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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 13 octobre 2005

18e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Détecteurs de fumée

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Pierre Morange et Damien Meslot visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation (nos 2535, 2554).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Damien Meslot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, mes chers collègues, ces six derniers mois, notre pays a connu une succession d'incendies qui ont entraîné de nombreux décès et mis en évidence le retard de notre législation dans le domaine de la protection contre le risque incendie.

Ce retard n'est plus admissible, comme en témoignent les chiffres. Le nombre d'incendies d'habitation est en progression constante dans notre pays, puisqu’il est passé de 51 000 à 98 000 entre 1981 et 2003.

En France, les conséquences en termes de coût humain et matériel sont bien plus élevées que dans tous les pays qui nous entourent. Selon les compagnies d'assurances, on dénombre en effet 250 000 incendies d'habitation environ chaque année, provoquant en moyenne 800 décès et 10 000 blessés.

Les habitants de mon département, le Territoire-de-Belfort, ont payé un lourd tribut aux incendies. Le 8 mars 1989, un incendie criminel a entraîné la mort de quinze jeunes gens, et je veux ici avoir une pensée pour Ana, Béatrice, Thierry, Pascal, Emmanuel, Franck, Jean-Christophe, Jean-Louis, Pascal, Patrick, Sonia, Sylviane, Thierry, Béatrice, et Philippe ainsi qu'aux trois victimes de l'incendie du 26 juin 2003 : Adeline, Maud, et Philippe.

Ces tristes événements reflètent une réalité que nous ne pouvons plus tolérer, celle du sous-équipement des habitations françaises en matériel de prévention et de protection contre l'incendie.

Qu'on en juge : aujourd'hui en France, moins de 1 % des habitations privées sont équipées de DAAF, les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, et malgré la multiplication des campagnes nationales de prévention incendie on ne constate toujours pas de progression significative du taux d’équipement de nos logements. Cela est dû au caractère inadapté de notre législation pour inciter les occupants de logements à s'équiper.

Face à ce constat, comment accepter que certains lobbies se coalisent pour poser calmement la question d'une vie sauvée ?

Comment continuer à défendre le caractère inutile, voire dangereux, des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, comme je l'ai entendu récemment, alors que de très nombreux pays occidentaux ont mis en place depuis plus de dix ans des législations extrêmement efficaces ?

Comment s'opposer à la philosophie de cette proposition de loi alors que la Commission de sécurité des consommateurs, autorité administrative indépendante, propose depuis 1994 aux pouvoirs publics d'inciter les particuliers à installer des détecteurs de fumée, que l'Association des brûlés de France, qui fédère la plupart des associations de victimes d'incendies, conduit depuis de nombreuses années des campagnes en faveur des DAAF et que d'éminents professeurs de médecine, spécialistes du traitement des grands brûlés, rassemblés au sein de la Société française d'études et de traitement des brûlures, appellent cette loi de leurs vœux depuis des années ?

Enfin, permettez-moi d'évoquer le point de vue des professionnels en charge de lutter contre les incendies qui, par l'intermédiaire du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, ont indiqué récemment au directeur de la sécurité civile dans un courrier officiel que la FNSPF ne peut être que favorable par principe à la perspective d'une modification du code de l'urbanisme et du code de la construction et de l'habitation tendant, comme l'ont suggéré plusieurs propositions de loi déposées au Parlement durant la présente législature, à rendre obligatoire l'installation de DAAF dans les immeubles d'habitation.

Je le dis clairement en tant que rapporteur, il n'est plus temps de s'abriter derrière des paravents techniques ou, pire, des paravents budgétaires pour retarder le débat parlementaire qui nous rassemble ce matin. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Il s'agit aujourd'hui de sauver 400 à 500 vies par an.

En effet, s'agissant de la prévention des incendies, nous sommes obligés de constater que notre législation se réduit au contenu de l'arrêté ministériel du 31 janvier 1986 qui ne concerne que les immeubles de grande hauteur et les immeubles neufs ou rénovés, construits ou rénovés après 1986 et exclut totalement de son champ d'application les habitations individuelles. En fait, cette réglementation ne concerne que 17 % de l'habitat privé et public.

Le nombre total de logements ne répondant pas à la réglementation de 1986 sur la prévention incendie est de 23,8 millions, sur un parc total de 28,7 millions de logements recensés par l’INSEE en 1999. Ces lacunes de notre législation en matière de prévention incendie de l'habitat privé ne sont plus tolérables.

Il est du devoir de la représentation nationale de se saisir de cette question pour que la volonté politique dont a fait preuve récemment le Gouvernement, suite aux drames qui sont survenus cet été, puisse être accompagnée et relayée dans la durée.

M. Jean-Louis Dumont. La présence de détecteurs de fumée n’aurait rien changé. Il s’agissait de logements insalubres ! Que faites-vous pour lutter contre ça ?

M. Damien Meslot, rapporteur. Des exemples étrangers nous ont montré le chemin. Il faut savoir s'inspirer des expériences de nos voisins quand elles sont positives, même si nous devons les adapter à notre législation nationale.

Aux États-Unis, en Norvège, au Canada, en Grande- Bretagne, plus récemment aux Pays-Bas et en Belgique, les Parlements ont voté des lois pour rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée. Dans ces pays, le taux d'équipement en détecteurs avertisseurs autonomes de fumée varie désormais entre 85 et 98 % – contre moins de 1 % en France. Dans les États où la législation existe depuis plus de dix ans, le taux de 80 % est largement dépassé.

S'agissant des effets, ils sont plus que positifs. Dans les pays où une législation impose l'installation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée et où le taux d'équipement des foyers est supérieur à 90 %, on constate une réduction de 50 % du nombre de décès dus aux incendies d'habitation ainsi qu’une baisse de 50 % du nombre des incendies nécessitant l'intervention des secours.

À l’inverse, on constate dans ces pays que les foyers non équipés sont très exposés au risque, puisque 50 % des incendies se déclarent dans les foyers non équipés et que 75 % des décès ont lieu dans ces mêmes foyers.

Aux États-Unis, le nombre de décès par incendie domestique a chuté, après l’adoption de la loi, de 6 000 en 1978 à 3 640 en 1995. En Grande-Bretagne, pays similaire au nôtre en matière de population – 59,2 millions d'habitants – et au vu du nombre de logements – 25,4 millions –, les décès ont régressé passant de 700 par an dans les années 80, à 450 en 1994.

Ces exemples étrangers ont un point commun : ils démontrent que l'obligation d'installer un DAAF, après une période de trois à quatre années de campagnes d'information, a pour effet de porter le taux d'équipement en détecteurs de fumée des foyers privés au-delà de 80 %.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec mon collègue Pierre Morange, vous soumettre une proposition de loi qui vise à rendre obligatoire l'installation de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée dans tous les immeubles d'habitation privés et publics. Ce texte est le fruit d'une réflexion conduite depuis de nombreux mois avec les principaux acteurs de la prévention et de la lutte contre l'incendie.

À ce sujet, je tiens à remercier le Premier ministre, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et le ministre du logement pour le soutien déterminé qu'ils nous ont témoigné tout au long de la mise en œuvre de cette législation.

Je remercie également les associations de victimes, les associations professionnelles de fabricants de matériels de prévention incendie qui, par leurs conseils précieux et leurs actions de sensibilisation des pouvoirs publics, ont facilité l'émergence du débat parlementaire qui nous réunit aujourd'hui.

Bien entendu, cette proposition de loi, n'a pas la prétention de réduire d'un coup de baguette magique les conséquences dramatiques des incendies domestiques en vies humaines et blessés graves. Elle doit plutôt être considérée comme une étape et un élément capital de la stratégie globale que les pouvoirs publics et les acteurs professionnels doivent mettre en place en matière de politique de prévention des incendies.

Cette législation, imposant aux particuliers d'installer des DAAF, ne pourra rencontrer sa pleine efficacité qu'à partir du moment où les pouvoirs publics accompagneront le législateur par la mise en œuvre d'une stratégie globale de prévention du risque incendie pour les particuliers.

Cette stratégie passe à notre avis par la création d’une agence nationale de prévention incendie, sur le modèle de l’Association française de prévention routière.

Nous souhaitons enfin que le ministère du logement engage sans tarder une réflexion sur les mesures réglementaires à prendre afin d’étendre les prescriptions contenues dans l’arrêté du 31 janvier 1986 au parc de logements non couvert par ce texte,

Notre proposition de loi modifie le chapitre IX du titre II du code de la construction et de l’habitation en créant une section II, à la suite de l’article L. 129-7, intitulée : « Détecteurs avertisseurs autonomes de fumée ». Elle dispose que chaque occupant d’un logement, ou le cas échéant son propriétaire, aura l’obligation d’installer au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée, et de veiller à sa bonne maintenance.

Au cours de la discussion des articles, je proposerai de supprimer l’article 3 qui prévoyait l’application par les assurances d’une sur-franchise majorée en cas de sinistre incendie dans un logement non équipé d’un détecteur de fumée.

M. Jean-Louis Dumont. Ne pas indemniser surtout, tel est l’objectif !

M. Damien Meslot, rapporteur. En revanche, la commission des affaires économiques a voté un amendement que je lui ai proposé, visant à préciser que les assureurs pourront minorer la prime d’assurance en cas d’installation d’un DAAF. Nous souhaitons, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne notamment, que les compagnies d’assurance s’engagent à faire un geste commercial en faveur de leurs clients qui auront souhaité se conformer rapidement à cette législation.

M. Jean-Louis Dumont. Quelle compassion commerciale !

M. Damien Meslot, rapporteur. Ce texte prévoit de laisser un délai de cinq ans pour se conformer aux obligations de la loi et de remettre au Parlement un rapport d’étape sur la mise en place des détecteurs, un an après l’entrée en vigueur de la loi.

L’installation du DAAF est simple, il suffit de le fixer à l’aide de deux vis au plafond d’une pièce. Sa maintenance l’est aussi. Elle consiste à changer une pile qui s’achète, comme le détecteur, en grande surface. L’appareil prévient l’utilisateur par une sonnerie, lorsque la pile est usée. Le coût d’acquisition du DAAF s’élèvera en moyenne à quinze euros, une fois que le texte aura été adopté, car les fabricants pourront en produire en plus grande quantité.

Il n’est pas de semaine, malheureusement, sans qu’un fait divers dramatique nous rappelle les conséquences effroyables que peut avoir un incendie. Nous devons donc compléter sans tarder notre législation, pour donner un signal fort à nos concitoyens, afin qu’une réelle prise de conscience ait lieu dans notre pays et que chacun d’entre nous se sente désormais pleinement responsable de la protection de son logement contre l’incendie.

Il s’agit non pas de faire peser de nouvelles obligations sur nos concitoyens,...

M. Jean-Louis Dumont. Ça revient à ça !

M. Damien Meslot, rapporteur. ...mais de les inciter à mettre en œuvre un dispositif simple qui permettra de sauver 400 à 500 vies par an et de réduire de moitié le nombre de brûlés qui s’élève chaque année à 10 000 dans notre pays. Si cette proposition de loi parvient à atteindre cet objectif, alors la représentation nationale aura fait œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Dumont. Pas un mot sur le logement indigne et insalubre !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Dumont. Des crédits pour les PALULOS ! Vous, monsieur le ministre, vous saurez nous entendre !

M. le président. Monsieur Dumont, vous aurez la parole tout à l’heure !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. D’abord, merci de soulever ce problème.

À la suite des accidents dramatiques que nous avons connus, nous avons confié une mission à Patrick Doutreligne et à Philippe Pelletier – l’un venant de la Fondation Abbé Pierre, l’autre en qualité de président de l’ANAH, l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat –, chargée de proposer des mesures concrètes pour améliorer la sécurité des occupants de logements individuels collectifs, et/ou de logements d’urgence. Dans leur rapport rendu public il y a soixante-douze heures, et qu’ils ont rédigé après avoir effectué 150 auditions, ils font état de l’extraordinaire mobilisation des acteurs. Ils ont rencontré les associations, les professionnels du secteur, les spécialistes de la sécurité civile, qui englobe non seulement la lutte contre l’incendie, mais aussi l’ensemble des problèmes de santé et de sécurité.

Parmi les sujets qu’ils ont étudiés au fond, l’incendie occupe une place majeure. Trois types de propositions ont été avancées, qui rejoignent en partie cette proposition de loi.

Premier point, crucial aux yeux des auteurs du rapport, la sensibilisation aux comportements à adopter en cas de sinistre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Jean-Louis Dumont. Très juste !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ainsi, la nature et le lieu de l’incendie peuvent induire une conduite à suivre strictement inverse, selon que le foyer se produit dans un logement ou une partie commune, par exemple. Pour ne pas aggraver les choses, il faut, dans le premier cas, alerter les services de sécurité incendie et les voisins, puis sortir, dans le second, rester chez soi et se calfeutrer. C’est dire l’importance de sensibiliser la population, mais cela n’est pas évident. Aucun d’entre nous ne peut avoir la certitude de faire spontanément le bon geste s’il est confronté à la situation. Une grande campagne de sensibilisation est nécessaire, et tous les pays étrangers qui ont obtenu des résultats en la matière ont commencé par là.

M. Jean-Louis Dumont. Un mot d’ordre : la prévention !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons donc décidé de lancer dès la fin de l’année, en concertation avec les professionnels – c’est-à-dire les représentants des bailleurs, le ministère de l’intérieur, la sécurité civile, le ministère du logement –, une grande campagne de sensibilisation, sous forme de spots diffusés aux heures de très grande écoute. Ils délivreront des messages conçus par des commissions ad hoc, destinés à des publics cibles, dans un langage compréhensible, et peut-être dans différentes langues.

Deuxième point, il faut améliorer les capacités de confinement et d’extinction de l’incendie sur place : chaufferie, local à poubelles ou à usages divers. En accord avec Patrick Doutreligne et Philippe Pelletier, nous allons prendre des mesures pour isoler et équiper de sprinklers allégés les locaux mis à disposition des habitants des immeubles collectifs.

Troisième point, les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. Il faut, sur ce sujet, être à l’écoute de ce que disent les uns et les autres et s’inspirer des expériences étrangères avant de prendre nos responsabilités.

Personne ne peut contester que l’installation d’un avertisseur autonome de fumée dans les logements est une avancée. Personne non plus n’a la naïveté de penser que cette mesure, sans être accompagnée d’un savoir-faire et d’une sensibilisation des publics concernés, serait efficace. Tout le monde est d’accord aussi pour étaler cette action dans le temps, dans le cadre d’une sensibilisation générale. De même, chacun convient que c’est à l’occupant que l’initiative incombe, ce qui ne veut pas dire pour autant que c’est à lui de payer l’essentiel de la charge. Enfin, il s’agit d’un sujet d’intérêt collectif et, dans un pays de concertation comme le nôtre, les assureurs, les bailleurs et l’État doivent pouvoir s’entendre pour concrétiser cette avancée, d’abord dans les constructions neuves, ensuite en étendant progressivement le dispositif aux autres logements par un financement partagé. Ce pays a le génie d’opposer les uns aux autres, en l’occurrence les locataires aux propriétaires. Mais quand il s’agit de la sécurité de nos compatriotes, l’enjeu est la non-assistance à personne en danger. Merci donc d’avoir déposé cette proposition de loi.

De son côté, le Gouvernement va mener les concertations nécessaires pour que la charge du financement soit partagée avec les assureurs.

Mme Annick Lepetit. La concertation aura-t-elle lieu avant ou après la loi ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous mettrons en place les moyens d’une sensibilisation – la pédagogie est vraiment indispensable – conformément au rapport Doutreligne-Pelletier. Prendre acte aujourd’hui avant de s’occuper du financement revient à enclencher une mécanique qui permettra à nos concitoyens d’être mieux protégés contre le risque incendie, et c’est une bonne chose. Il est donc inutile de polémiquer.

Mme Annick Lepetit. La proposition de loi est donc retirée ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. En ce qui concerne l’état général des habitations, la situation du parc privé, parfois dramatique, voire scandaleuse, nécessitait l’intervention du législateur. Le Parlement nous a autorisés dans la loi de cohésion sociale à prendre une ordonnance pour permettre aux maires d’intervenir plus rapidement sur l’habitat indigne. Elle sera publiée dans les semaines qui viennent. Les autorités publiques auront alors les moyens de mettre un terme à une situation inacceptable.

Par ailleurs, l’ensemble des partenaires est convaincu de l’intérêt de mettre en place, en matière d’habitat, une police unique, qu’elle soit déléguée ou non. Entre les polices de sécurité et de santé publique, la répartition des rôles est plutôt confuse. Les procédures se télescopent ou se neutralisent les unes les autres. Nous avons donc demandé à la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction de faire ses propositions sous quatre mois.

L’état de dégradation de l’habitat social est très important, comme l’avait souligné la Fondation Abbé Pierre dans son rapport il y a deux ans : 600 000 logements indignes de plus. Le programme de rénovation urbaine qui a pour vocation de réhabiliter, de « résidentialiser » le parc en grande difficulté se déroule conformément aux prévisions. Il devra sans doute être augmenté, de l’ordre de 5 milliards d’euros, pour que ces logements, répartis sur tout le territoire national, soient à la hauteur des espérances de leurs habitants.

Telle est, monsieur le rapporteur, la position du Gouvernement sur votre proposition de loi : un accord sur le principe de la diffusion des avertisseurs, avec la prudence que vous connaissez, et des moyens complémentaires que l’État mettra, y compris dans la concertation avec les assureurs sur le financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tenter de sauver des vies qui peuvent être sauvées, d’éviter des drames qui peuvent être évités, c’est le seul et unique objectif qui nous réunit ce matin.

Je n’oublierai jamais le témoignage bouleversant de cette maman qui est venue me voir, il y a maintenant deux ans, pour me demander d’agir afin d’éviter que d’autres familles ne vivent l’horreur qui a frappé la sienne lorsque sa fille aînée est décédée, brûlée vive et consciente, alors qu’elle passait une soirée avec deux camarades. Avec un détecteur de fumée, cette jeune fille aurait eu le temps de s’échapper.

Je me suis engagé dans ce combat aux côtés de cette femme et je serai très heureux de pouvoir, grâce à vous tous je l’espère, tenir ma promesse devant elle et sa famille.

Je n’ignore pas les critiques qui commencent à s’élever ici ou là, et je comprends l’exaspération des Français excédés par les multiples obligations qu’on leur impose. Le risque zéro n’existe pas et je ne suis pas de ceux qui prônent l’accumulation d’exigences supplémentaires aux frais de nos concitoyens.

Mme Annick Lepetit. Ah !

M. Pierre Morange. Il s’agit, tout simplement, d’éviter des drames grâce à une mesure très simple et peu coûteuse. La Fédération nationale des sapeurs pompiers et l’Association des grands brûlés, qui sont confrontées chaque jour au feu et à ses conséquences, savent qu’il est urgent de mettre en place un tel dispositif, en dépit de son évidente imperfection.

Le texte que nous vous présentons, Damien Meslot et moi-même, requiert donc une attention toute particulière. Il a été rappelé que, chaque année, les incendies domestiques causent quelque 800 décès et blessent plusieurs milliers de personnes. Depuis vingt ans, les sinistres par le feu sont en constante augmentation : on en dénombre plus de 100 000 par an, qui font l’objet de 250 000 déclarations.

Statistiquement, un Français sur trois sera victime d’un incendie au cours de sa vie. Pendant les quelques minutes de mon intervention, notre pays aura connu près de sept incendies.

Les drames qui nous ont frappés récemment ne peuvent nous laisser indifférents. Dois-je rappeler le dernier en date, celui de L’Haye-les-Roses, dans la circonscription de notre collègue Richard Dell’Agnola, et toutes ces vies volées par le feu qui ont tant ému le pays ? À chaque décès, à chaque vie cassée, il faut ajouter la douleur des familles qui ne peuvent oublier leurs proches disparus.

De plus, les grands brûlés connaissent non seulement d’atroces douleurs physiques, mais encore d’horribles souffrances morales. Avons-nous déjà pris le temps de mesurer le calvaire de ces femmes et de ces hommes, que l’on croise parfois, aux visages à tout jamais défigurés, aux corps meurtris, aux intimités brisées ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Annick Lepetit. N’en rajoutez pas !

Mme Muguette Jacquaint. Cela suffit !

M. Pierre Morange. C’est la stricte réalité !

M. le président. Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ses propos sont insupportables !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, même si l’intervention de votre collègue ne vous plaît pas, vous êtes prié de le laisser s’exprimer !

Mme Muguette Jacquaint. Un peu de décence, tout de même !

M. le président. Madame Jacquaint, la remarque que j’ai adressée à M. Lebouillonnec vaut pour vous également !

Mme Annick Lepetit. Il n’en reste pas moins que les propos de notre collègue sont à la limite du supportable !

M. Pierre Morange. Mes propos ne sont en rien motivés par un quelconque chantage affectif !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Annick Lepetit. Vous n’abordez pas la question du logement !

Mme Muguette Jacquaint. Notre pays compte des milliers de logements insalubres et vous n’en dites pas un mot !

M. le président. Personne, dans cet hémicycle, n’a le monopole de la politique du logement ! Laissez votre collègue s’exprimer, sinon vous vous exposerez aux mêmes risques d’interruptions lorsque vous vous exprimerez à votre tour.

Mme Annick Lepetit. Je n’ai là-dessus aucun doute !

M. le président. Madame Lepetit, je vous prie de vous calmer. Soyez d’ailleurs certaine que je serai très attentif au temps de parole de chaque orateur.

Pour le moment, c’est M. Morange qui s’exprime, et il a quinze minutes pour le faire.

M. Pierre Morange. Je le répète : mes propos ne sont en rien motivés par un quelconque chantage affectif ! Ils témoignent d’une réalité médicale à laquelle j’ai été confronté en tant qu’ancien praticien.

L’installation de détecteurs autonomes avertisseurs de fumées dans chaque logement, individuel ou collectif, neuf ou ancien, constitue une solution efficace pour sauver des vies : très concrètement, ils permettront d’épargner plus d’une vie par jour.

Or, le taux d’équipement actuel étant inférieur à 1 %, le dispositif, que l’on trouve en vente à un prix très modeste, doit être généralisé. Dans les pays qui ont adopté une législation spécifique en la matière – notamment la Norvège, le Canada ou le Royaume Uni –, le nombre des décès causés par des incendies a baissé de près de 60 %. Je rappellerai que 70 % des incendies mortels se produisent la nuit et que 80 % des décès sont dus à une intoxication par inhalation de la fumée. En effet, contrairement aux idées reçues, la fumée chargée en monoxyde de carbone, loin de réveiller la victime, la plonge dans un sommeil profond et, trop souvent, mortel. La détection précoce et sonore des incendies revêt donc un caractère impératif et vital.

C’est pourquoi je tiens à remercier M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement pour le soutien...

Mme Annick Lepetit. Modéré !

M. Pierre Morange. …qu’il a apporté à cette proposition de loi, et j’adresse également, comme le rapporteur, ces remerciements au Premier ministre ainsi qu’à tous les ministres concernés.

Je tiens à rappeler de nouveau que ce texte n’a pas pour objectif d’imposer une obligation supplémentaire,…

Mme Annick Lepetit. Que fait-il d’autre ?

M. Pierre Morange. …mais de sensibiliser chaque citoyen aux risques d’accidents domestiques, notamment d’incendie. Il est toujours urgent de sauver des vies. Personne, aujourd’hui, n’envisage de remettre en question l’obligation de porter la ceinture de sécurité en voiture. Nous devons donc agir pour rattraper notre retard dans le domaine de la prévention. Alors que nos voisins britanniques étudient le renforcement de leur législation sur le renouvellement et l’entretien des DAAF, la France, en la matière, n’en est qu’à ses balbutiements.

Cette proposition de loi permet d’avancer concrètement sur la voie de la politique de prévention ambitieuse que le Gouvernement souhaite initier en matière d’accidents domestiques. L’objectif de cette politique sera d’apporter une réponse plus globale à la première cause de mortalité accidentelle en France. En effet, chaque année, les accidents domestiques provoquent 20 000 morts, soit trois fois plus que la route, sans que nous ayons mis en place des dispositifs aussi puissants que ceux existant en matière de sécurité routière.

Il est temps de sensibiliser le plus grand nombre de nos concitoyens aux dangers de la vie quotidienne : la plupart de ces accidents ne sont pas une fatalité. À l’avenir, en tout cas, les incendies domestiques ne devront plus l’être. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que s’ouvrent nos débats sur la proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation, chacun d’entre nous, bien évidemment, a en mémoire les incendies tragiques de l’été dernier au cours desquels des dizaines de personnes ont trouvé la mort.

Si les incendies survenus dans les squats et les habitats insalubres sont la conséquence directe et dramatique de la crise du logement en France, les incendies qui ont frappé des immeubles mieux entretenus ont brutalement rappelé à nos concitoyens et aux pouvoirs publics une terrible réalité : chaque année, en France, 800 personnes meurent dans l’incendie de leur logement.

Sur l’ensemble de ces bancs, nous partageons naturellement le même objectif : tout faire pour améliorer la prévention et la lutte contre les incendies. C’est, je l’espère, à l’aune de cet objectif commun que les positions de chacun seront appréciées.

Mon groupe estime, pour sa part, que cette proposition de loi ne permettra pas de l’atteindre. Nous comprenons que l’émotion suscitée par les drames de l’été dernier interpelle le législateur et que celui-ci considère que l’opinion publique attend de sa part une réaction rapide et efficace, mais nous pensons que ce texte, limité par son objet même à une simple disposition technique, loin de contribuer à l’amélioration de la situation, risque au contraire de l’aggraver – ce que vous avez vous-même laissé entendre, monsieur le ministre. En effet, en dépit de ses bonnes intentions, cette proposition à contretemps soulève davantage de problèmes qu’elle n’en résout.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nos principales inquiétudes tiennent tout autant à la méthode employée pour lutter contre les incendies qu’au coût du dispositif envisagé.

Il ne convient pas de minorer le problème posé par le coût d’une installation systématique de détecteurs de fumée. Les estimations sont extrêmement floues puisque notre rapporteur lui-même a reconnu qu’il peut varier entre dix et cent euros pièce. Au prix d’achat initial, il faut encore ajouter les dépenses d’installation et d’entretien, dont le montant est estimé à dix euros par an. Quand on sait qu’il faut compter deux détecteurs par appartement en moyenne et que leur durée de vie est limitée à cinq ans, on s’aperçoit que la charge financière représentée par la mise en place obligatoire et systématique de détecteurs de fumée atteint des proportions considérables.

II faut donc se réjouir que les auteurs de la proposition de loi aient renoncé à faire peser une telle charge sur les seuls propriétaires. Si ceux du parc privé pouvaient en supporter le poids individuel, tel n’aurait pas été le cas des organismes HLM, qui auraient dû équiper 4 millions de logements, pour un coût estimé à 680 millions d’euros tous les cinq ans et comprenant l’achat, la mise en place et l’entretien de 8 millions de détecteurs.

Les auteurs de la présente proposition de loi ont donc décidé de revoir les dispositions d’une première proposition, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée le 21 décembre 2004.

Mais faire payer les occupants ne soulève pas moins de problèmes, comme ma collègue Annick Lepetit aura bientôt l’occasion de vous le démontrer.

Dans un contexte marqué par l’augmentation vertigineuse des charges et des loyers, aggravé de surcroît par des réactualisations scandaleusement insuffisantes des aides à la personne, l’obligation d’acheter, d’installer et d’entretenir un ou plusieurs détecteurs portera un coup sensible au budget « logement » des ménages. Et comme toujours, les plus modestes d’entre eux seront, proportionnellement, les plus pénalisés.

Nous ne saurions donc trop conseiller à la majorité et au Gouvernement de s’inspirer des propositions faites dans leur récent rapport par MM. Patrick Doutreligne et Philippe Pelletier, rapport que vous avez évoqué, monsieur le ministre et qui suggère plusieurs moyens utiles pour encourager les ménages à acheter des détecteurs sans grever leur budget. Il recommande également une mesure à laquelle nous ne pouvons que souscrire : « installer gratuitement un détecteur [...] de fumée dans le logement des personnes vulnérables ». Grâce à ces aménagements, le problème soulevé par le coût du dispositif pourrait être en partie résolu.

Mais, en toute hypothèse, lorsqu’il en va de la sécurité publique et de la vie de nos concitoyens, l’obstacle budgétaire ne doit jamais arrêter la puissance publique. Vous pouvez donc nous croire, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous affirmons que ce n’est pas uniquement, ni même prioritairement, en raison de son impact financier que nous sommes opposés à cette proposition de loi. Si la solution qu’elle apporte était coûteuse mais efficace, nous l’approuverions. Or, elle n’est pas seulement coûteuse : elle est surtout inefficace voire dangereuse.

Mme Annick Lepetit. Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Afin d’évaluer l’efficacité des détecteurs de fumée, je vous invite à revenir sur les premières expériences conduites en France avant d’envisager la situation à l’étranger. Le bilan de la mise en place de détecteurs y apparaît mitigé, pour ne pas dire médiocre.

M. Luc-Marie Chatel. Ce n’est pas possible !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Entre 2001 et 2004, deux organismes HLM ont décidé d’installer des détecteurs sur un ensemble de plus de 2 000 logements. Si l’un de ces organismes a souhaité reconduire l’opération, l’autre a jugé préférable de la suspendre.

Deux types de raisons l’ont conduit à prendre cette décision. Le premier concerne le confort quotidien des occupants. À de nombreuses reprises, les détecteurs ont été déclenchés de façon intempestive par la fumée dégagée au cours de la préparation d’un repas ou par les vapeurs d’eau émanant de la salle de bains. Exaspérés par des déclenchements aussi intempestifs, les occupants sont alors conduits à retirer la pile des détecteurs, les rendant ainsi totalement inopérants.

Le second est plus grave, puisqu’il relève de la sécurité des occupants, et vous l’avez vous-même évoqué, monsieur le ministre. En effet, dans les conditions actuelles, les détecteurs de fumée peuvent, en France, avoir un double effet pervers, en amont et en aval des incendies.

En amont, ils nuisent à la prévention des incendies en déresponsabilisant les habitants. Ayant toute confiance dans leur système de protection, ils s’abandonnent plus facilement à des comportements à risque, notamment en laissant les bougies allumées la nuit.

En aval, les détecteurs provoquent des mouvements de panique lorsque l’incendie est déclaré. Lors du tragique sinistre de L’Haye-les-Roses – commune voisine de la mienne –, dans la nuit du 3 au 4 septembre dernier, de nombreuses victimes se sont précipitées dans la cage d’escalier, alors même que les détecteurs étaient installés dans les parties communes et avaient fonctionné.

Hélas, il aurait beaucoup mieux valu qu’elles restent dans leur logement à attendre le secours des pompiers. L’enquête a confirmé qu’elles y auraient été à l’abri de la fumée, tandis que leur fuite, sous le coup d’une panique bien compréhensible, les a exposées à la mort.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce fait divers dramatique doit nous inciter à la prudence lorsque nous mesurons les avantages et les inconvénients des détecteurs de fumée. Certes, nous croyons sur parole notre rapporteur lorsqu’il nous explique que les expériences étrangères sont nettement plus concluantes et, qu’au Royaume-Uni notamment, l’installation de détecteurs a permis de sauver de nombreuses vies. Malheureusement, ce qui marche aujourd’hui chez nos voisins d’outre Manche ne fonctionne pas chez nous.

Ce décalage entre le Royaume-Uni et la France s’explique très simplement par une opposition de méthode. Alors que les Britanniques conçoivent l’installation de détecteurs de fumée comme le terme d’un processus, nous la concevons, pour notre part, comme son commencement.

La mise en place obligatoire et systématique de détecteurs de fumée ne peut être efficace que si elle couronne une longue action d’éducation et de sensibilisation. Vous le voyez, monsieur le ministre, nous partageons votre analyse. Par lui-même, le détecteur de fumée n’est ni bon ni mauvais : il n’est qu’un simple outil technique dont l’efficacité dépend entièrement du bon usage.

Aussi, pour éviter que l’installation de détecteurs ne conduise à la déresponsabilisation des habitants, il est indispensable qu’une campagne d’information nationale, mobilisant l’école et les médias, apprenne à nos concitoyens comment prévenir les incendies. En outre, pour éviter que le déclenchement des détecteurs ne conduise à de mortels mouvements de panique, il est indispensable que cette campagne leur indique les gestes qui sauvent lorsque l’incendie est déclaré. C’est à ces conditions, et à ces conditions seules, que la mise en place de détecteurs de fumée peut sauver des vies.

Malheureusement, ces conditions ne sont pas remplies aujourd’hui dans notre pays. Nous saluons, monsieur le ministre, la récente déclaration dans laquelle vous avez annoncé votre intention de lancer une campagne pluriannuelle de sensibilisation aux risques incendie. Reste que les effets de cette campagne, si jamais elle est effectivement mise en oeuvre, ne se feront sentir que dans les prochaines années alors que cette proposition de loi est susceptible d’être appliquée dans les mois qui viennent.

Nous rejoignons donc pleinement l’analyse de MM. Doutreligne et Pelletier lorsqu’ils écrivent dans leur rapport que « s’il est nécessaire de favoriser l’installation de DAAF dans les locaux d’habitation, il serait vain, voire imprudent, de rendre obligatoire dès à présent l’installation de ces équipements. »

Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. « La sensibilisation, poursuivent-ils, est en effet indispensable à la prise de conscience des habitants et seule de nature à les inciter à veiller à l’entretien du dispositif. » En conclusion de leur développement consacré aux détecteurs, ils recommandent « de ne pas rendre obligatoire en l’état, serait-ce à effet différé de quelques années, l’installation de détecteurs dans les locaux d’habitation existants ». En d’autres termes, mes chers collègues, le rapport nous indique que cette proposition de loi n’est pas pertinente.

Quels outils faudrait-il donc mettre en œuvre pour lutter efficacement contre les incendies ?

Je ne reviens pas sur l’impérieuse nécessité de lancer une grande campagne nationale de sensibilisation. Je n’aurai pas non plus l’indélicatesse de reprendre à mon compte les nombreuses suggestions très pertinentes du rapport cité, mais j’invite à nouveau la majorité et le Gouvernement à y puiser et à s’en inspirer – je pense notamment à la création de « groupements d’intervention de sécurité des personnes dans les immeubles » et à la dotation d’un fonds d’urgence pour réaliser les travaux de première nécessité dans les immeubles très dégradés.

Je me contenterai donc de rappeler au Gouvernement qu’il ouvre le champ du risque en diminuant de manière drastique les crédits PALULOS affectés à la réhabilitation des logements sociaux, comme mon collègue Jean-Louis Dumont le démontrera tout à l’heure. Le bon entretien d’un immeuble est une condition essentielle pour éviter qu’un incendie ne s’y produise et n’y prenne une tournure dramatique. Or, en l’espace de trois ans, les crédits PALULOS ont subi une baisse vertigineuse de plus de 50 % – oui, monsieur le ministre, plus de 50 % ! – indépendamment de l’ANRU, c’est-à-dire dans les zones qui ne relèvent pas de l’Agence nationale pour le renouvellement urbain.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dites plutôt : indépendamment des 20 milliards que nous avons débloqués – 20 milliards de récupération de votre incurie ! Et 20 milliards, ce n’est rien pour vous ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a bien une baisse de 50 % en dehors des zones relevant de l’ANRU, monsieur le ministre. Je vous invite à visiter nos départements pour le constater !

Il ne sert à rien de dégager en catastrophe 50 millions d’euros pour des travaux d’urgence sur les immeubles les plus insalubres si, dans le même temps, votre Gouvernement laisse se dégrader l’ensemble du parc en dehors, je le répète, des zones ANRU.

Mme Annick Lepetit et Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous refusons à trouver à ce texte d’autres motivations que celle de rassurer l’opinion publique, mais nous ne nous prêterons pas à cette tentative car elle est condamnée à l’échec. En matière de sécurité de nos concitoyens, l’exigence de réussite impose l’efficacité du législateur.

Nous l’avons bien compris, monsieur le ministre : ce n’est pas cette proposition de loi, à laquelle vous ne reconnaissez que le mérite d’évoquer un problème grave, qui pourra servir de socle à une action efficace du législateur. Nous attendons donc avec intérêt et impatience l’engagement du chantier que vous venez d’évoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que examinons ce matin a pour objet l’installation obligatoire de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation.

Des événements tragiques se sont succédé cet été. Cela n’aurait jamais dû arriver. Et s’il est légitime de réfléchir à l’action à conduire, il est regrettable qu’il faille attendre de tels drames pour s’en préoccuper.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. François Rochebloine. L’objectif de ce texte est d’apporter une solution à un problème qui est la cause directe de près de 800 décès par an. Selon les chiffres fournis par les assurances, le nombre d’incendies domestiques est en France de l’ordre de 250 000 par an, soit un toutes les deux minutes. En outre, 70 % des incendies domestiques meurtriers ont lieu la nuit, et là est bien problème : contrairement aux idées reçues, la fumée dégagée par les incendies ne réveille pas, mais au contraire endort. Comment faire, dès lors, pour éviter ces incendies de nuit et les morts qu’ils provoquent ?

La solution préconisée dans ce texte est l’obligation d’installer dans tous les lieux d’habitation privés des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, dits aussi DAAF. Il est vrai que la France est très à la traîne en ce domaine. Comme le montre une comparaison internationale, si un certain nombre des pays industrialisés ont fait progresser leur taux d’équipement, la France, elle, n’a toujours pas dépassé les 1 % entre 1994 et 2004, contre 97 % en Norvège, 85 % au États-Unis et 48 % au Royaume-Uni. En outre, le montant versé par les assureurs au titre de la garantie incendie s’élève à 1,3 milliard d’euros.

Si ces statistiques sont très éclairantes sur la situation actuelle, il n’est toutefois jamais raisonnable de légiférer dans l’urgence. Il convient de prendre réellement le temps de réfléchir à ce problème. Or il nous semble que les solutions proposées par ce texte ne sont pas les plus adéquates. Certains de ses aspects méritent de retenir notre attention.

Tout d’abord, le coût. Il est proposé que la charge de l’équipement incombe, à l’exception de certains cas, au locataire. Les dispositifs agréés coûtent environ 60 euros à l’achat et 10 euros pour la maintenance. Ces sommes vont s’ajouter au coût croissant du logement et à toutes les contraintes existantes. Peut-on vraiment imposer des dépenses supplémentaires, à un moment où tout le monde se plaint de la baisse du pouvoir d’achat et de l’augmentation du coût de la vie ?

M. Luc-Marie Chatel. Et le coût d’une vie ? ?

M. François Rochebloine. Ensuite, le manque de choix concernant les DAAF certifiés Norme française – NF – conduit à se poser la question de la capacité du marché à répondre correctement à une généralisation du dispositif.

Au surplus, il est difficilement imaginable de parvenir à obliger la totalité des habitations à s’équiper de ces détecteurs. Ne pourrait-on envisager des solutions intermédiaires ? Distinguer, par exemple, les maisons individuelles et les immeubles et rendre obligatoires les détecteurs dans les seconds, tout en laissant les propriétaires des premières agir comme bon leur semble ; ou peut-être – pourquoi pas ? – réserver cette obligation à toute nouvelle construction, tant il semble évident que les problèmes liés à cette mise aux normes vont être légion dans les immeubles anciens.

Au-delà de ces objections d’ordre technique, une contradiction flagrante apparaît lorsque l’on réfléchit à l’esprit de cette proposition de loi : une grande partie des habitations que vise le texte, à savoir les squats et, plus généralement, les immeubles qui ne respectent pas les normes de sécurité, ne seront sans doute pas équipées, que l’obligation incombe aux occupants – il faut savoir que 15 à 30 % des locataires ne contractent pas d’assurance, par choix ou par nécessité – ou qu’elle incombe au propriétaire.

M. Luc-Marie Chatel. Quelle hypocrisie !

M. François Rochebloine. Enfin, c’est une question qui concerne avant tout la responsabilisation de chacun : est-il bien nécessaire de légiférer sur des sujets relevant à ce point du domaine privé ? Nous nous plaignons tous ici, et le président de l’Assemblée le premier, de ce que nous légiférons beaucoup trop. Trop de loi tue la loi !

Prenons bien garde au chemin que nous prenons. Il faut redonner toute sa place et toute sa force à la responsabilité individuelle. Vos intentions sont certes louables, monsieur le rapporteur, mais nous restons très sceptiques quant aux modalités d’application de ce texte. Quoi qu’il en soit, ces mesures ne seront rien sans la mise en œuvre, en amont et en parallèle, d’un vaste programme d’action, d’éducation et de sensibilisation du public portant à la fois sur la prévention du risque d’incendie, la détection et la conduite à tenir en cas de sinistre.

En annexe du rapport est reproduite une brochure des sapeurs pompiers consacrée à ce sujet. Mais une telle campagne reste extrêmement limitée. De vrais spots télévisés, des publicités dans les journaux doivent amener nos concitoyens à prendre conscience du problème et à se responsabiliser. La proposition de loi laisse le temps aux institutions et organisations concernées d’organiser une campagne, d’autant que la commission a souhaité que soit repoussée à cinq ans la date limite d’entrée en vigueur de ces dispositions. Pourtant, rien dans le texte ne fixe clairement les étapes et les objectifs à atteindre, alors que cette étape de prévention est selon moi fondamentale.

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe UDF est extrêmement réservé sur ce texte. Nous louons, encore une fois, les bonnes intentions de ses auteurs et nous sommes conscients que des drames tels que ceux que nous avons connus ne doivent pas reproduire et que nous devons réfléchir aux solutions à adopter. Cependant, celle qui est proposée ici nous semble comporter trop d’incertitudes, de zones d’ombres, pour être rendue obligatoire pour tous les Français.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF s’abstiendra.

M. Luc-Marie Chatel. Ce n’est pas glorieux !

Mme Annick Lepetit et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel dommage ! Allez jusqu’au bout et votez contre !

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 6 septembre dernier, le président de notre groupe, Alain Bocquet, s’est adressé au Premier ministre et l’a exhorté à mettre en œuvre des mesures urgentes et fortes pour répondre à la gravité de la crise du logement qui sévit dans notre pays et qui contraint des milliers de familles à vivre dans des conditions indignes, et même dangereuses pour leur vie comme l’ont montré les incendies survenus à Paris et en d’autres lieux. Nous avions souligné après ces drames l’inaction des pouvoirs publics face aux exploitants d’immeubles insalubres, qui visent avant tout le rapport spéculatif, et face aux bailleurs qui ne respectent pas la réglementation relative à la mise aux normes des logements et visent avant tout le rapport financier. Plus largement, nous avions dénoncé l’inertie du Gouvernement et des représentants de l’État en matière de contrôle et d’incitation à l’application des dispositions solidaires de la loi SRU portant sur la construction sociale.

Si, à nos yeux, le logement social est l’élément central d’une politique de réponse aux besoins des populations et des salariés dans leur diversité, c’est bien l’ensemble des choix en la matière qu’il faut réorienter, dans le cadre d’un débat national sur le fond avec tous les partenaires, les citoyens, les associations, les bailleurs publics et privés. Une demande de même nature a d’ailleurs été formulée, lors du récent congrès de Nantes, dans la déclaration commune de l’Union sociale pour l’habitat et des cinq organisations nationales représentatives des locataires, CNL, CLCV, CSF, CGL et FO consommateurs : « Les signataires demandent une remise à plat de l’ensemble du système de financement du logement et un véritable débat politique d’orientation au Parlement. » Soulignant que 41 % des aides publiques et fiscales allaient au secteur locatif privé et 28 % aux propriétaires, les signataires relevaient aussi l’absence de contreparties sociales.

À la force et à l’urgence de ces interpellations, quelle est la première réponse apportée ? C’est cette proposition de loi sur les détecteurs de fumée, élaborée par la majorité. Si le sujet n’était pas si grave – car il s’agit de sécurité et de protection de la vie humaine –, je qualifierais cette réponse de déplorable.

D’ailleurs, monsieur le ministre, j’ai été sensible à votre interrogation et à la prudence dont vous avez fait preuve tout à l’heure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une grande prudence !

Mme Janine Jambu. Des hommes, des femmes, des enfants vivent dans des logements aux murs et aux escaliers délabrés, sans issues de secours, sous la menace d'un court circuit, d'une fuite de gaz liée à la vétusté des installations et vous leur imposez d'acheter à leur frais, d'assurer la pose et l'entretien d'un détecteur individuel de fumées !

Les bailleurs, les marchands de sommeil, les promoteurs et spéculateurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles : nul effort ne leur est demandé, même pas celui de respecter les réglementations en vigueur sur la protection contre les incendies dans les parties communes et sur les mises en conformité en électricité, plomberie, isolation.

Il suffit de discuter avec les associations de locataires et de résidents pour savoir combien il leur est difficile d'avoir accès aux préconisations des commissions de sécurité et d'en vérifier l'application.

II serait plus utile et judicieux d'améliorer la transparence et la qualité de l'information et de la formation, et nous en avons déjà beaucoup débattu ici.

Un pays comme le nôtre, doté de services de secours et de protection civile performants et dont l'engagement est salué et apprécié par la population, ne peut-il être à la hauteur de ses voisins dans ces domaines ?

Plus fondamentalement, dans un pays comme le nôtre en ce début du XXIe siècle, n'est-il pas révoltant que ne puisse être garanti à chacun le droit à un logement confortable, à un prix accessible et répondant aux normes de sécurité ?

J'en viens au contenu même de la proposition qui nous est présentée.

Nous nous interrogeons en premier lieu sur la persistance de cette pratique, fondée sur des motifs de circonstances, et qui conduit notre assemblée à légiférer en des domaines réglementaires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet !

Mme Janine Jambu. Qu'en pense notre président, M. Jean-Louis Debré, qui souhaite lutter contre l'inflation législative et les amendements « hors sujet » ?

Cela semble en tout cas être la méthode choisie par ce gouvernement et sa majorité de faire débattre la représentation nationale des détecteurs de fumée, alors qu'elle ne peut débattre du contrat nouvelle embauche, de la privatisations des autoroutes ou de la transformation du statut des offices HLM puisqu'en ces matières l'ordonnance devient la règle. Avouez qu’il est un peu difficile de s’y retrouver !

Vous chercheriez à surfer sur les préoccupations des Français et, en l'espèce, l'émotion créée par les incendies dramatiques tout en poursuivant, au fond, une politique qui ne fait qu'aggraver leurs conditions de vie que vous ne vous y prendriez pas autrement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

Mme Janine Jambu. Cette proposition s'inscrit dans la logique libérale qui vous guide et vise à toujours plus individualiser les risques, et culpabiliser les individus.

Il est proprement scandaleux de mettre l'installation et l'entretien des détecteurs entièrement à la charge des locataires et des accédants. J’ai noté, monsieur le ministre, que vous vous interrogiez ce sujet.

Il s'agit, quel qu'en soit au final le montant, d'un coût supplémentaire qui viendra alourdir la charge de logement dans le budget des ménages. Cette charge est un fardeau, comme le titrait, il y quelques temps, un quotidien du soir. L'insuffisante évolution du pouvoir d'achat ne peut supporter dix ans d'inflation des loyers et des coûts de l'immobilier.

Ce sont 83 % des Français interrogés cette année pour « Habitat et Humanisme » qui jugent que les loyers sont trop chers. À cela s'ajoute l'évolution des charges, et plus particulièrement de celles liées aux coûts de l'énergie : gaz, pétrole, électricité, et le poids des impôts indirects sur lesquels se répercutent les transferts de charge liés à la décentralisation « mode Raffarin ».

Dans ces conditions, comment les retards et les accidents de paiement relevés par l'Union nationale des propriétaires immobiliers ne se multiplieraient-ils pas ?

Ces derniers se préoccupent beaucoup plus de garantie contre les impayés et d'abrogation de l'ISF que de mise en sécurité de leurs logements et immeubles.

Les locataires du parc social ne sont pas épargnés par les hausses de loyers et de charges, l'absence de revalorisation de l'APL et tous les manques en matière de présence humaine, gardiennage, entretien et maintenance.

J'ajoute que, compte tenu de la cherté des primes d'assurances, de la précarité de leur situation, des difficultés financières, un locataire sur dix n'est pas capable aujourd’hui de payer une assurance – on en voit les dégâts.

Votre proposition tend à accroître encore le pouvoir de sanction et de désengagement des compagnies d'assurances. Selon les données du rapport, la franchise de 5 000 euros, qu'elles pourront appliquer en cas de non production de l'attestation d'acquisition et de justification de sa maintenance, est équivalente à la moyenne annuelle des indemnités versées au titre de la garantie incendie qu'elles versent en cas de sinistre, soit 5 025 euros. Sans compter les clauses quasi abusives que certains assureurs seront tentés d'inclure dans les contrats.

Votre proposition est, en fait, un cadeau aux propriétaires, aux compagnies d'assurances et, sans doute, aux fabricants de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée pour lesquels se profile un juteux marché.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

Mme Janine Jambu. Notons au passage, sur le plan environnemental et de la santé humaine, que l'un des dispositifs qui serait proposé – sera-ce le moins cher ? – à la vente, le détecteur ionique faiblement radio-actif, présente des risques pour la santé et pose des problèmes d'élimination.

Mme Annick Lepetit. En plus !

Mme Janine Jambu. En fait, les personnes les plus défavorisées, les plus mal logées ou en situation plus précaire ne bénéficieront d'aucune protection supplémentaire car elles ne pourront pas payer, pas entretenir ou pas s'assurer. Pour les autres, la liste des dépenses incompressibles s'allongera.

L'utilité d'un tel équipement semble être démontrée par les données statistiques issues de l'expérience de pays voisins ou similaires. Rien ne doit alors être négligé dès lors que cela permet de sauver des vies. Il y va de l’intérêt public. C’est de sécurité publique et de prévention qu'il s'agit. Il faut garantir à chaque citoyen l'égalité d'accès à cette protection et s'attacher d'abord à responsabiliser les bailleurs.

Une telle proposition ne le permet pas, c'est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Boyce.

Mme Josiane Boyce. Depuis cinq ans, les pouvoirs publics, représentés par plusieurs ministères, s'investissent dans des campagnes annuelles d'information et de sensibilisation au risque d'incendie – dénommées « campagnes nationales de prévention des risques des incendies domestiques ».

Leur objectif est de donner au grand public des conseils de prévention par la distribution de dépliants, d'affichettes, de campagnes radio. Cette action fédère un grand nombre d'acteurs sociaux, publics et privés, ainsi que des associations telles que les brûlés de France et des fédérations professionnelles de matériels d'incendie.

Toutes ces actions cumulées ne parviennent cependant pas à diminuer de façon significative le nombre de victimes. Sans doute parce qu’on ne se sent pas suffisamment. Quelle erreur ! Un Français sur trois sera confronté à ce risque une fois dans sa vie.

Aujourd'hui, en France, 10 000 personnes sont encore concernées chaque année par des incendies domestiques, et 800 en décèdent. Dans les cas les moins graves, une exposition de moins de cinq minutes peut donner lieu à un handicap à vie : asthme chronique, insuffisance rénale, hépatique, cardiaque ou respiratoire.

Dans les cas de brûlures graves, de 20 à 30 % de la surface corporelle, les séjours en hôpitaux sont de très longue durée et les coûts induits d'hospitalisation énormes : 1 500 euros par jour ! Mais ce que l'on doit retenir, c'est la tragédie que vivent, pendant et après la guérison, les personnes brûlées ainsi que leur entourage, car le retour à la vie familiale et professionnelle est difficile du fait de la modification physique des victimes et de leur fragilité.

M. Pierre Morange. En effet !

Mme Josiane Boyce. Si 70 % des incendies se déclarent le jour, en revanche, les plus meurtriers sont ceux qui ont lieu la nuit. On leur attribue 70 % des décès. Le feu peut couver pendant des heures avant que les flammes n'apparaissent. Les victimes sont alors intoxiquées pendant leur sommeil. Les fumées sont responsables de 80 % des décès.

Les enfants sont particulièrement vulnérables. Les incendies sont la troisième cause de mortalité par accidents de la vie courante chez les enfants de moins de quinze ans, après la noyade et la suffocation.

Or la majorité des incendies domestiques peuvent être minimisés si les victimes sont alertées dès le début et si elles savent réagir face au feu. Les fumées sont le premier indice d'un incendie, les détecteurs avertisseurs de fumée ou DAAF permettent aux habitants de maîtriser le départ de feu ou de fuir à temps. Cela diminue considérablement le taux de mortalité. Une expérience menée dans l’Ille-et-Vilaine et les Deux-Sèvres a permis, après cinq ans d'observation, de diviser par dix les risques mortels.

Malgré les campagnes répétées et de grande ampleur des pouvoirs publics, seulement 1 % des logements français sont équipés de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, contre 98 % en Norvège. De plus en plus de pays s'équipent, aidés par la loi, comme le Canada ou les USA. Un seul pays, la Suède, pratique la prévention volontaire : 88 % des habitations sont équipées. C'est évidemment un excellent exemple, mais qui ne nous concerne pas.

La proposition de loi des députés Meslot et Morange présente donc un grand intérêt. Elle a reçu un excellent accueil de la part des associations de victimes d'incendies qui l'attendaient depuis longtemps. Car eux seuls connaissent la souffrance physique et morale qui résulte de brûlures graves, et l'urgence qu'il y a à protéger le plus grand nombre de personnes possible.

Cependant, un certain nombre de questions sur les caractéristiques, les conditions d'installation, d'entretien et de fonctionnement des DAAF se posent encore à nous. Elles seront, nous l'espérons, débattues entre les acteurs concernés, au moment de la définition par décret en Conseil d'État des modalités d'application des articles L.129-8 et L. 129-9, comme cela est prévu à l'article 2 L.129-10 de la proposition de loi de MM. Morange et Meslot.

Le coût du DAAF est modique – entre 18 et soixante euros. Les chambres d'enfants ou de fumeurs et les pièces informatisées sont les plus vulnérables. Est-il souhaitable de multiplier les DAAF dans les pièces à risques ? Dans ce cas, combien cela coûtera-t-il ? La Belgique propose un seul DAAF à chaque étage, est-ce suffisant ? Si un départ de feu a lieu dans une pièce isolée du DAAF par une porte, ne met-on pas son occupant en danger ?

Le coût de l'installation peut paraître dérisoire. Cependant, ne peut-il pas être mal ressenti par une population modeste, pour qui le loyer est déjà une dépense très importante ? De plus, le fait de fixer le DAAF dans un plafond à l'aide de vis le transforme en bien immobilier. Dans le délai de cinq ans où sa présence sera rendue obligatoire, n'y a-t-il pas un risque de le voir démonter à chaque déménagement ? (« Bonne question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Si cela devait constituer un frein à l'installation des DAAF, une des solutions pourrait être de permettre au locataire ayant installé un ou plusieurs détecteurs de fumée de présenter la facture à son propriétaire après la pose. Celle-ci pourrait être déduite d'un ou plusieurs loyers ou des charges locatives, l'entretien et la pile restant à la charge de l'occupant.

Quant au matériel, ne devrait-il pas être soumis aux normes françaises et européennes ? Cela permettrait de s'assurer de sa qualité, élément essentiel en matière de sécurité. En outre, nos entreprises pourraient se positionner sur le marché de la qualité.

Enfin, si la déclaration d'acquisition transmise aux assurances est le signe d'une mise en conformité avec la loi, il ne me paraît pas du tout opportun de pratiquer une franchise supplémentaire de 5 000 euros comme cela était prévu au projet de loi initial. En tout état de cause, le risque est assuré. Le fait de le réduire par l'utilisation d'un DAAF apporte une aide bénéficiaire aux compagnies d'assurance, grâce à la détection précoce de l'incendie et la diminution des risques corporels.

Ces mêmes compagnies d'assurance ne devraient donc en aucun cas se prévaloir du défaut d'installation ou d'entretien pour se soustraire à leurs obligations de dédommagement des risques assurés, ni des indemnités d'assurance-vie dues aux ayants droit d'une victime. Ayant soulevé cette question en commission des affaires économiques et sociales, je défendrai tout à l'heure un amendement en ce sens.

Par ailleurs, on peut saluer le travail de la commission qui a proposé d'introduire la notion de minoration de la prime d'assurance pour les contrats à venir, plutôt que le principe de la franchise.

Enfin, je remarque que l'article 3 de la présente proposition de loi rejoint les intentions du rapport Pelletier, intitulé : « Propositions pour une meilleure sécurité des personnes dans leur habitat » et produit le 10 octobre 2005, à la demande de M. Borloo, à la suite des accidents dramatiques de cet été.

Il les rejoint à une différence près, cependant : le rapport préconise que l'information précède l'obligation. Or, comme on l’a déjà précisé, force est de constater que les campagnes de prévention existent et continueront d'exister, mais qu’elles ne sont pas suffisamment prises en compte par la population. Mes collègues Meslot et Morange ont jugé, avec raison, qu'il était temps de légiférer dans ce domaine, étant donné la gravité du sujet.

Je regrette, enfin, que le groupe socialiste ait voté contre cette proposition de loi en commission des affaires économiques. Cette proposition, ô combien nécessaire, devrait au contraire faire l'unanimité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais elle est mauvaise !

Mme Josiane Boyce. C’est avant tout un texte de santé et de sécurité publiques, qui vise à éviter des traumatismes profonds et irréparables et à sauver de nombreuses vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Dumont. Cette proposition de loi est insuffisante !

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi traite du sujet important et grave des incendies dans les habitations. C’est la raison pour laquelle elle doit être traitée sérieusement. Or, ni l’examen précipité ni le contenu de ce texte ne sont à la hauteur de l’enjeu.

Pourquoi le groupe UMP a-t-il décidé au début du mois d’examiner cette proposition de loi, sachant pertinemment qu’un rapport sur la sécurité des personnes dans leur habitat allait être remis au ministre Jean-Louis Borloo en ce début de semaine ? Le bon sens aurait voulu que l’on étudie attentivement ledit rapport avant de légiférer. Cela vous aurait peut-être évité, monsieur le rapporteur, de nous dire à tort en commission, la semaine dernière, que ses conclusions étaient « cohérentes » avec votre proposition de loi.

M. Damien Meslot, rapporteur. Elles le sont !

Mme Annick Lepetit. Les cinq pages portant sur la sécurité-incendie montrent le contraire ! De plus, la totalité de ce rapport, réalisé par Philippe Pelletier, président de l’ANAH, et Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation abbé Pierre, est le fruit d’une large consultation et d’un travail mené sur le terrain, contrairement au texte examiné ici.

Il est tout aussi incompréhensible que nous examinions cette proposition de loi aujourd’hui sachant que sera débattu prochainement au Sénat le projet de loi « Habitat pour tous », appelé aujourd’hui, « Engagement national pour le logement », et annoncé depuis deux ans par les trois ministres du logement successifs. Pourquoi ne pas profiter de ce fameux projet de loi pour y intégrer des dispositions sur la sécurité-incendie dans les logements ? La majorité prouve une nouvelle fois qu’elle a une approche segmentée des problèmes !

Comme l’ont souligné nos collègues Jean-Yves Le Bouillonnec et François Rochebloine, l’examen de cette proposition de loi est prématuré, à contretemps et pour le moins malvenu. Les drames causés par les incendies méritent un travail approfondi, en concertation avec tous les acteurs concernés. Plutôt que de surfer sur l’émotion provoquée par le choc des images, les parlementaires se doivent d’être responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or votre proposition de loi révèle une approche simpliste de la situation. Elle pose surtout des questions et n’apporte aucune réponse probante. Nous ne sommes pas du tout convaincus de l’efficacité des mesures avancées.

Le texte prévoit que tout occupant d’un logement installe au moins un détecteur de fumée et qu’il doit également veiller à l’entretien et au fonctionnement du dispositif. Cela n’est pas aussi simple qu’on veut bien le dire. De plus, cela va coûter cher à nos concitoyens, particulièrement aux plus modestes. L’obligation d’installation et de maintenance de ces détecteurs sera prise en charge par les occupants, qu’ils soient propriétaires ou locataires. Ainsi, se loger coûtera encore plus cher puisque le texte alourdit les contraintes financières qui pèsent déjà sur de nombreux habitants.

Vous nous dites que ces détecteurs ne sont pas chers. Cependant, aucun élément ne nous a été apporté pour nous en convaincre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

Mme Annick Lepetit. Si nous étudions en détail le dispositif que vous proposez, la calculette chauffe ! Et, le dispositif se complexifie. S’agissant de l’achat, vous écrivez, monsieur le rapporteur, que le prix d’un détecteur « peut varier de moins de dix euros à dix fois plus ».

M. Damien Meslot, rapporteur. Actuellement !

Mme Annick Lepetit. Qu’est-ce qui justifie un tel écart de prix ? Ailleurs dans votre rapport, vous estimez que le prix moyen d’un détecteur est inférieur à 50 euros. Mais selon une note de l’Union sociale pour l’habitat, il coûte environ 60 euros hors taxes. À cela s’ajoute l’achat de plusieurs appareils en fonction de la taille du logement. Toujours selon l’USH, il faut au minimum deux appareils pour un quatre pièces. Cela finit par coûter cher !

Autre problème, il semble que peu d’entreprises – en fait une seule – distribuent en France les détecteurs certifiés NF. Cela pose la question du monopole d’un produit imposé, comme ici, par une réglementation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Annick Lepetit. D’ailleurs, je tiens à souligner qu’elle a été soulevée en commission par un député de la majorité.

Concernant la pose du détecteur, vous nous avez dit en commission, qu’il suffit « de le fixer au plafond à l’aide de deux vis ». Croyez-vous que les personnes âgées ou handicapées, ou toute personne ne pouvant tout simplement pas monter sur une échelle, pourront le faire ?

M. Damien Meslot, rapporteur. On peut aussi le poser sur un meuble !

Mme Annick Lepetit. En outre, visser un détecteur au plafond nécessite du matériel et un peu de savoir-faire. Je ne suis pas sûre que tout le monde en dispose, ne serait-ce qu’ici ! Il faudra donc faire appel à un prestataire. C’est une charge supplémentaire pour les occupants. C’est surtout le risque que ceux qui n’en ont pas les moyens finalement ne l’installent pas.

S’agissant de l’entretien du détecteur, il suffirait de changer « les piles une fois par an, tester le fonctionnement de l’appareil une fois par mois, changer d’appareil tous les dix ans. » Pourtant, selon le rapport Pelletier-Doutreligne, le détecteur doit « être remplacé tous les cinq ans pour conserver son efficacité » et non tous les dix ans. Qui a raison ? Il importe de le savoir pour évaluer correctement les coûts. En tout cas, chacun s’accorde sur un coût d’entretien d’environ dix euros par an. Et encore une dépense supplémentaire !

S’agissant du contrôle du bon fonctionnement de l’appareil, vous restez silencieux, monsieur le rapporteur. Pourtant, il semblerait que le fonctionnement de tout détecteur doive se faire par une touche-test située sur l’appareil mais aussi par un nettoyage par soufflerie d’air. Qui le fera ? Encore un prestataire entraînant une nouvelle dépense !

Enfin, s’agissant de l’obligation d’installation d’un ou plusieurs détecteurs de fumée, vous proposez qu’en cas de sinistre dans un logement non équipé, les assureurs puissent pratiquer une franchise d’un montant de 5 000 euros. Cette proposition est dangereuse.

M. Damien Meslot, rapporteur. Si vous étiez venue en commission, vous sauriez qu’elle a été supprimée !

Mme Annick Lepetit. Vous l’aviez néanmoins proposée !

Elle peut dissuader certains occupants de s’assurer, compte tenu de l’importance de la franchise, et favorise les assureurs, alors qu’ils ne contribuent en rien à la sécurité-incendie des habitants.

Bref, l’installation, l’entretien et le contrôle de ces détecteurs sont beaucoup plus compliqués que ce que vous annoncez. Idem pour les coûts, qui s’annoncent beaucoup plus élevés que vos estimations. Tout cela vient s’ajouter à la flambée des loyers et à la hausse des charges, alors que les aides au logement baissent fortement depuis 2002. Comment pouvez-vous, en cette période de crise, réclamer aux habitants de payer toujours plus ? Si des détecteurs doivent être installés dans les logements, le financement ne doit pas en être à leur seule charge. L’État doit lui aussi participer à l’effort, d’autant qu’il se désengage de la politique du logement depuis trois ans.

Vous écrivez encore, monsieur le rapporteur, que les installations électriques sont cause de nombreux incendies.

M. Damien Meslot, rapporteur. Les installations défectueuses ! Citez-moi correctement !

Mme Annick Lepetit. Des mesures seraient donc à prendre en la matière. Pourtant, vous ne proposez rien.

M. Damien Meslot, rapporteur. Quand on fait des propositions, vous les refusez !

Mme Annick Lepetit. Il est vrai que ce serait à la charge du propriétaire. Peut-être est-ce cela qui vous pose problème. Le locataire doit-il assumer seul le risque incendie ? Nous sommes nombreux à nous le demander.

On peut aussi douter de l’efficacité du dispositif prévu par ce texte. Pour nous convaincre de son bien-fondé, vous avez cité des exemples étrangers. L’installation de détecteurs de fumée a été généralisée et rendue obligatoire dans plusieurs pays, c’est vrai. Leurs bons résultats sont concluants, nous dit-on, mais, là encore, aucune étude les étayant ne nous a été fournie. De plus, il faut savoir que ces pays ont commencé par lancer une campagne massive d’information et de sensibilisation des populations avant de rendre obligatoires ces détecteurs dans les logements. C’est, en effet, par là qu’il faut commencer. Rien dans ce texte ne la prévoit alors qu’elle est un préalable. Sans ce type de campagne, les détecteurs risquent de faire plus de mal que de bien. Les appareils risquent de n’être pas bien installés, entretenus et contrôlés. Les expérimentations menées récemment par certains organismes HLM le prouvent. Celles-ci n’ont, d’ailleurs, pas été généralisées. Sans une campagne d’information et de sensibilisation du public, à la fois sur la prévention du risque incendie, la détection des incendies et la conduite à suivre dans un tel cas, l’installation obligatoire de détecteurs sera coûteuse et inefficace. En somme, cette proposition de loi met la charrue avant les bœufs.

Selon les deux auteurs de la proposition de loi, ce texte a la prétention « de sensibiliser la population aux risques d’accidents domestiques et donc de sauver des vies » et « n’a pas pour objectif d’imposer aux citoyens une obligation supplémentaire. » C’est pourtant tout le contraire ! Ce texte impose à nos concitoyens une charge supplémentaire, qui peut être lourde et difficile à assumer pour certains d’entre eux. Cette future loi que vous nous proposez ne sensibilise pas du tout la population aux risques d’accidents domestiques puisqu’elle ne prévoit rien dans ce sens. Elle ne responsabilise pas non plus puisque rien n’indique ce qu’il faut faire en cas d’incendie !

Bien sûr, il faut garantir une sécurité-incendie efficace dans les habitations, mais certainement pas de cette façon. Aussi, je ne voterai pas ce texte, qui s’avère coûteux et inopérant pour tous les habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot.

M. Marcel Bonnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma naïveté me pousse à croire que le législateur assume pleinement ses responsabilités chaque fois qu’il appréhende avec lucidité, objectivité, rigueur et détermination l’essence d’un texte qui vise à prévenir, protéger et renforcer la sécurité de ses concitoyens. À cet égard, la sagesse dicte qu’aucun texte n’est de trop.

Chacun dans cet hémicycle comprend que l’augmentation du nombre de sinistres depuis quinze ans ne peut laisser notre conscience politique indifférente. La déclinaison des drames engendrés par les incendies est éloquente et notre collègue Damien Meslot s’en est fait l’écho. Récemment à Montbéliard, ville dont je suis le premier adjoint, lors d’une nuit funeste, trois jeunes gens ont péri dans un incendie. En disant cela, je ne surfe pas sur une émotion de circonstance, je regarde la dure réalité bien en face : autant de risques affreux méritent bien que soit posé le principe général de l’obligation pour l’occupant d’un logement, qu’il soit propriétaire ou locataire, de s’équiper d’un détecteur de fumée.

Cela a été rappelé à cette tribune, 30 % des incendies surviennent la nuit, et sont la cause de 70 % des décès. Ne rien faire, s’arrêter à un simple constat serait avouer une incapacité coupable. Prévenir passe donc, à tout le moins, par l’installation de détecteurs de fumée. Sauver des vies, n’est-ce pas ce que réclament à cor et à cri le président de l’Association des grands brûlés de France et le président de la Fédération nationale des pompiers ? Un détecteur de fumée, c’est un outil de prévention. Une étude rapporte d’ailleurs que ces dispositifs sont normés et fiables à 99,4 %.

La mise en place de détecteurs doit être accompagnée d’une politique globale d’information sur les préventions en matière d’incendie, visant à faire connaître à tous, jeunes et moins jeunes, les gestes et les réflexes qui sauvent. Monsieur le ministre, à cet égard, vous m’avez légitimement devancé.

Il faut savoir que, sur cette politique globale d’information, l’Angleterre mobilise cette année 15 millions d’euros contre seulement 15 000 en France. Il y a des retards à combler. Et nous les comblerons.

Certains pays – et je vais encore faire référence à la Grande-Bretagne – ont fait l’expérience de l’efficacité des détecteurs de fumée : 8 % des logements en étaient équipés il y a dix-sept ans, 82 % le sont aujourd’hui et ce n’est pas le fait du simple hasard.

Le Royaume-Uni vient de débloquer 40 millions d’euros pour améliorer la sécurité des ménages, notamment des plus vulnérables.

Certes, la mise en place d’un détecteur de fumée, comme de tout dispositif, passe par un financement. Ce dernier demeure le nerf de la guerre. À cet égard, on imagine mal que les compagnies d’assurance qui, par la mise en place d’un détecteur de fumée, verront le nombre des sinistres diminuer et leurs indemnisations s’amoindrir, ne fassent pas un geste sur la prime d’assurance du locataire ou du propriétaire.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Absolument !

M. Marcel Bonnot. Mes chers collègues, je ne veux pas allonger inutilement le débat. Les choses les plus importantes et les plus intelligentes ont été dites. En tout cas, la vie d’un être humain et la douleur causée par les séquelles de brûlures invalidantes valent mieux que les dizaines d’euros – le prix de quelques paquets de cigarettes ! – nécessaires à l’installation d’un détecteur. Alors, de grâce, ne nous abritons pas derrière le rideau de fumée des faux arguments. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, un message personnel tout d’abord : si j’ai quitté l’hémicycle au moment où vous vous êtes exprimé à cette tribune, c’est parce que je devais présenter en commission des finances le prélèvement français au bénéfice du budget de l’Europe. J’avais une mission à remplir.

Le débat qui nous occupe ce matin n’aurait pas dû avoir lieu car, face aux drames que nous avons connus, il suffisait de prendre des mesures réglementaires. La proposition de loi qui nous est présentée me semble résulter d’une bien mauvaise conscience. Qu’allez-vous faire, mesdames, messieurs de la majorité, lors de l’examen du budget du logement ? Allez-vous augmenter les crédits au bénéfice de la réhabilitation et de la rénovation ? Allez-vous donner un souffle nouveau, comme le proclame M. Borloo, à la construction de logements ? Allez-vous mettre à disposition du foncier pour pouvoir bâtir ? Allez-vous relancer la politique du renouvellement urbain ? Allons-nous, ensemble, lutter contre le logement indigne, insalubre, sur-occupé ?

Pas un mot de tout cela ce matin ! Pourtant, c’est bien là que se situe le problème. C’est bien dans les logements insalubres que se produisent les accidents, les drames qui sont rappelés par les uns et par les autres.

Quel maire n’a pas été réveillé en pleine nuit par un appel du commissariat ou des pompiers ? Combien d’incendies ont pour origine la bêtise ou le crime ? Combien d’enquêtes de police aboutissent ? Que font les juges ?

Croyez-vous que la pose de quelques détecteurs d’incendie soit suffisante ?

Il eût suffi de publier, dès le lendemain des drames qui ont eu lieu, un texte réglementaire imposant la pose de ces détecteurs dans tous les logements et de l’accompagner d’une politique de prévention : il faut expliquer dans les écoles et ailleurs ce qu’il convient de faire.

M. Damien Meslot, rapporteur. Que ne l’avez-vous fait avec vos amis ?

M. Jean-Louis Dumont. Des expériences ont été menées. Je suppose que mes collègues en ont parlé.

Lorsque l’on signale à un élu un logement indigne, insalubre ou même un immeuble menaçant ruine et que l’élu va sur place pour vérifier, quel est le service, que le logement soit public ou privé, qui s’en occupe ?

MM. Doutreligne et Pelletier ont écrit un excellent rapport. Or, pas un mot, dans le présent rapport, pour lutter contre le logement indigne, pas une indication pour indiquer la marche à suivre !

Combien d’entre nous ont écrit au maire, au préfet, à la DDASS, à la DDE sans obtenir de réponse ?

Mais, lorsque l’accident arrive, lorsque le deuxième étage se retrouve dans la cave, tous, en cohortes serrées, se mobilisent et vont même jusqu’à montrer de la compassion devant les caméras.

Ce sont des crédits, des actions qu’il faut !

Je comprends, monsieur le rapporteur, que vous ayez indiqué une marche à suivre. Je ne suis pas sûr qu’une loi soit de nature à régler le problème. Mais, si elle peut donner une force nouvelle à une vraie politique du logement, elle peut avoir son utilité.

Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que le militant du mouvement HLM que je suis a fait un tour des régions au cours duquel ont été abordés trois thèmes : la qualité du service rendu – c’est-à-dire la lutte contre le logement qui n’est pas aux normes –, la construction neuve – eh oui, pourquoi pas ? Avec des détecteurs de fumée ! –, et, enfin, le renouvellement urbain.

Je citerai un seul exemple, monsieur le ministre. Le 8 février 2005 s’est réunie dans mon département la commission départementale de l’habitat. Au mois de juin, tous les dossiers des organismes HLM étaient déposés, couvrant à 120 % les autorisations de programme indiquées par cette commission départementale, présidée par le préfet de la République. Lundi dernier, 10 octobre 2005, aucune autorisation n’était revenue des services de l’équipement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà ! C’est ce que j’ai dit à M. le ministre.

M. Jean-Louis Dumont. Combien de dossiers, mes chers collègues, ont été autorisés dans vos départements ?

Il faut, certes, des discours, des déclarations d’intention, voire des incantations, monsieur le ministre. Mais il faut surtout des actions. Les militants du logement locatif social ou de l’accession à la propriété, dont je fais partie, les réclament pour aller de l’avant.

Monsieur le ministre, nous serons à vos côtés pour mener toutes les actions nécessaires. Mais ces actions réclament de l’argent. Allez à Bercy demander de l’argent pour les PALLULOS !

Mme Annick Lepetit. Borloo à Bercy !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Allons-y ! Tous à Bercy !

M. Jean-Louis Dumont. Depuis plus de dix ans, on nous répond que c’est inutile, qu’il n’y a pas besoin d’argent, qu’il y a assez de logements en France.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

M. Jean-Louis Dumont. Vous pouvez déplorer les morts causées par l’incendie de l’immeuble boulevard Vincent Auriol. Il n’empêche que, s’il y a eu des victimes, c’est parce qu’il y avait sur-occupation et qu’on a fermé les yeux sur la situation de familles en difficulté.

Si nous ne savons pas innover, étudier un problème et y répondre, la loi sera insuffisante. Si l’on peut trouver une seule utilité à votre texte, ce sera de susciter des échos à l’extérieur. Je vous fais, en effet, remarquer que, si tous les médias mettaient ces incendies à la une de leur édition le lendemain, aujourd’hui plus personne n’en parle.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellente intervention !

M. Jean-Louis Dumont. Donc, si votre texte permet de réveiller les consciences, ce sera une excellente chose.

Mais, de grâce, mes chers collègues, imposons à l’administration qu’elle nous donne enfin les moyens de construire des logements dignes, salubres et adaptés aux besoins des familles, que celles-ci soient métropolitaines ou venues d’ailleurs. Sachons accueillir ces familles. Cela s’appelle aussi respecter les droits des individus, les droits de l’homme.

Nous savons, monsieur le ministre, avec quelle passion vous défendez vos dossiers et je peux vous assurer que nous serons à vos côtés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Annick Lepetit. Comme souvent par le passé !

M. Jean-Louis Dumont. Il n’y a, dans le rapport de nos collègues, aucun mot sur le logement indigne, pourtant dénoncé dans nombre d’autres rapports, qu’ils aient été rédigés sous des gouvernements de gauche ou de droite.

Soyons, demain, efficaces. C’est tout ce que l’on vous demande. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel, dernier orateur inscrit.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux d’abord saluer le travail de MM. Damien Meslot et Pierre Morange. Je considère, en effet, que leur travail honore la fonction parlementaire…

Mme Annick Lepetit. Ça, vous êtes bien le seul à le penser !

M. Luc-Marie Chatel. …à deux titres : d’abord, il est une réponse directe aux drames que nous avons connus ces derniers mois ; ensuite, il est la première pierre à un édifice important, à savoir la lutte contre les accidents de la vie courante.

Il est d’abord une réponse aux drames dont nous avons été les témoins et qui nous ont tous bouleversés. Les élus que nous sommes avons de nombreux logements de ce type dans nos circonscriptions et savons également que les Français ont une chance sur trois d’être un jour victimes d’un incendie.

Mme Annick Lepetit. Si l’on peut parler de chance !

M. Luc-Marie Chatel. Nous éprouvons également un sentiment de culpabilité, car nous savons que bien des drames auraient pu être évités. La France est en effet terriblement en retard dans la prévention des accidents domestiques et des incendies, en particulier.

Vous avez, monsieur le rapporteur, cité des chiffres : on dénombre plus de 800 décès par an et 10 000 victimes dont la moitié sont hospitalisées et conservent souvent à vie des séquelles terribles. La France se situe dans le peloton de queue en matière de lutte contre les incendies.

Vous avez pris, à mon sens, le problème par le bon bout : après avoir étudié la question, vous vous êtes en effet aperçu que les incendies mortels survenaient essentiellement la nuit – pour 70 % – et que les victimes mourraient en grande partie par asphyxie, sans se rendre compte de rien.

M. François Rochebloine. Allons ! Parlez-nous plutôt des logements dans lesquels se produisent les accidents ! Parlez-nous de la situation sociale des familles touchées et que nous connaissons tous.

M. Luc-Marie Chatel. Vous apportez à ce problème une réponse concrète et directe et qui a déjà fait preuve d’efficacité. On sait en effet que la mise en place de détecteurs de fumée permettra de diviser par dix le risque mortel des incendies.

Comme le soulignent les associations de victimes, la situation aujourd’hui en matière de prévention des incendies est comparable à celle d’il y a trente ans dans le domaine de la sécurité routière avant que le port de la ceinture de sécurité ne soit rendu obligatoire. J’ai d’ailleurs été étonné des critiques formulées par M. Le Bouillonnec contre ce type de mesures : le port de la ceinture de sécurité a permis de diviser par cinq le risque de décès par accident. Nous pourrions diviser par dix le risque de mort dans le domaine des incendies.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas comparable. Soyez sérieux !

M. Luc-Marie Chatel. Nous avons d’ailleurs entendu tout à l’heure des arguments comparables à ceux avancés pour s’opposer à l’obligation du port de la ceinture de sécurité : les gens allaient rester coincés dans leur voiture et souffrir de traumatismes. Nous pouvons juger aujourd’hui.

Il faut agir dans le domaine des incendies, et c’est ce que vous faites, monsieur le rapporteur.

La seconde raison pour laquelle je soutiens la disposition qui est proposée est qu’elle est une première pierre dans un combat important pour notre société : la lutte contre les accidents de la vie courante. Je rappelle que ces accidents sont à l’origine de plus de 20 000 décès chaque année, soit quatre fois plus que les accidents de la route.

Dans le rapport que j’ai remis en 2003 sur l’information et la protection des consommateurs, je dénonçais le retard criant de notre pays dans deux domaines : le recueil des statistiques – le chiffre de 20 000 que je viens d’évoquer est approximatif – et le manque de moyens coordonnés pour la lutte contre les accidents domestiques.

Des efforts ont été faits dans ce dernier domaine puisque, en juin 2004, le Premier ministre de l’époque, M. Jean-Pierre Raffarin, a décidé d’en faire une priorité du Gouvernement et qu’il a mis en œuvre deux dispositions importantes.

La première est la mise en place du comité interministériel de la consommation, qui a été réuni pour la première fois le 15 février dernier et qui consacrera une grande partie de ses travaux à la prévention des accidents de la vie courante. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que M. Thierry Breton, qui a en charge les questions de consommation, veille à provoquer une prochaine réunion de ce comité afin d’obtenir de meilleurs résultats dans cette lutte.

La seconde disposition est la création, en juin 2004, d’un laboratoire des accidents de la vie courante qui, en nous dotant d’une même base statistique que celle qui existe aux États-Unis et en Grande-Bretagne, nous permettra de lutter efficacement contre ces fléaux.

Je remercie donc M. Morange et M. Meslot pour leur proposition. Elle montre qu’avec de la détermination, on peut réagir au plus vite face aux problèmes de la vie quotidienne des Français, et contribuer par là même à revaloriser la fonction parlementaire.

Je ne peux que regretter les atermoiements, les fausses excuses et les propos polémiques de certains de nos collègues dans un domaine où la vie de nos concitoyens est en jeu. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La discussion générale est close.

J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur l’article 1er.

Je le mets aux voix.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’article 2 met en place le dispositif contraignant des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée.

Je ferai trois remarques de nature différente.

Premièrement, je pense que l’on ne peut pas adresser à tous les intervenants qui ont contesté ce texte le reproche de ne pas prendre en compte la sécurité de nos concitoyens.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. François Rochebloine. Absolument !

Mme Annick Lepetit. Cela va de soi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est justement parce qu’elle est importante que le législateur ne doit pas se contenter de solutions qui ne seraient que des pis-aller.

M. Pierre Morange. Dans ce cas, pourquoi préconisez-vous de ne rien faire ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce que nous critiquons– je ne voulais pas le dire, mais, compte tenu de la dernière intervention, je renonce à cette précaution – c’est le fait que cette proposition de loi ne soit que de l’affichage.

Mme Muguette Jacquaint. Absolument !

M. Damien Meslot, rapporteur. C’est scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord avec M. le ministre sur les solutions à mettre en œuvre.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Damien Meslot, rapporteur. Alors votez le texte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les propos de M. Borloo devraient vous inciter à retirer cette proposition de loi.

Nous partageons la réflexion du Gouvernement : il faut d’abord engager, avec tous ceux qui oeuvrent en faveur de l’habitat et du logement – bailleurs sociaux, organismes représentant les propriétaires, syndicats de copropriétaires, amicales de locataires – un processus de sensibilisation auprès de nos concitoyens pour que ceux-ci prennent conscience de la nécessité d’accroître leur sécurité. Je rappelle qu’en Grande-Bretagne, la loi n’a prescrit l’obligation d’installer des détecteurs domestiques que lorsqu’un pourcentage de 75 % de comportements volontaires a été atteint.

Mme Annick Lepetit. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La solution suggérée par le rapport Doutreligne-Pelletier me semble la meilleure. Sinon nos concitoyens trouveront mille raisons pour ne pas accomplir les gestes que la loi leur impose, tant qu’ils n’auront pas intégré dans leur manière de fonctionner les exigences de sécurité.

C’est la raison pour laquelle je pense que cette proposition de loi n’est pas valable. Elle a certes le mérite de poser le problème, mais les solutions avancées sont totalement inefficaces. On peut affirmer cela au nom de tous ceux qui ont subi ces drames, avec la même force, la même passion que ceux qui pensent que le texte est bon.

Deuxièmement, des questions techniques qui ont été posées en commission, et ce par des députés aussi bien de gauche que de droite, se posent encore. Quelle technologie sera mise en œuvre ? Qui fabrique le matériel en France ? Qui le distribue ? Ne va-t-on pas se trouver en situation de monopole de fait ? (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Luc-Marie Chatel. Faut-il nationaliser la production des détecteurs de fumée ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En commission, du matériel était déposé sur le bureau du rapporteur. En fait, nous voulons disposer de tous les éléments nécessaires à la réflexion afin de comprendre la réalité économique qui préside à cette démarche. Nous n’avons toujours pas obtenu de réponse.

Si je suis un peu long, c’est parce que je ne voudrais pas que l’on nous fasse jouer une fois encore le mauvais rôle. Comme chacun d’entre nous ici, nous sommes comptables de la sécurité de nos concitoyens.

Troisièmement, pourquoi n’a-t-on pas évoqué le logement neuf ? Une loi n’était d’ailleurs pas nécessaire ; il suffisait de modifier le règlement de construction des logements neuf. (« Cela n’a rien à voir ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Descamps. Des fonds sont nécessaires !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela n’a rien voir ! Pourtant, M. Borloo s’apprête à construire des centaines de milliers de logements…s’il a de l’argent.

M. Jean-Louis Dumont. Il n’y a pas de crédits !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes prêts, monsieur le ministre, à aller avec vous à Bercy pour chercher l’argent.

Pourquoi ne parle-t-on pas des opérations de réhabilitation ? On observe ce problème grave par le petit bout de la lorgnette. C’est le principal défaut de ce texte, et c’est pour cela que nous y sommes opposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je le répète, pour généraliser l’installation de détecteurs de fumée, la voie réglementaire suffisait. Cela se fait tous les jours dans le domaine du logement.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous ne l’avez jamais fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est pas le genre d’argument qu’il faut utiliser ce matin.

M. Jean-Jacques Descamps. Les socialistes sont frappés d’amnésie ! On touche là où c’est sensible !

M. Jean-Louis Dumont. Vous proposez de rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée à l’intérieur des logements,…

M. Luc-Marie Chatel. Rendons obligatoire l’installation de détecteurs de fumée au siège du parti socialiste !

M. Jean-Louis Dumont. …mais que faites-vous des parties communes ? Cela signifie bien que cette proposition de loi n’est pas aboutie. C’est une petite réponse partielle, voire une tentative d’excuse. Je ne mets pas en cause votre bonne foi, monsieur le rapporteur, mais je ne crois pas à l’efficacité de ce texte.

Ainsi, la proposition de loi n’apporte aucune réponse pour ce qui concerne, par exemple, les foyers SONACOTRA suroccupés. On sait que dans ces foyers le nombre de résidants est très supérieur à celui des lits. Que faites-vous ? Il faut construire des logements, des foyers.

M. Jean-Jacques Descamps. Que ne l’avez-vous fait avant !

M. Guy Drut. En effet, ils auraient pu le faire !

M. Jean-Louis Dumont. Tous les maires doivent contribuer à l’apport du foncier. Vous n’apportez aucune réponse en la matière.

M. Jean-Jacques Descamps. Quel amalgame ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. Pas du tout !

M. Jean-Louis Dumont. Les occupants des logements locatifs sociaux, qui sont aussi les premiers intéressés dans la mesure où ils peuvent se sentir en situation d’insécurité, ne trouvent pas que ce soit une bonne idée de faire payer l’installation de détecteurs de fumée par le seul occupant.

M. Richard Mallié. Arrêtez de déresponsabiliser les gens !

M. Jean-Louis Dumont. Enfin, avec l’article3, les assureurs auront une excuse légale pour ne rien rembourser. Quelles indemnités ont été versées aux victimes dont vous rappeliez tout à l’heure la souffrance ? Combien de familles se sont retrouvées à la rue, à cause de votre indifférence, pour les quelques-unes qui ont pu être relogées ?

Au-delà, c’est une véritable politique du logement qu’il faut mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Damien Meslot, rapporteur. Mes chers collègues, vous nous reprochez d’agir dans l’urgence, mais cela fait vingt ans que l’on attend un texte, soit réglementaire, soit législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et cela fait vingt ans que des gens meurent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je crois qu’il est bien temps de faire quelque chose. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous nous assénez un certain nombre de contrevérités. Je voudrais lire deux des vingt-cinq propositions du fameux rapport Doutreligne-Pelletier.

Mme Annick Lepetit. Pourquoi citer ce rapport, si vous ne suivez pas ses conclusions ?

M. Damien Meslot, rapporteur. Nous avons rencontré les auteurs de ce rapport, et ils ont donné un avis favorable à notre proposition de loi.

Mme Annick Lepetit. Ce rapport, il est sorti brutalement ce matin !

M. Damien Meslot, rapporteur. Madame Lepetit, je comprends que vous soyez ennuyée, puisque le groupe socialiste avait déclaré attendre la publication de ce rapport pour fixer sa position

Mme Annick Lepetit. Non !

M. Damien Meslot, rapporteur. Malheureusement pour vous, il est sorti. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que dit ce rapport ? Au point 14, il prévoit de rendre obligatoire dans les logements neufs la pose de détecteurs avertisseurs automatiques.

Mme Annick Lepetit. Justement, vous ne parlez pas du logement neuf !

M. Jean-Louis Dumont. Combien de logements neufs ont été construits en 2004 et en 2005 ?

M. Damien Meslot, rapporteur. Dans le point 15, ce rapport propose d’inciter les occupants de logements à installer un DAAF et d’accompagner cette mesure par une incitation financière : réduction d’impôt sur le revenu, de taxe d’habitation ou de prime d’assurance.

Mme Annick Lepetit. Votre proposition de loi n’en contient aucune !

M. Damien Meslot, rapporteur. C’est l’objet de plusieurs amendements que nous avons présentés.

Il me paraît donc nécessaire d’adopter ce texte.

Je souhaite répondre à un certain nombre de parlementaires qui nous ont fait part de difficultés concernant les installations et les études.

Précisément, une étude menée dans les départements d’Ille-et-Vilaine et des Deux-Sèvres...

M. Jean-Louis Dumont. Auprès des bailleurs sociaux sans doute !

M. Damien Meslot, rapporteur. …a montré que 93% des détecteurs autonomes de fumée étaient efficaces et que plus de 99 % d’entre eux étaient encore en bon état de fonctionnement un an après leur mise en service. Du reste, à la suite de cette étude, un office d’HLM a décidé d’acheter 9500 DAAF.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a des gens responsables !

M. Damien Meslot, rapporteur. Les membres de l’opposition font beaucoup d’effets de manche. Nous, nous proposons des mesures simples pour éviter 800 morts et 10 000 blessés par an ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Annick Lepetit. Vous êtes nul !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint

Mme Muguette Jacquaint. Je voudrais revenir sur les propos tenus par M. le rapporteur et m’attarder un instant sur les notions de sécurité.

Vous n’avez, pas plus que vos collègues siégeant à droite, le monopole du cœur (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ni celui du respect de l’être humain.

M. Jean-Jacques Descamps. Moscou si ! C’est bien connu !

Mme Muguette Jacquaint. Je rappellerai que nous avons mené la bataille contre le saturnisme et la plombémie, qui faisaient autant de morts à l’époque que les incendies aujourd’hui. Il a fallu nous battre contre les promoteurs qui refusaient de payer ou contre les préfets qui arguaient du manque de logements pour éviter de reloger les familles en danger.

Lorsque dans nos interventions, ici, dans cet hémicycle, nous réclamions la mise aux normes des ascenseurs, de l’électricité et du gaz, je n’ai entendu aucun député soutenir ces propositions. Alors n’allez pas dire que, parce que vous, vous allez adopter cette proposition de loi et que nous, nous allons voter contre, nous sommes opposés à la sécurité, au respect des êtres humains, et que nous serions indifférents aux drames que nous venons de connaître.

Cela, je ne l’accepte pas, messieurs de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Descamps. Dans ces conditions, votez pour !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Damien Meslot, rapporteur. Loin de moi l’idée de soupçonner le groupe communiste ou le groupe socialiste d’être opposés à la sécurité des logements, et du reste, je ne l’ai pas dit.

Mme Muguette Jacquaint. Mesurez vos paroles alors !

M. Damien Meslot, rapporteur. Chacun a sa vision des choses. Et pour notre part, nous sommes pragmatiques. Nous disons simplement que nous avons la possibilité de faire avancer les choses. À cet égard, je partage tout à fait ce que vous avez dit, monsieur Dumont, sur la nécessité des campagnes de sensibilisation.

Mme Annick Lepetit. Nul besoin de légiférer pour cela !

M. Damien Meslot, rapporteur. Et si nous avons repoussé le délai de trois à cinq ans, après avoir rencontré M. Pelletier et M. Doutreligne, c’est pour permettre les campagnes d’information.

Mme Annick Lepetit. Non !

M. Damien Meslot, rapporteur. M. le ministre Jean-Louis Borloo a indiqué que les premières campagnes auraient lieu dès la fin de l’année. Ces propos sont tout à fait de nature à nous rassembler.

Vous avez vos positions, nous avons les nôtres. Je respecte les unes et les autres. Je ne fais pour ma part aucun procès d’intention. J’attends donc de votre part la même chose en retour.

Nous essayons juste de faire avancer les choses de façon pragmatique. Et avec les campagnes d’information, je suis sûr que nous pourrons sauver des vies dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Il faut un minimum d’honnêteté ! Citer un rapport en ne retenant que les choses qui vous intéressent n’est pas correct.

J’ai le document sous les yeux, et je vais vous en lire un extrait. Vous ne pourrez donc pas me mettre en défaut. Le document insiste sur la méconnaissance de l’état du parc de logements et du nombre d’accidents touchant à la santé et à la sécurité des occupants : il est ainsi impossible de savoir exactement combien de personnes meurent chaque année à la suite d’un incident.

M. Damien Meslot, rapporteur. Ce n’est ni plus ni moins ce que j’ai dit !

Mme Janine Jambu. Par ailleurs, les rapporteurs écrivent : « les sinistres de cet été ont montré combien les règles de sécurité en cas d’incendie sont largement méconnues. Il ne faut que huit secondes pour succomber à la fumée, d’où la nécessité d’une grande campagne pluriannuelle de sensibilisation à destination de publics différenciés. »

Mme Annick Lepetit. Voilà !

Mme Janine Jambu. N’est-ce pas là la question essentielle ? Le rapport insiste sur ce point. Or vous ne l’évoquez pas. Vous n’avez que le mot « détecteur » à la bouche !

M. Jean-Jacques Descamps. L’un n’empêche pas l’autre !

Mme Janine Jambu. Ce problème est trop grave, et il dépasse les détails techniques de détecteurs auxquels vous vous référez uniquement. Sans information préalable, vous ne réglerez pas le problème et n’écarterez pas le danger.

M. le président. Veuillez conclure, madame Jambu.

Mme Janine Jambu. La CNL, grande association de défense des locataires…

M. François Rochebloine. Il y en a d’autres aussi !

Mme Janine Jambu. En effet, il y en a d’autres.

Mme Muguette Jacquaint. On s’en réjouit du reste !

Mme Janine Jambu. Bref, la CNL…

M. Jean-Jacques Descamps. Satellite du PC !

M. Jean-Louis Dumont. C’est mesquin et faux !

Mme Muguette Jacquaint. Tout le monde ne peut pas être un satellite du MEDEF !

Mme Janine Jambu. Revenons au fond, monsieur Descamps, vos accusations sont purement gratuites.

M. le président. Laissons les satellites et revenons aux détecteurs de fumée !

Mme Janine Jambu. Les auteurs du rapport estiment que rendre obligatoire dès à présent l’installation des DAAF est vaine, voire imprudente, hormis dans les logements neufs. En effet, ces équipements ne servent à rien si les gens ne maîtrisent pas les règles de sécurité.

M. Damien Meslot, rapporteur. C’est pourquoi l’obligation ne s’imposera que dans cinq ans !

Mme Janine Jambu. Nous vous demandons de prendre en compte l’ensemble des considérations de ce rapport, monsieur le rapporteur. Or elles ne sont pas évoquées dans votre propre rapport.

M. Damien Meslot, rapporteur. Si, à l’article 4 !

M. Jean-Louis Dumont. Il ne faut pas tronquer les textes !

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi d'un amendement n° 3 corrigé.

La parole est à M. Damien Meslot, pour le soutenir.

M. Damien Meslot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite qu’il n’y ait aucune confusion sur les conclusions du rapport Pelletier-Doutreligne, et Mme Jambu a eu raison d’insister sur la nécessité d’y être fidèle.

A la page 27 du rapport, on peut lire ceci : « La question s’est en conséquence posée de savoir s’il convenait, sans plus attendre, de rendre obligatoire l’installation de DAAF dans les logements, comme une proposition de loi présentée par MM. Pierre Morange et Damien Meslot l’envisage qui vient en première lecture devant l’Assemblée nationale ce 13 octobre 2005.

« Les nombreuses consultations que nous avons opérées et noter réflexion personnelle nous conduisent à penser, que s’il est nécessaire de favoriser l’installation de DAAF dans les locaux d’habitation, il serait vain, voire imprudent de rendre obligatoire dès à présent l’installation de ces équipements.

« En effet, l’instauration d’une obligation en la matière, serait-elle à effet différé, se heurterait à plusieurs écueils : démobiliser l’opinion et les pouvoirs publics, qui pourraient penser que la mise en sécurité des personnes dans l’habitat est désormais assurée par l’installation de ces équipements ; démunir les personnes insuffisamment sensibilisées à l’égard du risque. Les expériences étrangères témoignent que la mesure obligatoire restera lettre morte, manifestant alors l’inefficience de la loi, tant que les personnes concernées n’auront pas été suffisamment averties. »

Les rapporteurs ajoutent : « En conséquence, si nous approuvons la disposition normative tendant à prévoir, que dans les logements à construire, figure dorénavant un détecteur avertisseur autonome de fumée relié au réseau électrique et doté d’une source d’énergie autonome –batterie ou pile électrique –, nous considérons que l’extension obligatoire de cette mesure aux immeubles existants est prématurée.

« Nous proposons que la campagne de sensibilisation s’engage massivement et que, simultanément, une incitation financière soit proposée aux occupants de locaux d’habitation, de nature à les encourager à acquérir un DAAF, le faire correctement installer puis en assurer la maintenance régulière. »

Et les rapporteurs recommandent :

« – d’édicter l’obligation d’installation d’un DAAF dans les constructions neuves à usage d’habitation ;

« – de ne pas rendre obligatoire en l’état, serait-ce à effet différé de quelques années, l’installation de DAAF dans les locaux d’habitation existants ; ».

Telle est, mes chers collègues, la teneur du rapport Pelletier-Doutreligne. Toute affirmation contraire à ce que je viens de lire n’est donc pas conforme à l’intention de M. Pelletier et de M. Doutreligne.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 3 corrigé.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, inscrit sur l’article.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nos concitoyens ne comprennent pas toujours lorsque nous leur parlons de libéralisme. Or l’article 3 montre la manière dont la majorité s’occupe des Français. En commission, vous avez prôné l’installation obligatoire d’un DAAF, sa prise en charge par les occupants – article 2 –, la justification auprès des compagnies d’assurance, et la possibilité pour ces dernières d’introduire une franchise de 5 000 euros – article 3 !

C’est ainsi que vous prétendez garantir la sécurité des occupants. La manière est singulière. D’ailleurs, nous avions immédiatement vu – sur tous les bancs de la commission – le danger qu’il y avait de mettre les compagnies d’assurance en situation d’arbitre. Entre celles qui auraient contesté l’installation, celles qui auraient contesté les modalités de fonctionnement et de vérification, celles qui auraient contesté les implications de la franchise, la victime aurait toujours été perdante !

Le débat qui a eu lieu en commission vous a contraint à revenir sur cette position et à proposer, d’une part, un amendement de suppression de la franchise, et, d’autre part, un amendement rendant possible la déduction du coût de l’installation de la prime d’assurance, comme le préconise du reste le rapport Pelletier-Doutreligne. Ce sont deux bonnes propositions. Merci, monsieur le rapporteur !

Avouez tout de même qu’il est surprenant qu’il ait fallu que la commission s’oppose à ce que cette disposition se traduise par des royalties supplémentaires pour les assureurs, au détriment des victimes, pour qu’on en tienne compte !

M. Luc-Marie Chatel. De quoi vous plaignez-vous ?

M. Jean-Jacques Descamps. C’est cela la vision libérale !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Telle est la façon dont se manifeste votre intérêt pour les Français !

M. le président. Sur l’article 3, je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. Damien Meslot, pour le soutenir.

M. Damien Meslot, rapporteur. Je m’étonne, monsieur Le Bouillonnec, que vous soyez chagriné par le fait que l’on ait tenu compte de vos propositions, qu’elles aient été reprises et votées ce matin à l’unanimité par la commission ! (Sourires.)

Cet amendement supprime la possibilité offerte dans le texte initial aux assureurs de pratiquer une franchise supplémentaire de 5 000 euros lorsque les assurés ne se sont pas conformés à l'obligation d'équiper les parties privatives des logements en détecteurs de fumée.

Il prévoit que les assureurs peuvent minorer les cotisations des assurés qui équiperaient leurs logements de DAAF, conformément aux observations du rapport Pelletier-Doutreligne pour une meilleure sécurité des personnes dans leur habitat, privilégiant sur ce point l'engagement d'une discussion avec les assureurs – comme l’indiquait tout à l’heure M. le ministre – afin d'éviter que l'augmentation des coûts de gestion ne soit répercutée sur le montant des primes.

L'objectif est de favoriser l'équipement en DAAF grâce à des incitations et non à des sanctions.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Voilà !

M. Jean-Louis Dumont. Heureusement qu’il y a des assureurs militants ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1 de M. Christ n’a plus d’objet

Je mets aux voix l’article 3, modifié par l’amendement n°4.

(L'article, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2, portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à Mme Josiane Boyce, pour le soutenir.

Mme Josiane Boyce. Il s’agit d’un amendement de précaution. Il dispose que les compagnies d’assurance ne peuvent se prévaloir d’un défaut d’installation, d’entretien et de fonctionnement du détecteur avertisseur autonome de fumée non plus que de l’absence de déclaration d’installation pour s’exonérer de leurs obligations de prise en charge des dommages causés par un incendie dont l’origine est située dans un logement couvert par la garantie « incendie » du contrat d’assurance de l’assuré.

M. Jean-Louis Dumont. C’est la démonstration de ce que nous disions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Damien Meslot, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Mme Boyce vient de nous faire la démonstration que cette proposition de loi est inutile en l’état, puisque toute clause qui, dans un contrat d’assurance, irait à l’encontre de ce que préconise son amendement serait réputée nulle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Les victimes d’accidents nous interpellent de plus en plus souvent à propos de leurs conflits avec les compagnies d’assurance. Celles-ci refusent de plus en plus de verser des indemnisations : elles minimisent, utilisent le moindre point-virgule pour éviter de couvrir le risque. Alors même qu’on pense être indemnisé en cas de malheur, on ne peut l’être.

Nous pouvons donc remercier notre collègue pour cet amendement. Elle a fait la démonstration de tous les dangers qui guettent les futures victimes avec la proposition de loi.

L’un de nos collègues a fait référence à la sécurité routière. Il est vrai que les victimes de la circulation étaient trop nombreuses. L’accident était souvent la conséquence d’une bêtise. Désormais, tout le monde met sa ceinture de sécurité, même s’il a fallu une période d’adaptation, notamment pour les cas spécifiques de personnes ayant eu un accident auparavant ou souffrant d’une maladie – je pense en particulier aux femmes victimes d’un cancer.

Pour les radars, c’est autre chose. Que remarque-t-on aux alentours des radars placés sur l’autoroute ? Cinq cents mètres avant, les automobilistes donnent un grand coup de frein ; quelques centaines de mètres après, ils accélèrent.

M. Luc-Marie Chatel. Deux mille morts en moins sur les routes, ce n’est pas rien !

M. Jean-Louis Dumont. En fait, le seul objectif du radar – point sur lequel nous pouvons tous être d’accord –, c’est sa rentabilité !

M. Richard Mallié. N’oubliez pas les 2000 morts en moins chaque année !

M. Jean-Louis Dumont. J’ai l’impression qu’avec cette proposition de loi, on est dans la même situation, avec une énorme rentabilité pour les assureurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Damien Meslot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’article 4 est donc ainsi rédigé.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous voterons contre cette proposition de loi. Nos arguments ont montré que le problème qu’elle pose est légitime mais que les solutions qu’elle propose ne sont pas pertinentes.

Nous demandons à M. le ministre, allant dans le sens de son intervention, de remettre l’ouvrage sur le métier, de reprendre ce chantier, en utilisant peut-être la loi « habitat » si des mesures d’urgence doivent être prises. C’est seulement lorsque 50 % des ménages en seront équipés, qu’il faudra rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée. C’est ce que préconise le rapport Doutreligne–Pelletier, à la page 31. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, pour le groupe de l’UMP.

M. Pierre Morange. Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments qu’a développés M. le rapporteur pour défendre cette proposition de loi que j’ai déposée avec lui.

S’il faut respecter toutes les positions qui ont été défendues, on ne peut présenter ce texte comme étant conjoncturel. En effet, 800 décès par an et 10 000 victimes d’incendies domestiques, c’est une réalité depuis des décennies, à laquelle l’ensemble des dispositions prises en matière de prévention n’ont pas permis d’apporter de réponses concrètes jusqu’à présent.

M. François Rochebloine. Vous savez bien que vous ne proposez pas de solution véritable.

M. Pierre Morange. Face aux rapports et comités d’expertise évoqués par nos collègues, les avis de la Fédération nationale des grands brûlés de France, de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers et des autorités médicales me paraissent tout aussi légitimes, sinon plus pertinents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adoptée.)

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, n° 2093, relative au traitement de la récidive des infractions pénales :

Rapport, n° 2452, de M. Gérard Léonard, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinquante.)