent était acceptée par tout le monde.

M. Éric Besson. Il faut que le ministre s'exprime, car c'est fondamental !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Ce dispositif est contraire à celui qui a été retenu par la loi de cohésion sociale promulguée il y a à peine un mois.

M. Alain Vidalies. C'est exactement ce que je viens de vous expliquer !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 contient des dispositions assurant une indemnisation spécifique aux salariés amenés à se déplacer dans le cadre de leur activité professionnelle. Cette indemnisation doit être fixée par un accord collectif ou, le cas échéant, par l'employeur dès lors que ce temps de trajet dépasse le temps habituel de trajet entre le domicile du salarié et son lieu habituel de travail.

Ce dispositif assure un encadrement des temps de déplacement professionnel des salariés. Nous ne sommes pas favorables à l'amendement que vient de défendre M. Vidalies, qui vise à remettre en cause le principe même de ce dispositif. J'ajoute que le Conseil constitutionnel, saisi expressément sur la constitutionnalité de ce dispositif, l'a reconnu constitutionnel le 13 janvier 2005 ; c'est pourquoi il a été inclus dans son texte même dans la loi promulguée le 18 janvier.

M. Éric Besson. Ce qui a été voté ici n'a donc aucune portée !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, contre l'amendement.

M. Patrick Ollier. Je confirme les arguments développés par la commission et par le Gouvernement, car le Conseil constitutionnel était très clair sur ce point. Je pense que votre amendement n'a pas sa place dans ce texte, monsieur Vidalies.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Besson. Il faut que M. Vidalies puisse répondre, monsieur le président !

M. Gaëtan Gorce. C'est scandaleux !

M. Alain Vidalies. C'est inadmissible !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)


Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais votre manière de présider est totalement inéquitable, et j'emploie un terme volontairement mesuré pour ne pas provoquer entre nous une polémique qui ne me paraît pas nécessaire.

Nous avons une discussion amendement par amendement. Je le répète : si vous donnez systématiquement la parole à un représentant de la majorité sans permettre à l'opposition de répondre au Gouvernement sur un sujet pour lequel il n'y a pas eu de vraie discussion au cours de la loi de programmation et de cohésion sociale, c'est inéquitable. L'amendement a surgi au cours de la discussion parlementaire et a d'ailleurs été contesté en commission mixte paritaire, y compris par des représentants de la majorité au Sénat. Chacun avait bien compris en effet que cette disposition entraînait une modification substantielle du code du travail, qui n'avait pas été négociée avec les partenaires sociaux.

Si vous procédez à chaque fois de cette manière, vous détournez le règlement de cette assemblée. L'équité consiste à ce que nous puissions répondre au Gouvernement.

Je demande donc une suspension de séance d'au moins vingt minutes afin de réunir mon groupe et d'examiner la situation que vous avez créée.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. Mon intervention sera brève, monsieur le président. À cette heure-ci et à ce stade du débat, la majorité souhaite faire part de son irritation face aux détournements permanents du règlement auxquels se livre l'opposition.

M. Éric Besson. Mais M. Vidalies a posé une question !

M. Patrick Ollier. Vous permettez que je parle, monsieur Besson ? Vous m'interrompez, alors que vous nous reprochez de ne pas vous laisser parler ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le président, c'est avec beaucoup de sérénité et de patience, mais aussi avec une grande efficacité, que vous présidez nos débats depuis le début de l'après-midi. Nos collègues, avec, je le reconnais, beaucoup d'habilité et des arguments de fond, détournent systématiquement le règlement de l'Assemblée.

M. Gaëtan Gorce. Nous avons le droit de nous exprimer !

M. Patrick Ollier. Monsieur Gorce, je vous rappelle que l'article 100, alinéa 7, de notre règlement stipule que, sur chaque amendement, sont entendus un orateur pour et un orateur contre. Le président Raoult laisse souvent parler trois à quatre orateurs sur les amendements pour que vous puissiez, messieurs de l'opposition, vider tous les arguments que vous soutenez.

L'article 56, alinéa 3, du règlement précise que le président - j'ai moi-même été vice-président de cette assemblée pendant cinq ans - « peut donner la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement ou à la commission ». Il « peut » : ce n'est donc pas une obligation. Le président Raoult vous donne systématiquement la parole dans les deux cas, messieurs.

Alors, on peut parler du tourisme à La Charité, on peut déclamer des vers, mais il ne faut pas que la lecture du Journal officiel laisse penser que la présidence ne fait pas son travail, que la majorité empêche le débat et que le Gouvernement ne répond pas ! Je tiens à ce que cela figure au compte rendu : messieurs, vous vous livrez à une procédure d'obstruction ! Vous avez dit vous-mêmes pourquoi, dans les couloirs : vous voulez prolonger les débats jusqu'aux manifestations de samedi dont vous avez parlé, monsieur Gorce...

M. Éric Besson. Ce sont des propos supposés tenus dans les couloirs !

M. Patrick Ollier. On comprend très bien l'objectif qui est le vôtre, mais la majorité n'est pas décidée à ce que le règlement de l'Assemblée soit détourné au bénéfice du groupe socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gorce, vous avez demandé une suspension de séance. Elle est de droit. Nous reprendrons dans deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatre heures cinq, est reprise à quatre heures sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Très sincèrement, les propos de M. Ollier ne sont pas acceptables, compte tenu de la façon dont se déroulent ces débats.

M. le président. Ce n'est pas un fait personnel !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, il a voulu juger de notre comportement dans le déroulement de cette séance ! On chercherait à empêcher l'opposition de s'exprimer qu'on n'agirait pas autrement !

Alors que la majorité a tous les pouvoirs dans ces institutions, le simple fait que l'opposition s'exprime sur un sujet aussi important que les 35 heures est-il excessif au regard de la présidence et de cette majorité ? Le simple fait que nous puissions exprimer une opinion contraire dans cet hémicycle, à quatre heures du matin, alors que le débat n'a commencé que mardi et que nous demandons à le poursuivre la semaine prochaine, est-il anormal ? Le simple fait que nous exprimions ici le mécontentement des Français, que vous retrouverez dans la rue samedi prochain, est-il une occasion de nous faire taire, de nous empêcher de le dire ?

M. Patrick Ollier. Respectez le règlement !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, vous nous accordez des suspensions de séance de deux minutes.

M. le président. Monsieur Gorce, tenez-vous en à l'article 58, alinéa 1, du règlement de l'Assemblée !

M. Gaëtan Gorce. Je demande une nouvelle suspension de séance, de vingt minutes, car je n'ai pas eu le temps de réunir mon groupe.

M. le président. Monsieur Dray, demandez-vous toujours un rappel au règlement ou considérez-vous que celui de M. Gorce suffit ?

M. Gaëtan Gorce. Je pense que M. Dray a des choses à dire !

M. Julien Dray. Monsieur le président, M. Gorce s'est exprimé à juste titre, mais je souhaite, moi aussi, faire un rappel au règlement.

Tout à l'heure, M. le ministre m'a traité de ludion. Je l'ai pris comme une remarque désagréable,...

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je l'ai retirée !

M. Julien Dray. ...mais je suppose qu'elle s'explique par l'heure qui avançait, et je ne vous en fais pas grief, monsieur le ministre. D'autant que je vais vous faire une confidence : lorsque j'étais jeune parlementaire, vous étiez une référence pour nous. On conseillait aux jeunes députés arrivant dans cette maison de lire les rapports du sénateur Larcher qui, nous disait-on, faisait autorité en matière de droit du travail. D'ailleurs, mon maître Pierre Mazeaud faisait souvent honneur au travail que vous avez accompli en tant que sénateur. Voilà pourquoi j'ai pris votre remarque pour ce qu'elle est : un simple geste d'agacement qui est, je le comprends, naturel au regard de l'importance de ce débat et des questions qui sont posées.

Cela dit, mon rappel au règlement fait suite à l'intervention de M. Ollier, et je tiens à lui répondre. Je me souviens qu'en 1989 vous étiez, vous aussi, monsieur le président, un jeune parlementaire.

M. Patrick Ollier. Je l'étais également, monsieur Dray !

M. Éric Raoult. Nous l'avons tous été un jour !

M. Maxime Gremetz. Nous le sommes encore !

M. Julien Dray. Nous avons passé ensemble, si mes souvenirs sont exacts, huit jours et huit nuits sur une loi portant sur l'entrée et le séjour des immigrés qui donnait lieu à une vive confrontation au sein de notre hémicycle. Et à cette époque, je m'en souviens, vous utilisiez toutes les ressources du règlement...

M. Patrick Ollier. Jamais !

M. Julien Dray. Ne dites pas « jamais », monsieur Ollier, le Journal officiel en témoigne, et vous le savez très bien ! M. Raoult a lui-même fait ses armes de cette manière : il a acquis une expérience parlementaire au travers de ces débats qui étaient, pour lui, des batailles de conviction ! Je me rappelle des heures et des heures pendant lesquelles la procédure était utilisée pour pouvoir développer des arguments ! L'énervement emportait parfois certains parlementaires, et c'était naturel ! Mais nous avons un règlement qui fixe des règles :...

M. Patrick Ollier. Il faut les respecter, monsieur Dray !

M. Julien Dray. ...certaines d'entre elles protègent les droits - légitimes - de l'opposition, droits que vous avez toujours respectés, monsieur le président, et que vous devez continuer à respecter.

Nous sommes, je l'avoue, dans une situation très difficile parce que le Gouvernement, depuis maintenant plusieurs heures - et je regrette que le ministre chargé des relations avec le Parlement ne soit pas là car il est de sa responsabilité de conduire la politique du Gouvernement en matière de travail parlementaire -, manifeste la volonté de passer en force. C'est la vérité ! On ne débat plus, on n'échange plus, on ne dialogue plus. On essaie de passer en force en faisant jouer la montre pour aller plus vite et en fatiguant les parlementaires de l'opposition afin qu'ils rendent les armes !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le président, nous ne rendrons pas les armes,...

M. Alain Vidalies. C'est clair !

M. Julien Dray. ...parce que nous sommes là pour défendre nos idées. Et vous avez assez d'expérience pour savoir qu'à partir du moment des parlementaires veulent défendre leurs idées, ils vont jusqu'au bout !

Par conséquent, il nous semble maintenant normal d'obtenir une suspension de séance afin de pouvoir examiner les conditions dans lesquelles nous allons travailler.

M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Dray, je ne vous accorde pas la suspension de séance dans la mesure où nous venons d'en avoir une il y a quelques minutes.

M. Alain Vidalies. Elle est de droit ! C'est extraordinaire !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 144.

Monsieur Gorce, le défendez-vous ?

M. Gaëtan Gorce. J'ai demandé une suspension de séance, monsieur le président !

M. le président. Je crois voir que vous signez à la chaîne des demandes de scrutin public.

M. Gaëtan Gorce. Absolument ! Vous n'allez pas être déçu !

M. le président. Dois-je considérer que l'amendement n° 144 n'est pas défendu ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Oui, et pour cinq minutes !

Cet amendement n° 144 vient à la suite de l'amendement précédent sur lequel nous n'avons pas été en mesure de répondre au Gouvernement.

L'amendement à la loi de cohésion sociale déposé par M. Fourgous, voté par la majorité, revêtait deux aspects : la définition du temps de déplacement, dont j'ai déjà parlé, mais également une singularité qui n'a pas encore attiré l'œil du commentateur mais qui va entrer dans le Guinness des livres juridiques ! L'amendement Fourgous - voté par votre majorité et qui est aujourd'hui la loi ! - indique que dans la mesure où ce temps de déplacement n'est plus un temps de travail effectif, il peut donner lieu à une indemnité, ce qui peut certes se comprendre, laquelle doit résulter d'un accord entre le salarié et l'employeur, et que faute d'accord, c'est l'employeur seul qui décide de l'indemnité !

Il n'existe aucune rédaction de ce type dans le code du travail ! Autrement dit, si l'employeur dit : « Vous avez droit à un caramel mou », le salarié aura un caramel mou ! Voilà comment est rédigé le code du travail, aujourd'hui en 2005, en matière d'indemnités ! Voilà ce qu'est devenue la loi française, votée par vous, avec le soutien du Gouvernement !

S'agissant de l'amendement n° 144 proprement dit...

M. le président. Monsieur Vidalies, sur le vote de l'amendement n° 144, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Veuillez continuer.

M. Alain Vidalies. Vous m'avez interrompu, monsieur le président. Il faudra en tenir compte dans mon temps de parole !

M. le président. J'essaie de répondre à l'ensemble des demandes de scrutin public qui m'arrivent !

M. Alain Vidalies. Naturellement, on fait comme on peut avec le règlement ! Vous le lisez vous aussi à votre façon...

J'en reviens à notre amendement : il porte sur une question de droit intéressante.

Nous avons vu en début de discussion que le refus d'un salarié d'effectuer des heures supplémentaires reste une faute. Par conséquent, contrairement à ce que vous prétendez, la liberté, le temps choisi - ce mot d'ordre contenu dans votre proposition de loi - ne s'applique pas pour le salarié. Mais une autre question plus précise se pose : l'employeur ayant la possibilité d'affecter sur le compte épargne-temps des majorations de salaire résultant des heures supplémentaires après dépassement du contingent, le refus du salarié de cette affectation est-il constitutif d'une faute pouvant justifier un licenciement ?


Ce que le salarié refuse, ce n'est pas d'exécuter les heures, mais l'affectation de sa rémunération sur le compte épargne-temps. Ce refus, je le répète, est-il constitutif d'une faute susceptible de justifier son licenciement ? Notre amendement tend à écarter cette possibilité. Comme il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école, nous avons absolument besoin d'obtenir une réponse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est contraire à l'esprit de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. L'indemnité sur le temps de déplacement individuel relève d'un accord collectif. Ce n'est qu'à défaut qu'elle est fixée par l'employeur.

M. Alain Vidalies. C'est la première fois qu'on voit cela !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement partage les préoccupations qui inspirent cet amendement visant à éviter que les salariés qui refuseraient une affectation des heures de travail sur le compte épargne-temps soient exposés, pour ce motif, à une sanction disciplinaire. Mais cette inquiétude ne nous paraît pas fondée. En effet, comme le rappelait le rapporteur, la caractéristique essentielle du compte épargne-temps repose sur le volontariat du salarié. Cela signifie que chaque salarié est libre d'accepter l'affectation des heures de travail sur le compte épargne-temps. Un refus ne peut avoir pour lui de conséquences défavorables. La seule exception − nous en avons déjà débattu − résulte de l'alinéa 5 de l'article 1er...

M. Alain Vidalies. C'est le cas que nous examinons !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...qui permet à l'employeur d'affecter sur le compte épargne-temps les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail, lorsque − et nous en avons également parlé, par référence à la loi Aubry − les caractéristiques des variations de l'activité le justifient.

Toutefois, l'affectation de ces heures doit résulter d'une convention ou d'un accord collectif, qui en précise les conditions et les limites. Ce dispositif conventionnel constitue une garantie pour le salarié. À la lumière de ces explications, l'amendement ne me paraît pas justifié.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 144.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 34

                    Nombre de suffrages exprimés 34

                    Majorité absolue 18

        Pour l'adoption 11

        Contre 23

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 146.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Après l'article L. 227-1 du code du travail, nous souhaitons insérer un article L. 227-1-1 ainsi rédigé : « Le salarié conserve la faculté de refuser l'affectation des heures de travail, repos, augmentations ou compléments de salaire de base définis à l'article L. 227-1, dans un compte épargne-temps. Le refus par le salarié de cette affectation ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. »

Les promoteurs de la proposition de loi ont affiché leur volonté d'accorder plus de souplesse dans la gestion du temps de travail afin de pouvoir l'augmenter au gré des besoins de l'entreprise. Il s'agirait également de donner davantage de liberté aux salariés. Or, le refus d'une modification des modes de rémunération des salariés, qui constitue, selon un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 janvier 1998, « un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux », ne saurait être utilisé comme moyen de licenciement sans attenter gravement à l'équilibre des parties au contrat, dont il faut rappeler qu'il est défini par l'article 1101 du code civil comme étant « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».

Si le législateur devait considérer que le refus de l'une des parties au contrat de travail d'accepter l'évolution des éléments de la rémunération est une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat par l'employeur...

M. le président. Pardonnez-moi de vous interrompre, monsieur Le Bouillonnec, mais, sur le vote de l'amendement n° 146, je viens juste d'être saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je reprends donc l'explication où je l'avais laissée.

M. le président. Dans la limite des cinq minutes dont vous disposez.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans la limite du temps que vous m'accorderez, monsieur le président. Je ne comprends pas à quoi riment ces décomptes, qui sont complètement ridicules.

M. le président. Ce n'est pas une mesure discriminatoire à votre égard, monsieur Le Bouillonnec. Pour les prochains amendements, j'interrogerai d'emblée le groupe socialiste pour savoir s'il demande un scrutin public.

M. Alain Vidalies. Nous répondrons si nous le voulons ! Aucun article du règlement ne peut nous obliger à répondre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est votre façon de nous rappeler à notre temps de parole, monsieur le président, qui n'est vraiment pas très agréable. Je le dis avec tout le respect que je dois aux fonctions que vous assumez.

M. le président. J'applique le règlement, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avant d'être interrompu, je disais donc que, si le législateur devait considérer que le refus de l'une des parties au contrat de travail d'accepter l'évolution des éléments de la rémunération est une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat par l'employeur, il romprait la sécurité juridique liée à l'acceptation de ladite convention et porterait gravement atteinte à l'économie des conventions légalement conclues.

Nous suggérons donc que le salarié conserve la faculté de refuser l'affectation des heures de travail. Son refus ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà invoquées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il n'est pas favorable, même si nous sommes nous aussi soucieux que les salariés qui refuseraient d'affecter des heures de travail, de repos, des augmentations ou des compléments de salaire à un compte épargne-temps ne puissent être exposés, pour ce motif, à un licenciement. Nous pensons que le principe du volontariat est un élément important, qui doit être assorti de la liberté d'affecter ces éléments au compte épargne-temps et qu'un refus ne peut avoir pour le salarié de conséquences défavorables. La seule exception, nous l'avons dit, nous renvoie à l'alinéa 5 de l'article 1er. Je rappelle que l'affectation de ces heures doit résulter d'une convention ou d'un accord collectif, qui en précise les conditions et les limites. Ce dispositif conventionnel constitue une garantie de même nature que dans le cas évoqué par M. Vidalies à l'amendement précédent.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 146.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 31

                    Nombre de suffrages exprimés 31

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 8

        Contre 23

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 129.

J'interroge tout de suite M. Vidalies pour savoir s'il demande un scrutin public sur cet amendement.

M. Alain Vidalies. Nous n'avons pas encore pris notre décision. Nous la ferons connaître en temps utile. Il ne me semble pas que le règlement nous oblige à le faire à l'avance. Nous nous déterminerons en fonction des réponses qui nous seront données.

M. le président. Monsieur Vidalies, j'applique le règlement et je vous interroge. Vous ne pouvez pas vous contenter de répondre que vous allez réfléchir. Dites-moi oui et transmettez-moi votre demande par écrit, puisque nous devons attendre cinq minutes entre le dépôt de la demande et le scrutin.

M. Alain Vidalies. La décision de demander un scrutin public dépend de la réponse du Gouvernement. S'il accepte l'amendement, je ne demanderai pas de scrutin public. Monsieur le président, vous n'avez qu'une obsession, c'est de couper court à ce débat.

M. le président. Pas du tout, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. Vous ne nous impressionnerez pas !

M. le président. Monsieur Vidalies, vous êtes d'habitude un homme courtois. J'essaie de l'être aussi.

M. Alain Vidalies. C'est la première fois, en quinze ans, que je hausse le ton, car c'est la première fois que je vois la présidence remettre en question les droits de l'opposition ! C'est scandaleux !

M. Patrick Ollier. Calmez-vous, monsieur Vidalies ! Vous êtes fatigué !

M. le président. Étant donné que c'est la première fois depuis quinze ans que je vous entends hausser le ton, je vous interroge pour savoir si vous demandez un scrutin public.

M. Alain Vidalies. Nous représentons des millions de Français, et je n'accepte pas d'être traité de cette manière !

M. le président. C'est de la grandiloquence !

M. Alain Vidalies. Vous n'avez qu'une obsession : c'est que ce débat se termine avant samedi. Vous n'y arriverez pas !

M. le président. Demandez-vous, oui ou non, un scrutin public ?

M. Alain Vidalies. Je vous répondrai quand je l'aurai décidé.

M. Patrick Balkany. On n'a pas que ça à faire !

M. le président. Je vous exhorte au calme, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Et moi, je vous exhorte à la sérénité et à respecter les droits de l'opposition !

M. le président. Je vous demande de respecter la présidence. Depuis le début de cette séance, vous avez, vous et vos collègues, formulé à son égard des propos inadmissibles. Des accusations de manque d'équilibre et de partialité ne peuvent être admises par aucun président de séance.

M. Patrick Balkany. Elles sont inacceptables !

M. le président. Je vous pose de nouveau la question : demandez-vous un scrutin public sur cet amendement qui n'a pas encore été défendu ?

Rappels au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Patrick Balkany. Ça s'appelle de l'obstruction !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

Monsieur Gorce, puisque vous êtes « responsable » entre guillemets...

M. Éric Besson. Pourquoi « entre guillemets » ?

M. le président. ...de ce texte au sein de votre groupe, je vous demande d'appeler vos collègues au calme.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je ferai deux observations.

La première est la moins importante, mais elle n'est pas insignifiante dans notre débat. Si vous voulez éviter les mises en cause, évitez les remarques désagréables comme celle que vous venez de faire. En ce qui me concerne, je ne mets pas le mot président entre guillemets. Je vous demande donc de respecter l'opposition, y compris dans le choix des termes désignant les responsabilités qui nous sont confiées.

Le plus grave, c'est que nous assistons aujourd'hui à une tentative de passage en force. L'opposition demande simplement le respect du règlement. Rien ne nous oblige à indiquer que nous souhaitons un scrutin public avant que les orateurs aient fini de s'exprimer. De même, rien ne nous oblige à renoncer à une demande de suspension de séance pour réunir notre groupe, après avoir pris connaissance d'éléments nouveaux apportés par la majorité. Si nous sommes forcés de recourir à ces méthodes, c'est parce que nous voyons bien que, même si nous n'avons pas atteint l'article 2, le Gouvernement veut nous obliger à voter un texte avant que la discussion soit allée à son terme et alors qu'elle peut parfaitement se prolonger la semaine prochaine, sans perturber en rien le déroulement des travaux de l'Assemblée nationale. Votre seul objectif, c'est de passer en force.

M. le président. Monsieur Gorce, je vous demande de conclure.

M. Gaëtan Gorce. Je vais conclure en vous demandant une suspension de séance d'un quart d'heure, pour réunir mon groupe.

M. Hervé Novelli. Vous faites de l'obstruction !

M. Patrick Balkany. De l'obstruction pure et simple !

M. le président. Monsieur Gorce, le Journal officiel en fera foi : depuis le début de ce débat, la présidence a fait en sorte que l'opposition s'exprime très largement.

M. Patrick Balkany. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. le président. On peut même reprocher à la présidence d'avoir eu parfois beaucoup trop d'indulgence à l'égard de l'opposition.

M. Julien Dray. On n'est jamais trop indulgent !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 129, je suis saisi par la commission d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.


M. Gaëtan Gorce
.
J'ai demandé une suspension de séance !

M. le président. Elle ne vous est pas accordée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) 

M. Gaëtan Gorce. Alors, je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Julien Dray. Le rappel au règlement interrompt les débats, et vous le savez très bien, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Gorce, vous m'avez demandé une suspension de séance. Je ne vous l'accorde pas. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Gaëtan Gorce. Ce n'est pas l'autocratie ici : c'est la démocratie parlementaire !

M. le président. Je suis seul responsable de la présidence !

Je vais donner la parole à M. Besson, puis à M. Dray, pour des rappels au règlement, avant le scrutin public qui a été annoncé et qui aura lieu dans cinq minutes.

M. Gaëtan Gorce. Vous ne respectez pas vous-même le règlement. Cette attitude est inadmissible et scandaleuse !

M. le président. Mes chers collègues, nous avions engagé la discussion sur l'amendement n° 129. Et nous ne pouvons pas entendre des rappels au règlement qui n'ont pour but que l'obstruction...

M. Gaëtan Gorce. Vous nous obligez à réagir !

M. le président. Que vous puissiez réagir, j'en conviens. Mais, en l'occurrence, si M. Vidalies ne s'exprime pas sur l'amendement n° 129...

M. Gaëtan Gorce. Je demande une suspension de séance !

M. le président. Monsieur Gorce, pour la troisième fois : je ne vous l'accorde pas !

M. Julien Dray. Vous ne pouvez pas la refuser !

M. Gaëtan Gorce. Elle est de droit !

M. le président. Monsieur Vidalies, défendez-vous l'amendement n° 129 ?

M. Alain Vidalies. Non, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Je vous en prie.

M. Alain Vidalies. Ce rappel au règlement porte sur les conditions de déroulement de nos travaux.

Y a-t-il, dans cette assemblée, un précédent aux décisions que vous venez de prendre en refusant une suspension de séance demandée par un représentant de groupe ? Nous avons besoin de débattre sur ce qui se passe et nous vous avons demandé deux fois dix minutes de suspension. Or, je ne sais pas pourquoi, parce que cela n'a jamais existé, vous refusez. Et vous accordez deux minutes de suspension, ce qui est de la provocation !

Compte tenu de ce que nous représentons dans cette assemblée, nous ne pouvons pas rester silencieux devant de tels procédés, auxquels nous ne sommes pas habitués, même lors de débats beaucoup plus conflictuels.

Sur ce texte, chacun défend ses idées. Nous essayons parfois d'aller dans la précision technique. Et je reconnais que le Gouvernement, dans ce cas, tente au moins de nous apporter des réponses ; je tiens à lui en rendre hommage.

Pour autant, ce n'est pas parce qu'il y a une échéance, ou je ne sais quelles instructions venues d'ailleurs, que la présidence doit abandonner ce qui fait notre règle commune.

Voilà pourquoi je vous demande, monsieur le président, de suspendre la séance pendant dix minutes pour nous permettre de nous réunir.

Nous sommes tout de même le principal groupe de l'opposition. Nous ne pouvons pas accepter, subitement, à quatre heures et demie du matin, d'être traités ainsi !

Je souhaite que le calme revienne, nous demandons dix minutes de suspension. Ensuite, nous reprendrons tranquillement le débat, en fonction des décisions que nous aurons prises.

M. le président. Monsieur Vidalies, M. Gorce a demandé une suspension de séance. Vous en demandez également une.

Vous m'avez indiqué que vous ne connaissiez aucun cas de refus de suspension de séance. Or je pourrais vous en citer une quinzaine : M. Yves Cochet a refusé une suspension de séance le 17 octobre 1997, tout comme M. Georges Hage le 13 octobre 1994...

M. Julien Dray. Les conditions étaient très particulières !

M. Éric Besson. Donc, il y a eu 1994, 1997... et 2005 ?

M. le président. Monsieur Besson, monsieur Dray, vous avez demandé à faire des rappels au règlement. Je vais faire droit à vos demandes. Si, en définitive, les quatre rappels au règlement sont identiques, c'est-à-dire s'ils aboutissent à une demande de suspension de séance, je vous répondrai sur ce point.

La parole est donc à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Monsieur le président, j'aimerais savoir sur quoi vous vous fondez pour refuser à Gaëtan Gorce, responsable du groupe, la suspension de séance qu'il vous a demandée. Je croyais qu'elle était de droit,...

M. Gaëtan Gorce. Elle aussi, elle est entre guillemets !

M. Éric Besson. ...mais je dois connaître le règlement moins bien que vous.

Vous vous targuez d'une certaine jurisprudence. Si on a bien compris, le dernier précédent date de 1997 et l'avant-dernier de 1994 ? Êtes-vous sûr, monsieur le président, et je le dis avec tout le respect dû à votre fonction, que vous vous honoriez en entrant dans cette lignée ?

Personnellement, je n'avais pas le sentiment d'abuser de la parole. M. le ministre avait bien voulu répondre tout à l'heure de façon intéressante à la question que je lui avais posée s'agissant de la situation en Grande-Bretagne. Alors que je prenais la parole pour la deuxième fois seulement dans l'hémicycle, vous auriez pu ne pas m'interrompre et me laisser le temps de lui expliquer ce que je voulais lui dire à ce propos.

Je vous le dis très franchement et très calmement, monsieur le président : vous faites dégénérer nos travaux !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le président, vous me permettrez, pour que les choses soient claires, de relire l'alinéa 3 de l'article 58 de notre règlement, qui définit les modalités des suspensions de séance.

Cet alinéa dispose : « Les demandes de suspension de séance sont soumises à la décision de l'Assemblée sauf quand elles sont formulées par le Gouvernement, par le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond ou, personnellement et pour une réunion de groupe, par le président d'un groupe ou son délégué dont il a préalablement notifié le nom au Président. Toute nouvelle délégation annule la précédente. »

Ainsi, contrairement à ce que vous avez dit, la demande de suspension de séance demandée par M. Gorce est de droit. C'est clair, net et précis. Vous le savez pertinemment. Même si, à plusieurs reprises, au cours de débats agités, des présidents ont pu en refuser, les suspensions de séance restent de droit. C'est une règle élémentaire de notre assemblée.

Par ailleurs, vous êtes, de par votre fonction, le gardien des droits de l'opposition. À partir du moment où vous êtes au perchoir, vous n'êtes plus le représentant de votre circonscription ou d'un groupe de la majorité. C'est fondamental dans le déroulement de nos débats. Vous devez donc veiller à ce que l'opposition puisse s'exprimer...

M. Patrick Balkany. On n'entend qu'elle depuis le début !

M. Julien Dray. ...et il ne s'agit pas de lui faire une faveur. Vous savez d'ailleurs très bien le faire, monsieur le président. Ce n'est pas cela que nous mettons en cause.

M. le président. Monsieur Dray, veuillez conclure.

M. Julien Dray. Je vais conclure, monsieur le président. Je répondrai cependant à M. Balkany que, même si je suis arrivé en retard, je suis là depuis plusieurs heures. J'ai beaucoup appris lors de ce débat, je reconnais la qualité des échanges qui ont eu lieu et je rends hommage au respect dont a fait preuve le ministre.

M. Larcher, je le précise aussi, n'est pas en cause. Celui qui est en cause, c'est le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui est absent. Si j'en crois les bruits de couloir, il aurait dit : « Je passe, et vous siégerez tant qu'il faudra ! »... et il est parti se coucher ! Nous, nous sommes là.

Quoi qu'il en soit, monsieur le président, vous savez très bien qu'au stade où nous en sommes, nous avons besoin d'une suspension de séance. Il faut que nous examinions calmement les modalités dans lesquelles ce débat pourra continuer.

Personne ne gagnera. Ici, nous en avons l'expérience, personne ne peut passer en force !

M. Éric Besson. Très bien !

M. le président. Monsieur Dray, vous avez évoqué, ainsi que certains de vos collègues, une certaine partialité de la part de la présidence. M. Besson a rappelé quel était le rôle du président.

Pour ma part, j'ai exercé ces responsabilités depuis 2002, mais aussi entre 1993 et 1995, avec d'autres collègues. J'ai toujours essayé de respecter l'opposition. Et quand j'étais dans l'opposition, j'ai apprécié le sens du respect de M. Emmanuelli et d'autres présidents de séance.

Je voudrais indiquer à mes quatre collègues socialistes que le ministre a demandé dix minutes de suspension de séance.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Eh oui...

M. Julien Dray. C'est un bon ministre !

M. le président. Si vous m'aviez laissé répondre...

Néanmoins, tout à la fois pour le ministre, pour l'opposition et pour la majorité, il nous faut auparavant terminer l'examen de l'amendement n° 129.

J'ai demandé tout à l'heure à M. Vidalies, sans élever le ton, s'il comptait demander un scrutin public sur cet amendement. Or je crois savoir que le président de la commission, désormais, demandera des scrutins publics sur l'ensemble de ces amendements, ce qui nous permettra à chaque fois de gagner quelques minutes - et ce sera appréciable pour tout le monde.

Si vous en êtes d'accord, je vais laisser M. Vidalies s'exprimer sur l'amendement n° 129, demander au rapporteur et au ministre leur avis. Ensuite, nous suspendrons et nous aborderons l'article 2 plus calmement.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour achever la défense de l'amendement n° 129.

M. Alain Vidalies. L'objet de cet amendement est d'abroger l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

J'avais proposé une rédaction différente, tenant compte de l'évolution de la jurisprudence, dans un amendement qui a été précédemment repoussé.

Je souhaite que nous abrogions ce texte - qui n'était d'ailleurs pas dû à l'initiative du Gouvernement - à la lecture de la décision du Conseil constitutionnel et sur la base d'une difficulté juridique qui m'apparaît comme majeure.

L'article 69 de la loi introduit un quatrième alinéa après le troisième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail.

La première phrase est ainsi rédigée : « Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. » L'utilisation de l'indicatif, valant impératif, suscite une vraie difficulté. Et si l'interprétation de cette première phrase par le Conseil constitutionnel a abouti à une validation, c'est parce que le mémoire du Gouvernement apportait une explication lui donnant une base législative. Reste que cette phrase, somme toute singulière sur le plan juridique, demeurera dans le code.

Je continue la lecture de cet alinéa : « Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou » - et la formule est extraordinaire dans notre droit - « à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent. » Vous observerez qu'il n'y a même pas de minimum. L'employeur peut donc dire au salarié : mon pauvre ami, vous avez 25 kilomètres à faire tous les jours, mais vous n'aurez droit qu'à un euro ! C'est aujourd'hui le droit positif en France...

Enfin : « La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire. »

Cet article contredit, pour le cas des chauffeurs routiers, qui sont visés par cet article comme tout autre salarié, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, et notamment son arrêt du 18 janvier 2001 sur la définition du temps de travail effectif qui précise, dans ses points 23 et 24 : « Un conducteur qui se rend à un endroit précis, qui lui est indiqué par son employeur et qui est différent du centre d'exploitation de. l'entreprise, pour prendre en charge et conduire un véhicule, satisfait à une obligation vis-à-vis de son employeur. Pendant ce trajet, il ne dispose, dès lors, pas librement de son temps. »

En outre, la Cour a déjà jugé que la notion de temps de travail au sens de l'article 15 du règlement n° 3821/85 recouvre les moments d'activité réelle du chauffeur susceptibles d'influencer la conduite, y compris le temps de conduite.

L'article 69 susvisé conduit donc potentiellement à une croissance importante du contentieux relatif à la définition du temps de travail, alors qu'il est censé lutter contre une situation d'insécurité juridique.

Dans son mémoire en réplique à la saisine du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a excipé du fait que les dispositions adoptées par l'article 69 de la loi déférée modifient l'article L. 212-4 du code du travail afin de résoudre des difficultés qui seraient dues à la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour le Gouvernement, ces dispositions prévoient, de façon générale, que le temps de déplacement professionnel ne peut plus être décompté comme temps de travail effectif. « Sont ainsi visés, les déplacements que fait le salarié pour se rendre depuis son domicile sur le lieu d'exécution de son travail ; en revanche, ne sont pas visés les déplacements accomplis entre différents lieux de travail pendant la période comprise dans l'horaire collectif ou individuel de travail qui, pour leur part, demeurent inclus dans le temps de travail effectif. »


II y a bien là contradiction avec la jurisprudence Skills Motor Coaches, qui fragilise le dispositif adopté au regard du droit européen.

En outre, dans l'exposé des motifs de l'amendement qui a introduit cet article 69 de la loi du 18 janvier 2005, le promoteur de l'article expose que la « solution qui consiste à traiter tout le temps de déplacement en temps de travail effectif, aboutit à faire varier le temps de travail effectif, ce, en fonction de la situation géographique du domicile du salarié, critère profondément inégal ».

M. le président. Veuillez conclure.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, si j'ai rédigé mon exposé des motifs de manière aussi précise, c'est que ce point suscite d'énormes difficultés. De nombreuses juridictions, probablement même extranationales, devront se référer à nos débats pour se déterminer. Chacun reconnaît qu'il y a là une source de contentieux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées. Cet article a reçu l'aval du Conseil constitutionnel, comme M. le ministre l'a rappelé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable également. Outre l'avis du Conseil constitutionnel, qui estime qu'« en aucun cas cela ne doit se traduire par une perte de salaire », un accord collectif est possible. Le Conseil a dit expressément : « Il n'y a pas de violation du principe d'égalité. » L'article 69 est donc conforme à la Constitution et le Gouvernement se prononce contre sa modification.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin annoncé précédemment sur l'amendement n° 129.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 34

                    Nombre de suffrages exprimés 34

                    Majorité absolue 18

        Pour l'adoption 11

        Contre 23

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

À la demande de M. le ministre, je vous propose, chers collègues, une suspension de séance.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatre heures quarante-cinq, est reprise à cinq heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 2

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 18, 30 et 93, de suppression de l'article.

Les amendements nos 18 et 30 ne sont pas défendus.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 93.

M. Gaëtan Gorce. Le groupe socialiste a déposé cet amendement de suppression de l'article parce qu'il ne peut accepter les dispositions qui y figurent. Elles sont la négation de la notion de durée légale du travail et même de celle de contingent d'heures supplémentaires.

Elles permettent, en effet, aux salariés qui ont pu négocier des conventions de forfait, qu'elles soient en heures ou annuelles, ou qui ont pu obtenir en contrepartie de la négociation sur les 35 heures que la réduction du temps de travail intervienne sous forme de jours ou de demi-journées de repos, de racheter ces jours ou ces garanties, dans des conditions d'ailleurs mal précisées. La durée légale du travail ne leur sera donc plus de facto opposable.

Elles prévoient également que « les salariés qui le souhaitent » - nous pourrions débattre à l'envi de la notion de liberté laissée aux salariés dans ce texte ! - « peuvent, en accord avec leur employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires ». On ne respecte donc plus le principe d'un contingent maximum d'heures supplémentaires !

Ces dispositions sont dangereuses et méconnaissent les principes de notre droit du travail. Elles sont mal conçues et n'ont d'autre but que de remettre en question la durée légale du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 93 ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable.

Je résumerai en quelques mots la philosophie du temps choisi. Il répond à plusieurs impératifs : le premier est, bien évidemment, de laisser la possibilité aux salariés qui le souhaitent - et ils sont nombreux - de travailler plus pour gagner plus ; le second est de donner aux entreprises la capacité de produire plus si besoin est, dans le respect du libre choix des salariés.

Il me paraît important de rappeler les statistiques déjà présentées par M. le ministre. Plus du tiers des salariés ont dépassé le niveau du contingent légal de 130 heures et ce contingent a été relevé à 180 heures en 2001 pour les petites entreprises et en 2002 pour les grandes. Par ailleurs, on note, au deuxième semestre 2003, dans toutes les catégories d'entreprises, qu'elles aient ou non réduit leur durée de travail, un net redressement du nombre d'heures supplémentaires.

Enfin, ce dispositif est assorti de garanties importantes : double verrou constitué par la volonté individuelle du salarié et la volonté collective de l'accord ; taux minimal de majoration des heures choisies ; contreparties, notamment en matière de repos, et respect de la durée hebdomadaire maximale de travail.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Les auteurs de la proposition de loi proposent, à l'article 2, un dispositif totalement novateur : des heures choisies accessibles aux salariés volontaires, en accord avec l'employeur, dans les conditions et les limites définies par voie d'accord collectif. Il s'applique au-delà du contingent d'heures supplémentaires définies de manière conventionnelle ou, s'il n'y a pas de convention, par le décret, qui devrait les fixer à 220 heures.

Les heures effectuées à ce titre, bien que n'étant pas soumises au régime des heures supplémentaires, donnent lieu à majoration de salaire dont il appartiendra à l'accord de fixer le montant.

Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'accord collectif, à la fois pour le déclenchement des heures choisies et pour la fixation du montant de majoration.

Pour les cadres soumis à forfait annuel en jours, la loi permet à l'employeur, toujours selon les conditions fixées par l'accord collectif, de proposer le rachat d'un certain nombre de jours de repos ou de congé.

Comme vous le voyez, les grands principes régissant ces heures choisies sont le volontariat et l'accord collectif.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons être favorables à l'amendement de suppression de l'article 2. Nous rejoignons en effet le désir des auteurs de la proposition de loi.

M. Patrick Ollier. Nous vous en remercions !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 43 et 94.

L'amendement n° 43 n'est pas défendu.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 94.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons qu'à l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable. Je pense avoir suffisamment montré l'attachement du Gouvernement à l'article 2.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 95.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme à l'article 1er, nous souhaitons réintroduire dans le texte la notion d'accord collectif de branche étendu. Je vous renvoie donc aux explications que nous avions données.

Nous considérons cette extension garante à la fois de la consécration de l'accord dans le dialogue social et de l'existence d'un contrôle des processus de la légalité à la lumière du code du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes motifs que ceux exposés lorsque le sujet a été débattu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il est vrai que la négociation collective n'implique pas une extension automatique et obligatoire des accords signés mais, en règle générale, les partenaires sociaux la demandent parce que c'est la seule manière de rendre un accord obligatoire pour tous les salariés et employeurs relevant du champ de celui-ci. Il n'y a que très peu de cas, dans la pratique, où l'extension n'est pas demandée. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 96 et 135.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement n° 96.

M. Alain Vidalies. Cet amendement concerne un point dont nous avons déjà débattu, à savoir le choix du niveau de la négociation. Nous considérons, quant à nous, que c'est à la négociation de branche que doit être confiée l'organisation d'un tel régime dérogatoire.

J'ajoute, monsieur le ministre, que si vous avez fait disparaître la notion d'accord collectif de branche étendu, c'est pour mettre sur un pied d'égalité les accords de branche et les accords d'entreprise. Là est le fond du problème et là est le désaccord politique que nous avons avec le Gouvernement et la majorité. Tout le reste n'est que la traduction juridique de ce désaccord.

C'est à la négociation de branche, qui est plus étendue, qu'aurait dû revenir le soin d'organiser des mesures aussi novatrices, qui marquent une régression sociale au détriment des salariés.

M. le président. L'amendement n° 135 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 96 ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que lorsque nous avons débattu du sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous partageons l'avis du rapporteur.

Les conditions de validité des accords collectifs prévues par la loi du 4 mai 2004, et notamment le principe de l'accord majoritaire, encadrent la négociation à tous ses niveaux, qu'il s'agisse de la branche, du groupe, de l'entreprise ou de l'établissement, et apportent des garanties importantes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques nos 55 et 97.

Sans doute feront-ils l'objet d'une défense commune, monsieur Vidalies ?

M. Alain Vidalies. Tout à fait, monsieur le président.

Nous avons déjà eu ce débat au moment de l'examen de l'article 1er. Nos amendements concernent la représentativité des signataires. Je ne pense pas, monsieur le ministre, que vous puissiez prétendre, comme vous l'avez fait lors de la discussion de l'amendement précédent, que la loi du 4 mai 2004 règle toute la question.

Si vous aviez choisi, dans cette loi, d'instaurer partout le système de l'accord majoritaire, peut-être aurions-nous pu vous suivre sur ce terrain. Mais il ne s'agit pas de cela. La loi prévoit, dans certaines circonstances, l'accord majoritaire. Mais l'existence de cette règle dépend elle-même du choix réalisé au niveau de la branche. On se trouve donc dans un ordre juridique qui n'est pas unique. Il est conventionnel, à deux branches. Il laisse subsister soit l'expression de l'accord majoritaire - la majorité étant entendu comme celle des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des voix des salariés - soit l'absence d'opposition en nombre d'organisations syndicales.

La difficulté réside dans la coexistence de ces deux systèmes, et c'est le résultat de la loi du 4 mai. Il nous paraît préférable, compte tenu de l'importance des choix et des systèmes dérogatoires, de parvenir à une règle unique et claire : la signature de l'accord par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections, tant au niveau de la branche qu'au niveau du groupe ou de l'entreprise. Cela suppose évidemment l'organisation d'élections de branche, inexistantes aujourd'hui. Nous proposons qu'elles soient organisées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable pour les motifs déjà évoqués.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous ne pouvons pas être favorables à ces amendements. Il n'est pas question, moins d'un an après, de remettre sur le métier la loi du 4 mai 2004. Je vous renvoie aux rapports de Jean-Paul Anciaux et de Jean Chérioux, qui établissent un parallélisme entre le contenu de la loi et la « position commune » signée par l'ensemble des partenaires sociaux, à l'exception de la CGT. Je me permets de dire cela car M. Brard - mon ami, né comme moi à Flers - est absent. Les partenaires sociaux étaient donc en phase sur les voies et moyens pour ces accords.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 55 et 97, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vous indique qu'à l'issue de ce scrutin public, je vous proposerai de suspendre la séance, pour permettre à la Conférence des présidents de se réunir dans les salons voisins de l'hémicycle.

J'invite dès maintenant les membres de la Conférence des présidents ou leurs délégués à bien vouloir assister à cette réunion.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, me permettez-vous de répondre au Gouvernement, pendant les cinq minutes qui précédent le scrutin.

M. le président. Je vous en prie, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué l'avis des rapporteurs de la loi du 4 mai 2004 sur la position ou la déclaration commune. Il ne s'agit cependant pas d'une vérité partagée par les signataires de cette déclaration, sans parler de la CGT qui, elle, n'avait pas signé, car elle y était opposée.

Tout le débat préparatoire s'est déroulé sur la base des déclarations de l'ensemble des signataires. Mais, contrairement au MEDEF, aucun des syndicats de salariés ne s'est retrouvé dans la traduction qui en était donnée dans le projet de loi.

L'appréciation portée ensuite par les rapporteurs était conforme à celle du Gouvernement. Mais lorsque nous avons discuté du projet, le Gouvernement faisait sans cesse référence à l'accord intervenu au moment de la déclaration commune, alors que nous étions, dans cet hémicycle, saisis en permanence par les organisations syndicales, qui dénonçaient cette interprétation.

Je dois dire - et ce n'est pas la moindre des difficultés lorsqu'il s'agit de traduire les accords dans le droit - que cette déclaration commune comportait des paragraphes pour le moins contradictoires. Le Gouvernement avait donc souvent le choix, puisque c'était le résultat d'un compromis entre des positions manifestement opposées.

Je ne pense donc pas que l'on puisse dire que tout le monde était d'accord sur cette traduction législative. Cela ne s'est passé qu'une fois, pour les dispositions relatives à la formation professionnelle, qui ont été adoptées à l'unanimité. Mais c'était impossible lors du vote sur l'ensemble du texte puisqu'il y avait désaccord au sujet des dispositions relatives à la démocratie sociale.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 55 et 97.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, les cinq minutes réglementaires entre l'annonce et le scrutin ne sont pas écoulées !

M. le président. Nous sommes à un peu plus de quatre minutes et je n'ai pas encore ouvert le scrutin.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.........................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

M. Maxime Gremetz. Je constate que les cinq minutes ne sont toujours pas écoulées.

M. le président. Ce sera noté au Journal officiel.

M. Maxime Gremetz. Si vous appliquez le règlement, monsieur le président, je fais de même et je demande une suspension de séance à l'issue du scrutin.

M. le président. J'ai déjà indiqué, monsieur Gremetz, qu'à l'issue du vote je suspendrais la séance, afin de permettre à la Conférence des présidents de se réunir.

M. Maxime Gremetz. Non ! Il ne peut y avoir de Conférence des présidents. Le Président de l'Assemblée nationale est absent.

M. le président. Le président de séance peut le suppléer et convoquer la Conférence des présidents.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements identiques nos 55 et 97 :

                    Nombre de votants 30

                    Nombre de suffrages exprimés 30

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 9

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à cinq heures vingt-cinq, est reprise à cinq heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 126.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable. Le Gouvernement souhaite le maintien de l'équilibre entre salarié et employeur.

M. le président. Monsieur Gremetz, vous souhaitez intervenir contre cet amendement ?

M. Maxime Gremetz. Non, je suis pour.

M. le président. Désolé, vous ne pouvez vous exprimer que contre !

Cela dit, j'ai cru comprendre que vous demandiez un scrutin public.

M. Maxime Gremetz. En effet.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 126, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J'avais moi-même demandé, au nom de la commission, un scrutin public sur tous les amendements.

M. Maxime Gremetz. Vous n'avez pas le droit !

M. le président. Si, tout comme le rapporteur. Votre demande, monsieur le président de la commission, prendra effet pour les amendements suivants.

En attendant que le délai de cinq minutes pour le scrutin public soit écoulé, je vais informer l'Assemblée des décisions de la Conférence des présidents qui vient de se tenir.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. le président. Vous y assistiez, me semble-t-il !

    2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. La Conférence des présidents vient de se réunir.

À la demande du Gouvernement, l'Assemblée tiendra séance le lundi 7 février à seize heures et vingt et une heures trente pour poursuivre la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

    3

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Je considère que la Conférence des présidents n'a pas eu lieu dans la mesure où le président de l'Assemblée ainsi que tous les présidents de groupe sont actuellement en Turquie, à moins qu'elle ne se soit réunie à Istanbul et que nous ayons été informés de ses décisions par téléphone !

M. le ministre m'a dit qu'au Sénat, il était possible de réunir la Conférence des présidents en l'absence du président du Sénat. Mais, à l'Assemblée, seul le président peut convoquer et présider la Conférence, un haut fonctionnaire nous l'a confirmé vers vingt-trois heures. Cela m'a d'ailleurs étonné car je pensais qu'un vice-président était en mesure de le faire.

M. Julien Dray. Vous êtes parlementaire, vous devez connaître le règlement.

M. Maxime Gremetz. Et alors ? M. le ministre n'a pas su répondre. Il n'y a que Julien Dray, parlementaire chevronné, qui le sache !

M. Jean Leonetti. Non, tout le monde le sait.

M. Julien Dray. Il y a eu plusieurs Conférences des présidents en l'absence du président de l'Assemblée nationale.

M. Maxime Gremetz. Si vous connaissez tout mieux que tout le monde, dites-nous quel article du règlement le prévoit.

M. le président. Monsieur Gremetz, il y a peut-être eu un malentendu, mais je vous confirme qu'en l'absence du président de l'Assemblée, la Conférence des présidents peut se tenir sous la présidence de l'un des vice-présidents. Cela s'est déjà fait.

Vous ne pouvez prétendre que celle d'aujourd'hui n'a pas eu lieu puisque vous y avez participé et que j'y ai même pris note de vos observations.

M. Maxime Gremetz. Je ne m'y suis rendu que pour consulter le règlement.

M. le président. On ne va pas à la Conférence des présidents pour consulter le règlement. En l'occurrence, vous représentiez M. Bocquet, président de votre groupe.

M. Maxime Gremetz. Non, je n'y suis pas allé à ce titre.

M. le président. Par ailleurs, vous savez, au moins depuis quarante-huit heures, que le président Jean-Louis Debré devait se rendre aujourd'hui en Turquie avec les présidents de groupe. La presse l'a relaté à plusieurs reprises, et il en a même été fait état dans cette enceinte.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour un rappel au règlement.


M. Pierre-Christophe Baguet
.
La Conférence des présidents s'est tenue avec un représentant de chacun des groupes de notre assemblée. À ma connaissance, monsieur Gremetz, c'est bien le groupe communiste que vous y représentiez, car c'est bien en son nom que vous faites des demandes de scrutin public et de suspension de séance. Vous ne pouvez prétendre que tantôt vous le représentez, tantôt non, à moins d'être totalement schizophrène !

La Conférence des présidents s'est tenue, je le répète, dans le strict respect du règlement. Je souhaite maintenant que nous reprenions nos travaux et que vous cessiez de perturber le fonctionnement de l'Assemblée.

    4

RÉFORME DE L'ORGANISATION
DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE

Reprise de la discussion d'une proposition de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Article 2 (suite)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 126 .

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 31

                    Nombre de suffrages exprimés 31

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 9

        Contre 22

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 125.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable : cet amendement est contraire à l'esprit de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin précédemment annoncé sur l'amendement n° 125.

M. Maxime Gremetz. Il n'a pas été demandé !

M. le président. Si, monsieur Gremetz, j'ai indiqué tout à l'heure que M. le président de la commission avait demandé un scrutin public.

Vous vous associez à cette demande ?

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 125 .

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, veuillez respecter scrupuleusement le délai de cinq minutes.

M. le président. Bien entendu, Monsieur Gremetz.

En attendant, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 29

                    Nombre de suffrages exprimés 29

                    Majorité absolue 15

        Pour l'adoption 7

        Contre 22

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappel au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur Gremetz, j'indique d'ores et déjà que j'ai été saisi par le président de la commission d'une demande de scrutin public sur l'amendement suivant.

Nous allons maintenant entendre votre rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Premièrement, monsieur le président, je ne veux pas passer pour un menteur. On m'avait indiqué tout à l'heure qu'il n'était pas possible que se tienne une Conférence des présidents. Et il paraît maintenant que c'est possible. La nuit doit porter conseil. Mais sachez que je ferai une observation officielle au président de notre assemblée.

Deuxièmement, je vous prie de respecter le délai réglementaire de cinq minutes entre l'annonce d'un scrutin et le scrutin lui-même.

Troisièmement, je demande une suspension de séance, car ce qui se passe en ce moment est très grave.

M. le président. Monsieur Gremetz, vous réclamez pour vous ce que vous ne permettez pas aux autres. Vous demandez à pouvoir vous exprimer et vous m'interrompez systématiquement.

Pour parler de méthode, je vous indique que l'annonce par sonnerie et le délai de cinq minutes ont pour objet de permettre à tous les députés présents en dehors de l'hémicycle de s'y rendre pour participer au scrutin. Mais à six heures du matin, on peut penser qu'il y en a peu dans les couloirs ...

M. Maxime Gremetz. Il n'y a pas d'heure qui tienne. Le règlement, c'est le règlement. Respectez-le !

M. le président. Nous voulons tous que le règlement soit respecté. Mais à cette heure-ci, trois minutes cinquante ou quatre minutes...

M. Maxime Gremetz. Peu importe l'heure !

M. le président. Pour que les esprits se calment, je vais suspendre la séance pour cinq minutes. J'espère que nous reprendrons nos travaux dans un climat plus apaisé.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à cinq heures cinquante, est reprise à cinq heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

L'amendement n° 137 de Mme Billard n'est pas défendu.

L'amendement n° 98 l'est-il ?

M. Alain Vidalies. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?...

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 32 et 44 de Mme Billard ne sont pas défendus.

L'amendement n° 102 est-il défendu ?

M. Alain Vidalies. Il l'est.

M. le président. Avis de la commission  et du Gouvernement?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 103 est défendu ; la commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Même vote sur l'amendement n° 99 ?...

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 45 de Mme Billard n'est pas défendu.

L'amendement n° 100 l'est-il ?

M. Julien Dray. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable !

M. Maxime Gremetz. Scrutin public, n'oubliez pas !

M. le président. La commission y ayant renoncé, le scrutin public n'a pas été demandé sur cet amendement, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Eh bien, je le demande !

M. le président. Je n'ai pas reçu votre feuille de scrutin : il est trop tard pour cet amendement n° 100.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46 de Mme Billard n'est pas défendu.

M. Maxime Gremetz. Je le reprends !

M. le président. Puisque Mme Billard n'est pas là, elle n'a pas pu le retirer et vous ne pouvez pas le reprendre.

M. Maxime Gremetz. C'est justement parce que Mme Billard n'est pas là qu'elle n'a pas pu le retirer ; elle seule pourrait le faire. Et puisqu'il n'est pas retiré, j'ai le droit de le défendre.

M. le président. Non ! En l'absence de son auteur, l'amendement ne peut être défendu. Et comme il ne peut pas non plus être retiré, il est impossible de le reprendre.

L'amendement n° 101 de M. Le Garrec a été retiré.

L'amendement n° 90 est-il défendu ?

M. Alain Vidalies. Oui, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable !

M. Maxime Gremetz. Je demande un scrutin public, monsieur le président.

M. le président. Eh bien, faites-moi parvenir sans délai votre demande.

Sur l'amendement n° 90, je suis saisi par M. Gremetz d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé.

La parole est à M. le président de la commission.


M. Jean-Michel Dubernard
,
président de la commission. Monsieur le président, la commission peut-elle demander un scrutin public sur tous les amendements à venir ?

M. le président. C'est de droit.

L'amendement n° 33 de Mme Billard ne sera pas soutenu.

Sur le vote de l'amendement n° 104, j'annonce d'ores et déjà que je suis saisi par la commission d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé.

M. Maxime Gremetz. S'il était là, M. Debré vous rappellerait que vous ne pouvez pas faire un scrutin public sur deux amendements à la fois.

M. le président. L'annonce concernant l'amendement n° 90 a déjà été faite, et c'est sur cet amendement que nous allons nous prononcer.

M. Maxime Gremetz. Il faut attendre cinq minutes !

M. Jean Leonetti. Nous ne sommes pas pressés !

..................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin sur l'amendement n° 90.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 33

                    Nombre de suffrages exprimés 33

                    Majorité absolue 17

        Pour l'adoption 10

        Contre 23

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

J'annonce dès maintenant que je suis saisi par la commission d'une demande de scrutin public sur les amendements nos 56, 57, 58, 59, 60, 61, 89, 62 et 63.

Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 33 de Mme Billard n'est pas défendu.

M. Maxime Gremetz. Je le reprends !

M. le président. Monsieur Gremetz, j'ai indiqué qu'un amendement ne pouvait être repris que quand il était retiré.

M. Maxime Gremetz. Je le défends !

M. le président. Vous n'êtes pas co-auteur de l'amendement n° 33 et vous n'avez pas de document signé par l'un de ses auteurs, à savoir Mme Billard, M. Cochet ou M. Mamère, vous permettant de le défendre à leur place.

M. Patrick Balkany. C'est le règlement !

M. Maxime Gremetz. Vous n'avez pas le droit de nous empêcher de défendre des amendements !

M. le président. Nous appliquons le règlement et aucun terrorisme intellectuel ou verbal ne fera plier la présidence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je suis saisi d'un amendement n° 104.

Sur cet amendement, je rappelle que la commission a demandé un scrutin public qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à supprimer le II de l'article 2.

Les conditions de conclusion d'une convention de forfait en heures sur l'année visée par le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail en vigueur sont prévues par la convention ou l'accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement visé par le I du même article, qui précise en outre que : « À défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle. »

Or le II de l'article 2 de la proposition de loi prévoit qu'une convention ou accord collectif non étendu « peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait ». Cet article ne tente-t-il pas de contourner les accords collectifs étendus dont un avenant obligerait à négocier avec les signataires de l'accord instituant les conventions de forfait heures et d'introduire l'accord de groupe ? Toutefois, les conventions ou accords de groupe ne peuvent comporter des dispositions dérogatoires à celles qui sont applicables en vertu des conventions de branche ou d'accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf dispositions expresses de ces conventions de branche ou accords professionnels, comme le prévoit l'article L. 132-19-1.

La circulaire d'application relative à cet article de la loi Aubry précise bien : « La convention de forfait annualisée en heures vise à rémunérer une durée annuelle de travail intégrant, le cas échéant, un nombre prédéterminé d'heures supplémentaires sur l'année. Dans ce cas, la rémunération prévue doit intégrer les majorations et bonifications pour les heures supplémentaires accomplies durant l'année au-delà de la durée annuelle moyenne du travail correspondant à la durée légale de 35 heures. Si la durée du travail des salariés concernés ne peut être prédéterminée, elle peut en tout état de cause être décomptée sur une base horaire. »

S'il s'agit d'effectuer des heures supplémentaires, les dispositions en vigueur le permettent déjà. S'il s'agit d'effectuer des heures supplémentaires dans des conditions non prévues par le dispositif de convention de forfait heures en vigueur, cela implique que les conditions de majoration de salaire fixées dans le cadre de ces nouveaux accords pourraient établir des majorations à des taux différents de ceux fixés par la loi, et tout en respectant le libre choix du salarié, par exemple à 10 %.

Il conviendrait que le Gouvernement nous donne une réponse sur ces questions juridiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il nous paraît important de laisser la possibilité à un accord collectif de prévoir que les cadres ayant conclu des conventions de forfait en heures peuvent travailler au-delà de ce forfait dans le cadre du régime du temps choisi. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz. Contre l'amendement ?

M. Maxime Gremetz. Non. Je veux répondre au ministre. Est-ce que j'ai le droit de le faire ?

M. le président. Oui, monsieur Gremetz. Vous avez des droits, mais vous n'avez pas tous les droits.

M. Maxime Gremetz. À mon avis, c'est vous qui en prenez un peu trop. On fera le point avec le président Debré.

M. le président. Pas de problème : il rentre lundi. (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je ne comprends pas que vous refusiez cet amendement, d'autant que vous avez très souvent affirmé votre volonté de sécuriser, de garantir et de donner de la liberté. On constate pourtant que votre texte va dans un sens opposé et qu'il est mauvais.

C'est pourquoi cet amendement a un grand intérêt pour les salariés et je le soutiens. C'est pourquoi aussi je suis heureux que M. Dubernard ait demandé un scrutin public.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin précédemment annoncé sur l'amendement n° 104.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 31

                    Nombre de suffrages exprimés 31

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 10

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

L'amendement n° 136 de Mme Billard n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 56.

Je rappelle que, sur cet amendement, la commission a demandé un scrutin public qui a déjà été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. L'amendement a pour objet d'ajouter, après les mots « effectuer des heures », le mot « supplémentaires ». Ne pas le faire reviendrait à vouloir endormir les salariés et à ne pas vouloir appliquer à ces heures les dispositions légales normalement attachées aux heures supplémentaires de majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes, et de compensation en temps de repos nécessaire à la protection et à la santé du salarié.

Il s'agit, là encore, de la question de la possibilité pour les salariés de refuser ou non d'effectuer ces heures ainsi que de leurs modalités de rémunération. Nous avons déjà débattu à deux reprises d'amendements similaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous ne pouvons suivre la proposition qui nous est présentée. En effet, les heures qui seront effectuées au-delà de la durée de la convention ne s'inscriront pas dans la logique des heures supplémentaires, ne seront pas encadrées par un contingent et seront mises en place librement par un accord entre l'employeur et le salarié, avec toutefois les garanties apportées par l'accord collectif, qui reste la clé de voûte de l'ensemble. La majoration de ces heures ne sera pas déterminée par le régime de droit commun, mais là encore par les clauses de l'accord collectif.

M. le président. La parole est à M.  Maxime Gremetz.


M. Maxime Gremetz
.
Monsieur le ministre, vous ne supportez pas qu'on veuille apporter des précisions à tout ce qui touche aux heures supplémentaires. En fait, votre projet vise, tout en affirmant qu'on maintient la durée légale du travail à 35 heures, à jouer sur les contingents d'heures supplémentaires, relevés successivement à 180 heures puis 220 heures, sur leur taux de rémunération qui passe à 10 % au lieu de 25 %, sur la définition du travail effectif, qui exclut désormais les astreintes, le tout pour satisfaire la grande revendication du MEDEF : encore et toujours plus d'heures supplémentaires payées le moins possible. Voilà pourquoi vous refusez l'amendement pourtant très modeste de M. Vidalies. Je ne comprends que trop bien pourquoi votre réponse consiste à nous dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ! »

M. le président. Il va vous falloir conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président, j'ai encore deux minutes.

M. le président. Je voulais seulement vous prévenir.

M. Maxime Gremetz. J'étais sur le point de m'arrêter mais, puisque vous m'avez interrompu, je continue. J'applique le règlement à la lettre.

J'ajoute que je me demande, monsieur le ministre, quand vous allez cesser d'aggraver la situation et rétablir le paiement des heures supplémentaires à 125 % pour les quatre premières heures et à 150 % au-delà, comme la législation sociale le prévoyait auparavant. Sinon, le pouvoir d'achat va continuer à diminuer.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin précédemment annoncé sur l'amendement n° 56.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 31

                    Nombre de suffrages exprimés 31

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 10

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

L'amendement n° 138 de Mme Billard n'est pas défendu.

M. Maxime Gremetz. Mais si, je le reprends.

M. le président. Je vous ai déjà expliqué, monsieur Gremetz, que vous ne pouvez ni le défendre parce que vous n'en êtes pas signataire, ni le reprendre parce qu'il n'a pas été retiré.

M. Maxime Gremetz. Pourtant, vous l'avez accepté plusieurs fois pour d'autres, monsieur le président !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 57.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole, pour répondre à M. le ministre.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Eh oui ! Il n'y en pas que pour les autres !

M. Guy Drut. À chacun sa croix.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, vous ne nous avez donné aucun argument, vous vous contentez de dire que vous repoussez l'amendement. Vous pourriez au moins expliquer pourquoi.

Et vous, monsieur le ministre, vous faites pareil.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je me suis déjà expliqué.

M. Jean Leonetti. Et vous, monsieur Gremetz, vous ne savez même pas de quel amendement il est question !

M. Maxime Gremetz. Aucun de vous deux ne prend la peine de motiver ses avis. Pourtant, ce sont vos réponses qui déterminent mon vote. (Rires.) Sinon, ce n'est pas la peine de débattre ! Il faut essayer de se convaincre les uns les autres.

Monsieur le ministre, parlez, je vous en prie ! M. le président préfère que je me taise, mais cela ne vaut pas pour vous. Dites quelque chose ! Ne faites pas comme M. Douste-Blazy qui ne répondait jamais, à tel point qu'il a fallu se fâcher plusieurs fois pour qu'il daigne s'expliquer. Quel mépris pour la représentation nationale ! Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que l'un de vous s'exprime ! À moins que vous ne soyez pas d'accord entre vous ? Ça peut arriver ! Mais, si vous ne me répondez pas, je demanderai une suspension de séance.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin précédemment annoncé sur l'amendement n° 57.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 31

                    Nombre de suffrages exprimés 31

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 10

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. Je vous accorde trois minutes.

M. Maxime Gremetz. Merci de votre générosité...

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à six heures vingt-deux, est reprise à six heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je retire mes demandes de scrutin public, monsieur le président.

M. le président. J'en prends acte, monsieur le président de la commission.

Nous en venons à l'amendement n° 58.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 59.

M. Gaëtan Gorce. Défendu.

M. le président. Même avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Même avis.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 60, qui reçoit un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Même vote sur l'amendement n° 61 ?...

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Idem pour l'amendement n° 89 ?

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 142 de Mme Billard n'est pas défendu.

Nous en venons à l'amendement n° 62.

Monsieur Gorce ?

M. Gaëtan Gorce. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Maxime Gremetz. Et le scrutin public ?

M. le président. Vous n'étiez pas là, monsieur Gremetz, quand le président de la commission a retiré sa demande.

M. Maxime Gremetz. Alors, j'en dépose une.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 63.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je demande un scrutin public sur l'amendement n° 63 et sur l'article 2.

M. le président. Sur les votes de l'amendement n° 63 et de l'article 2, je suis saisi par le président de la commission d'une demande de scrutin public.

Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 63.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'amendement tend à compléter le dernier alinéa du III de l'article 2 par la phrase suivante : « Le refus du salarié de renoncer à un ou plusieurs jours de repos ne constitue pas un refus du salarié d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail visé à l'article L. 321-1 du présent code. »

Nous souhaitons ainsi souligner que le refus du salarié ayant signé une convention de forfait jours de renoncer à un ou plusieurs jours de repos prévus par ladite convention ne peut être assimilé à un refus du salarié de modifier un élément essentiel du contrat de travail pouvant entraîner un licenciement pour motif économique. Nous renvoyons à la notion d'élément essentiel du contrat de travail telle qu'elle a été introduite dans la loi sur la cohésion sociale pour permettre le licenciement pour motif économique du salarié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable, monsieur le président. Ce type de disposition, qui se veut protectrice des droits du salarié, finit par lui nuire car elle implique que le dispositif ne relève pas de son initiative mais de celle de l'employeur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. La caractéristique principale du renoncement à ces jours de repos est qu'il repose sur le volontariat. Le salarié doit être libre d'accepter ou de refuser. Par conséquent, son refus d'effectuer des journées de travail supplémentaires à la demande de l'employeur ne saurait constituer une modification d'un élément essentiel du contrat de travail. Nous partageons les préoccupations des auteurs de l'amendement, mais leurs craintes sont sans fondement puisqu'il s'agit là d'un principe.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, votre réponse n'est pas satisfaisante, c'est le moins qu'on puisse dire. Vous développez les mêmes arguments en ce qui concerne le temps « choisi », qui est presque toujours imposé par l'employeur, ou le temps partiel que « choisissent » surtout les femmes qui ne demanderaient pas mieux de travailler un peu plus longtemps pour gagner un peu plus. Malheureusement, on ne leur demande pas leur avis.

Selon vous, la précision apportée par l'amendement serait superflue car allant de soi. Mais ce qui va sans dire va mieux en le disant ! Et le salarié aurait une garantie.


Il en est de même pour le salarié qui refuse de faire des heures supplémentaires. On prétend que les heures supplémentaires sont effectuées sur la base du volontariat. Ce n'est pas vrai ! Il s'agit de volontaires désignés, parce que, s'ils refusent, ils sont mis à la porte ! Pour les employeurs, un refus, c'est une cause de licenciement. L'employé doit obéir aux ordres de son employeur sans discuter. C'est cela la vérité.

Monsieur le ministre, vous n'avez pas lâché grand-chose lors du débat. Vous pourriez redonner un peu de moral à cette assemblée qui est un peu désemparée - chacun peut le constater - et faire un petit geste de bonne volonté, en acceptant cet amendement, alors que vous vous êtes mis d'accord, les uns et les autres, pour...

M. Julien Dray. Quel accord ?

M. Maxime Gremetz. Vous le savez bien ! Et ce n'est pas vous qui allez m'impressionner !

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. M. Dray n'avait pas besoin de me poser cette question !

M. Patrick Ollier. Arrêtez votre cirque, monsieur Gremetz !

M. Jean Leonetti. C'est pitoyable !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, telle est la proposition que je tenais à vous faire.

Quant à cet accord, je ne dirai rien de plus !

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux scrutins précédemment annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais d'abord mettre aux voix l'amendement n° 63.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 31

                    Nombre de suffrages exprimés 31

                    Majorité absolue 16

        Pour l'adoption 8

        Contre 23

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je vais maintenant mettre aux voix l'article 2.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 33

                    Nombre de suffrages exprimés 33

                    Majorité absolue 17

        Pour l'adoption 24

        Contre 9

L'Assemblée nationale a adopté.

Nous allons maintenant suspendre nos travaux.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je veux, au nom du Gouvernement, remercier M. Raoult pour avoir présidé cette longue séance de façon si remarquable, ainsi que l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale, qui ont assuré un service de qualité. (Applaudissements.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Lundi 7 février 2005, à seize heures, première séance publique :

Suite de la discussion de la proposition de loi, n° 2030, de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise :

Rapport, n° 2040, de M. Pierre Morange, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 4 février 2005, à six heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot