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Deuxième séance du mardi 28 juin 2005

240e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

IMPLANTATION D'ITER À CADARACHE

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le Premier ministre, il y a trois heures à peine, à Moscou, l'Union européenne, le Japon, les États-Unis, la Russie, la Chine et la Corée du Sud ont choisi leur champion pour accueillir le plus grand projet scientifique mondial des trois prochaines décennies : ITER.

M. Maxime Gremetz. Heureusement qu'on a voté non !

M. Bernard Deflesselles. Ce champion, c'est la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est en effet en Provence-Alpes-Côte d'Azur, sur le site de Cadarache, que sera implanté ce futur réacteur,...

M. Maxime Gremetz. Le « non » est porteur !

M. Bernard Deflesselles. ...qui vise à reproduire l'énergie du soleil et qui devrait permettre de répondre aux besoins énergétiques de la planète des prochaines décennies.

Cette victoire - car c'en est une diplomatique, scientifique, économique - est une victoire collective.

M. Maxime Gremetz. Et le peuple ?

M. Bernard Deflesselles. Qu'il me soit permis de saluer ici l'extraordinaire travail effectué par les différentes équipes gouvernementales sous l'autorité du Président de la République, mais aussi par mes collègues parlementaires, en particulier de ceux la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, au premier rang desquels Mme  Joissains-Masini, députée-maire d'Aix, sans oublier notre collègue et ami Pierre Lellouche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comment ne pas saluer de même l'engagement humain et financier de l'ensemble des collectivités locales et territoriales de Provence-Alpes-Côte d'Azur ? Comment ne pas remercier chaleureusement toute la communauté scientifique du CEA qui, par son expertise et sa mobilisation sans faille, a contribué à ce succès ?

Si ce projet est fondamental pour l'Europe et pour la France, il l'est tout autant pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Avec 5 milliards d'euros d'investissements pour la construction sur dix ans, 5 milliards pour son exploitation sur vingt ans, plusieurs milliers d'emplois créés et 3 milliards d'euros de retombées économiques, c'est pour notre région l'aboutissement d'efforts constants et partagés.

Monsieur le Premier ministre, comment, dans un esprit de candidature olympique, comptez-vous transformer ce succès de la France en le mettant au service de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, ne boudons pas notre plaisir :...

M. Maxime Gremetz. Ah non !

M. le Premier ministre. ...ITER à Cadarache, c'est un grand succès pour la France ! Ce succès, vous le savez, a été porté pendant plus de deux ans par le Président de la République, qui se rendra sur place jeudi prochain. Il illustre notre capacité à relever des défis technologiques et scientifiques de haut niveau. Nous l'avons fait dans le domaine aéronautique et spatial, avec Concorde, Ariane, Airbus ; nous le faisons aujourd'hui dans le domaine des énergies nouvelles.

ITER, c'est une garantie de dynamisme, vous l'avez rappelé, monsieur le député, pour toute la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Grâce au partenariat avec les collectivités locales, ce sont près de 4 000 emplois qui seront créés dans cette région.

J'en suis certain, dans la réalisation de ce projet, la France saura se montrer à la hauteur de sa réputation, de son savoir-faire technologique et de sa tradition d'accueil vis-à-vis de l'ensemble des chercheurs du monde entier.

ITER, c'est aussi un succès pour l'Europe - et nous en avons besoin.

M. Pierre Lequiller. Tout à fait !

M. le Premier ministre. Nous venons de montrer que le rassemblement des États européens était la clé du succès. C'est la meilleure façon de mener à bien notre ambition commune : lorsque nous sommes unis, nous avançons.

M. Maxime Gremetz. Pas besoin de Constitution !

M. le Premier ministre. ITER doit servir d'exemple pour d'autres grands projets, tels que Galileo.

ITER, c'est enfin un succès pour toute la communauté internationale. Les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Union européenne se sont tous rassemblés à Moscou pour faire le choix de l'union autour d'un projet qui représente près de 10 milliards d'euros. ITER fait aujourd'hui partie des grands projets du futur pour l'humanité. N'oublions pas que cette énergie du futur est propre et renouvelable et qu'elle économisera les ressources de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RENTRÉE SCOLAIRE 2005

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.

M. Serge Blisko. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale. Ces jours-ci, se tiennent dans les académies les conseils départementaux de l'éducation nationale, à l'occasion desquels les recteurs présentent les mesures de carte scolaire pour la rentrée du mois de septembre prochain. Des milliers de postes sont supprimés : dans des académies comme Lille, ce sont 1 000 postes qui disparaissent ; dans l'académie de Paris, des dizaines de fermetures de classes sont prévues en primaire.

Cette rentrée marquera également la fin du dispositif d'aide aux élèves en difficulté, créé il y a quelques années par Jack Lang : ces lycées qui accueillaient les élèves « décrocheurs » ont vu leurs crédits diminuer fortement depuis 2002, jusqu'à devenir quasiment inexistants pour la prochaine rentrée. Alors que le Gouvernement avait promis de placer au cœur de l'action publique les 60 000 élèves qui sortent chaque année du système sans diplôme et sans qualification, vous supprimez insidieusement les crédits aux structures innovantes qui les accueillaient, comme le lycée Jean Lurçat dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Vous apportez également des restrictions aux dotations horaires globales dans les collèges. Beaucoup d'options particulièrement intéressantes, notamment dans les collèges qui jouent un véritable rôle d'ouverture à la vie sociale et culturelle dans les quartiers en difficulté, sont supprimées.

Le groupe socialiste a demandé officiellement un collectif budgétaire devant cette situation.

M. Lucien Degauchy. Toujours de l'argent !

M. Jean-Paul Anciaux. Toujours plus de moyens !

M. Serge Blisko. Le Gouvernement a choisi d'ignorer cette demande. Maintenez-vous cette position ? Pensez-vous que l'éducation nationale reste aujourd'hui une priorité du Gouvernement ? Êtes-vous certain que votre politique prépare l'avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l'éducation nationale est évidemment une priorité du Gouvernement.

M. Patrick Roy. C'est ce que nous voulons entendre !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est une priorité de la nation et elle le restera parce que c'est le meilleur investissement sur l'avenir.

Pour la rentrée 2005,...

M. Christian Paul. C'est la déroute !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...sont prévus 1 000 postes d'instituteurs supplémentaires, sans compter les redéploiements et les ajustements qui pourront être opérés sur l'ensemble du pays. Nous aurons donc, avec l'aide de la communauté éducative, une bonne rentrée 2005.

L'académie de Paris verra, pour la troisième année consécutive, un renforcement de l'encadrement dans les classes et dans les écoles. Alors que depuis trois ans le nombre des élèves baisse, nous maintenons pourtant les effectifs.

M. Jacques Floch. Et en Corrèze ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les augmentations du nombre d'élèves annoncées par certains doivent être considérées avec prudence. Mais si elles devaient se confirmer, l'académie est prête à les assumer, elle en a les moyens.

M. Maxime Gremetz. Pensez à la Picardie !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le rectorat de Paris vient ainsi de prendre 110 mesures d'ajustement pour tenir compte des évolutions d'effectifs prévisibles et des observations formulées par les élus ou par les parents d'élèves.

Quant à la répartition des effectifs entre arrondissements centraux et arrondissements excentrés, difficiles, les moyens sont au contraire renforcés : quinze classes qui, selon des critères purement mathématiques, auraient dû être fermées seront maintenues ouvertes. C'est vous dire combien nous sommes attentifs aux problèmes scolaires. Et puisque vous parlez du soutien scolaire, c'est l'honneur de la majorité d'avoir voté la réforme qui va enfin apporter un vrai soutien aux élèves en difficulté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR DE LA CHIRURGIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Olivier Jardé, s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

L'UDF s'inquiète de la prise de position de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie relative à l'accès au secteur 2 des chirurgiens. Cette ouverture avait été promise pour le 30 juin de cette année par l'accord signé au mois d'août 2004. Pour la refuser, l'assurance maladie prétexte la nouvelle classification commune des actes médicaux, qui est à ce point inutilisable qu'une nouvelle codification est en cours d'élaboration.

Une telle prise de position est grave parce qu'elle remet en cause la parole donnée. Surtout, elle met en péril l'avenir de la chirurgie, déjà en grande difficulté. Ne nous trompons pas : sans nouveaux espaces de liberté tarifaire, la chirurgie française est condamnée. Rappelons que la chirurgie c'est quinze années d'études après le baccalauréat, des contraintes professionnelles et personnelles majeures et une prise de risque au quotidien. Tous, un jour ou l'autre, nous pouvons avoir besoin d'un chirurgien : celui-ci a droit à une équitable et juste rémunération. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre, et dans quel délai, pour que soit respectée la parole donnée et pour que l'avenir de la chirurgie française soit assuré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, la chirurgie dans notre pays a un avenir et la parole donnée sera bel et bien respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) L'accord du 26 août, qui comportait neuf points, sera intégralement respecté. Signé par les syndicats représentatifs, Philippe Douste-Blazy au nom du Gouvernement et l'assurance maladie, ses différents points obligent toutes les parties.

Si nous croyons à l'avenir de la chirurgie française, c'est parce que nous nous attachons à régler, l'un après l'autre, les problèmes soulevés par l'accord : la responsabilité civile professionnelle, la revalorisation des actes en deux parties, la mise en place d'une nouvelle nomenclature technique correspondant à la juste rémunération de l'acte médical, le relèvement du nombre d'internes de 306 en 2003 à 550 en 2005, ainsi que la question du fameux point numéro 9. Celui-ci traite de la chirurgie de secteur 1, promise à disparaître si nous n'agissons pas. Les chirurgiens du secteur 2 pratiquent des honoraires libres. Or nous entendons faire en sorte que l'égalité d'accès aux soins, telle qu'elle a été rappelée par la Cour de cassation au mois de juin, reste une réalité dans notre pays. Soit on laisse filer, et il n'y aura plus d'égalité d'accès aux soins. Cela nous ne le voulons pas. Soit on met en place, conformément à l'accord, un secteur optionnel chirurgical vraiment attractif pour les chirurgiens du secteur 1 comme pour ceux du secteur 2. En quinze ans, nous sommes passés...

M. Maxime Gremetz. À une médecine à deux vitesses !

M. le ministre de la santé et des solidarités. ...de 63 % à 80 % de chirurgiens exerçant en secteur 2.

Mais il n'y a pas de fatalité en la matière, et nous allons réussir.

J'ai écrit à l'assurance maladie pour lui demander de veiller à ce que l'engagement soit respecté. La chirurgie française aura un avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) !

INSERTION DES JEUNES DES QUARTIERS DIFFICILES

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, le Gouvernement a découvert récemment que le problème majeur de notre société est la situation de non-emploi ou de sous-emploi de six millions de précaires et d'exclus, qu'ils vivent ou non dans des quartiers populaires. C'est cette réalité qui sape, depuis vingt ans, la cohésion sociale.

Cette question fondamentale appelle des réponses responsables. Promettre à l'emporte-pièce, à la suite d'une visite largement médiatisée d'un quartier, quarante emplois à des jeunes d'une cité n'est pas responsable. Cela décrédibilise le travail qu'exercent au quotidien et dans une perspective à long terme à la fois les élus locaux et les services de l'État. C'est un nouveau discrédit porté à l'idée d'État républicain.

En un an, le chômage des moins de vingt-cinq ans a augmenté de 12 % dans les huit villes de la communauté d'agglomération que je préside, qui comprend La Courneuve. Le nombre de demandeurs d'emploi y a augmenté de plus de 2 000 depuis avril 2002, soit un taux de chômage de 16,3 %, au cœur de la région la plus riche d'Europe !

Les quartiers dits difficiles - mais qui, en fait, ont été mis en difficulté - ont besoin d'égalité dans l'accès aux droits, qu'il s'agisse du droit au travail, au logement, aux soins, à l'éducation ou à la culture. Mme Jacquaint vous a interrogé ce matin même, monsieur le ministre, à ce sujet.

Ma question est double.

Comment justifiez-vous vos annonces concernant l'emploi alors que la majorité, après avoir mis fin aux emplois-jeunes, parle de supprimer 5 000 postes de plus dans la fonction publique et demeure impuissante face aux plans de délocalisation et de licenciement qui touchent des milliers de personnes dans le secteur privé ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

Pouvez-vous me confirmer - vous avez évoqué ce point ce matin - que les subventions aux associations qui agissent dans les quartiers en faveur de l'insertion, de la santé, de l'aide aux devoirs et de la culture et qui sont, de fait, créatrices d'emplois, seront maintenues à leur niveau de 2004, alors qu'elles sont aujourd'hui gelées et que d'aucuns affirment qu'elles seront supprimées ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Braouezec, vous avez fait allusion à une visite à La Courneuve qui s'est déroulée à la suite d'un drame particulier.

M. Maxime Gremetz. Non ! Il n'en a pas parlé !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je tiens à vous dire que, s'il est important que l'ordre public soit respecté dans ce pays, il l'est tout autant que le respect à l'égard des quartiers et des cités de banlieue soit total. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce gouvernement, monsieur Braouezec, a démontré et continue à démontrer qu'il a du respect et de l'affection pour les quartiers dits en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Je me permets de rappeler, monsieur le député, que le programme de rénovation urbaine des quartiers a commencé par celui de La Courneuve : 240 millions d'euros ont été mobilisés pour refaire enfin la barre Balzac - ces quartiers ont, en effet, été, avouons-le, quelque peu délaissés pendant vingt ans - et 1,5 milliard d'euros sont prévus pour la seule agglomération de Plaine Commune. La décision financière finale doit intervenir le 4 juillet prochain.

La rénovation de l'habitat ne suffit pas. Il faut prendre en compte les hommes et, au premier chef, les plus jeunes. Vous savez que le Premier ministre a décidé que tout jeune demandeur d'emploi de ces quartiers comme du reste du pays serait reçu par l'ANPE (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) de manière rapide et privilégiée. Chacun de ces 57 000 jeunes se verra proposer un contrat d'apprentissage public ou privé, un contrat de professionnalisation - pour les 16-24 ans - ou un contrat d'accompagnement vers l'emploi,...

M. Jacques Desallangre. On va voir !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...le Premier ministre ayant libéré 100 000 contrats sur l'ensemble du territoire national. C'est un sujet majeur.

Quant aux aides aux associations, elles ne sont évidemment pas gelées, même si d'aucuns ont intérêt à le prétendre.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si, elles sont gelées !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. C'est au contraire cette majorité qui a voté une révolution des financements locaux. La ville de La Courneuve a touché cette année 1,3 million d'euros de plus et les finances locales au titre de la DSU augmenteront de 300 % dans les quatre ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
A UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation du groupe parlementaire d'amitié Laos-France conduite par son président.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président. Nous reprenons les questions au Gouvernement.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe UMP.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dans quelques jours, notre pays va connaître les grandes migrations estivales habituelles, qui sont aussi, malheureusement, la période où l'on déplore le plus grand nombre de victimes sur la route.

Sur des sujets aussi sensibles que la récidive, vous avez montré qu'il était fondamental de replacer systématiquement les victimes au centre de nos préoccupations. Cette priorité réaffirmée en faveur des victimes inspire d'ailleurs largement les directives générales que vous venez de donner en matière de lutte contre l'insécurité. Pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer à la représentation nationale les orientations que vous allez prescrire aux policiers et aux gendarmes pour faire face efficacement au risque routier, notamment en période de circulation intense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. La sécurité routière est l'une des priorités fixées par le Président de la République. Les résultats sont là, et je veux y associer Gilles de Robien et Dominique Perben : en trois ans, il y a eu 6 000 vies épargnées et 100 000 blessés de moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ces vies épargnées sont beaucoup plus importantes que les agacements de tels ou tels devant la multiplication des contrôles et des radars. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il faut savoir ce que l'on veut : des jeunes qui terminent leur vie dans un accident de voiture, des familles décimées par des assassins de la route ou des résultats ?

Cela ne veut pas dire que ces résultats sont suffisants. On compte encore chaque jour 14 tués et 300 blessés.

En Grande-Bretagne, il y a 3 500 tués par an, avec 6 000 radars. Nous allons passer en 2005, je l'espère, sous la barre des 5 000 tués, avec 1 000 radars !

Les consignes que j'ai données sont des consignes de très grande fermeté à l'endroit des comportements dangereux. Il faut savoir que la moitié des victimes de la route sont totalement innocentes : leur seul tort est d'avoir croisé la route d'un assassin. Et cela, personne ne peut l'accepter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaite que le programme d'installation de radars soit poursuivi au-delà de 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Notre devoir est de préserver les victimes, pas d'accepter les comportements criminels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RESPONSABILITÉ DES JUGES

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe UMP.

M. Jacques Remiller. Monsieur le garde des sceaux, quatre années d'enquête sur le milieu du banditisme grenoblois, soit plus de 25 000 pages de procédure réparties en vingt tomes, ont purement et simplement été annulées à la suite d'un vice de forme soulevé par la défense et confirmé vendredi dernier par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon.

Ainsi la quasi-intégralité de la procédure s'est écroulée : plus aucune charge ne pèse sur les vingt-deux personnes mises en examen dans ce dossier et les trois suspects encore placés en détention provisoire ont été libérés d'office.

La complexité de la procédure de saisine d'un juge d'instruction est indéniable. Toutefois, aucune institution ne saurait être au-dessus de tout contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les juges, eux aussi, doivent rendre des comptes, et ce d'autant plus qu'ils jouent un rôle de plus en plus important dans notre société. N'oublions pas qu'ils sont juges au nom du peuple français.

Comprenez, monsieur le ministre, l'émotion des Français : pour eux, ce problème strictement juridique est le signe d'une grave défaillance du système judiciaire français. Nos concitoyens sont indignés par cette relaxe pour vice de procédure, qui nie le travail accompli par les 250 policiers, gendarmes et douaniers et par la justice elle-même. Parce que la sécurité et la liberté de nos concitoyens sont en jeu, un juge n'a pas le droit de méconnaître les limites de sa saisine. Il ne s'agit pas d'une erreur mais d'une faute.

Quand un comptable ou un médecin commet une faute, il doit rendre des comptes. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour rassurer les Français sur la responsabilité des magistrats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Toute la France comprend votre émotion, monsieur le député. Cela étant, vous avez présenté les événements comme nous les avons tous lus dans la presse. Vous me permettrez - c'est mon rôle - de répondre avec sérénité et de rappeler très exactement les faits.

Sur les quinze « caïds », ce sont seulement trois qui ont été remis en liberté, (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...

M. Thierry Mariani. Cela fait trois de trop !

M. le garde des sceaux. ...à partir d'un problème de procédure qui, aujourd'hui, n'est pas tranché puisque, si la chambre d'instruction a annulé la procédure qui a été celle de deux juges d'instruction, le procureur général de Lyon a cru de son devoir, puisqu'il y a dispute juridique, de former un pourvoi devant la cour de cassation.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le garde des sceaux. Vous ne pourrez donc, monsieur le député, dire qu'il y a faute que quand la cour de cassation se sera prononcée, et pas avant !

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le garde des sceaux. Quant au problème difficile de la responsabilité des juges, il est ouvert dans toute démocratie - et donc dans la nôtre.

Dans l'état actuel des choses, la responsabilité des juges peut être pénale, comme pour tout citoyen. Elle peut être disciplinaire : c'est le conseil supérieur de la magistrature qui est alors compétent. (Protestations sur certains bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Enfin, elle peut être professionnelle, et je n'apprendrai rien à personne en disant que les juges sont notés et que de ces notations dépend le déroulement de leur carrière. (Exclamations.)

Pour autant, la question est posée. Elle l'a été sous la gauche, qui a fait des propositions.

M. François Lamy. Et qui les a refusées ?

M. le garde des sceaux. Aujourd'hui, il m'apparaît qu'il ne serait pas de mauvaise politique de se mettre à réfléchir, sereinement, avec les magistrats et avec le conseil supérieur de la magistrature, sur la responsabilité des magistrats.

M. Jean Glavany. Ca ne mange pas de pain !

CODE DU TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste.

M. Germinal Peiro. Avant de poser ma question, je voudrais savoir, monsieur le Premier ministre, si, en matière de radars, il faut croire M. Sarkozy, qui veut poursuivre le programme, ou M. Perben, qui a annoncé, il y a quelques jours, qu'il fallait le suspendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, après le meurtre de deux contrôleurs du travail, Sylvie Trémouille et Daniel Buffières, le 2 septembre 2004, en Dordogne, un rapport sur l'inspection du travail a été remis au ministère en janvier 2005.

Ce rapport pointe la fragilisation du droit du travail et la stigmatisation dont il fait l'objet. Nous savons tous que le respect du droit du travail est une absolue nécessité pour notre pays. Dans le seul domaine de la sécurité, n'oublions pas que, chaque jour, trois salariés meurent sur leur lieu de travail et plus de 200 sont victimes d'accidents leur laissant une incapacité.

Depuis trois ans pourtant, votre majorité, monsieur le Premier ministre, n'a cessé d'attaquer le code du travail, qu'elle désigne comme une entrave et comme la cause de son incapacité à lutter contre le chômage.

Depuis trois ans, votre majorité n'a cessé de réduire la protection des salariés. Elle a dénaturé les 35 heures, libéré les heures supplémentaires, limité les visites obligatoires à la médecine du travail, recalculé les allocations chômage, allongé la durée de cotisations, supprimé les emplois-jeunes et justifié l'élargissement du travail de nuit aux apprentis mineurs.

Depuis trois ans, vous avez constamment mis en accusation le code du travail. M. Larcher a même affirmé que nous faisons, dans ce pays, une « lecture salafiste » du code du travail.

M. Richard Mallié. Il a raison !

M. Germinal Peiro. Vous vous apprêtez, aujourd'hui même, à affaiblir, une nouvelle fois, les droits des salariés et à aggraver la situation de précarité dont souffrent déjà plusieurs millions de nos concitoyens.

Vous vous apprêtez à légiférer par ordonnances, au mépris des élus, représentants du peuple, qui siègent dans cet hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans de telles conditions, comment s'étonner que le droit du travail soit sans cesse contesté et ne soit pas respecté ?

M. le président. Monsieur Peiro, posez votre question, car votre temps de parole est écoulé.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, mes questions sont simples. Savez-vous que les fonctionnaires de l'inspection du travail sont chaque jour victimes de pressions et de menaces ? Allez-vous enfin cesser de mettre en accusation le code du travail ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Allez-vous donner les moyens nécessaires aux agents de l'État, pour qu'ils puissent remplir leurs missions au service du droit, garant des principes fondamentaux de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Peiro, l'inspection du travail est chargé de faire respecter l'ordre public social. Jean-Louis Borloo, moi-même ainsi que l'ensemble du Gouvernement avons eu l'occasion de le rappeler solennellement après le drame du double meurtre de Saussignac, mais aussi à l'occasion d'autres agressions dont ont été récemment encore victimes des inspecteurs et des contrôleurs du travail, du fait de chefs d'entreprise ou parfois de demandeurs d'emplois faisant l'objet de contrôles - je pense particulièrement à l'Yonne.

J'ai confié à M. Jean Bessières une mission de réflexion sur le devenir et l'organisation de l'inspection du travail. (« Un rapport ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette mission a donné lieu à un large débat et à une importante concertation. J'aurai l'occasion de revenir sur les conclusions de ce rapport cette semaine, lors de ma visite à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à Charbonnières-les-Bains. J'y rencontrerai les élèves inspecteurs à l'occasion de la sortie de leur promotion. Je réaffirmerai que si l'inspection du travail est nécessaire à l'ordre public social, elle est là aussi pour dire le droit, que le législateur a le devoir d'élaborer.

Le code du travail n'est pas définitivement arrêté, il doit répondre aux conditions voulues par le législateur et par la démocratie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE LES CONTREFAÇONS

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'UMP.

M. Marc Laffineur. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, la contrefaçon est devenue aujourd'hui un véritable fléau, qui représente entre 5 et 10 % du commerce mondial, soit environ 500 milliards d'euros, et induit une perte de 300 000 emplois en Europe, dont 40 000 en France.

Elle touche bien sûr le luxe, mais s'attaque désormais aux médicaments, aux pièces détachés d'avions et d'automobiles, et plus largement aux biens de grande consommation.

Les principaux contrefacteurs sont en Chine, en Russie et en Asie du Sud-Est. Les gains sont énormes - un euro investi en rapporte dix -, parfois supérieurs au trafic de drogue, de sorte que la grande criminalité et le terrorisme en sont maintenant les principaux bénéficiaires.

Face à ce désordre, il faut réagir. Si la France bénéficie, grâce à notre majorité, d'une législation douanière et pénale en avance sur ses partenaires européens pour lutter contre cette nouvelle criminalité, il faut aussi une prise de conscience de tous les gouvernements et une formidable volonté politique. Et celle-ci ne peut être qu'internationale.

Monsieur le ministre, que comptent faire la France et l'Europe pour lutter efficacement contre ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Laffineur, votre rapport l'a parfaitement montré, la contrefaçon fait des ravages sur le plan économique, sur le plan de la sécurité des personnes et sur celui de la santé. Aujourd'hui, un nombre incroyable de produits sont contrefaits. Une mobilisation renforcée est donc nécessaire.

Premièrement, depuis le début de l'année, j'ai assigné à nos douaniers un objectif d'augmentation de 10 % sur les pièces saisies.

Deuxièmement, je vais reprendre très largement, monsieur Laffineur, vos propositions. Nous allons renforcer les moyens juridiques par le biais d'un projet de loi, très bref mais très opérationnel, qui sera présenté à l'automne concernant la propriété intellectuelle et les brevets. Nous renforcerons également le service national de la douane judiciaire.

Nous investirons dans des matériels - scanners, moyens mobiles - permettant un travail plus efficace.

Troisièmement, les entreprises victimes de contrefaçons seront associées à notre action sur le terrain. Nos douaniers y suivront des cours de formation.

Enfin, le grand public sera informé, car la mission de Bernard Brochand a montré qu'un travail de communication était nécessaire vis-à-vis des Français. Ces derniers sont en ce domaine les premières victimes, mais aussi parfois, sans le savoir, des complices.

La coopération internationale est, vous l'avez indiqué, indispensable. Il faut faire du bilatéral, de l'international et de l'européen, car la contrefaçon fait des ravages partout. Le travail à accomplir est important. Je vous remercie de votre contribution. Nous agirons ensemble et nous réussirons ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FISCALITÉ RÉGIONALE ET TAXE PROFESSIONNELLE

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l'UMP.

M. Gilles Carrez. Ma question s'adresse également à M. le ministre chargé du budget et de la réforme de l'État.

En 2005, les vingt régions socialistes ont augmenté leurs dépenses de 13 % en moyenne (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) par rapport à 2004.

L'Alsace, région dirigée par une majorité de droite et du centre, n'a augmenté ses dépenses que de 2,8 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette explosion de dépenses régionales n'a rien à voir avec la décentralisation, puisqu'aucune compétence ou presque n'a été transférée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En revanche, les dépenses de communication, de représentation, de réception dérapent dans les régions socialistes.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai ! Vous mentez !

M. Gilles Carrez. En Bourgogne, on constate une augmentation de 176 %, de 53 % en Languedoc-Roussillon. En conséquence, dans les régions socialistes, le taux de la taxe professionnelle augmente en moyenne de 24 % en 2005 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ,...

M. Augustin Bonrepaux. Ce que vous dites est une honte !

M. Gilles Carrez. ...contre 2,5 % en Alsace. L'augmentation est de dix fois supérieure dans les régions socialistes. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La taxe professionnelle augmente de 80 % en Languedoc-Roussillon et de 75 % en Bourgogne. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nul doute que cette explosion irresponsable de la taxe professionnelle provoquera délocalisations et pertes d'emplois. (Huées persistantes sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On ne peut à la fois dénoncer les délocalisations et les encourager par des hausses de fiscalité démesurées. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Propos honteux !

M. Gilles Carrez. Monsieur le ministre, au moment où l'on envisage une réforme de la taxe professionnelle, les collectivités locales qui ont augmenté de façon inconsidérée leur fiscalité bénéficieront-elles d'une compensation totale de la part de l'État, c'est-à-dire du contribuable national ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Scandaleux !

M. Gilles Carrez. Autrement dit, les contribuables d'Alsace, dont les élus ont été vertueux seront-ils ponctionnés pour assurer le train de vie fastueux de la région Languedoc-Roussillon ou de la Bourgogne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la réforme aura bien pour principe de récompenser la vertu et de décourager l'inconscience, en l'espèce l'irresponsabilité fiscale des régions socialistes ? (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le rapporteur général, votre question a le mérite de nous permettre de retomber sur terre.

À droite comme à gauche, tous dénoncent les ravages des délocalisations, dont certaines sont bel et bien motivées par l'augmentation de la taxe professionnelle. Mais il n'y a que dans les régions tenues par la gauche que l'on peut constater cette explosion de la taxe professionnelle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Mensonge !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. C'est aujourd'hui le dilemme auquel nous sommes confrontés.

Monsieur Carrez, nous travaillons activement avec Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, à une réforme globale de la taxe professionnelle. Nous allons réfléchir pour l'avenir à quelques principes simples.

M. Henri Emmanuelli. Lamentable !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Premièrement, la réforme de la taxe professionnelle, qui pénalise aujourd'hui lourdement l'investissement industriel, ne doit pas se traduire par des transferts, au détriment d'autres secteurs économiques.

Deuxièmement, il faut en appeler à la responsabilité générale. On ne peut pas vivre dans un système où l'ensemble des contribuables nationaux est sollicité au bénéfice exclusif de certaines régions.

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes vraiment aux abois !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Troisièmement, il faut veiller à respecter un juste équilibre. Le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée pour les entreprises doit être la norme. Aujourd'hui, ce taux est largement dépassé, en raison des augmentations de taxe professionnelle constatées dans certaines régions - plutôt à gauche depuis quelques années.

Nous veillerons donc au juste partage. L'État prendra une part à sa charge pour assurer la réforme. Mais un cliquet devra être prévu, pour que l'irresponsabilité de certaines collectivités ne soit pas supportée par le contribuable national et les entreprises et qu'elle ne nuise pas à l'emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CRISE DE L'HÔPITAL PUBLIC

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste.

M. Michel Vergnier. La question précédente de M. Carrez a été posée de manière totalement caricaturale ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les chiffres sont têtus, mes chers collègues, et nous ferons le bilan prochainement !

M. Michel Bouvard. Parlez-en à l'empereur de Septimanie ! (Sourires.)

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, ma question concerne les fortes inquiétudes et les préoccupations exprimées par l'ensemble des hôpitaux publics de France. Ceux-ci traversent une grave crise due particulièrement à leur financement et aux difficultés de la mise en œuvre de la tarification à l'activité.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures ?

M. Michel Vergnier. Le secteur public hospitalier s'alarme quand vos services prévoient une hausse de 3,5 % seulement de ses dépenses alors que, selon la fédération hospitalière de France, la reconduction mécanique de ses activités conduit à un besoin de financement supérieur d'au moins 5 %, à celui de l'an passé.

Au-delà de ces aspects budgétaires, ce sont les modalités de la tarification qui suscitent de plus en plus d'inquiétude. À activité constante, les hôpitaux vont connaître des baisses de ressources considérables.

M. Jean-Michel Fourgous. Et les 35 heures ?

M. Michel Vergnier. C'est vrai pour les centres hospitaliers moyens, comme celui de Guéret dont je préside le conseil d'administration. Mais, c'est vrai aussi pour tous les hôpitaux, y compris les CHU qui doivent faire face à leurs obligations de service public de soins, de formation et de recherche. Pour nous, la rationalisation budgétaire signifie la condamnation des hôpitaux de proximité - qui apportent pourtant des réponses aux besoins de la population - et la remise en cause des coopérations et des partenariats indispensables. À ce sujet, en examinant le dossier de l'hôpital d'Arras, nous nous sommes interrogés avec ma collègue Catherine Génisson, sur les logiques de coopération public-privé éligibles au plan Hôpital 2007. Si ces coopérations sont intéressantes et nécessaires, elles ne sauraient avoir d'autres objectifs que l'amélioration de l'offre de soins et l'obligation absolue d'une prise en charge.

M. le président. Posez votre question, monsieur Vergnier.

M. Michel Vergnier. J'ai été interrompu, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Posez votre question !

M. Michel Vergnier. Le découragement est profond et touche l'ensemble des personnels. Nous ne laisserons pas faire !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Michel Vergnier. Les réponses apportées par les ARH ne sont pas satisfaisantes. Les malades ne sont ni une marchandise, ni des clients ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors, quelles réponses pouvez-vous apporter aujourd'hui, monsieur le ministre, pour nous rassurer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, la réponse réside dans la modernisation de l'hôpital public ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Yves Bur. Très bien ! Il était temps !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pourquoi n'avez-vous pas voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, qui a donné 1,8 milliard d'euros supplémentaire à l'hôpital public ?

M. Philippe Briand. Tout à fait !

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oui, mesdames et messieurs les députés, ceux qui ont voté le projet de loi de financement ont donné à l'hôpital public 1,8 milliard d'euros de plus qu'en 2004. Voila la vérité !

Les réformes qui ont été engagées, vous le savez comme moi, étaient indispensables. Le plan Hôpital 2007 comporte 10 milliards d'euros pour des investissements dont nos hôpitaux ont tant besoin. La gouvernance du secteur répond désormais à une vraie logique médicale, et la tarification à l'activité se met peu à peu en place.

Dans un établissement que vous connaissez bien, monsieur le député, en l'occurrence l'hôpital de Guéret, la tarification à l'activité a rapporté environ 100 000 euros de plus que l'année précédente.

Des moyens, l'hôpital public en a et en aura, vous pouvez en être assuré, monsieur le député.

M. Maxime Gremetz. C'est faux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Quant aux patients, ce ne sont ni une marchandise, ni des clients.

Nous sommes des militants de l'hôpital public. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Faux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous allons conduire ces réformes avec l'ensemble des personnels que je suis en train de rencontrer, et lorsque des partenariats public-privé s'écartent de la logique qui devrait être la leur j'y mets bon ordre pour que la logique publique soit respectée, et c'est ce que j'ai fait pas plus tard qu'hier à Arras. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'hôpital public dans notre pays doit se moderniser, et je veux dire à l'ensemble des personnels que leur ministre est à leurs côtés pour conduire cette modernisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
OUTRE-MER

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le groupe de l'UMP.

M. Mansour Kamardine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'outre-mer.

L'immigration clandestine constitue la principale entrave au développement des collectivités d'outre-mer. Le 22 juin dernier, vous avez présenté en conseil des ministres une ordonnance pour préciser les conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pouvez-vous préciser à la représentation nationale les résultats que vous attendez de l'exécution de ces nouvelles dispositions, notamment pour lutter contre les atteintes aux intérêts de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Le cadre de cette ordonnance, vous le connaissez, monsieur le député. Il s'agit de la déclinaison de la loi du 26 juillet 2004. Suite à la triste affaire de l'imam de Vénissieux, sous l'impulsion de Dominique de Villepin, à l'époque ministre de l'intérieur, et dans le cadre de la proposition de loi qui avait été déposée par Bernard Accoyer et Pascal Clément, nous avions mis en place un cadre juridique pour se doter, en métropole comme dans les départements d'outre-mer, de l'instrument juridique permettant de reconduire à la frontière des étrangers au comportement agressif ou incitant à la discrimination, à la violence ou à la haine, séjournant sur notre territoire en métropole, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française. Cela est désormais possible depuis le 22 juin.

Vous mettez en lumière un problème que vous connaissez mieux que quiconque, monsieur Kamardine, celui de l'immigration clandestine en outre-mer, et singulièrement à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane. Il nous faut des moyens matériels et humains pour lutter contre ce phénomène. S'agissant de Mayotte, dès vendredi prochain, une vedette d'une vingtaine de mètres sera mise à la disposition de la police de l'air et des frontières. Les moyens humains pour la police de l'air et des frontières n'ont cessé d'augmenter ; elle compte désormais 102 agents dont 17 à la disposition de la brigade nautique. Deux radars seront mis en place pour intercepter les clandestins, le plus loin possible des côtes, y compris au-delà du lagon.

Je formulerai des propositions dans le cadre du comité interministériel de lutte contre l'immigration clandestine, sous l'autorité du Premier ministre, pour nous doter de moyens juridiques. Car si nous avons des hommes et du matériel, nous avons aussi besoin d'outils juridiques. Je reviens de Guyane : nous pourrions nous inspirer des arrêtés non suspensifs de reconduite à la frontière pris par les représentants de l'État dans le cas de flagrant délit. Il ne s'agit pas d'un affaiblissement de la défense, ni d'une atteinte aux libertés publiques, mais de l'application d'un principe simple : l'État a des règles et celles-ci doivent être appliquées.

Je rencontrerai les députés de la Guadeloupe, M. Beaugendre et Mme Louis-Carabin, qui ont fait des propositions utiles dans ce sens. Comme le souhaite le Gouvernement, il y a d'une part l'action, celle que je vous propose, et de l'autre son évaluation. Et tous les trois mois, nous nous retrouverons pour faire un point précis sur l'évolution et l'application de cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE FAMILIALE

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, pour le groupe de l'UMP.

M. Georges Colombier. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, et concerne les inquiétudes des caisses d'allocations familiales.

La politique familiale, qui est au cœur de notre pacte, social est une priorité du Gouvernement, et je connais, monsieur le ministre, l'intérêt que vous portez, avec Xavier Bertrand, à cette question. Dans ce contexte, l'État et la caisse nationale d'allocations familiales mènent actuellement d'importantes négociations concernant la convention pluriannuelle nationale d'objectifs et de gestion pour la période 2005-2008.

Or ces négociations laissent apparaître d'importants points d'achoppement entre les deux parties. Alors qu'on encourage sur l'ensemble du territoire le développement des services aux personnes, les caisses départementales craignent une réduction du rythme d'évolution du Fonds national d'action sociale servant à financer les équipements et les services de proximité, essentiels pour les familles, comme les crèches ou les équipements de loisir. Le résultat de ces négociations aura inévitablement d'importantes répercussions au plan local. En effet, si l'évolution des ressources du Fonds national d'action sociale ne permet pas de poursuivre la politique dynamique engagée de longue date, des projets locaux pourraient être gelés. Je pense tout particulièrement aux créations de crèches.

Un désengagement des CAF se ferait au détriment non seulement des collectivités locales, partenaires essentielles dans les politiques sociales, mais aussi des familles.

Aussi, je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, de nous faire connaître les mesures envisagées afin de conforter la caisse nationale d'allocations familiales dans sa mission indispensable de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Nous partageons, monsieur le député, la même conviction. La France a une politique familiale dynamique unique en Europe. Cette politique doit s'adapter aux besoins des jeunes couples pour leur permettre d'avoir et d'élever le nombre d'enfants qu'ils souhaitent.

Aujourd'hui, il nous faut augmenter le nombre de places de crèches. C'est pourquoi le Premier ministre a annoncé la création de 15 000 places supplémentaires.

M. Yves Bur. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Comment seront-elles financées ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Celles-ci viennent s'ajouter aux 57 000 places qui ont déjà été réalisées ou qui sont en cours de réalisation pour la période 2002-2008.

Cet effort sans précédent de la nation sera mis en œuvre par les caisses d'allocations familiales et par les communes. J'en prends l'engagement devant vous.

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne vous engage pas à grand-chose !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La convention que je veux conclure avec la caisse nationale d'allocations familiales permettra de tenir intégralement cet engagement. Je m'en entretiendrai d'ailleurs dès cette semaine avec sa présidente, Mme Prud'homme.

La politique familiale est un investissement d'avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est pourquoi nous avons mis en place la prestation d'accueil du jeune enfant et fait voter le statut des assistants maternels.

M. Jean-Pierre Brard. C'est Alice au pays des merveilles !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C'est pourquoi nous avons aussi récemment fait adopter par l'Assemblée nationale et le Sénat la réforme de l'adoption, issue d'une proposition de votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

MODERNISATION DE L'ÉCONOMIE

Explications de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée s'est penchée, au cours de deux journées particulièrement efficaces, sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Je tiens à rendre hommage à la tenue des débats, qui nous ont permis de nous concentrer sur les points essentiels du projet, dans un esprit de responsabilité et de concentration.

Je voudrais particulièrement souligner l'implication très forte des trois commissions concernées par les différents points du texte : la commission des finances, bien sûr, mais également la commission des lois et la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La présence des présidents de ces trois commissions, MM. Méhaignerie, Houillon et Ollier, au cours de la discussion est un honneur auquel le Gouvernement est sensible. Je rends hommage à l'Assemblée nationale pour sa capacité de travail collectif : c'était, pour avoir une discussion éclairée et équilibrée, sur un texte volontairement multi-disciplinaire, particulièrement fructueux.

L'objectif du texte a fait largement consensus : il s'agit d'encourager la croissance de nos entreprises, en particulier celles qui ont un potentiel de croissance important mais hésitent, dans leur environnement actuel, à franchir le pas.

Pour ce faire, le projet de loi vise à simplifier l'environnement juridique de leur gouvernance pour favoriser des réunions plus fréquentes de leurs conseils d'administration et assemblées générales. Surtout, il aménage des voies d'accès simplifiées aux marchés financiers, en rendant plus cohérentes et progressives les obligations d'information qui sont demandées aux entreprises, en fonction de la maturité des marchés auxquels ils s'adressent et des investisseurs qu'ils y trouvent.

À partir de cette base, la discussion a permis de nourrir le texte de manière très intéressante. Je voudrais rendre un hommage particulier à votre rapporteur général, Gilles Carrez, qui a senti les opportunités que recelait le projet initial du Gouvernement et nous a poussés à aller plus loin. C'est sur ses conseils avisés que le texte s'est enrichi d'un titre nouveau consacré à l'encouragement de nos concitoyens à la détention durable d'actions. Avec un régime fiscal adapté, l'objectif d'orientation de l'épargne vers les entreprises sera mieux outillé.

Dans la même veine, je remercie M. Fourgous de son initiative, qui permettra une « activation » de l'assurance-vie en rendant contractuellement possible la transformation de contrats obligataires en contrats multi-supports comprenant une composante investie en actions. Bien entendu, le Gouvernement sera attentif au respect par la profession de son devoir d'information de l'assuré lorsqu'elle sera amenée à proposer une modification contractuelle en ce sens.

Le débat s'est également concentré, fort logiquement, sur les questions de transparence de l'information délivrée aux actionnaires sur la rémunération des dirigeants. À cet égard, la conjugaison des amendements du Gouvernement, de la commission des lois et du rapporteur général fournit un ensemble clair et cohérent d'obligations, à la fois complet et juridiquement sécurisé.

M. Jean-Pierre Brard. C'est un salmigondis !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les rémunérations différées seront soumises au vote de l'assemblée générale à titre de conventions réglementées et en suivront le statut juridique.

La vigilance exercée, comme en toutes matières, par M. de Courson...

M. Jean-Pierre Brard. Une vraie sentinelle !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... m'a permis, à cet égard, d'en clarifier les conséquences au cours de nos débats. Parallèlement, la transparence de l'information délivrée dans le rapport annuel a été significativement renforcée.

Troisième point important du projet de loi et de nos discussions : la recherche d'un plus grand dynamisme de nos entreprises dans l'investissement en recherche et en innovation.

Je me félicite de l'intérêt porté au projet d'agence de l'innovation industrielle par l'ensemble des orateurs, et plus particulièrement de l'intervention tout à fait judicieuse et documentée de M. Dubernard, sur laquelle Mme Comparini a d'ailleurs rebondi fort opportunément. Je retiens nombre de ses orientations comme une véritable feuille de route.

Autre point de satisfaction, l'intérêt avec lequel votre assemblée a accueilli ma proposition d'une mesure exceptionnelle destinée à encourager le développement de partenariats entre les grandes entreprises et les laboratoires privés ou publics, ou encore avec les PME innovantes. L'intervention de votre rapporteur a élargi le champ de cette mesure, en l'étendant aux sous-traitants.

Enfin, la discussion a été particulièrement intéressante s'agissant du développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... dont le Premier Ministre a rappelé dans son discours de politique générale qu'il s'agissait d'une priorité du Gouvernement. Les différents orateurs, au premier rang desquels Patrick Ollier, ont souscrit à la démarche pragmatique du projet de loi, qui visait à faire jouer plusieurs leviers concrets pour développer l'intéressement dans les PME, qui n'y recourent pas encore suffisamment aujourd'hui. À cet égard, la proposition d'une prime d'intéressement exceptionnel ambitionne justement de faire découvrir les avantages de cette formule aux PME qui ne la connaissent pas, en offrant une sorte de session de rattrapage pour l'année 2005. Patrick Ollier a rappelé le souhait que nous allions plus loin, en réfléchissant aux axes stratégiques de la participation des salariés et en appelant de ses vœux un texte destiné spécifiquement à ces questions.

D'autre part, tout en adoptant le principe d'un déblocage ponctuel de la participation 2004, le Parlement a rappelé son attachement aux principes qui régissent l'épargne salariale. Les enjeux respectifs de ces questions justifient à mes yeux que le temps de la concertation soit pris de manière pleine et entière : à cet égard, deux de vos collègues, MM. Godfrain et Cornut-Gentille, sont pleinement mobilisés.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le texte qui vous a été soumis sort de l'Assemblée singulièrement renforcé. Il est renforcé dans son principe, puisque la logique qu'il propose pour offrir aux entreprises les moyens de se développer a rencontré un large consensus. Il a également acquis de la matière, grâce aux amendements parlementaires qui sont venus l'enrichir. Je vous sais donc particulièrement gré de la discussion, efficace et dense, qui a accompagné ce texte et vous demande de bien vouloir en tirer les conséquences en votant ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Mes chers collègues, la commission des finances vous invite à adopter le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Comme l'a dit le ministre, il s'agit d'un excellent texte (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste) visant à favoriser la relance de la croissance et de l'emploi. Il améliore le financement des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises, il consacre de nouveaux moyens à la recherche et à l'innovation, enfin il renforce le pouvoir d'achat.

M. Jean-Pierre Balligand. Cela fait trois ans que vous dites cela !

M. Jean-Louis Dumont. C'est la méthode Coué !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La modernisation du financement des entreprises passe par l'harmonisation des règles régissant le marché financier européen, qui permet la transposition de plusieurs directives dont la directive « Prospectus ». Mais, surtout, pour faciliter l'accès direct des PME à l'épargne publique, le marché organisé Alternext qui vient d'être mis en place bénéficiera, outre d'une sécurisation juridique, d'incitations fiscales. En effet, des amendements du Gouvernement vont permettre de supprimer, dès cette année, la fiscalité au titre des plus-values de cession de titres de participation et d'aménager la réduction d'impôt Madelin.

Comme l'a souligné le ministre, M. Jean-Michel Fourgous a proposé un amendement permettant d'adapter les produits d'assurance-vie pour mieux diriger l'épargne vers le financement de nos entreprises, en particulier de nos PME.

Deuxième volet de ce projet de loi, l'action pour l'innovation, avec la création de l'Agence de l'innovation industrielle dans la ligne de l'analyse et des propositions faites par M. Jean-Louis Beffa. Là aussi, le Gouvernement a annoncé deux bonnes nouvelles, l'une budgétaire puisque cette agence sera immédiatement dotée d'un milliard d'euros en provenance des recettes de privatisation, l'autre, un amendement dû à l'initiative du ministre, permettra aux entreprises de bénéficier d'un crédit d'impôts substantiel dès lors qu'elles financeront des dépenses de recherche et d'innovation effectuées, soit par des petites et moyennes entreprises innovantes, soit encore par des laboratoires publics.

Dernier volet, le renforcement du pouvoir d'achat passe par la prolongation de la mesure sur les donations en franchise de droits, à hauteur de 30 000 euros, et non plus de 20 000 euros, jusqu'à la fin de cette année, par la possibilité de verser une prime d'intéressement en 2005 au titre des bons résultats de 2004, y compris dans les entreprises - je pense aux petites et moyennes entreprises - qui n'ont pas à ce jour d'accord d'intéressement, enfin par le déblocage ponctuel de la participation de 2004. À l'occasion des débats, l'Assemblée nationale a montré son attachement au mécanisme de la participation et de l'épargne, n'est-ce pas monsieur le président de la commission des affaires économiques ?

Enfin, je tiens à souligner la qualité de la concertation qui a prévalu avec vous-même, monsieur le ministre, ainsi qu'avec vos collaborateurs. Comme vous l'avez dit, ce projet de loi a été sensiblement renforcé grâce à plusieurs amendements, soit d'origine gouvernementale, soit d'origine parlementaire, amendements qui se sont très utilement complétés. Cela n'aurait pas été possible sans un véritable travail d'équipe entre vous-même, vos collaborateurs et les parlementaires que nous sommes. Je tiens donc à vous remercier pour votre écoute et votre sens du dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l'UMP.

M. Richard Mallié. Monsieur le ministre, ce premier projet de loi que vous nous avez présenté, relatif à la confiance et à la modernisation de l'économie, répond pleinement à l'objectif de relance de la croissance et de l'emploi, en favorisant le financement des entreprises, notamment des PME, en consacrant de nouveaux moyens à la recherche et à l'innovation et en améliorant le pouvoir d'achat.

Autant le dire d'emblée, le groupe UMP votera ce projet de loi, car il présente à la fois une dimension économique, sociale et humaine.

Monsieur le ministre, les objectifs de votre texte sont à la fois ambitieux et réalistes. Ambitieux, car il s'agit de remédier aux faiblesses de notre économie ; réalistes, car il ne prétend pas apporter toutes les réponses. En effet, rien ne remplacera la mobilisation des acteurs de notre économie : entrepreneurs, investisseurs, salariés. Ce texte vise simplement à fournir des outils - il appartiendra aux Français de les saisir - et à lever des blocages, pour rendre l'action plus fluide et tracer de nouvelles pistes.

M. Jean-Pierre Brard. Comme le 29 mai !

M. Richard Mallié. Je ne puis donc que saluer votre courage et votre audace. Votre courage, parce que la mission qui est la vôtre n'est pas facile, tant les 35 heures et la faiblesse de la croissance ont mis à mal les résultats de nos PME et PMI, en leur ôtant leurs capacités d'investissement.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. Richard Mallié. Votre audace, parce que vos propositions doivent permettre à la France de reprendre la place qui doit être la sienne en Europe, celle d'un pays à l'économie dynamique, tourné vers l'avenir.

M. Jean-Pierre Brard. Vous confondez avec le chevalier Bayard !

M. Richard Mallié. Plusieurs des dispositions que nous avons adoptées, et pour certaines par des amendements de la majorité que vous avez bien voulu accepter, ont pour ambition d'impulser une vigoureuse modernisation de notre pays. Il en est ainsi par exemple des mesures tendant à faciliter l'accès des PME en développement aux marchés boursiers.

Il convient également d'assurer aux entreprises une base d'investisseurs solide, profonde et durable. Lors des débats, monsieur le ministre, vous avez accepté, à la demande du rapporteur général et du président de la commission des finances, de compléter ce projet de loi par un nouveau titre, pour encourager la détention durable d'actions.

Vous avez également accepté, suite à un amendement de notre collègue Fourgous, d'orienter davantage l'assurance-vie vers l'investissement en actions, ce que le rapporteur général a rappelé, en permettant aux épargnants, sur une base contractuelle, de transformer leurs contrats obligataires en euros en contrats multisupport pouvant comporter des actions.

Au-delà de ces mesures concrètes nous avons eu un débat constructif sur le régime d'imposition des plus-values réalisées après de longues détentions, et ce conformément aux vœux du Président de la République. Il est en effet souhaitable que la détention durable d'actions bénéficie d'avantages comparatifs par rapport à une démarche à court terme, plus spéculative.

Ce projet de loi donne une impulsion nouvelle aux sociétés de revitalisation économique, qui aident les territoires à se remettre en question et aller de l'avant.

Autre point essentiel de ce texte, et vous l'avez dit monsieur le ministre, la création de l'Agence industrielle de l'innovation qui, en finançant un nombre restreint de programmes structurants, ciblés sur ce qu'on appelle des technologies de rupture, que le marché peine à financer seul, permettra d'ouvrir les marchés de l'avenir à nos entreprises.

Le développement de la participation et de l'intéressement des salariés est un objectif essentiel de notre majorité. Ainsi avons-nous adopté, lors des débats de mardi et mercredi, une série de mesures qui visent à développer l'intéressement, en dehors des grandes entreprises où il se pratique déjà. Dans le même esprit, une prime exceptionnelle d'intéressement de 15 % ou 200 euros pourra être accordée en 2005 même dans les entreprises qui n'ont pas d'accord. En effet, les députés UMP souhaitent inciter les PME à entrer dans une logique de dialogue social.

Enfin, comme l'a souligné le garde des sceaux, Pascal Clément, ce projet de loi s'inspire, de façon pragmatique, de plusieurs dispositifs en vigueur à l'étranger, comme le crédit hypothécaire rechargeable. La réforme du droit des sûretés, par ordonnance, permettra de réactualiser notre arsenal juridique.

Tels sont, très sommairement, les grands axes stratégiques et essentiels de ce texte.

À ceux qui, comme toujours, se disent progressistes mais prônent l'immobilisme, le Gouvernement et le groupe UMP prouvent une fois de plus qu'ils poursuivent avec détermination l'entreprise de modernisation et de réforme de notre pays.

Pour toutes ces raisons, notre groupe invite l'Assemblée à voter avec enthousiasme ce texte porteur d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que le ton que j'emploierai sera différent de celui de M. Mallié.

Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, sur lequel nous allons nous prononcer, est un dispositif en trompe-l'œil, grandiloquent par son ambition mais pauvre dans le détail.

Tout d'abord, il convoque la «confiance », alors qu'il ne règle que très peu des questions laissées en suspens par la loi de sécurité financière en matière de sécurisation des marchés et des instruments financiers.

Ensuite, il prône la « modernisation », alors qu'il rechigne à introduire en droit français des dispositifs que les Anglo-saxons eux-mêmes ont mis en place dans le domaine du gouvernement d'entreprise.

De nombreuses problématiques sont laissées en suspens : le contrôle des agences de notation, la lutte contre le blanchiment des capitaux, la promotion de l'investissement socialement responsable, les besoins en fonds propres des entreprises, l'amélioration de la gestion des risques, l'implication des salariés actionnaires et des salariés en tant que tels dans la gouvernance des entreprises.

Concernant la participation, l'intéressement et l'épargne salariale au sens large, le Gouvernement et sa majorité ont fait preuve d'une incohérence flagrante, révélant de profondes lignes de partage.

Nous ne saurions dire cet après-midi, et M. Mallié s'est bien gardé d'aborder cette question...

M. Richard Mallié. Je ne pouvais pas tout dire, je n'avais pas assez de temps !

M. Jean-Pierre Balligand. ...si le pragmatisme du ministre Breton a totalement effacé les velléités de feu le Premier ministre Raffarin, ou dans quelle mesure la ligne Ollier s'est inclinée devant la ligne Méhaignerie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Soisson. Est-il nécessaire de dire cela ?

M. le président. Monsieur Soisson !

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur Soisson, comme vous n'avez participé à aucune des réunions, le mieux serait de vous taire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. C'est une attaque personnelle !

M. Jean-Pierre Balligand. En réalité, nous ne connaissons toujours pas le véritable avis du ministre de l'économie : enthousiaste à l'idée du déblocage anticipé -comme il le disait quelques jours après l'annonce de ce projet par Jean-Pierre Raffarin - ou plus réservé, comme il a semblé l'être devant la commission des finances.

En tout état de cause, quelle cohérence y a-t-il à permettre le déblocage de la participation, même temporaire et exceptionnel, au moment où les entreprises, passage aux nouvelles normes comptables oblige, vont avoir besoin d'abonder leurs fonds propres ? Or nous savons que la participation dans les PME sert essentiellement de quasi fonds propres. Quelle est la cohérence par rapport au discours du dispositif de Xavier Bertrand sur les retraites ? Aucune. Alors qu'une mission a été confiée à deux parlementaires sur les mécanismes de la participation, on libère en cours d'exercice 2005 la participation de 2004.

Cette mesure de déblocage, inspirée du dispositif que Nicolas Sarkozy avait déjà appliqué de manière totalement contradictoire dans sa loi relative au soutien à la consommation et à l'investissement, est une faute, en particulier au regard de la pédagogie qui s'impose auprès des salariés les plus pauvres, car c'est à eux que vous faites appel pour libérer la participation, ceux précisément qui auront le plus besoin d'épargner dans leur entreprise. Et le blocage de la participation, dois-je le rappeler ici à quelques gaullistes s'il en reste... (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

M. Richard Mallié. C'est un scandale !

M. Jean-Pierre Balligand. ...a au moins la vertu de protéger l'épargne du salarié tout en permettant le financement de la petite et moyenne entreprise.

En réalité, c'est la volonté de substituer un contre-feu temporaire à une réelle réflexion sur l'augmentation des salaires directs qui vous a conduits une nouvelle fois au grand écart. Or c'est bien la question des salaires et du pouvoir d'achat qui aurait dû figurer en première place de vos propositions et d'une loi sur la confiance en matière économique.

Mes chers collègues, savez-vous qu'aux États-Unis le rapport entre les rémunérations moyennes des salariés et des PDG, qui était de 1 pour 40 dans les années 1980, est passé à 1 pour 400 dans les années 2000 ?

Les « mesurettes » que vous nous proposez sont à des années-lumière de cette problématique, qui avait pourtant à voir et avec la confiance et avec la modernisation de l'économie !

C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Quelle surprise !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.

M. Jean-Pierre Brard. Attention au coup de pied de l'âne ! (Sourires.)

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale, nous avions apporté notre soutien à ce projet de loi, dont le cadre général nous semblait satisfaisant. Il s'inscrivait dans une stratégie de croissance des entreprises en modernisant leur fonctionnement et en leur facilitant l'accès à des outils de financement modernes. Pourtant, tout en soulignant les avancées nécessaires de ce texte et la volonté unanime de donner un élan significatif au développement de nos entreprises, nous avions émis des réserves sur certains points. À l'issue des débats, les réponses obtenues ne nous donnent pas entière satisfaction.

En effet, l'amendement du Gouvernement sur la rémunération des dirigeants adopté au cours des débats manque réellement d'ambition car il ne vise qu'à soumettre certains éléments de la rémunération des dirigeants au régime des conventions réglementées. Certes, nous n'allons pas aujourd'hui recommencer les débats, mais au vu des affaires récentes qui ont contribué à ternir l'image de l'entreprise et de ses dirigeants, ils nous semble que les réponses apportées ne sont pas à la mesure des problèmes posés. Le groupe UDF aurait souhaité que l'ensemble de la rémunération des dirigeants soit soumise à l'approbation de l'assemblée générale. Cela serait allé dans le sens d'une plus grande transparence, valeur à laquelle nous sommes tous très attachés.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. La création de l'Agence pour l'innovation industrielle est une initiative intéressante, dans laquelle l'État aura un vrai rôle à jouer pour soutenir la recherche et l'innovation technologique. Néanmoins, il faudra s'assurer de son ouverture à l'Europe et aux autres pôles de compétences afin d'éviter de multiplier les entités sans lien les unes avec les autres. À l'heure où le déficit français ne cesse de s'alourdir, nous devons être vigilants à la bonne utilisation de l'argent public.

Enfin, le groupe UDF a voté contre l'article 6 visant à réformer le droit des sûretés par ordonnance. Si une modernisation de la législation est nécessaire dans ce domaine, la méthode employée n'est certainement pas la bonne : faire l'impasse sur un débat parlementaire est une grave erreur car le sujet mérite une réflexion de fond et non pas un texte élaboré dans la précipitation. La décision d'hypothéquer un bien est lourde de conséquences. Aussi doit-elle être encadrée afin de ne pas entraîner les emprunteurs dans un cycle pervers de surendettement.

Je rappelle que la réforme du droit des sûretés avait été décidée il y a deux ans. Rien n'a été fait depuis. Pourtant, aujourd'hui, l'urgence est telle qu'elle justifie aux yeux du Gouvernement le recours aux ordonnances.

En dépit de ces réserves, et parce que de nombreuses mesures d'accompagnement des entreprises françaises sont nécessaires pour renouer avec une croissance forte et un marché du travail assaini, le groupe UDF votera le texte, tout en restant vigilant quant à son application. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit, je fais annoncer le scrutin sur l'ensemble du projet de loi dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nos concitoyens auraient pu légitimement penser qu'après le vote du 29 mai, sanctionnant pour la deuxième fois en un an l'échec retentissant d'une politique, vous alliez faire un effort pour proposer d'autres choix. Mais pas du tout !

Le projet de loi sur lequel nous allons voter est symbolique de cet autisme général. Il est cosigné par M. Raffarin lui-même, ce qui nous montre qu'il n'y a rien de changé. Un éditorialiste confirme : « Les propositions du ministre sont très classiques ». Elles sont même éculées !

Ainsi, proposer de nouvelles réductions d'impôts aux actionnaires, étendre l'exonération d'impôt sur les plus-values de cession de titres de participation - qui nous coûte déjà 1 milliard d'euros - et des droits de mutation, permettre aux marchés financiers de gagner encore du terrain pour exiger des rendements aberrants, rallier toujours plus les salariés aux objectifs financiers en privilégiant l'actionnariat au détriment des salaires, enfin, pour couronner le tout, ne pas accorder aux salariés les droits qu'exigerait une vraie démocratie économique au sein des conseils d'administration, voilà une politique qui est un vrai fiasco ! Les Français l'ont condamnée, ils n'en veulent pas, ni en France, ni en Europe.

La Cour des comptes l'affirme, vous avez augmenté en trois ans les exonérations de charges sociales de 41 % avec « un impact sur les réductions du chômage incertain ». Elle se montre très indulgente dans son appréciation car votre bilan, c'est 230 000 chômeurs de plus, sans parler de l'augmentation de la précarité. Les mesures fiscales dérogatoires, autrement dit les cadeaux fiscaux, représentent 20 % des recettes de l'État. Elles ont pourtant été arrêtées sans aucune contrepartie en termes d'emplois, d'investissements productifs ou de formation. Vous jetez l'argent dans un tonneau sans fond, sans vous préoccuper des conséquences, et vous expliquez ensuite aux Français que, si ça ne va pas, c'est parce qu'ils ne travaillent pas assez ! Vous ne manquez pas de culot !

Il y a, du fait de vos choix politiques et économiques, huit fois plus d'argent dans la sphère financière que dans la sphère productive. En exigeant que les actions rapportent de 15 à 20 % alors que la croissance est à 2 %, le capital détruit le travail.

La France qui vit au-dessus de ses moyens, comme vous le dites, la voilà ! Pendant que chômage, précarité et pauvreté augmentent, les grands groupes du CAC 40 ont réalisé 57 milliards d'euros de bénéfices nets, et, au plan international, les cinq plus grandes compagnies pétrolières du monde 60 milliards de dollars. Apparemment, le pétrole ne coûte pas cher à tout le monde ! Vous l'avouez vous-même, monsieur le ministre, dans l'exposé des motifs de votre projet de loi : « la situation financière des entreprises françaises a rarement été aussi bonne ». Alors, qui empoche les résultats ? En tout cas, ni les chômeurs, ni les salariés, ni les 7 millions de pauvres que compte notre pays.

Vous voulez mettre les Français au travail ? Qu'à cela ne tienne ! Mais qu'avez-vous fait depuis trois ans ? Vous en avez mis 230 000 de plus au chômage !

Vous voulez faire comme en Angleterre ? Mais, une fois ajoutées le million de personnes qui touchent une allocation d'invalidité et qui sont, le gouvernement britannique le reconnaît lui-même, des chômeurs de longue durée déguisés, le taux de chômage est le même que chez nous !

M. Yves Bur. Tu parles !

M. Jean-Claude Sandrier. On y travaille plus longtemps, on y a moins de vacances, les pauvres représentent 22 % de la population et la productivité du travail y est très inférieure à la nôtre. Est-ce cela votre modèle ?

Le moteur de notre économie, tout le monde le sait, c'est la consommation. Si on veut créer des emplois, il faut donc accroître le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Pour aider les PME, il faut mettre en place un crédit sélectif à taux réduit en échange de la création d'emplois. Pour orienter l'argent vers l'emploi et l'investissement productif, il faut mieux répartir la richesse et réglementer un système irresponsable dont les objectifs de rentabilité de 15 % ne peuvent être atteints qu'en cassant des emplois.

Bref, pour créer des emplois et permettre une croissance suffisante et saine, il est impératif et urgent de réduire le poids de l'exigence de rentabilité financière et d'accroître l'exigence de rentabilité pour l'être humain. Or vous faites exactement le contraire ! C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Georges Tron. Tant mieux !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 491

                    Nombre de suffrages exprimés 491

                    Majorité absolue 246

        Pour l'adoption 355

        Contre 136

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

    3

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (nos 2403, 2412).

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Brard. M. le Grand Vizir !

M. Richard Mallié. Et vous, le marquis rouge !

M. le président. Monsieur Brard et monsieur Mallié, je vous prie de vous taire !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis venu cet après-midi vous dire ma détermination, vous parler d'action et de responsabilité.

En accord avec le Président de la République, j'ai fait le choix des ordonnances pour une raison simple : l'urgence. Nous ne pouvons plus attendre face aux 10 % de chômage que connaît notre pays depuis tant d'années.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le Premier ministre. Le chômage représente aujourd'hui une injustice inacceptable : nous la connaissons tous autour de nous et nos compatriotes ne peuvent plus la supporter. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie aux analyses et aux réflexions : nous devons désormais entrer dans le temps de l'action et du résultat car nous n'avons pas tout essayé.

Certains craignent que nous ouvrions la voie à la précarité. Mais la vraie précarité, c'est le chômage, la vraie précarité, c'est de n'avoir aucune perspective d'embauche, la vraie précarité, c'est l'alternance des petits CDD et de longues périodes d'inactivité. Regardons les choses telles qu'elles sont. Regardons la réalité du marché de l'emploi dans notre pays : aujourd'hui, plus de 70 % des embauches dans les très petites entreprises ont lieu en CDD. La moitié dure moins d'un mois, et l'autre moitié quatre mois et demi en moyenne.

J'entends ici et là certains qui s'inquiètent d'une remise en cause des droits sociaux. Mais où sont les propositions visant à moderniser notre modèle social ? Tous ceux qui plaident pour l'immobilisme portent une lourde responsabilité.

M. Roland Chassain. Ils ne sont que trois dans l'hémicycle !

M. le Premier ministre. Car si nous nous résignons à ne pas bouger, tout ce que nous avons construit depuis des décennies sera emporté et l'histoire se fera sans nous.

J'ai fait le choix des ordonnances dans un esprit de dialogue : notre débat d'aujourd'hui, comme les concertations que le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale et le ministre délégué au travail ont eues avec les partenaires sociaux, en sont la preuve. Le dialogue social doit nous permettre de trouver ensemble les meilleures solutions, sans retarder les décisions qui s'imposent.

M. Jean-Pierre Brard. Par oukase !

M. le Premier ministre. L'honneur de la politique, c'est aussi de savoir trancher dans le sens de l'intérêt général.

M. Jean-Pierre Brard. Sans anesthésie !

M. le Premier ministre. J'ai fait ce choix en conscience : les ordonnances ne sont pas l'arbitraire, mais la tradition républicaine lorsque les circonstances l'exigent. Elles ont été utilisées par la gauche comme par la droite depuis le début de la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Les turpitudes des uns ne justifient pas celles des autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. La création des comités d'entreprise et de la sécurité sociale en 1945, la participation en 1967, les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés en 1982 et les réformes de la sécurité sociale de 1967 à 1996 ont été adoptées par ordonnances. Le champ des ordonnances sera strictement limité à l'emploi et aux mesures que j'ai annoncées dans ma déclaration de politique générale.

J'ai fait ce choix avec une conviction : nous avons aujourd'hui entre nos mains, nous tous, rassemblés ici, l'une des dernières chances de sauver le modèle social français. Soit nous retrouvons le chemin de la confiance et de l'emploi, et notre modèle social pourra continuer à promouvoir en France comme en Europe un équilibre de justice et de solidarité. Soit nous nous laissons miner par le chômage, et alors nous n'aurons plus aucune arme, plus aucun argument, plus aucun atout à défendre contre un système économique mondialisé dépourvu de règles et de respect.

Ce choix, c'est bien le choix de l'avenir pour tous les Français : ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas ; ceux qui n'ont pas les qualifications nécessaires et ceux dont l'expérience ne les protège pas du licenciement et du chômage de longue durée ; les femmes isolées qui n'arrivent pas à faire garder leurs enfants et les allocataires de minima sociaux qui ont perdu les réflexes du travail.

Le projet de loi que je soumets aujourd'hui à votre examen vise à habiliter mon Gouvernement à prendre six ordonnances.

La première met en place le contrat « nouvelles embauches ». Il facilitera l'embauche dans les très petites entreprises, qui constituent le principal gisement d'emplois dans notre pays.

Ces entreprises, nous le savons tous, hésitent trop souvent à embaucher alors même que leur carnet de commandes immédiat le permettrait.

J'ai voulu que ce contrat repose sur un équilibre fondamental : plus de souplesse pour l'employeur pendant les deux premières années, et plus de garanties pour le salarié en cas de rupture. Pendant des semaines, j'ai observé, j'ai analysé, j'ai écouté. J'ai entendu ceux qui voulaient faciliter la vie des employeurs. J'ai entendu ceux qui voulaient à juste titre garantir les droits des salariés. Je veux réconcilier l'employeur et le salarié. Arrêtons d'opposer l'un à l'autre. C'est jouer contre l'économie et c'est jouer contre l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le contrat que je propose est un contrat à durée indéterminée. Il instaure une « période d'embauche », qui est un temps de consolidation de l'emploi. Ainsi, pendant les deux premières années, il pourra être rompu à l'initiative du salarié ou de l'employeur avec des formalités simplifiées.

En contrepartie le salarié bénéficiera de plusieurs garanties : tout d'abord l'instauration d'un préavis dès le deuxième mois de travail. Il sera de deux semaines au cours des six premiers mois, puis il augmentera avec l'ancienneté. En outre, l'employeur devra verser au salarié, avant la rupture du contrat, une indemnité qui sera fonction des salaires versés. À cette indemnité pourra s'ajouter une contribution de reclassement. Par ailleurs, les salariés qui n'auraient pas cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier d'une couverture chômage auront droit à une allocation financée par l'État.

Enfin, outre des droits renforcés à la formation, les salariés qui sortiront du contrat « nouvelles embauches » durant les deux premières années pourront bénéficier d'un accompagnement adapté. Les partenaires sociaux pourront, s'ils le souhaitent, étendre à ces salariés le dispositif de la convention de reclassement personnalisé. En attendant, le Gouvernement se dotera de moyens pour mieux les accompagner vers un nouvel emploi. Pour financer ces dépenses, nous pourrons utiliser la contribution de reclassement que je viens d'évoquer. Bien entendu, les règles relatives au licenciement des salariés protégés s'appliqueront à ce nouveau type de contrat.

Ce nouveau contrat permettra de dynamiser le marché de l'emploi. Il devra être évalué au fur et à mesure de sa mise en œuvre, en liaison avec les partenaires sociaux. Nous verrons alors s'il y a lieu de l'adapter dans ses modalités ou dans son champ d'application. Mais pour débloquer dès maintenant le plus grand nombre d'emplois possible, je souhaite qu'il soit disponible dans toutes les entreprises jusqu'à vingt salariés dès le 1er septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La deuxième ordonnance instaurera le chèque emploi pour les entreprises les plus petites. Dans le prolongement du titre emploi entreprise pour les salariés occasionnels, ce chèque servira à la fois de déclaration unique d'embauche, de contrat de travail, de déclaration des données sociales et de fiche de paie. Il permettra au chef d'entreprise de se consacrer pleinement, avec ses nouveaux collaborateurs, au développement de son entreprise.

La troisième ordonnance neutralisera le surcoût financier lié au franchissement du seuil de dix salariés pour les dix salariés suivants. L'État prendra ainsi en charge la participation au financement de la formation professionnelle continue, la contribution destinée au Fonds national d'aide au logement et la contribution à l'effort de construction.

Cette ordonnance instaurera également un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui reprennent un emploi dans un secteur en pénurie de main-d'œuvre. Ils pourront toucher cette prime après six mois de travail, grâce à un versement anticipé du crédit d'impôt sur le revenu. La mesure pourrait s'appliquer à tous les jeunes qui débutent leur activité à partir du 1er juillet, pour éviter ainsi tout retard à l'embauche. Le Gouvernement mettra également en place une prime de 1 000 euros pour les chômeurs de longue durée bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi stable.

La quatrième ordonnance permettra que les jeunes embauchés de moins de vingt-six ans n'entrent dans le décompte des seuils qu'à leur vingt-sixième anniversaire pour les obligations sociales et financières des entreprises. Cette mesure étend les règles valables aujourd'hui pour les contrats aidés. Avec plus de 20 % de jeunes au chômage, nous avons aujourd'hui une obligation de résultat. Je souhaite que, demain, embaucher un jeune soit pour toutes les entreprises de France une chance, un atout.

M. Jean-Marc Ayrault. Il est temps, après trois ans passés au Gouvernement !

M. le Premier ministre. La cinquième ordonnance mettra en place un dispositif d'insertion sur le modèle du service militaire adapté qui fonctionne avec succès dans les départements d'outre-mer. Ce dispositif sera proposé à des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification.

La sixième ordonnance porte sur le recrutement dans l'ensemble de la fonction publique. En supprimant le principe des limites d'âge, elle permettra aux seniors d'y accéder plus facilement. Elle créera également un nouveau mode de recrutement pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans sortis du système éducatif sans diplôme ou ayant des difficultés d'insertion professionnelle. Ils pourront bénéficier d'une formation en alternance rémunérée et intégrer la fonction publique à l'issue d'un examen professionnel, en qualité de fonctionnaires titulaires.

Vous le voyez, la philosophie de ce plan ne répond à aucune idéologie. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous connaissez le sens des mots, monsieur le Premier ministre !

M. le Premier ministre. Elle est dictée par le pragmatisme et le souci du résultat. Là où il y a des difficultés, nous voulons apporter des solutions. Là où il y a des gisements d'emplois inexploités, nous voulons nous donner les moyens d'aller les chercher. Là où il y a du dynamisme et de la volonté d'embaucher, nous voulons lever les appréhensions pour donner toute sa chance à l'emploi.

Ce plan d'action pour l'emploi est la première étape du retour à la confiance et à la croissance.

Nous devons partir d'un diagnostic clair et lucide : la baisse du dollar et la hausse du prix du pétrole ont freiné la reprise économique de 2003, sans la remettre en cause.

M. Jean-Pierre Brard. Votre majorité est sceptique !

M. le Premier ministre. Notre économie est toujours portée par le dynamisme des créations d'entreprises, le bas niveau des taux d'intérêt et la consommation. Mais notre capacité à transformer la croissance mondiale en croissance française et en emplois reste insuffisante. Face à la mondialisation, notre pays souffre d'un manque de confiance dans ses atouts et dans ses moyens.

Pour permettre le retour de la confiance le gouvernement se fixe trois objectifs majeurs.

Premier objectif : garantir la stabilité des règles fiscales et sociales pour les entreprises. Le dispositif d'allégement des charges voté par le Parlement étant pérennisé, le coût du travail n'augmentera pas.

Deuxième objectif : mobiliser d'ici la fin de l'année notre potentiel de créations d'emplois. Je compte pour cela sur le contrat « nouvelles embauches », sur le projet de loi des services à la personne et sur les 100 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi disponibles dès maintenant dans les associations, les maisons de retraites et le secteur de l'éducation. Cette mobilisation permettra une amélioration du pouvoir d'achat des Français, qui est une condition essentielle d'un retour de la croissance. Le Gouvernement encourage par ailleurs la négociation salariale au niveau des branches ainsi que la diffusion des dispositifs d'intéressement et de participation au sein des entreprises.

Troisième objectif : l'affirmation d'un nouveau volontarisme industriel. Celui-ci reposera sur une logique de projet dont l'État prendra l'initiative. Mais pour retrouver une politique industrielle innovante nous avons besoin de tous. Collectivités locales, universités, organismes de recherche, entreprises, chacun doit jouer son rôle si nous voulons garantir la croissance et les emplois de demain.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés à travers ces ordonnances, je veux exprimer l'engagement du gouvernement tout entier sur le front de l'emploi, un gouvernement, je l'ai dit, de service public, dans lequel chaque ministre est mobilisé, tout entier à sa tâche, pour relever le défi de l'emploi.

M. Maxime Gremetz. Et quel rôle donnez-vous au Parlement ? Autant supprimer l'Assemblée nationale !

M. le Premier ministre. Ces ordonnances, je vous demande de les juger à travers l'urgence qui les motive et qui les rend si nécessaires. Que veut-on pour notre pays ? L'immobilisme ou le mouvement ? L'attentisme ou la responsabilité ? Avec bonne volonté, je cherche un chemin pour les Français. Un chemin pour tous les Français.

Mon gouvernement demande à être jugé sur ses résultats. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

(M. Maurice Leroy remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le Premier ministre, de vous dire combien nous apprécions votre engagement personnel et votre présence ce soir dans l'hémicycle pour lancer de façon énergique le combat pour l'emploi, notamment au bénéfice de notre jeunesse.

M. Jean-Pierre Brard. L'amour est aveugle, monsieur le Premier ministre ! (Sourires.)

M. Claude Gaillard, rapporteur. En tant que rapporteur, j'ai mené une réflexion...

M. Richard Mallié. Contrairement à M. Brard qui ne réfléchit jamais ! (Sourires.)

M. Claude Gaillard, rapporteur. ...sur la procédure régissant l'examen des projets de loi d'habilitation, puis des projets de loi de ratification, afin d'apprécier la possibilité d'expression dont dispose notre assemblée.

Les lois d'habilitation doivent comporter trois types de dispositions : les matières législatives doivent y être précisées ; elles doivent fixer le délai dans lequel le Gouvernement peut prendre des ordonnances ; elles doivent préciser le délai imparti au Gouvernement pour déposer devant le Parlement le projet de loi de ratification - dans l'un et l'autre cas, le présent projet prévoit d'ailleurs un délai de trois mois.

En outre, le Gouvernement est tenu d'indiquer avec précision quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre. En l'espèce, les mesures sont centrées sur l'emploi des jeunes et des seniors dans les petites et très petites entreprises. Le champ de l'habilitation est donc précis, conformément à ce qu'imposent notre Constitution et le juge constitutionnel.

Ces ordonnances ne tombent pas du ciel,...

M. Jean-Pierre Brard. En effet : nous sommes laïques ! (Sourires.)

M. Claude Gaillard, rapporteur. ...puisque le Premier ministre lui-même les avait annoncées dans sa déclaration de politique générale, à l'issue de laquelle le Parlement avait voté la confiance. C'est donc fort de notre confiance que vous êtes mandaté, monsieur le Premier ministre, pour mener à bien ces ordonnances.

Celles-ci ne flottent pas en apesanteur, mes chers collègues : elles s'inscrivent en appui de ce qui a déjà été fait. Permettez-moi ces quelques rappels : contrats jeunes en entreprise, assouplissement des 35 heures, relèvement de 17,5 % du SMIC sur trois ans, reconnaissance du droit universel à la formation continue pour tous les salariés, plan et loi de cohésion sociale, amélioration de l'insertion des personnes handicapées dans la vie professionnelle, plan pour le développement des services à la personne, loi PME...

M. Maxime Gremetz. Ce sont des textes qui ont été débattus au Parlement ! Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, nous avons légiféré !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Toutes ces mesures étaient guidées par quelques grands principes : simplifier le droit pour sécuriser les relations de travail, ne pas décourager l'emploi par des risques contentieux,...

M. Maxime Gremetz. Commencez par ne pas décourager les députés !

M. Claude Gaillard, rapporteur. ...faire confiance au dialogue social (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), garantir à la fois la promotion et l'employabilité par la formation, valoriser le travail et le rendre attractif - au rebours de ce que l'on a fait à l'époque des lois sur les 35 heures -, explorer les nouveaux gisements d'emploi. Je le répète, les ordonnances s'inscrivent en appui de ce qui a déjà été réalisé, tout en imprimant une accélération rendue nécessaire par l'urgence.

Aux termes de notre Constitution, le recours aux ordonnances est motivé par deux types de considérations : soit l'urgence - ce qui est le cas -, soit la technicité de la matière traitée. Environ 250 ordonnances ont été prises depuis le début de la Ve République, dont 76 au cours de la seule législature précédente, lorsque M. Jospin était Premier ministre. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Rappel utile !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Il ne s'agit que de remettre en perspective les comportements et les méthodes de gouvernement des uns et des autres... (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'urgence, M. le Premier ministre l'a démontrée dans son discours de politique générale et vient encore de l'expliquer clairement.

Dans ce projet de loi d'habilitation, le Gouvernement va bien au-delà de ce qui lui est juridiquement imposé. Le périmètre est précisément défini. Les mesures sont largement développées, ce qui laisse au Parlement une possibilité d'amendement.

Ces mesures, diverses et complémentaires, sont de nature à provoquer le déclic psychologique dont nous avons tant besoin. En effet, notre pays n'a qu'une faible culture entrepreneuriale. On n'a de cesse d'allonger et d'alourdir les contraintes.

M. Maxime Gremetz. Allons donc !

M. Claude Gaillard, rapporteur. On accroît la complexité dans le but de protéger, mais on finit par affaiblir. On survalorise la formation initiale, ce qui pénalise encore plus ceux dont le parcours scolaire a été médiocre.

La première mesure proposée, le contrat « nouvelles embauches », vise à permettre aux chefs d'entreprise qui pourraient créer des emplois de le faire en surmontant la crainte naturelle qu'ils peuvent ressentir. Qui n'a pas créé son entreprise et son propre emploi, qui n'est pas allé à la rencontre de toute cette complexité et de toutes ces difficultés ne peut comprendre pleinement cette crainte.

M. Marc Laffineur. Très juste !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Songez, mes chers collègues, au 1,5 million d'entrepreneurs non employeurs : le frein psychologique est bien là. Voyez aussi l'« escalier » que dessinent les statistiques : 26 000 entreprises ont huit salariés, 26 000 en ont neuf, mais 13 000 seulement en ont dix ! L'effet négatif du seuil est patent, et l'on peut comprendre le comportement malthusien de certains chefs d'entreprise. Nous voulons pour notre part les aider à embaucher : ils en ont la capacité parce ce sont eux qui sont présents sur le marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand on sait que plus de 70 % des jeunes ont leur premier emploi en CDD ou en intérim, on mesure la nécessité de bouger. À cet égard, la première mesure relative à la nouvelle embauche, la troisième, qui vise à neutraliser l'impact financier du franchissement du seuil, et la quatrième, qui concerne la façon de décompter les effectifs, forment un tout cohérent...

M. Maxime Gremetz. C'est, hélas ! indiscutable.

M. Claude Gaillard, rapporteur. ...qui permettra à nos entrepreneurs d'embaucher davantage.

J'aimerais tant qu'il y ait plus d'entrepreneurs en France ! Pour créer des emplois, il faut d'abord qu'il y ait des entrepreneurs, puis que ces entrepreneurs deviennent employeurs. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Pour créer des emplois, il faut d'abord du pouvoir d'achat ! Ce qui est proposé s'apparente aux kolkhozes et aux sovkhozes !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Le contrat « nouvelles embauches » ne coûtera d'ailleurs pas un euro au budget de l'État : il s'agit seulement de supprimer un frein psychologique. L'esprit est bien celui du CDI ; mais si d'aventure il y a erreur dans le recrutement, comme cela peut arriver... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. « Comme cela peut arriver », bien sûr !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Eh oui ! cela peut arriver, mon cher collègue !

S'il y a erreur dans le recrutement, donc, ou si le marché n'est pas à la hauteur de ce que l'on escomptait, une rupture de contrat pourra intervenir. Mais des mesures particulières et innovantes permettront alors d'accompagner le salarié et de le relancer dans ses recherches.

M. Jean-Pierre Brard. Comme au bowling !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Le contrat « nouvelles embauches » ne doit pas être comparé à un CDI quand tout va bien, mais à un CDD, à un intérim ou à une situation de chômage. Or le pire des statuts, selon nous, est celui de chômeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C'est choisir entre la peste et le choléra !

M. Richard Mallié. Vous, vous ne choisissez rien !

M. Jean-Pierre Brard. En somme, ce nouveau contrat est comme l'Esprit saint : il est impalpable ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Brard !

M. Claude Gaillard, rapporteur. La cinquième mesure concerne l'insertion des jeunes dans les institutions de défense. Le dispositif prévoit que 30 % du temps sera affecté à la formation militaire et civique - ô combien nécessaire ! - et 70 % à la formation professionnelle : c'est là une deuxième chance offerte à ceux qui sont le plus en difficulté, ceux qui ont connu l'échec scolaire et sont en début de rupture sociale.

Vous, mes chers collègues de l'opposition, c'étaient plutôt les « bac plus cinq » que vous souhaitiez aider. Nous, ce sont les « bac moins cinq » ou « bac moins dix »,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez parler de M. Estrosi ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. ...ceux qui ont raté leur scolarité et sont en rupture. Si nous soutenons cette authentique mesure de solidarité, c'est que nous ne voulons pas laisser nos jeunes les plus démunis au bord du chemin. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le dispositif simplifié pour les déclarations d'embauche que prévoit la sixième mesure conforte les autres mesures. Il permettra de tirer profit du succès des chèques emploi service et du relatif échec du titre emploi entreprise. Il tiendra lieu à la fois de déclaration d'embauche, de bulletin de salaire et de titre de paiement. Mais le contrat de travail sera établi séparément, ce qui permettra d'accroître la sécurité du salarié.

À ce propos, monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous donner, sinon, un conseil,...

M. Jean-Pierre Brard. Restez humble, monsieur Gaillard ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Laffineur. Humble, vous ne l'êtes jamais, monsieur Brard !

M. le président. C'est à vous que je demande humilité et silence, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Claude Gaillard, rapporteur. ...du moins un avis sur le seuil fixé pour le chèque emploi entreprise. L'expert-comptable a un rôle très important dans les petites entreprises - je les connais, car c'est de là que je viens...

M. Jean-Pierre Brard. Vous auriez dû y rester ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. L'attitude de M. Brard est inadmissible, monsieur le président !

M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est donc avec les experts-comptables que l'on doit travailler à la définition du seuil, car ils connaissent ces questions et bénéficient de la confiance des chefs d'entreprise. Pour que le dispositif soit efficace, leur relais est indispensable.

S'agissant de la septième mesure, relative à l'accès à la fonction publique, je trouve remarquable que l'on parvienne enfin à supprimer les limites d'âges.

M. Maxime Gremetz. Pour casser le statut, c'est en effet assez remarquable !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Quant au parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'État - PACTE -, ce sont les jeunes qui en bénéficieront. Ils se verront ouvrir l'accès aux emplois de catégorie C par la voie de la formation en alternance, que l'on va enfin intégrer. Enfin nous allons sortir de ce système où seul le succès scolaire permet d'avancer ! C'est une nouvelle chance que nous donnons aux publics en difficulté.

La huitième mesure, de nature fiscale, concerne à la fois les personnes en grande difficulté et les secteurs qui ont du mal à recruter.

Monsieur le Premier ministre, je viens du BTP, secteur pourtant si décrié. Or les salariés de ce secteur - à l'instar de ceux de l'hôtellerie et de la restauration - acceptent de faire un beau métier, mais un métier difficile, et il serait logique que leur courage et leurs efforts soient sanctionnés positivement.

Il s'agit d'éliminer les freins à la création d'emplois et de prendre en compte les plus démunis en leur offrant une nouvelle chance.

Il est intolérable que le chômage frappe 23 % de nos jeunes de moins de vingt-cinq ans, avec des pointes à 50 % dans les zones sensibles urbaines !

M. Maxime Gremetz. Parfois plus encore !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Tel est le pourquoi de ces ordonnances ; c'est ainsi que je l'ai compris.

Tel est l'essentiel du contenu de cette loi d'habilitation.

Le projet doit évidemment être accompagné d'une démarche globale pour repenser les rapports des Français à l'entreprise et au monde du travail.

Les mesures proposées sont adaptées à l'urgence du moment. L'ordonnance, mes chers collègues, c'est l'action !

M. Jean-Pierre Brard. C'est la potion, plutôt !

M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est le symbole d'un moment fort. C'est un débat concentré sur l'essentiel.

M. Maxime Gremetz. Et le débat parlementaire, c'est l'inaction ! Supprimez l'Assemblée !

M. le président. Monsieur Gremetz, si vous pouviez rester inactif, nous vous en saurions gré. (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. L'Assemblée, c'est l'immobilisme !

M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Gremetz !

Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Quand on parcourt l'histoire récente, on voit bien l'importance qu'ont prise les ordonnances. Dois-je rappeler à ceux qui crient sur ma gauche que, en 1982, on a recouru aux ordonnances pour instituer la cinquième semaine de congés payés, pour abaisser l'âge de la retraite à soixante ans, pour fixer la durée hebdomadaire de travail à 39 heures ! Mais y avait-il alors urgence de recourir aux ordonnances sur ces sujets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, nous nous intéressons à des jeunes qui n'ont pas de travail, à un moment difficile pour notre pays. L'urgence de l'ordonnance est claire.

M. Maxime Gremetz. Vous avez eu le temps : trois ans !

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a donné son accord aux actions proposées. Je vous demande de soutenir celles-ci et l'ambition qu'elles portent. Ne regardons pas dans le rétroviseur. Osons regarder l'avenir en face, car regarder l'avenir, c'est déjà le changer ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La principale préoccupation des Français, nous le savons tous, est l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard. M. Dubernard va opérer !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Votre plan d'urgence, monsieur le Premier ministre, apporte une réponse : assurer, le plus rapidement possible, le retour à l'emploi de milliers de Français, particulièrement les jeunes, qui risquent aujourd'hui de s'enliser dans le chômage.

M. Jean-Pierre Brard. C'est la nostalgie qui vous fait parler !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Brard, savez-vous qui a écrit : « Il est des lieux où meurt l'esprit, pour que naisse une vérité, qui est sa négation même. » ? Reportez-vous à votre livre de citations et vous y apprendrez que c'est Albert Camus dans Noces.

J'en reviens à mon propos. Monsieur le Premier ministre, votre politique s'inscrit, bien sûr, dans la continuité du plan de cohésion sociale, si bien défendu devant nous par Jean-Louis Borloo, Gérard Larcher, et voté en janvier dernier.

Ce plan a déjà porté ses fruits, comme l'attestent le nombre élevé de conventions d'objectifs signées par les départements pour conclure des contrats d'avenir et celui des conventions signées dans le cadre de l'apprentissage.

Mais il faut aller plus vite et avec détermination. Nous ne pouvons plus attendre, il nous faut gagner la bataille de la création d'emplois dans les mois qui viennent. Et c'est dans les plus petites entreprises que se joue l'avenir de l'emploi en France.

C'est le sens des mesures qu'a présentées le Premier ministre, dans un souci d'équilibre entre les préoccupations des employeurs des petites entreprises et la protection des salariés.

Chacune de ces mesures répond au souci d'accélérer la création d'emplois en levant des freins psychologiques ou réglementaires que rencontrent les employeurs des petites et moyennes entreprises.

Ces mesures répondent également au souhait que cet emploi soit durable. Quelle logique aurait la politique de l'emploi du Gouvernement, s'il s'agissait de recréer du chômage dans six mois ?

Un contrat à durée indéterminée sera créé (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), dont les conditions de rupture seront assouplies. Il s'agit de libérer l'employeur de la crainte des procédures et des risques propres à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. Mais il n'est pas question que ce soit le salarié qui en assume le risque !

C'est pourquoi ce contrat sera assorti de plusieurs garanties pour le salarié, qui dépassent ce qu'il peut attendre d'un CDI de droit commun : outre un préavis dont la durée sera proportionnelle à celle du contrat, le salarié aura droit, en cas de rupture, à une indemnité égale à 10 % des rémunérations brutes versées et à un vrai dispositif d'accompagnement.

Il ne s'agit pas d'un contrat précaire de plus. Il s'agit d'une véritable opportunité d'emploi durable. L'élargissement de la palette des outils à la disposition de l'employeur lui permettra de recruter sous une forme plus adaptée à ses besoins. Il réduira le recours systématique au CDD, souvent employé à mauvais escient. Car c'est cela la réalité de l'emploi dans les TPE : 80 % des embauches se font sous CDD !

Des mesures d'aide à l'emploi des jeunes seront instituées. L'ANPE a commencé ses entretiens avec 57 000 jeunes pour leur proposer une solution adaptée : contrat jeunes en entreprise, apprentissage ou contrats non marchands. Ces derniers, nés de la loi de cohésion sociale, montent en puissance. La prime de 1 000 euros est une incitation à sortir rapidement du chômage, à un âge où se joue l'insertion professionnelle et sociale.

M. Jean-Pierre Brard. La Samaritaine avant la fermeture !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Relisez Camus...

Cette prime sera également perçue par les chômeurs de plus d'un an bénéficiaires de minima sociaux comme le RMI.

M. Jean-Pierre Brard. Vous sonnez comme un disque rayé, mon cher !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est aussi le sens de la mesure de neutralisation du seuil pour l'embauche de jeunes. Elle n'est pas dirigée contre les institutions représentatives du personnel, dont nous savons tous l'importance cruciale. Il s'agit d'atténuer la réticence à l'embauche d'employeurs qui vivent dans un climat d'insécurité juridique.

La neutralisation des obligations financières au seuil de dix salariés en est une autre illustration : sans rien changer à l'édifice construit par les partenaires sociaux, par exemple en matière de formation professionnelle, l'État va apporter sa pierre à la réduction d'un effet de seuil qui dissuade les entreprises d'embaucher plus de dix salariés, même lorsque leurs besoins l'imposeraient.

Le chèque emploi pour les très petites entreprises est un outil de simplification, qui ne réduit en rien les droits des salariés. Mais il libérera l'employeur de la lourdeur administrative.

L'esprit qui anime l'ensemble du plan d'urgence, c'est la vitesse de réaction. Elle ne se substitue pas à la politique de long terme poursuivie par le plan de cohésion sociale. Elle en est le complément et l'accélérateur.

Mes chers collègues, la question du chômage nous a projetés, nous, les représentants de la population, quelque soit notre bord politique, dans une sorte d'impasse. La France est, après la Suède, le pays qui fait le plus gros effort financier en termes de protection sociale. Sur les dix dernières années, le coût budgétaire des dispositifs de soutien à l'emploi a augmenté de 75 % ; le nombre de chômeurs, lui, n'a pas diminué.

M. Guy Geoffroy. En effet.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Trop de nos compatriotes dérivent vers la pauvreté, vers l'exclusion et cumulent les handicaps. Dans nos permanences, nous sommes confrontés quotidiennement à des demandes d'emploi, d'aide financière. Cette situation, ces injustices ne sont pas acceptables, ni sur le plan humain, ni d'ailleurs sur le plan économique.

Convenons-en : depuis vingt-cinq ans, nos politiques n'ont pas été efficaces. Le reproche concernant l'impuissance publique trouve ici sa pleine illustration. Le sentiment d'une société bloquée progresse chaque jour.

Nous devons tirer les conséquences de l'analyse d'un système à bout de souffle. Les attentes fortes qui se sont manifestées lors des dernières élections nous imposent d'agir vite et bien.

L'enjeu de notre débat est, notamment, de réfléchir sur la modernisation de notre marché de l'emploi et de notre droit du travail. Bien sûr, la tâche n'est pas facile. En France, ce débat est biaisé. Il débouche la plupart du temps sur des affrontements où les points de vue dans chaque camp se déclinent en fonction de stratégies politiciennes. J'ajoute que nous ne sommes toujours pas sortis - les réactions dans cet hémicycle le prouvent - du schéma manichéen selon lequel la droite mesquine, arrogante et égoïste s'acharnerait à défendre les intérêts du grand capital...

M. Jean-Pierre Brard. Quelle autocritique ! Vous progressez.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...et s'évertuerait à bafouer une gauche généreuse qui n'aspirerait qu'à construire une France toujours plus sociale et juste.

M. Jean-Pierre Brard. Enfin, vous voilà objectif !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le terrain du droit du travail est propice à toutes les manipulations, et l'impact émotionnel prévaut souvent sur le débat sensé.

L'opinion éclairée, de droite comme de gauche, a rechigné jusqu'à présent à aborder clairement certaines évidences, de peur de légitimer les caricatures de ses adversaires.

Mes chers collègues, notre pays est malade de son incapacité chronique à se remettre en cause alors même que notre système fabrique plus d'inégalités et d'injustices qu'ailleurs.

M. Jean-Pierre Brard. Traitant de maladie, vous êtes meilleur à l'hôpital qu'à l'Assemblée ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pourtant, une chose est sûre : il ne pourra être apporté de remède au chômage aussi longtemps que nous louvoierons avec désinvolture entre idéologie, réalités du terrain et réalités économiques.

Le temps est venu de briser certains tabous. Sans quoi nos concitoyens, déçus, et las de nos vaines promesses, resteront sur l'Aventin.

Nous restons attachés à ce fameux « modèle rhénan » défendu par Michel Albert, qui valorise la réussite collective, le consensus et le souci du long terme.

La lutte contre le chômage ne se fera pas au prix d'un effondrement du modèle social européen. Mais nous devons en finir avec les politiques qui ne relèvent que du réflexe idéologique. Nous ne pouvons plus nous permettre le conservatisme, les blocages et les illusions. Trop de nos compatriotes en paient aujourd'hui la facture. Nous ne pouvons plus nous payer de mots.

Dépassons les discours dogmatiques, ce n'est pas un problème de « droite » ou de « gauche », mais de modernisation du discours politique. C'est une exigence incontournable pour la France si elle souhaite préserver ses acquis économiques et sociaux.

Notre pays doit apprendre à devenir pragmatique. Nous devons être attachés dorénavant à l'aboutissement de résultats. Je serais même tenté de dire que seul désormais le résultat compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous auriez pu y penser avant !

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. J'observe que M. le Premier ministre, qui n'a déjà pas beaucoup envie d'écouter le Parlement, n'a pas souhaité écouter l'opposition, puisqu'il vient de quitter l'hémicycle.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'emploi, mes chers collègues, la France est plongée dans un malaise profond. C'est sur fond de crise dans notre pays et en Europe que le Gouvernement est invité maintenant à agir.

On pourrait dès lors supposer que la réponse qu'il serait amené à nous proposer serait à la hauteur de cet enjeu.

M. Guy Geoffroy. Elle l'est !

M. Gaëtan Gorce. Comme l'a dit M. Brard, l'amour est aveugle ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On aurait pu supposer, donc, que la réponse soit à la hauteur de l'enjeu. Mais le président de la République ne l'a pas voulu ainsi. Une fois de plus, il n'a pas voulu assumer les conséquences politiques de ses décisions, ce qui aurait été la seule attitude digne - surtout de la part d'un gaulliste.

Restait l'espoir d'un changement de politique, d'un sursaut d'autant plus vigoureux que la cause semblait plus désespérée.

Or que nous proposez-vous ? Quelle ambition ? Quelle intention ? Quelle mobilisation ? Rien ! Rien d'autre qu'une morne plaine, qu'un catalogue de mesures sans âme que le Premier ministre ne prend pas la peine de défendre plus de quelques minutes dans cet hémicycle.

Où est le souffle ? Où est l'élan ? Où est le courant puissant sur lequel vous vous appuyez pour redonner confiance à nos concitoyens, aux salariés, aux entreprises ?

On nous annonçait la charge de la brigade légère : nous avons le bal des lanciers. On nous annonçait le vol de l'aigle : nous assistons au retour d'un roi podagre. Un discours pour chambre des pairs : voilà ce que nous avons entendu. M. Raffarin n'est pas encore retourné au Sénat que nous avons le sentiment que M. de Villepin y ait déjà à son tour.

Au point qu'on peut s'interroger : si celui qu'on nous annonçait comme un Pavarotti chante comme Luis Mariano, est-ce parce qu'il a perdu sa voix, ou a-t-il simplement choisi de changer de registre ?

M. Guy Geoffroy. C'est bien, Luis Mariano !

M. Gaëtan Gorce. Le Premier ministre serait-il essoufflé avant même de prendre le départ ? Est-ce qu'il sait qu'au fond rien n'est possible, et qu'on lui a confié une mission perdue d'avance ? S'agit-il seulement de tenir ? Ne se serait-on pas résigné, à l'Élysée comme à Matignon, à gagner simplement du temps, à limiter les dégâts, et, comme disent nos amis anglais - si j'ose les appeler ainsi dans les circonstances actuelles, mais je ne voudrais pas vous choquer -, à attendre et à voir ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Wait and see !

M. Gaëtan Gorce. Je vous remercie, monsieur le président de la commission. Je savais que vos connaissances linguistiques égalaient vos connaissances en matière sociale. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

On s'expliquerait mieux alors, sans pour autant la comprendre ni la justifier, la faiblesse de votre plan pour l'emploi, fait de grands mots, déjà trop souvent entendus à cette tribune, et de petites mesures, vite émoussées. Ce qui frappe en effet dans ce plan, ce n'est pas seulement son manque de souffle, c'est surtout son manque de cohérence. S'il s'agissait d'agir réellement sur le chômage, aux mesures ponctuelles ou médiatiques, que vous venez de débiter, auraient dû s'ajouter de grandes réformes de structure, propres à lancer le mouvement ! Mais qui peut penser qu'on peut en cent jours renverser une tendance de trente ans ? Il eût fallu affiner le diagnostic, en débattre à l'Assemblée et avec les partenaires sociaux : s'agissant d'un mal si profond, dont on a mis si longtemps à déterminer les causes, que vous semblez avoir découvertes, c'était bien le moins qu'une véritable discussion s'engage à l'Assemblée. Nous n'aurons rien de tout cela.

Avec Jacques Chirac déjà la VRépublique était tombée de l'opéra gaullien à l'opérette. Désormais le catalogue de La Redoute fait office de plan d'action : il n'y pas là de quoi rendre confiance en la politique, ni donner du cœur à l'ouvrage à une France en proie à un doute si profond qu'elle ne prête plus à ce que vous dites et à peine davantage à ce que vous faites qu'une attention distraite, interrompue de coups de colère, comme au printemps 2004 ou le 29 mai dernier. Ne croyez-vous pas qu'il est temps de mettre un terme à ce qu'il faut bien appeler une pantomime - je suis désolé d'avoir à employer un terme aussi sévère, mais c'est le seul qui convienne à la situation politique que nous vivons ?

M. René Dosière. Ce n'est pas seulement une pantomime, hélas ! C'est une réalité.

M. Gaëtan Gorce N'aurait-il pas fallu saisir à nouveau les Français pour ressourcer la légitimité de ceux qui aspirent à les diriger ? Fallait-il prendre le risque d'approfondir la crise civique en jouant un nouvel acte de la tragi-comédie recommencée en 2002 ? Fallait-il encore chercher à mettre des mots là où il n'y a plus d'âme, à lire un texte qui n'a plus de sens ? Eh bien ! continuons à nous donner la réplique dans ce théâtre d'ombres qu'est en train de devenir la République de M. Chirac, puisque vous en avez ainsi décidé, même si nous sommes sans illusion sur l'issue de la pièce qui se joue aujourd'hui. Quoi que vous fassiez, votre sort est scellé !

Vous voici donc à nouveau, monsieur Borloo, devant notre assemblée, pour nous présenter un nouveau plan d'urgence. La formule est plaisante pour qualifier ce qu'on nous avait déjà proposé il y a quelques mois ! Décrétée tous les six mois, l'urgence devient chez vous une habitude, habitude d'ailleurs bien commode puisqu'elle justifie qu'on se passe du contrôle du Parlement et de l'intervention des partenaires sociaux.

Est-ce à dire que votre plan précédent n'était pas suffisant ? C'est ce que nous pensions déjà alors, et cette « nouvelle » initiative ne fait que nous confirmer dans cette opinion. Mais si vous n'avez pas atteint votre but, cela veut dire que ces derniers mois n'ont été que du temps perdu. Nous pensons, au-delà de la référence proustienne, que sur un plan social et économique il eût été préférable de les mettre à profit pour obtenir des résultats.

M. de Villepin nous le confirme. À moins qu'il ne s'agisse d'ajouter, plutôt que de substituer, un plan à un autre. Il ne s'agirait pas tant de condamner votre plan, bien qu'il soit condamnable de notre point de vue, que d'y ajouter un nouvel étage, de superposer au « plan Borloo » un « plan Breton ». L'inspiration, qui était il y a quelques mois à Grenelle, serait désormais à rechercher à Bercy. On agite le tout et on obtient finalement un « Plan Villepin ». Après le « plan Borloo » et le « plan Breton », nous avons aujourd'hui un plan « Villepin-Borloo-Breton », en attendant demain le plan de liquidation.

M. Guy Geoffroy. Que c'est mauvais !

M. René Dosière. C'est très bon !

M. Gaëtan Gorce. Voilà une perspective peu satisfaisante, voire redoutable.

Ce serait reconnaître au fond qu'il y a dans ce gouvernement deux lignes politiques : c'est beaucoup, si cela correspond à de véritables perspectives.

M. Alain Gest. C'est qu'il y a des idées, pas comme chez vous !

M. Gaëtan Gorce. L'une puiserait à des sources plus sociales, nonobstant toutes les réserves que nous avons émises, l'autre à des sources plus libérales. Cela expliquerait cet assortiment de mesures, piochées ici ou là, qui peinent à convaincre jusqu'à votre propre équipe. Il est douteux dans ces conditions qu'elles soient à même de convaincre les Français.

En réalité, la seule explication qui vaille pour justifier ce nouveau plan d'urgence, c'est que vous avez échoué. L'urgence, appelée à cette tribune par le Premier ministre, sonne une fois de plus comme le constat d'un échec flagrant. Depuis 2002, et malgré toutes nos mises en garde, vous avez manqué tous les rendez-vous de l'emploi, et c'est bien ce que vous faites à nouveau aujourd'hui. À vous entendre, l'emploi est votre priorité, mais on ne voit rien venir, aucune initiative concrète susceptible de renverser la tendance continue à la remontée du chômage que l'on observe depuis quelques années. Je l'ai déjà dit à cette tribune lorsque nous débattions des emplois aidés dans le domaine du service à la personne : le plan qu'on nous propose, dans lesquelles ces mesures étaient censées s'inscrire, vient trop tard et est insuffisant.

Il vient d'abord beaucoup trop tard eu égard à la crise économique et sociale qui frappe notre pays, la plus grave qu'on ait connue depuis 1993. Vous ne pouvez pas ignorer une situation dont vous portez la responsabilité, à force d'accumuler maladresses et échecs, en dépit de nos mises en garde répétées. J'ai encore à l'oreille les propos tenus à cette tribune par les orateurs de l'ensemble de l'opposition, notamment Jean Le Garrec, qui, à l'occasion de chaque budget, vous ont interpellés sur le peu d'attention réelle que vous prêtiez à la dégradation de l'emploi.

Aujourd'hui, le Premier ministre est contraint lui-même à ce constat, puisqu'il ne peut justifier son accession aux responsabilités qu'en arguant qu'il aurait lui, enfin, pris la mesure de l'échec de vos trois années de gouvernement. Cette situation, vous n'avez su, ni l'anticiper, ni la comprendre, encore moins l'interrompre.

Vous n'avez pas su l'anticiper : les premières mesures que vous avez décidées en 2002 n'ont pas été inspirées par le souci de développer l'emploi ; elles n'ont pas été soutenues par la volonté de faire de la lutte contre le chômage la première des mobilisations. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les deux premiers textes que vous avez fait voter dans cet hémicycle. Dès l'été 2002, nous avons commencé par démanteler les emplois-jeunes.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Ils se sont démantelés tout seuls !

M. Gaëtan Gorce. Vous avez certes mis en place des contrats jeunes. Mais l'effet de ces contrats, au nombre de 130 000 aujourd'hui, n'est en rien comparable à l'impact qu'on pouvait attendre des mesures que vous aviez décidé de supprimer d'emblée.

Le second texte sur l'emploi, que nous avons examiné à l'automne de cette année, était inspiré par le même esprit de revanche, puisqu'il s'agissait de geler brutalement le dispositif des 35 heures, et de briser la dynamique des négociations qui avaient été engagées dans les entreprises, et qui était en train de gagner les petites entreprises.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Tu parles !

M. Gaëtan Gorce. Il s'agissait de recourir aux heures supplémentaires pour résoudre le problème du déficit d'activité dont souffraient les entreprises. Je m'entends encore demander dans cet hémicycle à M. Fillon combien de créations d'emplois on devait attendre des mesures qu'il nous proposait, et d'abord de la remise en cause des 35 heures. Combien d'emplois nous promettez-vous des choix que vous faites, si réellement vous n'êtes pas inspirés par l'esprit de revanche ? Si votre objectif n'est pas en réalité celui, politique et idéologique, de satisfaire votre base électorale et votre majorité, expliquez-nous alors par quels moyens vous allez réussir à relancer le processus de création d'emplois et faire reculer le chômage.

Cette question ne reçut, tout au long du débat, aucune réponse.

Loin d'anticiper ce phénomène, vous l'avez encore aggravé, faute de le comprendre. Vous n'avez tenu aucun compte de la remontée du chômage, pourtant sensible dès 2001. Parlons clairement : le chômage, qui avait baissé régulièrement jusqu'au printemps et à l'été 2001, a repris doucement sa progression à partir de cette date. Il était par conséquent légitime de penser que vous en tireriez les premières conséquences en arrivant aux responsabilités en 2002.

le taux de chômage, qui était de 8,6 % en juin 2001, était de 8, 9 en janvier et de 9 % en juin de l'année suivante. L'évolution, visible, était liée notamment à un ralentissement de la croissance. On pouvait donc s'attendre à des décisions qui visent à interrompre ce processus, ou du moins à le combattre. Vous avez fait le contraire : non contents de supprimer les mesures de soutien à l'emploi et la croissance que nous avions prises, vous avez fait des choix budgétaires à rebours d'une politique de soutien de l'emploi. À mesure que le chômage progressait, le budget de l'emploi a constamment diminué durant cette période : les crédits consacrés à l'emploi ont baissé de 6 % en 2002 et en 2003, alors que dans le même temps le chômage progressait au même rythme. De même on a restreint le nombre de contrats aidés alors que le chômage frappait plus durement les plus démunis.

Vous pourriez m'accuser de me laisser aller à des excès polémiques, si j'étais le seul à faire ce constat. Il est hélas ! partagé par maints experts. On lit ainsi dans un récent travail de prospective de l'OFCE que la réorientation décidée par ce gouvernement des crédits de l'emploi du secteur non marchand vers le secteur marchand - non renouvellement des emplois-jeunes, réduction importante des effectifs des CES, création des contrats jeunes en entreprise - engagée depuis 2002 s'est avérée insuffisante - c'est un euphémisme ! - pour améliorer la substitution de l'emploi. Pis : menée dans un contexte de ralentissement de l'activité, cette politique a globalement amplifié de respectivement 0,2 et 0,1 point en 2003 et en 2004 l'augmentation du taux de chômage en bref. Cela signifie en clair que vous êtes par vos choix budgétaires responsables de 80 000 chômeurs supplémentaires : c'est le nombre des emplois aidés que vous avez supprimés pendant cette période. Je reconnais qu'il n'y a pas à en tirer gloire !

On comprend dans ces conditions que M. de Villepin préfère puiser ces références dans un passé fort éloigné, plutôt que dans l'action que vous avez conduite.

Les conséquences de ce processus, que vous n'avez su ni anticiper, ni comprendre, sont désormais visibles, car vous n'avez pas su non plus l'interrompre, et pour cause : elles n'étaient que l'aboutissement logique de vos choix. Là encore, les chiffres sont parlants, voire inquiétants et redoutables. Le nombre de chômeurs s'est accru de 283 000 en trois ans, alors qu'il avait baissé de 500 000 sous la législature précédente. Le taux de chômage est passé de 9 % à 10, 2 %.

Je n'ai rien à changer à ce que je disais il y a quinze jours sur ce sujet : malheureusement, les faits sont là et ils sont têtus. Le taux de chômage des jeunes est remonté à près de 25 % : le nombre de chômeurs de moins de vingt-cinq ans s'est accru de 62 000, alors qu'il avait baissé de 200 000 sous la législature précédente. Le nombre de chômeuses s'est accru de 100 000 en trois ans, alors qu'il avait baissé de 471 000 pendant la législature précédente. Le nombre de personnes au chômage depuis plus de deux ans s'est accru de 35 000, alors qu'il avait baissé de 110 000 sous la législature précédente. Dans l'industrie, 215 000 emplois ont disparu depuis que vous avez accédé aux responsabilités, ce qui fait un solde de 64 000 emplois si on en déduit les créations d'emplois dans le tertiaire. Au cours du premier trimestre de cette année, l'industrie a perdu 32 000 emplois.

Voilà votre bilan, qu'on ne peut qualifier autrement que de catastrophique. Telles sont les conséquences des choix que vous avez faits. Voilà ce qui justifie l'urgence à agir, à réagir, que vous évoquez maintenant quasiment tous les trois mois.

Pourquoi pas après tout ? Mais ce que vous nous proposez est trop court, aujourd'hui comme il y a quelques mois.

On nous promet que cela va changer ; on nous promet que les mêmes vont faire une autre politique. Mais cela peut-il changer réellement ? Qu'y a-t-il de différent dans les orientations que vous nous présentez, dans les personnalités politiques qui sont censées les conduire ? Le ministre de l'emploi est le même - grand bien lui fasse ! La plupart des membres du Gouvernement ont simplement joué aux chaises musicales. On peut donc penser que la chanson qu'ils entonneront une fois qu'ils auront retrouvé leur chaise sera bien la même.

Il aurait fallu une vraie rupture, il aurait fallu qu'une vraie volonté s'exprime. On n'attendait certes pas de vous que vous tiriez les leçons du scrutin du printemps dernier : vous n'êtes pas, malgré le goût que certains affichent pour le sumo, passionnés par la culture asiatique au point de vous faire hara-kiri !

M. Guy Geoffroy. J'ai rarement entendu quelque chose d'aussi mauvais !

M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est plutôt vous qui avez perdu le dernier scrutin !

M. Gaëtan Gorce. Vous ne tirerez donc aucune leçon du 29 mai. Certes le Président de la République a été largement désavoué par les Français qu'il avait interpellés.

M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est le PS qui a été désavoué par ses électeurs !

M. Gaëtan Gorce. Mais il pense garder finalement suffisamment d'autorité - fol espoir ! - pour défendre les intérêts des Français.

Mais puisqu'on change de Premier ministre, il fallait y aller fortement, carrément et avec enthousiasme. Mais non ! Au lieu de cela, vous faites les mêmes mauvais paris, les mêmes mauvais choix, en utilisant la même mauvaise méthode.

Vous répétez d'abord les mêmes mauvais paris, qui sont autant d'erreurs de perspective. Vous pariez d'abord qu'on peut s'en tenir aux contrats jeunes pour lutter contre le chômage des jeunes. Or, comme cela a été dit, constaté, vérifié, recalculé, ils sont loin de compenser la disparition des emplois-jeunes. Pour s'en tenir aux estimations les plus prudentes, le nombre d'emplois-jeunes qui subsistaient en juin 2002, au moment où nous avons quitté les responsabilités, reste supérieur à celui des contrats jeunes que vous êtes parvenus à créer - 210 000 contre 130 000. En outre vous avez dans le même temps supprimé l'exonération du premier salarié, qui concernait près de 92 000 personnes, et vous n'avez pas pris en compte l'incidence de ce type de contrats sur les formations en alternance et les emplois en alternance, auxquels ils se sont substitués. Or on a constaté que l'augmentation - trop modérée - du nombre des contrats jeunes s'accompagnait de la diminution de celui des formations en alternance.

Si on additionne aujourd'hui les contrats de professionnalisation et les contrats de qualification qui subsistent, on arrive à peine à 28 000 en ce milieu d'année, alors qu'on dénombrait plus de 52 000 contrats de qualification en 2004.

De plus, ces mesures ont accentué les effets d'aubaine. Les effets de substitution en matière de formation en alternance sont évidents. La progression du chômage des jeunes suffit à confirmer l'exactitude de ma démonstration.

Alors ne dites pas que les contrats jeunes ont eu une efficacité. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Mais il y a aussi l'effet d'aubaine : 225 euros par emploi et par mois, naturellement c'est tentant pour une entreprise, d'autant qu'elle est déliée de toute obligation de formation. Vous avez cédé à cette tentation, toujours la même : écarter les objectifs de formation, donner des avantages aux entreprises qui embauchent, sans poser de conditions. Vous avez prétendument favorisé l'emploi marchand et, au total, vous n'avez pas favorisé l'emploi du tout : vous avez favorisé le chômage.

Contre le chômage de longue durée, vous avez commis la même erreur de perspective. Vous avez donné le sentiment que l'on pouvait essayer de lutter contre le chômage de ceux qui sont le plus en difficulté dans notre pays, ceux qui sont au chômage depuis le plus longtemps avec le moins de qualifications, simplement en remplaçant les CES et les CEC par de nouveaux contrats. Ceux-ci présentent au fond les mêmes caractéristiques, sinon que les financements sont moins favorables. Et vous n'avez pas tenu compte des choix que vous aviez faits auparavant, vous n'avez fait que jouer au yo-yo avec ces contrats - nous avons vu augmenter, puis diminuer, puis réaugmenter, puis diminuer, puis réaugmenter les contrats aidés, tout au long des trois dernières années -, perturbant totalement les employeurs potentiels, démoralisant le service public de l'emploi, qui ne sait plus, si j'ose dire, à quel saint se vouer.

Mais en modifiant ces dispositifs, en les rebaptisant comme vous l'avez fait, vous avez aussi créé un mouvement dépressif dans le recrutement de ce type d'emploi. Si on cesse de recruter des CES et des CEC, on ne commence pas encore à recruter des contrats d'avenir ou des contrats d'accompagnement à l'emploi. La conséquence, évidemment, se retrouve directement dans les statistiques du chômage. Ce sont probablement plusieurs mois de perdus. Je ne prendrai pas la peine - en tout cas, je n'ajouterai pas à votre peine - de rappeler le nombre de CES qui existaient en 2002 et ceux qui existent en 2004, ni la diminution, au total, sur la période - je l'ai évoquée - des contrats aidés. L'OFCE a rappelé, après que je l'ai fait, que cela avait eu des conséquences négatives sur l'emploi.

Contre le chômage des jeunes : erreur de perspective ; contre le chômage de longue durée : erreur de perspective et mauvais choix. Contre le chômage de manière générale, vous avez fait de mauvais choix et de mauvais paris. Avez-vous changé ? M. Fillon nous expliquait ici qu'il fallait compter sur une réduction du chômage, qu'on nous annonce toujours pour l'année qui vient. M. Raffarin nous disait que, pour 2005, ce serait 10 % de moins. On nous dit maintenant que ce sera pour 2006, et on nous dira probablement ensuite que ce sera pour après les présidentielles. Il faudra bien se résigner à penser que le moment où le chômage commencera à diminuer sera celui où vous ne serez plus aux responsabilités. Et nous ne pourrons qu'encourager cette appréciation.

M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas rêver !

M. Gaëtan Gorce. Vous nous avez annoncé cette baisse du chômage à chaque fois, comme si elle allait venir. M. Fillon d'ailleurs l'expliquait non par sa politique - encore qu'il y avait les contrats de départ en retraite anticipée -, mais simplement par l'évolution démographique ! Une sorte de résignation ! Il nous expliquait - faussement d'ailleurs - que c'est par la diminution de la population active entrant sur le marché du travail que l'on obtiendrait une résorption du chômage, que les plus de 2,5 millions de chômeurs d'aujourd'hui trouveraient progressivement un emploi. Quelle erreur ! Parce que d'abord, sur le plan démographique, on sait que les évolutions correspondent assez rarement aux prévisions. Ce n'est pas parce que les jeunes qui vont entrer sur le marché du travail sont moins nombreux que les actifs qui vont en sortir qu'il n'y a pas d'autres personnes qui, sur le marché du travail, vont se manifester pour obtenir un emploi : celles qui n'en n'avaient pas, sans doute, mais aussi celles qui jusqu'alors n'en demandaient pas - les femmes, les personnes qui voudront changer d'emploi ou qui en chercheront dans d'autres conditions. Il n'y a pas d'automaticité. C'est faire un calcul trop simple que de penser que par la baisse démographique on obtiendra la baisse du chômage. Et c'est d'ailleurs pour cela que l'on n'a rien vu.

Mais il n'y a pas non plus d'automaticité parce qu'un emploi ne se remplace pas nombre pour nombre, emploi pour emploi. Il faut une adaptation, la qualification équivalente. Il faudrait d'ailleurs - on pourrait se demander si votre gouvernement en prendra l'initiative - que s'engagent de grandes négociations dans les branches professionnelles, comme dans la fonction publique, pour préparer le remplacement de celles et ceux qui partent à la retraite dès maintenant. La question n'est pas seulement de savoir s'il faut en remplacer la moitié, ou 5 000, 6 000... Vous en débattez sans cesse pour savoir si vous faites assez pour supprimer des emplois de fonctionnaire. La grande question, c'est de savoir comment se prépare-t-on pour remplacer des emplois qui sont nécessaires dans l'État, dans les collectivités locales, comme dans l'économie marchande ? On pourrait espérer, de ce point de vue, que ce soit avec les partenaires sociaux que ce travail se fasse au niveau de chaque branche professionnelle. Or, malheureusement, on ne voit rien venir ! Et la crainte que l'on peut avoir, c'est que les solutions trouvées seront préjudiciables à l'emploi.

On peut d'ailleurs aussi penser que les entreprises, dans un contexte économique marqué plutôt par un ralentissement, ne vont pas remplacer les salariés qui partent mais plutôt tenter de réaliser des économies de productivité, ou qu'elles joueront sur les heures supplémentaires que vous leur avez généreusement attribuées. Vous avez augmenté sans cesse les contingents d'heures supplémentaires. À quoi bon embaucher, à quoi bon remplacer un salarié qui part, si on peut jouer sur les heures supplémentaires dans les conditions que vous avez prévues ?

Bref, aucune des décisions que vous avez prises n'a permis d'agir efficacement contre le chômage. Vous avez fait de mauvais paris. Ces mauvais paris n'ont pas été gagnés. Il serait bon que vous les dénonciez aujourd'hui, que vous changiez de point de vue. Mais à ces mauvais paris, vous ajoutez de mauvais choix, qui sont autant d'erreurs de jugement. J'ai parlé de mauvais paris qui sont des erreurs de perspective ; j'ajoute qu'il y a des mauvais choix qui sont autant d'erreurs de jugement. Parce que sur quoi vos mesures reposent-elles ? Là on rentre plus dans les détails des mesures que vous proposez au Parlement indirectement avec la médiation de la loi d'habilitation. En reprenant vos mesures, on peut en déduire les raisons qui, pour vous, expliquent le chômage. Mais à vous lire on a immédiatement le sentiment que vous attribuez le chômage à des causes qui sont fausses. En effet, dans quelles catégories se rangent les mesures que vous nous proposez ? Il y a trois grandes catégories.

La première est due au fait que vous prétendez que le chômage serait causé en partie par la rigidité du code du travail. C'est ce qui vous conduit aujourd'hui à nous proposer les contrats « nouvelles embauches ». Mais c'est oublier une réalité bien malheureuse : la précarité est déjà présente dans notre économie ! Ainsi, 70 % des embauches se font aujourd'hui sous des contrats à durée déterminée, 19 % du temps total travaillé l'est par des salariés dont le contrat est inférieur à un an. A-t-on besoin encore de renforcer cette précarité ? A-t-on besoin encore de créer non pas un contrat « nouvelles embauches », mais un « contrat précarité plus » ? Car en fait, c'est cela que vous nous proposez. A-t-on besoin d'un nouvel outil de cette nature alors que le sentiment de la plupart des salariés, aujourd'hui, c'est qu'ils n'ont pas les garanties nécessaires, suffisantes, face aux incertitudes du contexte économique, face aux incertitudes qui pèsent sur leur pouvoir d'achat, face aux incertitudes qui pèsent sur leur emploi ? Vous accroissez encore ce sentiment de précarité, et vous récolterez la même réaction, la même inquiétude, le même sentiment de refus qui s'exprimera toujours avec la même force, parce que vous n'aurez pas su recréer la confiance dans cette économie et dans nos entreprises.

La deuxième explication que vous apportez à travers ces propositions, outre la rigidité du droit du travail, qui paraît être l'explication centrale à travers les contrats « nouvelles embauches », ce serait la difficulté des entreprises, notamment des petites entreprises, à embaucher. D'ailleurs, le rapporteur a une phrase intéressante dans son rapport. Il dit que cela provient du sentiment des entreprises, « justifié ou injustifié », précise-t-il, d'avoir des difficultés à embaucher pour des raisons administratives ou financières. C'est pour répondre à ce sentiment, justifié ou injustifié, que vous prenez des mesures injustifiées, qui visent justement à différencier les règles applicables aux petites entreprises de celles des grandes. Lorsque l'on est salarié d'une petite entreprise, on n'aurait pas les mêmes droits que lorsque l'on travaille dans une grande. Les salariés des petites entreprises n'ont déjà pas la même durée du travail - c'est la conséquence des lois que vous avez fait voter par cette assemblée ; ils n'ont déjà pas, pour l'essentiel, les mêmes salaires ; mais ils n'auront plus désormais les mêmes droits sociaux et, pour le coup, les mêmes contrats ou les mêmes modalités de décompte pour la prise en compte des seuils sociaux ou pour la représentation des personnels.

Vous faites un choix grave, non seulement parce qu'il est erroné dans son fondement, mais parce qu'il a tendance à institutionnaliser cette idée qu'il devrait y avoir une économie à deux vitesses, ou en tout cas deux économies : celle des petites entreprises, où le social n'aurait pas sa place ou devrait être différent, et l'autre économie, celle des autres entreprises. Cette situation est grave pour les salariés, qui réagiront, mais elle est grave aussi pour les entreprises, qui auront des difficultés à recruter. Ne croyez pas que ces mesures vont faciliter les choses. Elles vont au contraire donner le sentiment à chacun qu'il est moins favorable de s'orienter vers ce type de métier, vers ce type d'entreprise, que d'accepter des recrutements dans de plus grandes. D'ailleurs, les représentants de ces entreprises le disent souvent eux-mêmes.

Le troisième choix que vous faites, à travers notamment la proposition d'abonder par une prime la situation financière du chômeur qui reprendra un travail, et également à travers l'idée, qui a été évoquée à de nombreuses reprises, de renforcer le contrôle des chômeurs, est aussi une erreur de jugement. Finalement, s'il y a du chômage, ce ne serait pas seulement parce qu'il y aurait un droit du travail trop rigide - mon Dieu ! Évidemment, un code du travail trop épais, cela va de soi pour vous ! Ce n'est pas seulement parce que les petites entreprises hésiteraient à embaucher qu'il leur faudrait un chèque emploi ou des règles socialement favorables, c'est aussi parce que les chômeurs ne chercheraient pas du travail avec suffisamment d'énergie, et que s'ils ne reprennent pas le travail, c'est qu'ils n'y trouveraient pas d'avantage financier ! Que cette situation puisse exister, j'en conviens. Nous avons tous des exemples isolés. Mais allez donc expliquer aux chômeurs, à celles et à ceux que vous croisez dans vos permanences, à celles et à ceux que nous rencontrons tous les jours dans nos communes, que la raison pour laquelle ils ne trouvent pas d'emploi, c'est qu'ils ne font pas l'effort suffisant ou qu'ils n'y trouvent pas un attrait financier suffisant. Allez expliquer cela aux chômeurs de plus de quarante ans de ma commune, licenciés par Epéda depuis plus de deux ans, qui ne retrouvent pas d'emploi et pour lesquels l'entreprise n'a jamais fait le moindre effort d'adaptation ou de qualification, ne se préoccupant pas de la situation dans laquelle elle a laissé ses salariés. La question qui se pose pour eux n'est pas de savoir s'ils vont bénéficier d'un avantage financier supplémentaire de 1 000 euros en reprenant un travail. Leur question, c'est : vont-ils pouvoir retrouver un travail ? Arriverons-nous à recréer de l'emploi dans ces départements et ailleurs pour faire en sorte que l'emploi redevienne possible pour ces catégories de populations ?

Le fondement sur lequel vous appuyez ces mesures est dangereux d'ailleurs, parce qu'il vise toujours à stigmatiser : stigmatiser les entreprises, stigmatiser le droit du travail, stigmatiser les chômeurs. Comment peut-on espérer recréer de la confiance en opposant les entreprises entre elles selon leur taille, en opposant les chômeurs à ceux qui occupent un emploi, en opposant le droit du travail et ses garanties aux exigences de développement économique ? Comment peut-on nier à ce point ce qui fait la cohérence de notre société, l'idée qu'il y a un équilibre entre l'économique et le social, que le progrès économique doit aller avec le progrès social, que la sécurité apportée aux salariés n'est pas contradictoire avec leur productivité et avec leur efficacité, mais, au contraire, en est la condition ? Comment oublier que tout est organisé dans notre pays et dans l'économie européenne, depuis la Libération, sur le principe selon lequel l'économie permet de financer du social, le social permet de financer de l'économie, et que ces deux systèmes avancent de concert ? Qu'il faille réformer, naturellement, mais affaiblir d'un côté au motif que l'on va renforcer de l'autre, c'est commettre une erreur de principe qui ne peut pas vous apporter d'autre résultat que la colère exprimée mois après mois par les salariés, et dans les urnes par les électeurs.

Enfin, vous faites de mauvais paris, vous faites de mauvais choix et vous utilisez de mauvaises méthodes, lesquelles sont autant d'erreurs psychologiques parce que si votre objectif est bien de mobiliser cette société et de remobiliser les Français au service de l'emploi, de donner à chacun envie de participer à l'effort que vous leur proposez, alors pourquoi contourner comme vous le faites les organisations syndicales ? Pourquoi tenir pour rien le principe de dialogue préalable que vous aviez vous-même fait inscrire dans la loi de M. Fillon sur le dialogue social ? Certes, c'était dans l'exposé des motifs. Mais il nous avait été dit que rien ne serait fait en matière sociale qui ne soit précédé d'une consultation, d'une concertation, voire d'une négociation avec les partenaires sociaux. Or nous avons un nouvel exemple du peu d'intérêt...

M. Guy Geoffroy. Ça a été fait ! Ce n'est pas vous qui allez nous donner des leçons !

M. Gaëtan Gorce. ...que vous portez à ces engagements que vous prenez. Je vous en prie, ne vous énervez pas.

M. Guy Geoffroy. Je ne m'énerve pas !

M. Gaëtan Gorce. Je comprends que vous puissiez être irrité, non pas par ce que je dis, mais parce que le gouvernement que vous soutenez ne respecte pas les principes qu'il a fait voter par sa majorité. Or c'est très exactement ce qui se passe.

M. René Dosière. Y a pas photo !

M. Guy Geoffroy. Mais pas du tout !

M. Gaëtan Gorce. Donc si vous avez une colère à exprimer, tournez-vous vers le Gouvernement et dites-lui : « Mais au nom de quoi, aujourd'hui, méconnaissez-vous les principes mêmes que vous avez fait voter dans cette assemblée et qui figuraient dans l'exposé des motifs de la loi sur le dialogue social ? »

M. Guy Geoffroy. Qu'est-ce que c'est que ce cinéma ?

M. Gaëtan Gorce. Mais tout ça ne compte pas pour vous ! Et c'est grave. Il ne s'agit pas simplement d'une petite entorse que l'on ferait, en passant, à un principe que l'on avait évoqué parce que cela pouvait complaire à un moment donné et avoir un impact médiatique. C'est grave parce que cela donne le sentiment que, sur ces questions économiques et sociales, les solutions pourraient être trouvées sans les partenaires sociaux, que nous pourrions espérer faire bouger cette économie et recréer de l'emploi sans que ceux-ci en soient directement les partenaires et les acteurs. C'est grave parce que c'est aussi donner le sentiment que la parole de l'État ne compte pas. Comment pouvez-vous espérer conduire d'autres réformes ? Cela dit, certaines ont été faites à moitié et si mal qu'il faudra les reprendre. Mais comment pouvez-vous espérer ou simplement justifier une volonté de réforme si la parole de l'État n'engage pas l'État, si vous dites aux partenaires sociaux que vous promettez de les consulter, et qu'à la première occasion vous les mettez de côté ? Qu'attendez-vous comme réponse ? Qu'aurez-vous comme retour ? Quelle confiance peuvent-ils vous accorder à travers la pseudo-concertation que vous avez engagée une fois les décisions prises contre leur avis et contre les propositions qu'ils étaient prêts éventuellement à soutenir ?

J'en profite pour rappeler qu'il serait utile que ce gouvernement dise au MEDEF - peut-être le changement de son président en sera l'occasion - qu'il serait temps qu'il décide aussi de jouer son rôle de partenaire social et qu'il ne soit pas simplement le lobby des entreprises ou celui qui se retranche derrière le Gouvernement pour obtenir des choses qu'il n'obtiendrait pas par la négociation. Peut-être pourrait-on espérer du Gouvernement qu'il soit équitable dans son traitement des partenaires sociaux en les mobilisant les uns et les autres, ou parfois en les rappelant à leurs responsabilités. Mais c'est vrai que vous n'en prenez pas le chemin puisque vous avez choisi de les ignorer.

Non contents d'ignorer les syndicats - c'est une mauvaise méthode, j'ai expliqué pourquoi -, vous nous expliquez, en nous présentant vos propositions, que les seuils sociaux seraient eux-mêmes un obstacle à l'emploi. Vous proposez, en effet, que l'on ne prenne pas en compte les jeunes de moins de vingt-cinq ans dans le décompte des effectifs qui imposent l'élection de délégués du personnel et la mise en place des instances représentatives, comme les comités d'entreprise. Que les jeunes ne soient pas considérés comme des salariés à part entière est un peu choquant. C'est paradoxal aussi si l'on se réfère au discours de dialogue social - non pratiqué, c'est vrai - que vous tenez.

On peut penser que si l'on a instauré les seuils de dix et de cinquante salariés, c'est qu'ils avaient quelque utilité ! La création d'un comité d'hygiène et de sécurité, que déclenche le seuil de cinquante salariés, concerne aussi bien les jeunes embauchés que les autres salariés de l'entreprise ! Pourquoi l'arrivée d'un jeune de moins de vingt-cinq ans ne déclencherait-elle pas, si elle fait dépasser le seuil, la création d'un comité d'hygiène ? Pourquoi cette inégalité de traitement et, surtout, cette inégalité face aux conséquences qu'auront les mesures que vous proposez ?

Vous passez par pertes et profits le dialogue social et la représentation sociale. Cela ne vous empêchera probablement pas, dans quelques mois, de tenir des propos éplorés sur la faiblesse des syndicats, leur manque de réactivité et le peu d'attention qu'ils portent aux demandes qui leur sont faites de négocier. Pourtant, vous aurez récolté ce que vous aurez semé !

Outre que vous « squeezez » les syndicats et les partenaires sociaux, vous contournez le Parlement. Il est amusant de constater que certains parlementaires s'en réjouissent. J'écoutais à l'instant M. Gaillard, notre excellent rapporteur, nous expliquer qu'il était ravi que le Parlement n'ait pas à aller plus loin dans la discussion.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Ce n'est pas vraiment ce que j'ai dit !

M. René Dosière. C'est ce que l'on pouvait entendre !

M. Gaëtan Gorce. On nous dit qu'il s'agit - et je veux souligner la contradiction - d'un plan d'urgence et qu'il faut donc aller vite : c'est sous-entendre que le Parlement ne le permet pas ! Le Gouvernement devrait s'engager dans une procédure longue et pénible, à l'issue incertaine ! Est-ce cela, pour vous, la discussion parlementaire ? Le débat est pénible ! Alors, écartons-le, puisqu'il faut aller vite !

Ledit plan d'urgence porte sur des mesures fondamentales ; d'ailleurs, le discours du Premier ministre a été centré exclusivement sur l'emploi. C'est la mesure phare du Gouvernement ! Une mesure phare à laquelle on n'associe ni le Parlement ni la majorité ? Et elle devrait susciter l'enthousiasme ?

M. Guy Geoffroy. Vous avez des références en la matière ! Je vous en citerai tout à l'heure, vous serez surpris !

M. Gaëtan Gorce. Parlons-en des références ! M. Gaillard rappelait que c'est par ordonnances que nous avions instauré la cinquième semaine de congés payés et la retraite à soixante ans.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Et les 39 heures !

M. Gaëtan Gorce. Si vous proposiez des mesures de progrès social aussi importantes que celles-là, tout le pays accepterait cette entorse au débat démocratique ! Mais tel n'est pas l'objectif, qui est bien plutôt de mettre en cause les règles du droit du travail,...

M. Claude Gaillard, rapporteur. Le vôtre, ce n'est pas non plus le progrès, c'est « on rase gratis » !

M. Gaëtan Gorce. ...de créer une nouvelle forme de contrat et d'éliminer la représentation syndicale dans un certain nombre d'entreprises, en remettant en cause les seuils d'effectifs. Ne présentez pas cela comme un progrès social !

Ce gouvernement ne fait que légiférer dans l'urgence. En janvier 2007, certes, il sera temps de s'y mettre. Mais deux ans à l'avance ! Il est vrai que c'est une habitude et qu'il semble atteint de la danse de Saint-Guy !

M. Guy Geoffroy. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Oui, parlez-nous donc un peu de vous !

M. Gaëtan Gorce. La loi du 29 août 2002, portant création du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes : il y a urgence, nous déclare M. Fillon. Vite, le Parlement vote dans l'urgence : une seule lecture, et les contrats jeunes sont créés.

M. Guy Geoffroy. Et ça marche !

M. Jean-Paul Anciaux. Avec 200 000 jeunes !

M. Gaëtan Gorce. Ne vous énervez pas !

M. Guy Geoffroy. Nous ne faisons que vous informer !

M. Gaëtan Gorce. Résultat, plus de 200 000 chômeurs de moins de vingt-cinq ans en plus !

M. Jean-Paul Anciaux. Pas du tout !

M. Gaëtan Gorce. L'urgence que vous avez décrétée se traduit par une augmentation du chômage.

M. Alain Vidalies. Les 300 000 chômeurs de plus, c'est bien vous, non ?

M. Gaëtan Gorce. Le 3 février 2003, M. Fillon, encore, invoque l'urgence pour la relance de la négociation collective. On sait ce qu'il en est advenu s'agissant de la loi sur les licenciements.

Le 17 janvier 2003, urgence encore ! Et c'est M. Fillon qui monte à nouveau à cette tribune.

Et l'on saute comme un cabri - aurait dit le général de Gaulle - en criant, non pas « l'Europe, l'Europe » mais « l'urgence, l'urgence » !

M. Guy Geoffroy. Cette référence vous va mal !

M. Gaëtan Gorce. La loi du 17 janvier 2003 est relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi ; en réalité, il s'agit de porter un deuxième coup aux 35 heures.

À nouveau l'urgence pour la loi du 18 décembre 2003, portant décentralisation du RMI et la création du RMA,...

M. Jean-Paul Anciaux. Heureusement !

M. Gaëtan Gorce. ...et pour la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Le 30 juin 2004 sur la journée de solidarité : encore l'urgence ! Toujours l'urgence !

Vous agissez dans l'urgence, et c'est dans l'urgence que vous aboutissez à l'échec : la démarche est remarquable ! Surtout, cela devient une habitude : ce n'est plus un gouvernement, mais un SAMU ! L'urgence, toujours l'urgence, et pour des résultats dramatiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Anciaux. Vous avez rendu la France malade, il faut bien la soigner !

M. Gaëtan Gorce. Il faudrait que vous acheviez vos études de médecine pour y parvenir !

M. Gaëtan Gorce. Comme le destin biologique est inscrit dans les gènes, le résultat de vos erreurs d'inspiration, de méthode et de choix est inscrit dans votre projet : ce sera l'échec. Je ne résiste pas au plaisir de répéter ce que je disais il y a peu, parce que c'est la réalité : vous employez la méthode de M. Juppé - pas de concertation -, vous faites les promesses de M. Chirac - ça, c'est facile - et vous aurez les résultats de M. Raffarin. Tel sera le bilan que l'on pourra tirer de votre politique.

Si c'est trop tard, si c'est trop court, c'est aussi trop peu. On nous promet des mesures et des moyens, toujours dans l'urgence : 4,5 milliards d'euros seront mobilisés en 2006 pour financer ces mesures. Mais M. Borloo nous avait déjà annoncé des sommes très importantes, il y a quelques mois. Comment allez-vous faire puisque, on le sait, depuis que vous êtes aux responsabilités, l'argent est rare ?

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a assuré que toutes nos marges budgétaires iraient à l'emploi. Quel humoriste distingué que M. de Villepin ! Où sont donc ces marges budgétaires ? Faut-il rappeler votre bilan ? La dette publique, dont le niveau est supposé permettre de juger de la bonne ou de la mauvaise gestion, est passée de 58,2 % du PIB en 2002 à presque 65 % aujourd'hui. La charge de la dette absorbe la quasi-totalité du produit de l'impôt sur le revenu. La dette n'a cessé de progresser depuis que vous êtes aux responsabilités.

Quant aux comptes sociaux, alors que leur déficit s'élevait à 13,6 milliards en 2004, il sera probablement supérieur à 10 milliards en 2005, en dépit des mesures que vous avez annoncées. L'assurance chômage accusait un déficit de 4 milliards en 2004, de 15 milliards cumulés depuis 2002, c'est-à-dire près de la moitié du montant des prestations servies aux chômeurs en une année. Comment allez-vous gérer cela ? Nous sommes nombreux à nous le demander.

Le déficit public était de 3,6 milliards en 2004, supérieur aux 3 % du PIB qu'autorisent les accords européens. On se demande bien comment vous pourriez atteindre cet objectif avec un taux de croissance pour la présente année bien en retrait - c'est un euphémisme ! - de celui que vous aviez prévu.

Dans ces conditions, quelles marges de manœuvre allez-vous donc pouvoir consacrer à l'emploi ? Bien sûr, il y a une solution de secours, celle qu'a annoncée le Premier ministre : une pause dans les baisses de l'impôt sur le revenu. Mais lesdites baisses d'impôt n'étaient pas prises en compte dans les budgets qui nous sont présentés, en tout cas pas pour 2006. C'est, par conséquent, en monnaie de singe que ces mesures sont financées !

Nous avions assisté au même tour de passe-passe pour le plan de M. Borloo. Il nous avait annoncé, pour 2005, 1,4 milliard d'euros, et nous avions eu 112 millions d'euros de mesures nouvelles ; voilà ce qui ressortait du budget de l'emploi dont nous avons discuté en décembre dernier. On nous annonce beaucoup et nous obtenons dix fois moins ! À présent, on nous annonce 4,5 milliards ; peut-être en obtiendrons-nous 450 millions !

À l'évidence, il y a bien peu à attendre des mesures que vous annoncez et vous aurez bien du mal à atteindre les objectifs que vous vous fixez. Si ces mesures ne sont pas de nature à faire baisser le chômage ni à recréer la confiance - elles auront bien du mal à être financées -, elles posent en outre de sérieux problèmes juridiques -, et nous arrivons là au cœur de l'exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Enfin !

M. Gaëtan Gorce. Le juridique ne se distingue pas du politique en ces matières, monsieur le ministre !

Quelles conséquences auront les mesures proposées sur notre droit du travail ? À tout seigneur, tout honneur - c'est sans doute lui en faire trop -, j'évoquerai surtout le contrat « nouvelles embauches », car c'est la disposition qui a été le plus mise en avant.

M. Jean-Paul Anciaux. C'est bien !

M. Gaëtan Gorce. C'est le contrat de toutes les hésitations. Le Premier ministre l'a décrit, à cette tribune même, comme un contrat avec une période d'essai de deux ans. On pouvait penser que M. de Villepin était sûr de son fait ; or il n'en est plus question aujourd'hui ! En effet, les périodes d'essai ne relèvent pas de la loi, mais des conventions collectives. Le principe de faveur aurait donc joué à plein. De plus, selon la Cour de cassation, les périodes d'essai ne sont pas destinées à permettre de rompre facilement un contrat de travail, mais d'apprécier la capacité professionnelle du salarié. C'est seulement si celle-ci est insuffisante que l'on peut remettre en question le contrat de travail, et non pas simplement par commodité. Il ne s'agit nullement de faciliter les licenciements. J'ai en ma possession tous les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui montrent bien que ces décisions ne pouvaient être motivées autrement que par une insuffisante capacité professionnelle. Le juge exerce, d'ailleurs, un contrôle particulièrement sévère en la matière.

Après celui de toutes les hésitations, ce contrat est devenu celui de toutes les précarités. Puisqu'on ne pouvait rester dans le cadre normal du CDI, ni adapter la période d'essai, il fallait inventer un nouveau type de contrat. C'est ce que vous faites, contre l'avis des partenaires sociaux et sans demander son avis - ou si peu - au Parlement. Ce nouveau CDI, celui que j'ai appelé le « contrat précarité-plus », aura pour effet de donner à l'employeur une facilité de licenciement les deux premières années - c'est bien là l'objectif que vous poursuivez. Il faut pouvoir se séparer de ce salarié selon les évolutions de la conjoncture, ou éventuellement l'humeur de l'employeur, sans autre condition ni garantie. Vous créez donc, à côté du CDI et du CDD, un contrat « du troisième type », privé des principales garanties de procédure et de fond qui devraient s'appliquer à un contrat de travail, des garanties qui découlent de nos lois, de notre constitution et des conventions que nous avons signées auprès de l'organisation internationale du travail. Le recours aux ordonnances, qui permet de contourner les partenaires sociaux, vous évite toute explication sur ce point.

M. Jean-Paul Anciaux. C'est mieux que les emplois-jeunes où la période d'essai était de cinq ans, à l'issue de laquelle rien n'était prévu !

M. Gaëtan Gorce. Il vaudrait mieux que vous réserviez votre indignation à ce genre de détournement des procédures et du droit !

M. Jean-Paul Anciaux. Je ne faisais que présenter un constat !

M. Gaëtan Gorce. Décidément, vous n'aimez pas les emplois-jeunes. Vous les avez supprimés et vous avez renvoyé au chômage les jeunes qui en profitaient ! Vous me paraissez ressentir encore du courroux pour un texte que vous avez déjà abrogé !

Que deviennent les garanties qui entourent la rupture des contrats à durée déterminée, en particulier la règle de l'entretien préalable, obligatoire en toute situation, que le licenciement soit disciplinaire ou économique, individuel ou collectif. Cet entretien devait permettre au salarié d'exposer librement sa défense.

M. Jean-Paul Anciaux. Avec les emplois-jeunes, il n'y avait ni ASSEDIC, ni entretien, ni formation !

M. Gaëtan Gorce. Il s'agit là d'un principe fondamental de notre droit social, sur lequel veille la Cour de cassation. Écarter l'entretien, c'est écarter le principe du contradictoire. Quand on veut licencier quelqu'un, c'est qu'on a un motif : la procédure a justement pour but de permettre à l'employeur d'exposer ce motif et au salarié d'y répondre.

Ne pas respecter la règle de l'entretien contradictoire, en présence si possible d'un représentant du personnel, c'est mettre en cause un principe fondamental de notre droit social, qui figure dans nos engagements internationaux. En effet, selon l'article 7 de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, « un travailleur ne devra pas être licencié - et ce n'est pas d'autre chose qu'il s'agit - pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité ».

Si vous ne confirmez pas le principe de cet entretien, vous contredisez la convention 158 de l'Organisation internationale du travail.

Vous méconnaissez également le principe de la motivation. Il ne peut y avoir, en principe, de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Et sans entretien, l'employeur sera dispensé d'appliquer la procédure.

Au fond, votre objectif est d'autoriser le licenciement sans avoir à en justifier le motif devant le juge. Vous êtes, là encore, en contradiction avec d'importants principes du droit social. L'exigence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement est un des piliers de notre droit du licenciement depuis 1973. Si vous y renoncez, vous vous engagez dans une voie incompatible avec nos engagements internationaux. La convention 158 de l'OIT, précise dans son article 4 que la motivation doit toujours figurer dans la décision. C'est un principe de valeur constitutionnelle. Si vous ne le respectez pas, vous êtes en contradiction avec le principe d'égalité, car on ne peut traiter différemment des personnes pour des motifs qui ne seraient pas liés à des cas objectifs parfaitement identifiables. Vous contournerez le contrôle du juge sur le motif du licenciement, puisqu'il n'y aura pas obligation de l'évoquer. Or la convention internationale du travail rappelle l'obligation faite au juge d'exercer un contrôle sur les motifs du licenciement. Comment pourra-t-il s'exercer si aucun motif n'est nécessaire pour mettre fin au contrat ? Vous remettez en cause la loi de 1973 et, au-delà, les règles de base du droit civil qui sanctionnent tout abus de droit.

Enfin, vous bouleversez le droit du travail en remettant en cause les droits et garanties des salariés. Que deviennent les garanties procédurales dans le dispositif que vous nous proposez ? Le licenciement disciplinaire, en effet, n'est pas possible sans entretien et sans la présence d'une instance représentative du personnel. Quant au licenciement pour inaptitude, il requiert l'avis du médecin du travail et des délégués du personnel.

Que deviennent les règles et la jurisprudence ayant pour objet de sécuriser l'emploi du salarié dans le cadre de ce nouveau contrat ?

Que deviennent les règles tendant à interdire les CDD en cascade en les requalifiant de droit en CDI ?

Que devient la jurisprudence qui reconnaît au salarié la possibilité de refuser une modification de son contrat de travail ? Cette disposition importante du droit du travail prémunit le salarié contre un éventuel licenciement qui serait alors considéré comme fautif. Le titulaire de ce nouveau contrat - fragile CDI en fait limité à deux ans - est-il obligé d'accepter toute forme de mobilité ? C'est un enjeu essentiel qui traduit l'équilibre des droits entre l'employeur et le salarié, mais il est vrai que ce n'est pas votre principale préoccupation.

De même, le refus d'exécuter un ordre qui constitue une modification du contrat de travail du salarié ne peut pas être considéré comme fautif. Par conséquent, le licenciement, qui présente nécessairement un caractère disciplinaire, est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Telle est la jurisprudence établie par la Cour de cassation. Que devient le salarié dans le cadre de ce contrat générateur de précarité ?

Les droits afférents au licenciement économique sont, eux aussi, écartés. Le salarié titulaire de ce CDI dérogatoire est en dehors du champ de la réglementation sur le licenciement économique, ce qui rompt le principe d'égalité entre les salariés. En outre, que devient le droit au reclassement qui, normalement, s'impose à l'employeur ?

Qu'en sera-t-il des protections spécifiques dues aux accidentés du travail, aux femmes enceintes, aux salariés grévistes, aux syndicalistes ou aux victimes de discriminations avérées ?

La réintégration du salarié en cas de nullité du licenciement s'applique-t-elle à vos nouveaux contrats ?

L'article L. 122-45 du code du travail énumère les causes de licenciement illégitimes et sanctionnées par la nullité : ces dispositions seront-elles applicables à votre nouveau contrat ? Quid du régime de la preuve, codifié à l'article L. 122-45 du code du travail ?

Écarter toutes les règles que je viens d'énoncer serait contraire aux règles communautaires et à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail.

Que deviennent enfin les garanties des salariés en cas de violation de leurs droits fondamentaux ?

Toutes ces questions appellent des réponses, car nous ne pouvons nous satisfaire de dispositions présentées d'une manière si vague et si générale qu'elles suscitent bien plus de questions, notamment du point de vue du droit, qu'elles n'apportent de réponses pour ce qui est de l'emploi. Ce contrat semble ne viser qu'à faciliter le licenciement afin que l'employeur ne puisse plus se voir opposer les garanties ressenties aujourd'hui par le salarié comme une protection légitime et par votre majorité comme un excès de droit qui empêcherait les entreprises de s'adapter à la situation économique. Faciliter le licenciement en vous abritant derrière le prétexte de la relance de l'emploi est pour le moins paradoxal.

Votre texte pose bien d'autres problèmes juridiques. J'ai évoqué tout à l'heure les effets de seuil et votre souci d'écarter les salariés les plus jeunes des décomptes qui interviennent dans la mise en place des dispositifs de représentation du personnel. J'y reviendrai sans doute au cours du débat, mais je ne veux pas alourdir mon intervention.

S'il n'y a rien à attendre de votre politique, l'on ne peut s'empêcher de se demander comment vont se dérouler les deux prochaines années. Car en 2007, vous devrez vous expliquer devant les Français.

M. Guy Geoffroy. Le PS fait une fixation sur cette échéance !

M. Gaëtan Gorce. Ce sont les Français qui sont impatients de se priver de vos talents et qui souhaitent vous voir retrouver les bancs de l'opposition dans les plus brefs délais !

M. Guy Geoffroy. Ne rêvez pas ! Fabius, Hollande, Strauss-Kahn : c'est le trop-plein !

M. Gaëtan Gorce. La période d'essai aurait pu vous être appliquée ; les Français en auraient sans doute tiré des conséquences utiles.

Il ne s'agit pas d'opposer des arguments juridiques ou politiques, mais de se demander comment préserver les intérêts de notre pays et relancer notre économie. Or les orientations que vous annoncez ne laissent en rien présager une amélioration. Car c'est la confiance qui génère la croissance, et la croissance qui crée l'emploi. Or la confiance, vous ne l'avez pas plus sur le plan politique qu'en matière économique et sociale.

M. Guy Geoffroy. Vous non plus !

M. Gaëtan Gorce. Vous avez un héritage qui pèse sur vous...

M. Guy Geoffroy. Le vôtre !

M. Gaëtan Gorce. ...et il est lourd : du fait de vos échecs successifs et de votre manque d'écoute depuis trois ans, vous êtes dans l'incapacité de susciter la confiance. Il vous faudrait changer de ton et d'équipe ! Or vous ne faites rien qui puisse redonner confiance et courage aux salariés et aux entreprises de notre pays.

Votre plan ne prévoit aucune disposition qui améliorerait la rémunération des salariés et soutiendrait la consommation. Celle-ci, qui avait progressé de 1 % au premier trimestre de 2004, n'a augmenté cette année que de 0,7 % durant la même période.

Aucune disposition non plus sur l'emploi qui puisse conforter la confiance. Les emplois-jeunes, que vous critiquez tant, ont créé des centaines de milliers d'emplois et redonné confiance à des jeunes qui n'avaient pour seul horizon que la précarité et l'incertitude des stages mal rémunérés. Cinq ans d'activité, cela permet de retrouver des perspectives d'avenir : envisager un logement, fonder une famille. J'imagine d'ailleurs que, dans vos collectivités, vous les avez embauchés.

Rien de tel dans vos propositions, et vous ne pouvez pas non plus compter sur l'Europe pour rétablir la confiance. La confiance est absente tant chez les salariés et dans les entreprises dont on constate la réticence à investir que dans le contexte européen. Chacun sait que l'un des facteurs de la croissance devrait être une coopération renforcée entre les gouvernements des principaux pays de l'Union, notamment dans le cadre de l'euro et de l'Eurogroupe. Malheureusement, le contexte dans lequel vous devez, aujourd'hui, gérer l'avenir de l'Europe n'est pas favorable au développement des coopérations (« Merci Fabius ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais au contraire, au réveil des égoïsmes nationaux, sonné par Jacques Chirac lui-même.

M. Michel Piron. Vous y êtes pour quelque chose !

M. Gaëtan Gorce. Car la première mission qu'il a fixée à son gouvernement au soir du 29 mai n'était pas de défendre les intérêts de l'Europe, mais ceux de la France dans l'Europe.

Or sans confiance, pas de croissance. Elle est d'ailleurs en panne depuis plusieurs années. Avec un peu de croissance l'année dernière, vous avez même réussi à inventer la croissance sans emplois ! Lorsque nous étions aux responsabilités, nous avions évalué à environ 1,5 % le taux de croissance à partir duquel on pouvait réduire le chômage et créer des emplois. Avec un taux de croissance « miraculeux » de 2,4 % en 2004, vous avez réussi le tour de force de ne créer que quelques milliers d'emplois - un peu plus de 20 000 ! Vous ne faites rien pour susciter la confiance et encourager la croissance et vous ne préconisez aucune mesure susceptible d'apporter un appui réel à l'effort d'investissement des entreprises.

Je ferai néanmoins une exception pour l'innovation et la recherche, si toutefois vous tenez vos promesses. Il faut prendre conscience du retard que nous avons accumulé dans ce domaine par rapport aux États-Unis et à nos partenaires de l'OCDE. Nous devons en effet soutenir la croissance et l'innovation en vue de mettre à niveau notre politique industrielle dont les lacunes ont été utilement relevées dans le rapport Beffa.

Ni confiance ni croissance, ni emploi : telle est la situation présente et à venir dans les deux prochaines années. Peut-être y apporterez-vous de légers correctifs, bien que nous en doutions. Mais, à l'image de la ligne d'horizon, le moment où s'amorcera la décrue du chômage s'éloigne à mesure que vous croyez vous en rapprocher. M. Raffarin s'était engagé à faire baisser le taux de chômage de 10 %, sachant bien qu'il n'aurait pas à en assumer l'échec. M. de Villepin et M. Borloo, quant à eux, se gardent bien de s'engager sur la baisse du chômage. Vous vous donnez 100 jours pour faire évoluer ces chiffres,...

M. René Dosière. Il n'en reste plus que 80 !

M. Gaëtan Gorce. ...mais sans garantie pour l'avenir.

C'est une tout autre politique qu'il faut mener, une politique qui stimule la croissance et redonne confiance à notre pays dans ses atouts, dans ses forces. Car le plus grand reproche qu'on pourrait vous faire, c'est d'avoir installé le doute dans notre pays qui a tant de capacités, tant d'énergies et tant de forces qui ne demandent qu'à être mobilisées, dans les entreprises comme chez les salariés, chez les jeunes qui s'engagent dans des processus de formation comme chez ceux qui sont aujourd'hui à la recherche d'un emploi. Votre politique ne peut en aucune façon susciter la confiance et donc la croissance. Il faut certes, soutenir la croissance, mais par le biais d'une action qui doit révolutionner la politique de l'emploi. Vous restez, de ce point de vue, dans les limites du strict nécessaire, et le plan Borloo de cohésion sociale ne propose finalement que des dispositifs de portée limitée - maisons de l'emploi ; rapprochement UNEDIC-ANPE - assortis de moyens nouveaux chichement octroyés. Or c'est une action forte, concertée et déterminée qu'il faut conduire sur le marché du travail. Les demandeurs d'emploi doivent être mieux accompagnés. Il ne faut pas se contenter de dire que l'on va recevoir dans les ANPE tous les jeunes en recherche d'emploi. Il faut mobiliser des moyens considérables, en adéquation avec les enjeux : les chômeurs - plus de 2,5 millions -, les personnes qui ont des difficultés d'adaptation, de formation ou de qualification ne retrouveront pas un emploi sans une forte mobilisation de la collectivité. Il ne suffit pas de leur dire qu'ils doivent chercher un emploi. La collectivité doit leur garantir un meilleur accompagnement et une vraie possibilité de formation, deux éléments qui font aujourd'hui défaut.

Cela suppose la mobilisation des moyens à l'échelon territorial. Il faut donner aux ANPE les moyens de coordonner les politiques de l'emploi, en coopération avec les régions et les départements. Les actions des ANPE doivent s'organiser sur la base de conventions d'objectifs prenant en compte la situation des bassins d'emplois et les crédits doivent être orientés vers les actions que l'on veut conduire. Cela suppose, au plan local, d'associer à ces démarches l'ensemble des partenaires sociaux et de redonner vie aux grands principes, comme celui de la formation tout au long de la vie, processus qui doit être amplifié.

Dans le même esprit, il convient de relancer la dynamique de mobilité dans l'emploi - bien sûr, je ne parle pas de flexibilité - et de recréer la possibilité d'une promotion sociale, aujourd'hui bloquée.

Quelles perspectives sont aujourd'hui offertes à un salarié dans ce pays ? En termes de pouvoir d'achat, aucune, et ce quel que soit son niveau d'âge ou de qualification. En termes d'évolution des responsabilités dans l'entreprise, elles sont extrêmement faibles : la mobilité professionnelle est pratiquement bloquée. Quant aux perspectives d'évolution sociale que l'école offre aux enfants de ce salarié, elles sont, dans certaines zones, réduites à zéro. Comment, dès lors, s'étonner de la réaction de celles et ceux qui représentent la force vive du pays, du sentiment d'injustice ou d'abandon qu'ils expriment à chaque élection ?

Favoriser cette promotion sociale, cette possibilité de retrouver, par le travail, pour soi-même et ses enfants, une place dans la société, un revenu, un statut susceptible de garantir un avenir différent du présent que l'on connaît, exigerait de prendre des mesures particulièrement fortes. Rien de tel ne figure dans vos propositions.

Du fait du chômage, des centaines de milliers de personnes occupent des emplois qui ne correspondent ni à leur vocation, ni à leurs qualifications. Elles n'ont qu'un souci : reprendre leur formation afin d'acquérir une qualification correspondant mieux à leur formation initiale et d'assumer de plus grandes responsabilités. Elles libéreraient ainsi les emplois qu'elles occupent au bénéfice de personnes moins qualifiées, qui peuvent moins facilement envisager une évolution rapide. Cette mobilité implique certaines garanties et ne peut s'organiser qu'avec les partenaires sociaux. Elle suppose des moyens financiers.

C'est de la même manière qu'il faudrait aborder la situation de ceux qui sont privés d'emploi. L'objectif à atteindre est que les salariés restent le moins de temps possible à la recherche d'un emploi. Pour soutenir cette gageure, il faut mobiliser des moyens humains et financiers considérables, mais aussi faire preuve d'une réelle volonté politique. Ce ne sont pas les dispositions que vous avez proposées ces derniers mois qui le permettront.

Notre inquiétude est le reflet du désespoir - pour ne pas dire la désespérance - de nos concitoyens. Après avoir nourri, lors de l'alternance de 2002, l'espoir que les choses pourraient prendre un tour différent, ils ont dû faire le constat qu'avec vous, rien ne change - du moins dans un sens qui leur soit plus favorable. Rien n'a changé en 2002, ni en 2003 ou en 2004. Rien ne changera en 2005, en 2006 et en 2007. Vous conduisez notre pays vers un gouffre, celui du chômage et de la désespérance sociale. Si vous n'en prenez pas la mesure - non pas seulement dans le discours, mais en exprimant une volonté et en se donnant les moyens de la réaliser -, nous aurons tous à gérer dans les prochains mois une situation encore plus préoccupante. Ce pays, je le répète, a des forces vives extraordinaires et une formidable capacité à relever les défis. Encore faut-il que ses responsables politiques aient le courage de lui dire la vérité et de mobiliser les moyens nécessaires pour lui redonner confiance en l'avenir. C'est cette perspective qu'il faut tracer, mais ce n'est pas avec vous que nous pourrons le faire. À nous, dès lors, de nous y préparer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Gorce, c'est toujours un bonheur de vous écouter : il y a, dans vos discours, de l'intelligence, de la brillance, de la mémoire, de la mise en perspective...

M. René Dosière. Des faits, aussi !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il faut juste regretter que l'élève France ne vous ait pas entendu. Dommage également qu'un certain manque d'humilité transparaisse sous votre aimable persiflage. Vous avez consacré une importante partie de votre intervention à la situation générale du pays. Permettez-moi, à mon tour, de vous rappeler quelques faits.

Vous nous parlez de confiance, mais on s'étonne, compte tenu de toutes les leçons d'économie que vous nous donnez, notamment en matière d'emploi, que les Français ne vous aient pas à nouveau accordé la leur il y a trois ans.

M. Alain Vidalies. À cause d'une campagne indigne centrée sur la question de l'insécurité !

M. le président. Monsieur Vidalies, vous n'avez pas la parole !

M. Alain Vidalies. C'est la vérité !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Que se sont dit les Français en 2002 ?

M. Gaëtan Gorce. Consultez-les à nouveau !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ils se sont interrogés sur la situation de la France, après que celle-ci eut connu - suivant en cela le train européen - trois ou quatre années d'une croissance à 4 % : Ils ont vu que ces années de croissance n'avaient pas servi à faire la réforme des retraites, n'avaient pas empêché la plus grave crise du logement depuis vingt-cinq ans et que des quartiers soient complètement délaissés, abandonnés - on attendait depuis si longtemps un « plan Marshall » des banlieues -, n'avaient pas empêché que les pauvres soient de plus en plus pauvres,...

M. René Dosière. Et un million d'emplois en plus !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...que les emplois-jeunes, prétendument sacralisés, passent de 350 000 à 210 000 - ce qui signifie que le gouvernement de l'époque en avait supprimé 140 000 -, et que, après plusieurs bonnes années, la croissance de notre pays soit cassée. Il faut dire qu'en matière économique, les choses prennent un certain temps.

Qu'ont entendu les Français ? « Pour être compétitifs, travaillons moins, modérons nos exigences salariales, écrasons les salaires situés en bas et au milieu de l'échelle ! Les finances publiques, plutôt que de se consacrer aux écoles et aux hôpitaux, se chargeront du surcoût. »

M. René Dosière. Combien d'emplois ont été créés dans le secteur marchand, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et pour finir, qu'ont-ils constaté ? La plus grande destruction d'emplois a eu lieu dans les douze derniers mois de la législature précédente. Comment pouvez-vous, monsieur Gorce, nous donner des leçons d'économie ? Comment pouvez-vous vous féliciter d'un taux de chômage de 9 % au moment du passage de témoin, après quatre années de croissance à 4 %, et sans avoir réalisé les réformes que vous préconisez vous-même - et que j'approuve - en matière de service public de l'emploi ou de gestion des ressources humaines ? Ne vous étonnez pas de la réaction des Français ! Ils ont conclu qu'il fallait : un, réaliser des réformes ; deux, assurer la sécurité - eh oui, pourquoi pas ? - et trois, remettre le pays en marche.

Au fond, ce discours brillant, ce ton modéré cachent des interrogations. D'abord, vous vous dites que prévoir un contrat adapté aux toutes petites entreprises n'est peut-être pas une si mauvaise idée : ...

M. Gaëtan Gorce. Cela ne m'est pas venu à l'esprit !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...celles-ci n'ont en effet pas les mêmes besoins de recrutement que Renault ou Siemens.

Vous le savez comme nous : 70 % des contrats signés dans les petites entreprises sont à durée déterminée. Ce secteur représente en outre un véritable gisement d'emplois.

M. Alain Vidalies. Pourquoi n'avez-vous rien fait jusqu'à présent ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous n'ignorez pas non plus que le contrat « nouvelles embauches » va permettre à un certain nombre de salariés de transformer leur CDD en CDI, d'accéder à l'assurance chômage avant d'avoir totalisé 180 jours d'activité et d'obtenir d'éventuelles indemnités avant même la rupture du contrat et non pas de six mois à un an plus tard.

M. René Dosière. Le paradis, quoi !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. C'est pourquoi, au fond de vous-même, vous vous demandez si ce n'est pas une bonne idée.

M. Gaëtan Gorce. Rassurez-vous, il n'en est rien !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ensuite, depuis ma nomination, monsieur Gorce, j'ai eu le bonheur de vous entendre à chaque fois que je suis venu défendre un texte. Vous vous êtes toujours montré brillant, mais parfois plus pugnace. Vous avez craint - ou plutôt espéré - que ce dispositif ne soit « trop peu » ou vienne « trop tard ». Mais au fond, vous vous demandez : si ce n'était pas trop peu ? Si cela ne venait pas trop tard ?

M. Guy Geoffroy. Si ça marchait ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Si le contrat « nouvelles embauches » et l'ensemble des mesures décidées par ordonnances fonctionnaient, même un peu ? Si le plan en faveur de l'apprentissage, déjà en cours d'application et qui a connu ce trimestre une amélioration de 10 %, donnait des résultats, même un peu ? Si les nouveaux contrats de professionnalisation, dont le nombre vient de doubler ce mois-ci, fonctionnaient, même un peu ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Si les contrats d'avenir apportaient ne serait-ce qu'une petite amélioration à la vie des personnes en situation d'isolement ? Si le programme de rénovation urbaine et la mise en chantier de logements...

M. Michel Piron. Une politique remarquable !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...tiraient la croissance et l'emploi, comme l'affirme la Fédération du bâtiment, et apportaient ne serait-ce qu'une partie des 300 000 équivalents temps plein attendus dans les quatre à cinq ans ? Si le projet de loi sur les services à la personne - aujourd'hui en discussion devant le Sénat, et qui constitue un nouveau modèle soutenu par tout le tissu associatif, toutes les petites entreprises et tous les grands réseaux - produisait des effets, même un peu ?

M. René Dosière. Ce seraient plutôt les effets de l'APA !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Tous ces différents réacteurs, même s'ils ne fonctionnent qu'un peu, auront un grand effet de propulsion, et donneront, entre 2006 et 2007, des résultats en matière de taux d'activité et de réduction du chômage.

Or ces résultats, vous les craignez ! Votre principale inquiétude, c'est que ces différents dispositifs, que nous mettons en place, les uns après les autres, avec humilité, lentement - nous avons peut-être été obnubilés par les réformes indispensables qu'il était nécessaire d'accomplir avant toute chose -, ne se révèlent efficaces.

M. Alain Vidalies. Ce qui nous inquiète, c'est la montée de la précarité !

M. Gaëtan Gorce. Vous ne pourrez pas endormir les Français !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous avez évoqué les mesures relatives au service public de l'emploi. Faire travailler ensemble l'UNEDIC, l'ANPE, les missions locales, les régions, les collectivités locales, les branches professionnelles... Et si ça marchait, même un peu seulement ?

M. Gaëtan Gorce. C'est de l'illusionnisme ! Vous cherchez à nous enfumer !

M. René Dosière. Vous rêvez !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous ne réussirons peut-être pas tout ce que nous avons entrepris, monsieur Gorce. Je ne veux pas masquer les difficultés auxquelles sont confrontés certains secteurs, notamment ceux à forte main-d'œuvre, qui souffrent de la mise en place des 35 heures. Mais je décèle dans vos propos un certain intérêt, un regard aiguisé, une interrogation sur le thème : tout cela n'est peut-être pas totalement dénué de bon sens. J'y vois une forme de compliment que vous adressez à cet ensemble de mesures, ...

M. Guy Geoffroy. Un début d'adhésion !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...dont le sens apparaît peu à peu, tel un tableau que l'on peint par petites touches, et qui ne révèle sa beauté que lorsqu'il est terminé. Que ces mesures marchent, même un peu, c'est tout le mal que nous souhaitons à notre beau pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste.

M. Michel Liebgott. Gaëtan Gorce a fait une intervention remarquable, mais que dire du numéro offert par M. le ministre ! Il serait capable de laisser croire que nous examinons le plan Marshall de l'emploi, que nous sonnons la mobilisation générale ! C'est pourtant le même ministre qui, depuis trois ans, nous affirme que le chômage va baisser, alors qu'en réalité il n'a cessé d'augmenter. Gaëtan Gorce l'a rappelé en défendant cette exception d'irrecevabilité : plus on nous fait cette promesse, plus l'inverse se produit. Pourquoi devrions-nous aujourd'hui croire à un changement ?

Par ailleurs, je n'ai pas entendu M. Gorce affirmer qu'il regretterait une réduction du chômage. Son constat, dramatique, était seulement que vos discours sont depuis trois ans en contradiction avec la réalité.

En réalité, ce plan - et c'est ce qui nous inquiète - s'inscrit dans la continuité de ce que vous nous proposez maintenant depuis plusieurs années. Il n'y a pas de rupture, sinon de méthode. En effet, pour mieux faire « passer la pilule », vous décidez de procéder, dans l'urgence, par ordonnances. Ainsi, l'Assemblée nationale ne se prononcera pas, les syndicats ne manifesteront pas dans la rue en juillet ou en août et les citoyens ne pourront pas se mobiliser. Vous évitez de populariser ce plan, qui n'est pas meilleur que les autres, pour qu'il ne soit pas contesté. Certes, vous laissez entendre, pour la forme, que vous dialoguerez avec les syndicats. J'ai même cru lire que vous vous entretiendriez également avec les parlementaires. Pourquoi ne pas le faire dans cet hémicycle, ce qui aurait permis une discussion plus approfondie ? En tout état de cause, ces syndicats que nous avons rencontrés sont quasiment tous opposés au démantèlement du droit du travail que vous poursuivrez, en juillet et en août, et, cette fois-ci, dans l'ombre, dans quelques bureaux.

Vous nous répondrez, bien entendu, que nous faisons là preuve de pessimisme, que nous jouons les cassandres. Nous sommes toutefois quelque peu échaudés depuis maintenant quelques années. Nous avons pu lire, par exemple, dans le rapport de M. Gaillard, que le plan de cohésion sociale, que l'on a longuement et souvent évoqué, comprenait un certain nombre d'idées en cours de maturation, qu'il était donc nécessaire de reprendre et de formaliser. Nous constatons, en réalité, que, malgré quelques décrets, rien n'est aujourd'hui véritablement appliqué. Cela nous semble logique, parce qu'il est quelque peu paradoxal de vous voir défendre aujourd'hui ce texte inspiré, depuis 2002, par des ministres de l'économie de précédents gouvernements, qui, de Francis Mer à Thierry Breton, ne sont pas des hommes politiques, mais des représentants patronaux, fidèles à leur logique libérale. Il n'est, en conséquence, pas choquant que nous les dénoncions ! Il est surprenant que vous vous obstiniez à les défendre et à les représenter ici alors que vous-même n'obtenez pas de crédits pour vos plans dits de cohésion sociale.

Vous avez mentionné le résultat des élections en 2002. Relisez les chiffres ! Au premier tour de l'élection présidentielle, la gauche était majoritaire. Il n'y avait aucune ambiguïté en la matière. Ce ne sont pas les discours du Président de la République contre la fracture sociale qui ont fait s'affronter, au second tour, ce même Président de la République et un candidat du Front national. Il est vrai que les voix de gauche étaient dispersées. Sans doute, aujourd'hui, les Français le regrettent-ils, car ils ne sont pas dupes. S'ils regardent vingt ans voire vingt-cinq ans en arrière, ils pourront constater que les deux seuls gouvernements qui ont réussi à faire baisser significativement le chômage sont celui de Michel Rocard - à l'époque le chômage avait régressé de 150 000 personnes - et, plus récemment, celui de la gauche plurielle qui enregistrait 711 000 chômeurs en moins. Ce n'est en effet pas rien, lorsque l'on sait les difficultés que vous rencontrez aujourd'hui. Vous nous proposez effectivement un nouvel outil dans l'entreprise en remplacement du CDD, de l'intérim et du temps partiel subi. En réalité, il n'est qu'un outil de flexibilité supplémentaire et ne propose malheureusement, contrairement aux modèles européens que nous connaissons, aucune sécurité.

Nous avons en mémoire vos promesses concernant le RMA et le Civis. Vous avez, tout à l'heure, pratiqué la méthode coué, laissant entendre que nous serions sur la bonne voie.

Nous ne sommes absolument pas convaincus. L'intervention de Gaëtan Gorce est l'antithèse de ce que vous essayez de vous prouver. Certes, peut-être ressentez-vous le besoin de vous convaincre. Continuez dans cette voie, si vous le désirez, mais, pour ce qui nous concerne nous combattrons pied à pied ce projet de loi, le plus libéral que nous ayons eu à connaître depuis très longtemps au sein de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Pour le groupe de l'UMP, la parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Nous sommes réunis pour discuter de l'emploi et de la situation dramatique dans laquelle se trouvent plus de deux millions de nos concitoyens et leurs familles.

M. René Dosière. Qu'avez-vous fait en trois ans ?

M. Guy Geoffroy. Nous avons entendu, pendant plus d'une heure, un discours à la qualité oratoire incontestable censé nous démontrer l'inconstitutionnalité de ce projet de loi. Si je devais uniquement me pencher sur cette question de l'irrecevabilité, mon propos serait bref car aucun argument démontrant l'inconstitutionnalité de ce texte n'a été avancé, et je pourrais en rester là, considérant cette motion irrecevable. Néanmoins, plusieurs points ont été abordés qui méritent que nous nous attardions.

Quelle réalité les Français renvoient-ils, non avec allégresse ou légèreté, mais avec douleur, aux parlementaires que nous sommes, chevronnés ou novices ? Depuis vingt-cinq ans, malgré l'engagement solennel du candidat François Mitterrand que jamais le cap des deux millions de chômeurs ne serait atteint, ce seuil est régulièrement dépassé dans notre pays.

M. François Rochebloine. Bien au-delà !

M. Guy Geoffroy. Il nous faut agir.

Nous sommes tous responsables de cette situation, alors que d'autres pays sont parvenus à surmonter ce fléau qu'est le chômage. Nous devrions donc faire preuve d'un peu plus d'humilité, vous comme les autres, monsieur Gorce. Votre discours, si habile et charpenté soit-il, n'est, en fait, qu'un formidable écran de fumée pour mieux taire vos responsabilités en la matière. Vous n'échappez en effet pas à la règle selon laquelle, dans un pays où la croissance est en difficulté, l'emploi stagne ou régresse. À l'inverse, lorsque, par chance, la croissance progresse légèrement, il ne peut qu'en aller de même de l'emploi. Vos oublis sont autant d'erreurs et autant d'approches - et je m'en tiendrai à ce mot - de ce qui, quelquefois, ressemble à de la malhonnêteté intellectuelle.

M. René Dosière. Citez les chiffres de l'emploi !

M. Gaëtan Gorce. Restez correct, monsieur Geoffroy !

M. Guy Geoffroy. Je rappellerai quelques-uns de ces oublis. Ce n'est pas après la réélection du Président Jacques Chirac, en mai 2002, que le chômage, du fait de la malignité de la politique du nouveau gouvernement, a soudainement augmenté. Vous le savez, la croissance a diminué dès 2001, alors que vous étiez au pouvoir !

M. Alain Vidalies. Parlez-nous de votre bilan ! Cela fait trois ans que vous gouvernez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Il parle de l'héritage !

M. Guy Geoffroy. C'est dès cette date que le chômage est reparti à la hausse. Vous ne pouvez pas l'ignorer et vous n'avez pas le droit de dire aux Français qu'il en est autrement !

Vous évoquez également d'une manière inacceptable et scandaleuse - j'y reviens une fois de plus et j'en reparlerai, le cas échéant - la question des emplois-jeunes. On peut être ou non d'accord avec un dispositif qui a eu - je le dis parce que j'y ai eu recours en tant qu'élu local et chef d'établissement scolaire - le mérite de donner un emploi à un certain nombre de jeunes.

M. René Dosière. C'est pour cela que vous les avez supprimés !

M. Guy Geoffroy. Mais la question n'est pas là. Nous n'avons pas le droit de travestir la réalité, monsieur Dosière ! Les emplois-jeunes étaient un dispositif de CDD de droit privé dans le secteur public.

M. Gaëtan Gorce. Parlez-nous du texte !

M. Guy Geoffroy. Qu'est ce qui vous a empêchés de créer des emplois de droit public dans le secteur public ? Rien ! Et vous ne l'avez pas fait ! Si vous avez lu, ce que j'espère pour vous, le programme de votre candidat Lionel Jospin, en 2002, vous n'avez pu que constater qu'il n'y avait qu'une seule référence aux emplois-jeunes,...

M. Alain Vidalies. On est en 2005 !

M. Guy Geoffroy. ...et pour en parler au passé ! Je le répète, ceux qui ont supprimé les emplois-jeunes sont ceux qui les ont créés ! Vous les avez mis en place pour faire le lit de ce que vous avez cru être la victoire assurée en 2002, avec - patatras ! - le résultat que l'on sait. C'était une gabegie ! Vous avez créé des emplois sans disposer des moyens financiers nécessaires ! Comment alors ne pas être surpris que la diminution de la croissance ait immédiatement entraîné la hausse du chômage ?

M. Gaëtan Gorce. Vous l'avez laissé augmenter !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes confrontés à cette réalité. Avec beaucoup de constance, de courage et d'humilité, le Gouvernement et sa majorité essaient fidèlement, dans leur combat pour l'emploi, de mettre en place des solutions qui s'appuient sur les bases posées par le plan de cohésion sociale. C'est de cela qu'il faut parler aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors que vous n'avez en rien démontré que ce texte n'est pas constitutionnel et que vous avez voulu taire vos propres erreurs, vos propres errances, nous voulons, quant à nous, discuter de ce plan concret et de ce plan qui, même si vous n'en voulez pas, permettra à notre pays de gagner la bataille pour l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole et à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Les motions de procédure de l'opposition ne sont pas adaptées à la gravité de la situation de l'emploi dans notre pays, qui, comme cela vient d'être rappelé, connaît une dégradation depuis maintenant trente ans.

L'opposition se limite à une critique systématique, sans formuler de propositions pour résorber le chômage. C'est, en réalité, d'un échec collectif qu'il s'agit.

En outre, elle privilégie les effets de tribune, puisqu'elle a déposé une motion de censure qui sera discutée la semaine prochaine.

Un camp s'oppose ainsi à l'autre, sans aucune préoccupation de l'intérêt général du pays.

Dans ces conditions, le groupe UDF ne pourra pas soutenir ces motions de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 2403, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi :

Rapport, n° 2412, de M. Claude Gaillard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heure trente, troisième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot