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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 24 octobre 2005

32e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Loi de finances pour 2006

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous allons examiner, dans les conditions arrêtées par la Conférence des présidents, l’article 50 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Article 50

Prélèvement au titre du budget
des Communautés européennes

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, dans le cadre du débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, je suis heureuse de vous présenter le projet de budget général des Communautés européennes.

Le prélèvement dont nous débattons aujourd’hui dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006 correspond à la contribution de la France au budget communautaire.

Permettez-moi avant tout de saluer l’implication de chacun d’entre vous dans les dossiers européens et de remercier tout particulièrement le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Jean-Louis Dumont, et le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Roland Blum, pour leurs excellents rapports.

Je souhaite aujourd’hui vous présenter d’abord le niveau de la contribution de la France au budget communautaire et nos objectifs pour le budget de 2006. Je décrirai ensuite le projet de budget communautaire lui-même. J’évoquerai enfin la question de l’avenir de ce budget au-delà de 2006, c’est-à-dire les perspectives financières pour 2007-2013.

Un mot d’abord sur la contribution et les objectifs de la France. En 2006, la France devrait demeurer, avec une contribution de 18 milliards d’euros, soit 16,4 % des recettes communautaires, le deuxième contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne, dont la contribution s’élève à 22,6 milliards d’euros. La France devrait rester également le deuxième bénéficiaire de ce budget, avec 12,9 milliards d’euros en 2004 – dernier chiffre disponible –, derrière l’Espagne, qui reçoit 16,3 milliards d’euros. Cette bonne performance tient avant tout à notre excellent taux de retour sur la politique agricole commune : en 2004, la France a bénéficié de 21,6 % des dépenses agricoles communautaires et reçu 9,4 milliards d’euros au titre de la PAC de marché.

En termes de solde net, c’est-à-dire en calculant la différence entre notre contribution brute et les dépenses réalisées sur notre territoire, la France est contributrice nette au budget communautaire, comme dix autres États membres. En 2004, le solde net de notre pays s’est élevé à 2,9 milliards d’euros, soit environ 50 euros par habitant. Ce montant est raisonnable au regard des bénéfices que nous tirons de la construction européenne et qui ne sont pas reflétés dans cette arithmétique purement comptable des soldes nets. Gardons à l’esprit, en effet, les gains économiques du grand marché européen ou des gains encore plus difficiles à quantifier, tels que les apports de la paix et de la stabilité du continent.

Dans ces conditions, les ambitions de la France pour le budget communautaire sont essentiellement de deux ordres. D’une part, le budget doit prévoir les moyens nécessaires pour réaliser les programmes en cours et tenir les engagements pris. Je pense notamment à la mise en œuvre dans des conditions satisfaisantes des réformes de la politique agricole commune de 2002 et de 2003, au financement de l’Europe élargie ou à la montée en puissance des dépenses liées à la compétitivité. D’autre part, le budget doit, bien entendu, répondre aux exigences de bonne gestion de l’argent public, ce qui suppose de respecter les plafonds établis dans le cadre pluriannuel des perspectives financières pour les différentes rubriques budgétaires et de réduire l’écart entre le montant des crédits d’engagement et celui des crédits de paiement. Sur ce point, on peut souligner de réels progrès : en 2004, le taux d’exécution budgétaire a atteint, avec 98,4 %, son plus haut niveau depuis 1997, principalement grâce à la bonne exécution observée sur les fonds structurels.

Je tiens à saluer la mobilisation, dans notre pays, des acteurs du partenariat régional – préfets et élus locaux –, dans la gestion quotidienne des programmes communautaires. Cette mobilisation a permis d’accélérer de façon très significative la consommation des crédits : 1,3 milliard d’euros ont été consommés en 2002, 2 milliards en 2003 et 2,4 milliards en 2004.

J’en viens maintenant à la description proprement dite du projet de budget communautaire pour 2006. En termes de procédure, après une proposition initiale de la Commission, ce projet a été adopté par le Conseil des ministres de l’Union européenne le 15 juillet dernier et modifié par le Parlement européen en première lecture le 5 octobre. Il lui reste donc deux étapes à franchir : le 24 novembre, le Conseil se prononcera sur les modifications proposées par le Parlement début octobre puis, fin décembre, le Parlement finalisera sa deuxième lecture. Cette procédure budgétaire actuellement en cours entre les institutions européennes explique que, comme chaque année, des changements puissent intervenir entre le présent projet de budget et sa version finale.

À la suite de la réunion des ministres européens des finances du 15 juillet, ce projet de budget pour 2006 s’élève à 120,8 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit une hausse de 4,9 % par rapport à 2005, et à 111,4 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,7 %.

Les rubriques de ce budget correspondent aux différentes politiques européennes. J’évoquerai les principales d’entre elles.

Pour la rubrique 1, consacrée à l’agriculture, la part la plus importante du budget communautaire en 2006 sera consacrée, comme les années précédentes, à la politique agricole commune. Nous connaissons bien le caractère essentiel de cette politique, qui garantit aux agriculteurs un niveau de vie équitable tout en maintenant l’équilibre territorial et environnemental. La PAC permet également d’assurer l’autosuffisance alimentaire. Dans un contexte de raréfaction des ressources en hydrocarbures, elle ouvre des perspectives d’avenir avec la recherche sur les biocarburants. Enfin, elle contribue à préserver la qualité de l’alimentation et de la santé publique, qui, comme chacun sait, sont des enjeux essentiels.

C’est pourquoi la France défend le budget proposé contre les tentatives d’y apporter des réductions. Au total, 51,3 milliards d’euros sont consacrés à la PAC en crédits d’engagement dans le projet 2006, ce qui représente une augmentation de 3,2 % par rapport à l’année précédente, dont 43,5 milliards d’euros pour les dépenses de marché et 7,8 milliards d’euros pour le développement rural.

Contrairement à ce que l’on dit parfois, la PAC a montré sa capacité à s’adapter. Elle a été réformée à plusieurs reprises, et récemment encore, en 2002 et 2003. Ces réformes sont souvent difficiles. Mais nous ne devons pas perdre de vue l’essentiel : l’Europe continue et continuera à permettre aux agriculteurs français et européens d’exercer leurs activités face à des concurrents dont les coûts sont structurellement inférieurs aux nôtres. C’est pourquoi nous resterons vigilants, avec l’appui de nombreux autres États membres, pour préserver la préférence communautaire, notamment dans la difficile négociation en cours à l’OMC.

La rubrique 2, consacrée à la politique régionale, représente le deuxième poste de dépenses du budget communautaire et a pour objet le renforcement de la cohésion économique et sociale au sein de l’Union. Elle traduit concrètement notre ambition d’une Europe solidaire.

Pour 2006, cette rubrique sera dotée de crédits d’engagement à hauteur de 44,5 milliards d’euros. Les postes de dépense principaux sont l’objectif 1, consacré aux régions en retard de développement et doté de 28,5 milliards d’euros, les objectifs 2 et 3, consacrés respectivement aux zones en difficulté structurelle et aux politiques d’éducation, de formation et d’emploi, pour un montant total de 7,4 milliards, et le fonds de cohésion, bénéficiant aux pays dont le revenu brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire, qui reçoit 6 milliards d’euros.

Les crédits de paiement atteignent 35,5 milliards d’euros, augmentant ainsi de 5 % par rapport à 2005, et même de 9,5 % par rapport à 2004 du fait de l’extension du bénéfice de la politique de cohésion aux dix nouveaux États membres. Cet effort est une nécessité politique, mais aussi un impératif économique afin de poursuivre le processus de rattrapage économique de ces nouveaux États membres, rattrapage qui, ne l’oublions pas, est aussi de notre intérêt.

Les politiques internes, qui font l’objet de la rubrique 3, sont dotées de 9,2 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2005, et de 8,3 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 5 %.

Cette progression reflète la montée en puissance de certaines politiques communes répondant à des préoccupations concrètes de nos concitoyens, telles que la sécurité, avec le renforcement du contrôle des frontières externes, la croissance et l’emploi, avec notamment les politiques de recherche-développement, qui se voient attribuer 5,3 milliards d’euros au titre du programme-cadre pour la recherche-développement, ou l’énergie et les transports, qui reçoivent 1,3 milliard d’euros. La France a toujours soutenu le développement de ces politiques et continuera de le faire.

Les rubriques 4, consacrée aux actions extérieures et 7, consacrée à la pré-adhésion, concernent les relations de l’Union avec nos voisins et avec le monde.

En 2006, la rubrique 4, qui regroupe l’ensemble des actions en direction des pays tiers et la politique de sécurité commune, représente un total d’environ 5,2 milliards d’euros, montant qui fait preuve d’une quasi-stabilité. On observe toutefois, à l’intérieur de cette enveloppe, une forte augmentation des aides accordées à l’Asie à la suite du tsunami de décembre dernier et aux pays méditerranéens et du Moyen-Orient.

L’aide apportée aux pays ambitionnant d’adhérer à l’Union européenne, qui fait l’objet de la rubrique 7, est portée à 2,5 milliards d’euros en crédits d’engagement. Ces crédits bénéficieront d’une part aux États qui devraient adhérer à l’Union au 1er janvier 2007 si les conditions fixées dans les traités d’adhésion sont réunies, à savoir la Roumaine et la Bulgarie, et d’autre part aux deux États qui ont le statut de pays candidats : la Turquie et la Croatie.

Les dépenses administratives, qui forment la rubrique 5, s’établissent à 6,6 milliards en crédits d’engagement, soit une augmentation maîtrisée de 3,6 % par rapport au budget 2005.

Les recettes du budget communautaire pour 2006, qui équilibrent l’ensemble de ces dépenses, devraient provenir à 71,8 % de la ressource PNB, à 14,3 % de la ressource TVA et à 11,6 % des droits de douane, les autres ressources – prélèvements agricoles, recettes diverses et cotisations sur le sucre – représentant moins de 2,4 % du total.

Enfin, comme chaque année, la compensation accordée au Royaume-Uni depuis 1984, à la charge des autres États membres, devrait atteindre 5,6 milliards d’euros pour 2006. Le montant de cette compensation, qui n’était que de 1,5 milliard d’euros en 1995 et de 3,5 milliards en moyenne entre 1995 et 2001, poursuit donc son augmentation tendancielle. La France financera environ 27 % de ce chèque que plus rien ne justifie aujourd’hui.

M. Jacques Myard. C’est inadmissible !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Au-delà de 2006, l’avenir du budget européen sera déterminé par la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013. Comme vous le savez, bien qu’une très large majorité d’États membres, dont la France, se soient trouvés disposés à adopter la proposition de la présidence luxembourgeoise, celle-ci n’a pu trouver un accord sur ces perspectives lors du Conseil européen de la mi-juin.

L’enjeu de ces perspectives financières est le financement de l’Union élargie et de ses politiques : chacun doit prendre part à ce financement de façon équitable, ce qui suppose notamment la réforme du rabais consenti à la Grande-Bretagne.

La dernière proposition de la présidence luxembourgeoise au Conseil européen de juin dernier était bonne : elle permettait à la fois, avec 871 milliards d’euros sur la période, de consolider les politiques actuelles, de développer des politiques nouvelles, de financer l’Europe élargie et de maintenir des financements pour les régions des anciens États membres, notamment les régions françaises. Cette proposition permettait aussi bien de préserver le niveau des aides directes décidé lors des réformes de la PAC de 2002 et 2003 que d’augmenter les dépenses d’avenir, avec, par exemple, une augmentation moyenne de 33 %, par rapport à 2006, pour la recherche et le développement. Cette proposition se situait à la limite de ce qui était financièrement acceptable pour nous, avec une augmentation de notre contribution brute de près de 11 milliards d’euros sur la période.

Il revient maintenant à la présidence britannique de trouver un accord d’ici à la fin décembre 2005. Elle dit vouloir le faire. Depuis le mois de juin, elle a engagé des consultations bilatérales avec chacun des États membres et elle entend présenter ses propositions dans le courant du mois de novembre seulement. Mais il faut maintenant aller vite : comme l’a rappelé récemment le Premier ministre, sans budget, l’Europe n’avancera pas.

M. Jacques Myard. Tant mieux !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La France continuera à faire tous ses efforts pour aboutir à un accord rapide et conforme à son ambition pour l’Europe.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le 29 mai, nos concitoyens ont exprimé des préoccupations, des inquiétudes et des attentes. Si nous voulons qu’ils adhèrent de nouveau au projet européen, il faut rendre l’Europe concrète, au moyen de politiques efficaces qui répondent aux défis d’aujourd’hui. J’en cite quelques-uns : accroître notre compétitivité dans le contexte de la mondialisation tout en consolidant la justice sociale,…

M. Jacques Myard. Limogez Trichet !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …développer les politiques en matière de recherche et développement ou d’énergie, sans oublier les questions démographiques – facteurs de croissance –, affirmer la place de l’Europe dans le monde et apporter plus de sécurité aux peuples européens. Les chefs d’État ou de gouvernement auront l’occasion de débattre de tous ces thèmes lors du Conseil européen informel qui se tiendra, comme vous le savez, jeudi prochain à Hampton Court, près de Londres. La France s’y rendra dans un esprit constructif, avec la volonté de soutenir la présidence pour faire de ce rendez-vous une réussite et pour défendre notre ambition d’une Europe politique, forte et solidaire.

Le budget européen est l’illustration de cette ambition. C’est la raison pour laquelle, conformément à l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001, je vous demande de voter l’évaluation du montant du prélèvement au profit de l’Union européenne au titre de son budget pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation à l’Union européenne, mes chers collègues, après s’être stabilisé depuis 2000 autour de 15 milliards d’euros par an, le prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes reprend sa montée en puissance.

M. Jacques Myard. Et c’est pas fini !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. II devrait atteindre 17,3 milliards d’euros en 2005, puis 18 milliards d’euros en 2006.

M. Jacques Myard. Rendez-nous notre pognon !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est donc une progression de plus de 16 % par rapport à 2004.

Ce ressaut s’explique évidemment par l’élargissement.

M. Jacques Myard. Incroyable gabegie !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lors du sommet de Copenhague, fin 2002, les États membres ont fait le choix de la solidarité à l’égard des nouveaux adhérents en décidant d’étendre l’ensemble des programmes existants aux nouveaux États membres et de leur consentir des facilités budgétaires supplémentaires, liées notamment à des actions spécifiques, par exemple dans le domaine de la sécurité nucléaire et dans celui de la surveillance des frontières communes. Ainsi, une enveloppe financière de 45 milliards d’euros leur a été accordée au titre des trois budgets 2004, 2005 et 2006. Cela représente plus d’un tiers du budget européen annuel avant l’élargissement, dont je rappelle qu’il ne dépassait pas les 100 milliards d’euros.

Cet effort, sans précédent dans la construction européenne, pèse inéluctablement sur les États membres les plus riches, bien que son impact soit progressif. II faut rappeler en effet que le budget européen est d’abord un budget d’intervention. Les investissements programmés dans les nouveaux États membres, qui ont provoqué un accroissement des crédits d’engagement de 12 % en 2004, de 5 % en 2005 et de 4% en 2006, ne sont que progressivement réalisés. Les paiements effectifs de l’Union, qui déterminent le montant des contributions effectivement versées par les États membres, ne suivent ce mouvement qu’avec retard. Aussi, la croissance des crédits de paiement, qui était encore maîtrisée en 2004 à un peu plus de 2 %, est désormais sur un rythme annuel supérieur à 6 %. En tant que rapporteur général du budget, je veux souligner cet après-midi que ce processus est loin d’être achevé. Même dans l’hypothèse où, comme le souhaite la France, le budget européen serait plafonné à 1 % du revenu communautaire entre 2007 et 2013, l’effort consenti par la France à son financement atteindrait 19,5 milliards d’euros en 2007 et près de 20,5 milliards d’euros en 2008,…

M. Jacques Myard. Inadmissible, monsieur le rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …avant de se stabiliser à 19 milliards d’euros par la suite.

M. Jacques Myard. C’est la fuite en avant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces chiffres doivent être rappelés à un moment où le déficit du budget de l’État est à nouveau en progression, alors que nous avions constaté une nette diminution en 2004. J’ajoute que les propositions de la Commission européenne sur les perspectives pluriannuelles 2007-2013 porteraient la contribution française à 22,5 milliards d’euros dès 2008, ce qui serait manifestement insupportable pour nos finances publiques dans l’état où elles sont aujourd’hui.

Cela vient donc réduire un peu plus les très étroites marges de manœuvre budgétaires que vingt-cinq ans de déficits cumulés ont quasiment supprimées. II convient d’en tenir pleinement compte dans les négociations, qui se prolongent actuellement, sur le nouveau cadre financier européen pour les sept prochaines années.

M. Jacques Myard. Il ne faut pas voter ce truc-là, c’est tout !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Après ce constat difficile, il faut cependant souligner que le financement de l’élargissement s’est accompagné d’une discipline budgétaire très méritoire.

Remarquons en particulier que le problème lancinant de la sous-consommation des crédits est en bonne voie d’être résolu. C’est le cas pour les fonds structurels : leur taux de consommation dans les États membres avant l’élargissement est passé de 66 % en 2002 à 88 % en 2004, et la Commission a bon espoir que l’on monte à un taux de 95 % en 2006. L’achèvement des programmes 2000-2006 y est pour beaucoup, mais il ne faut pas sous-estimer l’impact de la rationalisation de la gestion des fonds, tant au niveau communautaire, avec la règle du dégagement d’office des engagements dormant depuis plus de deux ans, qu’au niveau national, avec en France l’adoption des excellentes circulaires de 2002 en faveur de laquelle les parlementaires avaient beaucoup milité. C’est malheureusement moins vrai pour les autres politiques. II est ainsi regrettable que le taux de consommation des politiques internes, qui prêtent trop bien à la critique de saupoudrage, se soit dégradé depuis 2002 pour atteindre seulement 80 %. Il est inquiétant de constater que les crédits d’engagement eux-mêmes sont insuffisamment consommés : en 2004, seuls 91% des crédits disponibles ont été réellement engagés. Il n’est pas acceptable que ces carences soient exacerbées dans les programmes relevant de la recherche, priorité des priorités européennes, dont la masse de crédits inemployés approche le milliard d’euros pour une dotation annuelle de l’ordre de 5 milliards d’euros.

M. Jacques Myard. C’est aux États de s’en occuper, pas à l’Europe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Une autre manifestation de la discipline budgétaire communautaire réside dans l’évolution des dépenses administratives. En dépit des pressions induites par l’élargissement, le Conseil est parvenu à les contenir en dessous de 6,6 milliards d’euros, soit moins de 6 % des dépenses totales du budget. Les recrutements, en particulier, ont été limités jusqu’ici à près de 2 000, soit la moitié des besoins initialement identifiés par la Commission européenne. L’effort de productivité demandé aux institutions européennes est donc très important. II faut le remarquer et s’en féliciter. Il est d’ailleurs permis d’en dégager une conclusion, dont la portée dépasse largement le seul budget européen : la discipline budgétaire est non seulement possible, mais elle est indispensable. L’adoption préalable de plafonds de dépenses, même lorsqu’ils paraissent extrêmement rigoureux, est un puissant encouragement pour dégager des marges d’économie et d’efficacité, ce que les institutions européennes sont parvenues à exploiter depuis 2004, tout simplement parce que les États membres ne leur en ont pas laissé le choix.

Je souhaite, en conclusion, rappeler cette considération fondamentale : la France s’astreint à un effort de maîtrise sans précédent de la dépense publique. L’état de ses finances publiques la met donc dans l’incapacité de ne pas exiger la même chose pour les dépenses européennes. Il faut ici regretter une nouvelle fois – vous l’avez évoqué, madame la ministre – que la France consacre 1,5 milliard d’euros chaque année pour financer une ristourne britannique que plus rien ne justifie et qui aboutit, de fait, à exonérer nos voisins et amis britanniques des deux tiers de l’effort que consentent tous les autres grands États membres à la solidarité envers les pays de l’élargissement.

Sous le bénéfice de ces quelques remarques, la commission des finances a adopté l’article 50 et je vous demande, mes chers collègues, d’émettre le même vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 50 du projet de loi de finances pour 2006 a fixé le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne à 18 milliards d’euros. L’exercice 2005 pourrait se solder avec un prélèvement actuellement estimé à 17,3 milliards d’euros, contre 16,6 milliards d’euros votés et 15,5 milliards d’euros exécutés en 2004. Cette augmentation est due principalement à une consommation des crédits communautaires plus forte que prévue, notamment des fonds structurels régionaux, mieux engagés, mieux mis en forme et donc mieux consommés. C’est un juste retour des choses, diront certains.

En 2004, selon la Commission européenne, la France aura reçu 12,9 milliards d’euros au titre des différentes politiques communautaires, dont 9,4 milliards d’euros pour l’agriculture, 2,4 milliards d’euros pour la politique régionale et 751 millions d’euros pour les politiques internes, essentiellement destinés à la recherche. En termes de solde net, la France est le deuxième contributeur, à hauteur de 3,1 milliards d’euros. Si l’on pondère les soldes nets par le RNB, la France se retrouve sixième contributeur : plus 0,19 %. Il faut cependant rappeler les limites des calculs comptables en termes de retours financiers car ils ne correspondent pas à la dynamique de la construction européenne et sont contraires au principe de solidarité. J’en profite pour dire à mes collègues qui s’opposent à un budget européen alimenté par un vrai impôt européen que, si nous étions dans cette situation, nous n’aurions plus aujourd’hui à calculer combien on donne et combien on reçoit, et où vont ces milliards qui ne reviennent pas. On pourrait aussi d’ailleurs régler le problème de la contribution que l’on verse au Royaume-Uni. Je crois, madame la ministre, que l’Europe ne se construira qu’autour de grandes ambitions,…

M. Jacques Myard. C’est du sapeur Camember !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. …de projets, de propositions de notre pays, mais, au-delà de tout cela, elle se construira surtout avec des institutions, et pas celles que l’on nous proposait.

La Commission a proposé, en avril 2005, un avant-projet de budget qui s’établissait à 121,3 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 112,6 milliards d’euros en crédits de paiement, soit respectivement 4,1 % et presque 6 % d’augmentation par rapport à 2005. Cette évolution s’explique par la hausse des paiements des fonds structurels, essentiellement liée à la montée en puissance des programmes dans les quinze premiers pays adhérents, par l’augmentation des dépenses affectées à la croissance – plus 1,4 milliard d’euros –, par la hausse des paiements au titre des politiques internes – plus 913 millions d’euros – et celle des dépenses au titre du premier pilier de la PAC : plus 800 millions d’euros.

Comme tous les ans, le Conseil, lors de sa première lecture en juillet 2005, a réduit les prétentions de la Commission européenne en fixant les crédits d’engagement à 120,81 milliards d’euros et les crédits de paiement à 111,4 milliards d’euros. Ce projet de budget des Communautés européennes représente 1,089 % du RNB communautaire. Faut-il rappeler que, pour la période 2000-2006, le plafond maximal avait été de 1,24 % ? Nous en sommes loin, ce qui démontre, s’il en était besoin, que la moyenne est restée à 1 %. Certains le regretteront ; d’autres s’en réjouiront, y compris dans des rapports parlementaires. La réduction la plus importante concerne malheureusement la recherche, dont les crédits ont été diminués par le Conseil européen. Alors que nous entendons dans cet hémicycle ministres et parlementaires réclamer, à juste titre, une autre ambition pour la recherche, ces dépenses essentielles pour l’avenir de l’Europe ont été diminuées de 516 millions d’euros dans le budget 2 006.

Au-delà du projet de budget pour 2006, et après le rejet par le référendum du 29 mai dernier du projet constitutionnel, les Français s’interrogent – et ils ont de quoi – sur le sens de la construction européenne.

M. Jacques Myard. Il n’y en a plus !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. L’Europe a besoin de croissance et de solidarité, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Il faudrait également accorder à l’Union européenne des moyens budgétaires accrus, une stratégie économique et industrielle, une politique de recherche ainsi que de grandes infrastructures à l’échelle du continent, sans parler du nécessaire effort de solidarité. Les discussions lors du Conseil européen de juin dernier ont donné l’impression que l’Europe manquait du souffle nécessaire à une véritable politique. La crise institutionnelle du premier semestre montre qu’il aurait fallu que le politique l’emporte sur les contraintes et les pesanteurs administratives. Il faudrait définir un budget européen ambitieux, qui prévoirait une possibilité d’emprunt pour les dépenses d’investissement et un financement par la création d’un impôt européen, identique pour tous, fondé sur des critères préalablement établis. Ce serait un moyen de renforcer le lien, trop distendu, entre les citoyens européens et les institutions.

M. Jacques Myard. Taxons, taxons, mes frères ! Cela crée de la solidarité !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. On peut très bien, monsieur Myard, transférer les recettes des pays vers un impôt européen dont le prélèvement par ménage et par activité économique n’excéderait pas les enveloppes actuelles.

M. Jacques Myard. Un impôt que ni le Parlement ni les citoyens ne pourront contrôler !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Il y a quelques jours, nous évoquions l’intercommunalité : certains maires diminuent les prélèvements communaux, pour les transférer au niveau intercommunal ; d’autres conservent les prélèvements au niveau communal et instituent un nouvel impôt intercommunal. Tout est question de transparence et de responsabilité.

M. Jacques Myard. Dites plutôt de renoncement du Parlement français !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Il faut redonner du souffle à l’utilisation de l’impôt.

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Sans recettes, pas de dépenses possibles !

Les Français attendent beaucoup des perspectives financières 2007-2013. Leurs craintes sont à la hauteur de ces attentes, elles-mêmes fondées sur les bénéfices des fonds structurels pour nos régions. Le montant des enveloppes financières – si elles sont maintenues – sur les zones éligibles et les critères de sélection des dossiers préoccupe nos compatriotes.

La Grande-Bretagne, suivie pour des raisons tactiques par quatre autres États membres, a rejeté les derniers compromis de la présidence luxembourgeoise. Ce pays fait maintenant traîner les discussions, et les perspectives financières ne figurent par dans l’ordre du jour du Conseil européen de Hampton Court du 27 octobre prochain. Comme par le passé, la Grande-Bretagne risque donc de sortir au dernier moment une proposition « à prendre ou à laisser », avec les positions que l’on sait sur l’agriculture et les fonds structurels.

Ainsi que l’a dit Mme la ministre déléguée aux affaires européennes, le dernier compromis de la présidence luxembourgeoise semble être, eu égard à la situation actuelle, la meilleure base de négociation pour la France. Ce compromis représente 60 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par rapport au chiffre envisageable d’après la règle du 1 %. Il permettrait de définir une proposition optimale et ciblée pour la Commission européenne. Ce serait éviter de tout remettre à plat – avec le risque de tout perdre –, et faire preuve de pragmatisme.

Il restera cependant à s’assurer des avancées du compromis final en termes de financement de la PAC, du maintien d’une part significative des fonds structurels pour les régions des quinze anciens États membres et d’un accord sur la répartition des contributions au budget.

Dans quelques semaines vont s’ouvrir les négociations à l’OMC sur la PAC. C’est le début des grandes manœuvres ! Nos agriculteurs et leurs organisations professionnelles expriment bien des craintes. Mais ils formulent aussi des propositions très fortes. Il vous revient, madame la ministre, de les relayer dans la discussion à venir. La PAC, qui s’est considérablement réformée au cours des dernières années – nous recevons actuellement les déclarations de paiement unique pour l’année prochaine – a constitué le cœur de l’Europe, a permis d’organiser l’agriculture européenne et a contribué à la prospérité générale de nos pays. Pourtant, elle n’est pas exempte de critiques. Elle a surtout bénéficié aux grandes exploitations, s’est peu occupée d’aménagement du territoire, a multiplié les friches, réduit la population agricole, et, d’après les organisations agricoles, a développé une bureaucratie excessive – même si lesdites organisations participent parfois à celle-ci, comme nous l’avons observé à l’occasion du contrôle sur la CICC.

Certes, il est hors de question de ne pas continuer à aider l’agriculture. Mais on pourrait développer des aides plus favorables aux produits de qualité, encourager des méthodes de production plus respectueuses de l’environnement, favoriser les agriculteurs petits et moyens en privilégiant, lorsque c’est nécessaire, l’aide aux personnes plus qu’aux produits, ainsi qu’en liant davantage les subventions à l’aménagement du territoire.

Les fonds structurels ne doivent pas devenir la variable d’ajustement de la négociation en cours. Le ministère de l’économie a calculé que, dans le dernier compromis, les fonds structurels européens qui seraient affectés aux 15 anciens États membres sur la période 2007-2013 s’élèveraient à 12,75 milliards d’euros. Il faut comparer ce chiffre aux 15,7 milliards d’euros pour la période 2000-2006.

Enfin, les crédits en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi devraient constituer une priorité, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne rénovée. Cette stratégie sera encore plus efficace si notre pays fait de nouvelles propositions et s’y tient avec fermeté. Cette rubrique couvre des domaines très importants. Rappelons la construction du réacteur ITER, à laquelle l’Europe devrait participer ; les grandes liaisons ferroviaires : TGV Est, ligne Lyon-Turin. Je rappelle enfin que la commission des finances a demandé que le Parlement soit consulté sur le programme national de réforme que le Gouvernement français doit transmettre à la Commission européenne à l’automne, en application de la stratégie de Lisbonne révisée.

J’ai effectué, madame la ministre, des missions de contrôle avant et après les élections régionales : le climat entre les exécutifs régionaux et les préfets s’est considérablement détérioré. Les enjeux qui sont devant nous méritent une attention plus soutenue : il faut éviter que certains crédits soient affectés de façon quelque peu aléatoire.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont : vous avez déjà dépassé votre temps de parole de cinq minutes.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Je m’en tiendrai donc là. Comme l’a indiqué M. le rapporteur général de la commission des finances, nous avons adopté l’article 50, qui prévoit ce prélèvement au titre du budget européen. J’invite l’Assemblée à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour dix minutes également.

M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Comme chaque année, nous sommes saisis d’un article du projet de loi de finances autorisant que soit prélevé le montant de la contribution française au budget de l’Union européenne. Cela nous permet de nous prononcer sur ce budget communautaire qui, rappelons-le, n’a pas encore été définitivement adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union.

Je ne reviendrai pas sur le détail du budget de l’Union européenne pour 2006. Avec près de 121 millions d’euros et une contribution française de 18 milliards d’euros, l’année 2006 assurera la continuité en matière budgétaire. Les dépenses agricoles représenteront encore l’essentiel du budget, avec 51 milliards d’euros, aux côtés des dépenses structurelles, pour 44,5 milliards d’euros.

Au-delà de ces quelques chiffres, je voudrais évoquer les incertitudes profondes qui pèsent sur les questions européennes aujourd’hui. Ces incertitudes, nous le savons tous, portent d’abord sur les perspectives financières. Je n’entrerai pas dans les détails. Je crois que, sur ce point, un satisfecit peut être décerné à notre gouvernement, qui a su préserver l’essentiel lors des négociations de juin dernier, sans pour autant faire preuve d’une intransigeance aveugle. De ce point de vue, l’exemple donné par le Royaume-Uni est accablant. Que les nouveaux États membres se soient déclarés prêts à renoncer à une part des subsides européens qui leur étaient promis depuis longtemps, pour qu’un accord puisse se dégager, en dit long sur l’état de l’Europe. Cependant, je crois que ce geste des nouveaux membres – et c’est plus rassurant – montre leur sens des responsabilités et de la solidarité européenne.

Rappelons à cet égard quelques principes simples.

Tout d’abord, le maintien des dépenses européennes à un niveau raisonnable. Ces dépenses doivent être utilisées efficacement, et ciblées conformément au principe de subsidiarité. L’Europe n’est pas toujours l’échelon le plus pertinent pour intervenir. La France a appelé avec cinq de ses partenaires à un budget moyen annuel sur la période 2007-2013 de 1 % du revenu national brut. C’est un objectif raisonnable dont les propositions luxembourgeoises se sont rapprochées en juin dernier. Il faut maintenir ce cap lors des prochaines négociations.

Deuxième principe qui doit nous guider dans ces négociations financières : le respect de la parole donnée, en 2002 et 2003, pour la PAC, qui s’est d’ailleurs profondément réformée depuis dix ans. Tous les États, y compris le Royaume-Uni, ont signé ces accords qui ont organisé la réforme de cette politique jusqu’en 2013. D’ailleurs, je trouve que l’on oublie un peu rapidement tous les avantages que l’on a tirés de ce qui fut la première des politiques communes, laquelle ne doit pas être remise en cause au détour des négociations de l’OMC.

N’est-ce pas grâce à la PAC que l’Europe est devenue une si grande puissance agricole, dont la qualité des produits est reconnue par tous ? La grippe aviaire qui nous menace après la « vache folle » et la fièvre aphteuse – dont les Britanniques doivent encore avoir le souvenir – n’impose-t-elle pas que nous accordions une attention particulière à notre agriculture européenne, afin de lui conserver sa qualité et ses performances ?

Troisième principe : il faut préserver une politique de cohésion qui est l’expression même de la solidarité européenne. Si cette solidarité s’exerce en priorité au profit des nouveaux États membres, cela va de soi, les régions les moins prospères des autres pays, celles qui relèvent de ce que l’on appelle l’objectif 2 de la politique régionale, doivent continuer à bénéficier dans une certaine mesure de la solidarité européenne. Cela est essentiel pour assurer la cohésion de notre continent et pour que chacun de nos concitoyens puisse constater concrètement – grâce aux financements européens – comment se matérialise la solidarité au sein de l’Union.

Enfin, dernier principe directeur pour ces négociations sur les perspectives financières, nous devons nous engager en faveur de politiques dynamiques, comme en matière de recherche et de formation. L’échelon européen est le plus pertinent en matière de recherche pour assumer des investissements lourds financièrement. Airbus, Ariane, et bientôt Iter, montrent que nous avons raison d’investir dans ces secteurs et qu’il nous faut continuer sous peine de voir nos concurrents nous dominer.

M. Jacques Myard. Nous n’avons pas besoin de l’Union pour cela !

M. Roland Blum, rapporteur pour avis. Reste la question des ressources. Vous ne trouverez plus personne en Europe – hormis à Londres et dans ses environs – pour défendre le « rabais britannique ». Rien ne le justifie plus. Introduit il y a plus de vingt ans dans des conditions sur lesquelles on pourrait d’ailleurs revenir, il fait figure d’anomalie profonde. Le Royaume-Uni obtiendra 5,7 milliards d’euros en 2006 au titre de ce rabais et la France en versera près de 30 %, soit 1,6 milliard d’euros. Ce chiffre laisse songeur quand on le rapproche de celui que la France versera au profit des dix nouveaux États membres en 2006 : 1,3 milliard d’euros. Oui, mes chers collègues, chacun de nos compatriotes contribue plus au bien-être du Royaume-Uni qu’à celui de la Lituanie, de la Lettonie, de l’Estonie, de Malte, de Chypre, de la Hongrie, de la République tchèque, de la Slovénie, de la Slovaquie et de la Pologne réunies !

M. Jacques Myard. C’est fortiche !

M. Roland Blum, rapporteur pour avis. Je sais la détermination de notre gouvernement en ce domaine, et je la salue. Madame la ministre, soyez assurée de notre soutien sur cette question.

Une mission récente en République tchèque m’a permis de constater que nous n’étions pas isolés dans ce débat. L’Europe est plus nuancée que nous ne voulons bien l’admettre souvent. L’opposition n’est pas, comme pour les jardins, entre une Europe à la française, qui serait politique, et une Europe à l’anglaise – je serais tenté de dire « à l’anglo-saxonne » – se réduisant à un pur marché, vision qui rallierait les nouveaux membres. Ainsi les Tchèques sont – j’ai pu le constater – très attachés à une Europe qui marche, qui stabilise le continent et qui s’engage dans des projets, concrets, précis, porteurs de progrès.

J’évoquais, au début de mon propos, les incertitudes qui pèseront sur l’Union dans les mois à venir. Comment ne pas penser, en l’occurrence, à la question de l’élargissement ? Je n’insisterai pas sur les négociations désormais ouvertes avec la Turquie et la Croatie, si ce n’est pour m’arrêter sur deux points. Les parlementaires doivent être associés au suivi de ces négociations et il importe de rappeler que le choix qui s’offre à nous n’est pas binaire : l’adhésion ou l’exclusion de ces pays candidats. Il appartiendra à l’Union européenne de s’assurer à tout moment de la bonne foi et des progrès de ses partenaires. Il lui appartiendra aussi de vérifier qu’elle est en mesure d’intégrer de tels pays. Pour moi, je le dis clairement, ce n’est pas le cas à ce stade. Il restera alors à établir un lien, « le plus fort possible », comme le dit le cadre de négociation adopté le 3 octobre dernier. De ce point de vue, je ne peux que vous renvoyer aux propositions avancées par le président de notre commission dans le rapport qu’il vient de publier sur l’Europe, son unité et sa diversité. Le partenariat privilégié me semble la voie la plus raisonnable à terme.

L’heure n’est plus aux tergiversations. Après 2005, année de crise et d’incertitudes, l’année 2006 sera une année charnière. Elle sera l’année où l’Europe ayant, je l’espère, retrouvé ses esprits agira pour engager des politiques actives et organiser plus efficacement ses institutions. Tout au long de cette année, nous serons aux côtés du Gouvernement, solidaires et vigilants.

Je terminerai mon propos en indiquant que la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 50 du projet de loi de finances pour 2006, lequel autorise la France à prélever 18 milliards d’euros sur ses recettes au profit du budget de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à nous prononcer sur la contribution de la France au budget européen. La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable au projet du Gouvernement. Je vous invite à faire de même.

Mais le débat d’aujourd’hui est aussi l’occasion de s’exprimer sur l’état de l’Union européenne. Quel constat pouvons-nous faire ?

L’Europe est en crise. C’est une crise profonde qui met en cause la signification même de l’Union et son avenir.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Si nous n’y prenons garde, cette crise pourrait ébranler tout l’édifice européen patiemment construit depuis un demi-siècle.

M. Jacques Myard. C’est déjà fait !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Que ce soit le rejet du traité constitutionnel, les interrogations légitimes sur des élargissements futurs, les difficultés dans la négociation sur les perspectives financières pour 2007-2013, tout semble concourir à créer un sentiment de pessimisme.

Il est temps de redonner confiance aux Français. Il est temps d’innover, de sortir des formules toutes faites et des raisonnements simplistes, comme ceux qui opposent intégration communautaire et relations intergouvernementales.

Face à cette situation, quelle peut être notre attitude ?

Je dois malheureusement constater que notre réponse n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés. La seule perspective qui semble aujourd’hui tracée sur le plan européen est celle de l’élargissement massif de l’Union, poursuivi comme si rien ne s’était passé le 29 mai. Pour preuve, la seule décision qui a été prise depuis l’échec du traité constitutionnel a été l’ouverture des négociations d’adhésion avec deux nouveaux pays candidats.

M. Jacques Myard. Eh oui ! On fonce tête baissée, dans le mur !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Est-il réaliste de prévoir une telle extension de l’Europe alors que l’Union à vingt-cinq, et demain à vingt-sept, n’a pas encore réussi à se mettre d’accord sur son budget futur ?

Mme Anne-Marie Comparini. Bien sûr que non !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Est-ce prudent alors que, manifestement, nos concitoyens s’interrogent sur le sens qu’aurait une Europe aussi vaste et que l’élargissement de 2004, bien que nécessaire, est loin d’avoir été totalement accepté ?

Je suis pour ma part, on le sait peut-être, hostile à tout nouvel élargissement avant longtemps, une fois que la Roumanie et la Bulgarie seront entrées dans l’Union.

Mme Anne-Marie Comparini et M. Charles de Courson. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il est temps d’observer une longue pause pour que l’Union se concentre sur sa réforme, sur son projet, ses institutions et ses politiques. Ne pas laisser à l’Europe le temps de retrouver ses esprits, de s’organiser plus efficacement serait la vouer à un nouvel échec.

Mais, entendons-nous bien, cela ne signifie nullement que nous devons nous désintéresser de nos voisins, qu’ils soient à l’Est ou au Sud. Des contrats de partenariat, bâtis autour d’un socle commun de valeurs et adaptés au cas par cas, doivent être conclus pour permettre à ces pays de se moderniser. Le moment venu, lorsque l’Europe aura tracé clairement sa voie, nous aviserons pour savoir qui peut et qui souhaite intégrer l’Union.

Mme Anne-Marie Comparini et M. Charles de Courson. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Avant d’atteindre cet horizon lointain, l’Europe doit progresser et se renforcer.

Certes, aujourd’hui, en matière de politique étrangère, de défense, de fiscalité, d’agriculture, des divergences existent. Il ne faut pas s’en émouvoir ; c’est l’ordre normal des choses. Les nations demeurent, avec leurs intérêts, leur histoire, leur culture. Il faut tirer parti de cette diversité.

J’ai évoqué à plusieurs reprises la notion de « coopérations spécialisées » qui permettraient d’organiser l’avenir de l’Union.

M. Jacques Myard. Excellent !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. L’idée n’est pas de créer un noyau dur, sorte de directoire, d’élite, qui dominerait les autres États membres. Il est question de donner la possibilité aux États membres qui le souhaitent et qui, par définition ne seront pas toujours les mêmes selon les sujets abordés, d’avancer plus rapidement. Ces cercles de coopération spécialisée seraient ouverts à tous ceux qui le souhaitent.

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Ils accueilleraient aussi bien des pays fondateurs que d’autres mais il serait souhaitable, je pense que, dans tous les cas, la France et l’Allemagne, soient étroitement associées en leur sein.

J’entends que l’on s’émeut parfois du recours à de telles initiatives qui interviendraient en dehors du cadre strictement communautaire à vingt-cinq ou à vingt-sept. Mais cela a toujours existé, qu’il s’agisse de défense, de monnaie, de circulation ou de sécurité, avec Schengen.

Ce que je propose, c’est de multiplier ces initiatives dans tous les domaines possibles, et de recourir à une véritable expérimentation européenne.

Mais tout cela ne peut réussir sans que les Français soient étroitement associés à ce mouvement en faveur de l’Europe.

Mme Anne-Marie Comparini. Tout à fait !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Le dire ne suffit pas. Depuis le 29 mai dernier, ce thème de l’association plus étroite des Français à la cause européenne est devenu une sorte d’incantation. Mais l’heure n’est plus aux vœux pieux. Il est temps d’avancer des propositions concrètes et précises.

On nous rendra justice d’avoir formulé, dès la fin de 2004, des propositions juridiques pour mettre le débat européen au cœur de la vie publique française. M. de Charrette, M. Blum et moi-même avons déposé une proposition de loi constitutionnelle puis un amendement au projet de loi modifiant la Constitution. Il s’agissait de reconnaître aux parlementaires un droit d’initiative en matière européenne. Nous souhaitions que les présidents des assemblées et des commissions puissent se saisir de tout projet ou document européens, pour enclencher ensuite la procédure de l’article 88-4 de la Constitution et voter, le cas échéant, une résolution.

Lors du débat public, cet amendement n’a pas été voté,…

Mme Anne-Marie Comparini et M. Charles de Courson. Hélas !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. …mais, conformément à ce qu’était l’intention du Premier ministre, la parution d’une circulaire a été promise. Et nous avons reçu des assurances précises. Répondant à ma question – « La transmission [des documents et des projets européens] sera-t-elle la règle et la non-transmission l’exception ? » – le garde des sceaux a déclaré : « une circulaire précisera qu’à la demande des autorités compétentes, il y aura transmission au Parlement [des documents et projets européens], et cette transmission sera donc la règle ». Il est par conséquent allé un peu plus loin que la demande que j’avais formulée.

Depuis, qu’est-il advenu ?

Mme Anne-Marie Comparini. Rien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Le rejet du traité constitutionnel européen, ce qui n’est certes pas mince. Quelles initiatives ont été prises pour tirer les conclusions de ce vote ? Je dois dire que, jusqu’à aujourd’hui – il est vrai que seulement quatre mois se sont écoulés –, elles n’ont pas été nombreuses.

On a évoqué devant la commission des affaires étrangères l’ouverture d’un portail Internet, des rencontres avec les entreprises et les milieux socioprofessionnels. C’est certainement utile. Mais je crains que cela ne suffise pas pour donner aux Français le sentiment qu’ils sont associés étroitement aux questions européennes.

J’ai la faiblesse de penser qu’en la matière le rôle des députés et des sénateurs est essentiel, conformément au principe de la démocratie représentative auquel chacun d’entre nous est ici attaché.

M. Jacques Myard. À ce qu’il en reste !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Sur ces sujets précis, nous attendons aujourd’hui des actions concrètes pour que les bonnes intentions affichées il y a peu – le débat dont j’ai parlé a eu lieu il y a à peine plus de six mois – se traduisent dans les faits.

Nous attendons, par exemple, la publication de la nouvelle circulaire relative à l’application de l’article 88-4 de notre Constitution. Il a été indiqué à la commission des affaires étrangères que ce texte, en cours de rédaction, prévoirait de soumettre au Parlement les projets d’actes européens relevant de la procédure de codécision. J’ai le regret de le dire, ce n’est pas le sens de l’engagement qui avait été pris publiquement, il y a quelques mois. Cet engagement était bien de répondre dans tous les cas, sauf hypothèse exceptionnelle, aux sollicitations parlementaires.

Nous souhaitons ainsi, en tant que parlementaires représentant les Français, pouvoir nous saisir de questions européennes importantes et donner notre sentiment quand nous le jugeons nécessaire. Et je ne crois pas qu’on puisse limiter ce droit aux textes relevant de la procédure de codécision. Sur l’élargissement, par exemple, le Parlement européen se prononce régulièrement. Pourquoi le Parlement français devrait-il, lui, demeurer muet en la matière ?

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. D’ailleurs, le travail des députés et des commissions permanentes peut être utile au Gouvernement, je le note en passant. L’exécutif n’a-t-il pas apprécié, il y a quelques mois, le vote par l’Assemblée nationale d’une résolution sur la directive dite Bolkestein ? La commission des affaires étrangères ne vient-elle pas de voter une proposition de résolution – qui est d’ailleurs devenue définitive depuis vendredi dernier – appelant à ce que le droit européen soit codifié et que le français, langue dans laquelle la Cour de justice délibère, soit reconnu sinon comme une référence, du moins comme un relais, comme la pratique en est constante dans les négociations et discussions au sein des organismes européens ? Je profite d’ailleurs de l’occasion pour demander au Gouvernement s’il compte soutenir l’initiative prise par la commission des affaires étrangères sur ce sujet précis, initiative qui, contrairement à ce qui nous a été dit, n’impose nullement la modification des traités existants.

Nous souhaitons aussi pouvoir suivre, chapitre par chapitre, les négociations engagées avec les deux pays candidats, la Turquie et la Croatie, afin de pouvoir les apprécier et en rendre compte à nos concitoyens.

Mme Anne-Marie Comparini et M. Charles de Courson. Très bien !

M. Édouard Balladur. Trente-cinq chapitres sont en cause. Il serait possible, à échéances régulières, d’en rendre compte aux commissions compétentes.

Mme Anne-Marie Comparini et M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. Édouard Balladur. Pour conclure, laissez-moi dire ma conviction sur cette question. L’Europe concerne aussi la politique intérieure, qu’elle soit économique, budgétaire ou sociale, nos concitoyens mesurant chaque jour les effets des décisions européennes dans leur vie quotidienne.

M. Jacques Myard. Des effets néfastes !

M. Édouard Balladur. Le débat public et le fonctionnement de nos institutions doivent donc en tirer toutes les conséquences. L’Europe et son avenir sont un sujet de discussion qui doit être abordé sans dramatisation, mais de façon exhaustive.

Nous avons devant nous plusieurs rendez-vous importants. Nous ne pouvons pas nous permettre de les manquer, sauf en courant le risque de voir les Français se détourner de l’idée européenne.

M. Jacques Myard. C’est déjà fait !

M. Édouard Balladur. Il faut conjurer ce risque, et le Gouvernement en a les moyens. Je souhaite donc vivement qu’il les utilise en pleine association avec le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le projet de budget communautaire pour 2006, tel qu’il a été adopté en première lecture par le Conseil européen le 15 juillet dernier, s’élève à 120,8 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 111,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Par rapport au budget 2005, ces montants représentent une augmentation de 3,65 % pour les crédits d’engagement et de 4,82 % pour les crédits de paiement.

Ce projet de budget applique l’impératif de discipline budgétaire à toutes les rubriques, dégage des marges suffisantes sous les plafonds en vue de faire face aux situations imprévues, maîtrise la croissance des crédits de paiement compte tenu du taux d’exécution des années précédentes, et respecte les engagements pris au sommet de Copenhague envers les dix nouveaux États membres.

Au-delà du respect de ces quatre impératifs, le budget 2006 aurait dû présenter peu d’intérêt, puisqu’il a vocation à être un budget de « bouclage » ; son contenu est largement dicté par une logique d’achèvement des chantiers de la programmation pluriannuelle 2000-2006.

Mais l’enjeu de ce qui aurait pu n’être qu’un budget de clôture est bien plus large : comme l’a souligné le président de la commission des budgets du Parlement européen, M. Janusz Lewandowski, « ce budget est important, car il fait figure de passerelle vers les prochaines perspectives financières ». Les choix retenus pour l’élaboration du budget 2006 pourraient donc se révéler lourds de conséquences au-delà de 2006.

Les 16 et 17 juin derniers, les chefs d’État et de gouvernement réunis en Conseil européen ne sont pas parvenus à un accord sur les perspectives financières de l’Union pour la période 2007-2013, ce qui atteste l’ampleur de la crise que nous traversons. L’échec était prévisible, malgré le travail remarquable de la présidence luxembourgeoise et de Jean-Claude Juncker, et en dépit des efforts de la grande majorité des États membres. La logique contestable du «juste retour» a empoisonné les débats et il n’est pas certain qu’un accord pourra être trouvé d’ici à la fin de la présidence britannique, particulièrement peu active jusqu’à présent, comme nous l’avons souligné à la délégation pour l’Union européenne.

En effet, cette présidence se sera limitée à l’ouverture des négociations avec la Turquie et la Croatie et à une discussion surréaliste et tronquée, qui passe de deux à une seule journée, le 27 octobre, sur le modèle social européen. Comment en effet régler la question du modèle social européen – s’il existe – en une journée ? Qu’apportera ce sommet informel par rapport aux conclusions du Conseil européen du 23 mars dernier sur la relance de la stratégie de Lisbonne ? Et surtout, quel contraste avec le discours inaugural de Tony Blair !

Les enjeux de la négociation sur les perspectives financières sont pourtant considérables. Le résultat engagera l’Union européenne pour sept ans vis-à-vis de ses régions, de ses entreprises, de ses citoyens et de ses partenaires dans le reste du monde. Il déterminera ses moyens financiers pour atteindre les objectifs politiques ambitieux et légitimes qu’elle affiche, à un moment où les attentes auxquelles elle doit répondre se font pressantes et où l’hétérogénéité de ses membres s’accroît.

L’omniprésence de la logique comptable au cours des négociations du printemps dernier illustre sans doute une certaine inadaptation du système actuel des ressources du budget communautaire. Plus directement, la faiblesse de la croissance économique et les difficultés budgétaires des États membres expliquent que les égoïsmes nationaux aient trop largement prévalu pendant ces négociations. Le Royaume-Uni a ainsi subordonné toute remise en question de son « chèque » à une révision à la baisse de la politique agricole commune, exigence totalement inadmissible pour la France et les dix nouveaux pays. La France et l’Allemagne ont fait valoir à juste titre que la « ristourne » dont bénéficie le Royaume-Uni est inacceptable dans la mesure où ce pays est devenu l’un des plus prospères de l’Union européenne. Les nouveaux États membres sont, pour leur part, très inquiets : l’engagement unanime des quinze « anciens » membres de faire fonctionner à leur bénéfice une solidarité réelle et durable sera-t-il tenu ?

Il faut donc impérativement sortir de cette impasse, en s’efforçant de faire prévaloir les quatre principes défendus avec fermeté et constance par la France : le respect des engagements, notamment sur la PAC ; comme l’a souligné Roland Blum, on voit aujourd’hui, avec le risque de pandémie de grippe aviaire, combien est précieuse la sécurité alimentaire qu’apporte à tous les Européens la politique agricole commune, plusieurs fois réformée ; la solidarité avec les nouveaux États membres ; la discipline budgétaire ; et, enfin, la recherche d’une plus grande équité dans le mode de financement, avec la suppression progressive du chèque britannique.

La création d’un fonds d’adaptation à la mondialisation, proposée par la Commission à la suite du dossier Hewlett Packard et destinée à financer la formation, le reclassement des travailleurs ou la réinsertion, mérite d’être soutenue à condition d’utiliser les instruments existants des fonds structurels.

Il incombe donc au Royaume-Uni, qui préside l’Union, d’élaborer des propositions sur la base de la position défendue par le Luxembourg, et non de bloquer la situation.

Par ailleurs, tous les enjeux de la programmation pluriannuelle figurent déjà dans l’élaboration du budget communautaire pour 2006.

Le projet de budget adopté par le Conseil ménage ainsi une place à tous les volets de la « stratégie de Lisbonne » qui relèvent de la compétence de l’Union, avec notamment 5,28 milliards d’euros en crédits d’engagement pour la poursuite du sixième programme-cadre de recherche.

Concernant la rubrique « Actions extérieures », qui pose problème chaque année dans les relations entre les deux branches de l’autorité budgétaire européenne, le Conseil a revu à la baisse les propositions de la Commission, qui avait cru pouvoir s’affranchir du respect du plafond fixé par les perspectives financières en vigueur. Les États membres, au sein du Conseil, sont pourtant parvenus à concilier de manière équilibrée le financement des priorités externes traditionnelles et les nouvelles priorités, comme la reconstruction de l’Irak, équilibre auquel le Parlement européen est très attaché.

L’Europe concrète des projets, l’affirmation du rôle de l’Union européenne et de sa présence à l’extérieur de ses frontières, le progrès vers une Europe politique pour assurer l’articulation de ces deux ambitions, tels pourraient être les piliers d’un projet européen renouvelé, susceptible de mobiliser tous les acteurs de la construction européenne et de recueillir l’adhésion des citoyens de l’Europe élargie.

Comment rebondir après l’impasse institutionnelle provoquée par le double rejet français et néerlandais du traité constitutionnel ? Il revient aux dirigeants européens de proposer une méthode d’action et des objectifs mobilisateurs pour sortir de la paralysie et permettre à l’Europe d’agir et d’avancer.

Des expériences de coopération renforcée existent déjà dans les domaines de la défense et de la recherche, mais, fort du succès de l’euro et de la méthode qui a conduit à son adoption par douze pays, je propose que les États de l’eurogroupe s’engagent à définir et à mettre en œuvre un pacte de convergence élargi à l’ensemble des politiques de l’Union.

L’enceinte de l’eurogroupe a en effet le mérite d’exister et a vocation à s’élargir progressivement à tous les États membres. Ses membres ont en outre décidé d’élire en leur sein un président stable pour une durée de deux ans, et ont désigné un Européen convaincu : Jean-Claude Juncker.

Impulsé par l’eurogroupe et soumis à la Commission européenne, à qui il appartiendrait d’élaborer les instruments législatifs et réglementaires appropriés, ce pacte devrait être fondé sur les principes de mise en œuvre progressive et proposé à tous les États de l’Union. Des clauses d’opting out pourraient être ponctuellement accordées à un État membre qui en ferait la demande, mais la règle de l’abstention constructive devrait prévaloir sur l’exercice du droit de veto. Le pacte de convergence pourrait concerner la fiscalité, la politique économique et sociale, la politique de la recherche, mais aussi la justice, la sécurité et la défense.

Telles sont les réflexions dont je voulais vous faire part à l’occasion de cette discussion budgétaire avant de donner un avis favorable à l’article 50 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux orateurs inscrits dans la discussion sur le prélèvement européen.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget communautaire pour l’exercice 2006 est à la fois le dernier budget de l’agenda 2000 et le premier exercice budgétaire de la commission Barroso. Il se situe à une période charnière, juste avant la délicate négociation sur les prochaines perspectives financières 2007-2013 et l’entrée imminente de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union.

En dépit des efforts déployés par Jean-Claude Juncker lors de la présidence luxembourgeoise au premier semestre 2005, c’est à la présidence britannique que revient la tâche de parvenir à un accord pour le futur cadre financier pluriannuel. Aussi ce budget revêt-il une importance toute particulière puisqu’il aurait valeur de référence pour l’avenir en cas de nouvel échec des négociations sur le prochain paquet budgétaire.

Deuxième budget de l’Union à vingt-cinq en année pleine, ce budget tient compte de l’élargissement à dix nouveaux membres tout en faisant preuve d’une grande rigueur budgétaire, à l’instar de ce que nous entreprenons à l’échelle du pays depuis quatre ans. Il s’établit ainsi à 120,8 milliards d’euros, soit une hausse de 3,7 % des crédits d’engagement et un total de 1,08 % du revenu national brut, et 111,4 milliards en crédits de paiement. Il résulte de cette évolution une progression de 3,8 % du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et, en 2006, la France devra verser 18 milliards d’euros, soit 7 % de ses recettes fiscales nettes.

Ce budget s’inscrit pleinement dans le cadre de l’accord de Berlin de mars 1999, qui tient compte du dernier élargissement. Ainsi, les dépenses de cohésion progressent de 5 %, sans oublier la politique agricole commune, dont la France est le premier bénéficiaire – 21 % des crédits –, rééquilibrée autour du développement durable qui traduit l’objectif de multifonctionnalité de l’agriculture.

Le budget de l’Union pour 2006 réaffirme la solidarité extérieure et renforce les engagements pris en faveur de la stratégie de Lisbonne, que ce soit dans le domaine de la recherche, de l’éducation supérieure, des réseaux de transports transeuropéens ou de l’énergie, là où se situent les gisements de croissance et d’emploi de demain.

Mais, plus fondamentalement, au-delà des chiffres de ce budget, je souhaite axer mon intervention sur ce que la France attend des prochaines perspectives financières, véritable expression de la politique européenne. Tout accord devra se faire sur la base de la proposition de la présidence luxembourgeoise, c’est-à-dire un budget plafonné à 1,06 % du revenu national brut en crédits d’engagement, soit environ 1 % en crédits de paiement.

Ces perspectives financières devront aussi tenir compte de plusieurs impératifs : la solidarité vis-à-vis des nouveaux États membres, le respect des accords de Bruxelles sur la politique agricole commune d’octobre 2002, la réorientation d’une partie des politiques structurelles vers la stratégie de Lisbonne, et enfin, la révision, à défaut de suppression, de la ristourne britannique.

La philosophie de la construction européenne nous impose tout d’abord de prendre pleinement en compte l’arrivée de nouveaux pays : parce qu’ils ont des revenus par habitant inférieurs à la moyenne, il est parfaitement normal de concentrer les aides sur eux. Cette démarche a d’ailleurs, dans le passé, entraîné le développement économique de l’Espagne, du Portugal et de l’Irlande.

Deuxième impératif : le respect de l’accord de Bruxelles. Adopté en octobre 2002 à l’unanimité des États membres, il fixe le plafond des dépenses agricoles de marché et de paiements directs pour la période 2007-2013. La loi d’orientation agricole que nous venons de voter vise justement à adapter notre agriculture à cette réforme. Toute hypothèse d’un cofinancement conduirait à la mort de la politique agricole commune et doit donc être exclue.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Marc Laffineur. De même, l’accord de Bruxelles doit être préservé dans le cadre des négociations en cours à l’OMC. La présidence britannique de l’Union, par l’intermédiaire de son commissaire européen au commerce, ne doit pas en profiter pour le démanteler, d’autant plus que la France a déjà fait des concessions importantes. Ainsi, l’ouverture des marchés agricoles ne doit en aucun cas servir de monnaie d’échange pour avancer sur les autres sujets en discussion.

Au-delà du seul principe du respect des engagements récents, plusieurs éléments plaident en faveur du maintien des termes de l’accord. D’une part, il a pour principal objectif de modérer le poids budgétaire du premier pilier de la politique agricole commune, puisque nous passons de 0,61 % du produit intérieur brut européen en 1993 à 0,34 % en 2013. D’autre part, les bénéfices de la politique agricole commune sont tellement évidents et nous y sommes si habitués qu’on finit par les méconnaître: autosuffisance alimentaire à l’échelle de l’Union, synonyme de liberté ; sécurité sanitaire,…

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Marc Laffineur. …d’autant plus appréciable en cette période de propagation du virus de la grippe aviaire ; équilibre, enfin, entre les différents espaces de l’Union du point de vue de l’aménagement du territoire. À tout cela, il convient d’ajouter l’importance grandissante des biocarburants.

Troisièmement, il faut accroître l’efficacité de la dépense européenne, dans l’esprit de la stratégie de Lisbonne, en donnant la priorité à la recherche. L’objectif est de développer une économie de la connaissance, la plus performante possible. Deux moyens peuvent y être consacrés. D’abord, la fixation d’un niveau réaliste pour les crédits communautaires de recherche. L’action ainsi financée sera d’autant plus efficace qu’elle reposera sur une affectation selon le critère de l’excellence, par appel d’offres, plutôt que sur la notion de rattrapage. Ensuite, la réorientation vers les universités et la recherche d’une partie des fonds structurels attribués aux Quinze.

Quatrièmement, nous devons revoir les modalités de financement de l’Union européenne. La France était très attachée à la suppression progressive du « chèque » britannique, mais Jean-Claude Juncker a proposé un autre système, le plafonnement du rabais à 5,5 milliards d’euros. C’est déjà un cadeau énorme à nos yeux. Il ne faut en aucun cas accorder plus.

Mais, plus généralement, il convient d’assurer à l’Union davantage de ressources propres. J’avais proposé, dans un rapport, de procéder à l’harmonisation des bases fiscales de l’impôt sur les sociétés en Europe. L’enjeu d’une telle réforme est important, non seulement parce que les entreprises n’arrivent pas à s’y reconnaître dans les différentes bases actuellement en vigueur, mais aussi parce que cela pourrait préparer le moment où une partie de l’impôt sur les sociétés serait affectée au budget européen.

Tels sont les principaux enjeux des négociations des quatrièmes perspectives financières européennes. Après l’échec du référendum sur la Constitution, celles-ci deviennent le principal instrument de définition des nouveaux objectifs et des nouveaux projets de l’Union européenne. La France, avec d’autres, doit reprendre l’initiative et faire de nouvelles propositions. Personnellement, je suis favorable à la constitution de noyaux durs autour des États qui désirent aller de l’avant dans certains domaines. De telles procédures de coopération renforcée existent déjà avec l’euro ou Schengen. Il serait souhaitable de les étendre aux domaines de la défense, de la politique étrangère ou de la recherche. Enfin, nous devons mettre en place une véritable politique industrielle européenne.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Marc Laffineur. C’est un point essentiel, madame la ministre, si nous voulons rester compétitifs par rapport à d’autres régions de la planète.

M. Jacques Myard. Pour cela, il faut mettre la Commission au pas, monsieur Laffineur !

M. Marc Laffineur. Bien entendu, l’UMP votera l’article 50, tant nous sommes persuadés de la nécessité d’une politique européenne forte. Notre gouvernement et notre pays doivent prendre des initiatives en ce sens ; il y va de l’avenir de l’Union et de l’espoir de très nombreux peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget européen doit illustrer notre ambition européenne. À cet égard, la tonalité dominante de ce débat me paraît malheureusement assez révélatrice, non seulement de la crise que connaît l’Union, mais aussi, permettez-moi de le dire, du manque d’ambition de notre pays pour l’Europe.

Je souhaite faire quelques remarques sur la contribution de notre pays au budget de l’Union européenne, avant de m’intéresser au budget lui-même, puis aux perspectives financières, qui doivent constituer l’outil principal de la politique européenne.

En ce qui concerne la contribution française au budget de l’Union, on a beaucoup insisté, dans ce débat comme dans les documents distribués, sur le chiffre du prélèvement sur recettes : 17 995 millions d’euros. J’ai moins entendu – et je le regrette – rappeler l’importance de ce que la France reçoit du budget européen, au titre de la politique agricole commune, dont elle est la principale bénéficiaire, des fonds structurels, qui concernent toutes nos régions, en particulier celles qui connaissent un retard de développement, ou du bénéfice global de notre appartenance à l’Union européenne en termes d’influence mondiale.

Les chiffres que nous avons entendus tout à l’heure n’ont pas non plus permis d’apprécier la relativité de notre contribution nette. On entend souvent dire que la France, non seulement donne plus qu’elle reçoit, mais est même le deuxième contributeur net à l’Union. Mais si nous avons l’honnêteté de rapporter le montant de sa contribution au revenu national brut, elle n’est plus que le sixième, avec la Belgique et après les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suède, l’Allemagne et l’Italie, le rapport de notre collègue Jean-Louis Dumont le montre clairement.

En outre, disons-le avec force, la notion de juste retour n’a tout simplement pas de sens. Toute la construction européenne repose sur l’idée de solidarité, et c’est justement au nom de cette solidarité que nous avons reçu autant de la politique agricole commune. Parler de retour, c’est employer le même langage que Mrs Thatcher. Nous devons bannir cette expression de notre discours.

M. Charles de Courson. Vous voulez dire Lady Thatcher !

Mme Élisabeth Guigou. À l’époque, elle n’avait pas encore le titre.

Voilà donc ce que j’aurais aimé voir dans les documents distribués, y compris dans ceux destinés à la presse. Mais la contribution de la France n’y est présentée que comme un coût, non comme un investissement ou une ambition.

Venons-en au budget lui-même. Nous en connaissons la structure : 42,5 % pour la politique agricole commune, 4,3 % pour l’action extérieure de l’Union, 7,6 % pour l’ensemble des autres politiques intérieures : la recherche et la technologie pèsent dix fois moins que l’agriculture, l’éducation et de la formation cent fois moins. Quant à l’énergie, 1 % du budget lui est consacré au moment même où nous savons devoir nous préparer à une crise énergétique majeure, qui nous impose de repenser complètement notre politique en la matière !

Je souhaite, madame la ministre, vous poser plusieurs questions.

Premièrement, qu’allez-vous faire pour continuer à réformer la politique agricole commune ? Elle est évidemment très importante pour nous et nous devons la conserver. Mais nous savons très bien que certains de ses éléments sont parfaitement contestables. Est-il encore justifié, aujourd’hui, de maintenir les aides à l’exportation, dont nous connaissons pourtant les effets pervers, notamment pour les pays du tiers monde ? Est-il encore acceptable de maintenir le soutien des prix, alors qu’il bénéficie avant tout, nous le savons – Jean-Louis Dumont vient de nous le rappeler –, aux agriculteurs les plus favorisés ? Est-il encore concevable qu’une politique agricole commune fasse si peu pour l’aménagement du territoire et pour le développement rural ?

Il faut donc continuer à réformer la politique agricole commune. Nous y retrouverions des marges de manœuvre financières que nous pourrions très utilement affecter à d’autres dépenses.

Autres questions, madame la ministre : quelles sont les intentions du Gouvernement s’agissant du financement des infrastructures de l’Union européenne ? Si nous voulons réussir le grand élargissement, nous devons créer des réseaux de solidarité, ce qui passe par le financement des infrastructures de toutes sortes, y compris informelles, comme les réseaux de communication.

Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière d’aide à la recherche ? Et dans le domaine de l’aide aux victimes des délocalisations ? Je n’ai entendu qu’une chose : la Commission a proposé un fonds de 7 milliards d’euros – sur plusieurs années – afin de leur venir en aide, et notre pays en a, jusqu’à présent, refusé la création.

J’ai le sentiment qu’en campant sur une position extrêmement rigide à propos de la politique agricole commune – dont vous faites dépendre tout le reste –, vous avez vitrifié la position de la France, et donc sa capacité de négociation.

En ce qui concerne les perspectives financières, je rejoins ce qu’ont dit Édouard Balladur, Pierre Lequiller, Jean-Louis Dumont : nous avons besoin de retrouver une ambition pour l’Union européenne, qui traverse une crise profonde. Il s’agit d’une crise de sens, et elle est donc plus grave que les autres. Pour la première fois, nous ne voyons aucun moyen d’en sortir. S’en remettre à la présidence britannique ? C’est justement ce qu’il ne faut pas faire ! Pierre Lequiller l’a rappelé : les Britanniques n’ont rien fait d’autre que d’entamer les négociations d’adhésion avec la Turquie. Depuis, nous attendons. Où est la France ? Quelles sont les initiatives ?

L’Union européenne a besoin de renouer avec le succès. Laissons provisoirement de côté les questions institutionnelles. Il y a eu un vote négatif, certes, mais nous avons des projets ! Au milieu des années 80, nous avons également connu une crise profonde. Pour en sortir, on ne s’est pas contenté de résoudre les contentieux : c’est aussi l’époque de la création d’Erasmus, au sommet de Fontainebleau. Regardez le succès de cette politique : pourquoi ne pas s’en inspirer afin de lancer une grande initiative en direction des jeunes Européens ?

Pour cela, il faut tout de même un peu d’argent. Pourquoi ne pas mettre sur les rails la bibliothèque numérique européenne, si nécessaire à la diversité culturelle, permettant ainsi de contrer l’influence américaine et l’homogénéisation culturelle ? Nombre de nos concitoyens l’apprécieraient. Pourquoi ne pas lancer un grand programme sur les énergies renouvelables – même si nous ne savons pas les stocker –, alors que nous savons parfaitement qu’elles redeviendront compétitives avec la hausse des prix du pétrole ? Pourquoi l’Union européenne ne financerait-elle pas, pendant quelques années, un grand projet de recherche sur le stockage des énergies renouvelables, ainsi que sur le moteur à hydrogène ? Nous ne devons pas, en la matière, nous contenter de compter sur les constructeurs automobiles !

Nous pourrions proposer d’autres idées sur les délocalisations. La création du fonds social pour les victimes des délocalisations en serait une.

Quant aux financements, pourquoi refuser encore à l’Union européenne une capacité d’emprunt afin de financer de grands investissements, qui ne peuvent l’être dans le cadre de l’annualité ? Pourquoi ne pas envisager sérieusement la création d’un impôt européen qui établirait un lien ? Lorsque l’impôt est justifié et qu’il finance des politiques utiles, les citoyens ne le contestent pas. Il en va ainsi dans les pays du Nord de l’Europe.

Telles sont, madame la ministre, les quelques questions que je souhaitais vous poser, même si cela n’entre pas dans le cadre des chiffres.

Nous sommes dans une période cruciale et grave, et vous devez nous dire, à l’issue de ce débat, quelle est l’ambition de notre pays pour l’Europe. Quelles initiatives seront prises pour sortir l’Union de la crise profonde dans laquelle elle se trouve ? Vous devez, dans vos réponses, redonner espoir à celles et ceux, dont je fais partie, qui considèrent que l’avenir de la France en dépend. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDF votera pour le prélèvement européen parce qu’il ne renonce pas à une Europe politique, maître de son destin et qui ne subit plus l’instabilité mondiale, parce que nous le devons aux adhérents de 2004 auprès desquels nous nous sommes engagés. Dérogeant en cela aux règles, je m’empresse de le dire dès à présent, de crainte que les observations qui suivront ne me conduisent à voter différemment. En effet, reconnaissons-le, madame la ministre, à la lecture du projet de budget européen pour 2006, les sujets de mécontentement ne manquent pas.

D’abord, la démocratie européenne ne fonctionne toujours pas. Quoi que dise le peuple, la machine européenne continue et l’opinion des citoyens n’est pas prise en compte. On le voit aujourd’hui avec le projet de budget établi pour 2006 comme si l’Europe n’avait pas vécu une année marquée par de multiples échecs : les « non » français et néerlandais, l’échec sur le budget 2007 – 2013. On le voit aussi avec les crédits de pré-adhésion de la Turquie qui ne cessent d’augmenter : 60 % de plus par rapport à 2005, passant de 286 à 479 millions. C’est une provocation à l’égard du peuple d’autant plus insupportable que les dirigeants européens avaient assuré, après l’élargissement de 2004, qu’une pause était nécessaire pour laisser à l’Europe le temps de se construire à vingt-cinq, puis à vingt-sept ! Ces mêmes dirigeants européens avaient assuré, après le résultat du 29 mai, que l’aspiration des peuples à être davantage écoutés serait respectée.

Ensuite, le pilotage européen semble toujours échapper à ses dirigeants. Nous délibérons – et je ne suis pas la seule à l’affirmer – sans qu’aucun diagnostic complet des causes du mal européen ait été établi par les chefs d’État et de gouvernement : rien au Conseil européen de Luxembourg du mois de juin, et qui sait ce qui sortira du prochain ?

M. Jacques Myard. Rien !

Mme Anne-Marie Comparini. Je le regrette, car cette méthode de travail n’est efficace ni pour la France ni pour l’Europe, qui doivent l’une et l’autre, tant les projets sont liés, rompre avec le chômage, redonner confiance aux populations et engager un vaste débat sur leur identité et leur avenir dans le monde.

Enfin, la transparence est absente de cet exercice. Nous sommes à la veille d’une nouvelle phase d’engagement et l’Assemblée nationale ne connaît pas les objectifs d’action qui seront étudiés dans deux jours à Londres. Le silence s’est à nouveau abattu sur le fonctionnement européen, alors que le président de l’Assemblée nationale, M. Debré, avait suggéré à Évian l’instauration, avant chaque Conseil européen, d’un débat parlementaire, Mais, là encore, rien ne change, les questions européennes restent du domaine diplomatique du chef de l’État…

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

M. Charles de Courson. Hélas !

Mme Anne-Marie Comparini. …et bien étrangères à notre assemblée, comme si elles l’étaient à la vie de nos concitoyens. Le président Balladur a bien défini dans son intervention les mesures à prendre pour associer vraiment les Français au fonctionnement européen et je le rejoins en cela, comme mon groupe s’était associé à l’amendement qu’il avait déposé au début de l’année.

M. Charles de Courson. Tout à fait !

Mme Anne-Marie Comparini. Parce que cet exercice est hors sujet, je me concentrerai sur ce qui est essentiel : nous avons besoin de plus d’Europe.

M. Jacques Myard. C’est vraiment du masochisme !

Mme Anne-Marie Comparini. Pas du tout !

Les problèmes de sécurité, l’émergence de nouveaux pôles concurrentiels, la crise économique et le malaise social le confirment, monsieur Myard. Il n’est donc ni trop tôt ni trop tard pour nous interroger sur la sortie de la crise et affirmer les principes d’une refondation de l’Europe.

Dans ce contexte, il est temps d’affirmer clairement pourquoi les vingt-cinq vivent ensemble et d’adopter une ligne ferme sur les frontières, car une Europe sans limites ne ferait que colmater les brèches et renoncerait au travail d’approfondissement attendu d’elle. L’élargissement de 2004 a un coût, ce dont témoigne la montée en puissance, qui va se poursuivre, des dépenses européennes en 2003 et 2004. C’était d’ailleurs prévisible, puisque l’Europe, je le rappelle, avait pris l’engagement d’aider les nouveaux pays à rattraper leur retard structurel.

Il est temps d’affirmer les actions concrètes qui devront être menées pour la croissance et l’emploi, avec la coordination des politiques économiques nationales. Nous le disons depuis longtemps et le président Lequiller vient de le rappeler, avec ou sans traité, l’eurogroupe peut constituer le pôle qui favorisera cette coordination des politiques économiques nationales, avec une stratégie ciblée de stimulation de la croissance par l’innovation. L’Europe, toute son histoire en témoigne, a été un foyer d’inventions. Retrouvons cette ambition. Les politiques de recherche et d’innovation ne pourraient-elles devenir communes ? Grâce à une politique industrielle – l’Europe doit produire –, nous pourrons mettre en place des stratégies d’anticipation des changements structurels. Enfin, les grandes infrastructures européennes, Mme Guigou l’évoquait dans son intervention, sont un facteur de croissance et surtout le symbole de l’accélération de l’Union. Nous devons renforcer « l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice », dont le ministre de l’intérieur, lors de la dernière réunion de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, n’a pas caché la lenteur extrême du fonctionnement actuel. Le potentiel de défense collectif doit être accru. En effet, l’Europe dépense peu pour sa défense. La force européenne de réaction rapide et la force de gendarmerie ont plus que jamais besoin d’investir pour mener à bien des opérations militaires lointaines. Enfin, nous devons définir une nouvelle politique de développement des pays du Sud. Le drame de Ceuta et Melilla appelle une réponse urgente, humaine et réaliste, une sorte de plan Marshall qui ne peut être qu’européen et coordonné pour répondre à la poussée migratoire qui ne baissera pas.

Le moment est venu de trouver un compromis raisonnable sur le budget des années 2007 – 2013, et ce quelle que soit l’ampleur des divergences sur les accords de Bruxelles en matière agricole, sur la baisse des crédits de cohésion pour les quinze et sur le chèque britannique, qui ne se justifie plus. Il faut augmenter le budget, éliminer progressivement la ristourne britannique au profit d’un redéploiement des crédits de convergence et des politiques d’avenir. Là encore, la nature et l’importance des dépenses du compte financier 2004 le montrent bien. Enfin, il faudra, une fois le processus constitutionnel conduit à son terme, reprendre les discussions sur les institutions. Tel est le préalable pour une Europe qui ne se résume pas à une zone de libre-échange.

J’ai aujourd’hui le sentiment de me répéter car j’avais déjà fait ces remarques au nom de mon groupe en juin 2004. Vous l’aurez compris, madame la ministre, le groupe UDF pense que le budget européen pour 2006 fait l’impasse sur les messages que les Français et les Européens nous ont adressés : ils veulent une union plus démocratique, plus transparente, plus efficace. Ces messages s’inspirent de notre monde au quotidien et concernent leur avenir. Nous espérons que le chef de l’État les portera, dans deux jours, au prochain Conseil européen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur la participation financière de la France au budget européen est une fois de plus irréaliste.

Nous sommes en effet convoqués pour entériner en l’état une décision prise par le Conseil des ministres des finances européens le 15 juillet dernier, une décision prise sans nous, loin de nous. La représentation nationale n’a donc aucun moyen de peser sur ce budget, ni sur son montant si sur ses affectations.

Nous en sommes à un tel point de désinvolture qu’en ce moment même, le Parlement européen discute de ce budget, sur la base de sommes qui ne sont pas encore votées !

Pour faire bon compte, si j’ose dire, chacun sait bien que, si ce prélèvement était repoussé par notre assemblée, la France serait traduite devant la Cour de justice pour y être condamnée avec application de pénalités.

C’est donc un chèque en blanc qu’on nous demande tout simplement de signer aujourd’hui ! Nous ne pouvons souscrire à pareille conception de l’Europe, loin des peuples, une conception que nos concitoyens ont précisément et justement repoussée en mai dernier.

Pour une Europe démocratique, il est temps que le politique reprenne la main, et ce n’est pas le comportement du commissaire Mandelson qui est de nature à nous faire modifier notre position, tout au contraire ! Celui-ci, selon le Gouvernement, outrepasse son mandat de négociation au sein de l’OMC, mandat sur lequel nous ne nous sommes jamais exprimés, sur lequel nous n’avons jamais été consultés et que nous ne connaissons même pas.

Le Gouvernement propose aujourd’hui de mettre ce commissaire sous le contrôle permanent d’un groupe d’experts. Si la moindre des choses est de ne pas laisser M. Mandelson agir à sa guise, avec le soutien affiché de son ancien collègue devenu directeur de l’OMC, M. Pascal Lamy, nous proposons et souhaitons quant à nous mettre l’Europe et ses technocrates sous le contrôle du politique.

Vous affirmez vouloir une Europe de la solidarité, mais comment, en étant plus nombreux – nous serons bientôt 27 –, pourrons-nous combler les disparités énormes de niveau de vie entre les différents pays, en gelant autour de 1 % du RNB la contribution des États membres, alors que l’Agenda 2000 prévoyait une contribution à hauteur de 1,08 % ?

La situation est d’autant plus inquiétante que le blocage est sérieux pour la période 2007-2013, ce qui risque de faire du budget 2006 un budget de référence pour la période à venir, loin des 1,08 % et encore plus loin des 1,24 % initialement envisagés.

Vous récusez, et à juste titre, le chèque britannique, qui n’a plus de raison d’être au regard des évolutions constatées. Si, en 1984, le solde négatif du Royaume-Uni était atypique, il ne l’est plus aujourd’hui. Ce pays se trouve maintenant dans la même situation que d’autres en ce domaine. Ce chèque est effectivement choquant, tout comme il est choquant que la France en supporte 30 %.

Il est choquant que la France ait versé 1,5 milliard d’euros sur les 5 milliards que représentait ce chèque en 2005, mais il est tout aussi choquant, sinon plus, que la France n’ait versé dans le même temps que 1,3 milliard d’euros pour les dix nouveaux entrants, qui représentent 20 % de la population de l’Union mais seulement 5 % de son RNB !

Cette conception générale et globale qui consiste à verser proportionnellement moins au budget européen tandis que l’Europe est plus nombreuse mais aussi plus inégalitaire ne peut à l’évidence que provoquer des dégâts sociaux et économiques considérables.

Là encore, c’est la vision politique de l’Europe qui est atteinte et même rongée par le postulat selon lequel c’est le seul marché, « libre et non faussé », qui doit tout régenter dans les relations entre les peuples européens ; et, à cet égard, comment ne pas répéter ici notre plus formelle opposition à la directive Bolkestein, qui n’est toujours pas remise à plat ?

Le Gouvernement et le Président avaient parlé de directive inacceptable à la veille du référendum, mais, aujourd’hui, ils ne disent plus rien alors que c’est le retrait pur et simple de cette directive qu’il convient d’obtenir, du moins si l’on veut vraiment, comme nous le voulons, une Europe solidaire.

Europe non démocratique, loin des peuples et de leurs représentants, Europe libérale et donc non solidaire, voilà ce que nous récusons et, avec nous, une majorité de Français, en particulier celles et ceux qui votent à gauche.

C’est cette Europe des marchands qui est aussi à l’œuvre quand on constate les conditions incroyables dans lesquelles se sont ouvertes les négociations avec la Turquie.

Je précise, car chacun sait que cette question divise, que je suis pour ma part favorable à l’adhésion sous conditions de la Turquie, mais mon groupe ne peut accepter qu’une condition préalable n’ait pas été remplie, à savoir la pleine et entière reconnaissance de Chypre par ce pays, qui occupe 37 % de l’île depuis 1974.

Autant on peut comprendre que, comme tous les autres prétendants, la Turquie mette du temps à absorber l’acquis communautaire, même si les critères de Copenhague doivent éclore rapidement, autant il est inacceptable qu’on engage des négociations avec un pays qui occupe Chypre, et donc un morceau de l’espace européen, et qui refuse de reconnaître ce membre de l’Union.

C’est une question de solidarité intra-européenne, mais c’est aussi une question de respect du droit international que l’Union ne peut bafouer.

On a ouvert trente-cinq chapitres avec vote à l’unanimité pour passer de l’un à l’autre, mais la question chypriote ne relève d’aucun chapitre et ne peut faire l’objet d’aucune négociation. Or, présente début août pour le gouvernement français, cette question politique de premier plan a purement et simplement disparu le 3 octobre.

Et voilà que, sans même fixer une date butoir impérative, les vingt-cinq discutent de l’adhésion de la Turquie, qui refuse de reconnaître l’un des vingt-cinq et donc les vingt-cinq en tant qu’entité.

Et voilà que, dans le projet de budget, une somme est mise en réserve pour aller vers une entité qui n’a aucune légitimité internationale et qui n’est reconnue par personne dans le monde : la République turque de Chypre Nord, qui n’est pas seulement illégale mais qui est de surcroît colonisée aujourd’hui par des milliers de personnes venues d’Anatolie ! Inacceptable, là encore. C’est quoi, cette Europe qui ne respecte ni le droit international ni même son propre droit ?

Il en va de même pour le comportement du Gouvernement et des responsables de l’Union à la suite du rejet du projet de Constitution. Vous êtes comme tétanisés par ce vote tout en ne renonçant pas à nous faire avaler ce projet par morceaux. Or ce projet est tout simplement caduc.

L’article 88-1 de notre Constitution est à supprimer, qui déclare que la France « peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004 ». Non, la France ne peut pas, tout simplement. Il convient d’en prendre acte formellement au lieu de tergiverser.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Jean-Claude Lefort. J’ai pris connaissance d’un rapport récent du président Balladur. Indiquant que l’introduction dans ce projet de la troisième partie, largement consacrée aux politiques européennes, a été une erreur, il propose que l’Union, hors consultation parlementaire et populaire, ne modifie pas ces politiques européennes mais modifie des dispositions institutionnelles.

Nous ne saurions souscrire à pareil détournement de la volonté populaire, qui est seule souveraine jusqu’à preuve du contraire. Ce sont précisément ces politiques qu’il faut modifier : voilà le message des peuples français et hollandais, un vote dont personne ne peut faire abstraction et que l’on peut encore moins refuser. Un traité international n’ayant pas reçu l’accord de tous les pays contractants ne peut être mis en œuvre ni en entier ni par morceaux. Il est rejeté et il convient de s’en accommoder.

C’est une raison supplémentaire, et cela fait beaucoup au total, de voter contre ce prélèvement aujourd’hui. C’est ce que notre groupe fera dans un instant, en toute logique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. M. le rapporteur général, M. Carrez, et M. le rapporteur spécial, M. Dumont, ont parlé de la recherche, et en particulier de la sous-consommation des crédits. Seulement 81 % des crédits de paiement ont en effet été consommés. Sur les 5 milliards prévus, 1 milliard d’euros n’ont pas été consommés. Les dépenses de recherche ont donc été réduites car ce budget ne doit pas être un budget d’affichage mais un budget sincère.

En matière de perspectives financières, l’enjeu, c’est bien la négociation du septième PCRD pour que l’augmentation des crédits bénéficie réellement à la compétitivité de l’Union européenne. La présidence luxembourgeoise a proposé une augmentation de 33 % sur la période considérée, soit environ 15 milliards supplémentaires.

La France défendra une logique d’excellence pour que les fonds européens bénéficient aux meilleures équipes de chercheurs, monsieur Laffineur. Il y aura ainsi un vrai effet de levier, avec une série de grands projets, comme les infrastructures, ITER, les plates-formes technologiques dans le domaine des nanotechnologies, que nous voulons développer, et les biotechnologies, qui permettront de relayer et de démultiplier les efforts réalisés par le Gouvernement en France grâce à la politique des pôles de compétitivité.

Monsieur le rapporteur général, vous vous êtes interrogé sur les chiffres de l’élargissement et son coût pour la France. En solde, c’est-à-dire en ôtant des dépenses de l’Union la part de la contribution des nouveaux pays, le coût pour la France – s’il faut ainsi compter, mais je serais proche des réflexions faites par Mme Guigou –, est de 1,3 milliard d’euros par an. Souvenons-nous néanmoins que les exportations françaises progressent. Elles ont crû de 6 % l’an dernier, et ont été multipliées par quatre en dix ans. Cela représente autant d’activités et autant d’emplois en plus. L’excédent commercial de notre pays à l’égard des pays de l’élargissement est ainsi de 1,7 milliard en 2004, à comparer avec le chiffre de 1,3 milliard que je viens de donner.

Sur la sous-consommation des crédits, de gros progrès ont été réalisés. L’exécution est passée de 23, 5 milliards à 34,2 milliards entre 2002 et 2004, notamment grâce à l’effet disciplinant de la règle du dégagement d’office.

Nombre des intervenants ont évoqué la question du chèque britannique. Rien, en effet, ne justifie plus aujourd’hui le maintien du rabais consenti à la Grande-Bretagne, si tant est que celui-ci ait jamais été justifié en 1984 lorsqu’il a été consenti à la Grande-Bretagne par ses partenaires. La situation économique de ce pays n’est plus la même. Les retours de la politique européenne dont il bénéficie ont considérablement évolué, et la part de la politique agricole commune dans le budget de l’Union, l’un des arguments évoqués, qui était à l’époque de 71 %, n’est plus aujourd’hui que de 40 % et est appelée à diminuer puisqu’elle est plafonnée dans le cadre d’un budget global de l’Union qui, par ailleurs, augmente. Il est prévu par exemple 33 % dans la proposition luxembourgeoise, pour un budget de 870 ou 871 milliards d’euros au total.

Le consensus est désormais très large en Europe. C’est le consensus moins un, vingt-quatre pays sur vingt-cinq pensant que le chèque britannique doit être revu dans son principe et, en tout cas, dans un premier temps, dans les calculs. Il faut bien voir en effet que le maintien du chèque exonérerait la Grande-Bretagne de sa part dans le financement de l’Europe élargie. Ce serait le seul pays dont le solde net s’améliorerait avec un budget de l’Union en augmentation, et considérablement puisque la Grande-Bretagne fait payer par d’autres une partie de ce que devrait être sa contribution,…

M. Jacques Myard. Quelle diplomatie !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …en particulier par les nouveaux pays de l’élargissement.

La France est, compte tenu des sommes en jeu, particulièrement sensible à cette question. Des propositions existent et elles sont sérieuses : ce sont celles du précédent président du Conseil européen. Il convient que la Grande-Bretagne les accepte. Elles permettraient à l’Union de disposer des marges de manœuvre requises pour financer les politiques communes, développer des politiques nouvelles et financer l’élargissement. Cet effort ne peut plus être retardé.

M. Dumont a parlé du programme national de réforme. Il est destiné à permettre une appropriation nationale de la stratégie de Lisbonne, qui est une bonne stratégie. Le Conseil européen, au mois de mars, a demandé à chacun des États membres de reprendre dans ses politiques les principaux éléments de cette stratégie de Lisbonne, et de remettre à la Commission un rapport afin que celle-ci l’examine dans les mois qui viennent. À la date du 15 octobre, seuls certains États membres s’étaient acquittés de ce travail. Nous sommes en train d’achever la préparation de notre programme national de réforme, lequel décrit les grandes réformes structurelles qui restent nécessaires, tout en veillant à conserver l’équilibre défini à Lisbonne entre économique, social et environnement.

Le projet de PNR a été validé au comité interministériel présidé par le Premier ministre, le 11 octobre et il a été soumis au comité de dialogue social, réuni par Jean-Louis Borloo, le 21 octobre.

Le Conseil économique et social en débattra cette semaine et je m’y rendrai demain. Le Parlement sera consulté selon des modalités qui, à ma connaissance, n’ont pas encore été définies à ce jour.

Le rapporteur spécial, comme d’autres intervenants, a évoqué la politique agricole commune dans la perspective des négociations commerciales à l’OMC. Oui, la PAC a été réformée profondément en 1992, 1999 et à nouveau en 2003. Le Conseil a, à l’unanimité, indiqué en 2003 que cette dernière réforme constituait la contribution de l’Union européenne aux négociations commerciales internationales de l’Agenda de Doha. Le Conseil affaires générales, qui s’est réuni le 18 octobre à la demande de la France, a rappelé ce principe et, pour la première fois depuis plusieurs années, l’a même inscrit dans un texte.

Il a précisé que cela constituait la limite du mandat de négociation de la Commission. Ce texte a été adopté – puisqu’il s’agit d’un Conseil affaires générales – à l’unanimité des États membres. Cela signifie que toute offre qui entraînerait de nouvelles concessions agricoles serait clairement hors mandat. C’est en effet la Commission qui négocie à l’OMC, mais pour le compte des États membres et dans le cadre du mandat qui lui est confié. Il doit donc exister une relation de confiance entre les États membres et la Commission, qui sera d’autant plus grande que la transparence est réelle. Aussi le Conseil affaires générales a-t-il insisté la semaine dernière sur la nécessité, après les épisodes récents mais, espérons-le, révolus, de renforcer l’information du Conseil.

La PAC, madame Guigou, a donc connu une réforme en 2003 : attendez, je vous prie, la fin de sa mise œuvre en 2008 avant d’en demander une autre. Au demeurant, la PAC d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier et vous savez fort bien que le découplage des aides comme l’augmentation des dépenses de développement rural – deux éléments importants de la réforme de 2003 – vont déjà dans le sens de vos préoccupations.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas question aujourd’hui de fragiliser nos positions de négociation à l’OMC.

M. Jacques Myard. Il faut taper du poing sur la table !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La PAC constitue, dans sa réforme de 2003, la limite de la négociation.

Je ne peux pas non plus, et je le regrette, partager votre point de vue lorsque vous parlez de la « vitrification » de la négociation sur les perspectives financières, en raison des décisions de l’Union européenne sur la PAC. Outre que ce vocabulaire, un peu guerrier, semble dater de la guerre froide…

M. Charles de Courson. De la guerre atomique !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …cet argument a été trop longtemps employé par certains de nos partenaires pour masquer la profondeur des efforts consentis sur la PAC, leur ampleur et leur rythme – les montants de la politique agricole commune ont été plafonnés, par l’accord d’octobre 2002, au même niveau à vingt-cinq qu’à quinze – et l’attachement que lui portent de nombreux pays autres que la France. Ainsi, nous avons été treize à signer une lettre rappelant au commissaire certains principes de la négociation pour le volet agricole et quatorze à considérer que les précisions apportées par la Commission sur le respect de son mandat n’étaient pas pleinement satisfaisantes

La question clé des perspectives financières n’a rien à voir avec cela : c’est la participation de tous, de façon équitable au financement de l’Union élargie. Et je tiens à rappeler une fois encore combien il est important de ne pas nous prêter à des artifices qui visent à cacher le véritable enjeu, un enjeu qui n’a rien à avoir avec la PAC et qui est le financement de l’Union élargie.

M. Blum a évoqué l’avenir des fonds structurels en France pour nos régions. Le Gouvernement suit cette question avec la plus grande d’attention. Le principal enjeu pour la politique de cohésion, après 2006, sera de réduire les écarts de développement des nouveaux États membres, tout en continuant à contribuer au développement de l’ensemble du territoire de l’Union.

Pour le Gouvernement, le soutien aux nouveaux États membres est le principal enjeu : c’est à la fois un impératif politique, mais aussi une nécessité économique. C’est le seul moyen pour que ces pays puissent espérer réussir le rattrapage économique, social et environnemental auquel ils aspirent et dont nous avons besoin, en particulier pour éviter ou limiter les risques de dumping fiscal et social que le Gouvernement, comme vous, est résolu à ne pas admettre.

Dans le même temps, la politique de cohésion doit aussi continuer à s’appliquer dans l’ensemble de l’Union et donc dans toutes les régions françaises. La dernière proposition de budget de la présidence luxembourgeoise, au Conseil européen de juin, était acceptable. Elle permettait de maintenir des retours significatifs pour nos régions, en particulier dans les évaluations, jugés nécessaires par la DATAR.

Il n’est pas possible, faute de perspectives financières agréées, d’en dire davantage aujourd’hui, mais nous resterons très vigilants.

Monsieur le président Balladur, vous vous êtes interrogé sur les raisons la poursuite de la politique d’élargissement. La principale est que l’Union européenne, composée de démocraties, fonctionne de manière démocratique. Et lorsqu’elle a pris des engagements, elle doit les respecter. Cela a été le cas pour la Turquie comme pour la Croatie. Fallait-il ne pas tenir ces engagements alors que les conditions qu’elle avait posées avaient été remplies ? Dans un cas comme dans l'autre, les conditions posées par l’Union avaient été respectées. Ainsi, un rapport de Mme Carla Del Ponte a montré que la nécessaire coopération de la Croatie avec le Tribunal pénal international s’était récemment améliorée et était devenue ce qu’elle doit être, c’est-à-dire pleine et entière. Les vingt-cinq ont donc considéré que l’Union devait tenir ses engagements.

Par ailleurs, la perspective de l’élargissement contribue grandement à la stabilisation des Balkans. Nous le voyons depuis qu’en 2000 l’Union européenne a reconnu une perspective européenne aux Balkans. C’est le principal levier dont nous disposons pour faire évoluer ces pays. De la même façon, une Turquie démocratique et moderne, ayant rejoint les valeurs de l’Union, est dans l’intérêt de l’Europe.

Cela dit, le Gouvernement est et restera vigilant tout au long des négociations qui se dérouleront dans un cadre précis : chaque chapitre sera ouvert puis fermé à l’unanimité.

Par ailleurs, pour rassurer M. Lefort, la question chypriote reste à régler, sous l’égide des Nations unies. L’Union, pour sa part, a rappelé le 21 septembre, à l’unanimité, que la reconnaissance de Chypre par la Turquie est un préalable à son éventuelle adhésion et que cette question s’appréciera donc tout au long du processus des négociations.

M. Jean-Claude Lefort. Il va falloir attendre quinze ans !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Sur l’avenir de la construction européenne et sur la possibilité de coopération renforcée, monsieur le président Balladur, vos réflexions rejoignent celles du Président de la République et du Gouvernement. La priorité de la France est de faire fonctionner l’Union telle qu’elle existe, c’est-à-dire aujourd’hui à vingt-cinq. Pour cela, l’Union doit, entre autres, disposer rapidement d’un budget. Elle doit également engager la convergence économique et sociale entre les anciens et les nouveaux États membres et mettre en œuvre des projets pour la croissance, l’emploi, l’environnement et la lutte contre l’immigration clandestine. Faire fonctionner l’Europe telle qu’elle existe, c’est aussi renforcer son influence dans le monde, pour la paix et pour le développement ; l’Europe doit pouvoir faire davantage entendre sa voix.

Cela, bien sûr, ne doit pas nous empêcher d’aller de l’avant.

M. Jacques Myard. Dans le mur !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Et, avec ceux qui le souhaitent, le moment venu, nous devons nous engager dans des coopérations renforcées, ou envisager que certains pays fassent davantage que d’autres en matière de recherche, d’énergie, de sécurité ou de défense, par exemple. Cela s’est en effet souvent fait de cette manière, comme vous l’avez relevé, monsieur Balladur, et vous aussi, monsieur Laffineur.

Il est important, dans cette perspective, de souligner que ces démarches doivent être ouvertes à tous : nous ne voulons pas d’une Europe à deux vitesses, ni d’un directoire en Europe, nous ne souhaitons pas diviser l’Union européenne. Les coopérations renforcées sont, par définition, ouvertes à tous les États membres désireux et capables de les rejoindre. Il s’agit bien de consolider l’Union à vingt-cinq, de faire en sorte qu’elle puisse progresser vers son objectif d’intégration et d’entraîner pour cela quelques-uns, si nécessaire, sur un chemin où ils seraient plus avancés, pour un temps, que l’ensemble.

Quant à la proposition de faire du français la langue de référence, elle soulève des difficultés juridiques. Il existe en effet en droit communautaire – pas dans le traité, mais dans le règlement n° 1 –, un principe d’égalité des langues que l’Union n’admettrait pas de remettre en cause.

La Cour de justice de Luxembourg est particulièrement vigilante. Elle a déjà dit qu’il était possible d’accepter un traitement différencié entre les langues dans certaines conditions, s’il était justifié et proportionné au but recherché. Je ne sais pas si la Cour de justice considérerait que la proportionnalité est respectée dans la proposition de la Commission.

Par ailleurs, la Cour de Luxembourg, dans son travail d’interprétation du droit, ne privilégie aucune langue en particulier, en droit du moins : c’est un simple usage, auquel nous tenons, qui lui impose de rendre ses délibérés en français, et cela ne remet en aucune façon en cause le principe de l’égalité des langues.

Quant à l’association du Parlement aux décisions européennes, le Gouvernement la juge autant que vous essentielle et prioritaire. Le 15 juin, à cette tribune, le Premier ministre a indiqué que le Gouvernement prendrait très rapidement les dispositions nécessaires pour assurer une meilleure information, ainsi qu’une consultation plus fréquente du Parlement. Comme vous le savez, l’article 88-4 de notre Constitution fait déjà obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement toute proposition d’acte de l’Union européenne qui comporterait des dispositions relevant de la loi au sens national du terme. Le traité constitutionnel proposé à l’approbation des Français étendait ce dispositif à toute proposition d’acte relevant du domaine de la loi au sens européen du terme.

Le Premier ministre a souhaité que, par anticipation…

M. Jacques Myard. Le mot d’anticipation n’est pas heureux !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.… avec beaucoup d’optimisme, monsieur le député, le Parlement puisse être mieux informé des projets de textes communautaires. Il était nécessaire au préalable d’effectuer un travail technique, notamment en matière de consultation interministérielle, mais également de rendre un arbitrage politique. Le critère retenu est celui de la codécision : très prochainement tous les textes devant être adoptés selon la procédure de la codécision seront obligatoirement transmis au Parlement, ce qui représente un nombre plus élevé de textes que sous l’empire des règles actuelles. La circulaire prévue à cet effet, en cours d’élaboration, est sur le point d’être finalisée. Nous prendrons naturellement en compte les préoccupations du Parlement mais, vous ne l’ignorez pas, monsieur le président de la commission, puisque cela vous a été confirmé aujourd’hui même.

Monsieur le président de la délégation pour l’Union européenne, vous nous avez fait part de vos interrogations sur le prochain Conseil européen informel prévu ce jeudi à Hampton Court. Plutôt que sur le modèle social européen, ce qui était peut-être en effet conforme au souhait initial du Premier ministre britannique, les chefs d’État et de Gouvernement doivent avoir un débat de fond sur les moyens de relancer le projet européen, de façon à répondre aux préoccupations concrètes des citoyens sur le rôle de l’Europe dans la mondialisation. C’est ce que le Premier ministre britannique a proposé aux chefs d’État et de gouvernement européens dans la lettre d’invitation qu’il vient de leur faire parvenir.

Les dirigeants européens débattront notamment des questions de développement économique, de recherche et d’innovation, d’énergie et de démographie. La France souhaite pour sa part que ce Conseil européen, qui ne donnera pas lieu à des décisions puisqu’il s’agit d’un conseil informel, permette au moins un débat de fond qui débouche sur des orientations. Nous souhaitons que Hampton Court soit une première étape sur la voie du renforcement des différentes orientations qui auront été retenues, ainsi que de la gouvernance économique dans le cadre prioritaire de l’Eurogroupe, comme vous l’avez dit, dont cela peut être une des vocations. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, je rejoins, monsieur le président Lequiller , les propos que vous avez tenus.

Il en va de même en ce qui concerne le fonds « antichoc social », fonds d’adaptation à la mondialisation, qui est la dernière version de propositions remontant aux années quatre-vingt-dix. Nous sommes prêts à discuter du principe de ce fonds, qui peut être utile pour faire face aux restructurations industrielles à l’échelle européenne. Dans le document préparatoire à la réunion de Hampton Court, la Commission européenne présente à nouveau cette proposition, qu’elle avait déjà faite, en en précisant quelque peu les contours.

Il faudra néanmoins débattre non seulement du principe, mais également des modalités qui pourraient être proposées, des critères qui pourraient être retenus et du financement prévu. Le document de la Commission est encore insuffisant sur tous ces points. Il faudra évidemment examiner quels moyens budgétaires pourraient être affectés à un tel fonds. Il nous semble que ce point, comme d’autres, pourra être débattu dans le cadre du paquet Juncker 2007-2013. Pour autant que ces précisions soient apportées, ce fonds pourrait être une réponse européenne à la préoccupation principale de nos concitoyens.

Monsieur Laffineur, votre intervention me donne l’occasion de revenir sur les perspectives financières 2007-2013, et également de me tourner enfin vers ce côté-ci de l’Assemblée.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Enfin !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pardonnez-moi, messieurs les députés, mais je subissais le pouvoir d’attraction, justifié, du président de la commission des affaires étrangères. (Sourires.)

Le Gouvernement suit toujours avec beaucoup d’attention, monsieur Laffineur, vos propositions sur les perspectives financières, notamment depuis l’excellent rapport qu’avec le sénateur Vincent vous avez consacré à ce sujet.

Les principes qui nous guident dans cette négociation sont les suivants.

Premièrement, un accord rapide est nécessaire au bon fonctionnement de l’Europe, afin que nous disposions d’une visibilité suffisante pour les prochaines années.

Deuxièmement, un accord rapide n’est possible que sur la base du paquet Juncker, c’est-à-dire la cinquième « boîte » de négociations de la mi-juin 2005. Ce principe est partagé par quasiment tous les interlocuteurs de la présidence. De deux choses l’une : soit la présidence, dont nous attendons les propositions budgétaires, les basera sur celles de la présidence luxembourgeoise, et dans ce cas, moyennant quelques ajustements, il est probable que nous parvenions à un accord ; soit elle choisira de remettre en cause plus fondamentalement les paramètres de la négociation, et il est certain que nous n’aurons pas de budget pour 2007, car ce serait ouvrir des années de négociations, voire de divisions entre Européens. Ce n’est pas exactement le message que l’Europe doit envoyer en ce moment.

Troisièmement, nous souhaitons la stabilité des politiques communes, comme le proposait le paquet Juncker, notamment de la PAC, mais également des fonds de cohésion. Il ne faudrait pas que l’Union s’engage dans une réforme budgétaire permanente.

En un mot, il faut adopter le paquet Juncker, puis engager autour de 2010 une réflexion visant à une réforme plus fondamentale, aussi bien de la structure des recettes que de celle des dépenses. Celle-ci ne pourra être achevée avant 2013, pour prendre effet à partir de 2014.

J’insiste sur le fait que tout le monde devra prendre sa juste part du financement de l’Europe élargie : c’est la clé de la négociation, et c’est aujourd’hui, madame Guigou, la responsabilité de la présidence britannique de créer les conditions de la confiance entre les États membres. M. Blair dit s’y employer : nous en jugerons d’après la proposition qui nous sera faite en novembre.

Vous avez aussi évoqué, monsieur Laffineur, le sujet essentiel de l’harmonisation fiscale. Cet objectif exige une action de fond, afin de donner à nos entreprises un surcroît d’efficacité dans l’espace européen, mais aussi afin de lutter contre les délocalisations en limitant la possibilité pour certains États de recourir au dumping fiscal. Cette démarche correspond totalement au souhait du Gouvernement, et les Européens ont déjà fait des progrès sur cette question ô combien délicate, puisque la Commission européenne a fait une proposition en la matière. Nous préférerions, comme elle, parvenir à ce que les Vingt-cinq signent un accord sur cette question essentielle. C’est seulement à défaut d’un tel accord qu’il faudrait envisager, comme la Commission en a évoqué la possibilité, une coopération renforcée en ce domaine. Mais nous souhaitons rechercher d’abord une solution à vingt-cinq, seule à même d’assurer l’unité véritable du marché européen et d’éviter les distorsions de concurrence.

Madame Guigou, vous vous êtes interrogée sur le projet européen de la France, comme d’autres l’ont fait avant vous dans d’autres enceintes, mais je suis sûr que vos préoccupations sont différentes. Le projet de la France, madame la ministre, est celui d’une Europe unie, qui continue de progresser vers l’intégration et qui soit solidaire : cela signifie une Europe politique forte.

La meilleure réponse aux difficultés que nous traversons actuellement nous semble être l’action. Comme je l’ai dit en présentant ce budget européen pour 2006, il faut développer des politiques concrètes – du type Hampton Court – qui aboutissent à des projets européens. J’ai indiqué, dans la perspective du premier rendez-vous de Hampton Court, quelques-uns de ces projets à la représentation nationale. Il s’agit notamment de la recherche et de l’innovation, sujet sur lequel les Européens doivent définir des orientations, car il est essentiel pour l’avenir. Je répète à ce propos que la proposition de la présidence luxembourgeoise d’une augmentation de 33 % est une bonne proposition. Il conviendrait également d’utiliser les facilités offertes par la Banque européenne d’investissement, peut-être même au-delà de ce que la présidence luxembourgeoise a proposé au mois de juin. Les autres projets européens concernent, outre l’énergie, la sécurité, aussi bien la lutte contre l’immigration clandestine que le co-développement, qui est l’autre versant de cette politique.

Vous avez, madame la ministre, fait mention d’autres domaines à propos desquels vos préoccupations rejoignent celles du Gouvernement. Il est vrai que la BEI, comme je viens de le dire, peut et doit être utilisée davantage, et notre pays le proposera. Il est vrai qu’Erasmus est un succès. Vous vous souvenez que le Premier ministre souhaite développer le service civil européen. Je souhaiterais pour ma part qu’on puisse augmenter les crédits consacrés tant à Erasmus et à Leonardo qu’au service civil, pour que tout jeune Français puisse effectuer un stage de six mois ou d’un an dans un autre État membre.

Enfin, madame la ministre, le projet de bibliothèque numérique, proposé par la France et repris par la Commission, est en marche, et le ministre de la culture et de la communication est très attentif à ce sujet d’avenir.

Si nous savons mener tous ces projets à bien, nous serons alors en droit d’espérer que nos concitoyens retrouvent confiance en l’Europe et qu’ils adhèrent davantage au projet européen. C’est seulement ensuite qu’on pourra poser la question institutionnelle. Pour l’heure, c’est l’action qui est requise, et le Conseil européen de Hampton Court doit en être une première étape. Soyez sans inquiétude, la voix de la France saura s’y faire entendre avec force.

Madame Comparini, vous avez évoqué avec une grande émotion les terribles événements de Ceuta et Mellila, qui nous rappellent une réalité que nous préférons souvent ignorer : des hommes et des femmes sont prêts à risquer leur vie pour venir en Europe, où ils espèrent trouver un avenir meilleur. Nous avons l’obligation d’apporter une réponse à ces problèmes, non seulement au nom de considérations humanitaires, mais aussi au nom de notre intérêt bien compris, comme vous l’avez relevé à juste titre.

L’Union européenne fait déjà plus que quiconque pour le développement de l’Afrique, et elle est, de loin, le premier contributeur, fournissant plus de 62 % de l’aide totale au continent. Elle constitue en outre le marché le plus ouvert aux pays pauvres, absorbant plus des trois quarts de leurs produits agricoles. Dans le cadre de l’initiative « Tout sauf les armes » qu’elle a lancée en 2001, elle admet même tous les produits en provenance de ces pays, sans contingentement ni droits de douanes. Pourtant, vous avez raison, il faut faire davantage et bâtir un partenariat global avec eux. Nous souhaitons donc instaurer, avec les pays d’origine comme avec les pays de transit, un dialogue axé sur le co-développement afin de tarir les sources de l’immigration clandestine.

Nous travaillons activement à cette réponse, en particulier avec nos partenaires espagnols et marocains. L’Italie s’est montrée intéressée et envisage de se joindre à notre initiative, ce dont je me réjouis. À Hampton Court, le Président de la République évoquera la nécessité de ce partenariat et fera une série de propositions, conjointement avec le Premier ministre espagnol, M. Zapatero. La France, l’Espagne et le Maroc ont également pris une initiative dans ce domaine en vue du prochain sommet de Barcelone, à la fin du mois de novembre − ce sera le dixième anniversaire du processus de Barcelone. La France et l’Afrique, enfin, évoqueront la question lors du sommet qui se tiendra avant la fin de l’année à Bamako.

Monsieur Lefort, vous me donnez l’occasion d’évoquer la proposition de directive sur les services, qui mérite toute l’attention de cette assemblée comme elle a celle du Gouvernement. Je tiens à vous rassurer : c’est à l’unanimité que le Conseil européen réuni le 23 mars dernier a décidé une remise à plat de la proposition. Le Parlement européen doit poursuivre ses travaux en commission, mais on voit déjà que les préoccupations de la France sont partagées par nombre d’autres pays. Ensuite − mais pas avant le mois de janvier −, il votera en séance plénière. C’est seulement après ce vote, dont elle tiendra compte, que la Commission devra rédiger une nouvelle proposition de directive. Nous sommes nombreux à souhaiter que celle-ci ne ressemble que très peu à la première, quoique notre pays ait beaucoup à gagner au développement du marché intérieur dans le domaine des services, qui sont à l’origine de 70 % de notre richesse nationale. Notre pays, qui est un très gros exportateur de services, a tout intérêt aux progrès dans ce domaine et à l’unité du marché intérieur. Nous veillerons à l’exclusion des secteurs les plus sensibles, à la pleine application du droit social national − en France, c’est le droit du travail français qui prime −, mais aussi à la réforme du principe du pays d’origine. L’Europe ne peut pas se bâtir sur un moins-disant social, puisque l’harmonisation est son principe fondateur.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, inscrit sur l’article 50.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis au regret de constater que, en dehors des intervenants institutionnels et des députés ayant parlé au nom de leur groupe, je suis le seul orateur inscrit dans ce débat, ce qui montre le désintérêt du Parlement pour cette question.

M. Jean-Louis Idiart. C’est la même chose pour tous les articles du projet de loi de finances ! Ça ne veut pas dire que ça ne nous intéresse pas !

M. Jacques Myard. En réalité, nos collègues ont parfaitement conscience que, sur les affaires européennes, le Parlement est devenu un donneur d’avis sans suites, un théâtre d’ombres, et c’est bien ce que les Français ont condamné le 29 mai dernier.

Permettez-moi de commencer par dresser un constat : ce budget constant est, à de nombreux titres, très contestable, et de poursuivre par une question : l’intégration politique européenne à vingt-sept États a-t-elle encore un sens dans notre monde globalisé ?

Pour les Français, le coût du prélèvement au titre du budget européen est lourd : avec 18 milliards d’euros, il représente 700 millions de plus que l’an passé et 6,8 % de nos recettes fiscales. Il a d’ailleurs doublé depuis 1980. On peut faire tous les calculs du monde, on peut expliquer qu’il y a des retours − qu’on aurait de toute façon dans d’autres conditions −, le solde débiteur s’élève à 2,3 milliards d’euros. Et cela ne fait que commencer, puisque le Plan a calculé qu’on devrait bientôt atteindre 0,48 % du revenu national disponible des Français. Je sais que vous n’êtes pas d’accord avec moi, madame la ministre, mais je maintiens cette analyse.

Cette politique budgétaire constante est touche-à-tout, brouillonne et parfois contraire à nos intérêts. Ainsi, soyez assurée que je vous soutiens dans la défense de la PAC qui est attaquée quoiqu’elle soit le socle même de la régularisation des marchés, qu’elle assure la sécurité alimentaire et représente une garantie de qualité − nous sommes là, aussi, pour défendre nos intérêts. Mais le Gouvernement est-il prêt à utiliser son droit de veto et à invoquer l’arrangement de Luxembourg pour faire échec à ce qui se trame actuellement à l’OMC ? Je serais très heureux de connaître sa position à cet égard, car, lorsque nous avons débattu du traité constitutionnel, le silence du Gouvernement a été, sur ce point, assourdissant. Considère-t-il que l’arrangement de Luxembourg, qui défend nos intérêts, est encore en vigueur ? Si ce n’est pas le cas, nous n’avons plus qu’à aller nous coucher, car la France qui, dans ce dossier, est ultraminoritaire, sera battue.

M. Jean-Louis Idiart. Couchés ? Jamais ! Toujours debout !

M. Jacques Myard. On oublie de dire que l’accord de 2002 sur la PAC a été conclu sans préjudice des perspectives financières. Les Anglais, qui sont de bons négociateurs, sauront en jouer et nos partenaires les suivront. Là encore, le Gouvernement − non seulement celui-ci, mais les précédents − s’est lui-même placé dans une position minoritaire. Ce système nous échappe, nous ne le contrôlons plus.

Les fonds structurels représentent 44,5 milliards d’euros. Je suis le premier à dire qu’il faut aider les nouveaux États membres, mais il y a la manière. Ainsi est-il logique que les impôts des Français montent jusqu’à Bruxelles pour descendre jusqu’au niveau des trottoirs, ici pour créer une piscine, là pour acheter des voitures japonaises destinées au métro de Dublin ou, plus fort encore, pour financer le système d’audioguidage de l’abbaye de Hautecombe ? J’ai découvert ce dernier exemple cet été : en visitant ce monument, caveau privé des rois d’Italie et des comtes de Savoie, on apprend que Marguerite de Savoie est aujourd’hui financée par les fonds structurels de la Commission. Les bras m’en tombent ! Les fonds structurels doivent-ils vraiment servir à cela ?

M. Jean-Louis Idiart. Pourquoi pas ?

M. Jacques Myard. Vous trouvez cela capital pour l’organisation du continent ?

M. Jean-Louis Idiart. Mais oui !

M. Jacques Myard. Comment justifiez-vous que l’Europe finance la promotion touristique de l’abbaye de Hautecombe, comment expliquez-vous cela à nos concitoyens ?

M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. C’est l’histoire de l’Europe !

M. Jacques Myard. On dénombre quarante actions de politique interne : autant parler de dispersion et de déperdition. Cela commence par la culture et, là, c’est champion ! Entre la commune, le district, le département, la région, l’État et l’Europe, c’est un vrai millefeuille administratif. Où allons-nous ?

M. Jean-Louis Idiart. Ça, ce n’est pas la faute de l’Europe !

M. Jacques Myard. Pourquoi l’Union européenne ne se contente-t-elle pas de fixer les objectifs en matière de recherche-développement et de laisser les États membres les mettre en œuvre à travers leurs budgets nationaux ? Telle était pourtant la conception originelle du Traité de Rome. Aujourd’hui, on entasse les compétences au niveau européen et on lève toujours plus d’impôts : l’efficacité n’est pas forcément au rendez-vous, nous en avons la preuve tous les jours.

Quant à la politique externe, c’est du saupoudrage. Le plus grave, c’est que, très souvent, elle est contraire à nos intérêts. Je soutiens à cet égard la proposition du président Balladur. Tous les appels d’offres que lance l’Union européenne sont en anglais, elle privilégie les cabinets anglo-saxons et exige que l’anglais soit la langue des contrats. On marche sur la tête ! Ne sommes-nous pas en train de saper notre influence avec nos propres deniers ? La question mérite d’être posée, même si je sais bien que tout le monde ne donnera pas la même réponse que moi.

M. Marc Laffineur. Je l’espère !

M. Jacques Myard. Je doute fort, en tout cas, que quiconque puisse apporter des explications rationnelles.

Mais venons-en à ma question. L’intégration européenne, telle que vous la prônez, a-t-elle encore un sens aujourd’hui ? Cette machine nous a totalement échappé. L’affaire Mandelson en est la preuve, mais ce n’est pas la première fois : à l’époque du gouvernement de M. Balladur, on avait déjà assisté à une belle foire d’empoigne. D’autre part, avec le passage systématique à la majorité qualifiée, la France est minoritaire sur la plupart des sujets qui vont être abordés. C’est ce que les Français ont refusé le 29 mai, il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte.

Vous évoquez, madame la ministre, une Europe politique. Permettez-moi de vous dire, avec toute l’amitié que je vous porte, que vous parlez une langue morte. C’est fini, il faut trouver autre chose. Il est urgent de définir une nouvelle architecture pour l’Europe, et le président Balladur a esquissé à grands traits ce qu’elle pourrait être. L’Europe s’est élargie : elle doit à présent maigrir et s’en tenir à l’essentiel. Dans tout ce que vous avez dit, madame, je ne vois nulle trace du principe de subsidiarité. On se contente d’empiler les structures : c’est la fuite en avant, le trou noir bruxellois. Tenons-nous-en à l’essentiel. Organisons l’Europe à plusieurs niveaux.

M. Marc Laffineur. M. Myard souhaite plus d’Europe ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Les relations transnationales méritent d’être régulées par la théorie des lois uniformes mais, dans cette nécessaire évolution, Bruxelles n’est qu’une première étape, la seconde étant celle des marchés. Dans l’union des États, il faut davantage de souplesse et de pragmatisme. Quant à M. Barroso, nous n’avons pas besoin de lui pour faire Airbus : en l’occurrence, il n’y a d’ailleurs pas eu d’accord international, mais des mémorandums d’entente entre des industriels et entre des gouvernements. Hélas, aujourd’hui, la devise de l’Union européenne, c’est : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »

Je n’approuve pas ce prélèvement − il faut bien mettre un peu de sel dans le débat − et vous demande de vous souvenir de ce qui s’est passé le 29 mai : les Français, eux, ne sont pas prêts de l’oublier.

M. Marc Laffineur. La forme est brillante !

M. le président. Je mets aux voix l’article 50.

(L’article 50 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances.

Nous arrivons à une série d’amendements précédemment réservés, portant article additionnel après l’article 20.

Après l’article 20
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Les amendements n°s 383, 380, 381, 231 et 230 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 11 est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, je demande le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement.

Sur le fond, je suis favorable à la proposition qui nous est faite, dans la mesure où relever le seuil de franchise conduit à simplifier l’impôt pour les plus petits contribuables parmi lesquels figurent les associations de moins de dix salariés. La raison de mon désaccord est plus formelle : aujourd’hui, le seuil de la franchise est fixé par le droit communautaire. Des négociations viennent de s’engager à ce sujet et la Commission a également proposé de retenir la valeur de 100 000 euros, démarche que le Gouvernement soutient. Un relèvement unilatéral serait donc malvenu et pourrait ralentir les travaux, voire empêcher une conclusion positive. Bref, mon objection relève plus de la forme que du fond.

Au bénéfice de ces observations, je souhaiterais, monsieur le rapporteur général, que vous retiriez votre amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

L’amendement n° 41 n’est pas défendu.

Je suis saisi d’un amendement n° 445.

Il est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable, et le Gouvernement lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 260.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. L’amendement n° 260 a pour objet d’offrir aux étudiants disposant de revenus modestes un dégrèvement de la redevance audiovisuelle en raison de leurs difficultés financières que chacun ici connaît.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable, pour une raison que je voudrais exposer dès à présent mais qui vaudra également pour les amendements ultérieurs portant sur le même sujet.

La réforme de la redevance consiste en fait à collecter la redevance en même temps que la taxe d’habitation. Pour bénéficier d’une unité de collecte, il faut bien entendu faire coïncider les dégrèvements au titre de la redevance avec ceux retenus au titre de la taxe d’habitation. Le dégrèvement pour les étudiants n’existant pas pour la taxe d’habitation, nous ne pouvons pas l’appliquer pour la redevance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 261.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Idiart. L’exonération de la redevance pour les étudiants boursiers n’ayant pas remporté le succès escompté dans cet hémicycle, nous proposons, par l’amendement n° 261, d’en faire bénéficier les titulaires de l’allocation spécifique de solidarité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable pour les mêmes raisons que précédemment : ce type de dégrèvement n’existe pas pour la taxe d’habitation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 320.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement me donne l’occasion de dénoncer une confusion sinon voulue, en tous les cas délibérément entretenue.

L’avis d’imposition à la redevance audiovisuelle est émis actuellement sur la même feuille que la taxe d’habitation, laquelle est votée par les élus municipaux, si bien que les redevables croient que la taxe d’habitation a augmenté.

M. Marc Laffineur. C’est vrai dans les collectivités socialistes.

M. Jean-Louis Dumont. Nous voyons bien la manœuvre politicienne qui a été menée pour dénaturer le travail des élus municipaux. Il nous semblerait préférable que la redevance audiovisuelle soit rattachée à l’impôt sur le revenu.

M. Marc Laffineur. Oh !

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un gag ?

M. Jean-Louis Dumont. La redevance audiovisuelle étant augmentée par le Parlement, il y aurait une réelle concordance entre les votes que nous pouvons émettre dans cette assemblée et les feuilles que reçoivent les redevables.

Nous étions un certain nombre, je vous le rappelle, à vouloir supprimer la redevance. Celle-ci a finalement été maintenue, au terme d’une longue discussion et au vu de l’excellent travail d’analyse de notre collègue Martin Lalande. Nous avons cependant encore une petite critique à formuler à son encontre : l’adossement à la taxe d’habitation ne nous convient pas. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter l’amendement n° 320.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Le seul impôt sur lequel on pouvait asseoir la redevance, pour que la réforme ait un sens, c’était bien la taxe d’habitation. En effet, la taxe d’habitation repose sur le foyer au sens du toit, du domicile. Parmi les éléments mobiliers d’une habitation figure la télévision et le fait de détenir une télévision entraîne le paiement de la redevance.

Par ailleurs, je viens de le dire, la taxe d’habitation fait l’objet d’un certain nombre de dégrèvements ou d’allégements. Nous avons profité de la possibilité de caler les dégrèvements de redevance sur ceux qui existaient en matière de taxe d’habitation. Cela donne toute sa cohérence à la réforme. Tel n’aurait pas été le cas avec l’impôt sur le revenu.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

Monsieur Dumont, je voudrais vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que je trouve votre approche de cette question très « petit bras ».

M. Jean-Louis Dumont. Nous nous échauffons, là.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela fait déjà une semaine que nous avons le plaisir d’être ensemble, nous n’en sommes plus à l’échauffement.

M. Jean-Louis Idiart. Nous sommes restés quarante-huit heures sans nous voir quand même!

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je peux comprendre que cela vous manquait. Mais ce n’est pas le sujet.

La réforme de la redevance dépasse largement les clivages traditionnels entre la gauche et la droite et j’aurais apprécié que vous reconnaissiez que la démarche avait été excellente. Nous pouvons être en désaccord sur beaucoup de choses, mais enfin, voilà quinze ans que les uns et les autres nous nous accordons à dire, dans nos rapports, nos colloques, nos congrès de partis, que l’adossement de la redevance audiovisuelle à la taxe d’habitation est nécessaire à la modernisation de l’État pour des raisons évidentes : simplification pour le contribuable, qui ne reçoit plus qu’un seul formulaire, et gain de productivité pour l’administration, qui n’a plus besoin notamment d’avoir des services dispatchés sur l’ensemble du territoire.

Il n’y a, contrairement à ce que vous indiquez, aucune confusion pour le contribuable. Celui-ci sait pertinemment que c’est bien sur la feuille de la taxe d’habitation que doit dorénavant figurer la redevance, pour les raisons qu’a expliquées M. Carrez.

Bien entendu, les exonérations de redevance consenties en 2004 seront reconduites cette année, quelle que soit l’évolution des revenus du contribuable, et le dispositif sera maintenu d’ailleurs en 2006 et 2007 si ces contribuables restent non imposables à l’impôt sur le revenu.

Mais je saisis cette occasion pour lever toute ambiguïté.

D’abord, cette réforme est déjà un succès, même si des difficultés sont apparues ici ou là, ou des incompréhensions, bien concevables la première année d’application d’un nouveau système. Pour le contribuable, la simplification est réelle.

Ensuite, la fermeture du service de la redevance, qui est effective depuis octobre, s’est faite sans tensions sociales. La réforme de la collecte a permis de diminuer le coût de gestion, qui va passer de 73 millions en 2004 à 65 millions en 2005 et 24 millions en 2006. C’est la démonstration qu’il s’agissait d’une bonne réforme, ni de gauche ni de droite, tout simplement une réforme de l’État.

Enfin, je voudrais dire à l’ensemble des Français qu’il n’y a pas de double imposition. On ne paie pas deux fois la redevance. On la paie pour 2004, puis on la paie pour 2005. Il n’y a pas eu de paiement de deux redevances en 2005. D’ailleurs aucun avis de redevance n’a été envoyé après le 31 décembre 2004. La redevance exigée en ce moment en même temps que la taxe d’habitation est payée pour la période de douze mois postérieure à celle payée en 2004. Il est important de lever toute ambiguïté sur ce point.

C’est une très bonne réforme, sur laquelle il faut naturellement donner toutes les explications d’usage aux contribuables. J’ai à ce propos demandé à mes services d’être particulièrement vigilants. Ils ont reçu des instructions précises, les personnels ont suivi une formation. J’ai conscience que, pour nos équipes, cela représente, dans un premier temps, un surcroît de travail, mais je sais qu’elles s’en acquittent avec beaucoup de compétence et je veux saisir cette occasion pour les en remercier, d’autant que les journées portes ouvertes de la DGI qui se sont tenues ces derniers jours ont rencontré un grand succès.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le ministre, on peut comprendre que vous considériez que la réforme est un immense succès. Mais, franchement, je n’ai pas cette impression. Je n’ai pas vu, dans les permanences que j’ai tenues ces jours derniers, les foules se réjouir de ce nouveau dispositif.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes mauvais joueur, monsieur Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Pas du tout, et pour deux raisons.

D’une part, pour celles et ceux qui ont opté pour le paiement mensualisé de la taxe d’habitation, la confusion est vraiment totale. Ils reçoivent ces jours-ci la régularisation. Pour cette année, les choses sont à peu près claires puisque la régularisation de redevance porte sur les deux derniers mois, mais, pour l’année prochaine, ils retrouvent, dans le plan de paiement annexé, la redevance étalée sur dix mois. Si vous voulez maintenir la redevance sur l’avis d’imposition de la taxe d’habitation, pourquoi ne pas décider purement et simplement de prélever la taxe d’habitation normalement chaque mois et ne faire payer la redevance que sur la dernière ou l’avant-dernière échéance, au choix du contribuable ? Techniquement, ce ne serait pas difficile.

M. Patrice Martin-Lalande. Ce serait lourd ! Et puis, ce n’est pas un cadeau que l’on fait aux ménages !

M. Jean-Louis Idiart. Les choses seraient beaucoup plus lisibles. Les contribuables comprendraient très bien qu’il y a une différence entre la taxe d’habitation et la redevance. Aujourd’hui, je le répète, la confusion est grande.

D’autre part, cet adossement aura des conséquences directes pour les contribuables. Si les possesseurs d’une résidence secondaire sont exonérés au titre de cette seconde résidence…

M. Michel Bouvard. En effet, et c’est un grand progrès !

M. Jean-Louis Dumont. Ils ne payaient pas avant !

M. Michel Bouvard. Certains payaient.

M. Jean-Louis Idiart. …les contribuables jusque-là exonérés de redevance mais redevables de la taxe d’habitation seront, en 2007, redevables de la redevance.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Nos collègues socialistes s’égarent.

M. Jean-Louis Idiart. Pas du tout !

M. Michel Bouvard. Nous avons là une bonne réforme, qui permet de réduire les effectifs de l’État sans altérer la qualité du service public et sans augmenter cette année la redevance audiovisuelle ; elle a même diminué d’un demi-euro,…

M. Louis Giscard d’Estaing. Exactement !

M. Michel Bouvard. …ce qui n’était pas arrivé depuis très longtemps – je vous mets au défi de me citer quand. Cette réforme permet en outre de clarifier les choses et de limiter les fraudes.

Alors qu’il vient tout juste d’être mis en place, on nous propose aujourd’hui de modifier ce système, ce qui obligerait à rééditer des papiers, à changer les supports, donc à dépenser de l’argent et à compliquer les choses. Quand on vote une réforme, il faut qu’elle soit stable.

Peut-être avez-vous avez des administrés différents des miens, mais je n’ai trouvé personne dans ma circonscription,…

M. Jean-Louis Dumont. C’est la montagne !

M. Michel Bouvard. …pas même un maire socialiste, pour venir me dire qu’il n’avait pas compris, qu’il pensait que c’étaient les collectivités locales qui avaient augmenté la redevance audiovisuelle ou qui l’encaissaient.

On s’égare à vouloir être trop perfectionniste. Cet amendement arrive trop tard, et il aurait fallu soulever le problème au moment des débats en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. J’apporterai simplement quelques compléments d’information. D’abord, la réforme, comme l’a dit le ministre, a permis une économie de gestion considérable : mille emplois vont être redistribués vers de nouvelles tâches qui incombent à l’administration et qui, à défaut, auraient nécessité des embauches supplémentaires. Ce n’est pas rien, mille emplois ! C’est même tout à fait exemplaire en matière de réforme de l’État.

Quant à l’objectif principal de la redevance, à savoir assurer à l’audiovisuel public une ressource propre, évolutive, qui corresponde à ces besoins,…

M. Jean-Louis Dumont. C’est un point de vue de Parisien !

M. Patrice Martin-Lalande. …là aussi, la réforme se révèle pertinente. Il se confirmera probablement, d’ici quelques semaines, que les rentrées se font bien, plutôt mieux même que ce qui était prévu dans les hypothèses les plus basses. Il s’agit donc d’un bon résultat, qui doit permettre au service public d’assurer ses missions. Notre service public est aujourd’hui en concurrence avec des centaines de chaînes privées, au moins pour les téléspectateurs qui reçoivent la télévision par le satellite, le câble ou internet. La redevance lui donne les moyens de faire face à cette concurrence. Son mode de collecte, efficace et économe en deniers publics, est incontestablement le fruit d’une bonne réforme.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’en rajoute une dernière louche pour la route ! Une fois démontré, comme cela vient d’être fait excellemment, que cette réforme, d’ailleurs attendue depuis des années sur tous les bancs de cet hémicycle,…

M. Jean-Louis Dumont. Mais tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …est celle qu’il fallait faire, je souhaite tordre le cou, monsieur Dumont, aux contrevérités que vous avez énoncées.

Premièrement, cette réforme représente 900 000 foyers gagnants supplémentaires, principalement des personnes de plus de soixante ans aux revenus modestes, puisque nous avons aligné le champ des exonérations de la redevance sur celui de la taxe d’habitation.

Deuxièmement, le législateur a entendu conserver en 2005 l’exonération de redevance pour les contribuables exonérés en 2004, quelle que soit l’évolution de leurs revenus. Ce sera encore le cas en 2006 et 2007, si ces personnes restent non imposables. Vous avez là une nouvelle démonstration que la France est un pays où il fait bon vivre. Il y a suffisamment de points de désaccord entre nous, me semble-t-il, pour que, sur ces points-là au moins, nous soyons d’accord !

M. Michel Bouvard. Mais ils ne s’intéressent pas aux personnes âgées ; ils ne s’intéressent qu’à Mme Bettencourt !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, entendez-nous bien : à titre personnel, j’ai rendu hommage au travail de M. Martin-Lalande…

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un travail collectif !

M. Jean-Louis Dumont. …car l’architecture générale et les objectifs de la réforme me semblent les bons.

Je sais simplement dans quelles conditions, à l’époque où j’étais dans la majorité, nous avons raté l’opération de suppression de la redevance. Puisque nous sommes entre nous, nous pouvons tout nous dire et, si j’ai interpellé notre collègue, à propos de sa réaction de Parisien, c’est parce que, quand nous avons préparé cette suppression de la redevance, dès que le ministre concerné en a été averti, la réaction du « milieu » parisien de l’audiovisuel ne s’est pas fait attendre ! Je ne rappellerai pas dans quelles conditions, à l’époque de M. Elkabbach, la radio et la télévision publiques ont distribué l’argent public. Il aurait certes fallu être plus ferme mais, pour ce qui concerne la réussite de l’opération, je crois malgré tout que l’opposition d’aujourd’hui comme la majorité d’hier y ont largement contribué.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 320.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques nos 122 et 401 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d’un amendement n° 68.

M. Patrice Martin-Lalande. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 382 et 390 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d’un amendement n° 178.

M. Jean-Louis Idiart. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 178.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 21
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Michel Pajon.

M. Michel Pajon. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souhaitons supprimer l’article 21, qui autoriserait l’État à encaisser les disponibilités du Fonds de garantie de l’accession à la propriété sociale, dont l’objet est de garantir auprès des établissements de crédit les prêts contractés par les ménages modestes en vue de l’acquisition d’un logement. Cette mesure est dangereuse, car l’État n’offre aucune assurance sur le devenir de ce fonds. Réintégré au budget, il perdrait toute visibilité et les dispositifs qui le sous-tendent risqueraient de disparaître avec le temps.

Il ne faut pas s’étonner du peu de souscripteurs des prêts d’accession sociale à la propriété, compte tenu du peu de publicité qui leur a été faite jusqu’à présent. La mesure qui nous est proposée ne va certainement pas arranger les choses. La raison pour laquelle le FGAS est chroniquement excédentaire – et donc la raison pour laquelle le Gouvernement veut probablement le budgétiser – n’est sans doute pas étrangère au faible nombre de personnes qu’il concerne. Il serait préférable, nous semble-t-il, de se donner les moyens de faire fonctionner le FGAS plutôt que de le jeter aux oubliettes ! Souvenez-vous qu’en 2001 une réforme avait été mise en place parce qu’on avait constaté que les conditions applicables aux prêts d’accession à la propriété étaient trop strictes. On avait donc élargi les caractéristiques des logements éligibles et les paramètres financiers, ce qui avait permis d’observer en 2002 une augmentation de plus de 22 % du nombre de prêts. C’est bien la preuve que la demande existe et que devenir propriétaire est un souhait partagé par beaucoup.

De plus, en freinant l’accession à la propriété, cette mesure affectera aussi la construction de logements neufs, secteur moteur de la croissance, ainsi que l’habitat social. En effet, puisque ce sont en priorité les titulaires de revenus modestes qui peuvent en bénéficier, l’accession sociale facilite la mobilité dans un parc HLM qui, je ne vous apprends rien, ne répond pas aux nombreuses demandes.

Même si l’on ne cherche pas à élargir le dispositif de prêts, il faut souligner que, bien qu’excédentaire, le FGAS ne dispose pas aujourd’hui d’une assise financière excessive. Le taux de sinistralité qu’il peut assumer avec une trésorerie qui s’élève à 1,4 milliard d’euros est de l’ordre de 5 à 10 %, ce qui est certes bien supérieur à ce qu’on observe aujourd’hui mais n’a rien d’irréaliste.

Cette mesure répond à une vision à très court terme et ne vise qu’à desserrer la contrainte budgétaire dans laquelle s’est enfermé le Gouvernement. En 2001, un parlementaire de l’actuelle majorité avait critiqué dans cette enceinte le gouvernement de l’époque, parce qu’il voulait diminuer l’abondement du FGAS pour financer l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat. Il dénonçait la fâcheuse habitude de Bercy qui consiste à convoiter tous les fonds en attente d’utilisation. Aujourd’hui, c’est pire. Il ne s’agit même plus d’utiliser les excédents pour une politique du logement. Toute réflexion sur l’accession des plus modestes à la propriété est escamotée.

M. Marc Laffineur. Ce n’est pas vrai ! On n’a jamais construit autant de logements sociaux !

M. Michel Pajon. Voilà pourquoi, je vous demande, mes chers collègues, de voter l’amendement de suppression que nous présentons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. C’est par une nuit noire et sans lune, sous une autre majorité, qu’a été créé le FGAS, à une époque où la Caisse de garantie du logement social n’intervenait, dans le cadre de l’accession à la propriété et du logement locatif, qu’au bénéfice exclusif des organismes HLM qui construisent et entretiennent le parc locatif. On avait déjà prélevé sur la caisse auparavant ; avant même l’invention du FGAS, trois ministres avaient signé un courrier pour indiquer dans quelles conditions l’État ferait face à ses responsabilités.

Les majorités changent, mais les besoins de l’État en matière de financement de son budget ne changent pas, pas plus que les méthodes : on prélève, on prélève ! Non seulement vous reprenez, monsieur le ministre, ce que l’État a apporté, mais en plus vous prenez ce que les banques, et notamment les banques de l’économie sociale, mutuelles et coopératives, ont apporté.

M. Michel Bouvard. Voilà le parti socialiste qui défend les banques !

M. Jean-Louis Dumont. Et cela, l’année même où on met en cause la délégation interministérielle à l’innovation sociale et à l’économie sociale, un an après que, interpellé par Geneviève Gaillard lors d’une commission élargie, le ministre Jean-François Lamour a mis gravement en cause l’économie sociale.

Quelle que soit la capacité des accédants à la propriété de remplir leurs obligations d’emprunteurs, il parviennent à y faire face, comme en témoigne la rareté des sinistres constatés ces dernières années. Rapporteur du budget du logement, j’avais souligné que, dans ces conditions, on pouvait diminuer la contribution apportée par les banques et par l’État, ce qui fut fait. J’avais par ailleurs indiqué que cet argent pouvait être utilisé au bénéfice de l’accession. Il y aurait là aujourd’hui, monsieur le ministre, un levier puissant pour conforter la politique d’accession sociale à la propriété. Vous avez choisi, au contraire, de siphonner ces fonds. Nous dénonçons ce siphonnage, et nous ne voyons pas à quelles arguties la majorité pourrait recourir pour défendre cet article.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le groupe UDF s’est élevé en commission avec beaucoup d’autres collègues contre cette mesure. Il l’a fait pour quatre raisons.

La première, c’est que, si nous votons cette mesure, l’État montrera une nouvelle fois qu’il n’est pas un partenaire fiable. Que le Gouvernement veuille continuer à réduire les taux de cotisation, voire décide de ne plus cotiser, alors qu’un accord a été signé en 1993, cela me paraîtrait logique et défendable. En revanche, vouloir récupérer la totalité du FGAS relève véritablement de ce que j’appelle l’ « État gangster », un État qui n’a aucune parole, aucune constance au fil du temps dans ses positions.

Deuxième raison : cet article est-il constitutionnel ? En effet, le FGAS a été alimenté non seulement par des dotations de l’État, mais aussi par les cotisations des organismes prêteurs. Or de quel droit peut-on exproprier sans indemnisation les cotisations versées par les banques ? Et l’État ne fait pas dans la dentelle, puisqu’il récupère tout ! Il a versé près de 490 millions, plus le produit des placements, ce qui ne représente qu’une petite partie de la somme de 1,4 milliard. Donc, attention à la position du Conseil constitutionnel si le Gouvernement persiste et si la majorité vote ce qu’il propose !

Troisième raison : c’est une mauvaise politique budgétaire. Je l’ai dit au nom du groupe UDF dans la discussion générale, cette somme de 1,4 milliard représente près d’un tiers des recettes non fiscales non reconductibles, dont le total s’élève à quelque 5 milliards. On encaisse aujourd’hui, on paie demain et c’est une recette non reconductible. L’État gangster va donc devoir faire des « casses » de plus en plus importants pour boucler le budget 2007.

Enfin, quatrième raison : a-t-on mesuré les conséquences d’un tel article sur le comportement des banques ? La Fédération française des banques, qui n’est pas réputée pour être extrémiste, nous a écrit : « Si l’État prélève la totalité du FGAS, nous cesserons la distribution des PAS et des PTZ. » La commission des finances s’est émue et a adopté une position sage à laquelle le groupe UDF s’est rallié. Il s’agit de prélever un peu moins d’un milliard et de laisser 400 millions dans le FGAS, c’est-à-dire que, compte tenu des 200 millions de plus-values, il restera 600 millions au sein du fonds.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 31, 106 et 180, visant à supprimer l’article 21.

Je considère que ces amendements ont été défendus.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons en effet eu une discussion approfondie sur l’article 21 en commission des finances. Nous avons tout d’abord rejeté plusieurs amendements de suppression présentés notamment par Charles de Courson et Philippe Auberger, pour nous rallier ensuite à un amendement de ce dernier, auquel d’ailleurs j’étais défavorable en tant que rapporteur général, qui limite le prélèvement à 975 millions d’euros. Cet amendement soulève un important problème juridique que je vais maintenant exposer. J’en profiterai pour répondre aux observations de Charles de Courson.

La convention qui a créé le FGAS en 1993, par une nuit obscure, si j’en crois Jean-Louis Dumont, prévoit explicitement que les disponibilités du fonds peuvent être versées à l’État à deux conditions : que le fonds soit dissous et que la garantie soit reprise par l’État. La convention ne prévoit pas le cas d’un prélèvement unilatéral et sans contrepartie de l’État. Un tel prélèvement, quel qu’en soit le montant – y compris les 975 millions dont nous allons parler –, violerait ouvertement les règles conventionnelles sans un motif d’intérêt général suffisant. Il n’y a donc en l’occurrence aucun risque d’inconstitutionnalité, monsieur de Courson, puisque le dispositif choisi est strictement conforme à la convention de 1993 : suppression du fonds et, à condition que l’État assure la garantie, rapatriement des disponibilités dans le budget de l’État.

Il est cependant nécessaire, monsieur le ministre, de dissiper certains malentendus. En effet, le dispositif est arrivé en bout de course et il n’y a pas eu suffisamment de discussions avec les banques et, de manière plus générale, avec les intervenants dans le domaine de l’accession sociale à la propriété.

Je voudrais rassurer tous ceux qui tiennent à l’accession sociale à la propriété, et c’est notre cas à tous dans la majorité : elle n’est en aucun cas remise en cause par cet article, puisque la garantie sera directement prise en charge par l’État. Qui connaît meilleur garant que l’État ?

M. Jean-Louis Dumont. On verra !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour vous montrer, cher Jean-Louis Dumont, à quel point cette majorité est attachée à l’accession sociale à la propriété, je vous dirai que l’effort en la matière dans ce projet de budget pour 2006 augmente de 500 millions d’euros. En effet, la montée en régime du prêt à taux zéro, avec son élargissement, représente un effort de 500 millions d’euros supplémentaires en 2006. C’est dire toute l’attention que nous portons à l’accession sociale !

M. Jean-Louis Dumont. Si ça fonctionne comme les catastrophes naturelles, on n’est pas sorti de l’auberge !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Alors, l’état de nos finances est tel que nous avons besoin de ces 1,4 milliard d’euros – on ne peut le nier – mais le prélèvement est justifié, car il s’agit d’une trésorerie dormante. Savez-vous que le montant des sinistres pris en charge par le FGAS depuis 1993 se chiffre à seulement 8 millions d’euros ?

M. Jean-Louis Dumont. Cela montre que la prévention a bien fonctionné !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette somme de 1,4 milliard résulte des cotisations versées à parité entre l’État et les banques. Il faut à présent définir un mécanisme mieux adapté. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, de dire clairement que le FGAS est supprimé, que l’État reprend la garantie et de mettre en place un mécanisme de gestion privé qui permette aux banques de gérer cette garantie, étant entendu que l’État assurera sa garantie directement, ce qui impliquera également la création d’une société de gestion. Si ces conditions, qui n’altèrent absolument pas notre capacité à développer l’accession sociale à la propriété, sont remplies, nous devons pouvoir accepter la solution proposée par l’article 21.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je voudrais, à mon tour, apporter des éléments de réponse sur ce sujet important. Je commencerai néanmoins par vous dire, monsieur de Courson, que je n’ai pas du tout apprécié votre expression d’« État gangster ».

M. Charles de Courson. J’irai plus loin tout à l’heure ! Cela ne m’impressionne pas du tout !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout état de cause, je regrette l’utilisation de ce genre de formule particulièrement inappropriée au regard du travail que nous faisons.

Le FGAS gérant des deniers publics qui constituent une trésorerie dormante, il est tout à fait normal que le gestionnaire public fasse un état des lieux. Nous constatons une faible sinistralité des prêts. Or les disponibilités de ce fonds sont, j’y insiste, des deniers publics. C’est donc un acte de bonne gestion de les reprendre, d’autant que l’État reprend à son compte toutes les garanties couvertes par cette somme. Le prélèvement, c’est la contrepartie du transfert vers l’État du risque financier sur le stock des prêts arrêté au 31 décembre 2005. C’est le premier point fondamental : l’État récupère les sommes parce qu’il garantit.

Deuxième élément, ce prélèvement est strictement conforme à la convention entre les banques et l’État, laquelle indique que le versement de l’intégralité des sommes du fonds à l’État est permis, à condition que ce dernier assume la gestion de la garantie. C’est très exactement ce que nous faisons.

Enfin, nous rendrons, quoi qu’il arrive, les sommes qui ont vocation à être remboursées. Comme vous le savez, le FGAS est alimenté par deux types de cotisations des banques : initiales et périodiques. Seules les cotisations périodiques ont vocation à être remboursées. Elles représentent environ 200 millions d’euros. Il y a 1,6 milliard dans ce fonds et nous rendrons les 200 millions, ce qui fait que l’État affectera 1,4 milliard.

Dans ces conditions, et je serai aussi affirmatif que l’a été M. Carrez, les banques, évidemment, n’ont aucune raison d’arrêter de distribuer les prêts à l’accession sociale ou les prêts à taux zéro.

M. Charles de Courson. C’est pourtant ce qu’elles annoncent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Rien dans la décision prise concernant le FGAS ne peut justifier la remise en cause de la distribution de ces prêts, et ce pour une raison simple : les prêts continueront à être garantis – c’est l’intérêt de tout le monde. L’exposé des motifs de l’article 21 prévoit qu’un nouveau dispositif de garantie sera mis en place en concertation avec les banques pour l’avenir. Le Gouvernement propose que la garantie reste cofinancée par les banques, mais dans un cadre différent qui agrée aux établissements de crédit.

Le dispositif futur pourrait relever du champ conventionnel. Les établissements verseraient des cotisations à un fonds de nature privée. L’État ne cotiserait pas au fonds, mais s’engagerait à verser des indemnités aux banques en fonction des sinistres constatés, qu’il prendrait en charge jusqu’à un certain taux – 50 %, voire plus, cela dépendra de la discussion avec les banques. Le principe d’une garantie de l’État en dernier ressort serait maintenu à partir d’un certain taux de sinistralité, comme dans le système actuel.

Ce que l’État propose pour l’avenir présente plusieurs avantages. Il évite l’accumulation inutile de liquidités. Il est plus sécurisant pour les banques, puisque leurs cotisations sont isolées dans un fonds qui leur appartient. Il maintient le principe d’un cofinancement de la garantie par les banques. C’est essentiel pour assurer leur responsabilisation. Tel est l’esprit dans lequel nous proposons cette opération. J’ai d’ailleurs l’intention d’engager très rapidement des discussions avec les banques.

Je suis convaincu que ce dispositif est pleinement conforme à la Constitution, puisque les disponibilités du fonds ont le caractère de deniers publics. Subsidiairement, la loi ne fait que confirmer l’application de la convention. Il n’y a donc pas, en l’espèce, d’expropriation. Enfin, l’État reprend à sa charge tous les sinistres à venir liés au stock de prêts. Là encore, la signature de l’État est pleinement honorée.

Néanmoins, afin de rassurer la représentation nationale, le monde bancaire,…

M. Jean-Louis Dumont. Les organismes HLM !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …les organismes HLM en effet …

M. Jean-Louis Dumont. Nous tremblons, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et tous ceux qui souhaitent accéder à la propriété au moyen de ces prêts, je soutiendrai un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles la garantie de l’État sera apportée à l’avenir sur les prêts à l’accession sociale à la propriété et sur certains prêts à taux zéro.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En premier lieu, je veux que l’on réaffirme le principe d’un cofinancement de la garantie de l’État par les banques, car c’est un élément majeur, sachant que l’État reste le garant en dernier ressort des prêts octroyés aux ménages modestes. Cela signifie qu’à partir d’un taux très élevé de sinistralité sur ces prêts, il prendra à sa charge le coût qui en résulte pour les banques, comme c’est d’ailleurs le cas dans le système actuel.

Deuxièmement, il est précisé qu’un fonds spécifique sera constitué et alimenté par les cotisations des banques pour permettre ce cofinancement. Le maintien d’un fonds permet notamment aux établissements de crédit de bénéficier d’une pondération favorable des prêts garantis. Par ailleurs, la nature privée de ce fonds offre aux établissements de crédit des garanties supplémentaires et leur assure un droit de propriété réel sur les sommes qu’ils verseront, ce qui répond tout à fait à la préoccupation évoquée par Gilles Carrez. L’État s’engagera parallèlement à prendre en charge une partie des sinistres supportés par les banques. Il n’est pas nécessaire qu’il cotise à un fonds au risque d’accumuler inutilement de l’argent public, ce qui est aujourd’hui le cas. Cette architecture permet au final de maintenir le principe d’un cofinancement, mais dans un cadre beaucoup plus transparent, beaucoup plus souple et beaucoup plus lisible.

Je voudrais enfin rappeler les efforts considérables consentis depuis trois ans par les gouvernements successifs en matière de politique du logement : instauration d’un plan de relance de la construction sociale avec l’objectif de 500 000 logements nouveaux en cinq ans, mise en place d’un plan de rénovation urbaine disposant de moyens considérables pour réaménager les quartiers prioritaires, multiplication par 2,5 du nombre de bénéficiaires du prêt à taux zéro. Le moins que l’on puisse dire c’est que, sur tous ces sujets, nous avons beaucoup travaillé, et je regrette le tour polémique pris par notre discussion, car je considère que, sur tous ces points, nous apportons les garanties susceptibles de rassurer les banquiers et les organismes HLM. Ce que nous proposons n’aura aucun incidence sur le fonctionnement et la distribution des PTZ et des PAS. Tout cela se fait dans un cadre parfaitement transparent et clair. C’est une décision de bonne gestion que de supprimer une trésorerie de fonds publics totalement dormante, alors même que nous avons besoin de nous engager fortement en faveur du logement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En tant que cosignataire, avec M. Perruchot, de l’amendement de suppression n° 106, je voudrais revenir, pour la contester, sur l’argumentation du Gouvernement.

Premièrement, vous nous expliquez, monsieur le ministre, que le FGAS est composé de fonds publics. C’est faux ! Il se divise en deux parties, dont l’une seulement provient du budget de l’État, et l’autre des cotisations des banques. Je suis désolé, mais la thèse que vous venez de développer ne tiendra pas devant le Conseil constitutionnel. On ne peut assimiler un versement volontaire effectué par des banques à des fonds publics. Où allons-nous ? Il s’agit de banques privées qui versent des cotisations privées ! Que vous récupériez la partie du FGAS qui vient du budget de l’État, on peut y être favorable ou non. Du moins peut-on en discuter. Mais vous ne pouvez pas toucher à la partie provenant des cotisations des banques !

Deuxièmement, vous avez lu la note envoyée à tous les parlementaires par la Fédération française des banques. Qu’elle vous gêne, je le comprends, car je serais également gêné à votre place. Ce n’est pas moi qui ai inventé ce document, mais les banquiers. Ils écrivent que, si vous prenez cette décision, ils cesseront la distribution de PTZ et de PAS. Que je sache, ce ne sont pas des extrémistes ! Même si leur position vous importune, ne la niez pas simplement parce qu’ils ne sont pas du même avis que vous.

Troisièmement, quel besoin y avait-il d’une loi ? Le rapporteur vous a rappelé l’existence d’une convention, qui supposait deux critères, lesquels, en l’espèce, ne sont pas réunis. Pourquoi ne l’avez-vous pas renégociée avec les banques, en proposant que l’État reprenne ses fonds et offre sa garantie pour l’avenir. Pourquoi avoir adopté une attitude aussi impériale ? D’ailleurs, si j’en crois le rapport de M. Carrez, cette mesure est improvisée. La meilleure preuve est que vous avez oublié de l’évaluer – le rapporteur l’a souligné lui-même – et d’en inscrire le coût au sein des crédits de l’action « soutien au domaine social, logement, santé » du programme « appels en garantie de l’État » de la mission « engagements financiers de l’État ». Quelle improvisation !

Une nouvelle fois, quel est le fond de l’affaire ? Toujours le même : comme il n’arrive pas à limiter la hausse des dépenses par manque de volonté politique, le Gouvernement fait ce qu’il faut bien appeler des « casses ». Vous n’êtes d’ailleurs pas le premier ministre dans cette situation. Cette fois, il s’agit d’un casse sur le FGAS !

Mes chers collègues, la commission des finances a été pleine de sagesse. Elle a consenti au versement de 975 millions, qui correspond à peu près à la part de l’État, et considéré qu’il ne fallait pas toucher au reste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, il me semblait que, l’an passé, nous avions débudgétisé le PTZ, de sorte que nous l’avons fait évoluer et que nous en avons changé la nature, même s’il reste l’œuvre de Pierre-André Périssol. Je me souviens de nos discussions d’alors. Je m’étais ému de la transformation du PAP en PTZ et j’avais formulé certaines craintes en présence du ministre.

Pour en revenir à la question de la sinistralité, c’est précisément parce que chacun a fait un effort que le montage des dossiers d’accession est désormais parfaitement encadré. Les banques jouent un rôle de conseil et il y a beaucoup moins de marchands de soupe que par le passé.

M. Marc Laffineur. Qui visez-vous ?

M. Jean-Louis Dumont. Les organismes de HLM ont proposé des garanties pour éviter que les accédants ne deviennent des sinistrés de la désinflation. Un travail de fond a été mené. La lisibilité, en matière d’accession, était réelle.

Je comprends que le Gouvernement ait besoin d’argent. Il n’est pas le premier à en chercher. Mais il n’est pas normal qu’il s’empare de la totalité du fonds. Je préfère ne pas parler de hold-up ou de siphonnage, pour ne pas utiliser de termes trop forts. Mais je suis certain que nos collègues du Sénat observent attentivement la décision que nous allons prendre, d’autant que ces pompages – de la CGLS et du FGAS – ne sont pas les premiers auxquels nous assistons.

C’est pourquoi je réitère la question que je vous ai déjà posée dans la discussion générale et à laquelle M. de Courson sera probablement attentif : au moment où l’on parle d’un adossement des fonds privés aux fonds publics ou semi-publics pour les crédits immobiliers, au terme de négociations qui ont duré pratiquement dix ans, sous différentes majorités et différents ministres, combien une telle opération va-t-elle coûter ? Compte tenu de ce que l’on escomptait il y a quelques années, je suis persuadé que la somme de 1,4 milliard ne représentera pas grand-chose demain par rapport à celle que vous allez prendre aux crédits immobiliers.

Pour aller dans le sens d’une véritable lisibilité, il aurait mieux valu affecter tout ou partie de ces fonds dont votre majorité est malheureusement prête à s’emparer, toute impatiente qu’elle est de voter un des amendements déposés par M. Auberger ou par le rapporteur général. Oui, si vous devez prendre de l’argent, affectez-le au bénéfice d’une véritable politique du logement et de l’accession à la propriété !

M. Marc Laffineur. Mais la politique du logement n’a jamais été aussi bonne qu’aujourd’hui !

M. Jean-Louis Dumont. Si vous prenez aujourd’hui 1,4 milliard au FGAS, combien prendrez-vous demain aux crédits immobiliers ?

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31, 106 et 180.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 453 du Gouvernement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 453.

(L’amendement est adopté.)

M. Charles de Courson. Nous aurions pu au moins le discuter !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12 que vous avez déjà présenté, monsieur le rapporteur général, en indiquant que vous y étiez défavorable à titre personnel. Souhaitez-vous intervenir à nouveau ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, parce que je voudrais répondre à M. de Courson, qui a parlé tout à l’heure d’un « casse sur le FGAS », expression totalement injustifiée à mes yeux.

M. Charles de Courson. Quel besoin y avait-il d’une loi ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Depuis 1993, la convention a fonctionné de façon transparente. Le dispositif prévoyait à parité des cotisations de l’État et des banques pour une garantie qui était effectuée uniquement par l’État. Les banques ont donc cotisé pour un service que l’État leur rendait en garantissant les prêts qu’elles consentaient.

Au fil du temps, ces cotisations se sont avérées excessives eu égard au taux de sinistralité. On ne peut que s’en réjouir : les prêts consentis sous la précédente majorité à partir de 1992, sous le nom de « prêts à l’accession sociale », puis, à partir de 1995, sous le nom de « prêts Périssol » ou « prêts à taux zéro », se sont révélés beaucoup moins risqués qu’on pouvait le redouter, ce qui explique ce coefficient de sinistralité très faible.

Dans cette situation, l’État a joué le jeu sans arrière-pensée. Il a commencé par abaisser les cotisations et, comme il restait malgré tout un surplus, 100 millions d’euros environ ont été reversés aux banques afin de garantir d’autres générations de prêts. La gestion a donc été totalement transparente.

M. Jean-Louis Dumont. C’est exact ! Je l’avais indiqué dans mon rapport.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aujourd’hui, on s’aperçoit que ce taux de sinistralité est toujours très bas et qu’il le restera sans doute. Les cotisations, bien qu’elles aient été abaissées et qu’on en ait rendu une partie aux banques, ont atteint en cumul ce montant de 1,4 milliard.

Je vous sais très sensible à la situation de nos finances publiques, monsieur de Courson. Mais quand, pour une fois, l’État peut obtenir des résultats positifs grâce à une garantie, laissons-le en tirer le bénéfice !

M. Jean-Louis Dumont. C’est juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’État n’est pas fait pour absorber toutes les pertes de la terre et laisser les bénéfices, s’il y en a, au secteur privé. Le service de la garantie, c’est l’État qui l’a rendu et il continuera de le faire, parce qu’il ne se désengage pas, répétons-le : il continuera de garantir l’accession sociale à la propriété, mais directement. En conséquence, il est normal qu’il prélève la totalité de cette somme, puisqu’il a assumé la garantie tout seul. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. M. de Courson voudrait étatiser les pertes et privatiser les bénéfices !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme M. le rapporteur général, je vis mal l’accusation de M. de Courson et juge le terme de « casse » réellement inadapté. M. de Courson s’est demandé pourquoi nous avions besoin d’une loi. Tout simplement parce que l’État s’engage à reprendre la garantie. Voilà l’élément nouveau.

M. Charles de Courson. Il suffisait de renégocier la convention !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le fameux hold-up dont vous parlez aurait existé si l’État avait pris l’argent sans continuer à assurer de garantie. Or il s’engage à le faire à 100 % par le biais de la loi. D’ailleurs, monsieur de Courson, c’est la LOLF qui le prévoit. Vous qui lui êtes si favorable, on pouvait penser que vous seriez en accord avec cette mesure – ou du moins l’espérer !

M. Charles de Courson. Mais ce n’est pas prévu dans la LOLF !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Deuxièmement, vous prétendez qu’il ne s’agit pas de fonds publics. Mais si ! Puisque la convention prévoit l’affectation des fonds à l’État s’il reprend la garantie du stock de prêts, ces sommes revêtent le caractère de deniers publics. Nous avons consulté des juristes. Ils sont unanimes sur ce point, qui relève d’ailleurs du simple bon sens.

Enfin, sur tous ces sujets, je pense que M. le rapporteur général a bien raison : la logique de coresponsabilité impose que les banques ne doivent pas intervenir seules quand tout va bien et l’État seul quand tout va mal. Il y a quelque logique à ce que l’État assume la totalité du risque en tant qu’État et que, à ce titre, il profite de l’intégralité des bénéfices, qui servira à garantir les prêts. J’insiste sur ce point, car je considère que le procès d’intention qui nous a été fait n’est pas digne de notre travail.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pourquoi n’avez-vous pas renégocié la convention, monsieur le ministre, puisque des critères de renégociation permettaient de le faire ? Les banques nous ont écrit pour se plaindre, je ne l’ai pas inventé. Vous avez préféré agir de votre seule autorité.

L’amendement n° 453, dont vous êtes l’auteur et que l’Assemblée vient de voter, montre bien que l’article 21 ne tenait pas, puisque vous avez adopté une nouvelle rédaction aux termes de laquelle « l’octroi de la garantie de l’État est subordonné à une participation financière des établissements de crédit, qui cotisent à un fonds de garantie de nature privée dont ils assurent la gestion ».

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai répondu à la commission qui avait exprimé des inquiétudes sur un point. Il était normal que je consolide ma réponse par un amendement.

M. Charles de Courson. Oui, vous avez répondu à ce sujet tout à l’heure, mais beaucoup de nos collègues n’avaient pas encore l’amendement sous les yeux.

En outre, vous ne tenez pas compte de l’amendement de M. Auberger – dont je regrette l’absence dans l’hémicycle –, qui a été voté à une large majorité en commission des finances.

M. Jean-Louis Dumont. Pour une fois qu’elle avait bien voté !

M. Charles de Courson. Mais c’est toujours la même chose : l’État est réduit à quia et prélève sur des fonds dont, contrairement à ce que vous dites, la totalité n’a pas un caractère public. Comment, en effet, une cotisation volontaire, conditionnée par une adhésion volontaire, détenue par une société anonyme et versée au FGAS pourrait-elle être considérée comme une cotisation publique à 100 % ? Votre thèse ne tient pas !

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Je ne suis pas le porte-parole des banques, contrairement aux membres du groupe socialiste et du groupe UDF.

M. Jean-Louis Dumont. Je défends les banques de l’économie sociale !

M. Marc Laffineur. Je me contente de m’occuper de l’aide sociale et du logement des plus démunis.

M. Charles de Courson. Justement !

M. Marc Laffineur. Du reste, je me félicite de la politique qui est menée dans ce domaine depuis trois ans,…

M. Charles de Courson. Ce n’est pas le débat !

M. Marc Laffineur. …car jamais nous n’avons construit autant de logements sociaux depuis six ou sept ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Dans ma circonscription, la direction départementale bloque les autorisations de construire !

M. Marc Laffineur. Venez dans ma région : 80 000 auront été construits en 2005, contre seulement 50 000 en 2001. Par ailleurs, ceux d’entre nous qui sont responsables d’un exécutif local le savent, il est de bonne gestion de consacrer l’argent qui n’a pas été utilisé à d’autres dépenses que celles auquel il était destiné.

M. Charles de Courson. Pas à 100 % !

M. Marc Laffineur. En outre, le Gouvernement étend le prêt à taux zéro, qui sera davantage utilisé en 2006. L’ensemble me paraît donc cohérent. Philippe Auberger ne disposait pas de toutes les informations lorsqu’il a déposé son amendement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles de Courson. Mais si !

M. Marc Laffineur. Le groupe UMP ne votera donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Qu’il s’agisse du locatif ou de l’accession sociale à la propriété, on voit bien que la politique du logement s’oriente insidieusement vers une privatisation des fonds. On peut le comprendre : c’est la politique de votre majorité. Mais mieux vaudrait le dire clairement. En effet, l’ANRU utilise le 1 % dans une seule direction…

Mais je vois M. Auberger qui arrive : il va pouvoir défendre son excellent amendement.

M. le président. L’amendement de M. Auberger a déjà été défendu. Veuillez conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. En matière de logement locatif, le dispositif « de Robien » provoquera demain de nouveaux sinistres. Quant à l’accession sociale à la propriété, les organismes HLM, et tout particulièrement les coopératives, avaient trouvé, avec l’État, des modes de garantie et de sécurisation qui respectaient l’individu et permettaient aux ménages de rester dans leur logement. Il serait donc beaucoup plus simple d’utiliser ces fonds comme un puissant levier qui permette de poursuivre cette politique de logement et de construction.

Enfin, en ce qui concerne le nombre de logements construits, je ne suis pas certain que, dans les départements, les dossiers déposés par les organismes de logement social reviennent rapidement.

M. le président. Vous l’avez déjà expliqué la semaine dernière, cher collègue.

M. Jean-Louis Dumont. Oui, mais je n’ai pas eu de réponse. En tout cas, je peux vous confirmer que, dans certains départements, aucune autorisation de construire n’est donnée. Nous sommes encore dans un régime administré, comme au temps de la pénurie de logements !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour que les choses soient claires, je confirme que je suis défavorable à l’amendement n° 12, compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 453 du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 317, de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 317.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Article 22
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Michel Pajon, inscrit sur l’article.

M. Michel Pajon. Nous souhaitons que soit assurée aux départements une compensation juste et pérenne des charges liées à la décentralisation du RMI-RMA. L’État s’était engagé à compenser à l’euro près ce transfert de compétence, mais il n’a jamais pris de mesure garantissant cette compensation. Les départements connaissent bien les pratiques adoptées par le Gouvernement pour échapper à ses responsabilités : elles consistent à choisir une année de référence, en l’occurrence 2003, comme base de calcul et à ne jamais en changer, alors que les dépenses des collectivités augmentent.

Ainsi, le coût du RMI explose en même temps que le nombre de ses allocataires, qui a augmenté de 120 000 entre juin 2004 et juin 2005 – ce différentiel est particulièrement fort dans le département de la Seine-Saint-Denis. Or les recettes de TIPP affectées aux départements pour compenser leurs dépenses, devraient fléchir cette année. L’indexation de la compensation du RMI sur cette taxe est donc inadaptée, puisque l’une et l’autre n’évoluent pas du tout de la même manière.

Pourtant, le Gouvernement refuse de donner une réponse définitive à cette question. Pour l’année 2004, un collectif budgétaire avait dû accorder une rallonge exceptionnelle de 450 millions d’euros pour éviter l’asphyxie des départements. Il faut en finir avec les solutions au coup par coup et inclure, dans la loi de finances, une garantie explicite en faveur des départements. C’est pourquoi nous souhaitons que le calcul de la fraction de TIPP reversée aux départements soit assis sur les bases des dépenses réellement exécutées chaque année au titre du RMI-RMA.

M. le président. Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Article 30
(précédemment réservé)

M. le président. Je mets aux voix l'article 30.

(L'article 30 est adopté.)

Article 31
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 348, de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un autre amendement, n° 349 rectifié, présenté par M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit cette fois, plus précisément, d’un amendement de simplification rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Et l’amendement n° 350, monsieur Carrez ?...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Celui-ci est de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 350.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 151 et 193, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 151.

M. Patrice Martin-Lalande. L'une des heureuses conséquences de la réforme de la redevance adoptée par le Parlement l'an dernier est une extension du nombre des personnes bénéficiant d'une exonération pour des motifs sociaux. Cette extension est légitime, puisqu'elle concerne notamment les personnes bénéficiant de l'allocation adulte handicapé ou du RMI, pour peu que leurs revenus soient inférieurs à un certain plafond. Elle est par ailleurs indispensable pour des raisons pratiques, puisque le principe de collecte conjointe de la taxe d'habitation et de la redevance suppose une harmonisation des conditions d'exonération.

Pour autant, ces exonérations de redevance pour motifs sociaux n'ont pas vocation à être financées par le budget de l'audiovisuel public. Ce principe est affirmé avec force dans la loi de 2000 relative à l'audiovisuel, qui dispose que « les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l'État ». Je rappelle d’ailleurs que l’Assemblée a voté cette compensation intégrale pour que l’audiovisuel public dispose des moyens nécessaires, au moment où la loi le privait d’une partie de ses recettes publicitaires en réduisant de douze à huit minutes par heure la durée de publicité – ce qui a probablement fait le bonheur des chaînes privées.

Le plafond des remboursements de dégrèvement de redevance prévu à l'article 31 du projet de loi de finances déroge manifestement à ce principe. Ce qui était acceptable l'an dernier, en raison des aléas inhérents à l'importante réforme de la collecte alors engagée, ne l'est plus pour 2006. Cette disposition risque de créer un dangereux précédent qui permettrait de financer, à moindre coût, des politiques sociales sur le budget de l'audiovisuel public. Il est donc indispensable de supprimer ce plafond, qui n'est conforme ni à la loi régissant l'audiovisuel public ni à l'esprit de la LOLF.

En outre, la suppression de ce plafond permettrait de financer un projet absolument fondamental, celui d’assurer la couverture de 100 % de la population par la télévision numérique terrestre ou son équivalent. Le Gouvernement s'est engagé à ce que 85 % de la population soit couverte d'ici au printemps 2007, soit une accélération de six mois par rapport au calendrier initial. Cet effort significatif – qui suppose d'ailleurs une augmentation des moyens du CSA, nous y reviendrons lors de l’examen d’un amendement que j’ai déposé avec Pierre Méhaignerie –n’en reste pas moins insuffisant. En effet, 15 % des Français, soit neuf millions de personnes, resteront privés de télévision numérique terrestre.

Le Gouvernement doit prochainement décider des moyens de répondre à ces besoins. Quoi qu’il en soit, un effort particulier sera nécessaire pour ne pas faire attendre ces neuf millions de téléspectateurs. Je propose donc que la compensation intégrale des exonérations soit consacrée à la couverture de ces 15 % de Français, qui nécessitera l’emploi d’une autre technologie que la télévision numérique terrestre.

Les ressources dégagées par le déplafonnement doivent permettre, notamment dans les zones frontalières, de bénéficier rapidement de la télévision numérique terrestre, en aidant les téléspectateurs à s’équiper d’un adaptateur. Nous avons tous intérêt à ce que ce problème soit réglé rapidement dans ces zones. Ces ressources permettraient également, dans les autres zones du territoire privées de télévision numérique terrestre, de recevoir un bouquet des chaînes TNT par satellite ou par l’ADSL, qui couvre une partie de plus en plus grande du territoire national.

M. le président. Avant d’en venir à l’amendement n° 193, je souhaiterais savoir, monsieur le président de la commission, si vous acceptez que nous terminions la discussion au cours d’une séance prolongée.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J’accepte, à condition que chacun de nos collègues fasse un effort de concision, de façon que nous puissions terminer vers vingt-et-une heures quinze, comme le souhaitent, me semble-t-il, la majorité d’entre nous, ainsi que le président Debré.

M. le président. Le Gouvernement est-il d’accord ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je représente le groupe UDF et je ne suis pas d’accord. Il était prévu que nous levions la séance à vingt heures, pour reprendre à vingt-et-une heures trente ou vingt-deux heures.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous n’avons jamais retardé les débats. Cependant, il était convenu que nous reprendrions après vingt et une heures. C’est pourquoi un certain nombre de mes collègues sont absents, et il me semble qu’il en est de même pour d’autres groupes. Si nous prolongeons la séance, je crains que nous ne bâclions la discussion. Nous pouvons tous, je crois, nous engager à ne pas y passer la nuit. Quoi qu’il en soit, cette prolongation ne correspond pas à ce qui avait été convenu.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je suis au service de mes collègues. Personnellement, les deux solutions m’agréent.

(M. Jean-Louis Debré remplace M. Jean-Luc Warsmann au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. Nous allons faire une prolongée, et je vous remercie d’approuver ma proposition.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 151 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement ne peut être accepté car il se borne à déplafonner le montant des dégrèvements, quel que soit le cas de figure. Or, comme pour la fiscalité locale, ceux-ci doivent être absolument encadrés. Cependant, M. Martin-Lalande aura satisfaction dans un instant, puisque nous avons accepté un amendement qui déplafonne le montant des dégrèvements dès lors que le montant des recettes attendues de la redevance n’est pas atteint.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme la commission, le Gouvernement donne sa préférence à l’amendement n° 15 rectifié, qui vise à garantir le niveau de ressources dont bénéficient les opérateurs de l’audiovisuel public.

Je souligne que le supplément de ressources dont disposeront les organismes du secteur audiovisuel public en 2006 atteindra la somme non négligeable de 78 millions d’euros, soit une hausse de 2,98 % par rapport à 2005. La rédaction proposée par la commission paraît meilleure du point de vue des deniers publics, ce qui me conduit, monsieur Martin-Lalande, à vous demander de retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 15 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 193.

M. Didier Migaud. Avant toute chose, monsieur le président, je tiens à élever une vive protestation contre la décision de tenir une séance prolongée. En effet, les groupes s’étaient organisés en fonction de ce qui avait été initialement prévu, à savoir la reprise de nos travaux à vingt et une heures trente. Il nous reste en effet à débattre de plusieurs questions importantes, notamment les autoroutes, sujet sur lequel nous souhaitions nous exprimer.

Le groupe socialiste – et je crois savoir que le groupe UDF est lui aussi très insatisfait – s’étonne de cette façon de procéder, qui n’est pas dans vos habitudes et constitue une rupture dans la tradition de notre assemblée en matière de débat budgétaire. Nous considérons pour notre part ne pas avoir retardé le débat en abusant de notre temps de parole, et estimons tout à fait injustifié de terminer la discussion de la sorte. C’est pourquoi, monsieur le président, je demanderai une suspension de séance au nom de mon groupe.

Néanmoins, en gage de bonne volonté, je vais d’abord présenter notre amendement n° 193. Celui-ci a pour objet de déplafonner la prise en charge par l’État des dégrèvements de redevance audiovisuelle qu’il décide, afin de garantir des ressources suffisantes au financement correct du service public audiovisuel.

En outre, cet amendement se justifie par les conséquences de la réforme de la redevance dans la loi de finances pour 2005, qui fragilise la situation de personnes âgées modestes en leur faisant perdre le bénéfice de l’exonération – comme par hasard, juste après les élections présidentielles et législatives de 2007. Nous proposons par conséquent d’en revenir à l’état antérieur.

Nous en profitons pour répéter que l’adossement de la redevance audiovisuelle à la taxe d’habitation nous paraît une mauvaise chose, monsieur le ministre. Comme nous l’avons dit l’année dernière, il aurait été préférable de rattacher cette taxe à l’impôt sur le revenu. Cela aurait évité la confusion entre la redevance audiovisuelle et la taxe d’habitation…

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’y a pas de confusion ! Cela n’a rien à voir !

M. Didier Migaud. …ainsi que toutes les difficultés d’interprétation à l’origine de multiples perturbations au sein des services des impôts, sans oublier bien sûr les désagréments causés aux usagers.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons répondu sur ce point !

M. Didier Migaud. Je sais que vous avez répondu, monsieur le ministre, mais force est de reconnaître que toutes ces difficultés auraient pu être évitées si l’on avait opté pour un système plus simple et plus efficace que celui qui a été mis en œuvre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 193 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous n'allons pas recommencer le débat sur la réforme de la redevance, à propos de laquelle M. Migaud avait lui-même remis un rapport très intéressant il y a quelques années. C’est bien à la taxe d’habitation qu’il convient d’adosser la redevance.

La commission est défavorable à cet amendement, pour les raisons évoquées il y a quelques instants à propos de l’amendement de M. Martin-Lalande.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, je regrette vraiment que vous jugiez utile d’en « remettre une couche », comme on dit. Sans revenir sur ce que nous avons dit tout à l'heure, j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas de double imposition de la redevance. Je persiste à dire que c’est une très bonne réforme, ni de gauche ni de droite, et j’aurais apprécié que chacun se montre fair play et le reconnaisse, mais c’était sans doute trop demander.

Le Gouvernement est défavorable à votre amendement pour les raisons déjà exposées au sujet de celui de M. Martin-Lalande.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Martin-Lalande ?

M. Patrice Martin-Lalande. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 151 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 193.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu à vingt et une heures quinze.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, deuxième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie de la loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)