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Deuxième séance du mardi 8 mars 2005

168e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, a souhaité symboliquement, en cette journée internationale de la femme, que, pour la première fois, une femme préside la séance des questions au Gouvernement. Nous saluons tous cette initiative. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Avant d'en venir aux questions, je souhaite réitérer, en votre nom, mes chers collègues, notre soutien et nos espoirs pour la libération des otages, Florence Aubenas, Hussein Hanoun et Ingrid Betancourt.

Enfin, je voudrais souligner que le combat pour l'égalité entre les hommes et les femmes dans le travail, la vie politique et la vie quotidienne ne se limite pas à un jour symbolique : il est de tous les instants. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le Premier ministre, en ce 8 mars 2005, journée internationale de la femme, nous devons d'abord nous féliciter des avancées de la condition féminine dans notre pays au cours des quarante dernières années.

Nous nous réjouissons particulièrement de l'accélération donnée à ce mouvement depuis 2002 par votre gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République. En effet, depuis plus de deux ans et demi, la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle a engagé avec les partenaires sociaux un dialogue important sur la question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ce travail a abouti à un accord national interprofessionnel signé en mars dernier ainsi qu'à la mise en place d'un label « égalité ».

Dans la poursuite de ces efforts, le Président de la République a rappelé, lors de ses vœux aux forces vives le 4 janvier dernier, les enjeux de ce combat, qui doit être mené sans relâche pour garantir dans les faits l'égalité de traitement à l'embauche, l'égalité de rémunération mais aussi l'égalité des chances dans le déroulement des carrières. Ainsi, le Gouvernement prépare un projet de loi afin de parvenir à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes dans un délai maximum de cinq ans.

Parallèlement, les différentes lois en faveur de la parité ont permis à une nouvelle génération de femmes de faire leur entrée dans la vie politique et dans la vie publique. Pour autant, dans la pratique, ces lois garantissent plus un égal accès qu'une égale représentation des hommes et des femmes.

Hier, le Président de la République a demandé au Gouvernement et aux partis politiques d'engager sans tarder une réflexion de fond afin de rendre réellement effective la parité en politique.

Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple : comment envisagez-vous de concrétiser les engagements du Président de la République pour renforcer la place des femmes dans le système politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Madame la présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je considère, comme vous, que consacrer une journée à la condition de la femme est insuffisant, même si cette année 2005 est une date anniversaire, et je veux rendre hommage au général de Gaulle qui a donné un nouvel élan à la démocratie en donnant le droit de vote aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Laurent Fabius et Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

M. le Premier ministre. Je voudrais rendre également hommage aux femmes de France. Ce sont celles qui ont le plus haut niveau d'activité professionnelle en Europe, c'est-à-dire qu'elles font plusieurs journées en une. Elles contribuent ainsi non seulement à accroître la richesse nationale, mais aussi à renforcer la cohésion sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ensuite, je voudrais annoncer que, comme vous l'avez souhaité et comme le Président de la République l'a demandé au Gouvernement, sera prochainement déposé, sous la responsabilité de Nicole Ameline, un projet de loi qui visera à faire de l'égalité salariale une vraie caractéristique de la République française : tout accord salarial devra, pour être applicable, comprendre une clause féminine. C'est pour nous une démarche particulièrement significative. Oui à l'accord, oui aux partenaires sociaux et à leurs discussions, mais obligation d'intégrer dans l'accord l'égalité hommes-femmes en matière de salaires.

En ce qui concerne l'engagement politique, vous avez raison de dire qu'une grande partie du chemin a été parcourue. Je rends hommage à la loi de 2000. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.) Cette loi, qui a suscité beaucoup de discussions, a donné des résultats.

Nous avons, avec la loi de 2003, développé cette promotion de la représentation féminine dans notre démocratie.

Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir pour que la parité soit effective parmi les adjoints, parmi les vice-présidents des collectivités territoriales, départements et régions.

Mme Martine Billard et Mme Christiane Taubira. Et à l'Assemblée !

M. le Premier ministre. Il reste également beaucoup de chemin à parcourir pour que cette parité soit effective également dans les scrutins uninominaux.

Nous mettrons les partis politiques devant leurs responsabilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Une charte nationale, préparée dans la concertation avec Nicole Ameline, sera proposée pour faire de la parité, au-delà des modes et de la démagogie, une vertu de la démocratie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉCOLE

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.

Mme Martine David. Aujourd'hui, et après plusieurs manifestations d'ampleur, des dizaines de milliers de lycéens sont dans la rue pour exiger une loi sur l'école. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Après avoir méprisé avis et propositions des partenaires de l'éducation nationale, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche s'obstine à défendre un texte sans ambition.

Le Gouvernement a préféré passer en force en déclarant l'urgence, alors que le débat parlementaire avait commencé. Il annonce 2 milliards d'euros pour financer son projet et procède, dans le même temps, à 300 millions d'euros de gel de crédits sur le budget de 2005. Les conditions d'accueil des élèves et les conditions de travail des enseignants, déjà détériorées par les trois budgets de régression décidés par la majorité, vont se détériorer encore, avant même les 5 500 nouvelles suppressions de postes prévues pour la prochaine rentrée scolaire. Quelle crédibilité lui accorder ?

Les députés socialistes ont pourtant donné l'alerte pendant le débat à l'Assemblée sur les dangers d'une loi qui cumule injustice et manque de moyens.

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

Mme Martine David. Même si le Gouvernement le nie, des propositions alternatives ont été formulées parmi lesquelles la mise en place d'un parcours individualisé permettant la réussite de tous les élèves, la revalorisation du métier d'enseignant et une formation professionnelle permanente, le développement ambitieux d'une filière professionnelle.

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

Mme la présidente. Madame David, posez votre question, s'il vous plaît !

Mme Martine David. Les lycéens, les enseignants, les parents d'élèves, les personnels rejettent la copie du ministre. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Madame David, posez votre question. Et vous, mes chers collègues, écoutez-la. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Ils refusent les conditions médiocres de la prochaine rentrée scolaire. (Protestations sur les mêmes bancs.) Vont-ils être entendus ? Un collectif budgétaire va-t-il être voté ? Une véritable concertation va-t-elle enfin être engagée afin d'aboutir à une loi courageuse, porteuse d'avenir pour l'école de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

Plusieurs députés socialistes. Où est le ministre de l'éducation nationale ?

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame la députée, la modernisation de notre école est une tâche d'intérêt général. Nous connaissons bien les défauts de notre système scolaire. Malgré l'enthousiasme et la passion des enseignants, des parents d'élèves, des lycéens et des collégiens, il présente, c'est vrai, quelques faiblesses. Ainsi, 150 000 jeunes en sortent chaque année sans diplôme ni qualification.

M. Albert Facon. Aujourd'hui, ils sont dans la rue.

M. le ministre délégué à la recherche. Et 80 000 enfants entrent en sixième en ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter.

Mme Martine David. On le sait tout ça !

M. le ministre délégué à la recherche. Ce ne sont pas des problèmes secondaires.

Mme Martine David. Mais ce n'est pas la question !

M. le ministre délégué à la recherche. Si, justement ! La question est de savoir si nous voulons ou non moderniser l'école de la République.

Mme Martine David. On l'a dit pendant le débat !

M. Henri Emmanuelli. Et si nous en avons les moyens !

M. le ministre délégué à la recherche. La politique du Gouvernement, c'est d'abord l'écoute. François Fillon a reçu les lycéens.

Mme Martine David. Il en a reçu deux !

M. le ministre délégué à la recherche. Il les a écoutés sur le baccalauréat, les options, les TPE, qui sont maintenus en première.

M. François Liberti. Mensonges !

Mme la présidente. S'il vous plaît !

M. le ministre délégué à la recherche. La politique du Gouvernement, ce sont aussi des moyens pour l'école - 2 milliards d'euros, vous l'avez rappelé, madame la députée, et 150 000 postes d'enseignants sur cinq ans. C'est l'accent mis sur la nécessité de savoir lire, écrire, compter et parler une langue étrangère. C'est un soutien individualisé de trois heures par semaine, dans toutes les écoles, pour les élèves qui décrochent. C'est le triplement des bourses au mérite pour les élèves défavorisés.

La France est un des pays de l'OCDE qui consacre le plus de moyens à son école. En quinze ans, le nombre d'élèves a baissé de 500 000 tandis que le nombre d'enseignants augmentait de 100 000.

Mme Martine David. Vous gelez les crédits !

M. le ministre délégué à la recherche. Qui oserait prétendre que l'encadrement des élèves a diminué ?

Mme la présidente. Monsieur le ministre, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?

M. le ministre délégué à la recherche. Nous adaptons notre système aux effectifs, en cherchant à faire du sur mesure, en maintenant un taux d'encadrement quasi inchangé.

Telle est notre politique : une politique d'écoute et de détermination au service de la modernisation de l'école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe Union pour la démocratie française.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le Premier ministre, le combat pour l'emploi des femmes ne se limite pas, tout le monde en convient, je crois, au seul 8 mars, car si la place des femmes a progressé dans le monde du travail, elle n'est pas encore à la hauteur de l'ambition affichée dans le droit français et dans le droit européen.

Tout le monde le sait, alors que le niveau d'éducation et de formation des hommes et des femmes est le même, les inégalités perdurent : le chômage des femmes est plus élevé, et, à travail égal, leurs revenus sont bien inférieurs à ceux des hommes ; elles occupent des emplois peu qualifiés, cantonnés sur un petit nombre de professions, et à temps partiel, souvent plus subi que choisi.

Ces inégalités ne sont plus acceptables car elles sont à l'origine de la précarité qui touche beaucoup de femmes pendant leur activité, puis leur retraite, une précarité d'ailleurs renforcée par l'augmentation du nombre de familles éclatées.

Des progrès, tout le monde le reconnaît, restent à faire. Mais ces progrès relèvent davantage de l'engagement de tous à appliquer les lois actuelles dans les entreprises que du vote de nouvelles lois. De réelles avancées ont ainsi pu être obtenues grâce à des accords conclus avec les partenaires sociaux.

L'UDF souhaite connaître les actions entreprises par le Gouvernement pour accélérer la négociation nationale sur l'égalité professionnelle et le bilan des premiers accords d'entreprise ou de branche signés pour resserrer les écarts en termes de salaires et élever le taux d'activité des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la députée, en effet, la France s'engage, au moment même où l'Union européenne renforce le principe d'égalité dans son projet de Constitution. Elle s'engage avec le soutien de tous les bancs de cette assemblée, que ce soit aux Nations unies pour défendre l'égalité dans le monde ou ici avec les partenaires sociaux.

C'est une méthode radicalement nouvelle que nous avons souhaité mettre en œuvre. Elle a donné des résultats puisque, il y a juste un an - c'est presque un anniversaire -, les partenaires sociaux signaient à l'unanimité un accord érigeant en priorités la lutte contre toutes les formes de discriminations et l'égalité salariale. Plus récemment, nous avons créé avec eux le label « égalité professionnelle », qui vient d'être décerné à dix nouvelles entreprises, dont le groupe EADS.

Avec les partenaires sociaux, nous avons aussi mené une réflexion qui débouche sur le projet de loi sur l'égalité salariale que vient d'évoquer M. le Premier ministre. Ce texte est le fruit du dialogue social. Il va permettre aux entreprises d'accélérer leur progression vers l'égalité salariale à l'intérieur même de leur propre structure. Cela devrait nous permettre, en cinq ans, de mettre en adéquation un droit proclamé depuis des années et une réalité qui n'est pas encore satisfaisante.

L'égalité professionnelle est, avec l'égalité salariale, un enjeu de cohésion sociale, de justice sociale, de croissance et d'emploi. Madame la députée, je connais votre engagement en la matière. C'est aussi notre modèle social qui est en jeu : au XXIe siècle, les femmes veulent travailler, mais choisissent aussi d'avoir des enfants. Il faut que nous préservions ce modèle, que nous le renforcions, car il inspire aujourd'hui l'Europe moderne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MOUVEMENTS SOCIAUX

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le Premier ministre, cette semaine votre gouvernement doit supporter une « tempête de manifs sur la France » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour reprendre le titre choisi hier par un quotidien national.

Après le succès, samedi, du rassemblement de Guéret pour la défense des services publics en milieu rural et, dimanche, de la manifestation des femmes, après la mobilisation des cheminots hier, les manifestations des lycéens, des employés du commerce et des femmes aujourd'hui, des chercheurs demain, ce sera jeudi au tour des salariés des secteurs public et privé d'exprimer leur mécontentement et de défendre leur salaire, leur emploi, le temps de travail. Et 69 % des Français expriment leur sympathie pour ces mouvements.

La France gronde et souffre de votre politique, qui laisse filer le chômage au-dessus de la barre des 10 %, organise la précarité de l'emploi, la baisse du pouvoir d'achat et les bas salaires. C'est d'autant plus insupportable que, dans le même temps, à l'autre bout de la chaîne, la France d'en haut est florissante : les plus grandes entreprises cotées au CAC 40 voient leurs profits progresser de 22 % !

En cette journée du 8 mars, journée internationale des droits des femmes et pour l'égalité, comment ne pas voir que, dans notre pays, les femmes sont parmi les premières victimes de la dégradation de la situation sociale, des inégalités, les premières touchées par la précarité du travail, le temps partiel et les bas salaires ? En France, les femmes représentent 76,8 % des bas salaires et 80 % des très bas salaires. Comment peut-on vivre aujourd'hui avec 840 euros par mois ?

Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous prétendre vouloir lutter contre les inégalités salariales et professionnelles dont les femmes sont victimes alors que vous menez campagne (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour faire adopter une constitution...

Mme la présidente. Madame Jacquaint, veuillez poser votre question !

Mme Muguette Jacquaint. ...qui livre à la loi du marché les droits fondamentaux des hommes et des femmes ? Comment pouvez-vous prétendre atteindre ces objectifs alors même que la logique de la directive Bolkestein organise le dumping social et toutes ces inégalités ? Monsieur le Premier ministre, comment allez-vous résoudre ces contradictions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Madame Jacquaint, vous avez abordé trois sujets réels : l'insécurité, le temps de travail choisi, qui est souvent subi, et le pouvoir d'achat.

M. André Chassaigne. Et les profits !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. S'agissant de l'insécurité, vous étiez dans cette assemblée quand a enfin été voté, il y a quelques semaines, un texte instaurant le parcours professionnel sécurisé pour les salariés des entreprises de moins de mille personnes. En ce moment même, les partenaires sociaux négocient la mise en place des congés de reclassement personnalisés et j'espère que nous aurons très rapidement un dispositif digne, qui permettra de régler bon nombre de situations.

S'agissant du pouvoir d'achat, je me permets de vous rappeler qu'après une très longue période où le SMIC a été jugulé, sous le gouvernement de M. Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Henri Emmanuelli. C'est honteux !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...sous le très agréable vocable de « modération salariale », le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a procédé à des augmentations successives du SMIC , dont une de 5,6 % en juillet dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le 18 mars prochain, la commission nationale sur les salaires se réunira pour analyser les évolutions du pouvoir d'achat des dernières années. Je peux d'ores et déjà vous indiquer qu'en 2004 il a augmenté plus, pour les ouvriers français, que les quatre années précédentes.

Madame Jacquaint, nous allons annoncer, pour juillet prochain, une nouvelle augmentation du SMIC pour les salariés les plus touchés. En outre, nous appelons à une négociation des différentes branches dans le cadre de la commission nationale.

M. Jean Glavany. Tout va bien alors !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Enfin, Gérard Larcher a demandé une négociation sur le temps choisi ou subi dans la grande distribution. C'était bien le jour pour parler de l'emploi précaire et de l'emploi féminin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SERVICE AU PUBLIC

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean Auclair. Madame la présidente, je suis très flatté d'être le premier homme auquel vous donnez la parole. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Prends des hormones !

Un député du groupe socialiste. Et Borloo, ce n'est pas un homme ?

M. Jean Auclair. Ma question s'adresse au Premier ministre et elle concerne les services au public.

Monsieur le Premier ministre, le 28 octobre dernier dans cet hémicycle, je dénonçais la manœuvre subversive du parti socialiste concernant la pseudo-démission d'élus creusois. C'était, paraît-il, une démission apolitique. Samedi dernier, en Creuse, on a découvert la supercherie lors de la manifestation organisée par le conseil général socialiste (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Jean Glavany. Bravo !

M. Jean Auclair. ...qui s'est trouvé pris à son propre piège, débordé par les révolutionnaires de la Ligue communiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On a pu voir le couple Royal-Hollande bras dessus, bras dessous avec M. Besancenot. (Rires sur les mêmes bancs.) Voilà donc nos braves socialistes qui s'acoquinent avec la Ligue communiste révolutionnaire ! (Huées sur les mêmes bancs.) Bien mal leur en a pris ! On a pu voir les images ridicules du premier secrétaire du PS bombardé à coups de boules de neige, et je passe sur les œufs ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, il est temps de réaffirmer aux Français que vous n'avez pas attendu que des conservateurs ringards descendent dans les rues au son de l'Internationale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour entreprendre les réformes qui s'imposent. Votre gouvernement, empreint de modernité, a, lui, la volonté d'accompagner les changements nécessaires à notre société.

Monsieur le Premier ministre, je le dis haut et fort, il n'y a pas dans ce pays que des élus sans projet, des élus sans vision de l'avenir qui conjuguent démagogie et populisme dans la rue dans l'unique but de détruire et de faire de la politique politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Veuillez poser votre question, monsieur le député !

M. Jean Auclair. Je vous demande de faire de la Creuse un laboratoire de la ruralité (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), car, dans ce beau département, il y a aussi des élus qui veulent travailler pour leurs administrés, des élus qui ont bien compris que les services publics de notre enfance ne seront pas ceux de nos enfants. Alors, dites aux Français que vous proposez la création de foyers d'accueil polyvalents,...

Mme la présidente. Monsieur Auclair, posez votre question !

M. Jean Auclair. ...le développement des points Poste ! Dites-leur que la présence des facteurs est garantie dans les territoires ruraux, contrairement aux mensonges colportés sur France 3 vendredi soir dans un scandaleux reportage ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je veux saluer le président Debré, ici au premier rang, qui nous permet d'avoir aujourd'hui une assemblée présidée par une femme.

M. Henri Emmanuelli. Bravo Raffarin ! Après Julia, Auclair ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. Oh, je vous en prie, monsieur Emmanuelli ! M. Auclair a employé un ton modéré et vous avez perdu une occasion de vous taire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il faut en effet défendre la ruralité. Je comprends l'inquiétude de certains élus et je voudrais y répondre. Le droit de manifestation est respecté dans notre pays. Je souhaite qu'il n'y ait aucune violence dans aucune manifestation, y compris contre le premier secrétaire du parti socialiste. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est très important que ce droit puisse s'exercer dans le calme (Applaudissements sur les mêmes bancs) et je regrette que la manifestation dont vous avez fait état, monsieur Auclair, donne une bien mauvaise image de la ruralité.

Notre société doit davantage intégrer les problèmes de la solitude, du développement et des services publics du monde rural. Nous avons pendant très longtemps laissé penser que notre modèle d'avenir était seulement urbain. Or, aujourd'hui, dans le monde rural, le vieillissement de la population, les problèmes démographiques, la présence de l'État et certains sujets comme celui, si important, de la démographie médicale suscitent de légitimes inquiétudes pour lesquelles mon gouvernement prépare des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ces réponses quelles sont-elles ? D'abord, nous avons demandé à l'Association des maires de France d'organiser avec nous une conférence nationale des services publics en milieu rural.

M. Jacques Desallangre. C'est à Bruxelles que cela se décide !

M. le Premier ministre. Cette conférence rassemblera non seulement l'Association des maires de France, l'Association des départements de France, l'Association des régions de France, mais aussi La Poste, EDF, la SNCF, l'ANPE, l'ensemble des entreprises et des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Après m'être entretenu avec le président de l'assemblée des maires de France, M. Pélissard, je demande à ce que cette conférence nationale tienne une réunion dans la Creuse, se mettant ainsi à la disposition des élus de ce département.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. le Premier ministre. Il faut prendre en compte, en effet, les préoccupations des élus que l'on n'a pas entendus à ce jour, notamment ceux qui ont des projets, qui ont une vision d'avenir et qui participent à la renaissance de la ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, j'ai demandé que soient suspendues, jusqu'au 1er janvier 2006, toutes les décisions concernant des mutations des services publics qui n'auraient pas reçu l'accord des élus locaux, tant que cette conférence est au travail et que vous appliquez, mesdames et messieurs les députés, que nous appliquons tous ensemble l'article 106 de la loi relative au développement des territoires ruraux, que vous avez votée.

M. Jean Glavany. La fermeture des classes, par exemple ?

M. le Premier ministre. C'est vrai pour les écoles, pour les collèges et pour l'ensemble des services publics.

M. Jacques Desallangre. Jusqu'au référendum ?

M. le Premier ministre. J'entends que cette réflexion se poursuive dans la sérénité, selon une vision de la France rassemblée, monde rural et monde urbain côte à côte.

Sur des sujets aussi difficiles, car il ne faut pas nier les mutations ni les nécessaires évolutions du service public, notamment les nouveaux services publics dont la ruralité a besoin, il faut plus de sérénité, moins de boules de neige (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et davantage d'imagination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE
L'IMMIGRATION CLANDESTINE

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'UMP.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et les libertés locales, nous comprenons et souhaitons tous dans cet hémicycle que notre pays accueille dignement les étrangers venus en France qui respectent les lois de notre République. Cependant, nous sommes obligés de constater qu'un grand nombre d'étrangers en situation irrégulière, souvent accompagnés d'enfants mineurs, vivent sur notre sol.

À juste titre, le Gouvernement fait de la lutte contre l'immigration clandestine une de ses priorités. Selon les chiffres officiels, le nombre d'éloignements d'étrangers en situation irrégulière a fortement augmenté depuis 2002, en passant de 9 000 à 16 000.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que ce résultat ne suffisait pas et vous avez fixé à vos services un objectif plus ambitieux. Il faut savoir que cette immigration clandestine - je le constate trop souvent dans ma circonscription - entraîne parfois des situations de semi-esclavage pour beaucoup de femmes et une vie indigne pour leurs enfants. Cette situation révolte particulièrement les femmes et les mères que nous sommes, sur tous les bancs de l'Assemblée.

Monsieur le ministre, comment allez-vous concilier ces deux exigences nationales que sont, d'une part, l'indispensable fermeté à l'encontre de l'immigration irrégulière et la préservation de nos acquis sociaux, qui exige la lutte contre les fraudes, et, d'autre part, le devoir d'humanité et de générosité de notre pays, auquel nous sommes tous particulièrement attachés ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et les libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, l'honneur de la politique,...

M. Jean Glavany. C'est d'être élu !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...c'est de fixer des règles claires.

Celle qu'a fixée notre Gouvernement est la fermeté vis-à-vis d'une immigration irrégulière nourrie par des filières mafieuses qui visent à exploiter des hommes, des femmes et des enfants. C'est pourquoi je veux augmenter le nombre de reconduites aux frontières.

Dans quelques semaines, je ferai au Président de la République et au Premier ministre des propositions visant à créer dans notre pays une véritable police de l'immigration, un service central de l'immigration susceptible de rassembler l'ensemble des capacités et l'autorité nécessaire à une vraie politique globale face à l'émigration irrégulière. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Lamy. C'est déjà ce qu'avait fait Sarkozy !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je sais que plusieurs questions se posent encore. Faut-il faire une exception pour les jeunes majeurs et les mineurs en situation irrégulière ? La réponse est non.

Faut-il élargir le bénéfice des allocations familiales aux jeunes en situation irrégulière ? La réponse est non. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le bénéfice des allocations familiales est en effet prévu par la loi pour tous ceux qui sont dans notre pays en situation régulière.

Mais, vous l'avez dit, madame la députée, notre politique se veut une politique d'humanité, conforme à l'héritage de notre République, aux valeurs qui sont les nôtres et à l'exigence d'universalisme de la France. C'est pour cela que j'ai donné instruction à nos préfets d'étudier au cas par cas chaque situation parmi les plus difficiles et les plus douloureuses, en particulier pour les mineurs isolés en cours de scolarité ou de formation. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous le voyez, madame la députée, il n'est pas question de modifier la règle générale. Ce serait, je le dis solennellement aux députés de tous les groupes, faire le jeu des filières mafieuses, ouvrir la voie à l'exploitation d'enfants pour leur bénéfice ou celui de la délinquance, et permettre l'entrée en France de parents et de familles en toute légalité.

M. Henri Emmanuelli. Il n'y a pas de quoi être fier de la politique de la France dans ce domaine !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement entend mener à la fois une politique de fermeté et une politique d'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Je vous rappelle tous à l'obligation de brièveté.

ÉGALITÉ PROFESSIONNELLES
DES FEMMES ET DES HOMMES

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.

Mme Catherine Génisson. Madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, en ce 8 mars 2005, journée internationale de la femme (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je souhaite évoquer la situation de plusieurs millions de nos concitoyennes, qui s'enfoncent dans une très grande précarité.

Le taux de chômage a franchi de nouveau le triste seuil de 10 %, les femmes en sont les premières victimes. Depuis un an, les femmes en recherche d'emploi sont deux fois plus nombreuses que les hommes, avec un taux de chômage en augmentation de 2,2 %, contre 1,1 % pour les hommes. (« À cause des 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De plus, 47 % des femmes travaillent, mais elles sont de plus en plus nombreuses à le faire dans une situation de précarité croissante. Elles occupent 53 % des contrats à durée déterminée et 59 % des contrats aidés. Le temps partiel subi est également une des grandes causes de cette précarisation. En France, 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes et 40 % de ce temps partiel est subi.

Rappelons que la loi dite de modernisation sociale a organisé la dérégulation des modalités de recours et d'organisation du travail à temps partiel dans les entreprises. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ajoute que 3,4 millions de personnes qui travaillent vivent en dessous du seuil de pauvreté et que 80 % de ces travailleurs pauvres sont des femmes.

Madame la ministre, étant donné que votre budget fond comme neige au soleil et que la diminution des emplois publics ne permet plus la présence efficace des services de l'État sur les territoires, notamment les directions du travail et de l'organisation du travail, comment pensez-vous remédier aux carences de votre politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la députée, M. le Premier ministre l'a rappelé : si notre majorité a été à l'origine, notamment au siècle dernier, des grandes avancées sociales et politiques en matière d'égalité, nous avons toujours soutenu, d'où qu'elles viennent, les propositions qui représentaient un progrès.

Force est de constater que votre bilan, sur le terrain de l'égalité professionnelle, n'a pas été bon. Il nous a conduits à reconstruire une politique qui porte aujourd'hui ses fruits.

M. Henri Emmanuelli. En matière de chômage féminin ?

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Ce sont les inégalités qui sont les premières causes de la précarité et le meilleur rempart contre celle-ci est la consolidation de l'emploi. C'est ce à quoi nous nous consacrons, Jean-Louis Borloo, Nelly Olin et moi.

M. Henri Emmanuelli. Avec quel succès !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Nous mettons en place les parcours sécurisés, le droit individuel à la formation, la validation des acquis de l'expérience, ainsi qu'une dynamique salariale et professionnelle.

Je l'ai dit : les entreprises évoluent positivement en matière d'égalité professionnelle, et il faut s'en réjouir.

Mais ces progrès ne suffisent pas. L'environnement social, les modes de garde et l'effort qui est engagé aujourd'hui sur ce terrain par le ministre de la famille sont essentiels. Nous ne pourrons pas avancer, en effet, si nous ne mettons pas l'innovation sociale au service de l'emploi.

Je partage avec vous, madame Génisson, le souci de toutes ces femmes qui sont en situation de sous-emploi. C'est précisément grâce à l'action menée aujourd'hui par le Gouvernement que nous pourrons leur apporter de nouvelles solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Sûrement pas !

ALIMENTATION DE LA CORSE EN ÉLECTRICITÉ

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l'UMP.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, ma question est d'actualité puisqu'elle concerne principalement la vie des femmes au quotidien et, au premier chef, des mères de famille.

La fourniture et l'alimentation électrique des 208 000 abonnés du réseau de Corse sont affectées depuis plus d'une semaine par des perturbations graves. Ces dysfonctionnements se manifestent par des coupures d'électricité imprévues et fréquentes qui occasionnent des gènes préjudiciables pour les foyers, les structures d'accueil et de soin aux malades, et les personnes âgées des entreprises.

Dans un contexte déjà difficile, encore aggravé par des conditions climatiques particulièrement rudes, cette crise est insupportable et provoque l'exaspération des habitants de l'île.

Leur incompréhension est d'autant plus grande que, il y a un mois encore, la direction régionale d'EDF affichait une franche sérénité en ce qui concerne la gestion prévisionnelle du réseau et le maintien de l'équilibre entre production et consommation.

Aujourd'hui, l'insuffisante maîtrise de la situation est patente et pesant le défaut d'informations précises. Ma responsabilité d'élu m'amène à partager la colère et le désarroi de mes concitoyens. Elle m'amène aussi à m'interroger sur l'étendue exacte des actions menées par EDF et des moyens déployés réellement pour la gestion prévisionnelle effectuée par cet établissement public.

Aussi ai-je relayé la demande qui vous a été adressée, monsieur le ministre, par le président du conseil exécutif de Corse, pour que soit diligentée au plus tôt une enquête approfondie.

Enfin, j'ai pris l'initiative de réunir jeudi, en séance extraordinaire, l'assemblée de Corse, afin qu'elle auditionne certains des responsables concernés et puisse s'assurer des moyens mis en œuvre pour mettre un terme à la crise.

Mme la présidente. Venons-en à votre question, s'il vous plaît.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre, pouvez-vous apporter à la représentation nationale des éclaircissements sur les raisons de cette situation, sans préjuger des conclusions de l'inspection générale et de l'enquête administrative demandée par le préfet de Corse ? Pouvez-vous veiller à ce que l'établissement public national EDF prenne rapidement des mesures afin que de tels errements ne puissent plus se reproduire, en attendant que soit mis en œuvre le plan énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous avez raison et je comprends le mécontentement des Corses.

Mme Martine David. Nous voilà soulagés !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je le dis comme je le pense : la situation actuelle de l'approvisionnement électrique en Corse n'est pas acceptable.

Quelles en sont les causes ?

La première est un froid tout à fait exceptionnel, qui n'avait pas été prévu.

La deuxième est que les stocks hydrauliques recensés dans les sept usines hydroélectriques de Corse sont au plus bas, notamment parce que celles-ci ont été sollicitées en raison de l'absence d'approvisionnement en fuel des centrales thermiques, du fait d'une grève. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La troisième cause de cette situation est la vétusté des moyens de production et de liaison pour la Corse.

Que faisons-nous ?

Dans l'immédiat, EDF met en service des groupes électrogènes. Ainsi, 40 mégawatts proviennent de matériels français, 25 mégawatts sont fournis grâce à un pont aérien avec l'Écosse et les Pays-Bas et 25 autres mégawatts par une turbine à combustion venue d'Athènes.

Ensuite, et c'est une décision juste, EDF rendra gratuit l'abonnement pour le premier trimestre 2005 - cela figurera sur les factures à paraître à compter du 2 avril prochain. Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé, j'ai chargé le conseil général des mines de dresser un inventaire des dysfonctionnements et des insuffisances.

Sur le fond, je signerai très prochainement avec EDF un contrat de concession du barrage sur le Rizzanese, pour 50 mégawatts. La signature de ce contrat avait été retardée par un conflit avec les écologistes.

Enfin, nous mettrons en service, dès la fin de l'année, une liaison Sardaigne-Corse pour 50, voire 100 mégawatts. J'ajoute, pour l'anecdote, que ce projet porte le nom de SARCO. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le groupe de l'UMP.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, depuis près d'une année, vous êtes en charge du dossier du protocole d'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, de l'audiovisuel et du cinéma, qui est l'un des plus difficiles à régler, en raison notamment des problèmes sociaux qui en résultent pour les artistes.

Au cours de cette année, vous avez d'abord renoué les fils du dialogue - et vous l'avez fort bien fait -, mais vous avez également voulu répondre à la situation des artistes et des techniciens en difficulté au moyen de mesures financées par l'État. Parallèlement, les parlementaires ont entrepris une démarche d'expertise et de diagnostic dans le cadre d'une mission d'information sur les métiers d'art. Nos travaux et les propositions qui en ont résulté ont alimenté le débat d'orientation qui s'est tenu le 9 décembre dernier dans cette enceinte.

Cependant, vous savez fort bien, monsieur le ministre, que des questions demeurent et que les inquiétudes sur la construction d'un système pérenne, que vous avez-vous-même appelé de vos vœux, sont loin d'être dissipées.

La principale inquiétude tient à l'absence de signaux témoignant de la volonté des partenaires sociaux de se mettre autour de la table et d'entamer les négociations pour bâtir un nouvel accord plus pérenne et juste.

Mme la présidente. Veuillez poser votre question, madame Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Mobilisés sur ce dossier, des parlementaires ont pris l'initiative de déposer une proposition de loi, afin de définir les règles d'un nouvel accord, mais vous avez exprimé des réserves sur ce texte.

Monsieur le ministre, si vous ne souhaitez pas passer par la loi, quelle alternative envisagez-vous de proposer pour remettre les partenaires sociaux autour de la table des négociations et construire enfin un nouvel accord d'assurance chômage des artistes et des techniciens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, je souhaite remercier les parlementaires qui travaillent très activement et se mobilisent pour l'avenir professionnel des artistes et des techniciens, notamment la mission d'information et le comité de suivi, qui ont su dépasser les clivages partisans pour traiter cette question difficile.

Le Premier ministre m'a demandé d'agir de manière concrète et rapide, et je m'y emploie depuis onze mois. Les personnes dont la situation était la plus précaire, c'est-à-dire celles qui avaient été exclues en raison du protocole, ont été réintégrées dans leurs droits grâce aux mesures financées par l'État.

Cependant, pour le Gouvernement, cette question n'est pas liée uniquement au chômage : il s'agit aussi d'apporter un soutien actif à l'emploi. Ainsi, chaque mesure, qu'il s'agisse de la relocalisation des tournages ou du soutien à la requalification d'un certain nombre d'emplois, institution culturelle par institution culturelle, s'inscrit dans une logique d'action et de résultat.

Par ailleurs, je viens de soumettre à l'ensemble des partenaires sociaux, aux représentants des collectivités territoriales et à la représentation nationale un projet de protocole portant sur l'emploi dans le spectacle. Ce document vous est parvenu aujourd'hui, ainsi qu'aux organisations professionnelles

Je souhaite que, tous ensemble, nous sachions exercer le contrôle et mettre en œuvre les incitations nécessaires pour que, d'ici à la fin de l'année, un système pérenne et équitable d'assurance chômage soit établi, ainsi qu'un soutien actif à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FLORENCE AUBENAS, INGRID BETANCOURT

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux, pour le groupe socialiste.

Mme Claude Darciaux. Monsieur le Premier ministre, comme Mme la présidente, je pense tout particulièrement aujourd'hui à toutes les femmes privées de liberté à travers le monde.

Le 5 janvier 2005, Florence Aubenas, journaliste à Libération, est enlevée en Irak avec son guide Hussein Hanoun ; ils sont toujours otages.

Le 23 février 2002 - il y a trois ans déjà - Ingrid Betancourt, citoyenne franco-colombienne, candidate écologiste à l'élection présidentielle en Colombie, et son amie Clara Rojas, étaient enlevées par les guérilleros des FARC ; elles sont toujours otages. Aujourd'hui, plus de 3 000 femmes sont séquestrées en Colombie, et cette situation affecte gravement, depuis de nombreuses années, tout un pays et tout un peuple. S'intéresser à leur sort, c'est marquer les limites de l'inacceptable ; c'est rompre le cercle vicieux de la violence ; c'est refuser la banalisation de telles situations ; c'est apporter à ces femmes notre soutien et notre solidarité et condamner les violations des droits de l'homme.

En ce jour symbolique du 8 mars, avec ces femmes en lutte qui, par leurs convictions humaines et politiques, nous indiquent le chemin de la liberté et de la démocratie, il faut tout faire pour que, demain, les injustices disparaissent à tout jamais, ici et ailleurs.

Mme la présidente. Veuillez poser votre question, madame Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Monsieur le ministre, quelles sont les actions diplomatiques que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour tenter de favoriser et d'obtenir la libération de Florence, Ingrid, Clara et tous les autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Je vous remercie de votre question, madame la députée. Nous pensons tout particulièrement aujourd'hui à toutes les femmes qui, dans le monde, sont privées de liberté. S'agissant des deux femmes courageuses que vous avez citées parmi d'autres - Florence Aubenas, détenue depuis 62 jours, et Ingrid Betancourt, depuis plus de 1 100 jours - nous y pensons tous les jours et nous agissons.

La situation est différente en Colombie et en Irak, et même en Irak, les enlèvements qui se succèdent ne correspondent ni aux mêmes réseaux ni aux mêmes raisons. Malgré cette diversité, nous agissons dans ces pays dangereux et nous sommes mobilisés, comme l'a dit le Premier ministre ici même la semaine dernière. Nous nouons tous les fils, nous vérifions et utilisons toutes les informations que nous recevons.

Nous resterons mobilisés jusqu'à leur libération effective. Nous le devons à leurs familles, qui sont si dignes, à leurs confrères et à leurs amis, dont la mobilisation est si nécessaire, et à la démocratie, dont ces deux femmes, avec courage, chacune à leur manière, - Florence Aubenas au service de la liberté d'informer, Ingrid Betancourt pour affirmer le droit de s'engager - sont le visage. Cette démocratie est fragile, et il faut la défendre partout et chaque jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ

Mme la présidente. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe de l'UMP.

Mme Irène Tharin. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, la politique que vous avez initiée avec Frédéric de Saint-Sernin vise à réduire la fracture territoriale, qui laisse des territoires entiers en marge du mouvement de modernisation et de mondialisation auquel notre pays est confronté depuis des années.

Il ne s'agit plus de disserter sur le désert français, mais d'agir pour permettre aux habitants, aux salariés des entreprises et aux usagers de ces territoires, principalement situés en zone rurale, de bénéficier du même niveau de service et de la même ouverture au monde que le reste du territoire national, en particulier les grandes agglomérations. Il est urgent de relever ce défi.

Votre politique rompt avec la vision socialiste étriquée qui a trop longtemps prévalu et qui concevait la France comme la juxtaposition de l'Île-de-France, dont il fallait freiner le développement, et de huit grandes métropoles régionales, dont il fallait au contraire encourager le développement, tout le reste du territoire national étant assimilé peu ou prou au désert français.

À l'inverse, monsieur le ministre, la politique du Gouvernement est faite de solidarité entre les territoires et de générosité pour faire fructifier et accompagner les initiatives locales. Votre politique d'aménagement du territoire illustre bien ce souci. En effet, avec les pôles de compétitivité, vous avez créé un outil qui permettra à des régions françaises et à leurs bassins industriels et technologiques de faire fructifier leurs richesses et leurs savoir-faire.

Mme la présidente. Madame Tharin, veuillez poser votre question, s'il vous plaît.

Mme Irène Tharin. Ainsi, les régions Franche-Comté et Alsace se sont alliées pour défendre un pôle de compétitivité sur le véhicule du futur.

Mme la présidente. Quelle est votre question, madame Tharin ?

Mme Irène Tharin. Ces futurs pôles de compétitivité, qui ont suscité l'intérêt de chaque région, vont bénéficier d'aides de l'État qui doivent leur permettre de se développer et d'éviter les délocalisations qui détruisent nos emplois.

Après la clôture, la semaine dernière, du dépôt des derniers dossiers, pouvez-vous nous dire comment nos régions et nos territoires ont réagi à l'appel du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame Tharin, l'appel lancé par le Premier ministre, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même concernant les pôles de compétitivité est déjà un grand succès. En effet, 105 projets ont été déposés, dont 15 dans l'agroalimentaire, 11 dans les biotechnologies, 17 dans les multimédias et l'électronique, 16 dans les transports, 19 dans l'industrie lourde et la gestion des risques, 7 dans l'énergie et d'autres dans le textile et la mécanique. Tous les secteurs sont couverts et toutes les régions concernées. Ces projets ont permis aux acteurs économiques, aux chercheurs, à l'université et aux collectivités locales de travailler ensemble, et c'est un autre succès.

La mise en place des pôles de compétitivité complète la politique d'aménagement du territoire que nous menons avec Frédéric de Saint-Sernin pour réduire les inégalités, qu'il s'agisse de la couverture des zones blanches en matière de téléphonie mobile, de l'irrigation de notre territoire pour le haut débit, ou des infrastructures grâce aux mesures prises lors du CIADT du 18 décembre dernier. Aucun territoire ne sera oublié. Nous allons réduire la fracture territoriale.

M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Nous pouvons dire, madame la députée, que chaque territoire a ses chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Avant de suspendre la séance, je tiens à vous dire que je mesure, plus encore que d'ordinaire, combien le respect du temps de parole est aussi le respect des collègues. Cela n'a pas été le cas pour tous aujourd'hui, et de ce fait, je ne peux appeler la question de Mme Greff, qui pourra sans doute la poser demain.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de sauvegarde des entreprises (nos 1596, 2095).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 72.

Rappels au règlement

M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Ce matin, lors de la conférence des présidents, M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, nous a annoncé la venue dans l'hémicycle du président portugais Jorge Sampaio le 12 avril prochain, en lieu et place des questions d'actualité. Certes, le groupe communiste a toujours admis que des chefs d'État étrangers viennent s'adresser à notre assemblée de façon occasionnelle. Mais, en l'occurrence, outre que la suppression des questions d'actualité prive les députés de leur droit d'expression et de contrôle de l'action du Gouvernement, il se trouve que cette visite intervient juste après celle de M. Zapatero, président du gouvernement espagnol, la semaine dernière.

Nous ne sommes pas dupes : cette soudaine augmentation de la fréquence des visites de chefs d'État étrangers transforme en fait peu à peu l'hémicycle du palais Bourbon en salle de meeting électoral, en lieu de propagande pour le « oui » à la Constitution européenne, dans le cadre de la campagne référendaire qui vient de s'ouvrir - au moins virtuellement.

Afin de pouvoir nous organiser, nous aimerions connaître le programme des futurs meetings : à quand la venue de M. Tony Blair, celle de M. Gerhard Schröder, voire celle de M. Berlusconi, et pourquoi pas, à titre exceptionnel, celle de l'ancien commissaire Frits Bolkestein ? Nous aurions ainsi organisé un débat complet sur la Constitution européenne qui pourrait être retransmis à la télévision. À l'heure du grand Barnum électoral que constitue la campagne référendaire, personne ne s'en étonnerait ! Ce détournement du Parlement a pourtant de quoi nous inquiéter.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Alain Bocquet. J'y vois pour ma part une manifestation de fébrilité, de crainte face à la dynamique du « non » qui fait actuellement boule de neige, pour emprunter une métaphore d'actualité (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Lors du débat de jeudi soir sur la sauvegarde des entreprises, nous avons eu une longue discussion pour essayer de connaître la position de la majorité quant à l'initiative du rapporteur, visant à étendre le régime des licenciements économiques accélérés à la procédure de sauvegarde. Nous avions toutes raisons d'être inquiets, car si M. Houillon, porte-parole de l'UMP sur ce texte, refusait de s'exprimer en séance sur la question évoquée, il avait déclaré dans le journal L'Hémicycle, à l'appui de la proposition du rapporteur, que « si l'on ne peut pas réorganiser la masse salariale, on ne peut pas réorganiser l'entreprise, alors que c'est le but d'une procédure de sauvegarde ».

Finalement, M. Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée, a déclaré à l'AFP que son groupe était hostile à l'amendement en question. Ce n'était pas si difficile à dire ! Une fois confirmée par le vote, cette position clairement exprimée va nous permettre de faire avancer les débats. Il reste à espérer que cette position s'appliquera également à d'autres amendements - je pense notamment à un amendement à l'article 187 - qui disent exactement la même chose.

M. le président. Le rappel au règlement que vient de faire M. Vidalies n'en était pas vraiment un, mais il est d'usage de laisser aux groupes la possibilité de s'exprimer de cette manière. Quoi qu'il en soit, il était bon de rappeler que le débat doit avoir lieu dans cet hémicycle, et non à l'AFP.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Très bien ! Nous n'avons que faire des échos colportés par les gazettes !

M. Alain Vidalies. Tout à fait !

M. le président. En ce qui vous concerne, monsieur Bocquet, vous avez réitéré les protestations du groupe communiste et républicain que vous aviez déjà exprimées en conférence des présidents ce matin même. Acte vous est donné de ce rappel au règlement. Cela étant, vous conviendrez qu'il appartient à la présidence et à la conférence des présidents d'organiser, en lien avec le Gouvernement, maître de l'ordre du jour, les travaux de l'Assemblée. Aussi est-ce la conférence des présidents qui, à votre exception près, a accepté la venue de ce chef de Gouvernement, que l'Assemblée nationale organisera en conséquence. Il n'y a donc pas lieu de prétendre que les travaux de l'Assemblée pourraient se confondre avec la tenue d'un meeting.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Brunhes. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58. Monsieur le président, vous ne vous contentez pas de prendre acte de la question du président de notre groupe, mais vous y répondez au lieu de laisser au Bureau et à la présidence de l'Assemblée le soin de le faire.

M. le président. Je reprends la réponse qui a été faite en conférence des présidents. Je suis dans mon rôle.

M. Jacques Brunhes. Il appartient au président de séance de prendre acte des rappels au règlement portant sur l'ordre du jour et de les transmettre à la présidence de l'Assemblée.

M. le président. Pas seulement. Et vous le savez bien, pour avoir occupé ce fauteuil.

M. Jacques Brunhes. Nous avons posé une question d'une simplicité biblique. Nous demandons à la présidence de nous indiquer quand seront reçus MM. Blair, Schröder, voire Bolkestein. Pour l'organisation de notre travail, nous avons besoin de savoir combien de meetings électoraux seront prévus dans cet hémicycle. (Rires.)

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ils seront innombrables ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes. Or vous ne pouvez pas nous apporter de réponse en la matière. Je vous demande donc de bien vouloir transmettre notre interrogation à la présidence.

M. le président. Monsieur Brunhes, votre habileté sémantique ne m'étonne pas.

Je le rappelle, M. Bocquet assiste, comme vous-même d'ailleurs, à la conférence des présidents, là où se traite précisément ce genre de questions. Je sais très bien - je n'ai pas besoin de vos conseils en la matière - que de ce fauteuil nous ne pouvons que rapporter ce qui a été dit en conférence des présidents. Celle-ci répondra à vos interrogations.

Cela dit, je trouve quelque peu curieux que tout en protestant contre la venue d'un chef de Gouvernement...

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Non ! Ce n'est pas le problème ! Ce sont les dates qui nous intéressent !

M. le président. ...vous souhaitiez que d'autres viennent s'exprimer ici.

M. Alain Bocquet. C'est le Bureau de l'Assemblée qui en décidera.

Article 72

M. le président. Sur l'article 72, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. N'ayant qu'une vague formation administrative et une expérience modeste de l'entreprise, je souhaiterais être éclairé, monsieur le garde des sceaux, sur ce qu'on appelle une administration financière. Qui décide quoi en matière de remise de principal des créances, d'intérêts ou de majorations ? Est-ce l'ordonnateur ou le comptable ?

M. Arnaud Montebourg. Très bonne question !

M. Paul Giacobbi. Dans le cas particulier d'une créance relative à une imposition directe d'une collectivité territoriale, est-ce l'ordonnateur ou le conseil de la collectivité qui décidera de la remise de la créance, ou le comptable assignataire ? Si c'est ce dernier, sur quelles bases pourra-t-il remettre le principal sans l'aval de la collectivité ?

Je m'interroge d'autant plus que le vocabulaire employé est ambigu. En effet, si l'on s'en tient à l'expression « administration financière », le mot « administration » évoque plutôt le rôle d'un ordonnateur, tandis que « financière » fait davantage penser à un comptable.

J'imagine par ailleurs que vous avez prévu un encadrement de ces dispositions, notamment pour permettre une conformité avec le droit communautaire tel qu'exprimé, par exemple, par la décision de la Commission du 16 décembre 2003 qui concerne le régime des exonérations fiscales au bénéfice des sociétés reprenant des entreprises en difficulté.

Certes, le texte proposé pour l'article L. 626-4-1 prévoit que les conditions de la remise de la dette seront fixées par décret en Conseil d'État. Mais comme je ne vois pas très bien quelles sont ces conditions, je m'interroge également sur le caractère réglementaire ou législatif des dispositions ainsi renvoyées au décret.

Enfin, le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.626-4-1 prévoit que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage peuvent accepter, concomitamment à l'effort consenti par d'autres créanciers, de remettre ses dettes au débiteur. Que recouvre exactement ce « concomitamment » ? Une constatation ? Si tel est le cas, cet adverbe n'a pas sa place dans la loi. Une supposition ? Même motif, même punition. Une condition ? Il faut alors le préciser davantage. Monsieur le garde des sceaux, je souhaiterais être éclairé sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. S'agissant des décisions pouvant concerner des impôts des collectivités territoriales, j'ai déjà eu l'occasion de préciser la semaine dernière que l'État prendra en charge ce qui constitue en fait un dégrèvement.

Pour ce qui est de l'adverbe « concomitamment », il s'agit de préciser - c'est d'ailleurs une règle européenne - que les administrations financières ne peuvent remettre des dettes que s'il en va de même pour un ou plusieurs créanciers privés.

Enfin, les termes « administration financière » recouvrent pour moi essentiellement les douanes et le fisc.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Avec l'article 72, et plus précisément le texte proposé pour l'article L. 626-4-1 du code du commerce, nous allons examiner une des innovations prévues par le présent projet. Je veux parler, après Paul Giacobbi, de la remise de dette par les créanciers notamment publics.

J'indique d'emblée que nous n'avons pas d'opposition au principe - ni de principe - à l'égard de l'innovation consistant à ouvrir la possibilité aux créanciers publics de remettre tant les intérêts de retard des pénalités que le principal des créances. Le problème vient selon nous du déséquilibre créé entre les créanciers favorisés qui bénéficieront de super-privilèges, et les créanciers publics qui seront placés dans un état d'infériorité tel qu'ils n'auront pas d'autres choix que de céder à « d'amicales pressions », voire à d'objurgations, et certainement, nous le verrons dans la pratique et dans les faits, à des formes de chantage.

Cette pratique est possible. Elle est même de plus en plus utilisée aujourd'hui par les entreprises à l'égard de la puissance publique. Elles le font vis-à-vis des gouvernements à propos du droit du travail et d'autres droits positifs. Elles le font vis-à-vis de la puissance publique locale, et donc des divers collectivités publiques. Elles le feront, à l'évidence, dans le cadre de la procédure de sauvegarde à l'égard des créanciers qui seront acculés, voire placés au pilori public, s'ils refusent de céder. Pendant les travaux préparatoires, le président de la commission des lois nous a d'ailleurs expliqué que nous avions affaire à des gens obtus, des fonctionnaires aveugles, des incapables majeurs disposant de trop de pouvoirs et en abusant.

C'est donc la différence de traitement entre créanciers privilégiés qui nous pose problème. Comme l'a indiqué à l'instant le garde des sceaux, la Commission européenne a donné sa doctrine sur l'équivalence juridique et politique, selon la législation européenne, entre l'abandon de créance de la part d'un créancier, fût-il public, et un apport de crédit de la part d'un autre créancier. Or, on ne retrouve pas cette équivalence dans le texte.

Je précise à cet égard que nous nous opposons à ce discours idéologique selon lequel il faut forcer à tout prix - c'est ce qui a été dit en commission des lois, le procès-verbal en fait foi - les créanciers publics à abandonner les créances car ils seraient les seuls à ne pas vouloir sauver les entreprises et à ne pas vouloir prendre de risques.

Nous sommes navrés de devoir revenir sur certains éléments du débat, et notamment sur la capacité et l'aptitude à vouloir prendre des risques. Nous avons vu le rapport direct entre l'absence de prise de risques du système bancaire privé français et l'augmentation des profits frisant l'insolence.

Par ailleurs, nous voyons que les créanciers privés d'ordre bancaire tarifent, eux, leurs prises de risques supplémentaires parce qu'ils disposent du taux. On n'a jamais vu une administration publique tarifer sa prise de risques par l'abandon de créance en surimposant l'entreprise sur laquelle elle voudrait continuer à exercer une sorte de privilège.

Nous sommes donc dans le déséquilibre compte tenu de l'état d'infériorité du créancier public. Telle est la raison pour laquelle nous voulons encadrer ce pouvoir. C'est l'objet d'un certain nombre de nos amendements que nous défendrons dans l'espoir de vous convaincre.

Nous souhaitons tout d'abord une proportionnalité entre l'effort public et l'effort privé. Nous voulons rattacher les efforts. C'est d'ailleurs l'esprit dans lequel agit et s'exprime la Commission européenne. Elle considère en effet que c'est une aide d'État lorsque seul un créancier public abandonne, et que c'est un sauvetage d'entreprise si plusieurs créanciers participent à l'action. Nous voulons donc établir un lien, notamment quantitatif, entre les efforts. De fait, il est inacceptable que les créanciers publics participent de façon quasi exclusive à la pérennisation et au sauvetage de l'entreprise alors que les créanciers privés pourraient se saisir de l'effet d'aubaine.

Nous souhaitons ensuite que les créanciers publics aient voix au chapitre et qu'ils aient, eux aussi, leur comité de créanciers. Cela permettra en effet d'établir l'équilibre qui fait défaut dans le texte entre les créanciers privés - chirographaires ou fournisseurs -, les créanciers privés bancaires et super-privilégiés, et les créanciers publics privilégiés. Le tribunal aura ainsi la possibilité d'arbitrer entre des intérêts contradictoires, et, par là même, de retrouver en quelque sorte le pouvoir qu'il a perdu dans ce texte. Il faut favoriser l'intérêt général de l'entreprise et veiller à ce que certains créanciers privés n'utilisent pas la procédure pour imposer des positions favorables à leurs intérêts directs mais défavorables au sauvetage de l'entreprise, et donc à la préservation de l'emploi.

Monsieur le garde des sceaux, il importe par ailleurs de s'assurer que la liste des créanciers n'inclut pas les organismes d'assurance chômage. En effet, ceux-ci vont d'ores et déjà devoir assumer la charge du personnel licencié, et donc des salariés qui vont se retrouver au chômage. Il ne faudrait pas qu'en plus ils soient sollicités pour participer à l'abandon de créance. Quelle est votre religion en la matière ?

S'agissant enfin du dégrèvement, la réponse du Gouvernement a été très claire. Mais nous souhaiterions que cela figure dans le texte. Nous nous félicitons que les travaux préparatoires aient apporté cette précision. Mais ce sera encore mieux si c'est écrit dans la loi. Il y a en effet un risque d'inconstitutionnalité en la matière puisque la Constitution garantit désormais l'autonomie financière des collectivités locales et que toute dépense supplémentaire ou moins-value de leurs recettes doit être compensée intégralement. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de vos seules déclarations, monsieur le garde des sceaux. Nous souhaitons des précisions textuelles et législatives.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Après ces propos confus, je voudrais, quant à moi, féliciter le garde des sceaux d'avoir enfin permis - cela reste facultatif - aux créanciers publics d'abandonner tout ou partie de leurs créances.

C'est une demande très ancienne, en effet. Les plus modestes des créanciers, les créanciers chirographaires, qui ne bénéficient d'aucun privilège ni d'aucune garantie, ne sont en général pas payés dans les procédures collectives. En effet, leur taux de remboursement n'est que de 5 %. Il n'était pas possible pour les créanciers publics d'abandonner tout ou partie de leur créance ni de renoncer à quelque privilège que ce soit puisqu'ils étaient créanciers privilégiés. Ils le demeurent dans ce texte, qui rétablit une certaine égalité entre les créanciers en donnant la faculté, qui n'est pas une obligation, aux créanciers antérieurs au jugement d'ouverture de consentir à des réductions de leurs créances « concomitamment à l'effort consenti par les autres créanciers ». Cela signifie implicitement, mais nécessairement, que si les autres créanciers ne consentaient eux-mêmes aucun effort, les créanciers publics ne pourraient pas non plus en consentir un. C'est ainsi que j'interprète le texte et c'est probablement ainsi qu'il sera ultérieurement interprété par les administrations concernées et par la jurisprudence.

M. Guy Geoffroy. C'est juste !

M. Philippe Houillon. Par ailleurs, nous parlons souvent de privilèges, mais que recouvre exactement ce mot ? Les créanciers publics sont des créanciers privilégiés. Il s'agit de distinguer les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture des créanciers postérieurs à celui-ci, qui peuvent, le cas échéant, financer l'activité postérieure.

Les créanciers publics étant des créanciers antérieurs, leurs créances conservent naturellement leur caractère privilégié. On rétablit ainsi une certaine égalité. Les autres créanciers ne sont pas plus privilégiés mais, comme le prévoyait déjà l'article 40 de la loi Badinter, parce qu'ils financent l'activité postérieure dans une période qui comporte des risques, ils se voient garantir le paiement prioritaire de leurs créances pour la période postérieure.

Cette mesure était attendue depuis très longtemps. Le garde des sceaux a manifestement su convaincre son collègue des finances de nous la proposer : nous ne pouvons que nous en réjouir.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 498.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Par cet amendement, nous invitons notre assemblée à supprimer le texte proposé pour l'article L. 626-4-1 du code du commerce. Nous avons déjà développé nos arguments lors des articles précédents.

Cet article dispose que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale ainsi que les institutions gérant le régime d'assurance chômage pourront consentir des remises de dettes aux débiteurs et décider des cessions de rang de privilège ou d'hypothèque ou de l'abandon de leurs sûretés.

Nous avons un désaccord de fond avec les choix du Gouvernement. D'un côté, vous restaurez les droits des créanciers titulaires de sûretés, en particulier ceux des établissements bancaires, dont vous renforcez l'emprise à toutes les étapes de la procédure ; de l'autre, vous agissez avec une particulière légèreté dès qu'il s'agit du privilège né des créances publiques, alors que ces dernières, je le répète, ne sont pas sans conséquence sur nos régimes sociaux déjà en difficulté.

Notre désaccord porte sur la valeur que le Gouvernement accorde aux deniers publics, qui n'ont pas à nos yeux vocation à financer l'activité lucrative, pas plus que les créances publiques n'ont vocation à tenir un rang secondaire par rapport aux créances privées.

Notre amendement ne poursuit pas d'autre but que celui de restaurer les droits des créanciers publics en supprimant la possibilité qui leur est offerte de consentir des remises de dettes ou de renoncer à leurs privilèges. D'ailleurs, ont-ils autorité pour le faire, en dehors de circonstances exceptionnelles ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 498.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 498.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. J'aurais préféré une réponse plus argumentée. Je crains que le garde des sceaux et le rapporteur ne sous-estiment l'importance de ces dispositions. J'ai déjà évoqué ici même l'importance des profits que réalisent les banques. Ces dispositions risquent de culpabiliser les créanciers publics, car c'est bien de cela qu'il s'agit ! Si la loi leur ouvre la possibilité de renoncer à leur créance, dans l'hypothèse où ils n'y renonceraient pas, ils seraient désignés comme les responsables des difficultés de l'entreprise, alors que les banques, qui ne prennent aucun risque, se rémunèrent largement sur les prêts qu'elles accordent.

M. Philippe Houillon. C'est un vrai problème !

M. Michel Vaxès. D'ailleurs, le garde des sceaux et le rapporteur ont très peu d'arguments pour défendre cette disposition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 498.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 478.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à exclure des possibilités de remise les cotisations d'assurance chômage. Nous sommes opposés sur le fond à une telle mesure, comme l'a développé Arnaud Montebourg, car l'UNEDIC risque de payer deux fois, s'il y a des licenciements de droit commun et des licenciements économiques. Lorsque des salariés devront être pris en charge, après un licenciement de droit commun et non dans le cadre de la procédure accélérée, c'est l'UNEDIC qui paiera. S'il doit y avoir des remises de cotisations pour l'entreprise, je ne suis pas certain que les caisses de l'UNEDIC pourront les assumer.

Se pose en outre un problème de cohérence avec les négociations en cours sur l'UNEDIC. Dans le cadre de la mission Sabeg, les partenaires sociaux discutent en ce moment même du contrat intermédiaire et de l'indemnisation des salariés victimes de licenciements économiques. On sait qu'ils envisagent une augmentation du taux de l'indemnisation, 90 % du dernier salaire selon la presse, mais n'ont pas encore établi la durée de cette indemnisation. Se pose le problème du financement de cette indemnisation par l'UNEDIC. Nous devons être cohérents si nous voulons que les fonds qui parviennent à l'UNEDIC servent prioritairement à cette indemnisation, qui fait l'objet d'une négociation. On lit dans la presse que les partenaires sociaux sont presque parvenus à un accord, mais que le MEDEF invoque le manque de moyens de l'UNEDIC. Je ne voudrais pas qu'on nous réponde dans quelque temps que l'UNEDIC ne peut pas financer les indemnités parce qu'un texte de loi a permis de diminuer ses recettes ! Il y a bien un manque de cohérence dans la politique du Gouvernement, en tout cas d'harmonisation, pour ne pas faire de procès d'intention.

M. Guy Geoffroy. Votre raisonnement est spécieux !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. La question que pose M. Vidalies méritait d'être posée et je souhaite y répondre. Le texte dispose que ce dispositif législatif, qui n'est pas nouveau, ne peut être mis en application qu'après la publication d'un décret.

J'indique clairement à l'Assemblée que dans mon esprit, comme dans celui du ministre du travail, avec qui je me suis entretenu, ce décret ne peut être que le résultat d'une négociation avec l'ensemble des partenaires sociaux. Comme vous le savez, le texte législatif existant n'a jamais été appliqué faute de décret d'application, les partenaires sociaux n'étant jamais parvenus à un accord. J'espère que nous y parviendrons, monsieur Vidalies, mais je n'en suis pas sûr à 100 %. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il est opportun de maintenir le texte tel qu'il est et d'engager une discussion. Si elle aboutit à un accord, ce que je souhaite, cela permettra de sauver un certain nombre d'entreprises. Quoi qu'il en soit, si je ne suis pas sûr du résultat de cette négociation avec les partenaires sociaux, je peux en revanche vous affirmer que le décret ne peut en être que le résultat.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je remercie le garde des sceaux de sa réponse, qui témoigne d'une approche constructive. Mais notre désaccord persistant sur le fond, nous maintenons néanmoins cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 478.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 111.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de précision. Dans la mesure où la remise des dettes doit pouvoir être partielle, nous souhaitons ajouter, dans le texte proposé pour l'article L. 624-4-1, après les mots : « de remettre », les mots : « tout ou partie de ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 112.

Sur cet amendement, M. Montebourg a déposé un sous-amendement n° 645.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 112.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement un peu plus substantiel que le précédent. Les créanciers publics peuvent remettre non seulement les intérêts de retard, pénalités et majorations, mais aussi le principal dans un certain nombre de cas. Le texte demeure toutefois imprécis sur les conditions des remises du principal en matière de dettes de cotisations sociales. Cette relative imprécision tient au fait qu'en matière de sécurité sociale, les règles sont fixées par décret, mais aussi au fait qu'une concertation avec les partenaires sociaux est nécessaire. Je vous rappelle que l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale interdit les remises de principal.

En revanche, concernant les impositions, les règles sont sensiblement plus explicites. En effet, la TVA et les contributions indirectes ne pourront faire l'objet de remises du principal, ces recettes étant collectées par le débiteur auprès de ses clients pour le compte de l'État. La même règle doit s'appliquer en matière de cotisations sociales en distinguant les cotisations sociales salariales, qui sont versées par l'entreprise mais pour le compte de ses salariés et ne peuvent donc faire l'objet de remises, et les cotisations sociales patronales. Un amendement n° 249, qui sera examiné après l'article 187, complète celui-ci et en tire les conséquences dans le code de la sécurité sociale.

Pour les impôts et les charges sociales salariales, qui ne peuvent faire l'objet de remises du principal, il est proposé de mettre le texte en cohérence avec les dispositions déjà en vigueur permettant la remise des frais de poursuite, en application de l'article 1740 octies du code général des impôts pour les impositions et de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale pour les créances sociales.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour présenter le sous-amendement n° 645.

M. Arnaud Montebourg. D'abord, je tiens à dire que l'amendement n° 112 du rapporteur nous permet d'avancer dans l'œuvre de clarification que Paul Giacobbi et moi-même appelions de nos vœux à l'instant dans nos interventions : nous y voyons un peu plus clair s'agissant du champ des remises de dettes possibles.

Néanmoins, ce sous-amendement vise à obtenir une précision. Je l'ai présenté tout à l'heure sous forme de question au garde des sceaux et au rapporteur leur demandant où il était écrit qu'il s'agissait bien d'un dégrèvement vis-à-vis des budgets des collectivités locales, de manière qu'on puisse faire l'économie de problèmes d'interprétation ultérieurs.

Nous déposons ce sous-amendement à l'amendement n° 112 de M. le rapporteur car, dès lors que nous n'avons pas de garantie sur les impositions locales et que le risque de ricochet sur les caisses publiques locales, et donc sur la fiscalité locale, est réel en cas d'abandon des recettes fiscales, surtout en présence d'un sinistre majeur, nous souhaitons, en l'absence de précision, que les collectivités locales soient consultées.

Si on nous dit que c'est un dégrèvement - on nous l'a dit, mais sans préciser où cela était écrit - et si M. le rapporteur veut bien nous apporter cette précision, je retirerai ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 645 ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'article 1600 du code général des impôts prévoit justement que lorsque l'ordonnateur n'est pas celui qui fait la remise de dettes, elle est compensée à due concurrence par l'État.

M. Arnaud Montebourg. Je retire le sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 645 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 112 ?

M. le garde des sceaux. Je suis très embarrassé car, dans la logique de ce que j'ai indiqué tout à l'heure en réponse à M. Vidalies, l'amendement du rapporteur préjuge le résultat de la discussion avec les partenaires sociaux, il nous fait entrer dans le contenu de ce qui va être discuté avec les partenaires sociaux. Le rapporteur souhaite aller un peu plus vite en besogne, si je puis dire !

J'y suis donc plutôt défavorable, mais uniquement pour cette raison-là, pas pour des raisons de fond.

L'Assemblée prendra sa décision dans sa sagesse habituelle.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Pour répondre à M. le garde des sceaux, l'amendement n° 112 est essentiellement de précision.

Quant à la concertation salariale, je ne vois pas où elle se situe dans cet amendement.

Je le maintiens.

M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 479.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 479 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 480.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Idem.

M. le président. L'amendement n° 480 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 482.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Nous évoquions tout à l'heure la question de l'encadrement du pouvoir de remises de dettes s'agissant des administrations financières et plus largement des créanciers publics.

Nous souhaitons que cet encadrement porte sur les efforts quantitatifs respectifs des créanciers. Créanciers privés et créanciers publics doivent faire des efforts conjugués, concomitants et à due proportion.

Cet amendement a pour objet de rétablir une forme d'égalité. Les éléments quantitatifs y figurant ne sont pas excessifs ; ils permettent des marges de différenciation. Néanmoins, ils permettent aussi de garantir une forme d'équilibre, qui a un peu disparu dans le texte, entre les différents créanciers, j'allais dire dans la communauté des créanciers qui vont se répartir le prix du sacrifice. Il n'est pas acceptable que certains supportent le fardeau pendant que d'autres se constituent des « super-privilèges ».

Nous avons donc besoin de garanties, et je demande à M. le rapporteur de réfléchir à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Montebourg, votre proposition part d'une très bonne idée, mais créer des seuils dans un texte est toujours très dangereux. Le texte du Gouvernement me semble bien meilleur avec l'adverbe « concomitamment » : il faut un effort semblable, concomitant entre les créanciers privés et les créanciers publics.

Cette rédaction a également l'avantage de régler le problème des aides publiques et du droit communautaire. En effet, il est évident que les administrations de l'État ne peuvent pas se conduire vis-à-vis d'une entreprise autrement que comme un créancier agissant en bon père de famille.

Voilà pourquoi je préfère le terme « concomitamment » à une règle de « 50 % » qui me semble être un seuil dangereux, comme tous les seuils.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Dans sa rédaction actuelle, avec le terme « concomitamment », l'article n'implique, à mon sens, aucune obligation de concomitance.

Quand bien même il impliquerait une obligation de concomitance, il faudrait qu'un créancier privé ait abandonné des créances pour que le créancier public puisse, lui aussi, en abandonner. Cela peut être purement formel.

Tel que l'article est rédigé, si un quelconque des créanciers privés abandonne un cent, cela ouvre le droit aux créanciers publics d'abandonner concomitamment X millions d'euros. Nous le voyons bien : quelque chose ne va pas  car la concomitance n'implique pas une proportionnalité.

Le texte n'est pas très clair, pas très rigoureux. En réalité, la concomitance n'est pas une obligation. C'est la première observation.

Deuxième observation : quand bien même, dans votre esprit, après les propos du ministre, le texte introduirait effectivement une condition - il faut la concomitance pour que le créancier public puisse abandonner des créances -, cela n'implique aucunement que l'effort soit partagé.

L'amendement n° 482 pose donc une règle - dont je veux bien admettre qu'elle vaut ce qu'elle vaut, mais moitié, moitié n'est pas non plus complètement idiot - : un effort partagé est l'idée qu'il faudrait faire passer.

Sinon, la mécanique d'abandon de la dette finira par reposer uniquement sur le créancier public ! C'est clair ! L'article introduit un système qui va finir par devenir pervers : le processus sera systématiquement inversé. On dira : « D'abord, l'État, les caisses abandonnent ; puis ensuite, nous, nous ferons un petit effort, voire un tout petit effort vu la marge dont nous disposons par rapport au créancier public » !

J'ajoute que tout cela n'est pas très sain parce que, de toute façon, chez le créancier public, chez l'administration financière, chez le gestionnaire de caisses, nous entrons dans un domaine de libre appréciation qui va être sujet à caution, à interrogation, voire à suspicion et à contentieux. Si le créancier privé ne fait pas son effort, il faut introduire une proportionnalité, un effort partagé, et cela se passera mieux pour tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur Giacobbi, je crois que le terme «concomitamment » est très bien choisi. Vous prêtez, et je vous en rends grâce, beaucoup d'ambition à ce projet de loi : vous estimez que, finalement, les créanciers publics vont être les principaux acteurs de la remise de dettes.

Or vu le bras de fer que se sont livré le ministère de la justice et le ministère de l'économie et des finances s'agissant de cette disposition particulière afin que l'ordonnateur public - pas celui des collectivités territoriales - puisse remettre tout ou partie du principal, je crois qu'il faudra énormément de conviction de la part des ministres, des parlementaires, des autorités publiques - afin de sauver l'emploi dans un département - pour que l'ordonnateur public puisse remettre tout ou partie de la créance.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Et il ne le fera que s'il y a concomitance, c'est-à-dire une marge de négociation, de la souplesse - nous introduisons bien de la souplesse dans le texte - pour que le créancier privé fasse, lui aussi, un effort convenable.

C'est la raison pour laquelle je crois que le terme est bien choisi et je rejoins les propos du rapporteur de la commission des lois tout à l'heure : fixer un seuil m'apparaît très dangereux. En effet, dès lors que nous fixons un certain seuil, par exemple, de 50 %, cela veut dire que le créancier public doit consentir des remises de dettes jusqu'à ce seuil. Vous imaginez bien que le créancier privé, les banques, les fournisseurs ou d'autres iraient alors faire pression sur le créancier public en disant : « Nous ne faisons pas d'effort si vous n'allez pas jusqu'à ce seuil. »

« Concomitamment » est bien trouvé. C'est une expression très diplomatique, très convenable, qui s'adapte à toutes les situations. Je regrette donc de devoir émettre un avis défavorable à votre amendement.

M. Paul Giacobbi. Nous ne sommes pas dans le domaine de la diplomatie !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je suis désolé de dire à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances que nous ne sommes pas dans le domaine de la diplomatie et du convenable ! Nous sommes dans un domaine particulier, celui de l'écriture d'une loi qui va dicter des comportements.

Paul Giacobbi a expliqué que « concomitamment » implique la conjonction de temps et non pas l'effort conjugué significatif de part et d'autre. Le texte est donc mal rédigé. À moins qu'on ait cet objectif de déséquilibrer la position des uns et des autres, ce que nous dénonçons depuis le début de cette discussion et que nous regrettons !

Si un effort peut être fait pour améliorer - sans le dénaturer - le texte, pourquoi le rapporteur ne voudrait-il pas s'y prêter ?

J'ai sous les yeux le rapport pour avis de M. Chartier, ici présent. On y lit, après que notre excellent collègue Gérard Bapt a défendu l'amendement en commission des finances, la réaction de M. de Courson - qui n'est pas soupçonnable d'avoir le même couteau entre les dents que nous autres, les bolcheviks, comme dirait M. Clément ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Charles de Courson a déclaré en commission : « Cet amendement était intéressant dans la mesure où il éviterait, dans des affaires comme celles d'Air Lib, une intervention peu judicieuse de l'État, qui n'était pas accompagnée d'un effort des créanciers privés. » Il prenait l'exemple de l'affaire Air Lib qui, d'ailleurs, pourrait donner lieu, dans l'application déséquilibrée du texte, à des réprimandes de la part de la Commission européenne. En effet, si un créancier public fait des efforts excessifs et abusifs au regard de l'absence d'effort de créanciers privés, dans une situation politique, sur un sujet difficile qu'on peut imaginer, nous arriverons à une situation où l'on verra clairement que le texte est mal rédigé. Et cela relève de notre responsabilité collective, tout du moins de celle de nos excellents collègues de la majorité !

Nous est-il possible, ensemble, dans un travail constructif, conjugué et concomitant, de faire évoluer positivement ce texte de manière qu'il y ait moins d'effets pervers que d'effets attendus ?

Si le rapporteur est prêt à faire évoluer son texte, nous sommes prêts, en contrepartie, à retirer l'amendement et à proposer des expressions plus souples, « efforts conjugués » ou « efforts significatifs de part et d'autre » !

Le travail de rédaction de la loi ne consiste pas à faire dans la diplomatie et n'a pas à être de l'ordre du convenable : il est ce qui va déterminer, pour des années, le comportement de nos acteurs économiques.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Je rappelle à M. Montebourg que la négociation va de pair avec la diplomatie, et que, lorsqu'on négocie, il vaut mieux être diplomate. Le mot « diplomatie » n'est donc pas déplacé dans notre débat.

J'insiste d'autre part sur l'adverbe « concomitamment ». Lorsque la commission des finances a étudié cet amendement, Charles de Courson s'y est en effet opposé en évoquant Air Lib. Je rappelle que cette affaire fait l'objet d'un procès : la jurisprudence qui sera produite à l'occasion sera particulièrement passionnante eu égard au texte qui nous intéresse, mais cela n'a rien à voir avec l'amendement dont nous discutons.

Vous considérez que, par principe, le créancier public ne pourra pas remettre plus de 50 % des dettes remises par le créancier privé. C'est restreindre le nombre des solutions : on ne sait pas ce qui peut être utile à une entreprise dans certaines situations difficiles. Vous souhaitez encadrer le dispositif. Si l'on va jusqu'à 51 %, l'entreprise sera obligée de fermer pour la simple raison qu'on aura dépassé la limite de un point. J'ai beau comprendre votre intention, je ne peux éviter de constater là un effet de seuil très négatif.

M. Arnaud Montebourg. Nous vous proposons d'enlever le seuil !

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Aussi l'adverbe « concomitamment » est-il parfaitement choisi, puisqu'il laisse toutes les portes ouvertes.

M. Arnaud Montebourg. Supprimons le seuil !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 482.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 113.

La parole est à M. le président de la commission des lois, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'amendement n° 113 s'inscrit parfaitement dans le cadre de nos préoccupations de cet après-midi. Lorsqu'une entreprise est en difficulté, une réunion du comité des créanciers est organisée et l'on voit qui, du public ou du privé, peut faire un geste, renoncer à une partie de la dette. Si la plupart des créanciers privés peuvent répondre dans un délai rapide, la décision étant prise au niveau départemental ou régional, il en va autrement pour le public. Je constate d'ailleurs avec stupéfaction que, depuis quelques jours, certains de nos collègues nous répètent à l'envi qu'il faut que le public fasse aussi peu de cadeaux que possible, ce qui est en contradiction avec leur pratique − je le suppose en tout cas et, même, je l'espère − lorsqu'une entreprise de leur département est en difficulté. À l'évidence, l'idéologie l'emporte là sur la praxis. C'est donc le directeur des services fiscaux qui est le plus lent à répondre, et il invoque toujours la même excuse : ce n'est pas lui qui décide, il doit en référer à Bercy. C'est peut-être le rêve des Jacobins, mais sûrement pas celui de ceux qui veulent sauver une entreprise et qui savent que les délais sont alors extrêmement ramassés.

J'ai bien conscience, monsieur le ministre, que nous nous heurtons là à l'article 37 de la Constitution, mais il faut parfois savoir forcer le règlement à faire ce que veut le législateur. L'État doit donner au directeur des services fiscaux départementaux la capacité de gommer une dette, à hauteur, non pas d'un seuil idéologique, mais des besoins réels, dans une situation donnée, en fonction des problèmes rencontrés.

Donnons par subsidiarité au directeur des services fiscaux du département le pouvoir de décider. À lui de prendre des risques, comme un directeur d'agence bancaire. S'il en prend trop, on le changera ; s'il n'en prend pas assez, on le changera de même, puisque, dans les deux cas, sa décision n'aura pas été la bonne. Au nom de quoi ne pourrait-on juger les responsables du public comme ceux des entreprises privées, en fonction des risques calculés qu'ils prennent lorsqu'ils exercent leurs responsabilités en s'appuyant sur leur compétence et sur un dossier particulier ?

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Cet amendement très sain va dans le sens de la clarification. Je voudrais cependant nuancer ce que vient de dire M. le président de la commission des lois, qui affirme que l'on réunit les créanciers publics et privés. Ce n'est pas tout à fait vrai, puisque le projet de loi prévoit la constitution de deux comités − que j'ai imprudemment baptisés Théodule −, celui des fournisseurs et celui des établissements de crédit. La personne que l'on désigne ici ne siège dans aucun d'eux. Il serait peut-être bon de faire comme aux États-Unis, où un représentant du Trésor peut parfaitement siéger dans ces comités, si le fonctionnaire d'État fédéral qui surveille la procédure le juge nécessaire.

M. le président. Sur l'amendement n° 113, je suis saisi d'un sous-amendement n° 644.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Ce sous-amendement est retiré.

M. le président. Le sous-amendement n° 644 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 113 ?

M. le garde des sceaux. Je comprends l'intention du président Clément et du rapporteur. Ce que je perçois moins bien, ce sont les conditions de sa mise en œuvre. Dans le cas des services fiscaux de l'État comme dans celui d'une banque, il est évident que, jusqu'à un certain seuil, c'est le responsable local qui aura la possibilité de remettre la dette, mais que, au-delà, il en référera soit au siège, soit à Bercy. On ne voit pas comment un directeur départemental des services fiscaux pourrait remettre seul une dette considérable dans une affaire très importante.

Dès lors, comment rédiger l'amendement pour qu'il traduise avec efficacité et précision le souhait du président Clément ? Il s'agit d'empêcher qu'aucune décision ne soit prise sous prétexte d'un renvoi à l'administration centrale. La rédaction proposée me paraît ambiguë : « La décision de remise de la dette par les administrations financières est prise par l'autorité compétente dans le département, lorsque celle-ci existe. » Ne vaudrait-il pas mieux dire qu'elle est « prise par l'autorité compétente dans le département, jusqu'à un seuil fixé par décret » ? Si vous étiez d'accord avec cette correction, je serais favorable à l'amendement, qui atteindrait le même objectif de façon plus précise.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dans l'esprit de ce que vient de suggérer le ministre - dont je conçois parfaitement les arguments et qui préserve l'esprit de ce que je souhaitais faire avec la commission des lois −, je propose de rectifier ainsi l'amendement n° 113 : « La décision de remise de la dette par les administrations financières est prise par l'autorité compétente dans le département, autant qu'elle pourra le faire dans les conditions fixées par décret. » Cela permet de fixer, non pas un seuil, mais un plafond de responsabilité. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Giacobbi. Un plafond, c'est un seuil qu'on regarde à l'envers !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dans ces conditions, la dernière phrase de l'amendement n° 113 est supprimée.

M. le président. L'amendement n° 113 rectifié est donc ainsi libellé : « Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 626-4-1 du code de commerce : "La décision de remise de la dette par les administrations financières est prise par l'autorité compétente dans le département, autant qu'elle pourra le faire dans les conditions fixées par décret." »

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Nous étions partis pour clarifier, mais, en cours de route, nous compliquons un peu. Je ne souhaite pas m'opposer à l'amendement tel qu'il vient d'être rectifié, mais, en réalité, on n'imagine pas que le directeur des services fiscaux remette une créance d'une importance considérable sans en référer à sa hiérarchie, sans en discuter, d'une manière ou d'une autre, dans un cercle un peu plus large que le secret de son cabinet. Soyons sérieux : il le fera automatiquement. Si nous commençons à fixer ce que vous appelez un plafond mais qui, vu sous un certain angle, est également un seuil, nous allons tout compliquer. Je ne voyais que des avantages à l'amendement. La rectification me semble apporter une complication inutile : on sait bien comment tout se réglera en pratique, et l'on peut faire confiance à la qualité des services fiscaux.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Sûrement pas !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. La rectification de l'amendement simplifie au contraire la situation, car elle a supprimé la seconde phrase : « Les autres conditions de remise de la dette sont fixées par décret en Conseil d'État. » Nous créons une nouvelle responsabilité, celle de l'ordonnateur public qui va décider de remettre la dette. Jusqu'à présent, la loi ne fixait que la responsabilité du comptable : lorsque le trésorier remet une dette ou fait une diminution de trésorerie, il l'engage sur ses biens propres. Mais, en l'occurrence, l'ordonnateur − par exemple le directeur départemental des services fiscaux − va remettre une créance publique. Il faudra donc déterminer dans quelles conditions sa responsabilité peut être engagée et jusqu'à quel niveau, si, par malheur, les choses tournent mal. Nous touchons du doigt un point important, déterminant. C'est en remettant une créance publique que l'État peut soutenir une entreprise en difficulté. Le décret fixera donc opportunément les conditions dans lesquelles l'ordonnateur local pourra aider l'entreprise et à partir de quel moment et dans quelles conditions l'ordonnateur national devra se substituer à l'ordonnateur local.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. M. le président de la commission des lois a dit, tout à l'heure, que nous étions des Jacobins. Nous avons pourtant montré que nous soutenions l'esprit de son amendement. Il est vrai que la lettre vient curieusement de s'obscurcir à la faveur des discussions entre le ministère de la justice et la commission. Il faudra de toute façon qu'un décret précise la volonté du législateur et fixe toutes les conditions − les seuils, les autorités −, décide qui est compétent − le trésorier-payeur général ou le directeur des services fiscaux, le service de l'assiette ou celui du recouvrement. Vouloir localiser la prise de décision dans le département est une sage mesure, car elle permettrait d'engager une discussion. Le pouvoir réglementaire peut entendre ce point de vue. Nous ne soutenons pas vraiment la rectification et vous permettrez que nous nous abstenions. Néanmoins, l'esprit de l'amendement présenté par la commission nous paraît intéressant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 481 tombe.

Je mets aux voix l'article 72, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 72, ainsi modifié, est adopté.)

Article 73

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 114.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un simple amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 73, modifié par l'amendement n° 114.

(L'article 73, ainsi modifié, est adopté.)

Article 74

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 115, tendant à supprimer l'article 74.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 74 est supprimé.

Article 75

M. le président. Sur l'article 75, je suis saisi d'un amendement n° 499.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Le texte proposé pour l'article L. 626-6 du code de commerce prévoit les modalités du jugement arrêtant le plan de sauvegarde. Il est précisé que le tribunal statue après avoir entendu « le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs » ainsi que les représentants des salariés lorsqu'ils existent, et « au vu du rapport de l'administrateur, après avoir recueilli l'avis du ministère public ». Si l'avis du ministère public est requis, il conviendrait que celui des salariés le soit également, et qu'il soit annexé au rapport de l'administrateur.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable. Nous avons déjà abordé le sujet lors de l'examen d'autres articles. La représentation des salariés étant organisée par le droit du travail, il est tout à fait normal que le texte mentionne le comité d'entreprise et les délégués du personnel. Le champ de la représentation légale des salariés dans l'entreprise se trouve ainsi couvert.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je confirme une fois encore à M. Vaxès que les salariés, à ce stade de la procédure, auront élu des représentants dont les attributions seront identiques à celles des délégués du personnel. Il est inutile de le redire une énième fois en amendant cet article. Je suggère donc le retrait de l'amendement.

M. le président. Entendez-vous cet appel, monsieur Vaxès ?

M. Michel Vaxès. Peu, monsieur le président ! Le Gouvernement comme le rapporteur semblent considérer que le fait d'entendre les salariés équivaut à faire figurer leur avis dans un rapport. Ce n'est pourtant pas la même chose ! L'article prévoit déjà que les salariés seront entendus. L'amendement propose que leur avis soit formalisé de la même façon que celui du ministère public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 499.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 116.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel. Il apparaît en effet que les dispositions figurant au dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 626-6 du code de commerce sont couvertes par celles de l'article 68 que nous avons déjà voté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je confirme cette analyse et suis donc favorable à l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 75, modifié par l'amendement n° 116.

(L'article 75, ainsi modifié, est adopté.)

Article 76

M. le président. Sur l'article 76, je suis saisi d'un amendement n° 117.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de pure précision, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 76, modifié par l'amendement n° 117.

(L'article 76, ainsi modifié, est adopté.)

Article 77

M. le président. Sur l'article 77, je suis saisi d'un amendement n° 500.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement tend à intégrer dans le dispositif du projet de loi l'exception de l'opposabilité des décisions prises en matière de licenciements lors de la procédure de sauvegarde. Les arguments que nous avancerons pour le défendre sont étroitement liés à ceux que nous opposerons à l'amendement de la commission portant article additionnel après l'article 88, qui vise à qualifier d'« économique » le motif des licenciements en période de procédure de sauvegarde.

Pour le moment, et sans préjuger l'examen des amendements identiques n° 127 du rapporteur et n° 568 de M. Cardo, il n'existe aucune disposition concernant d'éventuels licenciements au moment du plan de sauvegarde. Nous pouvons toutefois observer que le texte proposé pour l'article L. 626-8 du code de commerce indique que « le jugement qui arrête le plan, en rend les dispositions opposables à tous ».

Qu'adviendrait-il si un juge incluait des licenciements dans le plan de sauvegarde, au regard de la jurisprudence actuelle qui ne permet pas de contester le motif économique du licenciement uniquement en cas de redressement ? La Cour de cassation sanctionnerait-elle, comme le fait remarquer dans une étude François Dumont, maître de conférences à la faculté de droit de Douai, au motif qu'aucune disposition ne permet au tribunal d'entériner de tels licenciements à cette occasion ? Ou les validerait-elle sur la base du jugement erga omnes ?

Nous nous dirigeons tout droit vers un imbroglio juridique : si l'on admettait des licenciements dans le plan sans pour autant rejeter toute action de la part des salariés, c'est la cohérence des décisions de justice qui pourrait se trouver remise en cause, le juge de la procédure collective les autorisant et le juge prud'homal leur déniant toute légitimité !

C'est pourquoi, afin d'assurer la clarté du droit et l'intelligibilité de la loi, nous proposons d'assurer la cohérence juridique des procédures en donnant aux salariés le droit de contester le motif économique du licenciement. Si, dans le cadre du redressement, lorsque l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements pendant la période d'observation est devenue définitive, le caractère économique du motif de licenciement ne peut plus être contesté, cette règle ne doit pas prévaloir pour la procédure de sauvegarde. Il convient de laisser au salarié le pouvoir de remettre en cause la légitimité du licenciement à ce stade de la procédure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable. Le jugement qui arrête le plan de sauvegarde est à l'évidence opposable à tous : c'est un principe de sécurité juridique élémentaire. Il ne faut pas ouvrir de brèche dans cette opposabilité erga omnes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Depuis bientôt une semaine, nous cherchons la clarté. Tout au long d'une nuit désormais fameuse, nous avons demandé qu'elle se fasse et que le président Accoyer - qui n'était pas bien loin ! - s'exprime. Ce n'est pas dans cet hémicycle que nous l'obtenons finalement, mais par le fil de l'AFP ! Nous allons maintenant pouvoir avancer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 77.

(L'article 77 est adopté.)

Article 78

M. le président. L'article 78 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 78 est adopté.)

Article 79

M. le président. Sur l'article 79, je suis saisi de deux amendements, nos 483 et 118, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 483.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement de bon sens vise à redonner toutes ses chances à l'entreprise qui fait l'objet d'un plan de sauvegarde en lui rendant la possibilité d'émettre des chèques, ce qui n'est pas prévu explicitement dans le projet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 118 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 483.

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'amendement n° 483 mérite examen. Il vise à transformer la faculté qu'a le tribunal de lever l'interdiction de chéquier au moment de l'adoption du plan de sauvegarde en un droit automatique. La commission l'avait repoussé, estimant que le caractère automatique de la disposition ne préservait pas la capacité du tribunal à juger les différents cas qu'il peut rencontrer.

Cependant, dans la mesure où l'Assemblée a adopté, sur un avis favorable du Gouvernement, une mesure analogue dans le cadre de la procédure de conciliation, je considère à titre personnel que l'on peut être favorable à l'amendement n° 483 par cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 483 et 118 ?

M. le garde des sceaux. Favorable au n° 118, qui tend à simplifier la présentation du texte, mais aussi au n° 483, pour les raisons exposées par le rapporteur : l'amendement fait pendant à une disposition adoptée au début de l'examen du texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 483.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 79 est ainsi rédigé et l'amendement n° 118 tombe.

Article 80

M. le président. Sur l'article 80, je suis saisi d'un amendement n° 119.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement pose une fois de plus la question de la frontière entre la loi et le règlement. L'ensemble du régime de publicité de la décision d'inaliénabilité temporaire de certains biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise est manifestement de nature réglementaire, puisque la loi doit elle-même faire référence à un article d'un décret. Par ailleurs, le texte en vigueur ne mentionne même pas les modalités de publicité concernant les biens meubles immatériels autres que d'équipement, tels que les brevets ou les marques. Il est donc préférable de renvoyer l'ensemble de ces modalités à un décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 80 est ainsi rédigé.

Articles 81, 82 et 83

M. le président. L'article 81 ne fait l'objet d'aucun amendement, non plus que les articles 82 et 83.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 81, 82 et 83, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 84

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 120, tendant à supprimer l'article 84.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit à nouveau d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 84 est supprimé.

Article 85

M. le président. L'article 85 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 85 est adopté.)

Après l'article 85

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 121, portant article additionnel après l'article 85.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de pure coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement est adopté.)

Article 86

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 122, tendant à supprimer l'article 86.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit à nouveau d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 86 est supprimé.

Article 87

M. le président. Sur l'article 87, je suis saisi d'un amendement n° 123.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'article 87 définit la mission de l'administrateur, non plus dans le cadre de la période d'observation, mais dans celui de l'exécution du plan de sauvegarde.

Il est en effet parfois nécessaire qu'un administrateur judiciaire procède, une fois le plan arrêté, à divers actes nécessaires et préalables à sa mise en œuvre. On peut citer la convocation de l'assemblée générale, les notifications de licenciements pour le plan de redressement, etc.

Cet amendement prévoit deux modifications.

Il tient compte du fait que la mission assignée à l'administrateur dans l'exécution du plan de sauvegarde doit respecter le cadre prévu par l'article L. 622-1, c'est-à-dire que le dirigeant conserve la responsabilité de l'administration de l'entreprise.

Par ailleurs, il traduit le fait que cette mission n'est que facultative - il est important de le souligner. Son opportunité doit être décidée par le tribunal, s'il l'estime nécessaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 87 est ainsi rédigé.

Article 88

M. le président. Sur l'article 88, je suis saisi d'un amendement n° 124.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux. Si vous le voulez bien, monsieur le président, nous pourrions examiner ensemble les amendements nos 124, 125 et 126 de la commission, qui portent tous les trois sur l'article 88, lequel définit la fonction et les conditions de nomination du commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde.

M. le président. Je suis, en effet, également saisi des amendements nos 125 et 126 de la commission.

Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'amendement n° 125 est de pure coordination et les deux autres ont la même finalité.

Dans la plupart des cas, il sera particulièrement utile que le commissaire à l'exécution du plan soit l'un des organes ayant participé à la procédure de sauvegarde elle-même, et non un tiers qui la découvre brusquement. Le tribunal devrait donc nommer à cette fonction, soit l'administrateur, soit le mandataire de justice.

Mais si l'administrateur et le mandataire de justice sont choisis, dès le départ, en dehors des listes nationales de leur profession respective, comme cela est permis par le livre VIII du code de commerce, ils doivent pouvoir être nommés également commissaires à l'exécution du plan. C'est une question de concordance.

Rien ne justifie en effet d'interdire, comme cela ressort du projet de loi, que le commissaire à l'exécution du plan puisse être choisi en dehors des listes des administrateurs et administrateurs judiciaires.

Par ailleurs, et par cohérence avec ce qui est prévu pour le juge-commissaire désigné par le jugement d'ouverture en vertu du texte proposé pour l'article L. 621-4 du code de commerce, il convient de prévoir dans le texte la possibilité, si nécessaire, de nommer plusieurs commissaires à l'exécution du plan. Cette possibilité a été reconnue par la jurisprudence, mais la commission estime qu'elle doit être inscrite dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 88, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 88, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je demande une courte suspension de séance, afin de laisser à M. Vidalies, qui n'est pas très loin, le temps de nous rejoindre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Houillon. Ce n'est pas un motif de suspension !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 88

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 127, 568 et 614, portant article additionnel après l'article 88.

L'amendement n° 127 fait l'objet d'un sous-amendement n° 519.

La parole est à M. le président de la commission des lois, pour soutenir l'amendement n° 127.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Cet amendement, qui avait été adopté par la commission, a fait l'objet d'un débat. En fonction de quoi, selon la tradition et en tant que président de la commission des lois, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 127 est retiré. Le sous-amendement n° 519 devient donc sans objet.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous venons de l'entendre, le président a retiré l'amendement au nom de la commission des lois, épargnant ainsi à M. de Roux, qui s'est tant battu pour son adoption, de le faire. Cet amendement utilisait la réforme du droit des faillites pour retravailler le code du travail dans le sens de la dérégulation.

Nous avons mené la bataille politique lors des questions au Gouvernement, avec l'ensemble des groupes de l'opposition, et il nous a fallu déployer beaucoup d'énergie pour obtenir des prises de position claires. L'amendement est retiré, mais le rapporteur est un homme talentueux et obstiné, qui a de la suite dans les idées : il a déposé un autre amendement, le n° 253 rectifié, qui viendra après l'article 187 et qui procède au même jeu de bonneteau, touchant, à travers la procédure de sauvegarde, à l'article L. 321-9 du code du travail.

M. Paul Giacobbi. In cauda venenum !

M. Arnaud Montebourg. Nous sommes en droit de demander à M. le rapporteur, puisqu'il a signé cet amendement, s'il a l'intention de le retirer.

La concession obtenue, sous la pression politique que nous avons à juste titre exercée, était de bon aloi, même s'il a fallu attendre une nuit pour lire, le week-end dernier, une maigrelette dépêche AFP du président Accoyer, qui n'a rien voulu dire le jour où nous avons posé des questions. Nous avions pourtant obtenu des réponses claires du Gouvernement, ainsi que du groupe UDF par la voix de sa porte-parole Mme Comparini. Et pour ce qui est de la position de l'ensemble des groupes de l'opposition, elle est également claire.

Toutefois, il est très inquiétant de voir, dans le défilé des amendements, resurgir le même sous une forme déguisée cent articles plus loin, c'est-à-dire après l'article 187. Je le lis : « Dans l'article L. 321-9 du code du travail, après les mots : "En cas de redressement ou de liquidation judiciaire ", sont insérés les mots : " ou en cas de procédure de sauvegarde, en l'absence d'accord applicable à l'entreprise conformément à l'article L. 320-3," ». Cet amendement est présenté comme un benoît amendement de coordination. Sera-ce une coordination avec le retrait ? Nous voulons, monsieur le rapporteur, une position publique de votre part et des assurances que l'amendement n° 253 rectifié sera bien retiré.

J'attire également l'attention de l'Assemblée nationale sur d'autres amendements déposés par les députés de la majorité, tel celui, identique à celui de M. le rapporteur, de M. Dassault. Nous savons combien M. Dassault se préoccupe du droit du travail et dans quel sens. Le rapporteur va-t-il s'en désolidariser ? Et les députés de l'UMP ? Il serait bon que M. Houillon, notre excellent et honorable collègue de l'UMP, s'exprime à ce sujet. Nous voudrions avoir toutes assurances.

M. le président. Les amendements nos 568 de M. Pierre Cardo et 614 de Mme Arlette Grosskost ne sont pas défendus.

Article 89

M. le président. Sur l'article 89, je suis saisi d'un amendement n° 128 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui reprend le dispositif du projet en apportant deux précisions. D'une part, il est préférable de faire référence au débiteur plutôt qu'au chef d'entreprise, par cohérence avec l'article L. 626-6. D'autre part, il est également préférable d'utiliser, pour l'avis obligatoire du ministère public avant l'examen d'une modification substantielle du plan, la formulation « après avoir recueilli l'avis du ministère public ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 89 est ainsi rédigé.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Dans le cadre de ce débat tout à fait courtois et constructif, je suis étonné du silence du rapporteur sur la question que j'ai posée. Oui ou non va-t-il retirer son amendement de coordination ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Mais bien sûr, puisque c'est un amendement de coordination !

M. Arnaud Montebourg. Je vous remercie et nous notons donc qu'il est retiré par avance !

M. le président. C'est encore moi qui préside cette séance. Il appartiendra au rapporteur de l'indiquer au moment voulu.

Article 90

M. le président. Sur l'article 90, je suis saisi de deux amendements, nos 501 et 129, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 501.

M. Michel Vaxès. L'article L.626-24 du code du commerce, qui concerne le plan de sauvegarde et le plan de redressement, traite des conséquences du non-respect des engagements pris par le débiteur dans ce plan arrêté par le tribunal. La sanction peut être la dissolution du plan, après avis du ministère public. En revanche, s'il y a cessation de paiement, la résolution n'est plus seulement une possibilité, elle s'impose.

Selon la rédaction de l'article, la sanction est encourue quelle que soit la nature de l'engagement non respecté. Il peut donc s'agir d'un engagement social, juridique, stratégique, économique ou financier. Toutefois, il ne nous paraît pas inutile de préciser que la sanction est susceptible d'être appliquée en cas de suppressions d'emplois non prévues par le plan. Tel est l'objet de notre amendement, qui tend à préciser que cet engagement doit être respecté autant qu'un engagement financier. L'apurement du passif ne peut passer avant la sauvegarde des emplois. Avec notre amendement, le texte informera sans ambiguïté le débiteur que s'il éprouve des difficultés à exécuter son plan de sauvegarde ou de redressement, il ne pourra procéder à des suppressions d'emplois pour respecter une échéance financière. En aucun cas, le débiteur ne doit être incité à respecter des engagements au détriment de la sauvegarde des emplois.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 129 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 501.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement prévoit que, après la résolution, en cas d'inexécution avec cessation des paiements, le mandataire de justice devra aviser personnellement les créanciers de l'obligation de procéder une nouvelle fois à la déclaration de leur créance. Cette obligation d'information s'impose dans la mesure où ces créanciers ont déjà fait l'effort d'une première déclaration.

Je rappelle que l'article 90 prévoit deux types de conséquence en cas de non-exécution du plan. Soit l'inexécution est simple et n'est pas assortie d'une cessation des paiements - cas probablement tout à fait exceptionnel mais possible après tout - et le tribunal, sans y être contraint, peut décider de la résolution de l'accord, l'entreprise étant in bonis. Soit, et ce sera le cas le plus général, l'inexécution sera accompagnée d'une cessation de paiement. Dans ce cas, le tribunal doit prononcer la résolution du plan ainsi que la liquidation judiciaire du débiteur, qui en est la conséquence.

L'amendement n° 129 précise que, dans ce second cas, le mandataire judiciaire devra aviser personnellement les créanciers de l'obligation de procéder une nouvelle fois à la déclaration de leur créance. Cette obligation d'information, alignée sur celle prévue à l'article L. 622-22 pour les créanciers titulaires d'une créance publiée, s'impose dans la mesure où ces créanciers ont déjà fait l'effort d'une première déclaration.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable à l'amendement n° 501 et favorable au n° 129.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 501.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 90, modifié par l'amendement n° 129.

(L'article 90, ainsi modifié, est adopté.)

Article 91

M. le président. Sur l'article 91, je suis saisi d'un amendement n° 130.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'article 91 introduit une innovation très intéressante dans les procédures collectives, puisqu'il prévoit la possibilité pour le tribunal de constater l'achèvement de l'exécution du plan de sauvegarde ou de redressement lorsque tous les engagements prévus par le plan ont été tenus. Cet amendement propose d'étendre aux engagements qui doivent être tenus avant de pouvoir constater l'achèvement du plan les obligations qui ont été imposées aux parties par le tribunal, à savoir l'inaliénabilité temporaire des biens, considérée comme indispensable à la poursuite de l'activité de l'entreprise.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 91, modifié par l'amendement n° 130.

(L'article 91, ainsi modifié, est adopté.)

Article 92

M. le président. Sur l'article 92, je suis saisi d'un amendement n° 131.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. L'article 92 est important et mérite qu'on s'y arrête un instant parce qu'il révèle la logique de la procédure de sauvegarde. C'est lui qui définit la forme et le fonctionnement des comités de créanciers, notamment la place privilégiée du comité des créanciers bancaires, qui constitue un des points de notre critique à l'égard du texte. Le comité des créanciers bancaires est en effet en mesure de bloquer le plan de sauvegarde, car il dispose d'un droit de veto au prorata de l'investissement dans l'entreprise, c'est-à-dire de l'encours et de la valeur de la créance.

Le Sénat, dans le cadre d'une mission demandée par la commission des lois, a procédé à une analyse comparée des législations du Canada, de la Grande-Bretagne et des États-unis d'Amérique sur la place des comités de créanciers, dont, semble-t-il, les auteurs du texte se sont inspirés. Il est intéressant d'observer qu'au Canada, les comités de créanciers sont exclusivement composés, pour l'adoption du plan de sauvegarde, des seuls créanciers non garantis - fournisseurs, sous-traitants, clients. Ont le droit de vote tous ceux qui travaillent avec l'entreprise sans garantie et qui enregistrent à chaque fois les sinistres, autrement dit les créanciers chirographaires. En revanche, ceux qui ont une sûreté ne votent pas. La solution canadienne évite ainsi que les intérêts financiers l'emportent sur les intérêts économiques. C'est tout l'intérêt de l'arbitrage entre la finance et l'économie : l'économie, c'est la réalité des relations ; la finance, c'est quelque chose qui a pris une autonomie par rapport à l'économie.

En Grande-Bretagne, la situation est la même. Tous les créanciers siègent dans un seul comité où tout le monde vote à proportion de la valeur de sa créance, sauf la catégorie des créanciers détenteurs de sûretés.

Aux États-Unis - et il est distrayant de constater que le chapter eleven n'a pas été source d'inspiration de ce point de vue -, la décision collective de la sauvegarde appartient aux créanciers chirographaires et non pas à ceux qui détiennent privilèges et garanties.

Pour sa part, l'article 92 du projet de loi offre aux banques, non seulement la ceinture, mais aussi les bretelles. On peut même ajouter le diadème, le rubis et l'émeraude, tant la protection du système bancaire est élevée. On est en droit de se demander s'il n'y a pas là une concession excessive aux intérêts financiers qui dominent les PME et notre économie telle qu'elle est aujourd'hui structurée.

C'est une question politique, qui appelle une prise de responsabilité politique.

Ceux qui ont intérêt à ce que le plan de sauvegarde réussisse, ce sont les chirographaires parce que, eux, ne récupéreront jamais leur mise. Les organismes de crédits, en revanche, grâce aux garanties et aux cautions dont ils disposent, et que tous les privilèges que vous leur accordez dans le présent texte renforcent encore, pourront toujours, en cas d'apport d'argent frais, récupérer leur argent.

Voilà pourquoi nous tenons à réaffirmer, à l'occasion de cet article, nos positions politiques. Ce texte, je le répète, affaiblit la position des créanciers publics et des salariés et apporte un appui direct, soutenu, à toutes les étapes du dispositif - qu'il s'agisse de la conciliation ou de la sauvegarde - aux organismes bancaires. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. M. Montebourg accumule les sophismes et se lance dans une véritable chasse aux sorcières.

Sont membres des comités les créanciers essentiels pour la poursuite de l'activité de l'entreprise...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Évidemment !

M. Xavier de Roux, rapporteur. ...et, parmi eux, les banquiers, qui disposent généralement déjà de garanties.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Évidemment !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Suivre le raisonnement de M. Montebourg reviendrait donc à les écarter des comités de créanciers, de même d'ailleurs que les fournisseurs puisque ceux-ci bénéficient souvent également de garanties.

Nous nous trouverions alors dans un système extrêmement original, unique en Europe et même dans le monde.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Assurément !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous n'avons pas un esprit suffisamment inventif pour accepter une telle évolution.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'originalité de M. Montebourg n'a pas de limite !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 320.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon. Cet amendement tend à étendre le recours aux comités de créanciers aux débiteurs qui n'ont pas de commissaires aux comptes mais dont les comptes ont été établis par un expert-comptable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

La composition des comités a fait l'objet d'un long débat. La commission a d'abord considéré que tous les créanciers devaient y être admis sauf ceux que le juge considérait comme trop petits et n'ayant pas suffisamment de poids. L'amendement de M. Houillon permettra à de nombreuses PME d'entrer de droit dans ces comités, et la commission y est tout à fait favorable.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je préfère mon amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 320 ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. J'avoue ne pas bien comprendre l'objet de cet amendement. Aux termes de l'article L. 626-26 nouveau figurant dans le projet de loi, la procédure - assez lourde, il faut l'avouer - du recours aux comités de créanciers est utilisée dans deux cas : lorsque l'entreprise a une certaine taille - on prend en compte le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires, les seuils étant fixés par décret en Conseil d'État - ou lorsque, à la demande du débiteur ou de l'administrateur, le juge-commissaire l'autorise - c'est alors une question d'appréciation. Cela me semble couvrir toutes les situations possibles et imaginables et donc être suffisant.

Je ne comprends pas l'intérêt des deux critères que souhaite introduire M. Houillon. Il propose que les comités soient constitués lorsque les comptes d'une entreprise ont été certifiés par un commissaire aux comptes - ce qui, me semble-t-il, renvoie à la taille de l'entreprise - ou établis par un expert-comptable. Mais il existe des entreprises relativement grandes où les comptes ne sont pas établis par des experts-comptables - parce qu'il y a, au sein de la maison, un comptable de qualité qui s'en charge - sans pour autant être astreintes à une certification par un commissaire aux comptes.

Cet amendement très formel, qui n'a qu'un lien indirect et compliqué avec la taille de l'entreprise, ne me semble pas de nature à améliorer le dispositif.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Je vous invite, monsieur Giacobbi, à lire plus attentivement l'amendement : ce sont des conditions cumulatives. Il n'est pas question d'empêcher la fixation de seuils mais de prendre en compte les entreprises dont les comptes ne sont pas certifiés par un commissaire aux comptes mais établis par un expert-comptable.

M. Paul Giacobbi. Le texte suffit !

M. Philippe Houillon. L'emploi de la conjonction de coordination « et » montre que cette prise en compte se cumule avec le fait que le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires doivent être supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'État. Il n'est pas proposé d'y déroger.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'amendement de M. Houillon me gêne un peu, même s'il ne va pas aussi loin que M. Montebourg qui, lui, voulait privilégier les créanciers chirographaires.

M. Arnaud Montebourg. Pour une fois ! Ils sont les laissés pour compte des procédures collectives !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est pour le moins contradictoire, monsieur Montebourg. Ce serait même le monde à l'envers, carrément la tête à la place des jambes !

M. Houillon souhaite que tous les fournisseurs puissent faire partie des comités.

M. Philippe Houillon. Les débiteurs !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oui, c'est ce que je voulais dire.

Je préfère, quant à moi, un amendement dont on discutera plus tard et qui prévoit que tout fournisseur qui représente 10 % de la dette pourrait y figurer : un débiteur peut en effet avoir un expert-comptable et ne représenter que 1 % de la dette. Si vous avez tous les fournisseurs autour de la table, vous n'arriverez à rien !

M. Philippe Houillon. Cela n'a rien à voir !

M. Paul Giacobbi. Ce n'est pas le sujet !

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Je crois que vous cherchez des complications là où il n'y en a pas. Tous les commentaires que j'ai entendus sont hors sujet : je propose seulement d'étendre le recours aux comités de créanciers. Il s'agit de tenir compte des entreprises qui satisfont aux critères de taille qui seront définis par décret en Conseil d'État et dont les comptes ne seraient pas certifiés par un commissaire aux comptes mais établis par un expert - comptable. Un point, c'est tout !

Mon amendement vise simplement à ne pas omettre une hypothèse.

M. Arnaud Montebourg. C'est un amendement très modeste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 320.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 484.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Pour M. le président de la commission, nos propositions aboutiraient à mettre le monde à l'envers, la tête à la place des jambes ! Mais nous ne proposons rien. Nous livrions simplement à la réflexion générale des expériences étrangères, d'ailleurs analysées dans un petit fascicule paru dans la collection Les documents du Sénat, série législation comparé, et intitulé : La sauvegarde des entreprises en difficulté. Je faisais remarquer que, dans certains pays - mais il se peut qu'ils aient tort et que nous ayons la science infuse -, la place du système bancaire dans le dispositif de sauvegarde des entreprises n'est pas la même que chez nous. Il s'agit là d'une question de nature politique et nous avons tout intérêt à bien prendre la mesure de ce que la majorité est en train de voter. Ainsi, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Canada n'accordent un pouvoir de vote qu'aux créanciers ne disposant pas de garanties. Ce n'est pas une invention de mon esprit un peu déviant !

Il est toujours bon d'aller voir ce qui se passe à l'étranger. Cela permet d'éclairer l'intelligence collective.

Par l'amendement n° 484, nous souhaitons que le tribunal garantisse la sincérité et l'exhaustivité des informations financières, sociales et économiques transmises par le débiteur à chacun des membres du comité. Cette disposition existe dans tous les systèmes où sont prévus des comités de créanciers.

En effet, quel est le statut d'un créancier ? C'est quelqu'un qui est absent, qui ne connaît pas la situation de l'entreprise et qui se résigne à voir passer par pertes et profits le montant qui lui est dû. Dans le présent texte, des droits lui sont accordés. Qui va lui garantir qu'il pourra les exercer de manière sincère et exhaustive ? Le tribunal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Avis défavorable.

Lorsque l'on fait du droit comparé, il faut comparer des choses comparables. Notre projet est très éloigné de la loi américaine sur l'insolvabilité.

M. Paul Giacobbi. C'est parfois dommage !

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est une autre question, dont on pourra débattre à un autre moment !

Dans le projet de loi, il est prévu un comité composé par les banques et un comité composé par les fournisseurs alors qu'aux États-Unis, le comité est composé des créanciers privilégiés, dont, bien entendu, les banques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement en discussion ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 484.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 485 et 620, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour défendre l'amendement n° 485.

M. Arnaud Montebourg. Nous défendons l'idée - et cela montre que nous ne sommes pas excessivement pénétrés de l'influence étrangère que semble vouloir rejeter le rapporteur - qu'il faudrait non pas deux comités financiers, mais trois : les établissements de crédits disposant du privilège ; les fournisseurs, c'est-à-dire les chirographaires - les oubliés, les laissés pour compte des procédures collectives -, auxquels le texte donne des droits et, de ce point de vue c'est un bien ; enfin, les représentants des créanciers publics.

Pourquoi voulons-nous qu'entrent en scène des créanciers publics ? Nous en avons exposé les raisons lors de l'examen de l'article 72 : nous voulons redonner au tribunal son pouvoir d'arbitrage.

Il est essentiel, pour qu'un plan de sauvegarde réussisse, que le tribunal puisse imposer aux créanciers les plus forts dans la discussion, les plus puissants dans la procédure, un certain nombre de concessions qu'ils ne voudraient pas accorder. C'est naturellement le cas des créanciers bancaires.

La procédure idéale serait de pouvoir « tordre le bras », de temps en temps, à un établissement bancaire qui ne voudrait pas forcément suivre avec le même niveau d'intervention qu'il était prêt à offrir. Il faut savoir qu'il dispose d'un certain nombre de privilèges renouvelés, renforcés dans le cadre du texte.

Je ne comprends pas pourquoi nos propositions ne mériteraient pas discussion et attention. Cela permet au moins d'éclairer le texte qui va être voté. Il aura peut-être une durée de vie de dix ans, comme cela a été le cas de la loi Badinter.

J'appelle nos collègues à examiner activement ces questions. Nous ne déposons pas tant d'amendements que cela - beaucoup moins que M. le rapporteur, qui réécrit le texte à lui tout seul, à tel point que nous sommes en mesure de déposer des sous-amendements sur chacun de ses amendements.

Je demande un peu de lisibilité, pour tous les praticiens futurs, les juges, les juristes qui devront appliquer ce texte, qui a une forte connotation politique - que nous critiquons - et qui ne manquera pas de faire couler beaucoup d'encre dans les prochaines années.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour défendre l'amendement n° 620.

M. Pierre Cardo. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission y est défavorable. Nous ne sommes pas hostiles, par principe, à un troisième comité, mais il est impossible à créer.

Vos propos, monsieur Montebourg, sont d'ailleurs en totale contradiction avec ceux que vous avez tenus tout à l'heure sur les créanciers publics. Ces derniers obéissent à des règles totalement différentes : le code de la sécurité sociale, des règles financières. Il existe des procédures - nous l'avons vu lors de l'examen d'amendements précédents - qui ne peuvent fonctionner ensemble. Les créanciers publics obéissent, de par la loi, à des règles différentes. Vous ne pouvez donc pas mettre dans un troisième comité des gens qui n'obéissent pas aux mêmes règles.

Il y a des lieux, au niveau départemental, où les créanciers publics peuvent se retrouver - on le constate fréquemment - lorsqu'une entreprise est en difficulté. Je pense que l'on doit, à partir de là, trouver une solution concomitante - pour reprendre le vocabulaire du projet du Gouvernement - entre les créanciers publics et les créanciers privés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Je me permettrai d'ajouter quelques observations aux propos parfaits de M. le rapporteur.

Monsieur Montebourg, l'absence du troisième comité ne devrait pas être pour vous déplaire. Qui dit comité, dit vote. Et qui dit vote, dit accord de l'ensemble des créanciers et, par conséquent, peut-être diminution considérable de la créance publique. Sans comité, il n'y a ni vote, ni accord, et il faut donc que le conciliateur aille chercher l'accord de chacun des créanciers publics. Cela renforce d'autant plus le poids de la créance publique dans le cadre de la négociation. On y trouve deux intérêts : d'une part, cela évite le risque d'un amoindrissement de la créance ; d'autre part, cela permet au créancier public de devenir l'un des principaux acteurs de la négociation. C'est tout l'intérêt de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je voudrais brièvement répondre à M. Chartier.

Si nous proposons trois collèges, c'est parce qu'il peut y avoir des situations, des conditions et des règles différentes.

D'abord, les créanciers bancaires ne sont pas dans la même situation que les fournisseurs et a fortiori les créanciers publics. N'est-il pas utile néanmoins que ces derniers puissent faire un tour de table, qu'ils décident ensemble, qu'ils se répartissent ensemble la charge et qu'ils négocient en utilisant la force collective qui peut être la leur, plutôt que de les diviser par le biais d'une discussion unilatérale avec le conciliateur soit dans le cadre de la procédure de conciliation, soit dans le cadre de la procédure de sauvegarde ? Cette possibilité n'est-elle pas envisageable ?

Nous souhaitons un renforcement des pouvoirs du tribunal. C'est en cas de blocage entre les trois comités sur la désapprobation du plan de sauvegarde que le tribunal reprendra son pouvoir et recherchera la solution. C'est bien ce que le texte refuse. Il prévoit, au contraire, de donner le pouvoir de vie ou de mort du plan de sauvegarde aux créanciers privés. À charge pour ceux qui voudront bien s'adapter et s'ajuster - les salariés, les créanciers publics - de faire la solution. Ce n'est pas acceptable pour nous. C'est un point de désaccord politique majeur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. On ne peut pas soutenir tout et son contraire.

Monsieur Montebourg, pendant une heure d'horloge, vous nous avez dit que vous ne vouliez pas que les créanciers publics puissent faire des remises de dettes.

M. Arnaud Montebourg. Non !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Maintenant, vous dites exactement le contraire.

M. Arnaud Montebourg. C'est inexact ! Nous demandions que ces remises de dettes soient encadrées !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il est très difficile de débattre avec vous, car vous ne respectez pas le principe de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le garde des sceaux. Défavorable. Je ne vois pas comment on peut instituer un comité pour les créanciers publics, compte tenu de leur spécificité. Chaque administration a son propre mode de fonctionnement. On l'a évoqué tout à l'heure, à la suite d'un amendement présenté par le président de la commission des lois.

Je ne vois donc pas comment, dans un comité de créanciers publics, on ferait voter les services fiscaux contre les administrations sociales, ou l'inverse. Je ne vois pas comment tout cela pourrait fonctionner.

Vous vous souciez d'un parallélisme des formes, qui, en l'occurrence, n'a pas de sens. Je crois que nous ne devons pas entrer dans cette logique-là. Les créanciers publics ont leur propre mode de fonctionnement : il ne peut être question d'instituer un comité pour eux. Pour faire référence à des amendements ultérieurs, on ne va pas faire voter les comités les uns contre les autres, en imaginant qu'il pourrait y avoir une minorité de deux comités contre un. On pourrait avoir les créanciers publics et les créanciers bancaires contre les fournisseurs, et réciproquement. C'est une sorte de jeu de l'oie assez étonnant.

M. le président. La parole est M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Je suis surpris de ce que j'entends dire sur la législation américaine et de l'opposition de principe à plusieurs comités.

M. le garde des sceaux. Aux États-Unis, les salariés siègent dans les comités et peuvent consentir des abandons de salaires. Est-ce ce que vous voulez ?

M. Paul Giacobbi. Aux États-Unis, c'est un organisme d'État qui détermine le nombre de comités selon les circonstances. Dans tous les cas, un comité représente les créanciers non privilégiés. Un autre comité - mais ce n'est pas une obligation - représente les actionnaires. Enfin, s'il le juge utile, cet organisme d'État peut instituer un comité pour représenter les salariés et un certain nombre d'autres créanciers titulaires d'obligations subordonnées.

Ici, nous figeons systématiquement les situations en ne prévoyant que deux comités de créanciers : l'un représentant les établissements de crédits, l'autre les fournisseurs. Pas plus les titulaires de créances publiques que les salariés ne sont représentés au sein du comité des créanciers.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 485.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je retire l'amendement n° 620.

M. le président. L'amendement n° 620 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 133.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 134 rectifié.

La parole est à M. le président de la commission des lois, pour le défendre.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La loi prévoit un comité des principaux fournisseurs. Avec l'amendement n° 134 rectifié, je vais dans le sens de ce que demandent certains membres du groupe socialiste, qui s'intéressent au sort des chirographaires, à ceux qui n'ont jamais rien, qui n'obtiennent jamais le moindre remboursement.

M. Arnaud Montebourg. Voilà un bon amendement !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Cet amendement prévoit en effet qu'un fournisseur dont la dette représente plus de 10 % du montant total des créances fasse partie, de droit, du comité des fournisseurs. Ainsi, le décret ne viendra pas, par pur hasard, trahir l'esprit du législateur, en laissant de côté les fournisseurs fort importants, dont la dette représente au moins 10 % des créances.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Malgré la présence d'un seuil à caractère idéologique, nous soutenons cet amendement. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 284 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 135.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision pour le calcul du délai de transmission des propositions du débiteur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 136, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 654.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 136.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement propose des modifications d'intérêt inégal et une partie de celui-ci est purement rédactionnelle.

Cet amendement porte sur le texte proposé pour l'article L. 626-27 du code de commerce. Il prévoit deux précisions pour le calcul des majorités de créanciers et sur le co-commissariat aux comptes ainsi que deux modifications plus substantielles.

Tout d'abord, il tire les conséquences du fait que les comités peuvent être constitués pour des entreprises dont les comptes sont établis par un expert-comptable, sans être certifiés par un commissaire aux comptes. Nous allons dans le sens de l'amendement Houillon. Par ailleurs, il précise le point de départ du court délai de trente jours, dans lequel les comités doivent impérativement se prononcer, sans possibilité de prorogation. Ce point de départ est donc crucial. L'amendement propose que ce délai de trente jours coure, de façon claire, à compter des propositions du débiteur.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour défendre le sous-amendement n° 654.

M. Arnaud Montebourg. Fort des remarques, même si elles ont été très mal commentées et, à l'évidence, mal comprises, que nous avons faites au cours de cette discussion, nous souhaitons rétablir une sorte d'équilibre, redonner le pouvoir aux créanciers fournisseurs, qui ont un intérêt direct à l'aboutissement et à la réussite du plan de sauvegarde.

Nous souhaitons que les banques titulaires de sûretés ne puissent pas participer au vote. Cela répond à une logique : soit on a les garanties, soit on a le droit de vote. On ne peut pas avoir fromage et dessert.

M. Philippe Houillon. C'est ridicule !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

M. le garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement de la commission.

S'agissant du sous-amendement, je ne sais comment le qualifier : je crois qu'il est tout bonnement ridicule. Je ne vois pas comment notre dispositif pourrait fonctionner avec ce type de disposition.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 654.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 285 et 286 de M. Abelin tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 137.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement apporte une simplification : lorsque le montant de la créance déclarée par l'un des membres d'un comité correspond au montant indiqué par le débiteur, c'est-à-dire qu'il y a un accord entre le débiteur et le créancier sur le montant de la créance, il n'est pas nécessaire de procéder à la vérification, et la créance est admise.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 138.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Les comités doivent être souverains dans leurs décisions de remise de dettes et de délais de paiement qui ne concernent que leurs membres.

Il n'y a pas lieu de les enfermer dans la durée de dix ou de quinze ans - extrêmement longue -, imposée uniquement au tribunal en l'absence d'accord des créanciers, ni dans l'exigence d'une annuité de 5 % minimum de la dette à compter de la deuxième année, prévue pour les plans arrêtés par les tribunaux de commerce, sans comités.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 486.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 486 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 139.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement propose une nouvelle rédaction du texte proposé pour l'article L. 626-29 du code de commerce, qui concerne les modalités de consultation des créanciers obligataires, sorte de troisième comité des créanciers dont on n'a pas encore parlé.

Cette nouvelle rédaction ne modifie pas l'économie générale du dispositif tel qu'il est rédigé par le projet de loi, mais elle apporte trois précisions.

Premièrement, le délai de convocation des représentants de la masse, puis de l'assemblée générale des obligataires, doit être compatible avec la durée prévue pour la décision des comités, laquelle est de trente jours non renouvelables. Il est proposé de fixer comme délais maximaux de convocation des représentants de la masse, puis de l'assemblée générale des obligataires, la durée minimale prévue par la loi pour la convocation des assemblées générales d'actionnaires, soit quinze jours.

Deuxièmement, si les représentants de la masse s'abstiennent de convoquer l'assemblée générale des obligataires dans le délai prévu, cela risque de bloquer la procédure de sauvegarde ou de redressement. Il est donc nécessaire de prévoir une modalité dérogatoire de convocation de l'assemblée générale des obligataires par l'administrateur.

Troisièmement, il convient de préciser que la délibération de l'assemblée générale des obligataires peut décider d'abandonner tout ou partie de ses créances, de la même manière que les comités de créanciers. Les textes applicables aux assemblées générales des obligataires - l'article L. 228-65 du code de commerce - ne prévoient pas, en effet, cette possibilité de manière parfaitement claire. Il est donc préférable que la loi l'indique expressément.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 585.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 585.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 287 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 487.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 487 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 140.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 141.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 92, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 92, ainsi modifié, est adopté.)

Article 93

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 142, de suppression de l'article 93.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 93 est supprimé.

Article 94

M. le président. Je ne suis saisi d'aucun amendement sur l'article 94.

Je le mets aux voix.

(L'article 94 est adopté.)

Article 95

M. le président. Sur l'article 95, je suis saisi d'un amendement n° 143.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 95, modifié par l'amendement n° 143.

(L'article 95, ainsi modifié, est adopté.)

Article 96

M. le président. Sur l'article 96, je suis saisi d'un amendement n° 144.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 96 est ainsi rédigé.

Article 97

M. le président. Sur l'article 97, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 97 est adopté.)

Après l'article 97

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 344, portant article additionnel après l'article 97.

La parole est à M. Édouard Leveau.

M. Édouard Leveau. L'avocat ou le conseil auquel le débiteur et le représentant du personnel avaient l'habitude de confier la défense de leurs intérêts devant les juridictions judiciaires ou administratives est évidemment celui qui connaît le mieux les affaires en cours, et qui, de plus, a parfois obtenu un jugement favorable et assorti d'une exécution provisoire.

Si le mandataire entend changer de conseil au cours de la procédure, il est souhaitable que le débiteur et le représentant du personnel y consentent, et ce, même si le juge-commissaire a consenti à ce changement. Tel est l'objet de cet amendement.

Il est bon de rappeler que la loi du 31 décembre 1971 pose dans son article 1er le principe que la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante. L'article 157 du décret du 27 novembre 1991 portant application de cette loi dispose que les difficultés relatives à la restitution des pièces soient réglées conformément aux articles 74 et suivants, étant entendu que seul le bâtonnier de l'ordre est compétent pour délivrer une injonction aux avocats de l'ordre de son barreau.

Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, comment peut-on obtenir une réponse de la part des mandataires liquidateurs lorsque ces derniers ne répondent pas aux questions posées dans les courriers des débiteurs, des représentants du personnel ou des avocats ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Également défavorable. Ce que vous proposez, monsieur Leveau, est extrêmement contraignant. Il faut laisser davantage de liberté aux uns et aux autres afin qu'ils puissent prendre leurs responsabilités. Tout en comprenant votre souci, il me semble que l'on ne peut pas introduire un tel dispositif dans la loi comme vous le suggérez. C'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Édouard Leveau.

M. Édouard Leveau. Je ne demande que l'application de la loi antérieure, car il n'est pas normal que l'avocat soit dessaisi en cours de procédure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 334.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 98

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 145, de suppression de l'article 98.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 98 est supprimé.

Article 99

M. le président. Sur l'article 99, je suis saisi d'un amendement n° 489.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement tend surtout à susciter la discussion en proposant d'inscrire dans la loi le contenu de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la définition de la cessation de paiement. C'est un débat de juristes : nous aimerions savoir ce qu'en pensent le rapporteur et le garde des sceaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. En effet, cet amendement a ouvert une discussion longue et intéressante sur la définition de la cessation de paiement. On a pu croire, à l'occasion d'un arrêt de la Cour de cassation, comme vous le rappeliez, monsieur Montebourg, que celle-ci tendait à donner une interprétation différente de la cessation de paiement, en mettant en avant la notion de passif exigé. Vous aurez toutefois remarqué que la Cour de cassation n'a pas fait publier cet arrêt. À la commission des lois, nous avons entendu des hauts magistrats de la Cour de cassation pour savoir ce que l'on pouvait tirer de cette jurisprudence. Il est apparu que ce n'était pas réellement la position jurisprudentielle de la Cour de cassation, qui en restait à la définition stricte de passif exigible.

On peut donc s'interroger sur la modification de cette définition. Ce qui, après un long débat, a fait hésiter la commission, c'est que l'on se remettrait aux mains des principaux créanciers, puisque, très souvent, ceux qui peuvent rendre exigible une créance, ce sont justement les banquiers dont vous dites tant de mal ! Comme, par ailleurs, nous avons pris des dispositions en ce qui concerne le soutien abusif des créanciers, nous avons pensé que, dans ces conditions, il valait mieux en rester à la définition existante, telle qu'elle ressort de la loi en vigueur et de la position de la Cour de cassation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable pour les raisons qui viennent d'être indiquées par le rapporteur. Au cours des discussions qui ont précédé et accompagné la mise au point du texte avec les professionnels, ce débat a eu lieu. De l'avis général, il est apparu préférable de ne pas changer la loi. J'ajoute qu'il est quelque peu paradoxal, après tout ce que l'on a entendu, que cet amendement présenté par M. Montebourg donne plutôt une arme aux créanciers bancaires contre les débiteurs. Je ne comprends donc pas la logique d'un tel amendement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement est seulement destiné à obtenir des éclaircissements - et l'opposition est là dans son rôle -, à connaître la position de la majorité. C'est désormais chose faite.

Je retire donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 489 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 569.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. Il s'agit de substituer à la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 631-1 du code de commerce, les deux phrases suivantes : « Le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation. Ce plan prévoit, soit la continuation de l'entreprise, soit sa cession. »

La liquidation judiciaire, qui entraîne la mort de l'entreprise par une démobilisation générale de ses acteurs - chef d'entreprise, salariés - et par le retrait de ses partenaires, n'est pas un cadre opérationnel pour organiser sa cession.

Le plan de cession, sans liquidation, permet au chef d'entreprise de sortir de la procédure, peut-être ruiné, mais la tête haute. Son concours est nécessaire lors d'un plan de cession.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Cardo, votre amendement est très largement satisfait par l'amendement n° 589, voté par la commission des lois, à l'initiative de son président. L'amendement n° 589, qui sera examiné ultérieurement, rétablit en effet la possibilité d'adopter un plan de cession dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. La commission des finances veut souligner l'importance de l'aspect psychologique de cette affaire et saluer l'« amendement Clément », qui fera date !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. L'amendement du président de la commission des lois ne peut être que parfait ! Aussi vais-je retirer le mien.

M. le président. L'amendement n° 569 est retiré.

Je mets aux voix l'article 99.

(L'article 99 est adopté.)

Article 100

M. le président. Sur l'article 100, je suis saisi d'un amendement n° 502.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Nous l'avons dit et répété à maintes reprises sur ces bancs et nous continuerons à le faire aussi longtemps que le ministre et le rapporteur resteront sourds à nos propos : les salariés et leurs représentants doivent être des acteurs à part entière des décisions relatives à la pérennisation des activités de leurs entreprises et au maintien de l'emploi. Nous estimons qu'il est important d'associer les salariés ou leurs représentants à toutes les étapes de la procédure de conciliation. Cette remarque vaut a fortiori lors de l'engagement de la procédure de redressement judiciaire proprement dite : la pérennité de leur emploi et de leur entreprise étant en jeu, ce sont les salariés qui ont le plus intérêt au maintien de l'activité.

Si nous voulons concilier vie de l'entreprise et efficacité économique, nous devrons tôt ou tard mettre en œuvre le principe d'une plus grande participation des salariés aux décisions. Cela suppose de leur donner de nouveaux pouvoirs d'intervention démocratique : ils doivent être associés à la gestion et aux choix stratégiques de leur entreprise sur les aspects qui touchent à toutes les formes d'emploi. À cet égard, il importe qu'ils soient dûment informés. Notre amendement leur ouvre la possibilité d'engager une procédure de redressement et de jouer un rôle majeur dans les choix stratégiques de l'entreprise.

La majorité n'a eu de cesse de nous rappeler ce que représente l'entreprise en termes d'emploi et de richesse. En ce qui nous concerne, nous considérons que la richesse, ce sont les salariés qui la créent. Il faut donc leur donner la possibilité de recourir aux procédures instituées par ce texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Vaxès, cette possibilité de saisine nous semble inutile puisque les représentants des salariés disposent d'un droit d'alerte. Je vous renvoie au texte mais également au débat que nous avons eu avec les représentants des principales organisations syndicales. Je pense en particulier à M. Lepaon de la CGT.

Le texte prévoit, dans le cadre du redressement judiciaire, que les salariés peuvent communiquer au président du tribunal ou au ministère public tout fait révélant la cessation des paiements du débiteur. Par ailleurs, il leur reconnaît un droit d'alerte très large.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 502.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 503.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 503.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 146, deuxième rectification, qui fait l'objet d'un sous-amendement, n° 643.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 146, deuxième rectification.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous touchons ici un point important du texte. Lors du passage au redressement judiciaire, après échec de la procédure de conciliation, le débiteur doit déposer le bilan dans un délai très court pour ne pas encourir les peines de la faillite personnelle. Or, très souvent, celui-ci, après de multiples tentatives de sauvetage, omet de respecter cette démarche dans le délai prescrit.

Le tribunal ayant suivi le dossier pendant la procédure de conciliation et disposant du rapport du conciliateur, nous considérons qu'il est suffisamment informé pour se saisir d'office, s'il estime que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est nécessaire. Tel est l'objet de notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 643.

M. Alain Vidalies. Je le retire.

M. le président. Le sous-amendement n° 643 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 146, deuxième rectification ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 622.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le défendre.

M. Alain Vidalies. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 622 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 504.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. L'article 100, relatif aux conditions d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, est décevant à plus d'un titre.

Il ne modifie pas la liste des acteurs susceptibles de saisir le tribunal pour demander l'ouverture d'une telle procédure. Comme dans la loi de 1985, il ne peut s'agir que du débiteur, des créanciers, du tribunal ou du ministère public. Une fois de plus, les salariés sont écartés pour ne jouer que les seconds rôles. Vous avez refusé d'adopter notre amendement à l'article L. 631-4 qui leur accordait un droit de saisine car vous entendez les cantonner dans un rôle de délateur. Pourtant, chercher à associer les salariés au déroulement des procédures d'exécution collective est un « objectif à la fois généreux et intelligent », selon les mots mêmes d'un juriste.

Cette persistance à ne vouloir leur donner qu'un droit de révéler la cessation de paiement est d'autant plus curieuse qu'aujourd'hui, le droit n'exige nullement qu'une autorisation légale soit nécessaire pour transmettre une information au procureur de la République ou au président du tribunal. Cela est vrai pour les salariés en particulier et pour les citoyens dans leur ensemble.

Le texte proposé pour l'article L. 631-6 du code du commerce prévoit que les faits établissant la cessation des paiements peuvent être révélés au président du tribunal ou au ministère public. Notre amendement a pour objet de restreindre cette possibilité au ministère public, pour une raison simple.

La législation actuelle permet la saisine du tribunal, même si seuls les salariés se sont manifestés pour signaler l'état de cessation des paiements de l'entreprise, en dépit de la non-saisine par le débiteur ou le créancier. Pourtant si les salariés s'adressent au président du tribunal, et non pas au ministère public, il n'est pas certain que le tribunal soit pour autant saisi des faits, car il peut refuser de se saisir d'office et de suivre ce magistrat. Dès lors, le président du tribunal se trouvera dans une position difficile car il doit demeurer une autorité impartiale. En revanche, si les salariés s'adressent au ministère public et que ce dernier saisit le tribunal, alors il sera automatiquement saisi d'une demande d'ouverture de procédure de redressement judiciaire.

En ne rendant possible la révélation de l'état de cessation de paiement qu'auprès du ministère public, nous éviterions tout à la fois que les salariés ne frappent à la mauvaise porte et que de probables dérives ne se produisent. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous avons interrogé les syndicats à ce sujet, il vous suffira de vous reporter à la page 55 du rapport d'information. Je vous rappelle la question très claire que je leur ai posée : « Si le droit d'alerte était accordé, dans ce cadre, aux salariés, serait-il déclenché directement par le comité d'entreprise ou les délégués syndicaux auprès du président du tribunal de commerce, ou plutôt auprès du procureur de la République ? ». M. Lamy, de la CGC, a répondu : « Je pense qu'il conviendrait de l'exercer auprès du tribunal de commerce. S'adresser directement au procureur de la République a un aspect encore plus dramatisant ». M. Quentin, de Force ouvrière, a dit : « Pour ma part, j'estime que les parquets sont suffisamment surchargés actuellement. Il ne me semble pas utile de passer par le procureur de la République ». Bref, devant ces positions divergentes, nous avons proposé que le tribunal de commerce et le procureur de la République soient tous les deux concernés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 504.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 147 rectifié, qui fait l'objet de deux sous-amendements, nos 651 et 652.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 147 rectifié.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 53.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir les sous-amendements nos 651 et 652.

M. Arnaud Montebourg. J'aimerais que M. le rapporteur nous expose le sens de la rectification apportée à l'amendement n° 147 tel qu'il a été approuvé par la commission. En effet, l'un des sous-amendements présentés est susceptible d'être satisfait par le changement opéré.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Le sous-amendement n° 652 est effectivement satisfait par la rectification de l'amendement n° 147.

M. le président. Le sous-amendement n° 652 n'a donc plus d'objet. Le sous-amendement n° 651 est-il défendu ?

M. Arnaud Montebourg. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 147 rectifié et sur le sous-amendement n° 651 ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 147 rectifié et défavorable au sous-amendement n° 651.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 651.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 148.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 149 de la commission.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 100, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 100, ainsi modifié, est adopté.)

Article 101

M. le président. L'article 101 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 101 est adopté.)

Article 102

M. le président. Sur l'article 102, je suis saisi d'un amendement n° 291 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Actuellement, les administrateurs judiciaires peuvent se faire accompagner par des experts en gestion opérationnelle à qui ils délèguent la responsabilité de gérer l'entreprise au quotidien, ce qui nous apparaît être une bonne chose. Cet amendement entend ainsi institutionnaliser cette profession.

Le président du tribunal de commerce aura obligation de désigner de tels experts dans des cas extrêmement rares et limités, lorsque l'administrateur judiciaire, exerçant une mission complète, assume seul la charge de la gestion opérationnelle de l'entreprise. Dans les autres cas, il aura la faculté de les désigner, s'il le juge nécessaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 570.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. L'amendement n° 570 vise à rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 631-13 du code de commerce : « Dès l'ouverture de la procédure, les tiers sont admis à soumettre des offres tendant au maintien de l'activité de l'entreprise par une cession totale ou partielle de celle-ci selon les dispositions du chapitre III du présent titre. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'amendement est inutile, le projet de loi prévoyant déjà la possibilité pour des tiers de présenter des offres d'acquisition dès la période d'observation du redressement judiciaire.

J'ajoute que le chapitre qui est visé dans l'amendement n'est pas le bon.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. Monsieur Cardo, retirez-vous l'amendement ?

M. Pierre Cardo. Oui, monsieur le président, car je n'arrête pas d'être satisfait ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 570 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 571.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il a déjà été repoussé la semaine dernière. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Monsieur Cardo, retirez-vous l'amendement ?

M. Pierre Cardo. Je le retire, en espérant être entendu sur d'autres sujets.

M. le président. L'amendement n° 571 est retiré.

L'amendement n° 588 de la commission des lois tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 150.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de coordination avec l'amendement n° 79.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, permettez-moi de déplorer le manque de clarté de nos débats.

Cela dit, je suis favorable à l'amendement n° 150.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 151.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de coordination avec l'amendement n° 61.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 307 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 623 rectifié.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 623 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 505.

La parole est à M. Alain Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 505.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 506.

La parole est à M. Alain Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. L'examen de l'article 102 du projet de loi relatif à la période d'observation, à la préparation et au contenu du plan de redressement judiciaire nous donne l'occasion de reposer l'épineuse question du licenciement économique en cas de relation étroite entre l'entreprise donneuse d'ordre et l'entreprise sous-traitante. Cet amendement entend apporter une réponse pragmatique au problème des entreprises sous-traitantes placées dans un état de dépendance économique par rapport aux entreprises donneuses d'ordres.

Actuellement, 66 % des salariés travaillent dans une très petite entreprise ou dans une PME. Cette déconcentration économique masque en réalité un renforcement de la concentration financière qui profite aux groupes multinationaux, car, aujourd'hui, un salarié sur deux travaille dans une entreprise contrôlée par un groupe et la part des PME contrôlées par un groupe représente 42 % de l'ensemble des salariés des PME.

Le recours massif à la sous-traitance permet aujourd'hui à de grandes entreprises ou à des groupes d'externaliser des activités tout en conservant leur pouvoir de décision, sinon de négociation. Au-delà des gains escomptés en flexibilité et en abaissement des coûts salariaux, les grandes firmes externalisent ainsi très souvent leurs suppressions d'emplois. En effet, elles font supporter aux entreprises sous-traitantes leurs choix stratégiques, notamment les plus risqués, ou bien, pour répondre aux exigences de rentabilité exigées par les actionnaires, elles réduisent leurs coûts par la suppression de la masse salariale de leurs entreprises satellites sans pour autant être responsables juridiquement de cette réduction de la masse salariale.

Le passage en sous-traitance leur permet ainsi de s'exonérer de nombre de règles du code du travail, et plus particulièrement de leurs obligations en matière de licenciement économique, qu'il s'agisse de la justification du licenciement ou des conséquences en matière d'indemnisation ou d'obligation de reclassement.

Les licenciements économiques réalisés dans ces conditions échappent souvent en effet à un véritable contrôle du motif, le champ d'appréciation étant limité à l'entreprise sous-traitante. En outre, ils ne permettent pas la mise en œuvre de procédures d'information et de consultation conséquentes et limitent la recherche de solutions de reclassement efficaces, les capacités du sous-traitant étant généralement réduites.

Le dispositif que nous proposons ouvre la possibilité au dirigeant comme aux représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante de recourir à un cadre d'appréciation et de débat commun, responsabilisant l'entreprise dominante. En clair, le comité d'entreprise de la firme donneuse d'ordre devrait être saisi de tout projet de nature à affecter l'emploi dans l'entreprise sous-traitante et qui résulterait d'une décision de la première. Le comité d'entreprise se verrait alors adjoindre, avec voix délibérative, les représentants élus de l'entreprise sous-traitante. Le comité ainsi élargi examinerait non seulement les fondements économiques, mais également un projet de plan social élaboré conjointement par les directions des deux entreprises. Il disposerait, en cas d'insuffisance du plan social, des mêmes attributions qu'un comité classique.

Cette procédure s'inscrit dans l'avènement progressif dans notre droit de la notion d'unité économique et sociale. À l'origine, le législateur l'a introduite dans l'article L. 431-1 du code du travail afin d'établir un lien entre des structures juridiquement distinctes pour permettre la mise en place d'institutions représentatives du personnel communes. Depuis, la notion a été retenue par le législateur pour favoriser la conclusion d'accords de participation, d'intéressement et d'épargne salariale.

Admettez qu'il serait mal venu de ne pas reconnaître sa pertinence pour traiter du sujet de préoccupation numéro un des salariés et des entreprises, à savoir l'emploi et les restructurations en cas de difficultés.

Tel est le sens de l'amendement n° 506.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Vaxès, ces questions ont déjà été abordées dans le cadre de l'examen des procédures de conciliation et de sauvegarde. Votre amendement prévoit que : « Lorsque l'employeur d'une entreprise sous-traitante a connaissance d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre dont il estime qu'elle engendre des difficultés économiques de nature à la contraindre à procéder à un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel. ». Or là nous sommes en redressement judiciaire, c'est-à-dire en période de cessation de paiement.

Quant aux relations entre les sociétés donneuses d'ordres et leurs sous-traitants, il convient probablement d'en traiter dans les accords de méthode des entreprises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 506.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 152.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le plan de redressement peut prévoir des cessions partielles. Il est bien évident que les cessions de branches d'activité sont l'un des moyens traditionnellement utilisé pour restructurer une entreprise en redressement judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 153 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

J'ajoute qu'il convient de rectifier l'amendement en supprimant dans celui-ci les mots « de l'article L. 626-22-1 et ».

M. le président. Cet amendement devient donc l'amendement n°153, deuxième rectification.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, le rapporteur improvise beaucoup dans ce débat, rectifiant in extremis ses amendements. Même le garde des sceaux s'en est plaint. Et nous, que devrions-nous dire ?

Sur un texte dont l'urgence a été déclarée, beaucoup d'amendements ont été examinés en commission, au titre de l'article 88, à la va-vite. Voilà une manière déplorable de travailler qui aura des répercussions sur la qualité du texte que nous produisons.

Monsieur le garde des sceaux, renoncez à l'urgence sur ce texte car nous risquons de faire des dégâts dont nous n'avons même pas conscience. Une deuxième lecture ne serait pas de trop et permettrait de balayer l'ensemble du texte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je rappelle à M. Montebourg que les deux réunions qui se sont tenues au titre de l'article 88 ont duré chacune trois heures quarante-cinq. Je n'avais jamais vu cela. Cela prouve que nous ne sommes pas allés à toute vitesse et que nous avons essayé d'aller au fond des choses.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°153, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 624.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 624 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 507.

La parole est à M. Alain Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 507.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 490 et 589, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 589 fait l'objet d'un sous-amendement n° 617.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 490.

M. Arnaud Montebourg. Le texte transfère la possibilité de cession totale de l'entreprise dans la partie relative à la liquidation judiciaire. Nous considérons qu'associer la cession à la liquidation est une erreur. C'est pourquoi, nous souhaitons rétablir les dispositions relatives à la cession totale de l'entreprise dans le cadre du redressement judiciaire. Le mot « redressement » a en effet un sens positif. La procédure de redressement elle-même est destinée à avoir des effets positifs. La procédure de liquidation, c'est la dévalorisation des actifs.

Je crois qu'il y a consensus sur ce sujet. Nous sommes donc prêts à retirer l'amendement au bénéfice de l'amendement n° 589 si celui-ci semble mieux rédigé. Mais il faut que la Chancellerie bouge !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, pour soutenir l'amendement n° 589.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je défends l'amendement n° 589 parce que j'en partage la paternité avec le rapporteur, et je me réjouis d'être sur ce point en parfaite harmonie avec l'opposition car cela n'est pas arrivé souvent depuis le début de notre débat.

M. Arnaud Montebourg et M. Alain Vidalies. C'est la cinquième fois !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous avons la conviction qu'il est indispensable, sur le plan économique, que la cession puisse intervenir à n'importe quel moment, de la médiation ou du plan de sauvegarde, bien entendu sous le contrôle du président du tribunal de commerce. La dimension psychologique ne doit pas non plus être oubliée : la cession de l'entreprise est vécue comme un sauvetage par le dirigeant et il ne faudrait pas que celui-ci ait le sentiment qu'il faut attendre la liquidation pour pouvoir céder son bien. Au demeurant, le terme « liquidation » est très péjoratif. Tout milite pour qu'un plan de cession puisse être présenté au tribunal de commerce à tout moment de la procédure.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir le sous-amendement n° 617.

M. Philippe Houillon. Je déclare d'emblée que je suis prêt à retirer mon sous-amendement si j'obtiens des explications rassurantes.

Nous convenons tous que la cession doit pouvoir être réalisée dans le cadre du redressement judiciaire. Tel est le sens de l'amendement qui vient de défendre, ô combien brillamment, le président de la commission des lois. Cela étant, la question se pose de savoir où s'arrête la mission de l'administrateur. À partir du moment où l'entreprise est placée en redressement judiciaire, c'est lui qui a la charge de recueillir des offres et de présenter un plan. Et il est évident que celui-ci doit accomplir sa mission jusqu'au bout, c'est-à-dire jusques et y compris la régularisation des actes.

Or à la lecture de l'amendement, on pourrait comprendre que l'administrateur assume cette charge jusqu'au jugement qui ordonne la cession, mais qu'ensuite c'est au mandataire exerçant les pouvoirs donnés au liquidateur de régulariser les actes de cession, puisque parmi les missions dévolues au liquidateur par l'article L. 642-8 figure la signature des actes de cession. Ce serait parfaitement incohérent. Je ne voudrais pas que ce soit l'interprétation ultérieure de la jurisprudence.

On peut aussi considérer que, une fois rendu le jugement ordonnant la cession, l'administrateur procède aux actes de cession et que le mandataire, qui exerce les pouvoirs de liquidateur, répartira le produit de la cession.

C'est pourquoi il faut, à mon avis, apporter une précision pour clarifier la rédaction de l'amendement, afin de ne pas risquer que le juge comprenne que le rôle de l'administrateur s'arrête au jugement, ce qui serait en contradiction avec l'amendement n° 124, voté tout à l'heure avec l'accord du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 490 et sur le sous-amendement n° 617 ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'amendement n° 490 est satisfait par l'amendement n° 589 de la commission.

Quant au sous-amendement n° 617, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Sur le fond, nous sommes d'accord avec M. Houillon et je ne pense pas que son sous-amendement soit nécessaire. Selon la rédaction que nous proposons, le liquidateur a la mission de distribuer le prix de cession aux créanciers.

Quant au « principal », c'est-à-dire l'amendement n° 589, il a fait l'objet de nombreuses discussions entre le moment où le texte a été approuvé en conseil des ministres et son examen en commission. L'amendement clarifie le débat de façon très opportune, et j'en remercie le président et le rapporteur de la commission. Vous aurez compris que j'y suis tout à fait favorable. Grâce au travail de la commission des lois, nous aurons accompli un réel progrès de clarification par rapport au texte initial.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je retire volontiers l'amendement n° 490, mais si notre collègue Houillon retire son sous-amendement, je le reprendrai.

M. le président. L'amendement n° 490 est retiré.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. En dépit des explications du garde des sceaux, je persiste à penser qu'il conviendrait de préciser la rédaction de l'amendement n° 589, quitte à le faire au Sénat. Si le Gouvernement s'y engage, je lui ferai confiance. Cela dit, je propose que la dernière phrase de l'amendement soit rédigée ainsi : « Le mandataire judiciaire exerce les missions dévolues au liquidateur après signature des actes de cession. » Ce sera plus clair.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je me rallie à la suggestion que vient de faire M. Houillon. Nous pouvons poursuivre le travail de clarification, et je m'engage à déposer un amendement en ce sens au Sénat.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Dans ce cas, je retire mon sous-amendement.

M. Arnaud Montebourg. Je le reprends !

M. le président. Le sous-amendement n° 617, retiré par M. Houillon, est repris par M. Montebourg, à qui je donne la parole.

M. Arnaud Montebourg. Ce sous-amendement est significatif des problèmes qui proviennent de ce qu'on n'a pas regardé d'assez près le rôle joué par les différents professionnels, et dont nous savons - nous aurons l'occasion d'y revenir - qu'il n'est pas neutre : les administrateurs, qui sont partie prenante au redressement de l'entreprise, ne sont pas les liquidateurs qui constatent en quelque sorte le décès de l'entreprise et sont chargés de la répartition. Autrement dit, choisir un professionnel plutôt qu'un autre n'est pas neutre, et M. Houillon, en proposant un sous-amendement de clarification, montre qu'il l'a fort bien compris.

Par ailleurs, nous aurions préféré avoir plus de temps pour étudier le texte dans le cadre d'une deuxième lecture, et l'engagement du garde des sceaux à reprendre le sous-amendement au Sénat n'est pas flatteur pour l'Assemblée nationale qui aurait dû garder la main, en particulier en ce qui concerne la place dévolue à chaque profession. À commencer par l'article 25, et tout au long du projet, le texte contient des dispositions qui maintiennent des rentes de situation auxquelles il faut mettre fin. Nous en tirerons les conclusions au moment du vote.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 617.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 589.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 102, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 102, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Je vous indique, mes chers collègues, qu'il reste 280 amendements à examiner.

Avant de lever la séance, je vous rappelle que vous êtes tous invités par le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, à assister à la lecture d'une sélection de grands discours parlementaires de l'époque révolutionnaire, qui commencera dans quelques instants dans la salle des fêtes.

    3

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1596, de sauvegarde des entreprises :

Rapport, n° 2095, de M. Xavier de Roux, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,

Avis, n° 2099, de M. Jérôme Chartier, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot