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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 11 octobre 2005

13e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Infrastructures de transport

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la politique de développement des infrastructures de transport et les conditions d’exploitation des autoroutes.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe UMP, la parole est au premier de ses orateurs inscrits, M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, monsieur le ministre des transports, mes chers collègues, le groupe UMP a souhaité ce matin un débat sur l’évolution des conditions de gestion des sociétés concessionnaires d’autoroutes, en particulier le choix de privatisation fait par le Gouvernement, et, plus largement, sur l’évolution de la politique d’infrastructures.

Un certain nombre de questions se posent à nous lors d’un débat comme celui de ce matin, questions qui ont été exprimées très légitimement tout au long de l’été.

D’abord, le choix du Gouvernement a-t-il été effectué dans des conditions conformes à la démocratie ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Personne ne peut en douter !

M. Hervé Mariton. C’est une question de base dans une assemblée comme la nôtre. À la fin de l’année 2003, il y avait eu un débat sur la politique des infrastructures, comme ce matin, mais pas de vote. Le choix fait par le Gouvernement n’est donc venu contredire aucun vote de l’Assemblée nationale. Certains considèrent qu’à l’automne 2003, le choix avait été fait de ne pas privatiser les sociétés concessionnaires d’autoroutes. C’est inexact, d’abord parce que les débats de 2003 ne s’étaient pas soldés par un vote (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Daniel Paul. Il n’y a qu’à rétablir la royauté !

M. Hervé Mariton. …et, surtout, parce que, dès 2003, le Gouvernement avait choisi, opportunément à notre sens, d’ouvrir le capital d’APRR et de la SANEF.

Aujourd’hui, diront certains, nous n’avons encore qu’un débat, avec ses limites, mais ce débat s’inscrit dans un processus en plusieurs temps. Il y aura l’audition des ministres devant la commission des finances à la fin de ce mois-ci et, surtout, au début du mois de novembre, comme chaque année, mais de manière soulignée cette année compte tenu de l’importance et de la nouveauté des choix réalisés, le débat sur le budget des transports, lequel débat sera démocratiquement conclu par un vote. Il y aura donc un vote à l’occasion du débat budgétaire.

Le choix fait par le Gouvernement tel que nous pouvons l’apprécier, en tant que membres du groupe UMP, compte tenu des éléments d’information dont nous disposons, est-il légal ?

M. François Bayrou. Non !

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement l’a justifié au regard de la loi de privatisation de 1986, et l’avis du Conseil d’État du mois d’août de l’année 2005 se conclut de manière extrêmement claire : les sociétés ASF, APRR et SANEF ne sont donc pas au rang des sociétés visées par les dispositions précitées dont la privatisation doit être approuvée par la loi.

M. François Bayrou. Personne n’a cet avis ! C’est un avis secret donné au Gouvernement. Nous serions heureux d’avoir le texte !

M. Hervé Mariton. Le Conseil d’État dit très explicitement en août 2005 qu’il n’y a pas matière à délibération par la loi compte tenu du contexte légal.

Plus important, le choix qui nous est proposé est-il cohérent, au regard notamment des raisonnements qui avaient prévalu lors du choix de 2003. Pourquoi ce changement de pied qui a conduit le Gouvernement, alors qu’il y avait eu ouverture du capital en 2004 et en 2005 pour APRR et SANEF, à aller au-delà et à privatiser complètement ASF, APRR et SANEF ?

L’une des raisons, que l’on a peut-être insuffisamment expliquée, est simple, claire et convaincante. Il était espéré que les dividendes autoroutiers perçus par l’agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, lui permettraient de s’endetter hors du périmètre de Maastricht. Il est apparu finalement que ce n’était pas possible et qu’il n’y avait donc pas de miracle à attendre, miracle qui n’aurait d’ailleurs pas été forcément parfaitement vertueux, de l’affectation des dividendes des sociétés autoroutières à l’AFITF, bref, qu’il n’y aurait pas l’effet de levier que l’on attendait. À partir de là, il est totalement légitime et même judicieux de reposer la question du bon usage du produit des sociétés autoroutières.

M. Daniel Paul. C’est laborieux !

M. Hervé Mariton. Toute cette affaire est-elle alors bien calculée ? La réponse est oui, et je pense que les uns et les autres reviendront sur ce point tout au long de la matinée. En gros, le produit attendu de la privatisation des sociétés autoroutières, une grosse douzaine de milliards d’euros et sans doute doit-on espérer plus, correspond logiquement à l’actualisation des dividendes qui seraient perçus d’ici à 2032.

Rappelons au passage que les sociétés autoroutières, comme toute entreprise, ne sont pas protégées de tout risque. Il peut y avoir des risques d’exploitation, il y a aussi des risques sur le trafic. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons observé pour la première fois en 2003 un décrochage du nombre de poids lourds par kilomètre. L’évolution du trafic n’est donc pas constamment croissante et elle n’est pas parfaitement prévisible car peu avaient imaginé une telle évolution du trafic de poids lourds pendant l’année 2003. Par ailleurs, compte tenu de l’incertitude quant à l’évolution du prix du brut, il y a une incertitude réelle sur l’évolution du trafic. Quand on regarde de près l’élasticité, qui est loin d’être négligeable, du comportement des consommateurs face à l’évolution du prix du brut, force est de constater qu’il y a une part de risque dans la gestion et dans la vie des entreprises concessionnaires d’autoroutes.

Le processus de privatisation est-il bien mené ? C’est probablement sur ce point que les ministres auront à s’expliquer le plus pour préciser le déroulé de la procédure dans laquelle nous sommes. Nous comprenons bien qu’il est difficile de concilier la gestion optimale de l’intérêt patrimonial de l’État et la nécessité de transparence. C’est votre métier, messieurs les ministres, mais il est normal et légitime que la représentation nationale vous demande de rendre compte sur ce point.

Un certain nombre de questions émergent.

Les entreprises de BTP sont-elles à leur place ? Il appartiendra au Gouvernement, sous le contrôle de la commission des privatisations et de la personnalité qu’il a nommée, de donner toutes garanties sur ce point. Il ne doit y avoir ni exclusive, ce qui ne serait conforme ni à l’intérêt patrimonial de l’État ni à l’intérêt des entreprises autoroutières à l’avenir, ni exclusion si l’on a bien à l’esprit l’intérêt qu’il peut y avoir pour notre pays à constituer dans ce secteur des champions économiques comme d’autres pays ont su le faire.

La question de l’appel public à l’épargne a-t-elle été suffisamment développée ? Dans le tour de table envisagé et dans la constitution d’actionnariats, peut-il rester une part pour l’épargne publique ? Je crois qu’il serait dommage de l’exclure d’emblée et je souhaite que nous revenions sur ce point.

Venons-en à la part des étrangers dans la vie des sociétés autoroutières et dans les tours de table qui seront constitués demain. Ces étrangers ont démontré leur efficacité et des pays comme l’Espagne ont réussi les privatisations autoroutières en faisant émerger des champions dans un secteur où nous croyons encore être les meilleurs alors que ce n’est peut-être plus la réalité. Il convient d’espérer que le tour de table aura l’accent le plus français possible, sans exclure quiconque, en souhaitant surtout que les sociétés autoroutières françaises puissent demain à leur tour être dynamiques sur les marchés internationaux.

Je crois surtout que le processus de privatisation des sociétés autoroutières est bon pour l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il permet une diversification des entreprises dans des métiers connexes à l’autoroute, dans de nouveaux métiers, que ce soit le développement des zones d’activités, comme cela est très bien démontré par les concessionnaires d’infrastructures espagnols, que ce soit dans le domaine des télécommunications ou dans d’autres activités ; il permet aussi une diversification à l’étranger.

Et puis c’est bon pour la politique d’infrastructures parce que la privatisation autoroutière va enfin faciliter une politique de basculement modal. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Dans quelle étrange contradiction étions-nous en espérant faire cracher le maximum de dividendes aux sociétés autoroutières pour investir dans le ferroviaire, c’est-à-dire en espérant qu’il y ait le maximum de camions sur les autoroutes pour en mettre le maximum sur les chemins de fer. C’était parfaitement incohérent. Il est heureux que l’État sorte enfin de la contradiction d’intérêts dans laquelle il était jusqu’à présent, qu’il s’agisse de l’actionnariat ou de la politique des transports.

La privatisation des sociétés autoroutières encourage donc le basculement modal et donne plus de liberté à la politique d’infrastructures. Cette privatisation, encadrée par l’État, permet une meilleure gestion, l’État étant une autorité régulatrice. Elle est aussi de nature à permettre une accélération de la réalisation du programme d’infrastructures, parce que la privatisation permet d’obtenir plus de moyens : 4 milliards pour l’agence de financement des infrastructures, un budget de 2 milliards dès l’année 2006.

Les infrastructures sont essentielles à la compétitivité du site France. Nous devons faire la course en tête. Il ne suffit pas de le dire, il faut s’en donner les moyens, et pas dans vingt ou trente ans. L’enjeu, le débat, la compétition, c’est aujourd’hui. La privatisation des autoroutes nous donne les moyens de notre ambition. Le financement de l’AFITF nous permet de mener à bien les projets du CIATD de décembre 2003 et de rattraper le retard d’exécution des contrats de plan.

Mais, au-delà des moyens de l’AFITF, le Gouvernement devra tirer le meilleur parti des opportunités nouvelles que nous lui avons données : je pense en particulier aux contrats de partenariat. À ce titre, je regrette que les projets mis en œuvre, depuis l’ordonnance du 17 juin 2004, dans le cadre des contrats de partenariat, n’avancent guère, et c’est un euphémisme !

À cet égard, la loi ferroviaire, examinée la semaine dernière par le Conseil des ministres, est de nature à encourager la mise en œuvre de ces contrats de partenariat, notamment pour le TGV Rhin-Rhône. Mais nous vous attendons aussi, messieurs les ministres, s’agissant des contrats de partenariat, au-delà des financements procurés par les privatisations, sur d’autres projets qui sont tout à fait essentiels.

La privatisation des autoroutes nous permettra de donner à notre pays les moyens dont il a besoin en termes d’infrastructures ; elle permettra aussi, et ce n’est pas négligeable, de contribuer au désendettement de notre pays : 10 milliards d’euros, ce n’est pas beaucoup au regard de l’endettement global de notre pays,…

M. François Bayrou. Où allez trouvez-vous ces 10 milliards !

M. Hervé Mariton. …mais c’est suffisant pour commencer de stabiliser la situation.

Enfin, j’attire l’attention des ministres et celle de la représentation nationale sur le fait que l’enjeu est autant l’optimisation des infrastructures existantes.

M. le président. Monsieur Mariton, il faut conclure.

M. Hervé Mariton L’audit ferroviaire insiste sur la nécessité de réaliser un effort important pour la maintenance. Ce point est essentiel. Par ailleurs, les grèves dans le domaine ferroviaire qui perturbent le fret, les difficultés liées aux grèves à Marseille ou l’affaire de la SNCM nous montrent que les grandes infrastructures n’apporteront à notre pays la compétitivité que nous sommes en droit de souhaiter que si les conditions de gestion et d’exploitation sont de nature à permettre que l’effort important consenti par le contribuable soit utilisé dans le sens de l’intérêt de notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, annoncée le 8 juin 2005 lors du discours de politique générale, la privatisation des autoroutes fait seulement aujourd'hui l'objet d'un débat, sans vote, à l'Assemblée nationale. Quel mépris pour la représentation nationale, un mépris qualifié « d'excès de pouvoir » par François Bayrou.

La polémique soulevée sur vos bancs a été d'une ampleur sans précédent. Le rapporteur du budget s'est dit « choqué » par une décision « prise en catimini ». Selon lui, le produit de l'opération, estimé à 10 milliards d'euros, représente « une goutte d'eau par rapport à la dette totale de 1 060 milliards d'euros du budget de l'État ».

Et le florilège continue : Nicolas Dupont-Aignant vous a également demandé « solennellement » de renoncer à ce projet qui paraît contraire à la loi de 1986 sur les privatisations de sociétés où l'État est majoritaire, s'insurgeant contre cette « indéfendable privatisation des sociétés d'autoroutes destinée à boucler les fins de mois », précisant encore « que l'on ne vend pas un trésor familial ». J'ajouterai que ce trésor payé par les citoyens appartient au patrimoine national.

Je voudrais insister, au nom de mon groupe, sur l'incohérence politique de ce revirement. Nous avions tous salué l'arbitrage rendu entre Bercy et le ministère des transports, décision de sagesse prise en faveur du choix de conserver les autoroutes dans le giron de l'État,…

M. Maxime Bono. C’est vrai.

Mme Odile Saugues. …concordant avec la création de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France et l'annonce d'un plan d'investissements majeurs.

Cette privatisation remet en cause la mise en œuvre des trente-cinq projets du CIADT qui en constituent la première phase et qui représentent 7,5 milliards d'euros d'ici à 2012. Qu'adviendra-t-il des opérations annoncées par le Premier ministre le 1er septembre 2005, relatives à un tronc commun A4/A86 et à la voie Charles-de-Gaulle express ? Comment seront financés les contrats de plan État-régions alors que l'achèvement des contrats actuels est estimé à 4 milliards d'euros – soit 2,8 milliards pour la route et 1,2 milliard pour le ferroviaire – et les transports collectifs urbains à 100 milliards ? Cela pose le problème de la définition du nouveau périmètre de l'AFITF.

Les besoins dans le domaine des transports sont si criants que l'AFITF risque de se voir sollicitée pour l'ensemble des demandes. Pourra-t-elle y répondre ?

Le rapport d'information de juin 2005 d'Hervé Mariton précisait que « des ressources financières doivent être disponibles annuellement au profit des projets ». Si la dotation initiale de 4 milliards d'euros annoncée, qui sera affectée à l'AFITF, prélevée sur la vente des autoroutes, représente par ailleurs un décaissement qui va augmenter le déficit de l'État, les autres sommes annoncées – soit 510 millions d'euros qui proviendront de la taxe d'aménagement du territoire, 160 millions du produit de la redevance domaniale des sociétés d'autoroutes et enfin 100 millions d'euros du produit des radars – paraissent bien insuffisantes pour contrôler des besoins estimés, d'ici à 2025, à 140 milliards d'euros. Les Français apprécieront !

Cette vision à court terme prive la France de moyens pérennes pour mener à bien une politique volontariste d'aménagement du territoire et de report du trafic de la route vers le rail. Ainsi, vous privez la France de 35 à 40 milliards d'euros de dividendes cumulés d'ici à la fin de la concession des autoroutes en 2032. Gilles de Robien voyait juste : « On signe une fois et on pleure pendant trente ans ».

Enfin, rien ne nous garantit à long terme, comme l'a précisé le président de la commission des finances, que ces recettes financeront effectivement des investissements d'infrastructures et n'iront pas se perdre dans le gouffre du budget général de l'État, la disparition du FIATA nous ayant malheureusement instruits sur ce type de pratiques.

Permettez-moi d’évoquer les inquiétudes éveillées par le rapport intitulé « Les autoroutes pour l'emploi », qui semble augurer du devenir de nos autoroutes privatisées.

La privatisation va inévitablement s'accompagner d'une politique commerciale agressive, d'une logique de marchandisation, et ainsi se substituer au régime actuel, qu’Hervé Mariton qualifie dans son rapport « d'archaïsme réglementaire », à savoir, l'interdiction de publicités et enseignes sur les abords des autoroutes ; l'encadrement strict de toute possibilité de valorisation commerciale des radios autoroutières et enfin la relative pauvreté des modulations de tarifs pratiquées aux péages.

Les deux premiers « archaïsmes » relèvent du dogmatisme ultra-libéral et je ne m'y attarderai pas. En revanche, il me semble primordial de m'arrêter sur le dernier point : les péages. En effet, tout porte à croire que cette privatisation va entraîner une segmentation tarifaire entre usagers, donc une augmentation des péages autoroutiers avec, je le redoute, une discrimination tarifaire fondée sur des critères géographiques. Si l’on suit cette logique, le principe d'égalité des usagers devant le service public que constitue l'autoroute n'aura alors plus lieu d'exister.

Dans ces conditions, la privatisation ne sera pas, comme l'annonce le rapporteur, « un choix favorable à l'aménagement du territoire ». Tout au contraire, une augmentation des péages risque d'entraîner un déplacement des automobilistes vers les nationales, transférées, je le rappelle, à partir de janvier 2006 aux départements. La politique tarifaire sera ainsi décidée librement en fonction des flux mais pas en fonction du vieillissement de l'infrastructure et des politiques de report modal.

Si le débat doit basculer « de l'idéologie au pragmatisme », comme l'indique, avec un humour bien involontaire, M. Mariton, le pragmatisme veut que l'on garde les outils qui serviront à financer une politique de transport équilibrée, d'aménagement du territoire à long terme.

Enfin, je ne passerai pas sous silence l'inquiétude des personnels face à une privatisation complète, dont on peut redouter les conséquences en termes d'emploi et de conditions de travail pour les salariés.

Ce choix gouvernemental révèle un manque de courage face à l'avenir. En effet, l’entretien des tronçons les moins rentables n’intéressant pas une gestion privée, dans quel état, en 2032, les futures générations trouveront-elles le réseau autoroutier français ?

Aujourd'hui, par votre décision, c'est le principe de service public et de solidarité républicaine qui sont remis en question. Vous portez là une lourde responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le droit du Parlement, le devoir du Parlement, ce n'est pas de débattre, mais de voter.

M. Hervé Mariton. Nous le ferons le 3 novembre !

M. François Bayrou. Non, monsieur Mariton, vous ne le ferez pas le 3 novembre. Je reconnais que vous avez toujours été favorable à cette privatisation mais, si l’on suivait votre raisonnement, si nous rejetions le budget des transports le 3 novembre, cela ne changerait rien à la procédure de privatisation par décret que vous avez entamée. Vous vous êtes donc livré à la tribune à une falsification. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je le répète, le droit et le devoir du Parlement, c’est de voter sur la privatisation. Non pas de débattre, avec un débat comme un os à ronger… L’exercice nous a déjà malheureusement été imposé à propos de l’ouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et nous savons ce qu’il en est advenu.

M. François Rochebloine. Scandaleux !

M. François Bayrou. Le choix de privatiser les sociétés autoroutières est contraire à l'intérêt général, donc à mes yeux, illégitime. Cette décision illégitime est aussi illégale, car elle ne revient pas au Gouvernement, mais au Parlement, en vertu même de la loi.

M. Hervé Mariton. Quel cas faites-vous de l’avis du Conseil d’État ?

M. François Bayrou. Monsieur Mariton, je ne connais pas l’avis du Conseil d’État et vous ne le connaissez pas non plus ! Il est scandaleux qu’un député de la majorité vienne à cette tribune exciper de l’avis du Conseil d’État alors qu’aucun citoyen français n’y a accès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Émile Zuccarelli. Très bien !

M. François Bayrou. Quel manquement à l’égalité républicaine ! Qui vous a fourni cet avis ? De quel droit M. Mariton, membre du parti majoritaire, a-t-il eu connaissance de l’avis du Conseil d’État, alors qu’en dépit de demandes réitérées, aucun député ni aucun citoyen français n’a pu lire cet avis ?

Mme Odile Saugues. C’est scandaleux !

M. François Bayrou. Ces pratiques qui rompent le principe d’égalité devant la loi doivent cesser ! Et si vous voyiez la mine consternée du ministre des transports, vous comprendriez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Il n’a pas l’air très consterné !

M. François Bayrou. Les sociétés autoroutières sont un des seuls biens de la nation dont les revenus sont garantis et croissants dans le temps. L'amortissement des emprunts contractés par ces sociétés est certain, il n'y a aucun facteur de risque, au contraire le trafic est en constante augmentation, au même rythme que la croissance.

M. Hervé Mariton. Indépendamment du prix du pétrole ?

M. François Bayrou. C'est ainsi que, lors du débat organisé devant cette assemblée, les dividendes des sociétés autoroutières avaient été estimés pour les années à venir à quelque 40 milliards d’euros.

M. Michel Bouvard. À 39 milliards !

M. Jean-Jacques Descamps. C’était une prévision.

M. Hervé Mariton. Ce n’était qu’une estimation !

M. François Bayrou. Justement, cette semaine on nous a annoncé que ce chiffre était sous-estimé. Ce qui a été rendu public cette semaine, mais qui était consigné depuis beaucoup plus longtemps dans les documents budgétaires, c’est que l’État pouvait prélever un « revenu sur le résultat des sociétés autoroutières ». C’est la ligne 28-99 du tome I des voies et moyens qui indique que l’État, pour l’année 2005, prélève 950 millions supplémentaires : 450 millions de dividendes réguliers et 950 millions de dividendes exceptionnels dont ne connaît pas exactement la nature budgétaire. Et le ministre des transports a pris soin, sur RTL, dimanche, de démentir que ces sommes aient un quelconque rapport avec les privatisations : « C'est un prélèvement sur l’année en cours, cela n'a rien à voir avec les privatisations », a-t-il dit.

Les sociétés autoroutières sont donc le bien qui rapporte le plus à l'État. Et d'ailleurs, l'affaire est si attrayante que dix-huit groupes européens se sont portés candidats ! Avec quels moyens ? Nul doute que si l’affaire avait été moins attrayante sur le plan financier, les candidatures auraient été moins nombreuses.

Mais tout cela, le Parlement le sait parfaitement, puisqu’il a consacré à cette question un grand débat l’année dernière. En effet, le gouvernement précédent, sous l'impulsion de Gilles de Robien, le ministre de l'équipement de l’époque, avait conduit une réflexion de plusieurs mois sur ce sujet, à laquelle le Parlement avait été associé.

M. Hervé Mariton. Sans vote !

M. François Bayrou. Il y a eu un vote au Sénat, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. Mais pas à l’Assemblée !

M. François Bayrou. Il en avait conclu qu'il ne fallait pas privatiser les autoroutes, qu'il convenait au contraire de garantir que les revenus des sociétés autoroutières financent directement les grands équipements dont la France a besoin dans le domaine du transport, dans le cadre d’une politique du développement durable, tels les trains à grande vitesse, le ferroutage, les voies fluviales et maritimes, pour lutter en particulier contre l'effet de serre et doter notre pays de l'équipement qu'il mérite.

Voici ce que disait Gilles de Robien en décembre 2003.

M. Jean-Jacques Descamps. l’UDF se rassemble !

M. François Bayrou. Il est vrai que vous connaissez bien la maison, monsieur le député.

Selon Gilles de Robien à l’époque, « soit on vend les autoroutes tout de suite, ça fait peut-être du bien tout de suite, mais on va le regretter ensuite pendant dix, quinze, vingt ou trente ans ; soit on ne les vend pas, et à ce moment-là on engrange pour le compte de l'État et pour la politique des transports des dividendes qui vont permettre de faire des infrastructures en France et des modes de transport alternatif pendant vingt ou trente ans ».

Au 1er janvier de cette année, après un débat exemplaire au Parlement, et un audit de tous les besoins de la France en équipements de transport, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, a finalement été mise en place. Les ressources de cette agence, dont la création a suscité l’approbation générale, devaient provenir des dividendes des sociétés d'autoroutes. Je veux citer à ce sujet le ministre des transports de l’époque : « Nous avons pour la première fois dans l'histoire mis au point un système pérenne qui nous maintient à l'abri des trous de la conjoncture et des arbitrages défavorables au moment des budgets. » Voilà quelle politique le gouvernement précédent avait décidé de mener, au terme d’un long débat au Parlement, qui avait permis à tous les groupes de s’exprimer. Et tous, à votre exception, monsieur Mariton, je le reconnais, s’étaient exprimés contre la privatisation des sociétés d’autoroutes et pour le maintien de leurs dividendes dans le champ de l’État.

Désormais, vous sacrifiez l'avenir au présent. Tout cet argent va disparaître dans le tonneau des Danaïdes du déficit, et il n'en restera plus rien dans quelques mois : les Français, tout comme le Parlement, le savent parfaitement, puisque plus de 70 % d’entre eux sont opposés à ce bradage.

Mme Odile Saugues. Vous avez raison !

M. François Bayrou Mais vous n'en avez cure. Vous préférez, monsieur Mariton, aligner les chiffres et faire les additions les plus improbables.

M. Hervé Mariton. Montrez-nous les vôtres !

M. François Bayrou. Vous nous assuriez il y a quelques mois, monsieur le ministre de l’économie, que le produit de cette vente serait intégralement affecté au désendettement de l’État, accusant de façon implicite les opposants à la privatisation d’être de « mauvais Français »

M. Hervé Mariton. In medio stat virtus !

M. François Bayrou. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien : cet argent va servir pour partie à financer l’AFITF de façon partielle et provisoire, et pour partie à financer des cadeaux dont on sait bien qu’ils ne sont pas sans rapport avec l’échéance électorale de 2007. J’en veux pour preuve les propos tenus par le ministre des transports au cours de la même émission : il a indiqué que les recettes des privatisations n’étaient pas destinées à financer l’avenir, mais le présent des Français. Cela signifie qu’en 2007 il ne restera plus rien du produit de la privatisation des sociétés autoroutières, ou je ne m’y connais pas !

M. Hervé Morin. De l’eau dans le sable !

M. Patrick Ollier. Ce que vous dites est faux, monsieur Bayrou !

M. François Bayrou. Si vous n’avez cure de toutes les exigences que les Français ont pourtant exprimées à maintes reprises, c’est votre affaire, mais je veux soutenir à cette tribune que non seulement votre décision est illégitime, mais qu'elle est illégale. Et s'il n'y a pas de tribunaux compétents en matière d’illégitimité politique – c’est au peuple qu’il revient de trancher en la matière –, les décisions illégales peuvent être contestées devant les tribunaux.

La loi de 1986, qui régit les privatisations, édicte une règle d'or : quand l'État est majoritaire dans une entreprise, la privatisation de cette entreprise ne peut être décidée que par une loi. Il est normal et légitime, s’agissant de biens appartenant au peuple français, que seuls ses représentants puissent décider de les aliéner.

Mais parce que vous craignez le vote du Parlement, sachant très bien qu’un grand nombre de parlementaires se sont exprimés contre cette décision, vous usez d'un artifice : vous prétendez qu’Autoroutes de France, établissement public administratif, ce n'est pas l'État !

M. Hervé Mariton D’ailleurs l’État va recevoir cette année des dividendes d’Autoroutes de France !

M. François Bayrou. Mais tout vous dément, et d'abord la discussion de la loi de 1986. En effet, ce risque de détournement a été clairement analysé dans le débat et dans la décision du Conseil constitutionnel de 1986. Vous savez quel était le problème juridique : un amendement avait précisé que l'État devait être « directement » propriétaire pour que la règle s’applique. Souvenez-vous qu'il s’agissait à l'époque de « faire respirer le secteur public » en permettant la vente de filiales de grandes sociétés nationales, rendue très difficile par l'arrêt du Conseil d'État dit Cogema.

Des parlementaires sur ces bancs ont vu le risque que l'État puisse aisément, à l’aide d'un faux nez, tourner la loi et décider de privatiser des entreprises sans l’aval du Parlement.

Pour calmer ces inquiétudes, Robert-André Vivien, rapporteur du projet devant l’Assemblée, a précisé que l’introduction de l’adverbe « directement » visait à « donner une plus grande souplesse de gestion aux entreprises du secteur public, en leur permettant de céder sur autorisation administrative certaines de leurs filiales au secteur privé ». Un certain nombre d’entre nous, qui ont participé à ce débat, se souviennent exactement de l’enjeu. Étienne Dailly, rapporteur du texte au Sénat, a répondu quant à lui qu’agir ainsi constituerait une fraude à la loi « qu'il convient à toutes fins utiles de dénoncer à l'avance et qui devrait pouvoir être sanctionnée comme telle par la juridiction administrative ».

Enfin, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 et 26 juin 1986, a répondu de la manière la plus explicite qu’« il appartiendrait aux juridictions compétentes de paralyser et le cas échéant de réprimer de telles pratiques ». Cela signifie clairement que c’est au Conseil d’État qu’il appartiendrait alors de dire la loi, et qu’il devrait le faire selon la procédure du référé, étant donné qu’une censure trop tardive aurait des conséquences extrêmement négatives.

Autoroutes de France, c'est l'État ! Je n'en apporterai que deux preuves, dont chacune est suffisante seule, comme aurait dit Cyrano.

La nature de l'établissement public administratif Autoroutes de France en est une première preuve. En effet, sa seule mission est d'être porteur de parts de capital social pour le compte de l'État. Autoroutes de France n'est rien d’autre qu'un démembrement de l'État. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, dans son rapport de 2002 : « À la fin de 2001, la moitié des participations de l'État dans les sociétés concessionnaires était portée par ADF, mais cet établissement public, qui ne joue aucun rôle dans la gestion de ces participations, pas même de concertation entre les acteurs du secteur autoroutier, se contente d'entériner les décisions de l'État. Celui-ci ne s'en est même jamais servi pour établir des comptes consolidés du secteur public autoroutier. En 1996, la Cour s'interrogeait déjà sur la raison d'être d'ADF. En 2002, l'utilité de cet établissement est encore plus douteuse. » Le jugement asséné ainsi par la Cour suffit à dire la réalité – ou plutôt le caractère fictif – de cet établissement.

La nature de ses liens avec l'État est la deuxième preuve. Quand, en 2002, 49 % du capital d'Autoroutes du Sud de la France ont été privatisés, en tournant la loi comme on le fait aujourd’hui, le produit de cette privatisation a tout bonnement été versé au budget de l'État ! Or le propriétaire direct d'un bien est évidemment celui qui perçoit le fruit de sa vente.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. François Bayrou. De même, quand l'État pompe 950 millions supplémentaires sur le « revenu » – c'est écrit en toutes lettres – des sociétés autoroutières, et qu'il l'inscrit en « recettes diverses » dans son budget, comme il le fait cette semaine, il se comporte bien en propriétaire usufruitier, et même en propriétaire abusif, en propriétaire léonin !

J'entends qu'on se répand dans les allées du pouvoir sur le fait que le Conseil d'État ne pourrait pas « paralyser » et « réprimer » un tel abus. Et on se frotte les mains de l’avis que celui-ci aurait formulé, paraît-il, puisqu’il est secret pour tous les Français, à l’exception de M. Mariton, porte-parole du groupe UMP à cette tribune.

M. le président. Il faut penser à conclure, monsieur Bayrou.

M. François Bayrou. Mais le droit est le droit et le sens commun est le sens commun. Et les citoyens doivent pouvoir trouver un recours contre l'abus de pouvoir, fût-ce contre le pouvoir lui-même.

Je ne crois pas qu’il se trouvera un juge administratif pour juger qu'un établissement public administratif, dont le conseil d'administration est presque tout entier nommé par le Gouvernement, dont l'autorité de presque tous les membres dépend du Conseil des ministres, dont la Cour des comptes a jugé qu'il était un simple appendice transparent de l'État, dont le produit de la vente est versé au budget de l'État, et dont identiquement le revenu du résultat est directement considéré comme une recette de l'État, que cet établissement public, dis-je, n'est pas bel et bien « directement » l'État.

C'est pourquoi vous voulez, par ce débat tronqué, éviter un vote dont vous craignez, étant donné le nombre des protestataires, jusque dans les rangs du parti majoritaire, qu'il ne vous réserve des surprises, et que les Français ne s'en saisissent. Mais ne croyez pas que vous avez gagné. Nous déposerons un recours, et il y aura, je le crois, un jugement. Et ce jugement, si notre loi et notre justice ont un sens, vous ramènera devant les représentants du peuple, pour que chacun prenne ses responsabilités.

Pour nous, en tout cas, aujourd'hui, comme nous l’avons fait hier et comme nous le ferons demain, nous vous disons que vous rendez un mauvais service à la France, et que vous portez atteinte à notre démocratie. Considérez bien ce sujet, qui paraît anodin et secondaire à ceux qui pensent qu’il est temps de brader les « bijoux de famille » ; il condense tous les visages du mal français : gestion imprévoyante, revirements constants, gaspillage, oubli de l'intérêt général pour le plus grand bénéfice d'intérêts privés, mépris du Parlement et désinvolture à l'égard de la loi même. Pour vous, c'est une petite affaire, expédiée en un petit débat Pour les Français, c'est une preuve de plus qu'il faut décidément changer les choses.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au vu des enjeux environnementaux, socio-économiques et territoriaux qui se cristallisent autour de la politique des transports, comment ne pas saluer l’initiative d’un débat parlementaire sur les infrastructures de transport dans notre pays, même s’il s’agit, d’une manière qui vous devient coutumière, d’un débat sans vote ?

Oui, il y a matière à débattre, tant votre politique suscite d’inquiétudes sur un sujet aussi lourd de conséquences pour l’avenir. Les désapprobations se sont d’ailleurs exprimées, cet été, jusqu’au sein de votre majorité.

Rappelons le poids des transports dans la pollution atmosphérique : 27 % des émissions françaises de CO² en 2003, contre 21 % en 1990. Si rien n’est fait, les transports compteront pour 80 % de l’accroissement des émissions d’ici à 2050. Il est donc difficile, et même impossible, de dissocier le discours de politique générale sur le développement durable et les orientations politiques en matière de transports. C’est une raison fondamentale pour que la puissance publique, aux niveaux tant européen que national, incite à un rééquilibrage des modes de transport,

Les transports sont aussi un élément structurant incontournable pour notre société, à la fois facteur d’aménagement équilibré du territoire, de cohésion sociale et de qualité de la vie. Pour toutes ces raisons, ils ne sauraient relever des logiques du marché.

Le développement d’infrastructures nouvelles doit aussi permettre de faire face à l’explosion des échanges. Sa position géographique fait de notre pays une zone de transit important entre les pays du nord et du sud de l’Europe, mais aussi dans les flux de l’ouest vers l’est. Cette situation suppose un objectif de développement équilibré, inscrit dans le long terme : c’est vraiment la vocation de la puissance publique, au niveau de l’État comme à celui de l’Union européenne.

Pour favoriser un développement harmonieux de notre territoire, le premier secteur à promouvoir est le rail. Or la contribution aux charges d’infrastructures du ferroviaire était en baisse dans le dernier budget alors même que le Gouvernement, soutenu par sa majorité, favorisait de fait le transport routier en décidant le doublement du dégrèvement de la taxe professionnelle sur les véhicules de plus de 7,5 tonnes, ce qui représente un apport d’un milliard d’euros pour les entreprises.

Et pourtant, comme le souligne un très récent rapport de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, les infrastructures ferroviaires françaises auraient besoin d’un sérieux coup de pouce ! Selon ce rapport, l’état général des ouvrages d’art laisse craindre, par manque d’entretien, des risques de chute sur les voies lors des traversées de tunnels.

M. Michel Bouvard. Ça ne s’est pas fait en trois ans !

M. Daniel Paul. Le rapport constate également le mauvais état de lignes faiblement chargées. Rappelons que le nombre de ralentissements imposés pour des raisons de sécurité est en augmentation sensible.

M. Hervé Mariton. Ce drame vient de loi !

M. Jean-Michel Fourgous. Fiterman !

M. Daniel Paul. Il met vivement en garde contre la vision « court-termiste » d’une telle politique, puisqu’une maintenance inadaptée induit à long terme une dérive sérieuse des coûts d’infrastructures et des performances. Il indique aussi que la SNCF et RFF « ont fourni les meilleurs efforts pour maintenir l’exploitation et la sécurité ferroviaire malgré des ressources nettement insuffisantes. » La balle est vraiment dans le camp de l’État, et cela dès le prochain budget.

L’an passé, cependant, le Gouvernement avait déjà mis fin à la dotation destinée à la gestion de la dette de RFF et supprimé les crédits du service annexe d’amortissement.

M. Hervé Mariton. J’ai mal entendu, ou vous avez mal lu !

M. Daniel Paul. Cette politique d’étranglement est dangereuse, d’autant que vos réponses n’évoquent que l’augmentation des péages payés par la SNCF, la régionalisation, qui vise à faire supporter de plus en plus de charges par les conseils régionaux, et la mise en concurrence avec le privé, au prétexte de tirer les coûts vers le bas.

En fait, la question qui est posée est celle de l’engagement public de l’État sur une question qui engage tant l’avenir. La cohérence nationale qui s’impose relève de la responsabilité du domaine régalien, et de lui seul.

M. Hervé Mariton. Il s’agit justement de clarifier les rôles pour ce qui concerne les autoroutes : c’est la gestion du domaine régalien !

M. Daniel Paul. Dans ma région, l’itinéraire de contournement ferroviaire nord-est de la région parisienne est un immense atout pour augmenter la part de transport ferroviaire des ports de Rouen et du Havre. Toutefois, sur les 150 à 160 millions d’euros nécessaires selon les études, 68 millions d’euros seulement sont aujourd’hui prévus par le contrat de plan État-région – et encore les retards sont-ils de plus en plus importants.

Les expériences d’Anvers et de Rotterdam montrent pourtant qu’un engagement fort des pouvoirs publics permet le développement des projets ferroviaires. C’est pourquoi les efforts budgétaires nécessaires devraient être accompagnés d’un volontarisme politique visant à ce que cet axe soit pris en compte au plan européen, ce qui n’est actuellement pas le cas. Cela supposerait qu’il soit au moins considéré comme prioritaire dans notre pays, ce qui n’est pas davantage le cas actuellement, et non pas soumis aux aléas du financement des uns ou des autres.

Comme beaucoup d’autres parlementaires de la région Haute-Normandie, je vous ai écrit à ce sujet, à la demande des responsables portuaires de Rouen et du Havre, inquiets des retards pris par ce projet et du manque de dynamisme de l’État à son égard.

Enfin, cet été, votre gouvernement a décidé de brader les autoroutes en s’affranchissant des débats parlementaires, alors même que les autoroutes avaient été financées par les pouvoirs publics et l’impôt.

La décision prise par votre prédécesseur d’affecter à l’AFITF la part revenant à l’État des recettes des péages autoroutiers permettait d’envisager la couverture d’une partie des investissements prévus au CIADT. Toutefois, comme nous l’avions indiqué alors, cette part ne suffisait pas !

En vendant au privé les parts de l’État – en l’occurrence, il s’agit des principales voies de communication terrestres de notre pays –, vous abdiquez vos responsabilités et, au passage, faites un cadeau aux groupes financiers privés.

Certes, vous clamez que vous serez toujours vigilants, que l’évolution des tarifs se fera sous votre surveillance, comme l’entretien du réseau. Il est encore heureux que vous nous l’affirmiez ! mais quelles garanties nous donnez-vous ?

Non content de bafouer, au bout de quelques mois, le vote du Parlement affectant les recettes des sociétés d’autoroutes au financement des infrastructures, vous cherchez à vous justifier en invoquant une opération financière qui vous permettrait de rembourser une part de votre déficit. L’argument est dérisoire, car la recette escomptée pèse peu devant l’ampleur des déficits, dont elle représente moins de 1 %, et la nature même de l’acte politique que vous proposez – rien de moins que la vente de nos autoroutes à la finance internationale ! – pose question !

Ainsi donc, vous troquez une recette pérenne d’au moins 1,5 milliard d’euros par an pendant plus de vingt ans permettant de préparer l’avenir…

M. Hervé Mariton. Ah oui ? Aujourd’hui, ce ne sont que 300 millions !

M. Daniel Paul. …contre un bénéfice à court terme. C’est une politique de boutiquier, monsieur Mariton !

La conséquence immédiate est la perte de financements pour les projets ferroviaires et d’autres projets nécessaires à notre pays, comme l’écluse fluviale de Port 2000, l’aménagement portuaire de Fos-sur-Mer, et même, si j’en juge par l’inquiétude que suscite cette dérive, le canal Seine-Nord.

Ces mesures interviennent dans un contexte d’ouverture à la concurrence des activités fret de la SNCF, avec un laminage du dispositif ferroviaire privilégiant les axes rentables et menaçant l’avenir de secteurs industriels. Ce contexte est aussi celui de l’autorisation par la Commission européenne d’une recapitalisation du fret SNCF à hauteur de 1,5 milliard d’euros – mais n’oublions pas les contreparties imposées : une réduction de 18 % du nombre de kilomètres-train, donc du nombre de sillons utilisés par le fret SNCF, avec une diminution de 30 % des effectifs de cheminots.

Or le développement des infrastructures favoriserait une dynamisation de l’industrie et des territoires respectueuse de l’environnement, contribuerait à un aménagement équilibré du territoire national, certes en ne visant pas à la rentabilité immédiate mais en donnant la priorité à une meilleure prise en compte de l’ensemble des coûts des transports pour les entreprises et pour la collectivité, ce que l’on appelle l’efficacité.

Les conclusions du CIADT du 18 décembre 2003 semblaient pourtant très raisonnables : on y lisait que « les dépenses d’infrastructures de transport conditionnent la qualité et la densité du maillage du territoire dans une société où la mobilité facilite la vie quotidienne et favorise le développement économique ». Comme elles semblent loin, les promesses du chef de l’État et sa Charte de l’environnement ! Ce n’est pourtant pas si vieux : c’était à Versailles, il y a quelques mois !

Mme Odile Saugues. Ce ne sont pas ses seules promesses !

M. Daniel Paul. Il y était question de soutenir le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé. La réalité de l’action gouvernementale est toute autre ! Il est vrai que vous avez décidé d’accélérer la soumission de notre pays aux exigences libérales de rentabilité rapide. En vendant le patrimoine immobilier et industriel, vous prétendez réduire la dette, mais vous affaiblissez l’État et vous ouvrez de nouveaux champs de profit aux groupes privés.

En l’absence des produits liés aux péages, faute de recourir à des financements publics pérennes, à une intervention de la Caisse des dépôts ou de la Banque européenne et à un grand emprunt européen, faute d’un pôle public de financement, les moyens nécessaires à une véritable politique d’infrastructures font défaut, à moins de faire appel au privé, avec les risques que l’on sait, tant les investissements de long terme font mauvais ménage avec la nécessité de rentabilité à court terme.

Ce désengagement s’inscrit dans une stratégie globale de recul de l’État : on le retrouve dans l’absence de politique industrielle, qui laisse celle-ci aux soins des grands groupes qui s’organisent avec pour seule priorité la rentabilité financière. On a vu avec Hewlett Packard ce que cela signifie !

Vous tentez de donner le change face à une opinion qui exprime, comme elle l’a fait le 4 octobre, sa colère et ses inquiétudes, mais vous ne ferez rien car, au-delà des mots, vous partagez la logique de ces groupes. Vous suivez une stratégie de rupture qui vise à renforcer la soumission aux règles libérales. Nous n’aurons, quant à nous, de cesse de la combattre pour favoriser une solution alternative qui est elle aussi en rupture, car elle vise à un réengagement de la puissance publique face au dogme de la rentabilité financière – « Des mots ! », direz-vous –, y compris dans le domaine autoroutier, pour le retour des autoroutes dans le patrimoine de l’État, compte tenu des enjeux que représentent pour nous les infrastructures de notre pays.

M. Émile Zuccarelli et M. Simon Renucci. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, messieurs les ministres, ce débat fait suite à l’annonce faite par le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, de la privatisation des concessions d’autoroutes.

Quelques mots, d’abord, sur la forme : il n’est pas de bonne méthode de changer de cap lorsque le Parlement a pris des engagements pour un délai rapproché. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je le dis comme je le pense, et sans doute cette méthode a-t-elle suscité certaines réactions au sein même de la majorité.

Il nous faut toutefois, dans ce débat, nous attacher plus au fond qu’à la forme. On peut distinguer à cet égard deux aspects : la privatisation des sociétés d’autoroutes et le financement des infrastructures.

Pour ce qui concerne la privatisation des sociétés autoroutières, il convient de rappeler que l’État reste, dans tous les cas de figure, propriétaire des autoroutes et qu’il fixe les règles des concessions, les conditions d’exploitation et les politiques tarifaires : il n’y a donc guère de différence. La meilleure preuve en est qu’un usager qui emprunte l’autoroute entre Angers et Nantes ne constate sans doute aucune différence par rapport à celui qui circule entre Dijon et Lyon, alors que l’un utilise le réseau de Cofiroute, qui a toujours été une concession privée, et l’autre le réseau des APRR, qui a toujours été une concession à une société d’économie mixte concessionnaire d’autoroutes – une SEMCA.

Il convient donc de poser les bonnes questions. La réalisation des actifs autoroutiers de l’État dans ces SEMCA est-elle une bonne affaire ? Il s’agit là de comparer la rentabilité escomptée à long terme, compte tenu des dividendes, et le résultat que nous pouvons attendre immédiatement de la réalisation de ces actifs. Le chiffre de départ – 10,5 milliards d’euros, puis 11 milliards – paraissait à l’évidence insuffisant. Il semble aujourd’hui que la somme attendue, qui se situe plutôt autour de 14 milliards d’euros, soit plus équilibrée par rapport au produit des dividendes attendus dans la durée ; il vous appartiendra, messieurs les ministres, de préciser ces chiffres.

Encore faut-il savoir à quoi seront affectées ces sommes, car le lien entre les deux questions est étroit.

Cet argent va-t-il partir, comme ce fut le cas lors de la privatisation d’Autoroutes du sud de la France, dans le tonneau des Danaïdes du budget,…

M. François Bayrou. Eh oui !

M. Michel Bouvard. …malgré les promesses faites jadis à Jean-Claude Gayssot d’en affecter au moins un tiers à des projets d’infrastructures ? Sera-t-il affecté à des projets d’infrastructures et au désendettement de l’État, ce qui permettrait une meilleure valorisation par rapport aux coûts d’emprunts actuels ou à réaliser ?

Enfin, quel repreneur le Gouvernement va-t-il choisir ? Allons-nous favoriser des projets selon des critères purement financiers, ou aussi sur des critères industriels ? Pour l’UMP, une autoroute n’est pas qu’une bande de goudron qui traverse un territoire : c’est un outil de développement économique de plus en plus important, du fait notamment de toutes les activités annexes qui se développent autour des autoroutes. Il n’est, à cet égard, que d’examiner les investissements réalisés pour des infrastructures de télécommunications à haut débit.

Telles sont donc les questions auxquelles il nous faut répondre pour ce qui concerne la privatisation.

Quant au financement des infrastructures, qui est le principal enjeu de ce débat, il répond tout d’abord à l’exigence du développement économique. En ouverture d’un précédent débat sur les infrastructures, Gilles de Robien, alors ministre chargé des transports, rappelait ici même le 20 mai 2003 que la France est le point de passage obligé des échanges entre l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne, le Benelux et l’Allemagne, et que, si ces transits entraînent pour notre pays des charges croissantes d’occupation et de développement d’infrastructures sans contrepartie directe, ils constituent aussi une source importante de revenus.

Il concluait en soulignant que, toutefois, nous savons développer accueil et services, par exemple dans le domaine de la logistique et du tourisme. Nicolas Sarkozy et Christian Estrosi, l’un et l’autre chargés de l’aménagement du territoire, rappelaient, lors du débat sur les services publics organisé il y a quelques semaines par l’UMP, l’importance des infrastructures pour l’aménagement du territoire, pour l’attractivité du site France. J’ajoute que Loyola de Palacio, dans son analyse pertinente du dossier RTE, chiffre à 0,75 % de part de croissance le manque à gagner dû à l’absence de réalisation d’infrastructures suffisantes au niveau communautaire.

Le financement des infrastructures découle aussi d’une obligation environnementale. Tout à l’heure – je partage sur ce point les propos de notre collègue du groupe communiste, M. Daniel Paul –,…

M. Daniel Paul. C’est bien, ça !

M. Michel Bouvard. …il a été rappelé que le quart des émissions totales de CO2 provient du secteur des transports, dont 84 % de la route. C’est par cette dernière que sont assurés 90 % des transports intérieurs de voyageurs et 75 % des transports de marchandises. Il nous faut donc des outils pour assurer le transfert modal, ce qui nous renvoie au problème du financement, à la nécessité d’une ressource stable pour financer les infrastructures de transport. Or qu’en est-il, messieurs les ministres ? La représentation nationale et l’UMP attendent les réponses les plus précises possible aux questions suivantes : comment assurer durablement le financement des infrastructures dans notre pays quand, depuis vingt ans, l’effort du pays pour les infrastructures a varié entre 1 % et 2 % du produit intérieur brut, avec une baisse régulière depuis 1997, le niveau s’étant dégradé, entre 2000 et 2002, jusqu’à descendre en dessous de 1 % ? Il y a une absence de stabilité du financement, les transports étant souvent la variable d’ajustement du budget dans un contexte de faiblesse chronique des investissements civils et de montée des dépenses de fonctionnement de l’État, notamment des charges de personnels. Comment dès lors ne pas vouloir extraire ces investissements de longue durée des contingences quotidiennes du budget ? Après le FSIR dans les années cinquante, alimenté par une fraction de la TIPP, après le FSGT, alimenté par une taxe additionnelle à la TIPP, ce fut le plan autoroutier d’Édouard Balladur en 1993, qui a permis de terminer le maillage autoroutier français, et, en 1995, la création du FITTVN, doté de ressources spécifiques,…

M. Patrick Ollier. J’ai été le rapporteur de la loi qui l’a créé !

M. Michel Bouvard. …mais qui est devenu rapidement un outil de débudgétisation. Celle-ci s’est accrue à partir de 1997 et a abouti, malgré l’opposition du ministre des transports de l’époque, à la suppression du FITTVN. Il y a eu aussi l’endettement chronique de la SNCF pour assurer la réalisation des infrastructures nouvelles alors qu’on savait très bien qu’elle ne pourrait pas faire face à la charge de sa dette, d’où la réforme que nous avons dû faire pour créer RFF et, notamment au travers de l’article 4 du décret de 1997, pour assurer un équilibre de financement aux opérations futures de cet organisme. Je passe sur la vente d’Autoroutes du Sud de la France, sur les promesses faites à l’époque au ministre que le produit en serait réaffecté aux infrastructures, et sur le prix de vente, qu’il conviendra d’ailleurs de comparer avec celui qui sera obtenu de la vente de l’autre partie d’ASF ; cela risque d’être un désenchantement profond pour ceux qui ont réalisé en catastrophe cette cession il y a quelques années. Je passe aussi sur la création de l’Établissement Public Alpin, qui n’a jamais fonctionné, sur celle de l’Établissement Public Autoroutier, sous la précédente législature, qui n’a jamais été activé… Comment, dans ces conditions, oublier aussi les traites sur l’avenir au travers d’autorisations de programme prévisionnelles délivrées en abondance en 2001 pour financer des contrats de plan sans que les ressources existent, ce qu’a dénoncé la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget de 2001 ?

Oui, l’AFITF a constitué, messieurs les ministres, pour chacun d’entre nous un espoir : celui d’une ressource à long terme permettant de sortir des errements du passé. Aujourd’hui, l’AFITF existe toujours. Elle se voit doter de nouvelles ressources dans le cadre de la loi de finances qui nous est présentée. Cela étant, au-delà de ses ressources, dont la liste figure à l’article 47 de la loi de finances, un certain nombre d’interrogations persistent, et c’est à ce sujet que nous souhaitons des réponses : quel sera le périmètre durable de l’AFITF ? Nous en tiendrons-nous aux projets nouveaux tels qu’ils ont été arrêtés lors du comité interministériel d’aménagement du territoire de décembre 2003, ou l’AFITF recevra-t-elle, comme cela semble le cas, de nouvelles missions, à savoir achever les contrats de plan, peut-être même assurer des travaux en matière de sécurité si j’en crois l’exposé des motifs de l’article relatif à la création du compte d’affectation spéciale pour le produit des amendes provenant des radars ? Les ressources dévolues à l’AFITF – la taxe d’aménagement du territoire, la redevance domaniale, le produit des amendes des radars – permettront-elles d’engager les projets CIADT d’ici à 2012,…

Mme Odile Saugues. La réponse est non !

M. Michel Bouvard. …d’honorer les engagements du Gouvernement vis-à-vis de la Commission européenne et de son vice-président, Jacques Barrot, sur les programmes RTE, compte tenu de l’obligation d’engager les travaux d’ici à 2010 et de la nécessité pour la France de saisir cette occasion avant un basculement plus important des crédits de l’Union européenne en direction de l’Europe centrale et orientale ? Ce sont des engagements importants, notamment en matière de multi-modalité, de transfert modal, singulièrement dans le massif alpin suite à la ratification récente du protocole transport de la convention alpine.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je termine, monsieur le président.

Je tiens à dire, messieurs les ministres, que ce qui importe dans ce débat, c’est moins la forme que le fond. La forme, j’en ai dit un mot ; quant au fond, il s’agit de savoir comment notre pays peut enfin assurer à long terme le financement de ses infrastructures, comment il peut durablement redresser sa capacité à investir au travers des partenariats public-privé ou des formules de financement innovant. Il y a là un grand enjeu qu’il faut replacer en perspective, en s’attachant au fond plus qu’à la forme. Il faut en avoir conscience parce que ce qui est en cause, c’est à la fois la croissance, l’attractivité du territoire et nos obligations en matière environnementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous avoue ma perplexité quant au moment pour le moins tardif qu’a choisi le Gouvernement pour ouvrir ce « débat sur la politique de développement des infrastructures de transport et les conditions d’exploitation des autoroutes ». Ce débat, normalement, aurait dû précéder les décisions en la matière ! Nous étions, sur tous les bancs – sauf M. Mariton – en droit de penser que notre assemblée pouvait avoir à proposer, à analyser, à choisir même peut-être, des orientations et des principes, sinon des projets.

Or le débat devant notre assemblée intervient après que le Gouvernement a déjà annoncé cet été sa politique en matière d’infrastructures. Les conditions d’exploitation des autoroutes seront profondément bouleversées. Messieurs les ministres, vous en aviez déjà fait le choix en décidant la privatisation dans la discrétion de l’été ; vous avez même lancé le 18 juillet votre appel à candidatures et fixé au 7 novembre à dix-huit heures la date limite de remise des offres ! Quel sens revêt, dans ces conditions, le débat sans vote que vous nous proposez aujourd’hui ? Ce sera en tout cas pour beaucoup d’entre nous l’occasion de rappeler notre opposition aux mesures de privatisation que vous avez décidées dans l’urgence à seule fin de combler, de façon infime mais infiniment coûteuse, le déficit abyssal que vous avez vous-même créé. Ces mesures sont en totale contradiction avec les engagements pris ici même par vos prédécesseurs et vous envisagez, de surcroît, de les mettre en oeuvre en échappant, sinon au débat parlementaire, du moins au vote des assemblées par l’utilisation de la voie réglementaire. Il a été déjà dit combien cette voie est juridiquement fragile et je n’y reviendrai donc pas.

Votre majorité, messieurs les ministres, avait salué à grand bruit, il y a un an, la création de I’ AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Sa création reposait sur un principe simple : celui de l’affectation de ressources pérennes issues du secteur du transport au développement des infrastructures. C’était un choix novateur, et – pourquoi ne pas le rappeler ? – nous l’avions reconnu, même si nous nous étions déjà inquiétés de la faiblesse de ses dotations. L’AFITF était financée, largement, par les dividendes à percevoir des sociétés d’autoroutes. Elle avait pour mission de financer la part de l’État pour les grands projets d’infrastructures de transport. Elle devait permettre de financer le programme d’infrastructures du CIADT de décembre 2003 et non les contrats de plan État-régions. Depuis lors, les ressources tirées des dividendes se sont évaporées, et vous demandez à l’Agence de prendre à sa charge bien plus que les trente-cinq projets du CIADT : aux contrats de plan, pour lesquels vous annoncez un coût de 2,5 milliards d’euros mais que beaucoup d’autres estiment plutôt autour de 4 milliards d’euros, vous ajoutez des projets nouveaux, à hauteur d’un milliard d’euros, et les sites propres de transports en commun – enfin, les rescapés des dernières mesures restrictives – relèveraient également des financements de l’Agence, à hauteur de 100 millions d’euros. Certains auraient même envisagé de solliciter l’Agence pour répondre au besoin de régénération du réseau ferroviaire suite à l’audit publié le 19 septembre dernier, qui chiffre à près de 1,5 milliard d’euros, soit 500 millions supplémentaires, l’effort nécessaire au maintien en bon état du réseau, dont il faudra bien, que vous le vouliez ou non, assurer le financement ! Peut-être d’ailleurs, au cours de ce débat, aurez-vous à cœur de nous fournir quelques informations sur le sujet.

Mais comment penser raisonnablement que, privée des ressources importantes provenant des dividendes des sociétés autoroutières, l’AFITF pourra faire face aux engagements qui seront les siens ? Monsieur Perben, comment, dans de telles conditions, ne pas se souvenir dans cet hémicycle des propos de votre prédécesseur, M. de Robien qui, répondant à la demande de M. Mariton, déjà désireux de voir les sociétés d’autoroutes privatisées, expliquait alors que le choix de garder les autoroutes et leurs dividendes était financièrement le plus avantageux parce qu’on ne vend qu’une fois et qu’on pleure ensuite pendant trente ans.

Permettez-moi aussi de me souvenir du long débat du printemps 2003. Vos prédécesseurs avaient alors défini trois principes concernant les autoroutes : le premier, c’était que l’autorité concédante devait être préservée ; le second, et il a son importance, était que la concurrence sur les marchés de travaux publics devait être garantie car le maintien d’une pluralité d’acteurs demeurait essentiel ; enfin, le troisième était que le retour des sommes perçues vers le secteur des transports devait être assuré. Messieurs les ministres, que reste-il de ces principes dont vous vous étiez vous-mêmes portés garants ?

Mais j’en reviens à l’AFITF. M. Carrez déclarait, lors de nos débats l’an dernier, qu’il apparaissait essentiel de doter cette agence de ressources pérennes d’une ampleur suffisante pour honorer les engagements de l’État et faire ainsi échapper le financement d’investissements décisifs aux aléas de la gestion budgétaire annuelle. Messieurs les ministres, où sont les ressources pérennes de l’AFITF ? Quels seront ses financements au-delà de 2007 ? Comment remplacerez-vous la rente, en hausse régulière, que pouvaient lui assurer les dividendes des sociétés que vous avez décidé de vendre ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Vous nous parlez de la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes, qui pourrait lui être affectée. Mais le produit de celle-ci s’est élevée à 500 millions d’euros en 2005, alors que les dividendes issus des participations de l’État dans les sociétés d’autoroutes devraient s’élever en moyenne à 1,3 milliard d’euros par an sur la période concernée. Car vous savez bien que si, pour la période 2006-2012, les dividendes attendus sont de l’ordre de 600 millions d’euros par an, ils s’élèveront ensuite rapidement jusqu’à atteindre 2,140 milliards d’euros par an de 2020 à 2032.

Au surplus, qu’il s’agisse de la taxe d’aménagement du territoire ou du produit des contraventions des radars automatiques, ces recettes sont déjà affectées : la première était destinée aux collectivités afin de financer leur part dans les contrats de plan, le second à des opérations de sécurité.

Plus que jamais, hélas, l’AFITF apparaît comme mal dotée et, plus grave, les programmes annoncés sont compromis !

Plus que jamais aussi votre décision de privatisation apparaît dictée à la fois par l'urgence financière dans laquelle vous vous trouvez et par des considérations et des préjugés idéologiques dont vous semblez avoir le plus grand mal à vous départir !

À qui fera-t-on croire que le service public continuera d'être assuré dans les mêmes conditions sans le contrôle de l'État, et avec pour seule garantie la présence d’un commissaire du Gouvernement au conseil d'administration des sociétés devenues privées ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. C’est tout simplement impossible !

Mme Odile Saugues. Absolument !

M. Maxime Bono. Souvenons-nous de la gestion calamiteuse par COFIROUTE, société privée filiale de Vinci, associée de Colas et d’Effage, lors des intempéries de l'hiver 2002, et des files de voitures immobilisées dans la neige !

Mme Odile Saugues. Il est bon de le rappeler !

M. Maxime Bono. Et vous-mêmes êtes-vous prêts, messieurs les ministres, à affirmer que le prix du kilomètre parcouru n'y est pas supérieur à celui acquitté sur les autres autoroutes ?

Cette décision hâtive d’une privatisation totale des sociétés d’autoroutes relève d’un calcul budgétaire à courte vue. Il vous procure, certes, de l’argent frais, mais une somme ridiculement faible au regard du déficit que vous avez creusé. Que représentent, en effet, les 6 milliards d’euros que vous affecteriez, dit-on, au désendettement au regard de l’ampleur de la dette, que l’on chiffre à environ 1 067 milliards d’euros ?

Vous vendez des équipements déjà largement payés par les contribuables et par les usagers au moment même où notre pays était en droit d’attendre, à brève échéance, de très importants retours sur investissements.

En privant ainsi l’AFITF de ces ressources, vous la privez des moyens indispensables à la mise à niveau de nos infrastructures dans la perspective d’une mobilité durable, laquelle passe, nous le savons tous, par des politiques volontaristes de report de trafic de la route vers le rail.

Messieurs les ministres, c’est à cette ambition que vous renoncez à présent.

Vous avez jugé les lignes ferroviaires interrégionales, les fameux TIR, non rentables. Certes, la SNCF vient de faire savoir qu’elle maintiendrait les trains Corail, mais je constate que l’État est absent du tour de table ; on peut s’interroger sur la pérennité de ces lignes – maintenues pour dix-huit mois ou vingt-quatre mois peut-être – dès lors que l’État n’assumera plus ses responsabilités. Après donc l’abandon de ces lignes, après l’insuffisance des moyens transférés dans le cadre de la décentralisation du STIF, la privatisation des sociétés autoroutières illustre votre désengagement flagrant d’une véritable politique de transports et d’aménagement du territoire.

Le CIADT de 2003 avait retenu trente-cinq projets pour un montant de travaux de 22 milliards d’euros à engager d’ici à 2012. Votre décision compromet gravement cet objectif, pourtant modeste au regard des projets d’infrastructures identifiés à l’époque,…

M. Patrick Ollier. Sans prévoir aucun financement !

M. Maxime Bono. …qui étaient estimés – souvenez-vous en – à 140 milliards d’euros d’ici à 2020 !

Enfin, comment répondrez-vous aux inquiétudes des sociétés de travaux autoroutiers si les futurs concessionnaires traitent seulement avec les entreprises qui leur sont liées ou font réaliser leurs travaux par leurs filiales ? Qui pourra garantir que ces travaux seront réalisés au meilleur prix ?

Autant de questions que notre débat de ce matin aurait dû permettre d’éclaircir et qui resteront, je le crains, sans réponse.

En conclusion, messieurs les ministres, compte tenu des incertitudes qui pèsent désormais sur les conditions d'exploitation des autoroutes mais aussi sur les ressources et les charges qui seront, demain, celles de l’agence de financement des infrastructures de transport, il conviendra que le Gouvernement indique les projets qui pourront être engagés en priorité, la méthode utilisée pour les déterminer et les conséquences que ces choix auront sur les autres projets. Lorsque l'on sait que 100 millions d'euros de travaux représentent environ 3 000 emplois à cinq ans, on mesure aisément l'importance des enjeux, à la hauteur desquels, hélas, le débat de ce jour ne saurait se hisser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Émile Zuccarelli.

M. Émile Zuccarelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, certains s’étonneront sans doute que je vous parle ce matin d’autre chose que de transport maritime, mais l’ordre du jour me fait un devoir de vous parler de ce projet de privatisation des autoroutes dont l’annonce est tombée brutalement cet été, puisque ce n’est plus désormais à minuit – « l’heure du crime » –, mais en cette saison que se font souvent les annonces discrètes de décisions importantes et graves.

Je ne suis d’accord ni avec la méthode employée ni sur l'opportunité d'une telle privatisation. Je n'ose imaginer que des préoccupations de court terme, visant à réduire artificiellement le déficit public sur une année soient à l'origine de cette décision. Et pourtant, quelle autre explication trouver à la vente de sociétés rentables depuis seulement deux ans, des sociétés créées par l'État pour gérer des équipements financés par les usagers ?

Un gouvernement responsable ne saurait attendre de versements exceptionnels les marges de manœuvre budgétaires que des politiques publiques efficaces et ambitieuses auraient dû dégager, à rebours des cadeaux fiscaux aux plus nantis ! Le versement de la soulte d'EDF l'an passé, la cession des sociétés d'autoroutes cette année tombent à point nommé pour tenter de sauver les apparences d'une maîtrise de nos finances publiques.

Pour ma part, je ne suis pas de ceux – comme M. Mariton – qui exultent chaque fois que le domaine de l’État se réduit. Dans le passé, la privatisation de certaines structures a été voulue par la nation, mais toujours pour anticiper les besoins en équipements, pour en accélérer la réalisation, comme on le ferait d’ailleurs pour un équipement public dans une ville : on peut faire construire un parking par le biais du privé mais l’équipement revient in fine à la collectivité. En l’occurrence, nous assistons à l’inverse. Les sociétés d’autoroutes privées ont fonctionné et la logique voudrait que les autoroutes reviennent maintenant à la collectivité. Or, lorsque nos autoroutes, financées par l’État, deviennent rentables, on les dévolue au privé ! Quel paradoxe ! Même si cela n’a rien à voir, messieurs les ministres, avec les « chalandonnettes », pour faire référence à l’un de vos lointains prédécesseurs qui avait imaginé privatiser même les prisons ! On raisonne décidément à l’envers !

S’agissant de l’AFITF, je voudrais dire mon inquiétude car son financement me paraît lourdement compromis. Bien que cette structure soit toute jeune – décembre 2003 –, vous la plombez déjà financièrement en lui retirant une grande partie de ses ressources.

M. Patrick Ollier. C’est faux !

M. Émile Zuccarelli. Comme l’a très bien démontré François Bayrou, …

M. François Rochebloine. Excellemment !

M. Émile Zuccarelli. …le revenu des sociétés d’autoroutes en voie de privatisation est promis plutôt à la croissance qu’à la diminution. Donc la cession de ces sociétés n’est certainement pas surévaluée, si l’on se base sur les rapports d’aujourd’hui. On parle de 10, voire 14 milliards d’euros. L’AFITF devrait recevoir 4 milliards d’euros, soit seulement 35 à 40 % des revenus qu’elle pouvait s’attendre à percevoir. Comment va-t-elle pouvoir fonctionner ? Privatisera-t-on encore une partie des équipements qu’il était prévu qu’elle finance ? La question est d’importance.

Une fois encore, on va réduire le domaine de l’État. Et dans un domaine qui est loin d’être banal : les routes. Je vais faire plaisir à François Bayrou en invoquant Henri IV et Sully. Ce n’est pas délire de jacobin attardé ou de collectiviste à tout crin de penser que les routes relèvent de la vocation naturelle de la puissance publique ! Or voilà que l’on ampute ce pan du domaine collectif presque à la sauvette ! Et nous n’avons qu’un débat sans vote, ce matin, pour sanctionner cette décision gravissime !

Mme Odile Saugues. Quelle frustration !

M. Émile Zuccarelli. Messieurs les ministres, si votre majorité, à la suite d’Hervé Mariton, est satisfaite ainsi, c’est son affaire. Je ne pense pas que la République y trouve son compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je tiens d’abord à remercier le groupe UMP et le Gouvernement pour l’organisation de ce débat. Nous l’avons souhaité, messieurs les ministres, parce que, en effet, il faut dialoguer, il faut expliquer, il faut clarifier.

M. François Bayrou. Inouï : on est maltraité et en plus on dit merci !

M. Patrick Ollier. Et clarifier est bien nécessaire quand on a entendu tout ce qui s’est dit depuis le début de ce débat, quels que soient les orateurs qui sont intervenus !

Je voudrais resituer dans leur contexte les décisions qui sont prises. Quelle est leur origine ? Elles ne viennent pas de nulle part.

Mme Odile Saugues. Ça, nous l’avions remarqué ! Elles ne sont pas pour autant légitimes !

M. Patrick Ollier. Elles sont le résultat d’une politique engagée par la majorité et le Gouvernement pour faire face aux besoins de financement des infrastructures, et non pour porter un mauvais coup à la France ou à quiconque !

M. Jean-Pierre Soisson. Bien sûr !

M. Patrick Ollier. La majorité, ici, en 2003, a souhaité un débat sur les infrastructures du territoire français. Il a eu lieu et le Gouvernement était représenté, à l’époque, par Gilles de Robien. C’est nous qui avons demandé, alors, la création de l’Agence française d’investissement pour les transports terrestres français, dont je suis – je le dis au passage – administrateur, ce dont je m’expliquerai dans un instant, car ce que j’ai entendu n’est pas acceptable.

Nous voulions faire prendre conscience aux Français du caractère stratégique des infrastructures de transport. De ce débat découlaient forcément des décisions. Nous y sommes. Il y a une logique dans ce que fait le Gouvernement. Je comprends que l’on ne soit pas d’accord, mais que l’on n’utilise pas les artifices de la légalité pour faire la démonstration de l’inutilité éventuelle de la décision !

M. François Bayrou. La loi n’est pas un artifice !

M. Patrick Ollier. Rappelez-vous, chers collègues, Mme Voynet…

Mme Odile Saugues. Cherchez la coupable !

M. Patrick Ollier. Mais oui ! Ce que nous constatons aujourd’hui résulte aussi de ce passé.

Il y a trois ans, Mme Voynet, disais-je, dénonçait une vision trop « équipementière » des problématiques de transport. En cassant le schéma national d’aménagement du territoire, elle a cassé aussi la logique de mise en œuvre des infrastructures routières terrestres.

Quant à M. Gayssot, il a élaboré un certain nombre de projets mais jamais nous n’avons vu le début du moindre financement ! Voilà le problème.

En 2003, le Gouvernement a demandé au conseil général des Ponts et à l’inspection des finances une évaluation des besoins de financement, autrement dit, mes chers collègues de la gauche, du retard considérable que vous nous aviez fait prendre dans ce domaine : 20 milliards d’euros !

Tel est le problème auquel sont confrontés le Gouvernement et la majorité. Nous devons donc apporter une réponse en ce qui concerne le financement. Grâce à la création de l’AFITF, nous avons pu introduire davantage de transparence et de lisibilité, mais aussi garantir la réalisation des projets.

Je ne m’attarderai pas sur le CIADT de 2003, qui a défini les conditions de mise en œuvre des projets jusqu’en 2012, mais je rends hommage au Gouvernement d’avoir conçu un vrai programme d’infrastructures et de nous apporter aujourd’hui, s’agissant du financement, la réponse attendue.

La planification dont je viens de parler répond à deux objectifs : d’abord la volonté de combler le retard. Il y a urgence, et si l’on n’en tient pas compte, il est inutile d’affirmer son opposition ou son soutien. Puis, le mode routier, compte tenu des externalités négatives qu’il suscite, n’a pas vocation à absorber totalement la totalité du trafic. Il faut une véritable volonté politique s’agissant des transports ferroviaire, fluvial et maritime. C’est ce que prépare l’AFITF.

Mme Odile Saugues. Avec quels moyens ?

M. Patrick Ollier. Nous avons d’ailleurs, la semaine dernière, voté le financement du canal Seine-Nord. Dans cette affaire nous ne dirons pas ce que, politiquement, certains voudraient pouvoir entendre. Messieurs les ministres, je vous remercie d’avoir pris cette initiative. Nous en avons débattu en commission des affaires économiques et, si des désaccords existent, la majorité vous soutient car, dès lors qu’on a constaté le retard et mis en place un programme d’infrastructures, la vraie question est celle de son financement.

Mme Odile Saugues. M. Ollier n’a pas grand-chose à dire !

M. Patrick Ollier. Toute programmation à long terme nécessite un financement pérenne et l’AFITF en assure la transparence, alors que la gauche se servait des crédits d’infrastructures comme d’une variable d’ajustement des budgets ! Et les crédits de disparaître dans la tourmente budgétaire, comme l’a expliqué M. Bouvard, laissant en l’état les projets d’infrastructures.

Le Gouvernement a le mérite d’avoir trouvé des solutions. L’AFITF assure la transparence et la lisibilité et le Gouvernement apporte les éléments de financement.

La seule réalisation des projets sélectionnés par le comité interministériel coûtera 7,5 milliards d’euros d’ici à 2012, et je ne parle pas du financement du volet transport des contrats de plan État-régions.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Parlons-en !

M. Patrick Ollier. Le Gouvernement doit trouver les financements nécessaires. Mais, dans ce cadre, la cession est-elle une bonne décision ? Messieurs les ministre, je répondrai à cette question par l’affirmative. Je voudrais qu’on cesse de faire de la politique politicienne sur un sujet aussi sensible. Car, contrairement à ce que l’on prétend, l’État ne perd pas au change. J’entends dire que l’État privatise les autoroutes, mais c’est faux !

M. Maxime Bono. Il privatise les sociétés d’autoroutes.

M. Patrick Ollier. Il faut cesser d’asséner des contrevérités. Vous auriez raison de dire que l’État brade le patrimoine de l’État si d’aventure nous privatisions le territoire autoroutier. C’est ce que l’on veut faire croire aux Français.

M. Maxime Bono. Vous perdrez les dividendes !

M. Patrick Ollier. L’État réalise simplement une bonne opération financière en choisissant de recevoir une grosse somme d’argent tout de suite, plutôt que des dividendes pendant vingt-trois ans.

M. Maxime Bono. Mais ce n’est pas la même somme !

M. Patrick Ollier. M. Mariton a démontré avec talent que l’État n’y perdait pas. Au contraire, il retirera de l’opération 12 milliards d’euros, d’un seul coup. Il pourra donc se pencher sur le problème de la dette, faire face aux besoins de financement pour 7,5 milliards et donner 4 milliards à l’AFITF.

M. François Bayrou. Nous verrons !

M. Patrick Ollier. Non, monsieur Bayrou, ce ne sont pas des cadeaux de 2007, c’est le budget de 2006 ! Et ainsi, le budget de l’AFITF augmentera l’an prochain de 36 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Avant les élections, c’est normal ! Mais que se passera-t-il après ?

M. Patrick Ollier. Voilà comment le Gouvernement remédie à votre incapacité passée d’apporter un financement aux infrastructures de transport.

M. Augustin Bonrepaux. Vous aurez tout vendu, et il ne vous restera que vos yeux pour pleurer !

M. Patrick Ollier. Je ne suis pas de ceux qui accepteraient que l’on brade le patrimoine de l’État, et pourtant, j’applaudis à cette décision.

Quant aux péages, je vous donnerais raison s’ils avaient été bradés au privé sans condition, mais un contrat garantira que les décisions de l’État sont respectées.

Enfin, que de débats pour simplement faire avec trois sociétés ce que l’on faisait déjà avec une : Cofiroute, société privée de gestion autoroutière.

M. François Bayrou. Mais c’est elle qui a investi !

M. Patrick Ollier. Et je peux répondre de la qualité du travail de cette société, qui construit un tunnel dans ma commune de Rueil-Malmaison, bouclant ainsi l’A 86. Je n’ai pas le sentiment que l’État soit spolié dans cette affaire ni que le patrimoine des Français soit bradé.

Je le dis avec conviction : grâce à cette opération, l’AFITF pourra financer au moins 1,5 milliard d’investissements dans le secteur des transports. Je le répète, il s’agit d’une augmentation de son budget de 36 % en 2006 et c’est, selon moi, ce qui intéresse les Français.

Par ailleurs, je suis favorable à ce que l’État puisse contracter avec des sociétés étrangères, à condition qu’elles restent minoritaires. Leur expérience nous serait sans doute utile. Étant au carrefour de l’Europe, pourquoi ne pas nous ouvrir à la participation de sociétés privées européennes ?

Enfin, je vous demande, messieurs les ministres, de réfléchir au financement pérenne des infrastructures, au-delà de l’impôt, car il est clair que, malgré vos efforts, nous souffrirons d’un manque de financement : le partenariat public-privé me paraît être une piste intéressante.

Messieurs les ministres, dans cet hémicycle, une immense majorité approuve votre programme ambitieux et courageux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après la suppression des subventions pour le développement des transports collectifs en site propre, la réduction des dotations budgétaires consacrées aux transports, le non-respect des engagements pris par l'État dans les CPER pour le volet financement des infrastructures, le transfert de routes nationales aux départements, le Gouvernement a, sans aucune consultation de la représentation nationale, décidé de privatiser les sociétés d'autoroutes.

Le Gouvernement, après avoir réaffirmé lors de l’examen de la loi de finances pour 2005 son choix, salué par les parlementaires unanimes – à l'exception du rapporteur spécial de la commission des finances – d'affecter les dividendes des sociétés d'autoroute à l’AFlTF, ampute par cette privatisation l’agence de moyens pérennes d'action ; une telle décision sera lourde de conséquences, à tel point qu'elle a suscité les plus extrêmes réserves, voire une forte désapprobation, au sein même de la majorité gouvernementale et des divers responsables des transports, tels les présidents de l'association Transport Développement Intermodalité Environnement, qui se sont exprimés en ces termes : « Fort des incertitudes qui pèsent tant sur les ressources que sur les charges, il est indispensable que le Gouvernement dise de manière concrète et transparente comment il entend aider l'AFITF à répondre aux enjeux de notre pays, quelle méthode il préconise dans le choix des projets à engager en priorité et quelles conséquences ces choix feront peser sur les autres projets. »

Quelles garanties avons-nous en effet quant à l'affectation du revenu de ces privatisations au financement des investissements, notamment ceux consacrés aux domaines ferroviaire et fluvial, que devait financer l'AFITF, et non au budget général de l'État ? J’observe au demeurant que tous mes prédécesseurs à cette tribune se sont posé la question.

La dotation exceptionnelle de 4 milliards d’euros provenant des recettes de privatisation ne peut se substituer à des financements pérennes, sécurisés sur le long terme… Vous ne pourrez, monsieur le ministre, de façon récurrente, brader le patrimoine national pour boucler les fins de mois.

Comment, dans ce contexte, ne pas s'inquiéter aussi des lourdes hypothèques que ce choix fera porter sur la politique environnementale ?

Mauvais coup pour la politique des transports, mauvais coup pour la politique environnementale, inopérante pour résoudre sur le long terme l'épineuse question de la dette publique, cette mesure n'aura d'effets bénéfiques que pour les repreneurs, qui vont à l'évidence gagner le jackpot, comme en attestent la multiplication des candidatures et l’intérêt des fonds d’investissement étrangers.

Messieurs les ministres, nous sommes nombreux ici à assumer aussi des responsabilités d'élu local ; chacun, qu’il soit maire, président de région ou de département, de droite ou de gauche, sera le porte-parole des besoins de son coin de France en termes d'infrastructures, tant routières que ferroviaires.

Au moment où les finances locales sont mises à mal par des transferts successifs dont les incidences budgétaires démentent chaque jour l'antienne de la pseudo-compensation à l'euro près, et où le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État a l'outrecuidance de déclarer que "les dépenses des collectivités locales ne peuvent continuer à augmenter de plus de 3 % par an", alors même que l’État se défausse chaque jour davantage sur elles, au moment où la dotation annuelle du produit des amendes de police que perçoivent les conseils généraux pour "financer les améliorations de transports en commun et de la circulation routière" est en diminution,…

M. Hervé Mariton. Ce ne sont pas les conseils généraux qui perçoivent les amendes de police !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Si, monsieur Mariton ! Je les perçois en tant que présidente du conseil général. Relisez les textes !

M. Michel Bouvard. Le budget du département ne fait que les gérer !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Au moment où la dotation annuelle du produit des amendes de police que gèrent – si vous préférez ce terme – les conseils généraux pour financer les améliorations de transports en commun et de la circulation routière est en diminution, alors même que la politique répressive conduite par le ministère de l'intérieur en termes de sécurité routière devrait à l'évidence conduire à une hausse de cette dotation et alors que la remontée du nombre d'accidents montre bien les limites d'une politique exclusivement répressive et plaide en faveur de l'amélioration des infrastructures routières, au moment où les départements vont dorénavant devoir gérer des kilomètres de routes nationales, sans considération de leur potentiel fiscal…

M. Hervé Mariton. Encore heureux !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.…au moment où régions et départements ont dû augmenter leur participation aux dossiers d'infrastructures inscrits au CPER pour que ces programmes d'équipement ne soient pas remis en cause par la stagnation de la participation de l'État au regard de la hausse des coûts constatée à mi-parcours, au moment où la compétition entre les territoires fragilise de plus en plus ceux qui restent enclavés, bref, au moment où la question des transports et des déplacements de voyageurs et de marchandises constitue un enjeu majeur pour notre pays, vous nous proposez, messieurs les ministres, une politique de sapeur Camember qui creuse un trou pour boucher le précédent.

J’aurais aimé avoir le temps d’aborder le contexte juridique incertain de cette opération, même si d’autres l’ont excellemment fait, ainsi que ses incidences sur le coût d’utilisation par les automobilistes usagers ou sur le maintien des emplois, dès lors que le plan d’action présenté aux actionnaires inclut une accélération de l’automatisation des péages et une réduction du nombre annuel d’heures travaillées consacrées à la perception manuelle.

À l’évidence, toutes ces interrogations ne peuvent que nous conforter dans la condamnation de cette funeste entreprise de privatisation. Non seulement vous allez engager notre pays dans une voie catastrophique sur le plan de la politique des transports et du développement durable, mais vous dilapidez un fleuron du patrimoine national. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’histoire du financement des grandes infrastructures de notre pays se résume à la continuelle recherche de nouvelles ingénieries financières pour répondre au tarissement des sources de financement traditionnelles.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Émile Blessig. Je ne reviendrai pas sur la liste, dressée par Michel Bouvard, de tous les fonds spéciaux créés pendant les cinquante dernières années, et qui ont tous péri de leur belle mort. J’observe que notre majorité a abordé la problématique d’une manière particulièrement intéressante : après le débat sur les infrastructures organisé le 20 mai 2003, après le CIADT du 18 décembre de la même année, qui a retenu cinquante projets d’intérêt majeur à l’échéance 2025 – l’année 2012 constituant une étape intermédiaire –, nous avons créé, le 26 novembre 2004, l’Agence de financement des infrastructures de transports de France.

Cette création, assortie d’une affectation des dividendes des sociétés d’autoroutes, était une bonne nouvelle dès lors que nous voulions sortir – une fois de plus, me direz-vous – de la course aux nouveaux modes de financement et aux nouvelles formes d’ingénierie financière.

En tant que député, la première question que je pose au Gouvernement est de savoir en quoi cette modification brutale que constitue la privatisation des concessions d’autoroutes est une bonne chose pour l’intérêt général du pays, et en particulier pour la réalisation de notre programme d’infrastructures. En quoi toucher 13,5 milliards en décembre 2005 est-il plus intéressant que collecter en trente ans une quarantaine de milliards ?

En outre, on peut s’inquiéter, dans un tel contexte, d’une certaine fragilisation de l’AFITF. Quel sera son rôle, quelle sera sa plus-value ?

J’exprimerai une seconde inquiétude en tant que président de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire.

En trente ans, la consommation énergétique du secteur des transports a augmenté de 69 %. De plus, 41 % des émissions de gaz carbonique et un quart des émissions de gaz à effet de serre lui sont imputables. Or je rappelle que nous nous sommes engagés, dans le cadre du protocole de Kyoto, à diviser ces émissions par quatre d’ici à cinquante ans. Si on ajoute le fait que la croissance du trafic routier et ferroviaire dans les vingt prochaines années est estimée à 50 %, comment faire l’impasse sur les impératifs de développement durable ?

C’est en ces termes que je m’exprimais déjà lors du débat du 18 mai 2003. Inutile de vous dire que mes propos ont glissé comme une goutte d’eau sur les plumes d’un canard ! Pourtant, des faits nouveaux sont intervenus depuis : la crise de l’énergie, l’envolée des prix du pétrole, et surtout la croissance de la consommation mondiale d’hydrocarbures. Dans ce contexte radicalement différent, il est impossible de continuer à investir en prolongeant de façon simple et linéaire les modalités actuelles du calcul de l’amortissement des infrastructures. Il est impératif, au contraire, d’introduire dans ces calculs des critères de développement durable. Sinon, à quoi bon avoir introduit, par l’intermédiaire de la charte de l’environnement, un tel concept dans notre constitution ?

Nous devons donc, en conséquence, refuser les sous-estimations systématiques des investissements, et exiger la prise en compte des risques et nuisances écologiques liés aux différents modes de transport : congestion, pollution de l’air, effet de serre, bruit, risques pétroliers, atteintes aux paysages… Il est, de même, nécessaire et urgent de revoir nos méthodes d’analyse pour intégrer tous ces coûts. Tels étaient déjà mes propos, je le répète, lors du même débat qui nous a réunis il y a plus de deux ans.

Mes chers collègues, nous prenons une lourde responsabilité politique en négligeant d’évaluer les conséquences, en termes de développement durable, de nos projets d’investissement.

Premièrement, nos concitoyens vivent chaque jour davantage les effets de l’absence de prise en compte des enjeux environnementaux. Il appartient donc à la collectivité de construire les outils favorisant et éclairant le débat démocratique sur la question. À quoi sert-il d’organiser de grands débats publics si on ne se donne pas préalablement les outils qui nous permettront de les rendre objectifs ? Pour l’instant, ces outils n’existent pas.

Deuxièmement, en l’absence d’efforts de recherche et de réflexion sur les nouvelles méthodes d’analyse des projets d’infrastructures, nous prenons le risque de nous les voir imposer demain, soit au niveau européen, soit au niveau international. J’y verrais un signe de déclin de l’influence de notre pays.

Par conséquent, si notre débat doit avoir une utilité, c’est d’abord de démontrer que la majorité et le Gouvernement travaillent dans l’intérêt général du pays et de sa politique d’infrastructure, ensuite de prendre en compte les véritables enjeux du XXIe siècle que sont les questions liées au développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je regrette sincèrement l’absence du Premier ministre dans ce débat. Compte tenu de l’importance du dossier, des enjeux financiers et de son implication personnelle, la présence du chef du Gouvernement était logique. Le Parlement appréciera, même s’il ne vote pas…

La privatisation accélérée des sociétés autoroutières a fait à nouveau irruption dans le débat public au plein cœur de l’été 2005. Il s’agit là d’un revirement spectaculaire, puisque Jean-Pierre Raffarin, au bout d’un an et demi, avait tranché la question en sens inverse.

Le premier problème qui se pose aujourd’hui est d’ordre financier : nous sommes plusieurs à penser que ce gouvernement s’apprête à brader en toute impunité les autoroutes françaises.

En mars 2003, un collaborateur de Gilles de Robien, alors ministre de l’équipement, expliquait clairement la situation : « Si on vend les sociétés d’autoroutes, on percevra d’un seul coup un gros chèque, mais pour se priver ensuite des recettes pérennes issues des dividendes des sociétés. »

Mme Odile Saugues. C’est le bon sens !

M. Jean-Pierre Balligand. La problématique n’est pas nouvelle ; la valorisation des entreprises et l’actualisation de leurs résultats sont d’ailleurs toujours au cœur du débat. Le Gouvernement doit donc expliquer au Parlement, méthodes de calcul à l’appui, en quoi 10 à 12 milliards d’euros perçus en 2005 représentent une meilleure affaire pour l’État que 43,5 milliards de dividendes versés d’ici à 2032 !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas une meilleure affaire, c’est la même chose !

M. Jean-Pierre Balligand. J’ai entendu votre raisonnement, monsieur Mariton, mais je persiste à penser que la question doit être posée.

Le second problème est d’ordre politique.

Pour le dire tout net, messieurs les ministres, toute cette histoire ne représente pas seulement une question de gros sous. C’est à un véritable abus de confiance que nous assistons aujourd’hui. Notre rapporteur général, Gilles Carrez, qui jusqu’à nouvel ordre fait encore partie de l’UMP, parlait déjà, cet été, d’une décision « à court terme » prise « en catimini » ! Mais il y a plus grave, car les modalités confidentielles que vous avez choisies pour cette privatisation suscitent une légitime suspicion.

Tout d’abord, pourquoi les Autoroutes du Sud de la France ont-elles en face d’elles un candidat unique, quitte, pour l’État, à mettre entre les mains d’une seule entreprise de BTP – Vinci, pour être clair – plus de 52 % des péages autoroutiers français ?

Autre exemple : le 1er août 2005, alors que la procédure de cession est lancée depuis le 18 juillet, La Tribune écrit que, selon ses informations, « les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône – APRR – souhaiteraient échapper aux griffes d’Eiffage », l’un des huit candidats à la reprise, et feraient tout pour éviter cette solution en poussant un consortium concurrent.

Le 21 septembre 2005, la Caisse des dépôts et consignations, candidate pour deux sociétés, dont l’une en consortium avec l’italien Autostrade, fait justement savoir à l’AFP, par la voie de son directeur général, que la priorité pour elle, ce sont les APRR. Et le 5 octobre, Autostrade claironne depuis Milan qu’elle a « d’excellentes chances de l’emporter » sur ce dossier.

Mais le clou reste cette révélation du Wall street journal daté du 26 août 2005. Le directeur général du fonds australien Macquarie, candidat avec Eiffage à la reprise des APRR, a expliqué devant un parterre d’actionnaires qu’il s’était porté candidat en France avec l’objectif d’obtenir « 1 200 kilomètres de nouvelles concessions planifiées par le gouvernement français dans les dix ans à venir ». Une information capitale que seul l’hebdomadaire Auto plus reprendra à son compte.

Si elles sont exactes, ces informations nous conduisent à vous demander, monsieur le ministre, si telle est vraiment votre conception du libéralisme économique : des appels d’offres déjà attribués ; une entente préalable entre les opérateurs ; des sociétés qui présélectionnent leurs candidats ; des actionnaires, enfin, à qui l’on fait miroiter de nouveaux contrats ?

Il est encore temps de surseoir à cette opération opaque. Je ne parle pas de la privatisation elle-même, qui relève d’une décision politique, mais de ses conditions. Ayez maintenant le courage de la transparence !

Certes, vous vous apprêtez à diffuser les dossiers de soumission sur Internet. Mais leur consultation sera limitée par des codes d’accès sécurisés ! À défaut de rendre les autoroutes à ceux qui les ont financées, c’est-à-dire les citoyens français, faites au moins comme le gouvernement britannique, dont votre majorité célèbre tous les jours les vertus, et qui a rendu ces offres électroniques publiques, les mettant à la disposition de tous, financiers, journalistes, politiques ou citoyens.

À moins que ne soient prises dès aujourd’hui les mesures correctives qui s’imposent – et, je le répète, je n’aborde pas la question du choix politique de la privatisation, mais celle de ses modalités, rendues suspectes par les commentaires des différents opérateurs concernés –, la privatisation des autoroutes françaises traînera durablement derrière elle un parfum de souffre. Prenez garde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas très digne !

M. Philippe Auberger. Que s’est-il passé avec ASF ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement – et en particulier les membres du groupe UMP – a souhaité que soit mise en œuvre une politique d’équipement du pays plus ambitieuse. La privatisation des concessions d’autoroutes la remettra-t-elle en cause ? Le Gouvernement doit répondre à cette inquiétude. Quelles garanties est-il en mesure de nous apporter ? Peut-il nous donner l’assurance, en premier lieu, que la réalisation des opérations inscrites dans les contrats de plan ou décidées par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire de décembre 2003 sera accélérée ; en second lieu, que sera pérennisé le montant des dépenses que l’État consacre chaque année aux infrastructures de transport ?

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Pierre Soisson. Qu’en sera-t-il pour 2006 et les années suivantes ? Comment assurer durablement le financement des infrastructures ? Tel est l’objet de ce débat.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Pierre Soisson. Pour ma part, monsieur le ministre des transports, je voudrais appeler votre attention sur la réalisation de la liaison autoroutière Troyes-Auxerre-Bourges. Ce projet est essentiel pour l’avenir des départements de l’Yonne, de la Nièvre et du Cher, et surtout pour la ville d’Auxerre.

Les études de trafic de la direction des routes démontrent qu’une telle liaison pourrait être empruntée par 10 000 véhicules par jour et qu’elle présenterait un intérêt certain pour un aménagement plus cohérent de notre territoire. Sa rentabilité sera assurée et l’équipement pourra donc être concédé. Les études de tracé sont très avancées pour la portion Troyes-Auxerre : la bande des 300 mètres a été définie. Elles doivent être poursuivies pour celle d’Auxerre-Bourges.

Lors des dernières réunions réunissant les représentants de l’État et des collectivités locales, notamment à Auxerre, à l’invitation du sénateur Henri de Raincourt, il a été décidé que la prochaine étape devrait préciser la participation des régions et des départements au financement d’une telle opération.

J’ai interrogé à ce sujet M. Christian Paul, qui est chargé de ce dossier en tant que vice-président du conseil régional de Bourgogne ; il m’a répondu qu’une lettre indiquant la participation de principe des collectivités était à la signature des présidents des régions Champagne-Ardenne, Bourgogne et Centre, ainsi que des présidents des départements de l’Aube, de l’Yonne, de la Nièvre et du Cher. Une telle démarche montre que la liaison autoroutière est souhaitée par les élus de la majorité et de l’opposition. Elle rassemble dans un même combat pour l’aménagement du territoire tous les élus, de Troyes à Bourges. Vos services ont toujours assuré que, si les collectivités confirmaient le principe de leur participation financière, le débat public pourrait alors être lancé. Vous recevrez cette lettre sous peu, je l’espère, monsieur le ministre. Organiserez-vous alors le débat public, étape préalable nécessaire à la poursuite de l’opération ? Un an de préparation s’avérant indispensable, je souhaiterais qu’un tel débat puisse être lancé au cours de l’année 2006. Je serai attentif à votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Messieurs les ministres, je me réjouis de ce débat qui nous donne l'occasion de vous interroger sur vos objectifs en matière d'infrastructures de transport.

Pourquoi suis-je préoccupé, comme beaucoup de mes collègues, par ce sujet ? Nous vivons de plus en plus dans une société où la mobilité est primordiale. Le nombre, la qualité, le coût le plus faible possible des infrastructures de transport sont donc essentiels pour ceux qui travaillent ou qui cherchent un emploi, pour les entreprises étrangères qui veulent investir en France, pour nos concitoyens qui ont une famille à l’autre bout de la France avec laquelle ils veulent garder des liens, pour ceux, enfin, qui veulent voyager pour leurs loisirs. Le transport est une activité stratégique pour notre pays, fondamentale pour l’aider à retrouver sa croissance économique, donc son niveau social. Les liaisons routières et ferroviaires et les aéroports de proximité façonnent l'équilibre de notre territoire, lui donnent les ouvertures sur l'extérieur dont il a besoin et, enfin, garantissent l'égalité des chances de développement à chacune de ses parcelles que sont nos territoires locaux.

La majorité a pris, depuis 2002, deux initiatives intéressantes pour accélérer l’équipement de notre pays en matière d’infrastructures : la décentralisation d'une partie des routes nationales et la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. N’oublions pas non plus la création, antérieure, de RFF. Comment cela fonctionnera-t-il dans les prochaines années. Où en est le processus de décentralisation et quelles seront ses conséquences à court et moyen terme sur les nationales concernées et en particulier sur la RN 143 qui relie Tours et Châteauroux ? Quelle sera l'articulation administrative et financière entre l'AFITF, RFF et votre ministère ? Quel budget leur sera-t-il alloué ? Qu’en ira-t-il de leur liberté et de leur capacité d'emprunter ? Qui décidera des priorités en matière d’attribution des enveloppes ? Une somme de 4 milliards d'euros a été affectée à l'AFITF, sans compter les quelques recettes indiquées par notre ami Michel Bouvard, dans le budget de 2006. Pour qui ? Pour quoi ? Pourrez-vous nous assurer que, grâce à cette dotation, les contrats de plan en cours seront respectés et que des moyens seront affectés dans les prochains contrats de plan au financement décentralisé des routes dont l’équipement n’est pas terminé ?

À cela s'ajoute le débat sur les privatisations des sociétés d'autoroutes. Je suis personnellement surpris que certains parlementaires, pourtant convaincus de la nécessité de recentrer les missions de l’État sur ce qui relève de sa responsabilité, s’opposent avec passion à cette idée, pourtant naturelle chez nos voisins dirigés par des gouvernements chrétiens-démocrates. Je suis personnellement très favorable à cette privatisation, car ce sont des sociétés concessionnaires de la construction et de la gestion d'autoroutes, dans le cadre d'un cahier des charges et de contrats de plan qui n'ont aucune raison d'être différents que les sociétés soient publiques ou privées. Il s’agit de la privatisation de sociétés de gestion et non pas de la privatisation d’autoroutes,…

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Jean-Jacques Descamps. …lesquelles demeurent la propriété de l’État.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Michel Bouvard. Il est utile de le rappeler !

M. Jean-Jacques Descamps. L’emploi de l’expression « bijoux de famille » par François Bayrou est donc tout à fait hors de propos.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Jean-Jacques Descamps. Enfin, à la différence de certains de mes collègues, en particulier du groupe UDF, je ne m’étonne pas du changement de cap de notre gouvernement. Le combat est devenu prioritairement celui de la croissance, du respect de nos engagements,…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps. …et de l’accélération des investissements en matière d’infrastructures. Il est donc normal de prendre les dispositions qui s’imposent pour respecter ces priorités.

Je vis en Touraine au carrefour d'autoroutes gérées par Cofiroute, société privée. Je ne vois, pour ce qui est du service, aucune différence quand je passe du réseau SANEF au réseau ASF puis à Cofiroute,…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps. …si ce n’est que SANEF et ASF versent des dividendes à l'État parce qu’une partie de leur capital lui appartient. Ces dividendes sont, par nature, aléatoires dans le temps. En revanche, la privatisation apportera définitivement à l’État une somme certaine correspondant au prix d'acquisition négocié. On est en droit d’attendre que ce prix soit bien analysé, non de contester le principe de la privatisation. Ce sera un arbitrage, comme dans toute cession d'entreprise, entre le prix du marché et la valeur théorique de l'entreprise à partir de profits dont il faut rappeler qu’ils sont toujours aléatoires, mais espérés. Les dividendes ne sont pas des rentes assurées, l’actionnariat est toujours un risque pour l’actionnaire et il n’appartient pas à l’État d’assumer un tel risque dans une activité concurrentielle.

Une fois cette négociation aboutie, l'État ne jouera plus qu'un rôle stratégique : décider des investissements à réaliser – et non plus à financer – et du prix des péages. Le reste relèvera du domaine de la gestion privée, qui sera donc externalisée. L’expérience montre que l’efficacité de Cofiroute peut être parfois meilleure. Depuis que l’accord a été passé entre Cofiroute et le ministère de l’équipement, les travaux avancent très vite. C'est une simplification pour l'État et ses services qui peuvent ainsi se concentrer sur leurs fonctions régaliennes d'aménagement du territoire, en fixant en particulier les priorités et le coût du service public demandé à ces sociétés. C’est aussi l’affirmation de la neutralité de l’État en matière de modes de transport, comme l’a très bien expliqué mon collègue Hervé Mariton.

Je vous fais confiance, monsieur le ministre de l’économie et des finances, pour que la privatisation de chacune des sociétés concernées intervienne après une bonne négociation avec des professionnels de la gestion autoroutière. Peu importe la nationalité des acheteurs, pourvu qu'ils soient européens

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps. Les sociétés européennes, que ce soit en Espagne ou en Italie, sont particulièrement compétentes dans ce domaine.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps. Où ira alors l'argent ainsi recueilli ? Si les nouvelles règles de contractualisation entre l'État et ces sociétés sont conformes à ce qui se passe actuellement avec Cofiroute, tout se passera normalement pour l’État. En revanche, le produit que la privatisation apportera à l’État devra en premier lieu être affecté au désendettement. Nous devons, en priorité, sortir du cercle vicieux de l’augmentation de l’endettement à cause des déficits et de l’absence de volonté de le réduire en dégageant l’État d’un rôle qui ne doit plus être le sien.

Nous attendons de vous, messieurs les ministres, une vision prospective et moderne. Je ne vous demande pas, bien entendu, d’engagements fermes concernant tel ou tel équipement, même si – je saisis la moindre occasion pour le rappeler – la RN 143 me préoccupe particulièrement ! (Sourires.) J’attends de vous une réponse de principe. Comment, une fois la privatisation réalisée, le Gouvernement entend-il gérer ce problème complexe du choix et du financement, public ou privé, entre tous les investissements routiers, ferroviaires ou aéroportuaires nécessaires pour la France dans les dix ou quinze prochaines années ?

Enfin, je tiens à vous assurer de mon soutien absolu dans vos efforts pour changer les habitudes de ce pays en matière de financement et de gestion de nos infrastructures ainsi que de fonctionnement de l’État, lequel doit devenir un État moderne et cesser d’être un État rentier. Tous les pays européens se sont engagés dans cette voie. Je m’étonne que ceux qui s’affirment les plus européens dans cet hémicycle se révèlent les plus conservateurs et les plus étatistes dans le domaine des infrastructures de transport.

Je vous remercie, messieurs les ministres, pour les réponses que vous apporterez à nos questions. Elles contribueront à la pédagogie dont nous devrons faire preuve auprès de nos concitoyens sur un sujet d’une telle complexité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Lors du débat de 2003, la majorité avait jugé indispensable que l’État conserve les parts qu’il détenait dans les sociétés d’autoroutes pour financer les programmes de l’AFITF. Le débat d’aujourd’hui, monsieur le ministre des transports, n’a d’autre but que de nous permettre de nous défouler avant d’avaler la décision contraire prise en catimini cet été par le Gouvernement. En vendant ces sociétés pour une valorisation de 11 milliards, vous allez priver notre pays de près de 40 milliards de dividendes, qui auraient permis de financer nos projets de développement d’ici à 2032. Patrick Ollier nous annonce que l’AFITF pourra bénéficier de 4 milliards au lieu du milliard prévu initialement. Cela peut faire illusion un certain temps, jusqu’aux élections, par exemple, mais quand on a une vision à moyen ou long terme, on se demande ce qui se passera après.

C’est justement le moyen et le long termes qui nous inquiètent à juste titre. D’ailleurs, ils inquiètent aussi notre rapporteur général, Gilles Carrez, qui se demande quelle est la philosophie économique de l’État, dont le rôle est justement de préparer le moyen et le long termes. Le périmètre de l’AFITF ne cesse de s’élargir. Elle a été créée par le CIADT du 13 décembre 2003 pour financer trente-cinq projets prioritaires, mais doit faire face à des coûts supplémentaires. Elle doit aussi se préparer à prendre le relais de l’État dans le financement des contrats de plan, qui ont pris un retard important tant dans le domaine routier : plus de deux ans, que dans le domaine ferroviaire : plus de six ans. La dotation de 4 milliards ne suffira donc pas.

Au moment où vous allez priver notre pays de cette source de financement pour l’avenir, nous sommes en droit de vous demander deux choses. Connaissez-vous l’état réel des infrastructures de transport de notre pays ? Quels moyens allez-vous déployer pour les améliorer ?

Permettez-moi de décrire l’état de nos infrastructures à la lumière de ce qui se passe dans les départements, notamment dans celui que je connais le mieux. L’État a transféré la plupart des routes aux départements, mais il est incapable de réaliser les travaux nécessaires sur les sections continuant de relever de sa compétence. En Ariège, sur trois opérations qui étaient programmées au contrat de plan, une seule a commencé en 2003 – la déviation d’Ax-les-Thermes. Elle devait être terminée en 2007. Malheureusement, les travaux sont interrompus depuis un an et ils ne reprendront, nous dit-on, que dans un an. La déviation ne sera donc achevée qu’en 2010. Cela signifie que, pour faire trois kilomètres, on aura mis sept ans ! Quant aux deux autres projets, ils sont purement et simplement abandonnés.

Alors que nous n’avons même pas les moyens d’entreprendre les travaux indispensables sur une route nationale qui est pourtant un itinéraire européen conduisant en Andorre et en Espagne, regardez ce qui se passe sur l’autre versant des Pyrénées ! L’Espagne a engagé un programme de 250 milliards. Elle améliore ses liaisons avec la France à un rythme accéléré. Nous ferions bien de prendre exemple sur ce voisin qui investit dans son réseau routier pour demeurer compétitif.

Pour ce qui est du réseau ferroviaire, sur plus de 1 000 kilomètres, nous dit-on, les trains ne peuvent pas circuler à vitesse normale. Je vais encore prendre l’exemple de mon département. Sur la ligne Paris-Toulouse, qui se poursuit vers Barcelone en passant par la vallée de l’Ariège et la Tour-de-Carol, les trains sont obligés de ralentir à partir de Foix.

M. Hervé Mariton. Depuis combien de temps ?

M. Augustin Bonrepaux. Depuis un mois et, depuis un an, ils ne circulent pas à plus de 40 kilomètres-heure après Ax-les-Thermes. Le président de Réseau ferré de France nous assure que des travaux seront réalisés cet automne et d’autres, plus importants, en 2006, mais que les trains ne pourront toujours pas circuler à vitesse normale. Rien n’est d’ailleurs prévu entre Ax-les-Thermes et la Tour-de-Carol, et là cela devient ubuesque. En effet, ils doivent ralentir à 40 kilomètres-heure, alors que les locomotives toutes neuves achetées par la région devraient fonctionner à 60 kilomètres-heure au moins,…

M. Philippe Auberger. Sinon, elles chauffent !

M. Augustin Bonrepaux. …pour que leur moteur ne s’échauffe pas, exactement ! Non seulement l’État ne réalise pas les investissements qui lui incombent, mais ses manquements conduisent à une dégradation accélérée des matériels des régions. Ouvrez donc les yeux ! Devant une telle situation, je suis en droit de vous demander, monsieur le ministre, comment vous allez faire, avec quels moyens vous allez financer ces investissements indispensables. Vous qui ne cessez de parler de l’attractivité et ne pensez qu’à la fiscalité pour l’améliorer, ignorez-vous que l’attractivité d’un pays dépend aussi de la qualité de ses infrastructures, qui permettent aux entreprises de travailler dans de bonnes conditions ?

Bref, aujourd’hui, vous vendez la poule aux œufs d’or et bradez le patrimoine de l’État. Vous vendez GDF, bientôt EDF. Le déficit de notre pays reste pourtant au même niveau et sa dette explose. Comme l’avait fort justement souligné Gilles de Robien, on ne vend qu’une fois, mais on pleure pendant trente ans. A vos successeurs, vous ne laisserez que les yeux pour pleurer, tirant même des traites sur l’avenir puisque vous décidez cette année des baisses d’impôts qui prendront effet en 2007, c’est-à-dire que, par avance, vous décidez de réduire les recettes fiscales à attendre dans deux ans.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Par votre décision de privatiser les sociétés d’autoroutes, vous sacrifiez les investissements à venir, vous compromettez l’attractivité de notre pays, sa croissance et son emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier. Toujours excessif, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Non, toujours précis ! Je peux vous donner des exemples !

M. Patrick Ollier. Précis dans l’excès !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Il est quelque peu surréaliste de voir un débat sur les infrastructures de transport, sujet important s’il en est, se focaliser sur la cession par l’État des parts qu’il détient dans les sociétés autoroutières, surtout quand on connaît les besoins en équipements de notre pays. Il y a certes, d’un côté, ceux qui sont déjà nantis en termes d’infrastructures, notamment d’autoroutes, et qui peuvent s’offrir le luxe d’un débat idéologique, voire moralisateur sur la propriété des sociétés concessionnaires, mais il y a, de l’autre côté, tous ceux qui attendent avec impatience la réalisation d’équipements qu’ils jugent indispensables. Pour ces derniers, il n’est pas indifférent que les crédits soient trouvés aujourd’hui ou bien seulement dans vingt ou trente ans ! Et puisque l’on parle beaucoup d’actualisation dans ce débat, je tiens à souligner que ce qui sera gagné en termes d’activité et d’emploi mérite d’être actualisé si l’on veut avoir une vision exacte des choses. En effet, avoir un équipement dans trente ou quarante ans, ce n’est pas du tout la même chose que l’avoir dans les deux années qui viennent ! Je dis cela pour répondre à certains de nos collègues.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Daniel Garrigue. Il est surréaliste encore de voir la position paradoxale de ceux qui, sur ces bancs, contestent la cession par l’État de ses parts dans les sociétés d’autoroutes tout en étant les premiers, en tant que maires, à utiliser la délégation de service public dont ils savent tout l’intérêt, notamment pour éviter de faire supporter une trop lourde charge à leurs contribuables du fait de la réalisation de certains équipements comme les parkings, dont le privé est d’ailleurs mieux à même d’assurer la gestion.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Cela n’a rien à voir !

M. Daniel Garrigue. La seule vraie question dans cette affaire, messieurs les ministres, est celle du respect des droits des usagers. Cela dit, et vous le confirmerez sans doute, les contrats de concession et le souci qu’ont généralement les concessionnaires de faire fonctionner leurs équipements dans les meilleures conditions pour qu’ils soient rentables doit contribuer à rassurer les usagers.

En tant que rapporteur spécial du budget des charges communes, je juge également surréaliste la question de l’actualisation des dividendes, telle que la pose M. Bayrou. Il faudrait en effet tenir compte aussi du désendettement que va permettre, pour partie, la vente de ces sociétés.

M. Hervé Mariton. Mais où est M. Bayrou ?

M. Daniel Garrigue. Mettons en regard le coût de 10 milliards de dette pendant vingt ou trente ans – même à faible taux d’intérêt, comme c’est actuellement le cas, mais rien ne dit que cela durera – et les dividendes escomptés sur la même période. Ce que l’on gagnera d’un côté devrait compenser largement ce que l’on perdra de l’autre, sans compter que la dette de l’État est malheureusement moins aléatoire que des dividendes.

Par sa décision de céder ses parts dans les sociétés d’autoroutes, ce gouvernement permettra de relancer la croissance, de répondre aux besoins d’équipement de notre pays et de réduire sa dette. Nous ne pouvons donc que nous réjouir de cette initiative et lui apporter notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Messieurs les ministres, ce débat, qui s’est polarisé outrageusement sur la décision du Gouvernement de privatiser les sociétés concessionnaires d’autoroutes, aurait mérité un peu plus de sérénité et beaucoup moins de déclarations péremptoires, d’oppositions systématiques, d’ailleurs curieuses de la part de certains qui ne se veulent ni dans la majorité ni dans l’opposition. Le groupe UMP s’est exprimé à ce sujet et je n’ajouterai rien aux arguments présentés, que je partage très largement.

Ce débat ne doit pas faire oublier l’effort considérable prévu par l’État lors du CIADT du 18 décembre 2003, soit 7,5 milliards d’euros sur la période 2005-2012. La création de l’AFITF constitue, a priori, une garantie de pérennité des moyens consacrés à la réalisation des grandes infrastructures nécessaires à la modernisation de notre pays. Cependant, chacun a pu s’en rendre compte ce matin, des inquiétudes se font jour et il me semble extrêmement important, messieurs les ministres, que vous précisiez le calendrier et les modalités de financement des projets, au moins de ceux à moyen et long terme, c’est-à-dire ceux qui dépassent ce qui est prévu dans le projet de budget pour 2006 dont nous avons reçu les éléments ces jours derniers.

En tant qu’élu picard, j’aurais pu, comme M. Descamps l’a fait à l’instant, évoquer des sujets locaux. Vous connaissez, messieurs les ministres, l’intérêt de prolonger vers le nord de la France l’autoroute A16, qui s’arrête actuellement à Amiens, ou encore d’accélérer l’étude du TGV Paris-Calais par Amiens, que votre prédécesseur, monsieur le ministre des transports, a judicieusement ressorti des cartons.

Il n’est que temps de réparer le choix pour le moins curieux, réalisé dans les années quatre-vingt, lorsque M. Mauroy et M. Delebarre s’étaient mis d’accord pour considérer que chemin le plus court et le plus rapide pour se rendre de Paris à Londres en prenant l’Eurotunnel à Calais consistait à passer par Lille puis par Dunkerque !

Mais je souhaite centrer l’essentiel de cette intervention sur un projet qui, à mes yeux, constitue une priorité interrégionale, nationale et européenne dans le domaine du transport durable. Je veux parler du canal Seine-Nord Europe. Il constitue, avec la construction de l’écluse fluviale de Port 2000, l’une des deux priorités affichées par le Gouvernement en faveur de la voie d’eau. Destiné à relier à grand gabarit le bassin de la Seine et de l’Oise au réseau fluvial nord-européen, Seine-Nord Europe représente un maillon de 106 kilomètres indispensable au projet Seine-Escaut inscrit au rang des trente dossiers prioritaires européens de transport.

Le projet Seine-Nord Europe suit parfaitement son calendrier d’avancement. Il est en phase de consultation des collectivités locales, des acteurs socio-économiques et des associations. Voies navigables de France doit vous remettre l’avant-projet, monsieur le ministre des transports, en mars 2006.

Je veux témoigner que ce projet, qui provoquait à ses débuts, il y a quelques mois, des moues dubitatives – sans doute parce qu’il avait été longtemps assimilé à l’Arlésienne –, fait désormais l’objet d’un fort soutien. La réflexion a, il est vrai, permis de mieux appréhender ses nombreux bénéfices. Je pense d’abord à la contribution de cette voie d’eau à un système de transport compétitif, répondant à une demande croissante en matière de transport de marchandises sur le corridor nord – en hausse de 6 % en 2004 et sans doute de 10 % en 2005 – et au nécessaire développement de l’intermodalité. Je pense ensuite au développement économique suscité par la création d’une dizaine de sites portuaires et logistiques le long du tracé, et donc au renforcement des pôles de compétitivité desservis. Je pense enfin à l’intérêt que ce canal présente pour concilier aménagement du territoire et développement durable – réduction des rejets de gaz à effet de serre, baisse des nuisances sonores, décongestion des grands axes routiers – ainsi qu’à la gestion des niveaux d’eau qu’il permettra, donc à sa participation à la lutte contre les crues. Vous comprendrez qu’un élu de la Somme, département traumatisé par les inondations de 2001, soit sensible à cet argument.

Les partenariats envisagés permettront de minimiser les contributions publiques et de les lisser dans le temps. Mais, je le répète, il est aujourd’hui important que l’ensemble des acteurs contribue à la mise au point des modalités de financement. Nous attendons du Gouvernement des engagements qui, au-delà même du projet Seine-Nord Europe, contribueraient à nous rassurer sur les capacités de l’AFITF à jouer pleinement son rôle à l’avenir, grâce à un financement pérennisé. Ce matin, plusieurs orateurs ont réclamé ces clarifications, faute de quoi les projets présentés lors du CIADT de 2003 pourraient être remis en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, dernier orateur inscrit.

M. Gilles Carrez. Le 20 mai et le 13 décembre 2003, deux débats sont consacrés à l’Assemblée nationale aux infrastructures de transport et à leur financement. Une majorité de députés plaident alors pour la mise en place d’un financement dédié aux infrastructures de transport par le biais du produit des participations de l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Rappelons qu’à l’époque, nous sommes tous choqués des conditions dans lesquelles le gouvernement Jospin a vendu la quasi-majorité d’ASF. Nous nous préoccupons donc de la valorisation des actifs autoroutiers.

Ces deux débats très riches, finalement assez consensuels, inspirent les décisions du CIADT du 18 décembre 2003, qui prévoit la création de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, mise en place dès 2004.

Fin décembre 2004, nous votons la loi de finances pour 2005, qui prévoit en son article 60, dans la ligne des décisions que nous avons prises, l’affectation à l’AFITF du produit des participations de l’État, environ 280 millions d’euros.

Le 8 juin 2005, au détour d’une phrase de son discours de politique générale, le Premier ministre annonce la vente totale des participations de l’État dans les SEMCA et, le 18 juillet, un communiqué du Gouvernement annonce la mise en œuvre de cette décision dans l’urgence. Les dossiers de candidature doivent être remis pour le 22 août au plus tard. C’est en lisant, le même jour, votre interview dans Les Échos, messieurs les ministres, que les parlementaires apprennent – dans leurs circonscriptions, puisque la session était close – dans quelles conditions nos autoroutes seront privatisées, contrairement à ce qui avait été décidé au cours des mois précédents.

M. Pierre Méhaignerie.Tout à fait !

M. Gilles Carrez. Ce sont avant tout des questions de forme qui m’ont conduit à intervenir fin juillet, en m’inquiétant de la rapidité d’un tel processus et d’un manque évident de pédagogie et d’explications. Les Français sont attachés à leurs autoroutes, qu’ils considèrent quasiment comme un service public. En lisant la presse de juillet dernier, ils ne pouvaient, comme nous tous, que se poser des questions. Au nom du patriotisme économique, il était envisagé que la Caisse des dépôts renforce ses positions dans le capital de Danone qui, comme chacun sait, fabrique des yaourts. Or la Caisse des dépôts était en même temps candidate à la privatisation de nos autoroutes avec le concours d’un groupe privé étranger, italien en l’occurrence.

Par conséquent, je me réjouis du débat de ce matin, mais je regrette qu’il n’ait pas été organisé en juillet, ne serait-ce que par respect pour l’institution parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La privatisation de nos sociétés concessionnaires d’autoroutes a des avantages, nous sommes prêts à le reconnaître. Mais des questions fondamentales se posent, auxquelles le Gouvernement doit répondre avec précision.

Première série de questions, que j’ai posées dès la fin du mois de juillet : que deviennent le financement de l’AFITF et les engagements du CIADT de décembre 2003 ? Les réponses successives du Gouvernement – lettre du 2 août du Premier ministre, puis projet de loi de finances pour 2006, dont nous commençons l’examen – contiennent des précisions. Sont cités la redevance domaniale, pour 160 millions d’euros, la taxe d’aménagement du territoire – c’est une nouveauté – pour 500 millions d’euros, 40 % des produits des amendes radar dans la limite de 100 millions d’euros et, par ailleurs, une dotation fixée à 1,5 milliard il y a un mois et portée aujourd’hui à 4 milliards, mais incluant désormais le financement des contrats de plan.

M. Michel Bouvard. Oui ! Entre-temps, le périmètre a été élargi.

M. Gilles Carrez. J’estime pour ma part que ces réponses sont satisfaisantes puisque l’AFITF va bénéficier d’un financement régulier de l’ordre de 800 millions par an, en plus de la dotation de 4 milliards. Mais quelle est la visibilité de ce financement à l’horizon de six à dix ans, quand on sait que les dividendes des concessions portaient jusqu’en 2028 et 2032 ?

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Gilles Carrez. Deuxième série de questions : quelles seront les obligations du service public autoroutier et quelles garanties aurons-nous de leur bonne exécution du point de vue du contrôle de l’évolution des péages, des problèmes de sécurité, des tronçons de liaison restant à faire au nom de l’aménagement du territoire, de la concurrence sur les marchés de travaux qui seront attribués par ces sociétés autoroutières privées, notamment de la place à réserver aux PME ? La fonction de régulateur de l’État devient primordiale. Que nous proposez-vous à ce sujet ? Comment va-t-elle être organisée ? Faut-il une instance autonome de régulation ? Enfin quel est l’équilibre retenu dans les cahiers des charges de concession entre les contraintes de service public que je viens d’énoncer et les risques de dévalorisation des participations de l’État qu’elles impliquent ?

Venons-en à une troisième série de questions. J’approuve le choix du Gouvernement de procéder à un appel d’offres plutôt qu’à une vente en bourse ou à une cession de gré à gré. Je rappelle à nos collègues de l’opposition que les actions d’ASF ont été vendues à 24 euros sans que le Parlement soit associé à cette décision,…

M. Michel Bouvard. Sinon par un amendement voté nuitamment, à deux heures du matin !

M. Gilles Carrez. …mais que, moins de trois ans plus tard, avant même qu’il ne soit question de privatisation, elles valaient 40 euros. Qu’ils ne viennent donc pas nous donner de leçons en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La valorisation est un problème délicat. Elle dépend notamment des flux de cash flow net, du degré de risque sur des paramètres comme le trafic futur et des possibilités de restructuration de la dette ou de diversification. On ne peut qu’être interpellé par la fourchette d’évaluation retenue. Dans son excellent rapport, M. Mariton évoque une valorisation de 10 à 12 milliards d’euros, mais retient un taux d’actualisation de 8 %. Pourquoi ne pas se fonder sur un taux plus raisonnable ? Je vous renvoie, messieurs les ministres, aux travaux du commissariat général du Plan, notamment au rapport Lebègue, paru au printemps, dont il ressort qu’un taux d’actualisation de 8 % n’est plus pertinent aujourd’hui. Même si l’on apprécie le coefficient de risque à sa juste valeur, le taux devrait être fixé à 4 %, 5 % ou au maximum 6 %.

Sur ce point, je souhaite, messieurs les ministres, que nous ayons une discussion approfondie. En effet, si l’on retient un taux d’actualisation de 5 %, en faisant l’hypothèse tout à fait raisonnable d’une augmentation du trafic de 2 % – je tiens tous ces chiffres à votre disposition –, on arrive à une valorisation de l’ordre de 22 à 23 milliards d’euros. Si je pose une telle question ce matin, c’est que nous rencontrerons cette problématique à propos non seulement des sociétés d’autoroutes, mais aussi de toutes les cessions de patrimoine de l’État, qu’il s’agisse de participations dans les entreprises ou d’immobilier.

Il faut donc, je le répète, que nous ayons sur ces sujets une discussion approfondie. En clair, si la valorisation finale débouche sur un taux d’actualisation appliqué au cash flow pendant la durée des concessions supérieur à 7 % ou 8 %, c’est que l’État voit un profit extrême à collecter de l’argent frais et que donc l’utilisation qu’il va en faire doit être d’une rentabilité socio-économique très élevée.

Au passage, que deviendront les petits actionnaires de la SANEF, d’APRR ou d’ASF, qui sont très attachés – comme les députés – à ces valeurs de « père de famille » ? Ces sociétés ne risquent-elles pas de sortir de la cotation ?

J’en viens à une quatrième série de questions. La privatisation des sociétés d’autoroutes a un sens – M. Mariton l’a fort bien indiqué dans son rapport – dès lors qu’elle s’inscrit dans une stratégie industrielle visant à faire émerger des champions nationaux dans un secteur très prometteur. Nous avons en France des grands groupes de BTP, dont certains exploitent d’ailleurs des infrastructures de transport. Nous avons aussi de grands investisseurs publics et privés. Le partenariat avec des entreprises étrangères, qu’il s’agisse d’exploitants autoroutiers, d’investisseurs ou de groupes de BTP, peut offrir des possibilités intéressantes d’exportation de savoir-faire et de prises de marchés à l’international. Je pense par exemple à l’Amérique du Sud – ou du Nord –, à l’Europe de l’Est ou au Sud-Est asiatique. Dans ce domaine, quelle est la stratégie et quelles sont les attentes du Gouvernement dans le cadre de l’appel d’offres ?

Enfin, cinquième série de questions. La vente des participations de l’État a l’avantage de procurer des moyens d’investissements extrabudgétaires importants, mais aussi immédiats ou du moins espérés tels. Et nous venons de voir que l’État est prêt à faire des sacrifices pour les obtenir. Mais toutes les offres iront-elles dans ce sens ? J’ai lu dans la presse que, pour ASF, la vente risquait de se faire par échange de titres.

M. François Bayrou. Absolument ! Dans ce cas, quel intérêt présente-t-elle ?

M. Gilles Carrez. Quelle est la position du Gouvernement ? Pour lui, l’idée d’obtenir des financements immédiats est-elle primordiale ?

M. François Bayrou. Excellente question !

M. Gilles Carrez. Par ailleurs, entre l’AFIFT : 4 milliards d’euros, l’Agence d’innovation industrielle : 2 milliards d’euros, l’Agence nationale de la recherche : 1 milliard d’euros, et les travaux de réhabilitation du patrimoine culturel : 100 millions, sans compter la politique de la ville, qui a été évoquée par un ministre, ne risque-t-on pas de promettre plusieurs fois les mêmes milliards ?

M. François Bayrou. Bien vu !

M. Gilles Carrez. N’oublions surtout pas qu’une autre priorité s’impose, qui a été affichée dès l’origine : non pas le désendettement de l’État, mais une moindre progression de son endettement, à hauteur de 10 milliards d’euros. Je souhaiterais que vous nous confirmiez ce chiffre, d’autant que, dans le projet de loi de finances pour 2006, apparaissent 950 millions d’euros de recettes non fiscales qui semblent correspondre à la plus-value escomptée au titre de la cession des parts détenues par l’établissement Autoroutes de France.

De manière générale, pouvez-vous nous garantir que le produit de la vente de nos participations dans les sociétés d’autoroutes sera bien exclusivement consacré à des dépenses d’investissement d’un intérêt socio-économique au moins équivalent au taux d’actualisation qui semble justifier la décote par rapport à la valeur intrinsèque de ce morceau de patrimoine de l’État ? Voilà des questions précises, qui exigent une réflexion à laquelle le Parlement doit être associé.

Messieurs les ministres, nous ne demandons qu’à être convaincus de la pertinence du choix du Gouvernement. Je suis sûr que vous apporterez des réponses aux innombrables questions qui se posent. Cela étant dit, la confidentialité et la rapidité de la procédure d’appel d’offres ont en quelque sorte confisqué le débat. Si j’ai bien compris, des offres fermes devront être remises dès le 7 novembre. Vos réponses sont donc pour nous de la plus grande importance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous avez souhaité débattre d’un sujet clé pour l’avenir et la modernité de notre pays : les infrastructures de transport, que nous construisons aujourd’hui pour qu’elles soient utiles à la France de demain. J’ai écouté vos contributions et vos questions et je souhaite, avec Thierry Breton, leur apporter des réponses claires.

La politique du Gouvernement est déterminée et volontariste. Notre objectif est de créer, dans notre pays, les conditions d’une croissance forte et durable, d’une croissance sociale créatrice d’emplois qui réponde aux attentes des Français. Les infrastructures de transport que nous concevons et finançons aujourd’hui en sont un facteur déterminant.

Vous avez évoqué la privatisation des sociétés concessionnaires, l’Agence de financement des infrastructures de transport et ses ressources. J’insisterai, dans ma réponse, sur quatre aspects qui, à mon sens, traduisent l’ambition du Gouvernement. Après avoir rappelé le rôle majeur que les infrastructures de transport ont joué dans le développement économique de notre pays, j’aborderai leur financement, puis la façon dont nous allons, en pratique, investir dans chaque région de France de façon ambitieuse, au bénéfice de chacun de nos compatriotes. Enfin, je soulignerai le rôle de l’État dans le pilotage du fonctionnement de ces infrastructures, en particulier routières.

Pourquoi investir dans les infrastructures de transport ? L’objectif du Gouvernement est l’emploi, son cap la croissance sociale. Au sein de cette politique globale, le secteur des transports apparaît comme stratégique, pour cinq raisons.

La première, et la plus simple, c’est que l’investissement public dans le secteur des transports – qui emploie actuellement, avec le BTP, 2,8 millions de salariés en France – engendre des emplois. Ici, le lien entre investissement public et emploi est direct. Ce secteur est capable de créer des emplois. Il en crée actuellement 40 000 par an, et nous souhaitons aller au-delà.

La deuxième raison, c’est que le développement des infrastructures de transport est, de manière générale, un facteur important pour la croissance. En tant qu’élus et responsables de collectivités publiques, vous le savez mieux que quiconque : si la France est un pays moderne et dynamique, c’est notamment parce que nous avons su faire en temps utile les investissements nécessaires. Ceux-ci nous placent au-dessus de la moyenne européenne. En effet, en France, le métrage d’autoroute par habitant est supérieur de 41 % à la moyenne européenne et celui des voies ferrées de 20 %. Nous voulons aller encore de l’avant car, comme l’a dit Hervé Mariton, nous devons faire la course en tête. Un simple exemple suffit à illustrer cette nécessité : les experts évaluent à 0,5 % du PIB le coût économique des embouteillages sur les réseaux routiers. Investir dans de nouvelles routes pour que le trafic soit plus fluide, c’est aussi doper la croissance, au service de la vie quotidienne des Français.

Troisièmement, grâce à l’investissement public, le secteur des transports peut contribuer au développement durable, comme le souhaite M. Blessig. Ce secteur est en effet l’un de ceux dont l’impact sur l’environnement est le plus important. Ainsi que l’a rappelé Michel Bouvard, les transports sont, tous modes confondus, responsables de 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre. J’entends donc orienter davantage l’investissement public vers le rail, comme beaucoup d’entre vous l’ont souhaité. Aujourd’hui, environ 25 % des investissements publics sont affectés au rail, alors qu’il ne représente que 10 % de la circulation de voyageurs. Je souhaite confirmer ce privilège accordé au mode de transport le moins polluant.

Quatrième raison : l’aménagement du territoire, bien entendu. En effet, le maillage de notre pays en infrastructures de transport est de nature à limiter les départs définitifs des habitants de zones rurales. Le développement des lignes à grande vitesse est un progrès sensible que nous devrons favoriser. Le Gouvernement souhaite que la croissance française soit respectueuse de l’aménagement du territoire.

Enfin, les transports sont un domaine où les enjeux de sécurité préoccupent nos compatriotes. Cela aussi nécessite des investissements supplémentaires. Actuellement, quelque 5 000 personnes meurent par an sur les routes. Disposer d’infrastructures modernes et bien entretenues contribue à réduire le nombre de ces drames que la France vit chaque jour.

Mesdames, messieurs les députés, si nous choisissons d’aller de l’avant dans nos investissements, ce n’est pas par hasard, mais par conviction. Certains ont dit que nous bradions les rentes que les sociétés concessionnaires garantissent à nos enfants. Je crois au contraire que céder des sociétés pour accélérer notre programme d’investissements, c’est avoir une grande ambition pour nos enfants, monsieur Blessig, celle que leurs parents aient des emplois aujourd’hui et que la croissance soit là demain.

M. François Bayrou. En juillet, vous disiez que c’était pour désendetter l’État !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. J’aborde maintenant le financement de ces chantiers, que beaucoup d’orateurs, en particulier le rapporteur général, ont évoqué à cette tribune.

Comment financer les infrastructures dont nous avons besoin ? Vous avez eu raison de rappeler les mérites du schéma initial de l’AFIFT. L’affectation des dividendes des sociétés concessionnaires avait vocation à permettre, à terme, de financer 35 projets retenus par le CIADT de décembre 2003. En matière de réalisation, nous n’avons pas d’autres plans d’action : la liste des projets du CIADT de 2003 – je le dis très clairement – demeure inchangée. Mais nous avons une ambition plus grande. Nous avons décidé d’accélérer la réalisation de ces projets d’infrastructure, car il y a urgence, comme l’a dit le président Ollier. Nous avons également la volonté, comme l’a indiqué le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, d’accélérer le déroulement des contrats de plan État-région, supports de financement des projets régionaux.

M. Louis Giscard d’Estaing. Absolument !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Pour que ces objectifs concrets trouvent une traduction dès 2006, il nous fallait trouver les financements correspondants. Le Gouvernement a donc décidé de réaménager en la renforçant l’Agence de financement des infrastructures, l’AFIFT, dont je salue l’un des administrateurs, M. Ollier.

Je rappellerai les grandes lignes du dispositif retenu, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir en détail lorsque votre assemblée examinera les crédits de la mission transports lors du prochain débat budgétaire. Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit, notamment M. Mariton, le Parlement votera à cette occasion une augmentation de 5,8 %, qui résulte de l’arbitrage concernant les crédits du ministère dont j’ai la responsabilité. À ces moyens importants s’ajoute une dotation issue du produit de la privatisation des sociétés d’autoroutes.

Nous avons souhaité que l’AFIFT dispose de ressources importantes, rapidement disponibles et pérennes.

Des ressources importantes, car elles doivent être à la hauteur de l’ambition que j’ai rappelée il y a un instant. En 2006, nous avons prévu pour l’AFIFT un budget de 2 milliards d’euros, alors que les financements mis en place par la loi de finances 2005 se situaient à 1,1 milliard. Il s’agit donc d’un quasi doublement sur une seule année. Ce geste témoigne, me semble-t-il, de la détermination et de l’ambition du Gouvernement.

Ces ressources doivent être rapidement disponibles, car nous souhaitons que les Français voient rapidement se construire de nouvelles voies ferrées et de nouvelles routes. C’est pourquoi l’État apportera à l’AFIFT 4 milliards de dotation en capital, grâce au produit de cession des sociétés concessionnaires.

Des ressources pérennes, enfin. Avec les redevances domaniales, qu’elles conservent, le produit de la taxe d’aménagement du territoire, la TAT, qui lui sera affectée, et une fraction des amendes radars, ce sont 770 millions de recettes pérennes qui reviendront chaque année à l’AFIFT. Je rappelle que le montant des dividendes et des redevances domaniales prévues pour 2005 s’établissait à 480 millions d’euros. En passant ainsi à une échelle supérieure, nous assurerons à l’AFIFT un financement durable, auquel je vous sais tous très attachés.

Par ailleurs, l’agence aura recours à des financements innovants. Il s’agit de démultiplier l’effet des financements ainsi rendus possibles en recourant au partenariat public-privé. Dans mes fonctions précédentes, j’ai pu constater combien le recours à ces mécanismes modernes est de nature à optimiser le processus d’investissement de l’État. Au-delà des concessions techniques, couramment utilisées dans le secteur des transports, je recourrai donc aux contrats de partenariat, ce qui sera une première. J’en attends beaucoup en termes d’efficacité, d’idées nouvelles, de maîtrise des coûts et des délais. À ce propos, je vous indique, monsieur Mariton, que mon intention est bien de passer à la pratique. Je déciderai donc d’une première liste de PPP dans les prochains jours car, M. Descamps a bien raison, il nous faut changer les habitudes.

Qu’allons-nous financer ? La situation est très simple. Nous connaissons, vous connaissez les projets qu’il faut financer. Ce sont, d’une part, ceux des contrats de plan État-région et, d’autre part, les 35 grands projets de transport du CIADT de 2003. Mon intention est donc d’aller de l’avant dans ce programme.

S’agissant des contrats de plan État-région, ces projets constituent un ensemble essentiel. Ils ont fait l’objet de nombreuses réflexions, ils sont consistants, nécessaires et recueillent un consensus local. Je souhaite donc que les engagements pris par l’État dans ces contrats soient tenus. La contrainte budgétaire – il faut le reconnaître – nous avait conduits à adopter un rythme trop limité au cours des dernières années. Nous nous donnons là les moyens d’aller plus vite et plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de flécher des ressources de l’AFIFT sur la réalisation des contrats de plan État-région.

M. Louis Giscard d’Estaing. Très bien !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il est ainsi prévu que l’agence consacre au moins 2 milliards à l’accélération de ces contrats à partir de 2006 et sans doute en 2007. J’ai demandé à mes services de me soumettre rapidement les projets qui pourraient être financés dans ce cadre. Ceux-ci sont très nombreux, de taille diverse et d’une grande importance pour les usagers du service public des transports. D’ici à la fin de l’année, la concertation qui sera menée, comme c’est l’usage, par les préfets de région et la direction générale des routes doit nous permettre de décider de façon précise de l’ensemble de la programmation pour 2006.

Certains d’entre eux vous ont évoqué des projets ponctuels et précis. Je n’en dirai qu’un mot, car nous aurons l’occasion d’en reparler.

S’agissant de la déviation de Bergerac, monsieur Garrigue, l’État a obtenu la déclaration d’utilité publique et il réalisera les fouilles archéologiques préventives, de sorte que les travaux pourront être engagés dès la conclusion du plan de financement.

M. Descamps a évoqué l’aménagement de la RN 143 entre Tours et Châteauroux,…

M. François Rochebloine. Et la RN 45 ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je vais répondre au fur et à mesure, monsieur le député.

M. Éric Besson. Je croyais qu’il s’agissait d’un débat général, monsieur le ministre !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. On m’a posé des questions précises, qui méritent une réponse au même titre que les autres.

La mise à deux fois deux voies de ce tronçon de la RN 143 doit être terminée en 2006 ; pour la déviation de Cormery, les études sont en cours et l’enquête publique sera lancée à la fin de l’année prochaine.

À M. Paul, qui a évoqué la desserte de Port 2000 et le grand contournement de l’Île-de-France, je confirme que ces projets sont pour moi une priorité.

En ce qui concerne la mise aux normes de l’autoroute A25 entre Lille et Dunkerque, j’ai demandé au préfet d’organiser dans les meilleurs délais la présentation des conclusions des études qui ont été menées auprès des élus et des collectivités territoriales concernées.

Vous m’avez interrogé, monsieur Blessig, sur la rocade sud de Strasbourg. Si l’engagement des travaux de cette opération nécessite effectivement de lever un certain nombre d’interrogations en matière d’environnement, je tiens à ce que nous parvenions rapidement à une solution en vue de la réalisation de cette rocade, indéniablement nécessaire.

L’AFITF financera naturellement les grands projets prévus par le CIADT de décembre 2003, dont la liste reste inchangée. Le Gouvernement prévoit toujours, monsieur Bouvard, d’affecter à ces grands travaux 7,5 milliards sur la période 2005-2012. Ainsi – c’est un simple exemple, mais de quelle importance ! – trois projets TGV seront en cours de réalisation en même temps : le TGV Est, le TGV Rhin-Rhône et le TGV Perpignan-Figueras, ce qui n’était jamais arrivé jusqu’à présent.

M. Patrick Ollier. Exact !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Comme le Premier ministre a eu l’occasion de le dire le 1er septembre dernier, d’autres grands projets seront lancés dans les prochains mois, en anticipant sur les délais prévus par leur calendrier initial. Ainsi, je vous confirme le lancement de l’autoroute Bordeaux-Pau en 2006 et du TGV Aquitaine début 2007. À ces projets s’ajouteront la desserte ferroviaire de l’aéroport Charles-de-Gaulle ainsi que l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg, à laquelle je tiens beaucoup, notamment parce qu’elle doit apporter la démonstration qu’il est possible d’effectuer un report modal en vraie grandeur, de sortir de l’incantation pour passer à la mise en œuvre.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je veux également mentionner la liaison A4-A86 à l’est de Paris qui, en apportant une solution au plus grand encombrement routier d’Europe, répondra aux préoccupations quotidiennes des habitants de la région parisienne.

Par ailleurs, nous poursuivons les discussions avec l’Espagne, qui devraient nous permettre de réaliser la première autoroute de la mer en 2006. Nous devons faire la démonstration qu’il est possible de reporter sur des organisations maritimes efficaces une partie du trafic routier.

M. Hervé Mariton. Encore faut-il que les ports fonctionnent !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. En ce qui concerne les transports collectifs urbains, à la fois pratiques et économes en énergie, une dotation de 100 millions d’euros leur sera spécifiquement affectée au sein de l’AFITF.

Vous avez également évoqué, monsieur Blessig, la nécessité de prendre en compte les contraintes environnementales dans les calculs relatifs aux projets d’infrastructures. C’est un sujet complexe car il est difficile de valoriser, de quantifier un certain nombre d’effets externes. Par ailleurs, les prévisions que l’on peut faire concernant l’énergie sont éminemment incertaines, comme le prouve ce qui se passe dans ce domaine depuis un an. Le conseil général des Ponts et Chaussées a travaillé sur ces sujets et il serait intéressant de pouvoir en parler à nouveau afin d’affiner nos méthodes d’évaluation. C’est un aspect qui deviendra de plus en plus indispensable : nous ne pouvons pas faire comme si les questions énergétiques et environnementales ne se posaient pas et nous devons intégrer ces quantifications dans nos définitions de priorités.

Je voudrais dire à Jean-Pierre Soisson qu’en ce qui concerne la liaison autoroutière entre Troyes, Auxerre et Bourges, les études nécessaires devraient démarrer début 2006 pour permettre la saisine de la commission du débat dès la fin de l’année prochaine.

Vous l’avez compris, le nouveau dispositif que nous mettons en place est la base d’une nouvelle dynamique. Nous avons voulu trouver, avec le ministre des finances, de nouvelles sources de financement et les moyens d’accélérer la réalisation de projets dont la France a besoin. Cette politique d’infrastructures doit se doubler, j’en suis convaincu, d’un rôle renforcé du ministère dont j’ai la responsabilité dans la régulation du secteur qui le concerne. Cela vaut aussi pour la mise en place du partenariat public-privé. Le rôle de l’État va évoluer de celui de constructeur à celui de régulateur des opérateurs qui assurent un service public. Il devra vérifier que le contrat est respecté, comme l’a souligné le président Ollier. J’ai confiance dans la capacité de l’administration dont j’ai la responsabilité de relever ce défi, d’autant plus que ses directions pratiquent déjà cette régulation.

La relation entre l’État et les concessionnaires doit être objectivée, les pouvoirs publics conservant toutes leurs prérogatives en matière de pilotage du réseau autoroutier. Je voudrais apporter quelques réponses concrètes à des interrogations qui ont été exprimées à ce sujet.

Je rappelle en premier lieu que, juridiquement, la privatisation des trois groupes ne modifiera pas les prérogatives de l’État en matière de construction, d’aménagement et d’exploitation. L’État restera maître de la décision de réaliser ou non de nouvelles sections autoroutières et décidera si elles doivent être à péage ou non. Ces décisions de principe resteront entièrement entre les mains de l’État et ne dépendront pas des sociétés privées. C’est également à l’État qu’il reviendra, demain comme aujourd’hui, de décider de la réalisation de nouveaux échangeurs sur les autoroutes existantes. Par ailleurs, lorsque l’État aura pris la décision de construire une nouvelle autoroute, c’est sous sa conduite et sa responsabilité que le tracé sera choisi et que le projet sera étudié jusqu’à la déclaration d’utilité publique, sans aucun changement par rapport aux procédures actuelles. Je tiens donc à dire que la politique d’aménagement du territoire ne saurait souffrir de la future configuration du secteur autoroutier.

M. Éric Besson. Ce n’est pas sérieux !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. En ce qui concerne les tarifs, je rappelle qu’ils sont aujourd’hui fixés de trois façons et, là encore, je tiens à rassurer nos concitoyens : aucun changement n’interviendra dans ce domaine. Pour les nouvelles sections d’autoroute, le tarif est l’un des éléments pris en compte pour choisir le concessionnaire dans le cadre d’une mise en concurrence. Pour les autoroutes existantes, un contrat d’entreprise est négocié et conclu en général pour une période de cinq ans. L’évolution des tarifs y est fixée en fonction du volume des investissements qui seront réalisés par le concessionnaire sur la période. Enfin, pour les autoroutes existantes ne faisant pas l’objet d’un contrat d’entreprise, les tarifs sont fixés par un arrêté interministériel qui fixe cette augmentation des tarifs à 0,7 fois l’inflation, c’est-à-dire moins que l’inflation. Comme vous l’avez dit, monsieur Bouvard, il n’y aura pas de différence en matière de tarifs.

Enfin, je rappelle que toutes les obligations de service public des concessionnaires figurent dans les cahiers des charges des concessions et font partie du contrat conclu avec l’État. Avant d’engager la cession de ses parts dans le capital des sociétés concernées, l’État a d’ailleurs renforcé les obligations à la charge des concessionnaires. J’ai également prévu de renforcer sensiblement les moyens que la direction générale des routes consacrera au contrôle de l’exécution des contrats de concession, à la fois sur le plan technique et sur le plan financier. L’attention de mes services portera aussi sur les services rendus aux usagers, car l’objectif est de passer d’une logique d’État actionnaire à un rôle de concédant public. Nous devons nous doter des moyens de cette nouvelle régulation à la charge de l’État.

Avant de céder la parole à Thierry Breton, je veux souligner pour conclure que le programme que je vous présente aujourd’hui est mis en œuvre au bénéfice des Françaises et des Français, des usagers du service public des transports dont je suis responsable au sein du Gouvernement. Je poursuis au travers de ce programme trois grands objectifs : les infrastructures, l’emploi et la sécurité. Avec les moyens exceptionnels que le Premier ministre a décidé de m’accorder, je veux atteindre ces objectifs qui m’apparaissent centraux, à la fois pour la vie quotidienne des Français, pour le développement du service public des transports et pour la croissance économique dans notre pays. Ce plan de travail pluriannuel qui va se concrétiser dès 2006 s’inscrit dans l’objectif de croissance sociale que le Premier ministre souhaite pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais revenir à mon tour sur trois points majeurs que j’ai notés au cours de ce débat.

Il s’agit tout d’abord des raisons qui ont poussé le Gouvernement et le Premier ministre à proposer la cession des sociétés autoroutières et à venir en discuter aujourd’hui, ainsi que des objectifs poursuivis. J’évoquerai ensuite les moyens mis en œuvre, les principes qui vont gouverner ces décisions et les dispositifs permettant de garantir les intérêts de l’État, notamment ses intérêts patrimoniaux, c’est-à-dire les intérêts de nos concitoyens. Enfin, la question de savoir selon quel type de procédure et selon quelles règles nous opérons est une interrogation légitime à laquelle il faut répondre sans se cacher. C’est bien pourquoi nous sommes aujourd’hui devant vous.

Certains orateurs ont contesté l’opportunité de la décision de privatiser certaines sociétés d’autoroutes et la méthode retenue par le Gouvernement. Je tiens à leur faire observer que le Premier ministre avait indiqué dans sa déclaration de politique générale – donc, pas en catimini ! – que la question de l’opportunité de privatiser les sociétés de services autoroutiers était à l’ordre du jour.

Nous avons ensuite déterminé dans quel cadre il convenait d’opérer : en l’occurrence, le titre III de la loi n° 86-912 du 6 août 1986, comme cela avait été le cas pour les trois précédentes mises sur le marché de sociétés autoroutières, dont la première s’est faite sous le gouvernement Jospin.

À la suite de cette annonce, nous avons regardé ce qu’il était possible de faire en toute transparence. Nous ne vivons pas dans une bulle : il y a des règles qui s’appliquent, des règles de droit ; les trois sociétés autoroutières sont des sociétés cotées qui respectent un certain nombre de principes et de précautions. En outre, l’appel d’offres a été lancé sur Internet, avec des informations consultables sous forme de data rooms. Mais, il est vrai, monsieur Balligand, que les sociétés, elles, sont protégées, car il faut préserver les intérêts en présence, ceux des sociétés cotées, donc des actionnaires minoritaires, ainsi que ceux des sociétés soumissionnaires.

M. Jean-Jacques Descamps. Bien sûr !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Aujourd’hui, je peux vous dire, au nom du Gouvernement, qu’il y a des sociétés intéressées, puisque nous avons obtenu 18 réponses. Le débat vient donc à point nommé, puisqu’il s’ouvre au moment où l’on sait qu’il existe des candidats prêts à participer aux tours de table.

Après l’échange constitué des questions que vous avez posées et des réponses que nous y avons apportées, on peut entrer dans la seconde phase. Celle-ci est en réalité enclenchée depuis vendredi dernier : nous avons écrit à ces 18 entreprises afin qu’elles nous confirment leur intérêt pour l’opération proposée, en faisant cette fois des propositions fermes, par lesquelles elles seront liées. Elles ont été invitées à nous faire parvenir leurs réponses avant la date du 7 novembre prochain.

Nous présenter devant vous avant de savoir s’il existait de réelles possibilités n’aurait pas été sérieux. Aujourd’hui, les informations en notre possession nous permettent de le faire, tout en respectant la personnalité morale des entreprises concernées.

Pourquoi cette opération constitue-t-elle une opportunité intéressante pour l’État, tant d’un point de vue patrimonial que d’un point de vue d’entreprise ?

Rappelons d’abord qu’il s’agit de sociétés de service de concession autoroutière. C’est le service constituant l’activité de ces entreprises que l’on privatise, et pas le macadam des autoroutes ! Du reste, ce sont des sociétés à part entière, soumises au droit des sociétés et au respect des minoritaires.

Ceux qui pensent que seul le fait que l’État soit actionnaire garantit les missions de service public, par le biais des délégations attribuées à ces entreprises n’ont, je m’excuse de le dire, absolument rien compris ! C’est le contrat, en effet, et non pas l’actionnaire, qui établit les responsabilités d’une entreprise.

M. Jean-Jacques Descamps. Bien sûr !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Eh oui, c’est comme ça que ça marche au XXIe siècle ! De grâce, ne mélangeons pas tout !

Nous avons donc renforcé les délégations de service public et les contrats. Dominique Perben l’a excellemment rappelé. Nous avons ainsi garanti que, quel que soit l’actionnariat, les contrats qui lient les obligations des sociétés concessionnaires et l’intérêt de la puissance publique soient confirmés et consolidés.

Cela étant, il s’agit d’entreprises de service qui, dans ce domaine, ont besoin d’investir. En effet, mesdames et messieurs les députés, le service autoroutier, aujourd’hui, c’est de plus en plus de technologie, c’est la voiture intelligente, c’est la gestion des flux, c’est la maîtrise des technologies de l’information qui vont permettre de mieux assurer la sécurité. Il faudra donc investir. Et c’est à ces entreprises, et non à l’État, qu’il appartiendra de le faire.

En outre, ces entreprises ont besoin de grandir et il faut leur donner les moyens d’être dynamiques au-delà des frontières nationales. Le macadam ne s’envolera pas pour autant sur un tapis volant !

M. François Sauvadet. C’est l’argent qui va s’envoler !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Car tout cela n’a rien à voir ni avec la nationalité des actionnaires, ni avec leur qualité. On ne parle que du service. Mais, j’y insiste, celui-ci nécessite des investissements.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous avons donc là, et ce point est très important, une valorisation des participations. Les titres mis au crédit de l’État ont de la valeur. Comment est-elle déterminée ? Le Saint-Esprit n’a rien à voir là-dedans. Plusieurs éléments interviennent dans le calcul : le taux d’actualisation des revenus futurs escomptés, les marchés et d’autres critères encore.

M. François Sauvadet. Allez droit au but, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. À cet égard, j’ai été très étonné en entendant certaines interventions. Il semblerait que plusieurs d’entre vous aient oublié que, pour contrôler le mieux possible les procédures lorsque des titres sont cédés, l’État s’est doté d’un instrument, la Commission des participations et transferts, ex-commission des privatisations. Elle a précisément pour rôle de vérifier que la cession se fait bien dans l’intérêt de l’État. Et si tel n’est pas le cas, elle peut s’y opposer. Je suis bien placé pour le savoir, étant devenu président de Thomson Multimédia dans ce contexte – certains s’en souviennent sans doute.

La Commission des participations et transferts a pour mission de répondre aux questions que vous vous êtes posées. Elle est dotée de tous les moyens nécessaires pour croiser l’ensemble des éléments – valorisation boursière, taux d’actualisation, etc. – et vérifier si le prix proposé est juste ou, au contraire, bradé parce qu’on aurait notamment sous-évalué les revenus futurs. Nous sommes donc protégés par sa décision. N’ayons pas le débat à sa place. La République a institué des règles, respectons-les !

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Venons-en à la question de savoir si l’on a intérêt à vivre des dividendes escomptés, un peu comme un rentier – et il n’y a pas de honte à être rentier –, ou si l’on doit miser sur l’optimisation de la valorisation après avoir pris toutes les garanties nécessaires ? Vaut-il mieux de l’argent tout de suite ou prendre des paris sur d’hypothétiques revenus ? Qui peut savoir, en effet ? Daniel Paul, et c’était formidable, a fait l’apologie de ces entreprises, qui devaient verser de gros dividendes. Voilà la preuve qu’on évolue… Cela étant, et je suis bien placé pour le savoir, c’est aléatoire les dividendes. Qui peut dire que, dans trente ans, ils seront normalisés ? Contrairement à ce que certains ont affirmé sur ces bancs, ces entreprises autoroutières n’ont pas été financées par le contribuable. Elles l’ont été grâce à l’emprunt.

M. François Bayrou. C’est le contribuable et l’usager qui ont payé !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. C’est faux ! C’est précisément parce que ces trois sociétés ont aujourd’hui 20 milliards de dettes, du fait de l’emprunt, que les revenus futurs et les dividendes vont être obérés. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont historiquement au plus bas. Mais que se passera-t-il s’ils augmentent pendant trente ans ? Croyez-vous que les dividendes resteront identiques ? Si tel est le cas, vous vous trompez ! Et si le prix du baril de pétrole continue à augmenter, ce que nous ne souhaitons pas, le trafic autoroutier va-t-il se poursuivre dans les mêmes conditions ? Nous ne pouvons pas le savoir. Tous ces éléments sont précisément pris en compte dans les taux d’actualisation.

S’agissant de la transparence, afin de mettre tout le monde en concurrence, et d’optimiser à la fois le choix et le projet industriel mais également les moyens que nous allons en tirer, nous avons désigné, avec Dominique Perben, une personnalité indépendante en la personne de M. Jean-Louis Faure qui supervise l’ensemble du processus et qui rendra des comptes.

De quel ordre seront les revenus escomptés ? 10, 12, 14 milliards d’euros ? Nous verrons bien. Il est sûr en tout cas que le processus mis en place permettra d’optimiser au mieux les ressources escomptées pour l’État.

Que ferons-nous ensuite de cette somme ? C’est là aussi une bonne question. Dans le projet de loi de finances qui va vous être soumis dans quelques jours, nous avons indiqué que nous escomptions au moins 14 milliards d’euros de recettes de privatisation l’année prochaine. Si les offres se concrétisent, et si donc nous obtenons la valorisation que nous souhaitons pour les trois sociétés, nous devrions atteindre cette somme, compte tenu des autres opérations à venir. Comment l’utiliser alors que le Gouvernement souhaite consacrer les ressources disponibles à l’emploi, à l’industrie mais aussi au désendettement ?

D’abord, nous l’avons dit, 4 milliards d’euros seront affectés à l’AFITF. D’autres ressources serviront à financer les agences qui permettront de doper la recherche et le développement dans notre pays.

Ensuite, et j’ai été le premier à le dire avec force, nous avons aujourd’hui près de 1 100 milliards d’euros de dettes. C’est là un problème majeur pour notre pays et il faut impérativement le traiter. Il faut commencer par cesser de dire qu’un milliard de désendettement ne représente qu’une goutte d’eau. Nos successeurs devront bien avoir à l’esprit qu’il est politiquement gratifiant de s’attaquer au problème de la dette, car c’est de nos enfants qu’il s’agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dix milliards d’euros de dette aujourd’hui, cela ferait 30 milliards à rembourser dans trente ans puisque le taux de la dette est de 3,5 % ! Ces chiffres montrent l’intérêt de procéder tout de suite au désendettement pour éviter l’effet boule de neige. Nous y consacrerons une part importante du produit de la privatisation.

S’agissant de la procédure et du droit – et j’aborde ce point sans chercher à polémiquer car mon objectif, comme celui de Dominique Perben, de tout le Gouvernement et du Premier ministre est de servir le pays dans des conditions difficiles mais en toute transparence –, des questions fort légitimes ont été posées sur le cadre dans lequel s’effectuait cette opération.

Nous nous sommes attachés tout d’abord à observer comment avaient été traitées par le passé les mesures relatives à l’actionnariat salarié, qui relève en effet des titres II et III de la loi de 1986. Nous avons constaté que tout le monde avait toujours opté – et cela n’avait pas fait débat – pour les dispositions du titre III. La question, qui devait être posée, a donc été tranchée.

Mais certains, dans cet hémicycle, ont estimé légitime de la reposer. Pourquoi pas ? Après avoir fait faire toutes les analyses préalables – et je rappelle que nous sommes toujours en phase préalable –, j’ai donc moi-même saisi le Conseil d’État. Voici les deux questions que je lui ai posées :

« 1° La privatisation des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes (ASF, APRR, SANEF) se heurte-t-elle à un obstacle d’ordre constitutionnel, au regard notamment du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ? »

M. François Bayrou. Ce n’est pas le sujet !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. « 2° La procédure envisagée par le Gouvernement, reposant sur l’application des dispositions du titre III de la loi n° 86-912 du 6 août 1986, eu égard à la composition de l’actionnariat des sociétés d’autoroutes, est-elle conforme aux règles de procédure fixées par les textes législatifs régissant les opérations de privatisation ? »

Voici à présent les conclusions du Conseil d’État – et je peux vous transmettre ce document :

« L’application des dispositions appelle les observations suivantes.

« En premier lieu, l’État détient moins de 50 % du capital de chacune des sociétés ASF, APRR et SANEF.

M. François Bayrou. C’est faux ! Ouvertement faux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je cite le Conseil d’État, monsieur le député !

« La circonstance que, d’une part, l’État et, d’autre part, Autoroutes de France, personne morale de droit public créée en 1982 et distincte de l’État, détiennent ensemble la majorité du capital de ces sociétés n’est pas de nature à faire regarder celles-ci comme “directement” détenues à titre majoritaire par l’État au sens du I de l’article 7 précité de la loi du 2 juillet 1986. 

« En second lieu, si l’article 4 de la loi susvisée du 18 avril 1955 a ouvert à l’État la faculté de concéder “soit la construction et l’exploitation d’une autoroute, soit l’exploitation d’une autoroute, ainsi que la construction et l’exploitation de ses installations annexes”, la circonstance que les sociétés ASF, APRR et SANEF, initialement constituées entre des collectivités locales et la Caisse des dépôts et consignations, se sont vu confier de telles concessions en application de ces dispositions ne saurait les faire regarder comme entrées dans le secteur public en application d’une disposition législative. »

Conclusion : « Les sociétés ASF, APRR et SANEF ne sont donc pas au rang des sociétés visées par les dispositions précitées dont la privatisation doit être approuvée par la loi. »

Mesdames et messieurs les députés, c’est donc bien le titre III qui s’applique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Bayrou. En l’occurrence, le Conseil d’État n’est pas une juridiction !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Premier ministre vous avait d’ores et déjà donné tous ces éléments. Apparemment cela ne suffisait pas. Mais nous sommes parfaitement transparents. Je communiquerai à tous ceux qui le souhaitent la réponse du Conseil d’État.

M. François Bayrou. Cela n’a rien à voir ! Nous obtiendrons un jugement !

M. le président. Monsieur Bayrou, seul M. le ministre a la parole !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. S’agissant toujours de la transparence, il est vraiment indispensable de procéder comme nous le faisons. Ces sociétés sont cotées, en effet, nous devons les respecter et nous rendrons compte lorsque les offres seront fermes. Mais, pour l’heure, nous devons aussi respecter ceux qui présentent ces offres et les accords de confidentialité qui ont été passés.

Vous m’avez interrogé par ailleurs sur les actionnaires minoritaires. La question méritait effectivement d’être posée. Ceux-ci ont bénéficié d’une valorisation très significative de ces entreprises depuis leur origine, et c’est tant mieux. Cela dit, nous ne savons pas encore quelle procédure sera adoptée.

Ce que je peux vous dire, c’est que pour assurer la meilleure protection des actionnaires minoritaires, il y avait deux solutions, dont l’une consistait à vendre les actions de l’État au fil de l’eau, ce qui s’appelle en termes boursiers l’effet de « coiffage » : on met sur le marché un nombre important d’actions et leur abondance fait baisser les cours. Cette opération, évidemment, ne protège ni les intérêts des actionnaires minoritaires, c’est-à-dire les petits actionnaires, ni les intérêts patrimoniaux de l’État. Afin d’éviter la décote, nous avons choisi de lancer un appel à candidature.

Je vous indique par ailleurs que la cession de la prime de contrôle, d’une valeur de 10 à 20 %, augmentera la valeur du titre. De ce fait, tous les actionnaires, l’État comme les plus petits d’entre eux, verront leur valorisation augmenter.

Nous avons été attentifs à préserver et à optimiser les intérêts de tous. C’est le souci, je le dis avec force, qui nous a animés. Pour certaines de ces entreprises, il sera peut-être nécessaire de mettre en œuvre des offres publiques d’achat. Les actionnaires auront alors la liberté d’y apporter leurs titres, conformément aux dispositions du droit boursier. Je le répète, les intérêts de tous ont été intégralement préservés et optimisés, qu’il s’agisse de l’État ou des actionnaires minoritaires.

Je veux vous dire pour conclure, mesdames et messieurs les députés, que notre objectif est d’optimiser la gestion de l’AFITF et de garantir la disponibilité de ses ressources tout en préservant l’ensemble de ses dotations, comme l’a indiqué Dominique Perben. Nous allons faire en sorte d’améliorer le service rendu et de préserver l’intérêt des usagers, en leur offrant la garantie que les prix n’augmenteront pas, puisqu’ils sont, je le répète, fixés dans le cadre des contrats de concession et non parce que l’État est l’un des actionnaires.

Oui, mesdames et messieurs les députés, cette opération est importante pour l’État. Oui, nous avons pris toutes les précautions pour qu’elle respecte les intérêts des uns et des autres. Oui, nous vous garantissons qu’elle se déroulera dans la transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le débat est clos.

ORDRE DU JOUR DE L’ASSEMBLÉE

M. le président. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au vendredi 28 octobre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a reporté le vote solennel sur le projet de loi d’orientation agricole au mardi 18 octobre, après les questions au Gouvernement, et décidé que celui sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 aurait lieu le mercredi 2 novembre, après les questions au Gouvernement.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2341, d’orientation agricole :

Rapport, n° 2547, de M. Antoine Herth, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2544, de Mme Brigitte Barèges, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 2548, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)