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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du vendredi 21 octobre 2005

31e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi de finances pour 2006

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et s’est arrêtée à l’amendement n° 218 portant article additionnel après l’article 17.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard – pour un rappel au règlement ?...

M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le président. Je vous prie de m’excuser de ne pas avoir été présent en fin d’après-midi, mais une affaire urgente m’appelait dans ma bonne ville de Montreuil. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Laffineur. Monsieur Brard, il y a encore un coup de téléphone de Montreuil ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je crois à la vertu de la pédagogie. J’ai donc expliqué dans l’un des quartiers les plus pauvres de la ville (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ce que nous faisions à l’Assemblée nationale et j’ai dit que, grâce au Gouvernement, qui est magnanime avec les gens modestes, il y aurait une augmentation moyenne de la prime pour l’emploi de 5 euros par mois, alors que les 14 000 familles assujetties à l’ISF les plus privilégiées recevraient en moyenne un remboursement d’impôt de 18 000 à 18 500 euros.

M. Didier Migaud. Bien plus encore !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai besoin de comprendre parce que je n’étais pas là. Il semble que, dans l’amendement n° 246 dit « Méhaignerie », il y ait une obscurité : primo, cet amendement concerne-t-il oui ou non les stock-options ? Deuxio, est-il vrai que, dans cette hypothèse, M. Daniel Bernard, l’ancien directeur de Carrefour, aurait une réduction d’impôt pour l’année prochaine de 615 000 euros ?

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Augustin Bonrepaux. Je demande également la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Nous n’allons pas reprendre le débat sur l’amendement Méhaignerie. Chacun a largement eu le temps de s’expliquer.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Cet après-midi, nous avons entendu à la fois M. le ministre de l’économie et des finances, M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général ; aucun d’eux n’avait la même appréciation et n’a pu répondre aux questions que pose M. Brard, et que les membres de mon groupe ont déjà posées, en particulier Jean-Louis Idiart.

Premièrement, est-il exact qu’à la suite de l’amendement que vous voulez faire adopter des contribuables bénéficieraient d’un allégement d’impôt de plus de 600 000 euros ? Est-ce vrai, oui ou non ? Vous avez entendu que, même dans les rangs de la majorité, on se demande si c’est possible et s’il ne faudrait pas rédiger des amendements pour améliorer ce dispositif. Entre M. le ministre de l’économie et des finances, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, il n’y a pas la même interprétation.

Deuxièmement, est-ce que les stock-options sont concernées par ce dispositif ?

M. Jacques Myard. Non.

M. Augustin Bonrepaux. Troisièmement, quel est exactement le nombre de contribuables concernés par ces allégements évalués à 60 millions d’euros ?

Enfin, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, ne croyez-vous pas que cette accumulation de déductions, de réductions, orientées toujours vers les mêmes, est excessive, alors qu’il y a tellement de problèmes pour les catégories modestes ?

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1. Il faut clarifier nos débats car il y a un problème de sincérité. J’ai lu une dépêche qui nous informe que la consommation des ménages français est en léger repli en septembre. Mais M. Thierry Breton nous a dit le contraire. Il a affirmé que l’indicateur passait au vert. Alors, qu’en est-il exactement ? Serait-ce la confirmation que le ministre souffre de daltonisme ? Nous avons besoin de savoir qui dit la vérité. La consommation des ménages étant tout de même un indicateur important, il faut savoir si elle augmente ou si elle baisse. Est-ce le ministre qui a raison quand il dit à la tribune que ça augmente ou est-ce que ce sont ses propres services qui se trompent en indiquant que la consommation des ménages est en léger repli ?

M. le président. Mes chers collègues, nous avons eu tout à l’heure un long débat sur l’amendement n° 246, dit « Méhaignerie ». Je vous propose de poursuivre l’examen des amendements en cours. Je demanderai au Gouvernement et au rapporteur général de répondre aux questions lorsque nous en arriverons au vote sur l’amendement Méhaignerie, ce qui leur laissera le temps de préparer leurs réponses. Je pense que l’on a déjà répondu deux ou trois fois aux questions posées, mais la pédagogie est quelque chose d’utile, comme dit M. Brard.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je suis prêt à apporter des précisions une quatrième fois.

Après l’article 17 (suite)
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 218.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends, monsieur le président, que vous donniez au Gouvernement le temps de la réflexion pour choisir les mots justes, et ce afin de répondre d’une façon transparente. Je pense qu’il faut vraiment que vous lui laissiez beaucoup de temps – peut-être faudra-t-il même quelques suspensions de séance.

J’en viens à l’amendement n° 218. Il propose que les biens professionnels soient intégrés dans l’assiette de l’ISF. Le taux d’intégration de ces biens serait modulé en fonction des choix faits par l’entreprise en matière d’emploi et de salaires. Il s’agit de concevoir l’ISF comme un levier pour l’emploi et contre la précarité.

En proposant l’intégration dans l’assiette des biens professionnels, tout en modulant les taux du barème, notre amendement répond au double objectif de justice et d’efficacité.

C’est un objectif de justice fiscale que d’enrayer l’évasion fiscale qui permet à des milliardaires d’échapper à la loi républicaine (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui dispose que « chaque membre de la société doit contribuer dans la proportion de ses facultés et de ses biens. » Face à l’objection qui nous est faite que certains ont un impôt qui dépasse leurs revenus, il faut se poser la question : comment ont-ils pu accumuler autant de biens au point d’être redevable d’un tel impôt ? Peut-être faudrait-il refondre tout notre système fiscal pour ne pas permettre l’injuste accumulation sur quelques-uns de quantité de biens qui, tout à fait légitimement, entraînent un impôt relativement important selon les intéressés. Ce sont des biens essentiellement constitués, pour les redevables à l’ISF, d’actifs financiers enfouis dans un patrimoine évalué à des millions d’euros. Contrairement à ce que nous pouvons entendre sur les bancs de la majorité, l’impôt de solidarité sur la fortune n’est pas un impôt confiscatoire ou un impôt visant à punir les détenteurs de biens. Il a pour objet d’établir entre les uns et les autres une relation qui ne soit pas une relation comptable, une relation fiscale ordinaire. C’est la raison pour laquelle nous voulons que cet impôt s’applique aussi aux biens professionnels.

Nous souhaitons que la fiscalité contribue à la dynamique de l’emploi, de la cohésion sociale et de la réparation sociale. C’est pourquoi notre amendement ne vise pas à prélever sur les biens professionnels une espèce de taxe qui serait une simple dîme. Ce que nous voulons, c’est pénaliser ceux qui font une économie de rente en laissant dormir des biens professionnels et qui ne contribuent pas à l’activité économique et à l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement. J’émets un avis défavorable, tout en reconnaissant la constance de M. Brard sur ce sujet.

M. Patrice Martin-Lalande. Perseverare diabolicum !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il aurait pu ajouter les œuvres d’art aux biens professionnels. Je me souviens de M. Brard, quand nous étions dans l’opposition,…

M. Jean-Louis Idiart. Nostalgie ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …développant l’idée que, pour rendre cet impôt acceptable, il fallait qu’il ait l’assiette la plus large possible, donc inclue y compris les œuvres d’art, avec un taux dès lors modéré.

C’est une thèse qui se défend. Je me souviens aussi qu’une seconde délibération avait été nécessaire, puisque le gouvernement de l’époque s’était refusé à supprimer l’exonération pour les œuvres d’art.

M. Pierre Lellouche. À juste titre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On en est ainsi resté aux données que vous connaissez. J’invite donc l’Assemblée à rejeter cet amendement.

M. Jean-Louis Idiart. Vous aggravez l’erreur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable. L’inclusion dans l’assiette de l’ISF des biens professionnels qui en sont actuellement exonérés aggraverait la situation. Dans le contexte économique actuel, nous sommes très attentifs, monsieur Brard, à protéger nos entreprises et à éviter leur délocalisation. Dans ce domaine, et par rapport à l’ISF, il faut trouver le juste équilibre.

J’approuve donc M. Carrez quant au refus de votre amendement. Mais je vais vous faire un aveu : pour la première fois, je ne partage pas son analyse sur un point. M. Carrez a rendu hommage à votre constance sur le thème de l’ISF. Il s’est trompé.

M. Jean-Pierre Brard. Ça m’étonnerait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Permettez-moi un rappel : comme vous, j’aime l’histoire de France !

Lorsque vous avez présenté votre amendement, j’ai eu un déclic. Quelque chose me semblait bizarre : je ne retrouvais pas mon Jean-Pierre Brard ! Je sais pourquoi : vous lisiez votre papier. Or, monsieur Brard, quand vous lisez, c’est que vous n’êtes pas convaincu.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la meilleure !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai alors consulté mes archives. Qu’y ai-je découvert ? Un rapport parlementaire de 1998.

M. Jean-Pierre Brard. Absolument.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes bon aussi à l’écrit ! Je cite un extrait de ce rapport : « Pour les titulaires de patrimoines très élevés, de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions de francs, le cumul de l’IR et de l’ISF peut s’avérer confiscatoire. Ce caractère confiscatoire est à l’origine de certains départs à l’étranger. » Monsieur Brard, me voilà brardiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vos analyses me font chaud au cœur : je ne dirai plus jamais que vous êtes un idéologue incapable de changer d’avis !

M. Pierre Lellouche. Social-traître !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La soirée et nos autres rendez-vous sur ce budget se passeront bien, puisque nous aurons à cœur d’honorer votre signature !

Je suis donc en désaccord avec votre amendement ; et un je ne sais quoi me laisse penser que c’est aussi votre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut faire des citations complètes, monsieur le ministre ! Vous vous référez à mon rapport sur la fraude. À cette occasion, j’ai interrogé des banquiers qui, comme on dit en français, font du private banking. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. M. Brard ne sait pas traduire ? Parlez français !

M. Pierre Lellouche. Ou russe !

M. Jean-Pierre Brard. M. Pierre Méhaignerie, en homme d’équilibre,…

M. Jean-Louis Idiart. Il a basculé depuis !

M. Jean-Pierre Brard. …avait approuvé mes propositions. Pour quelles raisons ? J’ai toujours considéré que l’assiette n’était pas assez large, et qu’il fallait y inclure les biens professionnels, les œuvres d’art. Celles-ci sont d’importants vecteurs de fraude. Leur revente sert souvent à blanchir l’argent de la mafia, comme le savent les services de l’État. J’avais en revanche proposé de maintenir l’exonération pour la création contemporaine et les œuvres présentées au public.

Pour améliorer la productivité et la progressivité de l’ISF, j’étais aussi favorable à une baisse des taux et à une hausse du plancher : les riches que vous protégez comptent leurs fortunes, non en millions, mais en dizaines de millions d’euros, et parfois davantage. Vous prenez l’exemple fallacieux de l’île de Ré. Heureusement, le maire UMP de La Flotte a dit ce qu’il fallait penser de la présentation qui en est faite.

Je n’ai donc pas varié, monsieur Copé. Il y a peu d’idéologues à droite : être idéologue signifie que l’on a des idées ! Vous faites partie, monsieur Copé, des idéologues du régime ! Avec d’autres, tels M. Dutreil, ou M. Mariton, qui a le nez plongé dans L’Express : lui aussi fait partie de ce club ! Mais, depuis vingt ou trente ans, les conditions ont changé.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ça, c’est sûr !

M. Richard Mallié. M. Brard, lui, est un idéologue du XIXe siècle !

M. Jean-Pierre Brard. Aujourd’hui, votre idéologie vise à faire accroire aux victimes qu’elles sont bénéficiaires. Cela suppose un détournement sémantique : vous troquez le mot d’égalité contre celui d’équité, qui a un sens très différent dans notre histoire. Jacques Myard, en historien avisé, opine à mes propos. Vous êtes en porte-à-faux par rapport à notre devise républicaine : vous la révisez !

Je suis favorable à l’ISF. Puisque vous m’approuvez, vous ne manquerez pas d’approuver aussi les amendements que je propose : ils visent à faire participer, à due proportion, les riches à la solidarité nationale. C’est là une logique conforme à la déclaration des droits de l’homme de 1789.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 218.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 127.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le soutenir.

M. Pierre Lellouche. Je vais défendre, à sa demande, l’amendement de mon collègue Dominique Tian.

Des milliers de propriétaires fonciers aux revenus modestes sont maintenant assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Pierre Brard. Encore l’île de Ré !

M. Pierre Lellouche. Cette situation est due à l’augmentation exponentielle des prix du foncier dans de nombreux départements.

De façon paradoxale, ne pouvant acquitter cet impôt, ces propriétaires sont obligés de vendre leurs terres à vocation agricole appartenant souvent à la même famille depuis plusieurs générations pour s’en acquitter.

Afin de remédier à cette situation préoccupante, cet amendement poursuit deux objectifs : d’une part, ne pas soumettre à l’impôt de solidarité sur la fortune les personnes physiques non imposables à l’impôt sur le revenu – j’ajoute que cette observation peut s’appliquer à beaucoup d’autres cas, notamment à l’inclusion du domicile familial dans l’ISF, et nous reviendrons sur ce point – d’autre part, modifier le régime d’abattement existant actuellement en faveur des immeubles occupés à titre de résidence principale, prévu à l’article 885 S du code général des impôts, en l’étendant aux biens fonciers non bâtis dont le contribuable se réserve la jouissance exclusive et en instituant une progressivité de cet abattement en proportion de la durée de détention des biens.

Cet amendement, monsieur Brard, est inspiré par certaines situations extravagantes sans rapport avec l’esprit de cet impôt créé il y a vingt-trois ans. L’ISF peut en effet aujourd’hui toucher des gens qui sont tout sauf les milliardaires que vous venez d’évoquer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Claude Goasguen. M. Migaud, je suppose, est pour cet amendement !

M. Didier Migaud. Nous voterons contre. Nous reviendrons sur un autre amendement électoraliste de M. Lellouche. Quelques articles parus dans la presse ont montré l’indécence et l’impudeur qu’il y a à se faire l’avocat de ce genre de situation. M. Lellouche s’en est fait une spécialité : cela ne légitime pas pour autant son amendement.

M. Pierre Lellouche. Vous n’êtes pas obligé de multiplier les attaques personnelles, monsieur Migaud : si vous continuez, je vais être obligé de répondre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une brève explication de vote.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Lellouche, en tout cas ceux qu’il représente, est pris la main dans le sac !

M. Pierre Lellouche. Je ne possède ni de patrimoine personnel, ni de résidence à l’île de Ré, contrairement à d’éminentes personnalités de la gauche !

M. Jean-Pierre Brard. Rassurez-vous : moi non plus. Je serais favorable à ce que les déclarations qui se trouvent dans les coffres de l’Assemblée soient mises sur la place publique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous lance un défi, monsieur Lellouche : mettons tous les deux sur la table notre déclaration d’IRPP ! On jugera alors de votre sincérité !

M. Philippe Auberger. Avec M. Brard, on se croirait vraiment dans le bois de Boulogne !

M. Jean-Pierre Brard. De quoi se plaint le Gouvernement ? En matière de logement, vous conviendrez, monsieur Copé, monsieur le rapporteur général, qu’il n’existe pas assez de foncier disponible. La spéculation s’expliquant par cette rareté, inciter les gros propriétaires à vendre une partie de leur patrimoine pour acquitter un impôt juste, c’est rendre service à la collectivité nationale ; c’est agir contre la spéculation…

M. Pierre Lellouche. Ce système est tombé il y a quinze ans avec l’Union soviétique !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez toujours été soviétophile, chacun le sait !

C’est enfin agir pour rendre possible la construction de logements qui font baisser les prix du foncier et les loyers.

Vos excès, monsieur Lellouche, ont toujours fait votre charme discret. Vous avez été si excessif qu’avant de trouver un terrain d’atterrissage, vous avez dû visiter plusieurs contrées de notre pays, ce qui n’est pas mon cas !

M. Pierre Lellouche. Parlez-en donc à M. Strauss-Kahn !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements nos 156 et 23 pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 23 fait l’objet d’un sous-amendement n° 452.

La parole est à M. Jacques Myard, pour défendre l’amendement n° 156.

M. Jacques Myard. Le Gouvernement n’a pas voulu me suivre sur la suppression d’un impôt qui complexifie la législation de notre pays, et joue contre les travailleurs, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ceux de Maison-Laffite !

M. Jacques Myard. Tous les travailleurs ! Ceux-ci attendent d’abord que les entreprises investissent. Nous sommes obligés de ramener la raison pied à pied. Pour ce faire, il nous faut insister sur l’indispensable exonération de l’habitation principale. L’île de Ré n’est pas seule en cause, loin de là. Partout en France, des personnes aux revenus modestes, qui ont hérité d’un maigre bien, sont assujetties à l’ISF. Une telle situation est inadmissible, et contraire à l’égalité du droit au logement. Il faut exclure l’habitation principale de l’assiette de l’ISF, impôt rétrograde et archaïque.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Masdeu-Arus, pour soutenir l’amendement n° 23.

M. Jacques Masdeu-Arus. Mon amendement est quasi identique à celui de M. Myard.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir le sous-amendement n° 452.

M. Jean-Pierre Brard. M. Masdeu-Arus préfère qu’on ne s’attarde pas trop sur son amendement.

M. Jacques Masdeu-Arus. Inutile, c’est le même !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes bien discret ! Mais vous avez raison : selon l’adage, si la parole est d’argent, le silence est d’or !

En effet, ce que vous proposez est un abattement qui privilégie les riches possesseurs d’un patrimoine, alors que mon sous-amendement établit une quotité qui est déduite de la valeur. Ce n’est pas du tout la même chose puisque, ainsi, la mesure bénéficie aux gens modestes, alors que votre proposition en fait bénéficier des privilégiés que la loi de finances favorise déjà grandement.

M. Goasguen opine… Il approuve ce que je dis, sans être d’accord avec moi, je suppose.

M. Claude Goasguen. Je vais le voter !

M. Jean-Pierre Brard. Mon sous-amendement ?

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Brard. C'est que vraiment, la raison progresse, même à l’Ouest ! (Rires.)

M. Claude Goasguen. Bientôt, l’Est sera plus riche que l’Ouest !

M. Jean-Pierre Brard. Il faudrait de grosses canalisations pour rétablir l’équilibre entre les niveaux !

Vous aurez compris que, comme je suis résolument opposé à l’amendement n° 23 en l’état, je propose de le sous-amender afin d’en changer complètement le sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 23 et le sous-amendement n° 452 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable aux deux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis très défavorable. Je pense que tout le monde a bien compris que le sous-amendement de M. Brard aggraverait considérablement la situation en réduisant l’abattement. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté, même si c’est présenté avec un grand sourire !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous ne pouvons laisser se poursuivre le débat sans rectifier certains propos.

Nos collègues parisiens devraient, malgré l’approche des élections municipales et la multiplicité des candidatures qu’elle suscite, relativiser leurs propos : quel est le poids réel de l’impôt sur la fortune pour quelqu’un qui a un salaire « moyen » – comme pourrait le dire le ministre du budget – et qui acquiert un bien d’une valeur de 950 000 euros, par exemple ?

M. Hervé Mariton. Encore ! Donnez-nous d’autres exemples !

M. Didier Migaud. Cet exemple est très éloquent. Je le reprends pour M. Lellouche qui ne l’a pas entendu !

Soit un cinq pièces de 131 mètres carrés sur le Champ de Mars, avec vue sur la Tour Eiffel, mis en vente à 950 000 euros. Quel serait le montant de l’ISF dû pour ce bien ? Retirons 20 % d’abattement au titre de la résidence principale – le ministre a raison, c’est bien plus que les 100 000 euros du sous-amendement de M. Brard –, il reste 760 000 euros. La base taxable est de 760 000 moins 732 000, soit 28 000 euros ; n’oublions pas que l’on ne paie l’impôt sur la fortune que sur la somme qui excède ce seuil. Donc la taxation au titre de la première tranche, soit 0,55 % de 28 000 euros, s’élèverait à 154 euros ! Est-ce confiscatoire ? Cela devient l’impôt ordinaire dont parlait M. Mariton !

M. Hervé Mariton. Je vous rappelle qu’on ne paie pas l’ISF sur un bien mais sur l’ensemble du patrimoine !

M. Didier Migaud. Je pourrais vous donner d’autres exemples, à Nice ou à Compiègne.

Et si l’on ajoute l’impôt de solidarité sur la fortune et le foncier bâti sur la commune de Paris, on n’atteint pas le montant des impôts locaux payés dans beaucoup de communes de province ! Il y a donc quelque indécence, de la part d’élus parisiens, à critiquer le « poids insupportable » de l’impôt de solidarité sur la fortune pour de « pauvres gens » qui peuvent tout de même trouver 950 000 euros pour acquérir ce genre d’appartement !

Un peu de décence, mes chers collègues !

Nous avons déjà dénoncé une politique ciblée en faveur de quelques milliers de personnes. Mais ces amendements-là, mes chers collègues de la majorité, sont particulièrement indécents !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Pour sortir par le haut, je propose comme solution de modifier le sous-amendement de Jean-Pierre Brard pour qu’il se lise ainsi : « exonérée dans la limite de 20 % sans être inférieure à 100 000 euros » !

M. Jean-Pierre Brard. On sortirait par le haut, c’est sûr !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Tout cela est très intéressant, et le ministre a parfaitement compris, ce qui prouve que, même à cette heure avancée, il est bien éveillé. Effectivement, mes 100 000 euros sont bien inférieurs aux 20 % d’abattement ! Jacques Myard, lui aussi, a fort bien compris. Et si je devais accepter de modifier mon sous-amendement, ce serait pour écrire : « sans être supérieur à 100 000 euros » – ce qui représente tout de même 20 % d’un bien qui vaut 500 000 euros ! Quels sont les gens qui ont gagné honnêtement leur vie et disposent d’une somme pareille ?

M. Jacques Myard. Ils l’ont reçue par héritage !

M. Jean-Pierre Brard. Ces gens-là peuvent supporter une fiscalité qui, en valeur absolue, reste très modérée.

Didier Migaud évoquait les impôts à Paris. On pourrait prendre l’exemple de Neuilly-sur-Seine où la taxe d’habitation et la taxe foncière d’un six pièces sont moins élevées que celles d’un deux ou trois pièces dans ma bonne ville de Montreuil, ou à Aubervilliers.

M. Jacques Myard. Affameur du peuple !

M. Jean-Pierre Brard. Car ce n’est pas leur politique sociale qui risque de ruiner la ville de Neuilly-sur-Seine ou celle de Rueil ! Alors que nous, nous devons réparer les dégâts de votre politique ! Dans ces villes-là, il y a bien peu de gens modestes. Quand j’étais élève-maître à l’école normale d’Auteuil – n’est-ce pas dans votre circonscription, monsieur Goasguen ? – et que j’enseignais à l’école d’application de la rue Boileau, le seul enfant d’origine modeste était le fils d’un chauffeur de maître !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 452.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements, nos 80, 150, 111, 222, 221, 157, 148, 63 et 149, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 80 et 150 sont identiques.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement n° 80.

M. Pierre Lellouche. Cet amendement vise à réparer l’injustice flagrante qui est faite à de très nombreux compatriotes, injustice qu’avait dénoncée, au début de cette année, le ministre de l’économie et des finances, M. Thierry Breton : « Au fil du temps et de l’explosion des prix de l’immobilier, l’ISF est devenu non plus un impôt sur la fortune, mais tout simplement un impôt de plus sur les économies et le logement de nos concitoyens qui sont loin d’être fortunés. »

M. Jean-Pierre Brard. Nous n’avons pas la même idée de la fortune !

M. Pierre Lellouche. En effet, l’augmentation des prix de l’immobilier à Paris, en région parisienne et dans beaucoup d’autres régions de France fait que, mécaniquement, toute personne qui souhaite acquérir un logement égal ou supérieur à trois pièces, en pratique parce qu’elle a deux ou trois enfants, va se trouver confrontée à l’ISF. Ce résultat est très exactement contraire à l’objectif fixé par le Gouvernement de favoriser l’accession à la propriété. Je rappelle qu’à peine un Français sur deux est propriétaire de son logement, contre 82 % des Espagnols et 90 % des Britanniques.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Pierre Lellouche. Il est également contraire à un autre objectif central du Gouvernement, qui est de favoriser la natalité et les familles. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

À Paris, en particulier, mais c’est vrai aussi dans l’Île-de-France, puisque c’est là que se trouve la moitié des redevables de l’ISF, les familles moyennes, pour reprendre une expression du Président de la République, sont prises inexorablement en tenaille entre, d’une part, le gel du foncier constructible, notamment par l’effet de la loi SRU, la spéculation immobilière, qui résulte de la compétition internationale entre investisseurs, Paris se situant encore en dessous des prix du marché mondial, la politique de la Ville de Paris, qui vise à préempter les immeubles déjà occupés et qui consiste à les acquérir à des fins de logement social, et cet impôt, qui accroît encore plus la difficulté, pour les familles moyennes, de résider dans la capitale.

Le résultat, c’est que ces familles sont obligées, dès le deuxième enfant, de quitter Paris : c’est la constatation que font de très nombreux élus, de droite comme de gauche.

Cet impôt sur la fortune ne mérite donc plus son nom. Le nombre des assujettis ne cesse d’augmenter, mais par les barèmes les plus bas, mécaniquement, à cause de l’augmentation de l’immobilier.

Savez-vous, mes chers collègues, qu’à Paris, la moyenne de l’augmentation de l’immobilier depuis cinq ans est de 50 %, qu’elle atteint 70 % dans certains quartiers et qu’elle est de plus de 90 % sur les dix dernières années.

La situation est telle que, si vous achetez un trois pièces,…

M. Jean-Pierre Brard. Où ?

M. Pierre Lellouche. …vous êtes inéluctablement assujetti à l’ISF !

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Pierre Lellouche. C’est extravagant !

Laissons de côté, monsieur Brard, monsieur Migaud, les attaques personnelles, car elles n’éclairent pas le débat,…

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont pas des attaques personnelles : je ne vous ai pas demandé où vous habitiez !

M. Pierre Lellouche. …et laissez-moi faire mon travail de député, à savoir jouir de mon droit d’amendement et faire connaître les témoignages de ceux qui m’ont écrit : ils sont au nombre de 35 000 !

M. Augustin Bonrepaux. Ils n’écrivent qu’à vous !

M. Pierre Lellouche. Je signale aussi la pétition qui circule en ce moment sur un site internet : « pétition-isf.org ».

Je cite un témoignage : « Nous sommes deux petits retraités. Mon épouse était infirmière libérale, moi cadre moyen dans l’industrie. Nous avons travaillé dur pour arriver nous-mêmes à construire notre résidence principale. Mes parents furent aussi des gens économes qui n’ont rien demandé à personne pour gérer leur vie. Ils nous ont laissé un petit patrimoine. Et nous voici maintenant assujettis à l’ISF. »

Voici un autre témoignage : « Ayant acquis mon logement de 120 mètres carrés à Paris, il y a maintenant vingt-trois ans, uniquement avec mes économies et des emprunts bancaires, pour y loger ma famille de six enfants, j’ai besoin de le conserver pour moi-même, mon épouse et ma fille de vingt ans, encore à la maison, pour y accueillir, le cas échéant, un ou plusieurs de mes cinq enfants. Et me voici assujetti à l’ISF. »

M. Jean-Pierre Brard. Combien paient-ils ?

M. Didier Migaud. Vous ne donnez pas de chiffres !

M. Pierre Lellouche. Écoutez encore : « Je suis assujetti à l’ISF et souhaite vous apporter l’éclairage suivant. Je dois beaucoup me priver pour arriver à joindre les deux bouts. L’ISF, l’impôt sur le revenu, les taxes d’habitation et foncière aspirent presque les deux tiers de mon revenu de salarié qui s’élève à 800 euros nets. »

Je pourrais poursuivre encore longtemps…

M. Didier Migaud. Donnez des chiffres !

M. le président. Monsieur Lellouche, veuillez conclure.

M. Pierre Lellouche. Le sujet est d’importance, monsieur le président,…

M. le président. Certes, mais d’autres orateurs défendent des amendements quasi identiques !

M. Pierre Lellouche. …et concerne, en réalité, plus d’un million de Français…

M. Jean-Pierre Brard. Vous affabulez !

M. Pierre Lellouche. …qui tombent, aujourd’hui, sous le coup de l’ISF mais ne le savent pas encore ! Le fisc va bientôt les rattraper.

Cet impôt est inique. Les Français sont capables de comprendre la différence entre un milliardaire et le propriétaire – après de nombreuses années d’économies – d’un logement modeste de trois ou quatre pièces. Par le biais de l’ISF, on ne fait qu’ajouter un impôt nouveau sur le logement.

Le Gouvernement commet une erreur, car ce sont les classes moyennes qui sont touchées, de droite comme de gauche. Je souhaite qu’il revienne sur sa position. Il va faire voter – et je conviens qu’il le faut – un amendement proposant une exonération de 75 % pour les transmissions d’entreprises, peu compréhensible par les Français, alors qu’il en refuse un qu’ils comprennent parfaitement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l’amendement n° 150.

M. Pierre-Christophe Baguet. D’habitude, notre collègue Migaud présente une argumentation organisée et convaincante mais, s’agissant des petites annonces, il a manqué de précision : l’ISF ne se calcule pas seulement sur la résidence principale, mais sur l’ensemble des biens et des revenus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il ne faut pas saucissonner l’ISF, mais l’envisager dans sa globalité.

Tout à l’heure, j’ai voté à titre personnel l’amendement de Jacques Myard visant à supprimer complètement l’ISF.

M. Jacques Myard. C’était une excellente initiative !

M. Pierre-Christophe Baguet. Et j’en suis fier, car je m’inscris dans une logique d’amendements « décroissants » : celui-ci porte sur l’exonération de la résidence principale et le prochain proposera de « familialiser » l’ISF. Jean-Pierre Brard a raison, cela fait longtemps que nous n’avons pas parlé des familles, et j’estime que cet impôt est injuste à leur égard.

M. Jean-Pierre Brard. Mme Boutin a sécrété des disciples !

M. Pierre-Christophe Baguet. J’ai eu l’occasion d’animer une réunion sur l’ISF à l’Assemblée nationale et j’ai été surpris d’apprendre que cet impôt, dont vous refusez, monsieur Migaud, d’admettre le caractère confiscatoire, est reconnu comme tel dans certains pays, et notamment en Allemagne, où la Cour suprême de Karlsruhe a demandé à l’État fédéral de le supprimer.

M. Didier Migaud. Cela n’a rien à voir !

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous devons suivre une logique : et si nous voulons défendre les familles et la politique du logement, nous devons exonérer la résidence principale de l’ISF.

M. Lucien Degauchy. Bravo !

M. le président. L’amendement n° 111 n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 222. Pourriez-vous défendre en même temps l’amendement n° 221 ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le président. D’ailleurs, l’amendement n° 221 est de repli, au cas où l’amendement précédent ne serait pas adopté…

À ce stade de la discussion, il n’est pas inutile de rappeler la genèse de l’impôt de solidarité sur la fortune. Sans remonter en détail jusqu’au projet déposé en 1914 par Joseph Caillaux, on peut rappeler qu’il visait à instituer une taxe annuelle sur la fortune qui devait compléter les droits de succession rendus progressifs en 1901, et l’impôt général sur le revenu proposé en 1907 et adopté en 1914.

M. Richard Mallié. Vous avez un millénaire de retard !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, monsieur Mallié, vous vivez encore au XVIIIe siècle, et très précisément en 1788 ! Il ne faut pas regarder dans le rétroviseur, mais devant soi !

Il s’agissait d’un impôt général, déclaratif, progressif et personnalisé. Le calcul de l’impôt comportait un abattement à la base, des taux progressifs dont le taux le plus élevé atteignait 0,25 % et, effectivement, monsieur Baguet, prenait en compte la situation de famille du contribuable.

Ce projet, examiné favorablement par la commission de législation fiscale, ne devait jamais venir en discussion en raison de l’assassinat de Gaston Calmette par l’épouse de M. Caillaux, obligeant ce dernier à démissionner. Le projet a été repris intégralement par Vincent Auriol dans une proposition de loi tendant à créer de nouvelles ressources fiscales le 12 mai 1920.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. À quelle heure ?

M. Jean-Pierre Brard. Après la seconde guerre mondiale, des projets furent élaborés par la CGT et par le Syndicat national des cadres des contributions directes. En 1953, M. Leenhardt déposa une proposition de loi qui, pour l’essentiel, actualisait le projet Caillaux.

Écoutez bien la suite, mes chers collègues, et vous allez voir à quel point vous êtes infidèles à l’héritage dont vous vous réclamez ! La question est restée d’actualité durant les années soixante-dix, avec notamment une initiative de parlementaires RPR qui, au nom de la recherche d’une plus grande justice – c’était au temps où le gaullisme était encore d’actualité…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai que le communisme est beaucoup plus d’actualité !

M. Jean-Pierre Brard. …présentèrent en 1976 un amendement visant à instaurer cet impôt. En 1975, des membres de l’UDF adoptèrent lors de leur congrès une motion recommandant une telle solution.

L’élection de François Mitterrand et d’une nouvelle majorité parlementaire au printemps 1981conduisirent à la création de l’impôt sur les grandes fortunes par la loi de finances pour 1982 du 30 décembre 1981.

Ainsi, au cours du XXsiècle, l’impôt sur la fortune s’est-il progressivement imposé dans notre conception des finances publiques, avec une forte adhésion de l’opinion, qui a jugé sévèrement sa suppression en 1986.

C’est pourquoi il faut cesser de vider cet impôt de sa substance. Les amendements que nous proposons tendent à lui conserver une réelle consistance.

Monsieur Lellouche, quand vous osez nous dire qu’un cadre de l’industrie a un revenu de 800 euros, de qui vous moquez-vous ?

M. Pierre Lellouche. Je tiens tous les documents à votre disposition !

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez bien que ce n’est pas vrai car, avec 800 euros de revenu par mois, on n’est même pas assujetti à l’IRPP. Au moins, dites la vérité et ne trompez pas la représentation nationale en vue d’arracher des décisions qui bénéficieraient non aux petites gens, mais aux privilégiés dont vous êtes le porte-voix, voire le porte-hallebarde ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. Il existe des chômeurs qui paient l’ISF !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 157.

M. Jacques Myard. Il faut traiter nos concitoyens et les contribuables français sur un pied d’égalité. Sans anticiper sur l’amendement Méhaignerie, nous risquons fort d’exonérer les actions de l’ISF, sans en faire autant pour la résidence principale.

M. Pierre Lellouche. C’est une simple mesure de justice !

M. Jacques Myard. Nos concitoyens travaillent et paient des impôts sur le revenu. Ensuite, ils placent leur argent et paient des impôts sur leur épargne.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, et alors ?

M. Jacques Myard. Ils achètent et paient la taxe foncière.

M. Jean-Pierre Brard. C’est normal !

M. Jacques Myard. Et on les matraque une nouvelle fois avec l’ISF !

M. Lucien Degauchy. Trop d’impôt tue l’impôt !

M. Jacques Myard. Il est urgent de prendre en compte, dans le calcul de l’ISF, une plus forte exonération de la résidence principale. C’est une question d’égalité, car l’usine à gaz qui risque de sortir de nos débats, ce soir, montrera que si une catégorie de Français doit continuer de payer pleinement l’ISF, ce sont les propriétaires. Or, chacun le sait, nous sommes en retard par rapport à nos voisins européens en matière d’accès à la propriété, et ce retard doit être comblé.

C’est la raison pour laquelle mon amendement propose de porter de 20 à 50 % l’exonération de la valeur de la résidence principale dans le calcul de l’ISF. Il est indispensable d’agir, monsieur le ministre, faute de quoi vous vous mettrez à dos les propriétaires français !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l’amendement n° 148.

M. Pierre-Christophe Baguet. Connaissez-vous le montant d’abattement fiscal proposé par enfant au titre de l’ISF dans l’article 885 V du code général des impôts ?

M. Philippe Auberger. Il s’élève à 150 euros !

M. Michel Bouvard. Pour les enfants mineurs seulement !

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est exact. Le coût, pour loger un enfant dans un appartement, est donc estimé à 150 euros. Or dans ma commune, une pièce supplémentaire de neuf mètres carrés représente à peu près 6 % du seuil d’accès à l’ISF. Comment peut-on tolérer pareille situation ? Le Gouvernement ne peut d’un côté mener une politique familiale ambitieuse, avec la mise en place d’une très belle formule, la prestation d’accueil jeune enfant – la PAJE –, inciter à une augmentation du taux de natalité qui est aujourd’hui, à 1,9 %, l’un des meilleurs d’Europe, après l’Irlande, et de l’autre, une politique sociale qui pénalise les familles.

Dans ma circonscription, 4 000 foyers sont assujettis à l’ISF. Tous ne bénéficient pas de revenus élevés, car il y a parmi eux des retraités, des veufs ou des familles nombreuses.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi seraient-ils exonérés ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Ils sont assujettis à l’ISF simplement parce qu’ils ont, par exemple, hérité de leurs parents un grand appartement.

Je suis surpris que l’ISF, en dehors de cette aumône de 150 euros, ne soit pas familialisé comme tous les autres impôts locaux.

M. Jacques Myard. Par exemple la taxe d’habitation !

M. Pierre-Christophe Baguet. Les collectivités territoriales utilisent toutes les possibilités d’abattement qui leur sont offertes. Pourquoi pas l’ISF ?

Par l’amendement n° 148, je propose donc que le taux mentionné au deuxième alinéa de l’article 885 S du code général des impôts soit majoré de 5 % par personne à charge, c’est-à-dire par enfant fiscalement rattaché à la famille. Nous ferions ainsi un geste fort à l’égard des familles. Monsieur Migaud, ce n’est pas en pénalisant ceux qui ont la chance d’avoir un logement assez grand pour élever leurs enfants que nous offrirons de l’espace supplémentaire à tous ceux qui en ont besoin !

Mme Chantal Brunel. C’est un bon amendement !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 63.

M. Claude Goasguen. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments échangés et j’ai le sentiment que l’ISF est désormais un impôt discriminant. Il y a d’un côté ceux qui paient l’ISF et qui sont, bien sûr, d’abominables hommes de droite qui accumulent le capital et, d’autre part, ceux qui ne paient pas l’ISF dont il faut, bien entendu, s’occuper en priorité.

Or cet argument ne tient pas ! Car en réalité, qui est concerné par l’amendement que nous proposons sur les résidences principales ? Nous devons avoir une opinion un peu plus nuancée sur ce sujet. M. Brard a évoqué tout à l’heure ceux qui accumulent le capital et à qui l’on ferait ainsi un cadeau « léonin ». Mais il est vraisemblable que, dans ce domaine, mon amendement concerne les propriétaires d’habitations à Montreuil plutôt que ceux de ma circonscription.

En effet, ceux qui paient un ISF à très fort taux accumulent, outre la résidence principale, deux sortes de capitaux : les capitaux mobiliers et immobiliers.

Dans les deux cas de figure, le problème de la résidence principale est mineur, car celui qui accumule des capitaux immobiliers ne sera pas touché par le fait que sa résidence principale ne soit plus prise en compte dans le calcul de l’ISF. Par conséquent, la réforme que nous allons faire ne le concerne pas.

En ce qui concerne le capital mobilier, le contribuable est davantage intéressé par l’amendement de Pierre Méhaignerie – qui sera probablement adopté –, car il pourra, pour le coup, échapper à l’ISF.

En réalité, qui reste assujetti à l’ISF ? Ce sont, par exemple les propriétaires d’habitations à Montreuil qui seront concernés. Vous verrez, monsieur Brard, que l’ISF va faire fureur à Montreuil ! D’ailleurs, vous en êtes tellement persuadé que vous vous y intéressez de plus en plus.

Vous avez raison, parce que c’est davantage dans des endroits comme Montreuil, le Xe et le XIe arrondissements de Paris que la question se pose. Les personnes concernées ne sont généralement pas propriétaires depuis longtemps. Elles commencent tout juste d’être frappées par cet impôt et par toute la terreur symbolique et le poids politique qui y sont attachés.

En réalité, vous vous trompez de cible.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien sûr !

M. Claude Goasguen. Qui contribuez-vous à pénaliser en repoussant cet amendement ? Des propriétaires d’appartements dont la valeur s’est envolée depuis vingt ans, alors même qu’ils ne se situent pas dans les quartiers les plus favorisés de Paris ou des grandes villes de province mais, plus probablement, dans le Val-de-Marne ou la Seine-Saint-Denis, où l’on observe les augmentations les plus fortes. Il leur suffit de bénéficier d’un héritage, même relativement faible, pour se retrouver soudainement redevables de l’ISF sans même le savoir.

Vous avez tort d’imaginer que les amendements tendant à exonérer de l’ISF la résidence principale sont marqués par une sorte d’allégeance au capital.

M. Jean-Pierre Brard. Au grand capital !

M. Claude Goasguen. Au contraire ! Nous ne visons pas le grand capital, mais les classes moyennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, ce serait une grave erreur de croire qu’une réforme de l’ISF concentrée sur les seules valeurs mobilières pourra contenter l’opinion. Ce n’est pas seulement un problème économique, mais une question de justice : cet impôt tend à devenir aussi absurde qu’injuste.

Aujourd’hui, la gauche se plaît à caricaturer nos propos, mais que dira-t-elle demain ? Tout indique en effet que le prix du foncier va continuer à augmenter en France. Cela signifie que de plus en plus d’individus seront redevables de l’ISF à cause de leur résidence principale.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Claude Goasguen. Et ils habiteront bien plus souvent dans votre circonscription, monsieur Dreyfus, ou dans la vôtre, monsieur Brard, que dans la mienne ou dans celle de M. Lellouche. Vous porterez alors la responsabilité politique d’avoir repoussé l’amendement que nous proposons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. J’assume !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l’amendement n° 149.

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Brard a oublié de le préciser, mais ses amendements, en jouant subtilement sur le plafonnement des exonérations, ont pour objet de durcir l’application de l’ISF. Je propose au contraire, dans cet amendement de repli, d’instaurer un plancher de 360 000 euros à l’abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de la résidence principale, correspondant à la moitié de la somme de référence pour l’assujettissement à l’ISF.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 148, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

De même, sur le vote de l’amendement n° 150, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a repoussé tous ces amendements, …

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …même si, après avoir écouté attentivement les arguments invoqués pour les défendre, je dois reconnaître qu’ils sont parfaitement exacts.

Nous parlons d’un impôt dont le produit progresse d’environ 20 % chaque année. Le nombre de contribuables a doublé depuis 1997 ; entre 2002 et 2005, il est passé de 280 000 à 350 000. De toute évidence, ces augmentations s’expliquent essentiellement par l’évolution des prix de l’immobilier et en particulier par celle de la valeur des résidences principales.

M. Pierre Lellouche. Merci, monsieur Carrez, de le reconnaître !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En outre, cet impôt présente tous les vices possibles. C’est le seul qui ne soit pas familialisé : il ignore le fait qu’une résidence principale est d’autant plus importante que la famille qui l’occupe est nombreuse.

M. Pierre Lellouche. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans le contexte actuel, le nombre de redevables ne peut qu’augmenter mécaniquement. À cet égard, l’intervention de Claude Goasguen est frappée au coin du bon sens et du réalisme.

M. Lucien Degauchy. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ajoutons que les taux de cet impôt ont été fixés selon un niveau d’inflation, et donc de rendement, qui n’est absolument plus d’actualité.

À l’évidence, il faut donc le réformer de fond en comble.

M. Jacques Myard. Il faut le supprimer !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais la commission des finances s’est donné une feuille de route, qui la conduit à donner la priorité à l’objectif de sauvegarder l’emploi et de limiter les risques de délocalisation.

M. Pierre Lellouche. Vous aurez du mal à l’expliquer aux Français !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au plan politique, le problème est peut-être moins sensible. Mais sur le terrain économique, et alors que le budget pour 2006 axe toutes ses marges de manœuvre et concentre ses priorités sur le thème de l’emploi, cet aspect de la réforme nous apparaissait devoir être privilégié.

M. Pierre Lellouche. C’est une erreur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous faisons là un choix courageux, parce qu’il va falloir l’expliquer.

En tant que rapporteur général, je reçois énormément de courrier sur le thème de l’ISF. Le ton de ces lettres est de plus en plus agressif, …

M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !

M. Pierre Lellouche. J’en ai reçu moi-même une grande quantité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …mais elles sont toujours d’une sincérité absolue. Les témoignages dont M. Lellouche a rendu compte sont manifestement de première main. Nous devrons expliquer à toutes ces personnes de bonne foi qu’avant de répondre à leur légitime demande, il nous a paru nécessaire de nous intéresser à l’entreprise afin de stopper l’hémorragie dramatique que connaît notre pays et qui n’a que trop duré.

M. Jean-Claude Sandrier. Mais non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je comprends votre impatience, et je reconnais la validité de vos arguments mais, au nom de l’emploi, la commission des finances a dû faire des choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. Elle aurait pu se battre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Lellouche, cette priorité est le fil directeur, le thème structurant du budget pour 2006.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis également défavorable à l’ensemble de ces amendements. J’ai écouté attentivement la présentation qui en a été faite par leurs auteurs. Sur tous les bancs, on a fait preuve de beaucoup de conviction, même si les avis étaient pour le moins divergents. Après le rapporteur général, je voudrais maintenant expliquer notre position, qui ne peut se comprendre si on ne la remet pas en perspective.

L’ISF comporte en effet bien des points faibles, et nous les connaissons. Mais une politique fiscale doit être appréhendée dans sa globalité. À cet égard, et comme les Français que M. Lellouche prenait à témoin, vous pouvez juger, mesdames, messieurs les députés, ce que nous avons accompli depuis 2002. Songez aux baisses de l’impôt sur le revenu : elles ont été tout à fait significatives depuis trois ans, et concernent tous les ménages imposables.

M. Jean-Claude Sandrier. On connaît le résultat !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En outre, toute réforme fiscale doit répondre à deux exigences indissociables : être juste…

M. Jean-Pierre Brard. En ce domaine, vous avez des marges de progression !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et garantir une meilleure compétitivité par rapport aux autres pays.

En ce qui concerne la justice, je vous renvoie, mesdames, messieurs les députés, au programme fiscal que nous présentons cette année devant vous : il est très ambitieux.

M. Jean-Pierre Brard. Ça !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je laisse de côté les aspects polémiques, sur lesquels nous reviendrons en deuxième partie de la loi de finances. Mais nous renforçons considérablement la prime pour l’emploi…

M. Augustin Bonrepaux. Considérablement ?

M. Jean-Pierre Brard. Cinq euros par mois !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et nous réduisons l’impôt sur le revenu, essentiellement au profit des classes moyennes et modestes, à qui bénéficieront 75 % de l’effort financier représenté par la réforme.

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous moquez du monde !

M. Didier Migaud. Votre nez s’allonge !

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les nantis qui en profitent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur le plan de la compétitivité, c’est la première fois dans notre pays qu’est instauré un plafonnement de l’ensemble des impôts dont un contribuable peut être redevable. Nous mettons ainsi la France dans une situation comparable à celles des autres pays européens, qui ont pour la plupart instauré un plafonnement de même nature. Regardez les chiffres, monsieur Masdeu-Arus : le curseur est placé de la même façon dans des pays comme l’Espagne, le Danemark ou la Suède. L’Allemagne a fixé le plafonnement à 50 %, mais en ne prenant en compte que l’impôt sur le revenu, alors que nous intégrons les impôts locaux dans le calcul.

Enfin, s’agissant de l’ISF acquittée au seul titre de la résidence principale, je vous invite à bien vérifier les chiffres. Je ne m’étendrai pas sur ce point, car ce n’est pas l’objet du débat, mais les exemples cités, je me dois de l’affirmer, ne sont pas toujours exacts.

M. Jean-Pierre Brard. Ah !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les montants de l’impôt dû sont beaucoup plus faibles que l’on croit.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez bien, monsieur Lellouche !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela étant, je pense qu’une réflexion globale sera conduite sur ce sujet, mais elle n’est vraiment pas prioritaire aujourd’hui, au regard du seul critère valable à nos yeux, celui de l’emploi et de l’attractivité du territoire.

De ce point de vue, l’amendement présenté par Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, qui fait bénéficier d’une exonération, sous condition de durée de détention des actions, les salariés d’une entreprise, les dirigeants et anciens dirigeants, ainsi que les actionnaires minoritaires liés par un pacte d’engagement, contribue effectivement à préserver nos entreprises et nos emplois.

J’en profite pour répondre précisément à deux questions qui m’ont été posées.

La première concerne le régime des stocks options.

M. Jean-Pierre Brard. Ah !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Soyons clairs : soit l’option n’est pas levée et le problème ne se pose pas, puisque par définition les actions n’ont pas été achetées. Soit elle est levée, et on devient ainsi actionnaire. Si on appartient à l’entreprise et qu’il reste plus de trois ans avant le départ en retraite, le droit commun s’applique. En revanche, si ce n’est pas le cas, on est redevable.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’en sera-t-il pour Bernard Arnault ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Brard, jamais dans cet hémicycle je n’aborderai de cas personnels. Je vous laisse le soin de fustiger telle ou telle personnalité, puisque vous employez très souvent cette technique rhétorique. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’a toujours beaucoup choqué, quel que soit le talent que vous déploiez par ailleurs : balancer ainsi les noms de personnes qui ont souvent servi excellemment leur entreprise et leur pays…

M. Jean-Pierre Brard. Savez-vous ce que faisait M. Bettencourt pendant la guerre ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La question n’est pas là, de toute façon.

M. Claude Goasguen. Et les apparatchiks du parti ?

M. Marc Laffineur. Et que faisait Georges Marchais pendant la guerre ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà, monsieur Brard, à quels risques on s’expose en maniant de tels arguments : M. Laffineur vous en a fait l’utile démonstration. Le débat sur les attaques personnelles est donc clos.

Vous l’aurez compris, toutes les mesures que nous prenons convergent vers une idée simple : favoriser la reprise de l’économie, l’emploi et le maintien de nos activités sur le territoire. C’est la priorité absolue.

Tout à l’heure, monsieur Migaud, vous avez pointé vers moi un doigt un peu rageur, ce qui ne vous ressemble pas, vous qui êtes si convivial en dehors de l’hémicycle, pour dire qu’alors que j’annonce que les indicateurs économiques sont bons, le dernier chiffre de la consommation serait en recul en septembre, de 0,6 %. Je me suis même demandé, mais je n’ai pas voulu le croire, si, par hasard, ce n’était pas une bonne nouvelle pour vous.

M. Didier Migaud. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà qui me rassure ! C’est bien que vous l’ayez dit parce que le ton que vous utilisiez m’a fait douter, moi qui, d’habitude, suis plutôt assez confiant dans la manière dont vous défendez vos thèses.

Je ne sais pas si les chiffres que je vais vous annoncer seront pour vous une bonne nouvelle. Ce sont en tout cas de bonnes nouvelles pour la France. On devrait donc peut-être se mettre d’accord. Certes, la consommation connaît un léger recul en septembre, de 0,6 %, mais, à ce stade, c’est une correction technique. Nous venons d’avoir trois mois excellents avec une augmentation de 1,4 % en juin, 1,2 % en juillet et 1,5 % en août. Il est donc normal, c’est traditionnel après trois mois de fort rythme, d’avoir dans ces périodes de croissance encore un peu faible ce type de ralentissement, la consommation restant comme vous le voyez encore positive.

M. Didier Migaud. Heureusement !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai ici un tableau qui nous montre qu’en rythme de glissement annuel, le rythme de consommation est de 4,2 % sur l’année. Croyez-moi, si ça se confirme, on aura raison de dire que les indicateurs commencent à être au vert, on aura de vraies raisons de penser que nos objectifs de croissance seront tenus. Je ne sais si c’est lié à notre politique économique mais, si les indicateurs étaient mauvais, qu’est-ce qu’on aurait entendu sur notre politique économique ! Faisons simplement le lien, constatons la coïncidence, et considérons qu’on ne doit surtout pas changer de braquet. Ça tombe bien, les propositions fiscales que nous faisons ont toutes une vertu : elles rendent du pouvoir d’achat aux Français et notamment aux plus modestes,…

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et elles ont un objectif : stimuler la consommation, l’investissement et l’emploi dans notre pays. Je vous garantis que nous atteindrons nos objectifs de croissance et de stabilisation des déficits et, vous le verrez, en 2007, les Français seront enthousiastes et ils en redemanderont. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. C’est Jean-François Coué !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. J’ai écouté moi aussi avec beaucoup d’attention les exemples donnés par M. Lellouche et par M. Goasguen. Les familles dont ils ont parlé n’ont pas d’autre revenu.

M. Claude Goasguen. Non !

M. Didier Migaud. Les exemples cités, notamment dans l’exposé sommaire de l’amendement de M. Lellouche, ne sont pas bons, car les personnes possédant un appartement ancien de cinq pièces, de 144 m2 environ, dans tel arrondissement de Paris, valant 795 000 euros, ne sont pas assujetties à l’ISF…

M. Jean-Pierre Brard. C’est dommage, d’ailleurs !

M. Didier Migaud. …si les conditions sont celles qu’a évoquées Claude Goasguen.

Pour un appartement valant 890 000 euros, c’est la même chose. Je remercie d’ailleurs le ministre d’avoir eu l’honnêteté de reconnaître que l’imposition au titre de l’ISF dans ce type de situation était beaucoup plus modeste que les chiffres annoncés par nos collègues.

Nous discutons depuis longtemps, et vous focalisez tout de même beaucoup sur cet impôt, pour des cotisations égales à 150 ou 200 euros. Encore une fois, est-ce une imposition confiscatoire ? Nous n’avons pas tout à fait la même définition du terme. Claude Goasguen ou M. Myard parlait d’égalité. En tant qu’élu de province, je peux vous dire que, dans la quasi-totalité des communes de province, la taxe sur le foncier bâti est très supérieure à celle de Paris.

M. Michel Bouvard. Exactement !

M. Didier Migaud. Lorsque l’on additionne la taxe sur le foncier bâti de Paris et l’impôt de solidarité sur la fortune dû pour des biens estimés à environ un million d’euros, on obtient des sommes inférieures à de nombreuses taxes sur le foncier bâti de communes de province.

M. Claude Goasguen. C’est exactement ce que je vous ai dit !

M. Didier Migaud. Il faut donc relativiser, et le fait que vous insistiez autant doit choquer, je crois, un grand nombre de contribuables de province,…

M. Claude Goasguen. Ce sont vos électeurs. Moi, je parle des miens !

M. Didier Migaud. …et je pense que de nombreux Parisiens peuvent accepter de payer une telle imposition.

Monsieur le ministre, lorsqu’il y a de bons chiffres pour notre pays, nous nous en réjouissons toujours.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tant mieux !

M. Didier Migaud. Cela dit, nous n’avons pas toujours la même interprétation que vous des chiffres qui sont donnés. Si la tendance de plus de 4,25 % se confirme, j’en serai très heureux, mais permettez-moi d’en douter, et les déclarations que j’entendais tout à l’heure me semblaient émaner plutôt de M. Jean-François Coué que de M. Jean-François Copé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Beaucoup de choses ont été dites et, de la part de M. Lellouche, beaucoup d’inexactitudes.

On peut d’abord noter que M. Copé tire les leçons de l’histoire, et il se rappelle 1986. Liquider l’ISF, oui, mais sans que cela se voie, et il met donc des barrières à l’extrémisme de certains de nos collègues comme M. Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Réalisme, lucidité, courage conviendraient mieux !

M. Jean-Pierre Brard. M. Copé n’aime pas que je cite des noms, il est discret. À vrai dire, ce n’est pas de la discrétion, c’est plutôt de la dissimulation de la part de gens très riches qui pratiquent très bien le vieil adage français : pour vivre heureux, vivons cachés. D’ailleurs, dans le 16e, entendez-vous se manifester les électeurs de M. Goasguen ou de M. Debré ?

M. Claude Goasguen. Je l’ai dit !

M. Jean-Pierre Brard. Ils ne se manifestent pas parce qu’ils sont tout à fait conscients que, par rapport à leur fortune, ils contribuent très peu.

M. Claude Goasguen. Je pensais aux vôtres !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie pour votre esprit fraternel, mais occupez-vous des vôtres, je pense qu’ils vous en seront très reconnaissants comme ils l’ont été jusqu’à présent. Ils ont bien raison puisque vous les défendez. Mais ceux-là, ils ne réclament rien.

M. Lellouche, c’est autre chose. Il défend une conception anti-fiscale, celle de 1934, celle des parvenus et des poujadistes.

M. Pierre Lellouche. Et vous, celle de 1917 !

M. Jean-Pierre Brard. Sa pétition, ça sent « les contribuables associés » à plein nez.

M. Pierre Lellouche. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si ! Et « les contribuables associés » qui vous soutiennent, monsieur Lellouche,…

M. Pierre Lellouche. Même pas !

M. Jean-Pierre Brard. …je lis leurs publications, c’est qui ? Mme Taffin, l’ancienne mairesse du 9e arrondissement, membre du CNI, le petit pont entre le FN et la droite parlementaire. C’est avec ces gens-là que vous « coquinez », et vous avez raison parce qu’ils vous soutiennent, mais ce ne sont pas des républicains. La République passe par des valeurs qui supposent la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez évoqué, monsieur Mariton, les gens qui ont une autre propriété. Eh bien, ils paient. Où est le problème ? Il faut payer des impôts. Moi, je suis républicain, fils de la révolution française. Je ne suis pas avec les privilégiés, je suis pour une participation juste et progressive, ce dont vous ne voulez pas entendre parler.

M. Lellouche, qui ne vient pas souvent, ne dit pas la vérité. S’ils n’ont que cette résidence principale, monsieur Lellouche, vous affabulez, et je vais donner un exemple qui montre à quel point vous nous prenez pour des imbéciles, et nos compatriotes avec. Pour qu’une résidence principale soit soumise à l’ISF, il faut que sa valeur dépasse 915 000 euros, 1 020 000 euros lorsque l’on a trois enfants à charge, et 900 000 euros, c’est près de 5 000 euros par mois pendant vingt-cinq ans.

M. Lucien Degauchy. Ça suffit ! Vous racontez toujours la même chose !

M. Jean-Pierre Brard. Pour payer 5 000 euros par mois de crédit, il faut gagner au moins 15 000 euros nets, sinon le banquier ne marche pas, soit près de 200 000 euros par an. Eh bien moi, je considère que quelqu’un qui gagne 200 000 euros par an peut payer l’ISF, n’en déplaise à ceux qui se rêvent dans le rôle de fossoyeurs des idées républicaines.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je m’étonne que M. Brard n’ait pas déposé un amendement disant que la propriété, c’est le vol !

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est Proudhon !

M. Pierre-Christophe Baguet. Au rythme où l’on va, on pourrait y arriver, et je crois que nos concitoyens seraient très heureux.

J’ai noté beaucoup de réalisme dans l’intervention de notre rapporteur général, et je le sens de plus en plus prêt à nous soutenir pour une réforme adaptée de l’ISF. Monsieur le ministre, j’ai senti aussi chez vous beaucoup de conviction. Comme vous, comme M. Brard d’ailleurs, nous ne voulons pas exonérer les très riches de l’ISF, nous voulons simplement, avec l’exonération de la résidence principale ou la familialisation, défendre les classes moyennes. Notre sentiment ne semble pas partagé par tout le monde, si j’en crois l’étude rendue publique hier par l’office français des conjonctures économiques. Je crois qu’en approuvant ces amendements sur l’exonération de la résidence principale, on pourrait rééquilibrer le dispositif et faire un geste envers les classes moyennes.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Ce débat est intéressant parce qu’il montre trois choses, et d’abord que la priorité de cette majorité est de s’intéresser aux classes les plus favorisées. Depuis dix-sept heures jusqu’à je ne sais quelle heure, nous parlons du cas de ces malheureux 350 000 redevables de l’impôt sur la fortune.

M. Pierre-Christophe Baguet. Les autres sont partis !

M. Jean-Pierre Brard. Votre priorité, c’est ça ! Quand on a supprimé la prime pour l’emploi à 400 000 personnes, la plupart d’entre vous n’étiez pas là !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez, monsieur Lellouche !

M. Augustin Bonrepaux. Deuxième remarque : vous êtes insatiables. La réforme de l’impôt sur le revenu bénéficie surtout à ces privilégiés, il y a la réforme des successions, qui va encore les avantager, ils pourront transmettre leur patrimoine avec beaucoup plus de déductions. Il y a le fameux bouclier fiscal, les gens qui n’ont pas de revenu ne paieront plus d’impôt,...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. S’ils n’ont plus de revenus !

M. Augustin Bonrepaux. …ni d’impôt sur le revenu ni d’impôts locaux. Ne venez donc pas nous donner de tels exemples puisque vous avez satisfaction !

Tout à l’heure, vous avez obtenu des avantages pour les bénéficiaires des stocks-options du CAC 40. Qu’est-ce qui vous manque ? Il vous manque, c’est vrai, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, et vous avez quasiment gagné puisque le rapporteur général comme le ministre se sont engagés à vous donner progressivement satisfaction, c’est-à-dire à le démanteler peu à peu.

Ce soir, vous aurez tout gagné, en expliquant que cela s’adresse aux classes moyennes. Il n’y a que 350 000 familles en France dans les classes moyennes ? C’est ça, pour vous, les classes moyennes ? Alors, je comprends de plus en plus la politique que vous pratiquez parce que, si ce sont elles les classes moyennes, il ne reste plus beaucoup pour les autres.

C’est toujours la même démarche : une fois c’est l’emploi, une autre ce sont ces pauvres miséreux qui, avec un patrimoine de 1 million d’euros n’auraient pas les moyens de payer une centaine d’euros au titre de la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Débranchez-le !

M. Augustin Bonrepaux. L’opposition a le droit de se faire entendre !

Vous pleurez sur des miséreux qui, comme ceux de l’île de Ré, ont des patrimoines de 2 millions d’euros, représentant seize fois celui d’un agriculteur. Ils peuvent bien donner quelques centaines d’euros !

Pour terminer, je reprendrai les propos votre collègue maire de La Flotte : « J’ai vu certains bâtir des fortunes que je qualifie de scandaleuses. Toute cette histoire est digne de sketches de Fernand Raynaud… » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) « Je peux vous citer le cas d’un agriculteur qui pèse 10 millions d’euros et que j’ai toujours vu se balader dans un bleu rapiécé. » Il ajoute : « L’ISF est payé par les chanceux de l’île. Il y a ici des gens qui vivent dans des conditions épouvantables, notamment des jeunes smicards, des RMIstes » – vous n’en parlez pas, cela ne vous préoccupe pas ! – « Ce sont ces agriculteurs multipropriétaires qui refusent de leur louer leur maison parce qu’ils les réservent aux touristes. »

Voilà les gens sur lesquels vous voudriez nous faire pleurer ce soir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Que la politique est détestable quand elle verse dans la caricature !

J’ai beaucoup apprécié la leçon d’histoire de M. Brard – il aime ce genre de leçon, mais avec l’histoire il est parfois fâché. Il a parlé de la position de l’UDF en 1975… alors qu’elle n’a été créée qu’en 1978. Mais cela ne vous gêne visiblement pas ! (Rires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il vous a eu !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai consulté une revue juridique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ceux qui l’ont créée, dont je ne suis pas, pourraient en attester.

M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez encore à la crèche.

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, hélas pas à Drancy, mais à Montreuil. Vous n’en étiez heureusement pas encore le maire.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi ? Vous n’auriez pas eu de place ?

M. Jean-Christophe Lagarde. En effet, je n’en aurais pas eu si vous aviez su ce que j’allais devenir.

Pour ma part, je suis favorable à ce que les plus riches paient cet impôt…

M. Jean-Pierre Brard. Enfin !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et qu’il soit proportionnel à la fortune. M. Migaud et M. le ministre ont raison : ce n’est pas une grosse somme que sont amenés à payer ceux qui se sont théoriquement enrichis grâce à la hausse des prix de l’immobilier. Mais, en réalité, ces contribuables n’ont rien gagné tant qu’ils ne vendent pas. Sans compter que, lorsqu’ils vendront, ils seront taxés.

Même s’ils ne sont amenés à payer que 200, 300 ou 400 euros, est-ce juste ? – et je ne défends pas ma circonscription : elle ne compte aucun contribuable assujetti à l’ISF.

M. Augustin Bonrepaux. Vous cherchez à nous faire pleurer !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais non ! Vous caricaturez parce que nous sommes à dix-huit mois d’une élection présidentielle !

Quelle hypocrisie de taxer de prétendus riches, même de 300 ou 400 euros, pendant quatre ou cinq ans, car si les prix de l’immobilier chutent dans quelques années, ces gens-là sortiront de l’ISF. D’ailleurs, certains d’entre eux y sont entrés et ne le savent même pas. C’est le principe même d’une telle imposition qui me choque. Que les gens riches payent l’impôt !

Il me semble plus choquant d’exonérer les actionnaires, que celui qui possède un bien immobilier, qui n’y peut mais : il n’a pas demandé l’augmentation du prix de l’immobilier, il n’a pas changé de travail. Certes, il ne gagne pas 800 euros, mais souvent entre 1 500 et 3 000 euros. Même s’il peut payer cet impôt, il n’est pas logique qu’il soit catalogué comme riche.

Monsieur le ministre, je regrette que le Gouvernement, par trouille des réactions caricaturales et du signal envoyé dans le pays, refuse de trouver une voie juste et équilibrée. C’était pourtant à lui de le faire.

Vous disiez tout à l’heure que la réforme fiscale était juste, mais ce n’est pas l’avis de l’OFCE, qu’on ne peut soupçonner de parti pris.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oh si !

M. Jean-Christophe Lagarde. De votre point de vue, peut-être.

En revanche, si l’on acceptait d’exonérer la résidence principale sous réserve d’un plafond, le château de Mme Bettencourt – même s’il n’est pas correct de citer un nom – resterait taxé. Et M. X, habitant de Montreuil, des Lilas ou du Pré Saint-Gervais, dont le bien a augmenté et qui ne possède aucune autre propriété, pourrait être exonéré.

En écoutant la voix de la raison et en évitant les caricatures, il serait donc possible de trouver une solution juste pour faire payer les véritables riches.

Mais, à l’approche des élections, nous sommes dans les horions et les quolibets. J’espère que le Sénat sera plus sage que l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur certains bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Dans l’équilibre subtil que nous avons choisi, il n’y a probablement, parmi les amendements en discussion, aucun d’eux pour lequel nous puissions voter.

Le thème, M. le ministre, l’a rappelé, c’est l’emploi. La mise en perspective des questions d’impôt sur la fortune permet de voir le chemin qui a déjà été parcouru, le choix fait pour 2006 par l’amendement de Pierre Méhaignerie en matière d’emploi mais aussi les corrections qu’il serait juste d’apporter afin que l’ISF devienne enfin cet impôt ordinaire que j’appelais tout à l’heure de mes vœux.

Parmi les idées qui ont été évoquées – et nombre d’entre elles étaient intéressantes –, je citerai l’amendement de M. Baguet car il est inadmissible que l’ISF soit aussi mal familialisé, aujourd’hui : 150 euros, pensez donc ! Un impôt qui s’applique aux personnes doit prendre en compte la situation familiale du contribuable, c’est un principe essentiel de notre système fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. M. Bonrepaux nous a confié qu’il avait envie de pleurer en nous écoutant. Pour ma part, après avoir écouté les propos extraordinairement archaïques, caricaturaux de certains orateurs de gauche, je n’ai guère le moral !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes toujours modeste !

M. Pierre Lellouche. Hélas pour notre pays, vous vous complaisez dans la démagogie…

M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !

M. Pierre Lellouche. …alors que les questions soulevées ce soir sont sérieuses, qu’elles touchent à la justice et à l’équité.

Je regrette d’autre part, monsieur le ministre, qu’en dépit de votre brio vous ne m’ayez pas convaincu.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas à propos de vous, monsieur Lellouche, que l’on pourrait parler de brio !

M. Pierre Lellouche. Le système que nous allons maintenir ce soir est antifamilial et antinataliste. Vous aurez beaucoup de mal à convaincre les milliers de personnes qui signent actuellement nos pétitions que le système actuel est juste et moral. Il est au contraire injuste et immoral.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas vrai, vous mentez !

M. Pierre Lellouche. Injuste, parce qu’il touche beaucoup de gens modestes, beaucoup de chômeurs et de retraités aux revenus faibles…

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’esprit Stavisky !

M. Pierre Lellouche. Vous pouvez choisir de ne pas regarder la réalité, c’est votre problème et votre spécialité.

M. Jean-Pierre Brard. Quel culot !

M. Pierre Lellouche. Immoral, car il y va du droit au logement.

En effet, comme cela vient d’être dit, ceux dont le logement s’est trouvé valorisé n’ont rien gagné et ils ne peuvent rien en faire sinon l’habiter, et on est en train de les taxer simplement parce qu’ils ont un toit au-dessus de leur tête.

M. Jean-Pierre Brard. On est en train de les spolier, dites-le !

M. Pierre Lellouche. M. Migaud nous dit qu’ils ne paient pas beaucoup d’impôt. Mais cet argument ne porte pas parce que la machine est injuste et immorale.

M. Jean-Pierre Brard. M. Lellouche parle de moralité alors qu’il soutient la guerre en Irak ! M. Lellouche, l’agent de Bush en France !

M. Pierre Lellouche. Résultat : toutes les classes moyennes comment à gronder.

Ce soir, mes chers collègues de la majorité, en votant contre ces amendements, en suivant le Gouvernement et l’accord passé avec la commission des finances, vous faites une erreur politique. Ceux que vous pénalisez au premier chef, ce sont les classes moyennes, qui paient de tous côtés sans bénéficier d’aucune aide.

Enfin, s’agissant du bouclier fiscal, j’avoue, mais peut-être ne suis-je pas suffisamment au courant, ne pas comprendre comment le Gouvernement peut s’engager à limiter la taxation à 60 % alors qu’il ne contrôle pas la part de la charge fiscale déléguée aux collectivités locales.

Ici, nous ne votons que l’impôt de l’État. Nous ne pouvons nous engager sur des impôts que décident les collectivités locales et qui d’ailleurs ne cessent d’augmenter.

M. Thierry Mariani. Absolument !

M. Jean-Pierre Brard. Vous feriez mieux de lire la loi de finances avant de dire des sottises.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, vous garantissez quelque chose que vous ne pouvez ni assurer ni rembourser.

M. Jean-Pierre Brard. Lisez la loi de finances !

M. Pierre Lellouche. Mais c’est un autre débat. Je ne veux ni m’y appesantir, ni vous énerver davantage.

Ce soir, mes chers collègues, monsieur le ministre, vous avez fait une erreur politique à l’encontre des classes moyennes.

M. Jean-Pierre Brard. Si c’est vous qui le dites, c’est rassurant !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Pour répondre à M. Bonrepaux qui nous accuse depuis quatre ans de grignoter peu à peu l’ISF, je rappellerai qu’il a rapporté 2,3 milliards en 2002, plus de 3 milliards d’euros aujourd’hui et que la prévision de recettes pour 2006 est de 3,3 milliards d’euros .

Au-delà des slogans, rappelons les faits ! Cet impôt rapporte de plus en plus, en faisant certains dégâts qui ont été rappelés. Mais ne caricaturons pas simplement pour des raisons idéologiques.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sans tout reprendre, je répondrai à la question ou peut-être au doute de M. Lellouche sur notre capacité à mettre en place un plafonnement incluant impôts locaux et impôts d’État.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’a pas lu le texte du PLF !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout d’abord, monsieur le député, ne sous-estimez pas notre inventivité. En bon juriste, vous savez que l’État a la compétence de sa compétence. Il a la possibilité de décider de l’organisation de toutes ces choses. Le dispositif prévu veille au remboursement du contribuable imposé au-delà de 60 % au prorata de la part de l’État et des collectivités.

M. Pierre Lellouche. L’État n’en a pas la capacité juridique !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais si, monsieur Lellouche.

Je vous propose de venir nous rejoindre lors du débat de deuxième partie. Nous vous en ferons la démonstration avec beaucoup de constance. Peut-être, à cette occasion, pourrez-vous constater qu’en s’impliquant ensemble sur ces sujets si difficiles, cela marche toujours mieux.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix les amendements identiques nos 80 et 150.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

………………………………………………….

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 222.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 221.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 157.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au second scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l’amendement n° 148.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 63.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 149.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 153.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Connaissant, comme tous les membres de la commission des finances, votre équité, monsieur le président Méhaignerie, je n’ai pas de raison de douter de la sincérité de vos propositions. Je livre donc à votre réflexion les propos tenus par un certain M. Denis Payre, administrateur délégué de la société Kiala et fondateur de l’organisation patronale Croissance Plus, dans un entretien publié aujourd’hui par Les Échos. Je regrette de vous voir partir, monsieur Lellouche, car mon amendement vous intéresserait.

J’en reviens à vous, monsieur Méhaignerie. Comme on demande à ce personnage, qui se prétend Français et a quitté la France pour la Belgique, s’il reviendra au cas où votre amendement est adopté, celui-ci répond que ce n’est pas dans ses intentions pour l’instant. Plus loin, alors qu’on lui demande s’il n’estimait pas la réforme de l’ISF inéquitable du point de vue de la justice fiscale, voici ce qu’il répond : « C’est vrai que la réforme ne concerne pas beaucoup de gens, mais ce sont des gens très importants ». Voilà comment les privilégiés parlent d’eux-mêmes.

Je répète que je déplore vraiment l’absence de M. Lellouche, car il a l’habitude de s’opposer à la mesure que je propose.

Je voudrais commencer par une citation : « La possession d’une œuvre d’art permet de conjuguer rêve, plaisir et patrimoine : le rêve de posséder une œuvre d’un artiste que l’on estime, le plaisir de la contemplation purement esthétique, enfin une diversification patrimoniale qui offre de nombreux avantages fiscaux. Dans une période de complète transformation du marché de l’art, acquérir et conserver des œuvres d’art apparaît comme une réelle opportunité. Valeur de prestige et de plaisir, les objets d’art sont exonérés d’impôt sur la fortune, permettent d’acquitter certains impôts et sont aisément transmissibles. » Ces mots sont extraits du chapitre « Investir dans les œuvres d’art » du Guide de l’immobilier et de la défiscalisation, accessible sur Internet.

Par l’amendement que nous vous soumettons, nous entendons mettre fin à l’arrogance des lobbies du marché de l’art, qui déclarent, toujours selon le même guide : « Les œuvres d’art, quelle que soit leur nature, ne sont pas assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune. Dans cette mesure, elles ne sont pas mentionnées dans la déclaration de l’ISF, et les montants consacrés à l’acquisition sont non imposables. Cette disposition fiscale, applicable aussi bien aux peintures, dessins, gouaches, aquarelles qu’aux sculptures et aux bronzes, en fait un parfait outil de déplafonnement de l’ISF. »

Ce que nous vous proposons – vous voyez, monsieur Copé, que je suis fidèle à mes convictions en ce qui concerne l’élargissement de l’assiette –, c’est de mettre fin à cette pratique, largement encouragée et relayée par ces lobbies, principalement celui des marchands de tableaux.

À cet égard, cet amendement a deux vocations principales : lutter contre la fraude, mais aussi inciter à la présentation des œuvres d’art, en en faisant un motif d’exonération, de même que seraient exonérées les œuvres dont les auteurs sont vivants, afin d’encourager la création.

Vous savez très bien, monsieur Copé, que les œuvres d’art sont un moyen de blanchir l’argent du crime, qu’il provienne du trafic de drogue ou d’autres trafics mafieux. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les conditions d’exonération proposées par cet amendement mettent à l’abri de la fiscalisation les honnêtes gens, qui, certes, sont riches, monsieur Goasguen, et possèdent des Modigliani, des Pissarro, que sais-je encore…

M. Claude Goasguen. Fabius notamment !

M. Jean-Pierre Brard. …du moment qu’ils se comportent comme des gardiens bénévoles des œuvres d’art, qu’ils présentent régulièrement au public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 153.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 219. Je pense, monsieur Brard, qu’il relève du même esprit que le précédent ?

M. Jean-Pierre Brard. L’esprit d’une œuvre d’art est toujours difficile à saisir, monsieur le président !

M. le président. Il faut la contempler longuement.

M. Jean-Pierre Brard. Si vous considérez une madone du Titien, par exemple, vous verrez que cet esprit peut même sortir du cadre laïque.

Mais pour en venir au sujet de cet amendement, monsieur le président, je voudrais vous proposer une autre citation.

M. le président. Est-ce vraiment nécessaire, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Ça l’est d’autant plus que vous avez expédié le vote précédent, ce qui ne permet pas d’éclairer l’Assemblée,...

M. le président. Vous mésestimez sa capacité de compréhension, qui est très grande.

M. Jean-Pierre Brard. …et au-delà nos concitoyens, sur la discrétion avec laquelle la droite sait dissimuler d’un nuage de fumée son manque d’esprit républicain sur ces questions.

Voici la citation : « Une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés. Je vous vois manifester votre adhésion, monsieur Bouvard. Formulé dès 1789 – n’oubliez pas que la Révolution est née d’une révolte contre l’injustice fiscale…

M. Philippe Auberger. Et de la faillite des finances de l’État !

M. Jean-Pierre Brard. Vous devriez m’approuver, monsieur Auberger, vous qui étiez inspecteur des finances.

Je poursuis ma citation : « Inscrit dans l’actuelle Constitution française, le principe d’égalité devant l’impôt est depuis deux siècles le droit de l’homme le plus maltraité. Il n’a guère inspiré des politiques généralement conduites, au mieux de leurs intérêts, par les classes dominantes et leurs représentants dont la constante préoccupation est de transférer sur d’autres la charge fiscale chaque fois que le rapport de force social le permet, c’est-à-dire la plupart du temps. » Ce commentaire du journaliste Christian de Brie date de 1995. Dix ans après, la réalité reste malheureusement la même.

C’est la raison pour laquelle, dans un souci de justice, d’équité et de transparence, cet amendement vise à intégrer les œuvres d’art ainsi que les objets d’antiquité et de collection dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, et à ne maintenir l’exonération actuelle que pour les biens meubles qui constituent le complément artistique des immeubles classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, pour les œuvres présentées au public et pour les œuvres des artistes vivants.

Christian de Brie considère qu’en ce qui concerne le produit de l’ISF, 7,5 milliards de francs, et je rappelle que Le Monde diplomatique a publié cet article en 1995,…

M. Michel Bouvard. C’est la même citation tous les ans ! Vous devriez l’enregistrer !

M. Jean-Pierre Brard. …soit 0,25 % du prélèvement global, ce produit devrait être relevé pour garantir au moins le financement du RMI auquel il est affecté. Ce qui pourrait être obtenu en réintégrant dans les bases d’imposition actifs professionnels et œuvres d’art exonérés. 

M. Claude Goasguen. Il faut dire ça à M. Fabius !

M. Jean-Pierre Brard. C’est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement. Quant à vous, monsieur le ministre, j’espère que vous serez plus disert. Les œuvres d’art ne devraient pas laisser indifférent l’homme de culture que vous êtes, me dit-on. Si mon amendement est voté, vous en verrez beaucoup plus, puisque ceux qui les possèdent seront exonérés de l’ISF à ce titre dès lors qu’ils les présentent au public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas courant, mais je partage, en grande partie du moins, l’avis de M. Brard, et je voterai son amendement, bien qu’il n’ait malheureusement aucune chance d’être adopté.

L’exonération des œuvres d’art est un héritage de Laurent Fabius, qui était alors Premier ministre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. C’est faux !

M. Jean-Christophe Lagarde. Excusez-moi, mais elle a été décidée sous son gouvernement. On peut facilement vérifier ce fait, que chacun connaît d’ailleurs, jusque dans la France la plus profonde.

En rejetant cet amendement, après avoir rejeté les amendements que nous avons proposés tout à l’heure, l’Assemblée va confirmer cette situation très juste du point de vue fiscal : il vaut mieux en France posséder un Renoir ou un Rembrandt plutôt que d’être propriétaire de l’appartement qu’on habite, qui a pris de la valeur sans qu’on se soit enrichi. Je trouve cela bien triste pour la fiscalité française.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je veux simplement souligner un point de méthode : cet amendement étant plus éloigné du texte actuel que l’amendement précédent, il n’y a pas lieu d’en délibérer dès lors qu’on a refusé l’amendement précédent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous m’avez reproché tout à l’heure, cher collègue Jean-Christophe Lagarde, d’avoir fait une erreur chronologique : il s’agissait d’une citation du Jurisclasseur. S’il comporte une erreur quant à la date de création de l’UDF, je vous prie de le faire savoir aux intéressés.

Quant à ce que vous avez dit à propos de l’exonération des œuvres d’art, cet amendement, que nous avons déjà présenté lors de trois lois de finances successives, a été adopté par toute la partie gauche de l’hémicycle. Il faut donc rendre à chacun ce qui lui revient, et M. Didier Migaud a toujours soutenu cette proposition. Mais elle a à chaque fois été repoussée à l’occasion d’une deuxième délibération, sous la pression d’un lobby : il faut appeler les choses par leur nom. Vous allez encore sauter au plafond, monsieur Copé, parce que je vais citer un nom : ce lobby était animé par Mme Françoise Cachin, entre autres, notamment tous les piliers de cocktails qui dissertent de l’avenir de la France un verre de champagne dans une main et un canapé de caviar dans l’autre (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Monsieur Brard…

M. Jean-Pierre Brard. Voilà dans quelles conditions mon amendement a été adopté au cours de ces trois années successives. Et M. Lellouche a évidemment toujours été au nombre de ses opposants.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 219.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 220 et 252.

On peut considérer que l’amendement n° 220 est défendu, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Certainement pas ! Les gens modestes méritent qu’on leur consacre du temps. et comment peut-on améliorer leur situation, sinon en prenant l’argent là où il est ?

M. Hervé Mariton. Il n’y en a plus !

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que cela vous agace, mais vous devez accepter de nous entendre, aussi désagréable cela soit-il pour vos oreilles, si délicates dès lors qu’on s’en prend aux privilégiés.

Issu d’un amendement de M. Badré et des membres du groupe de l’Union Centriste du Sénat, adopté au cours de la première lecture du projet de loi relatif à l’initiative économique, l’article 885-I bis du code général des impôts, que nous vous proposons de supprimer, ne constitue en aucune façon un moyen de dynamiser l’activité économique de notre pays, des petites et moyennes entreprises en particulier. Il n’a qu’un seul et unique but : accorder une exonération de 50 % au titre de l’ISF en faveur des actionnaires signataires d’un engagement collectif de conservation.

Cet article du code général des impôts accorde une exonération de l’ISF sur les parts ou actions détenues dans une entreprise, sous certaines conditions. On nous a expliqué, lors de la discussion par notre assemblée du projet de loi relatif à l’initiative économique, que l’ISF aurait des effets pervers sur l’initiative économique, ce que vous n’avez pas démontré. Pour notre part, nous continuons de penser, non seulement que les biens professionnels ne devraient pas être exonérés, mais que l’assiette de l’ISF devrait être élargie à l’ensemble des actifs financiers.

Comme le souligne l’économiste Thomas Piketty,...

M. Jacques Myard. Il ne manquait plus que lui !

M. Jean-Pierre Brard. …« désormais, plus besoin de travailler dans l’entreprise ; il suffit de signer un pacte avec un groupe quelconque d’actionnaires, dont au moins un travaille dans l’entreprise, pour être exonéré. On risque donc d’assister à la multiplication de pactes d’actionnaires purement artificiels, dans l’unique but de bénéficier d’exonérations fiscales. »

Là encore on favorise la logique du court terme et la recherche de l’avantage fiscal immédiat, au détriment d’une stratégie à moyen et à long terme. Est-il besoin d’ajouter que, dans le contexte économique actuel, la suppression de cet article est aussi une exigence éthique ?

Monsieur le ministre, vous connaissez la tradition du capitalisme français. C’est un capitalisme de rentier par opposition au capitalisme rhénan. C’était déjà le cas sous Guizot, sous Napoléon III, et vous continuez d’encourager cette tradition qui ne favorise pas l’investissement et, de surcroît, nuit à l’emploi.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 220 et 252, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour défendre l’amendement n° 252.

M. Jean-Louis Idiart. Nous proposons d’abroger l’article 885 I bis du CGI afin de mettre un terme aux cadeaux fiscaux accordés en matière d’impôt de solidarité sur la fortune par la majorité et le Gouvernement, notamment à l’occasion de la loi sur l’initiative économique et de la loi de finances pour 2005.

Le présent amendement vise plus précisément la possibilité d’échapper à l’ISF dans le cadre d’un pacte d’actionnaires représentant 20 % seulement des droits d’une société, dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale.

Appuyé sur un discours visant à « exonérer l’outil de travail », alors que tel a toujours été le cas, ce dispositif permettrait en fait d’échapper à l’ISF dans des conditions particulièrement souples.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur les amendements identiques nos 220 et 252.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. le président. Les amendements nos 119, 126 rectifié, 37, 101 et 79 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d’un amendement n° 253.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Il s’agit de remettre en cause une disposition votée par la majorité en 2003 et qui constitue un cadeau fiscal en matière d’impôt de solidarité sur la fortune. En effet, alors que vous prétendez baisser l’impôt de solidarité sur la fortune pour lutter contre les délocalisations, cette disposition permet d’exonérer de l’ISF les placements en capital au sein d’une PME qu’elle soit installée en France ou à l’étranger dans l’Union européenne. Que les experts de l’ISF nous expliquent en quoi cela permet de lutter contre les délocalisations ! Le rapporteur général du Sénat a d’ailleurs fait un rapport où il constate que l’efficacité de cet allègement n’est pas vérifiable. Contrairement à ce que vous affirmez, il ne s’agit donc pas d’une mesure en faveur de l’emploi mais, une fois de plus, d’un cadeau fiscal. Voilà la réalité, en décalage avec votre discours.

Cette disposition ne sert à rien et, dans la mesure où l’État manque de moyens, nous proposons de la supprimer pour réaliser des économies.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 253, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je suis également saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur le vote de l’amendement n° 246.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin sur l’amendement n° 253.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. le président. Nous en arrivons au vote, précédemment réservé, sur l’amendement n° 246.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle que la commission des finances a adopté cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour une courte explication de vote.

M. Augustin Bonrepaux. Sans refaire le débat, nous voulons expliquer la position du groupe socialiste. Depuis le début de la discussion budgétaire, ce n’est qu’accumulation de mesures en faveur des classes les plus favorisées. La majorité juge insuffisant le bouclier fiscal, parce que, du fait de leurs revenus excessifs, un certain nombre de contribuables vont dépasser le plafond fixé. Pour leur éviter ce danger, il faut donc fabriquer pour eux un autre bouclier, qui s’adressera plus particulièrement aux heureux bénéficiaires des stock-options, quoique les échanges confus entre le ministre, le président de la commission des finances et le rapporteur général n’aient pas permis de savoir s’ils étaient concernés ou pas. En tout cas, ce que nous savons, c’est que ceux du CAC 40, eux, sont particulièrement concernés.

M. Philippe Auberger. Il n’a rien compris !

M. Augustin Bonrepaux. Et pourtant, il me semble que la priorité aujourd’hui serait plutôt de s’occuper de l’emploi et des personnes en difficulté, qui sont malheureusement les grandes oubliées du débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une courte explication de vote.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à l’heure, Pierre Méhaignerie a été distrait de l’attention qu’il nous accorde toujours par le ministre, et il n’a donc pas entendu ce que j’ai dit à propos de l’interview de Denis Payre, administrateur délégué de Kiala et fondateur de Croissance Plus, dans Les Échos du 21-22 octobre. Cette interview révèle une constance chez les « Coblençards »…

M. Philippe Auberger. Il est à Bruxelles, pas à Coblence !

M. Jean-Pierre Brard. …longtemps après la Révolution, sans parler de certaines affinités avec les pétainistes.

L’extrait que je cite vaudra explication de vote, monsieur le président. Question des Echos : « L’amendement exonérant 75 % des actions nominatives détenues par les salariés ou les personnes engagées dans un pacte d’actionnaires sous réserve de les conserver six ans aurait-il modifié votre décision de quitter la France ? ». La réponse de Payre révèle l’illusion dans laquelle vous vous trouvez : « Cet amendement est clairement un pas en avant. Il résout une part de la question de la taxation de l’outil de travail et il aurait amélioré ma situation. Mais il comporte tout de même une forte contrainte qui est l’obligation de ne pas céder ses titres pendant six ans. Cela peut induire des comportements qui ne sont pas forcément dans l’intérêt de l’entreprise, notamment pour les entreprises cotées. »

Deuxième question : « La réforme de l’ISF, qui va coûter plusieurs centaines de millions d’euros, repose davantage sur l’observation de cas particuliers que sur des évaluations précises et concordantes ; n’estimez-vous pas qu’elle est inéquitable d’un point de vue de justice fiscale ? » C’est un journaliste des Échos qui parle, pas de L’Humanité ! Réponse : « C’est vrai que la réforme ne concerne pas beaucoup de gens, mais ce sont des gens très importants. »

Fait-on la loi pour des gens qui n’ont aucun sentiment national, aucune fibre patriotique et qui sont prêts à piétiner le pays qui les a formés, dans la tradition de Coblence et de Pétain ?

M. Claude Goasguen. Vous oubliez Staline !

M. le président. Avant de passer au scrutin, je souhaiterais savoir si le Gouvernement lève le gage.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 246, compte tenu de la suppression du gage.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté l’amendement n° 246 modifié.

M. le président. Les amendements nos 98, 97, 402, 396, 412 et 411 rectifié ne sont pas défendus.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l’amendement n° 254.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement a pour objet de supprimer l’indexation de l’ISF. Il convient en effet de rétablir un peu de justice, de trouver des moyens pour aider les catégories les plus défavorisées, un peu oubliées dans cet hémicycle. Cette suppression permettrait en particulier d’améliorer considérablement la prime pour l’emploi, au prix d’un effort supplémentaire demandé à ceux qui ont la chance d’avoir un patrimoine, souvent reçu en héritage. C’est un effort qui n’a rien d’exagéré ni de scandaleux, nous l’avons démontré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 254.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 243.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. L’impôt n’est pas en lui-même chose diabolique. Il est, au contraire, tout à fait légitime et les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en étaient déjà conscients. Mais, pour être accepté et efficace, l’impôt doit être juste et tenir compte, dans toute la mesure du possible, des situations spécifiques, pour les différentes catégories d’impositions.

L’impôt de solidarité sur la fortune doit aussi être examiné selon ce principe. D’une manière générale, il mériterait qu’on en élargisse l’assiette, ce qui permettrait de revoir les taux.

L’ambition de cet amendement est beaucoup plus modeste. Il vise à traiter des cas peu nombreux mais qui sont montés en épingle, comme ce fut le cas l’été dernier, dans une vaste campagne médiatique, pour faire croire à je ne sais quel caractère confiscatoire de l’ISF, ce qui est absolument faux.

Néanmoins, il faut essayer de mettre fin à des situations injustes lorsqu’elles se présentent et c’est l’objet du présent amendement. Nous proposons en effet que, lorsqu’un contribuable non imposé à l’impôt sur le revenu se trouve assujetti à l’ISF pour sa résidence principale à la suite d’un héritage, il puisse opter pour un report de paiement de l’impôt à sa propre succession. Les finances publiques n’y perdraient rien puisque l’impôt serait acquitté, le bien étant d’ailleurs gagé à cet effet, mais le contribuable pourrait continuer à vivre dans sa résidence principale pour le reste de ses jours. Tel est l’objet de cet amendement que nous vous proposons d’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je veux simplement souligner la contradiction entre les propos de M. Brard et cet amendement qui reconnaît que les gens devenus plus riches en héritant de leur résidence principale ne peuvent pas forcément payer l’ISF.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 243.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 158.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, vous avez approuvé l’amendement de M. Méhaignerie par souci de l’emploi. J’en prends acte et je propose que les personnes redevables de l’ISF puissent acquitter leur impôt en investissant dans les PME. Ce serait un formidable levier pour ces dernières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je rappelle à M. Myard que l’investissement en numéraire dans une PME est exclu de l’assiette imposable à l’ISF. Bien sûr, ce n’est pas une réduction d’impôt, cela ne m’a pas échappé, mais il y a déjà une incitation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 158.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements nos 46, 443 et 62, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n° 46.

M. Michel Bouvard. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 62, que défendra M. Goasguen.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 443.

M. Hervé Mariton. Ces trois amendements obéissent à la même logique. Pour que l’ISF devienne un impôt ordinaire, il faut lui appliquer les conditions ordinaires de prescription. Les conditions extraordinaires que l’on applique aujourd’hui créent une instabilité juridique et des difficultés particulières au moment de l’évaluation précise des biens à l’occasion d’une cession ou d’une succession, alors même que le contribuable peut être de bonne foi. Il serait raisonnable de se rapprocher du droit commun. Je propose donc un délai de six ans et M. Goasguen proposera trois ans, au lieu de dix ans comme c’est le cas actuellement. Je comprends bien qu’une telle question ne puisse être réglée dans l’instant,…

M. Jacques Myard. Tu bats déjà en retraite !

M. Hervé Mariton. …mais je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire dans ce sens.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 62.

M. Claude Goasguen. L’ISF tend à devenir un impôt ordinaire, et j’aurais presque tendance à le regretter, mais dans la mesure où il est maintenu, il faudrait pour le moins lui appliquer la législation de droit commun, qui prévoit un droit de reprise non pas de dix ans, mais de trois ans. Tel est l’objet de mon amendement.

Cela dit, je voudrais appeler l’attention du Gouvernement sur un sujet que nous avons pas évoqué : l’évaluation d’un bien soumis à succession. C’est important lorsque, par exemple, un bien ne se vend pas au prix estimé par les Domaines mais que, ceux-ci ne voulant pas céder sur leur évaluation de la succession, l’héritier est taxé à l’ISF.

À la fin de ce long débat, pour nous un peu décevant, au terme de cet imbroglio, fort déplaisant je le reconnais, monsieur le ministre, je souhaite que, au moins en ce qui concerne la prescription, même si cela ne se fait pas aujourd’hui, le Gouvernement ramène un peu de justice. Rappelons qu’en dix ans la hausse des prix du foncier dans les grandes villes a été de près de 100 % ! C’est donc bien d’une mesure de justice qu’il s’agit.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a donné un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ces amendements sont intéressants. Ils ont le mérite d’ouvrir le débat, mais je ne suis pas en état de vous répondre aujourd’hui sur cette question, car j’avoue ne pas l’avoir étudiée – j’étais focalisé sur la proposition faire par la commission dans l’amendement de M. Méhaignerie. Je suis sensible aux arguments développés par M. Mariton et M. Goasguen, mais il me faudrait un peu de temps. S’ils voulaient bien retirer leurs amendements, nous pourrions y travailler.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Les navettes laisseront au Gouvernement le temps d’examiner cette question, importante sans être extraordinairement complexe.

M. Augustin Bonrepaux. Elle est de la plus grande importance !

M. Hervé Mariton. Cela nous permettra de trancher avant l’adoption de la loi de finances. M. le ministre a mis en place une charte du contribuable, qui est une étape importante. Le changement que nous proposons irait dans le même sens. Je retire l’amendement n° 443.

M. le président. Monsieur Bouvard, retirez-vous l’amendement n° 46 ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président.

M. Claude Goasguen. Je retire également l’amendement n° 62, mais je compte bien que cette disposition soit étudiée par référence au délai de droit commun, qui est de trois ans.

M. Jacques Myard. Il faut que le Gouvernement s’engage !

M. le président. Les amendements nos 46, 443 et 62 sont retirés.

Article 18
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 10 et 245, tendant à supprimer l’article 18.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a adopté cet amendement de suppression.

La loi de finances de 2005 a institué, au profit des régions, une contribution au développement de l’apprentissage destinée à remplacer progressivement, en trois ans, la dotation budgétaire qui leur est versée au titre de l’apprentissage. Le taux de cette contribution, fixé à 0,06 % en 2005, passerait ainsi à 0,12 % en 2006, puis à 0,18 % à compter de 2007. L’article 18 accélérait le processus en portant le taux à 0,18 % dès 2006.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je regrette d’avoir présenté cette disposition, et la commission m’a remis dans le droit chemin. L’idée d’accélérer le processus n’était pas bonne, car les entreprises pourraient l’interpréter comme une remise en cause de la parole donnée.

Tout en remerciant la commission des finances et sans vouloir gâcher la soirée, je souligne néanmoins que l’acceptation de cet amendement aura pour conséquence une perte de 200 millions. La commission a indiqué vouloir contribuer à la recherche d’économies sur les dépenses.

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je serai très intéressé par cette contribution, sachant que l’on ne peut pas faire n’importe quoi, bloquer le fonctionnement d’un ministère, par exemple, mais que les économies doivent être réalistes et consensuelles. C’est dans cette perspective que je peux m’exprimer de la sorte sur la suppression de 200 millions de recettes.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. N’oublions pas qu’en instituant cette nouvelle taxe, le Gouvernement a parallèlement supprimé 396 millions d’euros de dotation d’apprentissage qui devaient revenir aux régions. Si l’on supprime maintenant 200 millions de produit, il faut les trouver ailleurs !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est ce que je viens de dire !

M. Augustin Bonrepaux. Je vais dans votre sens, monsieur le ministre. Comme la majorité veut encore vous inciter à faire 500 millions d’économies, cela fait 700 millions à trouver. Alors, de grâce, ne mettez pas en cause une fois de plus les collectivités territoriales ! Je comprends tout à fait que vous n’aimiez pas les régions, que vous vouliez vous venger, mais n’oubliez pas qu’il s’agit ici de l’apprentissage. Votre ressentiment ne doit pas vous conduire à oublier votre discours sur l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Je rappelle dans quels termes nous avons voté la réforme du calcul de la taxe d’apprentissage. Les entreprises ont eu le choix : faire l’effort d’assurer l’apprentissage elle-même ou acquitter la taxe. Cette réforme, qui a nettement augmenté le montant de leurs contributions, a été assez douloureuse pour elles. Le retour aux dispositions prévues l’an dernier en trois étapes est par conséquent une bonne décision.

Par ailleurs, la suppression d’un article n’a pas à être gagée, mais, comme l’a dit le rapporteur général, nous savons que des économies sont possibles, notamment dans l’enveloppe de la mission « travail et emploi ». Nous avons ainsi constaté que certains crédits de l’ANPE pouvaient être réduits. Par exemple, nous avons vu circuler un document émanant de l’ANPE qui n’était pas conforme à la loi Toubon, puisqu’il n’était pas écrit en français. C’est donc que certaines dépenses effectuées par un organisme vivant des fonds publics sont illégales. Dans ces conditions, il y a certainement des économies à réaliser, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour accompagner les propositions que nous ferons en ce sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je signale à M. Bonrepaux que la commission des finances a examiné les crédits de la mission « travail et emploi » avant-hier et qu’elle a doté le programme III des 200 millions nécessaires aux régions.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 10 et 245.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 18 est supprimé.

Après l’article 18
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Les quatre amendements après l’article 18, nos 211, 329, 387 et 288, ne sont pas défendus.

Article 19
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi d’un amendement n° 391 rectifié.

M. Michel Bouvard. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable, et je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 391 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 423.

M. Michel Bouvard. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis favorable à cet amendement qui tire toutes les conséquences de la baisse du taux de l’intérêt de retard en relevant, par coordination, le pourcentage du taux de l’intérêt de retard laissé à la charge du contribuable dans le cadre de la procédure de régularisation.

Le différentiel entre les taux d’intérêt créditeur et débiteur était un sujet sur lequel nous étions tous mobilisés. Cet amendement propose un taux moyen qui correspond bien à notre idée qu’il faut sortir de la politique des « deux poids, deux mesures ».

Je profite de l’occasion pour montrer à l’Assemblée la charte du contribuable qui vient de paraître et que l’on peut également consulter sur Internet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà une bonne nouvelle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sa version imprimée n’est achevée que depuis quatre jours. Vous voyez qu’elle est d’une jolie couleur, bleu République.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne manque que la photo du ministre en couverture !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle contient les droits et les devoirs des contribuables, désormais inscrits dans le marbre. Ce document devrait contribuer à améliorer leurs relations avec l’administration fiscale. Ses principes sont l’équité, la simplicité et le respect

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’égalité qu’il faut défendre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 423.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 19
(amendement précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 179, portant article additionnel après l’article 19.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. La réforme de l’article L. 62 du livre des procédures fiscales, effectuée dans le cadre du collectif pour 2004, a étendu à l’ensemble des entreprises la procédure qui permettait aux entreprises relevant du régime simplifié de régulariser leur situation pendant un contrôle fiscal sur place, sans attendre la proposition de rectification qui clôture les opérations. Dans ce cas, les rappels régularisés devraient être assortis d’un intérêt de retard réduit de 50 %, alors que précédemment le taux d’intérêt était calculé à taux plein.

Cette disposition, acceptable quand le taux d’intérêt de retard était fixé à un niveau particulièrement haut, devient moins légitime dès lors que le projet de loi prévoit d’abaisser ce taux d’intérêt à 4,80 % pour 2006. En effet, compte tenu des rémunérations offertes par les établissements de crédit sur des placements de trésorerie, aucune pénalisation financière n’interviendrait plus pour les retards de plus ou moins bonne foi qui interviennent dans le paiement des impositions.

L’amendement propose donc d’inciter toutes les entreprises au respect des délais de leurs obligations fiscales en relevant le niveau du taux d’intérêt applicable aux rectifications en cours de vérification à 80 % du taux d’intérêt légal au lieu de 50 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. L’amendement de M. Migaud pose un vrai problème. Mais M. Jean-Yves Cousin l’a résolu par l’amendement n° 423, un peu plus modéré, qui porte le pourcentage à 70 %. On peut donc considérer que l’amendement n° 179 est satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Dans ces conditions, monsieur Migaud, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?

M. Didier Migaud. Non, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 179 est retiré.

Article 20 (précédemment réservé)

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 20.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je profite de l’examen de cet article pour vous faire part, mes chers collègues, d’une excellente lecture. Dans une interview à un journal qui nous offre d’ailleurs une belle photo de lui et dans lequel notre président de séance est lui aussi croqué, M. Copé, qui n’avait pas voulu répondre à mes questions lors du vote de la loi de finances pour 2005, prend désormais en compte le problème des frontaliers.

Il reconnaît l’intérêt de l’indemnité de fin d’activité, qui permet aux buralistes qui ne vendent pas leur fonds de partir en retraite sans tout perdre. Seulement, cette mesure a un effet pervers, que nous avons déjà observé dans un autre domaine. Dès qu’on arrive aux limites de l’espace métropolitain, on ne trouve plus rien. Quelques dizaines de kilomètres avant l’ancienne frontière, on ne rencontrait déjà plus de pompistes, demain on ne trouvera plus de buralistes.

Dès lors, que font les particuliers qui souhaitent continuer à fumer ? Ils passent la frontière et se rendent, par exemple, au Luxembourg ou en Belgique. Seulement, il faut rentabiliser l’opération. Après avoir fait le plein, ils organisent donc au retour un petit trafic sympathique en rendant service à leurs voisins. D’où la nécessité de prendre des précautions pour les zones frontalières.

J’étais favorable à l’idée d’un de nos collègues de la majorité, de limiter à 200 le nombre de cigarettes que l’on peut transporter dans les véhicules privés. Celles qui circulent dans des camions de trente tonnes, la douane s’en occupe et nous savons tous qu’elle en saisit régulièrement.

Ainsi deux trafics très différents se développent aujourd’hui : l’un sous forme de petites ventes que certains font, le dimanche matin, à la sauvette, en ouvrant le coffre de leur véhicule aux endroits où l’on trouve un peu de monde ; et l’autre à grande échelle. J’insiste donc sur la nécessité d’agir.

Je signale une autre bizarrerie. Dans la vitrine des buralistes, une affichette indique que la vente de tabac, de même que celle du papier et des filtres, est interdite aux mineurs de moins de seize ans. Placés sous votre contrôle, monsieur le ministre, les buralistes font respecter cette interdiction inscrite dans le code de la santé publique. Mais les mineurs n’ont qu’une dizaine de mètres à faire pour se procurer des filtres et du papier dans un autre magasin, une épicerie, par exemple. Pour ce qui est du tabac, ils n’utilisent pas nécessairement l’herbe à Nicot – vous me comprenez, je pense – mais une autre herbe qu’on ne trouve pas chez un buraliste.

Il faudrait tout de même savoir ce que l’on veut. Si ces substances sont dangereuses, il faut faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs dans tous les commerces, en réservant exclusivement aux buralistes la vente du matériel annexe.

J’appelle l’attention du Gouvernement sur ces deux anomalies qui irritent la profession.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, vous appliquez scrupuleusement le règlement de l’Assemblée, ce qui vous honore. À ce titre, vous souhaitez que les orateurs ne défendent que des amendements qu’ils ont signés ou cosignés. J’ai par conséquent demandé la parole sur cet article, pour évoquer des amendements visant à modifier des taux de TVA et déposés après l’article 20, qui concerne le tabac. C’est le cas de l’amendement n° 26 de Thierry Mariani, à propos duquel je voudrais d’abord intervenir.

M. le président. Il sera appelé tout à l’heure.

M. Pierre-Christophe Baguet. Certes, mais je me suis inscrit sur l’article pour que mon intervention entre dans le cadre de la stricte application du règlement. J’y suis d’autant plus attaché que le groupe UDF a demandé un scrutin public sur cet amendement n° 26, qui tend à réduire le taux de TVA sur la restauration.

On peut aborder le sujet de deux façons.

Pour ce qui est de la forme, je rappelle à nos collègues du groupe socialiste que, lorsque M. Fabius était président de l’Assemblée nationale,…

M. Jean-Louis Dumont. Ce fut un admirable président !

M. Pierre-Christophe Baguet. …il avait écrit au président de l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, pour apporter tout son soutien à cette mesure. J’étais à l’époque jeune député et M. Sauter ministre délégué au budget. Quand je lui avais présenté cette lettre, dans ce même hémicycle, il s’était montré très gêné et avait pris l’engagement de réduire le taux de TVA l’année suivante. Un an après, malheureusement, le ministre délégué au budget n’était plus le même et son successeur avait oublié cette promesse. En son temps, sur les bancs du groupe RPR, le Président de la République actuel s’était engagé lui aussi à réduire le taux de TVA sur la restauration. À l’UDF, nous demandons cette mesure avec constance. J’ai même déposé une proposition de loi en ce sens, qui a recueilli plus de 140 signatures.

Sur la forme, donc, il serait bon que nous nous décidions un jour à assumer nos engagements.

Pour ce qui est du fond, je conviens, monsieur le ministre, qu’une telle mesure coûterait cher. Néanmoins, le chiffre de 3 milliards d’euros qui a été avancé me semble excessif. On parlait jadis d’un manque à gagner pour l’État de 20 millions de francs, mais j’avais fait valoir qu’une telle mesure coûterait probablement deux fois moins cher, 8 à 9 millions tout au plus. N’oublions pas, en effet, ce que rapporterait au secteur de la restauration un abaissement du taux de TVA. Le chiffre d’affaires des brasseries et des restaurants ne manquerait pas d’augmenter, accroissant du même coup le produit de l’impôt sur les sociétés. De nombreux emplois seraient créés, sources de cotisations sociales perçues par l’État, qui aurait également moins d’indemnités de chômage à verser. Enfin, comme ils s’y sont engagés, les professionnels se lanceraient dans des investissements qui favoriseraient la consommation. L’État retrouverait donc une très grande partie du coût de cette mesure. Je rappelle d’ailleurs qu’elle ne toucherait pas les alcools consommés sur place, puisqu’elle ne s’appliquerait qu’à la restauration et aux boissons non alcoolisées. Son coût n’excéderait donc pas 1 ou 1,2 milliard d’euros.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et ce serait une mesure excellente pour l’emploi !

M. Pierre-Christophe Baguet. Entre-temps, le Gouvernement a procédé à des allègements de charges qui sont loin d’être négligeables – 900 millions d’euros en 2004, 550 millions en 2005 et 500 millions en 2006 – mais qui ne représentent qu’un sixième de la réduction du taux de TVA à 5,5 %. Cependant, grâce à ces allègements de charges, les professionnels ne sont pas restés inactifs. Ils ont notamment augmenté le SMIC de 11 % et accordé de nombreux avantages à leurs salariés, dont la prévoyance et cinq jours de congés prenables ou payables supplémentaires. L’UMIH et les professionnels sont prêts à poursuivre leurs efforts sur la grille des salaires en présentant des propositions dès le 2 novembre prochain à la commission mixte paritaire. On le voit : beaucoup d’arguments plaident en faveur de l’amendement n° 26.

Puis-je dire encore un mot pour présenter l’amendement n° 390 de M. Francis Hillmeyer, monsieur le président ?

M. le président. Nous vous écoutons.

M. Pierre-Christophe Baguet. Depuis l’instauration d’un taux de TVA à 5,5 % sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans, les entrepreneurs paient la TVA au taux de 19,6 % sur leurs achats de matériels et de fournitures, et la facturent au taux de 5,5 %. Pour certains corps de métiers, ces achats représentent tous les mois un montant important. Pour eux, le montant de la TVA déductible est désormais beaucoup plus important que celui de la TVA récoltée. Ils disposent donc d’un important crédit de TVA dont ils ne peuvent demander le remboursement que trimestriellement lorsqu’ils sont soumis au régime normal d’imposition et annuellement lorsqu’ils sont soumis au régime normal simplifié. Comme la réduction autorisée du montant des acomptes versés ne leur sert à rien, la trésorerie de ces entreprises est totalement asséchée et elles subissent de ce fait un préjudice important.

Il paraît légitime que, dès lors qu’il dépasse 750 euros, les entrepreneurs du bâtiment puissent demander mensuellement le remboursement du crédit de TVA dont ils disposent. Il ne s’agirait d’ailleurs que d’une mesure d’accompagnement du dispositif d’instauration de la TVA à taux réduit pour certains travaux immobiliers.

M. le président. Aucun amendement n’a été déposé sur l’article 20.

Je le mets aux voix.

(L’article 20 est adopté.)

Après l’article 20
(précédemment réservé)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 20.

Je suis saisi d’un amendement n° 177.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Dans le cadre de la loi de finances pour 2002 a été mise en place une taxe sur les transactions financières, de type taxe Tobin, dont le taux devait être déterminé en référence à une décision du Conseil européen. Depuis, le Président de la République a multiplié les déclarations favorables à un projet de cette nature, en particulier au Sommet de Johannesburg, où il a appelé à la mise en place rapide d’une telle taxation afin de financer le développement des pays les moins avancés.

Pour que des déclarations aussi fortes n’apparaissent pas comme de simples vœux pieux et ne restent pas lettre morte, elles doivent être suivies rapidement d’effets : on ne saurait se contenter de la mise en place d’une énième commission d’experts. Nous souhaitons donc aider le Président de la République à concrétiser ses intentions et à soutenir l’actuelle majorité qui ne peut, me semble-t-il, se présenter aux prochaines élections sans avoir respecté un engagement d’une telle importance.

M. Philippe Auberger. M. Tobin est mort sans avoir concrétisé son projet !

M. Michel Bouvard. Qui était le rapporteur général qui combattait un amendement similaire il y a quelques années ?

M. Didier Migaud. Aussi proposons-nous une mise en œuvre anticipée du dispositif prévu en loi de finances pour 2002, en fixant un taux de 0,05 % applicable à compter du 1er janvier 2006, dans un premier temps en France. Encore une fois, ce premier pas permettrait de concrétiser un engagement fort pris par le Président de la République, ainsi que par un très grand nombre d’entre nous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Il n’y a pas si longtemps, monsieur Migaud, vous étiez vous-même rapporteur général du budget et je me souviens des contorsions auxquelles vous vous livriez pour refuser, chaque année, un amendement similaire défendu, si ma mémoire est bonne, par Julien Dray et quelques-uns de ses collègues.

M. Didier Migaud. Entre-temps, le Président de la République est passé par là !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Finalement contraint d’accepter l’amendement, vous l’aviez sous-amendé pour fixer le taux de la taxe à 0 % ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd’hui, vous souhaitez porter ce taux à 0,05 % mais, entre-temps, le Président de la République a agi…

M. Jean-Louis Idiart. Il est passé à gauche !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et a récemment proposé une taxe sur les billets d’avion. Vous avez donc satisfaction, grâce au Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis heureux de voir M. Migaud s’orienter avec allégresse vers le chiraquisme. En effet, comme l’a excellemment rappelé M. Carrez, le Président de la République a su saisir une excellente opportunité en proposant une taxe sur les billets d’avion. Nous nous engageons donc dans cette voie. J’invite donc M. Migaud à retirer cet amendement et à apporter son soutien psychologique à l’action du Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Le terme d’allégresse me paraît un peu fort. Je suis simplement sensible au fait que des femmes et des hommes politiques respectent leurs engagements. Pour le moment, rien de concret n’a été fait. Là, vous avez la possibilité, monsieur le ministre, de concrétiser un engagement du Président de la République.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous-même, vous avez refusé cette mesure il y a quelques années !

M. Didier Migaud. Les choses ont changé.

M. le président. Monsieur Migaud, vous n’allez pas reprendre votre démonstration.

M. Didier Migaud. En tout cas, je constate que, sur cette mesure, le Président de la République ne bénéficie d’aucun soutien dans cet hémicycle.

M. le président. Vous voilà devenu un zélateur du Président de la République !

M. Didier Migaud. Là encore, le terme est un peu fort, monsieur le président. Simplement, lorsqu’une idée est bonne, nous la défendons, quel que soit le lieu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Puisque nous parlons de taxe, je souhaiterais, monsieur Copé, que vous nous disiez ce qu’il en est exactement de la TVA à 5,5 % pour les travaux dans le logement, car vous avez démenti, dans Le Monde, les propos que M. Breton avait tenus dans Le Parisien, auquel il a déclaré que la TVA à 5,5 % serait reconduite.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes tenace, monsieur Brard, mais je suis aussi inusable que vous. Je joue au tennis et je sais très bien que celui qui gagne est celui qui place la dernière balle. (Sourires.)

Les choses sont tout à fait claires. Je n’ai fait que redire, après M. Breton, que nous étions absolument déterminés à convaincre, lors du Conseil Écofin qui aura lieu à la mi-novembre, l’ensemble de nos partenaires de la nécessité de reconduire cette mesure. M. Breton défendra la position de la France et nous avons bon espoir d’obtenir gain de cause à propos de cette mesure indispensable et très efficace pour la création d’emplois.

M. Didier Migaud. Elle a été mise en œuvre sous la législature précédente !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce qui ne me gêne en rien.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 177.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 416.

La parole est à M. Le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il s’agit de faciliter l’accès à la propriété des classes moyennes en relevant le plafond de ressources ouvrant droit au prêt à taux zéro, dispositif qui a fait ses preuves. Le montant maximal de revenu annuel serait porté de 38 690 à 62 500 euros.

Par ailleurs, je vous propose d’autoriser le transfert de la créance de crédit d’impôt en cas de fusion de la société détentrice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 416.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons voté contre l’amendement du Gouvernement. Nous aimerions savoir si ce quasi-doublement du plafond du prêt à taux zéro ne lésera pas d’autres catégories. Les moyens seront-ils suffisants pour financer la mesure ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, je tiens à préciser que cette disposition ne lèse personne : elle vise simplement à relever le plafond de ressources pour augmenter le nombre des bénéficiaires, notamment dans les grandes villes. Le prêt à taux zéro est un excellent dispositif dont nous souhaitons faire également profiter les classes moyennes, en faveur desquelles, je l’ai dit, nous sommes mobilisés. Tous les élus de zones urbaines reconnaîtront l’utilité d’une telle mesure, que ce soit à Meaux ou à Montreuil.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre,…

M. le président. Le vote a eu lieu et le débat est clos, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. … le Gouvernement n’a pas toujours la même définition des classes moyennes. Hier, il s’agissait des personnes gagnant entre 1 200 et 3 500 euros, aujourd’hui de celles qui gagnent jusqu’à 5 000 euros. Votre définition des classes moyennes varie en fonction de ce qui vous arrange.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut tenir compte du prix de l’immobilier.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 187.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Comme un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, nous proposons de proroger l’application du taux réduit de la TVA aux services d’aide à la personne ainsi qu’aux travaux d’entretien portant sur les locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans ou sur les logements sociaux à usage locatif. Cette dernière mesure, mise en œuvre sous la précédente majorité à la suite d’une demande très forte de la commission des finances, a eu un impact incontestable en matière de lutte contre le travail au noir. Elle a, en outre, permis de stimuler l’activité du secteur et de faciliter pour les particuliers la réalisation de travaux à leur domicile. Il s’agissait donc d’une très bonne mesure.

Compte tenu du caractère aléatoire des engagements du Gouvernement en matière de négociation européenne sur la TVA, illustré par sa démagogie, ou son impuissance, concernant le taux réduit de TVA sur la restauration – qu’il avait promis de mettre en œuvre dès son arrivée au pouvoir, ce qu’il n’a toujours pas fait –, il convient d’assurer le maintien de cette mesure en faveur du bâtiment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Bien entendu, nous souhaitons tous la reconduction du taux réduit de TVA pour les travaux effectués dans le logement et pour les services d’aide à la personne. Du reste, dans les prévisions budgétaires pour 2006, c’est bien ce taux qui est pris en compte dans les évaluations de TVA. Toutefois, nous sommes en cours de négociation avec nos partenaires européens et l’adoption d’un tel amendement nuirait probablement aux positions françaises.

M. Didier Migaud. Alors pourquoi l’avoir fait pour la restauration ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. Marc Laffineur. Comme l’a dit le rapporteur général, l’adoption de cet amendement serait le meilleur moyen de se voir refuser le maintien de la TVA à 5,5 %. C’est d’ailleurs ce que nous disait Didier Migaud à propos de la TVA sur la restauration,…

M. Didier Migaud. Vous avez fait le contraire !

M. Marc Laffineur. …quand il était rapporteur général du budget. Soyons raisonnables : ne donnons pas le sentiment à nos partenaires européens qu’on les met devant le fait accompli.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, tout à l’heure, vous ne m’avez pas redonné la parole après l’intervention de M. Copé, mais j’ai bien écouté sa réponse. Je n’imagine pas que Le Parisien et Le Monde n’aient pas rapporté exactement les propos de M. Breton et M. Copé. Or, dans Le Parisien, M. Breton a déclaré, sans doute par ignorance, que la question du taux réduit de TVA était réglée, alors que M. Copé a fort bien expliqué qu’il fallait plaider le dossier à Bruxelles afin d’obtenir l’accord unanime des États membres. Le gouvernement français n’a, en effet, jamais obtenu des Britanniques ou des Luxembourgeois que la règle de l’unanimité ne s’applique pas à la fiscalité. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’échec du référendum du 29 mai ; mais c’est un autre sujet.

Je prends donc acte de ce qu’a dit M. Copé tout à l’heure. Ses propos me semblent tout à fait conformes à la réalité, contrairement à ceux de M. Breton, qui a dit des choses tout à fait inexactes dans Le Parisien. Il a ainsi induit en erreur les lecteurs de ce quotidien, qui entreprendront peut-être des travaux en tablant sur un taux réduit de TVA alors qu’ils risquent, si vous n’obtenez pas une décision favorable à Bruxelles, de se voir appliquer une TVA à 19,6 %.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 187.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 229.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. La part des impôts directs dans les recettes de l’État est, en France, contrairement à ce que la propagande gouvernementale voudrait faire accroire, beaucoup plus faible que chez nombre de nos voisins, dont les Allemands. Vous l’avez d’ailleurs confirmé vous-même, monsieur le ministre, puisque vous avez fait remarquer que les chiffres officiels n’intégraient pas les cotisations locales.

La taxe sur la valeur ajoutée reste la principale recette fiscale de l’État : 46,7 % des recettes fiscales nettes. Elle a rapporté, en 2004, 156 milliards d’euros contre 53,4 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu et 44,8 milliards pour l’impôt sur les sociétés. Ces chiffres illustrent la conception libérale qui inspire la politique fiscale dans notre pays.

La TVA est un impôt dégressif et injuste, car elle pèse plus lourdement dans le budget des ménages modestes que dans le budget des ménages aisés. Au fur et à mesure que les revenus augmentent, la part des revenus consacrée à la consommation rapportée au revenu global diminue, alors que la propension à épargner, investir et spéculer augmente.

La question du poids des impôts indirects a bien évidemment été relancée cet été par la hausse vertigineuse des prix du carburant et des bénéfices des compagnies pétrolières. Nous n’avons eu de cesse ces derniers mois d’alerter le Gouvernement sur la nécessité d’alléger la fiscalité intérieure sur les carburants, qui est en France la plus importante d’Europe, et de l’accompagner d’une baisse de la TIPP, laquelle a rapporté l’an passé quelque 20,3 milliards d'euros. Nous n’avons pas été entendus.

Le présent amendement a une portée modeste. Il n’a en effet pour objet que de revenir au taux normal de la TVA tel qu’il existait avant l’augmentation décidée par le gouvernement Juppé en 1995.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. S’il est un peu tard pour engager un débat de fond sur la TVA, l’amendement de M. Brard nous donne tout de même l’occasion de souligner que cette question est aujourd’hui manifestement plus disputée au sein de la gauche qu’elle ne l’a été par le passé. M. Strauss-Kahn se déclare ainsi en faveur d’une augmentation du taux, nous gratifiant au passage de l'une de ces propositions d'aggravation de la pression fiscale dont les socialistes ont le secret.

M. Jean-Louis Idiart. En matière de TVA, vous nous avez bien servis avec Juppé !

M. Hervé Mariton. En réalité, la TVA n'est pas aussi dégressive ni inégalitaire que le prétend M. Brard, et si on la pondère, elle exerce sur le panier moyen du consommateur une pression plus proche de 12 % que du taux nominal. La charge de M. Brard contre la TVA n'est donc pas plus justifiée que ses autres attaques...

M. Didier Migaud. À ce compte-là, pourquoi ne pas l'augmenter ?

M. Hervé Mariton. La TVA est un impôt productif et auquel la diversité de ses taux permet d’être juste. Par ailleurs, même si ce n’est pas forcément une référence, il est intéressant de constater que certains, à gauche, proposent de l’augmenter. Si l’on peut y voir une forme d’ouverture sur la TVA, cela peut aussi nourrir nos inquiétudes quant à la stratégie fiscale de la gauche.

M. Jean-Louis Idiart. Heureusement que nous avons M. Mariton !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. M. Mariton doit faire un complexe puisque, hier comme aujourd’hui, il parle plus volontiers des propositions fiscales contenues dans les différentes motions du parti socialiste que de celles de son propre camp !

M. Jean-Pierre Brard. C’est un agent infiltré !

M. Didier Migaud. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je ne suis pas de ceux qui soutiennent notre ami Dominique Strauss-Kahn en matière de TVA. Je souligne d’ailleurs que la motion dont il est signataire n’en parle pas.

M. Hervé Mariton. Si, elle en parle !

M. Didier Migaud. Non, c’est une autre qui en fait mention.

M. le président. Mes chers collègues, je crois qu’il est un peu tard pour engager un débat de fond sur la TVA.

M. Didier Migaud. Permettez ! M. Mariton est le porte-parole de l’UMP. Si vous estimez qu’il engage de faux débats, il faut changer de porte-parole.

M. le président. Il aurait pu nous épargner cela ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Puisqu’il a lancé le débat sur la TVA sociale – et, plus largement, sur la TVA – je voudrais lui faire observer que c’est la droite qui a augmenté cette taxe, en l’occurrence M. Juppé.

M. Jean-Louis Idiart. De deux points !

M. Didier Migaud. De deux points, effectivement. Pour notre part, nous l’avons abaissée d’un point et si nous avions pu l’abaisser de deux points, nous l’aurions fait. Mme Merkel, dans son programme, propose d’augmenter la TVA en Allemagne. M. Arthuis, ainsi qu’un certain nombre de responsables de l’UMP, propose une TVA dite « sociale », qui constitue en quelque sorte un transfert de la fiscalité des entreprises vers la fiscalité des ménages. Nous estimons pour notre part que c’est une proposition tout à fait injuste qui n’a pas sa place dans la fiscalité française et je prie M. Mariton de ne plus s’exprimer au nom du parti socialiste. Il a déjà fort à faire pour défendre les positions de son groupe ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis en total désaccord avec M. Mariton lorsqu’il affirme que la TVA n’est pas injuste. Bien sûr qu’elle est injuste ! Même sans aller jusqu’à l’impôt progressif et donc progressiste que vous êtes en train de démanteler, je vous demande de reconnaître une chose : pour que Mme Bettencourt paie proportionnellement autant de TVA qu’un ménage modeste, il faudrait, il faudrait… (M. Brard s’esclaffe.)

M. le président. Allons, monsieur Brard, reprenez vos esprits !

M. Jean-Pierre Brard. …qu’elle ingurgite chaque jour des quantités phénoménales de pain ou de pommes de terre ! (Rires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Notre collègue Louis Giscard d’Estaing, malheureusement retenu ce soir dans sa circonscription, m’a demandé de défendre en son nom l’amendement n° 28. Celui-ci porte sur un sujet qui a donné lieu à de longs débats sous la législature antérieure, à savoir la TVA sur le chocolat.

Comme vous le savez, il y a deux régimes de TVA sur le chocolat depuis la transposition de la directive européenne de 1973 dans le décret « qualité » de 1976.

Trois catégories de chocolat bénéficient expressément du taux réduit : le « chocolat », le « chocolat de ménage », le « chocolat de ménage au lait ». La nouvelle directive du 23 juin 2000 a été transposée en France par le décret « qualité » du 29 juillet 2003. La directive et le décret modifient les catégories de cacao et de chocolat en les ramenant de 28 à 10 catégories.

La catégorie « chocolat de ménage » a disparu du nouveau décret. Il y a donc lieu logiquement d'actualiser l'article 278 bis en remplaçant la catégorie disparue par la catégorie 10 du décret concernant les « bonbons de chocolat ». Cette catégorie recouvre généralement des produits d’une très grande qualité, essentiellement produits par les artisans chocolatiers. La mesure proposée permettrait de rendre ces produits accessibles à un plus grand nombre.

De plus, elle constituerait un premier pas vers la réunification, qui prendra un certain temps, des taux de TVA applicables aux différentes sortes de chocolat, et vers l’application du taux réduit à tous les produits alimentaires.

Sous la précédente législature, M. le rapporteur général nous avait demandé de retirer un amendement sur les confiseries au chocolat, nous expliquant que nous étions un peu trop gourmands. La mesure proposée ce soir permettrait d’encourager les artisans chocolatiers de notre pays, qui le méritent bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez pu croire, mes chers collègues, que l’amendement Méhaignerie constituerait le moment crucial de la soirée, mais il n’en était rien. En réalité, cette séance n’aura atteint son paroxysme qu’avec l’examen de l’amendement n° 28 de M. Giscard d’Estaing. En effet, après des nuits entières passées, lors de précédentes législatures, à débattre de l’admission au taux réduit du chocolat, la commission des finances va donner ce soir un avis favorable à cet amendement (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs) et j’espère que le Gouvernement nous suivra.

Cependant, je me dois de préciser de quoi nous parlons exactement. Le bonbon au chocolat est un « produit de la taille d’une bouche, constitué soit de chocolat fourré, soit d’un seul chocolat ou d’une juxtaposition ou d’un mélange de chocolats pour autant que le chocolat ne représente pas moins de 25 % du poids total du produit ».

M. Jacques Myard. Faites passer la boîte !

M. Jean-Pierre Brard. La taille de la bouche est toute relative : celle de Mme Parisot est plus petite que celle de M. Seillière !

M. le président. Allons, monsieur Brard !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rejoins la position de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Historique ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est effectivement un moment très important, car il y a bien longtemps que ce sujet revenait régulièrement dans la discussion sans pouvoir aboutir. Cette fois, après avoir étudié de très près cette disposition, je suis heureux de vous dire que le Gouvernement donne son accord.

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin l’Assemblée sert à quelque chose !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà un Gouvernement efficace, qui sait débloquer les dossiers !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je lève le gage et j’ajoute par ailleurs que cette mesure va contribuer à simplifier la réglementation fiscale dans ce secteur. Le ministre de la réforme de l’État y trouve donc également son compte.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je me réjouis avec le rapporteur général, le ministre et l’ensemble de mes collègues, de cette avancée dont nous apprécions la portée.

M. Marc Laffineur. Et la saveur !

M. Didier Migaud. Cependant, M. le ministre peut-il nous préciser le contenu exact de cette mesure, ainsi que son coût ? Le sujet est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît et je regrette en ce qui me concerne de ne pas avoir été en mesure de faire aboutir des mesures d’harmonisation sur ce point. On sait que le chocolat noir enrobé est déjà au taux de 5,5 %. Mais en l’occurrence, de quel chocolat s’agit-il ? Du chocolat noir ou au lait ? Et qu’entend-on par « bonbon » ? S’agit-il d’un produit enveloppé ou non ? Il est nécessaire que tout cela soit précisé, notamment pour que les artisans chocolatiers connaissent la portée exacte de ce que nous allons voter.

M. le président. Je me félicite que M. Bonrepaux ne demande pas la réunion de la commission des finances pour obtenir cette clarification…

M. Augustin Bonrepaux. Je la demanderai si nous n’obtenons pas la réponse à toutes ces questions, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le coût de cette mesure est d’un peu plus de 50 millions d’euros.

M. Didier Migaud. Ah, tout de même !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut vraiment aimer le chocolat !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il s’agit d’une mesure très favorable à un secteur dans lequel la France incarne l’excellence mondiale, ne l’oublions pas. Pour nos artisans, nos petites entreprises, cela représente un coup de pouce non négligeable.

Le chocolat noir en sera le principal bénéficiaire.

M. Didier Migaud. Enveloppé ou pas ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne demeureraient dès lors soumis au taux normal de la TVA que les seuls produits de chocolat relevant des catégories « chocolat au lait », « chocolat blanc », « chocolat fourré », « chocolate a la taza » et « chocolate familiar a la taza » (Exclamations.)

Plusieurs députés. Qu’est-ce que c’est que ça ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’avoue que je n’en sais rien ! (Rires.)

M. Michel Bouvard. Alors on vote sans savoir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Eh bien, voilà un vote à l’unanimité.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 39.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Je retire cet amendement, monsieur le président, car ce point a déjà été réglé dans un précédent article.

M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 227.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Par souci de bon sens et de cohérence politique, l’amendement n° 227 vise à faire bénéficier les établissements publics de santé et l’ensemble des établissements chargés de l’accueil des personnes handicapées de la baisse de TVA portant sur les travaux d’amélioration, de transformation et d’entretien.

L’intérêt de cette mesure est évident pour les hôpitaux, dont le déficit budgétaire global dépasse un milliard d’euros, ce qui freine lourdement la réalisation de travaux de rénovation ou de mise en conformité indispensables à l’amélioration de la qualité du service public hospitalier quand ce n’est pas à sa simple optimisation.

Les mêmes observations valent pour les établissements chargés de l’accueil et de l’hébergement des personnes dépendantes ou handicapées, notamment âgées.

Notre amendement s’inscrit donc dans la continuité des mesures prises par le Gouvernement en faveur de ces catégories, telles que le plan « vieillissement » mis en place après la canicule de 2003 et la loi relative au handicap de février dernier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pu que rejeter cet amendement, la directive européenne réservant la réduction de taux aux travaux effectués dans les logements privés.

M. Jacques Myard. C’est scandaleux !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 45.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. On va certainement m’opposer que mon amendement n’est pas eurocompatible puisqu’il vise à étendre le champ du taux réduit de la TVA, d’ores et déjà susceptible de s’appliquer aux travaux d’aménagement des logements, aux travaux de construction et d’agrandissement lorsque ceux-ci sont destinés à améliorer la qualité de vie d’une personne handicapée. Peut-être pourrait-on au moins soulever cette question à Bruxelles, dans le cadre de la négociation sur la prolongation du taux de TVA réduit dans le secteur du bâtiment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai déjà répondu à cette question hier, à l’occasion d’un amendement de M. Beaudouin. La commission n’a pu que rejeter le présent amendement. Mais nous espérons que ce point pourra être évoqué dans le cadre de la négociation sur la reconduction.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 45 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 26, 113 rectifié et 188, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 26 et 113 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 113 rectifié n’est pas défendu.

J’indique d’ores et déjà à l’Assemblée que je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 26.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, j’indique que de très nombreux collègues se sont joints à moi pour cosigner cet amendement et je vous ai fait parvenir la liste.

Monsieur le ministre, comme je l’ai fait à de nombreuses reprises auprès du Gouvernement, j’appelle aujourd’hui à nouveau toute votre attention sur la nécessité de baisser la TVA sur la restauration traditionnelle le 1er janvier 2006.

En tant que président du groupe d’études sur les métiers de l’hôtellerie, de la restauration et des loisirs, je suis, comme la plupart de mes collègues, particulièrement préoccupé par ce dossier qui, tel un serpent de mer, avance un peu, évolue, puis replonge dans les méandres des négociations européennes.

Les restaurateurs, mais aussi les cafetiers, les hôteliers, qui bien souvent ont eux aussi des services de restauration, attendent depuis des années que nous fassions aboutir ce dossier et que nous tenions nos engagements.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Thierry Mariani. Je vous dispenserai de la lecture des promesses faites par les membres du Gouvernement depuis l’élection du Président de la République en 2002. Je ne rappellerai que certaines dates : Jean-Pierre Raffarin, dans notre hémicycle, le 10 février 2004, et au Sénat, le 12 février 2004 ;…

M. Didier Migaud. Il en avait fait une cause nationale !

M. Thierry Mariani. …Léon Bertrand devant les professionnels, au congrès de l’UMIH, en décembre 2003 et en décembre 2004 ; Renaud Dutreil, au congrès de l’UMIH en 2003. Et j’en oublie…

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas gentil pour eux !

M. Thierry Mariani. J’ajouterai à cette liste chacun des députés de l’UMP ou de l’UDF qui ont pris cet engagement devant les électeurs quand ils ont été élus, il y a quatre ans.

C’est dire que, sur ce dossier, monsieur le ministre, nous avons une obligation non pas d’action, mais de résultat. Grâce aux actions que vous avez menées et que le Gouvernement, soutenu par notre majorité, a menées depuis 2002, les restaurateurs ont une date : le 1er janvier 2006.

En effet, nous avons voté l’article 99 de la loi de finances pour 2004 qui prévoyait que la TVA serait baissée dans les quatre mois suivant la décision européenne. Puis, en juin 2004, Nicolas Sarkozy et André Daguin, président de l’UMIH ont signé un accord gagnant-gagnant qui octroyait aux restaurateurs des baisses de charges contre l’amélioration des conditions de travail dans la restauration avec notamment l’augmentation du SMIC hôtelier. A chaque fois, nous avons promis aux restaurateurs que les négociations européennes seraient terminées pour le 1er janvier 2006.

Mais force est de constater, à quelques semaines de cette date, même si nous avons entièrement confiance dans l’action du Gouvernement, que nous ne sommes pas assurés d’aboutir.

M. Didier Migaud. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Hervé Mariton. Bien sûr, passée cette date, les restaurateurs, hôteliers et cafetiers continueront à bénéficier des allégements de charges sociales accordés en juin 2004. Mais les restaurateurs ne veulent pas l’aumône : ils veulent que nous tenions nos engagements.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Thierry Mariani. Pour conclure, permettez-moi de rappeler que cette baisse de la TVA conditionne des avantages sociaux considérables. En effet, aux termes de l’accord conclu en juin 2004, les salariés du secteur hôtellerie, restauration et loisirs bénéficieront de cinq jours de congé supplémentaires payables ou prenables, en même temps que leurs employeurs bénéficieront de la TVA à 5,5 %.

C’est pour toutes ces raisons que je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement. S’il est voté, les choses seront simples. Le Gouvernement aura alors quatre-vingt-un jours pour faire aboutir les négociations européennes. Certains ont fait le tour du monde en moins de quatre-vingts jours… Pourquoi ne pourrions-nous pas donner enfin satisfaction à ce secteur créateur d’emplois et de richesse dans le même délai ? Pourquoi n’arriverions-nous pas à tenir enfin nos engagements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l’amendement n° 188.

M. Augustin Bonrepaux. On nous a expliqué tout à l’heure, à propos de la taxe Tobin, que le Président de la République envisageait la création d’une taxe sur les billets d’avion. Mais nous n’avons rien vu venir. On dit que les promesses rendent les fous joyeux…

Force est de constater, en tout cas, que les promesses faites aux restaurateurs en 2002, par l’ensemble des élus de la majorité, ne seront pas tenues.

M. Michel Bouvard. Et les engagements de M. Strauss-Kahn à Lisbonne ?

M. Augustin Bonrepaux. M. Mariani a bien rappelé le chemin de croix de la baisse de la TVA depuis 2004. Lorsqu’il s’est agi d’obtenir l’application du taux réduit dans le secteur du bâtiment, nous avons tenu les engagements que nous avions pris. Pour ce qui est du secteur de la restauration, nous avons toujours dit que nous procéderions à la baisse à condition que l’Union européenne nous en donne l’autorisation. Vous n’avez pas pris cette précaution, quant à vous.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Et vous êtes aujourd’hui confrontés à des promesses excessives et irresponsables. Vous saviez bien pourtant que ce ne serait pas facile !

Aujourd’hui, le Gouvernement est placé devant ses responsabilités. Les engagements du Président de la République seront-ils tenus ? Constatons seulement qu’il vous est aisé de faire tenir des engagements par l’intermédiaire des collectivités locales, qu’il s’agisse du foncier non bâti ou de la taxe professionnelle. Mais que la question est plus délicate pour la baisse de la TVA.

Monsieur le ministre, si les députés de la majorité sont fidèles à leurs engagements, ils voteront cet amendement et nous nous joindrons à eux. Vous serez alors mis en minorité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement car il faut être cohérent : s’il est adopté, la position de la France dans les négociations sera affaiblie.

M. Marc Laffineur. Pourquoi ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Parce que ces dispositions sont contraires aux décisions de la Communauté.

La mesure votée en loi de finances 2 004 est on ne peut plus claire : dès que le Conseil européen aura accepté le taux réduit de TVA sur la restauration à l’unanimité, il sera intégré dans notre système fiscal sous quatre mois. C’est une bonne position, adoptée après de longs débats, sur laquelle il n’y a pas lieu de revenir. Si nous le faisions, nous affaiblirions nos chances d’obtenir satisfaction sur ce très important dossier.

M. Thierry Mariani. C’est exactement le contraire !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’invite solennellement l’Assemblée à rejeter l’amendement de M. Mariani, s’il n’est pas retiré. Et comme il me semble être venu de loin pour le soutenir, je n’ai pas de raison de penser qu’il aidera le Gouvernement.

Je comprends qu’on vienne ici défendre une cause pour rentrer ensuite dans sa circonscription et dire à ses électeurs qu’on s’est bien battu, mais qu’on n’a pu obtenir satisfaction.

M. Didier Migaud. Un Premier ministre l’a fait aussi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au-delà, cependant, si cet amendement était adopté, notre position serait affaiblie dans la négociation. Vous savez pertinemment, monsieur Mariani – et la façon dont vous avez présenté votre amendement en témoigne – que le problème se situe non pas ici, dans cet hémicycle, mais à Bruxelles. Nous avons donc besoin d’avoir gain de cause au niveau européen. Et nous œuvrons en ce sens avec une très grande détermination, comme nous le faisons sur d’autres chantiers difficiles. Je pense en particulier à la TVA sur les travaux.

Si cet amendement était adopté, nous donnerions le sentiment à nos partenaires que nous les mettons devant le fait accompli. Je rejoins à cet égard M. le rapporteur général. Et je vous mets en garde, monsieur Mariani. L’adoption de cet amendement vous donnera peut-être une satisfaction à court terme mais cela ne servira pas nos intérêts en Europe, ni les intérêts de ceux que vous souhaitez défendre, à savoir les professionnels de la restauration, qui bénéficient d’ores et déjà – vous l’avez dit – d’allégements de charges sociales significatifs.

Je vous demande donc de réfléchir en conscience et d’accepter éventuellement de retirer cet amendement au bénéfice de mes explications. Si tel n’était pas le cas, je demanderais à l’Assemblée de le repousser.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà donc notre collègue Mariani vertement tancé. C’est le salaire de la démagogie, qui fut, il est vrai, portée par le Premier ministre du précédent gouvernement.

M. Didier Migaud. Il en avait fait une cause nationale !

M. Jean-Pierre Brard. C’est dire le peu de cas qu’il faisait des causes nationales !

Comme l’a rappelé le ministre, une mesure portant sur les charges sociales devait permettre de faire patienter les restaurateurs. Mais où sont les 40 000 emplois promis et les hausses de salaires ? Quel attrape-nigaud !

M. Marc Laffineur. Et les 35 heures ?

M. Jean-Pierre Brard. Tiens, M. Laffineur se réveille ! On dirait un vieux disque rayé. C’est comme les vieux phonographes qu’on dépoussière et qui repartent tout seuls…

Cette mesure d’allégement fut une véritable arnaque financée par l’argent public. Baisser la TVA ne bénéficiera d’ailleurs pas davantage aux salariés, selon moi.

Cela étant, il faut être cohérent : on nous a dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas gêner le Gouvernement au sujet de la TVA sur les travaux. Je ne vois pas pourquoi ce qui serait vrai dans un domaine ne le serait pas dans l’autre. Du reste, c’est l’argument qu’on a opposé à Jean-Claude Sandrier, qui avait présenté l’année dernière un amendement allant dans le même sens.

Tout cela montre qu’il ne faut pas être démagogue. Certes, cela permet de tromper les électeurs une fois. Mais à force de les embobiner, ils finissent par se rendre compte que vous ne tenez pas un langage de vérité. Monsieur le ministre, il ne faut pas être aussi sévère aujourd’hui avec M. Mariani car c’est vous qui l’avez encouragé. Et maintenant, vous le tancez ! Ce n’est pas très fraternel.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 188, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. À l’évidence, la baisse de la TVA sur la restauration est une mesure souhaitable si l’on veut mettre fin à des régimes divers et variés en matière de TVA sur la restauration. Notre première motivation est donc d’harmoniser les régimes fiscaux en vigueur.

Cela étant, j’ai bien entendu ce qu’a dit le ministre. L’an dernier, nous avions souhaité que figure dans le projet de loi de finances une disposition spécifique visant à prolonger d’une année la TVA à taux réduit pour le bâtiment. Nous n’avons pas repris cette mesure cette année, bien que l’équilibre budgétaire permette cette prolongation, afin de ne pas gêner la négociation en cours à Bruxelles. Comme le soulignait à l’instant Jean-Pierre Brard, il faut un certain parallélisme des formes, dans la mesure où ces négociations se déroulent dans le même cadre.

Je souhaiterais que nos collègues de l’opposition fassent preuve de la même constance. C’est un vieux débat auquel nous sommes souvent revenus. Nous avons entendu toutes sortes d’arguments de la part des ministres successifs, par exemple que la TVA sur la restauration n’avait pas besoin d’être changée. Un soir, nous avons même entendu dire que les riches mangeant plus que les pauvres, l’abaissement de la TVA sur la restauration serait une mesure injuste ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela figure au Journal officiel, mes chers collègues !

Mais je me souviens surtout de l’engagement de certains ministres de se battre au sein du Conseil Écofin. Alors que le Portugal demandait au Conseil Écofin la baisse de la TVA sur la restauration, le gouvernement français – M. Strauss-Kahn était alors ministre des finances – n’a pas soutenu sa demande. Pourtant, cela aurait permis de passer de deux à trois le nombre des items bénéficiant du taux réduit de TVA, ce qui aurait réglé le problème.

Je suis un peu étonné aujourd’hui de voir le groupe socialiste proposer la baisse de la TVA sur la restauration.

M. Augustin Bonrepaux. C’est vous qui l’avez promis, tenez vos promesses !

M. Michel Bouvard. Je reste pour ma part tout à fait favorable à cette disposition éminemment utile, dans un souci d’harmonisation des taux de TVA et aussi de justice, notamment du point de vue de la concurrence, mais je pense qu’il ne faut pas gêner la négociation en cours. On reproche souvent à la France d’être arrogante vis-à-vis de ses partenaires. Un vote du Parlement français passant outre à la négociation serait du plus mauvais effet dans les circonstances actuelles, surtout après ce que fut le résultat du référendum dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je me demande vraiment à quoi sert un Parlement ! Il est évident que le système mis en place par les directives est absurde. D’ailleurs, monsieur le ministre, M. Mer, l’un de vos prédécesseurs, l’avait reconnu à Bercy en présence de M. Lequiller. Accepter que soient verrouillés à Bruxelles tous les taux de TVA est une ineptie économique et fiscale. Aux États-Unis, par exemple, il existe dix ou douze points de différence d’un État à l’autre, par exemple entre l’État de New York et le Connecticut.

Avec autant de solennité que vous, monsieur le ministre, je vous réponds qu’un vote du Parlement aiderait le Gouvernement français, et non l’inverse. Regardez ce qui se passe au Parlement danois ou au Parlement anglais : les parlementaires nationaux prennent leurs responsabilités et le font savoir !

M. Michel Bouvard. C’est une résolution que nous devons prendre !

M. Jacques Myard. En l’occurrence, un vote du Parlement français est un plus pour le Gouvernement, et non l’inverse !

J’ajoute que, par rapport à certains autres votes que notre pays a connus, ce vote-là nous donnerait l’opportunité de nous interroger sur ce qui s’est passé. En votant, monsieur le ministre, le Parlement français soutiendra l’action du Gouvernement. Bien sûr, celui-ci devra ensuite affronter une négociation, peut-être même une décision de la Cour européenne de justice. Il n’en demeure pas moins que vous devez considérer que le vote du Parlement est un soutien et non un handicap !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne peux pas laisser dire cela : en l’espèce, un vote du Parlement engage la France à prendre une décision qui n’est pas légale. Il existe une autre formule, que M. Bouvard vient d’évoquer et qui, elle, a du sens : si vous le souhaitez, adoptez une résolution. Mais en tout état de cause, ne votez pas une disposition législative, qui aurait de ce fait vocation à s’appliquer, alors qu’elle est contraire au droit européen. C’est avec la même gravité que vous, monsieur Myard, que je vous demande de ne pas voter une disposition illégale qui mettrait le Gouvernement en difficulté dans sa négociation avec l’Union européenne.

M. Jacques Myard. Il faut parfois savoir prendre des décisions illégales pour retrouver la légitimité du Parlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous entendons dire régulièrement que les hommes politiques sont discrédités aux yeux des Français. Tout à l’heure, M. Migaud défendait avec brio un amendement identique à celui de M. Mariani. Il a oublié que M. Strauss-Kahn aurait pu faire le nécessaire et que M. Fabius, lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, soutenait cette mesure, mais qu’il a cessé de la soutenir lorsqu’il est devenu ministre des finances.

On se renvoie ainsi la balle dans la partie de tennis qu’évoquait tout à l’heure le ministre du budget. Mais franchement, mes chers collègues, j’ai le sentiment que les Français considèrent que ce match de tennis est nul – pas au sens du score, zéro à zéro, mais nul au sens où il n’a aucun intérêt.

Lorsqu’on prend un engagement devant les Français, il faut au moins chercher à le respecter. L’an dernier, certains d’entre nous, qui défendaient le même type de proposition, ont préféré attendre que l’Europe nous y autorise. Nous y avons tous cru ! Et patatras, il a suffi qu’un État, et pas le moindre,…

M. Jacques Myard. L’Allemagne !

M. Jean-Christophe Lagarde. …il a suffi que l’Allemagne décide que cela ne pouvait se faire pour rendre l’Assemblée nationale impuissante. Et ce soir, vous voulez qu’elle le soit encore plus, pour une mesure dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est juste et efficace pour l’emploi. Or c’est justement notre priorité nationale et nous en aurions bien besoin.

Expliquer aux Français que l’on refuse, une fois de plus, de voter une telle mesure, pour la retrouver dans le projet de budget pour 2007 avec les mêmes arguments, notamment celui du Conseil européen, ce serait signer l’impuissance des 577 députés que nous sommes.

Monsieur le ministre, j’ai beaucoup de respect pour votre personne et pour ce que vous faites, mais je ne partage pas votre analyse sur ce qu’est un vote du Parlement national. Ne pas voter cette mesure serait avaliser l’idée que le Parlement ne représente rien et que seul le Gouvernement parle au nom de la France.

Vous nous avez indiqué très clairement la position du Gouvernement. Les Bruxellois, qui savent lire et se faire traduire le français, ne pourront le soupçonner d’avoir tenté une manœuvre, mais ils pourront comprendre notre démarche après trois ans d’attente, d’engagements et de négociations totalement inefficaces ! Où est le rayonnement de la France, ce serin du Premier ministre, quel est le poids du Président de la République dans ces négociations, si nous ne pouvons même pas obtenir de l’Allemagne de Gerhard Schröder un accord qui ne coûte rien à nos pays amis et alliés au sein de l’Union européenne ? De plus, cette mesure relative à la TVA ne nuit même pas à la concurrence, puisqu’elle porte sur des activités qu’on ne peut délocaliser !

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela n’a donc aucun sens ! Nous sommes prisonniers, nous qui sommes censés représenter la nation, d’un marchandage dans lequel la France ne pèse pas assez lourd.

Nous avons le droit, monsieur le ministre, de dire que la représentation nationale souhaite adopter cette mesure de bon sens. Le Gouvernement, comme l’a indiqué M. Mariani, dispose d’un certain nombre de jours pour négocier. De toute façon, il pourrait toujours, au cours d’une lecture ultérieure, revenir sur ce vote si la disposition était vraiment inapplicable.

Mais si, pour une fois, le vote des parlementaires et les engagements qu’ils ont pris pouvaient concorder dans cet hémicycle, cela aiderait la France à prouver qu’elle a besoin de cette mesure pour créer des emplois.

Avant de conclure, je souligne combien il est faux de prétendre qu’il n’y a pas eu de contrepartie. Nous allons tous dans des bars, dans des restaurants, et nous discutons avec les restaurateurs : il est évident qu’ils souhaitent recruter. Cette mesure leur serait très utile.

Enfin, songez à l’absurdité des restaurants dans les TGV : si vous mangez au bar, c’est un certain taux de TVA qui s’applique, et si vous retournez à votre place, c’est un autre taux !

M. Michel Bouvard. Mais pour le consommateur, c’est le même prix !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Contrairement à ce qui a été dit par Jacques Myard, le Danemark ne décide pas de mesures avant d’avoir obtenu l’accord de l’Europe. La Commission européenne danoise, qui correspond à notre délégation, exprime sa position. Dans les institutions danoises, celle-ci est impérative pour le Gouvernement.

M. Jacques Myard. C’est la même chose !

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas du tout la même chose ! Comme le soulignait M. le ministre, la disposition que vous nous proposez est illégale. Et j’indique à M. Lagarde qu’il me paraît encore plus hypocrite de la soumettre au vote alors que l’on sait pertinemment que l’accord de l’Europe est indispensable !

M. Augustin Bonrepaux. Mais vous ne l’avez pas !

M. Jean-Pierre Brard. Vous proposez la soumission !

M. Pierre Lequiller. Pas du tout ! Tout le monde soutient l’action du Gouvernement devant les institutions européennes ! Nous pouvons signer une résolution pour le soutenir, mais prendre ici une décision avant que le Conseil européen ne se soit prononcé, c’est faire preuve à la fois de légèreté et d’hypocrisie par rapport au peuple français !

M. Jean-Christophe Lagarde. Non, cela renforcerait la position du Gouvernement pour la négociation !

M. Pierre Lequiller. Nous devons montrer notre détermination à vous soutenir, monsieur le ministre, mais nous ne devons pas anticiper et choisir l’illégalité.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, je suis peut-être fatigué mais – je vous le dis avec le sourire – j’ai trouvé vos propos à mon égard un peu méprisants. Si je suis venu de loin pour défendre mon amendement ce n’est pas parce que je suis irresponsable ou pour gagner quelques petits avantages électoraux, comme vous l’avez dit, mais parce que j’ai envie de tenir mes engagements.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Contrairement à moi, sans doute !

M. Thierry Mariani. Si aujourd’hui nous ne tenons pas les engagements que nous avons pris il y a quatre ans, c’est que certains n’auraient pas dû nous demander de les prendre… et je vous vois hocher la tête, monsieur le ministre !

Je ne vois pas en quoi un vote du Parlement peut desservir le gouvernement français. Ou alors, comme d’autres l’ont suggéré avant moi, que l’on nous dise que dans cet hémicycle, nous ne servons à rien…

M. Jacques Myard. Évidemment !

M. Thierry Mariani. … que nous devons attendre des oracles venant d’autres lieux. Si vous parvenez, comme je le souhaite et comme nous vous y encourageons, à obtenir cette TVA à taux réduit avant le 1er janvier 2006, ce vote n’aura servi à rien. Si vous ne l’obtenez pas, nous aurons au moins montré que le Parlement français tient ses engagements et que la plupart d’entre nous honorent ce qu’ils ont promis lors des élections législatives ou présidentielles.

C’est parce que je suis convaincu que cette mesure apporterait de vrais avantages à une profession qui le mérite, comme on l’a dit pendant la campagne électorale, que je présente cet amendement, comme l’avait fait Michel Bouvard il y a deux ans. Ce n’est pas pour desservir le Gouvernement français, mais au contraire pour appuyer sa position, que nous proposons de le voter.

J’ai la naïveté, petit député de province qui vient de passer quatre heures dans le train pour parler ici cinq minutes, de croire que cela servirait à quelque chose. Si nous ne servons plus à rien, il faut nous le dire ! À ceux qui pensent que je suis venu pour défendre de petits avantages électoraux, je réponds que j’essaie simplement de tenir mes engagements, comme vous sans doute, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. Mariani m’ayant interpellé directement, je lui répondrai de la même manière. Nous nous connaissons suffisamment, et depuis longtemps, monsieur Mariani : soyez assuré qu’il n’y avait aucun mépris dans mes propos.

M. Thierry Mariani. Ce n’était pas évident !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce que je vous ai dit est bien peu de chose par rapport à ce que j’ai entendu ! Je considère qu’il n’y a pas, d’un côté, l’élu d’une circonscription située loin de Paris qui connaît le terrain et, de l’autre, l’élu d’une circonscription un peu moins éloignée de Paris et qui ne connaît pas le terrain !

M. Thierry Mariani. Je n’ai jamais dit cela !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous ne l’avez pas dit, considérez que la manière dont vous avez présenté les choses était un peu arrogante. Mais en tout état de cause, monsieur Mariani, ce n’est pas le sujet !

Nous sommes les uns et les autres dans la même barque et avons, ensemble, la même vocation : essayer de mettre en œuvre nos engagements. J’en veux d’ailleurs pour preuve que, depuis le début de ce débat budgétaire, nous avons fait la démonstration de notre capacité à tenir des engagements majeurs en matière fiscale sur de très nombreux sujets, l’impôt sur le revenu, la prime pour l’emploi, et bien d’autres.

S’agissant précisément du sujet qui vous préoccupe, la raison qui explique la solennité de ma position ne tient pas du tout, et vous l’avez compris, à autre chose que l’efficacité de la position française. J’en ai donné les tenants et les aboutissants. Chacun vote en responsabilité. Moi, j’ai dit les choses. Que ce soit clair : il n’y a pas, d’un côté, vous qui vous battez pour tenir vos engagements et, de l’autre, nous qui louvoyons. Nous faisons ce que nous pouvons dans un contexte difficile qui est celui de négociations européennes.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je n’ai pas envie de polémiquer. Je n’ai pas dit – je pense que le Journal officiel me donnera raison – que, d’un côté, il y a le Gouvernement et, de l’autre, les députés. J’ai dit que nous sommes dans la même galère, la même barque ! Nous avons pris les mêmes engagements et c’est justement pour vous aider que je propose cet amendement, voilà tout !

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux deux scrutins qui ont été annoncés.

Je vais d’abord mettre aux voix l'amendement n° 26 de M. Mariani.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 188 de M. Bonrepaux.

Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Lundi 24 octobre 2005, à seize heures, première séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) :

Discussion de l’article 50 (évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes) :

Rapport spécial, n° 2568 annexe 3, de M. Jean-Louis Dumont, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2571 tome 3, de M. Roland Blum au nom de la commission des affaires étrangères ;

Suite de la discussion des articles de la première partie :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 22 octobre, à une heure vingt.)