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Deuxième séance du mercredi 16 février 2005

151e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

LOI SUR LA SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La nouvelle procédure dite de « sauvegarde de l'entreprise » constitue la principale innovation du projet de loi que notre assemblée examinera au début du mois de mars. La majorité UMP de la commission des lois a adopté un amendement qui étend à cette procédure les possibilités de licenciements économiques simplifiés, réservées jusqu'à présent au redressement et à la liquidation judiciaires. Des dizaines de milliers de salariés risquent ainsi d'être privés des droits prévus par le code du travail, s'agissant de la consultation des représentants du personnel et du droit au reclassement.

Or, à la différence du redressement judiciaire ou de la liquidation, la procédure de sauvegarde interviendra à la seule initiative de l'employeur, et en l'absence de tout état de cessation de paiement.

Ainsi, il suffira à un employeur d'évoquer cette procédure de sauvegarde pour se débarrasser de certains salariés, rapidement et à peu de frais. Vous aviez déjà profité de la loi sur le dialogue social pour remettre en cause la hiérarchie des normes et le principe de faveur, comme vous aviez profité de la loi sur la cohésion sociale pour alléger les procédures de licenciement économique. Toutes les organisations syndicales de salariés manifestent leurs craintes de voir le Gouvernement profiter de la loi sur la sauvegarde des entreprises pour faciliter, une fois de plus, les licenciements.

Ma question est très simple : quelle est la position du Gouvernement sur l'amendement de l'UMP qui étend à la sauvegarde de l'entreprise la procédure de licenciement économique simplifiée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le député, il est un point sur lequel tout le monde peut s'accorder : le droit applicable aux entreprises en difficulté n'est favorable ni au développement économique ni à l'emploi.

C'est la raison pour laquelle le garde des sceaux présentera un projet de loi sur la sauvegarde des entreprises. Il faut savoir que 45 000 entreprises environ sont confrontées à des difficultés et sont en procédure, soit près de 300 000 salariés concernés, et 150 000 salariés sont victimes de licenciements.

L'objectif du garde des sceaux et du Gouvernement n'est donc pas d'assouplir la procédure de licenciement en sauvegarde.

La commission des lois a débattu de ce point à l'occasion de diverses réunions. Je peux d'ores et déjà vous affirmer que l'objectif du Gouvernement, c'est de maintenir l'emploi. Alors, évitez de tels procès d'intention ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Notre objectif est de développer l'activité économique afin de favoriser l'emploi : c'est donc le contraire de ce que vous avez fait pendant cinq ans ! Dans ce domaine, vous n'êtes pas les mieux placés pour donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe UDF.

M. Olivier Jardé. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la recherche.

En tant qu'enseignant-chercheur, la loi de programmation et d'orientation sur la recherche ne me satisfait pas. La majorité des présidents d'université, mais également tous les syndicats de chercheurs ainsi que le mouvement « Sauvons la recherche » considèrent que la première version de votre projet de loi doit être revue.

En effet, elle ne prend suffisamment en compte la programmation financière à long terme, non plus que les attentes de nos jeunes chercheurs. Or la situation de la recherche française est bien triste.

Nos laboratoires sont vétustes. Les vocations reculent. Nos statuts sont très peu attractifs, et la tentation est grande de partir travailler dans les laboratoires étrangers.

Pourtant, la recherche est importante non seulement au plan économique, mais aussi pour le rayonnement de la France en Europe et dans le monde. M. Raffarin a proposé, au printemps dernier, de débloquer un milliard d'euros pour la recherche.

Le Gouvernement est-il prêt à honorer son engagement en allouant un milliard d'euros à la recherche ?

Est-il prêt à engager une politique sur le long terme, la seule appropriée dans ce domaine ?

Enfin, est-il prêt à procéder à une réorganisation profonde de notre recherche et de notre université ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, l'ambition du Gouvernement pour la recherche française est forte ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Biessy. Les moyens, où sont-ils ?

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Elle se traduit concrètement par des moyens importants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Au mois d'avril dernier, M. le Premier ministre s'était engagé à débloquer un milliard supplémentaire pour la recherche. Cet engagement est tenu ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le Parlement a voté un milliard d'euros supplémentaire dans le budget pour 2005. Les crédits sont en train de parvenir aux laboratoires, monsieur le professeur : les laboratoires universitaires, les laboratoires des organismes de recherche fondamentale et appliquée. Personne n'est oublié. (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

En outre, l'Agence nationale pour la recherche a été mise en place hier. Elle dispose d'un budget de 350 millions d'euros qui seront affectés, dans les semaines à venir par le biais d'appels d'offre, à des secteurs jugés prioritaires comme les sciences du vivant, l'informatique, l'environnement et le développement durable. Il permettra à de jeunes chercheurs, avec les projets-plans, de manifester leur créativité et de porter des projets nouveaux.

Pour l'avenir, monsieur le député, 6 milliards d'euros vont être engagés en moyens publics au profit de la recherche en 2005, 2006 et 2007 dans le cadre d'une programmation à long terme qui s'étendra jusqu'en 2010. La future loi de programmation et d'orientation n'a pas encore fait l'objet d'un avant-projet. Les études auxquelles vous vous référez ne sont qu'un document de travail qui n'a rien à voir avec le contenu de la future loi de programmation et d'orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VISITE DE M. ZAPATERO

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, après plusieurs personnalités, le Premier ministre espagnol, M. Zapatero, sera reçu, mardi 1er mars, dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Cette décision revêt une signification particulière : M. Zapatero interviendra en effet au lendemain du référendum sur le projet de constitution européenne en Espagne,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et alors ?

M. Jacques Brunhes. ...et en plein débat national chez nous. Dans le contexte des prévisions concernant, d'une part, un résultat positif en Espagne et, d'autre part, la progression du non en France (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le discours de M. Zapatero risque incontestablement d'influer sur la campagne référendaire française...

M. Arnaud Lepercq. Tant mieux !

M. Jacques Brunhes. ...et sur le vote de nos concitoyens.

Monsieur le Premier ministre, cette initiative politique confirme l'inquiétude du camp du oui,...

M. André Gerin. Eh oui !

M. Jacques Brunhes. ...sa « panique » même, selon un quotidien du matin, face à la montée du non.

M. Gilbert Biessy. C'est pourquoi on va même avancer la date du référendum !

M. Jacques Brunhes. La presse parle de volonté en haut-lieu d'une accélération des échéances pour réduire au minimum la durée du débat démocratique.

M. André Gerin. Eh oui !

M. Jacques Brunhes. On entend parler d'un référendum avancé au 15 ou au 22 mai : ce serait un déni de démocratie (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) par l'altération même du débat public.

Or ce débat pâtit déjà cruellement de conditions totalement inégalitaires d'expression médiatique, le temps de parole du camp du « non » progressiste et populaire étant pratiquement inexistant. Mme Buffet, secrétaire nationale du parti communiste, est en ce moment même reçue au CSA pour protester contre cette discrimination inacceptable.

Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous pose trois questions.

Que comptez-vous faire pour assurer l'équité dans la campagne référendaire et garantir une répartition égalitaire des temps de parole, sous le contrôle par le CSA, ainsi qu'un financement de la campagne favorisant l'expression de la diversité des opinions ?

Comment ferez-vous respecter l'impartialité de l'État ?

À quelle date sera fixée la consultation pour permettre aux Français de se prononcer en toute connaissance de cause ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Brunhes, j'assume pleinement l'initiative politique à laquelle vous faites allusion. C'est un honneur pour notre assemblée que de recevoir des chefs d'État et de gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, sur l'invitation de M. Zapatero, le président de votre assemblée a répondu.

J'ajouterai, monsieur Brunhes, que si j'étais encore membre de cette assemblée, je serais très heureux et très honoré de pouvoir dialoguer avec M. Zapatero. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous avez pu entendre dans cet hémicycle le président de la République populaire de Chine ou M. Bouteflika. C'est l'honneur de votre assemblée que d'avoir de tels dialogues avec de grands dirigeants.

Quant à la date du référendum, que je ne connais pas encore, elle sera fixée, comme c'est sa responsabilité, par le Président de la République.

Quelle que soit la date de ce référendum, monsieur Brunhes, vous pouvez être assuré de deux choses. Elle laissera le temps au débat démocratique.

M. André Chassaigne. Vous savez que c'est faux !

M. le ministre des affaires étrangères. Ce débat sera libre, impartial, et sous le contrôle du CSA s'agissant de l'accès aux moyens audiovisuels.

M. André Chassaigne. On voit ce qu'il en est !

M. le ministre des affaires étrangères. N'ayez pas peur de ce débat. Nous y participerons comme vous, et en tant que citoyen-ministre, j'interviendrai pour dire en quoi la Constitution est utile à la France et à l'Union européenne.

Par ailleurs, l'information à laquelle les citoyens ont droit et qu'ils demandent aura toute sa place dans la campagne référendaire. Nous avons, monsieur Brunhes, ouvert un numéro de téléphone pour que les Français puissent poser des questions et recevoir des réponses impartiales et demander le texte de la Constitution.

Je vous invite, puisque vous m'en donnez l'occasion, à appeler ce numéro : 0 810 2005 25. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous recevons 400 appels par heure, et la plupart des personnes qui téléphonent demandent le texte de la Constitution. Nous allons donc prendre le temps, dans les jours qui viennent, d'informer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ÉCOLE

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le nouveau contrat entre la nation et son école que vous nous présentez depuis hier tente d'apporter une réponse de bon sens, moderne et courageuse au problème lancinant de l'échec scolaire qui, en dépit de la qualité et de la conscience professionnelle de beaucoup d'enseignants, n'a jamais été résolu par le passé, si ce n'est au prix de dépenses exponentielles, d'inégalités criantes et d'un gâchis humain effrayant. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le recentrage sur les enseignements de base, qui constitue un point central, la maîtrise du français et des mathématiques, l'effort enfin consenti en faveur des langues vivantes et des techniques de l'information, une culture humaniste et scientifique, mais aussi un soutien efficace pour les enfants en difficulté, le triplement des bourses au mérite, la revalorisation de la formation des maîtres, les dispositifs contre la violence scolaire, le renforcement du rôle du chef d'établissement : qui peut honnêtement contester la réalité de ces progrès ?

Mais quelques inquiétudes ou doutes se sont fait entendre ici et là, s'agissant notamment de la place des enseignements artistiques, de l'éducation physique, des sciences économiques, des absences des professeurs, ou encore de l'éventuelle suppression des TPE et des classes de première d'adaptation, de la découverte professionnelle, sans parler de la part du contrôle continu.

Monsieur le ministre, pourriez-vous apporter des éclaircissements sur ces quelques points dont la critique souvent contradictoire, mal informée, si ce n'est désinformée, pour ne pas parler tout simplement de procès d'intention, brouille l'objectif partagé par tous : la réussite de chacun de nos enfants, qui doit trouver sa voie d'excellence et toute sa place dans notre société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le projet de loi d'orientation sur l'école, dont nous avons commencé de débattre hier, dans un climat républicain qui honore votre assemblée, non seulement ne renonce à aucune des ambitions de l'école mais lui en ajoute deux nouvelles.

M. Patrick Roy. C'est faux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La première, à travers le socle de connaissances et compétences fondamentales, est la réussite de tous les élèves. La deuxième, à l'instar des grands pays qui sont nos concurrents dans le monde, je pense aux États-Unis et au Japon, est l'objectif d'atteindre pour le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur 50 % d'une classe d'âge.

C'est dire que nous n'allons renoncer à aucune matière, à aucune discipline, à aucun élément de programme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'agissant du sport, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, aucun des trente-quatre articles du code de l'éducation concernant l'organisation de l'enseignement de l'éducation physique et sportive à l'école n'est modifié. Les horaires de cet enseignement à l'école primaire, au collège et au lycée sont maintenus.

M. Julien Dray. Alors pourquoi un amendement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le sport reste une discipline obligatoire au baccalauréat. J'avais proposé, dans le cadre de la rénovation du brevet, que l'éducation physique et sportive puisse faire l'objet d'une option. Le groupe UMP a déposé à ce sujet un amendement, qui rétablit le caractère obligatoire de l'épreuve,...

M. François Rochebloine. Et l'UDF !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et je l'accepterai bien volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Odile Saugues. Quel recul !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. S'agissant des sciences économiques et sociales, elles restent l'une des trois filières du lycée, avec la filière littéraire et la filière scientifique. Leur organisation n'est en rien modifiée.

S'agissant, enfin, du contrôle continu, madame la députée, vous savez qu'il est déjà la règle pour le baccalauréat professionnel, pour une partie du brevet et pour l'évaluation du sport au baccalauréat. J'avais proposé qu'une réflexion s'engage sur son introduction dans le dispositif du baccalauréat. Cette proposition ayant suscité des inquiétudes, j'ai souhaité que l'on puisse reprendre la discussion. Je pense que nous n'en sommes pas à quelques mois près sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Pourquoi avoir déclaré l'urgence alors ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce débat sur le baccalauréat est depuis longtemps ouvert. À cet égard, je voudrais vous livrer une réflexion de Lionel Jospin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. Nous savons enfin qui est Monsieur X.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Devant le Conseil supérieur de l'éducation, il déclarait en 1991 : « Il va falloir se poser la question des modalités de contrôle au baccalauréat correspondant le mieux à telle ou telle discipline. Il va falloir se poser la question de savoir si l'examen final, sous sa forme actuelle, doit être gardé ou si le baccalauréat doit comporter à la fois un examen final et des contrôles en cours de formation. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et il terminait ainsi : « L'échéance que nous nous sommes fixée pour la mise en place du nouveau baccalauréat est 1995. » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SERVICES À DOMICILE

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon, pour le groupe UMP.

M. Bernard Carayon. Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, la France compte seulement 1,3 million de salariés exerçant dans le secteur des services à domicile. Cette activité pèse peu dans notre économie puisqu'elle représente environ 3 % de la richesse nationale. Or, si ce secteur d'activité est aujourd'hui encore peu développé, les bouleversements de la société, produits par une nouvelle sociologie de l'emploi et le vieillissement de la population, laissent à penser qu'il pourrait être porteur de nombreux nouveaux emplois.

Le développement de l'offre des services à la personne recouvre un très large éventail d'emplois possibles : gardes-malades, baby-sitters, aides aux personnes âgées, soutien scolaire, ménages, crèches privées. Cela justifie donc de la part des pouvoirs publics une approche aussi globale que possible.

En ce sens, monsieur le ministre, vous avez présenté ce matin en conseil des ministres un plan comprenant une vingtaine de mesures, assorti d'un budget de 400 millions d'euros par an sur trois ans, destiné à développer les emplois de services à la personne. Aussi vous demanderai-je de nous en présenter les mesures phare, son calendrier, ses objectifs, ainsi que son mode d'évaluation auquel, vous le savez, la représentation nationale, notamment la commission des finances, à laquelle j'appartiens, est particulièrement attachée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Allo ! Allo !

M. le président. Inutile de crier « Allo ! Allo ! », madame David !

La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai effectivement présenté au Conseil des ministres un plan de développement des services à la personne, avec l'accord du Premier ministre, à la suite d'une mission interministérielle à laquelle ont été associés aussi bien le pôle de la santé que celui de l'économie, des finances et du budget.

C'est un sujet qui concerne chacun d'entre nous : chaque salarié français, chaque fonctionnaire peut avoir besoin à un moment, au dernier moment parfois, d'un dépannage, d'un soutien, que ce soit pour un enfant qui a la rougeole, pour une grand-mère ou un ordinateur qui « bogue ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Jusqu'à présent, de tels services étaient réservés soit au secteur de la santé, soit aux personnes extrêmement aisées. Les salariés, dans leur majorité, ne pouvaient y avoir accès.

Ce plan prévoit d'abord le développement des enseignes nationales visant à faire connaître ces services et garantir leur qualité.

Il prévoit ensuite une amélioration des conditions salariales et sociales des employés de ce secteur. La convention de mars 2002 vient enfin d'être étendue et 80 000 personnes qui occupent des emplois d'aide à domicile bénéficieront d'une augmentation de 24 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Par ailleurs, pour inciter les employeurs particuliers à aller vers le réel, l'État fait un effort de compensation des charges sociales de 15 %. Nous entendons ainsi améliorer les conditions sociales des employés, notamment leurs droits à la retraite.

Mais ce plan comprend surtout deux mesures extrêmement importantes.

La première, c'est l'extension des exonérations de cotisations patronales à d'autres services que ceux qui concernent strictement l'aide aux personnes âgées. Je pense à toute cette gamme de services qui ne relèvent pas tout à fait du médical mais qui contribuent à faire sortir certaines personnes de leur isolement et à leur offrir des prestations. La liste en sera arrêtée, après discussion avec les organisations représentatives.

M. Christian Bataille. Pas très convaincant !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. La deuxième, c'est le chèque service universel qui est à la fois un outil de simplification administrative et un moyen de solvabilisation.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Cela aidera Gaymard à payer son loyer !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Tous les employeurs pourront abonder ce chèque que l'État financera à hauteur de 25 %. J'espère que nous passerons de 0,7 % à 32 % d'utilisateurs car les services à la personne représentent un gisement d'emplois majeur de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PERMIS DE CONDUIRE DES JEUNES

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Bertrand, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Bertrand. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, vendredi dernier à Meaux, le Premier ministre a identifié les enjeux du permis de conduire pour les jeunes. C'est d'abord un moyen essentiel de l'insertion sociale et professionnelle, qui permet d'accéder à l'emploi et à la mobilité. C'est ensuite un enjeu majeur de sécurité routière, qui permet de conduire après avoir reçu une formation adaptée.

Au terme de 475 auditions et contributions, qui ont nourri le rapport parlementaire que je viens de remettre au Premier ministre, il apparaît clairement que les jeunes ont de réelles difficultés à financer leur permis. Mais si le financement est une condition nécessaire, elle n'est pas suffisante. Il faut aussi améliorer l'apprentissage de la conduite et l'examen théorique et pratique, qui présentent de nombreux obstacles à la réussite des candidats.

Souhaitant répondre immédiatement à une demande de toute la société, le Premier ministre a affirmé sa volonté de mettre en place une aide directe, avec la création d'un prêt bancaire spécifique, aidé par l'État, ce dont je me réjouis.

Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant d'indiquer à la représentation nationale les modalités pratiques de ce dispositif, en précisant clairement si tous les jeunes, sans exception, seront concernés et s'ils pourront contractualiser avec les organismes bancaires.

Par ailleurs, pouvez-vous m'indiquer comment le Gouvernement envisage de traiter les autres points de blocage dans l'accession des jeunes au permis de conduire ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, même si je sais que ce n'est pas pour cela que vous avez posé votre question, je tiens à vous remercier très sincèrement pour la qualité de votre rapport et vos nombreuses propositions en faveur de l'obtention du permis de conduire par les jeunes. C'est un travail remarquable, et remarqué par le Premier ministre, par la direction de la sécurité routière et, permettez-moi de le dire, par votre serviteur.

Le Premier ministre s'en est inspiré pour les mesures qu'il a annoncées à Meaux. Il s'agit de deux mesures principales.

La première s'adresse à tous les jeunes. Ils pourront obtenir auprès de leur banque une avance : ils la rembourseront au rythme d'un euro par jour, l'État prenant quant à lui en charge les intérêts. C'est donc une sorte de prêt à taux zéro, comme celui qui réussit si bien dans l'immobilier.

La deuxième mesure est destinée aux apprentis. Avec Laurent Hénart, nous travaillons à la mise en place d'un dispositif qui permettrait d'assortir l'apprentissage d'une aide au permis de conduire. Car l'accès au permis de conduire, c'est une chance de plus d'accéder à l'emploi, c'est aussi une chance de plus de pouvoir en exercer un.

Nous allons trouver des moyens dans les ressources issues des radars automatiques, selon votre idée, monsieur le député. Nous pourrons ainsi diminuer le coût du permis de conduire, qui oscille aujourd'hui entre 800 et 1 200 euros, afin que son accès soit facilité et que la qualité de la formation soit encore meilleure.

La feuille de route est tracée. Le calendrier est fixé, avec une mise en place pour le mois de juillet. D'ici là, monsieur le député, nous travaillerons ensemble sur les autres mesures, tout aussi excellentes, qui figurent dans votre rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

DROIT À L'EAU ET À L'ÉNERGIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le Premier ministre, à l'heure où nous sommes en droit de nous interroger sérieusement sur le train de vie des ministres du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), les coupures de gaz, d'électricité ou d'eau frappant des familles de bonne foi, mais en difficulté, sont un sujet de préoccupation majeur, surtout par le froid que nous connaissons. C'est pourquoi je me suis engagé, avec nombre de mes collègues, à mener le combat pour le droit à l'énergie et à l'eau. Ainsi les principes du service public, les droits de l'homme et la loi contre les exclusions du 29 juillet 1998 seront respectés.

Afin de répondre à ce triple impératif, vous devez contraindre toutes les sociétés concédantes, nationales ou privées, à une véritable transparence en cas de coupure et à une concertation avec les services sociaux et les collectivités locales. J'ai découvert que, dans ma ville, des personnes étaient privées d'électricité depuis dix-huit mois sans que je le sache et sans qu'EDF se soucie d'elles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'État, dans le même temps, prélève 7 milliards d'euros sur EDF pour le budget 2005 et n'en redistribue que deux millièmes à titre social.

M. François Liberti. C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Kucheida. J'appelle également votre attention sur les abonnements qui sont exigés par les concédants, véritable droit moyenâgeux qu'il faut payer avant d'obtenir une goutte d'eau, un simple kilowatt ou la moindre communication ! Ces abonnements multiplient les coûts de ceux qui consomment le moins et, taxant les plus pauvres, se révèlent profondément injustes. Ainsi, une famille de deux enfants qui perçoit le SMIC paie 3 000 francs ou 450 euros par an d'abonnement à France Télécom, EDF, GDF ou CGE, dans ma circonscription, soit un demi-salaire mensuel ! (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous le demande, monsieur le Premier ministre, supprimez ces abonnements iniques !

Une plus grande transparence, une meilleure concertation et la suppression des abonnements amélioreraient la situation des personnes les plus démunies qui, tout en étant de bonne foi, sont les victimes des accidents de la vie. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez laisser l'orateur s'exprimer, mes chers collègues.

Il vous faut poser votre question, monsieur Kucheida.

M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le Premier ministre, qu'en est-il de la proposition de loi sur la couverture énergétique universelle, initiée par le groupe socialiste et moi-même, laquelle permettrait de régler une fois pour toutes des situations que personne ici ou dans le pays ne peut comprendre, encore moins accepter ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux. Nous voulons Gaymard !

M. le président. Monsieur Le Roux, je vous prie de laisser M. Devedjian s'exprimer.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Kucheida, (« Gaymard ! Gaymard ! » sur les bancs du groupe socialiste) vous avez posé la question des coupures d'électricité, lesquelles ont effectivement déjà donné lieu à de nombreux incidents, voire à de graves accidents.

À la suite de celui qui est survenu en Seine-Saint-Denis, j'ai constitué un groupe de travail sur cette question. Vous ignoriez vous-même, avez-vous dit, que dans votre ville certaines familles subissaient des coupures depuis dix-huit mois ! C'est tout le problème.

Jusqu'à présent, la législation interdit à EDF de communiquer aux organismes sociaux les identités des personnes qui, à la suite d'un processus assez long - il faut le reconnaître - font l'objet d'une coupure. C'est pourquoi celles d'entre elles qui ne s'adressent pas à ce moment-là aux services sociaux se retrouvent dans une situation définitive, ou presque. Le groupe de travail, auquel a participé Nelly Olin,...

M. Augustin Bonrepaux. Hervé Gaymard y a-t-il également participé ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez le ministre s'exprimer.

M. le ministre délégué à l'industrie. ...a formulé des propositions. Elles donneront prochainement lieu à un décret autorisant les concessionnaires d'électricité à communiquer aux organismes sociaux, notamment au FSL - le fonds de solidarité pour les logements -, les identités des personnes qui sont entrées dans un processus de non-paiement. Elles pourront ainsi être prises en charge en amont, c'est-à-dire avant que la coupure ne soit effectuée.

C'est un grand changement qui devrait mettre fin aux graves accidents que nous avons connus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. le président. La parole est à M. Dominique Juillot, pour le groupe UMP.

M. Dominique Juillot. Ma question s'adresse à M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Monsieur le ministre, depuis votre nomination par vos homologues européens comme responsable des sports représentant notre continent auprès du comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage, vous avec inscrit votre action dans le cadre de l'harmonisation internationale des règles antidopage.

L'Agence publie des statistiques démontrant les excellents résultats des analyses réalisées notamment par le laboratoire de Châtenay-Malabry qui fait aujourd'hui autorité en Europe.

Au-delà de l'important effort financier consenti en 2005 et de votre implication personnelle dans les travaux de rédaction d'une convention internationale sous l'égide de l'Unesco, la lutte contre le dopage connaîtra une évolution majeure grâce à la présentation d'un projet de loi qui visera à la fois à renforcer l'efficacité de la lutte antidopage et à améliorer la protection de la santé des sportifs, notamment en matière d'information et de suivi médical. La France s'imposera ainsi aux yeux du monde entier comme une référence en matière de lutte contre le dopage.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler les grandes lignes du projet de loi qui a été présenté ce matin en Conseil des ministres et qui sera prochainement examiné par le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Dominique Juillot, deux raisons m'ont conduit à revoir la loi sur le dopage, que vous aviez votée en mars 1999.

La première c'est, comme vous l'avez rappelé, la montée en puissance de l'Agence mondiale antidopage : elle a permis la rédaction d'un texte de référence - le Code mondial antidopage - qui devra être appliqué sur tous les continents au 1er février 2006.

La seconde raison réside dans l'évaluation que nous avons pu faire de la loi, notamment à la lumière des révélations de l'affaire COFIDIS. Il nous faut améliorer le dispositif national de lutte contre le dopage. La révision de la loi obéit à un principe simple : la loyauté des compétitions internationales et de leurs résultats est du ressort des fédérations internationales. Elle repose à ce titre sur l'Agence mondiale antidopage et le code qu'elle a rédigé. Les compétitions nationales, quant à elles, seront du ressort d'une agence française de lutte contre le dopage qui sera créée à cet effet. Cette agence, qui regroupera les prescripteurs des contrôles effectués en dehors comme lors des compétitions, confiera les analyses au laboratoire national de dépistage du dopage. Elle sera également chargée de réformer les décisions des fédérations qui se révéleraient incapables de prendre leurs responsabilités.

Tels sont les deux axes majeurs du projet de loi. Les pouvoirs publics porteront leurs efforts sur la recherche, la prévention et la protection de la santé des sportifs. Telles sont les conditions qui nous permettront d'être plus efficaces dans la lutte contre le dopage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FISCALITÉ LOCALE

M. le président. La parole est à Mme Josiane Boyce, pour le groupe UMP.

Mme Josiane Boyce. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.

Madame la ministre, je sais que cette question vous a déjà été posée, mais elle est trop importante aux yeux des Français pour que je ne vous la pose pas de nouveau.

Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une véritable campagne politicienne de désinformation menée par la gauche, reposant sur la mauvaise foi et des contrevérités manifestes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Les présidents socialistes de conseils généraux et régionaux tentent de justifier la hausse importante de la fiscalité locale par le financement de la décentralisation et le paiement d'un « impôt Raffarin ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Est-ce la vérité qui vous fait peur ?

Dans ma région - la Bretagne -, cette augmentation dépasse 18 % ! Les victimes de ces hausses inconsidérées sont nos concitoyens, c'est-à-dire la France qui travaille et les entreprises qui concourent au dynamisme économique de notre territoire...

M. Bruno Le Roux. C'est insupportable !

M. le président. Monsieur Le Roux, laissez Mme Boyce s'exprimer.

Mme Josiane Boyce. ...et qui ont déjà beaucoup de mal à faire face à la concurrence nationale et internationale. Or, chacun le sait, l'argument de la décentralisation est faux. Les transferts de compétences aux collectivités locales sont intégralement compensés sur le plan financier, ainsi que le garantit la Constitution. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Ce n'est pas une question !

M. le président. Monsieur Montebourg, je vous prie de vous taire.

Mme Josiane Boyce. Cette pression fiscale est en fait le résultat de la gestion irraisonnée de nos collectivités locales par la gauche ! (Mêmes mouvements.)

M. Claude Bartolone. C'est absolument faux !

M. le président. Monsieur Bartolone, la parole est à Mme Boyce.

Mme Josiane Boyce. En revanche, si des collectivités subissent aujourd'hui des transferts de charges non financés, ils ne sont pas le fait du Gouvernement actuel, mais constituent l'héritage du gouvernement Jospin qui les a multipliés. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Augustin Bonrepaux. C'est insupportable !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, taisez-vous !

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne pouvons laisser proférer de telles contrevérités !

Mme Josiane Boyce. À chacun ses responsabilités : celles-là sont les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Cela suffit, mes chers collègues : un peu de calme !

Posez votre question, madame.

Mme Josiane Boyce. Je me contenterai d'un seul exemple : l'APA, pour le financement de laquelle la gauche a transféré 800 millions d'euros aux départements alors que l'attribution de cette compétence leur a coûté 2,5 milliards d'euros en 2003.

M. Bruno Le Roux. Il ne s'agit pas d'une question !

M. le président. Monsieur Le Roux, taisez-vous !

Mme Josiane Boyce. Madame la ministre, que pensez-vous de la politique fiscale des présidents de région socialistes, qui doivent assumer l'entière responsabilité du choix qu'ils ont fait de taxer les habitants ? (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Une telle politique est à l'opposé de celle que le Gouvernement conduit en faveur de l'emploi et du pouvoir d'achat. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur certains bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. C'est une provocation !

M. le président. Monsieur Bataille, je vous prie de vous taire !

La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Cela commence bien !

M. le président. Chacun doit recouvrer son calme ! Quel spectacle vous donnez !

M. Augustin Bonrepaux. C'est à M.Gaymard de répondre !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, soyez tolérant.

Seule Mme la ministre déléguée à l'intérieur a la parole.

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. Si j'ai bien entendu, madame la députée, vous m'interrogez sur la fiscalité locale en Bretagne. Je n'ai pas besoin de faire le tour de France des régions pour vous rappeler que la Bretagne a effectivement vu augmenter de 17 % ses taxes professionnelles.

M. Augustin Bonrepaux. C'est à M. Gaymard de répondre !

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. La fiscalité indirecte a augmenté de 19 %. L'ensemble constitue un prélèvement supplémentaire de 37 millions d'euros !

Or, nous constatons que si, dans le même temps, les investissements ont diminué de 10 millions d'euros, les frais de fonctionnement ont progressé quant à eux de 40 millions d'euros.

M. François Hollande. De quoi parle-t-elle, monsieur le président ?

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. J'arrête là mon tour de France des régions. Les arguties de certains présidents de conseils régionaux n'ont convaincu personne. Elles ont au contraire jeté le discrédit sur certaines collectivités régionales. Une commission d'enquête sur les finances locales, présidée par un élu de gauche, sera bientôt mise en place, sur proposition de Bernard Accoyer et de Pierre Méhaignerie : seuls les faits intéresseront cette commission d'enquête (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)...

M. Augustin Bonrepaux. Et l'appartement de M. Gaymard, ce n'est pas un fait, peut-être ?

Mme Martine David. L'avez-vous visité, madame Roig ?

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. ...qui établira les responsabilités de chacun. (« Assis ! Assis ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. C'est insupportable, monsieur le président ! Nous ne pouvons laisser Mme Roig tenir de tels propos !

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une véritable catastrophe. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, veuillez vous taire ! Il ne sert à rien de crier : on ne vous entend pas à la télévision.

Je vous prie de conclure, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. La décentralisation était attendue par nos concitoyens.

M. Gérard Bapt. Pas dans ces conditions !

M. le président. Laissez la ministre conclure !

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. Elle est une grande ambition pour la France, car elle permet la modernisation que nous attendions et à laquelle aspirent nos concitoyens. Cette décentralisation méritait mieux...

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intérieur. ...que les polémiques politiciennes auxquelles nous assistons aujourd'hui. La décentralisation sera mise en place parce que la représentation nationale l'a votée et que les Français la veulent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, le spectacle que vous offrez aujourd'hui est affligeant.

M. Augustin Bonrepaux. Les propos de Mme Roig constituent une véritable provocation !

M. le président. M. Bonrepaux, si vous ne voulez pas qu'on crie lorsque vous posez une question, ne criez pas vous-même !

AVENIR DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE
CORSE-MÉDITTERRANÉE

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci, pour le groupe socialiste.

M. Simon Renucci. Ma question, à laquelle s'associent Sylvie Andrieux et Christophe Masse, députés des Bouches-du-Rhône, s'adresse à M. le Premier ministre.

La Société nationale Corse-Méditerranée est un acteur majeur de la politique de continuité territoriale entre la Corse et le continent. Depuis longtemps, la compagnie assume les obligations de service public fixées par l'État et la collectivité territoriale de Corse. Elle joue aussi un rôle essentiel dans le développement économique du sud de notre pays : la Corse, la Côte d'Azur autour de Nice, la Provence avec les ports de Marseille et Toulon. Près de 10 000 emplois sont directement ou indirectement concernés par son avenir.

Selon certaines informations, les résultats d'exploitation pour 2004 feraient apparaître des difficultés financières. Des rumeurs et des supputations ont été distillées mettant en cause la survie même de la compagnie. Plus récemment, des déclarations ministérielles ont hâtivement conclu à la nécessité de faire appel à des capitaux privés pour assurer le redressement de l'entreprise. Ces déclarations ont provoqué, monsieur le Premier ministre, un vif émoi chez nos concitoyens et la très légitime inquiétude des salariés et de leur famille.

La première exigence est d'établir la vérité comptable et de la rendre publique. La perte, estimée à 28 millions d'euros, doit être rapportée à un actif de 500 millions et à des fonds propres évalués à plus de 110 millions. Surtout, les résultats de la SNCM doivent être examinés au regard de ses obligations de service public. Il faut que vous le sachiez, les élus, la population et les salariés ne veulent pas du démantèlement, ni de la privatisation de la compagnie. Ils ont trop d'exemples récents pour ignorer le sort qui lui serait réservé.

La deuxième exigence, monsieur le Premier ministre, est le maintien de l'égalité d'accès au transport de tous les citoyens durant toute l'année, donc du service public.

M. le président. Monsieur Renucci, venez-en à votre question.

M. Simon Renucci. J'y viens, calmement, monsieur le président.

M. le président. Il faut tout de même que vous y arriviez.

M. Simon Renucci. Je ne crois pas avoir été très long, monsieur le président.

Une table ronde, obtenue grâce à la pugnacité de certains élus et réunissant tous les partenaires, se tiendra demain à Marseille.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que la SNCM restera bien une entreprise publique à part entière ?

Et quelles actions concrètes votre gouvernement va-t-il engager pour conforter sa mission de service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à mer.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, vous abordez une question grave : l'avenir d'une grande entreprise, la SNCM, qui emploie 2 400 personnes et qui assure des missions essentielles de service public en desservant la Corse.

Cette entreprise rencontre des difficultés sérieuses, vous l'avez dit : des pertes estimées aujourd'hui à 28 millions d'euros, malgré une recapitalisation de 65 millions d'euros opérée par l'État en 2003. Si aucune solution n'est trouvée, l'entreprise ira vers des difficultés croissantes.

Notre seul objectif est d'assurer l'avenir de cette grande entreprise de transport maritime et nous nous y employons. Aujourd'hui, aux termes du plan de redressement qui a été conclu en 2003, et en raison des règles de la concurrence, ni l'État ni aucune collectivité publique ne peut, durant dix ans, apporter de nouveaux fonds propres à l'entreprise. Or elle en a besoin, d'autant plus que nous refusons la vente par appartements et le démantèlement. Nous réaffirmons qu'il faut maintenir l'unité de la SNCM. Dans ces circonstances, il est légitime de rechercher des fonds propres auprès d'actionnaires.

En tout état de cause, je peux vous affirmer, monsieur le député, que notre volonté est d'associer tous les partenaires concernés - les collectivités locales, les représentants des collaborateurs de la SNCM - à la recherche d'une solution. C'est la raison pour laquelle, demain matin, à Marseille, je vais m'entretenir avec tous les partenaires pour voir si nous sommes d'accord sur le constat et si nous pouvons envisager ensemble des solutions. Je prends l'engagement devant vous qu'aucune solution ne sera définie sans information et sans une concertation étroite avec tous les partenaires concernés, en particulier les représentants des salariés de cette grande entreprise de transport maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS
À LA RÉUNION

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe UMP.

M. René-Paul Victoria. Madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, je souhaiterais appeler votre attention sur la nécessité de créer des postes d'auxiliaires de vie scolaire à la Réunion pour la prochaine rentrée.

En effet, mon département qui connaît encore une démographie galopante, rencontre de ce fait des problèmes plus nombreux que ceux des départements métropolitains. La situation des handicapés n'échappe pas à la règle, en particulier leur intégration scolaire. Les familles se trouvent souvent dans une grande détresse morale et ne savent pas toujours quoi faire. Or une pleine intégration des jeunes handicapés passe par leur bonne insertion scolaire. Il est donc urgent d'agir tant par des aides directes, comme l'accueil et l'accompagnement de ces jeunes à l'école, que par l'amélioration des accès aux établissements scolaires.

Je souhaiterais donc savoir combien de postes d'auxiliaire de vie scolaire seront attribués au département de la Réunion et quelles mesures vous entendez prendre, madame la secrétaire d'État, pour permettre à tous les enfants d'accéder aux établissements scolaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le député, il est vrai que la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés est un enjeu clef pour leur future insertion sociale et professionnelle. Il est donc essentiel que la loi pour l'égalité des droits et des chances ait rappelé, comme le code de l'éducation, la nécessité de la scolarisation.

L'académie de la Réunion développe une action extrêmement volontariste pour l'insertion des enfants handicapés à l'école. Je vais vous fournir quelques chiffres éloquents : 2 300 enfants handicapés sont aujourd'hui scolarisés, répartis dans 135 classes d'intégration scolaire et dans 19 unités pédagogiques d'intégration, qui savent prendre en compte toutes les formes de handicap - cognitif, sensoriel et physique. En outre, 600 enfants sont intégrés en milieu ordinaire et suivent une scolarité tout à fait classique ; un tiers d'entre eux sont assistés par les auxiliaires de vie scolaire. Il faut y ajouter le nombre de places dans les services d'éducation spéciale et de soins à domicile - les SESSAD -, qui permettent un accompagnement personnalisé.

Ces chiffres, monsieur le député, tracent notre feuille de route pour l'année scolaire 2005-2006. Leur examen montre qu'il faudra sans doute renforcer dès 2005 le nombre d'unités pédagogiques d'intégration, en particulier pour les handicapés moteurs, et les places en SESSAD. Je tiens néanmoins à vous rassurer, monsieur le député. Grâce au programme volontariste de création de places voulu par le Premier ministre, aux unités pédagogiques d'intégration qui seront créées dans les trois prochaines années, conformément aux souhaits du ministre de l'éducation nationale, François Fillon, la Réunion trouvera les réponses qu'elle est en droit d'attendre. J'ajoute que, demain, vous recevrez la visite de ma collègue, Brigitte Girardin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous travaillons ensemble à l'élaboration de ce plan d'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TRANSPORT AÉRIEN ET NUISANCES SONORES

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour le groupe UMP.

M. Georges Tron. Mon collègue Nicolas Dupont-Aignan s'associe à ma question qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement et des transports.

Les chiffres du développement du trafic aérien en France sont édifiants, monsieur le ministre : une augmentation de l'ordre de 3 % ou 3,5 % et, en Île-de-France, de 5 % environ pour le trafic passagers et de 7 % pour le fret. Je rappelle que 2,5 millions de personnes vivent à proximité des aéroports et que 500 000 sont exposées directement aux nuisances aériennes.

Vous avez bien voulu, monsieur le ministre, et nous y sommes très sensibles, prendre diverses mesures pour rassurer les riverains. Ainsi, le périmètre du plan de gênes sonores et celui du plan d'exposition au bruit ont été modifiés. À Orly, vous avez confirmé la limitation du nombre des mouvements à 250 000 et l'interdiction des vols de nuit. Cette dernière est fondamentale, mais nous avons parfois le sentiment que quelques-uns, pour des raisons économiques ou financières, voudraient revenir dessus.

En outre, monsieur le ministre, nous éprouvons quelques inquiétudes, surtout concernant les avions quadriréacteurs qui desservent notamment les DOM-TOM, et qui sont particulièrement bruyants.

Dans le sillage de la proposition de loi que M. Dupont-Aignan et moi avons déposé ensemble, et qui visait à accroître le montant des sanctions financières prononcées contre les compagnies aériennes qui ne respectent pas les normes de bruit, je souhaiterais savoir précisément comment on peut limiter les nuisances causées par ces avions et quelles mesures le Gouvernement ou les compagnies pourraient prendre pour respecter la tranquillité des riverains des aéroports. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, il est vrai que, depuis deux ans, nous avons pris de nombreuses mesures. Je tiens à vous rassurer, nous ne reviendrons pas dessus. À Roissy, nous avons diminué fortement les vols de nuit, et les avions les plus bruyants. Nous avons mis en place une taxation modulable pour encourager les vols de jour et décourager les vols de nuit. Enfin, nous avons augmenté substantiellement l'aide aux riverains qui sont les plus gênés.

Allons-nous nous arrêter en si bon chemin ? Bien sûr que non ! Nous avons beaucoup travaillé, avec Nicolas Dupont-Aignan et vous-même, sur l'Essonne dont les habitants sont gênés par des avions très bruyants. J'ai l'impression que nos efforts communs vont être récompensés peut-être plus vite que nous ne le pensions. Ce matin, j'ai reçu un coup de fil du président d'Air France-KLM, M. Spinetta, qui doit tenir un conseil d'administration aujourd'hui à dix-sept heures. Il lui proposera de remplacer dans un délai court les quadriréacteurs par des avions bimoteurs. Ces derniers font moins de bruit et, montant plus vite, monsieur le député, ils ont l'avantage de survoler les habitations de l'Essonne à plus haute altitude. Nous espérons donc que le conseil d'administration validera la proposition du président Spinetta. En ce qui me concerne, je n'ai qu'à me louer de nos efforts communs pour obtenir des résultats tangibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AVENIR DE LA RECHERCHE

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, députée non inscrite.

Mme Martine Billard. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la recherche et porte sur le projet de loi d'orientation pour la recherche.

Monsieur le ministre, après les manifestations de chercheurs au début de ce mois, qui faisaient écho à celles de l'an dernier, vous avez retardé la divulgation de vos intentions, de peur d'ajouter au mécontentement alors que les lycéens et les enseignants battent déjà le pavé. Mais votre avant-projet a « fuité » et nous savons désormais qu'il tord le cou aux propositions des États généraux de la recherche. Tout y est dénaturé au nom de l'impératif d'innovation.

Ainsi, l'ensemble des crédits de recherche seraient alloués par une agence ayant statut d'établissement industriel et commercial. Que deviennent donc les institutions de recherche existantes ?

Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur proposés par les chercheurs devaient améliorer l'offre de formation sur le territoire et être des interlocuteurs pour les acteurs économiques locaux : ils seraient transformés en « pôles de compétitivité » orientés vers l'utilisation de court terme par le secteur marchand, au risque de provoquer, du fait d'une gestion privée, le démembrement des universités.

Dans ce contexte, que devient notre recherche fondamentale ? Quelles avancées peut-on espérer pour la recherche médicale ou technologique et quelle prise en compte du développement soutenable, si les fonds publics sont absorbés par les impératifs mercantiles de mise sur le marché ?

Pour ce qui est des moyens, nous sommes loin des 3 % du PIB promis par le Président de la République !

Dans ce paysage déjà particulièrement dégradé, la recherche en sciences humaines est totalement laminée. De coupes budgétaires en gels de crédits, le CNRS ne recrute pour ainsi dire plus. Pourtant, de plus en plus de doctorants de très bon niveau sortent de nos universités et il faudrait dès à présent prévoir les remplacements pour les départs en retraite massifs qui auront lieu dans quelques années.

À l'heure où la mondialisation des économies et des cultures s'impose comme une donnée de nos sociétés désarticulées par une marchandisation en manque de sens, qui pourrait nier la nécessité de constituer et de transmettre un savoir d'excellence dans les diverses sciences humaines et sociales ?

M. le président. Avez-vous une question à poser, madame ?

Mme Martine Billard. Voici ma question, monsieur le ministre : confirmez-vous cette réécriture totale de votre avant-projet de loi ? Quel est le calendrier prévu ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour sauver la recherche fondamentale dans notre pays, sans oublier les sciences humaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame la députée, il n'y a pas d'avant-projet de loi, mais un document de travail dont je démens qu'il soit l'amorce d'un projet de loi, et encore moins d'une loi.

Il faut souligner avant tout que nous allons disposer de moyens : la programmation jusqu'à 2010 permettra d'atteindre les 3 % du PIB consacrés à la recherche.

M. Pierre Cohen. Vous n'y arriverez pas !

M. le ministre délégué à la recherche. C'est un objectif européen aussi bien que français.

En 2005, 2006 et 2007, 6 milliards de crédits publics iront à la recherche.

Mme Martine David. Allons donc !

M. le ministre délégué à la recherche. Tous les secteurs seront concernés, et tout particulièrement la recherche fondamentale, qui constitue le socle de toute bonne politique de recherche. La recherche en sciences humaines, qui contribue tant au rayonnement intellectuel de la France, est bien entendue prise en compte.

Nous avons des atouts qu'il faut renforcer, ainsi que des priorités : les sciences de la vie, par exemple, ont des incidences directes dans le domaine de la santé, dans la lutte contre le cancer. Priorité est également accordée aux technologies : la recherche en informatique, notamment, est indispensable.

Mais je récuse, madame Billard, l'approche quelque peu idéologique qui est la vôtre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il n'y pas de « marchandisation » de la recherche, mais une politique européenne et française qui vise à l'excellence et qui veut s'appuyer sur un système d'évaluation efficace et transparent.

Rappelez-vous : entre 1998 et 2001, plus de 250 millions d'euros de crédits destinés à la recherche ont été annulés ; le plan d'emploi pour la recherche pour 2006 et 2007 prévoyait même des suppressions d'emplois. Tout cela a été signé par M. Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58-2 du règlement.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce matin, avant la clôture de la discussion générale, le président de séance a annoncé que le Gouvernement déclarait l'urgence sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

Au nom du groupe socialiste, je m'insurge contre cette décision et exprime ma totale incompréhension : comment l'accepter s'agissant d'un projet de loi qui, selon le ministre lui-même, engage l'avenir de l'école pour les quinze ans à venir ?

En déclarant l'urgence, on réduit au minimum le débat parlementaire sur une loi d'une grande importance qui constitue, d'après le Président de la République lui-même, un des chantiers prioritaires de son quinquennat !

Chacun s'accorde à dire que le sujet est au cœur de la République, au cœur de l'action publique. Il a mobilisé pendant des mois des centaines de Français.

Monsieur le président, monsieur le ministre, nous n'acceptons pas que, pour cacher une copie bâclée, on nous impose un débat tronqué ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Il y a là une véritable volonté de passage en force.

Monsieur le ministre, est-ce votre seule réponse au mécontentement des lycéens et des enseignants, qui s'est encore massivement exprimé hier ?

Est-ce votre seule réponse aux propositions que, depuis hier, nous vous faisons, par le biais de notre président de groupe Jean-Marc Ayrault auquel vous n'avez d'ailleurs pas répondu ?

M. le président. Je vous remercie, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Je termine, monsieur le président.

Nous ne voulons pas qu'au mépris affiché vis-à-vis des lycéens et des enseignants s'ajoute le mépris à l'égard du Parlement, et nous vous demandons une suspension de séance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Durand, vous êtes parlementaire depuis 1988 et vous savez que ce n'est pas la première fois que l'urgence est déclarée sur un texte.

M. Jean-Marie Le Guen. Au lendemain d'une manifestation ?

M. le président. Selon l'article 102 du règlement, le Gouvernement peut déclarer l'urgence en vertu de l'article 45 de la Constitution.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous le savons ! Nous parlons politique, pas Constitution !

M. le président. Il n'y a pas de discussion à ouvrir sur l'urgence. C'est une faculté qui appartient au Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen. Il peut aussi procéder par ordonnances, pendant qu'il y est !

M. le président. C'est possible. Dans le domaine de l'éducation, il y a déjà eu des précédents. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et je vous conseille, monsieur Le Guen, puisque vous le prenez ainsi, d'aller voir si la précédente loi sur l'éducation n'a pas été examinée en urgence à l'Assemblée nationale ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mais la question n'est pas là ! On ne change pas les règles en cours de discussion !

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour un rappel au règlement.

M. François Liberti. Monsieur le président, nous savons parfaitement que le Gouvernement peut décider d'engager cette procédure.

Vous rappelez à la représentation nationale qu'en d'autres circonstances, elle a été utilisée. Sans doute. Mais le problème n'est pas là : il est qu'aujourd'hui, nous discutons d'un projet de loi qui est fortement contesté par tous les acteurs de l'école.

M. Christian Paul. Tous sans exception !

M. François Liberti. La discussion vient de s'engager à l'Assemblée nationale et nous avons présenté une alternative à ce projet. Le ministre nous avait d'ailleurs affirmé que le débat était ouvert, que tout pouvait être entendu. Or, au bout d'une journée, on nous annonce que le débat est verrouillé !

Cela prouve que vous perdez votre sang-froid, face à la mobilisation qui s'est organisée contre ce projet. Cela prouve que vous voulez faire passer celui-ci en force.

C'est très petit par rapport à l'enjeu de ce texte ! Cela prouve que ce dernier est dangereux, comme l'ont bien repéré ses victimes potentielles.

Aujourd'hui, le ministre ne veut pas que le débat se prolonge. Nous demandons l'abandon de cette procédure, ainsi qu'une suspension de séance.

M. le président. La suspension de séance est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Je pense que nous ne nous sommes pas bien compris, monsieur le président. Nous avions, par la voix de M. Durand, demandé une suspension de séance. Vous ne l'avez pas accordée. Puis, M. Liberti, à son tour, en a demandé une.

M. Jean-Marie Le Guen. Et vous la lui avez accordée !

M. Jean-Marc Ayrault. Or nous avions de bonnes raisons de faire cette demande. Le délai que vous avez accordé à M. Liberti ne nous a pas laissé le temps de nous réunir. Je n'ai pas vu le quart des membres du groupe socialiste !

Monsieur le président, j'ai le plus grand respect pour le règlement et la Constitution en vertu desquels, vous nous l'avez rappelé, le Gouvernement a le droit de déclarer l'urgence sur un texte. Nous le savons bien. Seulement, il le fait après en avoir délibéré en Conseil des ministres, lors de la présentation d'un projet de loi. Les règles du jeu sont alors claires.

M. Jean-Marie Le Guen. Exact !

M. Jean-Marc Ayrault. Depuis hier, nous avons eu un débat de bonne tenue, un dialogue républicain riche et utile à l'éducation et à l'avenir du pays. Et soudain, à la fin de la séance de ce matin, nous apprenons que le Gouvernement décide de déclarer l'urgence sur ce projet.

M. Jean-Marie Le Guen. À la matraque !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne sommes pas complètement naïfs et nous nous doutons bien qu'il y a des raisons à cela. Nous avons besoin d'y réfléchir. Car il est bien évident que la décision du Gouvernement change la donne, donc le climat dans lequel vont se dérouler nos travaux. Vous prenez vos responsabilités, monsieur le ministre, nous prenons les nôtres. Et pour cela, j'ai besoin de réunir mon groupe. Je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance qui me laisse le temps de le faire dans des conditions décentes pour intégrer cette nouvelle donne et arrêter notre stratégie pour la suite de nos travaux.

M. le président. Compte tenu de la lenteur des ascenseurs, je vous accorde un quart d'heure.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas suffisant !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

    3

AVENIR DE L'ÉCOLE

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi d'orientation

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école (nos 2025, 2085).

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, notre débat est enfin engagé. Nos concitoyens vont pouvoir juger nos orientations et évaluer les contre-propositions de l'opposition.

Je renouvelle mes remerciements à M. le rapporteur pour la qualité de son rapport (Approbation sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et pour la clarté de son analyse, fondée sur son expérience.

Les orateurs de la majorité ont, chacun à leur façon, parfaitement saisi l'esprit du texte, qui est d'ouvrir le chemin de la réussite pour tous en recentrant nos priorités éducatives et en personnalisant le soutien scolaire. M. Geoffroy l'a magistralement démontré au cours de son intervention.

Face au statu quo, l'UMP mais aussi l'UDF ont montré qu'elles recherchaient des solutions innovantes. Celles-ci peuvent, il est vrai, ébranler, ici ou là, certaines habitudes du système éducatif mais, lorsqu'un système s'essouffle malgré le dévouement des enseignants et les efforts financiers de la nation, c'est bien le rôle du politique que de revisiter les pratiques et les missions du service public.

Je ne puis répondre de manière individuelle et précise à la quarantaine d'orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale et qui ont tous évoqué avec cœur leur vision de l'école. Je vais tenter de saisir l'essentiel de leurs interventions.

Certains orateurs de l'opposition, ont d'abord regretté que le consensus ne se soit pas réalisé sur cette réforme et ont même réclamé son retrait.

En France, chacun le sait, 60 millions d'avis coexistent sur l'école. Les débats sont encore marqués par de vieux clivages idéologiques, et nous en avons eu quelques illustrations,...

M. Patrick Roy. Non ! Non !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...par des querelles entre disciplines et méthodes pédagogiques, parfois même entre parents et corps enseignant.

Dans ces conditions, je dis à M. Ayrault et à M. Liberti qu'espérer atteindre le consensus est une utopie, à moins de le faire sur l'immobilisme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Patrick Roy. D'autres ont réussi !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...en finançant le statu quo et, disons-le, en finançant le silence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour avancer la réforme doit - vous le savez bien - passer par des choix forcément critiqués et momentanément contestés.

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes mal engagé ! N'en rajoutez pas !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames et messieurs les députés, dans ce débat, l'opposition a également fait mine de croire que ce projet surgissait de nulle part.

M. Christian Paul. Vous vous enlisez !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En réalité, peu de projets législatifs ont fait l'objet d'une telle confrontation d'idées, d'échanges et d'avis. (« Avec quels résultats ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Il y a eu un an de débat, 25 000 réunions auxquelles des centaines de milliers de Français ont participé.

M. Jean-Pierre Blazy. Ils ne s'y retrouvent pas !

M. Serge Janquin. Ils sont floués !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai organisé une concertation avec les membres de la communauté éducative sur les conclusions du rapport Thélot, puis une nouvelle concertation sur nos propres propositions.

Il est tout à fait inexact de prétendre que le rapport Thélot ne serait pas à la source de notre projet de loi. Le parti socialiste critique l'ambition de la réforme. Mais, en même temps, se réfère aux travaux de la commission Thélot.

M. Christian Paul. Il critique le manque d'ambition !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai bien noté l'explication de M. Durand selon laquelle il avait indiqué à la commission Thélot la position du parti socialiste. Il n'en reste pas moins que le rapport, tel qu'il est publié, mentionne la liste des participants et qu'en face du représentant du parti socialiste figure un point d'interrogation.

M. Yves Durand. J'ai participé à la commission, pas aux travaux ! Ce n'est pas pareil !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La vérité, c'est que le projet qui, aujourd'hui, semble avoir l'accord du parti socialiste est un projet dont nous avons retenu beaucoup de propositions. Nous avons naturellement retenu le socle en l'enrichissant même de plusieurs éléments : le soutien, la priorité aux langues vivantes, et nous allons en reparler dans le cours du débat.

Mais, puisque le parti socialiste m'y invite, je voudrais dire un mot des conclusions de la commission Thélot que nous avons écartées. Je crois en effet qu'il est de la responsabilité de tout gouvernement de faire des choix et de s'en expliquer.

Je n'ai pas retenu l'idée d'obliger chaque élève, dès le primaire, à apprendre l'anglais. Je rends justice à M. Thélot d'avoir tenu là une position courageuse. Certains pays, notamment du nord de l'Europe ont fait ce choix. En France, nous éprouvons un réel attachement à la diversité linguistique, et pas seulement en Alsace. Ma philosophie de l'école - et j'ose dire aussi ma philosophie politique - ne m'incline d'ailleurs pas à multiplier les obligations. Les parents et les élèves doivent être informés, mais c'est à eux de choisir.

J'observe d'ailleurs que les élèves qui ne font jamais d'anglais de toute leur scolarité représentent moins de 3 %.

Dans le même esprit, je n'ai pas retenu l'abaissement de la scolarité obligatoire à cinq ans. Plus de 95 % des élèves sont effectivement scolarisés avant leur sixième anniversaire. Certaines familles, pour diverses raisons, font le choix contraire. Je ne vois pas de raison impérieuse de les contraindre. D'autant moins que, curieusement, certains membres de la communauté éducative y voyaient une réelle menace pour la maternelle, comme si la grande section devait être dissociée. Notre école maternelle est une vraie réussite, et je crois qu'il ne faut rien faire qui puisse la fragiliser.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La troisième proposition que je n'ai pas retenue tendait à créer un statut du lycéen professionnel avec une rémunération. Je pense qu'il s'agit là d'une fausse bonne idée. Au-delà de son coût, j'observe qu'il est assez difficile socialement de créer ainsi une attraction forte pour les filières professionnelles, au détriment des séries générales et technologiques. Ce serait accentuer les biais sociologiques dans les choix d'orientation. J'ai préféré mettre en place un projet ambitieux de bourses au mérite s'ajoutant aux bourses sur critères sociaux.

La commission du débat national proposait aussi une organisation très structurée des établissements scolaires. Je l'ai jugée trop lourde et je me limite à l'institution du Conseil pédagogique, qui est pour moi l'essentiel.

La commission évoquait aussi une importante évolution du métier d'enseignant,...

M. Yves Durand. Non !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...en prévoyant notamment un temps d'accompagnement des élèves, de travail en équipe, de coordination, de relation avec les familles. D'aucuns évoquaient ainsi un temps de travail hors enseignement de trois à six heures par semaine. Je n'ai pas retenu cette idée...

Mme Nathalie Gautier. A tort !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...pour plusieurs raisons.

D'abord, parce que l'article L. 912-1 du code de l'éducation issu de la loi de 1989 prévoit déjà que ces missions font partie du travail des enseignants, au même titre que leurs cours aux élèves. C'est un principe qu'explicite largement une circulaire du 23 mai 1997.

Ensuite, les discussions menées avec les syndicats amenaient de manière évidente à amputer le temps d'enseignement si l'on voulait dégager une marge pour ce qui serait considéré comme une tâche nouvelle, alors qu'elle fait déjà partie du travail de l'enseignant.

M. Henri Emmanuelli. On économise des postes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Enfin, je ne crois pas qu'on puisse quantifier de manière bureaucratique cette partie du métier d'enseignant. Nous savons tous que beaucoup d'entre eux, avec une grande conscience, y consacrent beaucoup plus de trois heures par semaine.

Sans vouloir être exhaustif sur l'analyse du rapport Thélot, je relève néanmoins que le chiffrage du total des mesures était de l'ordre de 8 milliards d'euros, ...

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...qui sont à rapporter aux 56 milliards d'euros du budget annuel de l'enseignement scolaire. Je pense que ce montant n'était pas raisonnable.

M. Jean-Pierre Blazy. Il n'y a pas d'argent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. D'autres différences peuvent être signalées. La commission Thélot proposait qu'une Haute autorité se substitue au ministre pour décider du socle et des programmes. Je vous propose, quant à moi, d'en rester aux principes démocratiques classiques, où le Gouvernement, mandaté par la nation, gouverne. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les sujets éducatifs doivent rester le fait de la nation. Et je ne suis pas favorable à ce qu'ils soient confisqués par des experts, voire par des personnalités indépendantes.

M. Bernard Carayon. Excellent !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne récuse pas pour autant l'importance d'avis,...

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas la même chose !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...d'expertises et je vous propose donc un Haut conseil qui donnera au Gouvernement un éclairage indispensable à des décisions transcendant les polémiques internes.

Je n'ai pas non plus retenu la création d'établissements publics locaux pour rassembler des écoles voisines. Je pense, en effet, que le lien entre la commune et son école primaire - n'est-ce pas, monsieur Nayrou ? - est trop fort pour être ignoré.

M. Henri Emmanuelli. Quand il y a des postes, ça va ! Quand il n'y en a pas... !

Mme Catherine Génisson. Cela existe déjà avec les RPI !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je n'ai pas voulu le rendre obligatoire ; c'est un choix qui est ouvert.

Mme Catherine Génisson. Cela se fait déjà !

M. Henri Emmanuelli. Il y a partout des RPI !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dites que vous êtes pour le regroupement des écoles primaires dans un cadre intercommunal ! Dites-le !

Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas volontaire, c'est imposé !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Personnellement, ne crois pas que notre pays soit culturellement prêt à accepter les conséquences de cette proposition, sauf quand elle mise en œuvre de manière volontaire par les écoles et par les élus locaux.

M. Henri Emmanuelli. Nous ne vivons pas dans le même pays !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce n'était pas la logique de la création des établissements publics locaux.

Nous avons retenu le brevet refondu, pour sanctionner l'acquisition du socle. Nous avons retenu une meilleure différenciation des filières au lycée. Nous avons retenu la simplification de la voie technologique. Nous avons retenu le développement des formations et des diplômes dans le secteur sanitaire et social, la rénovation de la série littéraire, la contractualisation des établissements avec l'académie, la réorganisation de la formation des enseignants, l'affectation des nouveaux enseignants dans leur académie de formation.

Mesdames, messieurs les députés, si au terme de la mise en œuvre de la loi, nous pouvons certifier aux Français que tous les élèves maîtriseront le socle de connaissances et de compétences indispensables, qu'ils parleront vraiment une langue étrangère, qu'il n'y aura plus, grâce au remplacement des enseignants absents, de classe sans professeur (« Tu parles ! » sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Daniel Paul. Ce n'est pas sérieux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...que les enseignants seront formés à la maîtrise de leur discipline, comme à la pratique de leur métier, ...

M. Alain Néri. Paroles ! Paroles !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...j'estime que nous aurons vraiment œuvré pour l'avenir des Français et pour celui de la France.

M. Christian Paul. Que de paroles !

Mme Arlette Franco. Que n'avez-vous agi quand vous étiez au gouvernement !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au cours de nos débats, beaucoup de contradictions sont apparues. Elles sont souvent révélatrices des hypocrisies trop longtemps accumulées sur l'école.

M. Guy Geoffroy. Il fallait le dire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Hypocrisie tout d'abord sur les objectifs et sur les résultats.

M. Jean-Pierre Blazy. Qui sont les plus hypocrites ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'école doit toujours tout faire : dispenser tous les enseignements, sur tous les sujets à tous les élèves.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais, derrière cette façade égalitaire, les résultats, vous le savez bien, stagnent, voire régressent depuis une dizaine d'années, et d'abord au détriment des catégories sociales les moins favorisées.

M. Henri Emmanuelli. C'est vrai !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Hypocrisie également autour du débat sur les moyens humains et financiers consacrés à l'école, au regard des résultats obtenus. Depuis vingt ans, le nombre des enseignants a augmenté de plus de 100 000, alors que celui des élèves a diminué de plus de 500 000. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis vingt ans, le budget de l'éducation nationale est en constante progression. La France est classée en tête des pays de l'OCDE pour sa dépense scolaire. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Qui ne voit, dans ces conditions, que la question des moyens ne peut plus être posée sans une redéfinition des priorités et de l'organisation de notre système éducatif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Vous plaidez pour la suppression de postes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'affirme que mon projet incarne la justice scolaire contre la façade égalitaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Sur ce point, beaucoup d'entre vous, à gauche, ont évoqué les ZEP et le soutien aux élèves en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je le redis avec force : l'effort supérieur à la moyenne en faveur des ZEP est et sera maintenu. (« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous ne pouvez pas dire cela ! Les textes qui créent les ZEP et les organisent ne sont pas modifiés par la loi qui vous est proposée.

M. Daniel Paul. Ce n'est pas la réalité !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous vous proposons d'ajouter aux moyens des ZEP, à travers les contrats individuels de réussite éducative, des moyens supplémentaires, dont tout le monde voit bien qu'ils iront majoritairement aux zones d'éducation prioritaire, puisque c'est dans celles-ci qu'il y a le plus de jeunes qui ont besoin de ces contrats.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec quels moyens ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce discours permanent sur les moyens est un peu court. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous allons y venir. Et si vous n'avez que cela comme argument, je comprends que le débat sur l'éducation nationale ne puisse pas prendre une autre ampleur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le discours de M. Ayrault, hier, avait une autre tenue que les cris que nous entendons aujourd'hui sur les bancs du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Hier, le président du groupe socialiste a évoqué la possibilité de recentrer et d'augmenter les aides sur les zones qui sont le plus en difficulté.

M. André Chassaigne. Vous faites le contraire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis prêt à ouvrir ce débat avec vous, comme avec les organisations syndicales, ...

M. Yves Durand. Il fallait le faire avant !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... à une condition : ...

M. Jean-Pierre Blazy. Le débat, ce n'est pas la procédure d'urgence !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...j'attends, pour ouvrir cette discussion - qui ne concerne pas le domaine législatif -, que tout le monde soit d'accord et s'y engage sans arrière-pensées.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec la procédure d'urgence !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Car si l'on veut concentrer les moyens sur les établissements qui en ont le plus besoin, il faut aussi accepter l'idée d'évaluer les zones d'éducation prioritaire et de sortir les établissements qui n'ont plus de raison d'y figurer.

M. Alain Gest. Exact !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne crois pas que tout le monde soit aujourd'hui prêt à faire cet exercice. C'est la raison pour laquelle nous attendrons encore un peu pour engager notre réflexion.

Hypocrisie aussi sur l'une des missions du système éducatif qui est de préparer nos jeunes à un métier. Tout le monde évoque les filières professionnelles. Mais, dans le même temps, on semble regretter que l'école ne prodigue pas exclusivement un enseignement académique.

Certains s'insurgent contre la relation que l'école entretient avec le monde du travail et de l'économie.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Personne n'a jamais dit cela !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est absurde et injuste à l'égard des adolescents qui privilégient les filières pratiques !

Mme Nathalie Gautier. Démagogie !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Concernant l'enseignement professionnel, nous affichons deux priorités. Le bac professionnel sera préparé en trois ans au lieu de quatre pour ceux qui le souhaitent et le peuvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Et les stages en entreprise ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le développement des filières professionnelles, si elles sont en adéquation avec les perspectives d'emplois et les techniques d'aujourd'hui, est indispensable à la poursuite de l'objectif des 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat. Dans la série technologique, le nombre des STI sera concentré sur des dominantes plus lisibles et plus attractives.

Mme Nathalie Gautier. Et les suppressions de postes ?

M. Jean-Pierre Blazy. On resserre le budget !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Voulez-vous que je vous cite Jean-Luc Mélenchon ? « Je suis en guerre contre cette mentalité de caste qui engendre l'humiliation en vendant la voie professionnelle comme une voie de relégation. C'est une idéologie de mépris du travail, de la technique, de la science. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. C'est ce que vous faites !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. Mélenchon a raison !

M. Jean-Pierre Blazy. Oui, il a raison !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il nous revient de donner à la voie professionnelle toutes ses lettres de noblesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. C'est nous qui l'avons fait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Gage de justice et de qualité, l'idée de socle autour de laquelle tournent tous nos échanges n'est pas pourtant exclusive. On a vu revenir dans le débat la hantise du « SMIC culturel ».

M. Jean-Pierre Blazy. « Le RMI culturel » !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Faut-il, une fois encore, répéter que rien dans les programmes n'est retiré à l'ambition d'aujourd'hui ? Mais il est temps de donner à l'école une obligation de résultat sur les éléments d'un « cœur » de connaissances et de compétences. Cette notion de socle est débattue et attendue depuis trente ans. Tous les connaisseurs du système, de droite comme de gauche, en ont souligné la nécessité pour combattre l'exclusion scolaire là où elle prend ses racines, c'est-à-dire dans la non-maîtrise des indispensables. La pire des exclusions, c'est l'illettrisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. On est d'accord !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est l'absence de maîtrise des fondamentaux qui rend impossible toute perspective professionnelle et sociale solide. C'est le principal défi que le projet de loi se propose de relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour autant, je l'ai dit et répété, les autres disciplines ne sont pas exclues, mais complémentaires de ce socle sur lequel elles s'appuient. Finissons-en avec les rumeurs et les craintes sans fondement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y aura aucun changement dans l'enseignement de l'éducation physique et sportive.

M. Jean-Pierre Blazy. Pas au brevet !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il n'y aura aucun changement dans l'enseignement des disciplines artistiques.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous verrons !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est vrai que j'avais proposé que le sport soit en option au brevet.

M. Henri Emmanuelli. C'était une erreur !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vais m'en expliquer. Le brevet n'est aujourd'hui ni obligatoire ni national, je vous le rappelle. C'est ce projet qui va le rendre obligatoire et national.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est bien, nous sommes d'accord !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il m'avait semblé qu'il fallait proposer aux élèves de se constituer, pour une part des épreuves, un panier d'options correspondant à leur excellence. Il y a en effet un risque à reproduire le schéma du baccalauréat général si l'on ne permet pas aux élèves, qui ne sont pas forcément attirés par les disciplines les plus classiques, de réussir tout de même leur brevet. J'avais donc proposé que, parallèlement au tronc commun, le candidat au brevet qui aime le sport, la musique et la technologie puisse faire valider son excellence au même titre que celui qui préfère le latin ou les langues vivantes. Telle est l'inspiration de notre projet. Si l'on ajoute le sport parmi les disciplines obligatoires, cela ne change pas fondamentalement cet équilibre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra l'amendement déposé sur ce point par l'UMP.

M. François Rochebloine. Et l'UDF !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et l'UDF !

Mme Martine David et M. Jean-Pierre Blazy. Les socialistes aussi !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et les socialistes et les communistes !

Beaucoup d'entre vous ont évoqué le rôle important des parents et des enfants. C'est évidemment pour eux que nous réformons. Cette réforme donnera aux parents l'assurance que des moyens nouveaux seront consacrés à la lutte contre la violence scolaire avec la multiplication des classes relais.

Les remplacements de courte durée des enseignants absents seront mieux organisés pour qu'aucun enfant ne soit privé d'enseignement.

M. Patrick Roy. Et en primaire ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au moins deux rencontres annuelles avec les enseignants seront obligatoires pour un meilleur suivi de la scolarité des enfants. Les parents participeront davantage à l'élaboration des projets d'école ou d'établissement scolaire. Pour la première fois, le rôle des associations de parents d'élèves apparaîtra dans le texte de loi.

Mais c'est surtout à nos enfants que ce projet est destiné. Beaucoup de lycéens ont manifesté ces jours-ci contre certaines de ses dispositions. Je suis sensible à leurs craintes et attentif à leur message, mais la situation de l'école exige le changement. Ce projet n'est pas seulement celui d'une majorité ou d'un responsable politique, c'est l'enjeu d'une génération. Il est pragmatique, précis et innovant. J'invite donc ses opposants à ne pas dire non au bon sens. L'école obligatoire sera recentrée sur les connaissances fondamentales. Trois heures de soutien hebdomadaire seront consacrées aux élèves en difficulté. Un plan sans précédent sera mis en place pour l'apprentissage des langues étrangères.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est de l'illusion !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous triplons le nombre des bourses au mérite et quintuplons les dispositifs relais. Le tout représente un effort financier de l'ordre de 2 milliards d'euros et la programmation de 150 000 recrutements d'enseignants d'ici à cinq ans. Qui peut légitimement affirmer que ce projet ne représente pas une réelle avancée contre l'échec scolaire dans notre pays ?

La question des moyens a été largement évoquée par l'opposition dont on a pu parfois penser que c'était le seul critère d'appréciation pour moderniser l'école.

M. Guy Geoffroy. Ils n'ont rien d'autre à dire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Concernant les moyens, notre discussion a déjà permis de relancer les objectifs figurant dans le rapport annexé. Votre rapporteur a rédigé des amendements qui donnent la traduction chiffrée du dispositif.

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà la programmation qui arrive !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je les résume : 321 millions d'euros pour le soutien scolaire dans le primaire ; 396 millions d'euros pour le soutien dans le secondaire ; 50 000 bourses au mérite en plus des 25 000 existantes...

M. Jean-Pierre Blazy et M. Patrick Roy. D'où tirez-vous tout cela ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...1 520 postes d'infirmières ; 1 000 unités pédagogiques d'intégration pour les handicapés ; 68 millions d'euros pour la formation des enseignants, à leur initiative, s'ajoutant au droit existant ; 1 000 dispositifs relais nouveaux et 10 000 équivalents temps plein pour rénover notre dispositif d'enseignement des langues.

Mme Nathalie Gautier et M. Jean-Pierre Blazy. Et les suppressions de postes aux concours ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est du concret, mesdames et messieurs !

M. Serge Janquin. Non, ce n'est pas du concret !

M. Henri Emmanuelli. Où trouvez-vous l'argent ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je le dis dès à présent, le Gouvernement acceptera ces amendements en se félicitant de la démarche du rapporteur en faveur d'un renforcement du projet.

M. Henri Emmanuelli. Mais vous ne pouvez pas dire comment vous le financez !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, déclarer l'urgence sur ce projet de loi est naturel. Certaines mesures prévues par le projet pourront s'appliquer dès la rentrée prochaine.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette urgence qui nous permettra de débattre pendant encore un mois de ce texte...

M. Christian Paul. Pas avec nous !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...est la marque de notre détermination. Personne ne doit en douter. Le temps de l'action est venu.

M. Jean-Pierre Blazy. D'où l'urgence !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. « La mission des hommes et des femmes qui font accéder les jeunes au domaine de la connaissance comporte, au point de vue humain, une responsabilité primordiale ! ». Cette conviction exprimée par Charles de Gaulle dans ses Mémoires d'espoir n'est pas restée dans le seul ordre du discours.

M. Jean-Pierre Blazy. Il va même chercher de Gaulle !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dès 1960, les collèges d'enseignement général ont été créés. En 1975, René Haby créait le collège unique. C'est dire, mesdames, messieurs les députés, que cette majorité est l'héritière d'une tradition réformatrice.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Blazy. Ah non, elle est en train de la démolir !

Mme Nathalie Gautier. C'est un retour en arrière !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il lui appartient aujourd'hui de la prolonger dans un nouvel effort pour que le service public soit au rendez-vous une fois encore et puisse conforter l'égalité des chances en même temps que l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'êtes pas des héritiers, vous êtes des fossoyeurs !

Rappel au règlement

Mme Martine David. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur quel article, madame ?

Mme Martine David. Sur l'article 58, alinéa 1er, du règlement !

M. le président. Cet article fonde les rappels au règlement. Vous devez donc me préciser sur quel article vous vous appuyez ! C'est la stricte application du règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Mme David connaît très bien le règlement !

M. le président. Je vous donne donc une minute, mais, en principe, on ne répond pas au ministre qui vient de répondre aux orateurs !

M. Jean-Pierre Blazy. Il n'a pas répondu à tous les orateurs !

M. le président. Vous avez la parole, madame David, mais je vous demande d'être brève.

Mme Martine David. Yves Durand et le président Jean-Marc Ayrault ont dénoncé le véritable coup de force du Gouvernement qui a déclaré, en fin de matinée, l'urgence sur ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est inacceptable !

Mme Martine David. Vous l'avez souligné avec raison, monsieur le président, cette procédure existe et est tout à fait conforme à notre règlement. Mais la brutalité du procédé est tout à fait condamnable ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, le Gouvernement, qui pouvait déclarer l'urgence hier, change la procédure en milieu de discussion, ce qui nous paraît tout à fait anormal.

M. Jean-Pierre Blazy. Il a peur !

Mme Martine David. Dans sa réponse, M. le ministre a trouvé naturel de déclarer l'urgence sur un texte aussi fondamental. Cela fait quinze ans que nous n'avons pas débattu d'un texte sur l'éducation. Nous allons maintenant le faire pour les quinze ans à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Quel aveu !

Mme Martine David. Est-il naturel de recourir à un procédé aussi brutal ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous pensons plutôt que les manifestations sont gênantes...

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

Mme Martine David. ...tout comme les déclarations d'hostilité à ce texte.

M. Céleste Lett. Ne les provoquez pas !

Mme Martine David. Une discussion qui s'éternise quelque peu, alors que l'ampleur du sujet le justifie, fait sans doute tache dans le contexte politique actuel !

En l'absence de réponse du ministre, le groupe socialiste estime nécessaire de se réunir à nouveau pour discuter de la suite à donner à ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je demande donc une suspension de séance.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne savais pas que la motion de renvoi en commission que je vous présente au nom du groupe socialiste serait aussi justifiée. Le Gouvernement a en effet déclaré l'urgence. Comme je vous l'ai déjà demandé lors de mon rappel au règlement, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que l'avenir de l'école mérite mieux que ce débat tronqué, annoncé par surprise alors que la discussion générale était déjà terminée ?

À vous entendre, j'ai l'impression de ne pas avoir lu le même texte que celui que vous nous présentez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Céleste Lett. Vous ne l'avez pas lu !

M. Guy Geoffroy. Il est disponible à la distribution !

M. Yves Durand. Depuis des semaines, vous nous assenez des paroles, des objectifs, comme vous venez encore de le faire à la tribune, mais le texte que nous lisons contient des dispositions qui, toutes, les contredisent.

Mme Martine David. Exactement !

M. Guy Geoffroy. Des preuves !

M. Yves Durand. Vous allez en avoir !

Vous venez, monsieur le ministre, de nous faire une liste de tous les crédits que vous allez affecter à cette réforme, dont vous estimez le coût à 1,5 milliard ou 2 milliards d'euros. Vous avez décliné, politique après politique, ce que cela signifie sur le plan budgétaire. Cela n'a de sens que si vous nous expliquez avant que nous ne terminions cette discussion où vous allez trouver les crédits.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne sont même pas votés !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce sera inscrit dans la loi. Cela s'appelle une loi de programmation !

M. Yves Durand. Si vous ne le faisiez pas, cela voudrait dire qu'il n'y a aucune réalité aux annonces que vous faites,...

M. Jean-Pierre Blazy. C'est du vent !

M. Yves Durand. ...mais, surtout, que vous allez créer une fois de plus un climat de défiance autour d'un sujet pourtant fondamental.

M. Guy Geoffroy. Parce que prendre des engagements ferait fuir la confiance ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les engagements sont forts !

M. Jean-Pierre Blazy. Il n'a pas d'argent et il veut nous faire croire qu'il en a !

M. Yves Durand. Je crains qu'avec ce texte, vous ne ratiez le rendez-vous...

M. Bernard Schreiner. Vous en avez raté beaucoup !

M. Yves Durand. ...que la nation doit avoir périodiquement avec son école.

Pourtant, vous aviez la chance, que peu de ministres de l'éducation ont eue avant vous, de trouver un véritable consensus sur la nécessité de réformer l'école. Il est faux de prétendre, comme vous le faites depuis que vous êtes à ce ministère, qu'il y aurait, d'un côté, les partisans de la réforme, dont vous seriez, et, de l'autre, les tenants de l'immobilisme, dans lesquels vous jetez pêle-mêle l'opposition bien entendu, mais aussi les syndicats d'enseignants, les parents d'élèves et les lycéens, c'est-à-dire tous ceux qui ne partagent pas votre opinion sur l'école. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est aussi un peu affligeant pour la qualité du débat démocratique...

M. Bernard Deflesselles. Vous allez sans doute l'élever !

M. Yves Durand. ...d'entendre M. Sarkozy, qui est à la fois le président du parti majoritaire et un ancien ministre de ce gouvernement, mépriser tous ceux qui s'opposent à cette réforme, terminant son propos, samedi dernier, devant des militants de l'UMP...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. De nouveaux militants !

M. Yves Durand. ...par ces mots : « Puisqu'ils ne sont pas d'accord avec nous, nous n'avons pas besoin d'eux ! »

Nous avons une autre conception de la démocratie.

De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh oui !

M. Alain Gest. Surtout dans les régions !

M. Bernard Deflesselles. En effet, on s'en rend compte dans les régions !

M. Yves Durand. Il est vrai que Nicolas Sarkozy tentait de mobiliser, en urgence, des troupes UMP qui montraient peu d'enthousiasme pour défendre votre projet.

M. Bernard Deflesselles. Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites !

M. Yves Durand. Non, monsieur le ministre, vous n'êtes pas le seul à proposer une évolution de notre système éducatif. Vous n'êtes pas le seul, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, à comprendre que notre école doit être réformée.

Votre réforme n'est pas la seule possible, elle n'est pas le point d'équilibre entre 60 millions d'avis, comme vous tentez de le faire croire. Tous les acteurs de l'école, tous les responsables sont d'accord, notre système éducatif doit évoluer pour retrouver un nouveau souffle, celui de la démocratisation.

Depuis la Libération et le plan Langevin-Wallon, toutes les réformes de l'école ont eu une double ambition : élever le niveau général de qualification de l'ensemble de la population et ouvrir à tous les enfants les portes du savoir.

M. Henri Emmanuelli. On ne dira pas la même chose de la réforme Fillon !

M. Yves Durand. Il en a été ainsi de la réforme Haby, créant le collège unique, que vous remettez en cause sans le dire, comme des dispositions d'Alain Savary créant les zones d'éducation prioritaires pour donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, comme de la loi de 1989 de Lionel Jospin. La gauche s'honore d'avoir initié ces politiques et d'y avoir largement participé. Vous nous demandez toujours nos propositions. Nous vous en présentons, Jean-Marc Ayrault l'a fait hier en défendant l'exception d'irrecevabilité,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'y avait rien !

M. Yves Durand. ...mais, au-delà, nous sommes fiers de notre bilan en matière d'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tous les responsables, qu'ils soient politiques ou syndicaux, reconnaissent que le blocage de la démocratisation depuis 1995-1996 exige des efforts nouveaux pour que l'école redevienne le maillon principal de l'égalité des chances, donc de la cohésion sociale. Vous avez cette chance que, pour une fois, tous partagent ce diagnostic, et je crains que vous ne soyez en train de la gâcher.

Le « miroir du débat » qui résulte de l'ensemble des consultations menées pendant une partie de l'année 2003 aurait dû être pour vous la source d'une grande ambition pour l'école. Vous avez choisi, au contraire, le renoncement.

S'il me fallait deux mots pour qualifier votre projet de loi, ce serait d'abord « supercherie », car, à côté des objectifs, il y a la réalité, ce que vivent aujourd'hui dans tous les établissements scolaires, dans tous les collèges, dans tous les lycées, les parents d'élèves et les élèves, c'est-à-dire des suppressions de postes massives. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Carrillon-Couvreur et M. Jean-Pierre Blazy. C'est ça la réalité !

M. Yves Durand. Ce serait par ailleurs « renoncement », renoncement aux ambitions qui avaient été celles des grands projets que je viens de rappeler, plan Langevin-Wallon, réforme Haby, loi Jospin de 1989.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Allègre ?

M. Yves Durand. Il avait aussi de l'ambition, vous ne l'avez pas toujours soutenu, mes chers collègues. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Très juste !

M. André Schneider. C'est vous qui l'avez éjecté !

M. Guy Geoffroy. Je vois que Mme David est une fan d'Allègre !

M. Yves Durand. Vous n'avez eu d'autre volonté que de chercher à contenter ce que vous pensez être les revendications immédiates des différentes catégories d'utilisateurs de l'école. Votre dernier article dans « un grand quotidien du soir », Le Monde, samedi dernier, ne fait, hélas ! que confirmer votre conception quasi consumériste de l'école : aux enseignants, un peu de liberté pédagogique. On ne sait pas d'ailleurs très bien en quoi cette liberté consiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ai été enseignant pendant trente ans. (Rires et Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je ne vois pas en quoi cela serait risible. J'ai exercé ce métier avec passion. En tant que fils d'instituteur et en tant qu'enseignant, l'école de la République, j'y tiens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous aussi !

M. Yves Durand. Dans ma classe, je n'ai jamais ressenti d'atteinte à ma liberté, qui était même mon devoir, de mettre au service de ma mission d'enseignant tout ce qui était dans mon cœur et dans mes possibilités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Nudant. C'est Saint Durand !

M. Serge Janquin. M. Durand exprime l'engagement du corps enseignant !

M. Yves Durand. Aux enseignants, un peu de liberté pédagogique, sans doute pour leur faire avaler la pilule de l'augmentation de service déguisée, avec votre système de remplacement par lequel vous tentez de calmer les parents d'élèves, que par ailleurs vous écartez de toute décision concernant leurs enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En réalité, monsieur le ministre, votre projet de loi était déjà écrit dès votre arrivée au ministère car, depuis le début, vous n'avez que deux objectifs.

Le premier est de faire des économies budgétaires...

Mme Claude Darciaux. Personne n'est dupe !

M. Yves Durand. ...afin de permettre à votre gouvernement et à votre majorité parlementaire de poursuivre une politique de réduction massive du nombre de fonctionnaires,...

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Yves Durand. ...affaiblissant ainsi le rôle de la puissance publique, et de continuer la baisse des impôts pour les plus favorisés.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous, vous augmentez les moyens, sans résultats !

M. Yves Durand. Mes chers collègues, vous qui êtes souvent aussi des élus locaux,...

M. Jean-Pierre Blazy. Ils ont un double langage !

M. Yves Durand. ...vous savez comme moi, qu'au moment où nous discutons de ce projet de loi, les établissements scolaires reçoivent leurs dotations, ou plutôt les coupes claires que vous infligez dans leurs moyens !

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Yves Durand. Cinq mille cinq cents postes d'enseignants supprimés dans le secondaire,...

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est la Bérézina !

M. Yves Durand. ...et à peine 700 postes créés dans le primaire pour la France métropolitaine, ce qui ne suffira pas pour encadrer les 45 000 élèves supplémentaires. Cela prouve d'ailleurs que votre sempiternel argument sur la baisse des effectifs est fallacieux. Je vous signale que les élèves actuellement dans le primaire seront dans deux ou trois ans dans le secondaire. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A la suppression de postes d'enseignants, il faut ajouter celle des postes de surveillants et d'aides-éducateurs. En trois ans, ce sont des milliers de postes d'adultes que vous avez sacrifiés au détriment de l'encadrement des jeunes, et vous prétendez lutter contre la violence ! Il est vrai que vous préférez faire des coups médiatiques, en envoyant des policiers fouiller des cartables à l'entrée des collèges devant les caméras de télévision. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. C'est scandaleux !

M. le président. Monsieur Roy !

M. Jean-Jacques Descamps. Vous préférez que nos enfants se droguent ?

M. Yves Durand. Nous avons une autre conception de la lutte contre la violence à l'école. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Apparemment, la plupart des policiers aussi, si on en juge par les déclarations de beaucoup de leurs syndicats lors de cette opération contestable.

Pour revenir aux suppressions de postes, monsieur le ministre, je vous ai entendu hier, en réponse à M. Liberti, remettre en cause la scolarisation des enfants de deux ans...

M. Daniel Paul. Hélas !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour des raisons précises.

M. Yves Durand. ...pour des raisons que vous dites précises.

Dans le nord, qui paye chèrement votre politique - près de 1 000 postes supprimés -...

M. Jean-Jacques Descamps. On paie la démographie !

M. Yves Durand. ...la première conséquence sera la fermeture de classes, notamment dans les écoles maternelles.

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà qui va contribuer à améliorer les résultats !

M. Yves Durand. Cela va entraîner une chute du taux de scolarisation des enfants de deux ans.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. De deux ans !

M. Yves Durand. Pourtant, celle-ci avait été développée par l'ensemble des inspecteurs d'académie depuis quinze ans, sous des gouvernements de droite comme de gauche, parce que tout le monde considérait, même si l'école maternelle ne répond certes pas à tous les besoins d'un enfant de deux ans,...

M. Bernard Deflesselles. Quand même !

M. Yves Durand. ...que, dans certains cas dramatiques au plan social et culturel, il est préférable que l'enfant vienne à l'école, où il est encadré par les ATSEM et les maîtresses, plutôt que de rester dans un milieu qui peut être dangereux. Voilà, monsieur le ministre, ce que vous remettez en cause.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce ne sont pas ces enfants-là qui vont à l'école à deux ans.

M. Yves Durand. Voilà pourquoi je conteste la réponse que vous avez faite hier à M. Liberti. Nous, nous voulons faire de l'école maternelle un des maillons les plus forts et les plus dynamiques de notre école, reposant sur une véritable politique publique de la petite enfance, dont vous ne parlez absolument pas dans votre projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cardo. C'est un projet sur l'école, pas sur la petite enfance !

M. Yves Durand. Votre deuxième objectif est de réduire cette école à une mission purement utilitaire - je ne parlerai ni de SMIC, ni de RMI, mais de minium utilitaire. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles, à propos du socle de connaissances et de compétences, que nous, nous voulons commun.

M. Guy Geoffroy. C'est dans le projet !

M. Yves Durand. Non ! le projet supprime l'adjectif « commun ».

M. François Liberti. Eh oui !

M. Yves Durand. Il figure dans certains amendements, notamment dans ceux déposés par le groupe socialiste, mais il ne figure plus dans le projet de loi.

M. François Liberti. C'est un socle rabougri !

M. Yves Durand. C'est un des problèmes fondamentaux de ce texte. Si ce socle n'est plus commun, il n'est plus le levier de l'égalité des chances. Nous nous battrons pour le réintroduire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Comment alors s'étonner de voir l'unanimité des acteurs de l'école s'élever contre votre projet de loi bâclé ?

Les enseignants le rejettent, et ce n'est pas pour des raisons corporatistes, comme vous l'avez trop souvent déclaré.

M. Alain Gest et M. Bernard Deflesselles. Vraiment ?

M. Jean-Marc Nudant. Tu parles !

M. Yves Durand. Lors des mouvements du printemps 2003, vous avez méprisés et matraqués les enseignants (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) parce qu'ils s'étaient élevés contre une réforme qui était déjà la vôtre, monsieur le ministre, celle des retraites.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La changerez-vous ? En prenez-vous l'engagement ?

M. Yves Durand. Ils s'étaient élevés aussi contre la fausse décentralisation, qui tentait de cacher un véritable démantèlement du service public. Ils ont démontré que lorsqu'ils manifestent, ce n'est pas par plaisir, mais par attachement à une école de qualité pour tous, celle pour laquelle ils se sont engagés dans la carrière qu'ils considèrent le plus souvent comme une véritable mission. Je crains, à voir les mouvements qui se multiplient, que vos bonnes paroles ne leur fassent pas oublier le matraquage qu'ils ont subi en 2003.

Les trois grandes fédérations de parents d'élèves, du public et du privé, ont refusé d'approuver votre texte parce que les parents veulent assumer une coresponsabilité éducative dont vous les écartez. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est eux !

M. Jean-Jacques Descamps. La PEEP est favorable au texte !

M. Yves Durand. Pour la première fois depuis fort longtemps, les trois présidents de fédérations de parents d'élèves, du public et du privé, ont signé ensemble un article dans la presse pour rejeter votre projet de loi...

M. Jean-Pierre Blazy. C'est très fort !

M. Yves Durand. ...parce qu'ils considèrent que vous ne leur donnez pas la place qu'ils méritent et qu'ils doivent avoir dans l'éducation de leurs enfants.

M. François Liberti. C'est incontestable !

M. Yves Durand. Quant aux lycéens, ils veulent avoir les mêmes chances quels que soient leur lycée et le quartier dans lequel ils vivent. Vous négligez le problème des inégalités territoriales. Il est essentiel en effet de lier la lutte contre les inégalités scolaires à une véritable politique de la ville : cette politique, où est-elle ?

M. Pierre Cardo. Dans le plan de cohésion sociale !

M. Yves Durand. La seule réponse que vous avez cru bon d'apporter à l'inquiétude et à l'angoisse de ces jeunes, à qui l'on demande par ailleurs de s'engager dans la vie de la cité - votre prédécesseur n'a-t-il pas créé des contrats d'engagements ? - c'est le sempiternel procès en manipulation ! Mépris pour eux, mépris pour ceux que l'on soupçonne d'être des manipulateurs. Quant à votre sortie sur les enseignants qui devraient revenir à leur devoir, elle est quelque peu déplacée.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La neutralité est une des règles de l'école !

M. Henri Emmanuelli. M. Fillon a des antécédents ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Emmanuelli !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, qui est à l'origine de cette cassure entre le monde de l'école et votre gouvernement ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous !

M. Yves Durand. Qui a provoqué cette fracture grave avec la jeunesse, si ce n'est votre politique ? Depuis trois ans, vous ne cessez de considérer les jeunes comme des éléments dangereux, qu'il faut contenir et contrôler, y compris à la porte des collèges et des lycées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Irresponsable !

M. Guy Geoffroy. C'est pour leur sécurité !

M. Yves Durand. Vous semblez découvrir aujourd'hui cette opposition unanime contre votre projet. Comment n'avez-vous pas su entendre, dès l'annonce de vos propositions lors d'une émission de télévision, le 18 octobre dernier, les critiques convergentes qu'elles provoquaient ? D'autant que ces critiques ont été confirmées le 16 décembre dernier, par un vote quasi unanime du Conseil supérieur de l'éducation contre votre projet de loi, à l'exception de quelques organisations, dont le MEDEF.

Je n'insiste pas sur le dernier épisode qui a vu, après l'avis du Conseil d'État, le président du Conseil constitutionnel puis le président de notre assemblée vous rappeler si je puis dire, à l'ordre constitutionnel, Vous avez été obligé d'amender votre texte, en urgence, ajoutant la confusion à l'approximation. C'est cette confusion, cette approximation qui donne à votre texte une impression de copie bâclée.

C'est pour éviter à notre assemblée de débattre d'un texte virtuel, monsieur le ministre, que le groupe socialiste vous a solennellement demandé mardi dernier de reporter l'examen de ce projet de loi, afin de vous donner le temps d'être clair avec vous-même et avec l'ensemble du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Quel culot !

M. Yves Durand. Vous avez une fois de plus repoussé cette demande d'un revers de main - je me souviens de votre geste -, comme vous l'avez fait pour les critiques provoquées par votre projet de loi.

Mais aujourd'hui, à l'approximation, puis à la confusion, s'ajoute la pagaille provoquée par vos déclarations successives et contradictoires autour du groupe de travail sur la réforme du bac. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Annulé, puis suspendu,...

M le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non !

M. Yves Durand. Je me réfère à des communiqués de votre ministère, monsieur le ministre !

On ne sait toujours pas clairement ce qu'il advient du groupe de travail sur la réforme du bac.

Vous avez dû retirer de votre texte - au moins, pour le moment, l'article 16 et la partie du rapport annexé relative au bac ! Mais cette décision ne nous permet pas d'y voir plus clair sur vos intentions à ce sujet et de dissiper la défiance qui entoure votre projet. Qu'en est-il du groupe de travail sur le bac et avez-vous sur ce point un calendrier de réunions de travail ? Pouvez-vous nous apporter ici une réponse claire ?

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, toute réforme, notamment de l'école, a besoin pour réussir durablement que se crée autour d'elle un climat de confiance. La confiance ne signifie pas forcément l'approbation - l'école doit pouvoir faire l'objet d'un débat -, mais elle exige la clarté dans les objectifs, aboutissant à des propositions cohérentes après une écoute qui ne se transforme pas en alibi.

Vous n'avez su réunir aucune de ces conditions : ni concertation - les syndicats demandent jour après jour que vous leur ouvriez votre porte -, ni écoute. Vous n'avez pas su créer autour de votre projet le climat de confiance nécessaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous n'avez pas écouté : au-delà de toutes les critiques que j'ai déjà évoquées et qui se sont exprimées par l'intermédiaire des organisations représentatives,...

M. Patrick Roy. Le ministre n'écoute pas : il lit des magazines !

M. Pierre Cardo. Regardez donc sur les bancs du groupe socialiste !

Mme Arlette Franco. Le président du groupe socialiste lit le journal !

M. Jean-Pierre Blazy. Non seulement il y a l'urgence, mais il y a aussi le mépris !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Où est le mépris ?

M. le président. Monsieur Durand, ne vous laissez pas troubler !

M. Yves Durand. Monsieur le président, je ne doute nullement que M. le ministre de l'éducation nationale ait la faculté de lire et de m'écouter en même temps !

M. le président. Mais c'est pour cela qu'il est ministre ! (Sourires.)

M. Pierre Cardo. C'est une capacité dont disposaient bien des ministres socialistes !

M. le président. Veuillez poursuive, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Contrairement à ce que vous affirmez - et nous le démontrerons point par point dans la discussion des articles -, vous n'avez jamais voulu prendre réellement en considération les travaux du rapport Thélot, que les débats des Français ont alimenté pendant près d'un an.

M. Guy Geoffroy. Quel culot !

M. Yves Durand. On peut, comme pour tout rapport de ce type, rejeter un certain nombre de ses conclusions, mais il faut reconnaître la qualité du travail accompli, même quand on a contesté, comme nous l'avons fait, les conditions de sa création. Certes, vous avez l'habileté d'en reprendre quelques termes, sans doute pour ne pas perpétuer la déplorable image que vous avez donnée lors de la présentation de ce rapport au Premier ministre, en déclarant pour ainsi dire publiquement le peu de cas que vous faisiez de ces travaux. Je me souviens, en effet, vous avoir entendu déclarer que le projet de loi que vous alliez présenter serait, tout de même, autrement mieux que le rapport Thélot !

M. Pierre Cardo. Comme Fabius !

M. Yves Durand. Ces travaux abordent pourtant des questions qui sont au cœur de l'évolution du système éducatif et que vous n'abordez même pas dans votre projet : rien sur l'autonomie des établissements dans le cadre des objectifs nationaux d'éducation...

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et les IUFM ?

M. Yves Durand. Le rattachement des IUFM aux universités n'est pas le point essentiel d'une vraie et nécessaire réflexion sur le métier d'enseignant.

M. Pierre-Louis Fagniez. Vous êtes pour ?

M. Yves Durand. Qui plus est, il pose des problèmes sur lesquels je reviendrai.

Vous faites l'impasse complète sur une véritable politique de la petite enfance, comme vous négligez d'aborder les conditions de réussite dans le premier cycle du supérieur par une liaison harmonieuse avec les lycées.

Comment pouvez-vous inscrire dans les objectifs de votre projet de loi l'ambition de mener 50 % d'une classe d'âge à un diplôme de l'enseignement supérieur - au demeurant un bon objectif, que le Parti socialiste vous propose depuis quelques années (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) - alors que vous refusez d'aborder le problème de la liaison entre les lycées, notamment les classes de terminale, et le premier cycle de l'enseignement supérieur, où l'on observe une multiplication dramatique et inégalitaire des échecs ? On retrouve ici la totale contradiction entre vos propos et les faits.

M. Pierre Cardo. Cela vous va bien de tenir de tels propos alors que vous n'avez rien fait !

M. Yves Durand. Mais surtout, à aucun moment - et c'est sans doute là le vice principal de votre texte -vous n'abordez le lien entre les inégalités sociales et l'échec scolaire. À aucun moment vous ne vous interrogez sur l'inégalité du risque de sortir du système scolaire sans qualification selon qu'on est enfant d'ouvrier ou de cadre. C'est pourtant là une préoccupation majeure des Français, si on en juge par le « miroir du débat ».

Vous n'écoutez pas plus les avis donnés par les conseils de votre propre ministère, comme le Haut conseil de l'évaluation - mais il est vrai que vous souhaitez le supprimer.

M. Pierre Cardo. Il faut dire que ses conseils...

M. Yves Durand. Ainsi, à plusieurs reprises, et récemment encore, le Haut conseil a souligné l'inefficacité, voire la nocivité du redoublement, que démontrent par ailleurs de nombreux exemples dans les pays étrangers. Mais vous persistez à le rétablir subrepticement, en rétablissant l'année scolaire comme unité de temps, tout en maintenant le mot de « cycle », de telle sorte que vos intentions quant au redoublement ne sont pas claires. Sans doute aurait-il été plus net d'assumer au moins vos convictions.

Créer un climat de confiance, c'est aussi afficher des objectifs clairs débouchant sur des propositions concrètes et cohérentes. Or les objectifs que vous affichez sont en totale contradiction avec les mesures que vous proposez. Vous confirmez, dans un article du Monde du dimanche 13 février, que « le projet de loi reprend ainsi certains objectifs de la loi de 1989 et en conserve des éléments importants ».

M. Pierre Cardo. À gauche, ils savaient ce que M. Durand allait raconter et ils ont apporté des journaux ! J'aurais dû en faire autant !

M. Yves Durand. Je ne peux que me féliciter de l'hommage que vous adressez à une loi que vous avez combattue en son temps, mais je dois aussi constater que loin d'être, comme vous le prétendez, une simple évolution du texte de 1989, votre texte représente bien une rupture non seulement avec la loi Jospin, mais aussi avec toute la démarche visant construire une véritable démocratisation de l'enseignement, qui ouvre la voie à l'excellence pour tous.

M. Guy Geoffroy. Le dogmatisme est de retour !

M. Yves Durand. Certes, vous affichez les mêmes objectifs que la loi Jospin : 100 % d'une classe d'âge obtenant un diplôme ou une qualification et 80 % au niveau du bac. Vous y ajoutez même l'objectif de mener 50 % d'une génération au niveau d'un diplôme du supérieur. Mais toutes vos dispositions rendent ces objectifs illusoires, notamment ce que vous qualifiez vous-même de cœur de votre projet : le socle de connaissances et de compétences et le dispositif d'aide aux élèves en difficulté.

Avec ce fameux « socle de connaissances et de compétences »,...

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Socle commun !

M. Yves Durand. ...vous utilisez la même technique que pour faire passer auprès de nos concitoyens le désengagement de l'État : vous prenez une revendication de la gauche - comme la décentralisation - et vous la dévoyez pour masquer la nocivité de votre propre politique, refusant d'assumer clairement vos choix. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Vous faites dans la nuance !

M. Yves Durand. Plus récemment, vous avez agi de la même manière avec les 35 heures, dont votre gouvernement n'a pas eu le courage d'assumer devant les Français la suppression pure et simple. Il en va de même, dans votre projet de loi sur l'école, du socle commun de connaissances et de compétences. C'est là, en effet, une grande idée de tous ceux qui veulent que chaque jeune maîtrise ce qui lui est nécessaire pour bâtir son propre parcours de réussite, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie personnelle.

M. Guy Geoffroy. Cette grande idée, vous ne l'avez pas eue !

M. Yves Durand. Mais pour que le socle soit un des principaux leviers de l'égalité des chances, il faut qu'il réponde à plusieurs conditions, que vous écartez de votre projet. La première de ces conditions est, précisément, qu'il soit « commun ». Or, l'article 6 de votre projet de loi ne parle que d'un ensemble de connaissances et de compétences.

Nous refusons ce socle qui serait un minimum réservé aux moins favorisés, alors que d'autres pourraient, avant même la fin de la scolarité obligatoire, avoir le privilège de découvrir ce que vous considérez sans doute comme le superflu : la culture et l'art sous toutes ses formes.

M. Pierre Cardo. C'est la confusion entre l'égalité et l'égalitarisme ! Les enfants des quartiers ont payé cher ce discours !

M. Yves Durand. Nous regrettons que vous ne donniez plus aux classes à projet culturel - les classes APAC - les moyens de fonctionner.

M. Henri Emmanuelli. Absolument !

M. Yves Durand. Ces classes, qui permettaient aux jeunes des milieux défavorisés de découvrir la culture et l'art, n'existent plus, faute toujours de moyens, parce que vous avez imposé aux collèges et aux lycées qui les pratiquaient les restrictions budgétaires massives que j'ai déjà évoquées.

M. Pierre Cardo. Quel accès à la culture quand on ne dispose pas des bases nécessaires ?

M. Yves Durand. Ainsi, ceux qui sont exclus de la culture artistique par leur milieu familial et culturel, en seraient aussi exclus par l'école. De ce fait, vous renforcez les inégalités sociales par les inégalités à l'école, alors que la mission de l'école est d'abord de rassembler.

M. Henri Emmanuelli. Votre discours est remarquable, monsieur Durand !

M. Pierre Cardo. Non, il est dépassé !

M. Yves Durand. Sous le terme de socle commun de connaissances et de compétences, vous instaurez le minimum utilitaire...

M. Pierre Cardo. Dont beaucoup aimeraient disposer !

M. Yves Durand. ...pour ceux que vous considérez comme inaptes aux études dès la quatrième dans votre projet de loi - voire, avant même que nous discutions de ce texte, avec l'organisation de la nouvelle troisième, sinon même dès la cinquième dans la loi dite de « cohésion sociale », qui procède de la même démarche. De fait, comme celui de votre collègue Borloo, votre texte institutionnalise les inégalités.

Le véritable socle commun de connaissances et de compétences, celui que nous voulons instaurer pour tous les jeunes et pour lequel nous vous ferons des propositions, est bien autre chose que ce minimum utilitaire et a une tout autre ambition, à laquelle d'ailleurs vous renoncez : donner à tous les élèves, même à ceux qui sont le plus en difficulté, accès aux savoirs - savoir-faire, savoir-être - qui permettent de se comprendre soi-même, de comprendre les autres et d'appréhender la complexité du monde.

Votre minimum utilitaire permettra peut-être à ceux qui l'ont acquis de trouver un emploi dans l'immédiat.

M. Pierre Cardo. Le problème, ce sont tous les gosses qui n'ont même pas ce minimum, parce que vous ne le leur avez pas donné.

M. Yves Durand. Mais il ne pourra en aucun cas constituer un tremplin vers une formation tout au long de la vie, que votre projet de loi n'évoque quasiment pas, et qui nécessitera une adaptabilité toujours croissante à l'évolution des techniques, et donc des métiers.

M. Jean-Marie Binetruy. Il fallait le faire avant !

M. Yves Durand. En renonçant à l'ambition de l'excellence pour tous, vous ne faites que préparer pour les jeunes leurs difficultés d'adaptation futures, et donc d'une certaine façon le chômage de demain.

C'est ce socle commun, socle de l'excellence, que nous avons l'ambition de faire partager à tous les jeunes qui sortent de la scolarité obligatoire.

Mme Arlette Franco. On a vu le résultat !

M. Yves Durand. Mais votre projet de loi ne comporte pas de dispositions à la mesure de cette ambition, qui implique que l'on donne à tous les élèves les moyens d'avancer à leur rythme et qu'on applique à chacun la pédagogie de la réussite qui lui est adaptée.

Mme Arlette Franco. C'est dans le projet de loi !

M. Yves Durand. Non, madame !

M. Guy Geoffroy. Mais si ! Il faut lire le texte !

M. Yves Durand. Vous pouvez toujours intervenir à tort et à travers, comme vous le faites depuis hier (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Henri Emmanuelli. Elle n'a pas lu la loi !

Mme Arlette Franco. Je l'ai lue ! Et mieux que vous !

M. Yves Durand. ...mais, ainsi que tous les enseignants le disent, à partir du moment où on rétablit le fameux redoublement, qui est devenu pour vous une espèce de mythe,...

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Yves Durand. ...on tue les cycles d'apprentissage, et on empêche toute véritable pédagogie du socle commun, toute pédagogie de la réussite, et finalement toute possibilité d'égalité des chances. Vous le savez très bien. Du reste, tout le monde vous le dit !

M. Jean-Jacques Descamps. Tout le monde, ce n'est pas vous !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est du délire !

M. Patrick Roy. La loi Fillon, c'est la fin des cycles !

Mme Claude Greff. Les enseignants vont être édifiés !

M. Yves Durand. Cette ambition suppose donc la possibilité d'accompagner chaque élève, en tenant compte de son rythme propre, de son histoire, de sa culture d'origine et de son développement personnel. C'est ce que signifie le beau principe de la loi de 1989, que nous vous répétons parce que vous semblez l'avoir oublié : « l'élève est au centre du système éducatif ». En effet, l'élève est le grand absent de votre projet de loi. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo et Mme Sylvia Bassot. N'importe quoi !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Vous insultez les élèves, monsieur Durand !

M. Yves Durand. Revendiquer cette ambition de l'excellence pour tous, c'est aussi faire le pari que chaque jeune possède en lui les possibilités, les capacités pour l'atteindre, à condition de se donner les moyens de l'y accompagner et de ne pas transformer la scolarité obligatoire en une compétition permanente, une course d'obstacles excluant les plus faibles ou les plus malchanceux, ou tout simplement ceux que le milieu social n'a pas préparés à de telles expériences. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo. Ce sont les enseignants qui prononcent les exclusions, personne d'autre !

M. Yves Durand. Vous protestez, mais expliquez-nous ce que signifie alors le fait d'orienter, dès la troisième, les seuls élèves en difficulté vers les filières de relégation, votre fameux apprentissage à la vie professionnelle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Arlette Franco. Ce n'est pas vrai !

M. Pierre Cardo. Qui décide ces orientations ?

M. Yves Durand. Vous nous expliquerez pourquoi le projet Borloo prévoit qu'on puisse envoyer en stage en entreprise dès la cinquième des enfants de treize ans, sous prétexte qu'ils ne réussissent pas ou parce qu'ils sont considérés comme des gêneurs.

M. Frédéric Reiss, rapporteur. C'est une lecture négative de la loi !

M. Pierre Cardo. Votre interprétation trahit votre mépris pour ces filières !

M. Yves Durand. Il y a les proclamations solennelles, et il y a les faits, et ce sont les faits que je suis en train d'exposer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Remarquable !

M. Pierre Cardo. Ces élèves ont le droit de réussir dans d'autres filières ! Ce sont les enseignants qui orientent !

M. Guy Geoffroy. C'est n'importe quoi, monsieur Durand !

M. Yves Durand. Ce sont vos textes, mes chers collègues !

M. Guy Geoffroy. Non, c'est une interprétation !

M. Pierre Cardo. En effet, c'est une interprétation. Lisez donc les textes, monsieur Durand !

M. Yves Durand. Ainsi, la sélection cachée que vous instaurez par la nouvelle classe de troisième rompt avec la nécessaire continuité éducative sans laquelle il n'y a pas de socle commun possible, sans laquelle ce socle, dont vous nous rabâchez les oreilles, n'est qu'un leurre, une supercherie.

M. Pierre Cardo. On dit « rebattre les oreilles » !

M. Guy Geoffroy. Vous voyez que ce socle commun n'est pas inutile !

M. Yves Durand. Plus tôt on instaure des filières, plus on accentue les inégalités sociales. C'est bien ce que vous faites en réservant dès la troisième trois heures, voire six heures de découverte professionnelle aux seuls élèves qui éprouvent des difficultés dans les matières dites traditionnelles, alors qu'il faudrait que tous les élèves en bénéficient.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est absolument faux ! Ces trois heures sont prévues pour tout le monde !

Mme Sylvia Bassot. En effet, c'est pour tout le monde !

M. Yves Durand. Nous en rediscuterons, monsieur le ministre.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est dans le texte !

M. Guy Geoffroy. Il faut lire le texte !

M. Pierre Cardo. M. Durand a besoin d'un accompagnement personnalisé sur ce texte !

M. Yves Durand. Enfin, pour que le socle commun de connaissances et de compétences soit un facteur d'égalité, il faut qu'il soit autre chose qu'une juxtaposition plus ou moins hétéroclite de disciplines. Constituer un socle commun à tous les élèves suppose qu'on ait au préalable réfléchi sur les disciplines, sur la cohérence qui peut leur donner du sens, aux yeux d'abord de ceux à qui on les enseigne.

M. Gaëtan Gorce. Très bien !

M. Yves Durand. Vous qui parlez tant d'autorité, monsieur le ministre, il n'y a pas d'autorité réellement respectée qui ne soit pas d'abord comprise, il n'y a pas d'enseignement efficacement reçu si on n'en comprend pas le sens.

C'est toute la réflexion que vos prédécesseurs de gauche avaient engagée dans les années 1998-1999 autour des programmes, notamment ceux du lycée.

Mme Arlette Franco. Avec le succès que l'on sait !

M. Yves Durand. Il aurait été judicieux, pour alimenter ce socle, d'initier justement une vraie réflexion sur la pluridisciplinarité et le nécessaire décloisonnement des disciplines, qui demande toujours plus de concertation et de travail en équipe.

M. Pierre Cardo. Ce n'est pas une conception partagée par tous les enseignants !

M. Yves Durand. La seule idée nouvelle que vous nous annoncez en matière de réflexion sur le sens et la cohérence des disciplines et des programmes que l'on demande aux élèves d'apprendre, c'est la suppression du Conseil national des programmes, que vous voulez remplacer par un Haut conseil de l'éducation, dont, vous l'avouerez, la composition ne le prédispose pas à entamer un travail pourtant essentiel si on veut indiquer à l'école ses missions pour les dix à quinze ans à venir. C'est d'autant plus regrettable qu'une mission parlementaire, présidée par Pierre-André Périssol, travaille précisément à définir ce que devrait être un socle commun de connaissances et de compétences. Les nombreuses auditions que nous avons conduites ensemble vont toutes dans le même sens, quels que fussent l'opinion ou le statut de ceux qui sont venus nous parler de ce problème fondamental, enseignants, parents d'élèves, chercheurs, chefs d'entreprise. Tous ont dit que ce socle doit être commun à tous les élèves et doit servir à redéfinir les champs des disciplines enseignées. Je regrette que vous n'ayez pas pris le temps de suivre les grandes orientations de notre mission et d'attendre la fin de ses travaux avant de nous soumettre votre conception du socle commun, ce qui vous aurait permis de prendre appui sur ce travail parlementaire.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est à cause de l'urgence !

M. Yves Durand. Puisque vous vous référez souvent aux enquêtes internationales, vous devriez lire avec attention l'enquête PISA, qui pointe les faiblesses de notre système éducatif. Est-ce l'autorité des maîtres qui manque à nos élèves ? Est-ce la pratique de l'apprentissage « par cœur » ou l'acquisition des seules connaissances qui place notre école à peu près dans la moyenne des pays de l'OCDE, sans plus ? Absolument pas ! En effet, selon les résultats de l'enquête PISA, qui ont été évoqués dans le cadre de la mission présidée par M. Périssol, nos élèves font preuve d'une relative aisance dans les activités qui reposent sur les supports scolaires, mais pèchent par manque d'autonomie dans l'expression. Selon cette enquête, en effet, ils ont des résultats moins bons quand ils doivent argumenter et faire une analyse critique des textes proposés ; ils sont en revanche excellents quand il s'agit de restituer des connaissances acquises. Nos élèves ne manquent pas tant de discipline, d'autorité, d'un empilement de connaissances apprises par cœur que de cette autonomie, de cet esprit critique par rapport à ce qu'ils apprennent, qui en feront demain des citoyens engagés dans la cité, des hommes et des femmes responsables et libres. Au fond, c'est peut-être d'abord aux élèves que vous auriez dû penser en inscrivant la liberté pédagogique dans votre projet de loi.

C'est précisément pour leur offrir cet apprentissage à l'autonomie, à la réflexion personnelle et à l'esprit critique qu'avaient été instaurés les travaux personnels encadrés.

Mme Marylise Lebranchu. Exact !

M. Yves Durand. À partir de connaissances acquises, avec l'aide et sous la direction de l'enseignant, l'élève avait ainsi l'occasion de travailler par lui-même. Cela lui permettait, non seulement de se réaliser et de reprendre confiance en lui quand il l'avait perdue, mais également de se préparer aux méthodes de travail qui lui seront indispensables dans l'enseignement supérieur.

M. Gaëtan Gorce. Bravo !

M. Yves Durand. Il est vrai que les enseignants avaient fraîchement accueilli cette pratique.

M. Guy Geoffroy. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Yves Durand. Mais, au fil des années, elle avait fait l'unanimité. Aujourd'hui, alors que les élèves, en accord avec leurs enseignants, demandent qu'on les prépare à l'enseignement supérieur, dans la perspective de 50 % d'une classe d'âge dotés d'un diplôme de l'enseignement supérieur, votre seule réponse est la suppression des travaux personnels encadrés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cardo. Le SNES était contre leur création !

M. Yves Durand. Et cette décision n'a, là encore, été précédée d'aucune consultation, d'aucune concertation, avant même que nous puissions en discuter dans le cadre de ce débat parlementaire, puisqu'elle ne fait même pas l'objet d'un article de ce projet de loi, ce qui nous enlève toute possibilité d'en débattre.

Vous prétendez, monsieur le ministre, faire de ce fameux socle commun de connaissances et de compétences le cœur de votre projet, ce qu'il aurait certes mérité d'être. Mais si vous avez utilisé le mot, vous avez abandonné l'ambition.

M. Patrick Roy. Le socle n'est pas commun !

M. Yves Durand. Pire, vous en avez détourné le sens pour masquer le caractère fondamentalement inégalitaire de votre politique. Avec votre minimum utilitaire, accompagné de la suppression, faute de moyens, de nombreuses classes APAC, vous allez fermer à des milliers de jeunes les portes de la culture qu'ils n'ont pas la chance de trouver chez eux, eux pour qui l'école était la seule chance d'y accéder. Vous transformez ainsi l'école républicaine, qui doit intégrer, qui doit rassembler, en une machine qui reproduit, quand elle n'accentuera pas, je le crains, les inégalités.

L'acquisition d'un véritable socle, véritablement commun, de connaissances et de compétences, mettant véritablement à égalité tous les jeunes qui sortent de l'école obligatoire pour qu'ils puissent choisir ensuite leur voie de qualification, leur parcours personnel, tout cela constitue bien plus qu'une mission pour l'école : c'est une exigence pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Très juste !

M. Yves Durand. Vous avez fait le choix de ne pas avoir cette exigence-là.

Nous vous proposons, nous, un véritable socle commun de connaissances et de compétences,...

M. Patrick Roy. Nous vous l'offrons !

M. Yves Durand. ...qui repose sur une véritable continuité scolaire, de la maternelle à la fin de la scolarité obligatoire, excluant le redoublement...

M. Jacques Domergue. Quelle démagogie !

M. Pierre Cardo. Allez le dire aux enseignants, monsieur Durand !

M. Yves Durand. ...et toutes les ruptures, notamment celles qui brisent trop souvent les élèves les plus fragiles (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste), comme la coupure entre le CM2 et la sixième par exemple : Jean-Marc Ayrault y a fait plus qu'allusion hier.

M. Pierre Cardo. Y faire plus qu'allusion, ça ne suffit pas encore : il fallait faire une loi dans ce sens quand vous aviez la majorité !

M. Yves Durand. Notre socle commun à nous, c'est celui qui s'appuie sur une pédagogie véritablement individualisée, qui suppose qu'on décloisonne les classes et qu'à l'inverse de ce que vous faites on sorte de l'équation unique : un maître, une classe.

Décloisonner le temps scolaire, décloisonner l'espace scolaire, pour aller au plus près de chaque élève, telles sont véritablement la volonté et l'orientation que nous voulons pour notre école, pour l'école de la République.

La deuxième disposition centrale, d'après vous, de votre projet de loi, c'est le contrat individuel de réussite éducative. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. C'est la grande illusion !

M. Patrick Roy. On va sortir les élèves de la classe !

M. Yves Durand. Cette mesure a soulevé d'ailleurs de telles critiques que votre propre majorité a cru devoir in extremis en modifier l'appellation : le contrat est devenu programme, et au lieu d'être individuel il est devenu personnalisé. Évidemment, même si le titre change, le contenu reste le même.

Or, ce contenu est à la fois inefficace et dangereux.

Inefficace, parce que les difficultés scolaires ne se résoudront pas en ajoutant des heures supplémentaires à des élèves qui sont déjà, pour la plupart, en voie de déscolarisation. Je suis persuadé d'ailleurs que malgré ce qu'ils disent, beaucoup de mes collègues de l'UMP sont d'accord avec moi sur ce point. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo. Allez voir les écoles des quartiers défavorisés. Sur une heure d'enseignement, dix minutes sont consacrées à l'enseignement et cinquante à rétablir l'ordre !

M. Guy Geoffroy. Et l'aide individualisée en seconde, ça sert à quoi, monsieur Durand ?

M. Yves Durand. Comme le redoublement, cette mesure est inutile, voire nocive. Ces élèves, trop vite saturés par l'école, n'ont pas besoin d'un surplus d'école.

M. Guy Geoffroy. N'importe quoi !

Mme Claude Greff. Les pauvres petits !

M. Yves Durand. Ces élèves n'ont pas besoin de plus d'école, mais ils ont besoin d'école autrement. C'est à eux, en priorité, que doivent s'appliquer d'autres méthodes pédagogiques par des maîtres formés pour cela.

Par ailleurs, prétendre que cette politique de soutien des élèves en difficulté pourrait être menée sans moyens supplémentaires, pire, qu'elle pourrait être laissée, comme je l'ai lu dans le rapport annexé, à des assistants d'éducation qui n'ont aucune formation pédagogique,...

Mme Claude Greff. Ils sont formés !

M. Yves Durand. ...relève, une fois de plus, de la supercherie pure et simple.

Mme Claude Greff. Merci pour eux !

M. Patrick Roy. C'est la vérité !

M. Yves Durand. Dans ces conditions, le contrat individuel de réussite, devenu programme personnalisé de réussite,...

M. Pierre Cardo. Sera un instrument de réussite !

M. Yves Durand. ...est voué à l'échec. C'est aussi ce que disent toutes les organisations d'enseignants. Et le plus grave, c'est que vous voudriez faire porter la responsabilité de cet échec à l'élève et à ses parents puisque vous leur demandez de cosigner un engagement de réussite, d'une réussite dont on ne donne pas les moyens à l'école.

M. Guy Geoffroy. Mais si ! Le ministre l'a redit tout à l'heure en citant des chiffres précis !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Il faut écouter, monsieur Durand !

M. Yves Durand. Mais avec quels moyens ? Avec quel type de pédagogie ?

Allez donc dire dans une école rurale, dont on est en train de fermer les classes, qu'on va aider les élèves en difficulté ! Comment allez-vous faire croire ça aux Français ? D'ailleurs, ils ne vous croient pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Vous non plus, ils ne vous croient pas !

M. Yves Durand. À propos de l'échec scolaire, voilà le discours que vous tenez aux parents : mesdames et messieurs les parents d'élèves, si votre enfant connaît des difficultés à l'école, c'est d'abord votre faute,...

M. Pierre Cardo. Ça, c'est votre antienne !

M. Yves Durand. ...et nous allons vous convoquer pour que vous vous engagiez à ce que cela change, sinon le couperet du redoublement tombera sur la tête de votre enfant, lui infligeant une année de retard, lui qui vit déjà son échec comme une punition.

Quel plus mauvais moyen de redonner confiance en l'école à des jeunes qui ont déjà dans la tête qu'ils ne sont pas faits pour elle, ou pire, qu'elle n'est pas faite pour eux ?

M. Pierre Cardo. N'importe quoi !

M. Yves Durand. Quel plus mauvais moyen d'amener les parents des élèves en difficulté dans une attitude constructive de co-éducation avec les enseignants ?

Inefficace, votre contrat individuel de réussite scolaire est en outre dangereux parce que, loin de redonner confiance dans l'école à des jeunes et à des parents qui l'ont perdue et qui souvent doutent d'eux-mêmes, vous les plongez dans la souffrance d'un échec qui leur apparaît, hélas ! comme fatal, car trop souvent héréditaire.

M. Pierre Cardo. C'est votre discours qui est de nature à désespérer les gens !

M. Yves Durand. Ainsi, ce que vous affirmez être au cœur de votre dispositif contre l'échec scolaire et pour la réussite pour tous, se révèle, au contraire, une des sources d'inégalités.

Pour vous, la véritable mission de l'école n'est pas la recherche de l'égalité des chances, que vous considérez sans doute comme - je reprends votre expression et je souhaiterais que vous la précisiez - « l'hypocrisie de la façade égalitaire ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'école que vous voulez donner à la France est à l'image de la société que vous nous préparez (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), celle où la compétition individuelle prime sur la démarche collective, celle où les plus faibles doivent se résoudre à devenir des « décrochés ». Quant aux plus défavorisés, à eux de prouver leur mérite et leur talent pour obtenir les moyens de continuer leurs études grâce à des bourses devenues la nouvelle forme de la charité (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Guy Geoffroy. C'est scandaleux de dire ça !

M. André Schneider. Monsieur Durand, vous êtes un démago complet !

M. Yves Durand. ...dont évidemment les plus favorisés n'ont nul besoin.

M. Henri Emmanuelli. Voilà la vérité !

M. Pierre Cardo. On a vu les résultats de vos politiques !

M. le président. N'interrompez pas M. Durand.

M. Yves Durand. Nos résultats ? Eh bien, les voici : grâce au collège unique, à la démocratisation de l'enseignement et à la loi de 1989, le nombre de bacheliers a augmenté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et nous, nous voulons poursuivre cette marche que vous voulez justement arrêter ! Alors écoutez, ne nous parlez pas de nos résultats, parce que moi je pourrais vous parler des vôtres ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Pierre Blazy. Zéro pour l'UMP !

M. Pierre Cardo. Si vos résultats avaient été si bons, nous ne serions pas là !

M. Bernard Deflesselles. De l'ombre à la lumière !

M. Jean-Pierre Blazy. Oui mais l'ombre, c'est vous !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, aucune évolution du système éducatif ne sera possible sans une véritable et profonde réflexion sur le métier d'enseignant. Or, alors que la moitié du corps enseignant doit être renouvelée dans les dix prochaines années, vous ignorez la formation au métier d'enseignant. Et jusqu'à maintenant, vous vous refusez à engager cette réflexion. À ce sujet, nous n'avons pas eu de réponses aux propositions formulées par Jean-Marc Ayrault dans son exception d'irrecevabilité.

M. Henri Emmanuelli et M. Jean Le Garrec. Pourtant, il s'agissait d'excellentes propositions !

M. Yves Durand. Je voudrais rappeler, sans esprit polémique (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Pour cela, c'est un peu tard !

M. Patrick Roy. Écoutez-le, il fait un discours remarquable !

M. Yves Durand. ...parce que je pense que la formation des enseignants est au cœur d'un véritable projet pour l'école, que vous avez d'abord mis fin à toute politique de recrutement pour l'école en supprimant les plans pluriannuels de recrutement mis en place par Jack Lang. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils étaient pourtant nécessaires pour anticiper les nombreux départs à la retraite, pour éviter les « effets d'accordéon » que nous connaissons tous dans nos circonscriptions et dans nos communes et pour assurer aux jeunes enseignants la formation nécessaire. Les 150 000 postes que vous annoncez sur cinq ans - dont on ne sait pas d'ailleurs sur quels crédits vous les prendrez - ...

M. Patrick Roy. On ne le saura jamais parce qu'ils ne seront jamais créés !

M. François Liberti. Ce sont des postes virtuels !

M. Yves Durand. ...ne permettront pas de compenser les départs en retraite.

On peut d'ailleurs douter de la valeur de cet engagement lorsque l'on connaît la volonté du Premier ministre de diminuer massivement le nombre de fonctionnaires, et ce dès l'année prochaine. Monsieur le ministre, il est absolument nécessaire de rétablir d'urgence un plan pluriannuel de recrutement. Car si cette politique de restriction des emplois publics dans l'Éducation nationale que mène le Gouvernement depuis trois ans n'est pas arrêtée, vous allez créer mécaniquement, et vous le savez, une véritable crise de l'encadrement des élèves dans les années 2007-2008. C'est pourquoi, sur ce point aussi, nous vous demandons de revoir votre copie et de nous apporter des réponses précises sur les recrutements que vous nous annoncez - par ailleurs insuffisants.

Mais, au-delà du recrutement, lors de la discussion budgétaire, je vous avais fait, au nom du groupe socialiste, une proposition dont vous aviez renvoyé l'examen à la loi d'orientation sur l'école : nous y sommes.

M. Christian Paul. Le temps est venu !

M. Yves Durand. Il s'agirait d'instaurer un système de pré-recrutement qui pourrait attirer les jeunes étudiants vers les métiers de l'enseignement, tout en remédiant en partie à la situation matérielle et financière désastreuse, souvent scandaleuse, d'un nombre croissant d'entre eux. Un tel pré-recrutement, qui a d'ailleurs existé dans le passé pour l'enseignement secondaire, permettrait au corps enseignant d'être encore davantage à l'image de la nation : de jeunes enseignants issus de tous les milieux seraient plus proches de leurs élèves. Il y a dans cette idée d'abord la volonté de préparer les jeunes à l'enseignement, afin qu'ils sachent ce qui les attend avant d'être « bombardés » dans une classe. Le corps enseignant, qui est au cœur de la nation, au cœur de l'école, serait véritablement à l'image de la nation. Monsieur le ministre, il y a urgence à mener une telle politique, et nous vous demandons de vous y engager.

En dépit de vos dénégations, la formation des personnels est absente de votre projet. Vous n'avez pas d'ambition pour l'école et vous n'avez donc pas la volonté de donner aux jeunes qui veulent devenir enseignants la formation initiale et continue qui doit leur permettre de répondre aux exigences d'un métier de plus en plus difficile. Car être enseignant, c'est un métier.

Mme Claude Greff. Quelle découverte !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. C'est un beau métier !

M. Yves Durand. Je rappelle que nous avons entendu, M. Luc Ferry, le prédécesseur de M. Fillon, nous dire avec beaucoup de franchise que, pour être enseignant, il suffisait de bien maîtriser sa discipline et d'avoir un peu de talent. Eh bien non, être enseignant, c'est tout autre chose !

M. Patrick Roy. Bravo !

M. Yves Durand. Je le répète : c'est un véritable métier, qui exige formation initiale et formation continue.

Or, en matière de formation initiale des enseignants, vous ne proposez rien, si ce n'est le rattachement des IUFM à une université. Cette mesure lancée, là encore, sans réelle concertation avec les directeurs d'IUFM pose par son approximation, une fois de plus, de réelles difficultés d'application sur le plan financier comme sur le plan pédagogique. Allez-vous répondre aux questions que se posent ces directeurs ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Qu'avez-vous à proposer ?

M. Guy Geoffroy. Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore entendu une seule proposition de la part de M. Durand !

M. Yves Durand. Quelle place auront les IUFM dans leur université de rattachement ? Quelle autonomie financière leur accorderez-vous ?

M. Patrick Roy. Aucune !

M. Yves Durand. Y aura-t-il des crédits « fléchés » pour les IUFM dans leur université de rattachement ? De quelle autonomie pédagogique disposeront-ils pour accomplir la tâche particulière de formation pour laquelle ils ont été créés ?

M. Daniel Paul. Très bonnes questions !

M. Yves Durand. Mais surtout, où est la véritable professionnalisation de la formation ?

Quant à la formation continue, vous en faites un acte volontaire, alors qu'il s'agit d'un droit, un droit non seulement pour les enseignants mais aussi pour les élèves eux-mêmes.

Monsieur le ministre, si nous vous avons demandé de reporter votre projet de loi, c'est aussi pour prendre le temps de lancer une vraie réflexion sur le métier d'enseignant. Cette réflexion est au cœur de toute réforme de l'école, et vous l'avez négligée. La souffrance que vivent trop d'enseignants, notamment les plus jeunes, ils la partagent avec leurs élèves en échec scolaire. Ce n'est pas, je le répète, d'autorité qu'ils ont besoin ; ils ne demandent pas plus de liberté pédagogique dans leur classe, parce qu'ils l'ont déjà et que personne ne la leur a jamais contestée. Ce qu'ils attendent, c'est qu'on leur donne les moyens de faire réussir leurs élèves. Ils demandent une formation qui leur permette de comprendre un enfant à la dérive ; ils demandent du temps pour apprendre à travailler en équipe, à recevoir des parents désorientés et pour réfléchir sur leur métier.

Mais la formation, vous la leur refusez. Quant au temps, vous le leur volez en accroissant leur service d'une manière déguisée avec votre système - récusé par tout le monde - de remplacement au sein de l'établissement.

Je ne sais, monsieur le ministre, si vous avez lu cette excellente enquête sur les nouveaux enseignants de Patrick Rayou et d'Agnès Van Zanten.

M. Patrick Roy. M. le ministre a certainement lu cette enquête, car il lit beaucoup !

M. Yves Durand. Elle est éclairante sur la place de la formation des maîtres dans la définition du métier d'enseignant. Hélas ! dans votre texte, la formation initiale se résume à « l'approfondissement de la culture disciplinaire, à la formation pédagogique et à la formation de fonctionnaires du service public de l'éducation ». Est-ce là une ambition pour la formation des maîtres ?

Mme Martine David. Non, à l'évidence !

M. Yves Durand. Mais, là encore, en renonçant à cette nécessaire rénovation de la politique de formation, vous prenez le risque - vous en porterez la responsabilité - d'hypothéquer l'avenir de l'école et de compromettre les chances de réussite des élèves.

Parvenant presque à ma conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je voudrais vous interroger sur le devenir des structures d'innovation pédagogique que vous avez privées d'une grande part de leurs crédits.

Ainsi, les personnels du Centre national de documentation pédagogique, un outil essentiel pour la formation des maîtres et pour l'innovation, ne savent plus à quel saint - à quel ministre - se vouer. Vous n'offrez au CNDP d'autre perspective, à part les réductions de postes, que la délocalisation à Chasseneuil-du-Poitou,...

Plusieurs orateurs du groupe socialiste. Où est-ce ?

M. Yves Durand. ...délocalisation qu'il refuse parce qu'elle cache, en réalité, une remise en cause du travail de ce centre. Nous rassurerez-vous sur le devenir de celui-ci, monsieur le ministre ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Sans ambition, sans souffle, votre projet est aussi sans moyens. Vous n'aimez pas que l'on évoque les moyens que vous ne donnez pas à l'école. « Faire croire que le problème de l'Éducation nationale est lié à un problème de moyens, c'est prendre les Français pour des nigauds », avez-vous déclaré. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gabriel Biancheri. Absolument !

M. Yves Durand. Eh bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enseignants et les parents qui s'insurgent contre les fermetures de classes et les restrictions d'heures d'enseignement dans les collèges et les lycées seront sans doute ravis d'apprendre qu'ils sont des nigauds !

Vous avez vous-même chiffré, monsieur le ministre, le coût de votre réforme à 2 milliards d'euros, considérant qu'il y a là un effort considérable de l'État en faveur de l'école.

M. Jacques Domergue. Il s'agit d'un effort colossal !

M. Yves Durand. Outre qu'on ne sait d'où viennent ces 2 milliards et sur quels crédits budgétaires vous les prendrez,...

M. Patrick Roy. Ce sont des crédits virtuels !

M. Yves Durand. ...ils ne représentent que 3 % du budget de votre ministère, ce qui n'a rien de colossal, surtout lorsque l'on sait - on le craint en tout cas - qu'ils proviendront de redéploiements. Ainsi, la suppression des TPE, vous l'avez avoué, doit financer le dédoublement de classes de langues, qui n'est pas encore mis en œuvre. La réalité, ce sont les restrictions ; pour le reste, on verra plus tard !

Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que le montant de ce plan représente trois fois moins que ce qui est dépensé, chaque année, en baisses d'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés.

Mme Martine David. Eh oui ! Il fallait le redire !

M. Yves Durand. Ne pas se donner les moyens d'une véritable démocratisation, instaurer l'orientation précoce et pratiquer des restrictions budgétaires, tout cela aura des conséquences terribles. L'absence de perspective d'une véritable égalité des chances ne peut que conduire à une marchandisation dangereuse de l'école. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Déjà, depuis deux ou trois ans, on assiste à la multiplication d'officines privées de rattrapage scolaire, qui font de l'argent sur la peur des parents de voir leur enfant plonger dans l'échec. À cela s'ajoutent des pratiques de plus en plus nombreuses d'éviction. Les familles favorisées, qui connaissent les systèmes de dérogation, placent leurs enfants dans les collèges considérés comme favorisés. Ainsi, la mission - essentielle - de mixité scolaire, qui est à la base de l'apprentissage du vivre ensemble, n'est plus remplie. Outre que la démocratisation s'essouffle, une véritable fracture se crée entre les jeunes qui, n'étudiant plus ensemble, ne peuvent plus apprendre à se connaître.

L'une des missions essentielles de l'école républicaine, qui est d'intégrer en rassemblant, n'est plus assurée. Il est urgent, par conséquent, de restaurer cette mixité sociale - c'était l'un des principaux points du rapport Thélot, et nous en étions d'accord -, ce qui implique un véritable partenariat entre l'école, qui ne peut pas tout faire, c'est vrai, les associations d'éducation populaire et les collectivités territoriales. Nombre d'entre nous, qui sont maires, savent combien ils consacrent de crédits et mettent d'enthousiasme à soutenir des activités périscolaires afin d'aider l'école. Voilà ce qu'il nous faut organiser.

La démocratisation de l'enseignement aurait exigé que la société tout entière se mobilise autour d'un projet ambitieux. Au lieu de quoi, vous nous proposez un texte « réactionnaire »,...

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Yves Durand. ...au sens étymologique du terme, qui certes mobilise, mais contre lui. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, il y a huit jours, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, nous vous avons demandé de reporter l'examen de ce texte.

Mme Martine David. C'eût été raisonnable !

M. Yves Durand. La confusion qu'il a créée dans les esprits de la plupart des acteurs de l'école, les doutes qu'il a suscités quant à sa constitutionnalité, les modifications que vous déclariez vouloir lui apporter, sans qu'on en connaisse la teneur, en faisaient un texte un peu virtuel. C'est pourquoi nous n'avions pas déposé d'amendements en commission, ne souhaitant pas discuter d'un texte dont nous n'avions pas la version définitive. Vous avez refusé cette solution de sagesse qui aurait permis d'éviter bien des remous dans les établissements scolaires, voire dans la rue. Aujourd'hui, après votre cafouillage sur le bac, vous vous dites - vous l'avez déclaré, dimanche soir, sur une radio périphérique - déterminé à ne rien 1âcher sur 1e reste de votre texte, en dépit d'un rejet qui, loin de se démentir, ne fait que se renforcer, comme cela a été démontré hier.

Monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas répéter votre erreur.

Mes chers collègues, c'est pour nous donner le temps d'examiner l'ensemble des propositions que l'on n'a pas voulu prendre en compte dans ce projet de loi et de bâtir un vrai projet d'avenir pour l'école, que je vous demande, au nom du groupe socialiste, de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marc Nudant. Cela a été laborieux !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Après cette très longue intervention, qui représente une réelle performance physique pour laquelle je félicite M. Durand (Sourires), la démonstration est faite qu'il faut, à présent, entrer dans la discussion des articles et commencer à débattre des mesures que nous proposons. Ainsi, nous pourrons faire justice de toutes les accusations et caricatures qui viennent d'être proférées.

M. Durand a besoin de temps. Au mois d'octobre dernier, j'ai demandé au parti socialiste, comme à toutes les formations politiques représentées à l'Assemblée nationale, de participer à l'élaboration du projet et de formuler ses propositions. J'ai reçu un texte parfaitement construit, et fort dense, du parti communiste, dont je n'ai pas pu, évidemment, tenir compte totalement, mais rien du parti socialiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par conséquent, du temps a été donné à la réflexion, puis au travail d'élaboration. Maintenant, nous avons besoin d'agir, de réformer notre école. Pour ce faire, mesdames et messieurs les députés, procédons à l'examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole au président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, j'indique que, sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Comme je considère M. Durand comme l'un des membres les plus réfléchis de la commission, je suis un peu surpris de la teneur de certains de ses propos.

Vous avez employé, mon cher collègue, les mots de « supercherie » - à trois reprises -, de « manque d'ambition », de « renoncement à toute ambition », de « manque de souffle » !

M. Patrick Roy. Il a raison ! Nous connaissons bien nos quartiers ! Nous ne vivons pas dans le même monde que vous !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Relisez le projet et retrouvez l'état d'esprit que vous avez habituellement en commission, et reconnaissez que vous avez commis des erreurs. Si je voulais être polémique, je dirais que vous n'avez pas toujours évité le péché...

M. Jean-Pierre Brard. Restez laïque !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...de mauvaise foi, pour ne pas dire de mensonge !

Sur tous les bancs, à droite comme à gauche, il y a nombre d'enseignants parmi nous, dont quatre-vingt-dix au sein de l'UMP et de l'UDF, et nous sommes tous très attachés à l'école de la République. Nous savons ce que nous lui devons et ce qu'elle nous apportera dans les années à venir. Mais nous reconnaissons qu'il faut l'adapter, au fil du temps et que, vingt ans après...

M. Jean-Pierre Brard. Comme le disait Alexandre Dumas !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...la loi Jospin, il est nécessaire de l'améliorer pour mieux répondre aux besoins de la société. Nous devons faire ce constat avec lucidité, tout en faisant confiance à l'école de la République.

Pour revenir à votre demande de renvoi, monsieur Durand, il y a eu quatre réunions de la commission.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est peu !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Lors de la première, nous avons auditionné le ministre et, monsieur Durand, vous vous êtes exprimé longuement.

Lors de la deuxième réunion, M. Reiss, que je félicite pour la qualité de son travail, a présenté son rapport. Puis, nous avons examiné 122 amendements. Combien émanaient du groupe socialiste ? Aucun ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Et alors ?

M. Yves Durand. J'ai dit pourquoi !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ensuite, la commission s'est réunie au titre de l'article 88 pour examiner quatre-vingt-treize amendements, dont cinq du groupe socialiste. Enfin, au titre de l'article 91, nous avons vu 230 amendements, dont 105 du groupe socialiste : quinze d'entre eux ont d'ailleurs été adoptés.

Mme Martine David. Combien d'amendements ont été déposés aujourd'hui par le groupe UMP ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il eût été logique que le groupe socialiste dépose ces amendements lors de la présentation du rapport de M. Reiss.

Mme Martine David. C'est un mauvais procès !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. S'agissant des moyens,...

Mme Martine David. Parlons-en !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...vous avez dit ce que vous pensiez des 2 milliards d'euros qui ont été annoncés.

Mme Martine David. Où les prenez-vous ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Contrairement à vous, nous pensons que c'est beaucoup, mais mon rôle n'est pas d'intervenir dans ce débat. Cela étant, si vous aviez participé à nos réunions, vous auriez pu constater que la distinction entre les problèmes posés par la carte scolaire et le projet de loi avait été clairement établie. En outre, après l'audition du ministre, qui a fait des propositions chiffrées, le rapporteur a présenté une série d'amendements précis qui donnent au texte sa dimension de loi de programmation.

M. Jean-Pierre Blazy. Improvisation !

Mme Martine David. Bricolage !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. S'agissant de la réussite pour tous les élèves, monsieur Durand, nous sommes d'accord sur le socle de connaissances, que vous avez longuement détaillé dans votre intervention : maîtrise de la langue française et des principaux éléments de mathématiques, acquisition des bases de la culture humaniste et scientifique, pratique des langues étrangères et maîtrise des techniques d'informatisation et de communication. Vous avez dit à plusieurs reprises que ce socle devait être qualifié de « commun ». Or c'est précisément l'un de vos amendements allant en ce sens qui a été adopté par la commission.

Mme Martine David. Un sur 300 !

M. Yves Durand. Ce n'est pas dans le texte de loi !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous ne parlons pas du texte, mais du travail fait en commission.

Vous avez évoqué le « contrat individualisé de réussite à l'école ». Qui en a changé l'appellation et mis en place le « programme personnalisé de réussite scolaire » ? C'est, une fois de plus, la commission et son rapporteur. Et je pourrais multiplier les exemples.

Un mot encore sur le débat que nous avons eu en commission sur les remplacements de courte durée : il faudrait 5,8 millions d'heures supplémentaires pour satisfaire seulement la moitié des besoins.

Enfin, je ne peux accepter, venant de l'enseignant que vous avez été, monsieur Durand, votre critique du programme personnalisé de réussite scolaire, car la création de trois heures supplémentaires a du sens.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous en reparlerons !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous en avons déjà longuement discuté.

Le renvoi en commission n'est pas nécessaire. Grâce au travail du rapporteur et des nombreux commissaires présents, le texte a été analysé, décortiqué...

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...et amélioré par certains amendements.

M. Christian Paul. Vous savez bien que non !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Si l'Assemblée votait le renvoi en commission, celui-ci ne changerait rien au sentiment de malaise qui se dégage de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean-Pierre Blazy. Surtout après la déclaration d'urgence !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. ...quand elle intervient sur un texte dont elle pense que le sujet lui appartient.

Non, mes chers collègues, ce renvoi en commission n'est pas nécessaire. L'école n'est ni de droite ni de gauche : c'est l'école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.

M. Christian Paul. Mes chers collègues, je vous montre les 200 amendements que la commission des affaires sociales a examinés cet après-midi en vingt minutes.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C'est faux !

M. Christian Paul. Disons en vingt-cinq minutes, monsieur le président de la commission !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est du travail bâclé, comme le texte de loi !

M. Christian Paul. Si je vous les montre, c'est pour appuyer la motion de renvoi en commission qu'Yves Durand a défendue avec beaucoup de conviction, en hussard de la République qu'il est.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Vous faites preuve d'un esprit partisan ! Ces amendements ont été déposés hier soir !

M. Christian Paul. Yves Durand a préparé son intervention avant que le Gouvernement ne déclare l'urgence sur ce texte, mais celle-ci nous donne une raison supplémentaire de demander le renvoi en commission.

Mme Martine David. C'est évident !

M. Jean-Marie Le Guen. En effet, ça, c'est un argument !

M. Christian Paul. Le débat parlementaire nous offre peu de textes tels que celui-ci, car les lois scolaires, vous l'avez rappelé et chacun en convient, viennent tous les dix ou quinze ans. Or nous allons examiner celle-ci dans la précipitation.

Certes, il y a eu le débat sur l'école, mais, aujourd'hui, c'est le produit de ce débat que nous examinons et nous savons la minceur de ce projet. C'est pour pouvoir amender ce texte en commission, selon les procédures en vigueur dans notre assemblée, que nous avons besoin de le revoir.

M. Guy Teissier. Il fallait le faire avant !

M. Christian Paul. À un projet bâclé, comme vient de le démontrer Yves Durand, nous ne voulons pas ajouter un débat minuté.

J'indique à nos collègues de la majorité qui, compte tenu du rythme d'examen en commission, ne s'en sont sans doute pas aperçus, qu'un amendement de M. Geoffroy réintroduit par la bande le contrôle continu pour l'obtention des diplômes.

M. Guy Teissier. C'est pour faire plaisir à Jospin !

M. Guy Geoffroy. Moi, ça me paraît très bien !

M. Christian Paul. Ainsi ce que l'on a feint de retirer d'une main a-t-il été réintroduit de l'autre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Dubernard qui, lui, a l'intelligence de la main, aurait dû s'en apercevoir ! (Protestations sur les mêmes bancs.) Voilà une raison supplémentaire de renvoyer ce texte en commission.

Vous présentez une façade démocratique à la nation. Mais le débat qui s'engage est un véritable simulacre. Pour notre part, nous croyons au Parlement, à l'Assemblée nationale, à la parole publique et au dialogue parlementaire. Or depuis la première intervention, celle de Mme Ségolène Royal, suivie par celle notre collègue communiste André Chassaigne, monsieur le ministre, vous n'écoutez pas les orateurs. Vous consacrez plus de temps à la lecture de votre revue de presse qu'au dialogue avec l'opposition. Ce débat nécessite un certain nombre d'heures, voire de jours de travail, et c'est pourquoi nous souhaitons le renvoi du texte en commission.

Une raison supplémentaire, et Yves Durand l'a bien illustrée, c'est que la crédibilité de cette réforme repose sur la réalité des crédits qui lui seront affectés. Or ni le rapporteur ni le président de la commission ni le ministre, que nous avons écoutés, ne nous ont expliqué comment sera financée cette loi. Nous vous avons interrogé, monsieur le ministre, sur l'origine des 2 milliards d'euros que vous annoncez et sur les 10 000 postes en renfort dans les écoles. Quels moyens nouveaux, quels redéploiements envisagez-vous ? Combien prenez-vous aux zones d'éducation prioritaire, aux écoles rurales, aux filières professionnelles que vous fermez en ce moment, aux IUFM, aux TPE ? Vous allez condamner un certain nombre de sites départementaux.

M. Christian Ménard. Au vote !

M. Christian Paul. En demandant le renvoi en commission, nous avons le sentiment, ce soir, d'être mandatés par la nation.

M. Gabriel Biancheri. Il serait temps !

M. Christian Paul. Quand les parents, les enseignants, les élèves ne veulent pas d'une loi et qu'ils n'y croient pas, il faut demander son retrait ou au moins son réexamen, voire la réécriture de la copie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Ménard. Au vote !

M. le président. Je rappelle à M. Ménard que nous voterons lorsque les explications de vote seront terminées.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'UMP.

M. Guy Geoffroy. Les propos que nous entendons depuis une heure et demie contiennent de nombreuses approximations (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), quelques mensonges (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et relèvent d'une lecture tendancieuse.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un expert qui parle !

M. Guy Geoffroy. Je commencerai par votre mensonge, monsieur Paul. Mon amendement, auquel vous avez fait allusion, vise simplement - ce que vous auriez compris si vous l'aviez lu - à rétablir l'ordre normal dans lequel doivent être évoqués les différents modes d'acquisition des diplômes.

M. Christian Paul. Le baccalauréat, par exemple ?

M. Guy Teissier. Quelle mauvaise foi, monsieur Paul !

M. Guy Geoffroy. Le texte initial évoque d'abord le contrôle en cours de formation, puis le contrôle continu, ensuite l'examen et, enfin, la validation des acquis de l'expérience. Mon amendement, adopté par la commission, propose d'abord l'examen, puis le contrôle en cours de formation, ensuite le contrôle continu et enfin la validation des acquis de l'expérience.

M. Guy Teissier. M. Paul ne le savait peut-être pas !

M. Henri Emmanuelli. Bien sûr que si !

M. Guy Geoffroy. Il ne s'agit donc pas, comme vous le prétendez, de réintroduire sournoisement le contrôle continu. C'est un mensonge, et vous êtes démasqué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous faites du texte une lecture tendancieuse. S'agissant des heures de découverte professionnelle, il y a selon M. Durand...

M. Henri Emmanuelli. Qui a été remarquable !

M. Guy Geoffroy. ...obligation pour les élèves en difficulté de suivre cette option qui ne serait qu'une pré-orientation. Je vais relire le texte, car peut-être certains d'entre vous, à gauche, ne l'ont-ils pas suffisamment analysé : « L'option de découverte professionnelle dotée d'un horaire de trois heures en classe de troisième doit permettre aux élèves d'élaborer un projet personnel à travers notamment la présentation de différents métiers ». Où est l'obligation ? Si vous avez lu le texte, je vous demande de me l'expliquer, car je ne fais que lire ce que j'ai sous les yeux !

M. Yves Durand. Nous y reviendrons tout à l'heure !

M. Guy Geoffroy. Le projet indique également que « Parallèlement, en classe de troisième, une option de découvert professionnelle dotée d'un horaire de six heures sera offerte aux élèves qui veulent mieux connaître la pratique des métiers ». Où est l'obligation ?

M. Yves Durand. Quelle hypocrisie ! On ne peut mieux faire !

M. Guy Geoffroy. C'est effectivement une lecture tendancieuse que vous avez faite. Une fois de plus, vous êtes démasqué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il y a deux ans, je le rappelle, nos collègues socialistes ont laissé passer le train de la réforme (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et l'ont même toisé, depuis le quai, d'un regard dédaigneux.

M. Henri Emmanuelli. Parce que vous l'avez pris, ce train ?

M. Guy Geoffroy. Depuis, malgré une course effrénée, ils ne parviennent pas à le rattraper. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. C'est ridicule !

M. Guy Geoffroy. Ils ont ainsi refusé de participer à la commission Thélot, dont ils disaient qu'elle ne servirait à rien. Et ils ont aujourd'hui l'incroyable culot de se prévaloir de ses résultats pour critiquer le projet de loi !

Mme Martine David. C'est le ministre qui prétend s'en être inspiré !

M. Guy Geoffroy. Or la commission Thélot a été très utile. Elle a donné au Gouvernement un cadre précis dans lequel inscrire son projet. Tous les parlementaires qui ont, pendant plus d'un an, patiemment travaillé en son sein - et je suis fier d'en avoir fait partie - savent combien le texte qui nous est présenté est fidèle, pour l'essentiel, aux orientations qu'elle a dégagées.

Vous, vous n'en avez pas voulu. Pendant que vous courez après le train de la réforme, nous, nous avançons. Nous refuserons de voter le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, quand on est enseignant - et je l'ai été, comme beaucoup de mes collègues -, on est frappé par l'écart entre la masse des jeunes qui réussissent et la part toujours plus importante - entre 60 000 et 150 000 chaque année, selon les estimations - de ceux qui échouent.

M. Marc Laffineur. Justement ! C'est le problème que nous cherchons à résoudre !

M. Daniel Paul. Or cet écart se creuse. Il se creuse parce que, depuis des années, on refuse à ceux qui rencontrent des difficultés l'aide dont ils auraient besoin pour les surmonter.

Si nous voulons un pays « en ordre de bataille », si nous voulons la réduction des inégalités sociales, l'effort doit se porter essentiellement - mais pas exclusivement, bien sûr - vers les jeunes éprouvant le plus de difficultés. C'est pourtant sur ce point que votre projet se montre insuffisant. Vous ne semblez pas avoir pris la mesure de la fracture qui existe actuellement dans ce domaine.

Mme Claude Greff. Mais si, justement !

M. Daniel Paul. Vous nous proposez de maintenir les objectifs de 1989 : 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat, 50 % à celui d'un diplôme de l'enseignement supérieur. J'ai envie de vous dire : chiche ! Mais dans ce cas, donnez l'exemple ! Mettez la carte scolaire de 2005 en conformité avec vos promesses.

M. Marc Laffineur. C'est nul !

M. Daniel Paul. Car nous assistons aujourd'hui à un véritable tour de passe-passe. Vous supprimez des milliers de postes dans les collèges et les lycées, notamment ceux situés en zone d'éducation prioritaire, ...

M. Marc Laffineur. N'importe quoi ! C'est faux !

M. François Liberti et M. André Gerin. Non, c'est vrai !

M. Daniel Paul. ...et demain, vous pourrez faire bonne figure en les rétablissant, afin de mettre cette réussite à votre actif. Cela s'appelle de l'arnaque, monsieur le ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous partageons tous les objectifs que vous affichez, mais pas vos ambitions réelles, qui, à l'évidence, sont tout autres : elles sont en effet limitées par les contraintes budgétaires, elles-mêmes liées à la baisse des impôts. Comme je le dis dans ma circonscription : « La baisse des impôts bénéficie aux plus riches, mais c'est vous qui en subissez les conséquences ! »

M. Christian Paul. C'est vrai !

M. Alain Gest. Vous considérez donc que 50 % des Français sont riches !

M. Daniel Paul. Tel est le contexte dans lequel vous vous situez : la baisse des impôts, le cadre étroit et strict du déficit public autorisé par l'Union européenne, et enfin l'exigence patronale d'un formatage des jeunes aux besoins de l'économie libérale. Certes, le formatage de la jeunesse aux contraintes industrielles et économiques a toujours existé, y compris au temps de Jules Ferry. Mais celui qui est aujourd'hui imposé n'a pas de quoi nous rendre fiers.

Vos amis de la majorité ont évoqué l'école maternelle à plusieurs reprises. Il est vrai qu'un débat existe sur l'accueil des enfants de moins de trois ans. Certains spécialistes - psychologues, pédagogues - en vantent les mérites, d'autres les nient. Mais nous n'avons jamais voulu rendre cet accueil obligatoire. Vous, au contraire, vous tranchez ce débat de spécialistes, et vous le faites d'une façon conservatrice, pour ne pas dire rétrograde, en rendant impossible l'accueil en maternelle des enfants de moins de trois ans, y compris dans les zones d'éducation prioritaire.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non !

M. Daniel Paul. Si !

M. Pierre Cardo. Ce n'est pas ce qui est écrit dans le projet ! Lisez-le !

M. Daniel Paul. Tous vos prédécesseurs avaient pourtant affirmé que cet accueil resterait possible dans les écoles situées en ZEP.

En ce qui concerne la réduction des effectifs, elle n'est plus le signe d'une amélioration de la situation, et vous le savez tout autant que nous - dans le cas contraire, je vous inviterais à visiter un certain nombre d'établissements de l'enseignement secondaire situés en zone d'éducation prioritaire.

M. François Liberti. Bonne idée ! Organisons des visites !

M. Daniel Paul. Compte tenu de la situation sociale et économique, les enfants qui les fréquentent sont ceux dont les parents n'ont pas les moyens de partir. Il est donc nécessaire de maintenir, et même de développer les moyens consacrés à ces établissements.

Monsieur le ministre, ce texte devrait être retiré. Non seulement vous le maintenez, contre l'avis des élèves, ...

M. Guy Teissier. De certains élèves !

M. Daniel Paul. ...des enseignants et des parents, mais vous voulez maintenant qu'il soit examiné en urgence ! Vous craignez sans doute que ne monte l'expression de son rejet, et que ce rejet n'alimente l'opposition à la Constitution européenne - c'est d'ailleurs pour cela que le Gouvernement veut avancer la date du référendum. Nous voterons évidemment pour la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe UDF.

M. François Rochebloine. Des arguments ont été présentés en faveur du renvoi de ce texte en commission. Mais au nom de quoi faudrait-il tarder davantage à légiférer sur l'école ?

Mme Martine David. Parce que l'urgence a été déclarée !

M. François Rochebloine. Deux années de réflexion intense, qui ont concerné l'ensemble du pays, ont été suivies par le riche travail de la commission conduite par Claude Thélot, dont le rapport a fait l'unanimité au sein des associations d'enseignants et de parents d'élèves.

M. Christian Paul. Il ne s'agit pas du rapport, mais du projet de loi !

M. François Rochebloine. Si notre système scolaire est bon, et même meilleur que celui de nos voisins, il n'en demeure pas moins que l'école ne remplit pas toutes les missions qui sont les siennes. Aussi devons-nous nous atteler à deux réformes prioritaires : lutter contre l'échec scolaire et conforter les enseignants dans leurs compétences, leurs méthodes et leur légitimité.

Un quart des jeunes sont laissés sur le bord de la route, et au moins 10 % des élèves connaissent de grosses difficultés à l'entrée en sixième. Pourquoi, dès lors, attendre davantage pour mettre en œuvre une politique volontariste et efficace, permettant de fixer un cap à l'éducation nationale, une mission aux enseignants ? Pourquoi attendre davantage pour établir l'égalité des chances à l'école et permettre à chaque élève, quel que soit son milieu d'origine, de recevoir les connaissances solides qui permettront sa réussite scolaire et personnelle ?

Nous avons noté avec satisfaction que le ministre s'était engagé à rétablir l'éducation physique et sportive comme discipline obligatoire évaluée au brevet. C'est un premier pas positif. Espérons que nous pourrons aussi avancer en ce qui concerne la nécessaire intégration du sport dans le socle de connaissances et de compétences.

Quoi qu'il en soit, le groupe UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 188

                    Nombre de suffrages exprimés 188

                    Majorité absolue 95

        Pour l'adoption 41

        Contre 147

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2025, d'orientation pour l'avenir de l'école :

Rapport, n° 2085, de M. Frédéric Reiss, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot