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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 4 octobre 2005

2e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

accueil de nouveaux députés

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir Marc-Philippe Daubresse, Patrick Devedjian, Laurent Hénart, Marie-Anne Montchamp et Éric Woerth, qui retrouvent notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous leur souhaitons la bienvenue.

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

priorités du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, l’emploi et le pouvoir d’achat constituent votre double priorité. Nous partageons cette priorité, qui avait également été, trois ans durant, celle du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

Mme Martine David. On en voit les résultats !

M. Bernard Accoyer. Depuis cinq mois, les chiffres du chômage sont favorables.

Mme Martine David. Ils sont manipulés !

M. Bernard Accoyer. Depuis trois mois, 80 000 chômeurs ont retrouvé un emploi.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ont été rayés !

M. Bernard Accoyer. Depuis trois mois, la consommation des ménages connaît une évolution très positive, qui va nourrir la croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Certes, aujourd’hui, certaines catégories de nos compatriotes s’inquiètent.

Mme Martine David. C’est sûr !

M. Bernard Accoyer. Mais votre action prioritaire en faveur de l’emploi et du chômage, que nous soutenons, devrait précisément permettre de répondre à leurs inquiétudes.

Les solutions économiques et sociales dont notre pays a besoin ne résident certainement pas dans le conservatisme et l’immobilisme qui, aujourd’hui, ont gagné les bancs de l’opposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce sont, au contraire, les décisions et les modernisations qui ouvriront la voie du progrès économique et social.

M. Michel Lefait. Quel enthousiasme !

M. Bernard Accoyer. En cette rentrée parlementaire, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, préciser à la représentation nationale les mesures que vous entendez proposer, et que votre majorité soutiendra, améliorera, enrichira, afin que nous préparions ensemble l’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Accoyer, j’écoute, tout le Gouvernement écoute le message que nous adressent les Français.

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a de l’écho !

M. le Premier ministre. Nous voulons répondre à leurs inquiétudes et à leurs aspirations. Ils veulent des résultats. Nous nous battons pour cela.

Nous nous battons pour l’emploi. Nous avons créé de nouveaux outils, avec le contrat nouvelles embauches, le chèque emploi pour les très petites entreprises, le dispositif défense deuxième chance, qui a démarré il y a quelques semaines à Montry, avec le congé parental rénové.

Nous voulons accompagner chacun dans un parcours personnalisé vers l’emploi : les jeunes, en particulier ceux qui rencontrent le plus de difficultés, mais aussi les chômeurs de longue durée.

Nous voulons encourager l’activité plutôt que l’assistance, grâce à l’activation des minima sociaux, à l’augmentation de plus de 50 % de la prime pour l’emploi. Nous obtenons déjà des résultats, puisque, vous l’avez dit, le nombre des demandeurs d’emploi a baissé, au cours des trois derniers mois, de 80 000, soit beaucoup plus qu’au cours des dernières années. Mais ce n’est pas encore assez. Nous devons poursuivre et amplifier ce mouvement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous nous battons également pour le pouvoir d’achat, dans l’urgence, dès que les problèmes se posent. Nous l’avons fait face à la hausse du prix du pétrole à la pompe, pour aider nos compatriotes les plus en difficulté à remplir leur cuve de fioul. Nous le faisons face au problème crucial du logement.

Nous voulons également inciter les entreprises à récompenser leurs salariés en leur donnant la possibilité de distribuer gratuitement des actions…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le Premier ministre. …ou de verser une prime, un bonus, de 1 000 euros, qui ne se substituera pas aux hausses de salaires.

M. Bruno Le Roux. Vous n’y croyez pas !

M. le Premier ministre. Enfin, le Gouvernement a lancé une grande réforme de la fiscalité, et 70 % de l’allégement fiscal prévu s’adressera aux classes moyennes, à ceux qui gagnent moins de 3 000 euros par mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. le Premier ministre. Nous voulons continuer à agir ainsi et à inscrire notre action dans une vision. C’est pour cela que nous avons fait le choix d’une grande politique industrielle, d’une grande politique de l’innovation et de la recherche. Aux côtés des pôles de compétitivité déjà retenus, nous allons, dans un souci d’équilibre du territoire, et à la demande du Président de la République, créer des pôles d’excellence ruraux, en matière agricole, touristique et culturelle. Personne ne sera laissé au bord du chemin.

Nous avons également engagé un important effort de rénovation de nos infrastructures, avec 10 milliards consacrés à l’investissement public.

Vous l’aurez compris, la France doit faire la course en tête. Il nous faut de l’audace, du courage, de l’énergie. Les Français en ont à revendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

manifestations face à la crise sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, j’aurais pu vous poser une question sur l’appel à violer la Constitution lancé par votre garde des sceaux (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), j’aurais pu vous poser une question sur les opérations ultra-médiatiques, devant les caméras, de votre ministre de l’intérieur pour démanteler les réseaux terroristes, ou encore sur les divisions entre vous-même et le numéro 2 du Gouvernement. (Protestations sur les mêmes bancs.) Mais, aujourd’hui, la France est en colère : la seule croissance sociale que connaisse notre pays est celle du nombre de mécontents. Loin des sondages flatteurs, des centaines de milliers de salariés expriment, en ce 4 octobre, la réalité d’une crise globale qui n’en finit plus.

Cette France en colère, c’est la France du travail, c’est la France qui peine, c’est la France qui endure la panne de croissance, le chômage de masse et les licenciements, même lorsque les entreprises font des bénéfices, comme chez Hewlett-Packard, les salaires bloqués, l’inflation de l’essence et des loyers, la pénurie de logements, la faillite des universités et des hôpitaux publics, les déficits records.

M. Lucien Degauchy. C’est la France des 35 heures !

M. Jean-Marc Ayrault. Cette France qui manifeste, c’est la France qui n’admet plus que la République laisse ses valeurs de solidarité et de justice sociale tomber dans le caniveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, comment retrouver la confiance, quand vos choix budgétaires ne sont ni sincères, ni justes, ni efficaces ?

Comment exprimer une volonté quand les marges de manœuvre sont aussi faibles que les divisions de votre gouvernement sont fortes ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et les vôtres ?

M. Jean-Marc Ayrault. Comment cimenter la cohésion nationale et sociale quand vous précarisez le travail, à travers notamment le contrat nouvelles embauches, et culpabilisez les chômeurs ?

Comment préserver le service public quand, à la hussarde, vous privatisez la SNCM et la continuité territoriale ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, des « mille jours » de votre prédécesseur à vos « cent jours », hélas ! rien n’a changé. C’est la continuité de la chute. C’est à ce fiasco que la nation, aujourd’hui, vous somme de répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, j’ai écouté attentivement vos critiques et vos leçons. J’ai attendu en vain vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Et pourtant, dans une démocratie moderne, c’est aussi le rôle, constructif, audacieux, que devrait jouer l’opposition.

Mme Martine David. On a déjà fait des propositions.

M. le Premier ministre. Vous pouvez décider de manifester en tête – ou en queue – de cortège. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais, ne l’oubliez pas, le message que nous adressent les Français s’adresse à tous : à vous comme à nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Martine David. Surtout à vous !

M. le Premier ministre. Au centre, à la droite, à la gauche, à l’État comme aux entreprises.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Nous ne sommes pas au pouvoir !

Mme Martine David. C’est vous qui êtes Premier ministre !

M. le Premier ministre. Faut-il vous rappeler le message du 21 avril ? Faut-il vous rappeler le message du 29 mai ? En ce 4 octobre, nous serions bien inspirés, tous ensemble, de faire preuve d’un peu d’humilité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), d’écouter ce que nous disent les Français, d’écouter ceux qui manifestent et ceux qui ne manifestent pas, ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas, ceux qui ont pu saisir leur chance et ceux qui n’ont pas pu le faire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le Gouvernement veut écouter. Défenseur de l’intérêt général, il veut apporter des réponses à tous les problèmes des Français.

M. Augustin Bonrepaux. Quelles réponses ?

M. le Premier ministre. Nous apportons des solutions aux problèmes du chômage et du pouvoir d’achat. Nous défendons l’avenir de notre pays.

Mme Martine David. Ce n’est pas vrai !

M. le Premier ministre. Qui a proposé à la France une grande politique de recherche ? Vous ou nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Ce n’est pas vous ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

J’entends l’impatience, parfois même le découragement de certains de nos compatriotes. Il faut aller plus loin, et c’est pour cela que toutes les marges de manœuvre de notre budget ont été mobilisées en faveur de l’emploi, du pouvoir d’achat et de l’avenir.

Deux conditions sont nécessaires pour obtenir des résultats. D’abord, en toute circonstance, défendre l’intérêt général, garder un cap : celui de la croissance sociale. Ensuite, se rassembler en refusant de céder aux tentations des divisions ou de la politique politicienne. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Défendre l’intérêt de la France : c’est pour cela que nous sommes réunis ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ouverture des négociations d’adhésion
de la Turquie à l’Union européenne

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe Union pour la démocratie française. (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, hier soir, à minuit, les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ont été ouvertes avec l’assentiment du gouvernement français.

M. Jacques Floch. Très bien !

M. François Bayrou. Que l’on soit pour ou contre, cette décision est frappante à plusieurs égards.

Premièrement, elle a été prise contre l’avis des peuples européens et contre l’avis du peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Deuxièmement, elle a été prise à l’encontre des engagements que vous aviez vous-même explicitement formulés devant les Français.

M. Jean-Marie Le Guen. Ça, c’est vrai !

M. François Bayrou. Le 2 août, il y a exactement deux mois, vous disiez en effet : « Il n’est pas concevable qu’un processus quelconque de négociation puisse s’ouvrir avec un pays qui ne reconnaîtrait pas chacun des membres de l’Union européenne. » Vous auriez d’ailleurs pu ajouter : avec un pays qui occupe militairement un pays membre de l’Union européenne – c’est évidemment de Chypre qu’il s’agit ! Et vous poursuiviez : « Si tel n’est pas le cas, il sera urgent d’attendre. » Nous vous avons approuvé dans cette fermeté affichée, en pensant également au génocide arménien. Or, hier, à Bruxelles, vous avez fait exactement le contraire.

Troisièmement, cette décision est lourde de conséquences pour l’avenir parce qu’elle signifie que l’Union européenne ne sera pas la puissance politique solidaire et intégrée que la France voulait construire, mais une vague zone de libre-échange sans volonté politique. Il suffit d’ailleurs d’avoir vu, tout le week-end et toute la journée d’hier, la part que les États-Unis ont prise directement, ouvertement et sans nuance dans cette décision pour en mesurer les effets.

Quatrièmement, cette décision signifie aussi qu’en France, en pareille matière, le Président de la République et le Gouvernement décident tout seuls, que l’on n’écoute pas le peuple et que, de surcroît, il est interdit au Parlement de s’exprimer pour ou contre sur une question qui, convenons-en, est d’une importance essentielle.

Votre gouvernement et votre démocratie ont abandonné pour longtemps le projet européen qui fut celui de la France. Cette Europe sans projet, sans constitution et sans budget, vous la laissez se lancer dans la fuite en avant d’un élargissement auquel ni les Français ni les Européens n’adhèrent. Faute d’unité, elle ne pourra plus avoir de volonté et les peuples risquent de s’y reconnaître de moins en moins.

Ma question est donc simple : mesurez-vous, monsieur le Premier ministre, le désarroi que vous avez ainsi créé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Bayrou, merci de me donner l’occasion d’introduire un peu de sérénité dans un débat qui en a besoin.

La politique, cela consiste d’abord à regarder la réalité en face, pas la réalité d’hier, la réalité d’aujourd’hui et celle de demain.

M. Jean-Marie Le Guen. Ça, c’est très fort !

M. le Premier ministre. Force est de constater qu’il y a, en Europe, vingt-cinq États, vingt-cinq gouvernements, vingt-cinq peuples.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Pour l’instant, tout va bien !

M. le Premier ministre. Je n’ai rien à dire quand vous parlez au nom de la France. Mais lorsque vous le faites au nom de l’Europe, je vous invite tout simplement à un peu de mesure.

La Turquie doit-elle entrer en Europe ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette question reste ouverte.

Une deuxième question était posée hier : devait-on s’opposer à l’ouverture de négociations avec la Turquie (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui est l’aboutissement d’un processus engagé en 1963 ? Les vingt-cinq, car en Europe il y a vingt-cinq États, ont pris à l’unanimité la décision d’ouvrir ces négociations. Permettez-moi de préciser dans quel contexte.

Il s’agit d’abord – faut-il le rappeler ? – d’un processus contrôlé. A chaque étape, sur chaque chapitre, les vingt-cinq États pourront être consultés et voteront. Un rendez-vous est d’ailleurs prévu dès 2006 pour faire le point sur l’évolution des négociations.

Ensuite, ce sera un processus long et ouvert. Il dépendra des Européens : nous avons obtenu, dans la déclaration, la mention de la nécessité que l’Europe soit en mesure d’absorber la Turquie. Il dépendra aussi de la Turquie : voudra-t-elle le mener jusqu’au bout, sera-t-elle capable de le faire et de satisfaire aux exigences européennes ?

Enfin, il s’agit, vous le savez, d’un processus conditionnel. Le Président de la République a tenu à ce que, au bout du chemin, à la suite de la réforme constitutionnelle qui a été adoptée, tous les Français soient consultés. C’est à eux que reviendra le dernier mot.

Ce processus offre donc toutes les garanties. La politique, la vraie politique, ne consiste pas à attiser les peurs, mais à assumer ses responsabilités…

M. Maurice Leroy. Et ses déclarations !

M. le Premier ministre. …en fonction de l’idée que l’on se fait des intérêts de son pays, pour aujourd’hui et pour demain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

journée de mobilisation
pour l’emploi et le pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, mes collègues du groupe communiste et républicain (« Ils sont où ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Poursuivez, monsieur Bocquet !

M. Alain Bocquet. On m’interrompt d’emblée, monsieur le président.

M. le président. Vous avez suffisamment d’expérience de l’hémicycle pour continuer à parler !

M. Alain Bocquet. Mes collègues manifestent en ce moment aux côtés des centaines de milliers de personnes qui défilent partout en France pour défendre leur emploi, leur pouvoir d’achat, leur salaire, leurs droits et les services publics. En leur nom, je m’adresse à vous, monsieur le Premier ministre, avant de les rejoindre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous aviez annoncé qu’en 100 jours vous redonneriez le moral aux Français. Force est de constater que c’est raté : 75 % de nos concitoyens soutiennent la journée de mobilisation unitaire d’aujourd’hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est dire leur inquiétude, leur colère, leurs attentes !

L’aveuglement ultra-libéral de votre gouvernement a sévi durement cet été : contrats nouvelles embauches qui légalisent les licenciements sans motif, extension de la précarité, casse du code du travail, démantèlement continu des services publics, privatisations à marche forcée des autoroutes, d’EDF ou, à coups de GIGN, de la Société nationale Corse Méditerranée ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La sanction des chômeurs répond à votre impuissance face aux diktats des licencieurs boursiers, tel le groupe Hewlett-Packard devant lequel vous êtes comme une poule qui aurait trouvé un couteau ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les Français, le monde du travail, n’en peuvent plus de votre politique écrasante toute vouée aux intérêts des grandes sociétés financières et industrielles et des boursicoteurs. Ils l’ont d’ailleurs dit en votant majoritairement non lors du référendum. Votre amie et complice Mme Parisot (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), présidente du MEDEF, ose clamer que l’on ne peut donner ce que l’on n’a pas. Le mépris, ça suffit !

Les entreprises du CAC 40 attendent cette année un record historique de bénéfices : 75 milliards d’euros ! Le groupe Total, qui rackette les automobilistes, roule au rythme d’un milliard d’euros de profits par mois, soit une augmentation de 44 % en un an ! Pendant que les richesses s’accumulent dans les mains d’une poignée de privilégiés qui vivent dans un luxe insolent, la majorité de notre peuple en paye le prix : la France est en régression sociale.

Pourtant, l’argent existe ! On pourrait l’utiliser autrement. Il pourrait servir à revaloriser les salaires et à financer les besoins sociaux et collectifs, ce qui donnerait un sacré coup de pouce à la relance de l’économie !

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin prendre la mesure de la lame de fond qui monte dans tout le pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous êtes aujourd’hui bien seul, monsieur le président Bocquet, (Sourires) mais j’ai grand plaisir à tenter de vous apporter quelques éléments de réponse.

Mon gouvernement est mobilisé sur l’ensemble des fronts. Face aux menaces de délocalisation ou de restructuration, nous agissons pour l’emploi. Vous l’avez vu à Romans pour les entreprises Kélian et Jourdan, à Grenoble face à Hewlett-Packard, ou à Marseille avec Nestlé et la SNCM. Je me souviens d’autres gouvernements, que vous avez soutenus et auxquels vous avez participé, pour lesquels la réponse n’était pas l’action et qui n’avaient rien fait d’autre que le constat de l’impuissance publique.

M. Claude Évin. Bavardage !

M. le Premier ministre. Ce n’est pas le style de mon gouvernement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous agissons aussi pour les services publics, car il faut les moderniser. Le plan Hôpital 2007, la rénovation des bâtiments universitaires, le travail fait pour mieux répondre aux besoins de La Poste et la création d’une banque postale participent de cette ambition de modernisation.

En matière de protection sociale, nous agissons pour défendre la sécurité sociale et la pérenniser. Le déficit de l’assurance maladie, qui dépassait 12 milliards d’euros, sera de 6 milliards en 2006. Il en faut du courage, de la constance, de la détermination pour en arriver là !

Le projet de budget pour 2006 porte la marque de notre ambition et de notre volonté. Nous avons fait un choix : nous nous sommes fixé comme objectif une croissance à 2,25 %. Il en faut de l’audace, il en faut du courage pour faire cela ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) Mais nous serons au rendez-vous de la croissance, car nous mettons toute notre énergie, tous nos moyens pour y arriver. Il serait tellement plus facile de rester les bras ballants au bord du chemin à regarder passer le train de l’histoire, alors que les autres pays se mobilisent et relèvent le défi ! Mais la France est debout ! Elle travaille, elle avance et elle gagnera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale de la République socialiste du Vietnam, conduite par le président du groupe d’amitié Vietnam-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Questions au Gouvernement (suite)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe UMP.

M. Alain Marsaud. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, l’actualité de ces derniers jours a mis en évidence une accélération de la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, tant de la part des autorités judiciaires que des services d’enquête spécialisés.

Nous avons conscience que ces enquêtes – qui aboutissent – et ces opérations d’interpellation répondent à une activation ou une réactivation des réseaux terroristes d’inspiration islamique radicale. Notre monde devient de plus en plus dangereux et nous le percevons davantage chaque jour.

Votre appareil de lutte contre le terrorisme a jusqu’à présent fait preuve de son adaptation aux événements. C’est sans doute la raison pour laquelle il sert d’exemple à de nombreux États qui souhaitent s’en inspirer.

Cependant, le moment approche où notre législation, parfois ancienne, devra être améliorée afin de répondre aux nouvelles menaces que nous avons perçues à travers les attentats de Madrid, de Londres ou, plus récemment, de Bali. L’internationalisation du phénomène terroriste appelle un renforcement de notre appareil législatif et réglementaire. C’est d’ailleurs la voie que le Gouvernement envisage d’emprunter dans les jours qui viennent. Pourriez-vous, monsieur le ministre d’État, nous faire connaître les grandes lignes de cette réforme très exigeante ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d’abord rendre hommage devant la représentation nationale à l’action des services de police et des juges du pôle antiterroriste, qui ont accompli un travail remarquable, envié et imité dans le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Ce sont eux qui sont en première ligne et qui ont obtenu de tels résultats.

Je ne citerai qu’un chiffre pour traduire la réalité de la menace terroriste en France : depuis 2002, cent deux individus ont été écroués pour avoir été en liaison avec une activité terroriste sur le sol national. On imagine ce qui aurait pu arriver si les services de police et le pôle antiterroriste n’avaient pas agi en amont.

Face à une telle situation, il y a deux impératifs.

Le premier est la fermeté. Depuis le début de l’année, nous avons procédé à l’expulsion de dix-neuf prédicateurs qui tenaient des propos totalement incompatibles avec les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Quand on sait que les terroristes interpellés sont de plus en plus jeunes, on mesure le rôle joué par des personnes irresponsables, qui tiennent des propos contraires à nos valeurs.

Le deuxième impératif consiste à tirer les leçons de ce qui s’est passé dans d’autres pays : ce qui est arrivé à Madrid, à Londres, à New York ou ailleurs dans le monde pourrait arriver aussi en France car, partout, c’est la démocratie qui est visée.

Afin de tirer les conséquences des attentats de Londres, je présenterai le 19 octobre au conseil des ministres un texte élaboré sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République. Il tire sans aucun complexe les conséquences des victoires remportées par nos amis anglais dans la recherche des coupables.

Nous utiliserons la vidéosurveillance, parce que les droits de l’homme sont d’abord ceux des victimes potentielles (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française) et que notre devoir est d’utiliser les moyens technologiques.

Ensuite, il faudra assurer la traçabilité d’individus qui disparaissent trois ou quatre mois dans des pays à risque et dont les services de police doivent savoir ce qu’ils y font.

Il faudra également prévoir des connexions téléphoniques.

Enfin, nous devons réfléchir sur les délais de garde à vue, car la limite actuelle de quatre jours est insuffisante dans le cas de certains mouvements financiers internationaux. Le garde des sceaux et moi-même aurons avec la représentation nationale une discussion très ouverte à ce sujet. En effet, s’il est un domaine qui exige le consensus national et ne se prête pas à la polémique, c’est bien la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Baisse du Chômage

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe UMP.

Mme Françoise Branget. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le Gouvernement a placé au cœur de son action la cohésion sociale et au centre de ses priorités la politique de l’emploi.

Cette volonté s’inscrit dans des choix clairs : l’incitation au travail, notamment avec l’assouplissement des 35 heures, et le soutien à l’emploi durable. Les réalisations en la matière sont déjà significatives grâce à la mise en œuvre des mesures du plan de cohésion sociale voté il y a huit mois à peine. Ces résultats sont également dus au choix d’une mobilisation de toutes les volontés et de toutes les énergies, avec le plan d’urgence de 4,5 milliards d’euros initié par le Premier ministre pour gagner la bataille de l’emploi et répondre aux attentes de tous nos compatriotes.

Les chiffres du chômage du mois d’août, publiés la semaine dernière, ont confirmé une tendance à la baisse du nombre des demandeurs d’emploi pour le cinquième mois consécutif. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des détails sur cette bonne nouvelle due à la mobilisation du Gouvernement pour l’emploi et nous indiquer votre sentiment pour les mois à venir ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la députée, c’est en effet la première fois depuis cinq ans et demi qu’intervient une baisse du nombre des demandeurs d’emploi durant cinq mois consécutifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) On peut par conséquent considérer qu’il s’agit d’un phénomène structurel.

Les dix-huit derniers mois du Gouvernement de M. Jospin avaient connu une augmentation continue et permanente du chômage. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Le Garrec. Incroyable !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je me rappelle même l’époque où M. Mitterrand disait que, contre le chômage, on avait tout essayé, alors que le nombre de chômeurs était alors beaucoup plus important qu’aujourd’hui. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour revenir à votre question, madame la députée, je rappelle que nos mesures les plus significatives ont porté sur le chômage des jeunes et des personnes en grande difficulté, celles qui sont le plus éloignées de l’emploi. Voilà pour hier.

Pour demain, quelles sont nos perspectives ? La mobilisation dont parle le Premier ministre est technique. Elle concerne les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation. N’est-ce pas la moindre des choses que de voir les demandeurs d’emploi au moins une fois par mois et non une fois tous les onze mois, comme c’était le cas précédemment ? Il faut organiser pour eux des bilans de compétence, les accompagner dans leurs démarches et prévoir leurs besoins.

Mais la mobilisation suppose également un état d’esprit. Peut-être est-elle passée inaperçue à cause des vacances, mais une des actions que je souhaite souligner, en accord avec Gérard Larcher, est votre visite, monsieur le Premier ministre, sans journaliste aucun (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), aux directeurs départementaux du travail et de l’emploi, puis à tous les cadres de l’Agence nationale pour l’emploi, au moment où nous sommes en train de restructurer tout le service public de l’emploi. Voilà qui prouve que notre politique n’avance pas à coups d’effets d’annonce, mais grâce à un travail de mobilisation de tout le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le Premier ministre, j’aimerais vous parler d’une dame de soixante ans, qui fête aujourd’hui son anniversaire et vit pourtant dans la plus grande précarité. Pendant des années, elle s’est occupée de tous les Français sans distinction de condition. Elle les a aidés à surmonter les accidents de la vie et à préparer leur retraite.

M. Jean Leonetti. On a deviné : c’est la « Sécu »  !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais aujourd’hui, c’est elle qui appelle au secours. Depuis trois ans, vous l’avez ruinée. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez distribué son argent à certains membres de votre clientèle, qui vivent sur son dos depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C’est nul !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n’avez jamais couvert ses dépenses. Quand elle a eu besoin d’un traitement de tout son système de santé, vous lui avez dispensé des soins palliatifs. En 2007, elle sera si affaiblie et surendettée que vous pourrez enfin lui imposer la tutelle des assurances privées, comme vous cherchez à le faire depuis des années.

Cette grande dame, la sécurité sociale, aura-t-elle un avenir après vous ? Vous lui souhaitez un bon anniversaire. Est-ce pour mieux lui rappeler qu’il faut qu’elle s’en aille à soixante ans, comme on le signifie aujourd’hui à tant de seniors ? Faudra-t-il aussi qu’elle paie le prix fort pour accéder aux soins qui lui sont nécessaires ?

Monsieur le Premier ministre, votre attitude vis-à-vis de la sécurité sociale a un nom : la non-assistance à personne en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Le Guen, vous avez bien mieux commencé que terminé. C’est d’ailleurs souvent le cas en ce qui vous concerne ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Toutefois, si, pour commencer, vous avez bien parlé de la sécurité sociale, vous auriez surtout mieux fait d’agir pendant cinq ans : la non-assistance à personne en danger, c’était pendant ces cinq années où vous n’avez rien fait, malgré la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), alors que les problèmes ne cessaient de croître.

À l’époque, quand non seulement les députés de l’ensemble de nos bancs, mais aussi vos alliés communistes (« Où sont-ils ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) vous demandaient de mettre en place une mesure d’équité en laissant partir à la retraite celles et ceux qui avaient commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans, vous n’avez rien répondu et rien fait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aujourd’hui, au nom de la justice sociale, nous avons décidé de permettre à ces Français qui incarnent la valeur du travail de partir à la retraite. C’est aussi cela, la sécurité sociale. Vous pouvez en parler ; nous, nous agissons au nom de l’équité pour tous les Français.

Mme Martine David. Avec un déficit de 12 milliards ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et n’oublions pas l’aide à la complémentaire. Il y a des Français, nous le savons, qui ne sont pas aidés et doivent faire face à toutes les dépenses complémentaires d’assurance maladie. C’est pourquoi notre majorité a mis en place l’an dernier une aide dont bénéficient aujourd’hui 250 000 personnes, soit pour prendre une complémentaire, soit pour faire face à leurs besoins, notamment financiers, car leur pouvoir d’achat est en cause. Ces 250 000 personnes font la différence entre ceux qui parlent beaucoup et ceux qui agissent. C’est à ce dernier groupe que nous appartenons. La belle dame qu’est la sécurité sociale n’a pas l’âge de la retraite. Elle a un bel avenir devant elle : grâce à nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Biocarburants

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.

M. Michel Raison. Monsieur le ministre délégué à l’industrie, ma question porte sur les biocarburants. Si j’ai choisi de vous la poser, malgré sa connotation agricole, c’est en raison de son aspect transversal.

Malgré l’atout que représentent les biocarburants, la France a pris du retard en la matière. Or cet atout est quadruple. Il est environnemental, avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est agricole, avec l’augmentation des débouchés, qui favorise l’utilisation de jachères. Il est industriel, avec l’amélioration de la balance commerciale et surtout la création d’emplois, source de richesse. Il concerne enfin l’indépendance énergétique.

Les États-Unis, qui disposent de réserves importantes de pétrole, non seulement produisent et utilisent ces biocarburants beaucoup plus que les Européens, mais ils augmentent aussi leur production de 20 % par an, disputant ainsi la première place mondiale au Brésil. La France développe sa production depuis vingt ans. Pourtant, l’Allemagne est devenue depuis peu le premier producteur européen de diester et l’Espagne, avec une production deux fois plus importante que la nôtre, le premier producteur européen d’éthanol, suivie de près par un des nouveaux pays adhérents : la Pologne.

Ce sont tous les biocarburants qui doivent être développés en France, et à tous les niveaux. En ce qui concerne l’huile brute, le ministre de l’agriculture nous propose une avancée dans le projet de loi d’orientation agricole dont nous allons débattre cette semaine. S’agissant du diester et de l’éthanol, nous devons tout mettre en œuvre pour redevenir les leaders européens.

Dans un climat économique marqué par l’envolée du prix du pétrole, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures d’économie d’énergie. L’une d’entre elles concerne les biocarburants. L’objectif est désormais une consommation de 5,75 % en 2008, de 7 % en 2010 et de 10 % en 2015 – nous anticiperons ainsi de deux ans la première de ces échéances par rapport aux directives européennes.

Ma question est simple, monsieur le ministre. Nous sommes aujourd’hui dépendants des pays producteurs de pétrole. Que comptez-vous faire pour que, demain, nous ne soyons pas dépendants du Brésil, des États-Unis ou, tout simplement, de nos voisins européens ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur Raison, vous avez raison. (Sourires.) L’année dernière, les biocarburants produits par la France ont remplacé 400 000 tonnes de pétrole importé. Nous avons pour objectif d’en remplacer 3 millions de tonnes à l’horizon 2008. Le Parlement avait déjà voté ce principe dans la loi d’orientation sur l’énergie adoptée cet été, mais les 5,75 % dont vous avez parlé y étaient inscrits à l’objectif 2010. Le Premier ministre a décidé de rapprocher ce délai et d’accélérer la construction des installations nécessaires.

En pratique, cela signifie que, dans les prochaines semaines, un nouvel appel d’offres de production de biocarburants sera lancé pour 1,8 million de tonnes. Il sera défiscalisé dans le budget de l’année prochaine à hauteur de 25 euros par hectolitre pour les esters qui entrent dans le gazole et de 33 euros par hectolitre pour l’éthanol ou l’ETBE qui entrent dans l’essence. Cela permettra aux investisseurs d’avoir de bonnes perspectives et de réaliser rapidement les investissements que nous attendons d’eux.

Afin de prévenir les problèmes de débouchés que pourrait poser un accroissement de production aussi important, Dominique Bussereau et moi-même allons réunir tous les acteurs concernés. Monsieur le Premier ministre nous a dit : « Il faut aller plus vite et plus loin. » C’est ce que nous faisons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

avenir de la sncm

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe UMP.

M. Dominique Tian. Monsieur le Premier ministre, la Société nationale Corse Méditerranée est proche du dépôt de bilan. Déjà en 2003, l’État avait apporté 69 millions d’euros, mais l’entreprise continue de perdre 30 millions par an. En janvier 2005, Jean-Pierre Raffarin avait lancé une procédure d’appel d’offres pour trouver des partenaires capables de réinvestir dans l’entreprise. Soixante-dix investisseurs ont été contactés, seules deux offres ont été reçues. Aujourd’hui, le Gouvernement souhaite plus que jamais assurer la survie de la compagnie en trouvant un accord avec les syndicats du personnel.

À votre demande, monsieur le Premier ministre, Thierry Breton et Dominique Perben sont venus hier à Marseille pour annoncer que l’État avait décidé de maintenir une participation de 25 % au capital de la compagnie nationale, comme le souhaitaient notamment le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, et le président de l’Assemblée de Corse, Camille de Rocca-Serra. Quant aux salariés, ils se verront proposer 5 % du capital. Il s’agit là de garanties majeures pour la pérennité de l’entreprise et de l’emploi.

Une nouvelle rencontre est prévue demain à Marseille, à laquelle participeront les ministres de l’économie et des transports. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, faire le point sur ce dossier sensible ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, le dossier de la SNCM est complexe. À ce sujet, il me paraît utile de poser deux questions.

Premièrement, pouvions-nous attendre davantage pour agir ? La réponse est non, compte tenu de la situation catastrophique de cette entreprise. Au cours des quinze dernières années, plus de 1,2 milliard d’euros de fonds publics lui ont été versés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avec 30 millions de pertes annuelles et plus de 200 millions de dettes, l’entreprise est aujourd’hui au bord du dépôt de bilan, sous le contrôle du tribunal de commerce.

Deuxième question : le Gouvernement a-t-il fait ce qui était nécessaire ? La réponse est oui. En effet, il a tenté, en 2003, une recapitalisation de 69 millions d’euros mais rien n’a changé dans la situation de l’entreprise. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a alors lancé une procédure d’appel d’offres, qui a abouti il y a quelques jours. Soixante-dix entreprises ont été contactées, deux sociétés financières ont fait une offre, toutes deux exigeant une privatisation à 100 % de la SNCM. Ce n’est que parce que la société financière finalement retenue a accepté d’ouvrir le tour de table qu’une autre solution a pu être envisagée.

Celle-ci réunit une société financière, un opérateur industriel qui connaît bien le secteur des transports, l’État, prêt à monter jusqu’à 25 %, et les salariés. C’est un bon tour de table et c’est une bonne proposition, qui maintient pour l’essentiel la situation de l’emploi, puisqu’il n’y aura aucun licenciement sec. Nous pouvons dire que c’est inespéré.

Cette proposition est à la fois soucieuse de bonne gestion et respectueuse de nos engagements européens, du contribuable français et de tous les salariés. Parce qu’elle doit s’accompagner d’un fort dialogue social, Dominique Perben était vendredi dernier à Marseille, il y est retourné lundi avec Thierry Breton et tous deux s’y rendront à nouveau demain pour trouver une solution dans le dialogue avec l’ensemble des salariés.

Responsabilité, dialogue social. Il faut maintenant que chacun prenne ses responsabilités. Un comité d’entreprise doit se réunir le 10 octobre. C’est dire à quel point il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

plans de reprise de la sncm

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste.

M. Paul Giacobbi. J’associe à ma question mes collègues Sylvie Andrieux, Christophe Masse, Simon Renucci et Emile Zuccarelli.

Monsieur le Premier ministre, après avoir martelé depuis plus d’un an que la SNCM ne valait rien et qu’elle était au bord de la faillite, vous avez lancé une procédure de cession opaque en la forme, surprenante sur le fond.

Où est donc le cahier des charges de cet étrange appel d’offres qui n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité formelle ? Pourquoi l’offre de la Connex, qui proposait une entrée progressive au capital et un apport de 75 millions d’euros, a-t-elle été écartée prématurément au profit de celle de M. Butler, qui apporte 40 millions de moins et qui exige 10 millions de plus de l’État ? Vous allez bien entendu répondre – je n’ose pas dire en sautant comme un cabri – « L’Europe, l’Europe ! ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourtant, celle-ci affirmait, par la voix de M. Barrot, avant qu’il ne rencontre M. Breton : « Peu importe le statut juridique de l’entreprise. Qu’elle reste publique ou soit privatisée ne change rien. L’important, c’est que l’aide publique soit apportée en vue d’une ultime restructuration, qu’elle soit proportionnée et qu’elle n’altère pas la concurrence. »

Vous affirmez cependant qu’il n’y a qu’une solution alternative au dépôt de bilan. Il y a une semaine, c’était la privatisation à 100 %, nous en sommes aujourd’hui à 70 %, tandis que le second de votre gouvernement, dans un bel élan de loyauté à votre égard, souhaite que l’État se désengage encore moins et convoque d’ailleurs les parlementaires corses, sans doute pour leur exposer son point de vue. En une semaine, et à travers les deux têtes de sa direction bicéphale, votre gouvernement nous a ainsi proposé trois solutions uniques. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous en souhaitons une quatrième, qui garantisse enfin le service public et la pérennité de l’entreprise.

Pendant ce temps, le dépeçage de la SNCM a commencé, avec la prise de contrôle de Sud Cargo par le groupe CMA-CGM, champion historique et incontesté de l’achat à vil prix des actifs maritimes de la République. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Giacobbi, veuillez poser votre question.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, pas ça, pas vous ! Êtes-vous prêt à renverser le cours des choses, dans l’unique souci de l’intérêt public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pas ça, pas vous, monsieur le député, surtout pas vous, s'agissant d’une entreprise que vous connaissez bien. Je rappelle que la SNCM, certes aujourd’hui détenue à 100 % par des capitaux d’État, assure des missions de service public par le biais d’une délégation qui est elle-même soumise à appel à concurrence.

Quelques chiffres, monsieur Giacobbi, car autant d’imprécision, ce n’est pas digne. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) La SNCM est une entreprise, hélas ! chroniquement déficitaire. Cela ne signifie pas pour autant que l’argent qui y a été mis l’a été à fonds perdus, car elle a été rémunérée pour ses missions de service public.

Par ailleurs, il est faux de prétendre, comme vous le faites, qu’il n’y a pas eu d’information : M. François Goulard a dit le 26 janvier, dans cet hémicycle, ce qui allait se passer.

Deuxièmement, vous prétendez qu’il y a eu une offre de la Connex. C’est faux ! Il n’y a eu que deux offres. Voulez-vous savoir pourquoi ? Parce que la société est dans une situation trop difficile. Elle est soumise, depuis le 29 avril 2004, à un contrôle étroit du tribunal de commerce de Marseille, qui a désigné un mandataire ad hoc. Dans ce cadre, un premier plan a été mis en œuvre qui, hélas, n’a pas marché. Un deuxième plan de recapitalisation a également échoué.

Aujourd’hui, il faut 113 millions d’euros pour apurer les dettes. Comment allons-nous faire ? La seule solution, c’est la jurisprudence de Bruxelles qui le dit, est que l’État se désengage progressivement. C’est ce que le Gouvernement de Dominique de Villepin a décidé de faire, avec une offre qui réunira des partenaires financiers, un opérateur industriel qui assurera la gestion de l’entreprise, l’État, qui restera pour être le garant du redressement, et les salariés, qui seront actionnaires. Voilà la vérité. Vous ne l’aviez pas fait, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

taux de tva dans le bâtiment

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. Monsieur le ministre délégué au budget, le projet de loi de finances que vous avez présenté il y a quelques jours vise en priorité, que ce soit avec la prime pour l’emploi ou avec la réforme fiscale, à favoriser l’emploi. Or il est une mesure importante en la matière : le maintien de la TVA à taux réduit dans le bâtiment. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En effet, le taux de TVA de 5,5 % qui s’applique aux travaux de rénovation des entreprises du bâtiment a généré un volume de travaux supplémentaires de quelque 2 milliards d’euros par an et permis la création de 40 000 emplois, notamment dans l’artisanat.

M. Jean-Pierre Balligand. Grâce aux socialistes et à Jospin !

M. Michel Piron. Or, depuis quelques semaines, on évoque la possibilité que ce taux remonte en Europe de 5,5 % à 19,6 % à compter du 1er janvier prochain. Une telle mesure aurait évidemment des conséquences négatives pour les entreprises et pour l’emploi.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous assurer qu’une telle hausse n’est pas envisageable et rassurer ainsi l’ensemble des professionnels qui, aujourd’hui encore, s’interrogent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, nous allons avoir à l’automne un grand rendez-vous fiscal. À l’occasion de la présentation du projet de loi de finances, Thierry Breton et moi-même allons proposer à la représentation nationale des réformes ambitieuses ayant toutes le même objectif : agir pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat et pour la compétitivité de la France. Ces réformes concerneront évidemment l’impôt sur le revenu et la prime pour l’emploi, mais aussi la taxe professionnelle, qu’il est grand temps de réformer.

D’une manière générale, toutes les mesures proposées tendront à favoriser la création d’emplois. Le Gouvernement est très attentif aux secteurs créateurs d’emplois et, de ce point de vue, la TVA au taux réduit de 5,5 % sur les travaux dans les logements représente un objectif majeur. On en connaît le bilan positif : 40 000 créations d’emplois, 2 milliards d’activité supplémentaire.

C’est vous dire si le rendez-vous de Bruxelles est important. Le prochain conseil Écofin du mois de novembre sera pour le Gouvernement l’occasion de tout faire, et même de se démener, pour convaincre l’ensemble de nos partenaires européens de la nécessité de proroger cette mesure afin de stimuler la croissance l’an prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Ordre du jour de l’Assemblée

M. le président. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au vendredi 21 octobre inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

La conférence a également arrêté le calendrier de la deuxième partie du projet de loi de finances, ainsi que le calendrier des séances d’initiative parlementaire et de questions orales sans débat jusqu’à la fin de l’année.

Ces documents seront annexés au compte rendu.

La conférence des présidents a par ailleurs décidé que le vote solennel sur le projet de loi d’orientation agricole et celui sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 auraient lieu respectivement le mercredi 12 octobre et le mardi 25 octobre après les questions au Gouvernement.

Création de missions d’information

M. le président. Enfin, la conférence des présidents a décidé, en application de l’article 145, alinéa 3, du règlement, la création de deux missions d’information, intitulées respectivement :

- l’effet de serre ;

- grippe aviaire : mesures préventives.

Règlement définitif de budget de 2004

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 (nos 2428, 2546).

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis, en ce début de session, pour examiner le projet de loi de règlement du budget de 2004. Nous aurons donc débattu de ce projet avant d'aborder l'examen de la loi de finances pour 2006. Nous sommes ainsi en conformité avec les exigences de la loi organique relative aux lois de finances qui, depuis le 1er janvier 2005, gouverne désormais nos travaux en matière budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2006, dont nous discuterons dans quelques jours, sera de la même manière le premier budget dans le format LOLF en missions et programmes, le premier budget 100 % LOLF.

Pour l'heure, nous vivons les derniers moments de la discussion de la loi de règlement « ancien format », avant la mise en place d'un cadre totalement rénové. Les pères de la LOLF ont en effet souhaité revaloriser la place de la loi de règlement et en faire, à l'avenir, un vrai temps fort de la vie parlementaire.

Ce sera l'occasion pour le Parlement non seulement de vérifier l'exécution chiffrée du budget, mais aussi d'évaluer l'efficacité de la dépense publique, la performance de l'administration, et de disposer en même temps d'éléments sur le patrimoine de l'État.

Nous aurons ainsi un chaînage vertueux entre les projets annuels de performance, les PAP, qui sont les annexes explicatives du projet de loi de finances, et les rapports annuels de performance, les RAP, qui présenteront les résultats atteints et serviront de support à l'examen de la loi de règlement.

Les outils de cette réforme se mettent peu à peu en place. Nous venons de déposer les projets annuels de performance qui composent le projet de loi de finances pour 2006. Il nous faudra attendre l'année 2007 pour disposer des premiers rapports annuels de performance qui ouvriront la voie au premier débat de la loi de règlement nouvelle formule.

En dépit du sentiment d'impatience qui nous habite tous fort légitimement, nous devons pour l'heure rendre compte de la gestion 2004 selon les modalités prévues par l'ordonnance de 1959.

La loi de règlement que vous soumet le Gouvernement est la photographie fidèle de la situation budgétaire du pays à la fin de l'exercice 2004. Elle permet de mettre en valeur ses atouts, notamment une totale maîtrise des dépenses de l'État, mais également de tirer des enseignements sur les progrès encore à réaliser.

De ce point de vue, l'année 2004 a été une année utile, notamment pour codifier dans la LOLF des outils de bonne gestion de l'exécution. Je pense notamment à la réserve de précaution ou à la règle de comportement sur l'affectation des éventuels surplus fiscaux.

La loi de règlement est enfin l'occasion de rappeler le cap qui est celui de notre politique de finances publiques. Aussi bons soient les résultats de l'année 2004, avec une réduction de 13 milliards d’euros du déficit budgétaire, il faut poursuivre nos efforts. La dégradation de nos finances publiques est en effet structurelle. Elle a été causée par la politique pro-cyclique des années 1999 à 2001, qui a gaspillé les fruits de la croissance. Je reviendrai sur ce point.

Un mot tout d’abord sur la photographie de l’exécution budgétaire en 2004. Elle comporte deux motifs principaux de satisfaction. Le premier, c’est la stabilisation effective des dépenses de l'État. Celles-ci s'établissent à 283,6 milliards d’euros, soit 55 millions d’euros en deçà du plafond de l'autorisation voté par votre Assemblée.

Les dépenses de l'État ont été strictement maîtrisées. En effet, en 2004 comme en 2003 et en 2002, il n'a pas été dépensé un euro de plus que le plafond de dépenses voté par le Parlement.

M. Didier Migaud. La Cour des comptes dit le contraire !

 M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La maîtrise des dépenses n'est donc pas un engagement « en l'air » du Gouvernement, comme on a pu le dire sur les bancs de l’opposition.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous pouvez à présent nous juger dans la durée : le Gouvernement dit ce qu'il fait, il fait ce qu'il dit et il rend des comptes.

Atteindre cet objectif était important. D'abord en raison du respect qui s'impose naturellement à l'égard de l'autorisation parlementaire. Ensuite, pour montrer aux Français, dans un contexte économique et financier difficile, que les finances de l'État étaient tenues. Enfin, vis-à-vis de nos partenaires européens, pour leur démontrer la crédibilité de nos engagements de réduction des déficits publics. C'est ainsi que se construit le socle de confiance.

La stabilisation des dépenses a été rendue possible grâce à la constitution précoce d'une réserve de précaution de 7 milliards d’euros, portant d'abord sur 4 milliards de crédits initiaux et sur près de 3 milliards de crédits des gestions antérieures.

J'ajoute que ces opérations ont été conduites dans une totale transparence vis-à-vis du Parlement, qui a été informé préalablement de toutes les mesures de mise en réserve et d'annulation.

Le second motif de satisfaction, c'est que nous avons su gérer le rebond conjoncturel des recettes en 2004. L'année 2003 avait été une année difficile, avec un repli des recettes fiscales de près de 3 %. Les recouvrements de recettes fiscales ont fait plus qu'accentuer les effets de la chute de croissance, amorcée à la fin 2001 et qui a prolongé ses effets jusqu'à la fin 2003. La langueur de l'activité économique a eu un impact mécanique sur le produit des recettes fiscales avec une moins-value de 9 milliards d’euros.

Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a décidé, en responsabilité, de laisser jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques », c'est-à-dire, de ne pas compenser les moins-values de recettes fiscales par des augmentations d'impôts ou des économies supplémentaires. De telles mesures auraient eu pour conséquence, en effet, d'amplifier les effets du cycle et de précipiter notre économie dans la récession.

Ce choix a été payant : nous avons retrouvé en 2004 une activité économique favorable avec 2,3 % de croissance annuelle, et, en dépit de la hausse des prix du pétrole en 2005, nous restons dans le peloton de tête de la zone Euro en termes de croissance.

Plus de croissance, c'est plus de recettes. La question est ensuite de savoir ce que l'on fait de ces recettes. À cet égard, le Gouvernement a fait un choix simple et clair : la totalité des plus-values de recettes fiscales, qui s'élèvent à 9,2 milliards d’euros, a été affectée à la réduction du déficit.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’avais d’ailleurs pris devant vous un engagement personnel sur ce point. Là encore, nous avions clairement indiqué la ligne de conduite qui serait la nôtre et nous l'avons respectée.

Tout oppose la gestion du rebond conjoncturel de l'année 2004 et l'épisode moins heureux des années 1999 à 2000. Les plus-values fiscales pléthoriques mais éphémères de la bulle Internet ont alors été dilapidées en dépenses nouvelles et en baisses d’impôts non financées,…

M. Augustin Bonrepaux. Comme en 2004 !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ce qui a entraîné une dégradation structurelle et profonde de nos finances publiques.

Sur la période allant de 1998 à 2001, la précédente majorité a bénéficié de plus de 70 milliards d’euros de plus-values de recettes : 55 % ont nourri des augmentations de dépenses pérennes – je pense notamment aux 35 heures – et 30 % ont été consacrés à des baisses d'impôts non financées ; seuls 15 % de la marge, soit 9,4 milliards, sont allés à la réduction du déficit sur la période. C’est dire si son choix était différent du nôtre, puisque nous avons décidé, nous, d’affecter la totalité des plus-values de recettes à la réduction du déficit.

M. Augustin Bonrepaux et M. Didier Migaud. Avec le résultat que l’on sait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. D'un exercice sur l'autre, entre 2003 et 2004, l'amélioration du solde est de plus de 13 milliards d’euros : c'est la plus forte réduction du déficit budgétaire jamais enregistrée.

Cela récompense les efforts de la politique du Gouvernement conduite depuis trois ans dans un contexte économique ingrat : chacun s’en souvient, les taux de croissance étaient divisés par deux par rapport aux années précédentes. Je veux saluer ici le travail accompli depuis 2002 par les ministres des finances et du budget qui se sont succédé.

M. Didier Migaud. Et ils ont été nombreux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout cas, les résultats qu’ils ont obtenus sont ceux que je viens de décrire ! Et au lieu de faire cette remarque désobligeante, vous pourriez me féliciter d’être à ce poste. (Sourires.)

Si je devais en quelques mots résumer notre action, je dirais que, depuis trois ans, nous maîtrisons parfaitement nos dépenses et respectons ce qui a été voté. Toutes nos dépenses ont été consacrées à financer des politiques publiques qui ont stimulé la croissance.

M. Augustin Bonrepaux. On a vu le résultat !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le retour de croissance ainsi obtenu a généré des recettes fiscales, alors même que les taux des impôts diminuaient, et nous les avons consacrées à la réduction du déficit.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de l’exécution du budget 2004 ? J’en vois deux. D’abord, il nous faut améliorer les outils de pilotage de l’exécution budgétaire : c’est ce que nous avons fait. Ensuite, il nous faut poursuivre l’assainissement de nos finances, et c’est très précisément le cap que nous avons fixé à notre politique budgétaire.

L’année 2004 a été mise à profit pour enrichir notre palette d’instruments et pour mieux gérer l’exécution budgétaire. Nous avons progressé dans deux directions.

D’abord, nous avons réformé les modalités de la régulation budgétaire. Le Gouvernement, en accord avec la commission spéciale présidée par M. Bouvard, avec l’aide de MM. Lambert et Migaud et après une large concertation, a proposé en juin dernier un dispositif qui améliore considérablement nos procédures en la matière. Vous le savez, la régulation faisait l’objet de critiques récurrentes, que l’application de la LOLF a encore renforcées : aveugle, injuste, « déresponsabilisante », nous avons tout dit sur cette question. Nous avions besoin d’un instrument de pilotage de l’exécution budgétaire, car personne ne pouvait se satisfaire de telles procédures : le Parlement vote des crédits sans connaître les mesures de régulation, les ministres n’ont aucune visibilité et l’année d’exécution budgétaire démarre par des mesures de mise en réserve d’une partie de ces crédits.

Nous avons donc modifié le dispositif : désormais, le Parlement bénéficiera dès le projet de loi de finances initiale d’une information obligatoire sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour respecter l’autorisation fixée par le Parlement et il y aura une mise en réserve systématique au sein de chaque programme d’une part des crédits, une tranche conditionnelle s’ajoutant à la tranche ferme sur laquelle chaque gestionnaire pourra compter.

Pour résumer, il s’agit d’un dispositif beaucoup plus efficace et surtout beaucoup plus transparent et plus responsable, puisque les gestionnaires sauront, dès le 1er janvier de chaque année, sur quels crédits ils peuvent tabler à coup sûr.

Avec le projet de loi de finances pour 2006, nous sommes au rendez-vous pour la mise en œuvre de cette modification de la LOLF. Je l’ai indiqué la semaine dernière en conseil des ministres ainsi que devant les commissions des finances des deux assemblées : le pourcentage retenu est de 2 %, ce qui représente une mise en réserve nette de 4 milliards d’euros, soit la moitié de ce que nous avons réalisé en 2005. Pour être tout à fait complet, je vous précise que, sur les crédits hors rémunérations, le taux a été fixé à 5 %, soit une tranche ferme de 95 %.

Nous devions, en second lieu, progresser dans le domaine de la gestion des surplus fiscaux, l’objectif étant d’éviter la répétition de l’épisode de la cagnotte des années 1999-2000.

Avec le vote, en juillet dernier, du projet de loi organique, un manque important a été comblé dans la LOLF. Dorénavant, le Gouvernement devra préciser à l’avance et en toute transparence l’utilisation qu’il fera des éventuelles plus-values de recettes fiscales qui apparaissent en cours de gestion. En période de reprise économique, ce phénomène est inévitable. C’est un événement heureux, encore faut-il ne pas se tromper sur la façon de le gérer.

Cette disposition a un objectif très clair : éviter que les plus-values de recettes liées à la conjoncture économique soient détournées de l’impératif qui est le nôtre : la diminution des déficits et de la dette.

La loi organique impose désormais une double exigence : l’information préalable du Parlement, mais également son information a posteriori, puisque le Gouvernement devra rendre compte de la gestion des plus-values de recettes au titre de l’exécution de la loi de finances. Tous ces éléments majeurs sur le plan de la méthode contribueront à la réussite de la LOLF.

La loi de finances pour 2006 inaugure la mise en œuvre de ce dispositif. La règle de comportement budgétaire que nous vous proposons est détaillée dans l’article d’équilibre, que nous aurons bientôt l’occasion d’examiner ensemble. Le dispositif est simple : s’il y a constatation d’un surplus, celui-ci doit être utilisé pour réduire le déficit. Une seule exception est prévue, en cohérence avec les engagements pris par le Premier ministre le 16 août dernier : les éventuels surplus fiscaux sur les recettes pétrolières, du fait de la hausse des prix, seront restitués aux Français. L’État ne bénéficiera pas en la matière de recettes d’opportunité. C’est la raison pour laquelle, à la demande du Premier ministre, nous avons, avec Thierry Breton, réuni une commission de transparence sur la fiscalité pétrolière. Présidée par Bruno Durieux, composée de parlementaires représentant toutes les sensibilités politiques, elle rendra ses premières conclusions avant le début de l’examen du PLF.

Après avoir présenté les améliorations apportées au pilotage de l’exécution budgétaire, je crois utile d’évoquer les perspectives qui s’ouvrent devant nous, et d’abord de vous indiquer l’esprit dans lequel j’aborde nos prochaines échéances. Notre objectif central reste l’assainissement de nos finances publiques. Je me dois de rappeler que nos finances publiques sont encore convalescentes. Certes, la réduction du déficit budgétaire de 2004 est incontestablement une bonne nouvelle. Comme je l’indiquais tout à l’heure, jamais dans notre histoire budgétaire le déficit n’a été amélioré d’une année sur l’autre de 13 milliards d’euros ! L’esprit de responsabilité qui me guide m’interdit cependant tout triomphalisme, car notre déficit budgétaire demeure à un niveau beaucoup trop élevé. La persistance de cette situation nous oblige à nous poser un certain nombre de questions, dès lors que le niveau des recettes reflète depuis 2004 une situation conjoncturelle moins défavorable qu’en 2003 et que le Gouvernement a stabilisé les dépenses de l’État en volume en 2003, 2004, 2005… et 2006 – nous ne nous contentons pas de l’annoncer, nous le mettons en œuvre.

Le déficit du budget de l’État est en réalité un déficit structurel, qui reflète un déséquilibre entre recettes et dépenses et renvoie à plusieurs explications, dont la première est l’absence de réforme pendant la précédente législature. C’est dans un contexte économique beaucoup moins facile que nous avons eu, au cours des trois dernières années, à mettre en œuvre des réformes trop longtemps différées, notamment celle, emblématique, de l’assurance maladie. Or les réformes coûtent beaucoup plus cher lorsqu’elles sont différées !

Une autre explication, que j’ai déjà évoquée, est la politique budgétaire très expansionniste des années 1999-2002, qui s’est traduite par des dépenses nouvelles colossales et pérennes, comme les 35 heures ou les baisses d’impôts non financées.

Enfin, ce déficit structurel s’explique par les transferts toujours plus importants de recettes de l’État au profit d’autres collectivités publiques, en particulier les collectivités locales ou la sécurité sociale.

Le déficit budgétaire prévu pour 2006 traduit une stabilisation par rapport à 2005. Mais cette stabilité, il ne faut pas se le cacher, dissimule un important effort de redressement. En effet, plusieurs éléments rendent l’exercice particulièrement difficile pour 2006, notamment la forte augmentation des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités locales :…

M. Didier Migaud. C’est de leur faute ! ...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …plus 3 milliards en 2006, contre plus 0,7 milliard dans la loi de finances initiale pour 2005, ou encore la perte pour l’État d’une recette de 3 milliards, puisque la CADES cesse, à compter du 1er janvier prochain, ses versements au budget général. L’effort de redressement du déficit budgétaire de l’État est donc en réalité proche de 5 milliards. Cela montre l’ampleur du travail que nous avons accompli pour présenter une copie qui montre en apparence la stabilisation du déficit budgétaire, mais traduit en réalité un effort remarquable.

Face à cette situation contraignante pour l’État, notre stratégie comporte trois volets.

Tout d’abord, une politique économique propre à développer l’emploi et à renforcer notre potentiel de croissance, et ce faisant le socle de ressources de l’État et des organismes sociaux. C’est le plan d’urgence pour l’emploi : contrats nouvelles embauches, lissage des effets de seuil pour les PME, mesures d’incitation à la reprise d’un emploi pour les chômeurs et les titulaires de minima sociaux. Ce sont des mesures majeures pour aller au-devant de la croissance, tout comme celles destinées à soutenir le pouvoir d’achat, de la hausse du SMIC à la revalorisation de la prime pour l’emploi, qui valorise le travail. Je citerai également les mesures destinées à développer les investissements et l’attractivité du territoire, dont la réforme de la taxe professionnelle et le dégrèvement pour investissements nouveaux. Nous aurons dans quelques jours l’occasion de revenir sur tous ces points.

Deuxième volet de notre stratégie : une exigence accrue dans la maîtrise des dépenses. En 2006, pour la troisième année consécutive, les dépenses sont stabilisées en volume. Depuis 2003, nous respectons cette règle d’or. Mais nous souhaitons aller plus loin dans la loi de finances pour 2007, et nous travaillons d’ores et déjà en ce sens. Les conditions sont réunies pour nous permettre d’élever le niveau de nos ambitions, grâce à la LOLF et à la réforme de l’État. La conjugaison des nouvelles règles d’élaboration du budget et de la réforme de l’État va nous permettre de réaliser dans les mois qui viennent des avancées significatives.

Je propose donc de nous fixer pour objectif à moyen terme de stabiliser les dépenses de l’État non plus en volume, mais en valeur. Le Premier ministre a décidé d’initier en 2007 une première étape, avec une progression des dépenses moins rapide que l’inflation. Si nous ne devions conserver qu’un indicateur, sachez qu’une diminution des dépenses de 1 % en volume dégage une marge d’économies de 3 milliards d’euros, soit quasiment le coût de la réforme fiscale que je soumettrai à votre approbation à l’automne. C’est vous dire combien, dans ce domaine, il nous reste à faire !

Enfin, le temps est peut-être venu de réfléchir ensemble à un partage des responsabilités entre tous les acteurs publics.

M. Didier Migaud. Bien sûr ! …

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si on fait l’inventaire, on s’aperçoit que les dépenses de l’État sont stabilisées en volume pour la quatrième année consécutive. Celles des administrations sociales reviennent progressivement à un rythme d’évolution plus raisonnable, grâce à la réforme de structure que nous avons engagée. Dans le même temps, les dépenses des collectivités locales ont progressé de 3 % en volume.

M. Didier Migaud. Allégation scandaleuse !

M. Augustin Bonrepaux. Avec toutes les charges que vous leur avez transférées, il est normal que leurs dépenses augmentent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Alors même que l’État s’imposait un effort substantiel pour baisser les impôts, la fiscalité locale a augmenté dans des proportions considérables.

M. Augustin Bonrepaux. Mais l’État se décharge sur les collectivités locales !

M. Didier Migaud. Oui, c’est lamentable !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons tous en tête l’augmentation spectaculaire des impôts dans un certain nombre de régions, la palme d’or revenant au Languedoc-Roussillon, où elle dépasse les 70 % !

M. Augustin Bonrepaux. Que l’État rembourse ce qu’il nous doit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même l’Ile-de-France, pourtant réputée modérée, n’est pas en reste, avec une augmentation de 25 % des impôts régionaux. Il y a là, me semble-t-il, deux poids deux mesures, et cette fuite en avant qui consiste pour l’opposition à faire croire aux Français que pareille hausse serait le seul résultat de la décentralisation, alors même que celle-ci est à peine mise en place, fait tristement sourire.

M. Augustin Bonrepaux. Ça promet  pour la suite!

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela montre l’incapacité des régions de gauche à assumer leurs rapports compliqués, mais systématiques, avec les hausses d’impôts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Après l’avoir soumise aux responsables des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, je vous fais la proposition suivante : qu’à une échéance qui reste à déterminer et que je vous proposerai à l’automne, se tienne une conférence des finances publiques, qui soit le lieu d’une discussion sans tabou sur les relations financières complexes entre les uns et les autres. Cela offrirait à chacun la possibilité de partager ses expériences en toute transparence.

M. Didier Migaud. Une conférence ou un tribunal ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne vous y trompez pas, monsieur Migaud ! Vous parlez de tribunal parce que c’est ainsi, sans doute, que vous voyez les choses. Je dis simplement que le partage des responsabilités est pour nous une façon de moderniser les relations entre les grands acteurs publics au service du contribuable.

M. Didier Migaud. Les élus sont très responsables !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il n’y a pas de divergence entre tous ces acteurs, mais la même volonté de servir l’intérêt général.

Au moment de conclure, je soulignerai à nouveau que l’année 2004 a été une bonne année budgétaire, du fait des résultats atteints en matière de maîtrise de la dépense et de réduction du déficit, mais également grâce aux progrès réalisés, sur le plan de la méthode, dans la gestion de l’exécution. Les nouveaux outils mis en place pour réformer la régulation budgétaire et la gestion du cycle économique concourent au même objectif de renforcement de l’information du Parlement et ils contribueront également à l’assainissement de nos finances. Ce projet de loi de règlement traduit les résultats d’une année prometteuse pour nos finances publiques, au cours de laquelle le Gouvernement, avec le soutien de la majorité de votre assemblée, a amorcé une politique favorable à la France et aux Français, dont les dividendes sont aujourd’hui clairement perceptibles.

Je vous demande donc, au nom du Gouvernement, de bien vouloir, après en avoir débattu, apporter votre approbation à ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement est la dernière étape de l’exercice de notre responsabilité budgétaire, après le vote de la loi de finances initiale et celui des lois de finances rectificatives. Aussi la loi de règlement a-t-elle un but essentiel, qui est de constater définitivement les recettes réellement encaissées, les dépenses effectives et le résultat budgétaire de l’exercice.

Dans ce but, au titre du projet de loi de règlement, sont ouverts des crédits complémentaires, sont annulés en contrepartie d’autres crédits, sont déterminés les soldes débiteurs et créditeurs des différents comptes spéciaux, sont transportés au découvert du Trésor le résultat budgétaire lui-même, les pertes et profits et les soldes débiteurs ou créditeurs des comptes spéciaux. Enfin, et c’est le cas ici, la loi de règlement peut reconnaître l’utilité publique de dépenses qui sont comprises dans des gestions de fait.

J’y insiste : le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 est sans doute le dernier du genre.

M. Michel Bouvard. Il faut l’espérer !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S’il est vrai que, juridiquement, la LOLF ne s’applique qu’à partir du budget de 2006, je voudrais dès cet après-midi, monsieur le ministre, vous faire une proposition dans la ligne de l’excellent rapport que vous ont récemment remis nos collègues Didier Migaud et Alain Lambert, les pères de la LOLF.

Ne pourrions-nous pas modifier profondément les conditions de discussion de la loi de règlement dès l’année prochaine, avec l’examen de celle de 2005 ? En effet, le projet de loi de finances pour 2005 a été examiné en mode « pré-LOLF » puisque nous disposions des pré-projets annuels de performance qui étaient assortis d’indicateurs et d’objectifs. De plus, dans un nombre de cas non négligeable, des chapitres budgétaires ont été globalisés et les crédits rendus fongibles au titre de l’expérimentation. Aussi pourrions-nous examiner l’année prochaine, sur la base de rapports annuels de performances – évaluation, objectifs, indicateurs – l’exécution, en cours, de la loi de finances pour 2005.

Mais pour que l’exercice soit intéressant, deux conditions sont nécessaires.

Première condition : que l’examen de la loi de règlement 2005 ait lieu juste avant l’été, avant le débat d’orientation budgétaire pour 2007. Nous devons tirer bénéfice d’un examen approfondi de l’exécution 2005 pour fixer les premières orientations de l’exercice 2007.

Deuxième condition : sortir de la discussion un peu formelle qui est la nôtre ce soir et disposer de beaucoup plus de temps pour débattre, et cela en présence des ministres dépensiers. Monsieur le ministre, si nous sommes très heureux de vous avoir au banc du Gouvernement,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne suis pas dépensier ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !

… nous souhaiterions aussi la présence des autres ministres, en tout cas de ceux concernés par les missions ou par les programmes que nous jugeons les plus critiques afin de pouvoir nous livrer à une véritable discussion. Nous sommes en effet très nombreux dans cette assemblée à être convaincus que, si le rôle du Parlement doit être renforcé, c’est bien dans le cadre de sa responsabilité en matière d’évaluation et de contrôle de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Comme vous venez de nous le proposer, nous ne pourrons nous acheminer vers une maîtrise de l’évolution budgétaire en dépenses courantes, c’est-à-dire faire moins que l’inflation, que si cet objectif est assorti d’un véritable travail d’évaluation et de contrôle.

Quelles leçons peut-on tirer de l’exécution du budget 2004 pour la discussion qui va s’amorcer du projet de loi de finances pour 2006 ?

Premièrement, je ne crains pas de le dire, l’exécution 2004 a été exemplaire. La dépense a été totalement tenue…

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …– pas un euro de plus n’a été dépensé – et elle n’a pas progressé plus vite que l’inflation. Le seul bémol…

M. Didier Migaud. Quand même !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …a été l’ouverture de crédits en loi de finances rectificative pour 2004,…

M. Didier Migaud. Pas seulement, vous le savez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …qui ont conduit à une augmentation des reports. Monsieur Migaud, à notre arrivée aux responsabilités en 2002, nous avons trouvé des reports à hauteur de plus de 14 milliards d’euros. C’est à notre honneur de les avoir réduits à 9 milliards. Ils s’élèvent à 9,7 milliards pour 2005 mais, lors de votre audition en commission des finances la semaine dernière, vous avez pris, monsieur le ministre, l’engagement essentiel que le collectif 2005 ne comprendrait pas d’éléments susceptibles de majorer les reports sur l’année 2006. Nous en avons pris note.

Deuxièmement, nous constatons, du côté des recettes, des prévisions de bon sens et une exécution tout aussi exemplaire. Les prévisions avaient été prudentes avec un taux de croissance à 1,7 % et une élasticité de la recette à la croissance inférieure à 1 ; d’où une forte probabilité de bonnes nouvelles en exécution. C’est ce qui s’est produit : nous avons enregistré de très bons résultats avec 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires par rapport aux prévisions, qui ont été intégralement affectés à la baisse du déficit. La répartition du surplus de recettes de 2004 par rapport à 2003 a été la suivante : 7 % pour des baisses d’impôt, 31 % pour des augmentations de dépenses et 62 % pour la diminution du déficit, lequel est donc passé de 57 milliards en 2003 à moins de 44 milliards en 2004 : moins 13 milliards, du jamais vu, en effet, monsieur le ministre ! Cela montre que le chemin vers le redressement de nos finances publiques est tout à fait praticable.

Par curiosité, j’ai procédé à un calcul tout à fait objectif : si nos collègues socialistes avaient adopté le même taux de répartition et affecté 60 % des recettes supplémentaires à la baisse du déficit en 1998, 1999, 2000 et 2001, le budget de l’État pour 2001 aurait été à l’équilibre, avec zéro déficit ! Cela n’a malheureusement pas été le cas : les fruits de la croissance ont été gaspillés, transformés en dépenses nouvelles au lieu de réduire l’endettement du pays. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Que faites-vous depuis trois ans et demi ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’exécution du budget de l’année 2004 illustre aussi, à mes yeux, une règle de bon sens, une règle d’or que nous devrions tous avoir à l’esprit.

Sur la base d’une croissance de 2 à 2,25 %, on peut tabler sur un surplus de recettes quasi certain de 10 à 12 milliards d’euros. Que faut-il en faire en termes de dépenses ? La reconduction des dépenses en volume…

M. Michel Bouvard. En mangera la moitié !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …en consommera effectivement la moitié, soit 5 à 6 milliards. Le reste doit être partagé entre les baisses d’impôts et la baisse du déficit. Dès lors, des baisses d’impôt supérieures à 5 ou 6 milliards ne peuvent qu’aggraver le déficit ; en tout cas, cela signifierait qu’on ne le maîtrise pas.

Par conséquent, comme en 2004, la prévision doit absolument être raisonnable, fiable et les surplus de recettes doivent être totalement affectés à la baisse du déficit. Je me réjouis donc, monsieur le ministre, que dans le projet de loi de finances pour 2006 figure une règle claire : l’affectation en totalité d’éventuels surplus de recettes à la réduction du déficit.

Pour 2006, l’application de ces principes conduit à une stabilisation de la dépense de l’État en volume pour la quatrième année consécutive – c’est aussi du jamais vu dans notre histoire budgétaire ! –, à des prévisions tout à fait raisonnables en termes de recettes, avec un surplus de l’ordre de 10 à 12 milliards, et à un déficit stabilisé malgré les conditions économiques très difficiles. Le projet de loi de finances pour 2006 s’inspire donc des principes de l’exécution de 2004 ; nous en discuterons à partir de la semaine prochaine,

Pour terminer, quelques mots sur les ajustements de crédits proposés par cette loi de règlement.

Concernant le budget général, les ouvertures de crédits sont de 0,9 milliard d’euros, les annulations de crédits de 3 milliards d’euros, mais une bonne partie de ces dernières porte, comme d’habitude, sur les dégrèvements et remboursements d’impôts, toujours très difficiles à évaluer.

S’agissant des budgets annexes, un point important est à souligner, sur lequel nous examinerons un amendement. Le BAPSA est supprimé mais fait l’objet d’un abondement en recettes de 2,8 milliards au titre de l’exécution 2004. Or, malgré cet abondement, ce sont 3,2 milliards de déficit qui sont transférés au FFIPSA, établissement public qui remplace le budget annexe des prestations sociales agricoles. C’est dire à quel point nous devons être vigilants sur l’évolution de ce déficit.

Quant aux comptes spéciaux du Trésor, ils font l’objet de crédits complémentaires pour 8 milliards d’euros, notamment 5,8 milliards pour l’Agence centrale des organismes d’intervention dans le secteur agricole en attendant les financements européens et 1,7 milliard pour le compte d’affectation spéciale sur les produits de cession de titres, parts et droits des sociétés. Je le rappelle : il s’agit là non pas d’opérations définitives, mais d’opérations de trésorerie.

Au total : une exécution 2004 exemplaire, conforme à la stratégie budgétaire de la majorité et du Gouvernement, qui tend au redressement de nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle la commission des finances vous invite à voter ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement signe l’amélioration de la gestion de nos finances publiques et nous devons en féliciter le Gouvernement tout en l’encourageant à poursuivre cette tâche pour l’exécution du budget 2005, mais aussi pour la préparation et, plus encore, l’exécution du budget 2006.

Oui, la loi de règlement prouve une gestion sérieuse, un budget préparé et exécuté dans des conditions sérieuses. Pour autant, monsieur le ministre, nous ne sommes pas sortis de nos difficultés financières. Ayons l’humilité de reconnaître que, aujourd’hui, les chiffres clés de la gestion budgétaire se dégradent moins vite plutôt qu’ils ne s’améliorent ! Ce n’est pas rien et ce n’est pas si mal lorsque l’on sait la dégradation que d’autres ont provoquée en leur temps.

M. Didier Migaud. Soyez modeste !

M. Hervé Mariton. Mais cela mesure le chemin à poursuivre.

Les dépenses sont tenues, et c’est important. Elles l’étaient dans la préparation et la présentation du budget 2004 fondées sur le principe de dépenses qui n’augmentent pas davantage que l’inflation, la fameuse règle du « zéro volume ». Cette règle, c’était bien de nous la proposer ; c’est encore mieux, et c’est normal, que le Gouvernement l’ait respectée. Respectée, elle l’a été, le rapporteur général l’a rappelé, aux reports près ; respectée, elle doit l’être aussi en 2005 et en 2006, aux ajustements près que chacun d’entre nous a constatés. Cela reflète les tensions, les difficultés de la préparation budgétaire. Reste que, pour l’essentiel, cette discipline est affichée et mise en œuvre.

Au-delà, monsieur le ministre, il faudra se rapprocher de la règle du zéro pour cent en valeur. Cette règle, vous l’avez mentionnée à nouveau devant la commission des finances en présentant le projet de loi de finances pour 2006, après l’avoir évoquée lors des débats budgétaires de ces derniers mois. Il sera indispensable de s’en rapprocher lorsque vous préparerez le budget pour 2007, car c’est en particulier comme cela que vous gagerez la réforme fiscale tout à fait bienvenue que vous nous proposez.

Au demeurant, la méthode consistant, dans le budget 2006, à présenter une réforme fiscale qui exige une double dose de vertu budgétaire pour la préparation du budget 2007 est parfaitement louable car, selon moi, ce n’est que de cette façon que l’on s’oblige à une discipline intense sur la dépense. C’est la perspective de la réforme fiscale qui donne du sens à la maîtrise de la dépense. La maîtrise de la dépense est nécessaire du point de vue de l’orthodoxie budgétaire et du sérieux de notre gestion, mais cela ne suffit pas à y faire adhérer les Français. Il faut y ajouter quelque chose : vous y ajoutez en 2006, pour 2007, la réforme fiscale, et c’est bien. Monsieur le ministre, gardez-le et gardons-le en tête : cela nous rapprochera, en 2007 et pour les années suivantes, de la règle du zéro pour cent en valeur pour l’évolution des dépenses.

Au-delà de cette évaluation quantitative des dépenses, il faut entrer dans une méthode plus exigeante qui permette d’en évaluer la qualité, impératif évoqué par Gilles Carrez. L’évaluation de la qualité de la dépense est au cœur de la responsabilité du Parlement. Notre groupe est particulièrement attaché à la maîtrise en volume et en valeur de la dépense parce que c’est une exigence face à la situation financière de notre pays et parce que c’est aussi un choix politique. Mais c’est plus encore un choix politique d’affirmer que nous sommes comptables, redevables à l’égard de nos compatriotes de chaque euro dépensé, de la qualité et de l’efficacité de la dépense. Ces deux critères, maîtrise en volume et en qualité de la dépense, sont indispensables. Il faut prouver à nos compatriotes que nous ne chassons pas la dépense en tant que telle – il y a des dépenses intelligentes, des actions publiques légitimes –, mais que nous connaissons et comprenons une contrainte sur le volume tout en souhaitant voir chaque euro dépensé le mieux possible.

Si les dépenses sont tenues, les recettes sont bien gérées et intelligemment utilisées. La préparation du budget 2004 avait en effet permis d’anticiper leur amélioration. Le surplus a été affecté à des dépenses qu’il était nécessaire de couvrir et à une réduction du déficit prévue dès le projet de loi de finances pour 2004. On ne peut que s’en féliciter, car la situation de nos finances publiques exige que nous soyons toujours plus attentifs aux proportions et à la réduction des déficits.

Mais nous avons également connu, en 2004, un surplus qui n’était pas anticipé. Le Gouvernement a su l’utiliser de la meilleure manière, en réduisant de 10 milliards le déficit de l’État, qui fut ainsi contenu à 44 milliards. Monsieur le ministre, cette réduction était nécessaire et il est bon que vous l’ayez décidée. Mais il n’est pas inutile de rappeler, à la lumière du débat de 2004, que nous devons, en la matière, agir avec constance, modestie et pédagogie.

La constance et la modestie s’imposent en effet, car, lorsque nous avons constaté ce surplus en 2004, chacun a pu être tenté de considérer que tout allait mieux. Certes, la situation des finances publiques s’améliorait grâce aux 10 milliards de recettes supplémentaires, mais, pour importante et bienvenue que soit une telle nouvelle, il ne faut pas en exagérer la portée : il convient au contraire de la mettre en relation avec la situation de nos finances, avec l’état de nécessité qu’elles connaissent. Prenons soin de ne jamais crier victoire trop tôt. L’amélioration de la situation de nos finances était particulièrement bienvenue et les choix stratégiques du Gouvernement étaient tout à fait opportuns, mais nous ne devons pas oublier que le chemin est long.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est juste !

M. Hervé Mariton. La pédagogie est tout aussi nécessaire. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu’une commission de transparence sur la fiscalité pétrolière vient d’être installée. Certains, dans l’opposition, n’ont pas résisté à la facilité qui consiste à faire croire que l’État s’enrichit sur le dos des citoyens. Soit dit en passant, n’est-il pas étrange d’établir une distinction entre l’État et les citoyens ? Mais la réalité oblige à dire − et les travaux de la commission permettent déjà de constater − que, à court terme, l’État n’y gagne pas, qu’il y perd même et que, à moyen et long termes, consommateurs et acteurs économiques ayant changé de comportement, il y perdra encore davantage en termes de fiscalité pétrolière. Il est toujours plus facile d’expliquer aux citoyens que l’État s’enrichit à leurs dépens et qu’il doit les rembourser. En l’occurrence, ce n’est pas le cas. L’an dernier, déjà, alors que nous imaginions qu’il pourrait y avoir un surplus à restituer, nous avons dû constater que, en réalité, la plus-value était une moins-value, ce qui n’a pas empêché l’État d’en restituer une partie aux Français. Vous me voyez sourire, mais, en vérité, le sujet ne s’y prête guère et la pédagogie n’a rien à gagner à de tels allers-retours. La structure de la fiscalité pétrolière n’est pas si compliquée : il suffirait d’expliquer quelques additions, soustractions et multiplications simples.

M. Jean-Louis Dumont. L’addition ? Elle est lourde pour le consommateur !

M. Hervé Mariton. Nous tenons là une belle occasion de faire de la pédagogie sur la politique fiscale et énergétique et nous aurons, dans les semaines qui viennent, l’occasion d’y revenir.

M. Jean-Louis Dumont. Les locataires des HLM paieront le chauffage !

M. Hervé Mariton. Enfin, monsieur le ministre, nous constatons, pour nous en réjouir, que l’exécution budgétaire 2004 aura permis une amélioration du déficit de l’État en proportion du PIB. Nous sommes passés de 3,9 % à 3,1 %. C’est encore insuffisant, mais c’est mieux. Malheureusement, le solde des administrations publiques est resté à un niveau de déficit de 3,6 %. C’est tout l’enjeu de la réforme de la sécurité sociale, qui commence à porter ses fruits, et c’est également celui, vous l’avez rappelé, de l’appel à la responsabilité des collectivités locales. Comme nos concitoyens, nous considérons − et l’avons répété dans cette enceinte, notamment lors des travaux de la commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale − que les collectivités locales ne sauraient, pour leurs dépenses et leurs recettes, rester indifférentes à un débat qui préoccupe la nation tout entière. Les députés ont le devoir de donner l’alerte quand il le faut, et de rester toujours vigilants.

Monsieur le ministre, reprenant avec raison l’idée d’une conférence sur les finances publiques, vous proposez, dans le projet de budget pour 2006, que soit partagée la responsabilité de leur pilotage, vis-à-vis tant de l’Union européenne que de nos concitoyens. Il faudra absolument aller de l’avant dans ce domaine, car, s’il est bien de répondre à l’exigence de responsabilité et de modération qu’expriment aujourd’hui nos concitoyens, il est mieux de proposer des solutions concrètes, telles la réforme de la taxe professionnelle ou la proposition de bouclier fiscal, et mieux encore d’avoir le courage de les mettre en œuvre, vous, au Gouvernement, nous, au Parlement.

Ainsi, 2004 n’aura pas tout réglé, mais aura démontré que le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont capables de se diriger vers l’assainissement des finances publiques. Le chemin est encore long. Tenons, tenez le cap. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la dernière fois, je l’espère, que nous examinons sous cette forme un projet de loi de règlement. Dès l’année prochaine, nous devrions éviter de tomber dans la parodie de débat à laquelle nous contribuons tous depuis quelques années.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Depuis des décennies !

M. Didier Migaud. Je salue le travail qui a été réalisé sur la LOLF, mais voudrais rappeler solennellement qu’il s’agit d’un outil de transparence tendant à une meilleure lisibilité des politiques publiques, à une plus grande efficacité, à une meilleure évaluation, à un meilleur contrôle. Assimiler, comme on le fait parfois, la loi organique à la réduction a priori de la dépense publique ou de l’emploi public, c’est, me semble-t-il, en dénaturer l’esprit. Ce sentiment est, je crois, partagé par tous les membres de la commission des finances : certains ministres devraient revenir à l’état d’esprit originel de la LOLF et assumer davantage les objectifs politiques qu’ils se sont fixés. On peut vouloir a priori − c’est parfaitement respectable, même si ce n’est pas mon choix − la réduction de la dépense publique ou du nombre d’emplois publics, mais il faut éviter de confondre l’outil avec les objectifs politiques. Si l’on veut, sur le terrain, la réussite de la réforme, il est important de rappeler ces principes.

M. Jean-Louis Dumont et M. Jean-Louis Idiart. Très bien !

M. Didier Migaud. Après une année noire en 2003, la pire depuis 1993, l’année 2004 a été celle de la dérive. Depuis juin 2002, tous les indicateurs économiques et sociaux se sont dégradés. Permettez-moi de vous montrer quelques graphiques qui illustreront mon propos.

M. Jean-Louis Dumont. Quel pédagogue !

M. Jean-Pierre Balligand. Nous aimons les diaporamas !

M. Didier Migaud. Les chiffres que je vais citer sont ceux donnés par vos propres services, monsieur le ministre. Sans cesse, en effet, la majorité se plaint de n’avoir pas, comme nous lorsque nous étions au gouvernement, bénéficié d’une forte croissance mondiale. Or, on le voit, celle-ci est très dynamique depuis 2003, tandis que, en comparaison, la croissance française reste engluée. Un autre graphique montre que, sous la législature précédente, dans un contexte de croissance mondiale relativement forte, les résultats de la France étaient bien meilleurs que la moyenne européenne.

M. Jean-Pierre Gorges. Les Français ne s’en sont pas rendu compte !

M. Didier Migaud. Malheureusement, depuis 2002, les chiffres ne sont plus aussi positifs.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela mérite un débat !

M. Didier Migaud. Cela mérite en effet un débat et je suis prêt à l’engager avec vous, mais ces chiffres sont tout à fait objectifs.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, me permettez-vous de vous interrompre ? Je sais que ce n’est pas l’usage, mais nous sommes ici entre nous…

M. Didier Migaud. Ça, pour être entre nous, nous y sommes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, il vous manque un graphique : celui de la croissance dans la zone euro.

M. Didier Migaud. Mais non, j’en ai un sur ce thème !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous verriez alors que nous sommes systématiquement au-dessus.

M. Didier Migaud. Ce n’est plus vrai.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Allons donc ! Vous le savez très bien !

M. Didier Migaud. Ce n’est malheureusement plus vrai : ce le fut pendant quelques mois, mais cela n’est plus le cas.

M. Jean-Pierre Gorges. Plus 0,5 % !

M. Jean-Louis Dumont. Plus maintenant ! Vous avez cassé la croissance !

M. Didier Migaud. Les graphiques concernant le pouvoir d’achat sont tout aussi intéressants. Entre 1999 et 2002, les chiffres sont de 2,5, 3,1 ou 3,5. Depuis 2002, ils sont en très nette diminution. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. Mais vous avez été battus aux élections !

M. Didier Migaud. La politique fiscale qui est conduite est particulièrement injuste. Là aussi, les courbes sont intéressantes. Vous ne cessez de nous donner des leçons, notamment en matière de prélèvements obligatoires, mais, jusqu’en 2002, on constatait une diminution du taux des prélèvements obligatoires, alors que, depuis 2002, la courbe remonte. On peut parfaitement démontrer que vous faites financer la baisse de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune par une augmentation des prélèvements pesant sur tous les Français. Là aussi, ce débat mériterait d’être mené.

Je voudrais par ailleurs reprendre ce que vous avez dit à propos du déficit public. Grâce à une cagnotte budgétaire de près de 10 milliards d’euros, il n’a été réduit que de 0,6 point de PIB, soit le strict équivalent de cette somme. Ce résultat est moins bon que celui obtenu en 1999, année où le déficit public s’est réduit de 1 point de PIB : à l’époque, la cagnotte dont avait parlé le Président de la République…

M. Jean-Louis Dumont. Un 14 juillet !

M. Didier Migaud. …n’était que de 3,4 milliards d’euros, que nous avions affectés à 82 % à la réduction du déficit, malgré vos discours, monsieur le rapporteur général, et malgré ceux du Président de la République. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler vos déclarations, qui exigeaient que l’argent soit rendu aux Français, la croissance ayant été plus forte que prévu. Du reste, si elle était aussi forte, c’est peut-être parce que la politique budgétaire conduite par le gouvernement de l’époque permettait ce résultat.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas « peut-être », c’est sûr !

M. Nicolas Perruchot. C’est une hypothèse d’école !

M. Didier Migaud. Le tableau des déficits publics est très nettement en votre défaveur, monsieur le ministre : si l’on constate une réduction croissante et progressive entre 1997 et 2001, la hausse a repris depuis 2002 et, malgré la soulte d’EDF en 2005, vous serez au-dessus de 3 %, après avoir connu des pics de 3,2, 4,2, 3,6, entre 2002 et 2004. Là aussi, les graphiques sont parlants.

Je pourrais continuer et évoquer le chômage : M. Borloo, tout à l’heure, a menti effrontément devant la représentation nationale, car le chômage a bel et bien baissé entre 1997 et 2001. Mais, depuis, il a augmenté et se stabilise aujourd’hui à 9,9. Ce n’est pas, je crois, un résultat très honorable.

M. Jean-Pierre Gorges. Mais pourquoi les électeurs vous ont-ils congédiés ?

M. Didier Migaud. Prenons un autre indicateur : le nombre de titulaires du RMI entre 1997 et juin 2005. Là aussi, on observe une réduction constante entre 1999 et 2001, puis une augmentation avec des pics très importants en 2004 et 2005. Tout cela traduit le caractère très injuste de la politique qui est la vôtre.

Pour la dette publique, monsieur le ministre, dont vous parlez beaucoup,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Eh oui !

M. Didier Migaud. …il est aussi très intéressant d’examiner les chiffres : en 1998, elle s’élevait à 58,7 % du PIB ; en 2001, à 56,2 % ; aujourd’hui, elle atteint 66,2 %. Autrement dit, elle a connu une baisse constante entre 1998 et 2001 et une augmentation constante depuis 2002.

Je pourrais continuer en citant d’autres chiffres qui montrent à quel point la réalité contredit votre discours, notamment avec le retour du déficit commercial, entre autres déficits.

La compétitivité de la France, dont vous parlez tant, s’est dégradée depuis juin 2002. Il suffit de se reporter aux chiffres du ministère des finances, mais aussi à ceux de l’OCDE ou de la Banque de France pour le constater. L’attractivité de la France a même diminué, après avoir connu une progression régulière entre 1997 et 2001.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est l’effet retard des 35 heures !

M. Didier Migaud. En juin dernier, je m’en souviens, je vous mettais au défi de nous citer un seul indicateur plus favorable aujourd’hui qu’hier. Vous aviez, après un quart d’heure de silence, mentionné les créations d’entreprises. Mais il faut bien voir que, pour ce qui est de la mortalité des entreprises, les chiffres ne sont pas favorables. Le tableau que je vous présente montre une augmentation très importante des défaillances d’entreprises.

M. Jean-Yves Chamard. C’est le solde net !

M. Didier Migaud. C’est le résultat là encore de votre politique. Nous souhaiterions, bien sûr, obtenir des réponses à ce sujet mais je comprends que vous préfériez la méthode Coué à une comparaison objective des situations.

M. Jean-Louis Idiart. C’est la méthode Copé !

M. Didier Migaud. Les comptes publics restent largement dans le rouge et les déficits sont abyssaux. Le déficit du budget général profite des surplus de recettes fiscales mais cette amélioration reste particulièrement fragile.

On peut le constater à travers le taux de couverture des dépenses par les recettes, par exemple. Alors que ce taux, en progression constante depuis 1997, atteignait 89,1 % des dépenses en 2000, il n'est actuellement que de 84,7 %.

De même, le solde primaire, dont nous avons proposé qu’il redevienne l'indicateur central du pilotage de nos comptes publics, reste négatif. Et je vous rappellerai, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, que ce solde primaire a été positif en 1999, 2000 et en 2001 et que, depuis l’alternance, il est systématiquement négatif.

Mais surtout, les très mauvais résultats en matière de comptes sociaux ne permettent aucune amélioration du déficit public, qui reste à 3,6 % du PIB, soit 59,7 milliards d'euros. Le rapport annuel de la Cour des comptes est éclairant sur ce point.

La situation financière des collectivités locales, confrontées aux multiples désengagements de l'État – Augustin Bonrepaux y reviendra – et aux premiers effets des transferts non compensés, se dégrade. Pour la première fois depuis 1995, les collectivités locales affichent un déficit et non pas un excédent. La Cour des comptes souligne clairement la responsabilité de l'État dans cette situation : « Les impôts locaux et les transferts courants entre administrations publiques progressent deux fois moins vite que les prestations et autres transferts ». Quand vous mettez en cause la responsabilité des collectivités locales dans les augmentations d’impôts, vous leur faites donc un faux procès.

Vous ne tenez pas non plus votre engagement de maîtriser les dépenses. L'idée selon laquelle le Gouvernement ne dépenserait pas un euro de plus que ce que le Parlement a autorisé en loi de finances initiale est régulièrement mise en avant. Elle permet notamment de justifier une pratique de la régulation budgétaire peu respectueuse de l'autorisation parlementaire et de la sincérité budgétaire. Les annonces, dès la discussion de la loi de finances, de « réserves de précaution », qui sont en fait des gels de crédits, se soldent en réalité par des annulations venant remettre en cause le financement des politiques publiques. L'année 2004 n'aura pas fait exception en la matière.

Mais malgré ces gels et ces annulations, votre engagement de respecter les plafonds de dépenses n’est pas tenu. Là aussi, les insincérités sont de plus en plus nombreuses. La Cour des comptes montre que « l’exécution budgétaire de 2004 n’a été conforme à la norme fixée sur la dépense qu’au prix d’une augmentation des reports de crédits et d’un blocage des dépenses militaires en capital en fin d’année », ce qui est la stricte vérité. Malheureusement, les reports de crédits sont en augmentation pour 2004, le rapporteur général l’a reconnu lui-même. La progression des dépenses budgétaires est en outre artificiellement minorée par la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Vous aviez déjà eu recours à un tel dispositif en 2004, vous l’avez à nouveau utilisé en 2005 et vous proposez de l’amplifier en 2006. La Cour des comptes note ainsi que la norme de progression de la dépense « ne tient pas compte de l'évolution des autres catégories de dépenses, consommées par d'autres canaux, que sont les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements d'impôts ainsi que les dépenses fiscales ».

Au total, comme le démontre la Cour des comptes, les dépenses constatées en exécution progressent de 4,5 % en 2004, second chiffre le plus important après l’année 2002, alors qu’elles avaient baissé de 1,9 %.

Les recettes fiscales ont connu une forte progression, grâce à l'impôt sur les sociétés. Mais ce ressaut conjoncturel ne doit pas masquer les effets à long terme de la politique fiscale de la majorité, qui a plusieurs aspects néfastes. Elle est injuste, inefficace et contribue à creuser les inégalités. Elle ne s'adresse qu'à un nombre restreint de Français alors qu'elle mobilise des sommes très importantes, il suffit de se reporter aux chiffres mêmes de M. le rapporteur général. Pourtant, elle n’a pas les effets attendus, notamment sur la consommation. Permettez-moi de citer le président de notre commission des finances, qui, le 6 juillet dernier, sans doute avant de connaître le plan du nouveau Premier ministre, nous expliquait qu’il était de ceux qui pensaient que « nous ne devions pas baisser l’impôt sur le revenu », ajoutant que « nous avons perdu ainsi 7 milliards d'euros, dont 80 % au bénéfice des deux tranches supérieures ». Peu de jours après, le Gouvernement annonçait de nouvelles mesures de réduction de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il a aussi décidé de plafonner les niches fiscales !

M. Didier Migaud. Monsieur le président, quel camouflet ! Mais j’ai été surpris de voir que vos nouvelles déclarations justifiaient ces nouvelles réductions. Je n’aurai toutefois pas la cruauté de souligner ce manque de cohérence. En revanche, il y a bien une cohérence, depuis juin 2002, dans la volonté du Gouvernement d’opérer une réduction de l’impôt pour une minorité de nos concitoyens en la faisant payer par le plus grand nombre. Telle est votre définition de la justice fiscale !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Vous oubliez la PPE et le plafonnement des niches fiscales !

M. Didier Migaud. Nous y reviendrons car nous aurons beaucoup à dire de ce que vous appelez le « bouclier fiscal » ainsi que du plafonnement.

Le plein impact de votre politique fiscale sur les finances publiques est de plus en plus repoussé. Vous avez eu le culot, monsieur le ministre, de parler de certaines mesures qui n’avaient pas été financées par le passé. Je ne suis pas sûr que vous financiez davantage les mesures fiscales que vous proposez. En tout cas, il me paraît très démagogique, pour ne pas dire irresponsable, d’annoncer des mesures de réduction fiscale qui ne concernent qu’une partie de nos concitoyens, alors même que les déficits continuent d’augmenter.

En conclusion, malgré un excédent de recettes fiscales considérable, trois fois plus important qu'en 1999, le déficit public n'a été que faiblement réduit en 2004 et la dette publique a continué de progresser fortement.

Sur un strict plan budgétaire et financier, l'exercice 2004 est donc plus que décevant. Il n'a pas permis de rétablir la situation de nos finances publiques, qui sont toujours dans un état critique, comme le confirment les sombres perspectives pour 2006 et au-delà.

Sur le plan économique et social, je ne rappellerai pas le noir bilan que l’année 2004 a représenté pour bon nombre de Français.

Tout ceci ne peut donc que susciter, de notre part, la plus vive désapprobation et expliquer notre opposition à la façon dont vous conduisez les affaires de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas, pour ma part, apporté de tableaux pour illustrer mon discours et j’en suis bien désolé. Permettez-moi toutefois de commenter les propos de M. Migaud.

Cette nostalgie du passé sur les bancs socialistes me paraît édifiante.

M. Didier Migaud. Il n’y a aucune nostalgie chez nous !

M. Nicolas Perruchot. Vous voulez montrer que vous avez été les premiers de la classe et que la sanction électorale n’a pas été juste. Mais un jour, il vous faudra passer à une méthode différente, afin d’inventer un autre modèle économique et social, puisque manifestement vous avez échoué, les Français l’ont bien compris. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Nous attendons vos propositions !

M. Nicolas Perruchot. Que dire de cette loi de règlement pour 2004 ?

Année après année, les constats sont les mêmes : notre pays s'endette toujours plus et aucune des mesures ou réformes décidées n'a été à la hauteur de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent nos finances publiques. Chaque année, nous aggravons la charge qui pèsera sur nos enfants et petits-enfants. Avec plus de 1 100 milliards d'euros, la dette publique française a crevé un plafond symbolique en 2004. Elle pèse désormais plus de 65 % du produit intérieur brut contre moins de 57 % en 2001 et 20 % en 1981.

Pour répondre à cela, le Gouvernement nous parle de rigueur budgétaire. La thèse gouvernementale actuelle vante une maîtrise des dépenses publiques. Mais qu'en est-il en réalité ?

Cette prétendue maîtrise des dépenses est en réalité le fruit de changements de périmètre, de tours de passe-passe fiscaux et autres farces et attrapes budgétaires utilisés afin de dissimuler un laisser-aller de la dépense depuis bien trop d'années.

Ne faisons pas croire à nos concitoyens que la réduction du déficit de l'État ramené de 56,9 milliards à 43,9 milliards entre 2003 à 2004 est le fruit d'économies et de réductions des dépenses publiques. En réalité, ce n'est dû qu'à une hausse mécanique des prélèvements obligatoires et des recettes supplémentaires consécutives au redressement de la conjoncture économique, qui n'a donc aucunement servi à l'assainissement nécessaire des comptes de l'État.

Mais surtout, comme la Cour des comptes l'a elle-même souligné dans son rapport sur l'exécution des lois de finances, la réduction de 10 milliards d'euros du besoin de financement de État n'est en réalité qu’un leurre, et cela pour trois raisons.

Tout d’abord, à l'occasion de la transformation du budget annexe des prestations agricoles – le BAPSA – en établissement public gérant le nouveau fonds – le FFIPSA–, le déficit du BAPSA a été maintenu en contradiction avec les règles applicables aux budgets annexes et transféré directement au nouvel établissement. Cette opération de transfert a permis de sortir 3,2 milliards d'euros du solde d'exécution du budget de l’État ! Habile manœuvre, monsieur le ministre, mais qui ne règle rien au fond.

De même, la reprise de la dette du FOREC par la CADES procure à l'État un gain apparent de 1,1 milliard d'euros. Enfin, les reports de charges se sont accrus de 1,1 milliard, essentiellement sur les dépenses d'investissement militaires. Tout cela fait 5,6 milliards. Autant de tours de passe-passe, intelligents certes, mais qui ne règlent pas les problèmes de fond.

Dès lors, comment croire en la sincérité et la transparence des comptes alors qu'on sait qu'EDF et la COGEMA ont versé une soulte de 1,6 milliard d'euros au CEA, opération qui a été comptabilisée en transfert de capital, améliorant ainsi la capacité de financement des ODAC ?

N'oublions pas non plus que l'année 2004 a bénéficié d'une conjoncture favorable, avec une croissance de 2,4 % alors que la loi de finances initiale avait tablé sur 1,7 %, permettant ainsi d'obtenir des résultats plus favorables que prévu du fait de l'augmentation des recettes fiscales. Qu'en aurait-il été si la conjoncture avait été défavorable ?

Nous ne pouvons plus nous permettre d'espérer une situation économique meilleure pour redresser les finances de la France ; nous devons faire preuve de rigueur et revenir aux règles de bonne gestion budgétaire. C'est ce qu'affirme le groupe UDF depuis 2002, non par excès de prudence mais pour éviter que le niveau des prélèvements obligatoires et la progression de la dette ne deviennent un frein à l'emploi et à la justice sociale, thèmes chers à notre groupe.

Chacun sait que si nous nous contentons d'un déficit à 3 %, la dette publique augmente chaque année plus vite que la richesse nationale. C’est là un point clé du débat. Il faut dire la vérité : le taux de déficit qui permet de stabiliser la dette est de 2 % et non plus de 3 %, compte tenu du montant de la dette publique en France. Les critères de Maastricht, que nous ne parvenons pas à respecter, sont déjà beaucoup trop laxistes.

Nous avons également d'autres sujets d'inquiétude. Pour la première fois depuis 1995, les administrations publiques locales se retrouvent en déficit à la fin de l’année 2004. Et que dire des comptes de la sécurité sociale dont le déficit du régime général atteint 11,9 milliards en 2004 et quasiment autant en 2005, ce qui est sans précédent dans son histoire ? De plus, c'est la première fois que toutes les branches sont déficitaires. Ceci est d'autant plus inquiétant que ce déficit est minoré par le versement exceptionnel de 1,1 milliard de la CADES au régime général.

Les comptes de la nation démontrent une nouvelle fois que, comme le réclame depuis des années le groupe UDF, nous aurions dû faire les réformes nécessaires pour redonner le dynamisme nécessaire à notre pays.

Malheureusement, toutes les règles simples de bonne gestion n'ont pas été appliquées en 2004, ni en 2005, et ne le seront pas plus en 2006. Comment ne pas s'en inquiéter à quelques jours de l’ouverture des discussions de la prochaine loi de finances ?

Une seule question : comment expliquerons-nous à nos enfants et petits-enfants le poids de la dette que nous allons leur laisser ?

Le groupe UDF qui, vous le savez, n'avait pas voté le projet de loi de finances pour 2004, ne votera pas le projet de loi de règlement qui traduit, hélas ! une grave dérive de nos finances publiques, pour 2004 mais aussi pour 2005 et 2006.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, sans doute l’intervention de M. Jean-Claude Sandrier, que je remplace à cette tribune, aurait-elle été plus technique que la mienne, mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d'être un expert en politique fiscale pour comprendre la logique qui gouverne les choix budgétaires de la majorité depuis 2003 et mesurer l'impasse dans laquelle s'engage l'actuel gouvernement en emboîtant le pas à son frère jumeau précédent.

Votre seul mot d'ordre depuis 2003, incantation psalmodiée jour après jour, votre seul credo est la maîtrise résolue de la charge publique, le gel des dépenses de l'État et l'affectation prioritaire des marges de manœuvre à la seule réduction du déficit.

Malgré le manque de sincérité de vos lois de finances initiales, malgré la constance affichée dans l'injustice, malgré l'inefficacité criante de votre politique budgétaire, vous persistez – on ne sait pas pourquoi – à vous glorifier d'un prétendu assainissement des finances publiques, à l’image de la compensation à l’euro près de la décentralisation. Après de telles rodomontades, vous ne pouvez que vous glorifier d'obtenir des résultats pour n'avouer que du bout des lèvres qu'ils sont fragiles. C'est que vous n'ignorez pas que la croissance repose essentiellement sur une timide consommation des ménages, auxquels vous avez forcé la main pour qu'ils puisent dans leurs bas de laine et contractent des emprunts.

Vous prétendez en outre être le seul garant de la bonne gestion des deniers de l'État. Pourtant, votre approche des finances publiques apparaît bien faible. Elle est uniquement dictée par une étroite logique comptable. Vous feignez de promouvoir une fiscalité prétendue simple, neutre et efficace. Mais, en fait, vous ne visez que la réduction du rôle de l'État au financement de ses missions régaliennes.

À vos yeux, en effet, la fiscalité ne saurait avoir pour but de redistribuer, de corriger les inégalités, de garantir la pérennité des services publics et tout doit, au contraire, être dévolu au rôle prétendument régulateur de la concurrence et du marché. Dans cette hypothèse, rien n'est plus urgent que de lever les obstacles au développement de la logique marchande. L'environnement législatif regroupant le droit fiscal, social, du travail, et les autres réglementations constituent à vos yeux un ensemble de contraintes nuisibles à l'activité économique. Toute tentative de rendre l'impôt plus juste est jugée confiscatoire. Permettez-moi de souligner sans animosité, monsieur le ministre, une étroitesse d'esprit, à moins que ce ne soit plutôt un aveuglement idéologique !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sans animosité, naturellement !

M. André Chassaigne. Les mesures fiscales prises dans le courant de l'année 2004 et dans le cadre de la loi de finances 2005 portent les stigmates de cet enfermement dogmatique, enfermement pour l’étroitesse, dogmatique pour l’idéologie.

Ces mesures fiscales s’inscrivent pleinement dans une logique qui, au-delà de la politique fiscale, s’est traduite également dans les allégements de cotisations sociales que vous appelez avec horreur des « charges ». Il en est ainsi de la hausse du plafond de la réduction d'impôt pour l’emploi d'un salarié à domicile, des mesures d'allégement des droits de donation et de succession, de la suppression de la « surtaxe » Juppé, de l'exonération progressive de la taxation des plus-values de cessions sur titres. Il serait temps que vous preniez pourtant conscience de l'erreur stratégique que vous avez commise et commettez encore.

Tout à sa foi libérale, le gouvernement Raffarin avait cru qu'une politique de l'offre était ainsi la bonne réponse à l'atonie de la croissance : réduire les impôts sur les entreprises et les cotisations sociales patronales d’une part, réduire l'impôt payé par les ménages les plus aisés d'autre part. Nous avions là, à grands effets de manches, les facteurs décisifs de relance de notre économie, les clés dorées du miracle attendu !

Les faits n'ont cessé de vous contredire. En matière fiscale, votre politique n'a eu d'autres effets que d'aggraver les inégalités et la misère et de priver l'État de ses marges de manœuvre.

À qui voulez-vous faire croire que la priorité serait aujourd'hui, par exemple, de baisser l'impôt de solidarité sur la fortune ou de réduire encore davantage l'impôt sur les entreprises et les cotisations sociales patronales, alors que vous savez fort bien que les entreprises n'utilisent pas ces ressources pour créer de l'emploi ou investir utilement ? Bien au contraire, leurs profits exorbitants ne sont utilisés que pour augmenter les dividendes distribués, procéder à des rachats d'actions éminemment spéculatifs ou pour se redéployer à l'étranger, où les perspectives de débouchés sont nettement plus attrayantes.

Alors, de grâce, monsieur le ministre, cessez de venir nous expliquer doctement, avec un sourire gentil et le regard malin, que vous détenez la vérité suprême ! Dites-nous plus simplement que vous avez voulu faire des choix qui se limitent à multiplier les cadeaux fiscaux aux entreprises et aux actionnaires et à engraisser les plus riches.

Vous n'appliquez donc aucune recette propre à « assainir les finances publiques », comme vous dites. Vous vous ingéniez simplement à réduire comme peau de chagrin la notion même de politique publique que l'ancien président du Medef appelait « solder l'héritage de la Libération ». Il n'y a pas de quoi en être fier !

Aussi, nous voterons bien évidemment contre ce projet de loi de règlement définitif.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, la loi de règlement du budget 2004 est, cette année encore, examinée selon la procédure de l'ordonnance de 1959. Je ne vous cache pas que, pour tous ceux qui travaillent depuis maintenant cinq ans sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la LOLF, il s'ensuit une frustration réelle de ne pas pouvoir analyser l'exécution du budget 2004 sous le double aspect du contrôle de la réalisation des objectifs et de la globalisation des crédits par mission.

Ainsi, après Gilles Carrez et Didier Migaud, je souhaite ardemment que nous puissions assurer, dès la loi de règlement du budget 2005, une présentation de l'exécution en format LOLF, c'est-à-dire dans la logique des rapports annuels de performance. Ce doit être possible dans la mesure où les projets annuels de performance sont dorénavant en place et l’étaient pour la loi de finances pour 2005, et que le nombre des expérimentations conduites sur le terrain en format LOLF dès l’exercice 2005 représentait 10 % des crédits engagés.

Certes, il conviendra de prendre en considération le fait que les responsables de programmes n'étaient pas en charge de la mise en œuvre des politiques et que les missions n'étaient pas opérationnelles, mais vous conviendrez, j'en suis certain, que le mode de discussion obsolète de la loi de règlement 2004 ne peut perdurer au-delà de cette année. Ce serait anachronique, alors même qu'entre-temps la discussion du projet de loi de finances pour 2006 nous aura fait basculer complètement dans la logique de la loi organique.

Je souhaite saisir l'occasion de cette discussion pour m'adresser à la présidence. Jeudi prochain, nous allons étudier la modification de notre règlement pour l'adapter à la nouvelle procédure budgétaire et permettre aux députés de bénéficier pleinement des avancées de la loi organique voulue par la représentation nationale. Monsieur le président, si je souscris aux modifications proposées, je veux exprimer le regret qu'aucune ne concerne la loi de règlement. Il me paraît indispensable d'affirmer dès maintenant que celle-ci fera l'objet d'un examen par fascicule, c'est-à-dire par mission.

La loi de règlement doit en effet, conformément à la loi organique, être le moment où le Parlement examine les résultats obtenus pour chaque mission par rapport aux objectifs, au regard notamment des indicateurs dans le cadre des rapports annuels de performance. En l'absence de modification de notre règlement, cet examen, qui devra être le pendant au débat de deuxième partie de la loi de finances, dont il constitue en quelque sorte le rendez-vous, pourrait se faire d'une manière globalisée en l'absence des ministres responsables des missions et avec la seule présence du ministre du budget, certes notre interlocuteur préféré, mais qui ne saurait être le seul s’agissant de s’engager et de répondre sur la responsabilité de l’exécution des différentes missions et de l’atteinte des objectifs. Je déposerai un amendement en ce sens lors de l'examen de la proposition de résolution portant modification de notre règlement.

J'en viens maintenant à l'exécution de la loi de finances pour 2004, non sans m’associer au préalable aux propos tenus à l’instant par Didier Migaud.

La loi organique est un outil et chacun en fera ce qu’il veut. C’est un outil de transparence et de mesure de l’efficacité de la dépense publique qui peut nous guider dans nos choix. Mais qui dit choix dit détermination de la politique qu’on souhaite mener. J’apporte cette précision car il règne aujourd’hui une certaine confusion entre, d’une part, la loi organique et, d’autre part, les stratégies ministérielles de réforme, et il ne faudrait pas que ceux qui sont en charge de l’action de l’État sur le terrain ne voient en la LOLF l’outil d’une politique de réduction aveugle de la dépense.

Ce serait d’ailleurs contradictoire avec l’esprit de la loi organique qui est destinée à forger des outils pour faire des choix, et non pas à choisir arbitrairement faute d’instruments d’observation. Il est essentiel de faire la différence entre l’outil, dont nous avons tous besoin et sur lequel le consensus s’est construit, et les politiques que nous entendons, les uns et les autres, mettre en œuvre.

S’agissant de l’exécution de la loi de finances pour 2004, je constate, comme le rapporteur général l’a fait avant moi, la réduction de 12,7 milliards d’euros du déficit par rapport à l’exercice précédent, ce dont il faut se réjouir.

Elle est liée, en premier lieu, à l’accroissement de la recette fiscale, sous l’effet positif d’une croissance de 2,1 %, pour une prévision de 1,7 %. À périmètre constant, les recettes fiscales progressent de 6,9 % grâce notamment à la TVA et à l’impôt sur les sociétés, et les recettes retrouvent en 2004 un niveau supérieur à celui de 2002 : nous avons passé le cap difficile de l’année 2003.

Mais ce résultat a été acquis grâce aussi à la maîtrise de la dépense. Pour la deuxième année consécutive, le plafond de dépense de la loi de finances initiale a été scrupuleusement respecté, soit 283,73 milliards d'euros. Il convient sur ce point de saluer l'action du Gouvernement.

La conjugaison de l'affectation des recettes supplémentaires à la réduction du déficit et la maîtrise de la dépense auront permis une amélioration du solde du budget de l'État de 11,74 milliards d'euros par rapport à l'exercice 2003. Il s'agit là d'une règle de bonne gestion, mais, si la situation budgétaire au terme de l’exercice 2004 est meilleure en exécution, elle n'est pas pour autant satisfaisante.

En 2004 encore, malgré la progression de « zéro volume » de la dépense, c'est-à-dire une progression qui ne dépasse pas l'inflation, et malgré le surcroît de recettes, l'État aura dû emprunter l'équivalent de quinze jours de ses dépenses de fonctionnement. C'est mieux qu’en 2003 où il s’agissait d’un mois, mais, indépendamment de nos engagements globaux en matière de dépenses publiques vis-à-vis de la Commission européenne, il est urgent d’engager une étape décisive en rétablissant l’équilibre entre les dépenses de fonctionnement et les recettes. En dépit du mot d’ordre « zéro volume », on a enregistré en 2004 une progression des dépenses nettes du budget général, c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements, et avant déduction des recettes liées à la dette, de 10,1 milliards d'euros, soit 290,9 milliards en 2004 contre 280,8 milliards en 2003.

Seule une logique de stabilité rigoureuse de la dépense peut permettre d'enrayer le cycle du déficit et de la dette.

La maîtrise de la dépense suppose bien évidemment de connaître exactement l'évolution des effectifs rémunérés par l'État, paramètre essentiel de son premier poste de dépense. Or la présentation actuelle de la loi de règlement ne permet pas de connaître, au moment de sa discussion, le nombre d'emplois budgétaires effectivement pourvus. Surtout, elle ignore les emplois rémunérés indirectement sur le budget des ministères pour leurs besoins propres et ne prend pas en compte la situation chez les opérateurs publics dépendant desdits ministères,

La logique de la loi organique avec le plafond d'autorisation d'emploi sera un élément de transparence. Je m’interroge cependant, monsieur le ministre, sur la précision du dénombrement dans l'optique de la loi de finances pour 2006 dont nous commençons l'examen en commission. Le rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2004, paru en juin, mentionne que certains ministères ont préféré utiliser leurs propres outils de comptage, au motif qu’ODE, l’outil informatique de décompte des emplois, mis en place par la direction de la réforme budgétaire, présenterait des insuffisances. Les problèmes ont-ils été réglés depuis ? Nous attendons des réponses précises sur la fiabilité du dispositif, bien que nous soyons conscients du défi que représente ce travail pour la DRB.

En effet, l'enjeu est considérable en termes de suivi de l'évolution de la dépense de personnel, puisqu’elle s'est accélérée en 2004.

La modification de la présentation de ces dépenses qui, avec les expérimentations de crédits globalisés dans le cadre de la LOLF, dépassent le périmètre des parties I à III du titre III, n'empêche pourtant pas une évaluation. Ainsi, la Cour des Comptes, constatant que les dépenses de personnel représentent 85 % du titre III et qu'elles augmentent en général plus vite que les dépenses de fonctionnement, conclut à une accélération des dépenses de personnel dans la mesure où les dépenses globales du titre III progressent de 3,3 % en 2004, contre 1,6 % en 2003. Au sein de ce poste, les pensions ont progressé de 5,5 % en 2004, contre 4,7 % en 2003. Ce rappel montre l'urgence qu’il y a à réformer l'État. Il est également souhaitable que nous puissions à l’avenir disposer d’un bilan de la mise en œuvre des stratégies ministérielles de réforme à l'occasion de la loi de règlement. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques indications à ce sujet car la Cour des Comptes – toujours elle – souligne dans son rapport sur l’exécution de la loi de finances pour 2004 que « les expériences d'externalisation de certaines dépenses de fonctionnement sont encore marginales » ?

Je terminerai par quelques considérations sur les crédits d'investissement qui préparent l'avenir. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2004 qui prévoyait de se conformer aux différentes lois de programme, force est de constater que l’on s'est éloigné de l'objectif sous l'effet de la rigueur de gestion, les gels et les annulations ayant, une fois encore, porté principalement sur les investissements.

Néanmoins, ces crédits progressent, ce qui doit être salué, et les investissements militaires plus fortement que les investissements civils. Cette progression est toutefois due en partie à la refonte du mode de financement de Réseau ferré de France, mais le phénomène est réel, ce qui constitue également un point positif de l’exécution du budget 2004. À périmètre équivalent, les autorisations de programme sont supérieures de 2 % à l’exercice précédent et les crédits de paiement de 5,6 %.

En 2004 encore, la gestion des crédits d’investissement aura été perturbée par la régulation budgétaire, mais à un niveau moindre qu’en 2003. Ont été affectées différentes opérations, en particulier les opérations contractualisées.

Les nouvelles règles que nous avons adoptées à l’occasion de la récente modification de la loi organique, avec la mise en place d’une matrice pour les crédits gelés et mis en réserve, constituent à cet égard une évolution positive. La régulation budgétaire ne doit en aucun cas, dans les années qui viennent, servir de prétexte aux responsables de programmes qui n’auraient pas atteint leurs objectifs. D’où l’importance de la disposition, que je salue donc, monsieur le ministre, visant à faire apparaître pour la première fois dans la loi de finances pour 2006 le taux des crédits mis en réserve, conformément à une très vieille revendication de notre assemblée.

Cette loi de règlement constitue donc pour nous une étape vers une meilleure maîtrise de la dépense, vers une meilleure capacité à orienter efficacement la dépense publique grâce à une plus grande transparence. Il convient maintenant de poursuivre dans cette voie. C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe UMP, je vous invite à approuver cette loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2004, la France a connu une croissance de 2,3 % grâce à un sursaut de la croissance mondiale. Malheureusement, cet atout a été mal utilisé et le résultat est particulièrement décevant. La présente loi de règlement prouve bien que la situation de nos comptes publics ne s’est guère assainie, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire !

Aujourd’hui, plus encore qu’en 2004, les contrats de plan sont en panne, les services publics asphyxiés, l’ensemble des services de l’État en cessation de paiement, au point que certains responsables administratifs se tournent vers les collectivités locales en mendiant des crédits pour finir l’année. Oui, mes chers collègues, telle est la réalité de nos finances publiques !

La question se pose aujourd’hui de l’avenir de nos services publics, de la dimension de la sphère publique, du poids de l’État, du respect de ses engagements, et surtout de l’avenir des collectivités locales, qui doivent de plus en plus se substituer à l’État.

Monsieur le ministre, vous voulez les transformer en boucs émissaires, mais c’est pourtant vous qui décidez des règles qui s’imposent à elles ! Si leurs dépenses augmentent, c’est parce que vous organisez les transferts de charges, avec pour conséquence les déficits qu’elles doivent supporter. Pour la première fois depuis 1995, les collectivités locales affichent un déficit de 1,9 milliard d’euros selon l’INSEE. La Cour des Comptes souligne clairement la responsabilité de l'État dans cette situation : « Les postes de dépense qui croissent le plus vite sont les prestations et autres transferts à cause du transfert aux départements de la charge du RMI et des subventions versées, notamment à la SNCF au titre de la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs et à la RATP au titre des transports en Île-de-France. ». Elle ajoute par ailleurs que « les hausses n'ont pas été répercutées sur les taux d'imposition, les impôts locaux et les transferts courants entre administrations publiques progressant deux fois moins vite que les prestations et autres transferts ».

Les élus de la majorité se sont bien gardés d’évoquer ces éléments dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale. Le rapport prémédité d’Hervé Mariton s’abstient volontairement de faire référence au rapport de la Cour des Comptes, tout comme il passe sous silence les indicateurs qui nous ont été communiqués et qui montrent bien que les comptes des collectivités locales se dégradent et que leur endettement augmente depuis 2003. À cause de votre politique !

Pourtant les désengagements de l'État – sans parler des contrats de plan – sont criants. Même Adrien Zeller, président de région et membre de l'UMP, a confessé cette réalité, Oui, je dis hors contrats de plan, car l'analyse récente de leur exécution ne fait que conforter depuis longtemps hélas le désengagement de l'État dans le cadre contractuel. Voulez-vous que je fasse un schéma de la situation de notre réseau ferroviaire, de l’ensemble des travaux prévus, et non réalisés, dont certains sont au point mort depuis plus d’un an faute de crédits ?

Pour les départements, 2004 marque le début du chemin de croix avec la décentralisation du RMI élaborée dans la précipitation à la fin de l’année 2003. Il fallait reporter la charge sur 2004 parce qu’il fallait réduire le déficit si bien que, pour 2004, le déficit des départements atteint 462 millions. Pourquoi ? On nous avait dit que la TIPP serait évolutive ; or elle se réduit. On a réformé les règles du chômage et transformé l’allocation spéciale de solidarité alors que le nombre des RMistes ne faisait que croître au cours de l’année. Bien sûr, face à cette détérioration, on nous a promis une compensation. Où est-elle, monsieur le ministre ? Quand allez-vous rembourser aux départements ce que vous leur devez depuis un an ?

M. René Dosière. 462 millions !

M. Augustin Bonrepaux. Malheureusement, la situation est encore plus grave en 2005 puisque le déficit dépasse 1 milliard. Là-dessus, nous n’avons pas de réponse, monsieur le ministre. Alors, quand nous rembourserez-vous ces 462 millions et le milliard au titre de 2005 ? Vous déclarez que vous compensez à l’euro près. Eh bien, il est temps de passer à l’acte !

Vous vous souvenez que les élus locaux membres de la commission consultative d’évaluation des charges, qu’ils appartiennent à l’opposition ou à la majorité, ont demandé unanimement que l’année de référence pour le calcul de la compensation au titre du RMI soit non plus 2003 – tant d’erreurs ont été relevées – mais 2004 après compensation. Ils attendent toujours l’arbitrage du Premier ministre que vous nous avez promis. Ils ont également demandé la mise en application d’un système d’alimentation régulière afin d’éviter les problèmes de trésorerie, mais l’État a refusé. Alors, monsieur le ministre, quand allez-vous compenser réellement à l’euro près ?

Et qu’en sera-t-il en 2006 ? Le président nous dit que les départements doivent agir en direction des RMistes. Nous agissons, bien entendu, au moyen des contrats d’avenir qui nous coûtent 20 % de plus que le RMI. Autrement dit, cette politique ne fera que creuser le déficit puisque, si le chômage baisse, c’est grâce aux contrats d’avenir conclus par les départements et qui leur coûtent beaucoup plus cher. Dans ce contexte, comme la TIPP ne va pas augmenter – votre projet de loi de finances le montre –, le déficit s’aggravera encore en 2006.

M. Dominique Le Mèner. Et la solidarité ?

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, ce n’est donc qu’en vous défaussant sur les collectivités locales que vous pouvez afficher une réduction du déficit budgétaire. Il vous est facile de désigner du doigt les mauvais élèves, alors que c’est vous qui leur imposez les règles de conduite ! En 2004, non seulement vous avez gaspillé les fruits de la croissance, mais, loin d’améliorer les comptes de la nation, vous avez fait supporter l’effort par les collectivités locales et les ménages modestes.

Malheureusement, le coût des transferts que vous effectuez en direction des collectivités locales ira s’aggravant. Après le RMI, que j’ai déjà évoqué, ce sera bientôt le tour des TOS et des routes. Or les charges liées aux personnels augmentent chaque année de 3,5 % : leur transfert pèsera d’autant plus sur les finances locales, compte tenu, surtout, de la CNRACL et de la compensation du jour férié, que les compensations sont gelées, entraînant un alourdissement constant des déficits. Et pour aggraver le tout, voilà que vous réduisez l’autonomie fiscale et encadrez les recettes des collectivités locales en plafonnant la taxe professionnelle. Il ne restera donc plus qu’une solution aux collectivités locales : augmenter les impôts des ménages les plus modestes, puisque vous avez prévu le bouclier fiscal en faveur des privilégiés.

Monsieur le ministre, vous allez réussir dans les collectivités locales l’exploit que vous avez déjà réalisé dans le cadre du budget de l’État : casser les investissements et la croissance, accroître la dette des collectivités locales et augmenter les prélèvements sur les ménages les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son rapport sur l’exécution des lois de finances, la Cour des comptes rappelle que l’un des objectifs principaux de la LOLF est de renforcer l’information et le contrôle sur les finances publiques. Vous-même, monsieur le ministre, dans une brochure que vous avez adressée à tous les parlementaires, vous insistez sur l’exigence d’une transparence accrue réclamée par les Français et que la LOLF devrait garantir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Effectivement !

M. René Dosière. Pourtant, la lecture du rapport de la Cour des comptes révèle qu’une institution échappe toujours à cet effort de transparence, l’opacité continuant de régner sur la Présidence de la République. En effet, alors que son budget s’élève officiellement à 31 millions d’euros, il est, en réalité, de 82 millions d’euros !

Pourquoi une telle différence entre les deux chiffres ?

M. Dominique Le Mèner. Ce sont les frais médicaux !

M. René Dosière. Cette différence s’explique par le fait que quelque onze ministères participent au budget de la Présidence de la République en prenant à leur charge un grand nombre de ses dépenses, notamment le ministère de la défense pour 24 millions d’euros, celui des affaires étrangères pour 11 millions ou celui de la culture pour 10 millions d’euros. La somme totale s’élève à 52 millions d’euros, c'est-à-dire à près de deux fois le budget officiel de la Présidence de la République.

Ainsi le Parlement, qui ne vote qu’un tiers du budget réel de la Présidence de la République – 32 millions d’euros sont demandés pour 2006 –, n’a sur celui-ci aucune visibilité, et ce alors même que le souci de la LOLF est de mettre un terme à la pratique d’un budget éclaté entre une institution – la Présidence – et onze ministères, en vue d’établir un véritable budget ! Vous me pardonnerez, monsieur le ministre, si je me trompe, n’étant pas membre de la commission des finances, mais j’ai cru comprendre que la LOLF avait pour objectif une meilleure connaissance de la réalité des coûts.

Ainsi, il est aujourd’hui impossible de savoir exactement combien de personnes travaillent à l’Élysée.

M. Michel Bouvard. Il en est de même à l’Éducation nationale !

M. René Dosière. En revanche, on sait que 783 personnes sont mises à la disposition de la Présidence de la République par différents ministères tout en continuant à être rémunérées par leur administration d’origine : tels sont du moins les chiffres que m’ont fournis les ministères que j’ai interrogés par écrit. Votre seul ministère, monsieur le ministre, fournit cinquante-six personnes pour un coût de quelque 2,3 millions d’euros – telle est la réponse que m’a faite votre prédécesseur.

La Cour des comptes note que la pratique de la mise à disposition « nuit à la lisibilité des dépenses de personnel en les minorant dans l’administration bénéficiaire ». La Cour ne vise évidemment pas de façon explicite la Présidence de la République : sa remarque concerne la politique de l’ensemble des ministères. Il n’en reste pas moins que les dépenses officielles de la Présidence relatives aux personnels ne s’élèvent qu’à 13 millions d’euros, alors que les ministères financent ces dépenses à hauteur de 29 millions d’euros supplémentaires. La LOLF doit mettre un terme à une telle pratique.

Monsieur le président de la commission des finances, je prendrai un autre exemple, assez stupéfiant : l’Élysée taxe des ministères, notamment celui de l’outre-mer. La précédente ministre de l’outre-mer a fini par reconnaître que la Présidence de la République, en début d’année, lui a demandé une somme de 530 000 euros, laquelle, une fois versée, a été directement engagée par la Présidence. Pourquoi ces 530 000 euros ne figurent-ils pas à son budget ? La LOLF devrait également mettre fin à une telle pratique.

Certes, toutes ces pratiques, me direz-vous, ne sont pas nouvelles.

M. Nicolas Perruchot. Elles remontent au moins à 1981 !

M. René Dosière. Mais le Gouvernement prétend suffisamment être animé d’une véritable volonté réformatrice pour ne pas faire disparaître de telles pratiques erratiques. La LOLF, je le répète, a été instituée afin d’améliorer la lisibilité du budget de l’État : elle doit donc permettre la mise en place d’un vrai budget de la Présidence. L’Élysée ne saurait être la seule institution à ne pas changer ses pratiques budgétaires, alors que l’ensemble des ministères participent à cet effort.

Tout en insistant sur cette exigence de vérité et de sincérité, je tiens à rendre hommage au ministre de la défense, qui a répondu avec une précision et une rapidité toutes militaires aux questions que je lui ai posées sur le sujet. La LOLF devrait en effet permettre de résoudre également le problème posé par l’ETEC – escadron de transport, d’entraînement et de calibration –, qui permet au Président de la République, au Premier ministre et aux ministres de se déplacer. Ce service, qui a succédé au GLAM, comprend 301 militaires et possède deux Airbus et quatre Falcon. En 2003, l’ETEC, dont le coût horaire varie de 4 000 à 5 700 euros, selon le type d’avion utilisé, a fourni 3 050 heures de vol pour les déplacements officiels, dont 673 heures au profit de la Présidence de la République. Pourquoi le ministère de la défense doit-il supporter seul la totalité d’une telle dépense, laquelle avoisine les 9 millions d’euros ? Les différents utilisateurs – Présidence de la République et ministères – devraient rembourser leur quote-part.

M. Michel Bouvard. Notre collègue a parfaitement raison !

M. René Dosière. Telles sont les suggestions que je me permets de vous faire, monsieur le ministre, afin de répondre dans les faits à l’esprit de la LOLF.

Je regrette d’autant plus l’opacité qui continue de régner sur le budget officiel de l’Élysée que celui-ci, qui, je le rappelle, est de l’ordre de 30 millions d’euros, a sextuplé de 1995 à 2002 en euros constants sans que nous ayons jamais reçu aucune explication convaincante. Celles qui nous ont été fournies sont loin d’être satisfaisantes. Nous ignorons toujours ce que recouvre cette somme alors que, dans le cadre de la loi de finances pour 2002, à l’initiative de Didier Migaud, nous avions voté un article faisant obligation à la Présidence de la République de fournir des explications à l’appui de ses demandes budgétaires. Or le document de la Présidence de la République, lorsqu’il existe, est succinct : il fait de dix lignes à trois pages tout au plus ! C’est se moquer de la représentation nationale, qui a souhaité la transparence et ne réussit pas à l’obtenir. Ce document n’était d’ailleurs pas encore paru lorsque la Cour des comptes a établi son rapport – il ne l’est que depuis quelques jours seulement –, si bien que celle-ci a pu affirmer que, sur ce point, la loi n’était pas respectée.

Et le Premier ministre, que j’ai interrogé afin d’obtenir des réponses claires à ce sujet, ne m’a jusqu’à présent apporté que des réponses dilatoires. Puis-je vous suggérer, monsieur le ministre, de faire valoir au Premier ministre et à ses collaborateurs que l’on peut répondre à un parlementaire qui n’a pas fait l’ENA – c’est mon cas – sans le prendre pour un analphabète ? Je ne suis pas satisfait, je le répète, des réponses que j’ai obtenues des services du Premier ministre.

Je propose donc, en conformité avec l’esprit de la LOLF, que la Présidence de la République élabore dorénavant un véritable budget, sincère et transparent. Rien ne s’oppose à ce qu’il s’élève à la somme de 82 ou 83 millions d’euros, à condition que celle-ci ne soit plus composée d’un budget officiel complété par des participations ministérielles. Si une telle réforme se révélait trop difficile à mettre en œuvre immédiatement, on pourrait, dans un premier temps, imiter la pratique des collectivités locales et joindre au « jaune » budgétaire un état récapitulatif des dépenses supportées par les différents ministères l’année précédente. J’ai réussi à en prendre connaissance : le Gouvernement devrait en être lui aussi capable !

Un tel effort de transparence est indispensable. En la matière, l’Assemblée nationale a montré l’exemple. En effet, alors que l’Élysée publie un document de trois pages et détaille un budget de 30 millions d’euros en douze lignes, les questeurs de l’Assemblée nationale, eux – Didier Migaud et ses collègues –, établissent un document de 150 pages comportant 266 rubriques. La lecture d’un tel document permet de tout savoir du budget de l’Assemblée : tel n’est pas le cas de celui de l’Élysée.

L’autonomie financière, loin d’être synonyme d’opacité, exige la transparence à l’euro près ! Au moment où un nombre toujours croissant de Français connaissent de graves difficultés financières, l’argent public doit être utilisé de manière irréprochable. En la matière, la Présidence de la République doit se montrer exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, je répondrai tout d’abord au rapporteur général, qui a fait une proposition très intéressante. Nous gagnerons en effet à devancer en 2006 la mise en œuvre des conditions nouvelles d’examen des lois de règlement. La LOLF nous incite d’ailleurs à accélérer le mouvement en matière de modernisation et à aller toujours plus loin sur la voie de la transparence. C’est pourquoi je suis tout à fait favorable à ce que nous menions, dès que possible, une réflexion commune sur ce sujet et je ne vois que des avantages à entrer plus en détail, dès juin 2006, dans l’examen des dépenses sectorielles.

M. Mariton m’a prodigué des encouragements pour poursuivre l’assainissement de nos finances publiques. À cet observateur attentif de ces questions, je confirme qu’en 2007 nous franchirons une nouvelle étape dans la maîtrise des dépenses avec, d’une part, les outils d’analyse et de performance que nous offre la LOLF à partir du budget de 2006 –vous noterez à ce sujet que nous sommes au rendez-vous – et, d’autre part, notre volonté de progresser vers le « zéro valeur ».

Quant à vous, monsieur Migaud, vous vous êtes livré devant nous à un bel exercice de pédagogie appliquée avec vos graphiques. Pour être honnête, toutefois, ceux-ci m’ont semblé difficiles à lire.

M. Didier Migaud. La pédagogie étant l’art de la répétition, je peux recommencer, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sans doute ma myopie est-elle mal corrigée, car je ne suis pas parvenu à distinguer toutes les courbes et toutes les lignes. À mes côtés, le président Méhaignerie – qui avait pourtant, lui, ses lunettes – a eu comme moi un mal fou à trouver les courbes correspondant à l’Europe. Nous avons bien repéré la croissance mondiale, celle de la France, mais nous avons cherché en gémissant la courbe comparée de la croissance de la zone euro.

M. Didier Migaud. Elle y figure pourtant !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pas en entier : elle s’arrête brutalement. Sans doute, monsieur Migaud, ne vous était-il pas très facile de nous soumettre un graphique démontrant que la croissance de la France est supérieure à la moyenne de la zone euro.

M. Didier Migaud. Allons donc !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Reste que cet effort pédagogique est bon à prendre, et tout ce que nous pourrons faire ensemble pour contribuer à mieux éclairer nos compatriotes va dans le bon sens.

Oui, l’arithmétique est têtue : vos graphiques l’ont montré par défaut ! En réalité, pour ce qui concerne la croissance, la France est bien dans le peloton de tête de la zone euro. Je vous accorde volontiers que nous pouvons faire beaucoup mieux en matière de déficits publics, mais reconnaissez que le choix que nous avons fait de maîtriser la dépense à « zéro volume » durant trois années et d’affecter la totalité des excédents de recettes à la réduction du déficit relève de la bonne gouvernance. Vous êtes d’ailleurs resté très silencieux sur cet aspect, que l’on pourra mettre en regard des 70 milliards d’euros de recettes fiscales qui ont été perçus dans la période 1998-2001 et dont vous n’avez affecté que 15 % à la réduction du déficit.

M. Jean-Yves Chamard. Eh oui ! La « cagnotte » !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au demeurant, vous jonglez entre déficit budgétaire – c'est-à-dire celui de l’État – et déficit public – c'est-à-dire celui de toutes les administrations publiques – selon ce qui vous arrange. L’année 2004 a connu la plus forte réduction du déficit de notre histoire budgétaire, alors que 2001, que vous avez évoquée, a été une sacrée année de dilapidation ! En vous écoutant, monsieur Migaud, j’ai même eu le sentiment que vous me faisiez parfois le reproche de ces années 1999-2001. Vraiment, je ne vois pas pourquoi ! J’écoute très patiemment, quant à moi, les critiques ininterrompues que vous faites sur notre gestion.

M. Jean-Louis Idiart. Avant cela, nous vous avions écouté pendant cinq ans !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est dur d’être dans l’opposition : on se croit obligé de critiquer sans cesse ce que fait la majorité, y compris lorsqu’elle fait œuvre de bonne gestion, de crainte de subir le désaveu de ses propres amis !

Je l’affirme donc ici : il est avéré que la période 1999-2001 a été une période de forte croissance, qui ne doit d’ailleurs rien à la politique de M. Jospin et tout à la bulle Internet et à l’accélération de la croissance mondiale. Or, loin de mettre cette situation à profit pour effectuer des réformes de structures, vous n’avez été à aucun des rendez-vous qu’exigeait le courage politique.

M. Jean-Pierre Gorges. Très juste ! Vous n’avez rien fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons donc dû nous atteler à cette tâche, que nous poursuivons aujourd'hui. Partageons de temps en temps un peu d’humilité !

M. Didier Migaud. En ce qui vous concerne, il y a du chemin à faire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je reconnais volontiers que nous n’avons pas atteint l’objectif espéré, à savoir une réduction beaucoup plus forte des déficits, mais la croissance n’a pas été aussi soutenue qu’on aurait pu le souhaiter ; reconnaissez en retour que si vous-même, lorsque vous bénéficiiez d’une croissance importante, aviez mis un peu plus d’argent issu des recettes fiscales dans le financement des réformes de structures et dans la réduction du déficit, nous n’en serions probablement pas là aujourd'hui !

M. Jean-Pierre Gorges. Eh oui ! Mais il vous fallait financer les 35 heures, et c’est comme ça que vous avez planté le système !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Perruchot, vous appelez de vos vœux une plus grande exigence dans la tenue des finances publiques et dans la conduite de la réforme de l’État. Comment le ministre du budget pourrait-il ne pas souscrire à votre propos ? Oui, nous devons poursuivre nos efforts : c’est ce que nous faisons avec notre choix de la maîtrise à « zéro volume » et l’engagement que nous prenons d’affecter la totalité des surplus essentiels de recettes à la réduction du déficit. J’espère de tout cœur que le débat sur le projet de loi de finances pour 2006 nous donnera l’occasion de rapprocher nos points de vue.

M. Jean-Louis Idiart. Je crois qu’il vous faudra attendre le projet de loi de finances pour 2008, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le groupe UDF et nous avons encore à travailler ensemble sur cette matière : pour y parvenir, il ne faudra sombrer ni dans l’excès ni dans la caricature. Je sais d’ailleurs que ces défauts ne sont pas dans votre nature : puisse cette attitude se révéler contagieuse parmi vos amis !

M. Chassaigne, lui, est en parfaite adéquation avec son groupe. Au sein du groupe communiste, en effet, on passe assez vite professionnel en matière d’idéologie et de dogmatisme. De ce point de vue, vous ne m’avez pas déçu, monsieur le député. Vous avez rendu hommage à mon sourire : j’y ai été sensible, mais vous en avez rajouté sur mon dogmatisme, ce qui, de votre part, est une leçon de vie dont je saurai me souvenir.

Pour le reste, vous défendez un modèle politique, économique et social qui n’a rien à voir avec celui pour lequel je me suis engagé au service de mon pays. Accordons-nous pour dire que l’un et l’autre sont respectables, mais vous conviendrez que rien ne saurait nous rapprocher sur ces sujets. Vous êtes un fana de l’économie administrée,…

M. Franck Gilard. Avec ou sans goulag ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …moi, pas du tout ; vous pensez qu’une dépense publique en augmentation est forcément une bonne dépense, pas moi : je veux au contraire essayer de faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens pour leur expliquer qu’une bonne dépense publique est une dépense efficace, dont la mesure est non pas la quantité, mais le résultat. Il reste beaucoup à faire en ce domaine. Aussi, si jamais vous vous sentez ébranlé par mon propos, votre aide sera la bienvenue, car nous avons besoin de consensus.

J’ai écouté attentivement votre intervention, monsieur Bouvard. Vous êtes de ceux qui ont beaucoup travaillé à l’élaboration de la « démarche LOLF », et je vous remercie une fois encore de votre contribution aux amendements que nous avons apportés à la loi organique tout au long de cette année. J’ai eu l’occasion de le dire à M. Carrez : je suis très preneur de tout ce qui nous permettra d’avancer plus vite que prévu pour modifier la loi de règlement. Je partage votre point de vue sur la LOLF, qui n’est qu’un outil. M. Migaud lui-même l’affirmait tout à l’heure, en des termes peut-être moins gentils.

M. Didier Migaud. Pas du tout ! En termes identiques !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous sommes donc d’accord sur ce point.

Toutefois, si la LOLF ne saurait se substituer à une démarche politique, il n’en reste pas moins qu’il faut l’utiliser pleinement au service de la politique que nous voulons pour les Français.

M. Michel Bouvard. Cela va de soi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En l’occurrence, la démarche de transparence et de performance, c'est-à-dire l’idée que la dépense publique doit être systématiquement efficace, correspond très exactement aux convictions de l’UMP. Je m’en réjouis, et tant mieux si le groupe socialiste, voire le groupe communiste, nous rejoint !

M. Didier Migaud. Ne renversez pas les rôles !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a là un formidable rendez-vous avec la bonne gestion publique au service des Français.

Au sujet du passage des effectifs budgétaires aux effectifs réels – les fameux ETPT –, l’« outil de décompte des emplois », ou ODE, sur lequel vous m’avez interrogé, a rempli sa mission et permis de passer des fichiers de paye au comptage des ETPT, selon l’avis quasi unanime des ministères. C’est une petite révolution dans la gestion du personnel par l’administration. Dans certains départements où les fichiers de paye sont très spécifiques, comme le ministère de la défense, l’utilisation de l’ODE s’est révélée plus compliquée. Au total, cependant, le passage aux équivalents temps plein travaillé, où il entre nécessairement une part de convention – que l’on songe à certains vacataires, comme les membres de jurys –, a été conduit aussi convenablement qu’il pouvait l’être. C’est très encourageant pour la suite.

Monsieur Bonrepaux, je ne me lasse pas de nos échanges ! D’une année à l’autre, d’un débat à l’autre, nous ne progressons pas d’un iota, mais il est vrai que nous ne régressons pas non plus !

M. Augustin Bonrepaux. Je crois au contraire que nous reculons !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Chacun reste campé sur ses positions, convaincu qu’il détient la vérité. Ce duo étant devenu une sorte de must des débats budgétaire, je me doute bien que, lorsque nous aborderons toutes les réformes ambitieuses que nous voulons poursuivre au service du pays en matière de finances locales ou de taxe professionnelle, vous rappellerez solennellement votre position : quand les dépenses et les impôts de certaines collectivités locales explosent, c’est uniquement parce que l’État est particulièrement méchant et n’a qu’une idée : alourdir leurs charges et porter atteinte à leur libre administration,…

M. Didier Migaud. Caricature !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …alors même que vous rappelez que cette libre administration est une réalité de tous les jours.

M. Augustin Bonrepaux. Grâce à qui ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je m’emploie inlassablement à souligner cette contradiction, avec grand succès auprès des parlementaires de la majorité mais aucun auprès de vous et de vos amis, hélas !

Une dernière fois… que dis-je ? une fois de plus, monsieur Bonrepaux, reconnaissez au moins que ce gouvernement auquel vous trouvez tous les défauts permet à l’État, en maintenant son pouvoir d’achat à zéro volume, de faire chaque année son devoir en matière de transferts, de subventions et de dotations.

M. Didier Migaud. C’est faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette année encore, les dotations versées aux collectivités locales auront augmenté de près de 3 %. La signature de l’État est pleinement honorée.

M. Jean-Louis Idiart. Mais non ! Vous prenez de la trésorerie aux autres !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour le reste, nous paierons d’ici à la fin de cette année, comme nous nous y sommes engagés, les 450 millions d’euros correspondant au transfert du RMI.

M. Pascal Terrasse. Ils seront inscrits dans le collectif budgétaire ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument. Je l’ai d’ailleurs déjà dit devant le comité des finances locales.

M. Michel Bouvard. Ainsi qu’en commission des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je peux comprendre que l’on fasse mine de se boucher les oreilles pour ménager ses effets à la tribune, mais tout de même !

Il est également un peu limite d’affirmer comme vous le faites, monsieur Bonrepaux, qu’un contrat d’avenir coûte 20 % plus cher qu’un RMI simple.

M. Augustin Bonrepaux. C’est la vérité ! Je vous l’ai démontré plusieurs fois.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Soit, mais la collectivité employeuse, en remplaçant un RMI par un contrat d’avenir, bénéficie du travail du titulaire.

M. Jean-Pierre Gorges. Eh oui ! M. Bonrepaux oublie le travail fourni !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En outre, le département peut réinsérer le RMiste dans l’emploi, ce qui lui permettra à terme de faire des économies. Soit vous ne voulez pas voir cette réalité, soit vous ne croyez pas à la réinsertion dans l’emploi. Voilà encore une chose qui nous sépare.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons signé ces contrats, mais reconnaissez qu’ils nous coûtent !

M. le président. Laissez M. le ministre vous répondre, monsieur Bonrepaux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. Dosière, pour sa part, s’est fait ces dernières années une spécialité que nous pourrions qualifier de « quart d’heure Dosière ».

M. Nicolas Perruchot. C’est une spécialité intéressante.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tous les ans, en effet, il nous entretient pendant un quart d’heure des crédits de la Présidence de la République. Je dis tous les ans, mais plus précisément, depuis 2001…

M. René Dosière. C’est exact. M. Jospin était encore Premier ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Or, étant très attentif à la biographie de mes aînés, je sais que vous êtes parlementaire depuis 1988. Que n’avez-vous inauguré alors votre quart d’heure ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quel dommage de ne pouvoir disposer d’une analyse comparée de cette très intéressante question depuis la deuxième présidence Mitterrand ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous qui écrivez beaucoup sur les finances publiques, sujet qui vous passionne, vous auriez même pu rédiger un traité remontant aux périodes antérieures à votre premier mandat.

M. René Dosière. Et vous et vos amis ? Pourquoi n’ont-ils rien fait ?

M. Jean-Louis Idiart. Pourquoi ne pas remonter à Pompidou ou à Giscard ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous ne m’avez pas entendu crier pendant que M. Dosière s’exprimait. Laissez-moi donc terminer ma réponse !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci, monsieur le président, de me permettre de continuer à m’exprimer. Très honnêtement, je n’imaginais pas provoquer un tel trouble en m’interrogeant sur les raisons pour lesquelles un député élu depuis 1988 ne s’était spécialisé dans cette passionnante question que depuis 2001 ! Néanmoins, je n’envisage pas de répondre pendant un quart d’heure à l’intervention de M. Dosière.

M. René Dosière. Venez-en tout de même au fond !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En premier lieu, la Présidence de la République n’est pas une administration centrale, encore moins un ministère. Au même titre que les deux assemblées, et comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision du 27 décembre 2001, elle jouit de l’autonomie financière, corollaire d’un principe auquel nous sommes tous attachés : celui de la séparation des pouvoirs. Il implique que les pouvoirs publics déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement.

M. René Dosière. Je n’ai pas dit le contraire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ces crédits doivent bien sûr faire l’objet d’une information. Or cette information a été notablement enrichie…

M. René Dosière. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …par plusieurs éléments, à commencer par le jaune budgétaire relatif au budget des pouvoirs publics. Depuis le projet de loi de finances 2003, la Présidence précise, selon la nomenclature du plan comptable général, son projet de budget et justifie sa demande de crédits de façon à peu près équivalente à celle des assemblées parlementaires.

M. René Dosière. Enfin, vous vous moquez ?

M. Pascal Terrasse. Les chiffres ne sont pas les mêmes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Autre élément associé au projet de loi de règlement 2004 : un rapport présentant l’exécution de ce même budget.

M. René Dosière. Il est aussi vide que le jaune !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le jaune sur la Présidence fournit une information calquée sur celle des assemblées parlementaires.

M. René Dosière. C’est faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Certains pourraient considérer que cette information est insuffisante. On pourrait donc envisager de lancer une réflexion destinée à l’enrichir.

M. Pascal Terrasse. Une commission d’enquête ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis tout à fait ouvert à une telle réflexion, à trois conditions : la première, c’est qu’elle concerne l’ensemble des pouvoirs publics, Présidence, assemblées, Conseil constitutionnel, Cour de justice de la République.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous sommes pour !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La deuxième condition, c’est que cette réflexion soit entreprise dans le respect du principe d’autonomie financière. La troisième, et c’est sans doute la plus importante, qu’elle se fasse dans le même esprit de concorde que celui qui a conduit à l’adoption de la LOLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Or j’ai relevé dans votre propos, monsieur Dosière, un véritable procès d’intention, un réquisitoire. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste. ) Je le regrette d’autant plus que cette façon de faire est contraire à la démarche dans laquelle nous nous inscrivons tous, qui tend à la transparence et à la juste information des parlementaires, dans le respect de la séparation des pouvoirs comme de l’esprit consensuel de la LOLF, qui vise à une juste information de l’ensemble des concitoyens.

Je pense vous avoir fait une proposition constructive. Je suis naturellement à votre disposition pour y travailler tout au long de cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Articles 1er à 7

M. le président. En l’absence d’amendements sur les articles 1er à 7, je vais mettre aux voix successivement ces articles.

(Les articles 1er à 7, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 8

M. le président. Sur l’article 8, je suis saisi d’un amendement n° 2 rectifié.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement de M. de Courson est dans la droite ligne du propos que j’ai tenu lors de la discussion générale.

Comme la Cour des comptes l’a indiqué dans son rapport sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2004, à l’occasion de la transformation du budget annexe des prestations agricoles – le BAPSA – en établissement public gérant le nouveau fonds – le FFIPSA –, le déficit du BAPSA, qui est passé de 1,5 milliard d’euros fin 2003 à 3,2 milliards d’euros fin 2004, a été maintenu, en contradiction avec les règles applicables aux budgets annexes, et transféré directement au nouvel établissement. La charge a ainsi été soustraite du solde d’exécution du budget de l’État, ce qui est en contradiction avec les règles de sincérité comptable.

Tout à l’heure, au début de la discussion budgétaire, le ministre a souhaité qu’on procède à une photographie fidèle à l’occasion de cette loi de règlement. Cet amendement va donc dans le sens de ce que souhaite le ministre, et je ne serais pas étonné qu’il l’accepte.

M. Lucien Guichon. Ça, c’est autre chose !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

M. Nicolas Perruchot. C’est dommage.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne comprends pas très bien l’amendement de notre collègue de Courson.

D’abord, aux termes de la loi organique, il fallait procéder à la suppression du BAPSA et donc le remplacer – en l’occurrence par le FFIPSA. Cela s’est fait dans le cadre d’une totale transparence financière. Que ce soit en dépenses ou en recettes, le suivi du fonds aura lieu dans les mêmes conditions que pour le BAPSA.

Ensuite, et j’insiste, le transfert du BAPSA au FFIPSA s’est accompagné de l’apport, au titre de l’exécution 2004, de la « bagatelle » de 2,8 milliards d’euros.

Bien sûr, il y a toujours un déficit de 3,2 milliards d’euros. Mais nous connaissons ce déficit depuis longtemps ! Je me souviens que dès juillet 2002, en loi de finances rectificative, nous avons apporté des financements spéciaux, à hauteur de centaines de millions, qui venaient de la MSA, du fonds de calamités agricoles, de l’ONIC… L’année suivante, nous avons apporté, par centaines de millions, des financements budgétaires. La raison en et simple : le BAPSA, devenu FFIPSA, est structurellement déficitaire. Comme me le rappelait le président de la commission des finances, on y compte 5 ou 6 retraités pour un actif ! Il est donc tout à fait normal que joue la solidarité nationale.

Certes, le solde déficitaire n’est plus intégré dans le solde de l’État proprement dit.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais ce déficit est intégré dans le besoin de financement public, comme peut l’être le déficit de fonds de l’assurance vieillesse. La seule critique qu’on peut faire – mais peut-on procéder autrement ? –, c’est que l’ensemble de ces déficits, qui forment le solde public, sont financés par emprunt et qu’à travers cet emprunt, nous finançons des dépenses de fonctionnement et non, exclusivement, des dépenses d’investissement. Mais c’est bien le problème de nos finances publiques.

M. Nicolas Perruchot. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement s’emploie, malgré des conditions très difficiles, à réduire le déficit budgétaire, précisément pour réduire le besoin de financement et parvenir le plus rapidement possible à un équilibre de nos finances publiques et à ne financer par emprunt que les dépenses porteuses d’avenir et d’investissement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons refusé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le monde agricole entre dans une période d’incertitude, compte tenu à la fois du débat sur la politique agricole commune et des débats dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Il était bon de rappeler l’effort de productivité de l’agriculture. Il n’en reste pas moins que le fait de prolonger sans arrêt, par des avances qu’il faudra bien un jour rembourser, pose un vrai problème.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Fin 2006, nous en serons à presque 7 milliards d’euros d’avances. En matière de sincérité budgétaire, il y a un effort à faire dans les prochaines années, monsieur le ministre !

M. Didier Migaud. C’est le moins qu’on puisse dire ! M. de Courson a donc raison… mais il faut voter contre son amendement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’explication du rapporteur général est très claire. Je suis tout autant étonné que lui par cet amendement.

Le transfert s’est fait de manière parfaitement transparente et totalement conforme à l’esprit et à la lettre de la loi organique. L’article 40 de la loi de finances pour 2004 avait disposé que le FFIPSA reprenait droits et obligations du BAPSA au 31 décembre 2004. De ce point de vue, le découvert de trésorerie du BAPSA a été repris en fonds propres négatifs au bilan d’ouverture du FFIPSA au 1er janvier 2005.

Voilà pourquoi je suis tout à fait hostile à l’adoption de cet amendement. Je vous suggère de le retirer et, à défaut, j’en demande le rejet.

M. Didier Migaud. C’est dommage ! Il aurait fait progresser la sincérité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je voudrais également répondre aux propos du président Méhaignerie.

Je ne méconnais en rien les difficultés que cela peut poser au FFIPSA, au regard de sa situation financière, aussi bien pour le bilan d’entrée que pour l’avenir ; je m’en suis d’ailleurs entretenu avec le président de son conseil de surveillance, M. Yves Censi. Mais le problème n’est pas comptable, il est beaucoup plus global, ainsi que l’ont relevé le rapporteur général et le président de la commission des finances. Il faut naturellement s’atteler à la tâche.

J’ai demandé que soit conduite une expertise approfondie, tant sur la question du passif que sur celle du financement pour 2006, en concertation avec les instances de concertation du FFIPSA, avec M. Censi, avec mes collègues de l’agriculture et des affaires sociales. Je souhaite que l’on trouve des solutions susceptibles d’améliorer de manière pérenne la situation financière du régime des exploitants agricoles, auquel le Gouvernement attache une importance particulière.

En application de la LOLF et de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le sujet ressortit désormais, en principe, au champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais vous imaginez bien que je suivrai cette question de très près en tant que ministre du budget, avec mon collègue chargé de la sécurité sociale.

J’ai donc largement reçu ce message d’alerte. Je vous prie donc, monsieur le député, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, je le répète, j’en demanderai le rejet.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je maintiens cet amendement. Comme je l’expliquais à l’instant, la sincérité des comptes suppose que, même si la possibilité existe, on ne déporte pas la dette dans un établissement public créé à cet effet. Il est assez pratique de basculer 3,2 milliards d’euros, d’un seul coup de trait, sur la ligne concernée !

Nous venons d’avoir un débat de fond sur la loi de règlement où chacun a évoqué la nécessité de la sincérité des comptes de l’État.

Je souhaite que mes collègues parlementaires me suivent. Sinon, je crains que, dans les années qui viennent, ne perdure une méthode qui aboutit à faire apparaître des comptes qui ne sont pas sincères.

M. Didier Migaud. Il a raison !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Articles 9 à 11

M. le président. En l’absence d’amendements sur les articles 9 à 11, je vais mettre successivement aux voix ces articles.

(Les articles 9 à 11, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 12

M. le président. Sur l’article 12, je suis saisi d’un amendement n° 1, rédactionnel, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié par l'amendement n° 1.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

M. le président. L’article 13 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 13 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Il n’y a pas de demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion d’un projet de loi, n° 2278, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

Rapport, n° 2471, de M. Alain Venot au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)