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Troisième séance du mardi 3 mai 2005

209e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

RÉGULATION DES ACTIVITÉS POSTALES

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

                  « Paris, le 3 mai 2005

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

    2

LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Suite de la discussion
d'un projet de loi organique
adopté par le Sénat

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (nos 2216, 2246).

Exception d'irrecevabilité (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l'Assemblée a entendu la présentation, par M. Jean-Marie Le Guen, de l'exception d'irrecevabilité.

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, M. Le Guen a beaucoup parlé en fin d'après-midi. C'est un expert en dialectique, mais cela ne l'a pas empêché de dire quelques contrevérités et je n'ai pas très bien vu où il voulait en venir.

Il a mis à mal la réforme de l'assurance maladie d'août dernier en se livrant à son entreprise de démolition habituelle, qui n'a d'autre but que d'entretenir la sinistrose à l'égard de cette réforme dont les résultats sont pourtant encourageants. En effet, les comportements, tant des professionnels de santé que des citoyens, se modifient et le bon usage des soins se généralise.

M. Le Guen a aussi prétendu que le rapport d'Alain Coulomb n'avait pas été pris en compte. C'est faux, car l'ONDAM est décliné en sous-objectifs, comme le préconisait ce rapport.

M. Le Guen a posé beaucoup de questions sur l'hôpital, auxquelles vous avez répondu. Je n'y reviendrai donc pas.

Surtout, il a invoqué l'inconstitutionnalité de la méthode employée. La Constitution précise que l'accord du Sénat est bien sûr obligatoire pour une loi organique et que le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi. L'article 39 de la Constitution précise que les projets de loi de financement de la sécurité sociale doivent être soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale, mais c'est un projet de loi organique que nous examinons. Or, ni l'article 46 de la Constitution ni l'article 127 du règlement de l'Assemblée nationale relatifs aux projets de loi organique ne prévoit une priorité de l'Assemblée en la matière. La méthode employée n'est donc pas un motif d'inconstitutionnalité.

Par ailleurs, le texte a été examiné par trois commissions : lois, finances et affaires culturelles. Le débat démocratique a donc eu lieu.

De plus, le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a jugé très positive l'appréciation d'ensemble portée par la Cour sur ce projet de loi organique. L'avis émis par les différents conseils d'administration des caisses est également positif. Tout cela témoigne d'un consensus. Rien ne justifie donc l'exception d'irrecevabilité. M. Le Guen se trompe totalement.

Ce texte définit de nouvelles règles en matière d'architecture et de champ d'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il conforte la maîtrise médicalisée...

M. Gérard Bapt. Oh !

M. Jean-Pierre Door. Le groupe UMP ne votera donc pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Notre collègue Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, a donné les éléments qui militent en faveur du rejet du projet de loi organique et montrent son inconstitutionnalité.

Nous partageons pour l'essentiel les arguments développés. Nous aussi, nous considérons que ce texte n'est pas recevable pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, le projet n'opère aucune rupture avec le passé, pourtant cause de la situation de la sécurité sociale aujourd'hui. En effet, les ordonnances Juppé devaient venir résorber les déficits et consolider les fondements de notre système. Or l'histoire est cruelle car neuf ans ont passé et le « trou » de la sécurité sociale n'aura jamais été aussi préoccupant. Disons même que, depuis trois ans, les terrassiers ont mis du cœur à l'ouvrage.

En conséquence, les politiques de maîtrise comptable, de restriction des dépenses de santé, de sanctions à l'égard des malades comme des professionnels de santé n'ont en rien assaini la situation. Elles ont, au contraire, limité les remboursements des soins, rogné le champ d'intervention de la protection sociale, plafonné les prestations sociales et pensions, et asphyxié les budgets hospitaliers pour ne prendre que ces exemples.

Et pourquoi ce résultat lamentable d'une politique des pétards mouillés ? Parce que jamais la véritable question, l'enjeu fondamental n'ont été abordés. Je pense en particulier à la question du financement.

Mon amie Janine Jambu en parlera aussi dans quelques instants, vous pourrez faire autant de lois organiques que vous voulez, autant de plans de redressement que vous souhaitez, ils seront tous voués à l'échec si l'on ne débloque pas les ressources suffisantes à la satisfaction des besoins de protection sociale.

Naturellement, quand on parle de nouvelles ressources, on ne pense pas, pour ce qui nous concerne, à des artifices comme ceux que vous proposez pour financer les besoins des personnes âgées en perte d'autonomie avec la suppression du lundi de Pentecôte ! Véritable escroquerie, aussi injuste qu'inique, qui fait supporter la solidarité entre les générations aux seuls salariés, exonérant du même fait l'entreprise, lieu de création de richesses, et épargnant les grands groupes de toute contribution en faveur de la solidarité nationale sur les profits boursiers indécents qu'ils réalisent. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est curieux, dès que l'on parle des profits boursiers, vous vous mettez à hurler ! Mais vous connaissez nos propositions en la matière.

Les échecs d'aujourd'hui seront ceux de demain si vous n'opérez pas une véritable rupture avec les ordonnances Juppé et la limitation des dépenses. Malheureusement, vous vous inscrivez dans cette continuité aujourd'hui au risque de conforter un peu plus le fossé qui est en train de se creuser entre ceux qui ont les moyens de se soigner et ceux qui ne les ont pas ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tout au long des débats, nous reviendrons sur ces enjeux pour garantir aux assurés sociaux la pérennité de leur bien commun aujourd'hui menacé par l'inertie de ce gouvernement et son incapacité à prendre les mesures qui s'imposent. Des mesures qui touchent non seulement aux recettes, je l'ai dit, mais aussi à la démocratie sociale en donnant plus de pouvoirs aux représentants des assurés sociaux et en définissant collectivement les priorités sanitaires et sociales pour déterminer ensuite les budgets qui y seront consacrés. En définitive, des mesures qui assurent un haut niveau de protection sociale.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore que je n'ai pas le temps de développer maintenant, nous voterons pour l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme la présidente. Pour le groupe Union pour la démocratie française, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Les arguments de Jean-Marie Le Guen ne nous ont pas convaincus. Au nom des députés UDF, je ne voterai donc pas cette exception d'irrecevabilité.

Comme à son habitude, M. Le Guen a profité de son temps de parole pour critiquer le projet et la situation actuelle de l'assurance maladie.

Pour l'UDF, le vote d'une loi organique est nécessaire. En effet, si la réforme de 1996 a constitué une avancée importante permettant un débat annuel au Parlement sur les dépenses sociales du pays, des limites sont bien vite apparues et le Gouvernement s'est engagé à présenter un projet de loi organique pour tenter d'y remédier.

Ce texte permettra des progrès, en particulier le principe du vote d'un solde pour les régimes de base, la certification des comptes par la Cour des comptes et l'intégration des fonds sociaux dans les lois de financement. Néanmoins, plusieurs anomalies subsistent et nous avons déposé des amendements en espérant qu'ils seront débattus et qu'ils ne tomberont pas sous la guillotine de l'article 40 de la Constitution, comme c'est assez habituel, hélas, dans notre enceinte !

Nous souhaitons renforcer le rôle des partenaires sociaux en donnant une réelle autonomie à la caisse d'assurance vieillesse et créer une caisse spécifique accidents du travail et maladies professionnelles, gérée paritairement, ce qui serait un progrès et nous a été promis. Nous avons déposé plusieurs fois un amendement dans ce sens à l'occasion de la discussion des projets de loi de financement et l'on nous a répondu qu'il fallait attendre le projet de loi organique. Nous y voilà ! Donc, si vous voulez vraiment créer une caisse spécifique accidents du travail et maladies professionnelles, monsieur le secrétaire d'État, profitez-en !

Nous souhaitons aussi que l'État compense intégralement les exonérations de cotisations qu'il décide, sinon les branches famille, santé et retraite seront privées de recettes attendues et les déficits risquent de se creuser, ce qui n'est bien entendu pas votre souhait.

Nous demandons la médicalisation de l'ONDAM et, surtout, nous dénonçons le principe de la non-fongibilité entre la ville et l'hôpital, car c'est le grand reproche de tous ceux qui s'intéressent à ces problèmes depuis fort longtemps.

En inscrivant cette non-fongibilité dans la loi organique, le Gouvernement va la figer, ce qui est regrettable, alors que j'ai déposé des amendements tendant à instituer le vote d'enveloppes régionales, qui permettraient aux missions régionales de santé et aux agences régionales de santé de disposer d'une seule enveloppe régionale fongible.

La démarche tendant à introduire la pluriannualité constituera un progrès indéniable, sous réserve qu'elle dépasse le stade du simple affichage. On verra si les perspectives données pour les trois ou quatre années à venir seront respectées. Mais, quand on voit le sort réservé aux lois de programmation, notamment militaires, on peut émettre quelques doutes à ce sujet.

Nous souhaitons en revanche que l'on puisse voter une loi rectificative dès que le comité d'alerte aura tiré la sonnette d'alarme. L'amendement de la commission, demandant le vote en quatre parties, est très intéressant, mais le vote d'une loi rectificative à Noël ne permettra pas de modifier grand-chose. Convenez-en, monsieur le secrétaire d'État !

On constatera peut-être certains écarts par rapport aux prévisions, mais j'ai peur que ce ne soit un peu tard pour une vraie loi rectificative.

Pour toutes ces raisons, l'UDF ne votera pas l'exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle déception ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Nous n'avons pas été convaincus par les arguments de Jean-Marie Le Guen, malgré tout le talent dont il a fait preuve.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est déjà mieux ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Et nous souhaitons pouvoir améliorer, grâce à nos amendements, cette loi organique qui nous paraît indispensable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Enfin la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Bapt. J'avoue que je suis effondré par l'intervention de M. Préel. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Guy Geoffroy. Remettez-vous, mon cher ami ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt. M. Préel vient de dire que M. Le Guen avait « profité » de son temps de parole. Celui-ci ne lui est-il pas accordé par le règlement de l'Assemblée et ne relève-t-il pas du contrôle parlementaire et des droits de l'opposition ? M. Le Guen peut donc l'utiliser, mais en aucun cas en « profiter ».

M. Guy Geoffroy. Au fait !

Mme la présidente. Venons-en à votre explication de vote, monsieur Bapt.

M. Gérard Bapt. C'en est une, madame la présidente, puisque ma remarque porte sur l'intervention de M. Le Guen, que M. Préel vient de critiquer. Celui-ci était moins délicat sur la question du temps de parole, lorsque, passé une heure du matin, il présentait des amendements sur les annexes de la loi de finances de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est exact !

M. Gérard Bapt. N'ayant pas été convaincu par l'argumentation de M. Le Guen, je pensais du moins qu'il le serait par la sienne propre. Il vient en effet de prononcer un réquisitoire impitoyable contre le projet de loi organique, en regrettant l'absence de branche à AT-MP, de fongibilité des enveloppes entre la ville et l'hôpital, d'enveloppe régionale et de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. De telles critiques ne devraient-elles pas conduire à l'irrecevabilité, puisqu'elles touchent aux fondamentaux du projet de loi ?

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vous qui le dites !

M. Guy Geoffroy. Pour quelqu'un d'effondré, M. Bapt est bien virulent !

M. Gérard Bapt. En défendant l'exception d'irrecevabilité, M. Le Guen a fait preuve d'un brio et d'un sens magistral de la critique qui n'ont d'égal que sa concision. (« N'exagérons rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le premier argument en faveur de l'irrecevabilité est que le Sénat a examiné le projet de loi avant l'Assemblée nationale, alors même que, en matière de loi organique, c'est elle qui a le dernier mot.

M. Jean-Marie Le Guen. On nous prive de nos prérogatives !

M. Gérard Bapt. Tout à fait ! L'argumentation de M. Door ne nous a pas non plus convaincus. Elle distingue la loi de financement de la sécurité sociale de la loi organique de financement de la sécurité sociale, comme si elles ne visaient pas in fine au même but.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr !

M. Gérard Bapt. De plus, la discussion en commission a été éclatée entre trois commissions. Quel désordre ne s'est pas introduit à cette occasion entre les amendements issus de la majorité, parfois totalement contradictoires, qui ont été rejetés par une commission et acceptés par une autre !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est impensable !

M. Gérard Bapt. Dans un souci d'harmonie des formes, je relève une autre incompatibilité entre une loi organique véritable telle qu'elle a pu être votée par notre assemblée à l'initiative parlementaire et ce texte d'initiative gouvernementale dont nous n'avons pas pu discuter, même en commission spéciale.

Le projet de loi organique présente en outre un déficit extraordinaire en matière de prévision économique et financière puisque les objectifs de la réforme de l'assurance maladie, pourtant si récente, sont d'ores et déjà démentis. Je fais mien l'excellent argument de M. Préel, selon lequel, si les lois de financement de la sécurité sociale rectificatives sont permises in jure, elles ne seront pas possibles de facto.

Le texte ne prévoit aucune maîtrise médicalisée, sauf dans des annexes sur lesquelles nous n'avons pas même pu obtenir un débat systématique ni un vote.

Enfin, quelle crédibilité possède une loi organique qui prétend à une maîtrise dont on ne sait pas encore si elle est médicalisée ou comptable, face à des déficits massifs ?

Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, que la marque de fabrique des socialistes était de produire des excédents transitoires.

M. Guy Geoffroy. C'est vrai !

M. Gérard Bapt. Celle de votre Gouvernement est de fabriquer des déficits permanents ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà pourquoi tant de sujets ne sont pas traités dans la loi.

De même, M. Le Guen a eu raison de dénoncer le caractère irrecevable de la journée de solidarité. À Rodez - il est dommage que M. Censi ne soit pas là -, j'apprends que l'éducation nationale a convoqué les étudiants pour les épreuves facultatives du baccalauréat le lundi de Pentecôte !

Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Et alors ? Pourquoi pas ?

M. Gérard Bapt. Le procédé est irrecevable. Nous sommes pour une maîtrise médicalisée, alors que le Gouvernement ne vise qu'à une maîtrise comptable, et nous sommes pour une maîtrise démocratique, alors qu'il renvoie la maîtrise comptable au proconsul pour exclure le Parlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Voilà pourquoi nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous sommes saisis aujourd'hui par le Gouvernement d'un projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Toutefois, son texte n'est pas à la hauteur de la conquête sociale que représentait l'institution dont nous allons fêter le soixantième anniversaire.

En effet, on ne saurait se féliciter du projet de loi qui nous revient du Sénat, texte d'une obscure complexité, méprisant les principes démocratiques les plus élémentaires, lesquels sont pourtant au cœur de notre système social.

Ce débat nous invite à revenir sur l'origine des lois de financement et sur les tristes ordonnances Juppé pour juger de l'opportunité d'examiner le texte en discussion et apprécier son efficacité.

Mais la réponse nous est déjà connue car, depuis neuf ans, la situation de la sécurité sociale ne s'est jamais améliorée. Dès lors pourquoi, poursuivre dans la même voie ?

Il faut rappeler les termes des discussions de l'époque et la réalité qui a suivi pour mieux comprendre l'inefficacité des lois de financement de la sécurité sociale.

Souvenons-nous que les finances de la sécurité sociale suscitaient déjà des inquiétudes et que des mesures s'imposaient.

Le gouvernement du moment et son ministre du travail et des affaires sociales - Jacques Barrot - ont donc impulsé une politique de protection sociale et de santé fondée sur deux piliers : la maîtrise médicalisée et la fixation d'objectifs de dépenses.

Pour ce faire, ils voulaient s'appuyer sur trois axes : « transparence, responsabilité, démocratie », selon les termes qu'avait employés M. Barrot lors de son intervention à cette même tribune, le 24 avril 1996.

Or, ces trois axes n'ont pas préservé le système, bien au contraire.

En matière de transparence, les critiques sont nombreuses. Je ne prendrai que deux exemples : la structure de la répartition de l'ONDAM, que l'on peine toujours à connaître, et la sincérité du budget, maintes fois remis en cause par la Cour des comptes et critiqué en permanence pour la faiblesse de ses prévisions.

Concernant le deuxième axe, la responsabilité, l'histoire a montré sur qui elle reposait principalement : les assurés sociaux.

N'avons-nous pas entendu tout au long de la réforme de l'assurance maladie des termes comme « fraude », « surconsommation de soins » ou « nomadisme médical » ? Le Gouvernement est allé jusqu'à prendre deux mesures symboliques : l'insertion d'une photo d'identité sur la carte Vitale...

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Excellente initiative !

Mme Janine Jambu. ...et l'envoi régulier d'un relevé des dépenses de santé propres à chaque assuré social pour mieux lui faire porter la culpabilité de la situation.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il s'agit seulement de l'informer !

Mme Janine Jambu. En revanche, on n'a jamais évoqué la responsabilité des gouvernements qui ont multiplié les mesures grevant les comptes de la protection sociale par des exonérations de cotisations sociales, ni la responsabilité de ceux qui ont préféré augmenter les cotisations à la charge des ménages plutôt que d'actionner les recettes sur la valeur du travail.

Quant au dernier axe, comment parler de démocratie à propos d'une étatisation de l'assurance maladie qui a spolié les salariés de leur droit de vote ?

Les textes de 1996 ont organisé une réforme structurelle des caisses en accordant un rôle majeur aux gouvernements en matière de nomination des directeurs et en instaurant des taux de remboursement négociés et pilotés par les gouvernements. Autant de mesures qui ont oublié tout simplement que la sécurité sociale est le bien commun des assurés. Ce sont eux qui la financent, par les cotisations sociales. C'est donc à eux que doit revenir la gestion de la part des richesses qu'ils créent et qu'ils réservent à la sécurité sociale. Or les ordonnances de 1996, qui donnent un rôle pivot aux gouvernements, ont introduit un nouveau paritarisme donnant une place prépondérante au patronat.

Nous regrettons que, depuis, il n'y ait jamais eu de rupture avec ce schéma.

Toute cette politique, nous savons aujourd'hui où elle nous a menés. On a fixé des objectifs et, dans le même temps, multiplié les sanctions à l'égard de ceux qui ne s'y conformaient pas. Mais, en réalité, les dépenses de santé ont eu un caractère limitatif.

Alors que ces ordonnances, à en croire ceux qui les portaient, devaient donner une véritable orientation au financement de la sécurité sociale et préserver sa spécificité, il n'en aura rien été.

Alors qu'elles devaient assurer l'avenir de la protection sociale à la française, celle-ci est aujourd'hui de plus en plus menacée par la logique européenne consacrée dans le traité constitutionnel qui impose aux États membres de limiter leurs dépenses publiques et qui, en instituant la concurrence libre et non faussée, met un terme à la notion de service public dans des secteurs d'activités aussi essentiels que la santé.

Pour y faire barrage, il faudra voter non au référendum du 29 mai afin de préserver notre système de santé.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien à voir ! C'est un autre débat !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. N'agitez pas les peurs ! Vous savez que ce que vous dites est faux !

Mme Janine Jambu. La protection sociale à la française est aussi menacée par les appétits toujours plus féroces des tenants d'une libéralisation à tous crins qui veulent faire triompher la couverture individuelle via la privatisation, et ce pour l'ensemble du système : maladie, famille, retraite ou handicap.

En conséquence, nous sommes convaincus que les échecs d'hier seront encore ceux de demain si nous n'opérons pas une véritable rupture avec ce qui se fait depuis vingt ans.

Il est clair que le déficit du système est d'abord lié en priorité à une insuffisance de recettes plutôt qu'au seul problème des dépenses.

Le dépassement systématique et croissant de l'ONDAM depuis 1998 met en évidence une défaillance des instruments et des procédures de régulation - que vous toilettez par ce texte, monsieur le secrétaire d'État -, ainsi que des actions structurelles sur les comportements des professionnels ou des patients et sur l'organisation des soins.

Entendons par là que le déficit est l'échec des réformes fondées sur la maîtrise comptable des dépenses. Souvenons-nous du Livre blanc sur les systèmes de santé et l'assurance maladie, présenté en 1994 par Raymond Soubie, qui a constitué la trame de tous les plans de réforme des systèmes de santé des années quatre-vingt-dix.

Ce rapport a accrédité l'idée que notre système de protection sociale devait être maintenu certes, mais à la condition d'être réduit, dans l'optique d'une réduction des prélèvements obligatoires, en particulier des prélèvements sociaux « pesant » sur les entreprises.

Comme nous venons de le voir, le plan Juppé a repris ce raisonnement en procédant à l'accroissement massif des prélèvements sur les salaires et sur les revenus de transferts des retraités et des chômeurs. Il a organisé la réduction drastique des prestations à partir d'une nouvelle organisation du système de santé et a institutionnalisé une nouvelle montée de la fiscalisation reportée sur les ménages avec la CSG et la CRDS afin de réduire les cotisations patronales censées peser sur l'emploi. Les parlementaires communistes se sont toujours opposés à cette fiscalisation et nous rejetons sans réserve la CSG et la CRDS comme mode de financement de la sécurité sociale. Ce financement fait provenir la quasi-totalité des ressources de la protection sociale des revenus du travail, ce qui est particulièrement injuste et contraire à l'esprit de 1945.

Les plans de réforme du système de santé depuis 1994 ont donc revêtu deux formes essentielles : des mesures d'économies au sens strict et des réformes mettant en œuvre la maîtrise comptable des dépenses de santé, pour tenter de limiter la demande comme l'offre de soins.

Toutefois, ces plans, malgré leur radicalité, n'ont pas réussi à dégager une véritable régulation efficace du système. Ils ont d'abord organisé un rationnement aveugle qui réduit à court terme les dépenses et produit finalement leur reprise à moyen terme. En effet, après quelques années de répit, dues à la relance de l'activité économique  entre 1997 et 2001, la protection sociale se retrouve de nouveau, et singulièrement depuis 2002, dans une situation financière préoccupante puisque le déficit s'est généralisé. Je vous rappelle que le régime général connaissait un déficit de 3,4 milliards d'euros en 2002 ; il est passé à 14 milliards d'euros. Pour ce qui concerne la branche maladie, la nouvelle majorité s'est installée avec un déficit se montant à 6,1 milliards d'euros ; il a depuis atteint 13,2 milliards d'euros ! En d'autres termes, depuis 2002, le déficit du régime général a quadruplé et celui de la branche maladie a doublé ; et ce, malgré les plans successifs de sauvetage ! Mais ceux-ci s'inscrivant tous dans la même logique, aucun miracle ne pouvait être espéré.

Face à cette situation pour le moins critique en termes de recettes, vous persistez à invoquer la nécessité de réaliser des économies sur les dépenses, au détriment des assurés sociaux : 800 millions d'euros sur les affections de longue durée ; 300 millions d'euros sur les arrêts de travail et les indemnités journalières ; 700 millions d'euros sur les remboursements de médicaments ; 1,5 milliard d'euros sur le remboursement des consultations médicales ; 850 millions d'euros sur l'hôpital, notamment. Pourtant, la politique de rationnement des soins, de déremboursement, d'augmentation des prélèvements sur les ménages n'a pas endigué le déficit. Pourquoi ? Car jamais la question fondamentale n'a été abordée sérieusement : celle de la réforme du financement. Mais j'y reviendrai car rien de tout cela n'apparaît dans votre projet.

Vous le voyez, les débats de 1996 comme l'histoire récente sont éclairants et permettent de nous interroger sur l'opportunité de l'examen de ce projet de loi. C'est ce qu'ont observé les membres de la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie, l'été dernier, en reconnaissant l'inefficacité des plans de redressement successifs et des outils de maîtrise. Toutes ces critiques demeurent à la lecture de votre projet de loi, en particulier celles qui portent sur votre réflexion axée uniquement sur des aspects comptables au détriment d'une réelle politique publique de santé et d'une démocratie sociale rénovée.

Sur l'aspect économique, vous tombez dans les mêmes travers que vos prédécesseurs. Dans ce projet de loi organique, les prévisions se fonderont sur les cycles économiques. Non seulement cela en dit long sur votre conception de la protection sociale et de son lien avec les besoins recensés, mais vous reproduisez ainsi des schémas qui nous faisaient constater, chaque année, que les prévisions étaient irréalistes. Je donnerai deux exemples.

Tout d'abord, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, la prévision de croissance du PIB était mensongèrement estimée à 2,5 %, alors que les économistes l'établissaient à 1,3 %. On sait désormais que la croissance a finalement été quasi nulle !

Ensuite, lors de l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, la prévision d'un ONDAM de 3,2 % n'a été étayée par aucun élément précis relatif aux effets de la loi du 13 août 2004. À chaque fois, ces prévisions se sont trouvées erronées, enfonçant encore un peu plus notre sécurité sociale dans le rouge. Cela ne fait que démontrer l'impossibilité de « décréter » un taux directeur des dépenses de santé.

Il faut se rendre à l'évidence : vous ne pouvez pas résumer la politique de protection sociale à un enjeu comptable et financier qui se traduise par l'augmentation des mises à contribution systématiques des assurés sociaux et par la réduction, dans le même temps, du niveau de leur remboursement.

Cette politique gestionnaire se concrétise tout particulièrement dans le système de la procédure d'alerte, qui se déclenche si les dépenses risquent d'être supérieures de plus de 0,75 % au seuil fixé par l'ONDAM. Cette volonté absurde de restreindre à tout prix la dépense publique vient d'ailleurs d'éclater au grand jour. Ainsi, la communauté hospitalière - la Fédération hospitalière de France, la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés, la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, les conférences de directeurs et de présidents de commission médicale d'établissement de centres hospitaliers et de centres hospitaliers universitaires - s'est servie, pour la première fois, de cette procédure d'alerte sur les dépenses d'assurance maladie. Il ne s'agissait pas de faire rentrer l'ONDAM dans le droit chemin, mais d'alerter l'opinion publique sur l'impossibilité dramatique de continuer à fonctionner normalement avec un budget aussi étriqué. Les organismes hospitaliers expliquent, en effet, que l'enveloppe dévolue pour 2005 aux hôpitaux, en progression de 3,6 % par rapport à celle de 2004, met les établissements dans une situation intenable, la progression de leurs besoins ayant été évaluée au minimum à 5 %. Vous devez par conséquent reconnaître que cette méthode consistant à prévoir des objectifs sans les connecter au recensement des besoins ne fonctionne pas.

D'autres critiques peuvent être formulées sur le texte.

Tout d'abord, nous regrettons que l'élargissement du champ d'application de la loi de financement de la sécurité sociale demeure inabouti. En effet, il est incohérent que la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, ne figure pas explicitement dans le périmètre des futures lois de financement de la sécurité sociale, alors même que l'endettement figure en bonne place parmi les sources de financement des régimes obligatoires et qu'un prélèvement social spécifique est affecté à cet organisme.

S'agissant de la question de l'élargissement des prérogatives du Parlement, il est à souhaiter que le Gouvernement ne s'approprie pas le monopole de la définition des sous-objectifs de l'ONDAM, qui doivent être clairement inscrits dans la loi pour faciliter leur suivi pluriannuel, améliorer la transparence de leur gestion et, ainsi, le dialogue avec les partenaires sociaux. Cette responsabilité ne peut pas dépendre du seul « roitelet » qu'est le directeur de l'UNCAM, que le Gouvernement suivra aveuglément. Les prérogatives élargies, et même très élargies à notre goût, du nouveau directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie l'autorisent à procéder à des ajustements comptables en cours d'exercice, sous forme de déremboursements de soins. Ce n'est pas indiqué en toutes lettres, mais c'est bien ce que cela signifie, reconnaissez-le ! Il ne fait alors aucun doute qu'il utilisera les moyens à sa disposition en cas d'alerte, au détriment, bien sûr, des assurés sociaux. Cela suffirait à montrer, si besoin était, que votre texte se fonde exclusivement sur une logique politique que nous ne saurions cautionner. Nous ne pouvons pas accepter que, seul, un homme aux « super-pouvoirs » décide du niveau de protection sociale. Si vous renvoyez les principes établissant le financement de la sécurité sociale à un texte de niveau organique, il faut pour le moins y associer le Parlement et lui donner les moyens d'agir.

Vous semblez soucieux du respect des droits du Parlement en la matière. Nous espérons en conséquence que le Gouvernement saura convaincre sa majorité de repousser les deux amendements inacceptables de la commission des lois et de la commission des finances, lesquels renvoient à une ordonnance toute mesure rectificative rendue nécessaire par la dégradation des comptes. Ce serait une véritable spoliation des droits des parlementaires. Mais après avoir évincé les partenaires sociaux des choix de protection sociale, peut-être souhaitez-vous maintenant éviter la représentation nationale ?

Ce ne sont pas les seules critiques que nous pouvons formuler sur ce texte. Nous déplorons que le nouveau cadre de la loi de financement de la sécurité sociale concerne si peu les orientations de la politique de santé.

En réalité, nous sommes loin du but : garantir un haut niveau de protection sociale. Car à vouloir privilégier une logique d'étatisation mêlée de privatisation, vous poursuivrez l'affaiblissement de notre système. C'est une autre voie que la vôtre qu'il faut explorer....

Monsieur le secrétaire d'État, je serais vraiment très satisfaite si vous m'écoutiez un peu.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. J'entends et j'écoute, madame !

Mme Janine Jambu. En ce cas, vous êtes très fort.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. J'essaye ! (Sourires.)

M. Jean Bardet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est pour ça qu'on l'a choisi !

Mme Janine Jambu. Oui, mais il faudrait aussi qu'il apprenne à bien se comporter.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je vous écoute d'une oreille : la gauche !

Mme la présidente. Poursuivez la défense de la question préalable, madame Jambu.

Mme Janine Jambu. En premier lieu, il conviendrait que les dispositifs de gouvernance soient rééquilibrés au profit des conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale, en particulier en renforçant leurs prérogatives et en asseyant leur légitimité par le retour à l'élection de leurs représentants, c'est-à-dire les représentants des assurés sociaux. Car du point de vue institutionnel, ce projet de loi entérine une sophistication approfondie du contrôle technocratique, lequel est accentué par les dernières réformes telles que le renforcement du rôle des directeurs d'agences régionales d'hospitalisation, la création de la Haute autorité de santé. In fine, ce texte entérine la négation des droits de la représentation nationale, celle-ci n'étant habilitée qu'à observer la montée en puissance de la technocratie sociale.

Comment ne pas regretter, encore et toujours, que la démocratie sociale soit aujourd'hui autant en panne qu'il y a vingt ans ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ah non ! On ne peut pas dire ça !

Mme Janine Jambu. Et si ! Les assurés sociaux eux-mêmes, premiers concernés par le devenir de notre système de sécurité sociale, sont privés de toute possibilité de s'exprimer du fait qu'aucune élection aux conseils d'administration des caisses n'a été organisée, monsieur le secrétaire d'État, depuis vingt ans ! Et cela au prétexte qu'un tel scrutin serait irréalisable.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Les usagers ont toute leur place !

Mme Janine Jambu. On organise pourtant sans difficulté des élections à la Mutualité sociale agricole, les dernières datant de janvier 2005. Ce qui est réalisable pour certains serait donc irréalisable pour d'autres ?

La démocratie sociale nécessite, à nos yeux, une co-élaboration des projets de financement de la sécurité sociale par les conseils d'administration des caisses nationales.

Le deuxième axe que vous auriez dû retenir pour votre réforme aurait dû être de donner un contenu sanitaire et social aux objectifs que doit s'assigner la loi de financement. C'est ce qui a fait la grandeur de notre système avant qu'il ne soit perverti par les aspects comptables.

Cette évolution a dégradé le lien entre la population et le système de protection sociale, et noyé les fondements humanistes et solidaires de ce dernier dans une logique comptable, fortement individualiste et source de nouvelles inégalités dans l'exercice du droit constitutionnel à la santé, à la protection de l'enfance, de la famille et des personnes âgées.

Sans cette exigence, comment donner plus de « cohérence, de crédibilité et de sens » aux lois de financement de la sécurité sociale sans chercher à mieux les articuler avec les besoins sociaux, les objectifs sanitaires, les orientations retenues en matière de politique familiale, de retraite ou d'amélioration de la prévention et de la réparation des accidents du travail ? Ce serait, à n'en pas douter, un gage de rupture avec la vision strictement comptable des dépenses de santé.

Nous proposons donc une démarche plus cohérente, consistant, d'abord, à examiner, déterminer, « prioriser » les dépenses et les besoins et, ensuite, à trouver les financements permettant d'y pourvoir, de façon à actionner tous les leviers de ressources possibles pour la sécurité sociale. Nous proposons même d'explorer de nouvelles pistes afin que la dépense ne soit pas contrainte par avance.

Ce projet de loi organique ne fait d'ailleurs aucune référence à un quelconque débat sur les orientations de la politique sociale et sanitaire du Gouvernement. Comment construire et garantir une protection sociale efficace si aucun débat démocratique n'a lieu sur les besoins à satisfaire et le niveau de ressources à mobiliser pour y parvenir ? L'objet du bien commun qu'est la sécurité sociale n'est-il pas la couverture des risques sociaux et le versement de prestations découlant de droits reconnus ? Les objectifs de dépenses devraient être fixés en regard des besoins sociaux à satisfaire, préalablement recensés, évalués et validés, et non pas en fonction de recettes arrêtées d'avance.

Si le contenu des lois de financement de la sécurité sociale mérite d'être amélioré, les conditions de leur élaboration auraient également dû l'être. Mais cela aurait supposé d'aborder la question essentielle de la réforme du financement. Or, de cela, vous ne voulez pas entendre parler.

Pourtant - j'y insiste à nouveau, au risque de me répéter -, vous pourrez élaborer tous les systèmes que vous voudrez, tous les plans de sauvetage que vous souhaiterez, toutes les lois organiques que vous désirerez, vous ne parviendrez pas à inverser la tendance des comptes de la sécurité sociale si vous ne vous préoccupez pas de son mode de financement.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Janine Jambu. Sur ce sujet, vous connaissez notre position. Il faut en finir avec la fiscalisation des ressources, aujourd'hui largement développées, qui va de pair avec l'abaissement des garanties collectives. Il serait grand temps de moduler les cotisations perçues à partir de l'entreprise et favorisant la création d'emplois et de richesses au lieu de rechercher la rentabilité financière de court terme, source de dégâts sociaux à l'origine d'une bonne part de l'insuffisance des recettes de notre protection sociale.

En cette période de relative incertitude économique, la qualité de notre système de sécurité sociale est déterminante pour consolider le lien social, prévenir les exclusions et assurer, pour chacun, le plein exercice de ses droits.

Une profonde réforme est à organiser. On ne peut plus fonctionner selon les principes qui prévalent aujourd'hui. Il faut notamment mettre un terme à la politique d'exonération de charges sociales patronales qui mine les comptes. Sans cette rupture, toute future réforme se traduirait inévitablement par une hausse de la fiscalité et, tout particulièrement, de la CSG, qui touche des millions de Français de toutes catégories.

La politique de financement qui allie exonérations et fiscalisation a fait la preuve de son inefficacité.

Pour les salariés comme pour les retraités, elle a entraîné la réduction des remboursements et la forfaitisation, prétendument pédagogique, du coût de la médecine de ville par le biais du paiement d'un euro par visite, qui représente en réalité un déremboursement de 14 %.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Non. Ce n'est pas un déremboursement !

Mme Janine Jambu. Qu'adviendra-t-il demain de ce forfait ? Certaines indiscrétions laissent entendre que la franchise pourrait passer de 5 à 7 euros !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pas du tout !

Mme Janine Jambu. Cela fait à peine un an qu'elle a été créée et elle va déjà être augmentée !

Lorsque nous avions exprimé la crainte qu'elle suive le même chemin que le forfait hospitalier, vous vous en étiez défendus, jurant qu'il s'agissait uniquement d'une mesure symbolique. Mais jusqu'où peut aller un montant symbolique ?

Je vous le dis solennellement, monsieur le secrétaire d'État, un fossé est en train de se creuser, un système de santé à deux vitesses est en train de se mettre en place, aux conséquences dramatiques.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est ce qui se serait passé s'il n'y avait pas eu les réformes que nous avons proposées !

Mme Janine Jambu. Il faut stopper cet engrenage et pour cela mettre un terme à la réforme d'août dernier, suspendre la convention médicale et trouver les moyens d'un nouveau financement de la sécurité sociale.

Celui-ci ne passe pas non plus par la suppression d'un jour férié qui ne fait reposer la solidarité que sur les salariés.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

Mme Janine Jambu. C'est même un engrenage dangereux. Vous imposez aujourd'hui le travail gratuit le lundi de Pentecôte sous prétexte de solidarité vis-à-vis des personnes âgées. Supprimerez-vous demain le jeudi de l'Ascension au profit des personnes cancéreuses, le 11 novembre en faveur d'autres, etc. ?

M. Pascal Terrasse. C'est ça, la solidarité avec le MEDEF !

Mme Janine Jambu. Dans le même temps, vous continuez d'épargner les grands groupes, qui voient pourtant leurs profits exploser. Les chiffres donnent le vertige : les entreprises du CAC 40 ont réalisé l'an dernier 60 milliards d'euros de profits, soit deux fois plus qu'en 2003. Pourquoi le Gouvernement ne se tourne-t-il pas de ce côté pour faire jouer la solidarité, plutôt que de continuer à ponctionner le monde du travail ? Supprimer un jour férié et imposer le travail gratuit, ce n'est pas, en effet, de la solidarité, mais de l'exploitation !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Une mesure de justice, madame !

M. Maxime Gremetz. Une escroquerie !

Mme Janine Jambu. Si notre protection sociale va mal, c'est parce que les principes fondateurs du système français que sont l'activité économique et l'emploi, socles de ses recettes, vont mal.

L'absence de croissance et la dégradation continue de l'emploi, avec un chômage qui, malgré les promesses, continue à toucher 10 % de la population active, « plombent » le système.

Cette réforme n'arrangera rien. L'acharnement du Gouvernement à défendre ce projet de loi organique, joint à son obstination à conduire une politique qui fait des marchés financiers sa boussole et la précarité sa politique de l'emploi par le démantèlement du code du travail sont incompatibles avec la recherche d'une protection sociale de haut niveau.

La politique suivie n'a qu'une constante : l'aggravation des comptes de la sécurité sociale, car elle épargne le patronat et atomise les garanties offertes aux salariés en matière de législation sociale.

Notre bien commun est menacé. Ceux qui prétendent aujourd'hui vouloir le sauver, en réalité le menacent, en fuyant les vrais débats et en se détournant de ses principes fondateurs. Une privatisation rampante guette la sécurité sociale. Certains sont prêts à l'assumer. Pas nous !

Comme je le disais au début de mon propos, à l'approche du soixantième anniversaire de la création de la sécurité sociale, il faut se ressourcer et réinvestir les motivations qui ont présidé à sa création pour comprendre que ce que vous nous proposez aujourd'hui s'en écarte dangereusement.

Nous ne tomberons pas dans le piège que vous nous tendez, consistant à faire la promotion du déficit de la sécurité sociale. Cette stratégie délibérée vous permet ensuite d'expliquer aux Français qu'une réforme structurelle, supposant une réduction des droits, non seulement est nécessaire, mais encore inévitable, alors que d'autres choix sont possibles.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore que nous développerons tout au long de nos débats, nous pensons qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce texte, non que nous éludions le problème du déficit de la sécurité sociale, mais bien parce que les réponses proposées ne sont pas adaptées. Nous invitons donc l'Assemblée à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Les dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale datent de 1996. Nous avons maintenant neuf années de recul.

De nombreuses propositions d'amélioration ont été formulées, par la Cour des comptes, par les parlementaires eux-mêmes. Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé à plusieurs reprises.

À l'inverse de Mme Jambu, je crois qu'il y a une grande impatience sur les bancs de cette assemblée pour entrer dans le vif du sujet. Il est donc hors de question de voter cette question préalable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je vous ai écoutée avec attention, madame Jambu.

Mme Janine Jambu. Je n'en doute pas, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il eût été d'ailleurs dommage de ne pas le faire car j'ai entendu à nouveau nombre des arguments qui avaient été développés, avec non moins de talent, par M. Gremetz lors du débat de l'été dernier. Mais il me faut corriger certaines contrevérités, ou inexactitudes - je vous laisse juge du terme le plus approprié.

Tout d'abord, les lois de financement de la sécurité sociale n'ont pas fait la preuve de leur inefficacité, comme vous le prétendez. Elles sont au contraire devenues un outil indispensable de gestion de notre protection sociale permettant de rendre celle-ci efficace : 350 milliards d'euros sont dépensés chaque année. On ne peut pas dire, madame, que cela ne serve à rien. Les millions de Français qui en bénéficient le savent.

La protection sociale n'est pas une notion générale. Elle profite à des millions de Français.

Les réformes que nous avons mises en place ont permis d'en préserver le socle : la retraite par répartition et la « sécu » à la française, qui garantit la liberté de choix de son médecin, mais aussi l'équité et l'égalité d'accès aux soins - à la fois en fonction de ses moyens et de l'endroit où l'on habite.

M. Maxime Gremetz. C'est caricatural !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Concernant ce dernier point, des améliorations doivent encore être apportées. Philippe Douste-Blazy et moi-même vous présenterons cette année, selon les mêmes principes - car nous ne transigeons pas sur les principes - un plan pour la démographie médicale.

Nous voulons plus de transparence dans les lois de financement de la sécurité sociale. Je m'étonne que vous ne soyez pas animée de la même volonté.

Nous souhaitons également davantage de responsabilité du Parlement. Nous voulons que les parlementaires puissent porter un jugement en toute connaissance de cause afin d'assumer leur responsabilité, à l'instar du Gouvernement et des partenaires sociaux.

Vous avez à diverses reprises parlé de déremboursement. Cela prouve que vous avez de la mémoire, madame Jambu car c'est le gouvernement précédent qui y a procédé. Nous, nous avons fait en sorte qu'il n'y ait aucun déremboursement.

M. Maxime Gremetz. Il n'y a pas déremboursement, mais moindre remboursement !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous êtes plus doué que moi, monsieur Gremetz, pour la sémantique.

Mme Janine Jambu. Vous n'êtes pas mal non plus !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Moi, je ne joue pas sur les mots et je dis la vérité : la réforme de l'été dernier ne comporte aucun transfert du régime obligatoire vers les régimes complémentaires. Je conçois que cela vous surprenne car vous n'y avez pas été habitués avec vos alliés socialistes avant 2002 !

L'enjeu aujourd'hui n'est pas de dépenser moins - nous dépenserons davantage pour la santé des Français dans les prochaines années - mais de dépenser au mieux. L'ONDAM voté pour cette année s'élève à 4 milliards d'euros. Cela représente la somme qui, à la fin de l'année 2005, aura été dépensée en plus par rapport à l'année 2004.

Nous voulons seulement que chaque euro soit utilisé au mieux pour la santé des Français.

Il est inutile d'agiter l'épouvantail de la maîtrise comptable, car celle-ci n'est au rendez-vous ni de la réforme de cet été ni de cette loi organique. Nous croyons à la maîtrise médicalisée, c'est-à-dire à la nécessité de prendre en charge les besoins de santé des Français.

Voilà, madame la députée, ce qui a guidé nos pas cet été et ce qui continue de les guider. Tout le reste n'est que contrevérité et je pense qu'il est temps, maintenant, d'entamer le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse. Nous avons écouté avec attention la question préalable défendue par Janine Jambu, visant à démontrer, par des arguments parfaitement soutenus, que ce débat n'a pas lieu d'être.

Elle n'a pas tort. Le débat n'a pas lieu d'être aujourd'hui car les élus de l'opposition souhaitent amender le texte afin de l'améliorer. En effet, les améliorations apportées par le Sénat, puis par les trois commissions de l'Assemblée nationale, sont très insuffisantes. Et je crains que le travail que nous risquons de commencer dans quelques minutes ne satisfasse pas les souhaits des uns et des autres.

Ce projet de loi ne répond pas à la nécessité d'améliorer les comptes de la sécurité sociale. On pouvait penser, au regard des déficits pharaoniques que l'on connaît depuis plusieurs années, que cette loi organique conduirait à une amélioration structurelle des comptes de la sécurité sociale. Mais il n'en est rien, et nous le regrettons.

On pouvait aussi espérer que ce projet de loi, à l'instar de la loi organique du 1er août 2001 - la LOLF - permettrait un meilleur contrôle parlementaire. C'était un souhait exprimé sur tous les bancs de cet hémicycle. Malheureusement, il n'en est rien. Nous sommes très loin des modalités retenues par le précédent gouvernement, visant à ce que l'ensemble des parlementaires, quelle que soit leur tendance politique, puissent débattre avant que le Gouvernement ne propose un texte de loi. Le contrôle parlementaire, malheureusement, ne sera pas effectif.

En outre, cette loi ne réforme en rien l'ONDAM. Pourtant, les neuf dernières années ont démontré les travers de ses mécanismes ainsi que les problèmes d'enveloppes et de fongibilité. J'aurais aimé en l'occurrence que la réforme qui nous est soumise puisse modifier structurellement l'ONDAM pour le rendre moins technocratique.

Enfin, contrairement à ce que vous dites, monsieur le secrétaire d'État, la lisibilité des lois de financement de la sécurité sociale ne sera en rien assurée. J'aurais souhaité, par exemple, que le texte indique les critères objectifs et subjectifs déterminant les évolutions des dépenses d'assurance maladie.

Ce projet est loin de mettre en place les moyens nécessaires. Il s'agit d'un texte à caractère purement financier qui ne règle rien sur le fond ni sur la forme, et nous pensons qu'il doit être revu. C'est pourquoi nous voterons la question préalable défendue par nos collègues communistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. Bien entendu, le groupe UDF n'a pas été convaincu par les arguments de Mme Jambu. J'espère par ailleurs ne pas contrarier Gérard Bapt, qui ne pourra pas prendre la parole pour expliquer en quoi mon intervention l'aura déçu. (Sourires.)

J'ai eu l'occasion, lors de l'intervention de Jean-Marie Le Guen, d'expliquer pourquoi il importait de voter une nouvelle loi organique. Je rappelle qu'avant 1996 le Parlement ne pouvait se prononcer sur les dépenses sociales du pays, supérieures au budget de l'État, ce qui constituait une anomalie importante. En outre, celles-ci ont un poids économique et social important puisqu'elles sont financées par des cotisations sociales, des impôts ou des taxes. Les lois de financement de la sécurité sociale jouant un rôle essentiel pour la solidarité, mais aussi, du fait des cotisations et des taxes, pour l'emploi, il est donc logique que le Parlement se prononce.

Ces neuf dernières années, nous avons eu du mal à tenir leurs objectifs, faute de critères assurés. Les recettes sont faciles à définir, à condition que les prévisions économiques soient justes en termes de croissance et d'emploi, et donc de cotisations. Il est donc facile de prévoir les dépenses dans le domaine des retraites et de la famille. Les retraites étant liées à la démographie, on connaît théoriquement le nombre de personnes qui prendront leur retraite dans l'année. On peut ainsi, sans être trop technocrate, arriver à définir les dépenses en la matière. On peut également définir la politique familiale, qui dépend de la politique gouvernementale engagée dans l'année : s'agit-il, par exemple, de créer davantage de crèches ?

Mme Janine Jambu. Et les besoins ?

M. Jean-Luc Préel. En revanche, nous avons toujours eu des problèmes majeurs pour ce qui concerne la santé, tout d'abord parce que l'ONDAM n'a jamais été médicalisé et qu'il a toujours été sous-évalué. En effet, les gouvernements successifs souhaitaient, au moment du vote, montrer qu'il n'y aurait pas de dérive des dépenses et qu'on allait les contenir dans un carcan impossible à maintenir, ce qui explique des déficits extrêmement importants.

L'UDF demande donc l'élaboration d'un ONDAM médicalisé, essentiellement sur le plan régional - avec une fongibilité entre les enveloppes ville et hôpital. Ce n'est qu'en responsabilisant tous les acteurs de santé au niveau régional dans les conférences régionales de santé, associés en amont aux décisions et en aval à la gestion, que nous parviendrons à une maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous poser une question dont nous avons déjà discuté l'été dernier : bien que ce ne soit pas vraiment le sujet aujourd'hui, qu'en est-il du comité d'alerte ? Il a été institué dans la réforme de l'assurance maladie. Quand les dépenses dépassent le seuil admis de 0,75 %, il doit alerter le Gouvernement afin de prendre les mesures qui s'imposent pour « rentrer dans les clous », soit une loi rectificative.

M. Maxime Gremetz. M. Préel a raison !

M. Jean-Luc Préel. Or si cette loi ne permet pas de dégager des recettes supplémentaires ou de faire des économies, ne nous dirigeons-nous pas vers une maîtrise comptable des dépenses ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Notre loi est claire.

M. Jean-Luc Préel. Nous en reparlerons sans doute, monsieur le secrétaire d'État. Mais vous prévoyez de voter une loi rectificative à Noël qui ne permettra évidemment pas de rectifier les recettes ou les dépenses de l'année.

M. Maxime Gremetz. Quel beau cadeau !

M. Jean-Luc Préel. Nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer à nouveau ces questions. Cependant, il me paraît important d'améliorer le projet de loi organique et j'espère que le Gouvernement et la commission, dans leur grande sagesse, accepteront un certain nombre d'amendements que j'ai déposés. Ce serait alors avec enthousiasme que nous voterions le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Les arguments développés par Janine Jambu lors de son intervention montrent bien qu'il n'y a pas lieu de délibérer. D'autant que, comme l'a dit M. Préel, mieux vaut attendre Noël, puisque nous serons obligés de voter une loi rectificative pour « rentrer dans les clous ».

Mais je tiens d'abord à souligner une extraordinaire évolution. Rappelez-vous les propos que tenait M. Chirac à l'époque où il fallait, disait-il, réduire la fracture sociale...

M. Pascal Terrasse. Ou plutôt gagner les élections !

M. Maxime Gremetz. M. Chirac déclarait : « Mesdames et messieurs, la santé n'a pas de prix. Il ne s'agit pas réduire les dépenses de santé, puisqu'elles vont augmenter. La question est de savoir quelles recettes on met en face ! » Il disait aussi que la fiche de paie n'était pas l'ennemi de l'emploi.

Mme Janine Jambu. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas si vieux, mais il me semble que nous avons changé d'époque ou, en l'occurrence, de circonstances électorales !

Vous avez eu raison, monsieur le secrétaire d'État, de rappeler une vérité évidente, qui n'est pas souvent perçue et que nous étions souvent seuls à dire : la sécurité sociale est le budget le plus important - 350 milliards. Nous l'avons dit lors du débat sur l'assurance maladie, un tel marché ne peut qu'intéresser les assureurs privés. Quand nous discutions cette réforme nuit et jour dans cet hémicycle, toutes les grandes marques d'assurance faisaient de la publicité en conseillant aux Français de s'assurer pour préparer leur retraite et leurs dépenses de santé, au prétexte que le Gouvernement allait réduire la prise en charge et qu'ils auraient besoin de bonnes mutuelles et d'assurances privées. Certains, à l'avant-garde, comme M. Thomas à l'époque, avaient même proposé des fonds de pension.

Il ne s'agit pas d'une simple question d'équilibre. Certes, la protection sociale a aujourd'hui besoin de moyens plus importants qu'hier et elle en aura encore davantage besoin demain, pour des raisons objectives. Mais il y a des dépenses incompressibles si l'on veut continuer à répondre aux besoins réels qui, en France - notamment en Picardie ! - augmentent et sont de moins en moins satisfaits. L'écart entre la possibilité de soigner les gens et l'acte de soins grandit. Et, bien entendu, ce sont les catégories populaires les plus en difficulté qui sont les plus touchées. Vous ne pourrez pas me contredire !

Cette loi organique va aggraver les choses : elle n'est que la mise en œuvre d'une réforme néfaste,...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Une réforme nécessaire et courageuse !

Mme Janine Jambu. Non !

M. Maxime Gremetz. ...d'une réforme injuste, qui compromet l'égalité d'accès aux soins.

On frappe sur les assurés dont on prétend qu'ils bénéficieraient de remboursements auxquels ils n'ont pas droit. Vous affirmez ne pas procéder à des déremboursements. Mais vous augmentez le forfait hospitalier !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Qui l'a institué ?

M. Maxime Gremetz. Peu importe : j'ai voté contre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances. C'est toujours la faute des autres !

M. Christian Cabal. Trop facile !

M. Maxime Gremetz. Vous aimez donner des leçons, mais ce n'est pas parce que quelqu'un a fait une bêtise qu'il faut continuer dans la même voie.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Perseverare diabolicum !

M. Maxime Gremetz. D'ailleurs, vous avez voté cette mesure, à l'époque : j'ai vérifié dans le Journal officiel. Vous ne la considériez donc pas comme une bêtise !

Vous prétendiez que la réforme de la sécurité sociale était fondée sur la liberté.

M. Jean Bardet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Combien de temps lui reste-t-il ?

M. Maxime Gremetz. À ce propos, je n'ai toujours pas de réponse de M. Douste-Blazy, que j'ai pourtant, à l'instar de tous les autres députés communistes, choisi comme médecin traitant. Nous allons donc devoir payer un supplément !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous auriez dû me choisir ! (Sourires.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, si vous interrompez M. Gremetz, il ne pourra pas conclure !

M. Maxime Gremetz. Vous le savez, si on ne passe pas par un médecin traitant pour consulter un spécialiste - ce qui va être mon cas -, on est moins remboursé. Je devrai donc payer un supplément, par la faute du ministre et par la vôtre !

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous avons, pour notre part, proposé une autre réforme.

Mme Jambu l'a montré : tant que l'on ne s'attaquera pas aux problèmes réels de nouveaux financements de la protection sociale, tant que l'on ne modifiera pas l'assiette des cotisations pour prendre en compte les revenus financiers,...

Mme la présidente. Monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz. ...on continuera à réduire les soins, à faire payer davantage les gens pour moins bien les soigner. C'est pourquoi nous appelons l'Assemblée à adopter la question préalable, tout à fait justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Door. Nous avons bien écouté Mme Jambu, mais son intervention était totalement hors sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Janine Jambu. Vous ne connaissez rien à ces problèmes !

M. Jean-Pierre Door. Nous avons déjà entendu ce discours stéréotypé et partisan. (« Oh ! la la ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les arguments sont les mêmes qu'au mois de juillet, lors du débat sur l'assurance maladie.

Mme Janine Jambu. Nous sommes donc cohérents !

M. Jean-Pierre Door. M. le secrétaire d'État y a parfaitement répondu.

M. Claude Gaillard. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Door. La réforme est en marche, et cette question préalable est donc inutile. C'est pourquoi le groupe UMP ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pascal Terrasse, pour vingt-cinq minutes.

M. Maxime Gremetz. Tant que ça ?

Mme la présidente. M. Terrasse disposera du temps de parole de l'ensemble des orateurs inscrits du groupe socialiste.

M. Maxime Gremetz. Il va retarder mon intervention !

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, 1996 avait fait naître un réel espoir en matière de financement de la protection sociale : la loi constitutionnelle du 22 février, les ordonnances du 24 avril et la loi organique du 22 juillet avaient suscité un réel intérêt en instituant le vote, chaque année, par le Parlement, d'une loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, la représentation nationale pourrait délibérer, à partir du rapport annuel de la Conférence nationale de santé, sur un montant et une évolution de la dépense sociale - laquelle s'avère d'ailleurs bien supérieure aux dépenses de l'État, comme l'ont déjà rappelé plusieurs orateurs.

Enfin, un choix véritable allait pouvoir être effectué quant au montant de cette dépense ; des arbitrages allaient pouvoir être rendus, en toute connaissance de cause, entre les différentes missions collectives, en prenant en compte les objectifs et les priorités de santé publique définis sur un plan politique.

C'est, en tout cas, ce que l'on nous disait à l'époque. C'est peu de dire que cet espoir a été déçu.

Pour des raisons tenant sans doute à une volonté politique insuffisamment affirmée, ainsi qu'à l'imperfection des outils d'évaluation et du système global d'information, ...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Dès 1997 !

M. Pascal Terrasse. ...la loi de financement de la sécurité sociale et l'ONDAM qui lui est attaché n'ont pas été ancrés dans le domaine sanitaire. Bien plus, ils ont été essentiellement conçus, de façon empirique, à partir d'éléments macro-économiques et comptables, sans qu'il soit fait référence aux priorités de santé publique proposées par les plus hautes instances scientifiques de notre pays.

Rien d'étonnant, dans ces conditions, que l'on observe depuis maintenant plusieurs années une déconnection manifeste entre les dépenses votées et les impératifs sanitaires auxquels notre pays se trouve confronté.

Pire, les dépassements systématiques des dépenses votées ont entaché, année après année, la crédibilité du vote du Parlement. D'ailleurs, les propositions que lui faisait le gouvernement en place - quelle que soit l'orientation de celui-ci - étaient dépourvues du réalisme le plus élémentaire, notamment quand était fixé un taux d'évolution des dépenses inférieur à 3 %, alors que les déterminants objectifs de ces dépenses - démographie, progrès technique et croissance économique - sont responsables, à eux seuls, d'une croissance de 3 % à 3,5 %.

Quant à la technique du « rebasage », elle ne va pas non plus dans le sens de la transparence. La pratique des constats - c'est-à-dire l'actualisation des prévisions de dépenses, sans que l'on puisse percevoir la mise en œuvre de marges de manœuvre - l'a toujours emporté sur le but à atteindre.

De plus, aucune opposabilité de l'ONDAM, même relative, c'est-à-dire limitée à l'incidence des déterminants subjectifs - comportements socioculturels, représentations de la santé -, n'a été prévue. La loi du 13 août 2004 a bien instauré un comité d'alerte en cas de dépassement des prévisions d'un certain montant, mais elle est demeurée très évasive sur les solutions à apporter. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous aurez le loisir de nous apporter des explications sur ce sujet.

Enfin, la fixation par le Gouvernement de sous-objectifs délimités de façon rigoureuse au sein de l'ONDAM - les enveloppes -, a eu pour effet de figer les évolutions et d'instaurer de préjudiciables cloisonnements entre les différents domaines du sanitaire et le médico-social.

De ce fait, on a plus que jamais la désagréable impression que le système évolue pour son propre compte avec, pour corollaire, un incontestable déficit démocratique.

Or, ce que je voudrais vous démontrer ici, c'est que le projet de loi organique, loin de pallier ces lacunes, risque de pérenniser un certain nombre de défauts graves. C'est d'autant plus dommageable que le débat est d'importance : il mérite d'être posé en des termes plus explicites, à la représentation nationale mais aussi devant l'ensemble des Français.

Je me propose de développer ici quatre points fondamentaux.

Avant tout, la procédure d'adoption retenue est indigne, conduite de façon précipitée et sans concertation préalable. Ensuite, une première hypocrisie consiste à prétendre que l'on redonne du pouvoir au Parlement alors que n'est absolument pas renforcée sa capacité de se prononcer en cours d'année sur les mesures nécessaires. C'est également une hypocrisie que de parler, dans le sillage de la LOLF, d'une logique de résultat sans s'en donner les moyens. Enfin, l'écart se creuse entre les objectifs revendiqués de santé publique et une maîtrise purement comptable des dépenses.

Je rappellerai d'abord le contexte du dépôt de ce projet de loi organique. Celui-ci constitue le troisième volet d'un triptyque législatif comprenant la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie. Il s'agit donc d'un enjeu majeur.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. En effet.

M. Pascal Terrasse. Pour avoir activement participé au dossier sur les retraites, je suis, comme vous, monsieur le secrétaire d'État, ou comme M. Gremetz, bien placé pour le savoir. C'est en effet tout notre système de protection sociale qui est en jeu : un système qu'il s'agit de protéger, de sauvegarder, et pas seulement à court terme. Autrement dit, cela méritait un débat non seulement approfondi, mais encore élargi au plus grand nombre d'acteurs possibles.

Dès lors, pourquoi tant de précipitation ? Pourquoi n'avoir pas pris le temps d'auditionner plus longuement les partenaires sociaux, qui avaient pourtant demandé à plusieurs reprises à être entendus ? Les réunions de dernière minute au ministère ne sauraient tenir lieu de concertation !

Cette absence de réel dialogue avec les acteurs du système constitue du reste un élément de blocage, dans la mesure où ces derniers ne peuvent se sentir engagés par une évolution des dépenses non concertée. S'il y avait bien, pourtant, une leçon à tirer de la mise en œuvre des lois de financement depuis 1996, c'était bien que le dispositif ne peut fonctionner sans concertation. Le processus conventionnel, établi sans concertation en amont, s'est révélé d'une très grande fragilité juridique. Ces dernières années, en effet, le destin de toute convention avec les professionnels de santé semblait être l'annulation par le Conseil d'État. À cet égard, nous attendons avec impatience l'avis de ce dernier sur le médecin traitant.

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne la procédure, je voudrais rappeler, en tant que membre de la commission des finances, que ce projet de loi organique se voulait l'équivalent de la LOLF pour la sécurité sociale. Le 7 mars dernier, le Premier ministre a en effet confié à M. Didier Migaud, député, ainsi qu'au sénateur Alain Lambert, une « mission sur le suivi de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances », et plus spécifiquement, sur « la possibilité d'étendre les principes de la LOLF, au-delà du périmètre de l'État, aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale ».

Là encore, monsieur le secrétaire d'État, une telle précipitation est-elle vraiment sérieuse ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. M. Le Guen nous a pourtant reproché d'avoir tardé !

M. Pascal Terrasse. Sachant que c'est précisément la procédure qui donne son caractère exceptionnel à la LOLF, comment ne pas voir dans le nouveau projet de loi organique une réplique bâclée et imparfaite de celle-ci ? Ce défaut procédural se répercute sur le fond de la réforme qui, comme on va le voir, est loin d'avoir les mêmes conséquences sur le pilotage des comptes sociaux que la LOLF en aura sur les comptes de l'État.

Venons-en à la compétence du Parlement. Compte tenu de la façon dont a été présenté le projet de loi organique, le motif essentiel aurait dû être un renforcement significatif et réel du rôle de la représentation nationale en matière de comptes sociaux. Or non seulement ce renforcement n'a pas lieu, mais le Parlement perd même, comme je vais m'efforcer de vous le montrer, une partie de son initiative au profit du tout-puissant directeur de l'UNCAM.

C'est d'autant plus regrettable que les modalités de la campagne budgétaire 2005 ont plus que jamais montré la nécessité d'une plus grande transparence : je pense notamment au fait que les principes concernant l'identification des dépenses de psychiatrie, qui avaient été adoptés par les parlementaires dans le cadre du vote de l'ONDAM, n'ont pas été respectés par l'exécutif dans le cadre de la circulaire budgétaire du 4 mars 2005.

Avant de préciser ce risque d'affaiblissement du rôle du Parlement, je me dois néanmoins de relever que le projet de loi organique comporte quelques avancées en ce domaine.

Ainsi, le nouvel article L.O. 111-3, qui scinde la loi de financement de la sécurité sociale en deux parties, prévoit que le Parlement approuve le rapport qui décrit les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que l'ONDAM, pour les quatre années à venir. Par ailleurs, il élargit le champ d'application de la loi de financement en y intégrant des mesures qui en sont pour l'instant exclues.

Ces avancées sont certaines, monsieur le secrétaire d'État, et vous voyez que j'en conviens, mais vous n'êtes pas allé jusqu'au bout de votre logique. Permettez-moi ainsi de relever trois éléments qui, selon moi, sont la marque d'une persistance de la faiblesse du contrôle parlementaire.

S'il est vrai que la portée de l'ONDAM devrait être renforcée par la loi organique, en particulier grâce à l'instauration de sous-objectifs détaillés permettant de distinguer les grands postes de charges, le rôle de la représentation nationale ne devrait pas être sensiblement renforcé. En effet, en l'état, le projet de loi ne permet pas à la représentation nationale d'apprécier les choix proposés par l'exécutif en termes de répartition de l'objectif national des dépenses en sous-objectifs : il entend faire du périmètre de chacun des sous-objectifs un « monopole » à l'initiative du seul Gouvernement, sans garantie de lisibilité pluriannuelle, notamment si les périmètres des sous-objectifs sont modifiés d'une année à l'autre.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il y a un amendement à ce sujet

M. Pascal Terrasse. Nous en serons ravis !

Il apparaît dès lors nécessaire de définir clairement les différentes grandes composantes de l'objectif de dépenses pour apporter à la représentation nationale une lisibilité et une traçabilité dans les affectations des dépenses d'assurance maladie. Cette seule modalité lui permettrait d'apprécier les politiques conduites en termes de priorités sanitaires et médico-sociales d'une part, et de recomposition de l'offre hospitalière, médico-sociale et ambulatoire d'autre part, et ce dans un ensemble global très vaste.

La lisibilité et la traçabilité de la dépense publique ne doivent pas pour autant engendrer des rigidités quant à l'évolution de l'organisation des soins. Aussi conviendrait-il d'introduire clairement la notion de fongibilité entre sous-objectifs, tout en tenant compte des particularités des secteurs des personnes âgées et des personnes handicapées du fait de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, « sanctuarisation financière des ressources ».

Par ailleurs, le principal argument avancé par le Gouvernement pour vanter le renforcement du pouvoir du Parlement n'est pas acceptable. Le vote se fait, en effet, sur un solde - déficit ou excédent - limitatif, et non sur un « objectif». Ce solde est calculé en cohérence avec le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation prévu par l'article 50 de la LOLF. En réalité, cela ne renforce en rien la portée du vote du Parlement, puisque aucun mécanisme contraignant n'est introduit par le présent projet de loi en cas de dépassement des objectifs, à la différence de ce qui existe dans la loi de finances.

M. Gérard Bapt. C'est évident !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est complètement contradictoire !

M. Pascal Terrasse. Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, justifié cet état de fait par la différence de nature, réelle et incontestable, entre les dépenses de l'État et celles de la sécurité sociale, qui ne peuvent être plafonnées a priori, ainsi que par votre volonté de promouvoir une « maîtrise médicalisée des dépenses ».

Rien ne garantit un contrôle réel du Parlement. En effet, si le solde vient à s'écarter de celui précédemment voté, le Parlement ne sera pas appelé à débattre des moyens permettant de respecter ce dernier. De la même façon, il n'a pas les moyens de prévoir un nouveau solde, compte tenu des modifications de l'environnement économique et social. Les mesures de pilotage du solde sont entièrement confiées à l'UNCAM et au Gouvernement. Il serait pourtant plus pertinent qu'il revienne au Parlement, dans le cadre d'un collectif social, de se prononcer sur les mesures qu'il juge légitimes : hausse des recettes, baisse des dépenses, qui peut prendre de multiples formes, comme le démontre le Gouvernement actuel...

Enfin, le projet de loi ne met pas fin à une technique, quintessence de l'insécurité et de l'opacité de la détermination de l'ONDAM, celle dite du « rebasage ». Nous y reviendrons lorsque nous défendrons nos amendements.

Une impossible logique de résultat : la loi de financement de la sécurité sociale, telle qu'elle est présentée ici, obéit essentiellement à une logique de «moyens», délaissant totalement une logique « objectifs-résultats », seule susceptible, pourtant, d'une véritable évaluation, tant quantitative que qualitative, à l'instar de ce qui est notamment prévu par la loi organique du 1er août 2001.

Tout cela revient à un seul problème que le projet de loi n'a pas osé aborder, comme l'ont très justement remarqué nos collègues du Sénat : celui de la compensation intégrale des mesures d'allégement des cotisations ou recettes de la sécurité sociale décidées par l'État. M. Douste-Blazy n'avait-il pas promis cette inscription dans la loi organique ? Je reconnais qu'un tel engagement nécessiterait, pour être parfaitement efficace, une modification de la LOLF, ce qui serait une procédure lourde et peu souhaitable. Mais, sans aller jusque-là, je veux dénoncer l'absence totale d'articulation entre les deux textes, s'agissant des impôts au produit partagé, de la sincérité et de l'ouverture de crédits de dépenses.

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale, telle qu'elle est chaque année proposée au vote du Parlement, se présente comme un véritable patchwork de mesures, le plus souvent ponctuelles et conjoncturelles : elles ne disposent d'aucun lien entre elles et sont incluses dans le projet de loi au fur et à mesure des contingences économiques et comptables rencontrées en cours d'année. Dans ces conditions, on ne peut que déplorer l'absence de réel volontarisme politique basé sur une rationalisation médicalisée des dépenses de l'assurance maladie et le manque de synergie entre les différentes mesures contenues dans la loi.

Certes, la détermination de l'équilibre financier de la sécurité sociale s'effectue «compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible ». Pourtant, il n'est fait aucunement référence, dans le texte de loi, aux impératifs sanitaires et aux priorités de santé publique. Les considérations économiques et comptables sont omniprésentes.

En fait, il manque toute une réflexion sur les déterminants fondamentaux des dépenses de santé. Seule une telle étude serait susceptible d'ancrer l'élaboration de l'ONDAM dans le domaine de la santé publique en mesurant, lorsque c'est possible, leur incidence sur l'évolution de ces dépenses. J'évoquerai brièvement leur impact sur l'évolution des dépenses de santé et, surtout, leur incidence quant à la détermination d'un ONDAM médicalisé.

Ainsi, qu'ils relèvent de l'« infrastructure » - environnement, croissance économique, vieillissement, progrès technique, épidémiologie - ou de la « superstructure » - représentations de la santé, organisation sociétale, comportements socioculturels, système de santé, système de protection sociale - ces déterminants peuvent être examinés à la lumière de trois discriminants majeurs : la nature de leur incidence sur l'évolution des dépenses, la quantification de leur impact sur ces dépenses, à partir des études existantes et évidemment très nombreuses, leur aptitude à être réformés ou leur « réformabilité » à court et moyen terme. Certains d'entre eux présentent une inertie loin d'être négligeable, d'où la difficulté d'entreprendre à court et moyen terme des actions correctrices pour l'élaboration d'un ONDAM médicalisé volontariste. Ce n'est pourtant pas une raison pour les ignorer totalement, comme vous le faites dans ce projet de loi.

Je ne citerai pas ici l'ensemble de ces déterminants qui sont évidemment nombreux ; j'aurai l'occasion d'y revenir dans le cadre du débat.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, ces considérations doivent faire l'objet d'un travail plus approfondi. Le projet de loi organique que vous nous présentez aujourd'hui ne nous semble pas satisfaisant.

Le groupe socialiste est très attaché à la réforme de la loi de financement de la sécurité sociale - il en va de l'avenir des comptes sociaux - et espère reprendre très prochainement quelques responsabilités.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un peu de modestie !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne pense pas que les Français soient aussi pressés que vous, monsieur Terrasse !

M. Pascal Terrasse. Nous ne voudrions pas retrouver une situation telle que celle vous nous avez laissée en 1997. Nous ne sommes pas dupes : derrière votre discours prétendument scientifique se cachent malheureusement des contingences purement économiques, autrement dit des enjeux de maîtrise comptable au lieu de maîtrise médicalisée. Nous ne pouvons évidemment que le regretter, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour dix minutes.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pourquoi une loi organique ? Jusqu'en 1995, le Parlement ne pouvait se prononcer sur les dépenses sociales du pays, pourtant supérieures au budget de l'État et à l'impact social et économique majeur puisque touchant la politique familiale, de santé, la retraite et pesant lourdement sur la vie économique.

La réforme de 1995 et la loi organique de 1996 ont marqué un changement important. Mais elles ont vite montré leurs limites en raison du contexte et de la pratique. Les rôles respectifs des partenaires sociaux, de l'État, du Gouvernement, la place et la capacité d'initiative du Parlement n'ont jamais été clairement définis. Il est vrai que le Parlement se bride lui-même. Certes, l'article 40, la place de la loi et du règlement encadrent fortement l'initiative parlementaire, mais la pratique majoritaire joue un rôle majeur. Les majorités successives, depuis dix ans, soutiennent les gouvernements quoi qu'elles pensent. Cette autocastration est fort regrettable. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. L'urologue apprécie !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Préel ! Ne vous laissez pas distraire !

M. Jean-Luc Préel. Et je m'explique. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de déposer des amendements que mes collègues de l'UMP qualifiaient d'excellents, sans pour autant les voter,...

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ils ont repris conscience !

M. Jean-Luc Préel. ...le Gouvernement leur ayant demandé de laisser la loi en l'état !

M. Maxime Gremetz. Oh, ce n'est pas bien !

M. Gérard Bapt. Il est incroyable que cela puisse exister !

Mme Janine Jambu. C'est scandaleux !

Mme la présidente. Nous avons entendu votre explication, monsieur Préel. Veuillez poursuivre ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Il n'est pas scandaleux, il devrait même être normal que les parlementaires puissent, par voie d'amendement, modifier et améliorer le texte gouvernemental, ce qui, reconnaissons-le, est aujourd'hui fort rare !

M. Maxime Gremetz. C'est comme pour la Constitution européenne !

M. Jean-Luc Préel. Le texte de loi organique constitue un progrès. Il prévoit le solde de tous les régimes obligatoires de base, et non plus des seuls régimes regroupant plus de 20 000 adhérents. Il permet d'intégrer les fonds sociaux, dont, j'espère, la CADES. Il donne une dimension pluriannuelle. On peut se demander ce qu'il en sera des prévisions de recettes et de dépenses à quatre ans. Mais, c'est, semble-t-il, un progrès, et, même si je n'en suis pas vraiment convaincu, je me range volontiers à cet avis. Il est prévu une certification par la Cour des Comptes. Mon collègue Charles de Courson a précisé en commission des finances qu'il doutait que la Cour soit en mesure de le faire. Nous en reparlerons, bien entendu, lors du débat, puisque le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, doit demander l'avis de la Cour.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le président de la Cour des comptes a été interrogé par écrit et s'est prononcé à ce sujet !

M. Jean-Luc Préel. Je suis très heureux de cette information.

Ce texte prévoit le vote des sous-objectifs, encore que... j'y reviendrai tout à l'heure.

La commission a amélioré ce projet grâce à l'adoption de certains amendements. Ont été ainsi intégrés la CADES, le fonds des retraites et la caisse «autonomie». Le vote en quatre parties portera sur le règlement de l'année passée, sur la rectification de l'année en cours, les recettes et dépenses de l'année à venir.

La rectification de l'année en cours est intéressante, mais le vote final n'intervenant qu'à Noël, monsieur le rapporteur, sa portée ne sera que théorique. Je ne pense pas qu'il soit, en effet, encore temps de rectifier la loi de l'année en cours.

M. Gérard Bapt. C'est la semaine de bonté !

M. Jean-Luc Préel. Cela permettra de constater si le solde est positif ou négatif et ce que l'on en fait.

Comme dans la loi de 1994, la stricte compensation des exonérations de cotisations sociales aurait dû être prévue. Le refus du Gouvernement de l'inscrire dans la loi organique est à mon avis un signe négatif fort regrettable, qui laisse présager des non-compensations à l'avenir, donc un manque de recettes pour notre pays.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Jean-Luc Préel. Cette loi organique demeure très imparfaite. Elle ne répond pas, à mon sens, clairement à la place que l'on souhaite assigner dans notre pays aux partenaires sociaux. L'UDF considère qu'il est nécessaire de relancer le dialogue social, de considérer les représentants des salariés et des entreprises comme de vrais partenaires et, par conséquent, de leur permettre de prendre leurs responsabilités dans leur domaine de compétence, lié au travail et financé par des cotisations salariales et patronales, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'UNEDIC et les régimes de retraite complémentaire. C'est pourquoi l'UDF propose que les partenaires sociaux disposent d'une réelle autonomie pour gérer le régime de retraite de base et qu'ils puissent librement décider des prestations et des cotisations en évoluant vers un régime par points.

De même, l'UDF demande, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, en particulier cet été, lors de la réforme de l'assurance maladie, que la branche accidents du travail et maladies professionnelles devienne autonome, avec gestion paritaire.

Nous avons donc déposé deux amendements en ce sens. Ne pas profiter de cette loi organique pour progresser dans le sens d'une réelle responsabilisation des partenaires sociaux serait regrettable.

Cette loi organique demeure imparfaite en ce qu'elle ne résout pas le problème de la définition de l'ONDAM et de son respect.

En effet, si le vote des objectifs concernant la retraite et la famille ne pose pas de problème majeur, car il est relativement aisé d'appréhender les recettes pour peu que les hypothèses retenues concernant la croissance économique et l'évolution de la masse salariale soient réalistes, ce qui, il faut bien le reconnaître, n'est pas toujours le cas...

M. Pascal Terrasse. Surtout en ce moment !

M. Jean-Luc Préel. ...et s'il est aisé de prévoir les dépenses inhérentes aux retraites, qui dépendent des données démographiques parfaitement connues et de la politique familiale, il n'en va pas de même pour la santé.

Le non-respect, chaque année, des objectifs de dépenses, et par conséquent du déficit, est dû à la volonté gouvernementale de surestimer les recettes et de sous-estimer les dépenses. C'est un ONDAM irréaliste, « pifométrique », établi à partir d'un pourcentage d'augmentation proposé par Bercy sur le chiffre de l'année estimé en octobre.

Cette pratique est aggravée encore par le rebasement systématique - certains disent le rebasage. On en vient à voter un ONDAM surréaliste, déconnecté de toute donnée médicale, dans une opacité totale, mais chacun sachant qu'il ne sera pas respecté ! Cela conduit à des déficits considérables, confiés à la CADES et payés par nos enfants et petits-enfants. Cette décision de 2004 est regrettable.

M. Pascal Terrasse. Ils ont réussi à inventer l'impôt sur les naissances !

M. Maxime Gremetz. Un prélèvement sur les bébés !

M. Jean-Luc Préel. Pour faire cesser cette pratique, il convient de médicaliser 1'ONDAM et de responsabiliser tous les acteurs. Or nous n'en prenons pas le chemin. Certes, le vote en quatre parties et une perspective pluriannuelle peuvent paraître intéressants, mais, en réalité, comment respecter l'ONDAM si celui-ci ne prend pas en compte la réalité médicale ?

Prenons l'exemple des hôpitaux, que vous connaissez sans aucun doute très bien, monsieur le secrétaire d'État.

M. Pascal Terrasse. Un excellent exemple !

M. Jean-Luc Préel. Ils représentent 50 % des dépenses de santé : les dépenses de personnel constituant 65 % de leur budget, la moindre des choses serait que la ligne budgétaire correspondante permette le financement des salaires, du GVT et les revalorisations statutaires ! Dans le cas contraire, nous saurons, dès le début de l'année, qu'il faudra avoir recours aux reports de charges, creusant ainsi les déficits.

L'UDF préconise une réelle régionalisation de la santé...

M. Pascal Terrasse. Ça, c'est dangereux !

M. Jean-Luc Préel. Mais Claude Évin y est favorable depuis longtemps, comme de nombreux autres au parti socialiste !

M. Pascal Terrasse. Chez nous, le débat est ouvert.

Mme la présidente. Monsieur Préel, ne laissez pas M. Terrasse vous interrompre.

M. Jean-Luc Préel. La régionalisation est un sujet important sur lequel je tenais à insister.

À la différence de Claude Évin, nous proposons des conseils régionaux de santé élus par collèges auxquels participeraient tous ceux qui s'intéressent à la santé au niveau régional et qui définiraient les besoins de santé, les priorités et l'adéquation de l'offre et des besoins.

M. Pascal Terrasse. Bonjour les dégâts !

M. Jean-Luc Préel. Monsieur Terrasse, comment voulez-vous médicaliser l'ONDAM sans vous baser sur des besoins définis au niveau régional ? Et comment le maîtriser si chacun n'est pas acteur et responsable ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Et que répondez-vous à cela, monsieur Terrasse ?

M. Pascal Terrasse. Qu'il existe des déterminants objectifs !

M. Jean-Luc Préel. Nous demandons ensuite que soit institué un Conseil national de santé, émanation des conseils régionaux de santé, pour définir les priorités de santé afin de permettre au Gouvernement de préparer au printemps un projet de loi d'orientation, cher à Yves Bur, qui sera financé à l'automne par la loi de financement de la sécurité sociale. Ce sont les conseils régionaux de santé et les ARS, exécutifs régionaux, qui géreront l'ONDAM régionalisé. Ainsi, tous les acteurs, associés en amont aux décisions et en aval à la gestion, deviendront responsables, seule façon d'obtenir un respect de l'ONDAM médicalisé. L'UDF a donc déposé des amendements pour mettre en forme cette démarche.

Par ailleurs, et si nous approuvons le principe du vote de sous-objectifs - il est en effet pour le moins étonnant de voter un ONDAM et de laisser l'administration, dans sa grande sagesse, décider de sa répartition entre l'ambulatoire, les établissements, le médico-social et les enveloppes régionales ! - la proposition contenue dans ce texte nous paraît dangereuse. En effet, après la médicalisation de l'ONDAM, le deuxième reproche majeur adressé à la pratique actuelle est la non-fongibilité des enveloppes entre l'ambulatoire et les établissements, entre le sanitaire et le médico-social.

L'UDF proposera donc de remplacer le vote des sous-objectifs par le vote des enveloppes régionales qui seront confiées aux ARS, sur des critères objectifs : mortalité, morbidité, âge et richesse des régions.

Enfin, reste à définir comment respecter l'ONDAM, si nous ne voulons pas que le vote ne soit qu'un vœu pieux et que ne se pérennisent les déficits successifs financés par les générations futures. La réforme de l'assurance-maladie a créé le comité d'alerte, qui, lorsque l'augmentation des dépenses dépasse les prévisions de plus de 0,75 %, demande à la CNAM et au Gouvernement de prendre des mesures pour revenir dans les clous. Mais quelles mesures prendre et dans quel délai ? Nous proposons qu'il soit d'un mois.

Le rapporteur a prévu d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Il me vantait tout à l'heure encore son amendement. Pourquoi pas ? Mais le principe des ordonnances permet de court-circuiter le Parlement, ce qui est regrettable.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel. Nous préférons plutôt une loi rectificative avec déclaration d'urgence. Un autre amendement est très intéressant : à partir de 2007, le transfert d'un déficit à la CADES ne pourrait conduire à une durée d'amortissement supérieure à dix ans. Sans doute est-ce un progrès, monsieur Bur, et peut-être un semi-remords après le mauvais coup de 2004, où l'on a fait sauter la date de cessation de la CADES. Il est grand temps de régler ce problème.

M. Pascal Terrasse. Un hold-up sur l'avenir !

M. Jean-Luc Préel. En conclusion, cette loi organique constitue un progrès, mais fort modeste. Elle ne répond pas à tous les problèmes posés.

L'UDF souhaite l'améliorer - j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous serez très attentif à nos amendements. Il faut donner plus de pouvoir aux partenaires sociaux dans la caisse vieillesse - retraite de base du régime général -, créer une caisse spécifique « maladies professionnelles et accidents du travail » gérée paritairement, médicaliser l'ONDAM, responsabiliser tous les acteurs de la santé en les associant en amont aux décisions et en aval à la gestion, réaliser la fongibilité d'enveloppes régionales, régionaliser notre système de santé, donner au Gouvernement la possibilité de respecter l'ONDAM et, bien sûr, compenser intégralement les exonérations de cotisations sociales.

J'espère être entendu pour pouvoir ensuite voter « dans l'enthousiasme » cette loi organique qui nous paraît nécessaire, mais qui doit être amendée.

Merci, monsieur le secrétaire d'État, de votre écoute qui nous change de ce que nous avons pu connaître précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour dix minutes.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, 2 milliards d'euros, c'est l'économie supplémentaire réalisée sur les dépenses de sécurité sociale pour l'année 2004. Deux milliards d'économies supplémentaires dont vous vous félicitez, monsieur le secrétaire d'État, vous et votre majorité, et que vous imputez au travail engagé par votre ministère.

Ainsi, selon vous, les nouvelles sont bonnes, puisque le déficit de la sécurité sociale annoncé pour 2004, qui devait être de 14 milliards d'euros, ne sera plus que de 12 milliards d'euros. Belle victoire en vérité que celle qui met toujours plus à contribution les assurés sociaux et les malades !

Le rééquilibrage forcé des comptes de la sécurité sociale, imposé à coups de déremboursements et de culpabilisation des assurés sociaux, a et aura pour eux des conséquences importantes. Car vous avez négligé un fait capital dans votre plan de campagne médiatique, monsieur le secrétaire d'État : si l'assurance maladie a remboursé 2 milliards de moins, le niveau des dépenses de santé par rapport à l'évolution du PIB, lui, n'a pas diminué ! Il a même continué de croître comme les années passées ! Cela signifie tout simplement que les malades ont dû payer ces 2 milliards d'euros de leur poche - ou de leur santé !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pas du tout !

M. Maxime Gremetz. Pourtant, je sais compter : pour les Picards, un sou, c'est un sou !

À ces 2 milliards d'euros pour 2004 que les assurés sociaux ne récupéreront pas, viendront s'ajouter les 3 milliards d'économies que vous prévoyez de leur imposer pour 2005, via votre réforme de l'assurance maladie, afin d'atteindre votre objectif : un déficit réduit à 8 milliards d'euros en 2005.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz. En l'espace de deux ans seulement, les assurés sociaux auront dû payer sur leurs deniers personnels plus de 5 milliards d'euros pour répondre à leurs besoins sociaux fondamentaux.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pas du tout !

M. Maxime Gremetz. Après les avoir dépouillés de plusieurs milliards par vos réformes régressives des retraites, des prestations familiales et de l'assurance maladie, vous renchérissez.

C'est donc là votre conception de la solidarité : faire payer plus les assurés sociaux, pour qu'ils se soignent moins !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pas du tout !

M. Maxime Gremetz. Et cela au nom des équilibres budgétaires imposés par Bruxelles !

Nous avons pourtant proposé, à maintes reprises, des financements alternatifs visant à accroître les ressources de la sécurité sociale. Il est possible de moduler les cotisations sociales des employeurs en fonction de leur effort en termes d'emploi et de formation, d'instaurer une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises afin de lutter contre la spéculation financière mortifère pour l'emploi, de supprimer les exonérations patronales, qui sont dangereuses et inefficaces, comme le dit M. Séguin, ou plutôt le président de la Cour des comptes. Vous avez refusé ces propositions novatrices avec constance, sans même les expérimenter comme nous le proposions.

En revanche, pour tenter de rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale, vous avez, à chaque fois, en mauvais gestionnaire, et plutôt que de chercher à accroître les recettes en les rendant dynamiques et pérennes, préféré réduire le niveau des dépenses, en restreignant le champ d'intervention de la sécurité sociale. Comme si la diminution de la prise en charge collective avait une influence sur le niveau des besoins de la population !

Ainsi, votre gouvernement a déremboursé à tour de bras, rogné sur les budgets hospitaliers, créé les conditions financières de leur étouffement en les mettant en concurrence par le biais du plan Hôpital 2007 et continué à fermer les services et à supprimer des lits, notamment dans les services d'urgence. Nous sommes au bord de l'implosion pour nombre d'hôpitaux.

Membre du conseil d'administration du CHU d'Amiens, je sais bien que le budget a été voté - pas par moi - alors qu'il manque 650 emplois. Il a fallu inventer la notion de « dépense d'équilibre » : il manque neuf millions d'euros, dont on ne sait toujours pas si on les aura un jour.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est faux !

M. Maxime Gremetz. Pourtant, le directeur du CHU d'Amiens, qui vous soutient mordicus, n'a pas trouvé d'autre solution pour équilibrer le budget. Si vous êtes en mesure de me démentir, faites-le !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous en avons parlé tout à l'heure.

M. Maxime Gremetz. Vous avez en effet expliqué qu'il ne fallait se faire aucun souci, que le financement arriverait en temps voulu. Seulement, en attendant, il faut voter le budget !

Pour mieux réussir cette ambition de transfert des charges de sécurité sociale sur les assurés sociaux stricto sensu, vous nous présentez cette loi organique visant, dites-vous, à leur « donner plus de lisibilité, de crédibilité et de sens ». La vérité, c'est que tout le monde est dans la panade, que personne ne sait où l'on va, ni ce qu'il faut faire ! Les décrets ne précisent rien. Voilà dans quelle situation sont aujourd'hui les hôpitaux publics. Ils doivent improviser.

Mais, là encore, vous négligez un fait. Nous avons déjà fait l'expérience, depuis 1996, depuis la mise en application des dispositions du plan Juppé de 1995, de votre pseudo-volonté de transparence.

Les lois de financement de la sécurité sociale qui en sont issues n'ont conduit qu'à entériner la logique de restriction comptable que vous destinez à la couverture socialisée des dépenses sociales. Elles n'ont servi qu'à réduire la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses de santé en amplifiant les déremboursements, en dépouillant les conseils d'administration - représentants légitimes des assurés sociaux - de leurs prérogatives d'orientation de la politique des caisses de sécurité sociale.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pas du tout !

M. Maxime Gremetz. Et vous voudriez à présent que nous avalisions, sans réaction, votre discours sur la transparence de la comptabilité publique et la simplification des procédures relatives au financement de la sécurité sociale, via une loi organique qui achèvera le processus d'étatisation et de privatisation de la sécurité sociale ? À cet égard, je rappelle qu'étatiser pour mieux privatiser ensuite faisait partie d'un même mouvement.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous nous sommes déjà expliqués à ce sujet !

M. Maxime Gremetz. Votre réforme raffermit le contrôle parlementaire de cet équilibre financier au détriment des besoins de santé de la population. Elle devient l'instrument de la politique de santé de l'État, alors qu'elle n'est à l'origine que l'outil de tous les actifs, et notamment des salariés, permettant de surseoir financièrement et temporairement aux aléas de la vie. Et par là même, elle achève de déposséder les assurés sociaux de leur bien.

Sous couvert de donner plus de « crédibilité », ce projet de loi renforce aussi les contraintes liées à l'ONDAM. Ainsi, il prévoit que les sous-objectifs de l'ONDAM seront débattus par le Parlement. En somme, la loi organique viendra davantage encore contraindre l'ONDAM. Mais que faudra-t-il faire une fois que celui-ci sera dépassé ? Car il ne fait aucun doute qu'il le sera, puisque les besoins de santé sont croissants par nature et par démographie et qu'il l'est déjà tous les ans !

En clair, le texte que vous nous soumettez aujourd'hui prône que les dépenses seront adaptées sans faille aux ressources de la sécurité sociale, et non l'inverse - on ne parle jamais des besoins, mais on parle des recettes -, c'est-à-dire un niveau des ressources adapté aux dépenses nécessaires pour les assurés sociaux, comme elles le devraient ! Il consacre donc l'esprit de logique de la maîtrise comptable, bien que vous vous en défendiez.

Petit esprit en vérité ! Car, dans la nouvelle architecture des lois de financement que vous dessinez - une division en deux parties, un volet recettes, intégrant un solde, et un volet dépenses - et par l'institution d'une procédure particulière, le Parlement voterait d'abord les recettes, avant de se prononcer sur les dépenses, lesquelles devront impérativement entrer dans l'enveloppe fixée : vous ne laissez à la représentation nationale que le pouvoir d'ordonner l'exclusion d'un nombre croissant de personnes de la prise en charge socialisée de leurs dépenses sociales !

Alors même que vous prétendez renforcer les pouvoirs du Parlement, vous verrouillez le cadre de ses interventions. La représentation nationale n'aura d'autre choix que de voter un niveau de dépenses de sécurité sociale conforme aux recettes, et par conséquent tributaire des impératifs économiques et budgétaires français et européens.

En fait, pour faire un parallèle avec le Traité constitutionnel européen, on pourrait dire sans trop exagérer que cette loi organique « constitutionnalise » la politique de restriction de l'offre de soins qui est menée depuis plus de vingt ans en France, pourtant sans succès au regard de ses ambitions déclarées.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Et depuis vingt ans, vous n'avez pas été au pouvoir ?

M. Maxime Gremetz. Ces choix auront des conséquences incalculables pour nos concitoyens, car, en procédant ainsi, vous ouvrez plus encore que vous ne l'avez déjà fait l'été dernier, un boulevard aux acteurs privés de la couverture sociale, avides de prendre leur part d'un marché au potentiel financier supérieur à celui de l'État : 350 milliards, quel gâteau !

Déjà présents dans l'institution que vous avez créée l'été dernier, ils participent aux décisions de l'UNCAM. Sans aucun doute, ils sauront saisir l'opportunité d'absorber les exclus solvables de notre système de couverture sociale. Rappelons, pour concrétiser l'ampleur de l'enjeu, qu'il s'agit d'un marché potentiel de près de 350 milliards d'euros : on comprend mieux alors les impatiences des requins de la finance !

En somme, ce projet de loi, présenté comme une amélioration rationnelle de la gestion de la sécurité sociale, n'apporte ni transparence, ni efficacité ; il accentue au contraire la logique comptable, la mainmise étatique sur la sécurité sociale et finit d'installer toutes les conditions préalables à la privatisation de la protection sociale. À coup sûr, ce sont les assurés sociaux qui en feront les frais, s'ils s'en laissent compter...

En l'état, nous ne pourrons donc que voter contre un tel projet de loi, en regrettant de surcroît que la commission n'ait pas fait l'effort de retenir un seul de nos amendements.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Encore eût-il fallu qu'ils soient présentés !

M. Maxime Gremetz. Allons donc ! Dormiez-vous lorsque Mme Fraysse et moi-même les avons défendus ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour vingt minutes.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 1996, les lois de financement de la sécurité sociale ont fait leur apparition dans le débat parlementaire. Cet outil législatif a permis de placer le pilotage financier de la sécurité sociale au cœur du débat public.

Cependant, force est de constater que le cadre organique des lois de financement a désormais atteint ses limites, qu'elles soient de forme ou de fond, de procédure ou de contenu. Une nouvelle étape est donc aujourd'hui nécessaire pour rénover le cadre organique, moderniser le pilotage des comptes sociaux grâce à l'instauration de mécanismes de nature à renforcer la crédibilité et la lisibilité des lois de financement de la sécurité sociale.

Il y a quelques mois, nous avons débattu du neuvième et dernier PLFSS examiné dans le cadre de la loi de 1996 et vous nous aviez annoncé, monsieur le secrétaire d'État, une nouvelle loi organique tendant à rejeter la maîtrise comptable, à inscrire le budget de la sécurité sociale dans un cadre pluriannuel, à organiser un vote par branche, à rechercher l'équilibre entre les différents régimes, à fixer des objectifs clairs et à évaluer les résultats de cette politique.

Vous avez considéré qu'il fallait aller plus loin et utiliser la garantie qu'offre la loi organique. Ce dernier objectif s'inscrit dans le prolongement du principe de compensation posé depuis le plan Veil de 1994. Vous n'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'État, que nombre de parlementaires, issus de tous les bancs, sont très attachés cet objectif. D'autant que la loi du 13 août 2004, dans son article 70, consacre le principe de la compensation intégrale par l'État des pertes de recettes subies par la sécurité sociale.

Chacun comprendra en effet que l'absence de compensation par le budget de l'État des exonérations de cotisations sociales supportées par la sécurité sociale ait pour effet une fausse transparence des comptes de l'assurance maladie.

Vous entendez donner plus de cohérence, de crédibilité et de sens aux lois de financement de la sécurité sociale. Il nous paraît donc éminemment responsable de ne pas court-circuiter cette question et de soutenir l'annexe novatrice, qui inscrit le bilan des mesures de réduction et d'exonération des cotisations ou contributions.

Avec ce texte, vous entendez également donner davantage d'efficacité aux lois de financement de la sécurité sociale, en engageant le débat parlementaire dans une logique « objectifs-résultats »...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. ...et, à l'instar de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, cette motivation repose sur un document informatif annexé.

Ce dernier présentera les programmes de qualité et d'efficience de la politique de sécurité sociale pour chacune des branches et permettra de compléter notre information sur l'état sanitaire du pays, comme sur les besoins de santé publique en matière d'assurance maladie.

Abordons maintenant la question de l'ONDAM, toujours voté et non respecté, avec une difficulté et une impossibilité à préciser sa réelle déclinaison dans des domaines aussi différents les uns que les autres. Les orateurs précédents ont évoqué le rapport Coulomb. Je m'y attarderai un instant. Ce rapport de 2003 dédié à l'ONDAM est fort instructif et parlant. Il observe que le fait que l'objectif ne soit jamais respecté a plusieurs conséquences : ceux qui le proposent comme ceux qui le votent sont décrédibilisés, tandis que les professionnels de santé sont sceptiques quant à la nécessité de respecter l'engagement de maîtrise qui leur est recommandé.

La détermination de cet ONDAM selon des critères médicaux est une aspiration légitime, partagée sur tous les bancs de cet hémicycle, mais aussi, j'en suis persuadé, par tous les acteurs de terrain auprès des citoyens, qu'ils soient ou non des malades.

Qui dit maîtrise médicalisée, dit objectif médicalisé, et le rapport Coulomb a ciblé des déterminants structurels que je rappelle brièvement : l'environnement, la croissance économique, le vieillissement de la population et le progrès technologique.

Enfin, il est satisfaisant de prendre connaissance de l'instauration de sous-objectifs détaillés - véritable déclinaison de l'ONDAM - qui permettent de distinguer les grands postes de charges, qui renforcent la définition et surtout la médicalisation de cet ONDAM, tant attendue par les parlementaires, mais aussi par les observateurs du monde de la santé.

Monsieur le secrétaire d'État, je gage qu'une analyse évolutive d'un ONDAM décliné permettra certainement d'en accepter l'opposabilité en cas de variation anormale de l'un des sous-objectifs. Et je ne suis pas partisan de restreindre à l'excès le nombre de ces sous-objectifs.

Sans aller jusqu'à décliner un catalogue comme certains le souhaitaient, il me semble raisonnable de retenir au moins cinq sous-objectifs, car il est important et intéressant de décliner au moins les soins de ville, l'hospitalisation publique, l'hospitalisation privée, le médico-social des personnes handicapées et le médico-social des personnes âgées.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela paraît sage.

M. Jean-Pierre Door. L'examen par le Parlement d'une annexe relative aux sous-objectifs au sein de l'enveloppe globale de l'ONDAM signe par là même un changement radical d'orientation, puisqu'il confirme sans aucun doute la maîtrise médicalisée tant attendue et voulue par notre majorité.

Mais, on le comprend aisément, ces facteurs structurels déjà annoncés - l'environnement, le vieillissement de la population, les progrès techniques - ont en commun de ne pas pouvoir être efficacement réactifs à court terme sur l'évolution des dépenses. D'autre part, ils sont très peu dépendants de la responsabilité des seuls professionnels de santé.

Aussi le rapport Coulomb a-t-il mis en relief des leviers d'action qui ont tous été inscrits par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, et par votre majorité dans la loi de réforme de l'assurance maladie du 13 août dernier : la coordination des soins, la responsabilité de tous les acteurs et l'évaluation des pratiques professionnelles et des prestations. Quelques mois après leur mise en action, ces outils donnent déjà des premiers résultats très positifs sur la maîtrise des dépenses.

Deux autres questions étaient posées : l'ONDAM doit-il avoir un caractère annuel ou pluriannuel ? Quelle opposabilité pourrait-elle être retenue ?

Avec ce texte, vous donnez très logiquement une dimension pluriannuelle aux lois de financement de la sécurité sociale. Les perspectives financières seront basées sur quatre années, pour tenir compte du contexte économique général. Notre collègue Yves Bur a formulé, à cet égard, une proposition intéressante et qui mérite réflexion, dont nous débattrons lors de l'examen des amendements.

II est certain que cet ONDAM médicalisé dépendra de l'étude épidémiologique, de l'analyse de la santé de notre population et de l'apparition de nouveaux risques et de nouvelles techniques diagnostiques ou thérapeutiques. D'autres annexes sont inscrites dans ce texte et la révision de la liste de ces annexes jointes au projet permettra certainement d'améliorer l'information transmise au Parlement, rendant alors plus efficace le contrôle parlementaire.

Combien de fois n'avons-nous pas entendu que les débats sur les précédentes annexes des PLFSS passés n'avaient aucune valeur normative ? Ce n'étaient, en somme, que des propositions « virtualisées » ou virtuelles. D'ailleurs, Charles Descours, en 200l, appelait lui-même de ses vœux une plus grande clarté de ces annexes, qui devaient aussi être plus opérationnelles, car elles n'avaient, selon lui, pas rempli leurs objectifs.

L'article 2 vise donc à réviser le contenu et la forme des annexes, pour les rendre pleinement pertinentes. Elles pourront aussi - et c'est un grand progrès - être amendées lors des futurs débats, comme beaucoup d'entre nous l'avaient réclamé.

En conclusion, ce texte certes très technique est important, puisqu'il est attendu et réclamé depuis la loi d'août 2004. Il propose une structure plus claire, des comptes mieux établis qui embrassent la globalité des régimes de sécurité sociale - et non plus seulement les caisses de plus de 20 000 cotisants - et de nouveaux pouvoirs parlementaires de contrôle et de suivi. Je note aussi avec satisfaction la pluriannualité, solution de gestion en très net progrès.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Door. Ce texte apporte, enfin, plus de lisibilité et de sincérité.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, comme vous vous en doutez, le groupe UMP vous suit et votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour dix minutes.

M. Jean-Michel Dubernard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui un texte que je considère comme la troisième grande réforme du gouvernement de Jean Pierre Raffarin concernant la protection sociale des Français. Ce projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale est au moins aussi important que ceux qui portaient sur les retraites, en 2003, ou sur l'assurance maladie, en 2004. Il constitue un aspect essentiel de la question dite de la « gouvernance » de la sécurité sociale.

Au lendemain de la révision constitutionnelle du 22 février 1996 et avec l'instauration de lois de financement de la sécurité sociale, notre pays s'est - enfin - doté d'un outil d'orientation et de contrôle permanent des recettes et des dépenses de la protection sociale.

Le contrôle du Parlement en matière de finances sociales apparaissait à la fois comme une nécessité démocratique et comme la condition de l'instauration d'un équilibre durable de notre système de protection sociale. C'est donc une nouvelle étape que nous franchissons aujourd'hui pour atteindre cet objectif. De fait, seuls les élus du peuple disposent, dans notre esprit, de la légitimité permettant d'arbitrer sereinement entre les exigences de protection sociale de nos concitoyens et les contraintes économiques et financières qui s'imposent à tous.

Cette évolution n'allait pas de soi,...

M. Michel Bouvard. Non !

M. Jean-Michel Dubernard. ...bien que les sommes en cause soient supérieures à celles inscrites au budget de l'État, messieurs les membres de la commission des finances.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard. Des obstacles d'ordre politique et technique s'opposaient à l'instauration de pratiques nouvelles pour le pilotage des finances sociales.

Obstacles d'ordre politique, car les partenaires sociaux pouvaient faire valoir que, malgré l'échec de la réforme introduite par les ordonnances Jeanneney de 1967, ils conservaient la compétence de veiller à l'équilibre final des différentes branches de la sécurité sociale. On a ainsi beaucoup reproché au plan Juppé d'être le premier pas vers une étatisation du système de santé.

Obstacles d'ordre technique, parce que, bien qu'en chantier depuis le début des années quatre-vingt-dix, la comptabilité des organismes de sécurité sociale demeurait encore hétérogène et imprécise. Il paraissait difficile de demander au Parlement de se prononcer sur des agrégats comptables sujets à caution.

Avec le recul, nous pouvons affirmer que cette réforme de 1996 a eu l'immense vertu de remettre le Parlement au centre des véritables choix démocratiques.

Le dispositif actuel n'en présente pas moins des limites. Nous sommes nombreux à considérer qu'en matière de finances sociales, le Parlement n'exerce toujours pas la mission de contrôle qui lui incombe dans des démocraties mieux assurées que la nôtre. Notre système de financement reste peu lisible. Je citerai une fois encore les conclusions de l'audit réalisé par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse en 2002. Le verdict de ces deux magistrats de la Cour des comptes sur ce point était sans appel : « L'obscurité de cet inextricable dédale pose un problème général d'efficacité publique » et oppose « un sérieux obstacle à l'efficacité de notre système social ». « Sans doute serait-il futile et un peu naïf de croire que l'organisation de la sécurité sociale pourrait être simple. Mais il y a des limites au-delà desquelles l'excès de complexité de l'outil nuit aux fins qu'il sert. »

M. Michel Bouvard. Excellent rapport !

M. Jean-Michel Dubernard. Nous avions besoin de nouvelles procédures : le projet de loi organique, adopté par le Sénat en première lecture le 24 mars dernier, procède à de substantielles améliorations du cadre organique. Il s'agit en effet, et d'abord, de sortir le PLFSS de l'annualité dans laquelle il est enfermé et d'inscrire le budget de la sécurité sociale dans un cadre pluriannuel. Cela suppose un examen des exercices passés, mais aussi une mise en perspective de la recherche de l'équilibre qui tienne compte du cycle économique dans lequel la sécurité sociale évolue.

Il s'agit ensuite de consacrer le principe du vote par branche, de permettre un débat sur les différentes composantes de l'ONDAM, d'avoir une vision claire des moyens affectés à l'hôpital, à la médecine de ville ou au secteur médico-social, et de déterminer cet ONDAM sur la base d'une analyse des besoins de santé.

Il s'agit, en troisième lieu, de voir élargie la portée des lois de financement grâce à l'intégration des fonds qui participent au financement de la sécurité sociale.

Il s'agit enfin, dans une démarche comparable à celle qui a guidé la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, de fixer des objectifs à la politique de sécurité sociale et d'instaurer l'évaluation des résultats de cette politique et la certification des comptes par la Cour des comptes.

En effet, le présent projet de loi a été conçu en s'inspirant autant que possible des nouveautés introduites par la loi de 2001. Il consiste en l'introduction d'une démarche adaptée d'« objectifs/résultats ». Comme vous l'avez clairement indiqué, monsieur le secrétaire d'État, cette réforme nous permettra de répondre clairement à trois questions que se posent nos concitoyens : À quoi servent les 350 milliards d'euros consacrés à la sécurité sociale ? Quels sont les objectifs que nous nous fixons ? Les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des objectifs préalablement fixés ? Oui, monsieur le secrétaire d'État, les députés, qui se posent les mêmes questions et essaient d'y apporter des réponses, vous suivent dans votre démarche.

Poser le problème de la dépense sociale n'équivaut pas forcément à poser la question de son montant. Les facteurs d'alourdissement de la « ponction sociale » sont bien connus et nous ont été rappelés à de nombreuses reprises aujourd'hui : vieillissement de la population, progrès médical, apparition de nouvelles pathologies... La question intéressante est avant tout et surtout celle de son utilité : cette dépense est-elle efficace ? Surtout, est-elle équitable ? Joue-t-elle encore pleinement son rôle dans la protection des individus et la réduction des inégalités ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard. Nous avons une double responsabilité à assumer : vis-à-vis de tous les citoyens qui, par les prélèvements opérés, nous permettent d'agir, mais surtout vis-à-vis de tous ceux qui ont besoin d'être protégés, pour lesquels et au nom desquels nous mobilisons des moyens importants. Cette responsabilité est d'autant plus forte que nous faisons face à une formidable « demande de sécurité » de la part de nos concitoyens.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Eh oui !

M. Jean-Michel Dubernard. La République ne s'incarne pas seulement dans la solidarité : elle requiert aussi une exigence de transparence et de contrôle des pouvoirs et des fonds publics par les citoyens et leurs représentants. Les élus ne seront crédibles que s'ils restaurent la lisibilité. Le propre de l'obscurité est toujours d'aggraver les problèmes en retardant les solutions.

C'est cette évidence qui nous a conduits, à l'occasion du PLFSS 2003, à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, puis, deux ans plus tard, une mission d'évaluation et de contrôle chargée de l'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, dont les travaux sont appréciés sur tous les bancs de cet hémicycle.

C'est cette même évidence qui a inspiré nos travaux en commission sur le présent projet de loi. Les commissaires des affaires culturelles familiales et sociales ont, pour l'essentiel, veillé à renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement, avec par exemple la possibilité de prévoir le dépôt d'annexes supplémentaires dans des délais resserrés, la possibilité d'obtenir du Gouvernement des informations sur des mesures réglementaires ayant un impact financier sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses, de meilleurs délais de réponse aux questionnaires budgétaires, l'obligation de réponse aux questions d'une mission d'évaluation et de contrôle, des délais de réponse aux observations de la MECSS.

Nous nous réjouissons aujourd'hui d'adopter une nouvelle loi organique porteuse d'une nouvelle génération de lois de financement de la sécurité sociale. Le texte que nous examinons ouvre quelques grandes perspectives.

J'aimerais, pour conclure, rendre hommage à un grand absent, à une figure du monde de la sécurité sociale disparue brutalement l'été dernier : Jean Marmot, président de chambre à la Cour des comptes et ancien secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale nous a quittés le 6 juillet 2004. Beaucoup d'entre nous, qui l'ont « pratiqué », ont profité de son expertise et se souviennent de l'œil toujours amusé de ce grand commis de l'État. Il avait eu, des années durant, la redoutable tâche de faire la vérité sur les finances de la sécurité sociale - l'institution la plus chère aux yeux des Français. Lors des auditions du groupe de travail sénatorial sur les lois de financement de la sécurité sociale, en 1999, il avait jugé prématurée toute remise en cause de la loi organique régissant les lois de finances et avait formulé le vœu que la refonte du système mis en place en 1996 ne soit envisagée qu'après une dizaine d'années d'exercice. De 1996 à 2006, nous aurons donc scrupuleusement respecté les préconisations de Jean Marmot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut, pour dix minutes.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après les réformes majeures concernant les retraites, l'assurance maladie, les personnes handicapées, la solidarité, les personnes âgées, qui viennent d'être très bien rappelées par Jean-Michel Dubernard, ce nouveau rendez-vous a trait aux lois de financement de la sécurité sociale.

Depuis la loi organique du 22 juillet 1996, votée, il faut le rappeler, à l'initiative d'Alain Juppé, le Parlement est appelé chaque automne à connaître de l'ensemble de la politique de sécurité sociale. J'ai personnellement mesuré le rôle de notre Assemblée, en tant que rapporteur, avec plusieurs de nos collègues, du PLFSS 2005 ; mais j'ai pu également constater à cette occasion ses limites, voire son impuissance, face à des comptes peu lisibles et au maquis des différents régimes.

Cette réforme de 1996 a permis une avancée constitutionnelle considérable puisqu'elle a introduit dans notre droit les lois de financement de la sécurité sociale. La réflexion et le débat se sont poursuivis dans cet hémicycle pendant ces neuf années, nourris des apports successifs de chacun sur l'ensemble de ces bancs.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que nous allons célébrer en octobre prochain les soixante ans de cette institution majeure au service des Français, qui y sont très attachés, une réforme était nécessaire, et vous avez le courage d'en prendre l'initiative.

À cette tribune même, le 26 octobre dernier, je plaidais pour une mise à plat de cet enchevêtrement de flux financiers, « tuyauteries » qui ne paraissent claires et compréhensibles qu'aux seuls initiés. II faut donc incontestablement de la transparence. Notre système de sécurité sociale est globalement hétérogène : l'exigence d'une clarification est un défi urgent auquel nous devons nous atteler. Le schéma des flux de financement suffit à montrer la complexité des liens entre les différentes branches et les multiples structures.

Je suis pour ma part convaincu que ces lois de financement de la sécurité sociale, parce que celle-ci est le bien commun de tous les Français, doivent avoir un caractère plus pédagogique. On reproche souvent aux lois de financement leur manque de lisibilité, dû notamment à cette frontière stérile entre, d'un côté, les recettes et, de l'autre, les objectifs de dépenses. Si jusqu'ici les lois de financement n'obéissaient pas suffisamment aux principes démocratiques, cette réforme nous permettra de satisfaire trois exigences : celle d'un débat politique portant sur les orientations et les mises en œuvre ; celle d'une vision claire des comptes ; enfin, celle d'une vision prospective des actions et de l'équilibre de la sécurité sociale. Le débat parlementaire doit être l'occasion de faire de véritables choix.

Alors que jusqu'à présent le vote global de l'ONDAM n'a pas été satisfaisant, il sera désormais plus significatif, puisqu'on pourra connaître quels moyens seront affectés à la médecine de ville, à l'hôpital ou au secteur médico-social. II est en effet absurde de voter d'un côté un ONDAM et de l'autre un objectif de branche alors que leurs champs ne coïncident pas. Avouons-le : voter des recettes et des dépenses dans des périmètres différents a quelque chose de surréaliste.

Une analyse précise des besoins sera ainsi mise en œuvre, loin de ce qui a trop longtemps prévalu, à savoir la reconduction quasiment tacite des moyens d'une année sur l'autre. L'introduction de sous-objectifs permettra au Parlement de se prononcer précisément sur la répartition des enveloppes, par exemple entre l'hospitalisation et les soins ambulatoires.

Un comité d'alerte en cas de dépassement significatif de l'ONDAM a été créé dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Comme l'a si bien dit cet après-midi notre collègue Warsmann, ces objectifs de dépense doivent être fixés de la manière la plus sérieuse possible.

Alors que je soulignais ici même il y a quelques mois, en tant que rapporteur du PLFSS, que l'ONDAM était un concept largement décrédibilisé du fait que son dépassement n'entraînait aucune conséquence particulière, l'idée sous-jacente d'un possible « bricolage » de l'ONDAM a longtemps aggravé la confusion entre les objectifs de branche et l'ONDAM en tant que tel.

Face à cela, monsieur le secrétaire d'État, et face à tous les déficits tendanciels, d'autant plus inquiétants qu'ils semblaient jusqu'ici inéluctables, vous avez su réagir, et on ne peut que se réjouir des premiers éléments des comptes du régime général, qu'avec M. Philippe Douste-Blazy vous nous avez annoncés le 6 avril dernier, et qui montrent une amélioration au regard des prévisions de la commission des comptes de septembre 2004.

Alors, mes chers collègues, que nous souhaitons que le rôle de contrôle du Parlement soit renforcé, ce projet de loi organique va justement dans ce sens. Afin de mettre fin à la complexité de notre système, la commission des affaires sociales avait déjà adopté, lors de la discussion du PLFSS, des amendements visant à améliorer l'information du Parlement et à favoriser l'exercice de sa mission de contrôle. C'est en effet à nous, parlementaires, qu'il incombe d'effectuer ce travail de contrôle. La réforme de l'assurance maladie a d'ores et déjà permis la mise en place de la mission d'évaluation et de contrôle des comptes de la sécurité sociale, la MECSS, coprésidée par la majorité et l'opposition, qui est un outil indispensable pour l'information parlementaire, et dont il faut saluer la qualité du travail.

La nouvelle architecture que propose le projet de loi organique est une source de clarté et d'efficacité : une première partie sera exclusivement consacrée aux recettes et une seconde aux dépenses. Les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale ont veillé à ce que la loi de financement de la sécurité sociale soit organisée en quatre parties, consacrées au règlement de l'année passée, à la rectification de l'année passée, ainsi qu'aux recettes et aux dépenses de l'année suivante.

Le vote des recettes par branche donnera une plus grande signification aux lois de financement de la sécurité sociale. Les parlementaires se verront offrir la possibilité de débattre sur le solde des différents régimes et de voter les différents tableaux d'équilibre. Rappelons toutefois que le PLFSS n'est pas et ne saurait être une loi de finances de la sécurité sociale, puisqu'il ne comporte que des données chiffrées.

L'objectif d'un renforcement du contrôle du Parlement doit demeurer la priorité. II est à ce propos logique et normal que le Gouvernement nous informe en cours d'année de l'impact des mesures réglementaires susceptibles de modifier substantiellement l'équilibre des recettes et des dépenses.

De même, il est légitime que la représentation nationale soit tenue informée, à deux reprises dans l'année, du montant de la dette courante de l'État à l'égard des régimes de sécurité sociale : celui-ci doit être en effet responsabilisé, au même titre que les professionnels de la santé ou les assurés sociaux.

Notre débat devra aussi porter sur la situation de certains fonds, que je veux évoquer de manière rapide. La multiplication des fonds et des financements croisés sont à l'évidence une source supplémentaire de complexité. Alors que la loi du 25 juillet 2004 a posé comme principe l'objectif d'équilibre de l'ensemble des branches du régime général, la situation de certains fonds est une source permanente d'inquiétudes. Ici même, il y a quelques mois, j'alertais l'Assemblée sur la situation du fonds de solidarité vieillesse, dont le conseil de surveillance ne se réunit même plus. Son déficit cumulé avoisine les 5,6 milliards d'euros et les perspectives d'évolution ne sont pas bonnes.

J'évoquais ici même également le déficit préoccupant du BAPSA et son intégration au sein du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA. J'ai appris il y a quelques jours l'installation par le ministre de l'agriculture, le 12 mai prochain, du comité de surveillance de l'établissement de gestion de ce fonds : nous ne pouvons que nous en réjouir, puisque son rapport annuel permettra à nos deux assemblées d'être pleinement informées.

Le Gouvernement a donné hier le coup d'envoi de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. Cette caisse sera placée sous le contrôle du Parlement et de la Cour des comptes. Le Premier ministre a affirmé qu'il ne s'agissait pas d'un simple fonds de financement - neuf milliards d'euros seront apportés entre 2004 et 2008 - mais d'une véritable caisse de protection sociale.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien, monsieur Perrut !

M. Bernard Perrut. Désormais c'est l'examen de l'ensemble des régimes de base et des difficultés qu'ils connaissent qui sera possible, sans qu'il faille attendre qu'une disposition législative spécifique nous permette de nous pencher sur les conditions de leur équilibre : la transparence est en marche, et c'est cela l'esprit de la loi.

On a déjà dit ici même combien la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale permettait trop souvent d'éluder le débat et de ne pas répondre aux vraies questions. Quid par exemple - c'est une question souvent posée - du maintien des droits sur les tabacs ou les alcools au sein du premier, alors que leur place est au sein du second ?

Je veux aussi souligner combien le cadrage pluriannuel des prévisions financières est une avancée car il était infructueux de ne pas pouvoir se prononcer au-delà d'un horizon d'un an.

Ce projet tend à répondre aux demandes du monde de la santé en fixant les perspectives de recettes et de dépenses sur un échéancier de quatre ans. Nous sommes tous attachés à la maîtrise médicalisée, et ce format s'inscrit dans la logique de la loi du 4 août 2004.

Il faut souligner aussi le travail de la Cour des comptes, la rigueur et l'objectivité dont elle fait toujours preuve dans ces constats. Son rapport annuel, toujours très attendu, ne doit pas être un simple inventaire, qualitatif et quantitatif, de notre système de santé. C'est pourquoi la certification des comptes du régime général et le contrôle des tableaux par la Cour des comptes vont dans le bon sens. La disposition relative aux « objectifs/résultats » traduit une démarche aussi innovante que spectaculaire : face à chaque objectif seront placés les moyens mis en œuvre pour sa réalisation. Ainsi, face à l'objectif d'égalité d'accès aux soins ou à celui concernant le niveau de vie des retraités figureront les moyens correspondants et nécessaires à leur réalisation.

Soyons en convaincus : nous n'assistons pas la mise en place de la maîtrise comptable, mais d'outils efficaces propres à assurer un meilleur pilotage de notre système de santé. À la facilité, le Gouvernement a préféré la responsabilité.

En ce qui concerne la dette, je partage tout à fait l'idée selon laquelle la CADES ne doit pas être seulement la « banque » de notre système de santé. Si sa durée de vie a été prolongée de cinq ans, de 2009 à 2014, il ne faudrait pas pour autant que cet organisme s'institutionnalise durablement.

Il est nécessaire que les parlementaires connaissent précisément le solde des comptes de la CADES, afin qu'ils puissent se prononcer sur l'ensemble des comptes sociaux. Dans ce domaine tout particulièrement, un contrôle parlementaire a posteriori est plus que nécessaire.

De même, mes chers collègues, si l'on souhaite une clarification des rapports financiers entre l'État et la sécurité sociale, n'est-il pas nécessaire d'inscrire dans la loi organique le principe de la compensation des exonérations de cotisations sociales, conformément aux dispositions de la loi de 1994 ? M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille s'y était d'ailleurs engagé, semble-t-il. Cela aurait pour conséquence de rendre cette compensation immédiate et intégrale, comme l'a rappelé notre collègue Bardet dans son rapport.

Quant au débat sur la réforme des cotisations patronales, comme je le soulignais dans mon rapport sur le PLFSS, il demeure d'actualité mais n'a pas généré jusqu'ici le consensus. Cette thématique est intéressante, mais il faut convenir que le retour de la croissance ne suffira pas à lui seul à endiguer le déficit structurel de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, je voudrais dire en conclusion combien ce projet de loi organique s'avère particulièrement ambitieux. L'histoire rappellera que ce furent deux gouvernements soutenus par notre majorité, celui d'Alain Juppé en 1996 et celui de Jean-Pierre Raffarin en 2005, qui auront permis de mettre un terme définitif à la débâcle des comptes sociaux,...

M. Maxime Gremetz. Vous vous engagez beaucoup !

M. Bernard Perrut. ...ou tout du moins qui prirent les mesures nécessaires pour y parvenir. Aujourd'hui, c'est l'ensemble des branches qui oscillent autour de l'équilibre, alors que sous l'ancienne majorité les flux de recettes circulaient de la sécurité sociale vers le FOREC, pour financer les 35 heures ! On ne peut pas dire que cela révélait un souci de clarté et de transparence, qui doivent pourtant être nos objectifs. Je souhaite qu'on puisse apporter des réponses précises à nos concitoyens qui veulent savoir à quoi servent les 350 milliards d'euros de la sécurité sociale. On ne peut pas vouloir les responsabiliser sans leur donner toutes les précisions qu'ils demandent. La simplification de notre système est toujours d'actualité.

N'oublions pas que l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique ». Je formule par conséquent le souhait que ce texte fondamental puisse être adopté dans la sérénité, car cette loi organique permettra au Parlement de travailler efficacement et dans de meilleures conditions.

Pour conclure, mes chers collègues,...

M. Maxime Gremetz. Encore ! Vous avez déjà conclu ! Et la présidente ne dit rien...

Mme la présidente. Je vous ai laissé parler bien plus longtemps, monsieur Gremetz !

M. Bernard Perrut. ...ayons à cœur de rendre concrets les principes d'humanité, de liberté et de solidarité qui nous guident, et qui ont inspiré la politique de l'actuel gouvernement en matière de santé ; ayons à cœur qu'ils continuent à inspirer cette Assemblée au cours des prochaines années. Je suis convaincu, mes chers collègues, que c'est précisément ce que cette loi nous permettra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Avant de donner la parole à monsieur le secrétaire d'État, je voudrais indiquer exactement la durée des interventions que nous avons entendues.

Monsieur Gremetz, vous avez parlé quinze minutes, monsieur Préel quatorze minutes, monsieur Door neuf minutes, et monsieur Perrut quatorze minutes.

Les dépassements des temps de parole impartis ont donc été multiples.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, au moment où s'achève la discussion générale, je tiens à saluer le travail accompli par la commission des lois, dont le rôle est essentiel dans l'examen d'une loi organique, et l'implication personnelle de son rapporteur, qui fut exemplaire. Certes, les dispositions régissant les lois de financement de la sécurité sociale peuvent paraître complexes à des observateurs extérieurs, mais - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur - c'est de l'avenir de notre protection sociale et de la pérennité d'un système de santé auquel nous sommes tous attachés qu'il s'agit. Ce texte ne relève donc pas d'un débat d'experts, il est au cœur d'un véritable sujet de société.

Ainsi que vous l'avez remarqué, monsieur le rapporteur, les perspectives de l'équilibre seront désormais appréciées dans un cadre pluriannuel. Naturellement, le projet de loi qui vous est soumis est perfectible et le Gouvernement, qui aborde le débat parlementaire de manière très ouverte, compte bien profiter de la réflexion approfondie que vous avez menée avec la commission des lois. Vous avez ainsi proposé de clarifier la présentation en la structurant en quatre parties distinguant les dispositions relatives à l'exercice clos, celles rectifiant les mesures concernant l'exercice en cours, celles relatives aux recettes ainsi que les tableaux d'équilibre de l'exercice à venir et, enfin, celles relatives aux objectifs de dépenses. Les conséquences des exercices clos peuvent également être plus clairement tirées, notamment en prévoyant que les modalités de couverture des déficits ou d'affectation des excédents soient explicitement précisées.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. S'agissant de l'exercice à venir, le projet comporte une avancée importante en ce qui concerne le vote de l'ONDAM, puisque le Parlement se prononcera sur des sous-objectifs, mais cette mesure peut être aussi améliorée, notamment en prévoyant le découpage des sous-objectifs que vous appelez de vos vœux.

La transparence des relations financières entre l'État et la sécurité sociale peut également être renforcée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Du reste, le Gouvernement y est particulièrement attaché puisque, après des années de « détournement » ou de « kidnapping » des recettes de la sécurité sociale, notamment entre 1997 et 2002,...

M. Gérard Bapt. Et la loi Borloo ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...il est revenu au principe de la compensation, qu'il a renforcé dans la loi sur l'assurance maladie du 13 août 2004. À cet égard, la transparence qui s'applique aux montants de la compensation peut être étendue à l'état des dettes et des créances.

M. Bur a évoqué, au nom de la commission des finances, trois grands objectifs : une sincérité accrue, une amélioration des conditions dans lesquelles s'exerce le contrôle du Parlement - qui, je le sais, lui tient particulièrement à cœur - et une meilleure articulation entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sachez, monsieur le rapporteur pour avis, que ces priorités sont également celles du Gouvernement. Celui-ci souhaite, en effet, améliorer la transparence des recettes et des charges de la sécurité sociale, intégrer dans le PLFSS l'ensemble des sources de financement, y compris les fonds tels que le FSV et le FRR, et permettre au Parlement de contrôler les conditions dans lesquelles les exonérations de charges sont compensées par l'État.

M. Michel Bouvard. Excellent et indispensable !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des amendements que vous avez déposés à ce sujet.

M. Bardet a eu raison d'indiquer que l'analogie entre les lois de finances et les lois de financement ne pouvait être totale, en raison de différences irréductibles entre les crédits limitatifs de l'État et les crédits évaluatifs de la sécurité sociale. Néanmoins, il convenait de s'inspirer des progrès introduits par la LOLF et d'en accroître la portée en les adaptant aux lois de financement. Ainsi, le Parlement pourra se prononcer sur des soldes à travers des tableaux d'équilibre rapprochant les recettes et les dépenses. En outre, la sincérité de la loi de financement et des comptes des organismes sera améliorée par la certification des comptes par la Cour des comptes et sa crédibilité renforcée par l'inscription des prévisions dans une perspective pluriannuelle sur quatre années.

Par ailleurs, la démarche « objectifs/résultats » sera introduite avec les PQE. Au reste, une telle démarche n'est pas tout à fait nouvelle en ce qui concerne la sécurité sociale, puisqu'elle avait été engagée avec les conventions d'objectif et de gestion, bien avant d'être appliquée à l'État par la LOLF. Vous avez posé la question de l'articulation entre ces conventions et les PQE. Si les champs respectifs des deux exercices sont parfois tangents, ils ne se recoupent pas, et les PQE devront être articulés autour des objectifs de politique de sécurité sociale pour rendre compte de leur conduite et de leurs résultats.

Vous avez évoqué d'autres pistes pour clarifier davantage le projet de loi organique, notamment en prévoyant une structuration en quatre parties. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.

Enfin, vous avez souligné les avancées importantes que comporte le projet de loi en matière de transparence. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'élévation du principe de compensation, mais soyez assuré de notre volonté de garantir son respect, même si certaines contraintes juridiques ne nous ont pas permis d'aller aussi loin que l'auraient souhaité certains parlementaires.

Pascal Terrasse a évoqué le vote de la loi organique de 1996, qui avait ouvert, selon lui, de grands espoirs vite déçus. Il est vrai que le Gouvernement a changé en 1997. Je lui laisse la responsabilité de ses propos, qui relèvent probablement d'un droit ou d'un devoir d'inventaire.

M. Michel Bouvard. C'est une véritable repentance !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je m'étonne également qu'il ait pu évoquer une procédure d'adoption précipitée et sans concertation, alors que Jean-Marie Le Guen nous reproche précisément le contraire. Mais je ne veux pas m'immiscer dans ce débat interne.

Par ailleurs, Pascal Terrasse a parlé d'une logique de moyens, alors que nous nous inscrivons aussi dans une logique de résultat, ainsi que le précise l'article L.O. 111-4.

M. Préel, et je l'en remercie, a bien voulu souligner les progrès que permet ce texte, notamment le vote d'un solde et l'intégration des fonds. Quant aux perspectives pluriannuelles, sur lesquelles j'ai cru comprendre qu'il émettait quelques doutes, il s'agit d'une avancée importante qui permettra d'apprécier l'équilibre sur l'ensemble d'un cycle économique.

Comme je l'ai indiqué, seule une contrainte juridique nous a empêchés d'élever au rang organique le principe de la compensation. Il ne s'agit pas d'un signal négatif, car nous sommes particulièrement attachés à ce principe qui sera appliqué en toute transparence.

M. Préel a qualifié l'ONDAM d'opaque et de surréaliste, mais il faisait certainement allusion à des pratiques que l'on a connues notamment entre 1997 et 2002. En effet, l'association d'autres acteurs à son élaboration nous permettra de disposer d'un ONDAM réaliste et crédible, l'un des enjeux de cette loi organique étant de définir une base fiable et, surtout, respectée. Le Parlement, qui sera désormais invité à voter les sous-objectifs de l'ONDAM, aura de ce dernier une vision plus fine et plus précise.

Je sais que M. Préel, tout comme M. Bur, est attaché à la régionalisation et qu'il propose même d'aller jusqu'à la fongibilité d'enveloppes régionalisées. Dans un système où les acteurs sont multiples et où ceux qui gèrent les enveloppes sont différents, il est difficile d'aller aussi loin. En revanche, le décloisonnement devra être encouragé et généralisé. En outre, il y aura l'étape des agences régionales de santé dans le cadre desquelles des expérimentations pourront être lancées dès le 1er janvier prochain. Nous attendons, avec Philippe Douste-Blazy, les projets que les régions vont nous proposer dans ce domaine. Par ailleurs, je rappelle que les missions régionales de santé sont en place et que certaines d'entre elles ont commencé leurs travaux.

Enfin, la gouvernance de la branche ATMP fait actuellement l'objet d'une réflexion des partenaires sociaux.

Maxime Gremetz, que j'écoute toujours avec beaucoup d'attention, a évoqué 2 milliards d'euros de remboursement en moins. Or je n'ai pas bien compris d'où venait ce chiffre. En 2004, le régime général a bien présenté un déficit de 12 milliards d'euros au lieu de 14 milliards d'euros, mais ce chiffre concerne l'ensemble des régimes. Pour ce qui est de la branche maladie, l'amélioration est de 1,6 milliard d'euros. Celle-ci est due, c'est vrai, à une moindre progression des dépenses, mais consommer moins, ce n'est pas se voir refuser des remboursements ou supporter des déremboursements, lesquels sont absents de la réforme de l'assurance maladie, ainsi que je l'ai dit à Mme Jambu tout à l'heure. En outre, les recettes sociales ont été plus dynamiques que nous ne l'avions prévu, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, même s'il n'est pas question de crier victoire.

Réduire les dépenses inutiles, les gaspillages, les excès, voire les fraudes, ce n'est pas pénaliser les assurés sociaux mais, au contraire, leur donner la garantie que, grâce aux efforts qui leur sont demandés, le système sera mieux organisé.

Quant aux urgences, nous n'avons pas fermé de services. Nous avons, au contraire, renforcé les équipes en leur consacrant 150 millions d'euros en 2004, qui ont permis la création de 2 740 postes, auxquels s'ajoutent 15 millions d'euros qui ont récemment abondé le volet 2005 du plan. Au total, la progression de l'ONDAM pour l'hôpital nous permettra de lui accorder, à la fin de l'année 2005, 1,8 milliard d'euros supplémentaire par rapport à l'année 2004.

Oui, monsieur Gremetz, nous renforçons le rôle du Parlement, et vous ne pouvez qu'être d'accord avec nous sur ce point. L'étatisation que vous avez évoquée relève davantage d'un fantasme récurrent que de la réalité, et en prétendant qu'elle précéderait une privatisation, vous ne faites qu'agiter des peurs. Avec deux réformes d'ampleur, sur les retraites et l'assurance maladie, nous avons sauvegardé le système de sécurité sociale à la française. Vous en aviez rêvé, monsieur Gremetz, nous l'avons fait !

Jean-Pierre Door a bien voulu souligner les avancées contenues dans le projet de loi, qui accroît la portée et renforce la cohérence des lois de financement. Et s'il a critiqué les pratiques de non-compensation qui avaient cours dans le passé, c'est pour mieux se féliciter de la création de l'annexe qui garantira la transparence sur cette question cruciale pour l'autonomie financière.

L'ONDAM sera élaboré de façon plus réaliste et décliné en sous-objectifs. Vous souhaitez que cette déclinaison soit fine et qu'un nombre minimum de sous-objectifs soit fixé, sans pour autant aller trop loin afin de ne pas compliquer le dispositif. Nous aurons, sur ce sujet, un débat intéressant, mais soyez assuré que le Gouvernement souhaite également que le Parlement ait une vision plus détaillée de l'ONDAM.

M. Dubernard, que je remercie pour son soutien, a bien voulu saluer le projet de loi qui vous est soumis comme le troisième pilier des profondes réformes de la sécurité sociale que le Gouvernement a entreprises. Il est, en effet, un élément majeur du pilotage de la sécurité sociale. Comme vous l'avez dit, nous sortons le PLFSS de l'annualité dans laquelle il était enfermé afin d'assurer un vote plus précis par branche et sur l'ONDAM, et nous élargissons son champ aux fonds de financement.

J'ai également été sensible aux propos que vous avez tenus sur la double responsabilité qui est la nôtre : devant tous les citoyens qui contribuent au financement de la sécurité sociale, mais aussi devant tous ceux qui ont besoin des prestations. N'oublions pas la finalité de la protection sociale : c'est sans doute vers ceux-ci qu'il faut en priorité tourner nos regards. Il convient, comme vous le dites, d'allier solidarité et transparence, et c'est ce que va permettre ce projet de loi organique.

Vous avez évoqué le souvenir de Jean Marmot, qui estimait qu'après dix ans, il serait temps de réformer la loi organique sur les lois de financement. Le présent débat nous permet de donner raison à son intuition et d'accomplir son vœu.

Monsieur le député Perrut, si le « bricolage » de l'ONDAM a pu vous inspirer quelques craintes, soyez rassuré, demain il sera plus réaliste et, quelles que soient les majorités à venir, c'est un Parlement mieux informé qui pourra se prononcer en toute connaissance de cause sur la base d'éléments beaucoup plus précis.

Vous avez rappelé que la logique du Gouvernement consiste en une politique de maîtrise médicalisée des dépenses. Cette politique commence à porter ses fruits, et nous avons la conviction que la transparence est en marche. Celle-ci doit nous permettre de réconcilier nos concitoyens avec un Parlement qui, en toute connaissance de cause et en pleine possession de ses moyens, pourra délibérer valablement sur un sujet essentiel - puisqu'il s'agit d'un budget de 350 milliards d'euros par an -, un vrai sujet de société concernant 62 millions de Français, à savoir la santé de ceux-ci et l'avenir de leur système de soins (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La suite de la discussion du projet de loi organique est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Aujourd'hui, mercredi 4 mai 2005, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, n° 2216, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale :

Rapport, n° 2246, de M. Jean-Luc Warsmann, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 2244, de M. Jean Bardet, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2245, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement (1) ;

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 4 mai 2005, à zéro heure trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.