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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 20 octobre 2005

27e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

Loi de finances pour 2006

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, nous allons entamer une discussion des articles qui sera certainement longue – elle se poursuivra d’ailleurs lundi – et dont tout le monde espère qu’elle se déroulera dans les meilleures conditions. Encore faudrait-il, pour qu’il en soit ainsi, que nous ayons tous les éléments nécessaires pour travailler.

Depuis l’ouverture du débat budgétaire, nous demandons à M. le ministre de nous prouver, chiffres à l’appui, que la réforme fiscale est aussi équitable qu’il le prétend. Tous les documents dont nous disposons, et dernièrement encore le rapport de l’OFCE, affirment que cette réforme bénéficiera essentiellement aux classes aisées. Il serait donc juste que, dans le souci d’éclairer non seulement les parlementaires mais aussi l’ensemble des citoyens, nous ayons connaissance de toutes les simulations. Nous avons besoin de savoir, dans chaque catégorie de revenus, qui va gagner et qui va perdre. On nous assure que personne n’y perdra mais, comme nous constatons que les prélèvements augmentent et que les impôts ne diminuent que pour quelques-uns, nous nous interrogeons. Il faut prendre pour référence la masse globale des contributions, y compris la CSG et les impôts locaux, pour déterminer ceux qui vont encore faire les frais de votre nouvelle réforme.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j’en appelle au souci de transparence qui paraît vous animer car nous n’avons toujours pas la simulation sur la réforme de la dotation globale d’équipement. On dit aux départements qu’on va leur rembourser 462 millions au titre de 2004 mais, pour l’instant, on leur en prend 200 à cause de cette réforme ! M. le ministre nous reprend d’une main ce qu’il nous donne de l’autre.

Enfin, une réforme importante de la fiscalité locale est en cours. M. le ministre assure qu’il dispose des simulations et M. Mariton a déclaré tout à l’heure que la majorité pourrait travailler de son côté avec le Gouvernement.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas dit cela !

M. Augustin Bonrepaux. Est-il équitable que l’opposition n’ait pas les mêmes informations que la majorité ?

Si vous souhaitez comme nous, monsieur le président, que la discussion se déroule dans les meilleures conditions, l’opposition doit être traitée convenablement et disposer, dans la plus grande transparence, de tous les éléments qui lui sont indispensables pour travailler.

M. le président. Ce rappel au règlement n’en était pas un, monsieur Bonrepaux.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, qui, je l’espère, s’en tiendra strictement au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. N’en doutez pas, monsieur le président. J’interviens sur le déroulement de nos travaux qui, chacun le sait, s’inscrivent dans le cadre de la LOLF, laquelle constitue une nouveauté. M. Mariton lui-même n’a-t-il pas précisé qu’il s’agit d’apprécier non l’opportunité de la dépense publique, mais son efficacité ? Ainsi, selon les options politiques du Gouvernement, on peut décider d’affecter des fonctionnaires à telle tâche plutôt qu’à telle autre.

Dans cette perspective, je m’intéresse à la façon dont sont utilisés les fonctionnaires. Ainsi, je n’ai pas assez de fonctionnaires de police dans ma bonne ville de Montreuil, que vous connaissez bien, monsieur le président, pour la visiter de temps en temps. Mais peut-être d’autres sont-ils mal utilisés ailleurs ? J’en reviens donc à la question que j’ai posée plusieurs fois après avoir lu une revue qui est largement diffusée au Raincy aussi, je veux parler de Paris-Match, qui a relaté le mariage de Delphine Arnault. Je veux savoir si les gendarmes qui ont accompagné le cortège correspondaient à une dépense pertinente au sens de la LOLF. Combien étaient-ils ? Combien ont-ils coûté ?

Comme vous le voyez, monsieur le président, je suis resté dans le cadre d’un rappel au règlement. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, quand Mme Bettencourt se rend dans ma ville, elle vient sans gendarme. (Sourires.)

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur Bonrepaux, pour ce qui est des mesures relatives aux impositions, c’est-à-dire pour la partie du texte allant jusqu’à l’article 20, la commission des finances se réunira dans le courant ou à la fin de l’après-midi afin de discuter de tous les éléments chiffrés.

S’agissant des dotations aux collectivités locales, nous aurons l’occasion d’en débattre largement dans les deux prochaines semaines et nous demanderons, si besoin est, à M. le ministre du budget de venir répondre à toutes les questions des parlementaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Avant d’entamer la discussion, je souhaite répondre aux remarques de M. Brard.

Si vous avez évoqué le mariage en question, monsieur le député, c’est sans doute parce que vous vouliez faire un « coup », mais vous allez être déçu. Renseignements pris auprès de la préfecture, une vingtaine de gendarmes ont été mobilisés, uniquement pour régler la circulation dans la commune où s’est déroulée la cérémonie. Pour le reste, la sécurité a été assurée par une société privée aux frais de M. Arnault, et n’a été en aucun cas financée par la dépense publique.

Mais, monsieur Brard, comme j’ai des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, je sais que le but de votre question n’a rien à voir ni avec la LOLF, ni avec le souci d’une bonne utilisation des deniers publics. Vous voulez juste lancer la polémique, et même à un très petit niveau, contrairement à votre habitude et en dépit de votre talent. Depuis le début de la discussion, en marge de vos interventions sur le budget – qui étaient tout à fait intéressantes, même si nous ne sommes pas d’accord –, vous avez à de nombreuses reprises mis en cause personnellement, de manière indigne, voire choquante, le ministre Thierry Breton. Je le regrette vivement car ce n’est pas digne de notre débat, quelles que soient par ailleurs nos divergences. Vous pourriez développer les mêmes idées, avec le même talent et le même humour, sans porter systématiquement atteinte à la personne de Thierry Breton.

Chacun connaît sa compétence remarquable. La France a besoin de l’expérience qui est la sienne. En tant qu’ancien chef de grandes entreprises françaises, il apporte au Gouvernement une contribution majeure. Je regrette vraiment que tous vos propos à son égard, monsieur Brard, soient systématiquement émaillés d’allusions graveleuses, (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui ne sont pas dignes de la qualité de notre débat.

M. Jean-Pierre Brard. Puis-je répondre, monsieur le président ?

M. le président. S’il s’agit d’un fait personnel, vous interviendrez en fin de séance.

M. Jean-Pierre Brard. C’est juste pour clore le débat à ce sujet.

M. le président. Le règlement ne prévoit rien de tel, monsieur Brard. (Sourires.)

Discussion des articles

M. le président. Nous abordons la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Loin de moi l’intention de retarder nos débats, mais je voudrais m’arrêter un instant sur cet article traditionnel, voire rituel, qui dit bien la portée des lois de finances et définit l’objet même des travaux du Parlement : « La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2006... ». Je rappelle donc que notre assemblée délibère sur le droit de percevoir l’impôt de l’État, mais aussi celui des collectivités territoriales.

Lors des travaux de la commission d’enquête au printemps dernier, la question s’est posée de savoir si l’Assemblée nationale avait la légitimité de légiférer sur les impôts locaux. Certains de nos collègues s’interrogent régulièrement sur ce qu’ils jugent une immixtion déraisonnable en vertu du principe d’autonomie des collectivités territoriales. Mais on peut à la fois reconnaître l’autonomie fiscale des collectivités locales et rappeler que, dans notre pays, le droit de percevoir l’impôt, qu’il soit national ou local, est consenti par le Parlement, qui vote la loi de finances.

Cette compétence du Parlement est parfaitement cohérente avec la démarche du Gouvernement sur la responsabilité conjointe de l’État et des collectivités locales en matière de finances publiques. L’article 1er apparaît ainsi comme le point de départ de toute réflexion portant sur la nécessité de définir une stratégie globale, notamment dans le cadre de la conférence des finances publiques. Il est à la base de tout l’édifice fiscal et engage notre responsabilité. Sans cet article, en effet, pas de perception d’impôt local, puisque c’est l’Assemblée nationale qui autorise les collectivités territoriales à percevoir l’impôt. Il est important, dès l’article 1er, de rappeler ce principe d’unité nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Nous engageons la discussion budgétaire article par article. Je n’ai pas pris la parole au cours de la discussion générale mais, ayant écouté le ministre de l’économie, j’ai été frappé par la façon dont il s’est adressé à nous : il a commencé par vouloir nous faire un véritable cours sur le budget ! Peut-être était-ce assez naturel : c’était son premier exercice et il devait s’adresser à lui-même plutôt qu’à la représentation nationale. C’était néanmoins assez inélégant vis-à-vis de nous !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Idiart…

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le ministre, cette remarque visait à clore certain débat.

J’en viens à l’intervention de M. Mariton. Il n’a pas pu ne pas s’apercevoir, depuis quelques jours, de l’émotion qui a saisi l’ensemble du pays, qu’il s’agisse de l’opinion publique ou des élus. La presse, quant à elle, a parfaitement compris que le Gouvernement, depuis quelque temps, s’efforce de faire porter aux collectivités locales la responsabilité de ses choix. Les décisions, c’est vous qui les prenez ! Vous avez commencé par une loi de décentralisation et vous finissez par des transferts ! Vous aviez promis un immense élan, et, aujourd'hui, pour faire quelques économies, vous demandez aux collectivités locales de prendre leurs responsabilités en faisant un effort supplémentaire. Vous vous dédouanez ! Tout parlemen-taire qui siège aussi dans une assemblée départementale sait fort bien, s’agissant notamment du transfert des personnels de l’équipement, que la réalité ne correspond pas aux espoirs. Il suffit de discuter avec eux. Alors, monsieur Mariton, un peu de modération, je vous prie ! Il est grave de prétendre, comme vous l’avez fait ce matin, que si nous nous soucions un peu trop des collectivités locales, c’est que nous mélangeons les genres et qu’il faudra alors limiter plus strictement encore le cumul des mandats locaux et nationaux. Je tiens à vous rassurer : même sans mandat local, nous continuerons de défendre ici les collectivités territoriales ! Nous le ferons d’ailleurs pour la raison que vous avez vous-même indiquée, afin de vous justifier, dans votre intervention sur l’article 1er : il nous appartient de faire un certain nombre de choix.

Ce matin vous avez plaidé pour une bonne organisation de nos débats, et voilà que, dès l’article 1er, c’est vous qui relancez la discussion ! Je comprends bien, encore une fois, l’émotion qui vous étreint, mais, à voir la façon dont chacun réagit, il vous faut la contrôler afin que nous puissions en venir aux questions de fond. De notre côté, nous désirons disposer de toutes les informations nécessaires et nous n’hésiterons pas à les demander. Soyez également assuré que nous saurons, à chaque étape, indiquer précisément ce que nous voulons !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il est vrai qu’on intervient rarement sur l’article 1er. Mais M. Mariton multiplie les occasions de s’exprimer et donc de lui répondre, contribuant ainsi au bon fonctionnement de la démocratie parlementaire.

M. Hervé Mariton. Vous allez me rendre populaire !

M. Jean-Pierre Brard. Ce sera difficile ! Et nous en jugerons aux prochaines échéances électorales que, ce matin même, le Président de la République a évoquées.

Si l’article 1er était rédigé de façon rigoureuse, il préciserait, au II, non pas que « la loi de finances s’applique : 1° À l’impôt sur le revenu […] ; 2° À l’impôt dû par les sociétés […] » mais que, sous réserve de dispositions contraires, elle s’applique de moins en moins à l’impôt sur le revenu dû au titre de 2005 et des années suivantes et de moins en moins à l’impôt dû par les sociétés.

Monsieur le président, je conviens qu’il n’existe pas, à l’article 58 de notre règlement, d’alinéa 2 bis ou 2 ter intitulé « clôture ». Mais chacun a pu noter que, dans mon intervention précédente, je n’ai à aucun moment cité M. Thierry Breton. Peut-être était-ce subliminal dans l’esprit de M. Copé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous plaisantez !

M. Jean-Pierre Brard. Absolument pas ! C’est M. Copé qui a cité M. Thierry Breton. Qu’il ait pour lui les yeux de Chimène, c’est son droit. Cela prouve simplement que nous n’avons pas les mêmes sympathies.

M. Jean-Pierre Soisson. On le sait !

M. Jean-Pierre Brard. Je prends acte, monsieur le ministre, du chiffre que vous nous avez fourni. Je vous ferai toutefois remarquer que les communes qui accueillent le tour de France doivent payer les gendarmes.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Si !

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. En revanche, lors de la manifestation purement privée organisée par un grand capitaine d’industrie pour le mariage d’une personne qui n’est pas encore célèbre mais qui est membre, il est vrai, d’une dynastie appartenant au CAC 40, c’est le contribuable qui a dû financer la circulation dans le village.

Cela est d’autant plus choquant que l’ère Sarkozy, à Montreuil, c’est cinquante fonctionnaires de police en moins !

M. le président. Je vous demande de revenir à l’article 1er, monsieur Brard, et au règlement !

M. François Vannson. Il tient un discours de politique générale !

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas demandé la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président, mais pour intervenir sur l’article. Je suis donc libre de mes propos, tout comme vous l’êtes, monsieur le ministre, au sujet de M. Thierry Breton.

Je souhaite pourtant vous opposer le témoignage d’une lectrice du Parisien qui a participé à un débat que le journal a organisé avec le ministre de l’économie. Comme à son habitude, Le Parisien a ensuite demandé aux participants ce qu’ils ont pensé de l’invité : Mme Dominique Rudolf, qui est âgée de cinquante-six ans et se trouve sans emploi, a déclaré avoir trouvé M. Breton « d’un accès plutôt facile mais, au total, moyennement convaincant. Ses réponses sont souvent trop longues, il se répète et fait dans l’autosatisfaction. Il a plus l’étoffe d’un grand patron que d’un ministre. » Vox populi, vox Dei ! M. Breton représente, comme vous, l’intérêt des classes dominantes, lesquelles s’enrichissent de la pauvreté qui s’étend. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Soisson. Cela commence à bien faire !

M. Jean-Pierre Brard. Laissez-moi parler librement, monsieur Soisson ! Hier, lorsque je vous ai vu, de loin, assis près du micro, je me suis dit : Seillière est là ! Pas du tout, c’était Jean-Pierre Soisson !

M. Jean-Pierre Soisson. Cela suffit !

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons progressé sur un point au moins : grâce à M. Mariton, la confrontation idéologique est devenue tout à fait claire. Vous êtes autistes ! Vous continuez avec vos vielles lunes d’avant 1789 ! L’année dernière, vous avez pris un coup de pied aux fesses à l’occasion des régionales, et vous continuez ! Vous en avez pris un second le 29 mai dernier, et vous continuez encore ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Vannson. Nous sommes à l’Assemblée nationale, pas à la Comédie française !

M. le président. Monsieur Brard, je vous prie de conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Persévérez donc dans l’erreur ! Encore que, pour vous, il ne s’agit pas d’erreur, mais de choix ! Ceux de nos collègues qui pensent que vous échouez ont tort. Vous n’échouez pas. Vous réussissez. Vous réussissez à enrichir les plus riches ! De ce point de vue, votre politique est couronnée de succès !

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Soisson. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Soisson. J’ai été mis en cause par M. Brard.

M. Michel Bouvard. Il s’agit alors d’un fait personnel !

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le président, sommes-nous dans la discussion budgétaire ou dans l’évocation par M. Brard d’événements médiatiques ? C’est totalement différent !

M. Pierre-Louis Fagniez. M. Brard fait du journalisme people !

M. Jean-Pierre Soisson. Cet après-midi, le débat est sérieux !

M. Jean-Pierre Brard. Surtout quand vous parlez !

M. Jean-Pierre Soisson. Nous sommes venus voter le budget de la France et non écouter je ne sais quelles sornettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 290.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 290.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 290.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, inscrit sur l’article 2.

M. Jean-Claude Sandrier. Puisque le projet de loi de finances présente désormais la particularité d’être bisannuel, nous aurons l’occasion de revenir aux dispositions prévues par le Gouvernement et d’examiner ultérieurement le projet de modification du barème. Nous souhaiterions néanmoins faire dès à présent quelques remarques.

L’objectif que le Gouvernement poursuit officiellement en réduisant le nombre des tranches de l’impôt sur le revenu – mesure qui constitue le premier volet de la réforme – est d’alléger significativement le poids de l’impôt qui pèse sur les classes moyennes : il leur serait restitué 3,5 milliards d’euros durant la période 2006-2007.

Le Premier ministre a annoncé sans complexe qu’il entendait également diminuer la progressivité de l’impôt. Or toute réduction de la progressivité de l’impôt profite d’abord aux contribuables les plus aisés, qui bénéficient non seulement de la limitation des tranches intermédiaires du barème, mais également de celle des tranches hautes. La réduction de sept à quatre du nombre des tranches et l’intégration de l’abattement de 20 % dans le nouveau barème le vérifient. Selon l’économiste Henri Sterdyniak, les classes moyennes n’auront que les miettes d’un festin réservé aux riches. Vous pouvez le contester : l’OFCE confirme que 10 % des ménages les plus aisés bénéficieront de 40 % des gains de la réforme de l’impôt sur le revenu. Selon l’OFCE, un golden boy célibataire qui gagne 200 000 euros brut par an économisera grâce à la réforme 4 875 euros d’impôt par an.

Cette simplification du barème crée en outre de fortes disparités. Selon le SNUI – Syndicat national unifié des impôts – un célibataire salarié qui déclare 17 000 euros et qui a versé, pour 2004, 997 euros d’impôt, devra verser, après réforme, 916 euros, ce qui représente un gain de 81 euros. Un célibataire salarié qui déclare 40 000 euros, et qui a versé, pour 2004, 5 836 euros d’impôt, en devra, après réforme, 5 664, soit un gain de 172 euros.

Mais un commerçant ou quelqu’un exerçant une profession libérale, célibataire, déclarant 40 000 euros de revenus et s’acquittant actuellement de 10 047 euros d’impôt, n’en paiera plus que 6 865 après la réforme, soit 3 182 euros de moins. Il paraît que vous devez corriger cette manière de compter : nous attendons votre démonstration.

Mais les surprises ne s’arrêtent pas là. Il faut compter aussi avec les oubliés de la réforme. D’abord les quelques millions de personnes qui ne sont pas assez riches pour être imposables, mais le sont trop pour prétendre à la prime pour l’emploi, celles dont le revenu imposable est inférieur à 10 846 euros et qui ne gagneront rien avec la réforme. Pire, et l’on n’en a pas beaucoup parlé, certains y perdront : c’est le cas des couples mariés avec deux ou trois enfants et dont le revenu annuel est inférieur ou égal à 25 000 euros ; leur impôt augmentera, très modestement, c’est vrai, mais il augmentera. On ne peut par conséquent prétendre, comme le fait le Gouvernement, qu’il n’y aura pas de perdants. Il y aura bien des perdants, et plus encore de gens qui ne gagneront rien à votre réforme.

Ainsi le gain sera pratiquement nul pour ceux qui déclareront entre 5 301 et 30 529 euros de revenus. Seule la tranche intermédiaire, située entre 10 846 et 30 529 euros, profitera effectivement de la réforme, bénéficiant d’une baisse d’impôt de 17,2 %, en vertu de laquelle le Gouvernement se fait fort de présenter son projet comme favorable aux classes moyennes. Mais mettre sur un pied d’égalité les salariés gagnant 10 846 euros et ceux qui en déclarent 30 529, soit près de trois fois plus, relève, là encore, de la supercherie. Ce sera pourtant l’effet mécanique de la baisse du nombre de tranches.

Ainsi, sous prétexte de simplifier notre système fiscal, de le rendre plus compétitif, plus attractif, le Gouvernement n’hésite pas à s’en prendre au principe de progressivité de l’impôt et à aggraver les injustices fiscales. Nous avons, pour notre part, fait le choix inverse et nous souhaitons garantir une meilleure progressivité de l’impôt ; c’est le sens de nos amendements à l’article 2.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne voudrais pas que Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, se sente obligé, une fois que nous aurons voté le budget, de regretter à nouveau les baisses d’impôts, ce qu’il fait régulièrement, comme cet été dans la presse, lorsqu’il expliquait que les réductions réalisées jusqu’à présent n’avaient servi à rien, 7 milliards d’euros ayant été dilapidés, au bénéfice avant tout des plus hautes tranches de revenus.

M. Jean-Pierre Grand. Ce n’est pas vrai !

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à poursuivre cette réduction d’impôt, cette fois à hauteur de 3,6 milliards, ce qui, en ajoutant les 7 milliards précédents, représente au total presque 11 milliards, toujours pour rien.

En effet, vous avez engagé la première réforme en 2002, nous promettant une relance de la croissance pour l’année suivante. Or, pour 2003, la croissance était presque nulle. Quel est donc l’effet de ces réductions ? Expliquez-nous, monsieur le ministre, quels vont en être les bénéficiaires, puisque nous constatons, d’après vos propres chiffres, que les prélèvements obligatoires augmentent ?

Ils augmentent alors que l’impôt baisse pour quelques-uns seulement. Les perdants de la réforme sont les plus nombreux, ceux qui subissent la hausse des prélèvements ne bénéficiant pas des réductions que vous préparez. Aussi souhaiterions-nous obtenir des simulations statistiques, qui nous montreraient certainement que quand vous nous affirmez défendre une réforme juste, le mot « justice », dans votre bouche, revêt une connotation un peu particulière : il s’adresse en effet plus particulièrement aux catégories qui ont vos faveurs, c’est-à-dire les plus aisées.

M. Jean-Luc Warsmann. Cela suffit maintenant !

M. Augustin Bonrepaux. Alors que nous entamons le débat budgétaire, nous devrions disposer d’une telle simulation.

Quant à M. le président de la commission des finances, plutôt que de faire acte de contrition à la fin de la discussion, il serait bien avisé, j’y insiste, de dire dès maintenant son opposition à cette réforme. Il serait en effet préférable de trouver les moyens d’accroître l’investissement, d’améliorer l’équipement, …

M. Loïc Bouvard. Il ne fallait pas faire les 35 heures !

M. Augustin Bonrepaux. …l’attractivité de la France dépendant de la qualité de ses infrastructures.

M. le président. En ce qui concerne les deux amendements à l’article 2, peut-on considérer, monsieur Brard, que M. Sandrier les a défendus ?

M. Jean-Pierre Brard. Cette question m’étonne de vous, monsieur le président, car je vous sais attaché au dialogue et à la réflexion collective. Mon propos, évidemment, complétera celui de mon collègue Jean-Claude Sandrier.

L’amendement n° 206, monsieur le ministre, poursuit un objectif clair. Plus d'un tiers de la réduction des inégalités constatée, 38 % exactement, est dû à l'impôt sur le revenu. C'est dire que le caractère progressif de l'impôt, le principe qui consiste à retirer beaucoup plus aux favorisés qu'aux autres, est un puissant facteur de réduction des inégalités. C'est sans doute ce qui vous choque et vous déplaît le plus dans l’impôt progressif, hérité des grandes batailles du début du XXe siècle. Vous préférez systématiquement utiliser le terme d'équité en bannissant celui d'égalité, issu de la Révolution française. De fait, la lutte contre la réduction des inégalités n'est pas dans vos priorités. Ce n'est pas votre ambition. C'est en revanche la nôtre. Vous vous situez dans la perspective de faciliter le passage au principe de la retenue à la source, vous programmez la mort de la progressivité.

Les réformes annoncées vont porter un rude coup à la progressivité, et donc, au modèle social français que prétend défendre le Premier ministre. Il s’agit de soumettre toujours davantage les choix fiscaux à la concurrence fiscale internationale, de poursuivre et d’amplifier le mouvement des baisses de l'impôt sur le revenu, dont le coût cumulé, entre 2000 et 2006, s'élèvera à 50 milliards d'euros, sans pourtant provoquer d'effet notable sur l'emploi et la croissance.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit hier que vous alliez chercher à l’étranger les bons exemples. Pourtant, vous n’apportez aucune réponse face aux chiffres que j’ai déjà cités. La part de l'impôt sur le revenu dans les recettes publiques ne représentera plus que 17,3 %. C'est l'un des taux les plus faibles d'Europe : l'impôt sur le revenu représente en effet 25,1 % des recettes publiques allemandes. J’ai d’ailleurs constaté, hier, quand je donnais ces statistiques à la tribune, que M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances les écoutaient avec beaucoup d’attention. Ce taux est de 29,8 % des recettes publiques au Royaume-Uni et de 53,2 % au Danemark, le pays de référence du Premier ministre. La moyenne dans l'Union européenne des Quinze, avant l’élargissement, se situait à 25,8 % alors que nous allons tomber en France, je le répète, à 17,3 %.

Il n'existe aujourd'hui aucune étude officielle sur le bilan de toutes vos baisses d'impôts. Il serait pourtant utile d'en faire une. Depuis 2003, la croissance française est tirée presque exclusivement par la consommation des ménages. Tout a été fait pour pousser les Français à puiser dans leurs bas de laine, à emprunter ou débloquer avant terme la participation : baisse de l'impôt sur le revenu, prêt à taux zéro, baisse de la rémunération des livrets A, prime fiscale aux prêts à la consommation...

La baisse des prélèvements obligatoires a donc été conçue comme un outil de lutte contre l'atonie de la croissance - et ça ne marche pas. Le fait est que l'idéologie libérale dont vous vous réclamez tente de promouvoir une fiscalité prétendument simple, neutre, efficace, ne perturbant pas la concurrence. Selon cette conception, la fiscalité doit être réduite au seul financement des missions régaliennes. M. Fourgous expliquait d’ailleurs très bien ce matin que nous finançons l’éducation et la santé. La fiscalité telle que vous l’entendez n'aurait pas pour but de redistribuer, de corriger les inégalités. Le financement des seules missions régaliennes doit dès lors être assis sur des impôts efficaces et économiquement neutres, selon vous, tels que la TVA et, le cas échéant, par des impôts proportionnels de type flat tax. Les réformes fiscales néo-libérales prétendent ainsi améliorer les conditions de l'offre en favorisant les profits et en réduisant les missions de l'État. Le résultat est là : ça ne marche pas !

Dans cette perspective, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés sont nécessairement jugés « confiscatoires », tandis que l'ISF est déclaré nuire au développement et à l'investissement des entreprises. Aucune analyse sérieuse, et pour cause, ne corrobore pourtant vos affirmations.

A l'opposé de votre logique d'aveuglement idéologique, nous proposons d'augmenter le nombre de tranches de l'IRPP, de renforcer son rôle redistributif. Et nous, nous sommes véritablement porteurs de propositions favorables aux plus modestes et aux classes moyennes. Je vais vous donner deux exemples.

Avec notre projet de barème, les abattements de 10 % et 20 % étant maintenus et non intégrés, pour un revenu déclaré de 22 500 euros - et je suis persuadé que parmi les personnes qui se trouvent dans les tribunes, beaucoup sont concernées - l’impôt dû ne serait plus que de 1 005 euros, soit un une réduction de 45%. Et quand des gens modestes paient moins d’impôts, que font-ils ? Ils dépensent, alimentant ainsi la machine économique.

Enfin, monsieur le ministre, à propos des couches moyennes dont vous ne cessez de parler sans jamais les définir,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. …d’après nos propositions, pour un revenu déclaré de 43 500 euros, l’impôt dû serait de 4 901 euros, soit un montant d'impôt réduit de 28 %.

Comme vous le voyez, notre proposition permet de réduire l’impôt pour les plus modestes et pour les couches moyennes, en faisant payer ceux qui en ont les moyens, c’est-à-dire les plus riches, n’en déplaise à M. Soisson.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

En bon spécialiste des finances publiques, vous savez bien, monsieur Brard, que si, en France, la part de l’impôt sur le revenu dans l’ensemble des recettes est réduite, c’est parce que nous sommes le seul pays où moins de la moitié des ménages paient l’impôt sur le revenu. C’est la caractéristique de notre fiscalité.

Ensuite, vous le savez aussi, nous avons l’impôt sur le revenu le plus progressif du monde avec des taux marginaux qui, naguère, dépassaient largement 50 %. Ils sont aujourd’hui redescendus un peu en dessous de ce taux.

En 2000, l’ami de M. Brard, celui qui était alors ministre des finances, un certain Laurent Fabius...

M. Jean-Pierre Soisson. Un ami d’occasion !

M. Jean-Pierre Brard. Je choisis mes amis, monsieur Carrez, vous n’avez pas à me les attribuer !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous le souteniez et il y avait dans le même gouvernement un certain nombre de ministres communistes. Même si je sais bien que vous gardez une certaine distance vis-à-vis du groupe communiste, vous avez voté ce que vous a proposé M. Fabius à l’époque,…

M. Jean-Pierre Brard. Hélas oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …c’est-à-dire une diminution substantielle de l’impôt sur le revenu. Et souvenez-vous, mes chers collègues, de ce que M. Fabius disait alors : si nous ne sommes pas capables de diminuer les impôts, nous perdrons les élections. Il a diminué les impôts et il a aussi perdu les élections…

M. Jean-Louis Idiart. Bonne raison pour ne pas persévérer dans l’erreur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais, à l’époque, quels étaient les arguments de M. Fabius ? Il s’agissait d’empêcher tous ces jeunes Français diplômés de quitter notre beau pays pour aller travailler à Londres, en Belgique, aux États-Unis. Il n’est pas nécessaire de rappeler cette hémorragie de talents. On a donc alors engagé une importante baisse de l’impôt sur le revenu.

Je vois dans votre attitude actuelle, monsieur Brard, une sorte d’acte de repentance. Vous regrettez que le gouvernement de M. Jospin, qui comprenait des ministres communistes et un ministre des finances qui s’appelait M. Fabius, ait baissé l’impôt sur le revenu dans des conditions telles que le barème que vous aviez alors voté était très inférieur à celui que vous nous proposez aujourd’hui.

La baisse de l’impôt sur le revenu a été poursuivie en 2002 : c’était une nécessité, et aujourd'hui nous disposons enfin d’un IR qui ressemble à celui des pays voisins.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Grâce à la réforme dont nous débattrons lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, nous passerons à quatre tranches et quatre taux au lieu de six. Le taux marginal s’élèvera à 40 %, à l’image de ce qui existe partout en Europe. Nous serons alors en mesure de retenir nos talents, nos jeunes, tous ceux qui avaient trop tendance jusqu’à présent à quitter le pays.

Si, comme je le reconnais bien volontiers, cette excellente réforme a été engagée par nos prédécesseurs,…

M. Augustin Bonrepaux. Quelle affabulation !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …nous lui donnons aujourd'hui toute l’ampleur nécessaire pour aboutir à un système stabilisé qui nous mettra, comme le dit M. le ministre, « aux standards internationaux ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout à fait défavorable. M. Carrez a parfaitement expliqué l’esprit de ce projet. Notre réflexion comporte deux volets, l’un relatif à la compétitivité, l’autre à la justice sociale. Et j’en ajouterais volontiers un troisième, qui touche à la simplification de l’impôt, mais là n’est pas l’objet de l’amendement défendu par M. Brard.

S’agissant de la justice sociale, le rapporteur et moi-même nous sommes déjà exprimés ce matin. La bonne organisation de notre discussion exige que l’on y revienne lors de l’examen de la deuxième partie du PLF, où la réforme fiscale sera évoquée en détail.

S’agissant de la compétitivité, je réponds sans aucune hésitation : ajouter des taux supplémentaires et accroître le nombre de tranches supérieures a évidemment pour conséquence de porter atteinte à la compétitivité et à l’attractivité de notre pays. Nous ne pouvons pas vous rejoindre, monsieur Brard !

M. Pierre-Louis Fagniez. Ce serait suicidaire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quelle que soit la satisfaction intellectuelle que vous puissiez éprouver à annoncer à vos mandants : « Génial, on fait payer les riches ! », …

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous plumez les pauvres !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …je vous le dis très fermement : cette démarche est totalement dépassée. C’est elle qui pousse les gens à s’expatrier. Après cela, il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer : non seulement ils ne paient plus leurs impôts en France, mais en plus, la plupart du temps, ils licencient. Il est grand temps de vivre avec son temps, si vous me passez l’expression, et de considérer que notre pays, pour être attractif et pour que soient dissipées les inquiétudes que nourrissent certains sur son éventuel décrochage par rapport aux autres pays, doit impérativement s’adosser aux normes européennes.

M. Pierre-Louis Fagniez. Oui, il faut être réaliste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est ainsi que nous nous engagerons dans la spirale vertueuse dont nous avons besoin pour aller chercher la croissance « avec les dents » !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je ne peux pas laisser passer vos propos, monsieur Brard. Nous nous battons pour l’égalité. La réforme a été entreprise avec des gouvernements socialistes et avec votre accord. Il ne faut donc pas dire n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Parole d’expert ! Rappelez-vous que vous avez vous-même, jadis, participé à ces gouvernements socialistes : vous seriez-vous trompé de banc aujourd'hui ?

M. Jean-Pierre Soisson. Avec M. Barre, j’ai toujours préconisé que le plus grand nombre possible de Français participent à l’impôt sur le revenu. Depuis vingt ans, je répète que tous les Français devraient participer, ne serait-ce qu’à hauteur de 100 euros, aux charges de l’État. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Tout le reste est pure démagogie !

M. Jean-Louis Idiart. Et en payant la TVA, les Français ne participent pas aux charges de l’État ?

M. Jean-Pierre Soisson. Si c’est avec de tels arguments que vous comptez nous trimballer tout au long de l’après-midi, monsieur Brard, je préfère vous dire tout de suite que nous en avons assez ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous affirmez, monsieur Soisson, défendre ces idées depuis vingt ans. Or vous avez participé à un gouvernement quand François Mitterrand était Président de la République. J’étais alors jeune député et je ne me rappelle nullement avoir entendu ces propos que vous vous prêtez rétrospectivement. Reste qu’un aveu, même tardif, est toujours bon à prendre…

M. Jean-Pierre Soisson. Sans doute êtes-vous atteint par la maladie d’Alzheimer…

M. Jean-Pierre Brard. Parlez pour vous, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Soisson (mezzo voce). « J’ai la mémoire qui flanche… » (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Pas moi !

Lorsque je vous entends parler de vertu, monsieur le ministre, je m’aperçois que nous n’attribuons pas le même sens aux mots. L’esprit de votre réforme est clair, en effet : c’est le même que le mauvais esprit qui vous habite. N’était le caractère laïque de ces lieux, je dirais que vous péchez par omission. (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Monseigneur Brard …

M. Jean-Pierre Brard. On ne peut comparer que des choses comparables : le rapporteur général, qui connaît parfaitement son sujet, sait très bien que les abattements de 10 et de 20 % pratiqués chez nous n’existent pas à l’étranger.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est bien pour cette raison que nous allons les supprimer !

M. Jean-Pierre Brard. Le taux marginal que l’on brandit pour effrayer le bourgeois ne s’applique qu’en haut du barème. Le taux réel, lui, est beaucoup plus faible.

Vous n’avez de cesse, monsieur le ministre, de déplorer que des Français diplômés quittent le pays, mais vous faites fuir les chercheurs parce que vous n’accordez pas assez de moyens aux laboratoires. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Soisson. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Brard. Je sais bien que la recherche n’est pas votre tasse de thé, monsieur Soisson – d’autant moins, d’ailleurs, que vous êtes l’élu d’une région viticole ! (Rires et exclamations.)

Je le répète, monsieur le ministre, vous faites fuir les chercheurs.

Par ailleurs, vous vous gardez bien de préciser combien de personnes se sont expatriées pour des raisons fiscales, et quelles sont ces personnes – alors que tout, dans vos propos, laisse à penser que vous les connaissez bien…

M. Jean-Louis Dumont. La plupart des Français qui s’expatrient le font, eux, pour chercher du travail !

M. Jean-Pierre Brard. Comment faire croire, dès lors, que nous ne sommes pas un pays compétitif, que les grands groupes du capital international ont peur de la France, qu’ils redoutent d’y investir, alors que nous sommes la deuxième ou troisième destination des investissements dans le monde, à peu près à égalité avec la Grande-Bretagne ?

S’agissant de la baisse de l’IRPP, vous pourrez retrouver dans le Journal officiel la position que j’ai défendue contre le ministre des finances de l’époque, Laurent Fabius. Las : vous êtes bien placé, monsieur le rapporteur général, pour savoir que, lorsque l’on est dans la majorité et que viennent en discussion les nombreux articles du projet de loi de finances, il en est certains – en l’occurrence, il s’agissait du barème – que l’on goûte avec le même plaisir que si l’on avalait une coupe emplie de ciguë !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En général, après avoir avalé une coupe de ciguë, on n’est plus en mesure de venir discuter le PLF l’année suivante ! (Sourires.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Comme je l’ai démontré, notre IRPP, loin d’être comparable à celui des pays voisins, sera beaucoup plus faible. La vérité est que vous l’abaissez pour les privilégiés, monsieur le ministre, tout en vous gardant bien d’évoquer les 14 000 contribuables les plus riches du pays qui sont assujettis à l’ISF et qui verront leur impôt global réduit de 18 500 euros en moyenne. Vous n’avez jamais assez de largesses pour ceux que vous préférez !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 217.

Pouvons-nous considérer qu’il a été défendu, monsieur Sandrier ?

M. Hervé Mariton. Oui ! Votons et passons à la suite !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est un amendement différent, monsieur le président.

M. le président. Il procède cependant de la même inspiration…

M. Jean-Claude Sandrier. De la même philosophie, dirais-je, voire, pour user d’un terme qui fera plaisir à M. le ministre, de la même idéologie.

Il n’en reste pas moins que ce n’est pas tout à fait le même amendement, puisqu’il vise plus spécifiquement à relever le taux des deux tranches les plus élevées de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que lorsque l’actuelle majorité a abaissé ce taux, en 2003, la perte de recettes correspondait presque exactement à la somme manquante pour financer l’allocation personnalisée d’autonomie.

Le taux marginal de l’impôt sur le revenu, à l’instar du taux normal de l’impôt sur les sociétés, n’a cessé de diminuer ces vingt dernières années, et cela, j’y insiste à nouveau, sans effet notable sur l’emploi ou la croissance. La plus haute tranche aura vu son taux passer de 65 % à 40 %. Cette baisse n’a fait qu’engraisser les plus riches et aggraver les inégalités en atténuant l’effet régulateur d’une réelle progressivité. Il faut constater que plus l’on a fait de cadeaux fiscaux, plus l’on a introduit d’exonérations – sous quelque gouvernement que ce soit –, et plus le chômage et la précarité ont augmenté.

Nous proposons donc par cet amendement de revenir au taux applicable avant les baisses d’impôt frénétiques pratiquées au nom du dogme fiscal dominant de ces vingt dernières années.

Si vous m’aviez répondu lorsque j’ai défendu l’exception d’irrecevabilité, monsieur le ministre, nous n’aurions pas à revenir à ces questions de fond. Mais je suis contraint de rappeler que si le taux de prélèvement brut est aujourd'hui d’environ 45 %, le taux de prélèvement net après redistribution n’est, lui, que de 17 %, proche de celui observé dans les autres pays et quasiment inchangé depuis vingt ans. Si ces chiffres sont faux, qu’on me le démontre !

Je rappelle également que le coût unitaire du travail a évolué moins vite chez nous que chez nos concurrents immédiats. Enfin, le taux moyen d’imposition des entreprises est chez nous de 13,6 %, contre 13 % en Allemagne et 13,8 % en Grande-Bretagne.

Par ailleurs, un rapport du Commissariat général au Plan, institution qu’on ne saurait soupçonner d’idéologie communiste, souligne qu’avec des exigences de rentabilité financière à 13 % la situation devient intenable sur le plan économique.

Voilà ce que vous vous refusez à voir, et cela explique que vous défendiez des réformes inégalitaires de ce genre !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Les deux amendements à l’article 2 sont plus différents que ne l’affirment leurs auteurs : les montants des fractions ne sont pas les mêmes pour les tranches supérieures. D’où tirez-vous vos chiffres, mes chers collègues ? L’un de vous est forcément dans l’erreur !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Lorsque j’étais instituteur, j’enseignais les fractions aux élèves de CM2.

M. Pierre-Louis Fagniez. Pauvres enfants !

M. Jean-Pierre Brard. Je peux ressortir mes cours pour M. Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est votre collègue qui en a besoin !

M. Jean-Pierre Brard. Nous travaillons ensemble, monsieur Soisson : il n’y a donc pas d’erreur possible.

D’ailleurs, sur le fond, vous nous avez compris : notre objectif est de garantir une meilleure progressivité de l’impôt. Simplement, comme en musique, nous faisons entendre là des variations autour d’un même thème.

M. Jean-Pierre Soisson. Mais vous n’avez pas la même partition !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour une très courte intervention.

M. Augustin Bonrepaux. Le ministre et le rapporteur général nous expliquent qu’il faut poursuivre la baisse des impôts commencée sous la précédente législature. Mais nous, nous avions su entretenir la croissance qui la rendait possible. De plus, nous n’avions réduit que les impôts des plus basses tranches et compensé l’abaissement de la tranche supérieure par des abattements sur les dividendes. Cela fait une différence !

M. Jean-Louis Idiart. Exactement !

M. Augustin Bonrepaux. Du reste, ce n’est pas parce que nous avons commencé qu’il faut continuer. À un moment donné, il faut savoir s’arrêter. D’autant que la situation du pays est bien différente. Aujourd’hui, vous n’avez plus les moyens de financer les investissements ni même les services courants. Vous manquez de ressources et êtes obligés de faire les fonds de tiroirs. Pourtant, vous allez lancer en 2006 une réforme qui s’appliquera en 2007, sans savoir quelle sera la situation économique.

M. Jean-Pierre Soisson. Si vous nous laissez faire, elle sera bonne !

M. Augustin Bonrepaux. Enfin, pendant que vous abaissez les impôts pour certains, vous augmentez la CSG et la contribution de retraite pour les salariés. Il y a donc dans ce pays ceux qui bénéficient – vous le dites clairement – des baisses d’impôts et ceux qui subissent les augmentations. De ceux-là, vous ne parlez pas. Pour beaucoup de gens, la CSG et les impôts sur les ménages, en particulier la taxe d’habitation, pèsent beaucoup plus lourd que l’impôt sur le revenu. La CSG, vous l’avez augmentée et, par tous vos artifices, vous obligez les collectivités locales à augmenter leurs impôts. Un de vos collègues de la majorité vous a même expliqué ce matin pourquoi il était obligé, lui aussi, d’augmenter les impôts à Versailles. Cessez donc d’opposer les élus vertueux à d‘autres qui ne le seraient pas !

M. Hervé Mariton. Ne soyez pas si complexés !

M. Augustin Bonrepaux. Des élus qui augmentent les impôts, il y en a aussi dans vos rangs.

M. Hervé Mariton. Nettement moins que dans les vôtres !

M. Augustin Bonrepaux. Je pourrais vous citer beaucoup de conseils généraux qui ont été obligés d’augmenter les impôts à cause des transferts de charges et que la réforme que vous préparez mettra en difficulté à l’avenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

M. le président. Nous arrivons aux amendements portant article additionnel après l’article 2.

Après l’article 2

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 38, deuxième rectification.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement, monsieur le ministre, a pour but de limiter les contentieux auxquels donnent lieu les interprétations de votre administration concernant les travaux de réhabilitation et de sauvegarde du patrimoine effectués dans le cadre des régimes « loi Malraux » ou « monuments historiques ».

La restauration d’un bâtiment ou d’un monument historique en secteur sauvegardé est placée sous l’autorité immédiate de l’architecte des bâtiments de France ou de l’architecte en chef des monuments historiques. Celui-ci peut demander, outre la restauration de l’existant, la restitution d’une partie du bâtiment qui a disparu. Or la restitution est considérée comme un élément de construction neuve, même si elle s’intègre dans un bâtiment ancien que l’on veut sauvegarder. Elle donne fréquemment lieu à des redressements de la part des services fiscaux alors que les propriétaires agissent, pour ces travaux de restauration, sous l’autorité de l’État, c’est-à-dire sur les recommandations des architectes dépendant du ministère de la culture.

Mon amendement a pour but de clarifier la situation et de mettre fin aux contentieux que tous les élus ayant des secteurs sauvegardés ont malheureusement pu constater.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a eu une longue discussion à propos de cet amendement, que M. Bouvard a bien voulu retirer devant elle en attendant des explications de la part du Gouvernement.

La règle générale est que les travaux d’amélioration sont déductibles des revenus fonciers mais pas les travaux d’agrandissement ou de reconstruction. Toute la difficulté est de savoir où passe la ligne de partage. Pour les immeubles dits loi Malraux ont été ajoutés les travaux de démolition, de reconstruction de toitures et de murs extérieurs, de transformation en logements à condition de respecter le volume bâti existant, ainsi que les travaux de réaffectation à l’habitation d’un immeuble. Pour les immeubles historiques sont déductibles la totalité des travaux de restauration lourds et les dépenses d’amélioration, y compris pour les locaux non loués.

La notion de travaux de « restitution » apporte-t-elle une amélioration substantielle ou est-elle déjà couverte par la loi Malraux et les principes régissant la restauration des monuments historiques ? Je ne saurais le dire. Si c’est le cas, je donnerai un avis favorable. Mais je me demande si la question ne relève pas plutôt d’une instruction ministérielle que de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’amendement de M. Bouvard est très important eu égard à la préoccupation, que nous partageons tous, de préserver notre patrimoine. Comme l’a dit le rapporteur général, la ligne de partage n’est vraiment pas facile à situer.

Je vous propose, monsieur Bouvard, puisque vous avez l’amabilité de retirer cet amendement, d’y travailler ensemble.

M. Michel Bouvard. Je ne l’ai retiré qu’en commission ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Alors je vous propose de faire le même geste en séance, au bénéfice d’un travail que nous pourrions faire ensemble. Afin de donner des instructions précises à mes services, je serai demandeur de cas concrets, car il est certainement nécessaire d’examiner la situation au cas par cas. Nous poursuivons, dans ce domaine, le même objectif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ayant chez moi tout un secteur sauvegardé, je pourrai vous citer de nombreux cas, monsieur le ministre. Par exemple, une charpente refaite à neuf ne passe pas en secteur sauvegardé. Et il y en a des dizaines d’autres !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Le problème tient aux divergences de deux administrations, celle des finances et celle de la culture. Michel Bouvard a tout à fait raison. Votons son amendement et laissons l’administration fiscale en examiner les conséquences, sinon nous n’aboutirons jamais. Vous nous expliquerez ensuite comment corriger les excès éventuels, monsieur le ministre, mais au moins l’amendement sera voté.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je remercie Jean-Pierre Soisson de son soutien énergique, mais je fais confiance à la proposition de dialogue du ministre. Nous examinerons bientôt le collectif budgétaire. Si les choses n’avaient pas progressé, nous aurions toujours la possibilité de redéposer cet amendement.

Nous avons créé il y a quelques années, avec Martin Malvy, l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteurs sauvegardés. Nous disposons de tous les exemples, avec des interprétations différentes d’un département à l’autre, et nous sommes prêts à rencontrer vos services, monsieur le ministre, pour parvenir à mettre au point un régime unique appliqué de manière identique sur l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est temps de vider ce nid de contentieux, qui occupe inutilement l’administration. On peut aussi améliorer l’efficacité de l’État en limitant les contentieux. Je retire donc l’amendement au bénéfice du dialogue que nous aurons sur ce point.

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends et je le défends !

M. Jean-Pierre Soisson. Moi aussi, je le reprends !

M. le président. L'amendement n° 38, deuxième rectification, est repris à la fois par M. Brard et par M. Soisson.

Dans l’ordre alphabétique, la parole est d’abord à M. Jean-Pierre Brard. Si le cas se reproduit, on inversera. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Nous avions déjà, avec M. Soisson, un point commun : le village de Saint-Bris dans l’Yonne, même si je ne bois que de l’eau et ne vais visiter les caves que par intérêt culturel. (Sourires.)

La proposition que vient de faire M. Copé procède d’un usage très répandu dans notre assemblée, sous quelque gouvernement que ce soit. Dès qu’un amendement gêne, on dit comme Clemenceau : « on va créer une commission pour s’en occuper ». Pour celui-là, pas de commission, mais « on va examiner ». Lorsqu’il s’agit de rembourser 18 500 euros aux plus fortunés, le Gouvernement ne barguigne pas : pas besoin d’évaluation, il paie cash. Mais dès lors qu’il s’agit de reprendre une proposition intelligente de M. Bouvard, qui en fait d’ailleurs souvent, on renvoie à plus tard ! Je pense au contraire qu’il ne faut pas remettre à demain ce qu’on peut régler aujourd’hui même. Adoptons cet amendement, il sera toujours temps de l’améliorer au cours de la navette.

M. le président. Un dernier mot, monsieur Soisson ?...

M. Jean-Pierre Soisson. Je me suis déjà exprimé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38, deuxième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Soisson. Quel dommage !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai vécu un petit moment de tristesse en entendant MM. Soisson et Brard, moi qui suis de ceux qui trouveraient formidable de passer de la société de méfiance – que vous avez bien connue, monsieur Brard – à la société de confiance. De ce point de vue, lorsqu’un ministre – en particulier s’il s’agit de moi (Sourires) – s’engage personnellement sur un sujet, j’aimerais qu’on lui fasse un peu confiance.

M. Jean-Pierre Brard. On verra d’ici au collectif budgétaire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout au long de l’année, j’ai pris un certain nombre d’engagements, dont l’un assez emblématique qui concerne la gestion du domaine public et des cessions d’immeubles. Le moins qu’on puisse dire est que j’ai démontré à cette occasion que lorsque je prends quelque chose en charge, je m’en occupe. J’aimerais, monsieur Soisson, que vous me fassiez confiance.

M. Jean-Pierre Brard. Rendez-vous au collectif !

M. Jean-Pierre Soisson. J’aurais préféré vous faire confiance une fois l’amendement voté !

M. le président. Les amendements nos 413, 403, 136, 404, 131, 132 et 399 ne sont pas défendus.

Je suis saisi de deux amendements, nos 400 et 447, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour défendre l’amendement n° 400.

M. Hervé Mariton. Cet amendement a pour objet de reconduire l’abattement institué au profit des jeunes agriculteurs. Ce sujet a déjà fait l’objet de nombreux débats.

M. Jean-Pierre Soisson. Il revient chaque année !

M. Hervé Mariton. Mais le Gouvernement a déposé un amendement de nature sans doute à répondre à la demande formulée par MM. Philippe Armand Martin et Feneuil, à laquelle je m’associe bien volontiers.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l’amendement n° 447 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 400.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement propose de proroger le dispositif mis en place pour les jeunes agriculteurs jusqu’au 31 décembre 2008 et de procéder à une évaluation. Cette proposition présente l’avantage de fixer un calendrier, mais elle va tout à fait dans le sens de l’amendement que vous avez défendu, monsieur Mariton, et je vous propose donc de vous y rallier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné l’amendement du Gouvernement. À titre personnel, je le préfère car il fixe une limite dans le temps à l’application d’une mesure dérogatoire.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je retire l’amendement n° 400 au profit de l’amendement n° 447.

M. le président. L’amendement n° 400 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 447.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 60, deuxième rectification.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Je signale tout d’abord que M. Louis Giscard-d’Estaing souhaite ne plus figurer comme signataire de cet amendement qui a été entre-temps rectifié.

Il s’agit de relever le seuil de comptabilisation des revenus accessoires au sein des bénéfices agricoles de 30 000 euros à 50 000 euros.

Je sais que ce type de disposition suscite des interrogations de la part des artisans et des commerçants mais, si nous voulons maintenir de petites exploitations et éviter le développement des friches, notamment dans les zones de montagne, les agriculteurs doivent pouvoir avoir des revenus accessoires et ces derniers bénéficier d’un régime fiscal correct.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Michel Bouvard. C’est le sens de cet amendement. Nous ne proposons pas un bouleversement. Nous relevons simplement le seuil afin, d’une part, de favoriser la pluriactivité, importante pour l’entretien de l’espace et la gestion du territoire, et, d’autre part, de tenir compte de l’évolution du coût des prestations et des travaux.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’était pas favorable au passage de 30 000 à 100 000 euros mais, le seuil n’ayant pas été réévalué depuis 1993, le chiffre de 50 000 euros paraît tout à fait raisonnable.

Je souligne que les produits accessoires sont entièrement fiscalisés : au-delà du seuil, ils le sont au titre des bénéfices industriels et commerciaux et, en deçà, dans le cadre des bénéfices agricoles.

M. Jean-Pierre Soisson. On pourrait aller jusqu’à 70 000 euros…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est très favorable au relèvement du seuil à 50 000 euros, et il lève le gage. Nous souhaitons tous, en effet, favoriser la pluriactivité. Il en a été beaucoup question lors du débat sur le projet de loi d’orientation agricole et M. Bussereau s’est fermement engagé à ce sujet.

M. François Rochebloine. C’est vrai.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60, deuxième rectification, compte tenu de la suppression du gage et de la modification de la liste des signataires.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Jean-Pierre Soisson. La mesure est insuffisante.

M. le président. Les amendements nos 265 rectifié, 266, deuxième rectification, et 442 ne sont pas défendus.

Je suis saisi de deux amendements, nos 40 et 99, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n° 40.

M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à poser le problème du financement de la dépendance, problème que je connais bien pour être l’élu d’un des départements les moins « compensés » de France : la Savoie, où l’APA mise en place sous la législature précédente n’a été compensée qu’à hauteur de 27 %. Ainsi, 73 % du financement de l’allocation reste à la charge du contribuable savoyard alors que le revenu moyen par habitant est inférieur à la moyenne nationale.

Or nous savons tous que les prestations instituées par l’État et prises en charge par les collectivités territoriales ne permettent pas de couvrir le coût de la dépendance. Nous avons donc tout intérêt, compte tenu du vieillissement de la population et du développement de la maladie d’Alzheimer – la lutte contre cette maladie fait partie des priorités affichées par le Président de la République – à inciter nos concitoyens à se prémunir contre le risque de dépendance.

Il est déjà prévu une déduction fiscale pour les cotisations aux fonds de retraite par capitalisation. De la même manière, je propose de rendre déductibles du revenu imposable les primes versées pour des contrats couvrant le risque de perte partielle ou totale d’autonomie, dans la limite de 5 % du revenu global avant déductions.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour défendre l’amendement n° 99.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement va dans le même sens. Nous sommes tous sensibles au développement de la maladie d’Alzheimer et aux difficultés rencontrées par les familles concernées pour faire face à ce nouvel état de dépendance.

Le but de l’amendement n° 99 est d’étendre au droit fiscal le principe, fixé par la circulaire du 25 août 2005, de l’exclusion de l’assiette des cotisations sociales aux contributions finançant des prestations supplémentaires de prévoyance dans le cadre de contrats collectifs souscrits pour faire face à un état éventuel de dépendance.

Il s’agit de permettre la déduction du revenu imposable des cotisations ou primes versées pour les contrats individuels et facultatifs de prévoyance relatifs à la dépendance au bénéfice de mécanismes de prévention de la dépendance, au premier rang desquels la prévention des conséquences de la maladie d’Alzheimer.

Je profite de cette intervention pour indiquer à M. Brard que, contrairement à ce qu’il a avancé, les frais de gendarmerie dans les villes qui accueillent le Tour de France sont payés par ASO et non par les collectivités. Et c’est un maire qui a accueilli le Tour de France qui vous le dit !

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous êtes mieux débrouillé que d’autres !

M. le président. Le président de séance ne devrait pas intervenir, mais je vous rappelle, monsieur Brard, qu’il en est allé de même quand le Tour de France est passé dans notre département…

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 40 et 99 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien qu’il s’agisse d’un sujet très important, la commission a rejeté ces deux amendements.

Il y a deux ans, nous avons, après de longues discussions, engagé une réforme d’envergure ouvrant droit, pour les salariés, à la déductibilité des cotisations complémentaires pour la retraite, dans le cadre des PERP. Nous avons ainsi prolongé les divers systèmes qui existaient pour les professions indépendantes ou encore pour les fonctionnaires, avec la Préfon.

Nous sommes tous conscients qu’il faudra aller dans le même sens en matière de dépendance, mais nous ne pouvons pas le faire par le biais d’un amendement : cela pourrait avoir des répercussions, par exemple, sur des cotisations complémentaires dans les domaines de la prévoyance ou de la santé qui, aujourd’hui, parce qu’elles sont facultatives, n’ouvrent pas droit à déduction. Il faut une réflexion d’ensemble afin de bien mesurer toutes les conséquences. Je suis, pour ma part, très favorable à l’ouverture d’une telle réflexion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis également défavorable à ces deux amendements. Je crois, comme M. Carrez, que cela vaut la peine de réfléchir à la question mais je vois deux risques aux propositions qui nous sont faites : premièrement, favoriser fiscalement l’assurance individuelle dépendance peut poser un problème d’articulation avec d’autres dispositifs de prise en charge de la dépendance et entraîner des cumuls d’avantages ; deuxièmement, l’attribution d’une aide au moment de la constitution de la rente va nécessairement poser la question du régime fiscal en cas de réalisation du risque, et cela ouvre un autre débat parce que l’exonération dont bénéficient actuellement les rentes en cas de dépendance est la contrepartie de l’absence d’avantage fiscal lors du paiement des primes. Conclusion : si l’on en parle, il faut en parler globalement. Sinon, cela va entraîner des d’autres débats connexes qui seront mal vécus.

Tout cela me conduit à penser que nous ne sommes pas mûrs pour prendre une décision. Je suggère donc le retrait de ces amendements, au bénéfice de l’engagement que je prends de travailler ensemble le sujet en 2006.

M. Jean-Pierre Soisson. Bonne argumentation technique !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je remercie notre collègue Nicolas Perruchot de sa remarque, mais je suis tout de suite tenté de lui poser une question complémentaire : y a-t-il une association humanitaire des amis de M. Arnault pour financer les gendarmes évoqués tout à l’heure ? Et je recommande au rapporteur spécial chargé du budget de la gendarmerie de vérifier si la facture a bien été acquittée dans les conditions indiquées. (Sourires.)

Monsieur Bouvard, votre démarche, en apparence, est sympathique. Mais il existe une divergence fondamentale entre nous. Vous faites appel à l’initiative individuelle et, d’une certaine manière, vous privatisez, encore davantage la couverture du risque individuel, parce qu’il y a retrait de la solidarité nationale.

On ne peut adhérer à cette démarche car ce serait franchir un pas supplémentaire vers le système américain ou, plus globalement, anglo-saxon. Nous considérons que la solidarité pour les personnes dépendantes doit être un droit, et non une faculté encouragée par la défiscalisation en faveur de ceux qui ont les moyens. Nous ne pouvons pas suivre notre collègue pour cette raison fondamentale liée aux options du Gouvernement, qui fait sauter notre système de solidarité.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Les amendements nos 40 et 99 posent un réel problème, auquel je souhaite que le Gouvernement et la commission soient attentifs. Le développement de la maladie d’Alzheimer se traduit effectivement par des charges supplémentaires, en particulier pour les départements, qui ont la responsabilité de l’allocation personnalisée d’autonomie.

Il me semble que ces amendements ne répondent pas à cette douloureuse question, qui relève de la solidarité nationale. Monsieur le ministre, il convient de proposer une solution pour que cette maladie soit prise en charge dans de meilleures conditions, pour que nous disposions sur tout le territoire des moyens d’accueillir ces personnes, afin qu’elles soient traitées convenablement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur Brard, je vous ai bien écouté. Il est vrai qu’à une certaine époque l’option aurait pu être prise de considérer la dépendance comme un cinquième risque de l’assurance-maladie…

M. Jean-Pierre Brard. Absolument !

M. Michel Bouvard. …et de l’intégrer ainsi au régime de sécurité sociale. Le gouvernement de l’époque n’a pas fait ce choix. Quoi qu’il en soit, un grave problème se pose, M. le ministre l’a reconnu, et je ne pense pas que, dans l’état actuel du budget social, nous ayons les moyens de financer un risque supplémentaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est juste !

M. Michel Bouvard. Nous resterons par conséquent dans un système mixte où une partie est assurée par la collectivité publique avec l’allocation personnalisée d’autonomie, gérée par les départements, et où le reste est assumé par les personnes dépendantes sur leurs biens et leurs pensions, ainsi que par les familles. Il est donc sain, sans remettre en cause le principe de solidarité nationale, que l’on incite les personnes à se prémunir contre ce risque et à disposer d’une ressource complémentaire permettant de faire face financièrement, le moment venu, à cette maladie ou à une quelconque situation de dépendance.

Je suis bien conscient – M. le ministre a raison sur ce point – que nous ne disposons pas de l’ensemble des éléments nous permettant de traiter cette question. Il est donc nécessaire de constituer, l’an prochain, un groupe de travail réunissant les différentes parties prenantes, d’une part, pour harmoniser les dispositions existantes de façon à prévenir les effets d’aubaine, et, d’autre part, pour trouver une solution permettant de mieux sécuriser les familles et les personnes face à cette maladie en nette progression. Plus nous anticiperons, mieux ce sera.

Je retire l’amendement n° 40.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

Retirez-vous également l’amendement n° 99, monsieur Perruchot ?

M. Nicolas Perruchot. Oui, monsieur le président. Je veux, moi aussi, faire confiance à M. le ministre, qui nous a proposé d’accomplir un travail sur le fond.

Nous devons traiter cette question urgente. Je citerai l’exemple d’un dossier dont j’ai la charge dans la commune de Vineuil. Chacun se renvoie la balle pour la construction d’un site Alzheimer, le département ne voulant pas prendre la main, ce qui est compréhensible. Cette prérogative devrait demain appartenir à l’État.

Le groupe UDF est prêt à apporter sa pierre à la construction de l’édifice qui permettra une meilleure reconnaissance de cette maladie en nette progression, à laquelle, bien entendu, les pouvoirs publics de proximité doivent pouvoir faire face.

M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 32 rectifié.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le défendre.

M. Jean-Michel Fourgous. Les entrepreneurs, notamment les professions libérales, ont besoin de sécurité juridique. Vous ne pouvez pas travailler tranquillement, donner le meilleur de vous-même et de vos compétences, lorsque vous devez passer tout votre temps en compagnie d’un avocat, d’un comptable et d’un fiscaliste pour interpréter la jurisprudence.

Nous voudrions que soit repris dans la loi l’arrêt du Conseil d’État du 24 octobre 2004. Il faut en effet apporter une certaine sécurité à l’entrepreneur français, qui risque de subir un redressement fiscal s’il déduit les intérêts d’emprunt pour l’acquisition de parts de SELAFA ou de SARL. Tout le monde a besoin de sécurité, que l’on soit salarié, entrepreneur ou député.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, dans la mesure où sa rédaction ne correspond pas à la jurisprudence du Conseil d’État, qui est plus limitative. Le Conseil a estimé que la déduction des intérêts d’un emprunt était admissible dans le cas qu’il avait à juger, parce qu’elle permettait la poursuite du contrat de travail.

Il est vrai qu’en matière fiscale, nous avons eu un précédent général, qui n’existe plus aujourd’hui. Il s’agissait du rachat des entreprises par leurs salariés. Ces derniers, voici quatre ou cinq ans, pouvaient déduire les intérêts d’emprunts contractés pour racheter leur entreprise. Mais on trouvait, là encore, l’idée du rachat pour assurer la continuité du contrat de travail.

L’amendement de M. Fourgous n’est pas lié à cette notion-là. Reste que la jurisprudence établie va dans le sens de ce qu’il souhaite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je voudrais rassurer M. Fourgous. Le Conseil d’État, considérant le cas particulier d’un expert-comptable, a admis que l’on pouvait déduire les intérêts d’un emprunt souscrit pour acquérir des actions de son entreprise sous certaines conditions très logiques. En effet, autant il est normal de déduire de ses revenus les charges engagées pour les obtenir, y compris les intérêts d’emprunts, autant il serait excessif de déduire, dans le cas général, les intérêts d’emprunts payés pour se constituer un capital. Il faut bien établir la différence entre les deux.

Votre amendement me paraît, de ce point de vue, un peu trop large et il risquerait de dénaturer la jurisprudence du Conseil d’État. La solution retenue par ce dernier tient largement compte de la situation particulière des professions réglementées. Aller au-delà ne correspondrait pas à ce que nous souhaitons vous et moi.

Je vous demande donc de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Nous allons donc faire confiance à la jurisprudence. Mais rappelons-nous que les contrôles fiscaux persécutent même les gens qui se trouvent dans le cas qu’elle vise. Il faut donc bien faire passer les consignes pour les rassurer.

M. Jean-Pierre Brard. « Persécutent »…, vous exagérez !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Là encore, je rassure M. Fourgous : dès le 11 novembre 2004, les services fiscaux ont reçu une note les informant que les principes dégagés par la décision du Conseil d’État du 25 octobre étaient applicables pour le règlement des litiges en cours. Voilà qui me paraît de nature à lever toute ambiguïté.

M. Jean-Michel Fourgous. Je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 247.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le défendre.

M. Jean-Louis Dumont. Nous avions déjà eu, l’année dernière, un débat sur un amendement du même type. Il s’agit d’instituer un plafonnement global des déductions ou réductions du revenu imposable.

Les contribuables dont les revenus sont importants peuvent, par le cumul des déductions et réductions diminuer considérablement, voire supprimer totalement leur contribution à l’impôt sur le revenu. Les dispositifs mis en place, année après année, peuvent souvent se justifier. Ils sont issus des travaux des parlementaires et des propositions du Gouvernement. Cependant, le cumul de l’ensemble de ces avantages est à l’origine d’une inégalité devant l’impôt.

La réduction maximale de 40 % proposée par notre amendement se conçoit hors l’abattement de 10 % pour frais professionnels et la déduction des cotisations sociales. Cette solution, déjà proposée par le groupe socialiste lors des précédents débats budgétaires, présente le double avantage de la clarté et de l’applicabilité immédiate dès 2006 pour l’imposition des revenus 2005.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

Monsieur Dumont, vous aurez satisfaction lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances avec l’introduction d’un plafonnement global des réductions d’impôt au niveau de 8 000 euros. Il s’agit là d’une demande ancienne et unanime de la commission des finances.

Je ne veux pas anticiper sur l’examen de la seconde partie, mais ce dispositif est, à mon avis, plus puissant que celui que vous proposez.

En outre, votre amendement est rétroactif et n’est donc pas conforme à la Constitution,…

M. Jean-Louis Dumont. Il me semblait qu’il y avait une nouvelle jurisprudence à l’initiative du garde des sceaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …puisque vous prenez en compte des revenus et des éléments de décision intervenus depuis le 1er janvier 2005. Pour que votre amendement soit opérant, il devrait s’appliquer aux éléments de déduction relevant de décisions prises à partir du 1er janvier prochain. Il devrait alors figurer en seconde partie.

Mais vous voyez que tous mes propos visent à vous faire patienter. En effet, dès le 16 novembre au soir, nous pourrons aborder ces questions sur la base du plafonnement proposé dans le PLF.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi le 16 novembre ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Parce que nous disposerons alors de simulations complètes.

M. Jean-Louis Dumont. De vraies simulations ?... C’est un scoop !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Dumont. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Depuis plusieurs mois, nous travaillons sur la question du plafonnement. Nous sommes profondément attachés au principe de justice, qui traverse notre réforme ambitieuse. Nous proposerons donc, entre autres, un double plafonnement : plafonnement à 60 % des impôts payés par rapport au revenu et plafonnement de l’ensemble des niches afin d’éviter la dérive qui consisterait à défiscaliser massivement, qui plus est au bénéfice des personnes les mieux informées.

Comme l’a rappelé Gilles Carrez, le plafonnement des réductions d’impôt ne s’appliquera pas cette année, mais à partir de l’année prochaine. La raison en est simple : il est hors de question de proposer un mécanisme rétroactif aux Français, moins pour des raisons constitutionnelles, car on peut discuter de cette question, que pour un principe politique.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. De moralité.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je considère que nous ne pouvons pas imposer une réforme fiscale dont les effets rétroactifs joueraient au détriment des Français.

M. Jean-Michel Fourgous. Rappelons-nous le scandale des emplois familiaux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’avais été profondément choqué, lorsqu’en 1997, à peine arrivés au gouvernement, vous aviez brutalement imposé, sans préavis si je puis dire, le plafonnement rétroactif de la réduction pour les emplois à domicile.

M. Jean-Michel Fourgous. C’était scandaleux.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette mesure choquante avait causé des difficultés à des millions de familles…

M. Jean-Pierre Brard. Des millions de prolétaires, sans doute !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et avait eu de surcroît des effets négatifs sur l’emploi, chacun s’en souvient. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Louis Idiart. Quel aplomb !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous ne pouvons donc approuver un amendement fondé sur la rétroactivité.

J’ai par ailleurs noté votre enthousiasme pour le principe du plafonnement des niches. Je suis donc sûr que, d’ici au 16 novembre, je parviendrai à vous convaincre qu’il faut vous rallier à notre dispositif.

M. Jean-Pierre Brard. Delphine avait perdu sa gouvernante !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 248.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. J’ai le sentiment que M. le ministre se moque un peu de nous.

M. Jean-Pierre Brard. Un peu seulement ?

M. Augustin Bonrepaux. J’attends de voir ce qu’il en sortira, mais ce plafonnement me semble pour le moins paradoxal.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Celui de M. Dumont ?

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement nous propose le plafonnement des niches pour que le contribuable paie davantage d’impôts. Mais, dans le même temps, il met en place un paravent pour ceux qui risqueraient de trop en payer, ceux notamment qui acquittent l’impôt de solidarité sur la fortune, c’est-à-dire ceux qui ont sa faveur.

Ce plafonnement n’est donc qu’une vaste mystification. Sous couvert de donner une impression de rigueur, il désavantage tous ceux qui ne bénéficieront pas du fameux bouclier fiscal. Ce n’est plus un bouclier, mais un parachute doré. On peut bien plafonner les niches, de toute façon, les plus riches recevront encore plus : jusqu’à 2 000 euros par mois, ce qui est loin d’être négligeable.

Comment dans ces conditions, osez-vous parler de justice, de clarté, de transparence ? D’ailleurs, vous ne nous dites pas, monsieur le ministre, alors même que l’on vous a posé la question à plusieurs reprises, quels seront les perdants, puisqu’ils paieront davantage d’impôt, et quels seront les gagnants, puisqu’ils paieront moins d’impôt.

À cet égard, vos simulations seront très intéressantes. Chacun pourra se rendre compte de la duperie et constater quels seront les privilégiés qui bénéficieront de la sollicitude du Gouvernement.

Notre amendement a le mérite de la simplicité : il n’y a ni parachute, ni paravent, ni bouclier. Nous proposons de plafonner l’ensemble des avantages fiscaux à 7 500 euros. Nous le demandons régulièrement. Et nous poursuivrons en vous présentant d’autres amendements visant à réduire les avantages exorbitants de l’aide à domicile.

Monsieur le rapporteur général, 7 500 euros de plafonnement dès 2006, c’est mieux que 8 000 en 2007 ! Vous nous dites que la rétroactivité n’est pas constitutionnelle,…

M. Jean-Louis Dumont. M. Clément ne pense pas la même chose !

M. Augustin Bonrepaux. …mais M. le ministre vient de reconnaître que pareille mesure s’était déjà appliquée dans le passé. Si c’était constitutionnel dans le passé, ça le reste !

Vos arguments ne tiennent pas. Dans la situation où se trouve notre pays, vous pourriez faire des économies supplémentaires. Mais vous avez une étrange conception des économies : prélever toujours plus sur les plus modestes !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable, d’autant que je n’ai aucune simulation concernant l’amendement de M. Bonrepaux ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. J’ai expliqué que mon amendement était meilleur et qu’il peut s’appliquer dès cette année.

M. Jean-Michel Fourgous. On va travailler moins pour gagner plus : le refrain est connu !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Sans vouloir relancer le débat, je conseille à M. Bonrepaux de relire le rapport de Christian Saint-Étienne et Jacques Le Cacheux intitulé Croissance équitable et concurrence fiscale, qui propose la suppression de toutes les niches fiscales du jour au lendemain. Je lui rappelle, d’autre part, que certains allégements fiscaux ont une finalité sociale, par exemple la demi-part supplémentaire à partir du troisième enfant, celle pour les personnes seules ayant eu des enfants à charge et celle pour les invalides, mais aussi l’exonération des prestations familiales et d’assistance, l’abattement pour les personnes âgées ayant de faibles revenus et celui sur les retraites pour les frais professionnels. Certaines niches profitent aussi, monsieur Bonrepaux, à des catégories qui ne sont pas parmi les plus favorisées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 71.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement ne va malheureusement pas dans le sens de l’assainissement de nos finances publiques, mais tend à favoriser l’assainissement au sens ordinaire du terme.

La nouvelle directive environnement de l'Union européenne contraint les collectivités territoriales et surtout les particuliers à raccorder leurs bâtiments et maisons d'habitation aux réseaux d'assainissement, ce qui fait débat actuellement dans beaucoup de communes. Son application est particulièrement coûteuse en milieu rural, notamment dans les bourgs. Les habitants sont souvent obligés de réaliser des travaux importants soumis au taux normal de TVA. De surcroît, les sommes engagées au titre de ces travaux ne sont pas, au regard de la législation fiscale actuelle, déductibles de l’impôt sur le revenu contrairement à d'autres dépenses ne relevant pas de l'intérêt général. Le but de cet amendement est de les rendre déductibles en raison de leur intérêt pour l'amélioration de la qualité de l'environnement, thème cher au Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement au nom d’un principe de notre droit fiscal : les travaux obligatoires effectués dans la résidence principale ne sont pas déductibles. Les seuls travaux qui peuvent l’être sont certains travaux facultatifs comme ceux liés aux économies d’énergie, l’isolation ou le remplacement de tel ou tel type de chaudière. Ces travaux devant bénéficier d’incitations, on peut en admettre la déductibilité partielle dans la mesure où ils sont conformes à l’intérêt général.

Or les travaux de raccordement aux réseaux d’assainissement sont obligatoires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable. J’ajoute à l’argument de M. Carrez qu’il existe déjà une forte déductibilité de la TVA pour un certain nombre de travaux.

Par ailleurs, cette année, la tendance est à la réduction des niches fiscales. Or vous en rajoutez une ! Je vous invite, monsieur Perruchot, à relire vous aussi le rapport Saint-Étienne dont vous venez de recommander la lecture à M. Bonrepaux. Votre ami Saint-Étienne, nous, nous l’avons lu et entendu. Je ne peux pas dire mieux, sinon qu’en l’occurrence je ne reconnais pas Nicolas Perruchot !

M. Jean-Pierre Brard. C’est un mutant !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Tout le monde sait que les problèmes d’assainissement coûtent cher aux particuliers, mais aussi aux collectivités. Et je me fais l’écho de ce que j’entends sur le terrain en relayant les observations des maires. Les communes bénéficient de subventions couvrant jusqu’à 80 % du coût dans toute une série de domaines, mais pas pour les travaux d’assainissement.

Nous n’avons pas préparé d’amendement à ce sujet, mais une réflexion doit être engagée pour que les travaux d’assainissement puissent être accélérés. Car aujourd’hui, certaines communes souffrent beaucoup et ne peuvent pas atteindre les objectifs fixés. Les communes ne pourraient-elles pas bénéficier d’un subventionnement à hauteur de 80 % pour ces travaux également ?

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je vais aller dans le sens de M. Sandrier. Même si, sur le fond, je partage la philosophie du ministre concernant les niches, gardons à l’esprit que les départements, qui jusque-là finançaient largement l’assainissement, sont en train de se désengager – je ne sais pas si c’est le cas chez M. Bonrepaux. Les communes subissant la pression des habitants, notamment dans les bourgs ruraux, modifient leur zonage en matière d’assainissement pour rendre cette dépense éligible au titre de la part communale, ce qui aura immanquablement un impact sur la fiscalité locale. De plus, comme les départements se sont désengagés, le coût pour la commune sera beaucoup plus élevé dans les années à venir. Nous devons, les uns et les autres, y réfléchir. Je maintiens cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 76.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. C’est un amendement auquel tient beaucoup mon collègue Charles de Courson. Je vais donc le défendre en son nom.

M. Jean-Pierre Brard. Cela aura l’avantage d’être plus bref !

M. Nicolas Perruchot. L’exposé sommaire est clair. Les contribuables vivant seuls, volontairement ou non,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est un amendement pro domo !

M. Nicolas Perruchot. … avec une seule part de quotient familial, ont une charge fiscale très lourde.

M. Jean-Pierre Brard. Vous croyez ?

M. Nicolas Perruchot. Pourtant, un célibataire assume un nombre d'unités de consommation proportionnellement plus important qu'un couple. Cette situation est particulièrement vraie dans les grandes agglomérations, où la vie est chère, et encore plus vraie pour les jeunes qui entrent dans la vie active.

Cet amendement vise à donc à accorder aux personnes seules un quotient familial de 1,2, l'avantage fiscal obtenu ne pouvant excéder 2 202 euros.

M. Jean-Louis Idiart. Elles n’ont qu’à se pacser !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre collègue Charles de Courson n’aime pas le mariage ! (Sourires.) Son amendement est le type même de la mesure anti-mariage.

M. Jean-Louis Idiart. Quelle vilaine interprétation ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un couple marié a droit à deux parts. S’il divorçait et s’il bénéficiait de l’amendement de Courson, il aurait droit à 2,4 parts. Trouveriez-vous cela normal ?

Comme nous sommes, à la commission des finances, très attachés aux institutions, et notamment à celle du mariage, nous avons rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’hallucine ! Et je regrette, monsieur Perruchot, que Charles de Courson ne défende pas lui-même son amendement !

M. François Rochebloine. Il y aurait du spectacle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. de Courson est intarissable quand il nous explique qu’on est des nuls et que s’il était à notre place, ce serait beaucoup mieux…

M. Jean-Pierre Brard. Dieu nous en garde !

M. François Rochebloine. Là, monsieur le ministre, vous caricaturez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il nous explique que nous dépensons beaucoup, que nous nous trompons dans les chiffres, bref que nous ne maîtrisons rien, et dans le même temps, il nous propose cet amendement sans rire – car j’imagine qu’il avait tout son sérieux, même si vous-même avez du mal à garder le vôtre.

M. Nicolas Perruchot. En effet, il était sérieux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il reste que cet amendement ne le concerne pas du tout car, si j’ai bien compris l’exposé sommaire, il s’agit des jeunes célibataires.

M. Nicolas Perruchot. Pas seulement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai qu’il n’a pas fixé de limite d’âge. Eh bien, dans ce cas, la mesure qu’il propose coûte 3,4 milliards d’euros ! Alors, monsieur Perruchot, vous demanderez à M. de Courson si je dois compter ces 3,4 milliards au titre de ses propres erreurs de calcul ou de celles qu’il nous prête ! Parce que là, c’est tout de même énorme !

Pour le reste, cet amendement va à l’inverse de toute la démarche à laquelle nous réfléchissons ensemble en matière politique familiale. J’y suis totalement opposé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, sans doute pour un fait personnel au nom de M. de Courson ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ah non, monsieur le président ! Je veux sortir nos collègues de l’erreur. Rappelez-vous : lors du débat sur le PACS, notre collègue Charles-Amédée du Buisson de Courson avait donné une interview mémorable d’une page à Libération. Le journaliste facétieux lui demanda, après l’avoir entendu expliquer son opposition au PACS : « Mais si vous rencontrez l’âme sœur et que cette personne vous dit qu’elle ne veut pas se marier ? » Que répondit-il, après un temps de réflexion ? « Eh bien, c’est qu’elle ne m’aime pas. » En réalité, M. de Courson n’est pas contre le mariage, il est pour les privilégiés. Cet amendement à 3 milliards le montre bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. 3,4  !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, quand on aime, on ne compte pas !

Dans ma ville de Montreuil, une entreprise fabrique des costumes dans le style du XVIIIe siècle, et j’imagine fort bien notre collègue habillé de la sorte, dans sa chaise à porteurs, fouettant de sa canne les manants !

M. le président. Monsieur Brard, sachez tout de même faire preuve de courtoisie à l’égard d’un collègue absent !

M. Jean-Pierre Brard. Pensons encore à la fameuse caricature où un pauvre membre du tiers état peine, écrasé sous le poids des aristocrates…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et du clergé !

M. Jean-Pierre Brard. Qui va payer ces 3,4 milliards, monsieur le ministre ? Les manants ! Et ce n’est pas acceptable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je ne laisserai pas attaquer Charles de Courson, pour la simple raison que c’est l’un des plus brillants et des plus intelligents de mes collègues de la Cour des comptes.

D’ailleurs, il ne pensait pas au mariage. Chacun de nous a derrière soi un ange gardien : voilà le fond de l’amendement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour clore le débat.

M. Nicolas Perruchot. Je vais m’efforcer de le faire, même si l’exercice n’est pas facile.

Charles de Courson ne fait pas preuve d’hostilité au mariage avec cet amendement. Vous avez interprété l’article paru dans Libération, mon cher collègue. Et nous devons respecter sa position à propos du PACS.

Quant à ses calculs, méfiez-vous, monsieur le ministre, ils sont rarement faux ! C’est un des rares membres de la commission des finances à connaître parfaitement les chiffres, peut-être pas aussi bien que le ministre du budget, mais presque.

Cela dit, compte tenu de l’estimation que vous avez avancée quant au coût de la mesure – que, par manque de temps, Charles de Courson n’a sans doute pu évaluer –, je retire cet amendement, comme il l’aurait fait lui-même devant de tels chiffres.

M. le président. L’amendement n° 76 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 379.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Marc Le Fur. Dans la discussion générale, je me suis exprimé à propos de la famille et je voudrais, à travers cet amendement, évoquer le cas des familles modestes.

Dans le régime de l’impôt sur le revenu figure le principe de la décote, dont bénéficient les contribuables célibataires. Un contribuable célibataire gagnant le SMIC ne paiera pas d’impôt sur le revenu, mais un couple marié de salariés au SMIC devra acquitter 410 euros. Mon amendement consiste à familialiser la décote de façon qu’un couple au SMIC puisse bénéficier de cet avantage relatif.

L’alternative est la suivante, monsieur le ministre : soit familialiser la décote, comme je le propose ici ; soit, à la faveur de la réforme de l’impôt sur le revenu que vous présentez, augmenter très sensiblement les premières tranches de l’impôt sur le revenu de façon à épargner les familles modestes. Il nous faut donner des signes aux familles en matière d’impôt sur le revenu, en l’espèce aux familles modestes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

Je rappelle tout d’abord que notre impôt sur le revenu, avec le système du quotient familial,  est le plus familialisé d’Europe.

En outre, la décote concerne 8 à 10 millions de contribuables et, si nous devions la familialiser, cela représenterait au bas mot un coût de 500 millions à 1 milliard d’euros pour l’État. Il est évident que nous n’avons pas les moyens aujourd’hui de procéder à une telle réforme.

J’ai montré à l’instant, à propos de l’amendement de Charles de Courson, à quel point nous sommes soucieux de développer les avantages dont bénéficient les familles. Mais là, nous ne pouvons accepter une telle proposition pour des raisons budgétaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est ma fête aujourd’hui : 3,4 milliards pour les célibataires et 1,7 milliard pour la décote familialisée, ça commence à faire beaucoup ! Dans de telles conditions, je ne suis pas certain de pouvoir boucler ce budget, d’autant que la commission des finances est en train de travailler dur pour trouver le moyen de réaliser les 500 millions d’économies qu’elle nous a promis.

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez plutôt parler des intégristes de la commission des finances !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Arrêtons les frais, sinon nous n’y arriverons pas.

Certes, la politique familiale est l’un des éléments clefs de notre politique fiscale. Et Gilles Carrez a raison de rappeler cette réalité que nous ne soulignons pas assez : la politique fiscale de la France est l’une des plus avancées en Europe pour ce qui est de la famille.

M. Michel Bouvard. Enfin, tant que les socialistes ne reviennent pas au pouvoir. Il faut lire la motion Hollande !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez tout à fait raison, monsieur Bouvard, cette motion a quelques raisons de nous inquiéter et, comme M. Hollande est réputé le plus modéré de son camp, je préfère ne pas imaginer ce que cela pourrait donner avec des néotrotskistes !

M. Jean-Pierre Brard. On dirait que cela évoque des souvenirs chez vous !

M. le président. Monsieur Brard !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Lorsque nous aborderons la question du plafonnement des niches, nous examinerons la proposition d’Hervé Mariton visant à relever l’avantage par enfant de 750 euros à 1 000 euros. Je dois dire que nous la trouvons intéressante.

Pour l’heure, monsieur Le Fur, je vous demande de retirer votre amendement.

M. Pierre-Louis Fagniez et M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’entends bien les arguments relatifs au coût de la mesure, monsieur le ministre. En revanche, sur les principes, je suis plus réservé. M. Carrez souligne que nous avons un impôt sur le revenu familialisé, mais c’est le seul impôt qui le soit. La CSG représente une fois et demie l’impôt sur le revenu, la TVA et la TIPP, trois fois, et ces impôts ne sont pas familialisés.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous oubliez les allocations familiales !

M. Marc Le Fur. La mesure que vous proposez sur le plafonnement des niches ne me convient pas, monsieur le ministre. Vous proposez un plafonnement à 8 000 euros par foyer fiscal. Je préférerais 4 000 euros par part, ce qui aboutirait à une véritable familialisation, plus favorable aux familles : 12 000 euros pour une famille avec deux enfants. L’impôt sur le revenu a été bâti dans une tradition familiale, cessons de lui donner des coups de canif.

Toutefois, retenant l’argument du coût, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 379 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 67.

M. Michel Bouvard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 116.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Fourgous. Aboutir à 8 000 euros en faisant la moyenne de toutes les niches, c’est un peu comme ajouter un éléphant à une souris et diviser par deux. Toutefois, je comprends le choix qui a été fait.

Reste qu’il y a des gens qui ont plus d’argent que d’autres, quelquefois parce qu’ils ont tout simplement beaucoup plus travaillé. M. Brard évoquait « ceux qui ne risquent rien ». Veut-il revenir aux deux cents familles que la gauche vomissait, tentant d’exacerber la haine, au début du siècle dernier ? Ne voit-il pas que, moins d’un quart de ces familles subsistent aujourd’hui ? Est-il à ce point coupé des réalités économiques qu’il ne peut comprendre que l’économie est en perpétuelle évolution ?

Cet amendement a pour but d’inciter les personnes qui en ont les moyens à investir dans les entreprises qui manquent de fonds propres. Il existe en effet un seuil difficile pour les entreprises en France. À moins de 100 000 euros de capital, il est toujours possible de faire appel à sa famille ou à ses amis, mais entre 100 000 euros et 1 million d’euros, peu de possibilités sont offertes : les sociétés de capital-risque ne s’aventurent pas sur ce terrain.

Or c’est le capital qui fait la croissance. Si vous continuez à sanctionner le capital, vous pourrez toujours attendre la croissance, vous n’aurez que vos yeux pour pleurer. Il est tout de même préoccupant que la France, qui prétend demeurer dans le concert des grandes nations, soit la seule parmi les pays modernes à ne pas l’avoir pas compris.

M. Victorin Lurel. Dans votre système de production, il n’y a que le capital ?

M. Jean-Michel Fourgous. Nous entendons stimuler l’investissement, notamment dans le cadre des business angels.

Moi, je n’ai pas de haine pour ceux qui ont des moyens. À Montreuil, où je suis né, quand certains de mes amis travaillaient vingt heures, je travaillais deux fois quarante heures dans deux entreprises parce que j’avais envie de réussir. Je me suis un peu enrichi et j’ai les moyens d’investir 50 000 euros dans une entreprise qui en a besoin pour survivre. Pourquoi m’en empêcher en me refusant une incitation fiscale ?

Il faut avoir l’esprit que les douze à quinze premiers mois, les montants investis dans les entreprises sont autant de recettes pour l’État, en termes de TVA : 100 000 euros investis, c’est 100 000 euros pour la TVA. Instaurer une exonération de 50 % au titre de l’IR permet à tout le monde de s’y retrouver. L’État peut fonder ses rentrées fiscales sur 150 000 euros au lieu de 100 000 euros, car les 50 000 euros exonérés d’impôt sur le revenu lui rapportent à nouveau. Il est vrai que ce raisonnement, issu de l’économie réelle, n’est pas toujours facile à faire passer.

Voilà un bon moyen de créer des emplois, résultat auquel vous ne parviendrez pas avec vos discours incantatoires totalement archaïques. En 2007, j’espère qu’il y aura un véritable débat sur la manière dont on produit la richesse et qu’on en aura fini avec le répartitionnisme ringard.

Je vous promets, mesdames, messieurs de gauche, qu’on va se faire un plaisir d’en parler en respectant la démocratie, les libertés et les êtres humains. Et nous serons ravis de savoir d’où vous tirez vos connaissances sur la production des richesses.

Le dispositif que je propose permettrait de faire gagner de l’argent à l’État et de renforcer nos entreprises moyennes, qui sont deux fois moins capitalisées que leurs concurrentes anglaises et allemandes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut encourager l’épargne à financer nos entreprises, et en particulier les petites et moyennes entreprises, les entreprises innovantes ainsi que celles qui sont en cours de création, car elles manquent de fonds propres.

Tout en souscrivant à la philosophie de cet amendement, la commission l’a rejeté, estimant qu’il faut stabiliser les dispositifs existants. Par exemple, le dispositif Madelin, qui permet d’investir dans les PME, prévoit une incitation fiscale pouvant aller jusqu’à 40 000 euros pour un couple. Citons encore les fonds communs de placement dans l’innovation, plus récemment les fonds d’investissement de proximité ou encore les investissements en numéraire dans les entreprises en franchise d’ISF. Il existe donc tout un arsenal qui permet d’orienter plus facilement l’épargne vers l’investissement des PME. Nous avons besoin maintenant de le stabiliser et d’en observer les résultats. Si l’on s’aperçoit qu’il n’est pas assez efficace, nous pourrons alors penser à de nouveaux dispositifs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je souhaite que M. Fourgous retire son amendement.

Je veux toutefois saluer le travail qu’il accomplit avec sincérité pour les PME et pour l’innovation.

M. Jean-Louis Idiart. La suite va être terrible !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pas du tout : je lui ai déjà demandé de retirer son amendement.

Il présentera ultérieurement des amendements sur le crédit d’impôt recherche qui vont, me semble-t-il, tout à fait dans le bon sens, et nous aurons l’occasion d’y revenir.

Monsieur Fourgous, il existe déjà beaucoup de mesures fiscales en faveur du financement des fonds propres. Par ailleurs, le dispositif que vous proposez se heurte à la philosophie qui consiste à plafonner les niches.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre argument, mais préparez-vous à un choc. Nous avons besoin de capitaux et il va falloir trouver un outil simple et efficace. Vous avez déjà montré que vous étiez capables d’audace, par exemple en débloquant l’épargne d’assurance-vie. Vous avez montré que vous pouviez réfléchir sur l’économie réelle, ce qui est rassurant pour ceux qui sont au front.

Les mesures dont vous parlez ne suffisent pas à compenser ce manque de financement. Si l’on abandonne un enfant entre quatre et huit ans, on ne pourra pas le récupérer à huit ans, même avec du capital-risque. Et vous savez fort bien que les niches ne suffiront pas à régler le problème. Mais je sais que ce n’est pas simple.

Cela dit, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 116 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 249.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. Cet amendement vise à transformer une niche fiscale destinée à quelques familles en réel outil d'aide fiscale aux ménages, au bénéfice de l'emploi.

Comme le soulignait le Conseil des impôts dans son rapport 2003 consacré à la fiscalité dérogatoire – pages 90 et suivantes –, la réduction d'impôt pour emploi d'une personne à domicile bénéficie actuellement « essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenu sont les plus élevées avec l'impossibilité, pour les foyers non imposables, de bénéficier de cet avantage ».

Le Conseil démontrait notamment que, sur 2,2 millions de déclarants, 1,3 million de personnes seulement ont pu bénéficier d'une réduction fiscale.

Le Conseil étudiait la mise en place d'un crédit d'impôt dans les proportions proposées ici, c'est-à-dire à coût constant pour l'État, toutes choses étant égales par ailleurs. Il souligne notamment qu' « une telle réforme pourrait accroître la demande de services de proximité des bénéficiaires potentiels ».

La justification en termes d'emploi proposée par le Gouvernement pour les hausses du plafond proposées en 2003, 2004 et 2005 serait ainsi beaucoup mieux respectée.

La restriction visant à n'appliquer cette disposition qu'en réduction de l'impôt dû n'est justifiée qu'au regard des règles de la recevabilité financière des amendements d'origine parlementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement.

Je rappelle à M. Idiart que cette mesure pour l’emploi familial a été créée, en 1992, sous forme de réduction d’impôt, par Mme Aubry, alors ministre du travail, et qu’entre 1997 et 2002, vous n’avez jamais proposé de la transformer en crédit d’impôt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne comprends pas pourquoi la gauche montre autant de réticence sur ce dispositif d’aide aux emplois familiaux. Nous voulons tous créer des emplois, lutter contre le travail au noir et développer les emplois de service. Le dispositif est efficace car il ne coûte que s’il marche. Je ne comprends pas pourquoi vous rouvrez chaque année le débat ni pourquoi, lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez, pour le symbole, réduit le plafond au motif de « faire payer les riches ».

M. Jean-Michel Fourgous. C’est de l’intégrisme !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Par ailleurs, l’idée de remplacer cette mesure par un crédit d’impôt, ce qui implique de déplacer le curseur vers le bas, en termes de niveau de revenu des bénéficiaires, et donc de baisser le plafond, est complètement dépassée depuis que nous avons mis en place le chèque emploi service universel. Il me semble donc que cet amendement devrait être retiré.

M. Jean-Pierre Soisson. Il a six mois de retard !

M. le président. La parole est à M.  Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, effectivement, nous avons créé ce dispositif que Martine Aubry a mis en œuvre et qui prévoyait une réduction fiscale modérée. M. Sarkozy expliquait ici en 1994 qu’il ne pouvait pas supprimer les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu mais qu’il faisait un dispositif équivalent en portant le plafond de réduction à 13 000 euros. Il s’agissait alors d’un cadeau fiscal que nous avons réduit en 1997.

Or les statistiques montrent que le nombre d’emplois à domicile n’a pas baissé. Au contraire, de 1997 à 2002, le nombre d’emplois à domicile a régulièrement augmenté. La réduction que nous avions prévue était donc suffisante. Lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, vous l’avez doublée inutilement, car pouvez-vous me dire combien d’emplois supplémentaires ont été créés ?

M. Jean-Louis Idiart. Aucun !

M. Augustin Bonrepaux. Nous vous proposons d’ouvrir plutôt un crédit d’impôt qui bénéficierait aussi aux 900 000 emplois qui n’ont aucune incitation. Comme l’a dit Pierre Méhaignerie, vous utilisez la fiscalité en pure perte pour faire des cadeaux fiscaux. Pour notre part, nous souhaitons la réorienter vers l’emploi et réaliser des économies car le pays en a bien besoin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 250.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Il s’agit de revenir à un plafond raisonnable de 6 900 euros. C’est une limite qui a fait ses preuves entre 1997 et 2002 et qui a permis de créer des emplois.

Le Gouvernement est en train de faire les fonds de tiroirs. Au cours de l’examen des différents articles, nous découvrons, grâce aux simulations que nous a données la commission mais que nous refusait le Gouvernement, qu’il va prendre 127 millions aux départements.

Nous proposons une mesure qui vise à encourager l’emploi mais qui n’est pas un cadeau fiscal en faveur des 70 000 familles les plus favorisées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement, pour les raisons déjà évoquées.

M. le président. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 419.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Nous proposons de supprimer la mesure contenue à l’article 199 novodecies du code général des impôts, qui permet une réduction d’impôt de 20 euros au bénéfice des contribuables déclarant leurs revenus par Internet et optant pour le prélèvement mensuel ou automatique.

Tout le monde n’étant pas équipé, nous estimons cette mesure inéquitable. En outre, si nombre de nos concitoyens ont accès à Internet, toutes les communes ne sont pas reliées à l’ADSL. Certains départements, comme le mien, réclament vigoureusement une meilleure répartition de la technologie sur l’ensemble du territoire, au bénéfice, d’ailleurs, de l’économie. Les entreprises, par exemple, qui veulent s’installer dans une zone industrielle, se renseignent sur les conditions d’obtention de l’ADSL avant même de s’enquérir du montant de la taxe professionnelle.

Monsieur le ministre, compte tenu des contraintes budgétaires, pourquoi prendre une mesure d’incitation en faveur d’une technologie qui n’est plus nouvelle ? Par leur amendement n° 419, les députés socialistes, qui ne sont pas que dépensiers, vous proposent de supprimer cette facilité fiscale accordée à nos seuls concitoyens qui peuvent utiliser Internet.

M. Jean-Pierre Soisson. Vous vous contredisez ! Vous voulez généraliser sans permettre : c’est absurde !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

Il nous semble nécessaire de maintenir cette incitation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne partage pas du tout votre analyse, monsieur Dumont. Vous voulez supprimer cet avantage au motif que certaines personnes ne peuvent pas accéder à Internet. Pour ma part, j’estime que tirer nos concitoyens vers le bas n’est pas une bonne idée. Mieux vaut les encourager. Si cette formule permet à davantage de gens d’accéder à Internet, ne serait-ce que par son côté ludique, pourquoi pas ? L’argument selon lequel la France n’est pas couverte dans son ensemble est certes fondé, mais il n’est pas convaincant car, dans ce domaine, les progrès sont considérables et il y a de plus en plus de possibilités de rendre Internet accessible à tous les Français, quel que soit leur âge ou leur origine sociale.

En revanche, il est vrai qu’une réduction d’impôt de 20 euros en fait un produit d’appel. Nous ne pourrons pas indéfiniment maintenir l’avantage à ce niveau. Je suis très sensible, monsieur Dumont, au fait que vous vouliez m’aider à faire des économies. Je saurai à l’avenir faire appel à vous si le besoin s’en fait sentir !

Je vous suggère toutefois de retirer cet amendement dans l’attente des conclusions de l’audit sur la télédéclaration et de la discussion de la mesure au Sénat. À défaut, je demande à l’Assemblée de le repousser.

M. le président. Monsieur Dumont, retirez-vous l’amendement ?

M. Jean-Louis Dumont. Non, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Vous dites, monsieur le ministre, qu’il faut encourager l’usage d’Internet. Chiche ! Mais que fait l’État en ce sens ?

M. Jean-Louis Dumont. Rien ! Ce sont les conseils généraux qui agissent !

M. Augustin Bonrepaux. Je vous ai interrogé à plusieurs reprises : allez-vous aider les collectivités à le faire ? Car tous les territoires ne sont pas desservis. Encore une fois, il y a deux poids, deux mesures : ceux qui ont les moyens de communiquer et ceux qui ne les ont pas. Cette réduction d’impôt constitue une dépense inutile, car vous aurez beau encourager les gens, dès lors qu’ils n’ont pas accès à Internet, ils ne peuvent pas faire leur déclaration en ligne.

Par ailleurs, vous allez supprimer la prime pour l’emploi, qui s’élève à 30 euros, au motif que le montant est dérisoire, alors que vous maintenez cette réduction d’impôt de 20 euros, dont vous jugez le montant significatif. Si votre mesure d’incitation est dérisoire, mieux vaut la supprimer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 419.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 251.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le soutenir.

M. Victorin Lurel. Notre amendement précise qu’ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu égal à 60 % de leur montant les sommes, prises en compte dans la limite de 600 euros, qui correspondent aux coûts du travail bénévole valorisé au profit d’organismes mentionnés à l’article 261, c’est-à-dire les associations.

Le coût du travail bénévole est déterminé en multipliant le nombre d’heures de travail bénévole effectivement exercées par le contribuable par le taux horaire correspondant à la rémunération minimale visée à l’article L. 141-11 du code du travail.

Cette disposition serait applicable aux seules sommes venant en déduction de l’impôt dû, à compter de l’imposition des revenus perçus en 2005.

Par la mise en œuvre de ce crédit d’impôt, il s’agit d’accorder une reconnaissance méritée au travail bénévole et par là même de stimuler l’offre de services aux familles, notamment en milieu rural.

La suppression des emplois-jeunes et la remise en cause de nombreux contrats aidés ont entraîné de réelles difficultés, notamment pour le secteur associatif. La mise en place d’un tel crédit d’impôt et l’encouragement fort qu’elle représente pour le travail bénévole pourrait être l’un des moyens permettant de pallier le manque de personnel résultant de ces différentes décisions.

La limitation du bénéfice du crédit d’impôt aux seules sommes venant en réduction de l’impôt est destinée à assurer le respect des règles de recevabilité financière des amendements d’origine parlementaire.

Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement.

Le crédit d’impôt ne se justifie pas dans ce domaine. Je rappelle à M. Lurel que des dispositions importantes ont été prises dans le cadre de la loi sur le mécénat pour encourager les dons aux associations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement, ce qui ne m’empêche pas de considérer que tout doit être fait pour encourager le bénévolat dans notre pays. Cela étant, monsieur Lurel, vous êtes un passionné du paradoxe. Je vous le disais ce matin déjà en vous écoutant défendre la loi Girardin, dont vous vous êtes fait le détracteur il y a deux ans. Vous voilà maintenant en train de m’expliquer qu’il faut donner un quasi-salaire aux bénévoles. Je rappelle que le bénévolat repose par principe sur la gratuité du travail. Or ce que vous proposez n’est autre qu’une rémunération. Cela n’a pas de sens !

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien, monsieur le ministre ! Cela fait une demi-heure qu’ils s’empêtrent dans leurs contradictions !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. En ce qui concerne le deuxième paragraphe de son exposé sommaire, je suis en total désaccord avec mon collègue Lurel. Ce n’est pas la suppression, mais la création des emplois-jeunes qui a mis les associations en difficulté. Vous avez créé artificiellement des besoins dans le milieu associatif, qui ont été un temps couverts et qu’elles doivent maintenant continuer à satisfaire, ce qui entraîne pour elles des coûts supplémentaires. Les titulaires des emplois-jeunes n’ont pas été formés et ces emplois n’avaient pas d’avenir.

M. Jean-Pierre Soisson. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. C’est pour cela que le Gouvernement les remet en place, sans faire aussi bien !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Mon cher collègue, je ne connais pas votre expérience en la matière. Mais, pour ma part, j’ai longtemps travaillé dans le milieu associatif et je sais que, sans les emplois-jeunes et les contrats aidés, nombre d’associations n’auraient pas pu fonctionner. Contrairement à ce que vous affirmez, ce n’est pas la création, mais la suppression des emplois-jeunes qui laisse aujourd’hui les associations démunies.

Les collectivités, que nous sommes nombreux à représenter ici, ont assumé la quote-part restant à la charge des associations, de 15 à 20 %. Notre amendement a pour seul objet de compenser les effets désastreux de votre politique. Vous avez tort de ne pas soutenir davantage ce secteur, qui représente un formidable gisement d’emplois.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 85.

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le soutenir.

Mme Pascale Gruny. Concernant le financement des partis politiques lors des campagnes électorales, les modalités de versement des dons par les personnes physiques sont strictement encadrées par le code électoral. Pour bénéficier de la réduction d’IRPP, ces sommes limitées doivent être nécessairement versées par chèque.

Une telle exigence apparaît aujourd’hui incompatible avec la généralisation du paiement par carte bancaire et le développement des moyens de paiement sécurisés sur Internet.

Notre amendement n° 85 vise à autoriser ces différents modes de paiement, tout en conservant la réduction d’impôt, puisqu’ils seront assortis des conditions permettant l’identification du donateur ou du cotisant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

Je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25 rectifié n’est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 47 rectifié.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Il s’agit de trouver les moyens de mettre en œuvre une politique publique à moindre coût pour l’État et les collectivités.

En zone de montagne, les logements construits pour les saisonniers ne sont occupés que quelques mois par an, alors qu’ils ont nécessité de lourds investissements, difficiles à amortir. Pour à la fois réaliser des économies et répondre aux besoins, il conviendrait de pouvoir mieux mobiliser le parc privé. C’est pourquoi notre amendement n° 47 rectifié tend à exonérer de la contribution sur les revenus locatifs les revenus tirés de ces locations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons demandé à M. Bouvard de retirer son amendement en commission et de le représenter en séance publique afin que M. le ministre nous confirme que la CRL sera bien supprimée dans le cadre de la réforme de l’impôt sur le revenu. La plupart des propriétaires de logements pour saisonniers étant des personnes physiques, ils seront bien bénéficiaires de la mesure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Craignant que vous ne m’en fassiez plus la demande, j’ai, dès mon discours introductif au PLF, annoncé la suppression de deux impôts – la vignette sur les véhicules de société et la CRL pour les personnes physiques –, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Cette avancée, qui répond largement à votre attente, est en cohérence avec l’ensemble des mesures que nous prenons et que j’évoquerai à l’article 60 du projet de loi.

Les personnes morales demeureront redevables de la CRL mais, pour elles, le dispositif actuel répond à vos préoccupations. En effet, soit l’organisme est locataire du logement qu’il met à la disposition des travailleurs saisonniers et il n’a alors pas à s’acquitter de la CRL, soit il en est propriétaire, auquel cas il n’est taxé que sur les revenus effectivement perçus. Il ne paie donc rien si le logement n’est pas loué.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je vous remercie et je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 58 rectifié.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Je sais, monsieur le ministre, que vous tenez vos engagements. Malheureusement, s’agissant du chèque-vacances, nous n’avons pas progressé d’un pouce depuis l’an passé.

Plusieurs problèmes se posent, dont celui de la diffusion des chèques-vacances dans les PME, mais surtout certaine interprétation possible par l’administration fiscale concernant les chèques-vacances distribués par des organismes à caractère social, et notamment par les comités d’entreprise.

Une directive de la Direction générale des impôts, datée de février 1984, indiquait que la quote-part versée par les comités d’entreprise était aussi exonérée. Mais, depuis sa mise à jour en 1999, la précision ne figure plus, ce qui pourrait entraîner des contentieux et des redressements. L’amendement vise donc à clarifier les textes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, tout en constatant que nous avions déjà eu la même discussion l’année dernière sans que ce point ne semble avoir été éclairci depuis.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’ai pas le souvenir d’avoir pris un quelconque engagement sur le sujet…

M. Michel Bouvard. C’était peut-être un autre ministre : ils ont changé souvent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quoi qu’il en soit, je peux vous rassurer, car la documentation administrative précise : « L’exonération concerne non seulement la contribution proprement dite de l’employeur, mais aussi la participation financière du comité d’entreprise si, par ailleurs, les conditions posées par l’ordonnance sont remplies. » Ces conditions sont les suivantes : participation de l’employeur et conditions de ressources. L’exonération que vous préconisez est donc déjà appliquée depuis l’origine des chèques vacances, et l’amendement est donc superflu. C’est pourquoi je vous propose de le retirer.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 86.

La parole est à M. Patrick Beaudoin, pour le soutenir.

M. Patrick Beaudouin. Le 3 février 2005, nous adoptions tous ensemble la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation à la citoyenneté des personnes handicapées, dont le but est d’améliorer les dispositifs consacrés aux personnes handicapées. Elle consacre notamment une place importante à la question du logement, par le biais de la prestation de compensation, destinée à couvrir les besoins en aménagement. Elle pose également un principe général d’accessibilité du bâti.

Il convient d’aller au bout de cette logique et de tenir compte des efforts consentis par chacun pour accueillir les personnes handicapées.

Dans certains cas, en effet, des parents d’enfants handicapés souhaitent les maintenir auprès d’eux tout en leur assurant une certaine autonomie. Pour ce faire, ils mettent à leur disposition des logements dont ils sont propriétaires et qu’ils font adapter au handicap. Comme, bien entendu, ils le font le plus souvent à titre gratuit, ils ne peuvent déduire de l’impôt sur le revenu, dans les conditions prévues à l’article 156 du code général des impôts, les déficits fonciers résultant des travaux effectués. La déduction est en effet réservée aux seuls immeubles loués et produisant un revenu locatif.

Il peut apparaître normal, dans le cas spécifique du logement d’une personne handicapée, qu’il soit fait exception à cette règle. C’est la raison de cet amendement, qui répondrait à l’attente de certains parents soucieux de maintenir un lien de proximité avec leur enfant handicapé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle n’a pas adopté cet amendement.

Un certain nombre de dispositifs existent en faveur des personnes handicapées, notamment un crédit d’impôt pour les travaux d’accessibilité effectués dans une résidence principale. Son montant a d’ailleurs été augmenté récemment. Il peut ne pas jouer, cependant, si par exemple les parents d’un enfant handicapé adulte mettent gratuitement à sa disposition un logement dans lequel des travaux ont été rendus nécessaires par le handicap. C’est le cas décrit par Patrick Beaudoin.

Il reste que les parents d’une personne dans cette situation lui versent généralement une pension. Dès lors, s’il s’agit de sa résidence principale, le crédit d’impôt peut s’imputer au titre de ces revenus.

Ainsi, par le biais des revenus fonciers, ou au titre des revenus propres de la personne handicapée – sous réserve qu’il s’agisse d’une résidence principale –, il est presque toujours possible d’obtenir une déduction fiscale pour de tels travaux.

La discussion de l’amendement en commission des finances nous a toutefois amenés à relever un autre problème. J’évoquais tout à l’heure la distinction entre travaux d’agrandissement et travaux d’amélioration. Ces derniers seulement sont soumis au taux réduit de TVA. Or, pour qu’un logement puisse accueillir une personne handicapée, il arrive que des travaux d’agrandissement soient nécessaires – pour l’installation d’un ascenseur, par exemple. Dans la mesure où devrait être pérennisé le régime de TVA réduite appliqué au logement depuis septembre 1999, il me semblerait justifié de l’étendre aux travaux d’agrandissement réalisés au bénéfice de personnes handicapées. L’amendement de M. Beaudoin me donne l’occasion de faire cette demande au Gouvernement.

La préoccupation de notre collègue est grosso modo satisfaite. J’espère que le problème relatif à la TVA sera résolu également.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En ce qui concerne la TVA, monsieur le rapporteur général, une réflexion est en cours, susceptible de nourrir nos travaux lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. J’espère pouvoir à cette occasion proposer des mesures à même de satisfaire nos compatriotes sur cette question spécifique du handicap.

Quant à votre amendement, monsieur Beaudoin, je l’aurais volontiers approuvé s’il n’intervenait pas après l’adoption de la loi du 11 février 2005. Celle-ci est déjà porteuse d’avancées très importantes, et il me semble prématuré d’aller plus loin alors qu’elle commence seulement à s’appliquer. Nous n’en avons pas observé tous les résultats ; il convient donc de la laisser vivre un peu avant de la modifier. Je vous suggère de retirer l’amendement, quitte à le déposer à nouveau l’an prochain.

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudoin.

M. Patrick Beaudouin. J’entends bien ces arguments. Mais je vous ai récemment saisi, monsieur le ministre, de plusieurs cas de ce type – l’un d’entre eux concernait des Fontenaisiens ayant acheté un appartement situé dans la ville du Perreux, chère à notre rapporteur général –, et vous m’avez répondu que la législation n’était pas adaptée, ce qui m’a conduit à déposer cet amendement.

Il s’agit très souvent de ménages modestes, qui ont consenti un effort important pour acheter un appartement à leur enfant. Ils souffrent en outre du retard considérable pris par notre pays en matière d’accueil des personnes adultes handicapées ; rappelons-nous l’amendement Creton.

Cela étant, je vous fais confiance, monsieur le ministre. Pour reprendre vos propres termes, essayons de faire un truc ensemble ! Laissons la loi s’appliquer pleinement, après quoi nous verrons si le dispositif peut être amélioré. Dans l’immédiat, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 86 est retiré.

Article 3

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. La revalorisation de la prime pour l’emploi fait l’objet d’une campagne de communication du Gouvernement qui laisse dans l’ombre des questions essentielles.

Pour un coût de 500 millions d’euros, sensiblement équivalent à celui de l’actualisation réalisée en 2005 – qui s’élevait à 400 millions d’euros pour une hausse de 4 % du niveau de la prime –, le Gouvernement prétend cette fois parvenir à une hausse de 50 %. En réalité, il totalise la progression programmée pour deux ans et ne met en avant que les quelques cas particuliers où cette revalorisation atteindrait, au terme de deux ans, 50 %.

La progression annoncée s’accompagne en effet d’un reprofilage de la prime, qui sera augmentée pour les salariés à temps partiel. Lors de la mise en place de la PPE, un barème plus favorable au temps plein avait été préféré pour tenir compte du risque d’incitation au développement du travail précaire.

Compte tenu d’un nombre de bénéficiaires estimé à plus de 8,8 millions de personnes, le bénéfice brut de la mesure, sans prendre en compte l’érosion monétaire qui tend à le réduire, serait de 4,73 euros par mois. En revanche, le Gouvernement se garde bien de signaler l’instauration d’un minimum de versement conduisant à supprimer la prime pour les titulaires percevant moins de 30 euros. Nous aimerions d’ailleurs savoir – la question a déjà été posée à plusieurs reprises – combien de personnes seront concernées par cette décision et quel gain budgétaire en est attendu.

Une mensualisation de la prime pour l’emploi est également engagée. Visiblement, le Gouvernement a dû renoncer une nouvelle fois au projet contestable d’une inscription directe sur la feuille de paie. En revanche, pour ceux qui étaient déjà titulaires de la prime l’année précédente et qui toucheraient plus de quinze euros par mois, un versement mensuel est mis en place pendant le premier semestre, assorti d’une régulation au moment de la liquidation de l’impôt sur le revenu.

Enfin, les documents budgétaires font état de versements pour l’année 2007 qu’il est pour le moins curieux d’examiner dans le cadre de la première partie du budget. Cela ne me paraît pas conforme à la Constitution.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Avant d’aborder l’article 3, je souhaite revenir sur les propos tenus ce matin par M. le ministre : il m’a en effet jugé « passionné » et m’a reproché de « caricaturer » son projet de budget.

Je l’admets : je suis un homme passionné. Je défends avec passion ce que j’aime, je défends mes idées avec passion, peut-être même avec véhémence, mais jamais avec agressivité. Vous-même, monsieur le ministre, pouvez mériter aussi ce qualitatif, comme en témoignent vos réponses et nos désaccords.

Quant à la caricature, je suis à bonne école avec vous ! Je sais, pour avoir entendu la façon dont vous présentez certains propos, que vous êtes orfèvre en la matière.

Loin de me contredire sur la loi Girardin, je voterais encore contre si c’était à refaire, tant elle est insuffisante. La loi d’orientation pour l’outre-mer avait insufflé une dynamique que la loi de programme a cassée. Ainsi, près de trois ans plus tard, le chômage est reparti de plus belle dans l’outre-mer, quelle que soit l’autosatisfaction exprimée par l’ancienne titulaire du poste de M. Baroin.

Ce qui empêche aussi l’application de la loi Girardin, c’est Bercy, c’est peut-être vous, monsieur le ministre, puisque vous bloquez les agréments, et je peux citer deux dossiers de rénovation hôtelière présentés par le groupe Leader. Vous avez une gestion bureaucratique des agréments, et c’est curieusement un socialiste qui vous le dit. Vous n’en donnez pas, et la loi de défiscalisation dite Girardin, hier Paul, avant-hier Pons, est en panne. Or, dans l’outre-mer, puisque les dépenses publiques ne sont pas suffisantes, il faut soutenir l’investissement par un dispositif d’incitation fiscale. C’est pour cela que l’on demande qu’une partie de l’épargne privée, bien entendu en moralisant l’ensemble, soit drainée vers l’investissement public et privé.

La loi est insuffisante, mais ce n’est pas une raison pour la rendre encore plus faible qu’elle ne l’est déjà.

Puisque vous avez caricaturé les propos que j’ai tenus en ne répondant pas aux questions que je vous ai posées, voici deux problèmes qui ne sont pas résolus.

Premier problème, le déficit laissé par mon prédécesseur, Mme Lucette Michaux-Chevry : 104 millions. J’ai demandé à Bercy une subvention d’équilibre pour sortir la Guadeloupe de la panne économique qu’elle connaît. Je n’ai pas eu de réponse positive, je n’en ai pas eu non plus, il est vrai, de négative. J’ai été reçu avec beaucoup d’urbanité et de civilité à l’Élysée, à Matignon et par vos services. Je les vois tout à l’heure, j’aimerais qu’un engagement soit pris.

Second problème, et ce n’est pas moi qui ai employé le terme de hold-up, l’argent que l’État nous doit. Deux ministres sont venus chez nous dire qu’il prendra ses responsabilités, remboursera. Vous devez 25 millions d’euros au département de la Guadeloupe pour un problème de contingent d’aide sociale. Vous en devez autant aux trente-quatre communes de la Guadeloupe, sauf à cinq dont les élus ont porté plainte et n’avaient pas confiance, y compris Mme Michaux-Chevry, qui était maire de la ville de Basse-Terre. Nous vous demandons de rembourser la DGF amputée des communes de Guadeloupe.

Pour ce qui concerne la PPE, et nous y reviendrons dans les amendements, nous proposons de la doubler et de porter à trente euros le montant minimal de la prime versée aux ayants droit. L’effet incitatif serait ainsi augmenté, ce que le Gouvernement prétend souhaiter.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 291.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le défendre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 291.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 256.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le défendre.

M. Jean-Louis Idiart. La prime pour l’emploi avait été conçue pour s’appliquer graduellement et représenter quasiment, en 2003, l’équivalent d’un treizième mois pour un salarié payé au SMIC.

Le Gouvernement a refusé pendant trois ans de soutenir réellement le pouvoir d’achat des plus modestes, préférant distribuer sans compter les cadeaux fiscaux aux plus aisés, dans une période où l’absence totale de marges de manœuvre budgétaires ne le permettait pas.

Aujourd’hui, le retour d’une croissance un peu plus soutenue du PIB doit nécessairement être consolidé, afin d’éviter la rechute que l’on a pu observer à la fin de l’année 2004 et en 2005, compte tenu notamment des aléas forts pesant sur cette croissance, qui pourraient se traduire par des remises en cause du pouvoir d’achat des ménages par une hausse soutenue des prix pétroliers, voire un regain d’inflation.

La consommation interne est en effet le principal moteur de la croissance économique, les zones d’exportation, États-Unis et Asie, faisant face à un ralentissement de leur croissance.

Sans attendre une éventuelle réforme de cet outil, il est donc proposé un doublement en 2006 de la prime pour l’emploi par rapport au niveau atteint en 2005. La réserve portant sur l’application de cette disposition uniquement en diminution de l’impôt dû est rendue nécessaire par les règles relatives à la recevabilité financière des amendements, les promesses du Gouvernement et de la majorité parlementaire quant à une clarification du statut de la PPE n’ayant pas été tenues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

Depuis 2002, la prime pour l’emploi a été considérablement revalorisée puisque, en 2002, elle représentait 2 milliards d’euros et qu’elle représente aujourd’hui près de 3 milliards d’euros. Combinée avec la réforme de l’impôt sur le revenu, on le verra en seconde partie de cette loi de finances, elle devient partie intégrante de notre dispositif fiscal pour toute la zone qui va des revenus proches du SMIC aux revenus imposables. C’est donc devenu un élément majeur.

Je tenais à le souligner car c’est ce qui fait la différence entre vous et nous. Vous, quand vous arrivez aux responsabilités, et je prends l’exemple de 1997, vous estimez systématiquement que tout ce qui a été fait avant ne vaut rien et qu’il faut le supprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart. Vous êtes bien placé pour dire ça !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, vous avez interrompu la réforme de l’impôt sur le revenu que nous avions engagée en 1995-1996. Nous, nous cherchons avant tout l’intérêt général et l’impartialité. La prime pour l’emploi, même si elle présente des défauts, et nous allons en discuter, a un énorme intérêt, c’est d’encourager le travail par rapport aux revenus d’assistance. Par conséquent, dès 2002, non seulement nous l’avons reprise à notre compte mais nous l’avons confortée en l’augmentant, notamment pour favoriser la reprise du travail à temps partiel, et l’article 3 vise à amplifier l’effort.

Je rappelle que, dès 2006, la prime pour l’emploi versée à un salarié travaillant à mi-temps sur la base du SMIC augmentera de 50 % et qu’au terme des années 2006 et 2007, celle d’un salarié à plein temps qui touche le SMIC aura été majorée de 50 %. C’est donc une réforme de fond et la prime pour l’emploi prend toute sa place dans l’économie générale de l’impôt sur le revenu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous abordons avec cet article l’un des éléments majeurs de la réforme fiscale ambitieuse que nous vous soumettons à l’occasion de ce projet de loi de finances, et je voudrais profiter de cet amendement pour vous donner de premiers éléments.

Je considère d’abord que cette réforme est particulièrement juste puisque, grâce à une très forte revalorisation de la prime pour l’emploi et à une baisse très significative de l’impôt sur le revenu, en particulier sur les tranches les plus faibles du barème, elle profite d’abord aux Français qui travaillent et qui appartiennent aux catégories modestes.

L’augmentation de la prime pour l’emploi, c’est d’abord une mesure en faveur du travail. On a écrit beaucoup de choses sur la prime pour l’emploi. Certains, et c’est l’esprit de cet amendement, considèrent que cela doit être du pouvoir d’achat et demandent donc une plus forte revalorisation. Ce qui doit être clair, c’est que c’est d’abord une mesure en faveur de la reprise d’un emploi. Notre principal objectif est de faire une vraie différence entre ce qui relève des minima sociaux et ce qui relève du salaire lié à l’emploi.

L’effort budgétaire est considérable. En deux ans, cela fera un milliard d’euros supplémentaires. Six millions de foyers verront leur prime pour l’emploi augmenter. Pour 3,9 millions d’entre eux, qui travaillent à temps plein au SMIC, l’augmentation sera de 50 % et, pour 2,1 millions d’entre eux, qui travaillent à temps partiel, la PPE sera doublée.

Deuxième élément, j’en parle maintenant pour que vous ayez bien tous les éléments à l’esprit, c’est la mensualisation. Elle est demandée depuis des années et cela va corriger un inconvénient majeur. Jusqu’à présent, le premier versement était effectué douze à dix-huit mois après la reprise d’emploi, ce qui n’avait aucun sens. Ce n’était pas perceptible. À partir du 1er janvier 2006, le versement sera mensualisé par acomptes d’un douzième tous les mois, avec une régularisation pendant l’été. J’ai demandé à mes services de mettre ce dispositif en place sous la forme d’un virement. C’est évidemment un élément important, auquel s’ajoute le fait que, pour les nouveaux bénéficiaires de la prime pour l’emploi, le système d’acompte existant sera renforcé. Son montant sera porté à 300 euros en 2006 et 400 euros en 2007, et la durée minimale d’activité professionnelle requise réduite de six à quatre mois. Par ailleurs, nous allons lancer une campagne d’information pour que les salariés soient informés, ainsi que les employeurs, de ce dispositif d’acompte.

Ce sont donc des sommes significatives, et l’amendement que vous proposez va au-delà de ce que nous pouvons assumer financièrement. Vous le savez bien, mais je crois comprendre que c’est une manière pour vous d’approuver la philosophie qui est la nôtre, au moins sur ce sujet.

Pour terminer, je voudrais tout de même rappeler ce que cela signifie concrètement en termes de gain.

Pour un célibataire sans enfant travaillant à temps partiel pour un demi-SMIC, la prime pour l’emploi en 2005 est de 394 euros. Elle sera de 586 euros en 2006 et de 744 euros en 2007, soit quasiment 100 % d’augmentation. Pour une personne qui travaille à temps plein et qui touche le SMIC, elle est de 531 euros en 2005. Elle passera à 696 euros en 2006 et à 788 euros en 2007. Enfin, pardon d’être fastidieux mais je veux l’être une fois pour donner ces chiffres, prenons le cas d’un couple marié bi-actif, avec deux enfants à charge. Lorsque les conjoints touchent chacun un demi-SMIC, la prime pour l’emploi est de 858 euros en 2005, elle passera à 1 242 euros en 2006 et à 1 558 euros en 2007. Lorsqu’ils touchent un SMIC, elle passera de 1 158 euros en 2005 à 1 488 euros en 2006 et à 1 678 euros en 2007.

Ce sont donc des augmentations très significatives, et cette réforme, qui est évidemment au service de l’emploi, est pour le pouvoir d’achat des Français concernés un plus majeur. Cela signifie un doublement de la PPE pour 2 millions de foyers français. C’est considérable, et cela valait la peine d’être signalé à ce stade.

Tous ces éléments plaident en faveur du dispositif que propose le Gouvernement. Je demande donc le rejet de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, c’est nous qui avons créé la prime pour l’emploi et, si elle n’est pas aussi efficace que nous l’aurions souhaité, c’est votre faute, parce que, à l’époque, vous l’aviez combattue. Nous avions proposé un abattement à la base pour la CSG. Vous avez saisi le Conseil constitutionnel.

C’est vrai, monsieur le rapporteur général, que nous souhaitons regrouper la CSG et l’impôt sur le revenu pour faire un seul impôt, proportionnel à la base et progressif ensuite, qui nous permettra d’instituer des abattements en faveur des catégories les plus défavorisées. La CSG, pour les ménages modestes, est en effet beaucoup plus lourde que l’impôt sur le revenu, dont ils sont d’ailleurs souvent exonérés. Elle est extrêmement lourde et ce sera une simplification si nous pouvons faire un abattement à la base.

En tout cas, notre projet n’est pas de supprimer la prime pour l’emploi, c’est de la rendre encore plus efficace, pour rendre l’emploi encore plus attractif.

Monsieur le ministre, inutile de dire que nous ne nous préoccupons pas de l’emploi, nous nous en sommes préoccupés avant vous. En 2002, lorsque vous êtes revenus au pouvoir, nous vous avons demandé de doubler la prime pour l’emploi afin de soutenir la croissance. Vous avez refusé, tout comme en 2003.

En 2004, vous avez dit que la prime pour l’emploi augmenterait de 4 % ou 5 %, ce qui devait coûter 400 millions. Vous dites cette année que le Gouvernement y consacre 500 millions en la doublant. Qui peut vous croire, surtout lorsque l’on rapporte ces 500 millions aux 8,5 millions de bénéficiaires, ce qui représente 4,73 euros de plus par mois pour chacun ? On ne peut pas parler de doublement. En fait, vous voulez encourager le travail à temps partiel. Mais est-ce l’objectif du Gouvernement que les travailleurs soient obligés de se contenter d’un temps partiel ?

Nous tenons au doublement effectif de la prime pour l’emploi, d’autant que cette mesure est la seule favorable aux plus modestes dans ce budget alors que le bouclier fiscal ne profitera qu’aux plus aisés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 256.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 255.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le soutenir.

M. Victorin Lurel. Nous voulons en effet, nous, travailler pour les moins favorisés et éviter les cadeaux fiscaux allégrement accordés aux plus fortunés.

La prime pour l’emploi avait été conçue pour s’appliquer graduellement et représenter, en 2003, l’équivalent d’un quasi-treizième mois pour un salarié payé au SMIC.

Le Gouvernement a choisi, à compter de l’été 2002, d’interrompre ce processus, et malgré des ajustements en direction des personnes travaillant à temps partiel et l’annonce dans chaque loi de finances de coups de pouce, il a refusé une hausse conséquente de la prime pour l’emploi, comme M. Bonrepaux vient de le rappeler.

Chaque année, c’est à une mesure d’indexation augmentée d’un coup de pouce très relatif que se sont livrés les ministres des finances lors de la présentation des lois de finances initiales.

Dans le projet de loi de finances pour 2005, la hausse totale annoncée était de 4 %, pour un coût budgétaire avancé de 400 millions d’euros. Pour 2006, la communication plus habile du Premier ministre ne doit pas masquer la réalité des chiffres. L’actualisation proposée a un coût sensiblement équivalent à celui de 2005, avec une estimation de 500 millions d’euros.

Il est donc impossible qu’un tel montant entraîne, comme souhaite le laisser penser le Gouvernement, une hausse de 50 % de la prime touchée par chacun des bénéficiaires ; et la démonstration en a été faite avec brio. Compte tenu d’un nombre de bénéficiaires estimé à plus de 8,8 millions de personnes, le bénéfice brut de la mesure serait de 4,73 euros par mois.

En réalité, la hausse de 50 % promise ne sera effective que pour un nombre très restreint de bénéficiaires, et seulement en 2007 si l’engagement d’une nouvelle revalorisation de même ampleur que celle annoncée cette année est tenu, ce qui n’est pas évident.

Cet amendement permettrait au contraire d’assurer une véritable hausse de la prime pour l’emploi, par un relèvement significatif de son taux, correspondant effectivement à une hausse de 50 % pour 2006.

Cette mesure s’adresse en priorité à des foyers disposant de revenus modestes, dont la plupart sont non imposables. Son effet de relance de la consommation et donc de la croissance serait ainsi important et immédiat. De plus, son effet en matière d’incitation au retour à l’activité est avéré.

Il n’y a pas que le capital pour soutenir et relancer la croissance. La consommation, qui est un moteur important, doit être soutenue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 255.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 257.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 257.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 259.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. S’agissant des prestations, il faut être vigilant quant aux effets de seuil. Lorsque l’on fait le bilan de toutes les prestations non servies à ce titre, – je pense aux aides au logement –, on constate que ce sont souvent les familles modestes qui en pâtissent.

Cet amendement vise donc à augmenter l’effet de la prime, en prévoyant de relever de vingt-cinq à trente euros le montant minimal prévu pour la prime pour l’emploi. On aurait ainsi une corrélation entre le plancher en deçà duquel la prime pour l’emploi ne serait pas versée et le montant minimal qui pourrait être versé.

Pour certaines familles modestes, 2,5 euros mensuels sont significatifs. Je n’ignore pas que le versement de petites sommes peut représenter un coût qui, pour l’ensemble des prestations servies au minimum, peut être considéré comme prohibitif par Bercy. Mais nous pensons à l’effet positif que procure pour les ménages le versement de ces sommes, fussent-elles minimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a repoussé cet amendement.

Ne pas verser la PPE en dessous de trente euros représente une économie de 5 millions d’euros, par rapport à une augmentation de 500 millions d’euros. Ce sont avant tout des raisons de simplification qui justifient ce dispositif. Un peu comme pour l’impôt sur le revenu, qui n’est pas recouvré en deçà de soixante et un euros.

M. Augustin Bonrepaux. Cela concerne combien de personnes ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quatre cent mille.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement. Le seuil de non-versement à partir de trente euros ne vise pas à pénaliser qui que ce soit : je rappelle que cela représente trois euros par mois. Il s’agit simplement d’un problème de commodité, de bonne gestion, et il n’y a pas matière à polémique. Si vous aviez été au Gouvernement vous auriez agi exactement de la même manière.

C’est une motivation tout à fait pratique qui m’a amené à prendre cette disposition. Encore une fois, il s’agit d’un montant très faible. On m’avait suggéré de relever davantage le seuil. Je ne l’ai pas fait. Il fallait choisir, j’assume cette responsabilité : au-dessous de trois euros par mois la PPE n’est pas versée.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, il est tout de même dommage que 400 000 personnes modestes en soient privées. Pourquoi dès lors maintenez-vous la déduction de vingt euros pour les contribuables qui établissent leur déclaration par Internet ? Permettez-moi de vous faire remarquer que cette mesure ne s’adresse pas aux mêmes personnes et qu’elle coûte certainement plus cher.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne mélangez pas tout !

Tout d’abord, j’ai dit que je trouvais trop élevée la déduction de vingt euros et que nous réfléchirions à un aménagement. La prime incitative pour la déclaration par Internet est maintenue, mais je souhaite évoquer cette question au Sénat.

J’ajoute que les trois euros ne concernent que les tranches supérieures et non pas les entrants dans la prime pour l’emploi, car les plus modestes se situent par définition à des seuils supérieurs à trente euros.

M. Augustin Bonrepaux. Les entrants sont autour du SMIC !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ils ne sont pas concernés.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela représente 5 millions d’euros au total !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce sujet ne peut pas faire l’objet d’une polémique et j’invite l’Assemblée à repousser cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je voudrais être sûr que les effets de seuil pour le versement des prestations ne se cumuleront pas pour une même famille. J’entends bien que les entrants ne sont pas en l’occurrence concernés, mais d’autres prestations peuvent être versées à ce type de famille, notamment pour le logement. Or la charge de chauffage va augmenter cet hiver : 12 % d’augmentation du gaz dès maintenant suivie deux augmentations au cours de l’hiver. Cela fera des dégâts financiers et sociaux.

Je souhaite m’assurer que le cumul des sommes non versées en raison des effets de seuil ne dépassera pas, par exemple, 100 euros sur une année. Ce ne serait plus une somme minime mais un élément déterminant pour l’équilibre budgétaire de la famille. Nous devons y être très attentifs.

Je me demande si on ne pourrait pas déterminer un coût global, afin qu’il soit possible de verser la prime sous la forme d’un avoir au moment où le bénéficiaire rencontre une quelconque difficulté. Une telle solution, qui permet aux familles de ne pas se sentir dépossédées, s’impose d’autant plus que le coût fixe de la gestion d’une telle prime dépasse certainement le montant même de la prime.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a, dans votre intervention, deux sujets pour le prix d’un ! Soyons clairs : d’abord cette somme de trois euros ne concerne pas les bénéficiaires les plus modestes du dispositif, mais au contraire ceux qui sont juste en deçà du seuil supérieur, qui est de 1,4 SMIC.

Deuxièmement, je n’ai pas d’objection à débattre avec nos partenaires habituels de la question que vous évoquez. Mais elle est quelque peu différente du sujet de votre amendement. On peut effectivement étudier les incidences éventuelles de la réforme sur la vie quotidienne des familles, mais cela relève d’une réflexion plus globale sur les minima sociaux.

Je répète donc que j’invite l’Assemblée à repousser cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 258.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Vous nous dites, monsieur le ministre, que nous ferions comme vous si nous étions au pouvoir : c’est faux, puisque nous avons fait le contraire lorsque nous y étions ! De même, nous proposons par cet amendement que cette disposition ne soit applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû. Cela permettra à ceux qui ne sont pas redevables de l’impôt de percevoir ces trente euros.

Dans le dispositif que nous avions créé, nous avions institué un minimum de vingt-cinq euros dans tous les cas. Et vous dites que vous faites comme nous quand vous le supprimez ! Non, nous ne faisons pas la même chose ! Nous sommes, nous, préoccupés par ces personnes dont le travail ne leur permet pas de percevoir un revenu décent. C’est précisément pour cette raison que nous avions institué la prime pour l’emploi.

Nous ne comprenons donc pas que vous vouliez priver de cette somme, faible, certes, ceux qui en ont besoin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 293.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Le Gouvernement émet un avis favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 293.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 223.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Je veux d’abord rappeler qu’il y a deux ans 200 000 familles ont été privées de l’aide personnalisée au logement précisément pour la raison que son montant n’était pas suffisamment important. Alors, on peut dire tout ce qu’on veut ; on peut même comprendre les arguments qui sont les vôtres : le problème, c’est qu’ils tombent toujours sur les mêmes.

La simple justice commande au contraire de verser cette prime pour l’emploi à tous ceux qui y ont droit, quel que soit son montant, quitte à la régler en une seule fois en fin d’année, de même qu’il faut rendre l’APL à ces 200 000 familles. Ce n’est pas cela qui mettra le pays en faillite !

Des millions de ménages non imposables ne bénéficieront d'aucune remise fiscale mais, dans le même temps, le Gouvernement annonce le doublement et la mensualisation de la PPE. Nous n’allons évidemment pas nous opposer à une augmentation de la prime pour l’emploi, mais je remarque quand même que cela reste une somme assez dérisoire dans la plupart des cas, surtout au regard de tout le bruit qu’on fait autour de cette mesure. Comme cela a été dit, cela ne fera en moyenne que cinq euros par mois, même si certains vont toucher une somme plus importante. Il faut comparer ces cinq euros à la future augmentation de 24 % en un an de la facture de gaz, et de 16 % des loyers et des charges pendant la même période.

Ce dispositif ne saurait cependant remettre en cause l’existence du SMIC, sous prétexte que le travail non qualifié serait d’un coût excessif. En d'autres termes, la prime pour l’emploi ne peut pas se substituer à une véritable politique d'augmentation des salaires. La prime pour l'emploi est une sorte d'impôt négatif qui relève d’une forme de charité fiscale en lieu et place d'une vraie solidarité nationale. Les citoyens ne demandent pas l'aumône fiscale : ils veulent disposer d'un vrai travail et d’un vrai salaire. Or la logique de la prime pour l’emploi est d'encourager, avec l'argent de la collectivité publique, la poursuite de la pratique des bas salaires dans les entreprises privées. C’est un assistanat d’un type nouveau, où l’argent public dispense les entreprises de rémunérer correctement le travail.

En mensualisant la prime pour l’emploi, le Gouvernement entend donc déresponsabiliser les entreprises. Vous avez d’ailleurs, monsieur Carrez, souligné vous-même l'ambiguïté du dispositif en affirmant que les bénéficiaires de la prime pour l’emploi avaient en quelque sorte deux employeurs. Cette formule décrit parfaitement ce qui est en train de se mettre en place.

C'est cette évolution qui est dangereuse. Contrairement à vous, nous préférons évidemment, et de beaucoup, que les travailleurs les plus en difficulté touchent directement la prime pour l’emploi, plutôt que de voir les sommes engagées servir à une nouvelle baisse des cotisations sociales patronales. Ces baisses n'ont jamais stimulé le pouvoir d'achat des ménages ; elles n'ont jamais eu pour effet une augmentation des salaires, et encore moins une réduction du chômage, comme la Cour des comptes le fait observer dans le rapport qu’elle a publié au mois de juin.

Nous entendons par notre amendement dénoncer l'esprit dans lequel agit le Gouvernement, qui tente de faire jouer la prime pour l’emploi contre les salaires – car c’est ce qui se passera malgré ses dénégations –, contre les qualifications et donc finalement contre l'emploi.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression du chapitre III de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, même si, monsieur Sandrier, vous avez raison de dire que la prime pour l’emploi ne doit pas se substituer à une politique salariale. Sur ce point je suis totalement d’accord avec vous, comme l’est le Gouvernement. La preuve en est que depuis 2002, le SMIC a été augmenté de plus de 11 %. Il faut quand même le rappeler…

M. Augustin Bonrepaux. Pas pour tout le monde !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette augmentation est très supérieure à celle qui avait été décidée entre 1997 et 2002.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous aviez l’obligation de le faire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Peut-être, mais l’unification des SMIC qu’imposaient les 35 heures s’est faite par le haut, et ça, ce n’était pas obligatoire, monsieur Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Il ferait beau voir que vous les unifiiez par le bas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela prouve à quel point la revalorisation des bas salaires est notre préoccupation constante.

Sans vouloir revenir sur ce qui vient d’être excellemment expliqué par Jean-François Copé, la prime pour l’emploi s’inscrit dans l’économie générale de la fiscalité : elle prend tout son sens dans le contexte de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu, dont nous débattrons à partir du 16 novembre. La revalorisation de la prime pour l’emploi et la réforme du barème forment un tout parfaitement cohérent, qui vise à alléger sensiblement l’impôt qui pèse sur les classes moyennes. Cet allégement se traduit, dans le cas de la PPE, par une sorte de crédit d’impôt au bénéfice des ménages modestes.

Mais vous avez tout à fait raison de dire, monsieur Sandrier, que cela ne se substitue pas à la politique de revalorisation des salaires, que nous souhaitons comme vous, qui est à la charge des employeurs et qui suppose des accords de branche et d’entreprise.

Je regrette en revanche que vous vous opposiez à la mensualisation. Si je vous ai bien compris, vous craignez que la mensualisation ne provoque une confusion plus grande encore entre la prime pour l’emploi et le salaire.

Ce ne sera pas du tout le cas. La mensualisation est un véritable avantage pour les salariés, notamment en cas de reprise du travail. Un système d’acompte avait d’ailleurs été déjà mis en place pour accélérer le versement de la prime pour l’emploi. La mensualisation permettra un véritable accompagnement du travail, qui continuera, quant à lui, à être rémunéré comme il doit l’être, à travers la feuille de paie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai pour ma part parfaitement compris la logique du raisonnement qui conduit le groupe communiste à refuser la mensualisation. Il repousse avec horreur l’éventualité de voir les employeurs prétexter l’existence de la PPE pour ne pas augmenter les salaires.

Je refuse autant que vous cette éventualité, monsieur Sandrier, mais c’est là une logique typique de la société de méfiance, qui conduit à bloquer toute possibilité de solution, rejetée a priori comme maligne.

Ma logique est différente de la vôtre. La prime pour l’emploi, invention socialiste – je ne sais plus si le groupe communiste avait voté à l’époque en faveur de ce dispositif, ma mémoire politique me faisant défaut sur ce point…

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est pas la question ! Je ne me suis pas exprimé contre la prime pour l’emploi.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je comprends bien, monsieur Sandrier. Je vous explique seulement la philosophie du dispositif, qui est de lutter contre la « trappe à inactivité », c’est-à-dire contre l’idée que tous les revenus sont équivalents, qu’il s’agisse d’un revenu d’assistance ou d’un revenu du travail. Eh bien non ! Nous ne pouvons pas penser ainsi, pas plus qu’aucun pays moderne, sans courir le risque de n’avoir bientôt plus les moyens de financer l’assistance et la solidarité.

La prime pour l’emploi est une des pistes pour sortir de ce piège. Mais il faut, si on veut que cela fonctionne, que le montant de la prime pour l’emploi soit plus important, afin que l’avantage lié au travail soit notable.

Quant à la mensualisation, monsieur Sandrier, je vous répondrai qu’il faut à un moment choisir entre deux inconvénients et, en l’occurrence il n’y a même pas à hésiter. Comment pouvez-vous préférer le versement d’une somme globale, évidemment plus importante, mais qui aurait lieu au bout de dix-huit mois, à un versement immédiat ? Une telle solution n’est avantageuse que pour la trésorerie publique, et vous voyez qu’en tant que ministre du budget je prêche contre ma paroisse dans cette affaire !

Je rappelle que j’ai veillé à ce que ce versement soit viré par le Trésor public sur le compte du bénéficiaire.

Je précise enfin que la prime pour l’emploi ne figurera pas sur la feuille de paie. Ceci dit, je ne suis pas fermé à cette option, et elle fait partie des pistes à étudier. Je suis bien persuadé que vous ne voterez jamais cette disposition, monsieur Sandrier. Je crois pourtant que cela mérite réflexion. Une telle solution a l’avantage d’une plus grande simplicité ; en outre, un tel choix serait sensé dans la perspective, évoquée par Thierry Breton pour les années qui viennent, de la mise en place d’une retenue à la source de l’impôt sur le revenu.

Pour l’heure, la mensualisation me paraît une bonne mesure, pour les salariés, pour le pouvoir d’achat et pour la reprise de l’emploi, et un des piliers de la réforme fiscale que nous proposons. J’invite donc l’Assemblée à repousser votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Étant donné que j’ai été très discret jusqu’à présent, je me permets d’intervenir sur ce point, notamment pour me réjouir du choix de la mensualisation. Cela fait plus de trois ans, en effet, que je réclamais une telle mesure, et si le dispositif proposé n’est pas encore parfait, il constitue déjà un grand progrès.

Je voudrais avant tout rappeler que si la prime pour l’emploi a été mise en place sous un gouvernement socialiste, d’autres pays, qui ne sont pas socialistes, ont adopté un dispositif similaire, tel les États-Unis, ou la Grande-Bretagne. Ce sont là deux exemples tout à fait remarquables de gouvernements qui n’ont rien de socialiste ni l’un ni l’autre ! La prime pour l’emploi n’est donc pas un avatar idéologique mais une mesure pratique.

Nous avons réclamé la mensualisation de la prime pour l’emploi parce que, sous sa forme actuelle, elle n’atteint pas totalement son objectif, qui est de rendre le retour au travail avantageux par rapport au choix du chômage ou de l’inactivité.

Pour cela, le différentiel doit être suffisant, cela a déjà été longuement exposé et un excellent rapport rédigé par une sénatrice explique comment l’accumulation des différentes aides et allocations représente parfois un revenu mensuel très proche du SMIC.

Il faut donc accentuer cette différence et la seule façon de le faire est malheureusement d’instaurer une allocation en complément d’un salaire du niveau du SMIC. D’autre part, comme l’a rappelé le ministre, le fait que la prime pour l’emploi soit versée avec dix-huit mois de décalage et sur une base trimestrielle ne permet pas ce rapprochement, qui est une véritable incitation.

Contrairement à ce qu’a indiqué le rapporteur général, la prime pour l’emploi n’est pas un deuxième salaire ni un salaire complémentaire, mais une allocation permettant de compléter le salaire. Le salarié garde un lien direct avec son employeur. C’est ce dernier qui fixe le salaire et, dans certaines conditions, le salarié reçoit de l’État un complément de salaire qui lui permet de payer ses impôts ou lui est versé directement. En aucun cas cette compensation ne doit donner à penser que l’État est un deuxième employeur des personnes concernées.

Il ne s’agit nullement ici de remédier à une trappe aux bas salaires, mais à une trappe à l’inactivité. Cette allocation doit permettre de passer de l’inactivité à une activité salariée – à temps complet ou, grâce aux améliorations apportées au dispositif, à temps partiel. Souvent, d’ailleurs, le temps partiel est l’antichambre du temps complet.

M. Jean-Pierre Brard. Ou de l’ANPE !

M. Philippe Auberger. Dans ce cas, la prime pour l’emploi a encore un effet supérieur.

M. Jean-Pierre Brard. La porte est ouverte dans les deux sens !

M. le président. Monsieur Brard, tout se passait bien avant votre arrivée !

M. Philippe Auberger. La prime pour l’emploi peut être servie jusqu’à un salaire équivalant à 1,4 fois le SMIC afin d’éviter que, si l’on cessait de la verser à partir d’un seuil de 1,1 fois le SMIC, le ressaut soit tel dans le revenu mensuel du bénéficiaire que l’employeur hésite à le compenser. L’effet serait redoutable, car l’employeur n’aurait pas intérêt à accorder des augmentations de salaire. En lissant l’effet, progressivement, de 1,1 à 1,4 fois le SMIC, on rend moins lourde pour l’employeur l’augmentation du salaire.

Il ne s’agit donc pas de freiner les augmentations de salaire, mais de fixer des paliers supplémentaires pour permettre la nécessaire amélioration des salaires. Un grand nombre de nos concitoyens ont des salaires représentant 1,1 ou 1,2 fois le SMIC, ce qui prouve que l’effet redouté ne se produit pas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je n’avais pas prévu de reprendre la parole, mais toutes ces explications me font m’interroger.

En toute chose, si la situation à l’instant t est importante, il importe aussi d’observer le sens du mouvement. Il y a quelques années, la reprise d’un travail pouvait se traduire par une baisse de ressources par rapport aux aides sociales perçues jusque-là. Le problème était réel, et relativement massif, et il était devenu nécessaire de l’affronter. On pourrait débattre longtemps de la création de la prime pour l’emploi, mais, à cette époque, nous n’étions pas opposés à cette mesure, qui pouvait faciliter une reprise du travail.

Ce dispositif ne pouvait être, cependant, que provisoire. Il semble aujourd’hui qu’en augmentant, même de peu, la prime pour l’emploi et en la mensualisant, vous vouliez l’institutionnaliser. Il conviendrait plutôt de développer une politique salariale, mais, que vous le vouliez ou non, vous entravez aujourd’hui une telle politique.

Les syndicats et les salariés demandent que s’ouvrent des discussions salariales. Comme je l’ai déjà indiqué, nous connaissons une dégradation salariale par rapport aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne et à certains pays européens. Un rattrapage effectif s’impose, et ce n’est certainement pas avec la prime pour l’emploi que vous allez y contribuer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 223.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 292 rectifié.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 292 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 294.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 294.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, inscrit sur l’article 4.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, cet article et les suivants vont favoriser encore des allègements d’impôts sur les successions qui ne concernent pas les plus modestes de nos concitoyens

Dès l’année dernière, je le rappelle, le Gouvernement a permis de soustraire aux droits de mutation des dons manuels d’un montant de 20 000 euros, puis a relevé ce seuil de 10 000 euros supplémentaires, ce qui l’amène à 30 000 euros. Avec 50 000 euros à chacun des enfants et 30 000 euros à chacun des petits-enfants, c’est déjà un patrimoine important qui peut être transmis sans droits de mutation, tous les dix ans. Or le Gouvernement propose de réduire à six ans ce délai, de telle sorte qu’en douze ans, une personne qui a deux enfants pourra transmettre un patrimoine de 300 000 euros ! On peut comparer ce chiffre à la valeur du patrimoine médian, qui est de 67 000 euros.

Cette mesure ne concernera que les 10 % de ménages qui possèdent un patrimoine d’une valeur supérieure à 300 000 euros. Il s’agit donc encore d’une disposition ciblée sur les ménages qui ont le patrimoine le plus élevé. Si on ajoute à l’exemple que je viens de prendre les déductions accordées aux petits-enfants et les dispositions que vous proposez en faveur des frères et sœurs, ce sont des sommes considérables qui pourront être transmises, et l’on peut s’interroger sur l’effet qu’elles peuvent avoir sur l’emploi, que vous affichez pourtant comme votre préoccupation.

Voilà encore une mesure destinée aux catégories les plus aisées. Vous invoquez le petit ouvrier qui a travaillé toute sa vie et doit pouvoir transmettre sa maison à ses enfants – mais son patrimoine doit se rapprocher du patrimoine médian, de 67 000 euros. Dans chacune des dispositions de votre projet de loi, notamment pour le bouclier fiscal, vous prenez prétexte des plus modestes pour tenter d’attendrir l’opinion, mais c’est aux plus favorisés que profitent les mesures que vous proposez. C’est pourquoi nous présenterons des amendements visant à y remédier.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 161, visant à la suppression de l’article 4.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Louis Idiart. L’amendement n° 161 vise en effet à supprimer l’article 4.

Cette mesure ouvre la possibilité de léguer tous les six ans – et non plus tous les dix ans – en franchise de droits, compte tenu des abattements existants, 50 000 euros à chacun de ses enfants, et 30 000 euros à chacun de ses petits-enfants.

Ces montants sont considérables, rapportés au patrimoine médian des salariés – la moitié des Français ont en effet un patrimoine total inférieur à 67 000 euros et seuls 10 % des ménages ont un patrimoine supérieur à 300 000 euros. Pour les salariés, les 10 % les plus riches ont un patrimoine supérieur à 242 000 euros. La richesse patrimoniale est particulièrement concentrée : les 5 % de ménages les plus riches détiennent 30 % du patrimoine, et 1 % détiennent 15 % à 20 % du patrimoine total.

Alors que le Gouvernement la présente comme favorable au pouvoir d’achat, cette mesure ne profite, une fois encore, qu’aux plus aisés.

Il est donc proposé de supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement de suppression. La réduction de dix à six ans du délai au-delà duquel les donations inférieures aux montants retenues ne sont pas assujetties aux droits de mutation est une excellente disposition.

M. Augustin Bonrepaux. Pour qui ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle est ouverte à tous les Français, mon cher collègue.

M. Augustin Bonrepaux. Elle ne touche qu’une catégorie d’entre eux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vos raisonnements reposent toujours sur un nivellement par le bas. Or cette mesure est ouverte à tous.

M. Augustin Bonrepaux. Comme si tout le monde avait le même patrimoine !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette mesure va dans le sens que nous souhaitons, qui consiste à utiliser tous les moyens pour relancer la croissance. Elle favorise la consommation des jeunes.

M. Augustin Bonrepaux. Le résultat est nul !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, nous sommes à l’Assemblée nationale, pas dans un meeting !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Bonrepaux, je ne vous ai pas interrompu ! Je vous ai écouté avec la plus grande attention et je vous demande la réciproque.

C’est une excellente mesure, qui existe depuis une quinzaine d’années. Si vous l’aviez trouvée si mauvaise, vous l’auriez supprimée.

M. Philippe Auberger. C’est M. Charasse qui l’a fait voter !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce dispositif mettra plus rapidement à la disposition des générations les plus jeunes les moyens, par exemple d’acquérir une voiture, de poursuivre leurs études ou de trouver un premier logement, et permettra ainsi de recycler de l’argent dans l’économie, ce qui est bénéfique pour tous. Il ne faut donc pas rabaisser de telles mesures, dont vont profiter tous les Français.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pas tous !

M. Jean-Claude Sandrier. Ceux qui ont quelque chose à transmettre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis, comme Gilles Carrez, défavorable à cet amendement. La diminution à six ans du délai de rappel des donations antérieures a en effet pour but de renforcer les incitations en faveur des transmissions anticipées de patrimoine. Je ne vois pas pourquoi on refuserait une telle disposition.

Notre projet de loi comporte des avancées très importantes sur ce sujet. La loi de finances pour 2005 avait relevé de 46 000 à 50 000 euros l’abattement personnel applicable en ligne directe et instauré une franchise spécifique globale de 50 000 euros sur l’actif de successions reçues par les enfants, les ascendants du défunt et le conjoint survivant. Le présent projet de loi propose d’instaurer un abattement de 5 000 euros au profit des donations consenties en faveur des neveux et nièces et de 5 000 euros pour les transmissions à titre gratuit au profit des frères et sœurs, et de relever de 75 à 80 ans l’âge limite pour bénéficier des réductions de droits en cas de donation. Il s’agit là de modifications et d’améliorations substantielles au régime des donations.

Je ne puis donc que repousser l’amendement n° 161, qui est à l’opposé de ce que nous souhaitons faire dans ce domaine si important, auquel les Français sont profondément attachés car il concerne leur avenir. La disposition proposée est en outre excellente pour l’économie et pour la consommation, en particulier des jeunes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez évoqué votre bonne ville de Meaux, qui compte quelque 40 % de patrimoine HLM.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. 53 % !

M. Jean-Pierre Brard. 53 % ?Vous êtes encore meilleur que je ne le pensais ! Il est vrai que vous avez eu un bon héritage.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au contraire, je dois gérer les erreurs du passé !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, n’accablez pas trop ceux qui vous ont précédé pour vous valoriser d’autant. Je pense qu’il faut être plus modeste.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes jaloux !

M. Jean-Pierre Brard. Oh non, Montreuil ne peut pas être jaloux de Meaux parce que si vous, vous aviez l’Aigle, nous, nous avions Saint Louis ! Vous voyez donc qu’il n’y a pas photo à l’arrivée.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’échangerais pas le premier contre le second, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je n’échangerais pas non plus.

J’en reviens au sujet. Je me demande combien, parmi vos 53 % de locataires HLM, sont dans la catégorie que M. Carrez appelle « tous les Français », parce que la plupart d’entre eux n’ont rien à transmettre. Ce n’est donc pas une excellente mesure. À un tel degré, c’est une mesure d’évasion fiscale.

Monsieur le ministre, vous avez le sens de la famille,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui.

M. Jean-Pierre Brard. …mais dans une acception qui ressemble à celle, par exemple, de la communauté malienne de Montreuil, c’est-à-dire que vous prenez en compte les frères, les sœurs, les neveux, les nièces, les cousins, les cousines, par la main droite et par la main gauche. Tout cela fait de l’évasion fiscale supplémentaire. Tout le monde ne peut pas transmettre 50 000 euros, même une seule fois.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut déjà du patrimoine !

M. Jean-Pierre Brard. À ce propos, je ne sais pas quel genre de voiture on achète au Perreux, mais il n’y en n’a pas beaucoup de 50 000 euros à Montreuil.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. 50 000 euros, c’est un maximum, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard. Certes, mais vous savez bien que, pour les familles bourgeoises, ce n’est pas un maximum, mais une faculté de transmission multipliée par le nombre d’enfants, de frères et sœurs, de neveux et de nièces, sans compter les petits-enfants. Ce sera donc une évasion fiscale énorme ! Encore de l’argent qui n’ira pas dans les caisses pour financer les politiques publiques. C’est tout à fait inacceptable.

La bonne démarche serait d’alléger les droits de succession pour les petits. Là, il y a quelque chose à faire, certainement plus important que ce que vous avez fait jusqu’à présent. Mais cela ne vous intéresse pas, vous cherchez à siphonner les recettes fiscales via ces dons, qui sont tout à fait illégitimes selon moi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Brard, je suis profondément choqué par vos propos.

M. Jean-Pierre Brard. Ça me rassure !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Premièrement, je trouve que votre façon de considérer les familles maliennes est très incorrecte et vraiment très choquante. Je ne sais pas à quoi vous faisiez allusion, et je préfère d’ailleurs ne pas le savoir. J’ai moi aussi une communauté malienne dans ma ville de Meaux, qui essaye de s’intégrer, dans des conditions extrêmement difficiles.

M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous l’expliquer.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Deuxièmement, je vous indique, puisque vous aimez tant vivre avec votre temps tout en nous donnant parfois le sentiment d’être un peu décalé…

M. Jean-Pierre Brard. Moi, je suis dans le futur ; vous, vous êtes dans la préhistoire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si ce n’est que vous me ramenez sans arrêt à Saint Louis et à l’Aigle de Meaux ! À ce propos, Saint Louis était sous son chêne, et son chêne était à Vincennes. Vous vous vantez quelque peu, à moins que Montreuil n’annexe Vincennes !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle ignorance !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout cas, je tiens tout de même à vous rappeler que la société française a beaucoup évolué, et qu’au même titre que nous constatons, ces dernières années, une augmentation considérable de familles monoparentales, avec la plupart du temps la mère qui élève seule ses enfants,…

M. Nicolas Perruchot. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …nous avons aussi de plus en plus de gens qui n’ont pas d’enfants et qui, cependant, souhaitent transmettre, donner une partie de leur patrimoine. Je ne vois vraiment pas au nom de quoi on interdirait dans notre législation de leur adresser un signal. Il m’a semblé que cette innovation avait du sens au regard de tout le courrier que m’ont envoyé de nombreux compatriotes, d’autant qu’il y a un décalage très fort, vous l’avez bien compris, entre ce qui relève de la filiation directe et ce qui n’en relève pas.

Enfin, lorsque vous me dites qu’il faut faire plus en matière de succession pour les ménages modestes, je tiens à vous rappeler que c’est un des domaines dans lequel nous sommes les plus en avance puisque les ménages modestes sont totalement ou quasi totalement exonérés de droits. C’est d’abord à eux que s’adressent les mesures d’exonération.

Je vous trouve souvent performant, même si nous sommes en désaccord sur de nombreux sujets, y compris sur le plan technique, mais là je vous ai trouvé un peu affaibli. Et pour finir, je tiens à vous indiquer qu’à Meaux non plus, lorsque nous avons accueilli le Tour de France, nous n’avons pas payé les gendarmes.

M. Nicolas Perruchot. La boucle est bouclée !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une courte réponse.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, ce n’est pas moi qui rouvre le débat des gendarmes parce que, en fin de compte, pour le mariage de Delphine Arnault, on ne sait toujours pas qui les a payés. Par rapport au prix du caviar et du reste, c’était sûrement une dépense de poche, mais cela pose tout de même un problème.

Monsieur le ministre, je comprends votre ignorance historique, mais Vincennes faisait partie de Montreuil jusqu’au XVIIe siècle. C’est une sordide affaire de revenus de la cure, pour lesquels deux prêtres se sont livrés à une concurrence déloyale, qui nous a privés du château.

M. Philippe Auberger. Ça suffit, on n’est pas à la Sorbonne!

M. Jean-Pierre Brard. Je termine en précisant que ma référence à la communauté malienne de Montreuil visait simplement à montrer que vous étendiez de plus en plus la conception de la famille directe. Vous savez qu’on n’a pas la même conception de la famille sur tous les continents et que celle au sud du Sahara est beaucoup plus large que la nôtre. Au rythme où vous étendez la filiation, ce sont des sommes énormes que vous allez soustraire à la fiscalité et donc à la solidarité nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 162 tendant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. L’amendement vise à supprimer l’article 5, qui a pour objectif d’étendre le champ des abattements sur les transmissions par un relèvement des limites d’âge : soixante-dix ans au lieu de soixante-cinq ans, et quatre-vingts ans au lieu de soixante-quinze ans. L’argumentation du Gouvernement est totalement contradictoire : il prétend encourager les transmissions anticipées du patrimoine au profit des jeunes générations, mais relève les limites d’âge sous prétexte de tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie. En réalité, à un régime d’incitation est substitué peu à peu un régime d’exonération de droits. C’est donc plus un effet d’aubaine fiscale qu’une redynamisation des entreprises, d’autant plus que, dans son rapport, notre rapporteur général fait souvent référence au patrimoine des entreprises, du commerce, et minimise les autres formes de patrimoine.

Il est vrai qu’il y a actuellement un vrai problème concernant le maintien à la direction de petites entreprises de personnes dont le talent est certainement intact, mais dont l’âge commence à se faire sentir tandis que piaffent les jeunes générations. Mais cet article est-il la meilleure façon de régler le problème de la transmission des entreprises ? Il faut tout de même faire très attention à distinguer le patrimoine productif, qui implique une action économique et est créateur d’emplois, et le patrimoine constitué que l’on se transmet de génération en génération. Votre dispositif permettra de transmettre à moindre coût un patrimoine souvent inactif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. J’ajoute, monsieur Dumont, que si l’on augmente les limites d’âge, c’est pour une raison toute simple : nous vieillissons tous.

M. Jean-Pierre Brard. Jusque-là, on est d’accord !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au fur et à mesure que l’espérance de vie s’allonge, il faut augmenter les limites d’âge. Il n’y a dans cela qu’un strict phénomène naturel.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. Jean-Louis Dumont. On ne peut pas attendre quatre-vingts ans pour transmettre une entreprise !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 295.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 295.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 295.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l’article 5.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour défendre l’amendement n° 262.

M. Jean-Louis Idiart. Alors que le Gouvernement est particulièrement prompt à remettre en cause la fiscalité des donations et successions, il refuse en matière de droits de succession l’alignement promis entre les modalités d’imposition des personnes mariées et des partenaires au sein d’un PACS. Pour ces derniers, si les conditions de durée sont allégées, les tarifs restent défavorables par rapport à ceux applicables aux époux ou aux enfants. L’amendement vise donc à aligner les taux applicables dans les deux situations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. La commission a rappelé à M. Idiart que, l’an dernier, un effort très important avait été fait au bénéfice des successions entre personnes pacsées puisque l’abattement a été porté à 57 000 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 263.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Il s’agit d’un amendement de repli. Pourquoi, en effet, tant de discrimination, alors que des engagements avaient été pris ? Il eût été plus simple de mettre pacsés et mariés à égalité ! À n’en pas douter, un tel alignement simplifierait le code général des impôts. Puisque vous ne voulez pas entendre raison sur l’amendement n° 262, faites donc un effort supplémentaire pour montrer votre bonne volonté !

Vous souhaitez avancer à petits pas : pourquoi pas ? Prévoyez donc dès cette année un taux de 35 % pour la fraction n’excédant pas 23 000 euros, et un taux de 45 % pour le surplus. On serait encore loin, monsieur le ministre, des mesures que vous venez de faire adopter par notre assemblée aux articles 4 et 5 ! De telles discriminations sont étonnantes. Nous espérons donc vous convaincre de consentir un effort pour ces gens de toutes générations auxquels vous donneriez les moyens d’une vie commune et dynamique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je vous connais bien, monsieur Dumont : vous n’aimez pas l’optimisation fiscale ! Or, votre amendement vise, grâce aux facilités offertes par le PACS, à optimiser la fiscalité des successions et des donations : ce n’est vraiment pas dans votre tempérament ! Nous avons donc rejeté votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Louis Dumont. Jusqu’à quelle heure poursuivons-nous nos travaux, monsieur le président ?

M. le président. Jusqu’à vingt heures.

M. Jean-Louis Dumont. Nous avançons à marche forcée !

M. le président. L’article 50 du règlement dispose : « L’Assemblée se réunit l’après-midi de 15 heures à 20 heures et en soirée de 21 heures 30 à 1 heure le lendemain. »

Puisque tout va bien, nous poursuivrons donc jusqu’à vingt heures.

M. Jean-Pierre Brard. Tout va bien ? Il ne faut pas le dire deux fois !

M. le président. Je retire mes propos ! (Sourires.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 163.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. Il s’agit d’un amendement de suppression. La multiplication des abattements et exonérations en matière de droits de succession et de donations conduit à une remise en cause générale de l’imposition des transmissions, contraire à la justice fiscale.

Compte tenu de la concentration des patrimoines, ces mesures ne sont favorables qu’aux ménages les plus aisés et n’ont aucun effet sur le pouvoir d'achat des plus modestes.

Il est donc proposé de supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement.

Certains abattements pratiqués depuis 1992 sont plus élevés que celui-là. C’est à l’initiative de M. Michel Charasse, alors ministre du budget, qu’a été mis en place l’abattement de 300 000 francs pour les mutations en ligne directe. Notre projet prévoit des abattements tout à fait modestes : 5 000 euros en faveur des mutations entre frères et sœurs. Cette mesure touche des familles modestes. Votre objection est donc infondée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable. Je ne voudrais pas répéter ce que j’ai développé tout à l’heure : je comprends mal que l’on puisse vouloir renoncer à cette mesure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 154 n’est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 6.

Les amendements nos 209, deuxième rectification, 384 et 284 peuvent être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 209 et 384 ne sont pas défendus.

M. Perruchot, qui a été obligé de nous quitter, m’a prié d’indiquer que l’amendement n° 284 était défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 410, 48 et 409 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d’un amendement n° 65.

La parole est à M. Philippe Rouault, pour le soutenir.

M. Philippe Rouault. Cet amendement vise à faciliter la mise en œuvre des baux ruraux cessibles créés par l’article 2 du projet de loi d’orientation agricole.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, dans la mesure où il existe déjà un abattement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 215 est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Le Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 215.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 160.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. Une grande partie des transmissions s'effectuent aujourd'hui au travers de l'assurance-vie, qui permet de léguer jusqu'à 152 500 euros en franchise de droit.

L'abattement de 152 500 euros, au-delà duquel s'applique une taxation de 20 %, est accordé à chacun des bénéficiaires.

Pour éviter que les avantages fiscaux au bénéfice des plus aisés ne conduisent à une totale défiscalisation des successions, il est proposé de limiter la possibilité de transmission d'un patrimoine en exonération totale de droits au travers de l'assurance vie à un montant comparable à celui retenu par le Gouvernement pour les successions proprement dites, soit 100 000 euros.

La limitation de cette disposition aux contrats conclus à compter du 18 octobre 2005 permettrait d'éloigner toute critique portant sur la rétroactivité du dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je rappelle à M. Idiart que ce plafond de 150 000 euros a été fixé en 1998.

MM. Jean-Louis Idiart et Augustin Bonrepaux. Et alors ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il n’y a aucune raison de le modifier !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Pour la première fois, nous avons en effet plafonné les transmissions sur l’assurance-vie, à hauteur de 152 000 euros. En quoi cela vous dispense-t-il d’améliorer le dispositif ? Songez à toutes les déductions que vous avez prévues sur le patrimoine, et à la situation de notre pays ! Réduire le plafond à 100 000 euros permet de transmettre 200 000 euros aux enfants, et jusqu’à 400 000 euros dans un ménage. Ce n’est pas négligeable ! Notre proposition est raisonnable, et bénéfique aux finances publiques. Elles en ont bien besoin !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous ne sommes pas sectaires, monsieur Bonrepaux. Lorsque vous prenez de bonnes mesures, nous les conservons !

M. Jean-Louis Idiart. Et nous, nous ne sommes pas dogmatiques. Nous voulons avancer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 66 n’est pas défendu.

Article 7

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 296.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à ouvrir le crédit d’impôt aux salariés ayant perdu leur travail suite à un plan de sauvegarde et aux demandeurs d’emploi vivant d’allocations.

Le même crédit d’impôt serait ouvert aux salariés licenciés dans un autre cadre que celui des plans de sauvegarde, qui ne concernent qu’un bon quart des licenciements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est d’autant plus favorable à cet amendement qu’il aurait pu y penser ! Je remercie la commission de l’avoir fait, et je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 298.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 224.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. L’article 7 prévoit d’instituer un crédit d’impôt sur le revenu de 1 500 euros suite à la reprise d’activité, lorsque celle-ci s’accompagne d’un changement d’habitation principale à plus de 200 kilomètres de la précédente habitation.

Cela signifie-t-il que, pour un déplacement de moins de 200 kilomètres, on n’a pas droit à ce crédit d’impôt ? Ce seuil est élevé pour les familles ; aussi proposons-nous de le ramener à 100 kilomètres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable aussi : la distance de 200 kilomètres nous a semblé pertinente.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 297.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 297.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 299.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 299.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. Sur l’article 8, je suis saisi s’un amendement de suppression n° 225.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. L’article 8 est fort curieux. Notre collègue Michel Bouvard parlait de pluriactivité à la montagne ; à présent, vous inventez les plurirevenus, sous prétexte d’encourager la mobilité !

M. Michel Bouvard. Un pluriactif a plusieurs revenus !

M. Jean-Pierre Brard. Vous prévoyez néanmoins de fort étranges restrictions, comme celle-ci : « Le bailleur de cette nouvelle habitation ne peut être un membre du foyer fiscal du contribuable ». Cette disposition ne s’appliquerait donc pas, par exemple, au fils, ou à des conjoints contraints à une séparation du fait de la déstabilisation des relations de travail.

On ne voit pas très bien la finalité de cet article, si ce n’est d’encourager, ou en tout cas de favoriser l’altération de la vie familiale, dans des conditions qui ne sont pas transparentes.

Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’article 8.

M. Jean-Louis Dumont. Ces restrictions sont mesquines !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement de suppression. Il s’agit, monsieur Brard, d’un dispositif intéressant.

Prenons le cas du propriétaire d’un petit pavillon à Montreuil, car il y en a !

M. Jean-Pierre Brard. Beaucoup ! Et ils votent pour moi !

M. Michel Bouvard. Des bobos !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y en a, dis-je, et c’est une bonne chose dans une commune toute proche de Paris !

Supposons qu’ayant perdu son travail, ou pour une autre raison, il soit obligé d’aller travailler à plus de deux cents kilomètres. Comme il espère revenir un jour à Montreuil, où il se plaît beaucoup, il loue sa maison plutôt que de la vendre. Mais il a besoin d’une résidence principale près de son lieu de travail. L’article 8 vise à faciliter la mobilité professionnelle de ce modeste salarié, tout en lui permettant, monsieur Brard, de retourner, le jour venu, couler des jours paisibles à Montreuil. Il est donc proposé de le faire bénéficier d’une déduction au titre des revenus fonciers tirés de la location de son pavillon.

Je trouve cet article très intelligent : il serait donc très dommage de le supprimer.

M. Jean-Louis Dumont. La mesure s’applique-t-elle aux militaires ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Gilles Carrez, dont je salue la remarquable connaissance qu’il a des réalités de la vie dans la société française, de nos jours ! À Montreuil en particulier !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 225.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 300.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement rédactionnel.

M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 300.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement n° 300.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Article 9

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 164, tendant à supprimer l’article 9.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le défendre.

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement peut bien faire des largesses, puisqu’il le fait sur le dos des autres ! Qu’il s’agisse de la retraite des sapeurs-pompiers ou de la loi relative aux handicapés, il les fait payer par les départements !

En l’occurrence, parce que le Président de la République voulait faire une annonce devant les agriculteurs, il est proposé de supprimer une part de la taxe sur le foncier non bâti !

En d’autres temps, on nous a reproché de supprimer une part d’impôt et d’instituer un dégrèvement. Mais là, il ne s’agit même pas d’un dégrèvement !

Monsieur le rapporteur général, la fameuse réforme de la Constitution, qui ne protège en rien d’ailleurs l’autonomie des collectivités locales, prévoyait que les seules compensations qui pouvaient être considérées comme ressources propres étaient les dégrèvements. À l’article 9, il n’est nullement question de cela. Avec ce dispositif, on prive les communes rurales de 20 % de leur autonomie fiscale : elles ne verront plus évoluer, en matière d’impôt sur le foncier non bâti, qui constitue l’une des principales ressources des zones rurales, que 80 % de leurs ressources fiscales.

En outre, la compensation s’effectuant sur les bases de l’année 2005, la perte de ressources est certaine.

Et on ne voit pas en quoi cela aidera les agriculteurs les plus en difficulté. L’an dernier, il n’y avait plus de quoi abonder les crédits qui leur étaient destinés, ces crédits que l’on nomme Agridif. Il aurait mieux valu y pourvoir plutôt que d’instituer cette mesure qui ne leur est pas favorable et dont nous proposons, pour cette raison, la suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement de suppression.

Monsieur Bonrepaux, vous avez vraiment la mémoire courte ! Lorsque vous avez supprimé une partie des droits de mutation, la vignette et, surtout, la part salariale de la taxe professionnelle, vous avez remplacé tout cela par une dotation. Ainsi, non seulement vous avez gelé le taux, mais également l’assiette. Ce qui nous est proposé ici, c’est une compensation sur la base des taux de 2005, ce qui est tout à fait équitable, parce que les collectivités locales pourront s’attaquer à leur budget pour 2006 en toute connaissance de cause ; mais l’assiette, elle, continue de garder une dynamique propre et d’évoluer.

Par conséquent, le dispositif proposé est infiniment plus favorable aux collectivités locales que ce que vous vous êtes évertués à faire pendant cinq ans, en supprimant des pans entiers de la fiscalité locale et en les remplaçant par des dotations. Vous n’êtes donc pas fondés à nous donner des leçons sur un sujet que vous connaissez très bien mais que vous avez traité d’une façon totalement différente.

M. Jean-Yves Chamard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je partage, bien sûr, l’avis du rapporteur général pour ce qui concerne la technique. Cependant, je me tourne vers le Gouvernement pour lui dire que lorsque l’on cède à la tentation de faire des annonces, de multiplier les normes – le SDIS est le contre-exemple absolu –…

M. Michel Bouvard. Parfaitement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …ou de faire certains projets, bref toutes choses qui ont des conséquences sur les collectivités locales, on suscite dans le pays des réactions que l’on peut comprendre.

Les ministres devraient donc bien mesurer les effets de ce qu’ils vont annoncer.

Je demande, par ailleurs, que l’on nous présente des textes de loi dont l’impact ait été étudié avant que nous les examinions, ce qui nous manque souvent cruellement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française, et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est pas bien perçu, effectivement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement de suppression ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette mesure n’est pas tombée du ciel ! Elle correspond à une attente forte, chacun le sait. Dans cette période où il est de bon ton de critiquer la politique agricole commune et de s’interroger – comme on le fait outre-Manche – sur l’utilité d’avoir une agriculture puissante, ne convient-il pas de donner les moyens à la nôtre de rester puissante ? Cela concerne tant les questions sociales que fiscales. C’est dans cet esprit que nous proposons une exonération de 20 % des parts communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terres agricoles. En accordant une exonération partielle de taxe foncière et en prévoyant un dispositif de répercussion sur les fermiers, la mesure remplit totalement cet objectif.

Quant à la remarque du président Méhaignerie, j’en ai pris note mais je n’ai pas pensé un instant qu’elle s’appliquait à la présente disposition.

M. Philippe Auberger. Nous non plus d’ailleurs ! Elle valait pour l’avenir !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. M. le rapporteur général a, lui aussi, la mémoire courte. Les déductions que nous avions décidées à l’époque étaient compensées par la DGF, laquelle progresse chaque année, ce qui n’est pas le cas de la compensation que vous prévoyez, car elle n’est pas indexée sur la DGF et il n’est donc pas prévu qu’elle évolue. J’avais cru que la réforme constitutionnelle vous empêcherait de prendre à nouveau de pareilles mesures, mais vous recommencez en pire ! Ce n’était donc que poudre aux yeux !

Une fois de plus, on gruge les collectivités locales et, comme toujours, on s’en prend aux plus pauvres !

M. Jean-Louis Dumont. Juste un mot, monsieur le président. Cette mesure n’est pas bien comprise par les Français !

M. le président. Non, mon cher collègue, je vais mettre aux voix l’amendement.

M. Augustin Bonrepaux. Il s’agit d’un débat très important ! Vous m’avez donné la parole pour répondre à la commission : vous ne pouvez la refuser à mon collègue pour répondre au Gouvernement !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, j’aimerais que nous terminions l’article 9 avant de lever la séance. Or il reste quelques amendements et il se fait tard ! Par ailleurs, vous pourrez, l’un ou l’autre, vous exprimer sur les autres amendements.

Je mets aux voix l'amendement n° 164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 72 n’est pas défendu.

Je suis saisi d’un amendement n° 301.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 301.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 73 et 165 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 73 n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 165 deuxième rectification.

M. Jean-Louis Dumont. Ce que je voulais dire tout à l’heure, c’est que la mesure, qui est censée bénéficier à l’agriculture, n’est certainement pas bien perçue.

La relation entre l’exploitant agricole et une collectivité est en quelque sorte formalisée par la taxe sur le foncier non bâti, dont je rappelle qu’elle est aussi payée par le propriétaire, car l’exploitant n’est pas toujours propriétaire, il peut même venir d’une autre commune. Nous discutons de cela dans nos campagnes, je veux dire les vraies campagnes, là où il y a encore des terres exploitables.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La Meuse !

M. Jean-Louis Dumont. Entre autres !

Là, nous avons de vrais paysans et de nombreux petits propriétaires. Eh bien, ils s’interrogent sur la qualité de cette relation.

Certains collègues de la majorité ont insisté sur l’importance de cette relation du contribuable avec la collectivité. Celle-ci, Augustin Bonrepaux ne cesse de le dire, sera perdante dans cette opération. Et il ne faut pas oublier que la taxe sur le foncier non bâti représente pour de telles communes une part non négligeable de leurs maigres ressources. Sans compter que l’on est souvent passé à l’intercommunalité et que la communauté de communes essaie d’avoir le maximum de compétences pour tenter d’obtenir une maigre compensation par l’État.

Il me paraît donc y avoir dans cette mesure comme une forme de déresponsabilisation de celui qui utilise le patrimoine de la collectivité.

Pour ce qui est de l’amendement n° 165, deuxième rectification, il tend à laisser à la collectivité le soin de choisir son année de référence pour la compensation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai invoquées tout à l’heure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165, deuxième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 302.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 438 n’est pas défendu.

M. Jean-Louis Dumont. Dommage ! Cet excellent amendement aurait dû être repris !

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Je vous rappelle que celle-ci commencera par l’examen des articles 23 à 29, relatifs aux collectivités locales.

Ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)