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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 5 octobre 2005

4e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

directive bolkestein

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, le Président Jacques Chirac s’en est pris hier à l’indifférence de la Commission européenne quant aux questions sociales. Mais, dans le même temps, au Parlement européen, la droite française a une attitude pour le moins ambiguë.

De quoi s’agit-il ? De la fameuse directive relative aux services, plus connue sous le nom de « directive Bolkestein » (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui, certes, a changé de nom, avec la nouvelle Commission, mais pas de fond. Elle était dangereuse hier, elle reste dangereuse aujourd’hui.

Elle est dangereuse car elle risque de favoriser le dumping social, c’est-à-dire la mise en concurrence des travailleurs par les bas salaires.

Elle est dangereuse parce qu’elle risque, en l’absence de toute directive visant à protéger les services publics, de mettre en cause ces mêmes services publics.

Elle est dangereuse mais aussi absurde, car, en vertu du principe dit du « pays d’origine », un prestataire de services opérant en France sera soumis aux seules règles et aux seuls contrôles de son pays d’origine, ce qui revient à faire coexister dans un même espace vingt-cinq réglementations nationales différentes.

M. Michel Bouvard. Vous n’avez rien fait contre cela !

M. Jean-Louis Bianco. La droite tient donc un double langage : à Paris, Jacques Chirac déclare qu’il faut remettre à plat le projet de directive ; au Parlement européen, les députés de l’UMP refusent d’éliminer le principe du pays d’origine et d’exclure clairement les services publics du texte, ce que réclament pourtant l’ensemble des socialistes européens.

Monsieur le Premier ministre, je vous pose trois questions.

Premièrement, oui ou non, le Gouvernement va-t-il s’opposer résolument à ce projet de directive ?

Deuxièmement, oui ou non, les députés de la droite française s’opposeront-ils résolument à ce projet de directive ?

Troisièmement, que ferez-vous si, par malheur, ce texte était adopté sans modification substantielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, nous connaissons tous les inquiétudes que le projet de directive a suscitées chez nos compatriotes. Le projet initial présenté par la Commission européenne était déséquilibré et ne correspondait pas aux exigences sociales qui sont celles de l’Union européenne. C’est pourquoi le Conseil européen de mars dernier, à la demande de la France, avait demandé à l’unanimité la remise à plat de ce texte. Il y aura donc bien une remise à plat.

Le Parlement européen est aujourd’hui saisi de ce projet. Après qu’il se sera prononcé, la Commission devra élaborer une nouvelle proposition. Celle-ci devra prendre en compte nos préoccupations, qui sont partagées par de nombreux autres pays et par de nombreux parlementaires européens.

M. Jacques Desallangre. Mais encore !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le Gouvernement fait preuve d’une vigilance particulière dans cette négociation. Nous avons mis ce sujet à l’ordre du jour du premier comité interministériel sur l’Europe, qui s’est réuni au mois de juillet dernier sous la présidence du Premier ministre. Nous en parlons régulièrement à la Commission européenne et je rencontre fréquemment les parlementaires européens les plus impliqués.

M. Jacques Desallangre. Tout va bien alors !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Cela dit, monsieur le député, je veux aussi rappeler que les services sont essentiels à la croissance et à l’emploi. Ils représentent aujourd’hui plus de 70 % de notre produit intérieur brut, soit une part essentielle de notre richesse nationale. Nous avons donc intérêt à les développer et nous y réussissons très bien puisque la France, vous le savez, est le quatrième exportateur mondial de services.

Mais le projet de directive européenne ne saurait, en effet, conduire à une remise en cause des droits des salariés ou des intérêts des consommateurs. Le Gouvernement refusera tout alignement vers le bas et tout dumping social.

Le Parlement européen ne se prononcera sans doute pas avant la fin de cette année, ou même le début de l’année prochaine. La remise à plat du texte devra comporter l’exclusion des secteurs les plus sensibles, en respectant notamment les services publics, ainsi que l’affirmation de la primauté du droit du travail du pays de destination – c’est le droit du travail français qui s’applique en France –, et la remise en cause du principe du pays d’origine.

Après le vote du Parlement européen, il reviendra à la Commission de proposer un texte qui devra être différent du premier. Il appartiendra ensuite aux États membres de prendre leurs responsabilités lorsqu’ils l’examineront. Le Gouvernement, pour sa part, prendra toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

position de la France
dans les négociations européennes

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Nicolas Perruchot. Près de quatre mois après les non français et néerlandais, le président de la Commission, José Manuel Barroso a enterré la Constitution et annoncé que la Commission entendait réduire son activité législative. Personne n’a protesté contre cette déclaration dont on peut pourtant craindre qu’elle ne traduise une volonté que l’Union ne soit plus qu’un espace de dérégulation et de simple libre-échange. Ce n’est pas l’Europe que nous voulons, ce n’est pas celle que les citoyens attendent.

Alors que l’Europe a subi coup sur coup trois chocs – les non successifs au référendum, l’échec des discussions budgétaires en juin, l’ouverture déraisonnable des négociations avec la Turquie –, nous regrettons qu’il n’y ait sur la table, émanant du Conseil ou de la Commission, aucun projet, aucune perspective, sauf celle de laisser s’éloigner l’Europe politique. Il reste pourtant tant à faire, ne serait-ce que l’harmonisation sociale et fiscale.

Remettons l’Europe en route par un travail sur des sujets concrets. La discussion en cours sur le budget européen pour la période 2007-2013 est décisive à cet égard. Un accord avait été rendu impossible en juin, en particulier du fait de l’opposition du gouvernement britannique. Quelle sera la politique française dans ces discussions ? Comptez-vous, monsieur le Premier ministre, prendre l’initiative d’une véritable reconstruction pour donner enfin corps à une Europe politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, comme vous le savez, la programmation budgétaire 2007-2013 doit être votée le plus rapidement possible par l’Union européenne.

Il est évident que ce budget est très important pour les nouveaux pays membres puisqu’il permettra de financer l’élargissement.

Ce budget est aussi important pour les Quinze, puisqu’il financera les politiques communes, dans le domaine de la recherche, de l’agriculture, des transports et des régions.

Mais il faut souligner qu’il ne peut être voté qu’à l’unanimité. Or, à la dernière réunion du Conseil européen, le 17 juin dernier, le Royaume-Uni a refusé ce paquet budgétaire.

La France estime qu’il n’est pas normal qu’un pays, fût-ce le Royaume-Uni, n’apporte pas sa quote-part au financement de l’élargissement.

Pour notre part, nous avons décidé d’y participer puisque nous verserons 11 milliards d’euros supplémentaires pour les dix nouveaux pays entrants, essentiellement les pays de l’Est.

Enfin, elle estime qu’il faut se caler sur la position luxembourgeoise qui permet, d’une part, de financer la politique agricole commune, qui est la plus grande politique agricole du monde aujourd’hui, et, d’autre part, la politique de recherche avec une augmentation de son budget de 33 %.

Dès lors, il paraît très important, monsieur le député, de continuer à se fonder sur cette position. La France adhère donc à cette proposition de façon très ferme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

directive bolkestein

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le Premier ministre, on dit que vous aimez l’histoire et vous l’avez déjà démontré, mais je vais vous rafraîchir la mémoire s’agissant d’une date qui n’est pas trop lointaine : ce sont les propos tenus par le Président de la République le 14 avril dernier. Je les cite pour ne pas lui être infidèle : « Un commissaire européen, M. Bolkestein,… » – celui qui nous a traités de xénophobes – « …a proposé une directive qui, à l’évidence, n’était pas acceptable pour nous. Tout simplement parce que l’on risquait de tirer un certain nombre de gens vers le bas. Au Conseil européen, j’ai dit clairement : “La France ne l’acceptera pas”. La France ayant encore aujourd’hui un poids suffisant, il a été décidé par le Conseil que cette directive serait entièrement remise à plat. »

Mais qu’est-ce que la directive Bolkestein ? Madame Colonna, avec tout le respect que je dois à une sherpa du Président de la République (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

M. René André. C’est inadmissible, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Brard, je vous rappelle que vous vous adressez à un ministre de la République !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez tout à fait raison !

M. le président. Posez votre question !

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce que la directive Bolkestein, disais-je ? (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle implique qu’à l’avenir, une entreprise slovaque ou polonaise pourra participer à nos grands chantiers et priver les salariés de notre pays de leur travail et les envoyer pointer à l’ANPE. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, plus vous faites de bruit, plus M. Brard est content !

Posez donc votre question, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Mme Colonna a dit qu’elle était vigilante et qu’elle en parlait régulièrement mais elle n’a pas répondu à la question posée par notre collègue. Vous le savez, ces décisions sont prises par le Conseil des ministres européens à la majorité. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Alors que déciderez-vous pour bloquer la directive Bolkestein ? Irez-vous à Canossa ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, je vous remercie de vous référer au Président de la République française – je vous en suis particulièrement reconnaissante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous remercie aussi de cette question qui me permet de revenir devant la représentation nationale sur la réalité de ce dossier – je dis bien la « réalité ».

Les discussions au Parlement européen sont en cours.

M. Jean-Pierre Brard. Vous l’avez déjà dit !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pour l’instant, le vote au sein de la commission « marché intérieur » a été reporté aux 21 et 22 novembre.

M. Jean-Pierre Brard. À la saint-glinglin, quoi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Goujat !

M. le président. Monsieur Brard !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le vote en séance plénière ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année ou le début de l’année prochaine.

Les amendements proposés en commission se rapprochent de la position défendue par la France. Nous soutenons en particulier les propositions du rapport de Mme Gebhardt sur un nombre important de points qui nous tiennent à cœur.

Par ailleurs, une autre commission, la commission de l’emploi, a adopté en juillet un rapport sur le projet de directive qui affirme la primauté du droit social du pays où le service sera fourni.

Nous avons clairement fait connaître nos demandes et notre opposition sur ce projet aux députés européens. Il leur reviendra de se prononcer en conscience le moment venu.

M. Jean-Pierre Brard. Que ferez-vous au Conseil des ministres ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce délai doit permettre au Parlement européen mais aussi à la Commission européenne de prendre en compte les préoccupations légitimes qui se sont exprimées dans de nombreux pays européens, afin que le nouveau projet corresponde mieux que le précédent à nos intérêts ainsi qu’aux valeurs sociales de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

projet Européen

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe UMP.

M. Jean Leonetti. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 29 mai 2005 les Français ont rejeté le projet de Constitution européenne.

M. Jean-Pierre Brard. Et ils ont bien fait !

M. Jean Leonetti. Ceux qui défendaient l’idée que le vote du « non » déboucherait sur un plan alternatif ont trompé les Français.

M. Maxime Gremetz. Comme si on arrivait à tromper les Français comme ça !

M. Jean Leonetti. Aujourd’hui, il faut bien admettre que l’Europe est en panne. Doit-on pour autant renoncer à un projet européen ? Certainement pas ! Doit-on accepter que l’Europe s’élargisse géographiquement sans s’approfondir politiquement ? Certainement pas !

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean Leonetti. Certains pays d’Europe ont le même niveau de développement économique et social et des valeurs démocratiques profondément ancrées dans leur tradition et leur culture. Ces pays, cette avant-garde dont la France pourrait être un leader, ne devraient-ils pas, au travers d’une coopération renforcée, prendre l’initiative de bâtir une Europe des projets capable d’avancer ensemble plus vite et plus loin ? Les pays qui ne remplissent pas ces conditions ne peuvent pas être rejetés, la porte ne doit pas leur être fermée, mais ils ont besoin de temps pour décider de nous rejoindre sous une forme à définir.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il est nécessaire et urgent de bâtir un nouveau projet européen avec les pays pionniers pour ne pas prendre le risque de voir s’effacer définitivement le rêve européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, le référendum du 29 mai montre qu’il existe un fossé croissant entre les Français et le projet européen.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous êtes dans le trou !

M. le ministre des affaires étrangères. Toutefois, le non au référendum ne signifie pas que les Français rejettent l’idée européenne. Il est donc temps aujourd’hui, vous avez raison, de préciser très clairement quel est notre projet européen. Les Français attendent de l’Europe qu’elle dise ce qu’elle est, ce qu’elle veut et où elle va.

Il y a, me semble-t-il, deux visions. La vision géopolitique vise à définir l’Europe comme un espace de paix, de démocratie, de droits de l’homme, de valeurs universelles de l’Europe. La vision politique permet de définir plus de croissance dans une solidarité partagée. Ces deux visions complémentaires appellent deux méthodes différentes.

La vision géopolitique demande de rassembler les pays qui sont aux portes de l’Union européenne et qui partagent les mêmes valeurs, à savoir la démocratie, les droits de l’homme, la paix et la stabilité. Cela me paraît très important. C’est ce qui a été fait hier et avant-hier.

La vision politique exige que les pays qui veulent aller plus vite et plus loin sur des projets concrets puissent le faire. C’est vrai dans les domaines économique, budgétaire, l’harmonisation fiscale, la recherche surtout, l’innovation technologique et scientifique, mais aussi la défense et la politique étrangère.

Ce « groupe pionnier », pour reprendre la formule du Président de la République dans son discours au Bundestag de l’an 2000, il faut le laisser aller de l’avant.

Libre aux pays qui veulent, qui peuvent le rejoindre de le faire. C’est donc plus de politique intégrée qu’il nous faut pour répondre aux défis que nous lancent les États-Unis, l’Inde et la Chine, car c’est bien 1,5 % de croissance qui nous sépare aujourd’hui des États-unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

plan « défense deuxième chance »

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Colot, pour le groupe UMP.

Mme Geneviève Colot. Madame la ministre de la défense, le Gouvernement et votre ministère ont lancé le plan « défense deuxième chance » destiné aux jeunes en conflit avec la société et au bord de la rupture scolaire dont le parcours se termine parfois devant la justice, voire en prison.

Vous avez voulu rompre avec cette spirale infernale et leur réapprendre la vie en société, nos valeurs et le chemin de l’emploi. Ils sont pensionnaires, entourés par les cadres de l’armée et les enseignants volontaires de l’éducation nationale.

Le premier établissement a été ouvert en Seine-et-Marne, deux autres sont prévus dans ma circonscription de l’Essonne.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner plus de précisions sur l’avancement de ce programme et l’accueil qu’il rencontre auprès des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Madame la députée, le projet « Défense deuxième chance » s’adresse à des jeunes de dix-huit à vingt et un ans en échec scolaire et social et vise à les remettre à niveau, durant une année renouvelable, en leur délivrant une formation comportementale mais aussi scolaire et professionnelle.

Le 8 juin dernier, le Premier ministre annonçait le projet ; le 26 septembre, nous accueillions les premiers stagiaires. En moins de quatre mois, nous avons donc créé l’établissement public qui soutient ce projet, un statut pour les jeunes volontaires, recruté l’encadrement et les stagiaires et établi un programme pédagogique. C’est un exploit, et je tiens à remercier tout particulièrement les ministres de l’emploi et de la cohésion sociale, de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, qui a mis à notre disposition le premier centre, de leur soutien, de leur aide et de leur efficacité en la matière.

Bien entendu, nous allons poursuivre ce plan en créant un à deux centres par mois, pour parvenir à un total de cinquante centres répartis sur tout le territoire national.

Les prochains centres ouvriront en Saône-et-Loire le 1er novembre, dans l’Essonne et dans l’Aveyron le 1er décembre prochain. Bien entendu, toutes ces ouvertures futures sont subordonnées à la mise à disposition, par le ministère de la défense, d’autres ministères et des collectivités territoriales, d’infrastructures nous permettant d’accueillir ces jeunes dans des conditions normales.

Quant à l’accueil fait par les jeunes, il suffisait de les entendre à Montry, il y a quelques jours, dire leur fierté de pouvoir être dans ce centre, leur espoir d’avoir la possibilité d’échapper à une vie dégradée et à une exclusion sociale pour se rendre compte que ces centres répondent à un vrai besoin.

Ces jeunes sont recrutés à partir de la journée d’appel de préparation à la défense et parmi ces jeunes que nous détectons comme étant en difficulté lors de ces journées, plus de 50 % adhèrent immédiatement au projet tandis que les autres demandent à réfléchir mais à pouvoir le suivre.

Il s’agit donc d’un projet qui nous concerne tous et qui répond effectivement à notre réelle responsabilité à l’égard de ces jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

comptes de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe UMP.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, le Gouvernement a mis en œuvre une réforme courageuse de la sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) afin de sauvegarder et conforter notre système de protection sociale auquel nos concitoyens sont légitimement attachés, en préservant ses objectifs majeurs de justice et de solidarité.

La semaine dernière, la Commission des comptes de la sécurité sociale s’est réunie en votre présence pour analyser les résultats de 2005. Pour le régime général, l’ensemble des comptes, avec notamment une diminution forte du déficit de l’assurance maladie, reste stationnaire. En effet, alors que jusqu’à l’an dernier l’accumulation des déficits de cette branche entraînait à la hausse l’ensemble des comptes du régime général de la sécurité sociale, aujourd’hui grâce à la mise en œuvre de la loi du 13 août 2004, c’est elle au contraire qui contribue le plus significativement à sa stabilisation.

M. Maxime Gremetz. Cela fait rire tout le monde !

M. Bruno Bourg-Broc. La réforme a permis de franchir une première étape, à savoir stopper l’aggravation du déficit. Elle doit désormais produire tous ses effets afin que les comptes de la sécurité sociale parviennent à l’équilibre.

M. Maxime Gremetz. En déremboursant les médicaments !

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part des conclusions de la Commission des comptes de la sécurité sociale pour 2005 et des objectifs que vous vous fixez pour 2006, afin de parvenir à un équilibre des comptes prévisionnels du régime général de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, il est important de faire preuve de pédagogie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car lorsque l’on parle des comptes de la sécurité sociale, il faut distinguer chacune des branches : maladie, vieillesse, famille et accidents du travail.

M. Maxime Gremetz. Plus vous y touchez, plus le déficit se creuse !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Leur déficit est aujourd’hui encore de 11,9 milliards d’euros, ce qui est beaucoup trop.

Nous nous sommes fixé comme objectif de réduire ces déficits de 25 % à la fin de l’année, et nous le tiendrons.

Mme Martine David. Vous l’avez déjà dit il y a deux ans !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je veux m’arrêter un instant sur la branche maladie, car nous avons là la preuve que quand on entreprend une réforme d’ensemble qui vise à mieux organiser le système et à mieux le gérer, cela marche.

Mme Martine David. Vous déremboursez !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Si nous n’avions pas fait la réforme de l’assurance maladie, nous aurions un déficit de 16 milliards d’euros pour la seule année 2005. À la fin de l’année 2005, il sera de 8,3 milliards d’euros, c'est-à-dire moitié moins. C’est du jamais vu, et dans aucun pays.

M. Henri Emmanuelli. N’importe quoi !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ces résultats sont là tout simplement parce que les Français ont accepté de faire des efforts, attachés qu’ils sont à leur sécurité sociale. Depuis le début de l’année, tous les mois les résultats sont les mêmes. Nous avons aujourd’hui l’assurance et la certitude que les efforts entrepris par les uns et les autres nous conduiront l’an prochain à un déficit de 6,1 milliards d’euros.

M. Bernard Roman. Avec la franchise de 18 euros !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Chaque fois que l’on fait diminuer les déficits, c’est tout simplement l’avenir de la sécurité sociale que l’on garantit.

Je vais vous donner un autre chiffre qui fera mentir tous les Cassandre qui se sont exprimés en la matière : 31 millions de Français ont choisi leur médecin traitant. Cela montre que lorsqu’on a le courage d’entreprendre les réformes, quand on fait preuve de pédagogie, les Français nous suivent. C’est pour cela que nous allons réussir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

politique économique du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, la France va de plus en plus mal. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. La France, ce n’est pas le parti socialiste !

M. Didier Migaud. Tous les indicateurs économiques et sociaux se sont dégradés depuis juin 2002 et sont aujourd’hui dans le rouge.

Comme le montre le graphique que je vous présente, la dette publique explose depuis que vous êtes aux responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Depuis juin 2002, la dette publique ne cesse d’augmenter, alors même qu’elle avait été stabilisée sous la législature précédente et qu’elle se réduisait.

La France va plus mal et les Français souffrent de plus en plus avec la multiplication des plans sociaux. En Isère, nous sommes malheureusement bien placés pour le constater.

Un autre graphique (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) le prouve également : le nombre de RMIstes. Alors qu’il diminuait sous la dernière législature, il explose depuis juin 2002.

La colère des Français, monsieur le Premier ministre, s’est exprimée hier massivement, et vos propos, malheureusement, ne vont pas contribuer à l’apaiser. Vous dites les « écouter », mais vous ne les entendez pas et vous ne répondez pas à leurs préoccupations parce que vous persistez dans l’erreur : vous menez une politique économique et fiscale injuste, inefficace et en décalage complet par rapport aux préoccupations des Français. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. Carton jaune !

M. Didier Migaud. Vous légiférez pour un petit nombre, au détriment du plus grand nombre. En 2006 et en 2007, vous allez continuer à baisser l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur le revenu pour quelques milliers de contribuables, alors que les impôts et charges augmenteront pour les autres.

Au-delà des apparences, c’est bien la même politique qui est menée depuis juin 2002. Il ne suffit pas de changer de style, il faut changer de politique.

Ma question est donc simple et directe : comptez-vous enfin, monsieur le Premier ministre, répondre aux préoccupations des millions de salariés, chômeurs et retraités et mener une véritable politique au service de l’emploi et du pouvoir d’achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, contrairement à ce que vous indiquez, notre projet de loi de finances répond parfaitement aux besoins des Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le budget est conforme à quatre grandes exigences qui ont été fixées par le Premier ministre.

Première exigence : tout faire pour revaloriser le travail. Ainsi, 100 % des marges de manœuvre seront consacrées à l’emploi. Ainsi, plus de 6 millions de Français verront leur prime pour l’emploi augmenter de plus de 50 %. En outre, les allégements de charges progresseront de près de 2 milliards d’euros en contrepartie des augmentations très importantes du SMIC que nous avons décidées.

Deuxième exigence : construire une fiscalité plus juste. Il s’agit d’une réforme où personne ne perd et où tout le monde gagne, à commencer par les plus modestes et les classes moyennes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), avec des baisses qui peuvent dépasser 15 %. Il faut savoir que 80 % de l’effort est concentré sur eux.

Notre objectif est de valoriser l’effort des Français qui travaillent et de faire en sorte que les revenus du travail paient plus que ceux de l’assistance. Un salarié au SMIC travaillant à mi-temps verra le montant de sa prime pour l’emploi passer de 394 euros à 586 euros en 2006, puis à 744 euros, soit l’équivalent d’un treizième mois.

Autre mesure de justice : le bouclier fiscal, qui donne un coup d’arrêt à la dérive confiscatoire de l’impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette mesure fondatrice sera le premier article du code général des impôts et constituera la pierre angulaire de notre système fiscal. Jamais plus un contribuable ne devra payer en impôts plus de 60 % de ses revenus. Demandez à l’agriculteur qui fait une mauvaise récolte ou à l’artisan qui fait une mauvaise année si c’est une mesure injuste ! (« Ils ne sont pas concernés ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Chacun prendra ses responsabilités et, si nous avons choisi d’inclure dans ce plafond les impôts nationaux et les impôts locaux, c’est parce que, trop souvent, nos concitoyens ont le sentiment que les baisses d’impôt consenties par le Gouvernement d’une main, sont reprises par les exécutifs régionaux de l’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Troisième exigence : construire une fiscalité plus simple, avec cinq tranches au lieu de sept, et des taux plus simples. L’abattement de 20 % sera intégré dans le barème et l’imposition des revenus fonciers sera simplifiée. La prime pour l’emploi sera mensualisée, et deviendra donc enfin incitative.

Quatrième exigence : la compétitivité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez terminer, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Aucune entreprise ne paiera plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

recherche française

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques années, la recherche française nous interpelle. Les interrogations sur la place de notre pays dans le monde, sur la compétitivité de son économie et sur son rayonnement, nous ramènent toutes à la même question : comment redonner un élan dynamique à la recherche française, dont les structures n’ont quasiment pas évolué depuis une soixantaine d’années ?

Nos scientifiques se sont mobilisés lors des états généraux de la recherche, à la fin de l’année 2004, et une première esquisse de projet avait suscité en janvier dernier certaines critiques de leur part. Mais, depuis lors, de nombreuses discussions ont eu lieu entre le Gouvernement et la communauté scientifique. Le dialogue est renoué et le climat de confiance rétabli. Cet été, on vous a vu, avec le ministre en charge de la recherche, reprendre la concertation avec tous les acteurs et remettre enfin en route un projet de loi pour la recherche.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous dévoilez le pacte pour la recherche dont les grandes lignes ont été annoncées la semaine dernière. Qu’y a-t-il de nouveau et d’intéressant (« Rien ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste) dans le projet de loi que vous avez transmis ce matin même au Conseil économique et social ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, nous avons aujourd’hui, en tant que Français, deux motifs de fierté. Le premier nous donne l’occasion de rendre hommage à Yves Chauvin, ce grand chercheur français qui, avec deux collègues, vient de recevoir le prix Nobel de chimie. (Applaudissements sur tous les bancs.) C’est dire la capacité française.

Le second, c’est que nous avons enfin sur la table le grand projet pour la recherche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) que la France attendait depuis plusieurs décennies (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), un projet qui vise l’excellence et qui porte en lui une conviction : nous préparons l’avenir, la croissance et, monsieur Migaud, nous défendons l’emploi.

Nous nous sommes fixé, avec Gilles de Robien et François Goulard, quatre objectifs.

Le premier – et c’est aussi la marque de notre ambition – consiste à concilier les aspirations de la société française avec l’autonomie des chercheurs. Telle est la mission dévolue au Haut Conseil de la science et de la technologie qui sera placé auprès du Président de la République.

Le deuxième est un objectif d’efficacité. Il s’agit de rassembler toutes nos forces : les universités, les grandes écoles, les centres de recherche et les entreprises qui, trop souvent dans le passé, ont travaillé séparément. Le projet de loi leur donnera les moyens de travailler sur de véritables pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Nous allons croiser les talents et créer les grands campus auxquels la France aspirait. Nous commencerons par l’économie,...

M. Jean-Christophe Cambadélis. Et le CNRS ?

M. le Premier ministre. ...avec l’École d’économie de Paris qui sera confiée à Thomas Piketty.

M. Henri Emmanuelli. Tant mieux pour lui !

M. le Premier ministre. Et puisque, sur ces bancs, vous réclamez des moyens, en voici : 3 milliards sur trois ans, soit 1 milliard en 2005, 1 milliard en 2006 et 1 milliard en 2007 ! Et, en plus, 3 000 chercheurs pour 2006 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En contrepartie – parce qu’il faut une contrepartie en démocratie et que nous portons un projet de responsabilité – nous demandons l’évaluation des moyens consacrés à la recherche. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est dire que ce projet de loi présenté par François Goulard en conseil des ministres sera un projet d’ambition et de responsabilité. Vous le voyez, monsieur le député, il s’agit d’un vrai pacte de confiance que la France veut nouer avec sa recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.

Mme Bérengère Poletti. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Jean-Pierre Door, s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités. Les risques avérés d’une pandémie mondiale de grippe aviaire viennent de conduire le Président de la République à demander l’application du principe de précaution. Monsieur le ministre, depuis de nombreux mois, vous suivez avec beaucoup de vigilance cet important problème de santé publique.

Ce matin encore, les autorités indonésiennes ont annoncé un nouveau décès, portant le dernier bilan à soixante-six morts en Asie. Douze pays sont désormais touchés. Selon certains experts, une pandémie risquerait de faire de 7 à 100 millions de victimes dans le monde, dont 212 000 morts en France, si le virus animal H5N1, hautement pathogène, venait à muter, rendant alors possible la transmission interhumaine. La propagation de la pandémie serait alors particulièrement rapide. Les experts du comité vétérinaire de l’Union européenne, qui s’est réuni à Bruxelles le 25 août dernier pour évaluer le risque, ont appelé à une vigilance renforcée. Nous ne savons pas où et quand la pandémie se déclarera, ni comment, ni avec quelle intensité elle se développera. Telles sont les conclusions des experts médicaux lors d’un symposium à Malte.

Dans ce contexte, comment la France entend-elle, monsieur le ministre, protéger sa population en cas de pandémie de grippe aviaire ? Quels moyens comptez-vous mettre en place afin de prévenir le risque ? Et comment allez-vous organiser la communication afin d’informer sereinement nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Madame la députée, la Conférence des présidents a décidé hier la constitution d’une mission parlementaire sur la grippe aviaire et j’ai demandé à chacun des groupes de me faire connaître ses candidats le plus rapidement possible.

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, à partir du moment où un risque existe, nous devons nous préparer à y faire face, en vertu du principe de précaution qu’a rappelé avec beaucoup de force le Président de la République.

Pour faire le point exact de la situation, le virus de la grippe aviaire frappe d’abord les oiseaux et les élevages de volailles, comme cela a été constaté aujourd’hui en Asie centrale et en Asie du Sud-Est, seulement. Nous savons également que le virus peut passer de l’oiseau à l’homme, mais cette transmission n’a été observée qu’en Asie du Sud-Est. Le véritable risque, celui qui nous impose de nous préparer, serait la contamination de l’homme par l’homme, ce qui ne s’est encore vu nulle part.

Mais nous devons dès maintenant anticiper et informer.

Ce matin, j’ai eu l’occasion, devant votre commission des affaires sociales, d’expliquer où en était le plan de préparation pandémique pour la France. Le 9 octobre 2004, en conseil des ministres, Philippe Douste-Blazy avait présenté le plan de préparation. Le Premier ministre nous a demandé de l’actualiser.

Aujourd’hui, la France a décidé de donner la priorité à l’information parce qu’il faut informer le plus tôt possible. Nous allons donc informer le grand public, celles et ceux qui seraient en première ligne, à savoir les professionnels de santé, et tous les acteurs qui, à un moment ou à un autre, peuvent être concernés par le risque pandémique.

Nous devons ensuite nous protéger, ce qui suppose d’avoir des masques en quantité suffisante pour protéger la population française. Nous en avions d’abord commandé 50 millions, mais nous avons décidé de nous en procurer 150 millions de plus et de nous préparer à en fabriquer en France le cas échéant. Il existe également des médicaments antiviraux qui seront disponibles à la fin de l’année sur notre territoire. Avec 14 millions de traitements, la France se place en tête des pays qui ont décidé de protéger leur population. De plus, nous avons d’ores et déjà réservé des vaccins – 40 millions de doses – si le virus passe de l’homme à l’homme.

Pour nous, il faut aller encore plus loin car, comme l’a déclaré le Président de la République, aucun obstacle, ni économique, ni financier, ne doit nous empêcher de nous préparer au mieux. Le Premier ministre nous a demandé d’actualiser le plan avant la fin du mois d’octobre.

De plus, il ne saurait être question de protéger notre seul territoire sans engager des coopérations internationales visant à s’attaquer à l’origine de la maladie dans les pays d’origine des foyers infectieux. Il est de notre rôle d’informer sur le risque et de notre responsabilité de l’anticiper. Faisons-le ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

catastrophe aérienne du 16 AOÛT 2005

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, ma question, à laquelle s’associe mon collègue Philippe Edmond-Mariette, s’adresse à M. le Premier ministre.

Le 16 août dernier, au petit matin, la Martinique tout entière s’est réveillée dans la douleur et la tristesse, meurtrie dans sa chair : elle venait de perdre 152 de ses enfants dans un tragique accident d’avion au Venezuela.

Les Martiniquais ont été extrêmement touchés par l’émouvante solidarité tant nationale qu’internationale qui s’est manifestée à l’égard des familles des victimes et de leurs proches. Ils s’en souviendront longtemps.

Je tiens ici à remercier de leur soutien tous ceux qui, dans cette épreuve, nous ont témoigné leur compassion : le chef de l’État, le ministre de l’outre-mer et le Président de notre assemblée, qui s’est exprimé au nom des députés de tous bords, tant de l’outre-mer que de l’hexagone, ainsi que toutes les personnalités ou les anonymes qui ont pris part à nos souffrances.

Mais cinquante jours après le drame, les familles n’ont toujours pas pu entamer leur travail de deuil, ô combien nécessaire dans de telles circonstances. Seuls trois corps en effet ont été remis aux familles et de nombreuses questions demeurent toujours sans réponse.

Que s’est-il passé le 16 août dernier ? Sont-ce les forces de la nature ou des défaillances humaines qui ont causé ce terrible accident ? Est-ce une panne de carburant, comme la rumeur le laisse entendre ? Qu’ont révélé les boîtes noires ? Autant d’interrogations douloureuses qui ne cessent de nous agiter et que les annonces faites par le ministre de la justice lors de sa visite en Martinique n’ont pu lever.

Monsieur le Premier ministre, l’exigence des Martiniquais à l’égard du Gouvernement est aujourd’hui double : elle tient dans la vérité et la transparence que nous devons aux trente orphelins et aux dizaines de veuves et de veufs qui attendent des réponses à leurs questions. Pouvez-vous nous indiquer et leur indiquer les éléments d’information dont vous disposez ? Pouvez-vous également annoncer les dispositions, tant juridiques qu’administratives, que vous comptez prendre pour atténuer les craintes et les souffrances de ces familles ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Monsieur Manscour, ce n’est pas seulement la Martinique qui a été endeuillée, mais la France tout entière. (Applaudissements sur tous les bancs.)

La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Monsieur le député, vous avez eu la grande délicatesse de souligner la place tenue par l’État aux côtés de la Martinique dans cette lourde épreuve. Je souhaite ici rendre à mon tour un hommage très sincère aux familles des victimes, qui ont fait preuve d’un courage, d’une solidarité et d’une générosité exemplaires, vertus parmi les plus singulières de la Martinique et de l’outre-mer. J’associerai non sans émotion à cet hommage l’ensemble des élus locaux, le président du conseil régional Alfred Marie-Jeanne, le président du conseil général Claude Lise, le maire de Fort-de-France Serge Letchimy et l’ensemble des parlementaires et des maires qui, dans ces heures douloureuses, se sont efforcés, en tous lieux et en toutes circonstances, de demeurer aux côtés des familles des victimes afin d’apaiser leur peine.

Vos interrogations sont légitimes. Pourquoi cet avion s’est-il écrasé ? Quand les corps seront-ils rapatriés ? Comment faire pour qu’un jour nous puissions affirmer en conscience et en responsabilité : « Plus jamais ça ! » ?

S’agissant de la tragédie elle-même, trois procédures sont en cours : une procédure judiciaire, une procédure relative à l’identification des corps et une procédure d’examen technique visant à identifier les causes qui sont à l’origine de cet accident.

En ce qui concerne la procédure judiciaire, je tiens à saluer la pleine et entière coopération des autorités vénézuéliennes, coopération que les contacts pris entre le Président Chirac et le Président Chavez ont grandement facilitée. Deux magistrats instructeurs ont été dépêchés sur le lieu du crash quelques heures seulement après son annonce. La procédure judiciaire est maintenant en cours et il leur appartiendra naturellement de dire le moment venu, dans le cadre du développement de l’instruction, ce qu’ils ont constaté, en vue d’aider à la manifestation de la vérité et à la définition des responsabilités, y compris pénales.

L’identification des corps est la procédure qui demeure la plus douloureuse à ce jour. Chacun sait en effet qu’en Martinique – je parle sous le contrôle des élus locaux et nationaux –, la période de deuil ne peut véritablement commencer qu’en présence du corps. Or, à ce jour, et alors qu’en raison de la violence de l’impact consécutif à la chute de l’avion, il a fallu recourir à la méthode par ADN, les travaux d’identification sont avancés aux trois-quarts. On peut raisonnablement penser que dans un mois environ, peut-être pour la Toussaint, tous les corps auront été rendus aux familles.

Enfin, une remarquable coopération entre les différentes autorités préside également aux enquêtes techniques. Les spécialistes chargés d’examiner l’enregistrement des voix des pilotes et de comparer les caractéristiques techniques de l’appareil opèrent sous l’entière responsabilité des autorités vénézuéliennes, mais nos experts sont pleinement associés à leur travail.

Telles sont les données objectives que je peux vous fournir cinquante jours après ce drame qui, je le répète, nous a tous profondément bouleversés.

En outre, des mesures ont été prises sous l’autorité du Premier ministre, relatives à la publication des listes des compagnies aériennes autorisées ou interdites, à des compléments d’information sur la validité des compagnies, à la plus grande fréquence des contrôles inopinés sur les aéronefs, ainsi qu’à l’obligation qui est faite aux tours opérateurs d’informer en amont leurs passagers sur les conditions dans lesquelles s’effectuera leur vol. Toutes ces mesures seront bientôt confirmées.

Nous ne pouvons évidemment pas agir seuls. À l’échelle européenne – je parle sous le contrôle de ma collègue déléguée aux affaires européennes –, un mémorandum sera présenté à la Commission afin que, saisie de la question, elle puisse concourir à l’établissement de normes européennes qui, je le répète, permettront peut-être un jour de dire, en conscience et en responsabilité, « plus jamais ça ». (Applaudissements sur tous les bancs.)

régulation des flux migratoires
en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre, pour le groupe UMP.

M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’outre-mer.

Depuis plusieurs mois, la population guadeloupéenne réclame la mise en œuvre urgente d’une politique claire et efficace de régulation des flux migratoires des ressortissants de la Caraïbe.

Ces flux, qui sont demeurés réguliers durant de nombreuses années, connaissent aujourd’hui une augmentation si importante que l’ampleur du phénomène provoque chez mes compatriotes de sérieuses inquiétudes sur l’efficacité des dispositifs de contrôle de l’immigration dans leur archipel. Ainsi, en avril 2005, le congrès des élus guadeloupéens a été pour ces derniers l’occasion de réaffirmer la nécessité qu’il y a, à leurs yeux, de trouver des solutions qui sachent allier l’urgence avec la sérénité.

Parce qu’elle n’est pas programmée et paraît échapper à tout contrôle, l’immigration est perçue en Guadeloupe comme une agression. Elle suscite les difficultés qui sont liées à tous les flux migratoires mal contrôlés, notamment l’explosion du travail clandestin et le débordement des services publics et sociaux. L’immigration clandestine, qui est un obstacle à l’insertion sereine des étrangers en situation régulière, conduit à l’exploitation, dans le cadre de filières criminelles, d’hommes et de femmes qui, en quête du bien-être qui leur fait défaut dans leurs pays d’origine, se trouvent ainsi maintenus dans une précarité inacceptable. Elle déstabilise également notre économie et révèle enfin les limites de notre capacité d’accueil et d’intégration des ressortissants étrangers.

Monsieur le ministre, la Guadeloupe, terre d’accueil de par sa configuration économique et géographique, n’est paradoxalement pas suffisamment préparée à supporter les conséquences de flux migratoires denses et complexes. Sa situation économique et sociale ne lui permet pas d’assumer son devoir de solidarité envers tous les peuples de la Caraïbe.

Il ne s’agit pas pour moi aujourd’hui de remettre en cause les principes d’acquisition de la nationalité française ou de sombrer dans le trop sécuritaire, mais de trouver des réponses pragmatiques et exceptionnelles à une situation hors normes, qui est devenue la première préoccupation de mes compatriotes. La proposition de loi dont je suis l’auteur se veut une réponse parmi d’autres. Les récentes propositions du Comité interministériel de contrôle de l’immigration pour l’outre-mer ont confirmé l’urgence de relever le défi d’une immigration choisie. Aujourd’hui, les déclarations d’intention ne suffisent plus. Mes compatriotes attendent des actes.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à mes compatriotes d’outre-mer, aux Guadeloupéens, les mesures que vous comptez prendre pour résoudre une situation de plus en plus inquiétante et dont la problématique tient au lieu ? Pouvez-vous également nous préciser quand les moyens ainsi mis en œuvre deviendront effectifs ? Qu’en est-il, de plus, du renforcement des moyens de surveillance, notamment des côtes de l’archipel guadeloupéen ? Ne pensez-vous pas que la régulation des flux migratoires passe aussi par un renforcement de la coopération et des démarches de co-développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Monsieur le député, laissez-moi tout d’abord évoquer les faits, qui, seuls, permettent d’éclairer un débat aussi crucial.

Une reconduite à la frontière sur deux concerne l’outre-mer : chaque année en effet, ce sont 15 000 reconduites qui sont effectuées en métropole et 15 000 outre-mer, dont plus de 8 000 pour la seule île de Mayotte. En Guadeloupe, entre le mois de janvier et le mois d’août derniers, une augmentation de 33 % de ces procédures d’éloignement a été décidée. À Mayotte, qui est grande comme l’île d’Oléron, plus de 30 % de la population est d’origine clandestine !

M. Noël Mamère. Ce n’est pas une raison pour remettre en cause le droit du sol !

M. le ministre de l’outre-mer. Des hommes, des femmes et des enfants ont perdu leur vie en cherchant à passer dans notre pays : on leur avait dépeint la France comme un eldorado ; ils y ont trouvé leur tombeau.

Les politiques publiques s’adaptent avec difficulté à une situation de plus en plus tendue. C’est pourquoi il nous appartient de réfléchir, dans la sérénité, à la meilleure façon de traiter, en premier lieu sur le plan humain, cet important dossier.

M. Noël Mamère. En remettant en cause le droit du sol !

M. le ministre de l’outre-mer. Sur le plan du droit, je souhaite, mesdames et messieurs les députés, appeler votre attention sur les articles 73 et 74 de la Constitution, qui permettent, dans un grand nombre de domaines, d’adapter aux spécificités de chacun de nos territoires les politiques publiques. En 2000, le gouvernement de Lionel Jospin a ainsi pris une ordonnance qui a suspendu pour cinq ans le regroupement familial à Mayotte, et il a eu raison. L’ordonnance a d’ailleurs été reconduite. Auparavant, en 1998, Mme Guigou avait pris une ordonnance traitant de la nationalité dans cette même île de Mayotte sans que cette décision ait aucunement affecté le pacte républicain.

Il nous reste à débattre en toute responsabilité de nos objectifs. Certains ont répondu un peu vigoureusement et peut-être un peu rapidement. Je respecte leur choix. D’autres, avec courage, ont préféré une démarche de lucidité. Je tiens à remercier l’UMP et l’UDF,…

M. Jean-Luc Préel. Très bien !

M. le ministre de l’outre-mer. …– ce n’est pas assez fréquent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) –, ainsi qu’un grand nombre de responsables socialistes, de nous avoir accompagnés dans cette démarche efficace.

Sur ce dossier comme sur tous les autres, le Premier ministre a fixé le cap. Maintenant, il nous faut agir. Je me tourne vers vous, monsieur le Président Debré, pour solliciter l’envoi d’une mission parlementaire à Mayotte, dont les conclusions permettront de nourrir le débat en enrichissant les propositions de Mme Gabrielle Louis-Carabin et de M. Joël Beaugendre. Nous pourrons ainsi décliner les décisions prises en comité interministériel.

Au cours d’un autre débat, tout aussi important, qui a animé la société française, celui sur la laïcité, j’avais le premier, dans un rapport remis à Jean-Pierre Raffarin, proposé l’instauration d’une loi sur les signes religieux à l’école. Je l’avais fait au nom d’une certaine idée que je me fais du pacte républicain, en vue d’améliorer encore notre façon de vivre ensemble. C’est au nom de cette même idée et sans être coupable d’aucune drague électorale,…

M. Jean-Louis Idiart. Vous n’êtes jamais coupable de drague électorale !

M. le ministre de l’outre-mer. …que j’ai pris mes responsabilités. La représentation nationale, d’ici quelques semaines, aura l’occasion de prendre les siennes : je puis vous l’assurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi d’orientation agricole

Discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi d’orientation agricole (nos 2341, 2547).

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de soumettre aujourd’hui à votre examen le projet de loi d’orientation agricole. Le texte qui vous est présenté est le résultat d’un travail approfondi engagé depuis plus d’un an. Mon prédécesseur Hervé Gaymard avait organisé une large consultation dans chacune des régions – y compris, naturellement, en outre-mer –, et les débats ont permis de recueillir les propositions des élus ainsi que celles des responsables des organisations professionnelles et des acteurs du monde rural. Riches et denses, ces travaux ont révélé les attentes et le besoin de tracer de nouvelles perspectives à l’agriculture.

La loi a été ensuite élaborée en concertation avec les représentants des professions et des institutionnels grâce aux pistes tracées par la Commission nationale d’orientation, qui m’a remis son rapport le 20 décembre 2004. Le projet progressivement élaboré apporte des réponses à l’évolution de l’agriculture et aux préoccupations des exploitants, mais cette loi s’adresse naturellement à l’ensemble de la communauté nationale. C’est pourquoi j’ai souhaité présenter le projet au Conseil économique et social, instance représentant les diverses composantes des professions et de la société civile de notre pays. Vous entendrez tout à l’heure son rapporteur.

Depuis le 18 mai dernier, date de l’adoption en Conseil des ministres, les discussions se sont poursuivies et ont permis de renforcer de façon significative le projet qui va être débattu, notamment sur les questions de l’emploi et du foncier.

Enfin, le travail approfondi et constructif réalisé par les commissions de l’Assemblée, dont la commission des affaires économiques, présidée par Patrick Ollier, et l’engagement personnel des rapporteurs de ce projet de loi – Brigitte Barèges pour la commission des lois, Marc Le Fur pour la commission des finances et Antoine Herth pour la commission saisie au fond – ont constitué un apport efficace et pertinent. Je remercie tout particulièrement M. Herth, qui nous a permis d’intégrer de notables améliorations lors de la préparation de ce débat. Les propositions formulées par Jacques Le Guen dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre en juin dernier, en tant que parlementaire en mission, ont permis également de renforcer, sur l’emploi, le projet initialement transmis. Et vous ne manquerez pas, j’en suis certain, de l’enrichir à nouveau.

Quelle est la genèse de ce texte ? Je crois qu’elle est simple : l’agriculture a besoin de perspectives et d’une orientation.

Cette loi d’orientation, le monde agricole l’attend. Pour répondre aux changements de leur environnement international, aux évolutions récentes de la politique agricole commune, aux défis sociaux qui leur sont posés, les agriculteurs de notre pays ont besoin d’un cadre législatif et de perspectives claires. Ils ont besoin d’un statut modernisé favorisant leur capacité à entreprendre ; ils attendent des relations mieux structurées entre la production agricole, sa transformation et sa mise en marché ; ils souhaitent à très juste titre davantage de simplification administrative, de confiance, de légitime reconnaissance pour ce qu’ils apportent à nos concitoyens. L’agriculture, qui est parfois désorientée, a besoin d’orientations.

Mais la loi d’orientation ne répond pas aux seules attentes du monde agricole. Elle vise à renouveler le lien profond qui, depuis tant d’années, unit nos concitoyens à leur agriculture. Elle reconnaît les nouvelles missions et enjeux de l’activité agricole dans une société moderne : enjeux de production et de développement d’une filière agroalimentaire compétitive, mais aussi défis énergétiques, environnementaux et de sécurité sanitaire des aliments.

Nous devons affirmer pour l’agriculture française ces nouvelles perspectives. C’est notre devoir, parce qu’il existe une exception agricole comme il existe une exception culturelle. Qui douterait d’ailleurs que l’agriculture va bien plus loin que le monde des exploitants ? Nos espaces, nos paysages, nos aliments façonnent notre identité : « Heureux comme Dieu en France », dit un proverbe bien connu de nos amis allemands. Ce ne sont pas seulement des atouts naturels : c’est aussi le travail des hommes et des femmes, ce sont nos champs de blé, nos vignes, les vergers, les prairies, les forêts. Que seraient nos arts de la table sans la qualité des produits de notre agriculture ? Que serait même notre indépendance politique et économique sans l’autosuffisance acquise au cours des années de forte croissance ?

Je n’occulte pas les critiques parfois lancées à nos exploitants. Si l’eau vient à manquer du fait de la sécheresse, comme cet été, certains se tournent vers les agriculteurs au lieu d’incriminer le manque de pluviosité ! Certes, les modèles de production retenus au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale ont parfois rendu certains équilibres fragiles, mais nous n’avons plus à souffrir d’un rationnement dont le plus grand nombre de nos concitoyens n’ont même plus la mémoire. Il nous faut aujourd’hui équilibrer certains modes de développement, mais, en quarante ans, l’agriculture française a opéré une mutation sans précédent, sans doute beaucoup plus marquée que dans la plupart des autres secteurs professionnels. Nous avons l’immense atout d’une agriculture qui évolue, innove, s’adapte. Le progrès technique permet pleinement de répondre aux défis d’une agriculture propre. C’est aussi ce contrat entre agriculture et recherche qu’il faut renouveler.

Pour répondre à ces défis, le Président de la République a fixé un cap à Murat, le 21 octobre 2004, « celui d’une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, une agriculture fidèle à ses traditions, confiante dans sa capacité à se moderniser et à se renouveler ».

Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président de la commission des affaires économiques, voilà pourquoi le Gouvernement vous soumet une loi d’orientation. Nous savons quel avenir nous voulons pour la France en matière agricole, pour les exploitants et pour nos concitoyens : une agriculture économiquement forte qui assure des conditions de vie et de travail satisfaisantes aux exploitants ; une agriculture qui maintienne le haut niveau de confiance de nos compatriotes dans la qualité de ses aliments et qui respecte la nature. C’est en effet notre cadre de vie commun. Une nature cultivée est une nature respectée.

Ces orientations, nous pouvons les envisager en toute confiance. L’agriculture et l’industrie alimentaire françaises disposent d’atouts incontestables, que le Premier ministre a rappelés le 13 septembre dernier à Rennes.

C’est d’abord un secteur essentiel pour notre pays : le monde agricole et agro-alimentaire, ce sont 2,5 millions d’emplois en France, emplois qu’il faut conforter non seulement parce qu’ils représentent près d’un actif sur dix, mais aussi parce qu’ils couvrent l’ensemble du territoire, y compris les zones les plus difficiles, comme par exemple en montagne, et créent de ce fait d’autres activités et d’autres emplois partout en France. L’agriculture contribue ainsi à la cohésion de notre nation.

Le secteur agricole et alimentaire est aussi un moteur de notre dynamisme économique. Deuxième secteur industriel en termes de chiffres d’affaires – on l’oublie trop souvent –, il génère un excédent commercial de plus de 8 milliards d’euros et constitue à ce titre le deuxième poste de notre balance commerciale. Il faut y insister : notre industrie agro-alimentaire est puissante et dynamique parce qu’elle s’appuie en grande partie sur un approvisionnement en productions nationales à la fois stable et de qualité. C’est le résultat de quarante années d’effort de modernisation des structures de nos exploitations agricoles et des entreprises coopératives et privées.

L’agriculture constitue aussi un secteur stratégique : les besoins alimentaires sont croissants avec l’évolution de la démographie mondiale. Notre pays entend assumer sa responsabilité envers le monde, y compris pour aider le décollage agricole des pays en développement. Ses atouts naturels comme sa place dans le monde l’y prédisposent.

Deuxième enjeu stratégique, l’autosuffisance alimentaire garantit notre capacité à fixer nos propres normes sanitaires et à contrôler la traçabilité des biens alimentaires. En ces temps où les crises sanitaires sont toujours plus fréquentes, cette exigence de sécurité est un enjeu essentiel pour l’avenir. À cet égard, notre modèle agricole correspond sans ambiguïté à un choix politique de société : le produit agricole n’est un pas un produit comme les autres.

C’est enfin un secteur d’avenir : parmi les pôles de compétitivité retenus par le Gouvernement, quinze sont d’origine agricole et agroalimentaire. La nouvelle Agence nationale pour la recherche, que le Premier ministre mentionnait tout à l’heure, a retenu en première sélection des projets touchant à l’agriculture. Dans le domaine des sciences du vivant, l’Institut national de la recherche agronomique se positionne comme un des établissements de recherche leaders dans le monde. La chimie verte, la thérapie génique sont autant de domaines ouverts qui apporteront des réponses sur des enjeux essentiels pour l’avenir de notre société.

L’avenir est aussi dans la diversité des sources d’énergie. L’agriculture, à travers les bioénergies, offre une alternative aux énergies fossiles. Première productrice de cette « énergie verte », l’agriculture française doit valoriser fortement ces perspectives. Les mesures gouvernementales sur l’incorporation de biocarburants concrétisent déjà cette alternative, mais celle-ci va constituer une orientation de plus en plus marquée du fait du renchérissement et de l’épuisement des énergies fossiles dans le monde. Au-delà de l’énergie, c’est l’ensemble des usages non alimentaires qui doivent être pris en considération, tant les produits agricoles peuvent répondre aux attentes nouvelles des autres secteurs tels que la chimie, la construction et bien d’autres encore.

Quel est l’esprit de ce projet de loi ? Dans un contexte international et communautaire en évolution, l’État va accompagner l’agriculture française. Il va compléter ainsi au niveau national l’action engagée hors de nos frontières.

Ce projet de loi marque donc une nouvelle étape de l’action des pouvoirs publics. Les grandes lois fondatrices des années soixante accompagnaient la construction communautaire qui s’amorçait en définissant un cadre stable pour l’exercice de l’activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l’exploitation agricole. Elles ont organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles intervenaient dans une Europe à six en construction, dans une France très rurale en voie d’industrialisation rapide.

Le projet de loi d’orientation s’inscrit dans la continuité de cette action tout en prenant en compte un nouveau contexte international et la réforme de la politique agricole commune décidée en 2002 et 2003. Il reconnaît aussi la diversification accrue des formes d’exploitation depuis quarante ans, ainsi que l’émergence d’exigences nouvelles de nos concitoyens vis-à-vis des activités agricoles, notamment au cours des quinze dernières années. Son ambition est de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de notre société et concourant à la richesse de notre économie. Agir pour l’agriculture, c’est agir pour la croissance et l’emploi. C’est agir, au-delà du monde agricole et rural, pour l’avenir de notre pays, de son dynamisme économique et de l’attrait de ses régions.

Cette loi, mesdames et messieurs les députés, s’inscrit en cohérence avec nos actions pour l’agriculture sur le plan international ou sur le plan de la politique agricole commune.

Notre action vise d’abord à réaffirmer, comme le Président de la République l’a fait de manière solennelle hier auprès de la Commission, le mandat strict qui lui a été assigné dans le cadre des négociations internationales à l’OMC.

La position de la France est claire et fondée sur des lignes rouges qu’il ne faut en aucun cas franchir : aucune remise en cause par de nouvelles concessions n’est envisageable ; l’enjeu prioritaire est le maintien de la préférence européenne ; nous ne renoncerons aux soutiens à l’exportation que si les autres pays font de même et en apportent la preuve, comme le Premier ministre l’a rappelé le 13 septembre dernier à Rennes.

Le découplage représente un effort important consenti en 2003 par l’Union européenne. Les marges de manœuvre ainsi dégagées devront être valorisées au mieux lors de la négociation de l’OMC. Cette réforme de la PAC, issue du double accord de 2002 et 2003, ne saurait d’aucune manière être remise en cause. Le mandat de la Commission le précise explicitement. Le Gouvernement français le lui a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises – encore dernièrement lorsque Dominique de Villepin a reçu les deux commissaires en charge, Peter Mandelson et Mariann Fischer Boel. Nous veillerons, avec nos partenaires, au strict respect de ce point fixe des négociations.

La France a fait, il y quarante ans, un choix stratégique, celui de la PAC. Nous devons le conforter parce que la PAC s’est construite sur des principes qui restent d’actualité : la création d’un grand marché intérieur unifié, la préférence européenne et la solidarité financière.

Ce choix a entraîné une modernisation remarquable de notre agriculture, qui ne serait pas où elle en est aujourd’hui sans la politique agricole commune.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est vrai !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Celle-ci doit continuer à appuyer son développement sur les avantages d’une politique agricole commune désormais à vingt-cinq – ce qui rend les choses différentes et parfois plus compliquées.

L’agriculture française bénéficie de ce fait de l’existence d’un marché intérieur de plus de 450 millions d’habitants. Lorsque nous allons négocier à l’OMC, forts de ces 450 millions d’habitants, ce n’est pas comme si nous n’étions forts que de notre seule population et de nos seules richesses.

Le retour annuel de la PAC, pour notre agriculture, s’élève à près de 10 milliards d’euros par an. La pérennité des financements, quoi qu’en aient dit certains, est assurée jusqu’en 2013, grâce à l’accord obtenu par le Président de la République en 2002.

M. François Sauvadet. Non, elle n’est pas assurée !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Elle l’est, monsieur Sauvadet, si la France sait se montrer unie. Si nous nous divisons, nous ne ferons qu’aider celles et ceux qui veulent remettre en cause cet accord.

Un tel accord a été possible parce que la France a accepté la réforme de la PAC de 2003.

La PAC est un choix d’avenir pour notre société. Le général de Gaulle l’avait compris avant tous les autres, elle a été le ciment de la construction communautaire et a su continuellement s’adapter pour répondre aux nouvelles attentes de la société. Aujourd’hui, elle est en phase avec les préoccupations environnementales et de sécurité sanitaire des aliments.

Ce cadre reste pertinent et nous voulons le consolider dans la négociation sur les perspectives financières. Comme vous l’avez noté, la France défend avec détermination le budget tel qu’il résulte de l’accord de 2002, signé à l’unanimité – et donc par les Britanniques.

M. Jean-Louis Dumont. Cela aura un prix !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il s’agit d’un point dur, non négociable.

Pour autant, le respect des accords de la PAC ne doit pas nous empêcher de développer une stratégie d’initiative pour préparer l’après 2013.

M. Jean-Louis Dumont. « Pour autant » ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Comme me l’a demandé le Premier ministre à Rennes, je présenterai, avant la fin de l’année, un mémorandum à la Commission. Je le porterai à la signature des autres États européens pour que le poids de la France soit conforté par celui de ses partenaires.

Ce mémorandum soulignera les enjeux, pour la profession agricole, d’une meilleure régulation des marchés et avancera des propositions : la régulation des marchés doit passer par des voies nouvelles, s’appuyant davantage sur les interprofessions, la contractualisation, les systèmes de péréquation. Cela requiert un examen approfondi, y compris en termes de droit de la concurrence au niveau européen.

Cette initiative aura également pour but de conforter notre vision politique de l’agriculture européenne en gagnant l’adhésion de nos partenaires les plus proches de notre position.

Dans ce cadre international, marqué par notre fermeté vis-à-vis de l’OMC et concernant la PAC, le projet de loi d’orientation que j’ai l’honneur de vous présenter fait le choix d’accompagner le nécessaire effort d’adaptation et de modernisation de l’agriculture française

Il vient compléter l’action menée sur le plan international et communautaire en offrant à l’agriculture les moyens d’être plus performante et plus efficace et de mieux répondre à la demande.

Nous baliserons ainsi, dans un monde en évolution rapide, un chemin pour les exploitants – notamment les plus jeunes. Ceux-ci disposent par ailleurs de l’assurance qu’apporte jusqu’en 2013 le double accord européen de 2002 et 2003.

Nous devons afficher avec conviction notre dessein de consolider l’activité économique agricole et de conforter la vision positive de la fonction productive de l’agriculture.

Ce projet dépasse le principe d’un modèle unique d’agriculture fondée sur l’exploitation familiale à « deux unités de travail homme » – en général l’agriculteur et son épouse – et propose de nouvelles voies.

Dans ce cadre, il souligne la multifonctionnalité de l’agriculture et sa contribution à des services non marchands, en termes d’occupation des espaces et de préservation de l’environnement.

Enfin, il prend en compte les attentes de la société en matière de sécurité sanitaire, d’environnement et de qualité des produits.

Redonner des marges de manœuvre à l’agriculture pour lui permettre de conserver son efficacité économique : c’est le seul moyen pour qu’elle reste présente sur nos territoires et continue à créer des emplois.

Aussi, mesdames et messieurs les députés, la loi d’orientation agricole est-elle fondée sur un triple impératif : économique, environnemental et sanitaire. Elle prolonge l’action engagée par le Gouvernement en faveur des agriculteurs, notamment pour sécuriser leurs revenus. Nous sommes déterminés à aller plus loin grâce à cette loi.

Le premier impératif est économique : la défense de notre modèle agricole, de nos industries agro-alimentaires et de notre indépendance alimentaire nécessite un secteur et des entreprises efficaces et performantes.

Nous voulons des entreprises agricoles puissantes, fondées sur la valorisation de la démarche d’entreprise.

Comme nous le constatons dans nos départements et nos régions, les formes d’exploitation se sont diversifiées.

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Elles font place de plus en plus souvent aux formes sociétaires – nous le voyons lorsque des jeunes s’installent.

La nécessité se fait par ailleurs sentir d’appréhender globalement l’ensemble des facteurs de production en tant qu’entité économique capable de dégager un revenu.

Le projet de loi vise à encourager la formation d’exploitations organisées autour d’une démarche d’entreprise, en conservant la responsabilité personnelle. C’est pourquoi il crée le fonds agricole et introduit la cessibilité du bail rural.

M. Jean-Louis Dumont. C’est une régularisation !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le bail cessible permettra à un exploitant de transmettre globalement une exploitation hors cadre familial. Cette possibilité supposera le libre choix entre les parties ; elle ne se substitue pas au bail rural classique.

Le fonds agricole permettra, quant à lui, de mieux reconnaître la valeur du travail agricole, et de mieux distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l’exploitation agricole. Il ne renchérit pas le coût des cessions : il ne crée, en effet, aucune valeur nouvelle, mais identifie les éléments de la valeur économique de l’exploitation existant aujourd’hui sans reconnaissance juridique, tout spécialement dans les exploitations individuelles. À l’initiative de votre commission des finances, il bénéficiera d’une neutralité fiscale.

Pour promouvoir la forme sociétaire, le projet de loi permet aux associés d’EARL de conserver leur statut fiscal de type personnel, en dehors du cadre familial. Le Premier ministre a annoncé, à Rennes, le 13 septembre la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants. Cette disposition sera intégrée dans le projet du Gouvernement au moment de la discussion des articles.

Tenant compte de l’évolution des structures d’exploitation, le projet de loi introduit deux dispositions que je voudrais mentionner ici.

D’abord, le contrôle des structures est simplifié. Nous avons trouvé un point d’équilibre – et Dieu sait que ce n’était pas simple – entre les différentes parties, en permettant d’exonérer du contrôle les opérations portant sur des liens de famille et en relevant les seuils d’opérations soumises à contrôle.

Ensuite, et c’est important pour les jeunes, un mécanisme fiscal d’incitation à la transmission progressive est instauré.

Enfin, le projet de loi apporte une réponse aux difficultés réelles d’exercice de ce métier, qui ne connaît ni les 35 heures ni la RTT. Il favorise, par un crédit d’impôt, le remplacement pour congé des agriculteurs, notamment les éleveurs, dans le cas où leur activité nécessite une présence quotidienne sur l’exploitation.

Naturellement, il nous faut des marchés efficaces, sur lesquels l’équilibre entre producteurs et aval est assuré. Car il convient, en premier lieu, de sécuriser les revenus des exploitants. C’est une nécessité absolue à un moment où les instruments communautaires de régulation viennent d’être profondément modifiés pour répondre aux nouvelles règles du commerce international. À l’intérieur des marges de manœuvre autorisées par le cadre communautaire, le Gouvernement privilégie le renforcement de l’offre, la gestion des risques et la baisse des charges.

Sécuriser les revenus, c’est souvent renforcer l’organisation des filières : les missions des interprofessions seront étendues, de manière à leur permettre d’intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés ou la gestion des crises ; la contractualisation sera encouragée, dans la mesure où elle permet une relation mieux équilibrée entre l’amont et l’aval ; la coopération agricole, qui a un rôle essentiel à jouer dans l’équilibre des filières,…

M. Jean-Louis Dumont. Mais qui est en partie bridée !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …bénéficiera d’un statut modernisé. Des responsabilités nouvelles seront confiées à un Haut Conseil de la coopération et les relations financières avec les adhérents coopérateurs seront améliorées.

Sécuriser les revenus, c’est encore développer les outils de gestion des risques, qu’ils soient climatiques et/ou conjoncturels – nous l’avons vécu cet été. Le projet de loi favorise le développement de l’assurance récolte, qui connaît depuis quelques mois un grand succès et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.

Sécuriser les revenus, c’est enfin baisser les charges. Après les mesures qu’il a annoncées sur les carburants, et conformément à la volonté du Président de la République exprimée dans son discours de Murat, le Premier ministre a décidé la diminution progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles.

M. Christian Paul. Très progressive !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous n’avez rien fait pendant cinq ans !

M. Christian Paul. Ça viendra !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Cette baisse de 20 % sera mise en œuvre dès 2006 par la loi de finances, si le Parlement le veut bien ; elle représente 140 millions d’euros – ce qui, dans un département proche du mien, la Dordogne, représente 8 % de baisse des charges. Elle sera intégralement compensée par l’État, à l’euro près, à toutes les communes, au cours du même exercice budgétaire.

M. Jean-Louis Dumont. Ça, c’est pour le folklore !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous le direz aux agriculteurs…

Il nous faut enfin un environnement administratif simplifié, qui valorise l’acte de production.

Le Premier ministre l’a rappelé, il est nécessaire d’aller vers plus de simplification. C’est d’autant plus valable en matière agricole. Il convient de déréglementer et de faciliter le travail des agriculteurs, soumis aux paperasses et aux nombreuses procédures. (« En effet ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous devons permettre aux exploitants de se concentrer sur leur métier, qui n’est pas de remplir des formulaires, mais de produire.

M. Jean-Charles Taugourdeau et M. Antoine Carré. Très bien !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous créons à cette fin une agence unique de paiement pour les aides du premier pilier ; celles du second pilier seront entièrement versées par un seul organisme, en l’occurrence le CNASEA. Le dispositif de développement agricole sera modernisé.

M. Jean-Louis Dumont. Et que devient l’organisme de contrôle ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. La performance économique renforcée concourra à créer des emplois, pour lesquels des dispositions spécifiques seront également proposées.

L’impératif sanitaire est également très important pour nos concitoyens. L’agriculture doit répondre aux nouvelles exigences de la société en termes de sécurité sanitaire des aliments.

Le projet de loi complète le dispositif de sécurité sanitaire des aliments en confiant l’évaluation du risque lié aux fertilisants et produits phytosanitaires à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments – dont la réputation de qualité ne peut être mise en doute.

La qualité des produits doit être valorisée et la lisibilité des signes de qualité pour le consommateur améliorée. C’est pourquoi nous souhaitons créer un institut unique de la qualité regroupant tous ces signes. Cette recherche de la qualité, nos compatriotes la demandent et veulent en être informés. Chacun sait aujourd’hui ce qu’Hippocrate déclarait : « L’alimentation sera ta médecine. »

M. Michel Piron. Très juste !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il est vrai qu’une alimentation saine, sûre et équilibrée est un des fondements de la santé.

Un autre de nos impératifs est environnemental. Nos compatriotes attendent des signes clairs du respect de l’environnement par les exploitants. Nous voulons répondre à leurs attentes et conforter la mutation des modes de production déjà engagée par la profession dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune. L’agriculture biologique, qui est moins développée en France que dans d’autres pays européens, sera encouragée au travers d’un crédit d’impôt pour les agriculteurs ayant achevé leur conversion. Le projet de loi instaure également la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans certains territoires où les enjeux environnementaux sont particulièrement importants.

Les bioénergies, sujet cher à beaucoup d’entre vous, offrent des perspectives d’avenir pour la production agricole. À l’évidence, l’agriculture a une carte à jouer dans le développement de l’utilisation de la biomasse.

M. François Brottes. Enfin !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous en sommes encore aux débuts, mais il s’agit là sans doute de l’enjeu stratégique majeur des prochaines années. Conscient de cet enjeu, le Gouvernement en a fait un axe fort du projet de loi.

L’article 11 prévoit que le Gouvernement ouvre la possibilité à la production agricole et forestière de participer aux bilans et mécanismes de marché en vue de remplir nos engagements internationaux en matière de lutte contre l’effet de serre. Au-delà de l’impact sur le plan environnemental, l’agriculture trouvera dans ces mesures des possibilités de conquérir de nouveaux débouchés non alimentaires et donc de se créer des marchés.

Parallèlement, l’agriculture doit miser sur l’innovation et la recherche. À cet effet, le projet de loi d’orientation agricole habilite le Gouvernement à adapter par ordonnance l’organisation du dispositif génétique français. Les éleveurs ont été associés aux travaux de révision de la loi sur l’élevage de 1966 et je souhaite que nous puissions répondre à leurs besoins. Ambitieuse, cette réforme doit simplifier et adapter le dispositif au droit communautaire tout en préservant la diversité des ressources génétiques des animaux. Nous devons à présent la finaliser, afin que l’ordonnance puisse être publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.

J’ai évoqué en introduction le débat qui a suivi l’adoption en conseil des ministres de ce texte, le 18 mai. C’est pourquoi je me dois de vous présenter les améliorations que – souvent grâce à vous – nous avons pu apporter au texte originel. Les modifications portent notamment sur le foncier et l’emploi : elles sont le fruit des discussions qui se sont poursuivies avec les organisations agricoles et vos rapporteurs, mais aussi nombre d’entre vous, sur tous les bancs de cette assemblée.

S’agissant du foncier, tous les élus locaux connaissent les conflits d’usage entre la culture et les autres activités ou le développement de la périurbanisation. Le débat parlementaire pourrait être l’occasion, comme je m’y étais engagé devant le Conseil économique et social, de renforcer, grâce à vos amendements, la prise en compte de l’agriculture dans les documents d’urbanisme.

Quant à l’emploi, nous sommes en mesure d’étoffer sensiblement le projet initial. Agir pour l’agriculture, c’est aussi agir pour l’emploi, priorité du Gouvernement conduit par Dominique de Villepin. L’objectif est d’alléger le coût total de l’emploi, d’améliorer la rémunération et donc le pouvoir d’achat, mais aussi d’accroître la sécurité de l’emploi. Le Gouvernement proposera ainsi la création d’un contrat « jeune saisonnier agricole », la mise en place d’une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, ainsi qu’une mesure en faveur des groupements d’employeurs. Plusieurs de ces propositions sont inspirées du rapport de votre collègue Jacques Le Guen. Elles visent à mieux prendre en compte l’importance du travail saisonnier dans certaines productions agricoles, comme les fruits et légumes ou la viticulture.

Comme je l’ai dit devant la commission des affaires économiques, je suis tout disposé à enrichir ce projet de loi de mesures en faveur de la montagne.

M. François Brottes. Très bien, monsieur le ministre ! Cela manque aujourd’hui !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je l’ai dit en particulier aux élus de l’Association nationale des élus de la montagne, notamment M. Brottes et M. Saddier.

M. Jean-Louis Dumont. N’oubliez pas la plaine tout de même ! (Sourires.)

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’ai confiance, monsieur Brottes, en votre intelligence et en votre sens des responsabilités pour faire des propositions que nous pourrions reprendre, avec l’appui de la majorité, dans ce texte de loi.

Au cours de la réunion de la commission des affaires économiques, et en d’autres circonstances, plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur les ordonnances qui accompagnent ce texte…

M. François Sauvadet. Parlons-en !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …et qui couvrent des champs aussi divers et importants que le statut du fermage, la loi sur l’élevage ou la protection sociale agricole. Vous me connaissez suffisamment pour savoir que mon intention n’est pas de vous priver de débat sur des questions aussi essentielles pour l’agriculture. Les ordonnances proposées, dont l’examen en commission a d’ailleurs permis de réduire de moitié le nombre initialement prévu,…

M. Christian Paul. Heureusement !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …n’ont d’autre but, monsieur Paul, que de simplifier les complexités que les gouvernements que vous souteniez ont apportées à l’agriculture française pendant de nombreuses années, en supprimant certaines dispositions obsolètes ou relevant manifestement plus du domaine réglementaire que de la loi, ce à quoi l’Assemblée nationale est très attachée. Je souhaite que les parlementaires disposent d’un descriptif complet sur le contenu des mesures de chaque ordonnance et qu’ils soient associés à sa rédaction. Je me suis adressé aux présidents des commissions en ce sens. Le Parlement aura ainsi une connaissance complète et cohérente de la portée et du contenu des dispositions.

M. François Sauvadet. C’est une avancée à laquelle nous sommes sensibles !

M. Christian Paul. Paroles, paroles !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. En définitive, pour répondre aux évolutions actuelles et renforcer notre agriculture de demain, le texte offre des outils importants en vue d’accroître la compétitivité des secteurs agricole et agro-alimentaire. Nous accompagnerons ainsi l’agriculture dans la recherche de nouveaux débouchés, notamment non alimentaires, et soutiendrons le renouvellement des générations pour maintenir vivante notre tradition agricole.

M. Jean-Louis Dumont. N’oubliez pas les petits propriétaires fonciers !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. L’agriculture témoignera ainsi de notre engagement en faveur du développement durable, d’une croissance agricole soucieuse des équilibres écologiques et d’une répartition équitable des fruits de la richesse créée et de territoires intégrés. Enfin, la simplification des procédures et de l’organisation administratives participera à l’objectif de réforme et de simplification de l’État voulu par le Premier ministre.

Mesdames, messieurs les députés, en vous soumettant ce projet important, le Gouvernement affirme sa confiance dans les atouts de notre agriculture et sa détermination à bâtir, selon les vœux du Président de la République, une « agriculture économiquement efficace et écologiquement responsable ». Je crois qu’une telle ambition peut être partagée sur tous les bancs de cette assemblée, car nous sommes certains que les agriculteurs et la nation tout entière seront fiers de leur agriculture.

Parce qu’elle est notre patrimoine et notre identité, je conclurai en citant La Fontaine, qui, dans Le laboureur et ses enfants – autre élément de notre patrimoine –, affirme : « Un trésor est caché dedans. » Ce trésor, c’est le travail des paysans. Nous pouvons contribuer à l’enrichir par le nôtre, celui que nous ferons ensemble au cours de l’examen de ce projet de loi d’orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Louis Dumont. Nous sommes tous des laboureurs !

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a déposé ce projet de loi d’orientation agricole sur le bureau de l’Assemblée nationale le 18 mai. À l’invitation du président Patrick Ollier, j’ai immédiatement engagé les auditions pour préparer les travaux de la commission des affaires économiques. M. le ministre l’a rappelé, la rédaction du texte a été précédée d’une large consultation nationale. Nous entendrons d’ailleurs le compte rendu du rapporteur du Conseil économique et social sur ce sujet. En quelque sorte, le terrain a été défriché. Depuis, le texte originel a connu des améliorations, que je salue, s’agissant notamment des ordonnances. Le président Ollier, qui a été pour beaucoup dans cette évolution positive, y reviendra.

Avant d’évoquer le corps du texte, je veux brièvement revenir sur sa justification, ainsi que sur le contexte dans lequel il se place. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, l’agriculture française est aujourd’hui confrontée à de multiples défis, qu’il s’agisse de l’accroissement de la concurrence planétaire ou de l’évolution constante de la politique agricole commune.

S’agissant des enjeux internationaux, et plus particulièrement des négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce, je rappellerai les sujets en discussion : la disparition progressive des subventions à l’exportation ; l’accès au marché et le traitement des produits sensibles ; la reconnaissance et la protection des indications géographiques, qui nous intéresse beaucoup. Il s’agit pour l’Europe, et particulièrement pour la France, de consolider notre économie agro-alimentaire, et plus encore, d’assurer la qualité et la typicité des aliments qui, demain, seront dans nos assiettes.

S’agissant de la politique agricole commune, permettez-moi de rappeler quelques étapes marquantes de son histoire. Les réformes successives – Mac Sharry en 1992, accords de Berlin en 1999, accords de Luxembourg en 2003 – ont progressivement affaibli les protections aux frontières et la gestion publique des marchés en les remplaçant par des aides directes aux producteurs. En 1998, commença la mise en place du deuxième pilier de la politique agricole commune, avec, récemment, l’éco-conditionnalité et, à partir du 1er janvier de l’année prochaine, le découplage complet des aides par rapport aux productions, même si, sur certains produits en particulier, la France a choisi de maintenir un degré plus ou moins important de couplage.

On peut attendre des effets positifs de l’évolution de la PAC, au premier chef de nous donner des marges de manœuvre à l’Organisation mondiale du commerce. Quant aux producteurs, ils pourraient en retirer des marges d’initiative pour répondre de façon plus pointue aux attentes des consommateurs.

Mais cette réforme comporte également des risques, notamment l’absence de pilotage des productions par les pouvoirs publics, qui nécessite de revoir complètement l’organisation des filières.

Je reviendrai également sur quelques éléments plus conjoncturels dont la presse se fait souvent l’écho.

Le marché des matières premières est de plus en plus tendu. C’est une donnée récurrente qu’il faut prendre en compte dans nos réflexions. Il n’est que de voir la flambée des prix de l’acier ou de ceux du pétrole. Il est également à craindre pour demain des tensions très fortes sur certains produits agricoles ou agro-alimentaires.

Un autre élément à avoir en mémoire est l’intensification de la concurrence sur certains produits, tels que la banane, le sucre européen et, malheureusement pour la France, le vin.

Sont également régulièrement publiés dans la presse des débats, voire des polémiques, sur les impacts de l’activité agricole sur l’environnement. De même, les consommateurs sont préoccupés de la qualité sanitaire des aliments.

Qu’on s’en félicite ou qu’on le regrette, tous ces sujets font souvent l’actualité, mais ils manquent de lisibilité et de cohérence. Le débat d’orientation agricole que nous allons mener sera l’occasion de donner des perspectives et de remettre l’ensemble de ces éléments dans un ordre logique, et par là même de répondre aux attentes de nos concitoyens.

C’est le but même d’une loi d’orientation agricole : elle doit à la fois définir les enjeux internationaux et anticiper les évolutions de la politique agricole commune. Je rappelle que la dernière loi d’orientation a été adoptée dans cet hémicycle en 1999. Elle faisait suite à une réforme de la politique agricole commune, consacrant la politique de développement rural comme « deuxième pilier » de celle-ci. Il fallait bien évidemment en tenir compte dans notre droit national.

Nous franchissons aujourd’hui une nouvelle étape. Il est bon d’en tenir compte.

Mais – et je n’y insisterai jamais assez – ce débat d’orientation doit déboucher sur un débat de société car il importe de définir l’essence même de l’activité agricole et sa finalité et examiner comment elle peut répondre aux attentes de nos concitoyens. C’est, à mes yeux, la contribution essentielle de nos discussions à venir.

Le présent projet de loi d’orientation s’inscrit dans une histoire : la loi de 1960 a promu et favorisé l’« exploitation de type familial » ; celle de 1999 a introduit le concept de « multifonctionnalité ».

Il convient, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, d’aller plus loin, sans renier le passé, en fournissant à nos agriculteurs les moyens techniques et juridiques de rester dynamiques.

Cette loi d’orientation témoigne également que nous avons de la suite dans les idées. Il convient, en effet, non seulement de fixer le cap, mais également de définir les moyens à mettre en œuvre. C’est ce qui a dérouté certains de nos collègues, qui ne voyaient en elle qu’une loi de modernisation ou d’adaptation. Elle est en fait à deux étages : elle propose à la fois une vision et des moyens d’application.

D’abord, il convient de renforcer la compétitivité de l’agriculture française. C’est l’objet des articles 14 et 15, qui tendent à renforcer l’organisation économique des producteurs et à améliorer le fonctionnement des interprofessions ; des articles 16 et 17, qui portent sur la modernisation du statut de la coopération agricole ; de l’article 18, relatif au développement de l’assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles et à la forêt ; et de l’article 20, qui vise à renforcer les capacités d’autofinancement des entreprises et à développer l’assurance récolte, instituée par le précédent gouvernement.

L’ensemble de ces mesures a pour but de rénover le lien qui unit les filières de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles et agro-alimentaires. L’enjeu n’est pas seulement agricole, il est de soutenir un pan essentiel de l’économie française.

Il faut ensuite rénover le statut des exploitants agricoles. C’est l’objet des premiers articles du projet de loi, qui permettront de dépasser progressivement l’approche strictement patrimoniale de l’agriculture pour favoriser une démarche d’entreprise.

L’article 1er tend à instituer un fonds agricole. Il a fait l’objet d’importants débats au sein de la commission. J’y reviendrai plus loin.

L’article 2 vise à créer un bail cessible de fermage.

L’article 4 prévoit la promotion des formes sociétaires en agriculture.

L’article 6 porte sur la transmission des entreprises, sujet particulièrement sensible pour les jeunes agriculteurs.

Mes chers collègues, compte tenu des nombreuses questions soulevées lors des débats en commission sur ces questions, je me propose de demander la réserve sur les articles 3, 4, 5 et 6 afin que nous puissions examiner de façon cohérente l’article 1er, qui porte sur le fond, l’article 2, qui institue le bail cessible, et les amendements qui ont été débattus en commission portant sur les articles additionnels après l’article 6 afin d’avoir une vision globale du nouveau dispositif législatif proposé, qui nous tient à cœur. Les réponses apportées par M. Marc Le Fur et la commission des finances me semblent en effet à même de répondre aux nombreuses interrogations qui subsistent.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Très bien !

M. Antoine Herth, rapporteur. Ce que nous voulons, c’est donner aux entreprises agricoles familiales les mêmes atouts qu’aux PME en milieu rural.

Il convient, enfin, de fixer des orientations pour l’avenir et, notamment, de nouvelles perspectives de développement pour l’agriculture.

Je me félicite des articles 32 et 33 relatifs à la préservation et à la mise en valeur de la ressource foncière, notamment en outre-mer, de l’article 24 qui prévoit la création d’instruments fiscaux visant à favoriser l’agriculture biologique, de l’article 25 qui instaure dans les baux des clauses environnementales sur certaines zones protégées, et de l’article 21 qui permettra une meilleure évaluation des risques phytosanitaires.

Nous nous étions interrogés en commission sur l’absence de référence dans le texte aux organismes génétiquement modifiés. M. le ministre nous a répondu puisqu’il nous a informé qu’un projet de loi distinct serait soumis à l’Assemblée nationale sur ce sujet.

L’agriculture est évidemment concernée au premier chef par l’environnement. Cela était déjà mis en avant dans la loi de 1999, avec l’introduction du concept de « multifonctionnalité ». Une nouvelle étape doit être franchie en donnant aux agriculteurs la possibilité de valoriser cette multifonctionnalité, non seulement par l’octroi d’aides publiques, avec le cortège de paperasse que cela suppose, mais aussi par la création de nouveaux marchés.

C’est l’objet de l’article 11 qui prône une meilleure prise en compte, conformément aux accords de Kyoto, des conséquences en matière d’émissions de gaz à effet de serre des activités agricoles et forestières, de l’article 12 relatif à l’utilisation des huiles végétales pures comme carburant agricole, et de l’article 13 qui tend à donner la possibilité à l’Office national des forêts de s’engager dans la valorisation des produits forestiers.

La commission des affaires économiques – M. Ollier le confirmera – a beaucoup travaillé sur ce texte et les discussions qui ont eu lieu, de manière informelle, tout au long de l’été ont porté leurs fruits. J’en veux pour preuve les avancées du Gouvernement par rapport au texte originel – M. le ministre en a parlé – et, notamment, la réintégration dans le projet de loi de mesures prévues par ordonnances, dont nous nous félicitons.

Je présenterai les amendements adoptés par la commission des affaires économiques en les regroupant sous quatre chapitres.

Le premier concerne le développement de nouveaux débouchés pour les produits agricoles et, en particulier, les biocarburants.

La commission a adopté un amendement qui donne forme législative aux perspectives annoncées par le Premier ministre dans son discours de Rennes. S’agissant spécifiquement de l’éthanol, elle a adopté un amendement visant à améliorer l’information sur les spécifications techniques des essences. Un autre est destiné à sensibiliser le public à la présence de biocarburants dans les stations services en rendant obligatoire une information à ce sujet. Enfin, la commission a adopté un dispositif permettant le développement des huiles végétales pures comme carburant. Ce dispositif était prévu dans le texte, mais nous souhaitons le renforcer et surtout clarifier les modalités techniques à respecter. Nous en débattrons, la commission des finances ayant également abordé ce thème. Nous devrons trouver une solution qui convienne à l’ensemble des parlementaires présents dans cet hémicycle.

Le deuxième chapitre dans lequel on peut classer les amendements de la commission des affaires économiques concerne les réponses à apporter aux préoccupations environnementales, de santé et de sécurité sanitaire.

Nous nous félicitons des initiatives prises par certains parlementaires visant à favoriser la création de zones agricoles protégées. Elles ont été reprises dans des amendements de la commission.

Sur le plan sanitaire, il nous a paru important de retenir un amendement déposé par nos collègues du parti socialiste imposant la présence d’étiquettes rédigées en français sur les produits phytosanitaires. Cela nous a semblé en effet la moindre des choses pour assurer l’information des consommateurs.

La commission des affaires économiques s’est également penchée sur la question de la dispersion et de l’impact des produits phytosanitaires sur le milieu naturel. Nous souhaitons vivement, monsieur le ministre, plus de clarté en la matière et une information régulière sur ce sujet.

La commission a également adopté un amendement visant à appliquer le principe de la transparence GAEC au crédit d’impôt « bio » que le Gouvernement a prévu de mettre en place. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil du rapport présenté en son temps par M. Saddier sur le développement de l’agriculture biologique.

Le troisième chapitre concerne la promotion de l’emploi en agriculture.

Je dois une fois de plus – et c’est avec grand plaisir – rendre hommage au travail de Jacques Le Guen. Le rapport qu’il a remis au Premier ministre nous a permis d’enrichir ce texte, qui comportait certaines faiblesses en la matière.

La commission a adopté à cet effet trois amendements : le premier tend à créer un contrat emploi-formation agricole, le deuxième à inciter à l’embauche dans les groupements d’employeurs et le troisième – très attendu – à instituer un contrat jeune saisonnier agricole.

Par ailleurs, M. Ollier propose de promouvoir la participation et l’intéressement par l’accès des salariés au statut d’associés non coopérateurs. Cette disposition a également été retenue par la commission des affaires économiques.

Le quatrième et dernier chapitre concerne, plus généralement, l’établissement d’un cadre juridique favorable au développement des exploitations.

Dans le cadre du bail cessible, la commission a adopté un amendement visant à assouplir les règles de fixation des loyers au bénéfice des fermiers ainsi qu’un amendement tendant à préciser les modalités de calcul de l’indemnité due en cas de non renouvellement du bail.

Plus généralement, la commission a adopté le principe d’une meilleure évaluation de la rente du sol.

De même, pour favoriser l’apport de capitaux en agriculture, elle a supprimé par amendement la cotisation de solidarité des associés non exploitants.

Enfin, elle a fixé un cadre précis pour la contractualisation au sein de filières.

Le dernier point que je veux signaler est encore tout chaud, si je puis dire : il concerne l’article 23. La commission des affaires économiques avait adopté, au cours de sa première séance, un amendement de suppression de cet article, lequel, je le rappelle, autorisait le Gouvernement à prendre des dispositions par ordonnances. Je tiens à remercier ce dernier d’avoir déposé un amendement qui réintègre dans le débat d’orientation les orientations majeures sur les signes officiels de qualité.

Voilà très brièvement, ou trop longuement pour certains, exposée la contribution que la commission des affaires économiques compte apporter au texte en discussion.

Le monde agricole met, à n’en pas douter, beaucoup d’espoir dans nos travaux. Il en attend de nouvelles perspectives et une juste reconnaissance de la valeur de son travail.

Mais, plus encore, il nous faudra replacer l’activité agricole dans le cadre de l’intérêt général du pays et apporter une réponse aux préoccupations des Français.

À nous d’orienter, d’éclaircir l’avenir.

Je ne résiste pas, après M. le ministre, au plaisir d’évoquer l’image du laboureur, citant deux vers de l’un de nos illustres prédécesseurs : Victor Hugo. Dans un poème intitulé « Éclaircie », celui-ci écrivait :

« Le grave laboureur fait ses sillons et règle

La page où s’écrira le poème des blés »…

Il nous revient à présent, comme le prévoit le poète, de tracer les sillons où pourront prospérer une agriculture et un secteur agro-industriel en phase avec les attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. On a intérêt à remettre la charrue !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le général de Gaulle disait, il y a fort longtemps : « Un pays qui ne peut pas se nourrir lui-même n’est pas un grand pays. »

C’est pourquoi la sécurité des approvisionnements a été l’objectif fondateur de la politique agricole commune, les orateurs précédents l’ont d’ailleurs tous rappelé. Cet objectif économique stratégique est plus que jamais d’actualité.

Sous l’effet de la mondialisation et de la concurrence accrue des pays tiers à la Communauté européenne, la situation économique des agriculteurs devient, hélas ! de plus en plus fragile.

II est donc légitime que le monde agricole s’interroge sur son avenir. Cette loi d’orientation agricole est une première réponse, non la seule. Elle présente de nombreuses avancées permettant à l’agriculture française de répondre aux attentes nouvelles de la société, cela a été indiqué à plusieurs reprises. Elle vise notamment à conforter les exploitations agricoles en favorisant leur évolution vers une démarche d’entreprise.

La commission des lois a jugé opportun de se saisir pour avis de six articles de ce projet de loi.

L’article 1er – c’est assez original – a pour objet de créer un fonds agricole comparable au fonds de commerce et au fonds artisanal existants et offre la possibilité d’effectuer le nantissement de ce fonds, c’est-à-dire d’accorder à celui qui en sera titulaire de nouvelles garanties financières.

Les articles 2, 3, 5, 25 et 31 modifient le statut du fermage, notamment – c’est une autre originalité de ce texte – en créant un nouveau type de bail à ferme cessible hors du cadre familial. Cette matière impliquait une saisine de la commission des lois car elle relevait du droit des baux et de la propriété.

J’évoquerai rapidement l’ensemble des articles examinés par la commission des lois. Ils ont été quelque peu amendés, en accord avec le Gouvernement et la commission des affaires économiques.

L’article 1er prévoit la création d’un vrai fonds agricole. Cela permettra de dissocier la mise en valeur d’un ensemble foncier de l’entreprise agricole, comme cela existe déjà en matière commerciale et artisanale. Le fonds agricole ainsi instauré sera un ensemble de droits corporels et incorporels intégrant la clientèle, les contrats de sous-traitance, les droits à produire – c’était un grand débat –, les droits à prime et les autres autorisations d’activités agricoles, et enfin les baux ruraux.

Afin de conforter le parallèle avec le fonds de commerce et le fonds artisanal, l’article 1er ouvre la possibilité de procéder au nantissement de ce fonds agricole. Celui-ci sera pour l’exploitant un levier supplémentaire qui démultipliera sa capacité d’emprunt en lui offrant la possibilité de développer son entreprise par un apport substantiel de capitaux, qui seront garantis par le nantissement. Il restera à déterminer l’assiette susceptible nantie d’être par rapport au warrant agricole, qui existe déjà.

Si le nantissement du fonds agricole est le corollaire de la création du fonds agricole, il importe d’éviter toute superposition sur un même bien de deux sûretés réelles distinctes : le warrant agricole et le nantissement du fonds agricole, qui peuvent tous deux concerner le cheptel et les stocks. On devra préciser comment sera coordonnée l’information du prêteur dans la mesure où le nantissement sera inscrit au greffe du tribunal de commerce alors que le warrant est inscrit au greffe du tribunal d’instance. Il est donc nécessaire d’organiser au plan réglementaire cette double information au titre de ces sûretés.

L’article 2 créé le fameux bail cessible hors du cadre familial, disposition tout à fait originale. Il coexistera avec l’actuel statut du fermage, qui continuera à remplir son office. Il s’agit d’un outil juridique supplémentaire, facultatif, original, je le répète, qui s’inscrit totalement dans la démarche d’entreprise que vise à souligner la loi d’orientation agricole.

Il déroge, en effet, au statut du fermage sur plusieurs points. Il est cessible hors du cadre familial, comme son nom l’indique, à tout tiers agriculteur, alors que le bail à ferme réservait la cession à des cas limités : au profit du conjoint ou des descendants du preneur.

La durée du bail sera de dix-huit ans au minimum alors que le bail à ferme ordinaire est conclu pour une période de neuf ans renouvelable. Il s’agit d’un bon compromis prenant en compte la volonté de sécurité du fermier et la plus grande liberté du bailleur d’y mettre fin. En contrepartie de cette durée plus longue, le bailleur pourra s’opposer au renouvellement du bail à l’expiration de la période de dix-huit ans sans avoir à fournir de motif. L’originalité de cette disposition mérite d’être soulignée car il s’agit d’une disposition totalement dérogatoire au droit commun du fermage. Cependant, l’absence de la nécessité d’un motif pour le non-renouvellement du bail entraînera le versement au fermier d’une indemnité du bailleur.

Comment s’articuleront cette nouvelle indemnité créée en cas de non-renouvellement d’un bail cessible hors du cadre familial et celle due au preneur sortant, existant déjà dans le statut du fermage ? La jurisprudence le déterminera, mais nos débats permettront de clarifier ces points. Nous en avons débattu dans le cadre de la commission des lois et de la commission des affaires économiques.

Dans un cas l’indemnité due en cas de non-renouvellement est accordée sur le fondement d’un préjudice alors que l’indemnité due au preneur sortant l’est plutôt au titre des améliorations apportées au fonds. Le débat reste ouvert.

En contrepartie de la durée plus longue du bail, les parties pourront convenir d’un fermage plus important majoré dans la limite de 50 % des minima et maxima encadrant le prix des fermages déjà existants.

Quelques similitudes avec le fonds de commerce méritent d’être soulignées. Comme en matière de bail commercial, il est prévu de payer au preneur une indemnité pour défaut de renouvellement du bail. La procédure de cession du bail est proche de la procédure de cession du bail commercial, notamment en ce qui concerne la notification au bailleur du projet de cession du bail, ce qui semble tout à fait normal.

Il sera possible enfin d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs lors de la cession du bail, comparable au pas-de-porte qui existe en matière commerciale, ainsi que dans le statut du fermage pour certaines régions.

L’article 3 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives concernant le statut du fermage, et M. le ministre a rappelé tout à l’heure dans quel contexte elles s’appliquaient. En ce qui concerne le fermage, les critiques formulées n’étaient pas pertinentes, car les modifications essentielles sont présentes dans les articles codifiés et nous pourrons parfaitement en débattre.

L’article 5 a pour objet principal d’assouplir les règles relatives aux autorisations d’exploiter, c’est-à-dire de ce qui relève de la commission des structures. Certains assouplissements non négligeables ont été apportés notamment la suppression de la consultation de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, le relèvement des seuils de superficie exigeant l’obtention d’une autorisation et surtout la simple déclaration préalable – et non pas l’autorisation préalable – pour certaines opérations. De plus, cet article prévoit la prise en compte de nouveaux critères pour délivrer l’autorisation d’exploiter, afin de mettre en conformité le contrôle des structures avec la transformation de l’exploitation agricole. Cet article va dans le bon sens, monsieur le ministre, même si j’aurais souhaité que l’on aille plus loin. Mais il s’agit déjà d’une avancée considérable par rapport à la complexité et à la rigidité de ce système du contrôle des structures.

L’article 25 s’inscrit totalement dans les démarches environnementales qui ont présidé à la conception du projet de loi d’orientation agricole, puisqu’il permet pour renforcer la dimension environnementale des pratiques agricoles, d’inclure dans le bail des clauses environnementales dans certaines conditions touchant à la personne du bailleur ou à la situation des parcelles mises à bail. Il est intéressant de constater qu’un bail comportant de telles clauses ne sera plus soumis non plus aux minima fixés par l’autorité administrative pour les baux à ferme, afin de permettre au preneur d’obtenir en contrepartie des nouvelles contraintes qui pèseront sur son exploitation une baisse du prix de son fermage.

La diminution du prix du fermage accompagnant l’inclusion de clauses environnementales dans le bail est justifiée par le fait que le bailleur pourra lui aussi se prévaloir du non-respect de ces clauses par le preneur pour s’opposer au renouvellement du bail. Il y a là un juste équilibre entre les intérêts du preneur et du bailleur.

L’article 31 et les suivants sont relatifs au statut du fermage dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. L’article 31 prend en compte les modifications apportées au statut du fermage en métropole par la présente loi, en étendant à ces collectivités le bail cessible hors du cadre familial, ainsi que la possibilité d’inclure des clauses environnementales dans tout bail à ferme.

L’article 31 opère surtout un alignement des règles applicables dans ces collectivités sur celles applicables en métropole en ce qui concerne le droit de préemption du fermier, les conditions de résiliation du bail, en vue d’affecter un terrain à la construction ou à une opération d’aménagement, la conduite de l’exploitation par un métayer et le droit de préemption du métayer, mais surtout – c’était la mesure phare visée par le Gouvernement – la conversion du bail à colonat partiaire en bail à ferme. Il semble que certains héritages culturels et historiques, liés aux séquelles de la colonisation, font que les métayers omettent de demander cette conversion en bail à ferme. En mettant en place cette conversion automatique, les métayers pourront progressivement devenir des fermiers.

Voilà donc les articles dont la commission des lois a été saisie pour avis. Elle a coordonné les différents articles qui lui étaient soumis.

Il faut noter que le projet de loi ne supprime aucun outil juridique existant mais complète les dispositifs actuels par la création d’un instrument nouveau : ce fameux bail cessible de dix-huit ans – facultatif je le répète –, qui ouvre au bailleur la possibilité de sortir plus facilement du bail, en contrepartie d’une durée portée à dix-huit ans et du versement d’une indemnité pour non-renouvellement.

Cette disposition a l’avantage de combiner une plus grande souplesse pour le bailleur, tout en sécurisant la situation du preneur. Il en est de même pour le contrôle des structures qui est assoupli, mais qui mériterait de l’être encore notamment en ce qui concerne les procédures contentieuses sur l’autorisation d’exploiter en matière de reprise. Lorsque cette autorisation de la commission des structures est attaquée devant le tribunal administratif, le tribunal paritaire des baux ruraux, qui est saisi du contentieux de fond, est contraint de surseoir à statuer dans l’attente de la décision administrative, ce qui peut prendre plusieurs années et qui paralyse ainsi l’issue judiciaire. Je pense qu’il serait nécessaire de travailler sur ce sujet pour faire en sorte que ce recours ne soit pas suspensif ou que l’on impose au tribunal administratif de statuer à bref délai pour ne pas paralyser plus longtemps les procédures des tribunaux des baux ruraux en cette matière.

Cela dit, chacun s’accorde à reconnaître que ce texte, en dépit des avancées qu’il comporte, ne pourra pas, à lui seul, régler les difficultés que traverse le monde agricole. Je respecte profondément la profession agricole qui est sans doute celle qui s’est le plus modernisée depuis vingt ans, et qui a eu le courage de se remettre en question.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois. On s’apprête aujourd’hui à lui demander encore davantage, alors que les agriculteurs ont fait des efforts considérables en matière de qualité, d’environnement, de sécurité alimentaire et de traçabilité, sans pour autant mieux vendre leurs produits. Les prix ne sont pas au rendez-vous pour des raisons qui échappent bien sûr à l’État français, et qui débordent évidemment le cadre communautaire. Dans le domaine arboricole que je connais plus particulièrement, la faiblesse des prix de vente s’explique par la concurrence de pays tiers comme la Chine, le Chili ou d’autres pays d’Amérique du Sud. Il est urgent que la Commission européenne – et sur ce point, et je me félicite de la détermination du Premier ministre manifestée à Rennes et relayée tout à l’heure par le ministre de l’agriculture à cette tribune – applique les règles qui existent déjà dans le traité de Rome, à savoir le principe de la préférence communautaire et la clause de sauvegarde.

Il est urgent aussi que toutes les organisations professionnelles et la grande distribution parviennent à s'entendre sur la mise en œuvre du coefficient multiplicateur dont nous avons voté le principe législatif en juillet dernier. Malheureusement, celui-ci n’a pu être mis en œuvre à ce jour.

On le voit, la défense de notre agriculture française est une cause juste, noble et nécessaire qui exige la plus grande détermination de la part de tous les responsables, politiques et professionnels.

Pour ce qui le concerne, le Parlement, en votant ce texte, témoignera de sa volonté de ne pas abandonner le monde agricole. Celui-ci va mal, il nous appelle au secours. Sachons l’entendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie d’avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole, madame Barèges.

La parole est à M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, l’agriculture est, entend-on dire, à la croisée des chemins. Nous sommes en effet entre deux rendez-vous : dans quelques jours, le rendez-vous de Hong-Kong où s’ouvrira un vrai débat qui nous dira si nous parviendrons à préserver la préférence communautaire – que vous avez défendue avec éloquence, monsieur le ministre – ou si l’agriculture ne sera plus le fait que des deux fermes Brésil et Argentine, les autres pays se contentant de quelques niches économiques.

Le second rendez-vous est celui du 15 octobre, date à laquelle nos agriculteurs recevront le document que vos services ont préparé, et qu’il leur faudra remplir pour bénéficier des dotations de paiement unique conformément à la réforme de la PAC, que l’on peut déplorer ou commenter ; mais en tout état de cause, vient le temps d’en tirer quelques conséquences et de nous adapter à cette évolution.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. À quoi se résume-t-elle ? Au découplage. D’un côté, les aides et, de l’autre, le marché. Nous devons être présents sur le marché. Nos entreprises doivent être armées, et nos exploitations agricoles doivent être en mesure d’agir.

De fait, le désengagement européen nous oblige à prendre nos responsabilités. Je sais que l’idée de « renationalisation » de la politique agricole est taboue, mais il y a là une réalité. Pour la première fois, nous allons élaborer une loi qui accompagne non une progression de l’intervention de l’Union européenne, mais son relatif désengagement. Cela implique des responsabilités particulières de notre part, dans cet hémicycle.

Des voix s’élèvent déjà pour savoir s’il s’agit bien d’une loi d’orientation agricole. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je dis oui !

M. Christian Paul. Non !

M. Jean Gaubert. Malheureusement, c’est oui !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous n’avons pas la prétention d’être à la hauteur des grandes lois des années soixante, des grandes lois gaulliennes.

M. François Sauvadet. C’est vrai, hélas !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pour autant, nous essaierons de faire en sorte de soutenir la comparaison avec la loi de 1980, défendue à l’époque par Pierre Méhaignerie que je me plais à saluer, ou avec la loi de 1999, qui, en son temps, a également marqué les esprits, même si des opinions diverses ont pu s’exprimer.

L’essentiel n’est pas le titre du texte, mais son contenu. Je me réjouis du travail que vous avez fait, monsieur le ministre, comme je me réjouis de l’ouverture d’esprit dont vous avez fait preuve à l’égard de nos amendements. Je suis convaincu que cet état d’esprit perdurera tout au long de nos débats.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Tout à fait !

M. Christian Paul. C’est à voir !

M. Jean-Louis Dumont. C’est le Parlement qui vote !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je salue également le travail accompli par Antoine Herth et par la commission des affaires économiques sous l’autorité du président Ollier, qui a abouti à un réel enrichissement du texte. Je salue enfin le travail de notre collègue Brigitte Barèges sur les sujets délicats et sensibles en termes juridiques qu’il fallait traiter.

De façon très immodeste, nous avons tenté au niveau de la commission des affaires économiques sous l’autorité de Pierre Méhaignerie, avec le concours de Denis Merville, d’Alain Marleix, rapporteur du budget de l’agriculture, et d’un certain nombre d’autres collègues, d’enrichir ce projet de loi. J’ai du reste noté que notre collègue Jean-Louis Dumont partageait tout à fait cette perspective.

M. Jean Gaubert. Cela nous inquiète. (Sourires.)

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous, cela nous rassure !

M. Jean-Louis Dumont. J’assume ma position !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bonne nouvelle ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Bref, moi aussi je m’en réjouis.

La commission des finances s’est particulièrement intéressée aux questions fiscales – c’est dans la nature de notre tâche – et sur le fonds agricole. Celui-ci révèle une richesse plus qu’il ne la crée. Savoir comment le traiter du point de vue fiscal est un vrai sujet. Il s’agit de tordre le cou à un certain nombre d’idées préconçues qui voudraient faire croire que l’État se saisirait de cette occasion pour faire de la recette fiscale. Nous avons à cet égard déposé trois amendements précis et clairs qui devraient apaiser toutes les inquiétudes. Il en va de la crédibilité du fonds agricole que nous adoptions ces amendements.

Par ailleurs, nous voulons mettre la fiscalité au service des transmissions, question capitale pour le monde agricole – c’est l’objet de l’article 6. Le poids des finances et des investissements étant considérable, vous avez imaginé, monsieur le ministre, la procédure du différé de paiement. C’est une bonne idée que d’inciter fiscalement les propriétaires qui vendent leur exploitation, à en accepter un paiement progressif. Nous accompagnons donc fiscalement le propriétaire qui fait cet effort.

Nous avons fait en sorte que cette disposition bénéficie à tous les propriétaires qui vendront leur exploitation à des jeunes, que ceux-ci soient aidés ou non. Il faut en finir avec ces querelles qui existent dans notre pays, et qui entretiennent des guerres picrocholines. Je me réjouis donc que le CNJA que j’avais bien évidemment consulté sur ce projet d’amendement partage cette perspective.

Nous mettons également la fiscalité au service des agriculteurs afin de leur permettre de se faire remplacer dans la limite de deux semaines par an. Je voudrais à cet égard évoquer la situation des éleveurs qui sont obligés de travailler 365 jours par an : pas de dimanche, pas de fête de famille qui ne soit interrompue avant le dessert pour aller au boulot, aucune possibilité de s’absenter, ne serait-ce que pour quelques jours de vacances. Il nous faut remédier à cette situation : nous proposons ainsi d’instituer un crédit d’impôt permettant aux agriculteurs de se faire remplacer pour une durée donnée. C’est une bonne mesure, qui sera bien accueillie dans le monde agricole, car elle est indispensable. En effet, autrefois, de telles contraintes étaient mieux supportées, elles étaient le lot commun, mais dans une société – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – où la plupart de nos concitoyens sont aux 35 heures et bénéficient de RTT, ce décalage apparaît comme un scandale. Pour la première fois, nous allons esquisser une solution pour y mettre un terme.

M. Alain Marleix. Vous avez raison !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. La particularité de l’agriculture réside dans l’incertitude et l’angoisse. Depuis des siècles, les paysans redoutent la grêle qui détruit leur vignoble, la pluie qui saccage la moisson, la sécheresse qui compromet la récolte.

M. Philippe Martin. L’État qui ne les indemnise pas n’est pas la moindre de leurs angoisses !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il nous faut donc trouver des solutions pour atténuer les conséquences des aléas climatiques, sanitaires ou l’évolution des prix et des cours, celui du porc ou des œufs par exemple, et mon collègue Jean Gaubert le sait aussi bien que moi. Bref, il faut atténuer l’aléa et tout ce qui peut être fait en ce domaine va dans le bon sens. D’autant que les procédures d’organisation commune de marchés que nous connaissions naguère sont, qu’on le veuille ou non, derrière nous. Concernant ce sujet, je salue le travail de notre collègue Christian Ménard sur l’assurance-récolte. La commission des finances appuiera l’amélioration de la dotation pour aléas – DPA – et je suis convaincu que beaucoup nous suivrons dans cette voie, car c’est une très bonne idée consistant à épargner pendant les bonnes années, et à réintroduire l’épargne les mauvaises années. Ce dispositif est fiscalement aidé, mais, malheureusement, il ne fonctionne pas. Nous proposons donc un certain nombre de mécanismes permettant d’améliorer les choses. L’atténuation de l’aléa est un des objectifs majeurs d’une politique agricole bien conduite.

L’ensemble des mesures fiscales proposées est de l’ordre de 70 millions d’euros, quand elles seront en pleine application. Les ajouts que nous faisons au nom de la commission des finances représentent une dépense fiscale de l’ordre de 100 millions d’euros. C’est important.

En revanche, en matière sociale, notre texte comporte assez peu d’avancées. Nous devons ouvrir le débat sur l’assiette de cotisations sociales. Tout le monde paie des cotisations sociales sur son travail. La particularité des agriculteurs, c’est qu’ils paient à la fois sur leur travail et sur le fruit de leur capital.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. Alain Marleix. Ce n’est pas normal !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il y a là un anachronisme. Nous considérons pour notre part qu’il faut évoluer. Nous avons donc réfléchi en commission des finances, sur la proposition de notre collègue Charles de Courson, à une meilleure prise en compte de cette question. Le législateur en tient déjà compte, puisqu’il a retiré de la base de calcul des cotisations sociales la rente du sol.

Or la rente du sol est calculée sur le revenu cadastral, elle est donc très limitée. Pour le moins, nous devrions réfléchir, si ce n’est légiférer sur une déduction calculée sur le revenu réel de la terre. Nous aurions quelque chose de plus neutre, de plus intéressant, de plus objectif.

Dans le domaine des cotisations sociales, je salue comme d’autres le travail de notre collègue Jacques Le Guen concernant les salariés. Notre vision du salarié agricole est dépassée. Désormais, des jeunes s’investissent dans le salariat agricole, car ils y trouvent une occasion de carrière et de promotion. Les salaires évoluent en fonction des compétences. Il faut pouvoir attirer les jeunes, et il y a là un véritable gisement d’emplois. Nous voulons aller dans cette direction en soutenant les amendements Le Guen. Nous en proposerons un autre de M. Merville sur les entreprises de travaux agricoles, lesquelles se sentent, monsieur le ministre, un peu oubliées. Notre amendement vise à leur permettre d’embaucher des travailleurs saisonniers, occasionnels. Dans ce domaine aussi, il y a un grand gisement d’emplois que l’on évalue entre 40 000 et 50 000.

S’agissant des prestations sociales, le sujet a progressé pour les gens qui ont fait une carrière pleine d’exploitant. Il reste des progrès à faire pour les femmes et pour les aides familiaux. À cet égard, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur une situation qui est mal vécue.

Une personne qui a accompli une carrière agricole pleine peut racheter ses périodes d’aide familial. En revanche, il est anormal que les aides familiaux devenus par la suite salariés ne puissent racheter leurs années passées en tant qu’aide familial qu’à un prix prohibitif, alors même qu’ils ont besoin de ce rachat pour réunir les quarante annuités afin de pouvoir s’arrêter à soixante ans.

Nous souhaiterions donc plus d’égalité, et que les aides familiaux devenus salariés puissent avoir une retraite qui tienne compte de la période d’aide familial. Nous devons y réfléchir.

Après les charges fiscales et sociales, j’aborderai les charges énergétiques. Le monde agricole est lui aussi confronté à la hausse du coût de l’énergie. Nous souhaitons, avec Michel Raison en particulier, progresser dans ce domaine. À cet égard, l’article 12 relatif aux biocarburants est intéressant. Il existe deux types de biocarburants, ceux qui passent par les grandes usines et qui sont réintégrés dans le pétrole, et les biocarburants de proximité, si j’ose dire, comme l’huile de colza qui peut être utilisée pour les chaudières, les groupes électrogènes, nombreux dans les exploitations, ou les tracteurs.

Vous avez parfaitement ressenti l’acuité du problème, l’article 12 en témoigne, mais vous n’allez pas assez loin, monsieur le ministre. Se limiter à l’autoconsommation est anachronique.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’autoconsommation est le système qui a précédé le troc. Après, il y eut le commerce. Il nous faut tout de même prendre en compte l’évolution du cours des choses.

M. Jean-Louis Dumont. Osons !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous considérons que des échanges de proximité devraient pouvoir avoir lieu entre agriculteurs. Nous devons évoluer.

Nous devons aussi évoluer en matière de méthanisation. C’est d’ailleurs une question sur laquelle a déjà travaillé M. le ministre François Guillaume. La méthanisation existe en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark. Il s’agit là d’une source d’énergie simple d’emploi, que nous devons utiliser, à condition du moins que les prix de rachat par EDF soient intéressants, ce qui est déjà le cas pour l’éolien, mais absolument pas pour la méthanisation. Nous perdons là une capacité énergétique.

Les agriculteurs ne demandent qu’à être des « énergiculteurs » ! Donnons-leur les moyens d’agir.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! C’est vrai aussi pour les armées !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’agriculture, la terre agricole n’ont pas pour seule fonction de produire de l’alimentaire : elles peuvent aussi produire de l’énergie ou d’autres biens. Je m’associerai donc à l’amendement de notre collègue Francis Delattre, qui propose d’obliger tous les commerces, en trois ou quatre ans, à ne plus utiliser ces sacs plastiques qui défigurent nos villes et nos villages,…

M. François Sauvadet. Très bon amendement !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. …mais des sacs faits d’amidon, de matières biodégradables produites sur nos exploitations. Ce serait là une mesure intéressante et utile.

M. François Sauvadet. C’est très important !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Après la charge fiscale et la charge énergétique, reste à évoquer, monsieur le ministre, la charge de la paperasse, qui pèse sur tout le monde, et en premier lieu les femmes – car ce sont souvent elles qui consacrent leurs dimanches à remplir les papiers.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il faut que nous progressions. Vous l’avez fait à propos de la DPU, et je tiens à saluer de cette tribune vos collaborateurs, dont j’ai vu le travail en Côtes-d’Armor. Je me réjouis qu’une équipe ait pu se mobiliser sur cette question.

Pour ce qui est des contraintes environnementales, la règle de l’écoconditionnalité s’impose aujourd’hui. Respectons-la, mais ne lui ajoutons pas d’autres contraintes ! Je tiens à vous alerter : des inquiétudes se manifestent, notamment dans la région dont je suis l’élu, quant aux contraintes en matière de phosphore. Personne ne nous oblige à imposer à nos agriculteurs une contrainte nouvelle – à rajouter une « nouvelle couche », pour utiliser leurs mots – alors que nous n’avons pas d’obligations européennes et que l’obligation d’écoconditionnalité devrait suffire.

M. Jean-Louis Dumont. Surtout si l’on n’a pas tenu les engagements précédents !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je compte sur votre bon sens pour que nous agissions.

Mais la paperasse, monsieur le ministre, ce sont aussi les contrôles. Dans ce domaine, je tiens à saluer votre action : vous avez eu le mérite de prendre ce problème à bras-le-corps dès votre arrivée, en imaginant une charte qui permette de définir des lignes de conduite en la matière – contrôles de la PAC, des installations classées ou de l’eau, pour ne citer que ceux-là. Si bonne que soit cette mesure, elle ne va pourtant pas encore assez loin. Une charte de bonnes intentions, c’est bien tant qu’on a un bon ministre et des fonctionnaires qui la respectent, mais mieux vaudrait fixer dans la loi les règles élémentaires et simples régissant ce contrôle. C’est dans l’intérêt du contrôleur et du contrôlé, car ils sauront tous deux quelle est la règle, et la situation sera plus saine. De telles dispositions existent dans tous les domaines : pourquoi pas aussi dans le domaine agricole ?

C’est une bonne chose que de baisser les charges, mais qu’en est-il de l’effort d’organisation ?

Un mot sur l’article 14. Il y a parmi nous, je le sais, des débats internes : il y les tenants de la liberté, dont je suis, et les tenants de l’organisation, dont je suis aussi.

M. François Sauvadet. Oh !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je crois qu’on peut concilier les deux !

Dès lors qu’on sollicite des soutiens publics, il n’est pas illégitime d’exiger en retour un minimum d’organisation. C’est le bon sens. Nous devons avoir ce débat sereinement. L’exercice se complique du fait que la nature de l’organisation est extrêmement diverse selon les filières, les régions et les produits. Notre débat est actuellement focalisé sur la viande bovine, mais il existe d’autres secteurs qui peuvent progresser. Il faut leur en donner les moyens, et leur permettre d’évoluer vers davantage d’interprofession, vers des situations plus intéressantes.

Ceux qui sont réticents à cet égard devraient penser que nous ne sommes pas les seuls concernés et qu’il ne s’agit pas ici d’un débat agricolo-agricole. Le débat concerne en effet trois groupes. La grande distribution, d’abord – qui n’a pas besoin de s’organiser, puisque ses acteurs ne sont que cinq. Ensuite, les grandes marques, qui n’ont pas davantage besoin de s’organiser : Nestlé, Unilever et Danone ne manquent pas de moyens ! Il y a, enfin, la masse des producteurs, qui doit, elle, s’organiser pour pouvoir parler d’une seule voix malgré sa multiplicité, en particulier dans les périodes de crise qu’évoquait Mme Barèges. Nous devons le comprendre et le dire. Ce raisonnement vaut pour l’article 14, mais aussi pour l’article 23.

Si nous nous organisons, nous pourrons mettre en œuvre un certain nombre d’utopies. On cite souvent l’exemple du Québec où, bien que le secteur soit très libéral – on est en Amérique du Nord ! –, on a fixé des prix de référence. Ainsi, pour un prix de référence fixé à 100, les producteurs cotisent lorsque les prix sont de 120 et, en cas de crise, lorsque les prix sont descendus à 80, ils bénéficient des cotisations qu’ils ont épargnées. La puissance publique soutient ce système intéressant.

En conclusion, cette loi est nécessaire et me semble positive. Si nous savons y introduire certains amendements, nous pouvons l’enrichir et lui donner du volume et du coffre. Elle est néanmoins difficile, car il est difficile de légiférer aujourd’hui – plus difficile peut-être que dans les années soixante, où il s’agissait de dupliquer un modèle dominant, sinon unique. Aujourd’hui, les situations sont très diverses. Naguère, la télévision avait deux chaînes en noir et blanc ; aujourd’hui, les chaînes sont multiples et de toutes les couleurs. Il faut tenir compte de cette diversité. Il y a des niches, mais aussi une production de masse. Certaines régions sont présentes sur le marché mondial, et depuis longtemps. D’autres, au contraire, se sont spécialisées sur des marchés de proximité. Il faut compter aussi avec la production « bio », que nous intégrons dans le dispositif fiscal. Il faut tenir compte de cette diversité, et que chacun puisse développer ses initiatives. C’est ainsi que nous pourrons progresser.

Peut-être y a-t-il des défis que nous pourrions relever et auxquels nous ne pensons pas. La demande de l’Inde et de la Chine, par exemple, a généré une forte demande de pétrole et d’acier. Pourquoi ne générerait-elle pas, demain, une demande de grains, de matières premières agricoles ou de viande ? Ce sont peut-être là des opportunités que nous devrions saisir.

La France ne peut pas jouer « petit bras » : elle a une responsabilité dans les domaines agricoles et ne peut abandonner au Brésil et aux États-Unis seulement le devenir agricole de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en droit de nous interroger sur la place que nous voulons voir occuper par les agriculteurs dans notre société – c’est même notre devoir ! De nous interroger aussi sur la place que nous voulons leur voir tenir dans cette nouvelle Europe que nous sommes en train de construire. À cet égard, les inquiétudes sont nombreuses.

Comment permettre à l’exploitation de devenir une entreprise afin de mieux s’intégrer dans des marchés de plus en plus difficiles ? C’est une des questions essentielles.

Comment passer du patrimonial à l’entrepreneurial ? Voilà une autre question à laquelle cette loi doit répondre.

Comment maîtriser l’évolution vers moins de productions alimentaires et de plus en plus de productions non alimentaires ?

Comment, encore, s’adapter à la nouvelle PAC ?

Oui, l’agriculture représente un enjeu stratégique pour la France et pour les Français. Il est donc nécessaire de tout mettre en œuvre pour éviter le risque, qui se fait jour peu à peu, d’une coupure entre les Français et leur agriculture. Il fut un temps où nous étions tous issus de familles qui comptaient un ou plusieurs agriculteurs.

M. Jean-Louis Dumont. Le lien avec la terre !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette histoire touche, hélas, à sa fin et il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour que nous puissions mieux faire comprendre aux Français les efforts que la nation doit faire pour soutenir et aider les agriculteurs et l’exploitation.

Oui, monsieur le ministre, cette loi d’orientation est nécessaire. Il y a incontestablement dans la jeunesse agricole un véritable espoir à l’égard de ce nouveau marché, de cette nouvelle organisation à laquelle elle souhaite participer et à laquelle nous devons l’aider à participer. C’est, me semble-t-il, le but de cette loi d’orientation que de répondre à cet espoir d’une catégorie de Français entreprenants et courageux, qui ont besoin de sentir que nous voulons les aider à dépasser les difficultés liées au moment – car, même durables, elles doivent être dépassées –, avec la force et le courage de toute la nation derrière eux.

Nous entreprenons aujourd’hui l’examen d’un texte très attendu par ce secteur majeur de notre économie et par notre assemblée. M. Herth, M. Le Fur et Mme Barèges ont justement rappelé que ce texte est nécessaire et urgent. Non seulement la commission des affaires économiques approuve l’urgence déclarée par le Gouvernement, mais elle la revendique.

Je m’attacherai essentiellement à la forme – car nous allons pouvoir débattre du fond pendant plusieurs jours.

La commission a été surprise, monsieur le ministre, par le grand nombre d’habilitations à légiférer par ordonnances prévues par le projet. Cette procédure est, certes, prévue par la Constitution, et je suis personnellement loin d’y être hostile.

Le recours aux ordonnances est légitime dans deux cas : d’abord, lorsque l’urgence le justifie – c’était le cas cet été, lorsque le Parlement était en vacances, dans le domaine de l’emploi, pour mettre en œuvre les principes que le Premier ministre voulait voir rapidement se concrétiser sur le terrain. Le second cas qui justifie le recours aux ordonnances est celui où elles ont une portée purement rédactionnelle, technique, et non législative. Sur les douze habilitations figurant dans le projet de loi qui nous est proposé, plusieurs sont bien de cette nature, et notre commission, qui les juge tout à fait légitimes, est toute disposée à les accepter. Certaines, en revanche, ont une portée beaucoup plus large et nous avons considéré que les sujets qu’elles abordaient devaient faire l’objet d’un débat dans cet hémicycle.

Je vous suis reconnaissant d’avoir entendu ce message. Votre esprit d’ouverture – qui ne nous surprend pas, car nous nous connaissons bien – nous a permis de faire un travail parlementaire constructif. La transcription par vos services de ces ordonnances dans des amendements s’est faite dans des délais qui ont permis de les recevoir et de les amender. Ce matin encore, sur deux cents amendements, la commission des affaires économiques a réalisé un travail très constructif…

M. François Sauvadet. N’en faites pas trop !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …auquel, monsieur Sauvadet, vous avez largement participé, et je vous en remercie.

M. François Sauvadet. Vous exagérez un peu la possibilité que nous avons eue de discuter les amendements avant le débat !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ainsi, l’article 11 sur les usages non alimentaires de l’agriculture et de la forêt, l’article 15 sur les comités économiques agricoles, l’article 19 sur les calamités agricoles, l’article 22 sur la sécurité alimentaire et l’article 28 sur la réforme de la loi sur l’élevage ont fait l’objet d’une réintégration dans le texte. Qu’il vous soit solennellement rendu hommage pour cette qualité d’écoute et pour la qualité du travail réalisé – j’insiste pour le dire ici publiquement.

Monsieur le ministre, un point encore méritait un débat : l’article 23, sur les signes de qualité agricole – sujet emblématique, si je puis dire, dans cet hémicycle. Comment imaginer que les signes de qualité agricole puissent faire l’objet d’un traitement par ordonnances ? Là aussi, ce matin encore, vous avez répondu favorablement en proposant un article qui va certainement ouvrir, le moment venu – M. Sauvadet l’a dit très justement –, un vrai débat dans cet hémicycle. Je tiens également à vous rendre hommage pour cette initiative.

Le dialogue a été fructueux sur la forme, et je pense qu’il l’a été aussi sur le fond. Je souhaite, à cet égard, remercier pour sa participation notre collègue Jacques Le Guen. Je tiens à signaler à nos collègues, car elle le mérite, l’interaction entre notre commission et les services du ministère, auxquels je rends hommage également pour le travail remarquable qu’ils ont accompli auprès de notre rapporteur Antoine Herth ainsi que de M. Le Fur et de Mme Barèges – car nous avons travaillé en « pool », en équipe ! Cette interaction a permis, grâce à votre esprit d’ouverture, d’intégrer dans le texte des pans entiers qui n’y figuraient pas et qui sont le fruit du travail de la commission des affaires économiques et du Parlement, notamment de M. Le Guen pour ce qui concerne l’emploi. Ces amendements intégrés dans le texte de la loi d’orientation viennent l’enrichir, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Nous l’avions déjà fait à propos de la montagne, lorsque les conclusions de la mission d’information dirigée par M. Brottes et M. Coussain avaient permis d’introduire des dispositions dans le texte relatif aux territoires ruraux, ou à propos des énergies renouvelables, qui ont été largement évoquées tout à l’heure, mais pour lesquelles le débat a déjà eu lieu voici quelques mois, à l’occasion de l’examen du texte de loi sur l’énergie. Dans le même esprit, la commission des affaires économiques a tenu à laisser à M. Le Fur et à la commission des finances le soin de traiter la question de la fiscalité de ce nouveau mode d’énergie, afin de manifester la complémentarité des deux commissions. Voilà donc encore un exemple de cette interaction dont je me félicite.

Avant de conclure, j’aborderai deux sujets qui ont permis d’enrichir le texte.

D’abord, pour ce qui concerne l’agriculture de montagne, il est vrai que les propositions formulées présentaient une certaine faiblesse, et que les professionnels n’avaient pas formulé de propositions qui auraient pu être reprises à bon droit dans le projet de loi. Nous avons donc déposé des amendements, qui ont été adoptés ce matin. Tant sur les biocarburants, à l’article 12, que sur la montagne, nous nous sommes attachés à enrichir le texte. J’espère que vous accepterez prochainement – sans doute mardi prochain – ces amendements qui nous paraissent absolument indispensables.

Monsieur le ministre, j’ai été satisfait d’entendre le Premier ministre tirer les conséquences de l’évolution des prix du pétrole pour accroître encore l’effort en faveur des biocarburants.

Je tiens à rendre hommage au travail que M. Poignant a réalisé au sein de notre commission, tant par son rapport d’information que lors de l’examen de la loi sur l’énergie.

Et je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que nous considérons – M. le Fur a raison – que le Gouvernement ne va pas assez loin. Mais ce n’est pas une raison à nos yeux pour accepter des amendements qui risqueraient de poser plus de problèmes qu’ils n’en résoudraient. À la commission des affaires économiques, nous allons auditionner ce que l’on appelle les « pétroliers » et les constructeurs d’automobiles. Nous voulons, avec votre aide, nous engager sérieusement dans la mise en œuvre d’une filière biocarburants dans ce pays. Il ne s’agit pas d’examiner seulement la possibilité de produire les biocarburants, mais aussi la manière dont les constructeurs d’automobiles et les distributeurs pourront mettre à la disposition du public et fabriquer des véhicules qui les utilisent. Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on arrivera au bout, mais nous sommes décidés à engager le débat.

Je regrette, monsieur le ministre, que le texte soit excessivement prudent concernant les huiles végétales pures. Nous avons donc adopté un amendement qui n’est pas tout à fait conforme aux souhaits de M. Le Fur, mais qui devrait permettre de faire avancer les choses. Nous en reparlerons en détail le moment venu parce que cet amendement est pour nous essentiel.

Je termine mon propos en abordant deux sujets.

S’agissant de la montagne, la commission a adopté un amendement qui traite des problèmes de la qualité des produits. Et je pense que le système mis en œuvre à travers les comités de massif sera aussi un facteur de progrès. J’espère que vous y prêterez une oreille attentive.

Enfin, le dernier point que je souhaite évoquer, c’est la participation. Il est vrai que je suis attaché à cette idée du général de Gaulle – et je ne suis pas le seul dans cet hémicycle. Je pense que si on essaie, chaque fois qu’un texte le permet, de faire avancer ce concept de participation plutôt que de passer notre temps dans des colloques à en parler, nous ferons œuvre utile pour la société française. Il s’agit de faire en sorte que, dans l’entreprise, les hommes deviennent plus des partenaires que des adversaires. Ce principe de participation peut être mis en œuvre dans le domaine de l’agriculture. L’amendement que j’ai déposé et qui a été adopté ce matin par la commission doit permettre une avancée en ce sens, tant pour les coopératives agricoles que pour les accords de branche.

Tel est, sur la forme et sur le fond, le travail – comme l’a indiqué tout à l’heure M. Herth – qui a été réalisé par la commission des affaires économiques. Je pense que nous allons avoir encore, puisqu’il y a près de huit cents amendements, l’occasion d’enrichir à nouveau le texte.

En conclusion, je tiens à vous remercier à nouveau, monsieur le ministre, pour cette capacité d’écoute qui a été la vôtre. Je me félicite de cette complicité active entre vous et notre majorité. Cependant, je dois dire que l’opposition a été non seulement constructive en commission, mais qu’elle a permis aussi de faire avancer le débat dans certains domaines, même si tous ses amendements n’ont pas été adoptés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vergnier. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je salue le travail de M. Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de Mme Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois, qui a beaucoup travaillé sur les premiers articles du projet de loi, notamment sur la cessibilité, ainsi que celui accompli par M. Herth.

Dans ce pays, et certains l’ont dit – j’ai souvenir d’une manifestation à laquelle nous participions ensemble, monsieur le ministre – : il n’y a pas de pays sans paysans.

M. Jean-Louis Dumont. Alors, ne les tuez pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous en souvenez-vous, monsieur le ministre ?

M. Pascal Terrasse. Pas dans « ce » pays : dans « notre » pays !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce pays est notre pays, monsieur Terrasse, je pensais que vous le saviez ; et il n’y a pas de pays sans paysans. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que cette loi permette de le confirmer, dans les années à venir, à ceux qui ont espoir en cette activité qu’ils aiment et dans laquelle ils veulent s’engager pour que leurs enfants restent au pays et puissent travailler sur place. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. C’est raté !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut que cette génération et les plus jeunes trouvent dans votre loi les réponses aux questions qu’ils se posent. Votre majorité, monsieur le ministre, vous apportera le soutien nécessaire pour que ce texte soit voté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean Gaubert. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour un rappel au règlement.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, nous engageons ce débat dans de bien mauvaises conditions. D’ailleurs, il est engagé déjà depuis un certain temps.

Cette loi nous avait été promise en 2002 et on y a, paraît-il, travaillé longtemps. C’est un texte qui a été déposé en mai 2005, que nous avons failli examiner en juin – ce n’est pas la faute de l’opposition si ça n’a pas été le cas : c’est dû aux problèmes d’organisation de la majorité…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Si le PS avait voté « oui », cela aurait simplifié les choses !

M. Jean Gaubert. Je n’en suis pas sûr, monsieur le ministre.

M. le président. Je doute qu’il s’agisse d’un rappel au règlement. (« Si ! si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous prie de conclure, monsieur Gaubert. Je vous rappelle que le rapporteur du Conseil économique et social attend. Il faut ramener un peu de sérénité dans ce débat pour l’accueillir comme il convient.

M. Jean Gaubert. Mais il y a tout de même plusieurs points qui nous irritent profondément, à commencer par l’arrivée de ces douze ordonnances et demie.

M. le président. Je suis désolé, ce n’est pas un rappel au règlement. Veuillez conclure en deux phrases.

M. Jean Gaubert. Ce ne sera pas deux mais au moins cinq, monsieur le président.

M. François Brottes. Laissez-le parler, flûte !

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, ne faites pas régner la censure !

M. Jean Gaubert. De plus, certains collègues de l’UMP disposeraient du texte de plusieurs de ces ordonnances, alors que nous ne l’avons pas.

M. François Brottes. C’est un rappel au règlement !

M. Pascal Terrasse. On va faire une demande de quorum !

M. Jean Gaubert. Et, aujourd’hui, on nous annonce qu’il va y avoir des articles réservés bien que nous ayons travaillé dans un ordre normal et logique. Tout cela dépasse largement ce que nous pouvons accepter.

Afin de voir comment nous allons aborder la suite des débats, je demande une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. La demande de suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Conformément à l’article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné M. Gaël Grosmaire, rapporteur de la section de l’agriculture et de l’alimentation, pour exposer devant l’Assemblée l’avis du Conseil sur le projet de loi d’orientation agricole.

Messieurs les huissiers, veuillez faire entrer M. le rapporteur du Conseil économique et social.

La parole est à M. le rapporteur du Conseil économique et social, à qui je souhaite la bienvenue.

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas sans une certaine émotion que je m'adresse à vous cet après-midi sur la loi d'orientation agricole. En effet, le membre du Conseil économique et social que je suis n'oublie pas qu'il est avant tout un jeune agriculteur soucieux de l'avenir de son métier.

Le CES a été saisi, en avril dernier, par le Gouvernement sur l'exposé des motifs de la loi d’orientation ainsi que sur une trentaine de mesures.

À titre personnel, je regrette la rapidité avec laquelle la section de l'agriculture du CES a eu à se prononcer sur cette saisine…

M. Christian Paul. Nous aussi !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. …car le temps des auditions et des réflexions s’en est trouvé fort limité. Un mois de réflexion pour vingt ans d'agriculture, c'est peu !

Certaines mesures apparaissent structurantes pour l'avenir. Je pense notamment au fonds agricole, au bail cessible et au plan crédit transmission. D'autres le sont moins, telles que l'allégement du contrôle des structures ou l'évolution des missions des CDOA. Elles sont même incompatibles avec les enjeux inscrits dans l'exposé des motifs.

M. Jean-Paul Chanteguet. C’est vrai !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Pour développer une agriculture économiquement forte, créatrice d'emplois et de valeur ajoutée, et harmonieusement répartie sur l'ensemble du territoire, nous devons relever de nombreux défis.

Le premier est celui du renouvellement des générations. Il s’agit de bien plus qu'une priorité à afficher. Pour chacun de nous, sans aucun doute, il y va de l’avenir de l’agriculture. Nous voulons des paysans nombreux sur les territoires pour pérenniser notre métier et en maintenir la diversité.

Plusieurs pistes doivent être explorées en la matière. Il faut dynamiser la transmission des exploitations – je pense au plan crédit transmission –, favoriser l'installation sociétaire en permettant à tous les associés d'une EARL, quels que soient leurs liens de parenté, d'être assujettis au bénéfice agricole, et promouvoir les différentes carrières agricoles et les passerelles entre les exploitants et les salariés. Il convient également d'améliorer les conditions de vie et de travail pour maintenir une agriculture de qualité et de proximité, qui soit en outre diversifiée.

L'installation des jeunes et l'exigence de viabilité économique des exploitations sont primordiales. Sortir les sociétés du champ du contrôle des structures est une aberration !

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Le second défi consiste à pouvoir vivre de l'acte productif. Pour être durable, l'agriculture doit être économiquement viable et, pour promouvoir le métier d'agriculteur, le mieux est encore de donner à celui-ci la possibilité de vivre dignement du fruit de son travail, c'est-à-dire de l'acte de production.

M. Christian Paul. Exactement !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. La piste à suivre pour ce faire est l'organisation collective au sein des filières de production. Le renforcement des organisations de producteurs et les interprofessions doit être encouragé, en lien avec la commercialisation et la contractualisation des productions. Il faudrait même aller jusqu'à attribuer en priorité aux organisations de producteurs les aides publiques.

La coopération agricole a un rôle tout particulier à jouer en matière d'organisation. Elle doit favoriser l'engagement collectif d'adhérents autour d'un projet économiquement viable. Le transfert de propriété des organisations de producteurs pour commercialiser les produits constitue une véritable orientation pour l'agriculture de demain et c’est une réelle opportunité, de nature à faire évoluer les comportements en faveur de l'organisation collective.

Afin de dénoncer les abus et de rétablir un certain équilibre dans la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières, il faut également décortiquer les relations entre les différents acteurs.

La création de valeur ajoutée doit être encouragée par la valorisation de nouveaux débouchés, par exemple dans le secteur non-alimentaire. Je citerai trois exemples : le chanvre, qui peut entrer dans la composition des tableaux de bord de vos voitures ; les biocarburants, enfin mis sur le devant de la scène, qui permettront la création d'au moins 6 000 emplois ; enfin, puisque nos anciens tracteurs – les chevaux ! – fonctionnaient à l'avoine, pourquoi nos tracteurs actuels ne pourraient-ils pas fonctionner aux huiles végétales brutes ?

M. Jean-Louis Dumont. Ils fonctionnent déjà comme ça, et très bien !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Pensons également aux agriculteurs qui souhaitent sécuriser leurs revenus. La mise en place d'outils d'assurance efficaces couvrant toute l'exploitation et accessibles à tous sur l'ensemble du territoire doit être accélérée. Le point de savoir s’il ne faudrait pas rendre obligatoire le recours à ces outils reste d’actualité.

Au-delà de ces questions de revenu, il faut adapter les notions d'exploitation et d'exploitant pour faciliter les conditions d'exercice du métier et les conditions de vie de ceux qui l’exercent. Tel est le troisième défi !

Mais avant même de parler de l'exploitation, il faut s'intéresser aux femmes et aux hommes qui font vivre ce métier. Leur statut doit être amélioré pour qu’il attire de nouveaux candidats. Il convient donc de moderniser leur protection sociale, d’améliorer leur qualité de vie et de travail et de faciliter l'accès à des jours de remplacement, les services de remplacement étant les plus aptes à répondre à cette dernière problématique.

S'intéresser à l'ensemble des métiers qui feront l'agriculture de demain et renforcer l'attractivité de l'emploi salarié agricole est vital. Montrez-nous, mesdames et messieurs les députés, au travers de vos débats, que vous êtes sensibles à ces problèmes.

Quant à l'exploitation, elle est diverse. Qu'elle soit individuelle, sociétaire, familiale, employeur de main-d'œuvre, elle doit rester une entité économique pérenne et transmissible. La mise en place du fonds agricole, que le CES soutient ardemment, permettra une meilleure transmission et fera de l'exploitation une véritable unité économique.

Plusieurs députés du groupe socialiste. On verra !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Son corollaire est la possibilité de recourir à un bail cessible en dehors du cadre familial, qui s'inscrive dans le statut des baux ruraux.

Exercer le métier d'agriculteur, c'est aussi vivre dans un milieu rural spécifique, dynamique et riche de ses habitants. L'agriculture a son rôle à jouer dans cet espace de vie, en aménageant les territoires, en façonnant les paysages, en protégeant l'environnement ou en assurant différents services. Voilà ce qu’est la multifonctionnalité de l'agriculture. Ces activités ne pourront perdurer que si le budget du développement rural est significativement renforcé et si la France se donne les moyens d'y avoir accès via le cofinancement qu'elle pourrait proposer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La régulation du foncier demeure primordiale pour préserver l'activité agricole et l'installation. Le bail cessible, initialement conçu comme un outil au service de l'agriculture, ne doit pas conduire à la libéralisation totale du foncier. (« En effet ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il est regrettable que le nouveau dispositif ne maintienne pas le droit de préemption de la SAFER ni la révision de prix par le preneur.

M. Pascal Terrasse. Voilà la vérité !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Le consommateur et le citoyen attendent, pour leur part, plus de traçabilité, de sécurité sanitaire et de qualité des aliments. La création de l'Institut national de l'origine et de la qualité doit être le gage d'une meilleure lisibilité des engagements des agriculteurs. Encourager le développement de l'agriculture biologique est nécessaire mais celui-ci doit passer d’abord par l'organisation des filières.

Préparer l'agriculture de demain, c'est aussi mener une véritable politique de recherche fondamentale et appliquée. Afin de maintenir une innovation constante et développer une agriculture forte, l'activité agricole incorpore sans cesse davantage d'intelligence et de technologie. La formation initiale et continue doit tenir compte de ces orientations et s'adapter aux nouvelles attentes des exploitants comme de la société.

Enfin, une réflexion doit être engagée sur l'organisation administrative de l'agriculture. Mais simplifier ne signifie pas alléger : des précautions sont à prendre lorsqu'on évoque cette simplification sur des thématiques ciblées – contrôle des structures, contrôles vétérinaires, installation, entre autres. Elle ne doit pas aboutir à un allégement des outils de régulation. Les agriculteurs auraient tout à y perdre, notamment en ce qui concerne l'installation des jeunes. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.) Quant à simplifier les institutions agricoles, cela doit se faire en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, notamment les salariés.

Mesdames et messieurs les députés, vous avez pu le constater, le CES a fait le choix des hommes plutôt que des hectares (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française), des outils de régulation plutôt que de la libéralisation. Voilà qui est ambitieux.

M. Christian Paul. Mais ce n’est pas dans la loi !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Lors de vos débats, vous aurez à faire des choix. Les agriculteurs vous regardent. Doivent-ils préparer leur reconversion ou peuvent-ils encore espérer continuer leur noble métier que les consommateurs apprécient tant ?

Le Conseil économique et social est unanime sur un point : ce projet de loi manque d'ambitions. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il doit se donner les moyens d'être une force de propositions et de devenir le fer de lance d'un nouveau type d'agriculture. Vous pouvez y contribuer.

Nous devons graver dans le marbre la direction que doit prendre l'agriculture, ce qui engagera aussi bien les pouvoirs publics que les élus, les agriculteurs et les citoyens.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social. Cette loi d'orientation doit être porteuse d'optimisme et balayer le pessimisme ambiant. Si on ne devait en tirer qu'un enseignement, ce serait de s’engager dans l'agriculture, car elle reste un des plus beaux secteurs d'activité. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Mesdames et messieurs les députés, vous avez entre les mains l'avenir de l'agriculture, des femmes et des hommes qui en vivent : pensez-y tout au long de vos débats !

Je vous souhaite un bon travail et je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, je remercie en votre nom M. le rapporteur du Conseil économique et social.

Messieurs les huissiers, veuillez reconduire M. le rapporteur du Conseil économique et social.

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, vous avez exprimé en commission le souhait que nous ayons un débat très direct et nous allons nous efforcer de répondre, ce soir et dans les jours qui viennent, à votre vœu, sans pour autant bâcler, sous le joug de l’urgence que vous nous avez imposée, l’examen d’un texte qui inquiète, déçoit et choque à la mesure des attentes créées.

Pourquoi de telles attentes ? D’abord, les promesses étaient alléchantes pour nos campagnes où se côtoient malaise et combativité. Dans son discours prononcé en octobre 2004 à Murat, dans le Cantal – déjà cité par plusieurs de nos collègues –, le Président de la République ne fut avare ni de compliments, ni de conseils ni de promesses qui laissent aujourd’hui les paysans – après Victor Hugo, monsieur le rapporteur, je citerai La Fontaine – telle la cigale de la fable, bien dépourvus quand la bise fut venue… Nous dirons, au cours de ce débat, ce qu’il reste dans la loi des engagements pris par le Président de la République. Et dès le début de mon intervention, je mets en garde le Gouvernement contre le décalage qui se creuse depuis trois ans entre les discours et les actes.

Comme vous tous, je perçois dans nos campagnes un formidable malaise dont chacun connaît les causes : incertitude sur l’avenir des politiques européennes, dureté des relations avec la grande distribution, interrogations identitaires liées aux soutiens publics – encore accentuées par le découplage – et coupure entre le monde agricole et une partie de la société française. Prenez garde à ce malaise ! Monsieur le ministre, ce n’est pas en diminuant de 20 % seulement la taxe sur le foncier non bâti que l’on réduira de 8 % l’ensemble des charges des agriculteurs…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. En Dordogne seulement, que j’ai citée à titre d’exemple !

M. Christian Paul. Le groupe socialiste souhaiterait vivement examiner les chiffres dont vous prétendez qu’ils reflètent la situation de notre agriculture.

Pourtant, subsiste dans nos campagnes l’envie de combattre et de survivre. Les paysans français ont maintes fois démontré leur capacité à se remettre en cause et leur volonté de s’adapter. Cependant, l’attente à l’égard du politique reste forte et notre responsabilité collective est de ne pas décevoir.

Le groupe socialiste s’est livré à un examen très approfondi de ce texte et défendra de nombreux amendements pour tenter de convaincre la majorité. Encore faut-il, monsieur le ministre, que le Parlement puisse jouer son rôle, comme l’a rappelé Jean Gaubert. Le débat sur la loi d’orientation agricole est d’ores et déjà tronqué puisque le recours aux ordonnances en matière agricole semble devenir la règle alors qu’il doit rester l’exception.

Certes, le Gouvernement amorce une marche arrière en renonçant, semble-t-il, à la moitié des ordonnances initialement prévues, mais ce n’est que le début de la repentance ! Et la plupart des amendements gouvernementaux destinés à se substituer aux ordonnances n’ont pas encore été portés à la connaissance des parlementaires – sauf les députés UMP qui les ont reçus ce matin par courrier exprès.

Enfin, pour souligner le désordre qui semble présider à l’examen de ce texte, rappelons les propos du rapporteur du Conseil économique et social regrettant courageusement la brièveté des débats. En outre, le rapporteur, au nom du groupe UMP, a demandé la réserve sur nombre d’articles de ce texte, de façon à nous permettre, chemin faisant, de découvrir comment la commission des finances pouvait enrichir ce texte. La confusion s’installe, monsieur le ministre, dès le début de l’examen de cette loi d’orientation agricole…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Seulement dans votre esprit, monsieur Paul ! (Sourires.)

M. Christian Paul. …et vous seriez bien inspiré, nous vous le demandons solennellement, de renoncer à l’urgence que vous avez imposée à l’Assemblée nationale.

M. Jean Dionis du Séjour. En effet !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cela signifierait que les nouvelles dispositions fiscales ne s’appliqueraient pas dès 2006, ce qui serait préjudiciable aux agriculteurs !

M. Christian Paul. Il nous semble choquant d’aborder une loi d’orientation dans une telle confusion.

En effet, qu’il s’agisse de la loi Pisani de 1962 ou de la loi Le Pensec-Glavany de 1999, les textes d’orientation agricole ont joué un rôle déterminant pour fixer le cap et les missions de notre agriculture et pour fonder, comme nous le souhaitons tous, des politiques publiques ambitieuses. Jusqu’à présent, les lois d’orientation agricole ont toujours traduit un pacte de modernisation de notre agriculture. En 2005, la France a encore besoin pour son agriculture d’une vision, de volontés clairement affirmées et d’un contrat.

Après avoir longuement hésité sur le statut de ce texte – loi de modernisation, loi d’orientation, loi portant diverses dispositions d’ordre agricole –, le Gouvernement a voulu fixer la barre très haut, sans doute trop haut, en nous soumettant une loi d’orientation dont une première lecture laisse à penser qu’elle n’a d’orientation que le nom. Une seconde lecture nous a permis de mettre à jour le logiciel du Gouvernement en matière agricole : celui du libéralisme durable, que vous assumez sans états d’âme.

Monsieur le ministre, nous n’acceptons pas le modèle agricole que vous proposez, mais nous lui reconnaissons une cohérence qu’il faut maintenant dévoiler à l’opinion publique et notamment au monde agricole.

M. François Sauvadet. Vous faites trop d’honneur à ce texte !

M. Christian Paul. L’agriculture française est multiple, monsieur le ministre, et vous êtes, comme vos prédécesseurs, le ministre des agricultures françaises. Plusieurs modèles cohabitent dans notre espace rural et nous aurions aimé que vous les abordiez tous.

Pour simplifier le débat, on dit que l’agriculture française est duale. Alors, simplifions : 80 000 professionnels réalisent 80 % de la production nationale. Beaucoup agissent sur un marché mondialisé et donnent à la France son rang de puissance agricole, sa force de frappe agroalimentaire, des emplois créés – et certains supprimés – dans l’agriculture, cependant que 400 000 paysans survivent. Ces derniers ne forment pas un monde homogène : c’est l’agriculture des territoires et des terroirs, diversifiée, inventive, prête à renaître là où on la croyait défunte, car elle répond aux demandes des consommateurs français et européens, épris de produits authentiques et de qualité.

M. Antoine Herth, rapporteur. Ce texte les soutient !

M. Christian Paul. Tous doivent se voir reconnaître un rôle de producteur, mais aussi d’acteur économique et nous ne refusons de les considérer comme des entrepreneurs. Mais la plupart produisent des biens et des services qui n’obéissent pas directement à une approche commerciale.

Monsieur le ministre, nous allons vous poser cette question tout au long du débat : quelle agriculture la France entend-elle proposer et défendre ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Diversifiée !

M. Christian Paul. Combien d’agriculteurs notre pays comptera-t-il demain : quelques dizaines de milliers – c’est, hélas, la pente sur laquelle vous nous engagez –, ou quelques centaines de milliers ? Telles sont les questions que nous vous posons avec gravité.

Il y a plusieurs agricultures, mais vous ne vous adressez ni aux unes ni aux autres. Vous entretenez la fiction d’une unité là où il faudrait des politiques différenciées. Et dans ce projet de loi, vous privilégiez un modèle au détriment de tous les autres. Oui, cette loi d’orientation marque une rupture. Il est certes des ruptures créatrices, mais tel n’est pas le cas. Il en est de mineures, il en est aussi de néfastes. Vous voyez déjà de quel côté penchera notre jugement. Nous pourrions nous borner à regretter une loi « ultra light ». Car c’est bien une loi rustine : on annonçait la suppression de la taxe sur le foncier non bâti et l’on se contente de la réduire de 20 % ; on déplore le nombre d’heures travaillées par les agriculteurs français, mais l’accès aux services de remplacement est mis en place de façon très restrictive ; on vante l’agriculture biologique, mais le soutien proposé dans le texte est notoirement insuffisant…

M. François Sauvadet. Allons ! On ne peut pas dire cela !

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Que n’avez-vous agi avant ? Parlez-nous de votre bilan !

M. Christian Paul. Précisément ! Aujourd’hui, vous niez totalement la loi d’orientation de 1999, alors que la vôtre évacue les questions essentielles. Si vous allez au bout du scénario que vous proposez qui, pour nous, est le pire, derrière le paravent de la compétition économique, vous priverez la France de sa dernière chance de construire une ruralité moderne.

Nous dénonçons dans votre projet trois renoncements majeurs.

D’abord, le renouvellement des générations devient impossible. Ce n’est pourtant pas un mythe et je défends pour ma part l’idée qu’un équilibre doit être recherché dans les territoires ruraux avant que ne soit atteinte la barre fatidique des 100 000 ou 150 000 agriculteurs vers laquelle nous nous dirigeons, les dommages devenant alors irréversibles, car les équilibres économiques, sociaux, environnementaux de l’espace rural seront impossibles à maintenir ou à restaurer. Derrière la question cruciale de l’installation des jeunes agriculteurs, il n’y a pas que des statistiques. La loi d’orientation agricole aurait dû prendre ce problème à bras-le-corps en renouvelant des moyens d’intervention dont l’échec est patent dans la plupart des départements. Nous aurions applaudi des décisions courageuses : une réforme des SAFER, un portage public, avec les collectivités locales, du foncier ou des bâtiments d’exploitation, voire de leur mise aux normes. À cet effet, le groupe socialiste défendra un amendement subordonnant le maintien des aides européennes et des droits à paiement unique au strict respect de la priorité à l’installation, telle que doivent l’exprimer les CDOA. Nous demandons que les droits à paiement unique, dès lors qu’ils sont accordés sans respecter la priorité à l’installation, soient reversés à la réserve départementale en vue d’un réel soutien à l’installation des jeunes.

Alors, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés de la majorité, chiche ! Certes, ce serait aller contre des intérêts puissants, toujours en alerte, ceux-là même qui plaident pour l’installation le matin, sur les tréteaux et dans les assemblées générales, et pour l’agrandissement le soir !

Mes chers collègues, l’agrandissement excessif des exploitations est aujourd’hui la plaie des campagnes françaises. Il dévitalise les villages, ruine les paysages et supprime le voisinage dans une course sans fin à l’hectare. Or vous vous bornez à une mesure gadget en créant un crédit d’impôt dérisoire. Vous allez même prendre des contre-mesures, défavorables à l’installation. Vous renchérissez le prix des terres : les droits à paiement unique sont spéculatifs et le fonds agricole va accroître le prix des reprises. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Hervé Gaymard, avait reconnu ce risque, aujourd’hui avéré. Le ticket d’entrée dans l’agriculture deviendra inaccessible aux jeunes, y compris dans un cadre familial.

M. François Brottes. Absolument ! Les jeunes seront exclus !

M. Christian Paul. En outre, vous affaiblissez le contrôle des structures – c’est écrit noir sur blanc – même si vous ne parlez que d’allégement. C’est un signal politique très négatif, monsieur le ministre, y compris pour vos propres services, les directions départementales de l’agriculture. À quoi bon se battre dans les départements pour faire respecter des critères de priorité si le ministre lui-même dessine une autre voie ?

Les CDOA, il est vrai, ne font pas de miracles. Elles se montrent parfois timorées. Mais nous y avions introduit pluralisme et transparence, et s’il fallait sans doute les réformer, monsieur le ministre, cela ne signifiait pas affaiblir toute régulation.

Oui, avec cette loi, vous agissez contre l’installation des jeunes et le renouvellement des générations dans le domaine de l’agriculture.

La multifonctionnalité de l’agriculture devient subsidiaire.

M. Antoine Herth, rapporteur. Pas du tout !

M. Christian Paul. N’avez-vous pas vous-même, monsieur le rapporteur, évoqué à ce sujet la loi de 1999 ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Vous aurez mal entendu !

M. Christian Paul. Conjuguer l’agriculture de production avec l’agriculture de service aurait dû être, je le répète, le premier enjeu d’une loi d’orientation véritablement soucieuse du maintien de la population agricole. Pour de nombreux exploitants, en effet, seule la production est noble. À leurs yeux, le service rendu à la collectivité n’en est souvent qu’un sous-produit. Il fallait donc réconcilier ces deux fonctions de l’agriculture.

M. Antoine Herth, rapporteur. Nous l’avons fait !

M. Christian Paul. Mais cette nouvelle économie rurale ne figure pas sur votre tableau de bord. À côté de l’agriculture productiviste, peu à peu industrialisée, il y aurait pourtant de la place pour une agriculture organisée autour des produits du terroir et de prestations rémunérées liées à l’entretien des patrimoines, des espaces sensibles et des paysages. Or vous tirez un trait sur la multifonctionnalité de l’agriculture française. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Antoine Herth, rapporteur. C’est faux !

M. Christian Paul. Enfin, troisième renoncement : le contrat est abandonné. Je ne parle pas seulement du pacte social qui unit la France à son agriculture, mais aussi, très concrètement, du contrat en tant que fondement du soutien public à l’exploitant ou à l’exploitante agricole.

La PAC de 2003 a instauré des formes de soutien faisant appel à l’éco-conditionnalité et au découplage. Mais elle n’a pas choisi de s’appuyer sur un contrat clair permettant de revendiquer la rémunération des services non marchands. Et la grande faute, en matière agricole, du gouvernement Raffarin – dont vous étiez, monsieur le ministre, et qui en a commis bien d’autres –, fut l’abandon du contrat territorial d’exploitation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Antoine Herth, rapporteur. C’est vous qui le dites !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Bien au contraire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Heureusement que nous l’avons supprimé !

M. Christian Paul. Mais aujourd’hui, dans les départements, on regrette cette disparition.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Dans votre circonscription, peut-être, mais pas dans le reste de la France !

M. Yves Coussain. Ou alors pour des raisons financières !

M. Christian Paul. Pas seulement pour des raisons financières – bien que vous n’ayez mis en place aucune mesure pour lui succéder –, mais parce que les CTE, avec toutes leurs imperfections – que nous sommes d’ailleurs prêts à reconnaître –, inauguraient une politique agricole fondée sur une rémunération publique assumée, explicable à l’opinion et défendable devant l’Union européenne, y compris dans le cadre des futures réformes de la politique agricole commune.

M. Antoine Herth, rapporteur. C’est pourquoi nous avons créé les CAD !

M. Christian Paul. Mais les CAD relèvent de l’homéopathie ! Dans la plupart des départements français, on les compte sur les doigts de la main !

M. Michel Piron. Mais au moins, ils sont financés !

M. Christian Paul. Venez dans la Nièvre, monsieur le rapporteur, et nous vous montrerons les effets des CTE et des CAD : vous verrez comment les agriculteurs évaluent l’action des uns et des autres.

M. Pascal Terrasse. Les CAD sont caducs !

M. Christian Paul. Ainsi, alors que le CTE est abandonné depuis 2002, la loi d’orientation agricole entend l’enterrer une seconde fois.

M. Antoine Herth, rapporteur. C’est archifaux !

M. Christian Paul. Mais au-delà de ces renoncements, c'est-à-dire de tout ce que l’on ne trouvera pas dans le projet de loi – à moins que nous ne parvenions, par quelque miracle, à vous faire entendre raison –, comment devons-nous lire cette loi d’orientation agricole ?

C’est, avant tout, une simple loi d’accompagnement. Pourtant, monsieur le ministre, une politique agricole implique de s’adapter – les agriculteurs n’ont cessé de le faire depuis les années soixante –, de proposer – et nous l’avons fait en 1999 avec les Jeunes agriculteurs, en créant le CTE, justement –, mais aussi de résister, ce dont chaque rendez-vous de l’Organisation mondiale du commerce nous offre l’occasion depuis Seattle.

M. Pascal Terrasse. Exactement !

M. Christian Paul. En ce domaine, vous affichez la couleur, qui est celle de la résignation devant la libéralisation sans limite des échanges commerciaux, pensée mécanique qui justifie tous les déséquilibres et toutes les injustices.

Cette loi banalise l’agriculture. L’objectif de parité entre l’activité agricole et les autres branches de l’économie est, certes, présent depuis les années soixante, mais cela ne signifie pas gommer les spécificités pour faire taire les différences. Or cette loi fait de l’agriculture une marchandise banale et de l’agriculteur un producteur anonyme. Vous succombez, dans ce domaine comme dans bien d’autres, à l’illusion du marché. Pourtant, ministres, syndicalistes, députés, et bien sûr les paysans eux-mêmes, tous l’ont dit au moins une fois : l’agriculture n’est pas une marchandise – ou du moins pas une marchandise comme les autres.

Il s’agit donc non d’une loi d’orientation, mais d’une loi de banalisation de l’agriculture. Mais elle est aussi – et mes collègues auront l’occasion d’y revenir tout au long du débat – le tremplin vers l’agriculture financière. L’acteur majeur sera désormais l’apporteur de capitaux et non plus l’agriculteur, et vous ne devez surtout pas, mesdames et messieurs, en sous-estimer les conséquences.

La nature de l’agriculture française va en effet sortir profondément transformée de cet épisode. Aujourd’hui, elle demeure majoritairement familiale et solidaire. Demain, elle sera financière et solitaire (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), avec la diminution, puis la disparition – sur ce point, nous prenons date – des soutiens publics. Au fond, tout converge – et les parlementaires de l’opposition ne sont d’ailleurs pas les seuls à le dire – pour intégrer la réduction progressive de ces soutiens. Vous ne combattez pas cette évolution, monsieur le ministre : vous la préparez. Nous le verrons avant 2013 : qu’il s’agisse du budget de l’État ou de celui de la PAC, les agriculteurs français devront payer l’addition des accords conclus il y a trois ans. Quant à l’après-2013, c’est l’inconnu ! Quoi qu’il en soit, plusieurs rapporteurs ont déjà, ce soir, officialisé ce désengagement.

Plus profondément, peut-être, ce qui se dessine, c’est la fin du monde agricole en tant que groupe professionnel spécifique. Dans les années soixante, on pronostiquait déjà la fin des paysans,…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Les socialistes le faisaient !

M. Christian Paul. …ou du moins de la société rurale héritée de la IIIe République. Mais l’horizon dessiné par ce projet de loi d’orientation est d’une tout autre nature : c’est la fin d’une relation instituée entre la République et le monde agricole, une relation fondée sur des objectifs définis dans les années soixante, renouvelée depuis, et qui a parfois produit des abus – intensification extrême, concentration des aides publiques – mais qui a au moins permis de conserver les équilibres de nos campagnes en maintenant des centaines de milliers de producteurs. Mais en banalisant l’agriculture, vous marginalisez un peu plus ces derniers.

Et la Constitution, dans tout cela ? Si ce texte, sur lequel nous allons mener une discussion de fond pendant quelques jours et quelques nuits, me paraît bien peu recevable, monsieur le ministre, c’est parce que c’est au Parlement de faire la loi. Or vous le privez de ce rôle,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ça alors ! Merci de faire si peu de cas du travail accompli par la commission !

M. Christian Paul. …en abusant des ordonnances et en ayant recours à la procédure d’urgence.

En outre, alors qu’une loi d’orientation agricole doit rechercher l’intérêt général, vous répondez aux attentes d’une minorité d’agriculteurs, tout en tentant – en vain, d’ailleurs – d’acheter les faveurs du plus grand nombre.

Quant au principe du développement durable, mes chers collègues, il n’inspire pas beaucoup ce texte. Nous sommes bien loin de l’euphorie liée à l’inscription de la charte de l’environnement dans notre constitution.

M. François Sauvadet. Euphorie ? C’est beaucoup dire !

M. Christian Paul. « La planète brûle », disait le Président de la République lors d’un sommet mondial. Mais pour ce qui concerne l’agriculture française, c’est plutôt le prix des terres qui flambe, et toute une génération fréquentant nos lycées agricoles qui risque de rester sur le bord du chemin.

Pour conclure, monsieur le ministre, et en guise de bilan des décisions dévastatrices prises depuis 2002 par votre majorité,…

M. François Sauvadet. Vous pouvez remonter jusqu’en 1999 !

M. Christian Paul. …j’en ferai la chronologie : l’accord budgétaire accepté par le Président de la République ; la politique agricole commune adoptée en 2003 à Luxembourg ; cet élargissement si mal maîtrisé de l’Union européenne à dix nouveaux pays ; des budgets agricoles sacrifiés de 2003 jusqu’à 2006 ; et, aujourd’hui, la loi d’orientation agricole. C’est une Saint-Barthélemy pour l’agriculture française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Voilà un jugement tout en nuance !

M. Christian Paul. Nous n’en serons ni les spectateurs silencieux, ni les complices inertes. Nous serons, dans ce débat mais aussi dans les années qui viennent, combatifs, vigilants, une force de propositions pour l’avenir de l’agriculture française. Pour en témoigner, je vous invite, au nom du groupe socialiste, à voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. Attendez de savoir ce qu’il va dire !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous m’auriez fait plaisir, monsieur Sauvadet, en applaudissant aussi !

M. François Sauvadet. J’applaudis quand cela se justifie !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Espérons que vous le ferez à la fin de mon intervention.

Je répondrai à M. Paul…

M. Pascal Terrasse. Au groupe socialiste !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Et au groupe socialiste, pardonnez-moi. Mais M. Paul étant d’une famille qui n’est pas toujours majoritaire au sein du groupe, je ne savais pas si son propos était fabiusien ou socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Il ne le sait plus lui-même !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Comme vous le voyez, nous suivons la préparation du congrès du Mans, qui semble être l’objet de votre principal intérêt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je répondrai donc à Christian Paul sur la forme et sur le fond.

Tout d’abord, après l’excellent exposé de Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social, et qui est également un des vice-présidents des Jeunes agriculteurs, je rappellerai que le CES a donné, à une très grande majorité, un avis favorable à ce projet de loi, du moins dans son état du mois de mai. En effet, cet avis précédait l’adoption du projet en conseil des ministres. Or, comme vous l’avez noté vous-même, monsieur Paul, le texte a été profondément modifié grâce au travail de la majorité des membres de la commission et à celui du Conseil économique et social – je pense en particulier au très intéressant rapport sur le foncier remis par M. Boisson, qui nous a fortement inspirés.

En ce qui concerne le travail effectué en commission, nous nous sommes effectivement aperçus – c’était, je crois, la raison de votre demande de suspension de séance – qu’un amendement gouvernemental – et un seul – n’avait pas été soumis à temps à l’ensemble des commissaires. Cela a été constaté par le président et par le rapporteur de la commission des affaires économiques. Vous ne pouvez donc pas affirmer que vous découvrez les amendements : le travail a été effectué en commun.

M. Christian Paul. Je n’ai jamais dit cela !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Au nom de la commission tout entière – tous groupes politiques confondus –, son président a considéré, à juste titre, qu’il y avait trop d’ordonnances. Nous sommes donc passés de douze ordonnances à quatre, ce qui montre notre respect du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons également indiqué que celui-ci serait consulté sur le contenu des ordonnances, jusque dans leur détail, et que celles-ci seraient élaborées avec des parlementaires.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Cela constitue, je pense, une réponse à vos objections.

En ce qui concerne l’urgence, monsieur Paul, il ne vous a certainement pas échappé – d’autant plus que vous étiez personnellement impliqué, avec certains de vos amis, – que des événements politiques se sont produits en France à la fin du mois de mai, entraînant un changement de Premier ministre et de gouvernement, ainsi qu’une modification de l’ordre du jour des assemblées parlementaires. Jean-Pierre Raffarin d’abord, puis Dominique de Villepin, souhaitaient que ce texte soit examiné avant la fin de la dernière session ordinaire. Ce n’a pas été le cas, l’interruption ayant été plus longue que prévu. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé l’urgence, car nous souhaitons que ces mesures s’appliquent dès 2006. Cela n’empêche pas un travail très complet – l’ordre du jour le permet – sur l’ensemble du projet de loi, à l’Assemblée nationale puis au Sénat.

J’ajoute qu’il est de l’intérêt du monde agricole que ce texte soit adopté avant la fin de l’année. Certaines dispositions fiscales sont importantes et attendues ; elles doivent s’appliquer dès le début de 2006.

Il était normal que vous souleviez ces problèmes de forme. Je vous réponds en toute franchise et en toute simplicité.

Sur le fond, je pense que les parlementaires de la majorité ici présents ont bien noté la différence politique entre la vision de l’agriculture qu’a le Parti socialiste – je ne sais ce qu’en dira l’orateur du groupe communiste – et la nôtre. Nous sommes, en effet, pour une agriculture qui repose sur des entreprises familiales se transformant de plus en plus en entreprises du système économique classique.

M. Pierre Goldberg et M. André Chassaigne. C’est un aveu !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce n’est pas un aveu, c’est la réalité de l’évolution de notre agriculture !

Vous êtes, quant à vous, dans la grande tradition socialiste et communiste d’une économie administrée.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce que vous avez fait pendant cinq ans avec les CTE et le reste de votre politique, totalement combattue par l’ensemble des organisations agricoles majoritaires…

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. …c’était une économie agricole administrée. Nous, nous sommes pour une économie agricole de liberté ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est ce qui différencie ce texte du vôtre !

C’est pourquoi je souhaite, et je lui lance cet appel, que la majorité vote contre votre exception d’irrecevabilité.

Permettez-moi enfin, en toute sympathie, monsieur Paul, d’ajouter, en tant qu’ancien membre de la commission des lois de cette assemblée, qu’à aucun moment vous n’avez soulevé dans votre argumentation un motif constitutionnel d’irrecevabilité. Vous avez tenu un discours politique que j’accepte et qui fait partie de notre débat. Mais il y a là une raison supplémentaire de voter contre l’exception d’irrecevabilité ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Michel Vergnier. C’est la première fois qu’un ministre fait une explication de vote !

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.

M. Michel Raison. Comme M. le ministre, je me suis demandé si l’immobilisme pouvait être un motif d’irrecevabilité. La réponse est évidemment non. En revanche, entendre prêcher l’immobilisme par le parti le plus conservateur de notre pays ne m’a pas franchement étonné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On fait le constat de ce qui ne va pas dans notre pays, puis, comme nous y a habitués Lionel Jospin pendant cinq ans, on pourrait peut-être, au lieu d’une loi d’orientation, faire un rapport, mais surtout ne rien toucher, pour ne pas faire de mécontents ! En effet, lorsqu’on réoriente l’agriculture par une vraie loi d’orientation, on ne fait pas, par nature, que des heureux !

M. Pierre Goldberg. Ce sont les gros exploitants qui seront contents !

M. Michel Raison. On constate, en effet, un certain nombre d’évolutions dans le domaine de l’agriculture en Europe et dans le monde avec les effets que cela entraîne. C’est ainsi que la question du renouvellement des générations dont on a tant parlé est cruciale. Ainsi, les gens du baby boom, dont je suis, vont partir en retraite dans quelques années : d’ici à 2015, nous compterons pas moins de 250 000 départs. Notre métier a beaucoup évolué. On demande aujourd’hui à l’agriculteur beaucoup de technicité, de savoir-faire, de sécurité en tout domaine. On a donc intérêt, pour renouveler les générations, à avoir des agriculteurs très formés. Placer le minimum au niveau IV est certainement insuffisant. Pourquoi ne pas faire venir des ingénieurs ? Mais comment donner le goût du métier à de nouveaux agriculteurs dans notre pays alors que deux thèses s’affrontent sur le renouvellement des générations : la thèse du barbelé et celle de l’oxygène ? La première consiste, lorsque l’agriculteur est installé, à lui expliquer qu’à vie – même s’il peut éventuellement espérer, s’il est gentil, qu’un jour on lui donnera 10 000 litres de lait – il n’aura pas le droit de monter en grade et devra rester tel qu’il est. Nous défendons la thèse du projet de carrière pour donner le goût de devenir agriculteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour que cette nouvelle exploitation familiale, qui devient une entreprise familiale, puisse survivre, créer du revenu et des emplois, il lui faut également de l’oxygène. Beaucoup de mesures de votre projet de loi, monsieur le ministre, en apportent.

Nous ne sommes tout de même pas dans l’industrie, et ce n’est pas parce qu’on s’oriente vers une entreprise familiale qu’on va remettre en cause tous les types d’agriculture. Où avez-vous vu dans le projet de loi que l’on revenait sur la multifonctionnalité de l’agriculture ? Cela n’y figure pas. Revient-on sur la vente à la ferme ? Bien sûr que non ! Telle n’est pas la réalité !

On critique, comme à chaque fois, l’absence de débat. Je ne prononcerai pas ici une parole de circonstance, tel n’est pas mon style. Je suis, certes, nouveau, mais j’ai déjà assisté à un certain nombre de discussions législatives. Pourtant, j’ai rarement vu un ministre autant à l’écoute…

M. Marc Laffineur. Très rarement !

M. Michel Raison. …des organisations agricoles ! Ce type de projet loi suscite, en général, chez elles des tollés ! Mais le ministre de l’agriculture a tant travaillé en amont avec les organisations agricoles que cela se passe plutôt bien. Il faut également féliciter le rapporteur qui auditionne depuis des mois l’ensemble des acteurs du monde agricole, de la production à l’agro-alimentaire.

J’ajouterai un dernier mot sur les ordonnances. Il faudrait éviter d’en parler dans une exception d’irrecevabilité parce que rien n’est plus constitutionnel que les ordonnances !

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Michel Raison. C’est si constitutionnel que c’est par une ordonnance que le général de Gaulle a fait naître la sécurité sociale voici tout juste soixante ans ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je conclurai d’ailleurs en citant le général de Gaulle, qui disait que les plus grandes choses qui aient toujours été dites au peuple ont toujours été des choses simples. Vous avez voulu, par ce projet de loi, monsieur le ministre, redonner un peu de simplicité au métier des agriculteurs. Vous avez ainsi rejoint le camp des gaullistes, monsieur le ministre ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

M. François Sauvadet. Nous venons d’assister à un exercice, traditionnel avant tout débat, de détournement visible de procédure puisqu’on ne relève aucun élément propre à établir le caractère inconstitutionnel du texte. Dès lors, le rejet de l’exception d’irrecevabilité sur le seul fondement de la rectitude de comportement de notre assemblée impose à chacun des parlementaires de reconnaître qu’il s’agit là d’une expression éminemment politique. En conséquence, vous me permettrez, monsieur Christian Paul, de me situer également sur ce terrain.

Vous avez évoqué la grande incertitude que traverse le monde agricole et la nécessité d’y répondre pour nous tous. Vous ne pouvez pas vous exonérer de votre propre responsabilité en la matière…

M. Guy Geoffroy. Qui est lourde !

M. François Sauvadet. …qui est d’ailleurs très lourde. Alors que vous avez simplement évoqué la nouvelle législature, je pourrais vous renvoyer à la précédente et même remonter à 1992 et aux premiers abandons en matière de plan protéines. Tous les députés présents et qui siégeaient à l’époque ou étaient observateurs s’en souviennent. Nous sommes devant une nouvelle situation extrêmement préoccupante. Dans le contexte européen et mondial, nous devons, vous le savez, émettre un message clair et marquer, par ce projet de loi, une orientation nouvelle. Nous devons dire aussi ce que la France veut vis-à-vis de l’Europe. Et sur ce point, monsieur Paul, vous qui avez engagé à voter non à la Constitution européenne, vous portez une lourde responsabilité dans le climat d’incertitude qui prévaut aujourd’hui en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Où est le « plan B » dont vous parliez, monsieur Paul ?

De grâce, que chacun, dans une assemblée, assume ses responsabilités ! Je respecte votre engagement pour le non, mais permettez-moi toutefois de vous dire, monsieur Paul, que vous avez pris une lourde responsabilité !

Mme Martine Lignières-Cassou. C’est n’importe quoi !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il a raison ! Où est le « plan B » ?

M. François Sauvadet. Il vous appartiendra comme à nous d’ouvrir une nouvelle espérance dans une Europe politique durablement compromise !

Mme Martine Lignières-Cassou. Cela n’a rien à voir avec le débat !

M. François Sauvadet. Et qu’elle le soit précisément au moment où nous devrions afficher un visage commun dans les négociations de l’Organisation mondiale du commerce qui vont s’ouvrir, est, croyez-moi, pour vous un motif de réflexion sur l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse. À entendre les différentes interventions, j’ai le sentiment que la majorité de ce pays – UDF incluse – a de plus en plus de mal à se faire comprendre du monde agricole. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, regardez ce qui se passe aujourd’hui dans notre monde rural ! Écoutez le monde agricole ! Écoutez le représentant du Conseil économique et social ! Il y a aujourd’hui une forme d’autisme chez nos collègues de l’UMP.

Le texte de loi tel qu’il est aujourd’hui présenté est d’abord et avant tout un texte bâclé, et ce pour plusieurs raisons à juste titre rappelées par Christian Paul.

Tout d’abord, il est présenté en urgence. Nous aurions souhaité, comme vient de le rappeler le représentant du Conseil économique et social, que le débat soit fondé sur des revendications, des aménagements, des orientations, demandés aujourd’hui par le monde paysan. Cela n’a pas été le cas et nous le regrettons.

M. Michel Bouvard. C’est une motion de renvoi en commission !

M. Pascal Terrasse. De plus, il faut dénoncer le déni parlementariste qu’est l’abus des ordonnances, même si vous êtes revenus en partie sur celles prises durant la période estivale.

Enfin, il est souhaitable, monsieur le ministre, qu’une loi d’orientation agricole repose sur une étude d’impact.

M. Jean Gaubert. Eh oui !

M. Pascal Terrasse. Pour la première fois, en l’occurrence, nous n’en disposons d’aucune. Concrètement, monsieur le ministre, combien restera-t-il d’agriculteurs dans cinq ans ? Nous aimerions, bien évidemment, obtenir une réponse. Christian Paul a parlé d’une « Saint-Barthélemy de l’agriculture », mais c’est aussi une Saint-Barthélemy des territoires et du monde rural ! En effet, il y a ici deux conceptions de l’agriculture. Vous venez d’affirmer la vôtre : c’est celle d’une agriculture libérale, dans un monde globalisé. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle correspond aujourd’hui, reconnaissons-le, à une très petite minorité des exploitants agricoles.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Caricature !

M. Pascal Terrasse. Vous avez avant tout choisi de privilégier les grandes exploitations au détriment des exploitations familiales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous le regrettons et aurons évidemment l’occasion de le démontrer.

Lorsque vous affirmez qu’il y aurait discordance entre le discours des socialistes et ce que dit le monde agricole, permettez-moi de vous répondre en reprenant ce qu’a notamment évoqué le responsable du Conseil économique et social quant à l’abandon du contrôle des structures. Oui, il a eu raison de s’inquiéter sur ce point, comme sur les SAFER. Y a-t-il là une logique de politique agricole administrée ? Je ne le crois pas. Il y a le choix d’une politique agricole mesurée, à l’opposé de la politique libérale de l’agriculture qui prévaut aujourd’hui.

Nous sommes d’ailleurs très inquiets sur certains points. Pour ce qui est de l’installation des jeunes agriculteurs, au-delà de votre engagement, monsieur le ministre, nous ne trouvons rien de sérieux dans ce texte. La réforme sociale est faite a minima. La mesure sur l’aide au remplacement, quoi que vous puissiez dire, représente, soyons sérieux, peu de chose – une mesure epsilon. Concernant les biocarburants, votre dispositif est très étroit et ne répond pas à l’attente du monde agricole d’aujourd’hui. Enfin, sur la novation relative à l’assurance récoltes, nous sommes évidemment attentifs aux propositions que vous allez faire dans ce texte de loi. Pour autant, comme nous l’avons rappelé lors des débats en commission, l’ensemble reste évidemment très insuffisant.

Le groupe socialiste votera donc l’exception d’irrecevabilité défendue par notre collègue Christian Paul. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, mon explication de vote sera courte puisque j’aurai l’occasion de m’exprimer tout à l’heure pendant quatre-vingt-dix minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je dirai simplement, sans trop déclencher de cris de votre part, mesdames, messieurs de la majorité, que nous approuvons l’argumentation de notre collègue Christian Paul et que nous voterons bien entendu l’exception d’irrecevabilité. Les propos de Pascal Terrasse vont tout à fait dans le sens de ceux que je tiendrai dans mon intervention.

Cela dit, je ne peux m’empêcher de revenir sur les propos qu’a tenus M. le ministre. Il a fait des citations au début de son intervention et montré que la littérature entrait dans ce gouvernement. En l’écoutant, j’ai pensé à un personnage de Molière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Tartuffe ?

M. André Chassaigne. Si vous pensez que c’est Tartuffe, vous vous trompez car il s’agit du Misanthrope. Philinte, dans Le Misanthrope, disait : « Ah ! qu’en termes élégants ces choses-là sont mises ! ». Les propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, sont en effet beaucoup plus modérés, beaucoup mieux habillés que ceux que vous avez tenus en commission, et on peut se reporter au compte rendu des travaux de cette dernière. Très clairement, très nettement, vous aviez expliqué qu’il s’agissait de quitter un modèle d’agriculture pour aller vers une agriculture libérale (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Jean Auclair. Ultra-libérale !

M. André Chassaigne. …et que l’adaptation s’imposait. Quand, aujourd’hui, avec des termes particulièrement soignés, des mots particulièrement choisis, vous dites qu’il s’agit de maintenir une nouvelle forme d’exploitation familiale adaptée au monde moderne, sans aucun doute vous masquez les choses, vous occultez la réalité, mais là, on passe peut-être du Misanthrope à Tartuffe.

En écoutant l’intervention de M. Raison, j’ai pensé à une autre pièce de Molière, Les Femmes savantes. J’essayais de comprendre ses propos quand, de façon assez désespérée, il montrait qu’il s’agissait de sauver l’exploitation familiale mais qu’elle devait s’adapter, qu’on n’allait pas tout bouleverser et que les agriculteurs s’y retrouveraient. Au final, je me suis dit, comme Chrysale dans Les Femmes savantes, « on cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé ». (Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est de l’autocritique !

M. André Chassaigne. Ce sera un enjeu de ce débat. Ce soir, vous faites la démonstration de votre embarras et je pense que la discussion sur les amendements nous réserve des joutes particulièrement agréables. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2341, d’orientation agricole :

Rapport, n° 2547, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2544, de Mme Brigitte Barèges, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 2548, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)