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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 7 octobre 2005

9e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi d’orientation agricole

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi d’orientation agricole (nos 2341, 2547).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 2.

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, nous abordons le deuxième article du projet de loi, qui a pour objet de favoriser la cessibilité des baux et de fixer, à partir du fonds agricole, l’indemnité versée par le sortant au preneur entrant.

Hier, nous avons examiné le contenu du fonds agricole. Des points de vue différents se sont exprimés. Nous avons vu qu’il existait des valeurs incontestables, comme le cheptel vif et mort, autrement dit le capital d’exploitation, mais aussi des valeurs immatérielles, parmi lesquelles figurent les droits à paiement unique – les DPU. Il est clair que la prime sera valorisée par le preneur sortant : s’il a une prime importante, il réclamera au preneur entrant une somme plus élevée.

Si nous accordons la possibilité de céder le bail, un fermier ayant un bail de dix-huit ans pourra arrêter au bout de neuf ans et vendre, en même temps que son fonds agricole, les neuf ans de bail restant à courir. La question est de savoir quelle valeur sera accordée aux années de bail qui restent à effectuer. Car même si elles ne figurent pas formellement dans la liste des biens matériels et immatériels, elles seront forcément prises en compte. Trois ans ou neuf ans n’ont évidemment pas la même valeur. Dès lors, le grand risque est que le sortant augmente le prix du fonds en fonction des années restantes du bail.

Si ce dispositif a été proposé, c’est que Bruxelles a séparé artificiellement la terre du droit à la prime, ce qui a abouti à ce qu’un fermier sortant soit tenté de vendre la prime au plus offrant, sans que les terres auxquelles la prime est attachée soient louées à celui qui achète. Avec le nouveau dispositif, le projet entend rassembler ces deux éléments dissociés et éviter l’éclatement des exploitations.

Cette mesure comporte toutefois des inconvénients. Elle entraînera, je viens de le démontrer, une augmentation du prix du fonds. Mais elle sera source d’autres problèmes.

Le statut du fermage fait obligation au bailleur de verser une indemnité au preneur sortant, mais pour des raisons bien précises, comme les améliorations foncières ou les arrière-fumures. L’interruption du fermage engendrera-t-elle la même obligation pour le bailleur ?

En outre, qui sera garant du paiement des fermages en cas de désaccord entre le bailleur et le fermier sortant sur le choix du nouveau preneur ? Il est indiqué dans le projet de loi que ce litige pourra être réglé par le tribunal paritaire. Mais si, après décision du tribunal, le nouveau fermier désigné, que n’avait pas choisi le bailleur, ne lui paie pas ses fermages, que se passera-t-il ? Qui est responsable ?

Par ailleurs, il se pourra que l’augmentation des fermages dont bénéficiera le propriétaire soit insupportable pour le fermier ? Que faire alors ?

Hier, des progrès ont été accomplis : le fonds est optionnel, l’initiateur de la création du fonds est l’agriculteur qui reste en place. Et nous sommes reconnaissants au ministre d’avoir accepté ces deux avancées essentielles, auxquelles s’ajoute une autre amélioration importante : la suppression totale des plus-values générées à l’occasion du transfert du fonds agricole d’un preneur sortant à un preneur entrant.

C’est à la lumière de ces améliorations qu’il nous faut juger aujourd’hui du problème posé. Pour ma part, les prenant en compte, je retire l’amendement de suppression de l’article 2 que j’avais déposé, sous réserve de l’examen de mes amendements.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Avant d’en venir à l’article 2, j’aimerais présenter le bilan que je tire de l’excellente soirée que nous avons passée hier.

Finalement, monsieur le ministre, aucune démonstration n’a été faite de l’intérêt du fonds agricole. Si vous me permettez ce clin d’œil, le ministre Dupont a dit : « le fonds agricole, c’est bien, c’est quelque chose de bien » et le rapporteur Dupond a ajouté : « c’est bien, c’est quelque chose de bien que ce fonds agricole ». Quand M. Herth a avancé que cela présentait un avantage pour la succession, se fondant sur son cas personnel, M. Dionis du Séjour a répliqué que cela présentait au contraire un désavantage, s’appuyant sur son cas personnel. Je vous mets donc au défi de présenter un seul argument en faveur du fonds agricole.

Avec le bail cessible créé à l’article 2, c’est le pompon ! Le fait même qu’il soit optionnel réduit à néant l’objectif que vous poursuivez. Vous savez bien que des fermiers louent leurs terres à plusieurs propriétaires. En Haute-Loire, certaines exploitations agricoles comptent trente à quarante propriétaires différents, comme dans les autres départements où le faire-valoir direct est atomisé. Imaginons ce que donnerait l’introduction du bail cessible optionnel dans de tels cas : certaines parcelles relèveraient du statut du fermage, d’autres du nouveau bail cessible. Cette dissociation entre en contradiction directe avec votre objectif d’établir un même régime avec une exploitation globale dotée d’une force économique. Vous avez dit que vous ne vouliez pas de démantèlement. Or, par la force des choses, c’est ce à quoi aboutira la mise en œuvre du bail cessible : les baux seront différents selon la volonté des propriétaires.

Mon argumentation est imparable : votre projet de loi comporte une contradiction fondamentale ! Non seulement une multitude de propriétaires pourront faire des choix différents et casser l’énergie que vous voulez voir déployer, mais comme les baux ne sont pas tous signés à la même date, ils pourront, sur une même exploitation agricole, s’arrêter en 2010, 2012, 2015. Dès lors, comment parvenir à l’entité économique performante que vous appelez de vos vœux ?

Non seulement vous n’avez pu démontrer l’efficacité du fonds agricole à l’article 1er, mais, avec l’article 2, vous anéantissez les objectifs purement verbaux que vous avez mis en avant hier.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, comme l’a dit M. Chassaigne, nous ne sommes pas au bout de nos peines !

Hier soir, j’ai souligné que les rapports entre les propriétaires et les locataires avaient beaucoup changé depuis cinquante ans. Auparavant, le propriétaire avait plusieurs locataires, tandis qu’aujourd’hui c’est souvent le locataire qui a affaire à plusieurs propriétaires, ce qui complique considérablement la mise en place du bail cessible.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Ce qui le rend encore plus nécessaire !

M. Jean Gaubert. Et je ne reviens pas sur la course de handicap auquel devra se livrer l’exploitant pour convaincre ses différents propriétaires de signer la même convention. On sait bien que les commodités possibles avec les uns ne le sont pas avec les autres.

Par ailleurs, pour que le système fonctionne, le cédant devra signer le bail bien avant l’âge de la retraite, car je ne vois pas comment un propriétaire accepterait de signer un bail cessible avec un fermier âgé de cinquante-huit ans et qui se prépare à prendre sa retraite à soixante ans. S’il le signe à l’âge de cinquante ans, il restera huit ans de bail, ajoutés aux cinq ans de renouvellement, soit treize ans de bénéfice, ce qui est à peine plus qu’un bail normal.

Cela aboutira aussi à un très fort renchérissement des baux. Reprenons le cas de l’exploitant qui a payé pendant dix ans le droit d’avoir un bail cessible. Il l’aura payé 50 % plus cher. Quand il le cédera, il voudra récupérer sa mise, et c’est tout à fait normal. Il reportera donc le renchérissement sur le jeune qui veut s’installer. Au nom de quoi reviendrait-on à un tarif normal du bail lors de l’installation du jeune ? On continuera sur la base du tarif qui avait été négocié, ce qui fait que le jeune agriculteur paiera deux fois le prix du bail pendant cinq à dix ans. Si c’est de cette façon que l’on pense pouvoir installer des jeunes agriculteurs dans ce pays, je crois que l’on se trompe. Et le jeune en question ne pourra se venger sur personne car, dix ou quinze ans plus tard, au mieux il sera parvenu à un accord avec le propriétaire – sûrement sur la base de ce prix du bail, le propriétaire n’acceptant pas qu’il le baisse –, au pire il devra s’en aller.

On achète les droits à prime, on paye un loyer double, on risque de se faire virer au bout de treize ou quinze ans : voilà l’avenir que vous préparez aux jeunes kamikazes qui accepteraient encore de s’installer !

Monsieur le ministre, vous dites que le pire n’est jamais devant nous, et je veux bien vous croire…

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Il est devant nous si les socialistes gagnent en 2007 !

M. Jean Gaubert. …car, selon vous, tout cela est optionnel. Mais je fais le pari que les centres de gestion auxquels les jeunes s’adressent pour réaliser des études économiques leur conseilleront de s’installer là où les contraintes que vous êtes en train de mettre en place n’existeront pas. Vous nous accusez d’introduire des contraintes, mais c’est vous qui en mettez une sur l’installation des jeunes avec un renchérissement qui n’est pas justifiable et, surtout, qui ne sera pas finançable.

M. François Brottes. Hélas !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements de suppression de l’article 2, nos 77, 940, 491 et 664.

L’amendement n° 77 de M. François Guillaume a été retiré par son auteur.

L’amendement n° 940 de M. Charles de Courson n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 491.

M. Jean Gaubert. Je ne reviendrai pas sur ce que je viens de dire. Je souhaite seulement que nos collègues s’interrogent sur la voie dans laquelle on essaie d’engager l’agriculture.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 664.

M. André Chassaigne. Hier soir, différents intervenants de la majorité, et notamment M. Simon, député de l’Allier, ont affirmé que les fermiers de notre pays approuveraient l’ensemble de ces propositions. J’ai lu attentivement la revue Fermier et Métayer, et notamment les déclarations faites lors du dernier congrès des organisations concernées. Je crois que les choses sont claires. Si le fonds agricole suscite un intérêt certain dans la mesure où est garanti le maintien du statut du fermage, le bail cessible provoque de fortes craintes. Le représentant du Massif Central déclare : « Les fermiers sont unanimes sur la nécessité de défendre un fonds qui aura pour objectif de permettre la cessibilité du bail. »

M. Yves Simon. Très bien !

M. André Chassaigne. Mais il ajoute : « En ce sens, nous sommes convaincus de la nécessité de l’encadrement, par des règles d’ordre public, des grands principes qui fondent le statut du fermage. »

M. Yves Simon. Et alors ?

M. André Chassaigne. Il dit encore : « Comment envisager le fermage et notre métier demain si les fondements que sont notre liberté d’entreprendre, la pérennité de nos exploitations et l’encadrement des prix sont supprimés ? »

Il est bien évident, et Jean Gaubert l’a démontré, que la pérennité des exploitations est menacée par la multiplicité des propriétaires, qui peuvent faire des choix différents quant à la durée des baux. Dans ces conditions, quelles sont les perspectives à long terme d’un fermier dont l’exploitation est menacée en tant qu’entité ?

Il est tout aussi évident que le bail classique sera progressivement abandonné au profit du bail cessible car les propriétaires y verront leur intérêt ; c’est d’ailleurs ce que demandent depuis plusieurs années les gros propriétaires.

M. Yves Simon. Gros et gras !

M. André Chassaigne. Au final, il y a un vaincu : le fermier, et un vainqueur : le syndicat des marquis !

M. Yves Simon. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Au nom du groupe UMP, je veux remercier l’opposition de se faire le meilleur avocat de ce projet de loi ! Hier soir, en fin de séance, Jean Gaubert a brillamment défendu la nécessité d’introduire les DPU dans le fonds agricole et, ce matin, André Chassaigne nous démontre que le plus grand inconvénient du bail cessible est de ne pas pouvoir être appliqué à chaque fois. Il a même dressé la liste des cas dans lesquels, par malheur, on ne pourrait pas l’appliquer. Quel meilleur avocat aurions-nous pu trouver pour défendre la qualité du bail cessible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Argument ridicule !

M. Michel Raison. Pour faire plaisir à André Chassaigne et répondre à François Guillaume, je citerai Alexis de Tocqueville : « Lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, le présent marche dans les ténèbres. » (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Grâce à vous, monsieur le ministre, nous marchons dans la lumière !

M. André Chassaigne. C’est le culte de la personnalité !

M. François Brottes. Carrément ! Ça vaut au moins le mérite agricole !

M. Michel Raison. Que n’a-t-on entendu lorsque Michel Rocard a mis en place les quotas laitiers ? À l’époque, les organisations agricoles étaient contre, maintenant elles sont pour.

M. François Brottes. Il était pas mal, Rocard !

M. Michel Raison. Il était même si bien que certains, au parti socialiste, ont voulu le tuer, mais je ne citerai personne.

M. le président. Monsieur Raison, pour le moment la séance se déroule plutôt bien…

M. Jean Gaubert. Ça ne va pas durer !

M. le président. ….et personne ne veut tuer personne ! (Sourires.)

M. Michel Raison. Certains avaient alors demandé que les quotas laitiers soient séparés du foncier, car le fait qu’il y soient rattachés avait des effets pervers tant pour le fermier que pour le propriétaire. En effet, un propriétaire dont le fermier décidait tout à coup, en prévenant à peine, de prendre une prime de cessation laitière pouvait voir la valeur de ses terres chuter brusquement de moitié.

M. Jean-Louis Dumont. C’est la spoliation du petit propriétaire qui continue avec votre loi !

M. Michel Raison. Je voulais démontrer par là que les quotas faisaient partie du fonds et donnaient de la valeur aux terres. Aujourd’hui, en intégrant les DPU dans le fonds et en rendant le bail cessible, on répond en partie au problème que posent les DPU.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Tout à fait !

M. Michel Raison. On pourrait aussi dire à cette tribune que l’agriculture demande des prix, non des aides. Mais arrêtons la démagogie ! Dans un contexte européen et mondial, nous essayons de mettre en place les systèmes qui comportent le moins d’inconvénients.

Tout système a des effets pervers et des inconvénients …

M. François Brottes. C’est un aveu !

M. Michel Raison. Oui, mais le système qu’on met en place est celui qui présente le plus d’avantages.

M. Jean-Louis Dumont. C’est le contraire qui va se produire !

M. Michel Raison. Comme d’habitude, je n’ai entendu que des critiques de la part de l’opposition, qui ne nous a pas proposé le système idéal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. C’est dommage, chaque fois qu’on arrive le matin dans cet hémicycle avec de bonnes dispositions, ça ne dure jamais longtemps !

M. Yves Simon. Il ne fallait pas rappeler ce que vous aviez déjà dit hier soir !

M. Jean Gaubert. J’ai rappelé ce qui avait été dit hier afin que nous ayons les mêmes bases de départ.

Monsieur Raison, j’ai l’habitude de considérer que si j’ai été mal compris, c’est que je me suis mal exprimé. Si vous le souhaitez, je peux recommencer.

M. Michel Raison. Non !

M. Jean Gaubert. Dans ces conditions, considérez que vous avez mal compris mes propos, mais ne les interprétez surtout pas !

M. Michel Raison. J’ai peut-être été moi aussi mal compris !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 491 et 664.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 765 et 669, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour défendre l’amendement n° 765.

M. Jean Gaubert. Nous avons bien compris que, n’étant pas suffisamment nombreux, nous n’empêcherions pas l’avènement de cette grande nouveauté que constitue le bail cessible pour l’agriculture française : « Tu as le droit de rester un peu plus longtemps dans la ferme, mais tu paieras beaucoup plus cher. » En l’état, le projet est extrêmement dangereux car on sait d’expérience, à moins de ne rien connaître au monde agricole, que celui qui a le plus d’argent à mettre dans ce genre d’opération, c’est celui qui s’agrandit plutôt que celui qui s’installe. Personne ne peut dire le contraire. Le nouveau système sera accessible tout au plus à ceux dont les parents sont très riches, mais bien peu sont dans ce cas. S’il doit faire appel aux banques pour financer le fonds agricole, sans parler de ce dont il n’aura pas besoin, le nouveau venu passera largement après celui qui exploite déjà une affaire qui marche.

Notre amendement précise donc que le dispositif s’adresse d’abord aux jeunes qui s’installent. Si vous n’adhérez pas à cette idée en votant pour, vous ne pourrez pas continuer indéfiniment à répéter que votre objectif est l’installation des jeunes. Vous serez bien obligés d’admettre que vous vous contentez de laisser couler les choses au fil de l’eau, c’est-à-dire que vous vous résignez à ce qu’il n’y ait plus, dans vingt ou trente ans, que 100 000 exploitants, voire 50 000 selon notre collègue et ami Lassalle. Je crains malheureusement que sa prémonition ne se vérifie.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 669.

M. André Chassaigne. Il ne faut pas, monsieur Raison, dire n’importe quoi pour se sortir d’une passe difficile. Nous mettons l’accent, non pas sur les aspects positifs du bail cessible, mais sur toutes les contradictions qu’il recèle pour vous prouver que ce que vous proposez ne marchera pas, et vous le savez très bien ! N’essayez donc pas de jouer sur les mots en nous accusant de nous y opposer tout en le soutenant.

Tout d’abord, le bail cessible est, par nature, lourd de contradictions : il entravera le fonctionnement de la mesure que vous avez adoptée hier, à savoir le fonds agricole.

Mon deuxième point, et mon amendement le prouve, c’est que vous auriez pu traiter autrement le bail cessible – je n’y suis pas défavorable en soi –, notamment en respectant le statut du fermage. Chaque fois que nous sommes intervenus pour souligner que vous remettiez ce statut en cause, vous nous avez rétorqué que ce n’était pas vrai. Mais vous n’en avez pas apporté la moindre preuve, pas plus qu’hier à propos du fonds agricole.

Voulez-vous des exemples des atteintes qui seront portées au statut du fermage ?

Premièrement, l’augmentation du loyer de 50 % : c’est vrai ou c’est faux ? Et n’est-ce pas une atteinte au fermage ?

Deuxièmement, la réduction de la durée de préavis de dix-huit à douze mois : c’est vrai ou c’est faux ? Mais je conviens que vous avez accepté en commission mon amendement pour maintenir la situation actuelle.

Troisièmement, le droit donné au bailleur de ne pas renouveler un bail sans justification, contre le versement d’une indemnité compensatrice de licenciement : ne l’avez-vous pas prévu dans votre texte ? C’est bien un coup porté au statut du fermage.

Quatrièmement, vous remettez en cause le caractère automatique du renouvellement du bail, décision incohérente, soit dit en passant, avec la création du fonds agricole. Aujourd’hui, le bail dure neuf ans et il est renouvelable. Vous proposez dix-huit ans, avec un renouvellement garanti de cinq ans seulement. Autrement dit, le fermier pourra compter sur un bail de vingt-trois ans. Pensez-vous ainsi couvrir la totalité de sa vie professionnelle ? Ne sera-t-il pas obligé, dans certains cas, de passer d’une ferme à une autre ?

Aujourd’hui, le fermage est d’ordre public, ce qui veut dire qu’aucun contrat entre un bailleur et un preneur ne peut déroger au statut. En créant dans le projet de loi autant de dérogations, vous supprimez de fait cette protection. À terme, le droit des contrats classique risque de s’imposer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements.

M. André Chassaigne. Vous ne donnez aucun argument !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis, naturellement.

M. André Chassaigne. Quel mépris aussi dans cette réponse !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. On s’en est déjà expliqué et on ne va pas le faire à chaque amendement !

M. André Chassaigne. Quel mépris !

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je ne peux pas laisser nos collègues Jean Gaubert et André Chassaigne dire qu’on ne fait rien pour l’installation des jeunes, voire qu’on la contrecarre. Au contraire, nous cherchons à clarifier le cadre juridique de l’installation.

Cela étant, pour qu’un jeune ait envie de s’installer, il faut qu’il ait l’espoir de gagner sa vie. C’est pourquoi le projet de loi d’orientation explore des pistes pour permettre aux jeunes agriculteurs de s’en sortir, en particulier le développement des bioénergies. J’espère que vous voterez avec nous toutes les mesures en ce sens.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 765, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Il faut reconnaître que, comme un fermier a affaire en moyenne à huit propriétaires, l’application du bail cessible sera forcément limitée. Votre objectif, monsieur le ministre, nous l’avons compris, est d’éviter l’éclatement des exploitations existantes, mais, dans un tel contexte, je ne suis pas sûr que le bail cessible constitue la bonne réponse.

Il existe une autre possibilité qu’il faut utiliser au maximum : la politique des structures, qui soumet à autorisation le démantèlement des exploitations. Aujourd’hui, chaque fois qu’une exploitation disparaît, la tendance de fond est de la voir démembrée pour agrandir celles qui existent, sans laisser à un jeune la possibilité de s’installer. Les textes actuels soumettent à autorisation le démantèlement des exploitations. Puisque vous nous avez déclaré que vous souhaitiez procéder à un toilettage par ordonnance – et j’y souscris –, il vous sera possible à cette occasion de maintenir l’autorisation obligatoire que doit recueillir le démantèlement d’une exploitation, afin d’éviter ce que nous redoutons tous, l’éviction de jeunes qui voudraient s’installer. J’aimerais que vous nous répondiez sur ce point.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je suis prêt à examiner ce point.

M. le président. Pour que nous puissions passer agréablement les quelques minutes qui nous restent avant le scrutin, je donne la parole à M. Brottes.

M. François Brottes. Je vous remercie, monsieur le président, et j’en profite pour attirer l’attention de nos collègues sur les raisons qui nous ont conduits à demander un scrutin public sur l’amendement n° 765.

Ce vote est un moment de vérité. Il s’agit seulement de vérifier que le bail cessible est destiné prioritairement à l’installation des jeunes agriculteurs hors cadre familial. Comme nous l’avons tous dit, et je m’en réjouis, les installations se font de plus en plus hors cadre familial ; il faut donc les faciliter. Nous vous permettons avec cet amendement d’aller au bout de vos déclarations. Si elles sont conformes à votre volonté politique, votez-le. Sinon, il va sans dire que chacun conclurait que le projet de loi d’orientation agricole vise à tout autre chose qu’à favoriser l’installation des jeunes.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 765.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je mets maintenant aux voix l'amendement n° 669.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 572 de M. Marlin n’est pas défendu ; les amendements nos 32 de M. Deprez, 38 de M. Taugourdeau et 587 de M. Mourrut, non plus.

La parole est à M. Michel Raison, pour soutenir l’amendement n° 854.

M. Michel Raison. Il est soutenu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement n° 854.

Je profite de l’occasion pour revenir aux amendements précédents et répondre plus longuement à M. Chassaigne, dont j’ai senti la déception. Je le prie de m’excuser mais, comme notre discussion portait sur le débat d’hier soir, j’en avais conclu qu’il n’était pas utile de ma part d’insister davantage.

Le statut actuel du fermage prévoit un bail cessible, mais uniquement dans le cadre familial. L’adjonction d’un chapitre VIII au titre Ier du livre IV du code rural consacré aux baux ruraux ne lui enlève rien. Il prévoit simplement un autre cas de figure qui permettra une cession en dehors du cadre familial, afin, c’est du moins ce que nous souhaitons, d’assurer aux exploitants qu’ils pourront valoriser, au long de leur carrière, le fruit de leur travail et transmettre leur exploitation aux générations suivantes.

Puisque nous faisons assaut de slogans – je pense à celui de M. Vergnier hier –, je vais en citer un autre qui plaira sûrement à nos amis de l’opposition : « Un paysan qui meurt sans successeur est un paysan qui meurt deux fois. » C’est une sentence terrible. Parce que la démographie fait que beaucoup d’agriculteurs n’ont pas de successeur direct et qu’il faut éviter de tels drames, nous élargissons le bail cessible, qui devrait permettre d’ouvrir les portes de l’agriculture à de nombreux jeunes.

M. François Brottes. Vous venez de voter l’inverse !

M. Michel Raison. Le but de mon amendement est de ne pas rendre obligatoire la conclusion du bail cessible sous la forme authentique. On lui a opposé deux arguments ayant trait, le premier à la mémoire, le second à la qualité du conseil juridique.

Sur le premier point, je rappellerai qu’enregistrer un bail, c’est assurer sa mémoire.

Sur le second point, même si j'ai beaucoup d'estime pour les notaires – le mien est d’autant plus un ami qu’il a sa carte à l'UMP (Sourires) –...

M. François Brottes. Faut-il en avertir Le Canard enchaîné ?

M. Michel Raison. ...il faut bien reconnaître que les services juridiques des organisations agricoles sont au moins aussi compétents en matière de baux. Mon amendement ne présente donc aucun risque puisque la forme authentique ne s’impose pas plus en termes de sécurité juridique qu’en termes de mémoire.

M. le président. La parole est à Mme Barrèges, qui a aussi sa carte à l’UMP. (Sourires.)

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois. Chacun sait que, compte tenu de la durée des baux cessibles – dix-huit ans –, il est important de conserver des archives et qu’à ce titre le contrat sous seing privé est insuffisant. Il convient également que des professionnels du droit puissent vérifier que le bailleur n’a pas inscrit de clauses restrictives. En revanche, il est vrai, monsieur Raison, que les notaires ne sont pas les seuls à avoir des compétences juridiques, et on doit pouvoir faire appel aux membres d’autres professions judiciaires, notamment aux avocats.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Ma réponse précédente ne vous a pas satisfait, monsieur Raison, car elle vous a peut-être donné l’impression de ne s’adresser qu’aux membres de l’opposition. Je tiens donc à la préciser.

La commission tient à conserver la forme authentique pour le bail cessible en raison de sa longue durée – dix-huit ans complétés par un renouvellement de cinq ans au moins, ce qui laisse une part de discussion entre le bailleur et le preneur. Il est donc important que l’accord d’origine soit conclu sous la forme authentique, afin d'éviter des conflits et de garantir le bon fonctionnement du bail après son renouvellement.

Cela ne signifie pas pour autant, madame Barèges, que les avocats n’aient pas à jouer un rôle important de conseil juridique auprès des parties avant qu’elles ne passent devant le notaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission des affaires économiques : défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.

M. Jean-Marie Binetruy. J'ai cosigné l'amendement défendu par Michel Raison parce que, même si l'on peut comprendre les arguments en faveur du bail authentique, on ne doit pas pour autant ignorer que son coût fait craindre aux agriculteurs d’être pénalisés.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah !

M. Jean-Marie Binetruy. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que des solutions pourront être trouvées. Pouvez-vous nous donner des assurances ?

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, je n'ai pas de compétence technique en ce domaine et j’aimerais vous poser la question suivante : les baux à long terme ou les baux de carrière sont-ils obligatoirement passés sous forme authentique ?

Nous aurions en effet intérêt à harmoniser les régimes de baux de même nature, non seulement pour des raisons de coût – Jean-Marie Binetruy les a évoquées à l'instant –, mais également parce que le bail sous seing privé me paraît suffisant, à condition évidemment d'être enregistré : seul l’enregistrement, en effet, garantit la mémoire.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Certaines idées progressent dans l'hémicycle ! Lorsque nous avons soutenu, il y a une demi-heure à peine, que le système que vous voulez mettre en place surenchérira le coût de l'installation, vous l'avez contesté : maintenant vous semblez le reconnaître, mais seulement pour ce qui ne coûtera pas le plus cher, c'est-à-dire la conclusion d'un bail sous forme authentique.

Monsieur Guillaume, tous les baux ne sont pas de même nature. Le bail de carrière, qui fonde, certes, une relation longue entre un propriétaire et son locataire, n’est pas le bail cessible, dans lequel le propriétaire accepte un dessaisissement au profit d’un locataire qui en choisira ensuite un autre. Un contrat béton est dès lors nécessaire pour assurer la sécurité juridique. D’ailleurs, ce n'est pas son coût qui pèsera le plus et interdira aux parties de conclure. C'est bien plutôt, en amont, le coût de l’opération elle-même. En revanche, si la sécurité juridique n'est pas assurée, de nombreuses difficultés d'interprétation surgiront.

Ni mon notaire ni mon avocat n'ont leur carte à l'UMP. Ils ne l’ont pas davantage au parti socialiste. Assurer la sécurité juridique n'en est pas moins nécessaire, parce qu'il s'agit de contrats à très long terme qui n’engagent pas seulement deux personnes privées.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis très soucieux, comme chacun d'entre vous, mes chers collègues, des questions de forme. C’est pourquoi je tiens à relever la grave imprécision que contient l’amendement tel qu'il est rédigé.

S’il était adopté, il aboutirait en effet à mentionner dans l’article L.481-1 du code rural un contrat « passé en la forme authentique ou rédigé ». Peu importe la suite, à savoir « par une personne visée aux articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ». Il convient en revanche de préciser s’il existe en droit une différence entre un contrat « passé » et un contrat « rédigé ».

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis de la commission des lois. Il n’y en a aucune.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S'il n'y en a aucune, il est nécessaire de revoir la rédaction de l’amendement – c’est un travail à faire en commission. Donnons-nous comme délai les navettes entre le Sénat et l’Assemblée car l’adoption de cet amendement dans sa rédaction actuelle serait à l’origine de difficultés d'interprétation insurmontables.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. À côté du statut du fermage le texte prévoit de créer un « produit », le bail cessible, qui n'a ni la même durée ni le même loyer. La durée étant plus longue, le loyer sera plus cher : loin de me choquer, cela me semble conforme aux règles de l’économie.

Monsieur Chassaigne, même si je suis, comme vous, très attaché au statut du fermage, je tiens à préciser que, dans le Lot-et-Garonne du moins, de nombreux blocages sont apparus, qui ont conduit à certaines dérives. Les propriétaires sont de plus en plus réticents à affermer leurs terres selon le statut actuel, préférant les confier à des prestataires de services. C’est pourquoi la création d'un produit supplémentaire à côté du statut de base me semble une proposition intéressante, même si ce n’est pas l’alpha et l’oméga.

En revanche, le bail cessible engageant pour une durée considérable – dix-huit ans –, je ne peux pas suivre le raisonnement de mon ami Michel Raison visant à faire l'économie du passage devant notaire. L'expérience nous montre en effet que la forme authentique est nécessaire pour limiter d'éventuels conflits.

M. Antoine Herth, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. En aucun cas, monsieur Gaubert, l’amendement que je propose ne nuit à la sécurité juridique.

Néanmoins, compte tenu de l’objection du président de la commission et des arguments avancés par le rapporteur, je retire provisoirement mon amendement. Mais je ne désarme pas et je le présenterai de nouveau d’ici à l’adoption définitive du projet de loi.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous comptons sur Mme Barèges pour en améliorer la rédaction.

M. le président. L'amendement n° 854 est retiré.

L'amendement n° 441 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 283 et 174.

M. Antoine Herth, rapporteur. Ce sont des amendements rédactionnels, monsieur le président.

M. le président. Auxquels le Gouvernement est favorable.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Les amendements identiques nos 284 et 175 sont également rédactionnels.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 650 rectifié de M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 1050, qui est de repli.

M. le président. L’amendement n° 650 rectifié est retiré.

Vous avez la parole, monsieur Léonard, pour soutenir l’amendement n° 1050.

M. Jean-Louis Léonard. L’arrivée du bail cessible doit être l’occasion de redonner un peu de fluidité au marché du foncier. C’est pourquoi cet amendement tend à redéfinir les relations entre le propriétaire et le preneur en leur offrant des possibilités supplémentaires pour négocier leur contrat. Il vise à simplifier le code par la suppression d’un certain nombre de contraintes, mais il laisse évidemment à la commission consultative le soin de valider les accords passés entre les parties. Cette simplification fera disparaître un bon nombre des causes actuelles de conflit, qui deviendraient encore plus importantes avec le bail cessible.

Cet amendement me paraît devoir satisfaire autant les propriétaires que les exploitants et correspondre au souci du Gouvernement de simplifier les relations entre bailleurs et preneurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. Je souhaiterais entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Eh bien, nous allons l’entendre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement qui répond en effet à l’objectif de simplification des relations entre bailleurs et preneurs.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous découvrons nous aussi l’amendement n° 1050, puisqu’il n’a pas été examiné en commission. Doit-on comprendre que, s’il est adopté, la SAFER ne pourra plus exercer son droit de préemption sur les biens concernés, comme il est écrit dans l’exposé sommaire ? Si tel est bien le cas, je ne voterai pas l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. L’amendement réduit en effet le droit de préemption des SAFER, étant entendu que la procédure est soumise à la commission consultative paritaire départementale. Nous sommes donc dans un cadre consultatif, mais aussi collégial. S’il existe un accord entre les parties, pourquoi ajouter une couche supplémentaire ? Ce n’est d’ailleurs qu’une atteinte tout à fait minime aux droits des SAFER, au regard des prérogatives dont elles jouissent aujourd'hui.

M. le président. Au deuxième alinéa de cet amendement, sans doute convient-il d’écrire « prescrites » au lieu de « prescrits », puisque le participe passé se rapporte aux primes d’assurances.

M. Jean-Louis Léonard. Tout à fait.

M. le président. Cet amendement devient donc l’amendement n° 1050 corrigé.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 78, 35, 39 rectifié, 588 et 855, pouvant être soumis à une discussion commune.

Je consulte leurs auteurs et je constate que seuls seront défendus les amendements nos 78 et 855.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l’amendement n° 78.

M. François Guillaume. Étant donné l’importance de l’investissement réalisé par le cessionnaire du fonds et bénéficiaire du bail, il faut essayer de lui donner le plus de sécurité possible. Je propose donc que l’on allonge la durée du bail en en faisant un vrai bail de carrière. Cette garantie supplémentaire est justifiée, je le répète, par l’investissement que devra réaliser le repreneur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Elle a repoussé cet amendement. Je souhaite toutefois préciser à M. Guillaume les dispositions prévues dans le projet gouvernemental : la clause de renouvellement après la période initiale de dix-huit ans est de cinq ans au minimum, mais elle peut être beaucoup plus longue, si bien que l’on peut entrer dans une logique de bail de carrière comme vous le souhaitez.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je souscris à l’argumentation de M. le rapporteur. À M. Guillaume, qui connaît bien mieux que moi les subtilités du monde agricole, je rappelle que le Gouvernement, lors du travail préalable qu’il a effectué avec l’ensemble des organisations, est parvenu, non sans difficulté, à un compromis entre les preneurs et les bailleurs. C’est cette durée qui a été retenue. Mieux vaut donc ne pas la modifier, car elle est apparue à tous les professionnels comme une bonne solution d’équilibre.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis favorable à l’amendement de M. Guillaume, qui a bien démontré que le bail est susceptible d’être résilié après le délai de vingt-trois ans ; si le propriétaire a la volonté de changer de locataire au bout de cette période, il sera parfaitement libre de le faire. Il s’agit donc d’un recul par rapport au statut actuel du fermage. Certes, on n’en reviendra pas à la situation d’avant 1945, où l’on pouvait changer de fermier tous les trois ans – le seul avantage que cela représentait, comme l’indiquait un orateur au début de la discussion, était que l’on entrait dans une maison où il n’y avait pas de toiles d’araignée. Il n’en reste pas moins que c’est un recul extrêmement important, car un fermier risquera désormais de ne pas passer la totalité de sa carrière sur la même exploitation. Alors qu’il peut avoir fait des choix de gestion à long terme, il courra le risque d’être renvoyé au bout de vingt-trois ans. Peut-on imaginer cela pour un chef de petite entreprise ayant fait des investissements de même ordre dans son établissement ? Il y a là un paradoxe, monsieur le ministre : pour justifier la création du fonds agricole, vous arguez qu’il faut donner aux entreprises les moyens d’être compétitives et d’avoir une vision à long terme pour réaliser des projets de développement et s’inscrire dans une dynamique. Imaginez qu’on ordonne à un chef de PME, au bout de vingt-trois ans, d’abandonner son entreprise pour aller s’installer ailleurs ! Or c’est bien cela que vous allez rendre possible. C’est un coup grave porté au statut du fermage.

L’amendement de M. Guillaume permet de maintenir une garantie, de dresser une sorte de digue contre la déferlante des coups portés aux fermiers.

M. le président. La parole et à Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Il faut vraiment y insister : la création de ce bail cessible de dix-huit ans, renouvelable de cinq ans en cinq ans, n’enlève rien au statut actuel du fermage ; bien au contraire, elle introduit un outil de plus, sans faire disparaître ceux qui existent, notamment les baux de carrière. On propose donc un panel plus large et plus conforme à la loi des parties – le bail cessible, répétons-le, est optionnel –, qui pourront faire d’autres choix si cette solution ne leur plaît pas : le bail à ferme de neuf ans, le bail de carrière et tous les autres baux.

L’avantage du bail cessible est sa plus grande souplesse. Il permettra de répondre à une demande accrue des agriculteurs.

M. André Chassaigne. La mesure ne répond pas à la demande des agriculteurs, mais à celle des propriétaires !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Chassaigne !

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Décidément, la liberté fait peur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Votre comparaison avec le chef d’entreprise est particulièrement malvenue, monsieur Chassaigne : un chef d’entreprise, lui, ne sait jamais ce que va devenir son entreprise, et ce ne sont pas les lois que vous avez votées lors de la précédente législature qui vont le rassurer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 665.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à contrecarrer le renchérissement du prix du bail envisagé dans le projet de loi. Il s’agit somme toute, monsieur le ministre, d’aller dans votre sens lorsque vous affirmez qu’il faut que l’entreprise agricole soit compétitive et capable d’affronter, sur le marché mondial, des producteurs qui ont de moindres coûts, condition nécessaire pour qu’elle reste un élément fondamental de notre économie – alors même que la visée de votre projet semble être de plomber l’agriculture, et notamment les fermiers, en leur imposant des loyers qui pourront être augmentés de 50 % !

Je ne doute pas que vous recevrez favorablement cet amendement, car dans votre logique il est impératif d’alléger les charges. Vous le répétez à l’envi : les entreprises ont trop de charges – car c’est ainsi que vous appelez les cotisations –, il faut leur permettre de se développer, de s’épanouir pour affronter la concurrence. Mon amendement vous donne un excellent moyen de le faire, puisqu’en limitant l’augmentation des loyers, il limite les charges !

M. Jean Auclair. Ce n’est pas faux …

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Elle n’a pas retenu cet amendement. Vous semblez nous reprocher, monsieur Chassaigne, notre engagement en faveur d’entreprises et d’exploitations agricoles dynamiques, compétitives et qui s’inscrivent dans une logique de long terme.

M. André Chassaigne. Je ne vous le reproche pas : je ne fais que souligner vos contradictions !

M. Antoine Herth, rapporteur. J’en déduis que votre préférence va à des entreprises qui ne sont ni dynamiques ni compétitives et qui ne s’inscrivent pas dans une logique de long terme. C’est pour le moins surprenant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 665.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de seize amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

J’interroge leurs auteurs.

L'amendement n° 163 n'est pas défendu.

L’amendement n° 766 l’est-il ?

M. Henri Nayrou. Oui, monsieur le président.

M. le président. Mais l'amendement n° 1070 ne l’est pas.

L’amendement n° 285 sera soutenu par M. le rapporteur dans quelques instants.

L’amendement n° 848 est-t-il défendu ?

M. Michel Raison. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l’amendement n° 79 ?

M. François Guillaume. Également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 20 n’est pas défendu, non plus que l’amendement n° 585.

Qu’en est-il de votre amendement n° 630, monsieur Feneuil ?

M. Philippe Feneuil. Je le défends.

M. le président. L’amendement n° 840 n’est pas soutenu.

Les amendements nos 233, 418, 633, 209 et 932 sont identiques.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 233.

M. Thierry Mariani. L'article 2 du projet de loi d'orientation agricole introduit la possibilité de rendre le bail cessible. Il précise les conditions dans lesquelles ce bail peut être conclu, notamment la durée minimale, les modalités de renouvellement ou de résiliation et le prix du loyer. À ce titre, il est prévu que le bail sera rémunéré sur la base d'une majoration de 50 % des maxima et minima fixés annuellement par arrêté préfectoral.

Si l'amélioration du prix du loyer se justifie du fait des conditions particulières de ce bail, il paraît cependant inapproprié d'appliquer un taux national, identique sur l'ensemble du territoire. Dans certaines régions, comme en Champagne, compte tenu du niveau des fermages viticoles, la possibilité d'une majoration de 50 % aboutirait à des loyers prohibitifs – jusqu'à 40 % du rendement de base de l'appellation ! –, compromettant l'accès à l'exploitation des viticulteurs les plus modestes, et notamment des jeunes.

Il est donc proposé par cet amendement de laisser le soin à l'autorité administrative de déterminer, sur proposition de la commission consultative paritaire des baux ruraux, la fourchette de prix.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Monsieur le président, je m’étonne du sort que vous avez réservé tout à l’heure à mon amendement n° 855 : je n’ai pas eu l’occasion de le défendre et il n’a pas été soumis au vote.

M. le président. J’aurai donc mal interprété votre geste au moment où j’allais l’appeler…

M. Michel Raison. Nous sommes au Parlement, monsieur le président. On ne mime pas ! (Sourires.)

C’était un amendement de logique. Mais M. le ministre a effectué un travail considérable en amont de ce projet et des discussions importantes ont eu lieu entre toutes les parties. Ses explications m’ayant convaincu, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 855 est donc retiré.

Désormais, la présidence n’acceptera plus les gestes et exigera des explications dûment formulées. (Sourires.)

M. Henri Nayrou. Ou des signes ostentatoires ! (Sourires.)

M. le président. Nous en revenons à la discussion commune des seize amendements.

L’amendement n° 418 n’est pas défendu.

La parole est à M. Philippe Feneuil, pour soutenir l’amendement n° 633.

M. Philippe Feneuil. Je remercie Thierry Mariani d’avoir pris l’exemple de la Champagne. Cela dit, comme on l’a fait remarquer depuis deux jours, il existe des disparités énormes de situation, quelles que soient les filières. Il faut donc laisser à l’autorité administrative et à la commission paritaire le soin de fixer les taux dans chaque département.

M. le président. L’amendement n° 209 n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 932.

M. Jean Dionis du Séjour. Défendu !

M. le président. Il ne reste plus que l’amendement n° 768.

M. Jean Gaubert. Que je soutiens.

M. le président. La parole est donc à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 285 et donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements qui restent en discussion.

M. Antoine Herth, rapporteur. L’amendement n° 285 de la commission reprend en partie les termes du projet gouvernemental. Mais il applique la majoration de 50 % uniquement au maximum de la fourchette.

Nous avons compris, à travers les auditions et le débat au sein de la commission, que certains s’inquiétaient d’une élévation brutale des fermages et qu’il convenait de s’inscrire dans le système qui fonctionne au niveau départemental. La commission consultative départementale des baux ruraux fixe tous les ans les fourchettes des fermages. C’est donc à partir de ses recommandations que nous proposons de fixer le taux de majoration. Il ne s’agit pas d’appliquer un taux fixé au plan national, ce qui devrait rassurer M. Mariani. Un tel dispositif aurait au contraire l’avantage de pouvoir être adapté aux situations locales.

M. Feneuil devrait être lui aussi satisfait, dans la mesure où il souhaite une certaine souplesse au niveau départemental.

La commission a repoussé les autres amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. L’amendement du rapporteur constitue une synthèse. Le Gouvernement est y est favorable, dans la mesure où il règle les problèmes soulevés par les auteurs des autres amendements.

M. Philippe Feneuil. Pas tout à fait !

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Il conviendrait d’être logique. Tout à l’heure, on m’a refusé l’alignement du bail cessible sur le bail de carrière. Certes, 18 + 5, cela fait 23, mais uniquement en arithmétique. En matière de baux, des interventions sont nécessaires : mobilisation du tribunal paritaire, des avocats, etc, si bien qu’on n’arrive pas forcément à 23 ans.

Je considère donc que nous n’avons pas assuré suffisamment de sécurité au jeune agriculteur qui s’installe. Bien sûr, il n’est pas obligé d’accepter un bail cessible. Mais tout le monde connaît le déséquilibre entre l’offre et la demande : le preneur sortant peut attendre, et faire appel à d’autres candidats, ce qui n’est pas le cas du jeune agriculteur qui, ayant visé une exploitation et n’en voyant pas d’autres à l’horizon, risque de devoir passer sous les fourches caudines du sortant.

Maintenant, une majoration de 50 %, c’est trop ! Pour un bail de carrière, la majoration est de 25 %, alors qu’il couvre toute la carrière de l’exploitant. Ici, ce sera au mieux 23 ans. Prévoir également 25 % pour les baux cessibles me semblerait raisonnable, à la fois pour le propriétaire, qui consent à la cession du bail et accepte le nouveau fermier, et pour ce dernier, qui gagne une sécurité supplémentaire.

On a parlé tout à l’heure – cela ne concerne pas seulement la Champagne – du problème des fermages dans les régions viticoles. Une augmentation de 50 % des fermages de vignobles porterait les loyers à des niveaux insupportables. On ne peut pas déclarer qu’il faut baisser les charges, prendre des mesures, généralement réglementaires, pour y parvenir, et en même temps adopter des mesures législatives qui auront pour conséquence de relever les charges au détriment du jeune agriculteur qui s’installe.

Voilà pourquoi la majoration de 25 % que je propose dans mon amendement n° 79 me semble raisonnable. Elle constitue un bon compromis entre les intérêts du propriétaire et ceux du nouveau fermier.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Aujourd’hui est un grand jour pour moi : je découvre que M. Mariani est totalement différent de l’image que j’avais de lui. Je le voyais comme un libéral, voire un ultralibéral. Or il vient de présenter un amendement de bon sens.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’assagit !

M. André Chassaigne. Cet amendement est en contradiction avec les propos tenus hier par le ministre, le rapporteur et le président de la commission, lesquels ne veulent surtout pas revenir à une agriculture administrée. Il donne à l’autorité administrative la possibilité de limiter les hausses de loyer. Je pense qu’il va dans le bon sens et, pour ma part, je le voterai.

Il est bien évident qu’il y a des limites à tout ce qui est proposé. Vous êtes en train de vous rendre compte, au fur et à mesure des débats, que votre projet risque d’avoir des conséquences contraires à ce que vous recherchez. M. Guillaume l’a très bien dit. Effectivement, il faut raison garder.

M. le président. Je vais donner la parole à M. Feneuil et à M. Gaubert, puis nous nous prononcerons sur ces amendements. Mais ne me reprochez pas de laisser filer le débat, comme je l’ai entendu hier soir...

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, adressez-vous d’abord à l’UMP !

M. le président. La parole est à M. Philippe Feneuil.

M. Philippe Feneuil. Je suis un peu gêné de revenir sur l’amendement du rapporteur, pour le travail duquel j’ai une grande admiration. Mais entre l’amendement n° 285 et mon amendement n° 633, il y a une légère différence.

Dans celui du rapporteur, le loyer sera fixé entre les minima, qui sont maintenus, et les maxima majorés de 50 %, mais ce sera aux parties de fixer le loyer, et il se trouvera toujours un jeune pour accepter les propositions qui lui seront faites. Dans le mien, l’autorité administrative, après avis des professionnels, pourra constater que cette majoration est excessive et, en cas de difficulté dans telle ou telle filière, revenir sur ces pourcentages. On ne peut pas fixer un taux une fois pour toutes.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, le débat doit avancer. Mais il faut aussi que chacun puisse s’exprimer. Par ailleurs, nous aimons tous le rapporteur, et c’est justement pour cela que nous ne voulons pas le laisser cautionner des bêtises.

Comme on l’a dit sur tous les bancs, notre pays n’est pas uniforme, certaines situations dans le Sud-Est ne sont pas les mêmes qu’en Bretagne, celles du Nord ne sont pas celles du Sud. Il faut laisser une certaine souplesse au niveau départemental et se contenter de fixer un cadre dans la loi.

J’irai jusqu’à reconnaître, à titre personnel, que l’amendement de François Guillaume va un peu plus loin et qu’il est assez convenable. En effet, acheter cher un droit dont on ne bénéficiera pas très longtemps me paraît injustifié. Mais j’ai déjà développé cet argument et je n’y reviendrai pas.

Bref, notre amendement n° 768, qui laisse une certaine souplesse au niveau local dans un cadre législatif bien défini, me paraît être celui qu’il faut adopter.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 766.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 285.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les autres amendements qui restaient en discussion commune, nos 848, 79, 630, 233, 633, 932 et 768, n’ont plus d’objet .

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Au regard de l’évolution de ce débat, je vais devoir réunir mon groupe. Je vous demande donc, monsieur le président, une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 770 rectifié.

La parole est à M. Henri Nayrou, pour le soutenir.

M. Henri Nayrou. L’article 2 assimile l’exploitation agricole à un fonds de commerce. Or, pour ces deux types d’exploitation, les conditions de rentabilité, tant en niveau qu’en durée, n’ont rien de comparable. D’ailleurs, le législateur a accordé, dans le statut des baux ruraux, une place particulière à la durée des baux agricoles, car, en la matière, la stabilité est davantage une obligation qu’une contrainte.

C’est pourquoi notre amendement tend à créer un nouvel article L. 418-2-1, qui reconduit la reprise du bail par un jeune agriculteur en phase d’installation pour une durée minimale de dix-huit ans. Cela nous paraît essentiel au regard des contraintes particulières que rencontrent les jeunes agriculteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, considérant qu’il pourrait se retourner contre les jeunes agriculteurs. Une telle clause pourrait en effet définitivement dissuader les bailleurs de louer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Défavorable.

M. François Brottes. Ce n’est guère convaincant !

M. Henri Nayrou. C’est sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 770 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 80.

La parole est à M. François Guillaume, pour le soutenir.

M. François Guillaume. Ma proposition de reprendre un bail de carrière plutôt qu’un bail de dix-huit ans aurait eu pour effet de supprimer l’article 2. Cet amendement ayant été repoussé, le n° 80 n’a plus d’objet et je le retire.

M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 40, 856, 589, 210, 417 et 634, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 40 et 856 sont identiques, ainsi que les amendements nos 210 et 417.

L’amendement n° 40 n’est pas défendu.

La parole est à M. Michel Raison, pour soutenir l’amendement n° 856.

M. Michel Raison. Le raisonnement de mon amendement n° 848 faisant tomber l’amendement n° 856, je retire ce denier.

M. le président. L’amendement n° 856 est retiré.

M. le président. L’amendement n° 589 n’est pas défendu.

L’amendement n° 210 est-il soutenu ?

M. Michel Raison. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 417 est-il défendu ?

M. Philippe Armand Martin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l’amendement 634 ?

M. Philippe Feneuil. Également, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 210 et 417 et sur l’amendement n° 634 ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a examiné les amendements nos 210 et 417 mais pas l’amendement n° 634. Sur les deux premiers, elle a émis un avis défavorable, estimant que le fait de prévoir une période de renouvellement de neuf ans, c’est-à-dire identique aux baux classiques, pouvait introduire une confusion dans le mécanisme du bail cessible. Elle préfère se rallier à la formule du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 210 et 417.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 634.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 176 n’est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 286 et 667.

La parole est à M. André Chassaigne pour défendre l’amendement n° 667.

M. André Chassaigne. Je défends cet amendement important avec d’autant plus de satisfaction qu’il a été repris par la commission.

J’ai souligné que différentes atteintes étaient portées au statut du fermage. Il est indéniable que la réduction de la durée de préavis de congé de dix-huit mois à un an aurait des conséquences sur la saison culturale. Je ne les détaille pas : mes collègues agriculteurs le feraient mieux que moi.

Par ailleurs, laisser cette durée à dix-huit mois permet au fermier de se retourner, comme on dit chez nous, de s’organiser et de trouver des solutions alternatives en cas de congé sur une partie de la propriété qu’il exploite.

Il s’agit donc d’un amendement de bon sens, qui tend à maintenir en l’état le statut du fermage, et je ne doute pas qu’il soit adopté à l’unanimité par l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 286 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 667.

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement de M. Chassaigne puisqu’elle l’a repris dans l’amendement n° 286.

Comme pour la durée du bail cessible, elle a été attentive à ne pas introduire de confusion. Le chiffre de dix-huit mois semble, dans l’esprit de toutes les parties, gravé dans le marbre. Sa modification aurait immanquablement suscité un contentieux. Nous avons donc rejoint la position défendue par M. Chassaigne.

L’argumentation de celui-ci touche d’ailleurs à la perfection puisque, dans l’activité agricole, qui comporte des cycles de production longs, il est plus qu’ailleurs important de pouvoir se retourner, et donc de disposer d’un délai suffisant pour s’adapter.

Je tiens à saluer la clairvoyance dont a fait preuve M. Chassaigne et le remercier pour sa contribution à l’enrichissement du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Naturellement favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 286 et 667.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je constate que ces amendements sont adoptés à l’unanimité.

Je suis saisi de onze amendements, nos 177, 668, 573, 933, 987, 757, 582, 9, 952, 1006, deuxième rectification, et 287, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 573, 933 et 987 sont identiques, ainsi que les amendements nos 757 et 582.

La parole est à Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis, pour défendre l’amendement n° 177 de la commission des lois.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Il a beaucoup été question de la durée du bail.

Le projet de loi prévoit son renouvellement pour une période de cinq ans au moins. Le présent amendement tend à préciser cette modalité.

La période de cinq ans est une durée minimale. Cela n’empêche pas la reconduction du contrat tous les cinq ans dès lors que celui-ci n’est pas dénoncé, ni n’interdit aux parties de prévoir une période de renouvellement d’une durée supérieure dans le contrat de bail.

Je réponds ainsi par avance aux objections qui pourront m’être faites.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l’amendement n° 668.

M. André Chassaigne. Cet amendement s’inscrit, bien évidemment, dans la continuité de ceux que j’ai déposés pour maintenir en l’état le statut du fermage. Celui-ci est en effet, à mes yeux, un acquis important qui donne une garantie de pérennité dans le cadre de l’exploitation de terres louées.

Je rappelle que, dans le code rural, il est précisé à l’article L. 411-5 figurant dans le titre relatif au statut du fermage et du métayage que « la durée du bail ne peut être inférieure à neuf ans ».

L’argument que j’évoquais pour un amendement précédent vaut également ici : en agriculture, il faut de la durée, il faut de la perspective. Pour qu’une exploitation agricole puisse être évaluée en tenant compte des investissements, des choix de culture, des projets de développement, il faut le faire sur une période suffisamment longue.

D’où la nécessité de maintenir la durée du bail à neuf ans.

M. le président. L’amendement n° 573 n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l’amendement n° 933.

M. Jean Dionis du Séjour. Le dispositif que nous construisons tient déjà grand compte de l’intérêt des propriétaires en permettant une majoration du loyer jusqu’à 50 %. Mais la période de renouvellement de cinq ans n’est pas naturelle en soi. Nous voulons bien croire qu’elle résulte d’un accord entre les partenaires sociaux, mais une durée de neuf ans aurait une portée symbolique plus forte pour le monde agricole.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour défendre l’amendement n° 987.

M. Jean Gaubert. Le rapporteur a insisté sur le fait qu’il ne faut pas compliquer les choses. Il est des habitudes qui sont ancrées dans le monde agricole : la durée des baux ruraux a toujours été de neuf ans ou un multiple de neuf.

En outre, si nous en restons là, ce sera cher payé. Si j’étais propriétaire, je ne louerais pas un bail cessible à un exploitant de plus de cinquante ans. Je me réserverais le droit de choisir le successeur et je louerais donc à quelqu’un qui resterait assez longtemps pour me faire bénéficier du surloyer. Quel serait l’intérêt de bénéficier du surloyer pendant seulement deux ans tout en se liant les mains quant au successeur ?

Fixer la durée du bail renouvelé à neuf ans me paraît donner des garanties aux fermiers. Après celles que l’on a données aux propriétaires, cela ne me paraît pas scandaleux.

M. le président. Les amendements nos 757, 582, 9, 952 et 1006, deuxième rectification, ne sont pas défendus.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 287 de la commission des affaires économiques.

M. Antoine Herth, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu l’amendement n° 177 de Mme Barèges. Elle avait compris que la durée pouvait être inférieure à cinq ans mais, après explication de sa part, il apparaît que la durée de cinq ans est un minimum. Cela étant, l’amendement ne nous apparaît pas apporter de clarification supplémentaire.

Je précise à M. Chassaigne que le bail cessible ajoute au statut du fermage un titre VIII nouveau, mais ne porte nullement atteinte aux sept titres précédents et, par conséquent, ne remet pas en cause le statut du fermage. La commission n’a donc pas retenu l’amendement n° 668.

Elle a également écarté les amendements n°s 933 et 987 dans le souci de ne pas introduire de confusion entre le fonctionnement habituel du fermage et le nouveau bail cessible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je fais miens les arguments exposés par M. le rapporteur de la commission des affaires économiques concernant l’amendement de la commission des lois.

Le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements défendus par M. Jean Dionis du Séjour et M. Gaubert. En effet, le système 18 + 5 a fait l’objet d’un travail en amont avec l’ensemble des organisations professionnelles, propriétaires et fermiers. Ils sont parvenus à un accord. Toute rupture de l’équilibre souhaité par les partenaires sociaux ne serait pas bonne. Je vous demande donc de ne pas le remettre en cause.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. J’avais demandé la parole pour répondre au rapporteur mais je vais ainsi pouvoir demander à M. le ministre si le législateur a encore une raison d’exister.

Vous nous dites en fait qu’il ne faut toucher à rien car il y a eu un accord en amont.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il s’agit de respecter le dialogue social.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, il faut à la fois respecter le dialogue social et considérer le Parlement. Vous avez été assez longtemps parlementaire pour comprendre que l’on ne peut pas nous faire tout avaler sous prétexte qu’il y a déjà eu un accord.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n’est pas ce que M. le ministre a dit !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je vous ai informés du dialogue social : c’est à vous de décider.

M. Jean Gaubert. J’ai bien compris que vous nous aviez informés du dialogue social. Mais la façon de le faire était déjà une forme de pression.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Non : c’était juste une information !

M. Jean Gaubert. Je n’ai pas compris l’argumentation de M. le rapporteur sur la période des congés, surtout compte tenu de celle qu’il avait développée immédiatement avant. Vous avez évoqué l’idée de simplifier les dix-huit mois parce que cette notion avait le mérite d’être connue et qu’il fallait donc la conserver. Maintenant vous dites : « Non, c’est une nouveauté, il faut donc que ce soit différent ! » J’aimerais comprendre.

J’étais assez d’accord sur le fait qu’il ne fallait pas compliquer les choses. Des règles existent. Les baux, c’est un multiple de neuf. On garde donc cette idée. La résiliation, c’est dix-huit mois ; on garde les dix-huit mois. De cette façon, tout le monde comprendra mieux. Il est inutile d’introduire un OVNI dans le statut du fermage.

Vous prétendez ne pas vouloir toucher au statut du fermage. Pourtant, vous nous présentez des textes différents, dont les justifications ne sont pas très étayées. Nous avons donc des raisons de nous inquiéter.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Mon argumentation est identique à celle de M. Gaubert mais mes propos, monsieur le ministre, seront peut-être un peu moins agressifs.

Il s’agit d’un problème de fond. Il est important de savoir que les partenaires sociaux se sont a priori entendus et sont parvenus à un point d’équilibre. Cela nous permet d’avoir un éclairage différent.

Pour les lois agricoles comme pour les lois sociales, on considère que tout est joué une fois qu’un accord entre partenaires sociaux est intervenu. J’ai vu le cas d’école de la loi sur les retraites, lorsque j’étais jeune député. À partir du moment où il y avait un accord entre les partenaires sociaux, c’était fini, le Parlement n’avait plus rien à dire.

Aujourd’hui, vous nous informez. C’est effectivement important. Vous vous attaquez à un chantier difficile : la construction d’un titre VIII traitant du statut du fermage. Il faut rééquilibrer un peu les choses du côté du preneur. La durée de cinq ans de la deuxième période de renouvellement est, à notre avis, trop courte.

Monsieur Gaubert, je suis d’accord avec vous : cette durée de cinq ans est un peu étrangère à la culture agricole. M. le rapporteur nous a fait part du risque de confusion avec les neuf ans. Je ne crois pas ce risque réel.

Nous essayons de construire quelque chose de plus équilibré. Les arguments développés ne me semblent pas convaincants.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Les arguments de M. le ministre ne m’ont pas convaincu, notamment lorsqu’il parle de dialogue social et d’entente entre partenaires sociaux.

J’ai, pour préparer cette discussion, comme beaucoup d’entre vous, rencontré les représentants de la totalité des organisations syndicales. Je n’ai pas trouvé d’unanimité sur ce sujet. J’ose même dire qu’elles sont majoritairement opposées à cette modification, y compris le syndicat majoritaire. Beaucoup considèrent qu’il s’agit d’un coup porté au statut du fermage.

Le syndicat des fermiers et métayers, très proche de la FNSEA, s’est clairement expliqué sur ce sujet dans sa revue.

Monsieur le ministre, vous nous parlez de dialogue social, d’entente entre les partenaires sociaux, mais je constate un décalage entre vos propos et ceux des différents syndicats agricoles que j’ai eu l’occasion de rencontrer.

Je suis persuadé qu’il s’agit là d’un cadeau supplémentaire fait aux propriétaires, en particulier aux plus gros d’entre eux. Il y avait, du côté de la rue d’Athènes ou du côté de ce que l’on appelle de façon imagée le syndicat des marquis, une demande remontant à de nombreuses années visant à affaiblir le statut du fermage. Vous leur avez accordé quelques satisfactions. C’est le fond de ce que vous appelez le dialogue social.

Vous prétendez ne pas remettre en cause le statut du fermage, mais vous prévoyez un titre VIII sur le fermage. Soyons clairs ! Chacun sait qu’au fil de l’eau, compte tenu des avantages que cela représente pour les propriétaires, ces dispositions vont progressivement prendre le dessus ; en contrepoint, les dispositions précédentes vont s’atténuer, voire disparaître, même si vous maintenez dans ses grandes lignes le statut actuel du fermage en y apportant quelques modifications. Pour parler vrai, je dirai qu’il ne faut pas nous amuser avec ça.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Je voudrais répondre aux questions qui m’ont été posées et rappeler quelques principes.

Nous sommes à l’Assemblée nationale et nous devons disposer d’une totale liberté d’appréciation. Nous nous situons dans ce cadre-là et je vais essayer d’expliciter les positions issues du dialogue engagé au sein de la commission des affaires économiques.

Notre souci a toujours été, je le répète, de ne pas toucher à l’économie générale du statut du fermage. C’est pour cela que j’ai insisté sur ce chapitre supplémentaire. Il s’agit d’un événement important, alors que nous nous situons dans un domaine où les cycles sont très longs et où l’unité de temps est probablement la génération. Ce ne sont pas des choses qui bougent vite. Nous sommes obligés de prendre, d’une part, du temps pour réfléchir, d’autre part, des précautions pour éviter de perturber le droit actuel, tout en prévoyant une modernisation demandée, monsieur Chassaigne, par l’ensemble des parties, que j’ai moi aussi rencontrées. Toutes s’interrogent, éprouvent des craintes bien légitimes, car le moment est important. Dans le même temps, elles ont mis beaucoup d’espoir dans ce chapitre VIII. Il nous incombe de ne pas les décevoir.

Il faut être très attentif à trois principes. Nous devons jouer notre rôle d’orientation, bien montrer la nouvelle direction qui pourra progressivement être prise selon le choix des parties, donner un cadre juridique le plus clair possible ; cet exercice peut paraître impossible, quel que soit le texte de loi examiné, mais c’est notre travail quotidien. Enfin, nous devons, en amont, éliminer le plus possible les sources de contentieux.

J’insiste sur la nécessité – c’est quelque chose de fondamentalement nouveau – de différencier par rapport à l’actuel statut du fermage les clauses de rendez-vous entre le preneur et le bailleur pour le renouvellement. Cela n’empêche pas, si les parties le souhaitent, de se caler, comme le proposent MM. Dionis du Séjour et Gaubert, sur la durée de neuf ans.

Nous avons décidé librement – c’est le rôle de l’Assemblée nationale – de conserver la situation actuelle pour le congé. Une nouvelle disposition aurait été de nature à susciter des contentieux. Pour le congé, on ne passe pas chez le notaire, on ne prend pas le temps de réfléchir avant de tremper sa plume dans l’encrier et de signer un contrat ; on se situe au contraire dans un flux et il ne faut pas louper le bon moment pour entreprendre la démarche de congé ou procéder à la déclaration de renouvellement du bail.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 668.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 933.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 987.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 287.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 178.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour le soutenir. 

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Nous touchons à une disposition essentielle du bail à long terme, dérogatoire au statut du fermage car on dispose d’une grande souplesse pour y mettre fin. Il est notamment prévu que le congé pourra être délivré sans motif. Il y a deux contreparties : d’une part, la durée très longue – c’est pour cela que je tenais à mon amendement de précision 18 + 5 –, d’autre part sa majoration.

Le bailleur comme le preneur ont la possibilité de mettre fin au bail sans utiliser les motifs expressément énumérés à l’article L. 411-53, comme cela existe déjà pour le bail à long terme dans le code rural.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel car, s’il est dérogatoire sur certains points, il reste pour l’essentiel soumis au statut du fermage. Il faut préciser que le congé n’est pas soumis aux conditions énoncées à la section 8 du chapitre Ier du présent titre. Sinon, on risque de ruiner l’économie du texte et l’originalité de ce bail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. L’amendement complique les choses. Le Gouvernement ne le retient donc pas.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je serai bref, puisque la commission n’a pas retenu l’amendement n° 178.

Elle a eu raison, car il s’agit, plus que d’un coup de canif, d’un coup de couteau dans le statut du fermage.

Je voudrais appeler l’attention de mes collègues de la commission des lois, qui sont peut-être moins au fait que nous des traditions rurales. En proposant un tel amendement, ils ont pris le risque de mettre en difficulté de nombreux exploitants agricoles, notamment en insistant sur le fait que l’on pouvait congédier sans motif. C’est revenir à la situation qui prévalait dans les années 1930 – je l’ai rappelé hier en défendant la motion de renvoi en commission –, où certains exploitants agricoles pouvaient changer trois fois de ferme en neuf ans. C’est inacceptable, et je m’étonne que la commission des lois ait pu faire une telle proposition. Heureusement, la commission des affaires économiques a été plus raisonnable.

M. André Chassaigne. Cela aurait pu être une proposition de M. Auclair !

M. le président. Pas de provocation.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Il ne s’agit pas de compliquer le texte, monsieur le ministre, mais de poser une question de fond. Le refus de renouvellement doit-il être motivé ou non ? S’il doit y avoir un motif, celui-ci peut être autre que ceux expressément énumérés à l’article L. 411-53, comme le défaut de paiement du fermage.

C’est une question de fond. Je me suis contentée de la poser, la commission des lois estimant que ce n’était pas suffisamment clair.

M. François Brottes. C’est le bail nouvelle embauche !

M. Jean Gaubert. Plutôt débauche !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 41 rectifié, 590 et 857 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 41 rectifié est-il défendu ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il est retiré.

M. le président. L’amendement n° 590 n’est pas défendu.

Qu’en est-il de l’amendement n° 857 rectifié ?

M. Michel Raison. Il est également retiré.

M. François Brottes. Raison se couche !

M. le président. Les amendements n os 41 rectifié et 857 rectifié sont retirés.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 179.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour le soutenir.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Cet amendement a pour objet de permettre au tribunal paritaire des baux ruraux, qui est saisi d'une contestation lors du renouvellement d'un bail cessible hors du cadre familial, non seulement de statuer sur les conditions contestées du nouveau bail mais aussi de fixer le prix de ce bail.

La rédaction qui est proposée est identique à celle qui prévaut à l'article L. 416-1 du code rural, relatif à la contestation du renouvellement d'un bail de long terme.

Il s’agit d’étendre la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission des affaires économiques, avec sa bonne connaissance des traditions et des coutumes locales comme le rappelait M. Gaubert, a reconnu que l’amendement de Mme Barèges enrichissait le texte du Gouvernement. Elle l’a donc accepté, dans un but de clarification, afin d’éviter les confusions.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 81 et 666.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l’amendement n° 81.

M. François Guillaume. L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 666.

M. André Chassaigne. Ce texte s’inscrit dans la logique implacable qui marque l’ensemble de votre politique. Il y a quelques mois, vous avez créé le contrat nouvelle embauche, summum de la précarité.

M. Yves Simon. Et les TUC ?

M. Jean Dionis du Séjour. Le summum de la précarité, c’est le chômage !

M. André Chassaigne. Il est désormais possible de licencier sans aucune justification, comme il sera possible de casser un bail sans davantage de justification. Vous traitez les agriculteurs de la même façon que les salariés. C’est la politique du rouleau compresseur ! Mon amendement tend donc à supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l’article L. 418-3.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Caricature !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est un mensonge !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. L’amendement n° 81 de M. Guillaume, amendement de coordination par rapport à son exposé précédent sur le bail de carrière, n’a pas été retenu par la commission.

Elle a également émis un avis défavorable à l’amendement n° 666 de M. Chassaigne, car elle a estimé, au cours d’échanges informels, que son refus éviterait de futures déconvenues à M. Chassaigne, notamment vis-à-vis de ses électeurs. En pensant offrir la possibilité de donner le congé, il supprime en fait, ce qu’il n’avait sans doute pas réalisé, l’indemnité due par le bailleur au preneur sortant.

M. Jean-Claude Lenoir. En effet !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Dans l’intérêt de M. Chassaigne, j’émets également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à François Guillaume.

M. François Guillaume. Il n’est pas normal que le propriétaire d’une terre, qui voit son fermier sortant choisir un fermier entrant, soit contraint d’accepter cette décision, éventuellement par une décision du tribunal paritaire des baux ruraux, s’il n’est pas d’accord.

Cela pose le problème du dessaisissement d’un des attributs essentiels du propriétaire, à savoir être libre de la destination de ses terres. D’autant que se posera le problème du paiement des fermages. Supposez que le fermier désigné par le tribunal paritaire, contre l’avis du propriétaire, ne paie pas ses fermages. Que se passera-t-il alors ? Qui garantira ce paiement ?

Je proposerai donc tout à l’heure un amendement sur ce sujet, indiquant qu’il appartient – cela paraît logique – au fermier sortant qui a proposé au tribunal paritaire des baux ruraux le fermier entrant, de garantir le paiement du fermage de ce dernier, au moins jusqu’à la fin du bail en cours dont il a cédé une partie.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 81 et 666.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 288, 586, 767 et 180, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 288.

M. Jean Dionis du Séjour. Lorsque le bail n’est pas renouvelé à l’initiative du bailleur, le bailleur paie au preneur une indemnité d’éviction, en cas de dépréciation du fonds du preneur, les frais de déménagement ainsi que les droits de mutation. Ces précisions étant nécessaires, cet amendement a emporté l’adhésion de la commission des affaires économiques et devrait connaître un franc succès dans notre assemblée.

M. le président. L’amendement n° 586 n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l’amendement n° 767.

M. Jean Gaubert. Même argumentation.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n° 180.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. Si l’amendement de la commission des affaires économiques est adopté, le mien sera sans objet.

Mon amendement permet de préciser dans quels cas le bailleur devra au preneur une indemnité pour non-renouvellement du contrat de bail cessible hors du cadre familial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a adopté l’amendement n° 288 que M. Dionis du Séjour vient de présenter. En revanche, elle a rejeté les amendements n os 767 et 180.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 288 de la commission.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Je ne peux accepter ces amendements du fait de leur imprécision. Dans le statut du fermage, il est déjà indiqué que le bailleur doit une indemnité au fermier, et il précise les objets sur lesquels doit porter cette indemnité : aménagements fonciers ou fumures et arrière-fumures par exemple.

Si des indemnités supplémentaires sont créées dans le cadre du bail cessible, on porterait préjudice au bénéficiaire et c’est inacceptable. Ou alors il faudrait en préciser le régime. Mais en l’état d’imprécision actuelle du texte, je souhaite bien du plaisir aux tribunaux paritaires qui auront à juger en s’appuyant sur le libellé de cet article. Je ne sais pas ce qu’il en sortira, mais je suis certain que le tribunal paritaire se dessaisira, en se déclarant non compétent. L’affaire passera alors au tribunal d’instance, avec des juges qui ne connaissent pas le sujet. Et si l’on n’en a pas terminé avec les procédures, l’affaire passera au tribunal de grande instance. Là, ce sera pire. Personne ne peut prédire le résultat. Sera-t-il en faveur du bailleur ou du fermier ? C’est la grande incertitude.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est tout de même mieux que le texte initial !

M. François Guillaume. De grâce, ne créons pas d’ambiguïtés telles qu’elles entraîneront des procédures compliquées à l’issue desquelles le résultat sera des plus incertains, voire des plus injustes !

Je vous demande, monsieur le ministre, de vous engager à reprendre le libellé de ce texte, en y apportant les précisions nécessaires, et qu’à l’occasion d’une deuxième lecture, nous puissions revoir les choses.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n’y aura pas de deuxième lecture !

M. François Guillaume. Sinon, nous votons dans le brouillard, ce que je n’apprécie guère.

M. le président. La parole est Mme la rapporteure pour avis.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure pour avis. La question du cumul éventuel de l’indemnité due au preneur sortant et de l’indemnité qui est créée dans le congé du bail cessible a été évoquée en commission des lois.

J’ai en effet posé la question de savoir si ces deux indemnités étaient cumulatives ou exclusives. Après en avoir débattu, nous avons convenu qu’elles n’avaient pas le même fondement.

L’indemnité créée dans ce texte est due en cas de préjudice causé par le non-renouvellement. Elle sera laissée à l’appréciation du tribunal paritaire des baux ruraux. C’est d’ailleurs le même tribunal qui aura à apprécier si une indemnité est due au fermier sortant. Cette indemnité trouve sa source dans les améliorations apportées à l’exploitation par le fermier sortant.

Ce sont deux fondements juridiques différents. Les indemnités peuvent se cumuler ou non. Il n’y aura pas forcément de préjudice en cas de non-renouvellement. L’originalité de ce bail, c’est la plus grande liberté offerte au bailleur, comme au preneur, de pouvoir s’en dégager.

Nous avons débattu de ce sujet en commission des lois : ces deux indemnités sont cumulables ou non, selon les circonstances.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Les explications de M. le rapporteur me semblent de nature à répondre aux préoccupations exprimées sur différents bancs. Cela étant, je comprends parfaitement l’interrogation de François Guillaume. Je propose donc qu’à un moment ou à un autre, soit avant la lecture au Sénat, soit immédiatement après, nous organisions avec le rapporteur du Sénat une petite réunion de travail. M. le président de la commission s’est dit prêt à s’y associer. Nous pourrions ainsi élaborer une rédaction susceptible de donner toute satisfaction et de régler tous les problèmes sur le terrain.

M. François Guillaume. Très bien ! Merci, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 288.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 767 et 180 tombent, de même que l’amendement n° 21 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8 et 951.

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Le Gouvernement est défavorable également.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 8 et 951.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 477 rectifié, 581 rectifié, 758 et 929.

L’amendement n° 758 n’est pas défendu.

La commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Peut-être ai-je manqué une partie des débats en commission, mais ces amendements – j’ai signé l’un d’entre eux – me semblent aller de soi. Ils prévoient que le locataire qui entend procéder à une cession de son bail devra indiquer au bailleur l’identité du cessionnaire pressenti, la superficie, la nature et la localisation des biens exploités par celui-ci. N’oublions pas qu’il s’agit d’un contrat : il est important qu’une certaine confiance règne entre les deux parties. C’est pourquoi de telles indications me paraissent le minimum. À défaut, la méfiance pourrait naître du côté du bailleur, ce qui ne serait pas propice au développement de la cessibilité des baux ruraux que vous appelez de vos vœux. Je ne comprends pas un tel blocage sur une simple question de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je ne comprends pas comment l’Assemblée pourrait refuser de tels amendements, qui sont de bon sens.

M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !

M. Jean Gaubert. Il est naturel que le cédant informe le propriétaire de la terre de son intention de céder le bail. Cela permet d’éviter toute forme de quiproquo par la suite. Mettez-vous à la place d’un propriétaire qui, visitant son exploitation, découvre qu’il a changé de locataire sans le savoir ! Une telle situation serait inacceptable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Je ne pensais pas prendre la parole sur ce sujet mais, puisque le débat semble rebondir, il me paraît nécessaire d’apporter certains éclaircissements.

La revendication de M. Gaubert, à savoir l’information du bailleur, est satisfaite par le texte du Gouvernement. En revanche, les amendements de M. Dionis du Séjour et de ses collègues introduisent un élément supplémentaire en obligeant le preneur cédant à informer le bailleur sur les activités du preneur entrant. La commission a estimé que le premier n’était pas nécessairement en possession de toutes ces informations. Nous avons évoqué tout à l’heure les cas d’installation hors du cadre familial : comment vérifier les activités précédentes du cessionnaire ?

M. Jean Dionis du Séjour. Il ne s’agit pas de cela !

M. Antoine Herth, rapporteur. Cela ferait peser une charge indue sur le preneur cédant, et pourrait surtout entraîner la délivrance de fausses informations, sanctionnées par l’annulation du bail. C’est pour ces raisons que la commission a rejeté ces amendements.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Je m’étonne des propos du rapporteur : il oublie que le projet de loi qui nous est présenté, dans le chapitre consacré aux structures, oblige quelqu’un qui prétend agrandir son exploitation à indiquer non seulement les superficies déjà exploitées, mais aussi les éléments relatifs au fameux fonds agricole. Nous ne pouvons pas, d’un chapitre à l’autre, développer deux argumentations contradictoires !

M. Jean Dionis du Séjour. Absolument !

M. François Guillaume. C’est pourquoi je rejoins M. Dionis du Séjour : ces éléments d’information sont simples et ils doivent être connus. Il serait dommage de revenir sur les cessions de bail parce que les nouveaux baux poseraient un problème quant à la politique des structures.

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Ce serait une bonne chose de faire figurer la superficie, la nature et la localisation des biens dans les informations obligatoirement délivrées. C’est une question de logique. Dans le cas contraire, nous irions au-devant de difficultés que l’on n’imagine même pas.

M. Antoine Herth, rapporteur. C’est dans le texte !

M. Jean Dionis du Séjour. Non, pas la superficie, la nature et la localisation des biens !

M. Christophe Guilloteau. Cela ne coûte rien d’apporter cette précision !

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il en est souvent ainsi lorsqu’on examine un texte nouveau : on a tendance à réagir en fonction de l’ancien état du droit. Mais vous venez d’instituer, je vous le rappelle, le fameux fonds agricole, et cette mesure aura force de loi si le Sénat vous suit. Or, dans le cas d’un bail cédé à un autre exploitant qui cherche à s’agrandir, le fonds agricole du propriétaire sera adjoint à celui d’un autre, ce qui risque d’en changer la nature. Il est donc normal que le bailleur sache ce qui est déjà exploité par le nouveau preneur. Dans la mesure où le bail cessible est lié au fonds agricole, il ne s’agit pas seulement, ici, d’exploitation de terres. La précision est donc utile pour éviter tout contentieux.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut rester rigoureux. Que dit le texte du projet de loi ? Le locataire qui entend procéder à la cession de son bail notifie au bailleur « un projet de cession mentionnant l’identité du cessionnaire pressenti et la date de la cession projetée ».

M. Christophe Guilloteau. C’est tout !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous proposons, pour notre part, d’y ajouter la nature, la superficie et la localisation des biens exploités par le cessionnaire pressenti. François Guillaume et Jean Gaubert l’ont très bien exprimé, montrant au passage qu’il y a consensus sur ce sujet : quel propriétaire pourrait se passer de ces éléments, essentiels en termes de recomposition des exploitations ? Le rapporteur est un homme habile, issu du terrain, mais j’ai envie de lui demander de m’expliquer, les yeux dans les yeux, comment un preneur cédant pourrait ignorer ce que va faire le preneur cessionnaire. Cela n’existe pas dans nos campagnes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. J’aimerais qu’en cette belle matinée d’automne mes collègues démontrent la vivacité de leur esprit en acceptant maintenant ce qu’ils ont rejeté précédemment en repoussant mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Revenons à des choses simples : à qui profite le crime ? Nous parlons de l’information qui doit être délivrée afin d’alimenter, pour éviter tout dérapage, la réflexion de la CDOA au sujet du contrôle des structures.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agit surtout de l’information du propriétaire !

M. Antoine Herth, rapporteur. Lorsque quelqu’un est frappé d’une sanction en application des règles sur le contrôle des structures, c’est parce qu’il a acquis un bien pour lequel il n’a pas l’autorisation d’exploiter. Si nous adoptons le complément de rédaction proposé par M. Dionis du Séjour, la personne sanctionnée pour avoir délivré de fausses informations ne serait pas celui « à qui profite le crime », mais le preneur cédant, obligé d’informer, et qui peut être sanctionné si les informations qu’ils notifient sont erronées !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Antoine Herth, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais alors faites peser l’obligation sur le cessionnaire ! Le cédant, lui, ne connaît que l’identité du cessionnaire, et c’est cette seule information qui, dans la rédaction actuelle du projet, est exigée de lui. Connaît-il la superficie ? A-t-il une idée précise de la configuration de l’exploitation agricole ? Ce n’est pas certain. La nature et la localisation des biens exploités ? Seule l’administration peut éventuellement les connaître grâce aux déclarations relatives à la prime d’aménagement du territoire. Le cédant, lui, ne dispose pas de toutes ces informations. Elles sont confidentielles et appartiennent au preneur entrant. Ce n’est pas au preneur sortant de les divulguer, en supposant qu’il puisse les connaître avec certitude. Ces amendements me paraissent source d’instabilité et c’est pour cette raison que la commission les a rejetés.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous avons encore beaucoup de travail à accomplir, et c’est pourquoi je me dis que le débat ne doit pas être trop long sur chaque sujet. Mais, dans ce cas précis, je croyais que les amendements passeraient comme une lettre à la poste, tant ils me paraissent évidents. Je suis surpris de voir le rapporteur retranché sur sa position. Cela ne cache-t-il pas quelque chose ? C’est le problème, dans cet hémicycle : plus le rapporteur se crispe, plus on se dit que le sujet examiné a plus d’importance qu’il n’en a l’air.

M. Antoine Herth, rapporteur. Quel procès d’intention !

M. Jean Gaubert. On ne comprend plus ! Monsieur le rapporteur, vous n’allez pas nous faire croire que le cédant ne connaît pas la situation du preneur entrant ! Et quand bien même il ne la connaîtrait pas, il est normal que soit porté à la connaissance du propriétaire le fait que son bien va contribuer à constituer un autre fonds. C’est en effet une partie de sa liberté qui est ainsi concernée.

Il est tout à fait normal que tout cela soit notifié au propriétaire. Vous ne ferez en effet croire à personne que l’on ne peut disposer d’aucun élément dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’ai écouté avec attention nos échanges, que j’ai trouvés fort techniques et, dans un premier temps, d’importance limitée. Ce débat ne consistait-il pas en fait à s’interroger sur la nécessité de fournir ou non un curriculum vitae ? Toutefois, la réponse du rapporteur m’a mis la puce à l’oreille. Que pouvait-il se cacher derrière son argumentation ? J’ai alors pensé à la discussion que nous avons eue hier sur les fonds agricoles et les perspectives pour une agriculture de plus en plus tenue par des sociétés de capitaux. Ne s’agirait-il pas, en définitive, de permettre la reprise de la propriété en question par une société de capitaux, favorisant ainsi une agriculture de plus en plus capitalistique, que vous appelez de vos vœux ? Dans cette hypothèse, ne sera-t-il pas difficile d’apporter des précisions sur le repreneur ?

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Comprenez ma gêne, monsieur le président. Ce débat inspiré par la suspicion nous fait en effet oublier que, derrière toutes ces considérations, existent des hommes : un preneur, un bailleur et un futur preneur. Vous qui revendiquez être des gens de terrain, comment pouvez-vous affirmer qu’aucun échange n’existe entre le propriétaire et le futur preneur ?

M. Jean Dionis du Séjour. Ils ne se connaissent pas !

M. Michel Raison. Mais ils vont se connaître !

Mon premier réflexe, en tant que propriétaire, après avoir eu communication par mon bailleur de l’identité du futur locataire, sera de le rencontrer pour discuter avec lui et étudier son projet.

C’est l’unique façon pour un propriétaire de connaître véritablement le projet de son futur preneur, alors que celui qui cède n’y est pas contraint. C’est un problème humain et naturel.

M. André Chassaigne. Avez-vous déjà discuté avec des fonds de pension ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous remercie, monsieur Gaubert, de ne pas mettre en cause le rapporteur.

M. Jean Gaubert. Je ne l’ai pas mis en cause, je l’ai interrogé !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le débat se déroule sereinement. M. Herth n’est pas stressé. Il répond à toutes vos questions. De plus, la courtoisie qui se manifeste naturellement entre nous…

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …doit nous conduire à le respecter, car il travaille sur ce texte depuis six mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je connais le respect que M. Gaubert a de la position de chacun et je lui en rends hommage ; je ne doute donc pas qu’il me suivra sur ce point.

Monsieur le président, nous sommes tous de bonne foi. En conséquence, si cet amendement demeure en l’état, il ne sera pas opérationnel. Vous confondez, en effet, mon cher collègue, les biens exploités et les biens cédés. De plus, il est anormal – et M. Raison l’a à juste titre précisé – d’imposer à une personne de remplir une telle mission d’information.

Donc, dans un souci de coordination et afin de prévenir toute équivoque, M. Herth et moi-même nous sommes accordés pour vous proposer un sous-amendement tendant à préciser que le concessionnaire pressenti informera le bailleur de la superficie, de la nature et de la localisation des biens qu’il exploite. Le problème qui occupe nos débats depuis maintenant une demi-heure sera ainsi réglé.

M. François Guillaume. C’est ce que nous suggérons !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Votre demande est donc satisfaite, monsieur Guillaume.

Sans doute pourriez-vous accepter de vous rallier à un tel sous-amendement, voire d’en être les cosignataires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement du président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est même plus qu’un sous-amendement, c’est un amendement, monsieur le président !

M. le président. Non, monsieur Ollier, puisque la première phrase de l’amendement initial n’est pas modifiée !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est une modification du texte et non un sous-amendement à l’amendement dont nous discutons.

Cette rédaction consisterait à supprimer les mots : « la superficie, la nature et la localisation des biens exploités par celui-ci », et à compléter le dernier alinéa de l’amendement par la phrase suivante : « Le cessionnaire pressenti informe le bailleur de la superficie, de la nature et de la localisation des biens qu’il exploite. »

M. le président. Il s’agit bien d’un sous-amendement, qui portera le numéro 1117.

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission ne l’a pas examiné. À titre personnel, j’émets un avis favorable à la proposition du président de la commission des affaires économiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je tiens tout d’abord à féliciter l’ensemble des orateurs pour la qualité de leurs arguments. Ils viennent d’accomplir un excellent travail.

Les arguments étant tous recevables, je comptais m’en remettre à la sagesse de l’assemblée. Toutefois, le travail de synthèse du président de la commission et du rapporteur me pousse à me rallier naturellement au sous-amendement n° 1117.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. L’amitié fraternelle que nous ressentons pour notre rapporteur n’empêche pas, comme on le dit en rugby, des échanges virils, mais corrects !

Je considère toujours, quant à moi, que l’information transitera par le preneur cédant, qui connaît le propriétaire. Cependant, l’essentiel est que le propriétaire détienne l’information. Je me rallie donc à la proposition du président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous en remercie, monsieur le député !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1117.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 477 rectifié, 581 rectifié et 929 ainsi modifiés.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de suspendre nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2341, d’orientation agricole :

Rapport, n° 2547, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 2544, de Mme Brigitte Barèges, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,

Avis, n° 2548, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)