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Première séance du mercredi 16 février 2005

150e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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AVENIR DE L'ÉCOLE

Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école (nos 2025, 2085).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, chers collègues, se pencher sur le fonctionnement de notre système éducatif tous les quinze ans est très certainement normal et même souhaitable. Confirmer la pertinence durable d'une bonne partie des objectifs et des axes d'action de la loi Jospin de 1989 en les adaptant aux changements de notre société est un choix qui me semble judicieux. Malheureusement, le résultat inachevé que vous nous présentez, monsieur le ministre, déçoit largement. Dès l'origine, votre projet de réforme de l'école a été entaché d'insuffisances. Ainsi, le grand débat sur l'avenir de l'école a certes fait du bruit, mais cette initiative, louable dans son principe, s'est hélas révélée bien moins porteuse. De fait, elle n'a eu que l'apparence de la concertation et tout a été mis en œuvre pour qu'elle vienne finalement appuyer des orientations dogmatiques et préétablies. Seul semblait importer de réduire sans discernement les dépenses d'enseignement, oubliant par là même que celles consacrées aujourd'hui à l'éducation représentent les atouts de demain.

Les parents d'élèves, les personnels et les enseignants qui, parfois peu convaincus par la méthode, ont participé en toute bonne foi à ce débat, ne s'y sont pas trompés. Dans certains établissements de ma circonscription, des rendez-vous ont été boycottés pour protester contre la disparition de moyens d'action qui se poursuivait concomitamment à ce grand débat.

Les Français n'ont ensuite pas pu manquer le battage fait autour du rapport Thélot qui n'a de comparable que le tollé unanime qu'il a suscité parmi les acteurs du monde éducatif. Les pistes intéressantes qu'il pouvait explorer ont été totalement éclipsées par quelques propositions aussi provocantes qu'inefficaces. L'ampleur des discussions, des controverses et des ambitions ne se retrouve aucunement dans le projet de loi d'orientation que vous proposez : rien ou presque sur l'enseignement supérieur, le cycle maternel négligé, pas de loi de programmation, seules des annonces sans garantie d'inscription budgétaire, rien non plus sur la formation tout au long de la vie. La déception domine donc. On pourrait même croire qu'un tel décalage entre les attentes légitimes et la réalité de cette discussion parlementaire est délibéré. Tout laisse à penser que votre mission consiste simplement à limiter l'expression des mécontentements - et le moins que l'on puisse dire, c'est que vous n'y parvenez pas - pendant que l'entreprise de démolition se poursuit. Espérez-vous que les lycéens qui réclament des conditions d'apprentissage dignes, et pas seulement le retrait de votre projet de nouveau baccalauréat, vont se taire ? Ce serait mésestimer l'intelligence de ces jeunes citoyens qui refusent de voir leur mobilisation caricaturée ou raillée. La capacité à mesurer les conséquences concrètes des réductions budgétaires n'attend pas le nombre des années et ces milliers d'élèves sont tout à fait qualifiés pour juger de la dégradation de leurs conditions d'études. Espérez-vous également que les enseignants vont indéfiniment tolérer la détérioration de leurs conditions de travail et accepter de pallier les insuffisances budgétaires par l'obligation de remplacer tout collègue absent ?

M. Guy Geoffroy. La question n'est pas là, vous le savez bien !

Mme Martine David. Ce serait nier scandaleusement leur souci constant de responsabilité et de dialogue.

Au-delà de toutes ces craintes, de la déception et du mécontentement général, je voudrais dire quelques mots du malaise suscité par la philosophie élitiste qui se dégage de ce texte. Même vos dispositifs de soutien commencent par stigmatiser, marginaliser les élèves en difficulté et par les mettre à l'écart de leurs camarades de classe. L'école que vous dessinez est celle du renoncement à lutter contre les inégalités sociales qui, trop souvent, s'imposent dans l'enceinte scolaire. Malgré ces constats, vous persistez à porter atteinte au service public de l'éducation. Certes, la solution n'est pas seulement quantitative. Néanmoins, après la disparition de 65 000 aides-éducateurs, le gel du plan pluriannuel de recrutement, la suppression de 40 000 postes d'enseignant non titulaire à la rentrée 2004 et de 5 500 postes de professeur dans le secondaire à la prochaine rentrée et l'extinction du corps des MI-SE, comment croire à votre volonté de réussir le défi de la démocratisation ? Comment croire que ce gouvernement souhaite vraiment offrir des chances égales de réussir aux élèves ? C'est ainsi qu'est célébrée la liberté pour les uns d'approfondir leurs connaissances et celle pour les autres de s'orienter précocement vers l'apprentissage.

Face aux insuffisances avérées de ce texte, voire ses oublis notoires, le groupe socialiste a essayé, dans un esprit de responsabilité, de l'améliorer.

Plusieurs axes ont donc été explorés afin de compléter ce projet de loi. Je ne peux malheureusement pas, faute de temps, aborder tous les aspects sur lesquels il y aurait pourtant beaucoup à dire tels le brevet, la mise en place de la discriminatoire note de vie scolaire, la contestable remise à jour du redoublement, la réforme du baccalauréat dont le report, que vous annoncez sous la pression de la rue, ne rassure personne, le CIRE - même s'il est désormais débaptisé - les insuffisances concernant la promotion de légalité entre les filles et les garçons.

M. Guy Geoffroy. Chacun a sa lecture du texte !

Mme Martine David. Cher collègue, vous interviendrez à votre tour, je vous remercie de bien vouloir me laisser parler !

Je centrerai donc mon propos sur quelques points eux aussi essentiels.

Prolongement de l'indispensable principe de la scolarité obligatoire, le socle commun des connaissances et des compétences à maîtriser par un élève à l'issue de sa formation initiale doit permettre autant l'intégration professionnelle de chaque individu que l'exercice de sa citoyenneté. Il doit être commun à tous afin de représenter une culture collective fondant le « vivre ensemble ». Il doit donner toute sa place à des objectifs linguistiques - maîtrise de la langue française et d'au moins une langue étrangère - des objectifs culturels en abordant l'ensemble des savoirs scientifiques, artistiques, littéraires et philosophiques, des objectifs logiques et technologiques, des objectifs de pratique de l'effort, de travail collectif et d'autonomie, ainsi que d'apprentissage de la citoyenneté. Je citerai notamment, car des craintes vives sont apparues et que cela me tient à cœur, le caractère indispensable de l'enseignement économique et de l'enseignement de l'EPS. En effet, votre revirement sur ces deux points ne convainc pas et je souhaite obtenir de votre part de réels engagements sur le maintien de plein droit de ces deux disciplines fondamentales. La première permet aux jeunes d'appréhender les réalités économiques et sociales. J'insisterai sur l'importance de l'éducation physique dans la maîtrise du corps et l'apprentissage des règles collectives. Ce serait la première fois, depuis que l'école de la République existe, que l'éducation physique ne serait pas jugée indispensable, ce qui paraît d'autant plus surprenant que cette discipline a prouvé toute sa pertinence aux plans individuel et collectif et que 2005 a été proclamée par l'ONU Année internationale du sport.

L'enseignement professionnel, cette école des métiers, est marginalisé au profit d'un système de professionnalisation sans formation. Vous poursuivez donc dans la voie dramatique tracée par les trois derniers budgets : 700 postes de professeur de lycée professionnel seront supprimés à la rentrée 2005, soit bien plus en proportion que dans l'enseignement général, alors que les effectifs sont stables dans ces établissements. Une nouvelle fois, les professeurs de lycée professionnel paient pour tout le second degré et leurs conditions d'enseignement déjà difficiles risquent encore de s'aggraver. Plus effrayant encore, votre choix de réduire les moyens de l'enseignement professionnel, alors que des sommes importantes sont prévues en faveur de l'apprentissage dans le plan Borloo, interpelle les acteurs. L'enseignement professionnel a-t-il encore pour vous sa place au sein du service public de l'éducation nationale ? Plus d'apprentis, c'est mécaniquement moins d'élèves dans les lycées professionnels et un réel risque de marginaliser cette filière pourtant utile et reconnue.

M. Guy Geoffroy. Pourquoi les opposer ?

Mme Martine David. C'est vous qui les opposez, monsieur Geoffroy !

M. Guy Geoffroy. Mais non, c'est vous !

Mme Martine David. Le lycée professionnel n'est pas valorisé alors que vous deviez saisir l'opportunité de cette loi d'orientation pour en souligner les atouts incontestables. On peut même craindre que l'assèchement de ses ressources budgétaires combiné, à terme, à la réduction de la taxe d'apprentissage, ne conduise à la disparition de cette filière et à la privatisation de la formation professionnelle. Le Gouvernement va-t-il enfin entendre les professeurs des établissements d'enseignement professionnel et leur donner les moyens de continuer à assurer la réussite de leurs élèves à laquelle ils sont profondément attachés ?

L'enseignement supérieur est lui aussi étrangement traité dans ce projet de loi. Très peu d'actions sont proposées pour rendre plus juste et efficace le premier cycle universitaire...

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce n'est pas le sujet !

Mme Martine David. ...qui, après avoir fait face au défi de la massification, doit réussir celui de la démocratisation, tandis que la contestable réforme des IUFM est présentée comme une panacée. Je sais que ce n'est pas le sujet, mais cela compte pour la formation initiale, monsieur le ministre ! Je souhaite donc que vous nous apportiez dès maintenant des éléments plus précis sur vos objectifs et les mesures que vous comptez prendre dans ce domaine. J'insiste également sur la nécessité d'un plan pluriannuel de formation et de recrutement des futurs personnels de l'éducation nationale.

Il y a plusieurs mois, les personnels de la santé scolaire - médecins et infirmières ainsi que les assistantes sociales - s'étaient fortement mobilisés pour dénoncer le manque de moyens dont ils disposent pour exercer leur mission d'assistance et de prévention. Ainsi, comment espérer apporter les soins et l'écoute nécessaire aux élèves, lorsqu'on compte moins de 6 400 infirmières pour plus de 12 000 collèges et lycées ? Comment accueillir dignement dans les universités deux millions d'étudiants avec 300 infirmières ? Plus inquiétant encore, vous vous résignez à gérer la pénurie en choisissant implicitement entre la santé des enfants et celles des adolescents. Ce texte renonce, en effet, à la prise en charge correcte des élèves du cycle élémentaire, alors qu'il est prouvé qu'un suivi précoce est de plus en plus indispensable quand les dépenses de santé deviennent un luxe que trop de familles ne peuvent plus assumer. Ces personnels, dont le statut est déjà insuffisamment attractif, réclament des embauches afin que leurs conditions de travail s'améliorent et qu'ils soient en mesure de mener à bien leurs missions. Or ce gouvernement a cassé la dynamique lancée en 1998 qui avait permis, en quatre années, le recrutement de près de 1 100 médecins, infirmières et assistantes sociales.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

Mme Martine David. Cette direction impulsée par le gouvernement Jospin était la bonne. Depuis 2002, la courbe s'est inversée et le manque vous conduit, aujourd'hui, à faire des choix inacceptables.

Je souhaite enfin attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la question de la formation tout au long de la vie, indispensable pour permettre à chacun de nos concitoyens de faire face plus facilement à la nouvelle donne économique et sociale et notamment à la précarité croissante des contrats de travail. Cette école des adultes doit être appréhendée comme un processus de globalisation d'éducation, comme outil d'émancipation et de promotion sociale à tous les âges. Il ne doit pas se réduire à la formation professionnelle continue ou seulement à un rattrapage d'une scolarité initiale ratée. Au contraire, cette formation tout au long de la vie doit étendre la période d'échange, d'apprentissage et de construction des valeurs du «vivre ensemble ». Elle doit permettre une ascension professionnelle grâce à une meilleure évaluation des changements techniques, économiques et sociaux de notre société. Comme le dit l'écrivain Paul Carvel «L'éducation se sème chez l'enfant, mais doit se cultiver toute la vie ». Là encore, il faut constater les absences coupables de votre texte.

Votre texte comporte également des carences en termes de scolarisation des élèves handicapés.

M. Guy Geoffroy. Oh !

Mme Martine David. J'en suis désolée, monsieur Geoffroy, mais nous sommes bien obligés de le signaler !

M. Guy Geoffroy. Lisez le texte !

M. François Liberti. Il n'y a pas les moyens !

Mme Martine David. Il n'y a aucun moyen, monsieur Geoffroy !

M. François Liberti. C'est virtuel !

Mme Martine David. On peut évidemment annoncer des intentions, mais cela ne peut suffire !

M. le président. Ne discutez pas entre vous, je vous en prie !

Mme Martine David. Les crédits annoncés par M. le ministre ne font, à l'heure actuelle, pas l'objet d'une inscription budgétaire. Ce ne sont donc bien que des intentions !

En conclusion, monsieur le ministre, je vous le dis avec gravité comme de très nombreux autres, ce texte n'est pas acceptable en l'état car des axes essentiels en sont totalement absents, insuffisamment ou mal traités.

Vous ne pouvez être le seul détenteur de la vérité,...

M. Guy Geoffroy. Vous non plus !

Mme Martine David. Mais je n'affirme rien de tel !

...surtout en matière d'éducation, quand les manifestations, les expressions répétées des élèves, les initiatives syndicales, les déclarations d'hostilité de toutes les fédérations de parents d'élèves se multiplient. Dans la vie de notre nation, un ministre, certes, décide, mais il passe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Rochebloine. Les députés aussi ! Il faut rester modeste !

Mme Martine David. Les enseignants, les personnels exercent, eux, leur mission dans la durée. C'est au nom de leur expérience et de leur vécu quotidien que leur avis mérite d'être entendu et pris en compte.

Le groupe socialiste se fait le relais de cette exaspération et vous demande de revoir profondément votre copie, sur la base des propositions concrètes présentées hier par Jean-Marc Ayrault, afin d'aboutir à un texte porteur d'espoir et d'ambition permettant à chaque enfant, à chaque adolescent de trouver, grâce à une école respectueuse et formatrice, sa place d'adulte et de citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas nous décevoir, Monsieur Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, construire l'école de demain, l'école des quinze années à venir, tel est l'enjeu de ce projet de loi.

La dernière loi de ce type date de 1989. Elle marqua les esprits par les fameux « 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat », un objectif qui avait été explicitement assumé par plusieurs ministres de droite ou de gauche, mais jamais gravé dans le marbre.

Quant à ce projet, ses promoteurs ont souhaité lui donner un retentissement qui n'a échappé à personne, par un débat sur l'école qui a mobilisé plus d'un million de Français, puis avec le travail de la commission Thélot, dont le rapport a réussi l'exploit remarquable de susciter l'accord de la plupart des organisations d'enseignants et des associations de parents d'élèves. C'est un fait rare dans l'éducation nationale. Trop peu de choses ont été reprises dans ce projet de loi. Dommage ! (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Notre système scolaire fonctionne bien. Alors que tout le monde, constamment, le démolit, il faut dire qu'il est de qualité. Nous sommes environnés de systèmes éducatifs en crise, en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux États-Unis... Défendons donc notre modèle et nos acquis !

Aujourd'hui, la priorité n'est pas de tout mettre par terre, mais de faire marcher ce qui existe, avec deux objectifs : lutter contre l'échec scolaire et conforter les enseignants dans leurs compétences, leurs méthodes et leur légitimité. On ne peut pas changer le système scolaire sans l'accord et la confiance de tous les partenaires de l'école.

Certes, de très nombreuses intentions de la loi vont dans le bon sens : la constitution d'un socle commun de connaissances, permettant de recentrer le système éducatif sur les apprentissages fondamentaux, la revalorisation de l'enseignement professionnel, contrairement à ce qui vient d'être dit,...

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Yvan Lachaud. ...l'accent mis sur l'évaluation des connaissances.

La détection précoce des difficultés des élèves est une bonne chose - elle était d'ailleurs déjà présente dans le nouveau contrat pour l'école mis en place par François Bayrou -, mais il manque les réponses adéquates : on aurait pu laisser plus d'autonomie aux établissements, en particulier en matière de pédagogie. On peut regretter que cette loi ne soit pas une loi de programmation. Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous nous avez présenté le coût de certaines mesures, mais il faudrait disposer d'un tableau exact du coût de toutes les décisions.

Ce projet de loi doit d'abord être l'occasion de redéfinir la mission des enseignants, dont le rôle est aujourd'hui beaucoup plus large et ne se limite pas à l'instruction des élèves dans le cadre de la classe. De plus, il ne faut pas négliger une sorte d'usure du métier. L'évolution des comportements des élèves,...

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Yvan Lachaud. ...le fait que les enseignants sont aujourd'hui confrontés à des élèves qui sont de plus en plus éloignés de leurs propres pratiques,...

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Yvan Lachaud. ...l'écart qui se creuse entre les générations rendent nécessaire d'envisager la possibilité d'une seconde carrière pour les enseignants qui le souhaitent. C'est indispensable pour leur redonner confiance.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Yvan Lachaud. Il faut aussi étudier de près les modalités de l'évaluation pédagogique. Osons ouvrir ces chantiers !

Il faut tout particulièrement résoudre le problème de la lecture et de l'écriture. Les chiffres sont connus : 10 % d'illettrisme lourd dans la société adulte, 20 % d'illettrisme diffus, 10 % au moins de très grosses difficultés à l'entrée en classe de sixième, et beaucoup plus d'illettrisme diffus, c'est-à-dire des difficultés de déchiffrage et de compréhension du texte.

Naturellement, l'illettrisme conduit à l'échec scolaire de longue durée, de très longue durée. Celui qui ne sait pas lire en sixième n'atteindra pas le baccalauréat. Ce qui est tellement blessant dans cette situation, c'est que ceux qui se trouvent dans ce cas à l'entrée en sixième, on les connaît depuis le CP. On sait qui va entrer dans le chemin de l'illettrisme, mais on n'arrive pas à résoudre le problème.

Il ne faut surtout pas que le corps enseignant ressente ce constat comme une critique de sa compétence, de ses méthodes, de sa légitimité. On voit bien ce qu'il faudrait faire : comparer les méthodes, mettre en place l'expérimentation, envisager des systèmes différenciés, plus flexibles, évaluer, appliquer ce qui marche. Il s'agit de mettre en place des pédagogies différenciées dès le plus jeune âge auprès des élèves qu'on repère comme étant inéluctablement promis à ce type d'échec scolaire. On concentrerait les moyens sur eux, en considérant que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Refuser la différenciation, c'est avoir une mauvaise compréhension de l'égalité.

Cette notion d'égalité, si importante, nous amène à parler d'égalité des chances. C'est à l'école qu'il revient d'assurer l'égalité des chances de tous les élèves, de compenser l'inégalité sociale. C'est pourquoi nous voulons repenser le dispositif des ZEP, qui est une politique de différenciation des moyens sur critères sociaux et non sur critères pédagogiques. C'est un sujet qui mérite qu'on y réfléchisse.

Il nous faut également adapter le système éducatif aux jeunes d'aujourd'hui, qui sont souvent très fragiles. Il faut en particulier apporter une vraie réponse aux problèmes posés par le collège, à mon avis le point noir de l'éducation nationale aujourd'hui, en multipliant les passerelles et en proposant des voies différentes pour celles et ceux qui sont en grande difficulté au collège et que leur situation d'échec transforme malheureusement trop souvent en délinquants potentiels.

Toucher au collège, c'est donner la possibilité à tous les collégiens de trouver une voie de valorisation. Lorsque l'on s'est fixé comme objectif 100 % d'une tranche d'âge au brevet, on a profondément modifié le public des collèges, et on ne sait pas aujourd'hui le gérer convenablement. Il faut aujourd'hui adapter le collège à ce nouveau public. C'est le niveau où il y a le plus grand nombre échecs. C'est le point le plus délicat de notre système.

Toujours au sujet du collège, il faut conserver au brevet son caractère d'examen,...

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Yvan Lachaud. ...en associant le contrôle continu et l'examen terminal, car il constitue pour les élèves le premier examen de leur cursus scolaire.

Je ne suis pas opposé à une réforme du bac. C'est un monument dans notre pays, mais nous ne sommes pas opposés à une partie de contrôle continu. Il est en effet très difficile d'organiser le baccalauréat dans notre pays, nous le savons tous.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est du bon sens !

M. Yvan Lachaud. La génération des professeurs n'est pas née avec l'informatique, mais celle des collégiens oui, d'où une inadéquation entre les outils que les professeurs utilisent et ceux que les collégiens aiment utiliser. À cet égard, il faudrait également revoir profondément le programme de technologie.

À l'UDF, nous voulons aussi proposer. C'est pourquoi nous avons élaboré treize mesures prioritaires à prendre pour améliorer ce projet de loi, pour assurer la réussite scolaire et personnelle des élèves et gagner la confiance des partenaires de l'école.

Il faut d'abord permettre à chaque élève d'acquérir un ensemble de connaissances et d'aptitudes lui permettant d'accéder à une réussite scolaire et professionnelle, en élargissant le socle de connaissances fondamentales proposé par le Gouvernement : du français, des mathématiques, une langue vivante, des technologies de l'information, une culture humaniste et citoyenne, un enseignement artistique, une culture scientifique et technologique et la pratique sportive, M. Rochebloine a fait hier soir une intervention remarquée sur ce point. Cela va de pair avec l'engagement de garantir l'accès de tous les élèves aux enseignements optionnels dans l'enseignement général, en particulier les langues vivantes, régionales et anciennes, et aux différentes filières de l'enseignement professionnel.

Il faut également redéfinir la mission des enseignants, qui, au-delà de l'indispensable instruction des élèves dans le cadre de la classe, comprend aussi l'accompagnement des élèves, leur suivi individualisé, les relations avec les parents, le travail en équipe et la concertation.

Autre chantier important, l'amélioration de la formation des enseignants. Il faut améliorer le contenu et le déroulement de la formation en IUFM. Il est temps de définir un cahier des charges national et des missions précises, de garantir le respect de leur autonomie, de bien penser l'alternance entre le terrain et la formation, d'accroître l'importance donnée aux aspects professionnels de la formation. Il faut aussi préparer tous les enseignants à accueillir les élèves handicapés.

M. François Rochebloine et M. Pierre-André Périssol. Absolument !

M. Yvan Lachaud. L'accent doit être mis également sur l'accompagnement des élèves en difficulté et la personnalisation des apprentissages, permettant de répondre aux difficultés dès qu'elles apparaissent, en particulier par des études accompagnées, après les heures de cours, certains jours de la semaine, où l'élève ferait ses devoirs et apprendrait ses leçons, accompagné par des personnels de l'école, des enseignants à la retraite ou des étudiants.

Dans le même sens, il nous faut donner les moyens de réussir aux élèves issus de quartiers socialement défavorisés : recentrer le dispositif des ZEP, dont les moyens, souvent éparpillés, ont des effets trop imperceptibles, sur les établissements les plus en difficulté, lier l'obtention du statut de ZEP, et l'obtention de ressources temporaires, mais importantes, à un contrat d'objectifs, permettre des mesures dérogatoires dans les établissements très difficiles. Les actions peuvent s'inspirer du travail réalisé par les groupes d'aide à l'insertion, les GAIN, dans les lycées professionnels, un très bon exemple à suivre.

Parce que l'école est au cœur de la société et au cœur de notre territoire, nous devons préserver les écoles rurales, écoles à classe unique ou à deux classes : assouplir les critères des seuils d'ouverture et de fermeture des classes dans les communes rurales, prendre en compte les projets de la commune favorisant le maintien de l'école - garderie, logements, bibliothèque -, mieux prendre en compte la motivation des enseignants à travailler dans ces classes pour garantir la stabilité des postes, prendre en compte la dimension intercommunale.

J'insisterais également sur la nécessité d'accompagner la croissance des effectifs dans les établissements d'enseignement privé sous contrat. Il est nécessaire aujourd'hui d'atteindre l'égalité dans le rapport entre le nombre d'enseignants ou d'heures d'enseignement et le nombre d'élèves, dans les établissements d'enseignement public comme dans les établissements d'enseignement privé sous contrat.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Yvan Lachaud. Un rapport à ce sujet serait intéressant.

Une politique de santé doit être réellement mise en place à l'école, en garantissant au moins la présence d'un infirmier ou d'une infirmière dans chaque établissement du second degré, collège ou lycée - aujourd'hui, il existe 6 700 postes pour 8 000 établissements - et d'un médecin pour 3 000 élèves, alors qu'il y en a un pour 6 500. Une plus grande cohérence avec les collectivités territoriales est à cet égard nécessaire.

Les personnels non enseignants doivent également être pris en compte : personnels administratifs, techniques, ouvriers, de service, sociaux et de santé, assistants d'éducation, AVS. Vous nous avez dit lors d'une audition que rien ne changeait. Encore eût-il fallu le préciser. Il y a lieu, je crois, de réaffirmer l'importance de ces personnels dans le système scolaire. Ils jouent en effet un rôle véritable dans le fonctionnement des établissements et la vie scolaire. Il faut donc prévoir leur recrutement, et la programmation des postes, leur formation et leur participation à l'élaboration du projet d'établissement.

La réussite de tous les élèves impose aussi de valoriser l'enseignement professionnel et technologique.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Yvan Lachaud. Il faut informer sur cette voie, promouvoir ses réussites, favoriser les partenariats entre les collèges et les entreprises, - semaines de découverte, stages... - mieux adapter la formation aux emplois, associer les professionnels à la définition du contenu des formations, offrir aux collégiens qui le souhaitent la possibilité, dès la classe de quatrième, de choisir une formation à vocation technologique. L'orientation est une mission de l'école à part entière. Cela doit être inscrit dans la loi.

Nous demandons également au Gouvernement de s'engager à élaborer un statut pour les directeurs d'école, définissant en particulier formations, missions, responsabilités et protection juridique et prévoyant la mise en place d'un nouveau système de décharge d'enseignement. Leurs nouvelles attributions n'ont fait qu'augmenter la charge de travail et aucune mesure n'a été prise pour leur permettre de les assumer pleinement et dans de bonnes conditions, tout en restant disponibles pour leur mission pédagogique.

Pensons également aux classes post-bac des lycées : dans le cadre de la réforme LMD, nous demandons que la formation dispensée dans les classes préparatoires et les BTS soit reconnue et validée, par exemple sous forme de conventions locales entre les lycées et les universités, s'appuyant sur une grille nationale d'attribution des ECTS.

La discussion de ce projet de loi est l'occasion de mettre en place une politique favorisant l'enseignement des langues régionales. Cela suppose d'attribuer un nombre de postes correspondant aux effectifs d'élèves et de garantir la situation juridique de l'enseignement par la méthode de l'immersion. Nous avons déposé plusieurs amendements sur ce sujet, tendant notamment à modifier le code de l'éducation.

La concertation et la confiance des acteurs de l'école, des mesures simples et concrètes pour assurer la réussite des élèves et redonner confiance aux acteurs de l'école, voilà ce que l'UDF propose pour que notre système éducatif soit doté d'une véritable ambition et que chaque élève, quel que soit son milieu d'origine, reçoive des compétences solides servant de base à une formation tout au long de la vie.

Nous sommes convaincus que l'on peut réformer l'éducation nationale, pourvu que l'on sache gagner la confiance de ceux qui constituent l'école.

M. Pierre-André Périssol. Absolument.

M. Yvan Lachaud. Et cette confiance se gagne par la discussion et la concertation.

M. François Bayrou. Tout à fait.

M. Yvan Lachaud. Le but de l'école n'est pas le diplôme, ni même l'insertion professionnelle, mais de donner à une personne les moyens de son épanouissement et de sa liberté de choix, dans tous les domaines, y compris professionnel. Dans les situations tellement mouvantes de notre monde, c'est la culture générale qui permet de faire un choix pertinent.

Cela va de pair avec un autre élément important : la désaffection regrettable, inacceptable, des jeunes pour le monde des métiers. Il faut leur expliquer que ce n'est pas parce qu'on exerce un métier manuel que l'on n'a pas droit à une vie culturelle et intellectuelle. C'est un élément important pour la société que nous voulons construire.

Pour que les enfants, au moment des premiers apprentissages, se trouvent dans des situations qui se rapprochent le plus de l'égalité, il faut développer avec les parents et tout le corps social, une sorte de réseau éducatif qui soutenir le travail des enseignants. Prenons l'exemple de la lecture : il serait stupide d'accuser l'école d'être seule responsable des difficultés en ce domaine alors que notre société ne renvoie aucun modèle valorisant de lecteur.

M. Pierre-André Périssol. Exactement.

M. Yvan Lachaud. Ce soutien de l'école est indispensable. Quand François Bayrou était ministre de l'éducation nationale, il avait fait mener une étude, sous la responsabilité de Claude Thélot, pour comprendre pourquoi des enfants de milieux, socialement et culturellement, favorisés échouaient, alors que des enfants de milieux défavorisés réussissaient - naturellement, ils réussissent moins dans les milieux défavorisés que dans les milieux favorisés, mais les deux situations existent. Les conclusions ont été claires : réussissaient dans les milieux défavorisés les enfants dans la famille desquels l'école était valorisée, et échouaient dans les milieux favorisés ceux pour qui l'école était constamment dévalorisée.

Garantir l'avenir de l'école exige de valoriser le système scolaire et de respecter le travail des enseignants.

M. François Rochebloine. Absolument.

M. Yvan Lachaud. On ne peut réformer l'école que si on respecte ses acteurs et qu'ils sont convaincus d'être respectés dans la société. Il est impératif que nous rendions aux enseignants une fierté légitime, une considération. Ils le méritent.

M. François Rochebloine. C'est urgent.

M. Yvan Lachaud. Au moment où des difficultés s'annoncent pour la rentrée prochaine, du fait des légitimes fermetures de postes liées à la baisse des effectifs et des dispositions de la carte scolaire, nous voulons améliorer ce texte pour que l'éducation reste la priorité du pays.

M. Guy Geoffroy. Elle l'est absolument.

M. Yvan Lachaud. Nous le devons à nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation que vous proposez veut fixer les objectifs éducatifs de la nation pour les prochaines années. Dans son exposé des motifs, sont listés nombre de constats questionnant le système éducatif actuel : performances éducatives moyennes par rapport à celles d'autres pays ; perte de vitesse en ce qui concerne la lutte contre les inégalités sociales ; incapacité à garantir un niveau de formation répondant tant aux besoins sociaux qu'aux besoins citoyens ou économiques.

En eux-mêmes ces constats sont éloquents et rendent compte de la crise réelle que traverse notre système éducatif. Je suis d'ailleurs d'accord avec vous, monsieur le ministre, sur l'état des lieux que vous dressez et sur le fait qu'il est temps « d'assurer la réussite de tous les élèves », comme l'a souligné la commission du débat national sur l'avenir de l'école.

Mais ces constats appellent des mesures à la hauteur de l'enjeu que l'État assigne au rôle du système éducatif. Et c'est bien sur cet enjeu que nous différons et que je m'interroge. Or force est de constater que le budget de l'éducation nationale était présenté en augmentation de 2,6 % alors que celui-ci en valeur réelle - c'est-à-dire en moyens humains et matériels - et en euros constants, baisse de 3 % !

Comment est-il possible d'annoncer, selon votre expression, « un projet ambitieux », sans se doter des moyens financiers dignes de ce que l'école représente ? Cette baisse du budget confirme la volonté du Gouvernement d'insérer ce projet dans un ensemble de mesures qui, contrairement à ce que vous dites, se retournent contre le service public de l'éducation, par exemple la loi organique relative aux lois de finances qui, sous couvert de contrôle de l'utilisation des deniers publics, aligne la gestion des services publics, et notamment l'école, sur le modèle des entreprises privées.

Si l'on peut admettre que, dans une entreprise privée comme publique, la gestion doive être menée avec rigueur, on ne peut pour autant envisager que le service public souscrive aux politiques libérales mises en place dans le privé. Cette gestion, que vous appelez de vos vœux, a pour conséquence, comme dans les entreprises, la suppression de postes assortie du non-remplacement des personnels absents. La solution que vous proposez, pour résoudre ce problème, est au détriment de la qualité des services et de l'intérêt des élèves.

Mais la gestion des personnels a aussi des conséquences en ce qui concerne les départs à la retraite. Comment, en effet, concilier l'effort de recrutement de nouveaux enseignants pour assurer le renouvellement lié aux départs à la retraite qui, ne l'oublions pas, vont passer de 15 000 en 2005 à 21 000 en 2010 et ce budget en baisse ?

Ces chiffres sont à mettre en rapport avec la réalité d'aujourd'hui. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, même après le plan de rattrapage de 1997-1998 qui a permis de recruter 3 000 enseignants, le manque d'enseignants, et notamment de remplaçants, entre autres dans le premier degré, se fait cruellement sentir. À titre d'exemple, dans cette académie, 2 500 enfants en plus sont attendus pour la rentrée prochaine ; or nous savons que seuls deux postes vont être créés, alors qu'il en faudrait une centaine !

Mais votre projet ne s'arrête pas là. Nous divergeons fondamentalement lorsqu'il s'agit d'améliorer la gestion. Pour moi cela implique une augmentation des moyens ; pour votre gouvernement, cela suppose la suppression de moyens humains mais aussi d'une partie des matières importantes. Ainsi disparaissent du « socle commun pour tous » les enseignements artistiques et l'éducation physique et sportive.

Je n'ai pas oublié l'appel lancé en mars 2004 par les étudiants inscrits en STAPS qui se demandaient - compte tenu de la baisse des postes mis au concours du CAPEPS - si le sport aurait encore sa place au sein de l'éducation nationale. Le groupe communiste avait d'ailleurs interrogé le ministre de l'éducation de l'époque sur la place qu'il entendait encore accorder à cette discipline, et plus particulièrement, sur les garanties d'insertion professionnelle il pouvait offrir aux étudiants engagés dans une filière déjà largement sélective.

Un an après, les inquiétudes des étudiants se trouvent confirmées. En faisant siennes les propositions du rapport Thélot, le Gouvernement prend la lourde responsabilité de ne plus offrir aux jeunes ce dont parle Michel Serres, dans son ouvrage Variations, à propos justement de l'éducation physique et sportive « le corps humain imite à loisir choses et vivant ; de plus il crée des signes... l'esprit naît de ces variations. Les cinq sens ne sont pas la seule source de la connaissance : elle émerge, en grande part, des imitations que rend possibles l'extraordinaire plasticité du corps tout entier. En lui, avec lui et par lui commence le savoir ».

Le « socle commun » proposé n'est qu'un seuil minimum que l'éducation nationale s'engage à garantir à tous les élèves. Même s'il prétend être pensé pour favoriser la maîtrise de la langue française et des principaux éléments de mathématiques, une culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté, la pratique d'au moins une langue étrangère et la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication, il s'accompagne surtout d'un certain nombre de dispositifs d'orientation mis en place pour évacuer rapidement les élèves en difficulté.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai.

M. Patrick Braouezec. Une fois de plus, les causes de l'échec scolaire ne sont pas traitées.

M. André Schneider. C'est faux !

M. Patrick Braouezec. Ce souci de ne pas traiter les vraies causes de l'échec scolaire se retrouve dans les orientations données au brevet valorisé qui deviendra obligatoire dès la rentrée 2006.

M. Guy Geoffroy. Et c'est bien !

M. Patrick Braouezec. À regarder de près les coefficients affectés aux différentes épreuves, on peut constater qu'une des trois épreuves écrites terminales ainsi que les deux disciplines obligatoires en contrôle continu ont chacune le même coefficient que la note de vie scolaire qui prend en compte l'assiduité, le respect du règlement intérieur et l'engagement dans la vie du collège.

M. Guy Geoffroy. C'est bien !

M. Patrick Braouezec. Si je m'arrête sur ce point, c'est qu'il me semble ahurissant et significatif de mettre sur le même plan des compétences d'ordre cognitif avec des attitudes de comportement.

M. André Schneider. C'est important !

M. Guy Geoffroy. Le futur citoyen est là !

M. Patrick Braouezec. Qui n'a pas connu au cours de sa scolarité d'amis au comportement très perturbant mais au parcours scolaire brillant ?

Cette introduction d'une note de vie scolaire est le signe d'un refus d'analyser les raisons qui amènent la violence ou l'irresponsabilité au sein de l'école et la preuve que le Gouvernement préfère encore une fois déplacer le problème de l'échec scolaire sur un autre plan.

M. Guy Geoffroy. Au contraire, il le regarde en face.

M. Patrick Braouezec. En procédant ainsi, le projet de loi permet que le brevet des collèges rénové soit à géométrie variable et consacre la spécialisation précoce des parcours. Ainsi le Gouvernement semble considérer comme inéluctable l'aggravation des inégalités sociales dans l'accès au savoir. Nous voyons bien se mettre en place, de manière insidieuse, un projet qui remet en cause les finalités même de l'école : il s'agit de faire éclater le système éducatif en autant de structures autonomes et concurrentielles afin de formaliser définitivement un système à plusieurs vitesses. Cette perspective est à mettre en relation avec l'accord généralisé sur les services qui prévoit d'assimiler l'éducation à une marchandise de façon à faciliter la mise à disposition de l'école au service des industriels.

Votre projet d'éclatement du système éducatif s'en prend même aux parents en les rendant responsables de la sortie de route éducative de leur enfant, puisqu'un contrat de réussite individuelle sera mis en place lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle.

Il ne s'agit pas vraiment d'un contrat librement consenti et librement établi entre les deux parties, mais d'un contrat unilatéral - voire imposé par le directeur d'école ou le chef d'établissement. Cette décision montre une fois encore que les pratiques de l'école sont fondées sur un déséquilibre des forces en présence. Après la culpabilisation d'un élève qui aura une mauvaise note de vie au collège, les parents seront porteurs de culpabilité si le contrat n'est pas rempli et seront de facto rendus responsables de l'échec de leur enfant.

Il ouvre aussi la porte aux dispositifs dérogatoires, et notamment à la formation en alternance dès l'âge de treize ans. Si l'on veut que ce contrat réussisse, permettons aux parents, en tant que partie prenante, de justifier, d'analyser et d'en discuter les termes. S'il n'est pas conçu dans un esprit de coopération et de partage, je peux vous indiquer dès maintenant ce que deviendront les jeunes qui y seront soumis : redoublement, envoi en classe puis en atelier relais, avant l'internat de réussite éducative créé par la loi de cohésion sociale !

Les parents n'ont pas leur mot à dire dans l'établissement de ce contrat, pas plus qu'ils n'ont pu se faire entendre sur le changement de statut des matières exclues du champ de la culture commune qui donne forme à l'esprit. La diversité des disciplines est un facteur de réussite et leur interaction permet de créer et de donner du sens aux apprentissages et d'assurer une dynamique permettant le développement de l'imagination et de la création. À terme, elles permettent de susciter l'esprit critique et c'est bien ce que l'on doit souhaiter et attendre de futurs citoyens : l'exercice d'une pensée libre et critique. Notre société serait-elle dans l'incapacité d'assumer le fait d'avoir en son sein des citoyens affirmant leur liberté de penser ?

Votre projet de loi ne se situe pas dans cette dynamique. Il préfère noircir le diagnostic de l'échec scolaire pour en désigner les coupables : la famille, la permissivité, l'individualisme - il ne manque plus qu'un pas, que vous franchissez allègrement, pour affirmer que c'est l'école, telle qu'elle est maintenant, qui serait à l'origine des difficultés d'insertion professionnelle, de l'inadaptation des formations à l'emploi, des incivilités et même des violences.

Il faut pourtant bien constater que cette école, telle qu'elle est et malgré ses insuffisances, est celle qui a permis à une grande partie de la jeunesse d'accéder aux savoirs et à la construction de connaissances - mais avec ce corollaire implacable qu'elle perpétue, depuis les années soixante, le système des inégalités scolaires.

Il devient alors préférable d'assigner de nouvelles missions à l'école - comme si, dans une société en crise, l'école pouvait remédier à tous les maux de la société. Les missions de l'école sont pourtant claires. Le rapport Thélot dans ses quatre propositions philosophiques introductives, citant Kant, Guizot, Marguerite Yourcenar et Rousseau, les a identifiées et on peut les résumer ainsi : permettre à l'individu de se construire, de comprendre le monde qui l'entoure, de développer ses capacités et de les utiliser en les convoquant lorsque le contexte le demande. Mais cette vision semble poser problème et ne rencontre pas l'adhésion de certains experts de l'éducation, qui préconisent la mise en place de cursus qui vont à l'encontre de ce que l'on attend d'un homme debout.

Il y a heureusement, au sein de ce même système, des femmes et des hommes qui veulent voir les futurs citoyens dotés des mêmes droits qu'eux. Ainsi sans surprise, le 16 décembre dernier, le Conseil supérieur de l'éducation - dont l'avis n'est certes que consultatif - s'est très majoritairement prononcé contre ce projet de loi et, le 20 décembre, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a exprimé la même opposition.

Ce projet fait le choix de la facilité en trouvant les moyens les moins coûteux pour régler, quelle qu'en soit la manière, le problème de l'échec scolaire. Mais peut-être cette façon d'éviter les questions que pose notre système éducatif et qui relèvent d'un vrai choix de société sert-elle les desseins de notre gouvernement, qui cherche à contribuer à l'objectif stratégique que s'est fixé l'Union européenne pour 2010 en termes d'éducation : « devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable ». Nous nous heurtons à une contradiction de fond : ni l'éducation, ni les connaissances ne sont des marchandises !

Pourtant, le projet de loi d'orientation pour l'école tend à considérer l'éducation comme une valeur marchande : cela sonne le glas de l'école publique et des valeurs qu'elle a su développer depuis sa création. L'école publique que vous proposez ici sera destinée à tous ceux qui ne peuvent fréquenter des structures privées ou aux jeunes auxquels leurs parents n'ont pas les moyens d'assurer une formation complémentaire leur permettant de comprendre ce qui est attendu d'eux ou de s'approprier les connaissances nécessaires.

L'école dont parle votre projet marque une régression de notre niveau de développement par le choix qui est fait des ministères auxquels seront prioritairement affectées les dépenses publiques. L'école mérite que l'on sorte des contraintes du pacte de stabilité et des programmes d'ajustements structurels exigés par la mondialisation. Il s'agit, dès lors, d'un vrai choix de société dont les premières victimes sont les jeunes qui seront pris dans le rouleau compresseur de l'échec scolaire ou, au mieux, d'une orientation qui ne sera pas librement consentie. Au lieu de régler les problèmes de l'école, ce projet ne fait que les augmenter.

Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels précise, dans son article 6, que tout individu a le droit au travail, l'État devant garantir ce droit par le choix des politiques sociales. Dans la charte des droits fondamentaux de l'Union, incluse dans le traité établissant la Constitution européenne, ce « droit au travail » devient un « droit de travailler ». Ce changement sémantique, qui peut passer inaperçu, change tout : l'État n'est plus obligé de garantir ce droit par le choix de ses politiques sociales. L'individu peut choisir de travailler ou d'être exclu, au chômage ! Voilà aussi ce qu'anticipe ce projet de loi d'orientation sur l'école.

Monsieur le ministre, un quotidien rappelait hier matin le nombre des réformes de l'éducation qui ont avorté, faute d'avoir été pensées et construites avec les principaux intéressés que sont les enseignants et les associations de parents d'élèves : d'Alain Devaquet à Luc Ferry, en passant par François Bayrou et Claude Allègre - ou vous-même déjà en 1995.

Nombre de ministres ont dû faire marche arrière, faute d'avoir su associer à leurs réformes le corps enseignant. Il faut cesser de mépriser ou de vilipender les enseignants et, bien au contraire, les revaloriser dans leur fonction et leur salaire.

Dans son dernier livre, Denis Tillinac, que vous connaissez bien et que vous ne pouvez taxer de marxisme intempestif, écrit que « le jour où, à égalité de diplôme, un professeur sera mieux payé qu'un publicitaire, la France redeviendra un modèle de citoyenneté et de civilité. La prolétarisation du corps enseignant compte beaucoup dans notre déclin. Pas de morale publique sans un corps enseignant fier de son rôle et socialement considéré ».

Votre réforme n'en prend pas le chemin - bien au contraire ! La réforme nécessaire à un enseignement de la réussite pour tous reste à faire. Cela devra être une des tâches majeures de ceux qui vous succéderont. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen engagé hier de ce projet de loi va attester, après le grand débat lancé il y a maintenant près de deux ans, que, dans l'esprit de nos concitoyens et de leurs représentants que nous sommes, les choses ont changé.

Lorsque le président de la République, relayé puissamment par le Gouvernement et le groupe majoritaire, a souhaité mette en place la démarche de ce grand débat, beaucoup disaient que l'école n'allait pas si mal, et qu'il suffisait d'y affecter quelques moyens supplémentaires...

M. Patrick Roy. Même beaucoup !

M. Guy Geoffroy. ...pour que tout aille bien. Si la question des moyens est encore évoquée aujourd'hui - dans une perspective politique conjoncturelle qui n'échappera d'ailleurs à personne -, on voit bien s'exprimer un accord de fond, quasi-unanime, sur le fait que l'école ne fonctionne plus comme il le faudrait, qu'elle n'est plus l'ascenseur de la réussite qu'elle devrait être et qu'il faut la réformer.

Face à cette réalité, monsieur le ministre, le choix était délicat entre les termes de l'alternative. Certains vous invitaient à privilégier encore et toujours les moyens et à ne pas toucher au dogme sacré et définitif de la loi d'orientation de 1989. Pour les autres, il fallait reprendre de fond en comble un système qui ne pouvait plus être réformé. L'ambition de certains - mais est-ce une ambition ? - était de revenir aux temps glorieux qu'aurait connus notre école voilà cinquante ans. Mais tout a l'air si simple, cinquante ans après !

Devant ce choix qui, s'il n'était pas cornélien, était au moins délicat, vous avez fait un pari, dans lequel nous sommes fiers de vous accompagner. C'est le pari de la sagesse,...

M. André Schneider. Absolument !

M. Jean-Marc Roubaud. Et de l'intelligence !

M. Guy Geoffroy. ...mais aussi celui de l'audace.

Pour gagner ce pari, vous posez la question en termes très simples, en nous invitant à regarder dans les yeux l'école de notre pays.

La sagesse consiste à considérer, comme d'autres l'ont fait avant vous et comme je souhaite que d'autres le fassent dans quinze ou trente ans, que, depuis qu'en 1959 le général de Gaulle a créé l'événement en prolongeant de quatorze à seize ans la scolarité obligatoire, tout ce qui a été fait, et aussi perfectibles qu'en soient les résultats, répondait à la logique profonde d'un pays qui a décidé de démocratiser son école en procédant une massification jamais envisagée jusque-là. Vous avez raison de considérer que la loi de 1989, si elle n'est pas un dogme, est au moins une base à partir de laquelle il faut travailler.

Votre pari est aussi celui de l'audace, car en vous inscrivant dans la lignée du travail de cette grande, institution, vous décidez malgré tout de faire bouger quelques lignes, et il est normal que cela provoque des réactions. Celles-ci attestent que, contrairement à ce qui a été affirmé, votre projet de loi n'est pas insipide et n'est pas qu'un catalogue informe de propositions qui n'auraient aucune chance d'être mises en œuvre.

M. Patrick Roy. Ce projet est dangereux !

M. Guy Geoffroy. Vous démontrez que ce projet de loi est sincère et réfléchi, et qu'il va réussir parce qu'il permettra à nos enfants d'atteindre l'objectif que la nation a le devoir de se fixer pour eux : la réussite de chacun d'entre eux.

Je me limiterai à quelques aspects de votre texte qui ont pour le groupe UMP un caractère essentiel.

Votre projet de loi reconnaît, d'abord, ce que beaucoup ont mis du temps à reconnaître : notre école manque de la sérénité dont elle a besoin pour faire apprendre. Ce n'est pas depuis 2002, depuis que les emplois-jeunes ont disparu d'eux-mêmes, parce qu'ils avaient été créés pour s'éteindre tout seuls (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Patrick Roy. Vous les avez supprimés !

M. Guy Geoffroy. ...que l'école est en proie à la violence : elle l'était bien avant. Ceux qui, comme M. Roy et moi-même, étaient dans cette école peu avant 2002 le savent bien, qui affrontaient tous les jours, avec leurs collègues enseignants, cette violence qui montait. Elle n'était pas le fait que de phénomènes internes aux établissements, mais également d'invasions provenant de l'extérieur et contre lesquelles il fallait se prémunir.

Votre texte exprime qu'en cette matière comme en beaucoup d'autres, il ne faut pas opposer les partisans de la prévention, qui auraient raison, et ceux de la répression, qui auraient tort. Avec le quintuplement du nombre des classes relais, il donne à l'institution le moyen de permettre à ceux qui en ont besoin d'être pris en charge spécifiquement ou de travailler et progresser plus au calme dans leurs classes.

Il faut saluer le courage avec lequel votre texte affirme qu'il peut être nécessaire d'avoir recours à la police aux abords de nos établissements et que la police a pour fonction non de brimer, mais de sécuriser. Ce grand pas que le Gouvernement a eu le courage de faire, ce grand mariage entre la prévention et la répression quand, malheureusement, elle se révèle nécessaire, c'est le mariage du courage et de la lucidité.

Votre texte aborde également au fond la question récurrente et bouleversante de l'enracinement dramatique de l'illettrisme dans notre pays. Un nombre croissant - 15 %, peut-être 20 % - de nos enfants quittent le CM2 pour entrer au collège sans maîtriser les outils qui feront d'eux des élèves dignes, respectés et capables de réussir.

La personnalisation du suivi que vous mettez en place permettra de combattre l'illettrisme à la racine. Soyez assuré, monsieur le ministre, de notre totale détermination à accompagner cet effort.

Vous abordez également la question essentielle de la formation des maîtres, sous l'angle plus global du recrutement et de l'attractivité du métier. Enraciner les IUFM dans l'université n'est pas les égarer dans un univers étranger : c'est au contraire aller jusqu'au bout d'une logique qui est celle de tous les pays européens, afin que nos enseignants soient formés comme il faudrait qu'ils le soient.

Vous instillez dans le projet une nécessité reconnue par tous, celle de dispenser aux enseignants une formation initiale beaucoup plus équilibrée, entre les apports théoriques et la formation pratique, qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Votre texte permet enfin d'aborder d'une manière beaucoup plus audacieuse et positive la question de la formation continue des enseignants. Il n'était pas raisonnable en effet, dans un pays comme le nôtre, qui a décidé de consacrer le droit à la formation tout au long de la vie pour tous ses citoyens, que ceux qui sont précisément chargés de former les autres soient privés de ce droit.

Pour toutes ces raisons, et pour beaucoup d'autres, le groupe UMP est solidement à vos côtés.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy. Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d'autres, le groupe UMP a souhaité accompagner vos efforts, en apportant à ce texte certains approfondissements et certaines améliorations, sur des points aussi importants que celui du socle commun des savoirs indispensables ou de l'éducation physique et sportive, objet d'un bien mauvais procès...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Honteux !

M. Guy Geoffroy. En effet, le groupe UMP, à mon initiative, proposera un amendement visant à intégrer tout bonnement une épreuve d'éducation physique au diplôme national du brevet. Cette mesure est le corollaire de ce qui figure dans le rapport annexé à votre projet de loi, qu'apparemment personne n'a lu, ou que ceux qui l'ont lu n'ont pas voulu comprendre.

M. Céleste Lett. Ce sont les méfaits de la lecture globale !

M. Guy Geoffroy. Il y est inscrit en effet que l'enseignement de l'éducation physique et sportive est plus que jamais obligatoire.

M. Daniel Paul. Quelle est la valeur juridique d'un rapport annexé ?

M. Gilbert Biessy. Votre procédé est malhonnête !

M. Guy Geoffroy. Notre groupe vous invite également, monsieur le ministre, à vous pencher, plus attentivement peut-être, sur la question de la direction d'école. En effet la grève administrative des enseignants, née sous le gouvernement précédent, n'a pas trouvé de solution. Il faut apporter aux établissements du premier degré une réponse appropriée à toutes les questions qu'elles se posent. Nous savons, monsieur le ministre, que vous allez répondre positivement à notre invitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. Daniel Paul. En instituant des petits chefs ?

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, mes chers collègue, ce projet de loi d'orientation va devenir, grâce au travail remarquable de notre rapporteur, que je salue, non seulement cette loi d'orientation que tout le monde attend, mais également la loi de programmation que le Président de la République avait souhaitée, et que nous voulions tant. Ce sera, grâce à vous, et grâce à la commission, dont le président a animé les travaux de la manière que l'on sait, la première fois que, dans notre république, l'école se verra dotée d'une loi, qui non seulement fixe ses missions, ses orientations, et donc son avenir, mais qui prévoira également la programmation des moyens qui permettront de l'atteindre.

Cette loi attendue, la voici. Le groupe majoritaire est serein ; il est à l'écoute, il est vigilant, comme vous, monsieur le ministre. Comme vous, il est déterminé ; il est à vos côtés. Il vous accompagnera dans le succès de cette loi, pour la réussite de tous les élèves de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si notre pays fait aujourd'hui partie du cercle restreint des plus grandes nations, ce n'est pas grâce à l'importance de sa population,...

M. André Schneider. De moins en moins !

M. Patrick Roy. ...ni grâce à l'étendue de son territoire ou à ses ressources en matières premières.

M. Ghislain Bray. Ni grâce au Parti socialiste !

M. Patrick Roy. C'est grâce, et chacun le sait ici, à la grande qualité de notre savoir collectif, de notre savoir-faire collectif, de notre intelligence collective. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles Cova. Jusque là, ça va !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous sommes d'accord !

M. Patrick Roy. Mais je vous vois écrire, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ne vous inquiétez pas, je vous écoute !

M. Henri Nayrou. Il prend des notes !

M. Patrick Roy. Vous le savez, monsieur le ministre, c'est à l'école que nous devons un tel résultat.

La loi que vous nous présentez aurait donc du être une loi d'intérêt national...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle l'est !

M. Patrick Roy. ..., une loi d'avenir, une loi de progrès...

M. Guy Geoffroy. C'est le cas !

M. Patrick Roy. ..., une loi que j'aurais aimé voter avec vous...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous pouvez la voter !

M. Patrick Roy. ...tant l'école devrait être le lieu flamboyant où la République se rassemble.

Hélas ! monsieur le ministre, ce projet n'est pas à la hauteur de l'attente. Une fois de plus, votre gouvernement déçoit ; pis, il renforce les inégalités. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Car ce projet n'est pas une réforme, mais une contre-réforme, qui sonne creux, qui sonne injuste, qui sonne faux. La musique de votre loi sonne d'ailleurs tellement faux qu'elle augure bien mal de l'avenir de vos chorales !

M. Ghislain Bray. Est-ce notre faute si vous n'avez pas d'oreille !

M. Patrick Roy. Nous aurons au cours du débat l'occasion de revenir sur tous ces points, inscrits ou absents, de votre loi. Mais permettez-moi de vous interpeller dès maintenant sur trois aspects particuliers.

D'abord cette contre-réforme sonne creux. Alors que personne n'ignore la profondeur de la fracture scolaire dont souffre ce pays, conséquence directe - ce que votre majorité se garde bien de dire - de l'injustice sociale...

M. Lionnel Luca. De l'injustice socialiste !

M. Patrick Roy. ..., injustice sociale que votre gouvernement accentue mois après mois, appliquant avec méthode une idéologie du privilège,...

M. Ghislain Bray. Qu'avez-vous fait depuis 1981 ?

M. Patrick Roy. ...votre loi reste désespérément sourde et aveugle face à l'enjeu que constituent les écoles situées en REP. Or si nous voulons que demain des millions de Françaises et de Français ne soient plus rejetés dans l'exclusion dès leur sortie de l'école primaire, il faut poursuivre l'effort déployé sur ces zones en difficulté. Il faut même l'amplifier, avec imagination et ambition. Si rien n'est fait aujourd'hui, l'exclusion continuera à ronger notre pays. Si rien n'est fait aujourd'hui, demain sera pire. Si rien n'est fait aujourd'hui, l'addition économique et sociale sera insupportable pour notre pays !

L'investissement dans l'école primaire doit être massif, principalement dans ces quartiers en difficultés que votre loi abandonne, laissant aux communes asphyxiées l'obligation morale de suppléer aux retraits de l'État.

M. André Schneider. C'est de la désinformation !

M. Patrick Roy. C'est en effet à l'école primaire, voire à l'école maternelle, que tout se joue. En gardant un silence indécent sur les écoles en REP, votre texte instaurera, par force de loi, l'exclusion scolaire dans ce pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Céleste Lett. Affirmation méprisante autant que gratuite !

M. Patrick Roy. Quand un gouvernement est à ce point aveugle, il prend le risque fou de faire sombrer le pays dans la ruine économique.

M. André Schneider. Parce que vous vous souciez d'économie maintenant ? C'est nouveau !

M. Patrick Roy Alors, monsieur le ministre, je vous le demande : reprenez votre copie - à vous voir écrire autant, je suppose que c'est ce que vous faites - et prenez conscience de l'enjeu.

Mieux même, venez dans une de ces écoles.

M. René Couanau. Il a déjà été à l'école, lui !

M. le président. Donnez l'exemple de la sagesse, monsieur Couanau !

M. Patrick Roy. Mais n'y venez pas en visite ministérielle, trop rapide, trop superficielle. Non, passez vraiment quelques jours sur le terrain : vous pourriez par exemple venir faire classe à l'école Pascal de Denain. Vous y serez accueilli avec courtoisie par son directeur et ses collègues.

M. Guy Geoffroy. C'est bien le moins !

M. Patrick Roy. On vous offrira même le café à la récréation. Je suis persuadé que vous comprendrez alors l'urgence et l'ampleur de la question. Vous y découvrirez des élèves et des parents qui ont un cœur immense, mais qui, confrontés à des difficultés sociales souvent insurmontables, ont le sentiment d'être abandonnés de la République.

J'ajouterai une petite suggestion à ma proposition : vous pourriez venir remplacer un enseignant absent, en arrêt maladie par exemple, que vos services ne savent plus remplacer, conséquence directe de vos suppressions massives de postes.

M. René Couanau. Parce que c'est seulement depuis deux ans et demi qu'on ne sait plus les remplacer ?

Mme Christine Boutin. C'est vraiment nul !

M. le président. Madame Boutin !

Mme Christine Boutin. Il faut le dire ! L'école mérite un meilleur débat !

M. Patrick Roy. C'est aussi une contre-réforme qui sonne injuste. Vous prétendez en effet vouloir vous attaquer à la violence scolaire et renforcer l'éducation à la citoyenneté. Fort bien : l'intention est méritoire et personne ici ne la conteste. (Mme Christine Boutin quitte l'hémicycle.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Au revoir, madame Boutin !

M. Patrick Roy. Quand Mme Boutin s'énerve, c'est bon signe !

Mais, comme pour toutes les lois de ce gouvernement, il y a une distorsion totale entre les mots et les actes. Même si vous faites mine de l'ignorer, vous savez fort bien que la suppression des emplois-jeunes (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Mme Arlette Franco. C'était de faux emplois !

Mme Henriette Martinez. Ils n'ont pas été supprimés, les contrats sont arrivés à échéance !

M. André Schneider. Et vous n'aviez rien prévu pour les remplacer !

M. Patrick Roy. ...et la diminution drastique des contrats aidés a été, non seulement une erreur politique majeure de ce gouvernement, comme le prouvent les élections de mars et de juin derniers, mais une décision dramatique pour la qualité de notre enseignement. Comment pouvez-vous aujourd'hui nous parler de citoyenneté alors que le Gouvernement, qui devrait montrer l'exemple en la matière, a été autant irresponsable dans sa politique éducative ?

Cette présence adulte était pourtant vécue par les équipes éducatives comme un véritable levier de citoyenneté. Elle a été à la source de multiples innovations pédagogiques qui depuis, par votre volonté, ont pour la plupart été balayées.

Au-delà même de ces innovations pédagogiques, cette présence adulte, emplois-jeunes, surveillants, CES et CEC, a permis de fortifier l'éducation à la citoyenneté.

En ce moment même, les conseils d'administration des collèges de France font le même constat abasourdi : d'une part la gestion inégalitaire de la carte scolaire aboutit à la suppression de postes, de filières et d'options. J'en vois qui rient : 94O suppressions dans l'académie de Lille, personnellement ça ne me fait pas rire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Combien d'élèves en moins ? C'est scandaleux !

M. Patrick Roy. Et combien d'élèves en plus dans les écoles primaires du Nord-Pas-de-Calais ? Et pourtant il n'y a eu aucune création de postes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Mensonges !

M. Patrick Roy. Cette réduction de l'encadrement aboutit d'autre part à une montée de la violence et à un découragement des équipes éducatives.

Je veux vous lire, à titre de preuve, quelques extraits du compte rendu d'une réunion récente du conseil d'administration d'un collège de ma circonscription. J'aurais pu en citer beaucoup d'autres, et des pires : « Les représentants des parents d'élèves regrettent fortement les deux suppressions de classe et émettent un profond désaccord avec le montant du volume horaire global accordé. »

M. Guy Geoffroy. J'ai connu ça pendant trente-cinq ans ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Hélène Mignon. Monsieur je-sais-tout !

M. Guy Geoffroy. Ça existe depuis toujours et ça existera toujours !

M. Patrick Roy. Il y a mieux, monsieur Geoffroy : « Monsieur le conseiller principal d'éducation regrette également le manque de postes d'encadrement des élèves. Il y a moins de surveillants : 90 heures par semaine de moins de postes d'assistants d'éducation depuis son arrivée au collège il y a un an. Les assistants d'éducation en congé maternité ne sont plus remplacés, faute de crédits de suppléance. Monsieur le conseiller principal d'éducation est inquiet : son rôle est plus celui d'un policier que d'un éducateur. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Alors, monsieur le ministre, que dois-je dire aux équipes éducatives ? Allez-vous revenir, oui ou non, sur toutes ces suppressions, celles d'aujourd'hui et celles d'hier ? À moins que votre réponse, une nouvelle fois, soit d'envoyer la police fouiller nos jeunes collégiens à la porte de leur établissement. Ce jour-là, je dois vous le dire, j'ai vu pleurer la République. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre contre-réforme sonne creux, sonne injuste et, enfin, sonne faux : d'abord en raison de votre conception totalement incohérente du socle, lequel n'est d'ailleurs plus commun ; ensuite, à cause de votre volonté de faire disparaître les cycles créés par la loi de 1989 de Lionel Jospin.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est absolument faux !

M. Patrick Roy. Si ! C'est une volonté masquée de les faire disparaître par votre proposition de redoublement à la fin de chaque classe et non plus à la fin de chaque cycle. Même si, et je le reconnais bien volontiers, les cycles n'ont pas apporté tout ce qu'on pouvait en espérer, ils ont marqué cependant une évolution pédagogique incontestable, avec cette volonté essentielle de favoriser le travail en équipe des enseignants.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Quelle mauvaise foi !

M. Patrick Roy. C'est dans cette voie qu'il faut continuer, en dégageant des moyens nouveaux, nécessaires au travail en équipe. (« C'est dans la loi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et le conseil pédagogique, c'est quoi ?

M. Patrick Roy. Alors je vous le demande là aussi, monsieur le ministre, allez-vous revenir pleinement à la politique des cycles et allez-vous lui donner les moyens de son fonctionnement ?

Quant au redoublement, peut-être voulez-vous le réinstituer pour en faire bénéficier votre majorité en 2007...

Je conclus : partout dans le pays gronde l'opposition à votre texte ; vous ne pouvez pas y rester sourd ! Les enseignants sont contre ! Les parents sont contre ! Les élèves, qui ne sont manipulés par personne, sont contre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il y avait 50 000 personnes dans la rue hier à Paris. Vous ne pouvez pas rester sourd !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ça fait vingt minutes de mauvaise foi !

M. Patrick Roy. Et enfin, si je ne vous ai pas encore convaincu (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), j'ai l'argument décisif:...

M. Guy Geoffroy. Je crains le pire !

M. Patrick Roy. ...les socialistes sont contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur le président de la commission, je vous fais remarquer que je suis très attentif aux temps de parole. Je ne vous autorise pas à dire que l'intervention de M. Roy a duré vingt minutes : c'est faux. Le dépassement n'est que d'une minute seulement.

M. René Couanau. Et on peut réentendre M. Roy intégralement ? (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Couanau, M. Roy est prêt à répondre positivement à votre demande, mais je ne l'autorise pas à le faire. (Sourires.)

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école est celui qu'attendent les Français depuis longtemps et que ceux qui nous ont précédés ont renoncé à défendre, par manque de courage politique. (« Voilà ! Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non seulement ils n'ont pas réformé, mais ils n'ont rien trouvé de mieux que de renvoyer le ministre de l'éducation qui avait eu le mérite de reconnaître les insuffisances du système scolaire. (Mêmes mouvements.)

M. Guy Geoffroy. Allègrement !

M. Lionnel Luca. C'est dire que ceux-là ne sont guère qualifiés aujourd'hui pour donner des leçons - comme d'habitude -, d'autant plus que si nous entendons bien, ils sont incapables de proposer une alternative. Il faut, au contraire, saluer le volontarisme du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin...

Mme Hélène Mignon. L'entêtement !

M. Lionnel Luca. ...qui a, dès le début de la législature, engagé la réforme de l'école, conformément aux engagements du Président de la République. Je veux rappeler que, parmi ses engagements de la campagne présidentielle, le Président lui-même déclarait vouloir tout faire pour assurer l'acquisition des savoirs fondamentaux avec des parcours de soutien, pour que 100 % des enfants réussissent à l'école. Et ce projet de loi répond à cet objectif. C'est pourquoi il était tant attendu par tous (« Ils l'attendent dans la rue ! » sur les bancs du groupe socialiste) : par les élèves, par les enseignants, par les familles. Car il est admis unanimement que la dernière loi d'orientation de 1989, c'est-à-dire d'il y a quinze ans, n'a non seulement pas atteint les objectifs affichés alors,...

M. Guy Geoffroy. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Lionnel Luca. ...malgré des moyens financiers considérables alors que les effectifs étaient en réduction, mais a échoué en aggravant les inégalités sociales et territoriales. (« Exactement ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification, 80 000 entrent en sixième sans maîtriser le minimum des apprentissages : lire, écrire, compter. Comme l'indique le projet de l'un des syndicats enseignants, « notre système éducatif ne parvient pas à assurer pour tous l'égalité des chances et reste marqué par de très profondes inégalités. » On ne saurait mieux dire ! Et cet échec, c'est tout de même bien d'abord celui de la gauche au pouvoir qui, de 1997 à 2002, n'a rien fait d'autre que d'acheter à coups de subventions la paix scolaire, n'osant pas réformer un système dont elle était parfaitement consciente qu'il était déjà à bout de souffle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Marcel Dehoux. C'est honteux de dire ça !

M. Lionnel Luca. Ce texte est l'aboutissement d'un long débat qui a mobilisé tous les partenaires de l'acte éducatif : 26 000 réunions dans toute la France, 1,5 million de participants, et où ceux qui défilent aujourd'hui n'étaient pas les plus nombreux !

M. Guy Geoffroy. Exact !

M. Lionnel Luca. Pendant un an, c'est un grand débat démocratique, tel qu'on n'en n'avait jamais organisé et tel que vous n'aviez pas osé le faire lorsque vous aviez le pouvoir, qui a permis à tous de s'exprimer.

De même, tous ceux qui sont reconnus pour leurs compétences en matière d'éducation ont été réunis dans une commission présidée par un homme dont on sait bien que ses sympathies ne sont pas forcément du côté du pouvoir, M. Claude Thélot, et dont le rapport aura démenti Georges Clemenceau quand il disait que pour enterrer un problème, il suffisait de créer une commission. Cette commission inspire largement ce texte dont nous savons que vous l'auriez approuvé si vous étiez au pouvoir. On ne peut donc qu'être surpris devant les critiques exprimées aujourd'hui, qui tentent de faire croire que ce projet de loi serait un texte uniquement gouvernemental, sorti impromptu d'un cabinet ministériel. Pour qui se donne la peine de le lire et de ne pas y mêler des arrière-pensées politiciennes, ce texte apporte de vraies réponses aux différents problèmes qui se posent.

D'abord, il permet de faire de l'école une école plus juste.

Le socle commun est réclamé par tous et notamment par les syndicats d'enseignants. Vous prétendez qu'il ne s'agirait que d'un SMIC au rabais, un SMIC culturel, alors que la commission et M. Thélot lui-même ont montré toute la nécessité d'avoir ce socle de compétences pour permettre à nos jeunes enfants de coller au groupe de la réussite et non pas d'aller à l'échec. De même, pour la première fois, un programme personnalisé de réussite scolaire est mis en place, avec la volonté de ne laisser personne sur le bord du chemin. C'est important. Je mentionnerai également la revalorisation des diplômes, l'inscription obligatoire au brevet, les mentions, les bourses au mérite pour les plus défavorisés.

Quant à la réforme du bac, aujourd'hui reportée, on a connu une époque où certains de ceux qui défilent actuellement réclamaient le contrôle continu exclusif ! Et ce sont les mêmes qui aujourd'hui disent que cela créerait des inégalités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et quel mépris pour leurs collègues enseignants ! Car si on méprise le contrôle continu, cela veut dire qu'on méprise ceux qui notent en permanence tout au long de l'année ! Est-ce acceptable ?

M. André Schneider. C'est honteux !

M. Lionnel Luca. Le développement des options de découverte professionnelle, des parcours en alternance, sont une chance pour les enfants en constat d'échec, pour ceux qui n'ont comme horizon que le chômage ou, parfois, la délinquance. Tout le monde sait bien qu'il y a aujourd'hui dans les classes des élèves qui s'ennuient, qui empoisonnent aussi bien la vie de leurs camarades que celle de leurs professeurs et qui, au contraire, pourraient s'épanouir dans une option professionnelle pratique.

M. Patrick Braouezec. Il faut savoir pourquoi ils s'ennuient ! Ce n'est pas par nature ! Ce n'est pas dans leurs gènes !

M. Lionnel Luca. Loin d'être un ghetto social, le parcours professionnel est une chance pour sortir d'un milieu défavorisé. C'est important d'avoir des passerelles, à l'exemple des BEP, des bacs professionnels, des BTS, qui peuvent amener à la licence et permettent justement ces parcours de réussite.

Enfin, s'agissant de l'intégration des enfants handicapés ou souffrant de maladies chroniques, jamais il n'a été fait et jamais il n'a été prévu autant pour permettre l'égalité que vous leur avez refusée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Lionnel Luca. Un mot, pour terminer, sur la reconnaissance du métier d'enseignant. C'est bien la première fois qu'on affirme que des enseignants en formation pourront enseigner là où ils ont été formés. C'est bien la première fois qu'on leur donne un crédit de formation. Je souhaite d'ailleurs, monsieur le ministre, que cette formation puisse se faire aussi en milieu ouvert, dans l'entreprise, dans les laboratoires, et pas simplement dans le bocal de l'éducation nationale où les formateurs ne sont pas forcément toujours exemplaires dans leur ouverture sur le monde.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Lionnel Luca. Les enseignants sont également reconnus dans leur qualité d'enseignant puisqu'on reconnaît, pour la première fois, la liberté pédagogique (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la possibilité d'être jugé sur les résultats et non pas en fonction du terrorisme ambiant et de méthodes qui ont fait la preuve de leur échec ! (Mêmes mouvements.)

Mme Hélène Mignon. N'importe quoi !

M. Lionnel Luca. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, ce texte est un bon texte. Voilà pourquoi nous le soutenons avec conviction. Voilà pourquoi ce qui compte c'est là où se trouve la représentation du peuple, et pas les quelques défilés où l'on envoie devant ceux à qui on n'a pas tout expliqué comme il fallait le faire honnêtement, et derrière lesquels on s'abrite pour ne pas avoir à craindre les retraits pour faits de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Hélène Mignon. C'est honteux d'entendre ça !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Guy Geoffroy. Ça se dégrade !

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, mesdames, messieurs, la politique scolaire du Gouvernement et de sa majorité, ainsi que ce projet de loi d'orientation, prêtent tellement le flanc à tant de critiques...

M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !

M. Christian Paul. ... qu'elles font de vous, monsieur Fillon - mais au fond vous le revendiquez -, un moderne Saint Sébastien percé de mille flèches. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Maladresse ou malédiction des réformes de l'école ? Je crois que les lycéens de France ont, eux, bien tranché entre ces deux interprétations. Ces critiques sont fondées, monsieur le ministre. Il vous est reproché, d'un côté, d'affirmer une ambition scolaire et, de l'autre, de réduire les budgets ; de provoquer un grand débat sur l'école, et d'accoucher d'une souris ; de susciter le rapport Thélot, et de n'en retenir qu'une version ultralight. Ces critiques sont justes.

Quant à la loi d'orientation scolaire, mes chers collègues : enseignants, parents, lycéens, personne n'en veut, personne n'y croit (« C'est faux ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et chacun l'a dit, y compris parmi vos amis. Et pourtant, vous persistez, monsieur le ministre, sourd à ces critiques. En tout cas, la salle des profs a bien compris le sens de votre réforme.

Au moins nous faut-il prendre date puisque vous lancez à la gauche le défi d'une vision alternative et globale. Nous le relevons, au nom d'une vision différente, qui permette de réparer le présent et de préparer le futur.

Mme Maryse Joissains-Masini. Que ne l'avez-vous fait ?

M. Christian Paul. Je veux concentrer mon propos sur deux questions essentielles de ce débat.

Tout d'abord, les socles de connaissances de l'article 6. Et je dis bien "les socles", car dans votre texte, il ne s'agit ni d'un socle unique, ni d'un socle commun.

Mme Danielle Bousquet. Absolument !

M. Christian Paul. Nous ne rejetons pas, nous revendiquons même l'idée d'une culture commune partagée par tous les élèves. D'ailleurs, cette idée est ancienne puisqu'elle remonte à Condorcet : c'est la promesse d'égalité de la République. "Elle est pour la puissance publique un devoir de justice" disait-il en 1792.

Mais pour la rendre réelle et non pas formelle, le socle doit être solide et commun. Or le socle que vous proposez n'est pas solide, il est rétréci et minimal. Vous dites faire des priorités et recentrer sur les apprentissages fondamentaux. Objection ! Ce recentrage est un appauvrissement, mais aussi un risque pédagogique majeur. Les itinéraires de réussite scolaire ne sont pas uniques et formatés. Il est indispensable que des disciplines, des apprentissages, des savoirs que vous négligez, gardent droit de cité, et trouvent même leur place renforcée. Les technologies, la pratique d'un travail manuel, les enseignements artistiques, l'éducation physique et sportive ont toute leur place.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Évidemment !

M. Christian Paul. Plus qu'un recentrage, monsieur le ministre, c'est un bon équilibre qu'il faut trouver pour favoriser la réussite de tous les Français.

Ce socle est minimal, il n'est pas commun, mais à géométrie variable. Je crains que ce ne soit pas même un SMIC culturel ou éducatif, mais plutôt un RMI, la ressource minimale indispensable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comment ne pas voir qu'il fait écho à l'orientation précoce que beaucoup parmi vous, dans la majorité, réclament, et que d'autres, y compris aussi parmi vous, dénoncent ?

La gravité de ce sujet doit être soulignée, en raison de l'impuissance du Gouvernement, depuis 2002, à poursuivre l'effort engagé par Lionel Jospin et Jean-Luc Mélenchon (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en faveur de l'enseignement professionnel.

M. Céleste Lett. On connaît la suite !

M. Christian Paul. Un enseignement professionnel sans effort de rénovation, l'apprentissage utilisé comme un instrument de ségrégation sociale - par le plan Borloo - et un socle minimal de connaissances : telle n'est pas notre vision de l'éducation pour la France.

J'en viens à présent au soutien aux élèves, aux territoires et aux établissements en difficulté.

Où est donc passée votre vision globale de l'école ? Dans une boîte à outils réduite comme peau de chagrin, en panne d'imagination, vous puisez le « contrat individuel de réussite éducative ». Or, les quartiers en difficulté comme les territoires ruraux isolés, nécessitent un soutien ciblé et massif.

Les ZEP urbaines et rurales doivent être en permanence consolidées, évaluées, pilotées, en un mot reconnues, comme un outil indispensable de la communauté éducative, en tirant les enseignements de vingt ans d'expérience, en conjuguant les projets collectifs des écoles, des bassins pédagogiques et des territoires, en renforçant les moyens alloués aux établissements, aux territoires avec des contrats éducatifs locaux et aux élèves, en groupes ou individuellement, à condition que ce soutien ciblé sur l'élève ne soit pas un nouveau parcours du combattant.

Les ZEP ne font l'objet, de votre part, que d'une mention très brève, méfiante et distante, c'était encore le cas dans votre discours d'hier. Vous n'y croyez pas, monsieur Fillon ! Simplement, vous aviez à ménager tous ceux qui ne renoncent pas à en faire un levier de la démocratisation de l'école pour combattre la relégation sociale et culturelle.

Plus grave, les contrats que vous proposez sans souci de prendre en compte la réalité du quartier, de la commune ou de la famille, ne sont-ils pas une façon de vider les ZEP de leur contenu, en renonçant à l'approche territoriale sans oser le dire ?

En effet, où sont les moyens de la loi d'orientation ? Où allez-vous prélever et redéployer les 10 000 enseignants appelés en renfort que vous nous annoncez, selon une méthode qu'affectionne votre ministère, utilement conseillé en cela par Bercy ? Allez-vous les prendre, et donc les supprimer, dans l'école rurale, où vous créez un désert éducatif, dans ces filières de bac pro que vous fermez bien qu'elles soient porteuses de débouchés, dans les lycées et collèges des petites villes, privés d'options ou de la plupart des langues étrangères, et donc rendus moins attractifs ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est un pur procès d'intention !

M. Christian Paul. Allez-vous les prendre dans les réseaux d'aides, les RASED, qui ressentent un profond sentiment d'abandon, ou dans les IUFM, héritiers modernes des écoles normales que vous allez dissoudre dans les universités et dont vous allez, probablement, supprimer de nombreux sites départementaux ?

M. Céleste Lett. Où avez-vous lu cela ?

M. Christian Paul. Alors, monsieur le ministre, quand vous aurez répondu à ces questions et à toutes celles que mes collègues de la gauche vous posent depuis hier, à défaut de cesser de combattre ce projet navrant,...

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est votre intervention qui est navrante !

M. Christian Paul. ...au moins pourrons-nous commencer à mieux comprendre dans quel paysage sinistré nous devrons, le moment venu, refonder l'école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Maryse Joissains-Masini. Où sont les propositions ?

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Rendre l'école plus efficace et plus juste, tels sont les défis majeurs que vous avez choisi de relever, monsieur le ministre, pour assurer l'avenir de notre pays, tant il est vrai que l'avenir d'un pays trouve, à l'évidence, les racines de sa richesse dans le dynamisme et dans le niveau d'éducation de sa jeunesse.

Comment, en effet, accepter que plus de 150 000 jeunes sortent du système éducatif, chaque année, sans aucune qualification, et que plus de 80 000 d'entre eux entrent en classe de sixième, sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter, alors même que la dotation budgétaire de l'éducation nationale progresse tous les ans ?

Mme Maryse Joissains-Masini. C'est une honte !

Mme Juliana Rimane. Voilà un peu plus d'un an, la parole a été donnée aux Français sur l'avenir de l'école. Ce débat national, d'une ampleur jamais égalée, a permis de dégager de grandes orientations, que la commission présidée par Claude Thélot a traduites en propositions. Le projet de loi que notre assemblée examine aujourd'hui est le fruit de cette vaste entreprise.

Les Guyanais ont tenu, j'en suis témoin, à se mobiliser massivement pour participer à ce débat national. Ils ont trouvé, dans cette remarquable et exceptionnelle démarche, l'opportunité de contribuer, à la fois à l'élaboration des grands principes directeurs de la mission confiée à l'éducation pour assurer son unité et à l'affirmation des spécificités et des particularités propres aux nombreuses communautés et aux différents territoires sur lesquels ces règles générales doivent être mises en œuvre.

Le constat, largement partagé, a été que dans leur rigidité, ces règles générales conduisent l'éducation à atteindre des objectifs contraires à ceux de sa mission. Peut-on, en effet, traiter de manière identique des problèmes scolaires aussi différents que ceux de l'Île-de-France, de Mayotte, du Cantal ou de la Guyane ? Le traitement égalitaire est parfois source d'injustice.

Ainsi, la situation de l'école est, depuis longtemps, très préoccupante en Guyane. Alors que la démographie scolaire baisse globalement en métropole, dans ce département, elle connaît une forte croissance liée à la fois à une progression naturelle et à une immigration clandestine continue et toujours importante. L'augmentation de la population scolaire, tous secteurs et niveaux confondus, a été évaluée entre les deux dernières rentrées à près de 5 %. Les collectivités doivent fournir des efforts considérables pour assurer la construction de nouveaux établissements. Ainsi, entre 1999 et 2003, elles ont dû réaliser 256 classes supplémentaires et quatorze nouvelles écoles pour le seul premier degré. Or, malgré ces efforts exceptionnels, plusieurs milliers d'enfants, chaque année, ne sont pas scolarisés faute de place pour les accueillir.

Par ailleurs, l'académie de la Guyane connaît un taux d'échec scolaire particulièrement élevé, et les redoublements et retards scolaires de deux ans et plus y prennent des proportions inacceptables. Elle doit aussi faire face à une forte présence d'élèves d'origine étrangère : ils sont plus de 26 % dans les collèges et plus de 30 % dans les lycées et, pour la plupart, ne sont pas francophones.

Enfin, le tiers des communes de Guyane n'est pas relié au réseau routier. Le transport en pirogue constitue l'unique moyen pour les enfants de rejoindre l'école. Or le conseil général, compétent pour le transport scolaire, se trouve dans une position très inconfortable du fait de l'absence de réglementation en matière de transport fluvial. En cas d'accident, il est tenu, civilement et pénalement, pour responsable, puisque aucun acte juridique n'autorise la navigabilité des voies fluviales. Malheureusement, toutes les demandes de classement des fleuves de Guyane en voies navigables n'ont jamais abouti.

Les collectivités locales ne peuvent plus aujourd'hui assumer pleinement leurs missions de transport public, fluvial mais aussi terrestre, en raison de l'explosion des dépenses dues à l'augmentation rapide de la population scolaire. À cause de ces difficultés de transports, auxquelles il faut ajouter le manque d'internats et d'établissements d'enseignement professionnel, trop d'enfants, en particulier ceux des communes de l'intérieur, quittent l'école prématurément.

Face à cette situation plus que préoccupante, - et je n'ai évoqué que quelques-uns des problèmes - les Guyanais ont donc fait des propositions qui s'ajustent à ces réalités dans le cadre du débat national. Les avis formulés sont unanimes : le projet pour l'éducation n'atteindra pleinement ses objectifs en Guyane que s'il contient des dispositions adaptées à la géographie, à la démographie et aux réalités ethniques, socioculturelles et économiques du territoire.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, apporte des réponses à certaines de nos attentes. C'est le cas principalement de l'acquisition des savoirs fondamentaux, du contrat individuel de réussite éducative, de l'apprentissage d'une langue étrangère dès le cours élémentaire et d'une deuxième langue ensuite, et de la maîtrise de l'informatique et d'Internet.

S'agissant des besoins en personnel, il faut également saluer le projet de recrutement de 150 000 agents d'éducation, la nomination des jeunes enseignants la première année dans leur académie de formation, l'affectation de professeurs expérimentés dans les zones difficiles, ainsi que la possibilité pour chaque enseignant de disposer d'un droit individuel à la formation continue. Sur ce dernier point, je vous renouvelle ma demande d'extension à la Guyane de l'expérimentation conduite par M. Bentolila, professeur des universités, et M. Gavard, directeur adjoint d'IUFM, visant à renforcer le dispositif d'aide et à assurer la formation continue en direction des maîtres pour l'apprentissage de la lecture à l'école primaire par le biais des nouvelles technologies.

L'État a consenti des efforts pour améliorer les conditions scolaires en Guyane, c'est indéniable. Le chemin parcouru est important mais celui qui reste à parcourir l'est bien plus encore. C'est pourquoi je souhaite que les dispositions de ce projet de loi soient complétées par des mesures adaptées à la situation très spécifique de la Guyane. Il s'agit notamment de poursuivre le soutien aux constructions scolaires, de régler définitivement la question des transports scolaires, de simplifier les conditions de recrutement des personnels de l'éducation au plan local, de maintenir le statut de l'IUFM tant que l'université de la Guyane dépendra de l'entité universitaire Antilles-Guyane, de mettre en œuvre une pédagogie adaptée aux spécificités socioculturelles et d'élargir le choix des langues enseignées pour tenir compte de la réalité linguistique locale et régionale.

La mise en place de l'Observatoire régional de l'éducation est une heureuse initiative. Je souhaite que sa mission ne se limite pas au recueil de données, mais qu'il devienne un instrument d'évaluation et de prospective pour établir une véritable politique de l'éducation, à la mesure des problèmes que connaît la Guyane.

Bien sûr, monsieur le ministre, je soutiendrai votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Émile Zuccarelli.

M. Émile Zuccarelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les cinq minutes qui me sont imparties, je vais devoir limiter mon intervention à trois remarques lapidaires, ce dont on voudra bien m'excuser s'agissant d'un sujet qui me tient tant à cœur : l'éducation.

La première a trait à la décentralisation des TOS. On me dira qu'il n'en est pas question dans ce texte. Justement ! De même qu'un gâteau avalé n'a pas de goût, une mauvaise mesure, même si on l'a fait « avaler », continue d'être nocive ! Cette disposition est mauvaise, vous le savez bien, monsieur le ministre, car elle introduit, pour satisfaire je ne sais quelle boulimie locale, une dyarchie dans les établissements scolaires. Ils en souffriront longtemps !

Ma deuxième remarque porte sur le rôle intégrateur de l'école, avec lequel nous sommes tous d'accord. Cela a été constaté sur tous les bancs, « l'ascenseur social » ne fonctionne plus aussi bien. On se propose donc de moderniser l'école ; pourquoi pas ? Mais faisons-le sans perdre de vue les objectifs d'intégration.

S'agissant de l'intégration sociale, le principal défi à relever dans les prochaines années est de faire que l'éducation professionnelle permette aux générations futures d'être en adéquation avec les emplois qui vont apparaître sur le marché. Nous savons qu'il existe un décalage - et il va s'accentuer - entre les formations proposées et les emplois vacants. On sait également que la réponse à ce défi passe par des programmes individualisés qui donnent sa chance à chacun et prennent en considération le niveau de chaque élève. Tout cela requiert des moyens tant humains que financiers et organisationnels. Or les fermetures de filières, la disparition des travaux personnalisés, la réduction des effectifs vont en sens inverse.

Ma troisième préoccupation est de plus longue portée, si j'ose dire, et je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que vous la considériez comme un procès d'intention. Je crois devoir la réaffirmer à cette tribune dans un débat sur l'éducation.

Je vous ai écrit récemment, réagissant à la publication d'un Guide républicain, que vous préfacez et qui comporte un chapitre consacré au « droit à la différence ». La proclamation d'un droit à la différence dans la République ne me paraît pas de bon aloi. Les différences ne s'érigent pas en droits, elles se respectent, à l'école, comme dans tout espace public.

L'ajout, à l'article 2 du présent texte, d'un alinéa indiquant que « la nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République », me semble être une bonne orientation. Celle-ci, à défaut d'être nouvelle, demeure à mes yeux incontestablement moderne.

Toutefois, étant extrêmement vigilant, voire tatillon, sur ce point, je vous fais part de mon désaccord sur la reconnaissance des communautés et la mention d'une « affirmation légitime des différences » qui figurent dans le rapport annexé au présent projet. L'évocation d'un « droit à la différence » ou d'une « affirmation légitime des différences », qui fait son chemin dans le débat public, me semble perverse. En effet, elle n'aboutit pas seulement, dans le moindre de ses avatars, à la mise en œuvre de la discrimination positive, mais aussi à la stigmatisation d'autrui, ce qui est mis en avant chez lui étant justement sa différence.

Je le dis solennellement : si la République respecte dans chaque individu sa ou ses différences, elle n'a pas, dans les lois qu'elle promulgue, vocation à les entretenir, encore moins à les exacerber. Même si ce parallèle peut sembler audacieux, il ne s'agit pas de créer un plan Natura 2000 pour protéger les différences.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !

M. Émile Zuccarelli. La force principale du bel instrument républicain que constitue l'école réside, au contraire, dans sa capacité à rassembler sur ce qui est commun, par la mise en œuvre du droit à la ressemblance.

À ceux qui craignent que l'ennui naisse d'une extension de l'uniformité, je tiens à dire que le monde d'aujourd'hui - donc notre pays - souffre davantage de l'existence de profondes inégalités et du tribalisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet. Monsieur le ministre, votre loi d'orientation vaut pour les quinze ans à venir. Elle ne peut donc être déconnectée du contexte prévisible des années 2020 tant au plan démographique que social et économique, l'école ne pouvant se construire indépendamment de la société dans laquelle elle évolue.

L'éducation est aujourd'hui confrontée à un nouveau défi, celui de la société du savoir. Elle n'est plus une unité finie ; elle ne doit plus se concentrer sur des savoirs acquis une fois pour toutes. Il est au contraire indispensable qu'elle s'articule autour d'un processus continu de formation tout au long de la vie, ce qui conduit à refuser un système de formation sélectif.

Après avoir régulièrement progressé pendant trente ans, les résultats de notre système éducatif stagnent depuis quelques années : 60 000 jeunes en sortent chaque année sans qualification alors que, nous le savons, aucune qualification ultérieure ne peut sérieusement s'obtenir sans une formation initiale suffisante. Or l'obtention du baccalauréat par 62 % des jeunes d'une classe d'âge ne progresse plus et, compte tenu du fonctionnement sélectif et du manque d'investissement patent dans l'enseignement supérieur, nous ne formons pas en nombre suffisant les étudiants en licence et au-delà.

Lors du grand débat sur l'école, s'est exprimée une réelle volonté de la part du monde éducatif, des parents et des associations, de voir assurer la réussite scolaire pour tous par l'élaboration d'une loi permettant de surmonter obstacles et échecs. Ainsi les partenaires de l'école ont placé au cœur de la réflexion la place du collège, la formation des enseignants et l'orientation des élèves. Votre texte, monsieur le ministre, aurait donc dû répondre à un double enjeu : réduire les inégalités et améliorer la qualité des performances éducatives.

M. Jean-Marc Roubaud. C'est le cas !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Danielle Bousquet. Nous en sommes malheureusement très loin.

M. Christian Paul. Eh oui !

M. Jean-Marc Roubaud. Vous n'avez pas lu le projet !

M. Guy Geoffroy. Il faut en reprendre la lecture !

Mme Danielle Bousquet. Bien que le texte pose effectivement cette problématique, il n'y apporte pas les bonnes réponses, loin s'en faut.

M. Guy Geoffroy. Relisez le texte !

Mme Danielle Bousquet. Au lieu d'un véritable projet de société éducative, vous ne proposez qu'un ensemble de mesures disparates sans véritable cohérence. Certes, vous affichez beaucoup de chiffres, mais ils ne suffisent pas à donner un contenu ambitieux à ce texte, d'autant que vous êtes résolu à ne pas vous attaquer au vrai sujet : celui des inégalités scolaires qui naissent des inégalités sociales.

M. René Couanau. C'est surréaliste !

Mme Danielle Bousquet. La résolution de la véritable question, celle de l'égalité des chances, passe en effet par l'affirmation d'un droit fondamental à l'éducation et à la formation, bien loin du socle minimal de connaissances que vous avez défini. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. René Couanau. Ce n'est pas remis en cause !

M. Jean-Marc Roubaud. Elle n'a pas lu le texte !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Caricature !

Mme Danielle Bousquet. Nous devons assurer à tous les jeunes la maîtrise d'une culture commune, promesse d'égalité et d'insertion dans notre société, fondée d'abord sur le principe de laïcité.

M. Guy Geoffroy. Le PS aurait dû travailler avec la commission Thélot !

Mme Danielle Bousquet. Cette démarche implique qu'il faut se donner les moyens afin de lutter contre l'inégalité des chances, en concentrant les moyens humains et financiers sur les établissements confrontés aux difficultés scolaires et sociales les plus grandes. C'est l'inverse de ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le ministre, en prévoyant des coupes claires pour la prochaine rentrée scolaire. Bref, les moyens ne figurent pas dans votre loi d'orientation.

Qu'en est-il de la pédagogie différenciée quand vous rognez sans relâche la formation continue des enseignants et que l'on voit poindre le risque de limiter la formation professionnelle à sa seule dimension disciplinaire ? Qu'en est-il de la collégialité des enseignements quand vous supprimez les TPE en terminale ? Qu'en est-il de la lutte contre les inégalités sociales quand vous supprimez des classes dans les zones d'éducation prioritaire ?

Vous ne prévoyez rien non plus pour l'école maternelle, alors qu'il faudrait agir au plus tôt pour les jeunes enfants ; rien non plus sur les moyens de prévenir la rupture entre l'école primaire et la sixième. Bien d'autres questions pourraient être soulevées, qui seront abordées par mes collègues.

Monsieur le ministre, l'école n'incarne plus aujourd'hui un principe de justice ; les parents d'élèves, les enseignants et les lycéens vous le disent. Parce que ce texte ne répond pas à leurs attentes, vous avez le devoir de les entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école fait partie des réformes structurelles que le Gouvernement, avec l'appui de la majorité, a engagées avec courage et responsabilité depuis bientôt deux ans et demi. Ce ne sont certes pas les adaptations les plus faciles à mener ni les changements les plus populaires. Certains diront que le Gouvernement va trop loin, d'autres qu'il est trop timoré, mais l'histoire des trente dernières années nous montre qu'une réforme touchant à l'école, qu'elle émane de droite, de gauche ou du centre, ne laisse jamais la rue insensible.

Cela étant, cette réforme, n'en déplaise à ses détracteurs, a le mérite d'exister et de fixer un cap et des objectifs ambitieux pour notre système scolaire. On ne peut plus dire aujourd'hui qu'il suffit de mettre sur la table toujours plus de moyens financiers et humains pour répondre aux problèmes qui rongent celui-ci de l'intérieur.

Mme Henriette Martinez. Eh oui !

M. Bruno Bourg-Broc. Ce projet de loi a pour objectif de renforcer la qualité de l'enseignement dispensé dans nos écoles afin de permettre à notre système éducatif de répondre de façon satisfaisante aux défis du XXIsiècle et, rappelons-le, il intervient à l'issue d'un débat national d'une ampleur inégalée dans notre histoire.

Le texte prévoit de donner à chacun un solide socle de connaissances, sur le contenu duquel le Parlement doit se pencher, ainsi qu'une qualification à la sortie du système scolaire. C'est ce que nous ne cessions de réclamer depuis plusieurs années. Il s'agit de donner à tous les enfants le maximum de chances pour réussir leur vie d'adulte.

Vous avez relevé, monsieur le ministre, la permanence de l'échec scolaire dans notre pays et la faiblesse relative de nos performances en langues vivantes. Cette situation est préoccupante à plusieurs titres, et je souhaite y revenir.

En la matière, vous avez fixé un double objectif à l'éducation : favoriser la poursuite d'études supérieures dans un autre pays européen et faciliter la recherche d'emploi sur les marchés français et européen du travail. Il est donc indispensable que notre pays, en particulier notre jeunesse - donc notre avenir -, rattrape son retard en matière de langues étrangères. Ce texte prévoit que chaque élève, au cours de sa scolarité, devra obligatoirement suivre l'enseignement de deux langues étrangères et c'est une excellente chose.

Je me félicite que l'apprentissage d'une langue vivante soit généralisé dans un premier temps dès le CE2, puis dès le CE1. Je me réjouis également qu'on n'ait pas sacrifié au « tout anglais » pour satisfaire tant aux effets de mode qu'à l'efficacité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Autre bonne nouvelle : l'apprentissage d'une deuxième langue dès la classe de cinquième et non plus de quatrième comme aujourd'hui.

Enfin, pour favoriser un meilleur enseignement des langues, le dédoublement des classes en fonction du niveau réel des élèves ne pourra qu'être bénéfique ; c'est aussi une excellente nouvelle. Favoriser la performance scolaire et intellectuelle de nos enfants sera le signe de la réussite de notre nation.

Il faudra cependant veiller à ce que l'enseignement des langues étrangères ne soit pas perçu comme une corvée que l'on serait tenté de négliger. En effet, la condition d'une meilleure connaissance des langues étrangères par nos enfants passe par une modification de la façon dont elles sont enseignées. Il faut notamment privilégier l'approche orale, car l'enseignement doit être vivant et perçu comme tel par les élèves. Apprendre la grammaire et la concordance des temps est indispensable, mais avoir un catalogue grammatical complet dans le cerveau sans pouvoir s'en servir est inutile. Il est donc indispensable de repenser de façon dynamique et ouverte la manière d'enseigner les langues. Nous resterons attentifs à ce que cet objectif particulièrement impérieux et ambitieux trouve une traduction concrète sur le terrain.

La France doit avoir l'exigence de son ambition. Il faut donc que notre système éducatif soit au rendez-vous de la globalisation des échanges et de la communication. C'est pourquoi toutes les mesures efficaces et responsables qui favorisent l'élévation du niveau général de l'instruction doivent être encouragées et soutenues par le législateur. Promouvoir une plus grande égalité des chances et récompenser le mérite des élèves les plus courageux est l'une des qualités du texte qui nous est présenté.

Ce projet de loi inscrit notre système scolaire dans le monde d'aujourd'hui, un monde ouvert sur l'extérieur et sur l'étranger. Le meilleur outil de promotion de la francophonie, on ne le dira jamais assez, c'est l'apprentissage des langues.

M. André Schneider. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. Aujourd'hui, tout homme qui ne manie pas deux, voire trois langues, est un véritable infirme. Les objectifs de votre loi, monsieur le ministre, sont à la hauteur de l'ambition que nous devons avoir pour la France et des exigences de notre monde. Aussi, ne fléchissons pas face aux inévitables crispations conservatrices...

M. Patrice Martin-Lalande. Réactionnaires !

M. Bruno Bourg-Broc. ...qui restent particulièrement vivaces dans notre pays. Nous devons remplir cette obligation, car c'est l'avenir de notre jeunesse que nous préparons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. « Ne demandez pas à l'école de vous donner des frissons, demandez-lui de vous étonner ». Avec cette citation, tirée du livre d'André Lévy, L'enseignement, dans lequel l'auteur se penche avec grand talent sur les conditions d'une nouvelle relation entre enseignants et élèves, tout est dit.

Monsieur le ministre, ce projet de loi ne nous étonne pas, mais il nous donne des frissons. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le penser, comme le prouvent les manifestations. Vous voulez changer les couverts, mais les moyens n'étant pas là, que reste-t-il à manger ?

Comme pour d'autres projets ou propositions de loi - le récent texte sur les 35 heures, par exemple -, vous n'avez pas entendu les principaux intéressés. La démocratie sociale ne vous intéresse pas ; vous vous contentez de la majorité politique. Le Gouvernement ne défend ces projets dans la précipitation que pour mettre autant de pseudo-réformes à son actif. Ce ne sont en fait que des leurres, destinés à faire avaler des mesures impopulaires, en l'occurrence des suppressions de postes qui touchent presque toutes les académies de France.

C'est bien là que le bât blesse : ce projet de loi vise à faire oublier l'hémorragie, les coupes claires, le plan social organisé dont l'école est victime. Il est l'arbre qui cache la forêt. Dans cette situation, vous ne trouvez rien de mieux que de faire de la philosophie.

Même dans les académies où le nombre d'élèves augmente, comme à Créteil, de nombreux postes sont supprimés. Votre logique et vos choix, on le voit, sont strictement comptables et malthusiens. Il ne s'agit aucunement de rééquilibrer, comme cela est annoncé, les postes entre les rectorats, mais bien de « rendre » des postes, comme l'expriment les inspecteurs d'académie et les recteurs au moment de la répartition des DHG. Eux, au moins, nous disent la vérité ! Malheureusement, en fonctionnaires zélés, ils ne sont là que pour appliquer votre politique.

J'insisterai sur deux régions dans lesquelles la démographie s'est stabilisée après un effondrement dû à la suppression de nombreux emplois.

Dans le Nord-Pas-de-Calais et en Lorraine, 1 390 postes seront supprimés dès la prochaine rentrée dans le second degré, et 109 dans le premier degré. Cela représente, pour le second degré, 25 % des postes perdus à l'échelle nationale.

Dans mon département, la Moselle, nous pensions que le pire - 90 000 emplois sidérurgiques supprimés sur 100 000 - était passé. La démographie stabilisée, les projets industriels ou de reconversion, la dynamique des pays frontaliers nous rendaient pleins d'espoir, d'autant que les moyens consacrés à l'éducation avaient été préservés, assurant son efficacité. Aujourd'hui, alors que nous aurions besoin d'une éducation nationale forte pour aider à la reconversion des personnes en difficulté et assurer un avenir à nos jeunes, c'est désormais l'enseignement public qui, après le privé, se casse la figure. Ce n'est pas l'honneur de ce gouvernement que de détruire ainsi les services publics.

En Moselle, les chiffres sont si effrayants que l'on se frotte les yeux, croyant avoir mal lu : 110 élèves et 56 postes en moins, soit un poste supprimé pour deux élèves perdus, ce qui place le département en première position de ceux où les économies les plus importantes seront réalisées à l'occasion de la prochaine rentrée, puisque tel est votre seul objectif.

Pour 45 000 élèves de plus au plan national, vous prévoyez 1 000 recrutements dans le premier degré, dont 300 pour Mayotte, soit un enseignant pour 45 élèves. Dans le même temps, en Moselle, il suffit de la perte de deux élèves pour que soit supprimé un poste.

La réalité est affligeante : on en vient à supprimer des filières, des formations et même, parfois, des établissements. Ainsi, dans ma circonscription, trois maires - ceux d'Hayange, de Nilvange et d'Algrange - ont été récemment réunis par le préfet qui leur a demandé de décider, à défaut d'opérer la fermeture envisagée du collège de Nilvange - que les parents occupent, en pleine période de vacances scolaires, ce qui témoigne de l'importance qu'y attachent les habitants de cette commune de 6 000 habitants -, lequel des trois collèges il fallait fermer. Ainsi, le seul moyen pour les habitants de Nilvange de conserver leur établissement, c'est qu'une commune voisine accepte de supprimer le sien. Voilà comment fonctionne l'État, aujourd'hui, en province.

Il ne s'agit pas de philosophie, mais de mesures concrètes, du quotidien des élèves, des parents d'élèves et des professeurs.

On ferme des filières et des formations. J'ai déjà parlé d'Hayange, berceau du fer et de la sidérurgie : on y supprime un BTS électrotechnique au lycée d'enseignement général et professionnel. Dans ma propre commune, à Fameck, dont 53 % des habitants vit en zone urbaine sensible - et qui me semblerait donc devoir être favorisée en termes de présence d'enseignants et de personnels d'encadrement -, on a également supprimé le bac professionnel comptabilité pour le transférer dans un autre lycée. La filière commerce, prévue en compensation, n'y a pas été ouverte, et une filière comptabilité a également été supprimée dans la ville voisine.

Voilà la réalité : fermeture de filières, de sections, d'établissements, tout ce qu'on n'aurait pu imaginer un seul instant il y a encore deux ou trois ans. Et malheureusement, aucun effort particulier n'est entrepris dans les secteurs défavorisés comme les ZUS.

Votre projet, monsieur le ministre, n'est donc que l'arbre qui cache la forêt des restructurations et de la misère, au détriment des quartiers les plus défavorisés. Lionel Jospin, en 1997, disait de l'école qu'elle était le berceau de la République. Puissiez-vous ne pas l'avoir oublié et, dans le cas contraire, puissiez-vous entendre les enseignants, les élèves, les parents d'élèves...

Mme Hélène Mignon. Et les parlementaires !

M. Michel Liebgott. ...qui ne cessent de vous le répéter depuis plusieurs semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Giran.

M. Jean-Pierre Giran. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais une décision sur l'école n'a été précédée par une concertation aussi vaste que le projet de loi présenté aujourd'hui : un an de débats et de rencontres ; un rapport de référence, de multiples discussions avec les organisations syndicales.

Les enseignants, les élèves et les parents se sont largement exprimés. Il est donc naturel qu'il revienne aujourd'hui au Parlement de se prononcer. On ne peut en effet indéfiniment différer des décisions quand l'urgence est là car il y a urgence : des dizaines de milliers de jeunes sortent du système éducatif sans diplômes ; les comparaisons internationales sont souvent cruelles pour notre pays. Tout cela ne peut laisser indifférents ceux pour qui l'éducation constitue la priorité de la nation.

Pour répondre à cette urgence, monsieur le ministre, vous nous proposez notamment un objectif central : faire en sorte qu'aucun élève ne sorte du système éducatif sans disposer d'un socle minimum de compétences et de connaissances.

Cet objectif n'est pas discutable. Je pense néanmoins que sa formulation n'a pas toujours été bien comprise. Pour moi, il ne s'agit pas d'opposer des matières fondamentales à d'autres qui seraient accessoires. On ne doit pas raisonner en termes de hiérarchie.

Il s'agit en réalité de reconnaître que l'acquisition d'un certain nombre de langages et d'outils constitue un préalable indispensable à l'exploration d'autres domaines. Qui pourrait nier par exemple que l'on ne peut faire de la physique sans connaître les mathématiques, ou des sciences économiques sans maîtriser le français et même l'anglais ? C'est donc non pas une hiérarchie mais une chronologie qui s'impose comme une évidence.

Le socle est un passeport indispensable pour la réussite d'une vie professionnelle et personnelle. C'est vrai pour tous les élèves, surtout pour ceux qui, issus des milieux les moins favorisés, ne disposent pas dans leur environnement familial de la possibilité d'un apprentissage spontané des langages fondamentaux. On notera d'ailleurs que, pour ces publics difficiles, des pédagogies originales axées par exemple sur le sport auront un rôle décisif à jouer. L'utilisation du sport comme outil pédagogique ne pourra d'ailleurs que rassurer davantage ceux qui n'ont pas lu que le projet de loi maintenait le caractère obligatoire de l'EPS.

Monsieur le ministre, il appartiendra au haut conseil de l'éducation de proposer les modalités concrètes d'acquisition de ce socle. Nous souhaitons, de ce point de vue, que les personnalités qui y seront nommées soient largement représentatives du monde enseignant, car ce serait reconnaître la compétence et l'engagement de ses membres.

Enfin, le suivi personnalisé que vous avez décidé de mettre en place, et qui ne signifie pas, bien entendu, une diminution des moyens attribués aux ZEP, constitue lui aussi une amélioration incontestable, une mesure juste et sociale. Monsieur le ministre nous soutenons donc votre projet.

Permettez-moi, pour conclure, de formuler deux remarques complémentaires.

La première porte sur le bac. Vous avez décidé de remettre à plus tard sa réforme. C'est la sagesse. Pourtant vous permettrez à l'universitaire que je suis de s'étonner que les critiques portent essentiellement sur la mise en place d'un contrôle continu. En effet, si, demain, dans les facultés on devait remettre en cause le contrôle continu qu'on y pratique depuis vingt ans, tous les étudiants descendraient dans la rue ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or les diplômes universitaires sont eux-mêmes des diplômes nationaux et il y a parfois dans une même faculté plusieurs divisions pour enseigner les mêmes matières.

M. Patrice Martin-Lalande. Très juste !

M. Jean-Pierre Giran. Les arguments sur un diplôme à plusieurs vitesses ne tiennent donc pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Seconde remarque : quand le vote aura eu lieu et que les clameurs seront retombées, un autre grand défi restera néanmoins devant nous, celui d'attirer vers le métier d'enseignant les meilleurs étudiants de leur génération. Au-delà des moyens matériels, si l'on veut les meilleurs élèves, il faut en effet les meilleurs professeurs. Une réflexion pour accroître l'attractivité de la fonction enseignante va donc s'avérer nécessaire, d'autant plus que les départs à la retraite des enfants du baby-boom, dont je fais partie, vont se multiplier dans les prochaines années.

De ce point de vue, la création de passerelles en cours de carrière avec d'autres activités publiques ou même privées, la restauration éventuelle du système des IPES, l'adaptation de la mobilité, que vous avez d'ailleurs largement engagée dans ce projet de loi, une place plus grande accordée aux promotions au choix et au mérite, une réhabilitation générale de l'image trop dégradée de l'enseignant dans l'opinion peuvent constituer quelques pistes utiles. Là encore, il faudra avancer pas à pas.

En tout état de cause, monsieur le ministre, nous sommes heureux aujourd'hui de franchir avec vous cette première étape. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'être député, j'ai été instituteur et directeur d'école. C'est donc avec beaucoup d'émotion que je souligne ici que l'école a une triple mission : instruire, responsabiliser et ouvrir les jeunes Français sur le monde.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. René-Paul Victoria. Pour qu'elle remplisse cette mission, l'école doit s'appuyer sur le principe fondamental de l'égalité des chances, c'est-à-dire offrir à chaque jeune, quel que soit son rythme d'apprentissage, la possibilité d'acquérir la maîtrise des langues, des mathématiques et des autres disciplines pour qu'il puisse exprimer ses talents, plus tard, dans le monde du travail, ou tout simplement dans sa vie de tous les jours en qualité de citoyen. Les sciences humaines et sociales y contribuent très fortement.

Ces préoccupations, monsieur le ministre, sont au cœur de votre projet de loi et je les approuve. Le débat parlementaire nous permettra aussi de distinguer deux domaines : l'instruction, à proprement parler, et l'éducation.

L'instruction est au cœur de l'école. Elle permet en effet à nos jeunes d'acquérir les bases de la connaissance. Vous souhaitez renforcer cette démarche, à travers la mise en place d'un véritable tronc commun. Cela constitue un bon moyen de combattre les situations d'échec scolaire car, trop souvent, des élèves quittent l'école ou le collège en maîtrisant mal la langue, la lecture et les mathématiques.

Donner à chaque élève les moyens de comprendre et d'analyser une situation, écrite ou orale, est un minimum vital. C'est la base de toute citoyenneté, pour que chaque jeune puisse devenir l'acteur du développement de sa région, de son département et de son pays, d'où l'importance d'appuyer la fonction d'enseigner sur des outils pédagogiques adaptés au rythme de l'enfant et aux réalités quotidiennes.

L'illettrisme récurrent que nous connaissons, avec tous les risques d'exclusion que cela comporte pour les personnes qui en sont victimes, constitue, à n'en pas douter, un point faible de notre système éducatif, d'où la nécessité, aussi, de diversifier le recrutement des enseignants : la barrière de la licence freine des vocations, alors que nos entreprises, nos associations, nos métiers comptent dans leurs rangs des hommes et des femmes de qualité tout à fait aptes à intégrer la profession, surtout dans un contexte démographique qui ne favorisera guère les vocations dans les années à venir.

L'éducation, si elle est inséparable de l'instruction, est aussi l'affaire des familles. Dans une démarche de développement social préventif et d'affirmation du soutien à la fonction parentale, il convient de mettre des moyens et des outils permettant de conforter la cellule familiale en développant l'accompagnement sur la base de deux priorités : d'une part, aider les familles à développer leurs ressources personnelles, leurs connaissances pour qu'elles puissent mieux participer au processus d'instruction mené par l'école ; d'autre part, donner les moyens aux personnes, aux organismes publics et privés engagés dans la relation éducative d'acquérir une meilleure connaissance de l'enfant, des jeunes et des réalités du groupe familial.

Trop souvent, de nombreuses familles en situation précaire rencontrent des difficultés pour faire face à leur mission éducative. Il importe en conséquence, avec la participation des familles, de redonner une place, un rôle à chaque génération et de promouvoir leur rôle éducatif dans tous ses aspects : éveil de l'enfant, soutien à la scolarité, socialisation, éducation à la santé, respect des valeurs...

Ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école nous intéresse au plus haut point, nous représentants de l'outre-mer dont les régions et les territoires constituent, ainsi que l'a souligné le Président de la République, les nouvelles frontières de la France et de l'Europe.

Notre académie, qui vient de fêter ses vingt ans au mois de décembre dernier, a réussi en ce qui concerne le quantitatif. Les efforts de pré-scolarisation, ou encore l'introduction des nouvelles technologies de la communication dès l'école primaire, notamment dans ma ville, à Saint-Denis, sont à cet égard significatifs. Elle doit néanmoins gagner la bataille de la qualité.

Il est indispensable que l'école retrouve sa fonction d'ascenseur social. À quoi serviraient les sacrifices des parents, notamment des plus modestes d'entre eux, si ce rôle moteur devait faillir ?

Toutefois l'instruction, c'est-à-dire le savoir et l'éducation, soit le savoir-être, sont interculturelles, par essence. C'est à l'école que le jeune apprend qu'il existe d'autres pays, d'autres manières d'organiser sa vie et ses croyances, d'autres formes d'expressions artistiques.

Sur une île comme La Réunion, dont la culture est une mosaïque de traditions millénaires, nous sommes très sensibles à cette approche. C'est pourquoi je souhaite que, dans le cadre de la mise en place du  tronc commun  que préconise votre projet de loi, une place soit accordée à la connaissance de la France dans toute sa diversité.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. René-Paul Victoria. C'est en large partie grâce à l'école de la République, par sa fonction de promotion sociale et individuelle, que la France d'outre-mer, en particulier La Réunion, a pu intégrer des cultures diverses.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, constitue l'ossature de cette école nouvelle que nous appelons tous de nos vœux. Je formulerai pour ma part quelques propositions visant à le compléter. Il me semble ainsi important de prendre en compte les dimensions suivantes :

Intégrer dans le contenu des programmes la découverte et la connaissance de l'outre-mer qui donne à la France une présence forte auprès de tous les continents.

Renforcer la formation continue des maîtres s'agissant notamment des grands faits de société, en prévoyant une meilleure maîtrise de la psycho-pédagogie à travers l'adossement de l'IUFM à l'Université, en garantissant à ces structures un fonctionnement autonome au même titre que les IUT.

Sécuriser et valoriser le métier d'enseignant.

Donner aux directeurs d'école un véritable statut.

Veiller à une juste répartition des moyens sur l'ensemble du territoire pour permettre aux régions qui sont en déficit de rattraper les retards accumulés.

Monsieur le ministre, vous donnez à l'école le nouvel élan qu'elle mérite au service de nos jeunes et de la nation. Je sais que je peux compter sur vous comme vous pouvez compter sur mon soutien pour faire de notre école, l'école de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la mesure où, sur ce projet de loi sur l'avenir de l'école, critiques et suggestions ont déjà été abondamment développées par des collègues bien plus compétents que moi, je me contenterai de formuler trois réflexions personnelles.

La première est pour exprimer ma déception de voir apparaître une nouvelle loi d'orientation, à l'intitulé certes alléchant, mais qui se révèle une fois de plus dépourvue d'une ambition pourtant attendue.

La deuxième réflexion est qu'il s'agit du deuxième rendez-vous manqué : je veux parler de la part toujours aussi peu déterminante de l'éducation physique dans l'éducation tout court.

Enfin, la troisième porte sur la problématique des écoles rurales, qui sera le thème de mon intervention dans cette discussion générale.

Monsieur le ministre, je suis issu de ces écoles de montagne et de campagne où la mesure est le temps de trajet et non la distance, où la norme est le relief tourmenté, où le moindre lâchage de l'État est vécu comme une trahison à la solidarité territoriale, où l'on est loin de tout, des mots creux comme des vanités, mais tellement près des réalités subies que l'on en vient à se demander si l'on vit bien dans le même monde que celui des décideurs.

Dans le département de l'Ariège dont je suis l'un des élus, il n'y a pas eu, la semaine dernière, de vastes manifestations de rues parce qu'il y a davantage de chemins que de rues. (Sourires.) Il y a eu, par contre, des rassemblements sur les départementales qui mènent aux classes de montagne, avec des parents d'élèves furieux des suppressions de postes qui vont affecter l'harmonie de la scolarité de leurs enfants, et avec des enseignants exaspérés par les pratiques de ce gouvernement qui se prétendait le défenseur des zones rurales et qui en sera le fossoyeur à l'heure où, pourtant, de nouvelles perspectives se dessinent. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, les méfaits d'une carte scolaire appliquée à la lettre viennent aujourd'hui se superposer aux inquiétudes et à l'hostilité que génère votre projet de loi auprès de la communauté éducative au sens large. Celles-ci sont dues au fait que ce texte remet en cause certaines valeurs de la République, telles que l'égalité des chances, le bagage culturel social commun, le sentiment d'appartenance et de cohésion sociale et, enfin, la qualité du service public.

Si votre loi est si mal perçue dans la ruralité, c'est parce qu'on n'y sent pas de souffle pour réformer l'école et améliorer notre système d'éducation. Mais c'est aussi parce que les moyens, qui n'étaient déjà pas au rendez-vous, ne vont pas aller en s'améliorant.

Il faut comprendre que dans ces bourgs, dans ces villages, les suppressions de postes, même d'un seul poste, sont ressenties comme des catastrophes. Il faut comprendre que dans ces régions où l'on ne se pique pas de grands mots, l'école rurale est l'une des conditions essentielles du maintien de la vie et l'espoir d'une revitalisation.

M. Christian Paul. Très bien !

M. Henri Nayrou. Il faut comprendre que, afin de ne pas sombrer, les collectivités territoriales ont engagé des sommes considérables pour se doter d'équipements scolaires et parascolaires capables d'offrir des services attractifs à des jeunes ménages en quête de choix de vie.

Ces communes, ces communautés de communes, ces départements constatent aujourd'hui que l'État n'en finit pas de se désengager, ici sur l'école, là sur d'autres aspects de l'aménagement du territoire.

Le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a deux problèmes rédhibitoires : ses choix budgétaires désespérants et le mépris des députés de votre majorité pour les fonctionnaires en général, pour les enseignants en particulier. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Danielle Bousquet. Bien sûr !

M. Christian Paul. Cela se vérifie tous les jours !

M. Henri Nayrou. Concernant le budget, j'irai à l'essentiel en vous rappelant quelques chiffres : 5 000 postes en moins dans le secondaire ; 9 000 suppressions de postes de surveillant ; 14 000 aides éducateurs en fin de contrat, mais seulement 13 000 créations de postes d'assistant d'éducation. Le compte n'y est pas, sans parler des dizaines de milliers de fonctionnaires en moins que prévoient les lettres de cadrage adressées par le Premier ministre le 7 février dernier et qui affecteront inévitablement votre ministère.

À quoi bon parler de grande ambition pour le service public de l'éducation nationale quand les moyens sont sans cesse revus à la baisse, tandis que les baisses d'impôts sont revues à la hausse, au nom d'un catastrophique credo libéral ?

Quant au mépris des membres de votre majorité à l'égard des enseignants, il est d'un cynisme absolu. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Henriette Martinez. Il y a des enseignants dans la majorité.

M. Henri Nayrou. Quand, le 20 janvier 2004, dans le cadre du débat sur l'éducation, j'ai évoqué la situation difficile dans laquelle évoluent les enseignants, l'un de nos collègues de la majorité, que je ne nommerai pas pour ne pas lui faire de publicité, s'est écrié : « Au boulot ! »

Mme Danielle Bousquet. C'est scandaleux !

M. Henri Nayrou. Ne vous étonnez pas, monsieur le ministre, si, après cela, les enseignants dépendants de votre ministère font aussi peu confiance à votre gouvernement !

J'espère que vous l'avez compris : les écoles rurales ne peuvent se satisfaire d'un maintien de la situation actuelle et leur évolution doit s'inscrire dans le cadre de l'aménagement du territoire, le seul adapté aux exigences locales et aux caractéristiques reconnues par l'ensemble des institutions.

En conclusion, l'éducation nationale avait plus besoin d'une programmation effective que d'orientations manquées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett.

M. Céleste Lett. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école dont nous venons d'entamer l'examen est un texte ambitieux, attendu et porteur de véritables évolutions. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'école est recentrée sur ses missions fondamentales et l'égalité des chances ou,plutôt, l'objectif de justice, redevient une priorité.

M. André Schneider. Très juste !

M. René Couanau. Voilà un homme clairvoyant !

M. Céleste Lett. Mes collègues sont nombreux à être intervenus ici même sur les points essentiels du projet - certains mieux que d'autres - et il était normal, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous rétablissiez certaines vérités sur ce texte après une désinformation orchestrée (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui a nié le travail de concertation et la consultation des Français sur lesquels repose le rapport Thélot. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je tiens d'ailleurs, d'emblée, à citer ce passage : « Le rapport propose une vision cohérente de l'école, mais il ne constitue pas un monolithe que l'on devrait prendre ou abandonner dans sa totalité. Les contraintes propres à la politique expliqueraient fort bien que toutes les recommandations ne soient pas retenues ».

M. le rapporteur a évoqué les quatre sommets d'un carré pour définir les priorités du socle. Ma courte intervention se limitera au sommet relatif à la pratique d'au moins une langue vivante étrangère.

M. Dominique Richard. Très bien !

M. Céleste Lett. Je suis très heureux des réelles avancées que comporte ce texte, en termes d'objectifs, pour assurer l'apprentissage des langues vivantes étrangères, notre pays n'étant pas exemplaire dans ce domaine.

M. Dominique Richard. Il fallait le dire !

M. Céleste Lett. L'attachement que ses locuteurs portent à la langue française, langue de la République, est profond. Elle fait partie du patrimoine et de l'identité de la nation. Jamais elle n'a été autant parlée ni écrite dans le monde. Néanmoins, on ne peut être francophone aujourd'hui sans être au moins bilingue. Alors, quelle deuxième langue ? Certains de nos collègues ont eu la tentation de choisir l'anglais, langue de communication internationale, mais ce serait une erreur.

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Très bien !

M. Céleste Lett. Cette réforme nous donne l'occasion de montrer sans ambiguïté notre volonté de promouvoir au sein de l'école les langues vivantes, étrangères et régionales, d'autant plus que, souvent, langue étrangère signifie langue régionale, ou langue du voisin, comme on dit en Moselle.

Dans ce département, l'allemand est la référence standard des dialectes franciques, selon une définition contenue dans l'arrêté ministériel du 12 mai 2003, publié dans le bulletin officiel de l'éducation nationale du 19 juin 2003. L'allemand est également langue d'enseignement dans les écoles primaires.

Comme d'autres régions frontalières, la Moselle et l'Alsace ont pu développer, à partir de bases linguistiques populaires régionales, des enseignements de langue vivante, dès l'école maternelle, d'un niveau et d'une qualité que peu de régions françaises atteignent. Ces enseignements présentent des avantages incontestables, notamment l'enseignement bilingue paritaire qui, du fait de sa précocité, du bain linguistique important qu'il représente et de sa durée, de la maternelle au baccalauréat, est particulièrement efficace. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yvan Lachaud. Très juste !

M. Céleste Lett. Si j'ai un regret à formuler concernant l'apprentissage des langues, monsieur le ministre, c'est celui de son apparition trop tardive dans le cursus scolaire. Tout le monde sait - et cela a été expérimenté - que plus l'apprentissage d'une langue est précoce, plus il est efficace. L'acquisition ludique dès la maternelle devrait être prévue dans la loi, la deuxième langue étrangère pouvant être introduite dès la classe de sixième.

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. Céleste Lett. Par ailleurs, les régions qui possèdent une langue régionale comme l'allemand, langue de proximité et langue européenne, disposent encore à ce jour d'un grand nombre de maîtres capables de travailler dans cette langue. De plus, elles sont susceptibles de trouver, dans les régions et les pays voisins, par un échange de services, des maîtres à même d'enseigner ces langues et d'enseigner dans ces langues.

M. René Couanau. C'est très pertinent !

M. Céleste Lett. Certes, une telle ressource humaine n'existe pas avec la même qualité et la même importance, compte tenu des effectifs de maîtres, pour toutes les langues étrangères. Certaines régions ont ainsi pu développer des formes performantes d'enseignement dans une autre langue dans la mesure où son enseignement débute dès la maternelle et où le nombre d'heures est important, de deux heures à treize heures de cours hebdomadaire.

En Moselle, mais aussi en Alsace, L'apprentissage de la langue régionale à l'école sous sa forme standard, c'est-à-dire l'allemand, qui compte 100 millions de locuteurs natifs en Europe, permet de maîtriser la langue du partenaire au sein du couple franco-allemand, moteur de l'Union européenne, et de respecter les souhaits exprimés par le général de Gaulle et le Chancelier Adenauer à l'occasion du traité de l'Élysée et renouvelés lors du 40e anniversaire de ce traité par le Président Jacques Chirac et le Chancelier Gerhard Schröder.

En outre, cet apprentissage et cette maîtrise permettent de préserver la diversité linguistique en France et en Europe, diversité qu'a défendue le Président Jacques Chirac lorsqu'il a affirmé en octobre dernier à Hanoi : « Chaque fois qu'une culture disparaît, qu'une langue disparaît, c'est la culture du monde qui s'affaiblit ».

M. René Couanau. C'est bien vrai !

M. Céleste Lett. Cet apprentissage et cette maîtrise sont un facteur de développement économique et ils ont une influence bénéfique sur le marché du travail. A contrario, la méconnaissance d'une langue comme l'allemand, langue régionale, européenne et langue de proximité, favorise malheureusement l'augmentation du chômage. Nous connaissons bien cette situation.

En raison de sa richesse culturelle et de son importance économique, l'enseignement des langues, loué par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en janvier 2004, représente un atout pour notre pays. À nous, monsieur le ministre, dans le cadre de la présente loi, de mettre en place les dispositions nécessaires pour faire aussi bien dans ce domaine que nos partenaires et voisins.

Monsieur le ministre, d'une manière générale, nous sommes fiers d'être à vos côtés dans cette réforme...

M. Georges Colombier. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Céleste Lett. ...tout simplement parce qu'elle est juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre, le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école que vous nous proposez, après un an d'une très large concertation, répond aux attentes exprimées par les enseignants, les parents d'élèves et l'ensemble des Français. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Comment osez-vous dire des choses pareilles ?

Mme Henriette Martinez. Pourtant, d'aucuns parlent d'un texte sans ambition, oubliant sans doute que la seule ambition qui vaille en matière d'éducation est celle de donner à chaque enfant le maximum de chances de réussite.

Paradoxalement, pourtant, ce texte dit sans ambition dérange. Il dérange tous les conservateurs qui, depuis des décennies, ont contribué à scléroser notre système éducatif en refusant de l'évaluer et d'en corriger les dysfonctionnements.

Monsieur le ministre, l'enseignante que je fus pendant vingt-cinq ans et que je reste au fond de moi voit dans votre loi émerger enfin le bon sens qui n'aurait jamais dû manquer à nos réformes successives.

M. Éric Raoult. Très bien !

Mme Henriette Martinez. J'y vois aussi, ne vous en déplaise, mes chers collègues, une volonté de justice sociale vis-à-vis de tous les élèves,...

Mme Christine Boutin. Très bien !

Mme Henriette Martinez. ...principalement envers ceux que notre système a laissé pour compte,...

Mme Christine Boutin. Absolument !

Mme Henriette Martinez. ...ceux qui se trouvent en situation d'échec, scolaire ou professionnel.

La réforme de l'école est aujourd'hui nécessaire pour remédier au laxisme éducatif, à la dispersion des contenus, à l'abandon des savoirs fondamentaux, au manque de méthode dans les apprentissages qui ont conduit à l'absence de résultats, à la violence dans les établissements, tous facteurs qui ont aggravé les inégalités sociales.

En effet c'est dans les milieux les plus défavorisés, ceux où l'on ne peut ni suivre l'enfant ni payer l'école privée ou les cours particuliers, que l'ascenseur social est aujourd'hui en panne. L'école perd ses missions fondamentales et les valeurs de la République quand elle ne remplit plus son rôle qui est de donner le savoir et l'éducation de base, c'est-à-dire le socle que vous redéfinissez dans votre projet de loi, monsieur le ministre, socle indispensable à tout autre apprentissage comme à la curiosité intellectuelle, à l'ouverture sur la société et le monde.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Henriette Martinez. Ce basculement et cette perte de repères, je les ai vécus en direct lorsque j'étais jeune professeur de collège au début des années quatre-vingt. Ce virage m'a marquée. Lors de stages de formation que je n'oublierai jamais, la question existentielle de la mission de l'éducation nationale m'a été posée en ces termes : « Que devez-vous donner à vos élèves ? » Il y avait trois réponses possibles : un savoir, un savoir-faire, ou un savoir être. Eh bien, monsieur le ministre, j'ai eu tout faux ! J'imaginais devoir donner le savoir que j'avais reçu. Je ne savais pas que je me trouvais alors à la charnière entre deux systèmes. Désormais, il fallait donner avant tout un savoir être.

Vingt-cinq ans plus tard, je m'interroge toujours sur les résultats de cette orientation, dictée par l'idéologie du laisser vivre, du laisser-faire et de la facilité dominante à laquelle nous nous sommes si bien habitués. Je m'interroge surtout sur l'absence d'évaluation du système et des causes de l'échec. Devant des problèmes qui s'amplifiaient, un seul diagnostic a été fait : le manque de moyens ! Ce diagnostic que nous entendons encore aujourd'hui est toujours aussi sommaire, car les moyens augmentaient, tandis que, dans le même temps, les effectifs diminuaient !

M. Guy Geoffroy. C'est vrai ! Il fallait le dire !

Mme Henriette Martinez. Si des moyens nouveaux sont nécessaires, c'est pour assumer les missions nouvelles que vous définissez, monsieur le ministre : l'enseignement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'enseignement des langues, les classes-relais pour les élèves les plus en difficulté...

M. Guy Geoffroy. C'est essentiel !

Mme Henriette Martinez. ...et non pour boucher les trous d'un système à la dérive.

Mme Martine David. N'importe quoi !

Mme Henriette Martinez. Certaines remises en cause risquaient de déstabiliser, de contrarier une pensée dominante, celle de l'égalitarisme laxiste qui nivelle par le bas, sous couvert d'égalité et de bons sentiments. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je conçois que cela vous dérange, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

L'école doit être exigeante car sa responsabilité est immense : il faut qu'elle donne l'espoir et la confiance en l'avenir à chaque enfant qui lui est confié...

Mme Danielle Bousquet. Je rêve !

Mme Henriette Martinez. ...et qui a le droit de sortir du système avec un diplôme ou une formation professionnelle lui donnant une place dans la société. Il a également le droit, et vous l'avez écrit dans le projet de loi, monsieur le ministre, de demander des comptes à l'école dans le cas contraire, quels que soient son milieu social et son cadre de vie.

L'école pour tous, c'est celle qui dispense les savoirs de base, ce socle fondamental, celle qui donne la capacité et l'envie d'approfondir ses connaissances et de s'ouvrir sur le monde.

L'école pour tous, c'est celle qui forme des citoyens responsables, porteurs des valeurs de la République, car elle est capable de les récompenser comme de les sanctionner.

L'école pour tous, c'est celle qui différencie les parcours pour prendre en compte les capacités des uns et les difficultés des autres, car je ne vois pas comment, en sacrifiant les uns dans une classe, on ferait réussir les autres.

M. Guy Geoffroy et M. Pierre-André Périssol. Eh oui !

Mme Henriette Martinez. L'école pour tous, c'est celle qui protège les plus faibles, qui dépiste les handicaps et les éventuelles maltraitances.

Mme Marylise Lebranchu. C'est important !

M. Ghislain Bray. Que de vérités !

Mme Henriette Martinez. L'école pour tous, c'est celle dans laquelle les parents accompagnent l'enfant et soutiennent les enseignants.

Mettre l'élève au centre du système éducatif est une évidence, mais il est des évidences qu'il fallait rappeler. Les enseignants le savent bien, qui attendent de nous que nous les aidions à retrouver le sens et la noblesse de leur métier, un métier qu'ils aiment mais qu'ils sont souvent las et découragés d'exercer.

M. Guy Geoffroy. Merci, monsieur Allègre !

Mme Henriette Martinez. Confrontés à des situations difficiles, voire impossibles à gérer, ils ont besoin d'être mieux formés à leurs nouvelles missions. Ils aspirent à être soutenus sur la question de l'autorité, notamment, reconnus et respectés par les élèves et par les parents. Ils ont besoin de programmes et d'objectifs clairs, de leur liberté pédagogique et ils ne veulent plus faire fonction d'éducateurs spécialisés, ce qu'ils ne sont pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ça vous dérange, mais c'est la vérité ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Madame Martinez !

M. Éric Raoult. Elle a raison !

Mme Henriette Martinez. Ils approuvent dans leur grande majorité les orientations de notre loi.

M. Ghislain Bray. Très bien !

Mme Henriette Martinez. Réaliste, juste, exigeante et ambitieuse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), elle est ancrée dans les fondements de notre République et adaptée aux exigences de la société contemporaine.

Il conviendra que, après les polémiques politiciennes, la communauté éducative réunie se mobilise pour la mettre en œuvre, avec une ambition partagée : celle de la réussite des enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou. Mes chers collègues, après avoir entendu vos interventions, surtout la dernière, je doute que nous sortions de ce débat en ayant réussi à nous convaincre les uns et les autres ! (Sourires.)

Mme Martine David. C'est le moins qu'on puisse dire !

Mme Martine Lignières-Cassou. Effectivement !

Nous allons donc, pour notre part,...

M. Éric Raoult. Renoncer à votre temps de parole ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine Lignières-Cassou. Certainement pas !

M. le président. Monsieur Raoult !

M. Pierre-Louis Fagniez. C'était de l'humour, monsieur le président !

M. René Couanau. Ce serait pourtant judicieux !

Mme Martine Lignières-Cassou. Nous disons une fois encore, monsieur le ministre, que votre projet de loi ne porte pas une vision d'ensemble de l'éducation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est tout l'inverse !

Mme Martine Lignières-Cassou. Vous vous en défendez en affirmant que vos orientations sont présentées dans le rapport annexé.

M. Guy Geoffroy. Comme en 1989 !

Mme Martine Lignières-Cassou. Or je ne crois pas que le rapport annexé ait un quelconque statut juridique.

M. Guy Geoffroy. C'était pareil en 1989 !

Mme Martine Lignières-Cassou. Votre projet de loi est exclusivement centré sur l'école. Vous demandez à l'école de régler - seule - ses difficultés, comme si les difficultés, les mutations qu'elle vit n'étaient pas celles de la société tout entière.

J'ai l'intime conviction que l'institution ne pourra pas résoudre seule les difficultés qu'elle traverse, qu'elle ne pourra le faire qu'en s'appuyant sur un certain nombre d'acteurs qui lui sont complémentaires ; je vais y revenir.

La deuxième critique que nous vous adressons, monsieur le ministre, est que votre conception de l'école est bornée, à un bout, par l'école maternelle, et, à l'autre, par le bac. Votre texte n'inscrit pas l'éducation comme un parcours au minimum, de la maternelle à l'après-bac.

M. Guy Geoffroy. Il faut le relire !

Mme Martine Lignières-Cassou. Or, aujourd'hui, nous voyons bien que nous devons penser à un parcours tout au long de la vie. La sagesse béarnaise dit : « la vieille, en mourant, elle apprenait encore ». C'est bien cela la conception d'une éducation tout au long de la vie.

Votre vision de l'école, centrée sur elle-même, ne se conçoit pas dans le cadre d'un partenariat. La place des parents, par exemple, n'est envisagée que lorsque leur enfant est en échec scolaire.

M. Guy Geoffroy. Au contraire ! Regardez page 53 du fascicule qui présente le projet de loi !

Mme Martine Lignières-Cassou. Ils signent alors le prétendu contrat de réussite scolaire qui, entre nous, sera vécu comme stigmatisant et pour eux-mêmes et pour les enfants. Leur exclusion leur est, d'une façon symbolique, signifiée par la non prise en compte de leur avis lors du redoublement d'une classe par leur enfant.

Les familles bougent, se diversifient. Aujourd'hui, 80 % des mères de famille travaillent. Les temps de travail s'individualisent. Il y a donc nécessité de travailler en partenariat avec les familles, non seulement par rapport à leur enfant qui serait en difficulté, mais en les reconnaissant comme des éducateurs.

C'est la même approche qu'il convient de développer avec le territoire local, lieu privilégié de cohérence et de la diversité des temps et des modes de vie. Cette approche permettrait de mobiliser toutes les institutions d'un territoire, de faire des collèges et des lycées des lieux ouverts sur leur environnement et de valoriser les institutions non scolaires.

Pour mener à bien une telle démarche de partenariat, encore faut-il considérer que l'école n'est que la partie émergée de l'iceberg éducation ; encore faut-il prendre en compte le fait que pour un élève en primaire, par exemple, le temps scolaire représente 1 000 heures d'enseignement par an et le temps libre, 4 500 heures. Et si l'école ne réduit pas aujourd'hui les inégalités, le temps non scolaire, lui, les aggrave. Ne pas intégrer cette dimension, c'est laisser la réussite éducative dépendre entièrement de la stratégie et des moyens de chaque famille ; c'est aussi se faire complice de la marchandisation du soutien scolaire ou, plus largement, des loisirs.

L'école n'est pas le seul lieu d'éducation. Elle est certes le lieu privilégié, notamment pour l'ouverture à la culture, c'est-à-dire à la découverte de soi-même et de l'autre, aux pratiques sportives, c'est-à-dire à la découverte des règles, quand, bien sûr, les budgets afférents à ces enseignements ne sont pas sacrifiés comme cela est actuellement le cas. C'est en dehors de l'école que se font les apprentissages proprement dits dans ces domaines où se développent, quoi que puisse en dire Mme Martinez, des « savoirs être », c'est-à-dire des capacités qui fondent aujourd'hui en grande partie la distinction sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà maintenant quinze ans que notre assemblée n'a pas débattu autour d'un projet de loi d'orientation sur l'école ; quinze ans donc que les grands axes de notre système éducatif n'ont pas été révisés. Par conséquent il était temps, monsieur le ministre, d'avoir le courage de porter un regard critique, mais juste, sur l'état de notre école,...

M. François Liberti. Ce n'est pas réussi !

M. Richard Mallié. ...pour fixer un nouveau cap à la politique éducative de notre pays.

Plus qu'un projet de loi sur l'organisation d'un système, c'est un véritable projet de vie que vous nous proposez aujourd'hui...

M. François Liberti. Une vie très difficile, très dure !

M. Richard Mallié. ...un projet de vie qui tend à rappeler que l'école est le lieu de transmission non seulement des savoirs, nécessaires et indispensables à la formation des citoyens de demain, mais aussi des valeurs fondamentales de notre République.

En tentant d'instaurer une école plus juste, attentive à la promotion de l'égalité des chances, mais aussi respectueuse des différences, ce projet de loi intègre les plus récents chevaux de bataille de notre majorité, les thématiques que nous avons ardemment défendues ces dernières années. Je veux parler de sujets aussi essentiels que la parité ou la promotion de l'égalité des chances et des droits des personnes handicapées.

Certes, le terrain de l'éducation est un terrain hautement miné sur lequel nombre de vos prédécesseurs, à trop vouloir se mesurer au mammouth, se sont cassé les dents. Néanmoins les dinosaures, s'ils font le bonheur des cinéastes, ne peuvent avoir leur place dans ce système.

M. Éric Raoult. Ils sont au PS !

M. Richard Mallié. L'école de demain se doit de s'adapter aux évolutions et aux nouvelles données de notre société, quelles que soient les foudres que les réformes provoquent parmi les adorateurs du système, véritables conservateurs. Elle se doit également d'être consciente de ses forces, mais aussi de ses faiblesses. Qu'un jeune de notre pays, après avoir passé dix ans ou plus à écumer les bancs de nos institutions scolaires, sorte sans qualification, parfois même sans savoir lire et écrire, n'est pas acceptable. La maîtrise d'un socle commun doit être l'assurance à laquelle chacun des élèves entrant dans notre système doit pouvoir être en droit de prétendre à sa sortie.

Je tenais également à saluer ici, monsieur le ministre, l'attitude intelligente et honnête qui a été la vôtre ces derniers jours face à la grogne que la réforme du bac a provoquée parmi les lycéens.

M. François Liberti. Pas que la réforme du bac, soyez honnête ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Les journaux titraient hier encore sur la « reculade » de François Fillon sur la réforme du bac. Plutôt que de reculade, je parlerais au contraire pour ma part d'avancée, car la question reste posée. C'est en effet par le dialogue, le débat d'idées et l'écoute réciproque que nous pouvons améliorer le système. En acceptant de déconnecter la réforme du bac de ce projet, vous avez su montrer, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne prétendait pas avoir 20 sur 20, mais qu'il était capable de recommencer le débat s'il pensait ne pas avoir été compris.

À cet égard il convient toutefois de noter que les jeunes sont assez favorables - en tout cas, c'est ce qui m'a été dit dans le lycée où est ma fille - au contrôle continu pour le bac. De plus, ceux qui, hier, s'élevaient contre ce changement disent, aujourd'hui, que le contrôle continu n'est pas si mal que ça.

M. Ghislain Bray. Très bien !

M. Pierre-Louis Fagniez. Il est demandé par tout le monde !

M. Richard Mallié. Doit-on voir dans ces réactions une prise de position politicienne ? Je m'interroge, mes chers collègues.

Si ce projet de loi d'orientation était donc nécessaire non seulement pour réaffirmer le rôle primordial de l'école dans la transmission des valeurs et des savoirs, mais aussi pour adapter un système qui se doit d'être périodiquement dépoussiéré, pour ma part, je n'ai pas déposé d'amendements au texte, et ce pour une raison simple, monsieur le ministre.

Nombre de points concernant l'éducation relèvent non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Si la frontière entre les articles 34 et 37 de la Constitution a souvent été rendue perméable par certains des textes présentés dans notre hémicycle, il me semble particulièrement important aujourd'hui de veiller, sur un texte comme celui-là, à ce que le rôle de chacun, défini par la Constitution, soit respecté. Il n'est certes pas question que le Parlement se dessaisisse ici, comme vous l'avez fait remarquer, du premier des services publics. Simplement, bien qu'en matière d'éducation le noyau dur soit toujours particulièrement restreint, il faut se prémunir de toute dérive législative qui n'a pas juridiquement de raison d'être.

Vous avez amendé le texte pour tenir compte des remarques émises à ce sujet par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'état. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités ; il ne saurait se décharger sur le Parlement de dispositions qui relèvent juridiquement de sa compétence.

Après qu'aient eu lieu les concertations qui s'imposaient, après qu'ait été menée une large campagne de consultation auprès des partenaires sociaux concernés - contrairement à ce qu'on a pu entendre -, l'heure est maintenant venue de prendre les décisions qui s'imposent. Et s'il appartient au Parlement d'arrêter les orientations, d'avaliser le cap sur lequel a été mis le voilier, c'est au Gouvernement qu'il reviendra de hisser la grand-voile et le spi.

Pour terminer, j'aimerais vous rappeler, monsieur le ministre, que l'expression populaire selon laquelle on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs garde en ces circonstances toute sa portée.

M. François Liberti. Oh ! là là !

M. Richard Mallié. J'entends d'ici s'élever les voix des protestataires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Tous ces bien-pensants à la critique facile...

M. Ghislain Bray. Eh oui !

M. Richard Mallié. ...qui, souvent dans l'inaction, se hérissent à la simple évocation du mot « réforme ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Liberti. Comparer les enseignants et les élèves à des œufs, c'est impensable !

M. Richard Mallié. Non, nous ne devons pas avoir honte de regarder avec objectivité notre système. Nous ne devons pas non plus avoir honte de l'ambition qui est la nôtre de l'améliorer. À tous ceux qui menacent, rejettent et condamnent, je dis que l'attentisme n'a jamais été et ne pourra jamais être l'attitude d'un pays tel que la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Ghislain Bray.

M. Ghislain Bray. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis hier, nous abordons la phase législative de la loi d'orientation sur l'avenir de l'école.

Quinze années après la loi du 10 juillet 1989, il était grand temps, et je vous cite, de « donner à l'école un nouveau souffle, de mobiliser l'ensemble de la communauté éducative autour de l'objectif qu'a dégagé la commission du débat national sur l'avenir de l'école : assurer la réussite de tous les élèves ».

Ce projet de loi a été préparé par un débat national sans précédent qui a mobilisé, l'an passé, plus d'un million de Français. Pour mémoire, il est bon de le rappeler, ce débat s'est articulé autour de vingt-deux questions élaborées par une commission présidée par Claude Thélot, haut fonctionnaire incontesté, et à laquelle participaient entre autres plusieurs de nos éminents collègues, parmi lesquels Pierre-André Périssol, Guy Geoffroy et Pierre-Christophe Baguet.

L'opposition parlementaire n'a pas souhaité participer à cette instance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Guy Geoffroy. Quel mépris !

Mme Martine David. Arrêtez de répéter cela ! Notre collègue Yves Durand vous a déjà répondu !

M. François Liberti. C'est faux, monsieur Bray ! Ce n'est pas joli de mentir !

M. Jean-Pierre Blazy. En fait, monsieur Bray, vous n'avez pas tenu compte de ce que nous avons dit !

M. Éric Raoult. Vous préférez la politique de la chaise vide !

M. Christian Paul. De toute façon, au vu du résultat il n'y a rien à regretter !

M. Ghislain Bray. C'est votre problème, mais je trouve choquant de vous entendre dire aujourd'hui que ce projet de loi d'orientation est bâclé, que la copie est nulle et, qui plus est, qu'il s'agit d'un véritable SMIC intellectuel, car, vous en conviendrez, c'est faire injure à tous ceux − professionnels, enseignants, parents et élèves − qui, en relatant leurs expériences, leurs interrogations et leurs attentes, ont participé à cette vaste concertation.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'en avez pas tenu compte !

M. Ghislain Bray. Je vous invite à regarder les dernières pages du rapport Thélot.

M. François Liberti. Nous les avons lues !

M. Ghislain Bray. Plus de 200 personnalités − représentants des organisations syndicales, des associations et experts − ont été entendues.

M. Christian Paul. Et pour quoi faire ? Rien !

M. Ghislain Bray. Votre projet, monsieur le ministre, s'est inspiré des propositions de ce rapport.

M. Christian Paul. Un tout petit peu !

M. François Liberti. Si peu !

M. Ghislain Bray. On entend dire, ici et là, qu'il manque d'ambition. Il me semble que c'est un premier compliment, car cela implique qu'il y a au moins un projet. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Ghislain Bray. Du reste, à quel niveau faut-il situer l'ambition ? Est-ce au niveau de la surenchère et de la démagogie perpétuelles, c'est-à-dire en ne considérant que le nombre des postes et les crédits supplémentaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Henriette Martinez. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Absolument ! Il faut changer de langage !

M. François Liberti. Pour vous, réclamer des moyens, c'est faire de la démagogie ? Le masque tombe !

M. Ghislain Bray. Ce serait tout simplement ridicule. N'est-il pas plus ambitieux de souhaiter qu'il ne soit plus possible que 80 000 de nos jeunes entrent en sixième sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter ?

M. Guy Geoffroy. Oh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas en supprimant des postes que vous améliorerez la situation !

M. Ghislain Bray. N'est-il pas plus ambitieux de faire en sorte que tous nos jeunes sortent du système scolaire avec un diplôme ?

Contrairement à ce que prétendent certains, nombreux sont, dans tous nos établissements scolaires, les enseignants qui font ce constat d'échec et souhaitent cette réforme.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Daniel Paul. Bien sûr !

M. Ghislain Bray. Laisser un jeune traîner de sérieuses lacunes tout au long de sa scolarité en espérant qu'il ira, au moins, jusqu'au bac, c'est d'abord le dégoûter à coup sûr du milieu scolaire et, par là même, le condamner à mener une scolarité totalement dépourvue d'intérêt. Quel plaisir peut-il trouver à se plonger dans des livres, à se pencher sur des énoncés, sur des pages d'histoire dont il comprend parfois à peine le sens ? Ce n'est pas ainsi que l'on combattra le grave malaise et le mal vivre certain qui touchent nombre de nos jeunes. À force de lacunes accumulées, ceux-ci se mettent souvent en marge de leur classe et en position d'échec scolaire.

M. Guy Geoffroy. Et ils empêchent les autres de travailler !

M. Ghislain Bray. Dès lors, faut-il s'étonner que l'absentéisme soit de plus en plus important dans nos établissements ?

Enseignant dans un lycée professionnel, j'ai souvent appelé de mes vœux une prise de conscience sur ce véritable désastre. Comment peut-on préparer un diplôme professionnel sans une correcte maîtrise de l'essentiel ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Paul. C'est vous qui les envoyez dans ces filières !

M. Ghislain Bray. C'est pourquoi j'ai été très choqué, hier, par les propos de notre collègue qui considérait que ce projet se bornait à instituer un SMIC culturel.

M. François Liberti. Un sous-SMIC culturel !

M. Christian Paul. Même pas ! À peine un RMI.

M. Ghislain Bray. En effet, comment un jeune peut-il accéder à un emploi si, découragé, voire écœuré par le système, il ne peut obtenir de qualification ?

À cet égard, monsieur le ministre, votre loi sur l'avenir de l'école apporte, dans son article 6, la réponse la plus appropriée. Ce socle commun est nécessaire et il ne s'agit pas, comme nous l'avons trop souvent entendu dire ces derniers jours, de mettre de côté, voire de supprimer, certaines matières.

Ainsi, il est aberrant de prétendre que le sport n'aurait plus sa place dans notre système éducatif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Blazy. C'est pourtant le cas dans les examens !

M. Ghislain Bray. Cette idée serait complètement contraire à l'esprit de ce projet de loi d'orientation qui prône avant tout un juste équilibre de l'ensemble des matières pour donner à l'enfant une culture large et variée. Bien plus, par la mise en place du socle commun, c'est l'apprentissage de l'ensemble des disciplines que nous rendons plus aisé.

M. Guy Geoffroy. Tout cela est très transversal, bien sûr !

M. Ghislain Bray. En effet n'oublions pas que la culture est un véritable et magnifique tout. Cessons de construire des cases : ici la langue, là l'arithmétique, ici les matières nobles, là les matières secondaires. Bien malin, en effet, celui qui serait capable de traiter les unes sans avoir recours aux autres.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Et alors ?

M. Ghislain Bray. Une autre mission de l'école me paraît importante : elle doit aider nos jeunes à définir leur projet de formation. Il faut, en effet, que cesse l'orientation par défaut, qui est parfois synonyme de sanction et qui, en tout état de cause, nuit à la motivation des élèves et à leur réussite. L'article 13 répond à ce souci.

Enfin, je souhaite que trouve pleinement sa place dans ce projet l'intégration des élèves handicapés, telle que l'a définie la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que notre assemblée vient d'adopter.

J'aurais voulu parler du bac, car j'avoue ne pas comprendre pourquoi le contrôle continu en cours de formation, qui est bon et apprécié par tous quand il s'agit du bac professionnel, est mauvais et inégalitaire pour le bac général.

M. Guy Geoffroy. Bonne question !

M. Ghislain Bray. Monsieur le ministre, vous êtes à la tête d'un grand ministère, qui doit permettre aux jeunes générations de trouver leur place dans notre société. Ce ministère est toujours décrié lorsqu'il entreprend de réformer, de faire évoluer l'éducation au gré des progrès techniques et des réalités économiques. Le réalisme et le pragmatisme s'opposent toujours au conservatisme, voire au corporatisme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Henriette Martinez. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Et au dogmatisme !

M. Ghislain Bray. Certains vous reprochent de manquer d'ambition, mais ils vous reconnaîtront au moins le courage d'avoir défini les priorités de l'école, mis en œuvre une pédagogie personnalisée, fait en sorte que nos enfants maîtrisent au moins une langue, permis à chacun, par son travail et ses efforts, d'accéder à l'avenir qu'il est en droit de s'imaginer et de se forger. L'enseignant et parlementaire que je suis est fier de soutenir avec force votre projet de loi, comme l'ensemble de mes collègues du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Andrieux.

Mme Sylvie Andrieux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde marqué par la recherche absolue de compétitivité, la principale matière première d'un pays reste sa matière grise. Or, depuis juin 2002, l'éducation nationale n'est plus la priorité du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !

M. Guy Geoffroy. Tout en nuance !

Mme Sylvie Andrieux. Déjà, en novembre dernier, le budget pour 2005 présenté devant cette assemblée laissait augurer de l'entreprise de démolition du service public de l'éducation.

M. Guy Geoffroy. Cela va de soi !

Mme Sylvie Andrieux. Monsieur Geoffroy, vous êtes le porte-parole de l'UMP, pas encore celui des socialistes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Dieu nous en garde !

M. Guy Geoffroy. Il n'y a pas de risques ! Cela fera au moins une vérité dans votre intervention !

Mme Sylvie Andrieux. Malheureusement, ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école vient confirmer nos craintes.

Les Français ont cru de bonne foi à la grande réforme promise par M. le Président de la République lui-même. Ils s'aperçoivent aujourd'hui que les grands débats organisés dans toute la France, pendant des mois, n'étaient en fait qu'une vaste supercherie. La grande réforme qu'ils attendaient et qui, rappelons-le, ne fait même pas l'unanimité au sein de la majorité, met en fait en péril la cohésion sociale par l'abandon de l'égalité des chances. La déception des Français est à la hauteur de leurs attentes et les manifestations qui se déroulaient hier encore en sont la preuve.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

Mme Sylvie Andrieux. Si l'école de la République a comme ambition et comme exigence la réussite de tous les élèves, cette réforme de l'enseignement scolaire ne fait que mettre en place l'enseignement à deux vitesses qu'il prétend éviter, voire gommer.

À cet égard, certaines mesures du projet de loi nous paraissent particulièrement inquiétantes, notamment celles qui remettent en cause les acquis de la loi Jospin de 1989 et les fondements du collège unique.

En effet, pour vous, monsieur le ministre de l'éducation nationale, même si vous vous en défendez avec force, il semble qu'il y ait d'un côté les bons éléments, de l'autre les mauvais élèves, les gêneurs.

Mme Claude Greff. C'est de la désinformation !

Mme Sylvie Andrieux. Pour les bons élèves, dites-vous, « les collèges veilleront à permettre des approfondissements dans les disciplines fondamentales ou des diversifications en particulier dans des disciplines telles que les langues anciennes ».

Pour les mauvais élèves, ajoutez-vous, « le temps de travail sera aménagé de façon à leur permettre à la fois de progresser dans les matières où ils rencontrent des difficultés, et de retrouver confiance en eux en développant leurs aptitudes dans une matière où ils sont en situation de réussite ».

M. André Schneider. C'est bien ; c'est positif !

Mme Sylvie Andrieux. Le contenu des enseignements choisis sera donc très variable et fonction des « capacités » et des « intérêts » des élèves − selon l'article 18 −, comme si ces données étaient naturelles et intangibles.

M. Guy Geoffroy. C'est le respect de l'enfant !

Mme Sylvie Andrieux. Or chacun s'accorde à reconnaître que l'échec scolaire découle des inégalités sociales, économiques et culturelles de certaines familles devant l'école.

M. Éric Raoult. Pas seulement !

Mme Sylvie Andrieux. Force est de constater que cette vérité vous a échappé, monsieur le ministre, car le projet de loi d'orientation fait totalement l'impasse sur ce point.

Alors que l'échec scolaire se caractérise le plus souvent par un refus de l'école, dont les causes viennent bien souvent de l'extérieur, vous proposez l'instauration de « contrats individuels de réussite éducative », qui assènent trois heures de plus à des enfants qui ont déjà décroché. Ce qui, la semaine dernière encore, s'appelait le « contrat de réussite scolaire » et qui était passé entre le directeur, l'élève et sa famille, renvoie la responsabilité de l'échec scolaire à l'enfant et à sa famille.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr que non !

Mme Sylvie Andrieux. Alors que l'institution est dédouanée de ses carences, c'est l'élève qui se trouve stigmatisé.

En vérité, ce contrat individuel de réussite éducative n'est que poudre aux yeux. Seuls des dispositifs d'aide précoce − avec la multiplication des classes spécialisées à l'école primaire −, et généralisés − qui établiraient des études surveillées dans chaque collège −, appuyés par le travail des assistants sociaux et des psychologues scolaires...

M. Guy Geoffroy. Aïe aïe aïe !

Mme Sylvie Andrieux. ...qui ne sont actuellement ni assez nombreux ni assez disponibles, pourraient s'avérer efficaces contre l'échec scolaire. Mais, bien sûr, cela coûte trop cher.

Oui, monsieur le ministre, tous les élèves ne sont pas égaux devant l'école. Pour pallier cette carence, permettez-moi de vous rappeler que les zones d'éducation prioritaires ont été créées en 1981, il y a déjà vingt ans. Or rien n'est dit sur leur nécessaire adaptation aux récentes évolutions sociales, notamment démographiques. Dans les zones les plus difficiles, les postes sont supprimés à la hache en dépit des hausses d'effectifs. L'absence de création de classes supplémentaires dans les établissements classés zones d'éducation prioritaires diminue la capacité d'accueil des élèves en effectif réduit.

À Marseille, la suppression récente de treize classes d'initiation pour les primo-arrivants contribue à phagocyter dès le début l'intégration d'élèves déjà confrontés à de nombreuses difficultés d'adaptation.

En fait, dans ces zones, c'est tout l'enseignement qui est sacrifié et, une nouvelle fois, c'est l'enfant en échec scolaire qui est stigmatisé.

Si vous n'avez pas su prendre en compte tous les besoins de ces élèves, à l'instar de certaines visions très conservatrices de l'éducation, vous avez su mettre l'accent sur la moralisation de la jeunesse. À cet égard, la très médiatique note de vie scolaire est significative.

M. Ghislain Bray. Elle est bien !

M. Guy Geoffroy. C'est une très bonne mesure !

Mme Sylvie Andrieux. Ainsi, au brevet des collèges, sera introduite une note qui prend en compte sur un même niveau l'assiduité, le respect du règlement intérieur et « l'engagement dans la vie de l'établissement ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Vous ne pouvez pas être contre !

M. André Schneider. C'est à la demande de la communauté éducative ! Êtes-vous déjà allée dans une école, madame ?

Mme Christine Boutin. C'est la responsabilité citoyenne, madame ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Sylvie Andrieux. Autrement dit, l'élève est appelé à confondre une fois de plus le respect des valeurs républicaines et les acquis fondamentaux de la civilité. En revanche, l'élève en difficulté se voit de nouveau sanctionné par la note de vie scolaire. Plutôt que d'être accompagné et encouragé, il est soumis à une véritable double peine.

En vérité, je vous le répète, monsieur le ministre, votre projet de réforme installe une école à deux vitesses. En appauvrissant les contenus enseignés, en supprimant ou en dénaturant beaucoup de matières, il déqualifie systématiquement les diplômes. Au prétexte que l'école coûte trop cher à la nation...

M. André Schneider. Personne n'a dit cela ! Où l'avez-vous vu écrit ?

M. Éric Raoult. Caricature !

Mme Sylvie Andrieux. ...votre projet installe une culture managériale de résultats et supprime des milliers de postes d'enseignant.

Monsieur le ministre, dans votre sagesse, vous avez su entendre la colère des lycéens et retirer votre projet de réforme du baccalauréat.

M. Jean-Pierre Blazy. Il a fait semblant !

Mme Sylvie Andrieux. Nous vous invitons à être le garant de l'égalité des chances pour tous les jeunes de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, grâce à ce projet de loi d'orientation, il est permis à notre assemblée de discuter de l'avenir de l'école, car, comme le rappellent l'exposé des motifs et le rapport annexé, le constat est clair : stagnation des résultats de réussite, situation catastrophique concernant l'apprentissage de la lecture et des mathématiques.

Face à cet état des lieux, l'urgence d'une réforme précise et pragmatique est évidente. Élèves, enseignants, parents attendent beaucoup de vos propositions pour l'avenir de l'école, et je ne doute pas de votre volonté de répondre à l'appel du terrain. Je souhaite, dès lors, vous demander des éclaircissements sur certains points.

De nombreux professeurs s'inquiètent du sort qui sera réservé à l'enseignement de leurs matières. Ainsi, l'enseignement des sciences de la vie et de la terre, qui doit être fondé sur l'observation du réel et sur l'expérimentation, implique nécessairement des conditions de sécurité et de mise en œuvre technique particulières. Cet apprentissage doit donc se faire dans des groupes restreints, par le biais de travaux pratiques, à tous les niveaux du collège et du lycée.

Le sport et les matières artistiques représentent des disciplines qui permettent aux élèves de s'épanouir, qui redonnent aux élèves en difficulté les moyens d'affirmer leur personnalité et leur passion.

M. André Schneider. Exactement !

M. Jean-Pierre Decool. Il est donc indispensable que ces enseignements soient prévus dans le socle commun des compétences.

Les sciences économiques et sociales doivent également être intégrées dans ce tronc commun.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser les mesures envisagées à cet effet dans votre projet de loi et dans les modifications que vous souhaitez apporter.

Connaître vos intentions rassurera le corps enseignant. Je sais que vous avez le sentiment de vous répéter sans cesse, mais la pédagogie n'est-elle pas l'art de la répétition ?

M. André Schneider. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Decool. La réussite de tous les élèves doit être prise en charge aussi bien par le corps professoral que par les parents. Le rôle de la famille ne doit pas, en effet, être négligé dans la réussite de l'enfant.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Decool. Les enseignants qui m'ont fait part de leurs observations sur votre texte, ont souligné le décalage entre les élèves suivis par leurs parents et ceux pour lesquels la responsabilité de les éduquer et de les orienter est entièrement laissée à l'école.

Mme Henriette Martinez et Mme Claude Greff. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Decool. Ce constat revient à poser la question de la mission première de l'école : éduquer les enfants ou leur donner les bases fondamentales, indispensables à leur avenir ?

En outre, il arrive souvent que les parents n'approuvent pas les décisions d'orientation prises par l'établissement scolaire. Aussi doivent-ils être régulièrement associés au projet scolaire de leur enfant et impliqués dans la vie de l'établissement.

Par ailleurs, je souhaite, en tant que défenseur des langues régionales, plus particulièrement du flamand, que ces disciplines soient offertes aux élèves au même titre que les langues étrangères. Tel sera, d'ailleurs, l'objet de deux de mes amendements.

S'agissant des conditions de travail des enseignants, auxquels je veux rendre hommage, j'ai été interpellé par des élus de ma circonscription quant aux suppressions de postes dans des collèges de Flandre maritime.

M. François Liberti. Tiens donc !

M. Jean-Pierre Decool. Il est étonnant de constater qu'un collège, dont l'effectif scolaire reste identique, perd plus d'un poste d'enseignant. Dans l'académie de Lille, la réussite aux examens est plus faible que la moyenne nationale, et le taux de boursiers supérieur à la moyenne des départements. Il serait donc souhaitable de réexaminer, dans sa globalité, la situation de l'académie qu'il s'agisse des moyens financiers ou des postes d'enseignants ; cela dit sans animosité, monsieur le ministre.

M. François Liberti. Voilà un équilibre qui ne doit pas être toujours facile à gérer !

M. Jean-Pierre Decool. Élu d'une circonscription rurale, je puis également témoigner de la nécessité d'accueillir les enfants de deux ans dans les communes rurales, et pas seulement dans les environnements sociaux défavorisés.

Monsieur le ministre, en tant qu'enseignant, je pense connaître le système scolaire. À cet égard j'apprécie votre souhait de définir les priorités de l'école : contrat de réussite scolaire, projet d'établissement, implication des parents et mise en place d'une structure pédagogique adéquate.

Tout en vous remerciant de bien vouloir m'apporter les quelques précisions demandées, je puis vous assurer de mon soutien pour cette réforme qui, je l'espère, fera école. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'objectif de sortir de l'exclusion les 15 % d'élèves qui ne maîtrisent pas les compétences de base en leur apprenant à écrire, à lire et à compter, justifierait à lui seul le soutien à ce projet de loi d'orientation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Schneider. Tout est dit !

Mme Christine Boutin. Aujourd'hui, 15 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base à la fin de la scolarité obligatoire et, chaque année, 150 000 jeunes quittent l'école sans qualification. Nous serons, sur tous les bancs, au moins d'accord sur ce constat.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Christine Boutin. Personne ne peut se satisfaire que près de 20 % d'une classe d'âge soient en situation d'exclusion faute, pour ces jeunes, de sortir du système scolaire en maîtrisant les savoirs fondamentaux, alors même que les moyens consacrés à l'éducation n'ont cessé d'augmenter depuis trente ans.

Qui peut s'élever sincèrement contre la maîtrise d'un socle de connaissances fondamentales par tous les élèves, contre l'apprentissage d'une deuxième langue vivante, contre le développement de bourses au mérite, ou contre le soutien personnalisé de tout élève en difficulté ? Bien entendu, on peut toujours discuter des méthodes proposées, des moyens attribués et de la manière de procéder. Cependant, personne ne peut honnêtement reprocher que des objectifs soient clairement affirmés afin de réduire l'échec scolaire voire d'y remédier.

Vous connaissez, monsieur le ministre, mon engagement dans la lutte contre l'exclusion. Lire, écrire, compter et maîtriser les outils modernes de communication, sont des facteurs incontournables de l'intégration sociale.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

Mme Christine Boutin. Aujourd'hui, il faut à la fois pallier de graves carences, accompagner les changements et préparer les Français à s'y adapter. Notre système éducatif en est l'une des clefs, voire le fondement.

Assurer à tous nos enfants un avenir cohérent avec les mutations du XXIe siècle est une condition indispensable si l'on veut ériger la réforme de l'école en enjeu de cohésion sociale. L'école est le seul - et dernier - point de passage pour tous. Elle se situe au point de convergence de deux exigences de notre société : la transmission des connaissances et de l'instruction, et l'avenir du plus vaste de nos services publics.

Pour réussir cette réforme, qui rejoint toutes celles que le Gouvernement a su amorcer, il nous faut, à tout prix, faire preuve d'efficacité politique. J'aurais préféré que, face à des enjeux aussi importants pour nos enfants et pour notre pays, nous sachions oublier les clivages et les débats partisans et stériles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Schneider. Très bien !

M. Christian Paul. Dans quel monde vivez-vous ?

Mme Christine Boutin. Les positions politiciennes n'ont pas de raison d'être ici. L'enjeu, je le répète, est beaucoup trop important pour notre pays et pour nos enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'objectif de la loi est simple : offrir l'acquisition des fondamentaux à 100 % d'une classe d'âge. Tâchons de ne pas l'oublier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult, dernier intervenant dans la discussion générale.

M. Éric Raoult. Monsieur le ministre, cette loi d'orientation pour l'avenir de l'école va dans la bonne direction : c'est cette idée simple qui, ces dernières semaines, au gré des rencontres dans les villes de mon département de la Seine-Saint-Denis, me paraît le mieux résumer votre projet.

Ainsi que vous l'avez rappelé, ce projet de loi d'orientation engage une transformation de notre système éducatif et lui fixe de nouveaux objectifs pour les années à venir.

Il est, d'abord, le fruit d'une large réflexion et d'une vaste concertation,...

M. Jean-Pierre Blazy. Tu parles !

M. Éric Raoult. ...qui a pu, il est vrai, passer au-dessus de la tête des élus de l'opposition. Ces derniers, qui n'en ont pourtant pas le moins du monde été écartés, ne souhaitaient peut-être pas y participer. Au reste, il semble, à les écouter dans cet hémicycle, que nombre d'entre eux n'ont même pas lu le projet de loi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne savons pas lire, peut-être ?

M. Guy Geoffroy. Vous ne voulez pas lire !

M. Éric Raoult. Voulu par le chef de l'État, le grand débat sur l'école a atteint son objectif : inviter la nation, dont c'était une aspiration première, à s'exprimer sur son système éducatif, pour aboutir à un diagnostic partagé et à des propositions d'évolution concrètes.

M. Christian Paul. Après, tout s'est arrêté !

M. Éric Raoult. Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Luc Ferry, était venu à cette occasion animer, dans ma ville du Raincy, une réunion au lycée René-Cassin. Ce fut un grand moment de dialogue - quatre heures quarante d'écoute et d'échanges - et j'avais alors été marqué par le fait que si, en groupe, les enseignants refusaient le dialogue,...

M. Ghislain Bray. C'est vrai !

M. Éric Raoult. ...individuellement, ils y participaient activement et intelligemment. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le diagnostic partagé ce jour-là était comme un miroir projetant, comme dans nombre d'autres établissements, les aspirations de nos compatriotes : définir, comme le rappelait le rapporteur, les missions de l'école, faire réussir tous les élèves, améliorer le fonctionnement de l'école.

Dans un département difficile comme celui de la banlieue Est de Paris qui est le mien, proie de tous les retards, de toutes les inquiétudes et de toutes les caricatures, lieu de tous les essais de rattrapage et de demandes de moyens supplémentaires, mais également terrain de toutes les violences scolaires, l'école est révélatrice de bien des échecs successifs.

Dans les cités difficiles, beaucoup de valeurs sont oubliées : la tolérance cède à la violence et la laïcité à l'intégrisme. La République est un peu en file d'attente dans ces quartiers.

Vous avez, monsieur le ministre, pris en compte ces faits, et vous reprenez d'autres valeurs comme le goût du travail et de l'effort, l'apprentissage de la politesse, le respect de la règle commune. Saluer cette démarche, madame Andrieux, ne signifie pas pour autant être répressif. Et puis, de grâce, évitons de tenir un discours à cette tribune et un autre devant les conseils d'école de sa circonscription ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Sylvie Andrieux. Venez donc sur le terrain ! Vous verrez bien !

M. Éric Raoult. La seconde aspiration de la nation est de faire en sorte que tous les élèves réussissent, en recentrant l'école sur un socle commun : lire, écrire et compter sont des objectifs majeurs.

Il aura fallu bien des années pour dresser ce constat d'évidence et de bon sens. Mais l'essentiel n'était-il pas d'y parvenir ? C'est tout le mérite, monsieur le ministre, de votre loi d'orientation.

Enfin, vous satisfaites à la troisième aspiration majeure de la nation : en voulant améliorer le fonctionnement de l'école, vous répondez à la demande d'efficacité, de visibilité et d'autorité, émise par la communauté éducative elle-même.

Comme l'a souligné notre rapporteur, les orientations de votre texte répondent aux attentes de la société française - plus d'Europe, plus de justice, plus d'efficacité - en améliorant l'apprentissage des langues, en préparant les jeunes à l'emploi, en développant l'usage des technologies de l'information et des communications, en renforçant l'éducation artistique et culturelle.

M. Jean-Pierre Blazy. Et le sport dans tout cela ?

M. Éric Raoult. Oui, monsieur le ministre, votre texte de loi va dans la bonne direction. Sa traduction apparaît non pas dans des slogans péremptoires, mais dans les indicateurs chiffrés que vous fixez pour le cap 2010, afin d'augmenter le nombre des diplômés, le niveau de qualification et l'accès à l'enseignement supérieur.

Ainsi que l'a rappelé le chef de l'État, « cette loi va permettre d'assurer la transmission des valeurs républicaines pour que notre école soit véritablement l'école du respect et de la compréhension de l'autre. » Le respect doit être revalorisé dans nombre de nos quartiers et de nos villes et la compréhension est, elle aussi, à retrouver, notamment pour cette réforme, tant la désinformation et la manipulation sont fortes dans ce monde lycéen, que l'on voudrait voir réuni dans la rue, alors qu'il n'a même pas lu votre texte. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Christian Paul. Quel mépris pour nos jeunes !

M. Guy Geoffroy. C'est vous qui les méprisez !

M. Éric Raoult. Durant tout le week-end dernier, vos amis, monsieur le ministre, élus et militants de l'UMP de Seine-Saint-Denis, ont parcouru les marchés et les gares pour expliquer le contenu du projet de loi. Tandis que ceux et celles qui ne connaissaient pas ce texte nous disaient : "Ah bon ? C'est dans le texte ?", les autres nous répondaient : "Tenez bon !"

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Christian Paul. Ils ne devaient pas être nombreux !

M. Éric Raoult. Monsieur le ministre, l'école témoin des années Jospin-Mélenchon, nous ne la connaissons que trop en Seine-Saint-Denis, avec sa violence, ses échecs,...

M. Ghislain Bray. Bien sûr !

M. Éric Raoult. ...ses bacheliers sans papiers...

M. Christian Paul. Ce n'est pas sérieux !

M. Éric Raoult. ...- car l'immigration est, en matière d'éducation, un facteur d'aggravation de la situation -, ses enseignants en situation de retrait, comme au lycée Claude-Debussy à Aulnay-sous-Bois, ou encore avec ses demandes de moyens, mais avec des résultats dispersés.

L'école des années Raffarin-Fillon, c'est celle de l'espoir de la nation qui vous dit aujourd'hui, dans sa majorité, comme Nicolas Sarkozy : « L'école de demain se prépare aujourd'hui. » Alors, monsieur le ministre Fillon, tenez bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Si Sarkozy l'a dit !

DÉCLARATION DE L'URGENCE
DU PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école (n° 2025).

Acte est donné de cette communication.

M. Christian Paul. Cela continue : le Gouvernement veut passer en force !

M. le président. La discussion générale est close.

M. le ministre m'ayant informé qu'il souhaitait répondre longuement aux intervenants, la suite de la discussion du projet de loi d'orientation est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2025, d'orientation pour l'avenir de l'école :

Rapport, n° 2085, de M. Frédéric Reiss, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot