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Première séance du mercredi 23 mars 2005

184e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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OUVERTURE À LA CONCURRENCE DES SERVICES PUBLICS

Suite de la discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de résolution de M. Daniel Paul et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires (nos 2121, 2151).

La semaine dernière, nous avions entendu M. Daniel Paul, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Nous en venons donc à la discussion générale.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, aux termes de l'article III-148 du projet de traité constitutionnel qui sera soumis à référendum le 29 mai prochain « Les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire. La Commission adresse aux États membres des recommandations à cet effet ».

En clair, il faut aller plus vite, plus loin, plus fort dans la libéralisation et la déréglementation des services dont la définition extensive fait craindre que la santé, la culture, le logement et l'éducation seront bientôt avec l'énergie, les transports, les communications ouverts à la concurrence.

C'est pour ne pas laisser notre pays s'engouffrer, tête baissée dans cette folle course en avant, que nous proposons de mettre à la disposition des citoyens qui vont être appelés à se prononcer, tous les éléments du bilan d'une libéralisation entamée à coup de directives, depuis plus de quinze ans. Il s'agit, en effet, de biens collectifs, constitués sur le territoire national après le deuxième conflit mondial, qui ont joué et jouent toujours un rôle économique et social central.

La notion même de services publics est inconnue des rédacteurs du projet de traité européen qui ne mentionnent que les services d'intérêt économique général et leur fixent dans les articles III-166 et III-167 d'étroites limites, en les soumettant aux règles de la concurrence et en leur interdisant de bénéficier des aides publiques.

Pourquoi ne serait-il pas envisageable de construire avec les salariés et les citoyens d'Europe une définition et de définir des critères inspirés des fondements des services publics à la française : égalité d'accès et de traitement, continuité et péréquation tarifaire ?

N'y a t-il pas là matière à construire ensemble une autre Europe, qui tire vers le haut les pays, régions et populations les plus défavorisées et qui permette un meilleur développement et une plus grande coopération des services publics ?

Des millions de salariés se rassemblent et manifestent partout en Europe : celles et ceux qui se sont retrouvés à Guéret le 5 mars ; dans les rues de Paris et des grandes villes de France le 20 et à Bruxelles, samedi dernier, contre la directive Bolkestein. Ils veulent substituer à la logique libérale, au tout marché, à la concurrence sauvage, une logique sociale, sous peine de laisser s'installer une Europe de la jungle, du dumping social, du chômage et de la pauvreté.

Les dégâts de l'expérience de la libéralisation - dont la Commission européenne ne veut pas faire le bilan d'étape - sont déjà sensibles dans la vie quotidienne des gens, dans la vie économique et sociale de notre pays.

À cet égard, l'exemple de France-Télécom, l'aînée des déréglementées, est éloquent. Nous pouvons juger des conséquences désastreuses d'une privatisation visant à plier l'entreprise aux critères exclusivement financiers, au détriment de l'intérêt général. En effet, la communication est au carrefour de multiples enjeux de société, de démocratie, de civilisation.

La déréglementation prônée par les tenants du marché libéral a été synonyme de la fin du monopole public, ce qui entraîne la fin de la péréquation tarifaire, de la privatisation de l'établissement public, de la modification des statuts des personnels.

Le processus, engagé en 1990, avec la séparation des deux établissements, La Poste et France Télécom, a abouti aujourd'hui à la fragmentation des réseaux en segments à haute valeur ajoutée et en segments déficitaires.

Les prestataires de tout poil auxquels a été ouvert le marché, prospèrent sur l'exploitation du réseau de l'opérateur historique, bien commun de la collectivité nationale.

L'ouverture progressive du capital a rapporté à l'État plus de 14 milliards d'euros de dividendes qui, sous l'impulsion de l'actuel ministre des finances, ont été mis au service du business et des actionnaires.

Pour réaliser la privatisation de France Télécom et abandonner la majorité du capital aux fonds de placements et aux épargnants spéculateurs, le Gouvernement n'a d'ailleurs pas pris de gants avec les principes fondateurs de notre République. Tous les actes  - la loi du 31 décembre 2003 prévoyant l'inscription de France Télécom sur la liste des entreprises privatisables, son décret d'application du 3 mai 2004, ainsi que l'arrêté du 3 septembre 2004 fixant le prix et les conditions de vente d'actions détenues par l'État - contreviennent au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui prévoit : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Cette disposition, qui, notons-le, s'inscrit en contradiction avec les exigences du traité de Constitution européenne, conserve toutefois sa pleine réalité. Par deux fois, le 23 juillet 1996 et récemment encore le 4 août 2004 à propos d'EDF et GDF, le Conseil constitutionnel a reconnu que les gouvernements devaient s'y soumettre. M. Raffarin et M. Sarkozy n'ont pourtant pas hésité à passer outre. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La logique étroite de la rentabilité boursière conduit à n'évaluer l'activité de l'entreprise qu'en fonction du seul critère de retour sur capital investi et de création de valeur pour l'actionnaire, sans se préoccuper des conséquences et des effets sur l'ensemble de la collectivité et du territoire et sans se soucier du progrès social et de l'intérêt général.

Les rapports entre les usagers devenus clients et l'opérateur, hier public, aujourd'hui privé en ont été profondément modifiés. Il ne s'agit plus d'assurer aux premiers qu'un minimum de service et le second n'est plus autorisé à assurer l'égalité d'accès au mobile et à l'Internet haut débit. Des zones entières sont délaissées. La libre concurrence n'a pas permis de résorber la fracture numérique que chacun déplore.

Les consommateurs et le personnel sont les victimes de cette stratégie.

L'abonnement téléphonique a augmenté de plus de 85 % entre 1996 et 2002, les communications locales sont taxées à la durée, le renseignement téléphonique est facturé, le dépannage en cas de dérangements est devenu payant, le parc de cabines téléphoniques a été considérablement réduit, les collectivités sont encouragées à suppléer les opérateurs, l'opacité et la complexité des tarifs sont généralisées.


L'emploi est devenu une variable d'ajustement : le groupe France Télécom prévoit de supprimer 8 000 emplois en 2005, dont 5 500 en France. Dans le même mouvement, les petits boulots entrent par la grande porte dans l'entreprise : on annonce 1 800 emplois à temps partiel sur des contrats de neuf à douze heures !

C'est un véritable dumping social interne qui, tout en accompagnant les mesures gouvernementales sur la réduction du temps de travail, les salaires et le droit du travail, vise à peser sur les salariés en CDI ou à statut public.

Ce bref tour d'horizon dans un domaine aussi essentiel que le droit à la communication justifie à lui seul notre proposition de commission d'enquête.

C'est avec l'ensemble des intéressés - usagers, salariés, élus - que l'on doit dresser le bilan et formuler des propositions tant sur les enjeux d'aménagement cohérent du territoire, garanti par la maîtrise publique nationale des réseaux et des infrastructures, que sur les enjeux de coopération européenne et internationale afin d'assurer aux citoyens du monde le droit à la communication.

Une démonstration similaire peut être faite pour La Poste, objet récent de toutes les attentions libérales du Gouvernement qui, en allant au-delà des exigences européennes de déréglementation du secteur courrier, a créé une banque postale, inscrite dans la logique concurrentielle et financière de tous les établissements financiers privés.

Là encore, ce sont les segments les plus rentables de l'activité postale qui sont livrés au privé. L'annonce de la fermeture de 6 000 bureaux de poste suscite une levée de boucliers dans les territoires ruraux. Le prix du timbre augmente tout comme la précarisation des personnels.

M. Jacques Desallangre. C'est cela, l'Europe libérale !

Mme Janine Jambu. L'expérience quotidienne des usagers se résume à une détérioration du service, des tournées et une distribution mal assurées, une insuffisance de la présence postale dans les quartiers populaires.

Aucun enseignement n'est tiré de la situation suédoise où 38 000 emplois sur 70 000 ont été supprimés, et le nombre de bureaux divisé par cinq ou de la situation allemande où le nombre de bureaux a été réduit de moitié. Devrons-nous, d'ici peu, faire chez nous le même constat ?

Si l'on regarde la libéralisation du marché de l'énergie, secteur vital s'il en est, on trouve des procédés similaires avec la dissociation d'EDF-GDF. L'État actionnaire public majoritaire se comporte comme un président de conseil d'administration d'une multinationale américaine.

M. Jacques Desallangre. Très bonne image !

Mme Janine Jambu. Ce sont les usagers, les salariés et les collectivités qui en pâtissent.

Selon une étude récente effectuée par l'observatoire international des coûts énergétiques dans quatorze pays, la libéralisation du secteur électrique a provoqué une augmentation des prix pour l'ensemble des consommateurs - de 0,9 % au Canada à 33 % en Finlande.

M. Gilbert Biessy. Allons-y !

Mme Janine Jambu. De la Californie à l'Espagne, du Canada à l'Italie, là où le secteur électrique a été libéralisé, de très nombreuses et importantes coupures, touchant des millions de personnes, se sont multipliées.

Les dysfonctionnements sont tels que le gel du processus de libéralisation et le ré-investissement public sont à l'ordre du jour dans plusieurs pays.

Au-delà, se posent pour notre pays les questions de l'indépendance énergétique, de la sûreté et de la sécurité en matière nucléaire et du respect des engagements environnementaux internationaux de la France.

Un travail approfondi d'enquête tirant les enseignements des expériences internationales ne se justifie-t-il pas, dans ces conditions ?

M. Jacques Desallangre. Tout à fait !

Mme Janine Jambu. Je conclurai en évoquant rapidement le transport ferroviaire. Par paquets successifs, nous assistons à la libéralisation du fret puis, à un horizon proche, à celle du transport de voyageurs.

M. Gilbert Biessy. Ils veulent la mort du fret !

Mme Janine Jambu. Je vous renvoie au film Navigators qui décrit, à travers le vécu des cheminots, le dépeçage de l'équivalent britannique de la SNCF :

M. le président. Veuillez conclure, madame Jambu.

M. Jacques Desallangre. C'est très intéressant ce qu'elle dit.

Mme Janine Jambu. ...le partage du réseau en tronçons dont les exploitants privés espéraient tirer le meilleur profit ; la dégradation du réseau et du matériel ; la mise en danger des voyageurs ; la casse du statut et des acquis des personnels condamnés à devenir des tâcherons intérimaires ou journaliers.

Il ne s'agit, hélas ! pas d'une fiction, et nous ne voulons pas de cela pour les chemins de fer de notre pays !

Transports fluvial, maritime, routier, aérien : nombreux sont les exemples des dégâts humains, sociaux, économiques causés par une libéralisation effrénée. Et la directive Bolkestein, émanation des dispositions du traité constitutionnel, soumis au vote de notre peuple, préconise une accélération en ce sens. Elle allie, avec le principe du pays d'origine, le dumping social à la déréglementation généralisée des services, tous, ou presque, y étant inclus.

M. Gilbert Biessy. Eh oui !

Mme Janine Jambu. Il en est ainsi, par exemple, pour le logement social qui relève, dans notre pays, de dispositions et réglementations publiques tant en matière de financements, de gestion que de conditions d'accès. L'Union sociale pour l'habitat a demandé d'être exclue du champ de cette directive, après en avoir montré ses dangers. Cela mérite attention !

M. Jacques Desallangre. Tout à fait !

Mme Janine Jambu. La confédération européenne des syndicats, pour sa part, conclut ainsi son avis : « Le projet actuel menace de nuire aux conventions collectives de travail, aux normes professionnelles, aux codes du travail nationaux et au droit des citoyens européens d'accéder à des services sûrs, de haute qualité et accessibles »

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter notre proposition de création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence de nos services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jacques Desallangre. Excellent réquisitoire !

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'ouverture à la concurrence dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires, nous sommes, au groupe UMP, tout autant attachés que Daniel Paul, à la qualité des services publics,...

M. Jacques Desallangre. On peut en douter !

M. Alfred Trassy-Paillogues. ...ou plutôt du service au public de manière uniforme et cohérente sur l'ensemble du territoire national. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Précision intéressante !

M. Gilbert Biessy. Ce n'est, en effet, pas la même chose !

M. Jacques Desallangre. C'est une nuance de taille ! Le langage n'est jamais innocent !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Un suivi permanent, en temps réel, doit être assuré dans ces domaines, pour prévenir toute dérive et surtout pour qu'il n'existe aucune entrave au développement de nos opérateurs, notamment historiques, et qu'il soit fourni des prestations de qualité...

M. André Chassaigne. On le voit sur le terrain !

M. Alfred Trassy-Paillogues. ...toujours plus grandes, au meilleur coût ...

M. Christian Bataille. Pour qui ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. ...et en totale adéquation avec les besoins du public.

Cela étant, force est de constater que de nombreux outils existent déjà au plan européen et au niveau national qu'une commission d'enquête ne ferait que « doublonner ». (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le suivi de l'application des directives est assuré par la Commission européenne elle-même. La directive « service universel » prévoit, en son article 15, une procédure de révision périodique tous les trois ans des obligations de service universel des communications électroniques en fonction des nouveaux besoins de la société de l'information, « à la lumière des évolutions sociale, économique, technologique ».

La directive postale prévoit que la Commission doit transmettre au Parlement européen et au Conseil, avant le 31 décembre 2006, une étude prospective destinée à évaluer, pour chaque État membre, l'impact sur le service universel de l'achèvement du marché intérieur en 2009, afin de les éclairer sur les suites éventuelles du processus de libéralisation.

M. Jacques Desallangre. On peut compter sur elle !

M. André Chassaigne. Prospective « liquidatrice » !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Dans le domaine du transport ferroviaire, le Conseil européen des 15 et 16 mars 2002 a commandé à la Commission un rapport « concernant le fonctionnement du premier train de mesures relatives au chemin de fer ».

L'article 31 de la directive concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel est également très clair : « Au plus tard le 1er janvier 2006, la Commission transmet au Parlement européen et au Conseil un rapport détaillé décrivant les progrès accomplis concernant la création du marché intérieur du gaz. (...). Le cas échéant, la Commission soumet des propositions au Parlement européen et au Conseil, notamment pour garantir des normes élevées de service public. »

M. Jacques Brunhes. Où sont les parlementaires ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Il en va de même pour le marché intérieur de l'électricité à l'article 28 de la loi. La France n'est pas en reste, et des rapports doivent être rendus au Gouvernement ou par le Gouvernement.

M. Jacques Brunhes. Et les parlementaires ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Dans le secteur des télécommunications, l'article L. 35-16 du code des postes et des communications électroniques prévoit la remise tous les trois ans, d'un rapport du Gouvernement au Parlement comportant une analyse et une évaluation détaillée,...

M. Jacques Brunhes. Et les parlementaires ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. ...pour chaque catégorie d'usagers, du coût de l'ensemble des services de communications électroniques, y compris la téléphonie mobile et l'accès à Internet, en examinant l'intérêt et la possibilité d'étendre le service universel aux prestations de base de téléphonie mobile, et à l'accès à Internet à haut débit.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Dans le secteur postal, le projet de loi en cours d'examen prévoit, en son article 7, un bilan du besoin d'un fonds de compensation du service universel postal au regard de l'évolution de la capacité du prestataire de service universel d'assurer ses missions suite à la réduction de la surface du domaine réservé. Ce bilan devra être effectué par l'autorité de régulation.

M. Jacques Brunhes. Et les parlementaires ?

M. Jean Dionis du Séjour. Encore !

M. Gilbert Biessy. Il a raison !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Dans le secteur de l'électricité, la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité prévoit : en son article 5, que la commission de régulation de l'électricité évalue chaque année dans son rapport annuel le fonctionnement du fonds du service public de la production d'électricité et, en son article 6, que le ministre chargé de l'énergie arrête et rend publique la programmation pluriannuelle des investissements de production qui fixe les objectifs en matière de répartition des capacités de production par source d'énergie primaire et, le cas échéant, par technique de production et par zone géographique.

M. Jacques Brunhes. Et les parlementaires ?

M. André Chassaigne. Ce sont des avis de décès !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Cette programmation fait l'objet d'un rapport présenté au Parlement par le ministre chargé de l'énergie dans l'année suivant tout renouvellement de l'Assemblée nationale.

Dans le secteur du gaz, même chose pour la loi relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie avec un plan indicatif pluriannuel.

Dans le secteur ferroviaire, la loi SRU prévoit, en son article 59, que cinq ans après la date du transfert de compétences, le Gouvernement déposera un rapport au Parlement sur ce transfert et sur l'évolution quantitative et qualitative des services ainsi que leur financement, sur les relations entre les régions et la SNCF, sur le développement de l'intermodalité, sur la tarification et le maintien de la cohérence du système ferroviaire.

Ainsi, l'investigation souhaitée par notre collègue Daniel Paul consiste-t-elle en une collecte d'informations de nature économique, publiquement disponibles, qu'il faut sans aucun doute mettre en perspective, mais qui ne justifie nullement le contrôle sur pièces et sur place, l'audition sous serment, bref, la création d'une commission d'enquête.

M. Jacques Brunhes. Et le rôle des parlementaires ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Est-ce une manifestation ou un débat ?

M. André Chassaigne. Vous voulez une manifestation ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Si c'est une manifestation, le Gouvernement s'en va !

Mme Janine Jambu. Ah non ! Déjà, qu'on a eu un débat tronqué !

M. le président. Laissez M. Trassy-Paillogues poursuivre sa démonstration.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Par ailleurs, une analyse dans le temps de l'évolution des marchés, suite à cette ouverture à la concurrence, n'est pas inutile. Ainsi, dans le secteur des télécommunications, nous avons récupéré France Télécom avec 70 milliards d'euros de dettes et une situation de quasi-faillite au printemps 2002. France Télécom était à l'été 2002 l'entreprise la plus endettée du monde, avec une dette supérieure au PIB du Chili !

M. François Brottes. Non ! Deutsch Telekom l'était davantage ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. La libéralisation des télécommunications en France avait été initiée par le gouvernement socialiste qui avait négocié d'abord et approuvé ensuite les directives européennes du « paquet Télécom » en 2001 et 2002, que nous n'avons fait que transposer en droit national avec les lois du 31 décembre 2003 sur France Télécom et du 9 juillet 2004 sur les communications électroniques !

Alors que la France était en 2002 en queue de peloton en Europe pour l'accès à Internet haut débit, elle est aujourd'hui parmi les premiers pays, avec plus de 6 millions d'abonnés fin 2004 contre moins de 500 000 deux ans plus tôt.

M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas à cause de la libéralisation !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Les tarifs de l'accès Internet haut débit sont maintenant les plus bas d'Europe, et les débits offerts parmi les plus élevés.

La France était en retard en 2002, elle est en tête actuellement, même si nous souhaitons aller plus vite et plus loin.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

Mme Janine Jambu. Plus vite dans la liquidation !

M. Jacques Desallangre. À quel prix ? Combien de suppressions d'emploi ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. En trois ans, France Télécom a été rétablie. Bien entendu, le Gouvernement a pris toute sa part dans ce rétablissement, avec 9 milliards d'euros de recapitalisation fin 2002, la mise en place d'un plan de redressement, auquel l'ensemble des agents de l'entreprise a contribué, et aujourd'hui une refonte de la grille tarifaire de l'opérateur.

Comme le confirme l'autorité de régulation des télécommunications, l'impact sur le consommateur des nouveaux tarifs qui seront appliqués dans les trois prochaines années est quasiment nul, la hausse de l'abonnement, qui restera d'ailleurs très inférieur à la moyenne européenne, étant compensée par la baisse du tarif des communications.

M. Jacques Desallangre. Lesquelles ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Cette baisse du tarif des communications est, pour moitié environ, la conséquence d'une décision du Gouvernement, en date du 10 décembre 2004, de baisser le tarif des appels des postes fixes vers les mobiles de 36 % en deux ans.

Cette nouvelle grille tarifaire comporte aussi une baisse dès le 1er juin 2005 des tarifs de gros payés par les opérateurs alternatifs à France Télécom - tarifs du dégroupage - ainsi que la revente de l'abonnement dès le premier trimestre 2006, qui permettront le développement de la concurrence, seule garantie durable de la baisse des prix et de la diversification des services pour le consommateur.


Le ministre de l'industrie vient d'homologuer, le 9 février dernier, une nouvelle baisse des tarifs de gros de l'accès à Internet haut débit, qui devrait permettre d'accélérer encore le déploiement du haut débit sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales. Déploiement à comparer avec l'échec cuisant du plan câble de 1982, archétype même de la planification administrative centralisée.

M. François Brottes. Il faut dépoussiérer votre argumentation. Cela remonte au siècle dernier !

M. Alfred Trassy-Paillogues. L'ouverture à la concurrence a un effet de diversification et d'adaptation de l'offre aux besoins.

Dans le secteur postal, la concurrence va avoir un effet d'enrichissement de l'offre sans pénaliser l'opérateur historique, car l'activité postale se subdivise en plusieurs métiers : d'une part, la gestion de flux de milliards d'envois non critiques, qui nécessite une grosse infrastructure optimisée pour rendre le meilleur service possible à J + 1 ; d'autre part, les métiers de transport point à point, dans des conditions particulières, sur lesquelles le transporteur prend un engagement où la performance est l'essence même de la prestation. La libéralisation dans le secteur postal devrait donc contribuer à l'élargissement de l'offre de performance spécialisée, à côté de l'offre de transport standard.

Du reste, la diversification ne devrait pas prendre des proportions très importantes car, d'une certaine manière, elle s'est déjà opérée à travers le développement de l'« express », secteur ouvert à la concurrence internationale depuis 1999, où La Poste est brillamment présente à travers sa filiale GeoPost, troisième opérateur européen.

M. François Brottes. Et qui est-ce, GeoPost ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Rien n'interdira à La Poste de développer à travers d'autres filiales son offre de services point à point sur les segments nouvellement ouverts à la concurrence.

De plus, dans le secteur postal, l'aménagement du territoire n'a pas été oublié avec un projet de loi, en cours de discussion, sur la régulation postale qui définit la « maille de proximité » de la Poste - moins de 10 % de la population à plus de 5 kilomètres du réseau et des bureaux à moins de vingt minutes de trajet en automobile.

À la qualité du service et la modération des prix, s'ajoute une dimension sociale. L'article L.1 du code des postes et des communications électroniques dispose que « le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminée. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

Dans le domaine de l'énergie, pour ce qui est de l'obligation de service public, tarif social pour les faibles revenus, maintien de l'énergie pour les personnes en situation de précarité, péréquation tarifaire, soutien aux énergies renouvelables et aux techniques performantes sont de rigueur.

Quant à l'organisation du marché, la programmation pluriannuelle des investissements, les activités de réseaux régulées par la CRE, le transport de l'électricité sous contrôle de l'État, la mutualisation au sein du système électrique démontrent que les choses ne sont pas aussi noires que nous le décrit notre collègue. En effet, EDF, nous a, elle aussi, été laissée en mauvaise santé (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ...

M. Christian Bataille. Vous avez tué le malade !

M. François Brottes. Vous êtes spécialisés dans les soins palliatifs !

M. Alfred Trassy-Paillogues. ...après que le gouvernement socialiste a, là aussi, négocié et approuvé les directives européennes programmant la libéralisation complète du marché de l'énergie. Grâce à la loi du 9 août 2004, EDF est désormais tout à fait à même, en synergie avec Gaz de France, de continuer d'offrir de manière pérenne aux Français les prestations de service public qu'ils attendent et aux agents les avantages statutaires dont ils bénéficient.

L'ouverture à la concurrence telle qu'elle est encadrée, avec un service universel proche du concept de service public à la française, des autorités de régulation indépendantes, une péréquation tarifaire territoriale, un souci permanent et affirmé de cohésion sociale, diversifie l'offre et améliore son adéquation aux besoins de la population. De plus, les gains de productivité qu'elle génère multiplient les services et, par là même, contribuent au développement des différents secteurs d'activité et soutiennent la nécessaire croissance de notre économie.

Cela étant, cette ouverture à la concurrence doit continuer d'être suivie, analysée, surveillée. Les outils de contrôle existent. Je crois vous avoir démontré qu'ils sont suffisants s'ils sont bien utilisés et s'ils sont coordonnés. Aussi, tout en réaffirmant notre attachement à l'aménagement du territoire et à un service au public à un prix abordable et de qualité,...

M. Jacques Desallangre. Comment pouvez-vous dire une chose pareille !

M. Alfred Trassy-Paillogues. ...ne jugeons-nous pas nécessaire la mise en place d'une commission d'enquête. En conséquence, le groupe UMP ne votera pas la proposition de résolution n° 2121 de notre collègue Daniel Paul. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la directive Bolkestein est au cœur de l'actualité de ces derniers jours. On peut se féliciter que le Conseil des ministres européen ait fait reculer la Commission. À cet égard, je salue l'action du gouvernement français, qui, je l'espère, va poursuivre dans cette direction.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Bravo !

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Christian Bataille. Mais c'en est tout pour les compliments, monsieur le ministre, car la suite de mes propos sera moins élogieuse. L'Europe sert souvent au Gouvernement de faux-nez pour masquer sa volonté libérale d'ouverture à la concurrence. Depuis 2002, il a fait le choix de non seulement soumettre les services publics à la concurrence, avec les incidences que l'on sait sur la qualité et le coût du service, mais il a aussi, sans obligation communautaire, modifié la nature juridique des entreprises pour les privatiser.

Je voudrais inviter la majorité de droite à assumer ses turpitudes. Que ne fait-on dire aux textes européens ? À l'instant encore, l'orateur du groupe UMP les a invoqués jusqu'à l'excès. Pour modérer mon propos, je dois dire cependant que les privatisations prochaines d'EDF et de Gaz de France...

M. le ministre délégué à l'industrie. Ouvertures du capital !

M. Daniel Paul, rapporteur. Une première étape avant la privatisation.

M. Christian Bataille....sont revendiquées par le Gouvernement comme une partie intégrante de sa politique. On l'a d'ailleurs moins entendu dire que c'était Bruxelles qui obligeait à privatiser.

Quel est le bilan du Gouvernement depuis 2002 pour les secteurs visés par la proposition de résolution ?

M. Pierre Cohen. Terrible !

M. Christian Bataille. Les télécommunications ont fait l'objet de deux lois : celle du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public et à France Télécom et celle du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communications audiovisuelles.

Pour les énergies, il faut citer la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie et la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Or ces lois interviennent dans un contexte mondial dangereux, en raison des variations erratiques du prix du pétrole. L'équilibre énergétique de la France, particulièrement exposée, ne devrait donc être modifié qu'avec une extrême prudence. Pourquoi alors faire prendre à la collectivité nationale des risques considérables en ces temps de fragilisation extrême de la production pétrolière ? D'autant que la montée rapide et sans précédent de la demande en hydrocarbures de la part de pays émergents comme la Chine ou l'Inde crée les conditions d'une augmentation de notre facture énergétique. Le Gouvernement, en agissant comme il le fait, remet en cause la stratégie énergétique mise en place par notre pays en 1946, qui a été soutenue par tous les gouvernements successifs de la IVe et de la Ve Républiques.

Le secteur postal a fait l'objet de deux directives organisant une ouverture par étapes du marché à la concurrence. La France ayant tardé à les transposer, elle est, depuis le 17 décembre 2003, déférée par la Commission européenne devant la Cour de justice des communautés européennes. Un projet de loi de transposition est en cours de discussion. Mais cela ne vous empêche pas d'organiser le démantèlement programmé du secteur public postal. Élu d'une zone rurale, je constate les dégâts qu'il entraîne, avec les fermetures de bureaux et les réductions de service. Il faut même parler de discontinuité de service puisque certains bureaux ruraux sont fermés pendant les vacances, ce qui est un véritable non-sens !

En matière ferroviaire, le groupe socialiste s'est opposé aux deux derniers paquets ferroviaires en dénonçant la vision libérale qui les inspire. Les expériences européennes de libéralisation du trafic ferroviaire, en Grande-Bretagne en particulier, ne sont pas concluantes, notamment en termes de renouvellement du matériel et de conditions de sécurité, pour les passagers comme pour les salariés. Il est regrettable que la délégation à l'Union européenne ait proposé d'étendre le processus de libéralisation au-delà des propositions de la Commission européenne. Le cinéma britannique a parfaitement montré quels sont les résultats de la politique d'apprenti-sorcier menée par les compagnies ferroviaires au Royaume-Uni et les dangers qu'elle comporte pour les salariés et les usagers.

Il faut par ailleurs rappeler les propos de Mario Monti, commissaire européen responsable de la concurrence, lors de son audition par la commission d'enquête sur les entreprises publiques, le 10 juin 2003. « L'article 295 du traité des communautés européennes précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres. Je voudrais ajouter qu'au-delà de l'aspect strictement juridique, notre approche est également fondée sur le fait qu'en qualité d'autorité en charge de la concurrence, nous ne voyons aucune raison économique de privilégier ou de discriminer une catégorie d'entreprises. Les États peuvent donc intervenir sur le marché en qualité d'actionnaires d'entreprises publiques. La limite que nous imposons est que ces entreprises publiques ne doivent pas bénéficier de privilèges du fait de leur actionnariat public ».


Mario Monti nous rappelle là que la France privatise ses entreprises publiques, non parce qu'une directive européenne le lui impose mais parce que c'est le choix politique du gouvernement Raffarin qu'il devrait davantage assumer devant l'opinion.

M. André Chassaigne. Cela figure dans la Constitution européenne !

M. Christian Bataille. Depuis une période fort ancienne - j'ai parlé tout à l'heure de 1946 mais, dans certains cas, il faut remonter plus loin - et jamais sur des bases doctrinales, notre pays a su mettre en place de grands services publics de réseau, par exemple dans le domaine de l'énergie, dans le respect de la qualité du service fourni ainsi que des grands principes du service public de continuité, d'égalité et d'adaptabilité.

Les services rendus sont d'une qualité incontestable saluée par toutes les opinions. Quand on rend hommage à la qualité des services publics, il s'agit non d'un choix idéologique, mais de la manière dont l'opinion, dans sa grande diversité, apprécie ces services rendus. Pourquoi alors démanteler ce qui marche ? On peut être sûr que les entreprises privées qui vont se substituer progressivement aux entreprises publiques feront moins bien. Nous vous donnons rendez-vous dans quelques années pour dresser un bilan.

M. Gilbert Biessy. Élémentaire !

Mme Muguette Jacquaint. S'il y en a encore !

M. Christian Bataille. L'ouverture de ces services à la concurrence, décidée au niveau communautaire, a été justifiée par l'idée que les prix de ces services baisseraient. Les prix ont, au contraire, eu tendance à augmenter.

M. André Chassaigne. C'est vrai !

M. Christian Bataille. Par ailleurs, les préoccupations d'aménagement du territoire sont moins prégnantes, l'investissement en recherche et en nouvelles technologies baisse et l'investissement dans les réseaux est devenu insuffisant, comme en a témoigné la récente pénurie d'électricité en Corse. L'ouverture à la concurrence a provoqué une détérioration de la qualité du service, une hausse des prix et un risque non négligeable de constitution, à terme, de monopoles privés.

La précédente majorité avait veillé à ce que, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des grands monopoles publics, les missions de service public des opérateurs soient garanties. Je puis en témoigner, ayant été rapporteur de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Qu'est-ce que le service public de l'électricité ? C'est d'abord une garantie d'approvisionnement pour tous et partout, mais c'est aussi un élément important de diverses politiques publiques, politique de l'énergie, politique sociale, environnementale et d'aménagement du territoire.

Cette loi a reprécisé les missions du service public : développement équilibré des capacités de production, développement et exploitation des réseaux publics de transport et de distribution et fourniture d'électricité. S'agissant de cette dernière, le principe de péréquation géographique des tarifs a été maintenu. La production d'électricité a été assurée par l'introduction d'une programmation pluriannuelle des investissements garantissant aux pouvoirs publics une réelle maîtrise sur notre politique de l'énergie. Dans ce cadre, les opérateurs souhaitant produire de l'électricité doivent obtenir une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'énergie. Toutefois, lorsqu'une divergence est constatée entre les objectifs définis par la programmation pluriannuelle et les intentions des investisseurs, une procédure d'appel d'offres peut être lancée. Afin de favoriser le développement de certaines techniques de production d'électricité, EDF demeure soumis, sous certaines conditions, à une obligation d'achat. Par ailleurs, la loi désigne EDF comme le gestionnaire unique du réseau public de transport d'électricité, GRT, et impose à l'établissement public diverses obligations garantissant un accès et une utilisation du réseau transparents et non discriminatoires. Elle ne remet pas en cause l'organisation de la distribution d'électricité qui demeure de la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements, EDF et les distributeurs non nationalisés restant gestionnaires des réseaux de distribution. Elle adapte donc simplement les règles existantes.

La loi a aussi défini la notion de clients éligibles. Dans le but de mettre en place des règles de concurrence loyale, elle impose aux entreprises d'électricité verticalement intégrées de dissocier dans leur comptabilité les activités de production, de transport et de distribution.

Enfin, pour ne pas pénaliser l'opérateur historique dans un marché ouvert à la concurrence, elle a aménagé le principe de spécialité d'EDF. Une distinction est faite entre les offres qu'EDF peut présenter aux clients éligibles et celles destinées aux consommateurs non éligibles.

Le gouvernement de Lionel Jospin n'a pas été immobile et a opéré une transposition a minima mais qui correspondait aux intérêts de la France et qui la rendait inattaquable.

En outre, il avait fait le nécessaire pour atteindre les objectifs fixés en matière de développement des énergies renouvelables, en introduisant des tarifs de rachat de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, pour se conformer à la future directive relative à la promotion de l'électricité.

J'ai rappelé longuement la loi de 2000 pour montrer à mes collègues de la majorité d'aujourd'hui que cette loi, contrairement aux assimilations qu'ils veulent faire, était bien différente de ce qu'ils ont fait ensuite. À travers ce texte, nous avons honoré la signature de la France dans les traités internationaux, en préservant le caractère public des entreprises et nous avons empêché que toute procédure de privatisation puisse, d'une façon ou d'une autre, être entamée. Accepter les traités internationaux d'ouverture à la concurrence, ce n'était en aucune manière accepter la privatisation.

M. le président. Il faut conclure !

M. Christian Bataille. Je termine, monsieur le président.

Et il est faux d'affirmer que la Constitution européenne règle définitivement le cas des services publics français, car cela revient à limiter la responsabilité politique de la majorité actuelle dans sa politique de démantèlement du service public.

En conclusion, nous pensons qu'une commission d'enquête sera très utile, qu'elle est nécessaire. Ses résultats nourriraient utilement la réflexion sur une directive cadre relative aux services d'intérêt économique général. Il faut rappeler que l'élaboration d'une loi européenne sur les services publics était l'une des exigences posées par le parti socialiste en octobre 2003, lors du débat sur le projet de Constitution européenne. Le traité actuellement soumis au débat populaire respecte cette exigence.

C'est une noble ambition que de vouloir rendre du lustre à l'idée de service public. Cette idée, nous la défendrons ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'UDF va vous surprendre.

M. François Brottes. Ce n'est pas possible !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous pensons que l'idée d'un suivi de l'ouverture à la concurrence des services publics est bonne (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains...)

M. André Chassaigne et Mme Janine Jambu. Ça commence bien !

M. Jean Dionis du Séjour. ...malgré le procès d'intention et la posture un peu idéologique de nos collègues communistes.

M. Gilbert Biessy. Nous l'assumons !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous aussi, et vous allez voir !

Contrairement aux communistes, l'UDF qui a toujours « une Europe d'avance » est favorable à l'ouverture à la concurrence, dans le cadre de la constitution d'un marché unique européen et des règles fixées par l'Union européenne.

Mme Muguette Jacquaint. Les choses sont dites !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous avons soutenu, sans aucun état d'âme, cette démarche dans le secteur des télécoms et de la Poste, dans celui de l'énergie et des transports ferroviaires, car nous pensons que cette démarche est bénéfique, aussi bien pour les entreprises que les consommateurs.

M. Gilbert Biessy. On va le voir avec le prix de l'électricité !

M. Jean Dionis du Séjour. Vous voulez un débat sur le fond ? On va l'avoir !

M. Gilbert Biessy. On prend rendez-vous !

M. Jean Dionis du Séjour. D'accord.

Cela s'explique d'abord par la pertinence du modèle européen que nous voulons défendre, mais aussi promouvoir, qui se construit dans le secteur des activités de réseaux autour de trois composantes principales : sortie du monopole historique, définition du service universel et mise en place, à titre transitoire, d'un régulateur national indépendant.

La fin du monopole des opérateurs historiques est un préalable nécessaire. Elle est bénéfique non seulement pour les entreprises mais aussi pour les consommateurs qui en étaient captifs.

M. Jacques Desallangre. Allez le leur dire !

M. Jean Dionis du Séjour. J'y viens !

D'abord, pour les entreprises, la double situation de monopole et d'entreprise publique a parfois conduit à de graves dysfonctionnements, comme l'a montré le rapport d'enquête réalisé en début de législature par Michel Diefenbacher, député du Lot-et-Garonne. Les conclusions de ce rapport sont sans ambiguïté et dénoncent les méfaits de la consanguinité entre l'État régulateur et l'État actionnaire dans les secteurs très concurrentiels. EDF, entreprise publique, a commis des erreurs stratégiques très lourdes d'investissement dans des pays étrangers que la tutelle de l'État n'a pas pu, n'a pas su, n'a pas voulu empêcher. Sans parler du Crédit lyonnais ou de France Télécom.

M. Jacques Desallangre. On était déjà dans la logique libérale !

M. Jean Dionis du Séjour. Sans doute !

À l'évidence, la généralisation du statut de société anonyme à toutes les entreprises publiques, à la place du statut, insatisfaisant, d'établissement public, est la condition de leur modernisation et de leur compétitivité. À terme, le véritable objectif d'une politique sociale de marché est d'opérer un recentrage de l'État sur ses missions régaliennes et de renforcer la concurrence et l'ouverture aux investisseurs privés dans les autres domaines, c'est-à-dire les transports, les télécommunications, l'énergie, où les obligations de service public peuvent faire l'objet d'une rémunération et d'une régulation des opérateurs privés. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. C'est ce qui se passe en Grande-Bretagne avec les transports !

M. Jean Dionis du Séjour. La fin du monopole a été bénéfique pour les consommateurs.

M. Jacques Desallangre. Dites-le leur, car ils n'en sont pas persuadés !

M. Jean Dionis du Séjour. Quels sont les Français qui aujourd'hui souhaiteraient revenir à la situation de monopole dans les télécommunications ?

M. Jacques Desallangre. Ils sont plus nombreux que vous ne le pensez !

Mme Janine Jambu. Oui, on peut en discuter !

M. Jean Dionis du Séjour. Mes chers collègues, que ceux d'entre vous qui ont un téléphone portable SFR ou Bouygues Télécom, c'est-à-dire d'un opérateur autre que l'opérateur national, les sortent de leurs poches !

M. le président. Mes chers collègues, ne le faites pas, c'est interdit ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Non seulement les évolutions tarifaires intervenues depuis quelques années sur certains marchés ont été favorables aux consommateurs - réduction de moitié du prix d'une communication téléphonique et de 41 % les tarifs aériens selon le rapport de la Commission européenne de janvier 2003 sur le marché intérieur - mais ceux-ci demandent plus de liberté, comme en témoigne leur réaction face à l'augmentation des abonnements téléphoniques de France Télécom.


Quant au service universel, il protège le consommateur et lui offre des garanties équivalentes à nos services publics. Il faudra bien d'ailleurs ouvrir un jour le débat sur les différences entre le service universel tel qu'il est défini dans les directives européennes et le service public. (« C'est précisément ce qu'on demande ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons eu ce débat lors de la loi sur le changement de statut d'EDF et de GDF et l'absence de transposition de la directive en ce qui concerne le service universel de l'électricité a suscité de vives inquiétudes chez les PME-PMI. « Le service universel est défini comme le droit d'être approvisionné, sur l'ensemble du territoire national, en électricité d'une qualité bien définie, et ce à des prix raisonnables, aisément et clairement comparables et transparents ». Qu'y trouvez-vous à redire ?

Mme Muguette Jacquaint. La formule est très belle ! Mais au-delà ?

M. Jean Dionis du Séjour. À l'UDF, nous pensons que les missions de service public ne doivent pas être exclusivement confiées à des entreprises publiques, mais qu'elles peuvent aussi être prises en charge par des entreprises privées du moment qu'elles souscrivent, dans des conditions totalement transparentes et encadrées, à un cahier des charges rigoureux en termes d'aménagement du territoire et de garantie de service public.

M. M. Jacques Desallangre. On voit le résultat !

M. Jean Dionis du Séjour. J'ajoute que les directives européennes qui ouvrent les marchés de réseau à la concurrence ne nous empêchent nullement d'établir des règles supérieures.

Mme Janine Jambu. C'est la concurrence libre et non forcée !

M. Jean Dionis du Séjour. C'est précisément ce que nous avons fait lors du débat sur La Poste, pour financer ses missions d'aménagement du territoire, en adoptant des amendements qui permettent de consolider cette mission essentielle de La Poste et de cibler les territoires les plus fragiles de notre pays : les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale.

Mme Muguette Jacquaint. On voit le résultat !

M. François Brottes. Avec 10 % d'exclus dans les territoires ruraux !

M. Jean Dionis du Séjour. De même, la libéralisation du transport ferroviaire, en particulier du ferroutage, est la seule garantie de son développement car, si le ferroutage doit être l'affaire de l'État, ce n'est pas seulement son affaire, à en juger par les résultats obtenus ! D'ailleurs, les écologistes allemands l'ont très bien compris.

Enfin, dernière composante du modèle européen : la création d'un régulateur national afin de garantir un accès équitable des prestataires aux différents réseaux. C'est sans doute le point sur lequel la France doit le plus avancer. Nous n'avons pas encore, dans tous les domaines, de régulateur suffisamment puissant capable de faire contrepoids à l'État lorsqu'il n'a pas encore coupé tous les liens consanguins avec l'opérateur historique. Nous avons beaucoup progressé dans le secteur des télécommunications, avec la nouvelle autorité de régulation, l'ARCEP. Mais il nous faut aller plus vite dans le domaine de l'énergie. Le groupe UDF fera des propositions concrètes concernant le renforcement des pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie dans le cadre de nos discussions sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Pour ce qui est du transport ferroviaire, il faut reconnaître que la France ne dispose pas non plus d'un véritable organe régulateur indépendant de la SNCF, laquelle gère encore très souvent l'attribution des différents créneaux horaires et sillons.

Ces autorités doivent être réellement indépendantes, y compris sur un plan financier. C'est encore loin d'être le cas et cette subordination les place d'une certaine manière sous la tutelle des ministères qui décident de leur budget de fonctionnement. Il nous faudra engager une véritable réflexion sur ce sujet, car il y va de la réussite de l'ouverture des marchés, donc de l'accès des consommateurs à la concurrence et à ses bénéfices.

Pour le groupe UDF, l'évaluation de l'ouverture à la concurrence des monopoles français n'est absolument pas un sujet tabou. Au contraire, nous plaidons depuis la campagne présidentielle de 2002 pour une réelle transparence sur ces sujets qui concernent la vie quotidienne de nos compatriotes.

Le choix d'une commission d'enquête nous semble en revanche disproportionné par rapport aux enjeux. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Autant elle se justifiait dans l'affaire d'Air Lib, offrant au président Ollier et à notre collègue de Courson la possibilité de révéler là encore les errances d'une certaine action publique, autant, dans les domaines traités ce matin, elle paraît inopportune. En revanche, le groupe UDF demande au président Ollier de constituer une mission d'information à laquelle il s'associera bien volontiers. Je suis sûr que notre information serait plus complète, notamment en ce qui concerne les conséquences tarifaires de l'ouverture des marchés.

Plus généralement, le groupe UDF, s'il ne partage pas la doctrine des communistes sur le marché et la concurrence, comprend le besoin qu'exprime cette proposition de résolution de disposer d'une information fiable sur les différents indices qui doivent refléter la vie quotidienne des Français. Nous allons d'ailleurs, dans les jours qui viennent, proposer une réflexion sur la qualité de la statistique publique.

Dans l'immédiat, parce que nous ne pouvons souscrire au contenu du rapport de notre collègue Paul et que nous préférerons une mission parlementaire, nous ne voterons pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Vous êtes pour la transparence opaque !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Permettez-moi de commencer mon intervention en vous disant, monsieur le ministre de l'industrie, combien nous apprécions votre présence.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je savais que je vous manquais !

M. François Brottes. Un débat qui tourne autour du service public et des entreprises publiques en l'absence d'un représentant de l'État aurait été inconvenant. En outre, le Gouvernement est représenté à un bon niveau. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Sur des questions qui touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens, peut-on se limiter à décrire l'ouverture des marchés qui est en cours, comme vient de le faire avec un certain goût de la provocation notre collègue Dionis du Séjour ? Ou bien se borner, à l'instar de M. Trassy-Paillogues en service commandé, à déclarer : « Circulez, il n'y à rien à voir. Tout est réglé. » ? Une telle attitude n'est pas sérieuse. Il ne s'agit plus de savoir si l'on est pour ou contre la concurrence - on peut la déplorer, mais elle est devenue réalité - mais il faut réfléchir à l'avenir des entreprises publiques, des délégations de service public, des emplois qu'elles créent. De même, qu'adviendra-t-il du prix unique - du raccordement à l'électricité, du timbre, du raccordement au téléphone fixe ? Ou encore des tarifs, publics ou non ? On constate qu'ils augmentent sans cesse ! Voilà de vraies questions. Or nous avons tous le devoir, au-delà de notre appartenance politique, de préparer ensemble la directive-cadre sur les services d'intérêt général que, semble-t-il, nous appelons tous de nos vœux.

Il se trouve qu'il n'y a jamais eu d'étude d'impact au niveau européen, en dehors de celles qui consistent à analyser les parts de marché que les nouveaux entrants ont pris aux monopoles historiques : pas d'étude d'impact pays par pays, pas d'étude d'impact de la topographie sur la formation des prix, pas d'étude sur les conséquences pour les Européens les plus démunis et les plus fragiles, ni sur la création, ou plutôt la perte d'emplois. Nous devons donc mener la réflexion en nous en donnant les moyens de la précision et de la lucidité.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste soutient la proposition de nos collègues communistes et républicains tendant à la création d'une commission d'enquête. Pour aller de l'avant, il faut regarder dans le rétroviseur, pour dresser le bilan, l'analyser et recenser les erreurs, souvent nombreuses, qui ont été commises. Pour travailler sérieusement, nous avons besoin d'une commission d'enquête.

Le contexte européen est très complexe. Tout le monde se dit attaché au service public, et il n'y a aucune raison de mettre en cause la sincérité de ces déclarations. Tous les pays n'ont pas la même surface économique et il est normal que certains d'entre eux aient profité de la conjoncture pour envoyer leurs opérateurs prendre des parts de marché chez les voisins pour leur permettre d'atteindre une dimension mondiale. À l'inverse, on peut comprendre que certains États membres aient été agacés de l'offensive menée à l'international par nos entreprises publiques ravies de l'ouverture des marchés étrangers, mais se battant pour défendre leur pré carré national. Vous le voyez, j'essaie d'être objectif car nous devons être lucides pour débattre avec nos partenaires européens et élaborer la directive-cadre.

Toutefois, contrairement à ce que disait notre collègue Dionis du Séjour, qui a d'ailleurs frôlé l'insulte,...

M. Jean Dionis du Séjour. Pas du tout !

M. François Brottes. ...nos entreprises publiques bénéficiaires d'un monopole ont aussi été des foyers d'innovation considérable en matière aéronautique, énergétique, de télécommunications à haut débit, de train à grande vitesse. À bien des égards, elles servent encore d'exemple. Il n'est pas acceptable de tenir des propos aussi légers à l'encontre des entreprises publiques françaises qui portent très haut le flambeau de l'innovation technologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Faut-il maintenir un monopole résiduel ou un secteur réservé ? La question se pose à droite comme à gauche dans tous les pays européens et elle mérite qu'on y réfléchisse. Trois tendances s'opposent : ceux qui ne veulent à aucun prix d'une réglementation en matière de service public, les Britanniques par exemple ; ceux qui refusent toute réglementation européenne au profit du principe de subsidiarité, tels les Allemands, les Espagnols, les Italiens ; et ceux, comme les Français ou les Belges, - mais nous ne sommes pas encore assez nombreux - qui souhaitent une directive-cadre sur les services économiques d'intérêt économique général pour donner une définition claire et pour sécuriser les principes intangibles de mise en œuvre des services publics. Pour nourrir la réflexion, pour apporter des éléments au débat européen, nous devons réfléchir ensemble dans le cadre de la commission d'enquête qui nous est proposée par nos collègues. Sinon, nous manquerons d'arguments solides.

M. Trassy-Paillogues, pour lequel j'ai beaucoup d'admiration, en principe, s'est voulu rassurant quand il nous a dit : « Les régulateurs régulent, le service universel est appliqué et, là où il existe, le marché améliore l'offre ». J'ai tout de même noté que des pans du territoire étaient exclus, s'agissant de La Poste en particulier. En effet, si 90 % des Français sont desservis, cela signifie que 10 % ne le sont pas. Et la loi devrait consacrer un tel constat ! Il n'y a pas de quoi en être fier et c'est pourquoi notre groupe n'a pas voté cette disposition.

M. le président. Le mot de la fin, monsieur Brottes.

M. François Brottes. En ce qui concerne les tarifs, M. Trassy-Paillogues nous promet qu'ils finiront par baisser. Toujours est-il que des problèmes se posent et que la majorité devrait voter la création de cette commission d'enquête. Elle n'a pas hésité à le faire sur les entreprises publiques. Cela étant, le rapport a fait l'impasse sur l'impact de la concurrence sur ces entreprises. Il n'a eu de cesse de les critiquer, mais il est resté muet sur le fait que l'ouverture à la concurrence les a considérablement déstabilisées, et très rapidement. Les conditions dans lesquelles a été menée l'ouverture du marché ont certainement joué un rôle néfaste.

En tout état de cause, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous ne voulez pas de cette commission d'enquête parce que vous avez peur de ce qu'elle risque de révéler. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Si vous aviez la conscience tranquille, vous l'accepteriez sans sourciller, et même avec sérénité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Comme tel est notre cas, nous sommes favorables à cette commission d'enquête.

M. Pierre Cohen. À droite, ils ne veulent pas ouvrir les yeux !

M. François Brottes. Nous devons travailler à la question, elle le mérite. Il est donc temps de se ressaisir en votant la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Ayant omis de demander la parole pour intervenir en début de séance, je voudrais souligner que nous reprenons ce matin un débat commencé le jeudi 17 mars, et qui a été interrompu au moment où je m'apprêtais à rappeler la lettre du règlement.

Non, monsieur Brottes, le débat d'aujourd'hui ne porte pas sur les services publics. Nous devons nous prononcer sur la création d'une commission d'enquête qui a pour but de s'intéresser aux problèmes des services publics. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En tant que président de la commission des affaires économiques, je me dois de défendre la procédure parlementaire et de faire en sorte que le règlement ne soit pas détourné. Le groupe communiste, dont je respecte évidemment les droits, comme ceux des autres groupes, a déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Le débat de la semaine dernière a été interrompu au prétexte que le Gouvernement était absent.

Mme Janine Jambu. Ce n'était pas un prétexte, c'était une question de principe !

M. Patrick Ollier, président de la commission. J'aimerais dire aujourd'hui ce que je n'ai pas pu dire la semaine dernière.

La raison invoquée pour interrompre nos travaux était l'absence du Gouvernement. Chers collègues, pour le respect de l'institution parlementaire, pour une bonne application de son règlement dans le cadre de la Constitution, je voudrais rappeler le contexte et la règle.

La semaine dernière, le Gouvernement tenait un conseil des ministres. Mais même si je me réjouis sincèrement de votre présence, monsieur le ministre de l'industrie, - nous soutenons votre action et j'éprouve un réel plaisir à vous rencontrer - le problème n'est pas là.


S'agissant de la création d'une commission d'enquête, j'estime que la tenue ou non d'un conseil des ministres ne change rien au règlement de notre assemblée, lequel ne fait pas obligation au Gouvernement d'être présent. Je ne souhaite pas voir créer un précédent,...

M. Yves Coussain. Tout à fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...conduisant les parlementaires à demander la présence du Gouvernement chaque fois qu'ils abordent des questions relevant de leur seule compétence.

Mme Janine Jambu. Ce n'est pas le point de vue qu'a défendu le Président Debré !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est le mien et je tiens à l'exprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Quel que soit le respect que j'ai pour notre gouvernement et pour les compétences éminentes de M. Devedjian, il nous appartient à nous, députés de la République, de la majorité comme de l'opposition, de décider si nous voulons ou non créer une commission d'enquête. Nous n'avons pour ce faire aucune autorisation à demander au Gouvernement.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mes chers collègues, nous n'avons même pas à lui demander son avis ! La liberté de l'Assemblée est à cette condition : il nous appartient - c'est un droit fondamental - de décider la création ou non d'une commission d'enquête visant à contrôler ledit Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Janine Jambu. Comme si cela n'intéressait pas le Gouvernement !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Madame Jambu, le Gouvernement peut naturellement être auditionné dans le cadre d'une commission d'enquête !

M. François Brottes. C'est pourquoi il faut la créer !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Elle n'est pas encore créée !

Monsieur le ministre, vous interviendrez sans doute...

M. Gilbert Biessy. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...mais je m'interroge sur le rôle que le Gouvernement peut avoir dans le cadre d'une initiative strictement parlementaire.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Son avis nous intéresse !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Telle est la réflexion que je souhaitais vous livrer en vue de la faire figurer au Journal officiel : j'assume toutes mes responsabilités et je revendique la liberté d'action du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Monsieur le président, je souhaite maintenant aborder le fond de la question. Notre rapporteur, en dépit de toutes les qualités qui sont les siennes, a oublié jeudi dernier - il n'a pas encore parlé aujourd'hui - de mentionner un point important : la commission des affaires économiques qui lui a confié le rapport a rejeté sa proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger et M. Jean Dionis du Séjour. Cachottier !

M. Daniel Paul, rapporteur. Je savais que vous alliez en informer la représentation nationale !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour que je puisse le faire, encore fallait-il que je puisse m'exprimer !

La commission des affaires économiques a justifié son rejet en recourant à trois arguments.

Le premier, c'est que l'outil parlementaire proposé par le rapporteur - une commission d'enquête - est incontestablement disproportionné par rapport à l'objectif.

Une commission d'enquête implique le contrôle sur pièces et sur place ainsi que des déclarations sous serment, une procédure applicable à des cas particuliers dont ne relève pas celui-ci, compte tenu du fait que les informations que vous souhaitez recueillir sont publiques et accessibles à chacun. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Nous estimons donc - vous avez le droit d'être d'un avis différent - qu'un tel instrument est disproportionné. Tel est le premier argument.

Mme Muguette Jacquaint. C'est cela la transparence !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le deuxième argument concerne les décisions qui ont été prises, notamment à Barcelone et à Nice, sous la majorité précédente, décisions sur lesquelles je ne reviendrai pas : ce sont elles qui ont permis les évolutions...

Mme Muguette Jacquaint. Regrettables !

M. Gérard Bapt. Raccourci inacceptable !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés.

Mme Janine Jambu. C'est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je souhaitais vous rafraîchir un peu la mémoire à ce sujet.

Le dernier argument c'est que le modèle monopolistique du service public, lorsqu'il a été créé, était adapté à la situation de l'époque.

Mme Muguette Jacquaint. Nous sommes d'accord pour faire évoluer les services publics : tout dépend dans quel sens !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ils doivent évoluer et s'adapter, en France comme en Europe, à l'environnement économique et social issu de la mondialisation.

Mais cette évolution ne doit pas se faire au détriment des services publics eux-mêmes. Nous sommes d'accord sur ce point !

M. François Brottes. Il ne suffit pas de le dire !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Elle doit préserver leur spécificité, qui nous est chère. Nous ne cesserons de le répéter : il n'est pas question d'agir contre les services publics, mais bien plutôt d'aider au développement d'entreprises qui ont pour devoir de respecter leur mission de service public. Cette mission, personne, que je sache, même au plan européen, ne cherche à la remettre en cause !

M. Jacques Desallangre. Comment pouvez-vous dire ça ? Et EDF ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il convient néanmoins de doter ces entreprises des structures leur permettant de conquérir les marchés européens. Ce sera tout bénéfice à la fois pour leurs salariés et pour l'économie de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Vous pensez peut-être à la directive Bolkestein !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Brottes, si vous souhaitez que je joue avec certains noms, je pourrai le faire sans brutalité et avec beaucoup de gentillesse.

La mise en œuvre des directives européennes dans les domaines touchant aux services publics s'accompagne déjà de la mise en place d'outils de suivi. Le Gouvernement est tenu de faire des rapports : nous ne pouvons pas ignorer non plus ce point très important.

Si je peux me permettre de conclure sur une note un peu facétieuse à l'égard de nos collègues communistes, je leur suggérerai que ce n'est pas en créant une commission d'enquête qu'ils obtiendront satisfaction, mais plutôt en votant oui au projet de traité constitutionnel (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.).

M. Gérard Bapt. Continuez comme ça !

Mme Muguette Jacquaint. Vous pouvez toujours essayer de nous convaincre !

M. Patrick Ollier, président de la commission. La protection des services publics suscite en effet aujourd'hui de légitimes inquiétudes. Mais au travers de la charte des droits fondamentaux, qui est adossée au traité constitutionnel,...

M. Jacques Desallangre. Rien ne garantit l'application de cette charte !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...l'Union reconnaît l'accès aux services d'intérêt économique général - c'est le nom que donne l'Europe aux services publics - tel qu'il est prévu dans le cadre des législations et pratiques nationales.

M. Gérard Bapt. C'est-à-dire dans le cadre d'une concurrence non faussée !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Enfin, l'article III-122 du traité tend à les conforter.

Pour toutes ces raisons, j'invite l'Assemblée à rejeter la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Daniel Paul, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président de la commission, si je n'ai pas annoncé la semaine dernière que cette proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête avait été repoussée par la commission des affaires économiques, c'est que je savais fort bien que vous seriez dans votre rôle en l'indiquant au cours de votre intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir et M. Philippe Auberger. C'est extraordinaire !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. À quoi sert le rapporteur dans ces conditions ?

M. Daniel Paul, rapporteur. Le groupe communiste a une haute idée du rôle de l'Assemblée nationale. Comme nous l'avons rappelé la semaine dernière, monsieur le ministre, la présence du Gouvernement nous paraît aller de soi, notamment lorsque l'Assemblée débat des services publics, du contrôle de leur fonctionnement et de leur avenir. Nous avons été choqués par l'absence du Gouvernement la semaine dernière. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Janine Jambu. Eh oui !

M. Daniel Paul, rapporteur. Aujourd'hui, il est là : c'est bien, parce que c'est naturel.

Le groupe communiste a également une haute idée de l'Assemblée nationale lorsqu'il estime, à l'encontre de ce que soutenait notre collègue M. Trassy-Paillogues, que le Parlement est tout à fait dans son rôle lorsque, parallèlement au Gouvernement qui est dans le sien, il entend contrôler la façon dont les choses se passent dans notre pays. Nous n'avons pas, en la matière, à demander son avis au Gouvernement, ni, si je puis dire, à être scotchés aux résultats des investigations qu'il entreprend ou aux rapports qu'il nous transmet. Nous avons à faire notre travail.

Ayant présidé la commission d'enquête sur l'Erika, je rappellerai que le fait que le bureau d'enquêtes sur les accidents du ministère des transports menait la sienne n'a pas interdit à l'Assemblée de créer parallèlement sa propre commission. Nous sommes tout à fait dans notre rôle lorsque nous demandons la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics.

C'est que nous avons également une haute idée des services publics de notre pays. Voilà soixante ans environ - voire plus dans le cas de la SNCF créée en 1937 - que des services publics, dont la compétence et l'excellence dans de nombreux domaines ne sont plus à démontrer, existent dans notre pays. Après François Brottes, je rappellerai à notre collègue Dionis du Séjour que personne n'a battu dans le monde les records de vitesse de la SNCF atteints par le TGV ou que personne n'a réussi à faire mieux, voire aussi bien, qu'Airbus, qui est aussi, à l'origine, l'expression et le fruit d'un travail conduit dans le cadre d'une entreprise publique...

M. Jean-Louis Léonard. Et européenne !

M. Daniel Paul, rapporteur. ...ou qu'EDF dans le domaine de la maîtrise de la filière nucléaire. Il conviendrait de reprendre l'intégralité des réussites dues au service public.

Or, ce sont de telles réussites qui, dans le cadre de la construction européenne, sont aujourd'hui menacées au travers de ce qui se passe dans notre pays.

Nous avons de même une haute idée des biens collectifs : l'énergie est l'un d'entre eux. Nous le répéterons ce soir, cette nuit et demain toute la journée : l'énergie, comme l'eau ou l'air, ne sont pas des biens comme les autres.

Il s'agit là de biens collectifs qu'il nous faut préserver et ce n'est pas en les mettant dans les mains du privé que nous le ferons !

Nous avons, enfin, et ceci vous surprendra peut-être, une haute idée du projet de construction européenne. !

M. Jean-Louis Léonard. Cela, en effet, nous avait échappé !

M. Jean Dionis du Séjour. Allons donc ! Vous vous y opposez sans relâche depuis cinquante ans !

M. Daniel Paul, rapporteur. Or, aujourd'hui, en donnant un contenu ultralibéral à ce projet, vous le disqualifiez aux yeux des peuples européens.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous n'avez pas voté une seule fois pour l'Europe depuis cinquante ans !

M. le président. Laissez M. le rapporteur s'exprimer.

M. Daniel Paul, rapporteur. Madame Jambu a employé une expression fort exacte : « Plus vite, plus loin, plus fort ».

M. Céleste Lett. Elle l'a empruntée !

M. Daniel Paul, rapporteur. Elle a peut-être paraphrasé la devise de Pierre de Coubertin sur les Jeux olympiques - la devise de Coubertin dit « plus haut » là où Mme Jambu a dit « plus loin ». Mais toujours est-il que « plus vite, plus loin, plus fort », c'est la devise que vous appliquez aux services publics ! Vous allez plus vite dans la mise à mal des entreprises publiques et dans leur privatisation : sept ans seulement auront séparé le premier coup porté à France Télécom...

M. le ministre délégué à l'industrie. Par un gouvernement socialiste.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous étiez en effet au Gouvernement !

M. Daniel Paul, rapporteur. ...et sa privatisation par la droite.

Le premier coup porté à EDF et à GDF l'a été durant l'été 2003 ; je ne suis pas certain que vous attendrez encore sept ans pour leur porter le coup fatal.

M. Jean-Louis Léonard. Qu'est-ce que tout cela a à voir avec notre débat de ce matin ?

M. Daniel Paul, rapporteur. Il est vrai, monsieur Trassy-Paillogues, que vous vous êtes dit attaché aux services au public.

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous avez bien dit que l'eau était un service public !

M. Daniel Paul, rapporteur. Vous aviez commencé par dire que vous étiez attaché aux services publics, avant de rectifier par « services au public ». Chacun comprendra l'importance d'une telle nuance !

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le rapporteur.

M. Daniel Paul, rapporteur. Cette précision est utile parce qu'elle permet de comprendre que la mise en concurrence des services publics a, pour objectif - c'est le vôtre -, de les éliminer !

La semaine dernière, j'ai décortiqué - ou essayé de décortiquer - les phases qui nous ont conduits à la situation actuelle. Dans un premier temps, on commence par dénigrer les services publics, à leur couper les vivres et à réduire leurs moyens, si bien qu'ils ne sont plus en mesure de répondre aux attentes des populations, des territoires, voire des entreprises. Puis, on mène campagne contre eux : tel a été l'objet du rapport à charge, valant condamnation, rendu au nom de la commission d'enquête parlementaire sur le fonctionnement des services publics créée à l'initiative de M. Ollier et présidée par M. Douste-Blazy.

M. Gérard Bapt. Tout à fait !

M. Jean-Louis Léonard. La vérité fait toujours peur !

M. Daniel Paul, rapporteur. Pour les libéraux, il convient de briser le lien culturel existant dans notre pays entre la population et les services publics.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les gaullistes ne raisonnent pas ainsi !

M. Daniel Paul, rapporteur. La deuxième étape, c'est la mise en concurrence.

M. Jean-Louis Léonard. Nous avons pris cinquante ans de retard en la matière !

M. Daniel Paul, rapporteur. La troisième étape, c'est l'ouverture du capital, laquelle n'est pourtant pas rendue obligatoire, même à l'heure actuelle, par la construction européenne.

La quatrième étape est celle dans laquelle est engagée France Télécom : la privatisation.

M. Jean Dionis du Séjour. Où est l'apocalypse ?

M. Daniel Paul, rapporteur. Nous souhaitons, avant d'aller plus loin, faire le point, en quelque sorte faire un arrêt sur image, pour reprendre une expression déjà employée ici. Nous refusons de nous contenter des rapports qui pourraient nous être envoyés par la Commission européenne, puisque c'est elle précisément qui est chargée d'organiser ces étapes sur le plan européen.


Nous ne pouvons pas demander à un procureur d'assurer la défense !

De même, quel que soit le gouvernement aux affaires - et a fortiori celui-ci, qui va plus loin que les directives qu'il est chargé de mettre en œuvre -, nous ne pouvons nous contenter de ses déclarations.

Nous en sommes donc réduits à demander la mise en place d'une commission d'enquête pour constater les ravages dans tous les domaines concernés. Qu'il s'agisse de la poste suédoise, dont on nous vante tant les mérites, de la poste allemande, dont on nous vante tant les mérites, des chemins de fer britanniques, dont on nous vante tant les mérites, ou encore de l'énergie au niveau européen, ne pensez-vous pas qu'il y a matière à faire cet arrêt sur image pour examiner comment les choses se passent. N'y a-t-il pas lieu de dire : « Halte là ! » ? Ce qui s'est passé avec la directive Bolkestein devrait vous faire réfléchir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Léonard. Arrêtez vos gesticulations ! Le problème est réglé !

M. Daniel Paul, rapporteur. Bien sûr que non !

M. le président. Je vous prie de ne pas relancer le débat, mes chers collègues. Tout le monde s'est exprimé et le rapporteur doit conclure.

M. Daniel Paul, rapporteur. Nous avons raison de demander la création d'une commission d'enquête afin de faire le point. Sans doute allez-vous, à l'instar de la commission, rejeter notre proposition,...

M. Jean-Louis Léonard. Oui, car il s'agit d'une manipulation !

Mme Janine Jambu. Nous rapporterons vos propos aux salariés, monsieur Léonard !

M. Daniel Paul, rapporteur. ..., mais nous nous retrouverons lors des prochaines échéances électorales. Les précédentes, rappelez-vous, vous ont été fatales. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, s'agissant de la procédure, le rapporteur et le président de la commission, et même l'opposition d'une manière générale, disent la même chose : « Nous souhaitons la présence du Gouvernement, mais son avis ne nous importe pas. » Je suis d'accord : le Parlement est souverain et organise ses travaux comme il l'entend. Vous venez même d'affirmer, monsieur le rapporteur, qu'aucun gouvernement ne pouvait donner un avis objectif sur une telle proposition de résolution.

Il ne faut donc pas faire une affaire de l'absence du Gouvernement jeudi dernier. Sa présence répond à un souhait de courtoisie auquel il accède bien volontiers. Jeudi dernier, le conseil des ministres se tenait à la même heure. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et je remercie l'opposition des compliments bienvenus qu'elle a exprimés. (Sourires.) Pour être formelle, ma présence ce matin n'en est pas moins agréable.

Les débats sur l'énergie et les services publics ont eu lieu à plusieurs reprises lors de l'examen de textes de fond. Nous discuterons encore ce soir, comme l'a indiqué M. Bataille, le projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui nous donnera une nouvelle occasion d'approfondir la question et de reparler des responsabilités des uns et des autres. Comme l'a justement rappelé M. Ollier, tous les chiffres sont publics, la commission a déjà travaillé sur la question et procédé à de nombreuses auditions. Je n'ai aucune observation à faire dans ce domaine où le Parlement est souverain, et m'en remets donc à la sagesse de votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur les conclusions de rejet
de la commission

M. le président. La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ayant conclu au rejet de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 2, du règlement, est appelée à voter sur ces conclusions de rejet.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si ces conclusions sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Gilbert Biessy. Si vous êtes pris ailleurs, monsieur le ministre, vous pouvez vous en aller ! (Rires.)

M. Jacques Brunhes. Vous avez raison, monsieur le président de la commission, de dire que le Gouvernement n'est pas obligé d'être présent lors d'une discussion portant sur la création d'une commission d'enquête. Il existe néanmoins des usages : depuis vingt-sept ans que je siège dans cette maison, je n'ai jamais vu un débat de ce type se dérouler sans la présence de courtoisie d'un membre du Gouvernement. Aussi comprendrez-vous, monsieur le ministre, que nous ayons pris ombrage, la semaine dernière, de l'absence d'un représentant du Gouvernement, tout simplement pour écouter.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le cas s'est présenté quatre fois !

M. Jacques Brunhes. Alors ce sont quatre accidents, dont je n'ai d'ailleurs pas eu connaissance.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il fallait choisir une autre date !

M. Jacques Brunhes. Par ailleurs, nous ne sommes à l'évidence pas tous d'accord sur la libéralisation des entreprises publiques.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce n'est pas une explication de vote. Vous refaites le débat !

M. Jacques Brunhes. Qu'y a-t-il de gênant à ce qu'une commission d'enquête parlementaire nous permette de mener des investigations sur ce sujet ? À cet égard, l'intervention du porte-parole du groupe de l'UMP a été pour le moins surprenante : il a dressé la liste de tous les paramètres et outils d'observations, dont aucun n'est de nature parlementaire. D'où mes interruptions répétées sur le rôle du Parlement. Se peut-il que nous autres parlementaires sous-estimions le travail de l'Assemblée ? Qu'est-ce qui nous empêche de former une commission d'enquête simple et libre ? C'est contraire au bon sens !

On nous annonce de nouvelles étapes, mais il serait opportun de considérer l'expérience passée. J'y consacrerai quelques mots. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'orateur du groupe UDF nous a accusés de refuser l'Europe.

M. Jean Dionis du Séjour. Oui ! Voilà cinquante ans que vous êtes contre !

M. Jacques Brunhes. Mon cher collègue, je peux vous produire le relevé de toutes les promesses que l'on a faites ici pour faire adopter le traité de Maastricht. La monnaie unique était censée créer 5 millions d'emplois et nous faire entrer dans un âge d'or.

Mme Janine Jambu. Très juste ! Cela devait être le paradis terrestre !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et les 35 heures, cela devait créer combien d'emplois ?

M. Jacques Brunhes. Or nous nous retrouvons avec 10 % de chômeurs et une monnaie dont la position par rapport au dollar est très particulière. L'Europe sociale flanche complètement. Cette Europe-là, nous n'en voulons pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l'industrie. Elle marche pourtant mieux que l'Europe de l'Est !

M. Jacques Brunhes. Et c'est bien cette Europe-là, celle qu'ils vivent depuis 1992, que les Français vont juger. On ne s'étonnera pas dès lors qu'un grand nombre d'entre eux s'orientent vers le non. Je trouve bien imprudents ceux qui font des promesses, et je le dis très tranquillement à M. Bataille. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Jamais je n'ai lu que la directive Bolkestein était annulée.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous n'avons jamais dit qu'elle l'était.

M. Jacques Brunhes. Elle est seulement repoussée pour être révisée après la consultation référendaire. Il n'est écrit nulle part qu'elle est supprimée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est qu'un argument de campagne en faveur du oui.

Aussi le Parlement serait-il dans son rôle en créant une commission d'enquête - car une mission d'information nous donnerait moins de pouvoirs. Il serait extrêmement regrettable qu'il s'exclue des responsabilités qui lui incombent en refusant de réaliser un constat et une investigation nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Cohen. Je recommanderai tout d'abord à Patrick Ollier et à Jean Dionis du Séjour de ne pas diaboliser les commissions d'enquête. Selon eux, la création de telles commissions ne se justifierait que pour des problèmes extrêmement graves, où le Parlement, à la limite, se substituerait au pouvoir judiciaire. C'est inexact. Nous devons nous en tenir à deux niveaux, celui de la mission d'information, créée lorsqu'il est nécessaire de débattre et de formuler des préconisations, et celui de la commission d'enquête, qui convient très bien au sujet proposé : à un moment donné, on doit pouvoir disposer d'une évaluation formelle et détaillée.

Depuis trois ans, monsieur le ministre, votre gouvernement s'acharne à remettre en cause l'ensemble du secteur public. Les privatisations et les ouvertures de capital se sont multipliées, et vous ne semblez pas vouloir vous arrêter. Mais arrive un moment où l'environnement européen nous renvoie directement au problème de l'évolution de la notion de service public. Telles sont les questions posées par la directive Bolkestein ou par la définition de l'intérêt économique général. Si les mouvements sociaux dénoncent l'amenuisement quotidien du pouvoir d'achat, ils traduisent aussi une angoisse face à la remise en cause de ces services publics auxquels les Français sont si attachés. On ne peut faire donc l'économie du débat sur cette question.

Christian Bataille et François Brottes ont eu raison d'insister sur la nécessité de faire le point, car vous avez énoncé des contrevérités à chaque fois que vous avez défendu vos projets de loi, monsieur le ministre. Vous avez toujours invoqué la volonté européenne, alors que nous avons démontré que c'est le Gouvernement qui souhaite les privatisations, la remise ne cause des services publics et l'affaiblissement de la puissance publique. Or il serait bon de mesurer les conséquences des privatisations sur l'organisation des services publics. Les élus de l'UMP semblent en effet frappés de schizophrénie lorsqu'ils reviennent dans leurs circonscriptions ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. N'importe quoi !

M. Pierre Cohen. Parlons de dualité, si le mot de schizophrénie vous fait mal. Sur le terrain, vous constatez que la logique que vous soutenez conduit à la fermeture de services de proximité, des perceptions, des bureaux de poste, et au Parlement vous votez les lois qui en sont la cause. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Voilà pourquoi une mise à plat est nécessaire. Vous devez mesurer exactement les conséquences de ce que vous avez voté et comprendre que le processus que vous enclenchez est irréversible et qu'il se fait au détriment de l'aménagement du territoire et, à terme, de la sécurité - on connaît les catastrophes qu'il a provoquées en Angleterre. De surcroît, la continuité du service public ne sera plus assurée, comme on a pu le constater dans le domaine de l'énergie aux États-Unis.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons pour la création de la commission d'enquête, et j'espère que l'UMP se ralliera à notre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe UDF.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaite tout d'abord indiquer à François Brottes que je n'ai nullement insulté le service public, et redis ici tout le respect du groupe UDF pour le service public et les entreprises publics. J'ai d'ailleurs commencé ma carrière à EDF et l'ai poursuivie à la Caisse des dépôts et consignations.

M. François Brottes. Dont acte.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour en venir au fond, le groupe UDF est favorable à un arrêt sur image en ce qui concerne l'ouverture à la concurrence des services publics, non par idéologie mais parce que cela est bon pour les consommateurs et pour les entreprises publiques.

Mme Muguette Jacquaint. Ah bon ?

M. Jean Dionis du Séjour. La question est d'importance et nous appelons de nos vœux un débat de fond sur la pertinence du modèle européen d'ouverture à la concurrence et sur sa mise en œuvre nationale.


Cela dit, nous n'avons aucune leçon d'Europe à recevoir du groupe communiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Il n'y a pas de leçon à donner : ce n'est pas la même Europe !

M. Jean Dionis du Séjour. Il ne peut s'arroger l'avantage de la cohérence, alors que pendant cinquante ans, à toutes les élections, il a appelé à voter contre les avancées de la construction européenne. Il est contre l'Europe : qu'il l'assume ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Caricature ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. C'est de cette Europe-là qu'on ne veut pas ! Et en effet, on dit « non » !

M. Jean Dionis du Séjour. L'UDF n'est pas favorable à une commission d'enquête. Le débat a été ouvert par notre collègue Cohen. Nous pensons que la procédure de la commission d'enquête doit rester exceptionnelle et qu'une mission d'information de la commission des affaires économiques serait parfaitement adaptée. Nous suggérons donc cette dernière idée à notre président.

En l'état, nous voterons donc contre la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Il aura au moins voté une fois « non » ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes. C'est le libéralisme à tout crin !

M. le président. Je mets aux voix les conclusions de rejet de la commission.

(Les conclusions de rejet de la commission sont adoptées.)

M. le président. L'Assemblée ayant adopté les conclusions de rejet de la commission, la proposition de résolution est rejetée.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 1287, relative à la création du registre international français :

Rapport, n° 2039, de M. Jean-Yves Besselat, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

Avis, n° 2035, de M. René Couanau, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1669, d'orientation sur l'énergie :

Rapport, n° 2160, de M. Serge Poignant, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures vingt.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot