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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 25 octobre 2005

34e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

pourvoi en cassation dans l’affaire adidas

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Par un arrêt de la cour d’appel du 30 septembre 2005, le Consortium de réalisation, c’est-à-dire l’État français, a été condamné à verser 135 millions d’euros aux créanciers de la liquidation judiciaire de M. et Mme Bernard Tapie, ladite liquidation n’étant pas remise en cause. Aujourd’hui, il s’agit de savoir si cet arrêt doit faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Or non seulement de sérieux motifs juridiques de cassation existent, mais les intérêts de l’État et du peuple français − qui paie in fine le coût des affaires Tapie − doivent être défendus avec une grande fermeté. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) À défaut, l’image de la classe politique dans son ensemble risquerait une nouvelle fois d’être ternie.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. La « classe politique », cela n’existe pas !

M. Charles de Courson. D’après la presse, le conseil d’administration du CDR serait favorable au pourvoi en cassation, mais cette décision suppose l’accord du conseil d’administration de l’EPFR, organisme public chargé de surveiller les intérêts financiers de l’État dans l’affaire du Crédit lyonnais. Son conseil est composé de cinq membres, dont trois représentant l’État, qui dépendent donc de vous, monsieur le ministre. Or, dans deux déclarations que vous avez faites sur des radios périphériques, le 1er et le 24 octobre, vous avez laissé planer le doute sur vos intentions quant à l’utilité d’un pourvoi en cassation.

Ma question est donc très simple : le Gouvernement est-il favorable à un pourvoi en cassation et, dans l’affirmative, donnera-t-il des instructions en ce sens à ses représentants chargés du dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je suis assez surpris que vous posiez une question à propos d’un dossier que vous connaissez bien, puisque, si je ne m’abuse, vous êtes membre du conseil d’administration de l’EPFR, qui est l’actionnaire du CDR (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qui suit donc l’ensemble des procédures. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je tiens à rappeler que, dans ces affaires, qui remontent à plus de dix ans, l’actuelle majorité n’a de responsabilités ni directes ni indirectes.

M. Jean-Christophe Lagarde. Assume la tienne !

M. le président. Monsieur Lagarde !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En outre, vous comprendrez sans mal, monsieur de Courson, que je ne puisse commenter ces procédures judiciaires qu’avec la réserve qui s’impose dans la défense des intérêts de l’État.

En ce qui concerne la décision d’un éventuel pourvoi en cassation à la suite de l’arrêt rendu le 30 septembre par la cour d’appel de Paris, elle relève du CDR et devrait être examinée, avec tous les éléments du dossier, par le conseil d’administration de l’EPFR, dont je rappelle que vous êtes membre − vous êtes, à ce titre, astreint à un certain devoir de réserve. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je suis d’ailleurs surpris que vous ayez d’ores et déjà pris publiquement position dans un sens, alors que, à ma connaissance, le conseil d’administration ne dispose pas de tous les éléments qui lui permettraient de se déterminer. Vous savez comme moi, monsieur de Courson, que cette décision de justice a montré, pour le moins, que ce dossier très complexe comportait de réelles incertitudes pour toutes les parties, y compris le CDR. Il faut savoir rester humble.

M. François Liberti. C’est laborieux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Dès lors, seule une analyse approfondie du dossier peut permettre de déterminer les suites qu’il convient de lui donner. Je tiens donc à être très clair vis-à-vis de la représentation nationale : le Gouvernement gère ce dossier dans le seul intérêt des finances publiques et en toute transparence.

M. Maxime Gremetz. C’est très laborieux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il s’agit d’un héritage pénible à gérer, j’en conviens, monsieur de Courson. Mais il faut le gérer avec rigueur et dans le strict respect de l’intérêt général. Évitons donc de partir en croisade. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ouverture du capital d’edf

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, en 1945, le général de Gaulle… (Exclamations et applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Les communistes avec de Gaulle, on aura vraiment tout vu !

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Bocquet s’exprimer ! Ce qu’il dit est intéressant !

M. Alain Bocquet. …expliquait la raison d’être de la création d’EDF par la nécessité où était l’État « d’assurer lui-même la mise en valeur des grandes sources de l’énergie », garantissant ainsi « à chaque Français la liberté, la sécurité, la dignité sociale ».

M. Richard Mallié. C’était au siècle dernier !

M. Alain Bocquet. Aujourd’hui, vous abandonnez ces justes ambitions pour livrer à marche forcée un pan d’Électricité de France aux intérêts spéculatifs de la haute finance.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Alain Bocquet. Vous chaussez les lunettes à courte vue des courtiers et faites entrer le loup dans la bergerie.

M. Maxime Gremetz. Un gros loup !

M. Alain Bocquet. Rien ne justifie ce bradage d’un outil industriel stratégique qui a fait la preuve de son efficacité. L’arrivée d’actionnaires qui ne sont intéressés que par le rendement du titre n’apportera rien, ni à l’entreprise ni aux usagers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Au contraire, ils auront droit à une augmentation des tarifs, comme ils le constatent avec Gaz de France, qui, depuis l’ouverture de son capital, fait flamber les prix pour répondre à l’appétit des marchés boursiers. Ainsi, ce sont les familles qui paieront la facture de votre frénésie libérale. La direction d’EDF a promis de verser aux futurs actionnaires 5 milliards d’euros de dividendes sur trois ans. C’est un pillage scandaleux qui se prépare.

M. Hervé Novelli. Et la CGT ?

M. Richard Mallié. Et la responsabilité de la CGT ?

M. Alain Bocquet. EDF, premier électricien d’Europe, a réalisé 2,5 milliards d’euros de bénéfices nets pour le seul premier semestre. Il peut donc, à l’évidence, soutenu par l’État, asseoir son développement sur ses capacités propres.

M. le président. Monsieur Bocquet, veuillez poser votre question.

M. Alain Bocquet. J’ai été interrompu, monsieur le président !

M. le président. Peut-être, mais, si vous tardez trop, je vais mettre définitivement fin à votre intervention. Posez votre question !

M. Alain Bocquet. L’énergie étant devenue rare et chère, il faut garantir en permanence à tous et sur tout le territoire un approvisionnement en électricité à un prix abordable, et ce dans des conditions de sécurité totale dans la mesure où EDF exploite cinquante-huit tranches nucléaires. (Exclamations continues sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bocquet !

M. Alain Bocquet. Seul un opérateur public indépendant des pressions du capital privé pourra relever de tels défis. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitres.)

M. le président. Monsieur Bocquet, posez votre question !

M. Alain Bocquet. Allez-vous enfin comprendre, monsieur le Premier ministre, que la majorité du pays est opposée à cette opération contraire à l’intérêt national ? Allez-vous renoncer à la mise en vente d’EDF pour ouvrir un grand débat sur l’avenir du service public de l’énergie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, 1945-2005 : le combat continue ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Hollande. Pour la libération du pays !

M. le Premier ministre. Le combat continue pour l’entreprise EDF, pour le service public, pour la défense supérieure de la nation.

M. Bruno Le Roux. Bradeur !

Mme Martine David. Comment osez-vous parler du service public ?

M. François Brottes. On ne croit plus au Père Noël !

M. le Premier ministre. J’ai décidé hier d’augmenter le capital d’EDF. Je vous rappelle que le Parlement s’est prononcé pour le changement de statut d’EDF en août 2004, à l’initiative de Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette décision est bonne pour l’entreprise. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L’État ne se désengage pas d’EDF : la loi nous obligeait à rester à hauteur de 70 % et l’État restera engagé à hauteur de 85 %. Je le redis solennellement devant vous : EDF restera une entreprise publique.

M. Christian Bataille. C’est du pipeau !

M. le Premier ministre. Je suis convaincu que, compte tenu de sa dimension stratégique, il n’y a pas de raison de changer.

M. Bruno Le Roux. Villepin, bradeur !

M. le Premier ministre. C’est aussi une bonne décision pour le service public. J’ai signé avec EDF − c’est la condition que j’ai posée à l’augmentation de capital − un contrat de service public, qui marque une avancée considérable par rapport à ce qui existait précédemment. Il comporte un engagement d’égalité et de modération des tarifs, aux termes duquel, pendant au moins cinq ans, tous les Français paieront le même prix pour l’acheminement de leur électricité. D’autre part, il n’y aura pas d’augmentation au-delà de l’inflation : c’est une garantie importante. La sécurité des installations sera renforcée. Un engagement pour la solidarité sera pris, conformément au projet de loi Logement, et l’électricité ne sera pas coupée aux plus démunis pendant l’hiver. Enfin, cet accord comporte un engagement pour l’environnement, grâce au développement des énergies renouvelables.

C’est une bonne décision pour la France tout entière, car nous sommes entrés dans l’ère de l’après-pétrole. Cela veut dire que le pétrole est plus cher, que la consommation d’énergie augmente et que nous avons besoin d’investissements supplémentaires. Or, monsieur Bocquet, comment financer ces investissements ?

M. Maxime Gremetz. En nationalisant !

M. Julien Dray. En ne baissant pas les impôts !

M. le Premier ministre. Nous devons nous doter de 5 000 mégawatts supplémentaires, soit l’équivalent de cinq centrales nucléaires, ce qui équivaut à 40 milliards d’euros d’investissements sur cinq ans, dont plus de 20 milliards sur le territoire national. Pour notre économie, cela représente de nombreux emplois, beaucoup d’investissements et des perspectives de croissance très importantes.

M. François Hollande. Vous bradez EDF !

M. le Premier ministre. Cette décision s’inscrit dans la stratégie de mon Gouvernement qui a fait le choix de l’avenir, des infrastructures, de la recherche et du développement − le choix de l’énergie. C’est l’intérêt de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

politique de l’immigration

M. le président. La parole est à M. Christian Decocq, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Decocq. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qui c’est ?

M. Christian Decocq. Monsieur le ministre d’État, dans la partie lilloise de ma circonscription, la gare TGV Lille-Europe met le cœur de Lille à moins de deux heures du cœur de Londres. C’est cela, être député du Nord : représenter une partie du territoire qui a appris, comme disait Fernand Braudel, que « la géographie commande l’histoire ».

Si cette géographie de la frontière veut dire quelque chose en termes d’immigration, l’histoire industrielle de notre région porte aussi sa responsabilité. Jusque dans les années soixante-dix, j’ai été le témoin des recrutements massifs d’ouvriers étrangers embauchés par les charbonnages ou par de grands groupes industriels et textiles qui, depuis, ont disparu. Aujourd’hui, c’est nous, les élus locaux, nationaux, qui n’avons jamais eu notre mot à dire, qui nous retrouvons face aux conséquences humaines, sociales et, disons-le, politiques de ces recrutements décidés par de puissants acteurs économiques, sans autre considération que leur intérêt. Oui, nous avons subi cette immigration. Voilà pour l’histoire.

L’actualité, c’était hier, à Calais. Monsieur le ministre, pour la sixième fois, vous êtes allé courageusement affronter les réalités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Courageusement, vous avez exprimé votre méthode. Or, « la méthode, c’est la politique », disait Roland Barthes. Fermeté et ouverture, cette double approche est la clef de voûte d’une politique moderne, d’une immigration choisie, celle qui, décidée par la nation, est seule capable d’assumer la défense de nos intérêts vitaux et le respect de la dignité des hommes et des femmes qu’elle concerne. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, la dernière loi sur l’immigration a à peine deux ans. Elle doit pourtant être complétée. Pourriez-vous nous faire part de votre conviction et de vos propositions à cet égard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Decocq, la région Nord-Pas-de-Calais, qui doit déjà affronter bien des souffrances, paie encore la décision irresponsable d’ouvrir le centre de Sangatte : ce fut, à travers le monde entier, un produit d’appel qui a attiré à Sangatte et dans le Calaisis des femmes et des hommes qui n’y avaient aucun espoir. Voilà ce que nous devons gérer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Allons, c’est stupide !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Une politique d’immigration se doit d’être ferme et juste. Lorsqu’elle est ferme sans être juste, elle est extrémiste et antirépublicaine. Lorsqu’elle est juste sans être ferme, elle est laxiste et nourrit le racisme.

Il est juste de faire payer aux entreprises indélicates qui ont fait venir des clandestins les billets de retour de ceux que nous expulserons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il est juste de ne pas expulser des écoliers durant l’année scolaire et la fermeté commande, lorsque les parents n’ont pas de papiers, de les faire raccompagner chez eux à la fin de l’année scolaire.

M. Yves Durand. On les vire pendant les vacances !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mesdames et messieurs les députés, il est juste de renvoyer systématiquement chez eux ceux qui n’ont pas de papiers, comme nous allons le faire dans le Calaisis avec les Afghans, les Irakiens et les Somaliens. Il n’y a aucune raison que les habitants du Calaisis supportent ce qu’aucun autre habitant d’aucune autre région ne tolérerait.

Enfin, monsieur le député, le Gouvernement de Dominique de Villepin n’acceptera en la matière aucune caricature car derrière les problèmes de l’immigration, ce ne sont pas des dossiers, ce sont des femmes et des hommes qui ont des devoirs et des droits. Voilà la politique de la droite républicaine dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ouverture du capital d’edf

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Monsieur le président, avant de poser ma question, je voudrais faire remarquer au ministre de l’intérieur que s’il avait été irresponsable d’ouvrir le centre de Sangatte, il a probablement été tout aussi irresponsable de fermer Sangatte sans prévoir aucune structure d’accueil et en abandonnant à eux-mêmes les pauvres personnes qu’il vient de citer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, le vendredi 21 octobre restera comme un vendredi noir pour tous ceux qui sont attachés à la justice fiscale et aux services publics. Ce jour-là, votre majorité aura accordé 5 600 euros, en moyenne, de réduction de l’impôt sur la fortune à 12 000 heureux privilégiés alors que les bénéficiaires de la prime pour l’emploi ne percevront, eux, que 5 euros supplémentaires chaque mois.

M. Patrick Lemasle. C’est scandaleux !

M. Éric Besson. Le même jour, vous avez annoncé le début de la privatisation d’EDF. Cette mise sur le marché d’une partie du capital de l’entreprise publique à laquelle les Français sont le plus attachés constitue une faute majeure. Elle engendrera, inéluctablement, des conflits d’intérêt entre l’État, garant des missions de service public, et les actionnaires minoritaires, qui chercheront, eux, la rentabilité de leur placement.

M. Patrick Lemasle. C’est honteux !

M. Éric Besson. Elle provoquera de façon certaine des hausses de prix pour les consommateurs et pour les entreprises industrielles alors que la France bénéficie aujourd’hui, notamment grâce à son parc nucléaire, d’une électricité parmi les moins chères en Europe.

Vous nous direz que la forte hausse n’est pas mécanique mais vous serez démenti par toutes les expériences étrangères et par l’exemple de la hausse exorbitante de 12 % des tarifs du gaz que vous demande Gaz de France.

M. Patrick Lemasle. C’est scandaleux !

M. Éric Besson. Pourquoi ne tirez-vous pas les leçons de quinze ans d’échec des dérégulations du marché de l’électricité partout dans le monde qui ont engendré des pannes de la production ou de la distribution et des hausses de prix ? Mêmes les économistes libéraux américains admettent aujourd’hui cette évidence.

Si les Français nous font confiance en 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), EDF redeviendra une entreprise 100 % publique.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Éric Besson. En attendant, nous vous demandons solennellement, monsieur le Premier ministre, de renoncer à ce projet, néfaste pour les Français et pour notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, les débats dans cet hémicycle ne doivent pas se tenir à l’aune des débats que vous avez au sein du parti socialiste, à la veille d’un congrès qui s’annonce décidément très difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Revenons à un peu de sérieux, s’il vous plaît. Arrêtons les allers et retours. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Lorsque vous dites que le gouvernement de Dominique de Villepin accorde des avantages fiscaux exorbitants, c’est un mensonge.

M. Maxime Gremetz. Non, c’est vrai !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous savez mieux que quiconque ici que c’est vous qui avez institué, en 1988, une exonération de l’ISF au bénéfice des patrons.

M. Maxime Gremetz. Nous n’étions pas d’accord.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. L’idée était sans doute bonne car vous vouliez éviter les délocalisations. Le gouvernement de Dominique de Villepin a proposé, à la demande de la majorité, d’étendre cette mesure à l’ensemble des actionnaires salariés. Revenons à la réalité, monsieur le député.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas la question !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous savez également qu’un grand nombre d’entre vous sur ces bancs ont prôné l’ouverture du capital d’EDF. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. C’était une erreur !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Que s’est-il passé depuis, mesdames et messieurs les députés ? L’entreprise a besoin, plus encore que vous ne le pensiez il y a quatre ans, de moyens pour aller de l’avant. C’est précisément ce que le gouvernement de Dominique de Villepin a décidé de lui donner. Ce que vous réclamiez, nous le lui donnons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

BILAN du contrat d’insertion
dans la vie sociale

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe UMP.

M. Daniel Spagnou. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le Gouvernement, nous le savons, est mobilisé entièrement, et ce chaque jour, pour l’emploi de l’ensemble de nos concitoyens. Les jeunes sont parmi les plus touchés par le chômage. Cette situation est paradoxale puisque, parallèlement, dans certains secteurs, de nombreuses offres d’emploi restent non pourvues.

Face à ce constat, vous avez souhaité renforcer et développer l’apprentissage dans notre pays. Dans cette optique, vous avez mis en place, dans le cadre du plan de cohésion sociale de janvier 2005, le contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, destiné aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sans qualification qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle.

Ce contrat prévoit un renforcement des actions d’accompagnement vers l’emploi assurées par les missions locales pour l’emploi et une incitation à l’embauche plus forte pour les employeurs faisant l’effort de former et de recruter notamment en contrat d’apprentissage.

Ce dispositif a bien démarré puisque 14 000 jeunes avaient signé un CIVIS en juillet dernier et 18 600 à la mi-septembre.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser le bilan à ce jour de cette mesure ambitieuse qui fait honneur à l’action de notre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, il est vrai que, depuis de nombreuses années, 60 000 jeunes sortent sans qualification du système éducatif. Ils sont maintenant plusieurs centaines de milliers dans ce cas. Ils ont des talents mais sont déboussolés, ont perdu confiance en eux, et, à force d’essayer d’ouvrir telle ou telle porte sans succès, se sont repliés sur eux-mêmes.

Face à ce constat, le Gouvernement a pris plusieurs décisions.

Premièrement, nous avons recruté des référents de haut niveau, que les jeunes rencontrent toutes les semaines. Les recrutements, au nombre de 2 000, sont maintenant achevés.

Deuxièmement, nous mettons en place un contrat de confiance, par lequel les jeunes s’engagent à suivre les prescriptions du référent en matière de qualification, de formation et d’emploi.

Troisièmement, parce qu’ils sont déboussolés, qu’ils rencontrent des difficultés pour passer leur permis de conduire, nous donnons au référent la capacité de leur donner un coup de main financier, dans la limite de 900 euros par mois.

Quatrièmement, nous organisons partout en France des recrutements par simulation pour aller chercher les talents et pour inciter les jeunes à passer des tests afin de déterminer la voie qui leur convient. L’ensemble des plates-formes seront installées à la fin de l’année. J’en ai visité une avec le Président de la République, vendredi dernier.

J’ai signé hier le 60 000e contrat CIVIS. Ce sont autant de jeunes qui ont retrouvé le sourire, qui reprennent confiance en eux. C’est un défi majeur, au même titre que celui lancé par le Premier ministre et Michèle Alliot-Marie avec le plan Défense deuxième chance, comme le sont les contrats d’apprentissage, dont le nombre a augmenté, le mois dernier, de 10 % par rapport au mois précédent et par rapport à septembre 2004.

Ce défi sur les jeunes, qui, avec tendresse et fermeté, portera progressivement ses fruits, est essentiel pour l’avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

transport routier

M. le président. La parole est à M. Michel Roumegoux, pour le groupe UMP.

M. Michel Roumegoux. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, la profession du transport routier va mal. Les causes structurelles sont bien connues et je crois savoir que vous avez décidé de vous y attaquer avec détermination, en coordination étroite avec la profession.

Mais la crise est aujourd’hui aggravée par la hausse vertigineuse du prix du gazole que nous avons connue ces derniers mois. Il est vital pour les 40 000 entreprises du transport routier, qui emploient 400 000 salariés, de répercuter cette hausse sur les clients. Malheureusement, de nombreux grands groupes parmi ces clients refusent cette répercussion, au risque de provoquer un sinistre économique et social majeur dans notre pays.

Quelles mesures précises, monsieur le ministre, entendez-vous prendre pour améliorer les conditions économiques d’exercice de cette profession et notamment pour rendre la répercussion des hausses du gazole plus systématique et plus rapide ? Quelle est la position de l’Union européenne sur ce point ? Avez-vous l’intention de faire des propositions précises à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, nous savons tous l’importance des entreprises de transports routiers à la fois en termes d’emplois, 400 000 emplois dans notre pays dans 40 000 entreprises, et pour l’aménagement du territoire, à travers leur répartition dans nos villes et villages. Il est donc extrêmement important de faire en sorte que ce secteur garde sa part de marché dans l’économie européenne et qu’il surmonte les difficultés liées à l’augmentation du prix du gazole.

Les difficultés sont d’abord structurelles. J’ai donc proposé au Premier ministre, qui l’a accepté, que soit introduit dans la loi de finances un allégement de la taxe professionnelle qui pèse sur les entreprises de transport, qui acquittent un impôt très lourd sur le matériel roulant. Cet allégement, qui pourra représenter jusqu’à 1 000 euros pour les véhicules les moins polluants, vous sera prochainement proposé.

Mais, au-delà, les entreprises de ce secteur doivent faire face à l’augmentation du prix du gazole que nous connaissons depuis quelques mois. Je me suis beaucoup entretenu avec les professionnels. Ces entreprises disent éprouver beaucoup de difficultés à répercuter sur la clientèle, comme il serait normal, au moins une partie de la hausse du prix du gazole. J’ai donc proposé d’introduire un dispositif dans le projet de loi sur la modernisation du transport. Celui-ci a été voté la semaine dernière au Sénat. Il viendra en discussion à l’Assemblée en décembre prochain. Il fait obligation de prendre en compte l’augmentation du prix du gazole dans les contrats de longue durée.

Bien entendu, cette mesure ne peut être pleinement efficace que si elle est reprise à l’échelon européen. C’est la raison pour laquelle j’en ai parlé le 6 octobre dernier en Conseil des ministres européens. La Commission a bien voulu reprendre cette idée à son compte. Elle proposera, d’ici à la fin de l’année, au Conseil des ministres une mesure valable pour l’ensemble de l’Union européenne, prévoyant une répercussion de la hausse du prix du gazole dans les contrats signés par les entreprises de transport. Un tel dispositif répond, je crois, au souhait des responsables de ces très nombreuses entreprises françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

financement de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, imposer une franchise de 18 euros à la charge du malade pour un acte de 91 euros, comme le prévoit l’article 37 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2006, constitue un accroc grave au principe de solidarité de notre sécurité sociale.

M. Patrick Lemasle. C’est scandaleux !

Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre, vous voulez laisser 20 % des dépenses à la charge de nos concitoyens, lesquels n’ont pas choisi d’être malades et de bénéficier d’un acte médical important, comme une coloscopie.

Ce nouveau déremboursement, décidé contre l’avis de tous les partenaires sociaux, est un pas de plus vers l’individualisation de la couverture maladie et la privatisation de notre sécurité sociale.

M. Yves Nicolin. C’est l’inverse !

Mme Catherine Génisson. Comment penser que la prise en charge de cette franchise n’aura pas de conséquences, quand on sait que tous nos concitoyens ne bénéficient pas d’une assurance complémentaire et que les mutuelles assurent l’inverse ?

Le 23 mars 1945, Pierre Laroque déclarait aux futurs cadres de la sécurité sociale qu’il ne leur suffisait pas d’être des techniciens, qu’il leur fallait être des apôtres. Vous êtes un ministre engagé, monsieur le ministre. Ma question sera donc très directe : quand allez-vous nous annoncer la suppression de cette mesure, ô combien injustifiable même si elle doit permettre de réduire de 0,08 % le déficit de l’assurance maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Voilà une question précise !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, il y a deux principes fondateurs dans l’assurance maladie : la solidarité et la responsabilité. Ce qui a constitué un accroc grave à ces deux principes fondateurs, c’est de ne pas avoir réformé l’assurance maladie quand il le fallait (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), c’est de ne pas avoir eu le courage d’engager cette réforme nécessaire quand vous aviez davantage de moyens et de marges pour le faire.

Cette question m’a déjà été posée par M. Bapt, mais, pour vous répondre brièvement en négligeant la surenchère qui est monnaie courante chez vous…

M. Julien Dray. C’est surtout le Gouvernement qui fait de la surenchère !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et en oubliant l’ouverture prochaine du débat sur le PLFSS, je dirai que ce ticket modérateur de 20 % existe déjà jusqu’à 91 euros. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais il est aujourd’hui payé par les assurances complémentaires. Je pense qu’au-delà de 91 euros, il leur revient également de le financer, plutôt qu’à la sécurité sociale.

M. Augustin Bonrepaux. Vous privatisez !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour éviter que cette mesure ne pèse trop sur les comptes des complémentaires, nous avons décidé que les Français les plus modestes, les personnes les plus malades, en ALD notamment, les femmes enceintes et les nouveau-nés ne seraient pas concernés.

Mme Martine David. Encore heureux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est au rendez-vous de la solidarité :…

M. François Hollande. Non !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …pourquoi n’avez-vous pas parlé de l’effort consenti pour que les personnes ne bénéficiant pas d’une assurance complémentaire puissent en souscrire une ? Il est vrai que vous n’aviez pas voté cette disposition l’an dernier. J’espère cependant que vous serez cette année au rendez-vous de la solidarité et que vous voterez toutes les mesures de justice sociale prévues cette année par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Dubernard. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

La grippe aviaire, la grippe des oiseaux, suscite des réactions fortes où s’entremêlent avec violence peur et raison. Telle une épidémie, la peur se répand partout dans la population. Elle est latente dans les médias, et jusque dans cet hémicycle.

M. Jacques Desallangre. C’est grave, docteur ?

M. Jean-Michel Dubernard. La peur nous ramène au mythe, cet imaginaire collectif, qui traduit des projections, des souvenirs inscrits au sein même de nos chromosomes. Qu’opposer à cette peur qui ravive des souvenirs encore présents ? Le rationnel, la science, le principe de précaution, dont nous connaissons les limites, puisque, par définition, il est limité à ce que la science ne peut prédire ?

Il s’agit sans doute de la cinquième ou sixième question qui vous est posée sur le sujet, monsieur le ministre. Mais pouvez-vous nous indiquer quelles décisions vous avez prises ce matin avec le ministre de l’agriculture, décisions qui vont, semble-t-il, au-delà de celles déjà retenues par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments il y a quelques semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Dubernard, vous avez raison de vouloir redonner aux choses leur juste dimension. C’est bien d’une épizootie dont nous nous sommes entretenus ce matin avec Nelly Olin et Dominique Bussereau, c'est-à-dire du virus qui frappe les oiseaux, mais les oiseaux seulement.

Il ne faut pas faire l’amalgame avec les deux autres niveaux de risques liés à la grippe aviaire. Le premier concerne la transmission de l’oiseau à l’homme. Celle-ci n’a, à ce jour, été constatée que dans quatre pays seulement, des pays dans lesquels bien souvent hommes et animaux vivent dans une grande proximité. Quant au second risque, celui de la transmission de l’homme à l’homme, celle-ci n’a été constatée nulle part sur la planète – il est important de le rappeler.

Nous avons décidé ce matin, dans le prolongement des décisions prises par la Commission européenne le 2 octobre et sur la base de l’avis de l’AFSSA, d’organiser le confinement et la protection des élevages dans vingt et un départements particulièrement exposés aux oiseaux migrateurs. Dans le cas où le confinement n’est pas techniquement réalisable, d’autres mesures de protection équivalentes seront mises en place. Dans les autres départements, il est prévu de renforcer les mesures de protection initiées dès le mois d’août. Il s’agit notamment de prohiber l’usage des mares extérieures pour laver les exploitations et donner à boire aux bêtes et de n’utiliser pour cela que l’eau du robinet. Nelly Olin a également signé hier un arrêté interdisant la chasse à partir des appelants, pour protéger les élevages mais aussi les personnels qui peuvent être en contact avec eux.

Nous avons décidé d’agir, comme l’a souhaité le Président de la République, dans la droite ligne du principe de précaution. Je vous signale par ailleurs que le Premier ministre rencontrera demain l’ensemble des groupes parlementaires pour informer dans la plus grande transparence l’ensemble des Français et l’ensemble de leurs représentants. Notre manière de travailler reste la même. Dès lors qu’un risque existe, nous devons nous y préparer mais également informer tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je rappelle qu’une mission d’information sur la grippe aviaire, dont le président est Jean-Marie Le Guen et le rapporteur Jean-Pierre Door se réunira demain à dix-sept heures.

Loi de finances pour 2006

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe UMP.

M. Lionnel Luca. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

Le débat budgétaire sur la première partie du projet de loi de finances a été malheureusement émaillé par les dérapages habituels d’une gauche illustrant jusqu’à la caricature sa pensée dogmatique et archaïque. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pourtant, le Gouvernement et la majorité ont voulu des mesures destinées à ceux de nos compatriotes qui travaillent et perçoivent les revenus les plus modestes. Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de celles déjà prises par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, mais dans un esprit beaucoup plus volontariste et beaucoup plus social encore, malgré un contexte économique peu favorable. C’est notamment le cas de la prime pour l’emploi, qui concerne huit millions et demi de nos compatriotes.

Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous en donner les grandes lignes, en prenant peut-être le risque d’être accusé de « copinage social » ? (Applaudissements sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, le budget que nous présentons avec Thierry Breton a ceci de particulier qu’il répond aux objectifs qui sont les nôtres : mettre toutes nos marges de manœuvre au service de l’emploi et de la croissance sociale.

Il a ceci de particulier aussi que, en y regardant de près, il coche à peu près toutes les cases.

Les députés de l’UMP trouveront dans ce budget les réponses aux attentes fortes qu’ils ont exprimées en faveur des Français modestes, qui travaillent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J’évoquerai notamment la très forte augmentation de la prime pour l’emploi – qui creuse l’écart avec le RMI, l’augmentation du SMIC dans des proportions inédites, une réforme fiscale qui va freiner les délocalisations et encourager l’actionnariat salarié.

Ce budget répond aussi aux attentes de la gauche. Il comporte de très nombreux financements de contrats aidés dans le secteur public (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux. Payés par qui ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …pour ceux de nos concitoyens qu’il faut sortir de l’exclusion.

Enfin, l’UDF doit également y trouver des raisons d’être satisfaite. Candidat à l’élection présidentielle en 2002, M. Bayrou avait promis, s’il était élu, de baisser de six à quatre le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu. C’est chose faite avec ce budget.

Toutes les conditions me semblent donc réunies pour que ce budget soit voté à l’unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

application de la loi SRU

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste.

Mme Annick Lepetit. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

L’article 55 de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, dite loi SRU, imposait à la quasi-totalité des communes d’atteindre l’objectif de 20 % de logements sociaux. Or, de nombreux maires de votre majorité refusent de participer à l’effort collectif de solidarité nationale.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il y en a aussi à gauche !

Mme Annick Lepetit. Est-ce parce que cette loi a été élaborée et votée par la gauche en 2000 ou parce que la construction de logements sociaux répartis sur tout le territoire ne constitue pas une priorité ? Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ce constat catastrophique, puisque vous tentez aujourd’hui de le dissimuler en annonçant enfin l’application de la loi. Pourquoi avoir tant attendu ? Est-ce pour ne pas sanctionner des maires qui ne veulent pas de logements sociaux dans leur commune ? Quelques-uns d’entres eux viennent d’ailleurs de se regrouper, à l’initiative d’Éric Raoult, pour réclamer l’assouplissement de la loi et proclamer leur refus d’être taxés.

Nous demandons donc non seulement l’application complète de la loi, en permettant par exemple que le préfet puisse se substituer au maire en cas de manquement de celui-ci, mais aussi le renforcement des sanctions financières. Pouvez-vous nous assurer que ces mesures seront mises en œuvre d’ici la fin de l’année dans toutes les villes concernées, sans exception, et nous prouver ainsi que vous ne vous livrez pas simplement à un nouvel effet d’annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Lepetit, vous êtes, je crois, adjointe au maire de Paris, ville qui, comme d’autres, n’a pas atteint le pourcentage requis de logements sociaux. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela étant dit, nous avons trouvé il y a quatre ans une situation catastrophique : moins de 40 000 logements sociaux financés, alors que nous en sommes a plus de 70 000 ;…

M. Maxime Gremetz. Il y en a combien à Neuilly ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …moins de 300 000 constructions de logements, quand nous en sommes à quasiment 400 000. Quant à l’accession sociale à la propriété, nous avons inauguré ce matin la merveilleuse opération « maisons à 100 000 euros » chez Pierre Bédier, à Mantes, dans ce quartier d’avenir qu’est le quartier du Val Fourré. Enfin, des moyens considérables ont été mis à la disposition de tous les partenaires : abaissement des taux pour les HLM,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …des prêts sur cinquante ans pour l’acquisition du foncier, TVA à 5,5 % pour l’accession sociale à la propriété, ainsi que d’autres mesures qui vont vous être soumises.

Il n’y a pas, dans ce genre de situation, de maires de droite ou de gauche, il n’y a que des maires au service de la population. La plupart d’entre eux ont globalement développé l’offre de logements sociaux dans leur commune ; nous y sommes très attentifs et nous continuerons à soutenir ceux qui le font et à gronder ceux qui ne le font pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Surtout à Neuilly-sur-Seine !

TGV Rhin-Rhône

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe UMP.

M. Marcel Bonnot. Ma question s’adresse au ministre des transports et de l’équipement. J’y associe ma collègue Arlette Grosskost et l’ensemble des membres du collectif parlementaire TGV Rhin-Rhône.

Monsieur le ministre, j’ai noté que vous vous étiez rendu hier en Lorraine pour inaugurer le viaduc de Moselle. Il s’agit d’un ouvrage d’art qui vient achever les travaux de génie civil d’une ligne à grande vitesse susceptible de désenclaver de nombreuses villes et trois régions.

Dans le même registre, ma question porte sur le projet de TGV Rhin-Rhône, branche Est, deuxième phase.

Lors du CIADT du 15 décembre 2003, ce projet a été déclaré prioritaire.Le 1er septembre 2005, M. le Premier ministre a indiqué que les travaux commenceraient en 2006. Il y a quelques jours, en recevant, en votre compagnie, le collectif des parlementaires « TGV Rhin-Rhône », il a rappelé qu’il s’agissait d’un projet par nature transeuropéen concernant l’Allemagne, la Suisse, traversant la France pour déboucher en Espagne et, un peu plus tard vraisemblablement, en Italie.

Naturellement, le coût de cette réalisation est important puisqu’il s’élève à 2,5 milliards d’euros. Le financement, vous l’avez bien compris, est le nerf de la guerre. Nous connaissons le montant de la participation de l’Europe, de la Suisse, des régions Bourgogne, Alsace et Franche-Comté. L’État a quant à lui débloqué une première enveloppe de 724 millions d’euros, mais, alors que le financement doit être bouclé pour la fin de novembre, il manque encore à ce jour 300 millions. Je sais que des tractations sont en cours. Il serait légitime que la région Rhône-Alpes contribue au financement de ce projet dans la mesure où il sera à l’origine, pour elle, de retombées particulièrement intéressantes. RFF et l’État apporteront le reste, nous a-t-on assurés.

Monsieur le ministre, pour faire cesser le chant des sirènes de la sinistrose qui crient au désengagement de l’État, pouvez-vous nous donner des informations sur ce bouclage financier, nous confirmer qu’il interviendra bien fin novembre et que les travaux pourront bien commencer au printemps 2006, comme prévu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez évoqué deux sujets.

S’agissant, tout d’abord, du TGV-Est, j’ai eu le plaisir de participer hier, avec les élus de trois régions françaises et des représentants du Luxembourg, à l’inauguration du viaduc de la Moselle. Désormais, grâce à ce projet extraordinaire, Strasbourg sera à deux heures vingt de Paris, Nancy et Metz à une heure trente et Reims à trois quarts d’heure. Ces régions pourront ainsi multiplier leurs échanges économiques et leur population verra ses déplacements facilités dans une proportion sans précédent.

Vous avez ensuite évoqué le projet Rhin-Rhône, qui concerne aussi le Grand Est français et nous permettra de nous rapprocher de l’Allemagne, de la Suisse et du nord de l’Italie. Cet effort de relance des infrastructures voulu par le Premier ministre donnera à notre économie des chances de croissance structurelle beaucoup plus importantes. J’ai bon espoir que nous conclurons les discussions avant le mois de novembre et l’État fera en sorte que l’opération puisse effectivement commencer en 2006. D’abord, chaque fois qu’un euro sera versé par une collectivité territoriale – nous avons inclus la participation suisse dans le total –, l’État apportera un euro supplémentaire. Ensuite, à la fin du bouclage financier et si cela est nécessaire, la SNCF et RFF apporteront une contribution supplémentaire.

Il est très important que chaque région qui tire un bénéfice de la réalisation de cet ouvrage apporte sa contribution. C’est ce qu’ont déjà fait l’Alsace, la Franche-Comté et la Bourgogne. Il est indispensable que Rhône-Alpes participe également à hauteur des éventuelles retombées économiques. J’ai bon espoir que chacun prenne ses responsabilités et que, d’ici à la fin novembre 2005, le bouclage financier soit réalisé pour que les travaux puissent commencer en 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

prévention de l’ostéoporose

M. le président. La parole est à Mme Cécile Gallez, pour le groupe UMP.

Mme Cécile Gallez. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, l’année dernière, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais souligné combien nous aurions intérêt à engager des politiques de prévention pour limiter les dépenses de sécurité sociale.

Certes, des campagnes de prévention sont organisées par les pouvoirs publics – c’est le cas pour le dépistage du cancer du sein –, mais j’avais évoqué à l’époque le problème de l’ostéoporose, qui touche, entre autres, un quart des femmes de plus de cinquante ans. Chaque année, cette maladie est responsable de nombreuses fractures, du col du fémur notamment, qui, même après des interventions chirurgicales, restent parfois très invalidantes.

Pour apprécier la fragilité osseuse, il est possible de réaliser une ostéodensitométrie, examen qui coûte 40 euros et n’est pas remboursé. Dans un souci de santé publique, ne conviendrait-il pas d’organiser, à l’instar de ce qui est mis en œuvre pour prévenir le cancer du sein, la généralisation de cet examen à partir d’un certain âge, selon une périodicité qui resterait à déterminer, tous les cinq ans par exemple, et d’en prévoir le remboursement par la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, l’ostéoporose touche non seulement une femme sur quatre de plus de cinquante ans, mais aussi un homme sur huit. Elle est à l’origine chaque année de 130 000 fractures, dont 50 000 du col du fémur, qui peuvent bien souvent conduire à la dépendance.

Il faut mieux soigner encore, informer, communiquer davantage sur l’alimentation, l’exercice physique, l’agencement de son habitat personnel, autant de choses importantes. Mais il faut aussi aller plus loin en matière de prévention. L’ostéodensitométrie est un examen qui n’est aujourd’hui pas remboursé par l’assurance maladie. Il est important que notre système de santé prenne le virage de la prévention pour éviter des fractures et les douleurs qu’elles occasionnent pour les personnes concernées.

En outre, le remboursement de l’examen sera un investissement utile pour l’assurance maladie. En effet, les fractures dont vous parlez représentent 500 à 600 millions d’euros par an en traitement, alors que le remboursement de l’ostéodensitométrie par l’assurance maladie ne coûtera que 30 à 40 millions d’euros par an.

C’est parce que nous avons engagé la réforme de l’assurance maladie, madame la députée, et que nous avons réduit le déficit que nous disposons des marges de manœuvre nous permettant de faire de la prévention. Pris en charge par l’assurance maladie, cet examen profitera à un million de personnes qui pourront ainsi être soignées beaucoup plus tôt et éviter les accidents en question.

Enfin, l’ostéoporose est la première maladie pour laquelle nous avons des boîtes de médicaments de trois mois, ces fameux grands conditionnements qui sont réclamés par nos concitoyens depuis des années au nom du bon sens. C’est aussi la réforme de l’assurance maladie qui a inscrit noir sur blanc la nécessité pour les fabricants de mettre en place ces grandes boîtes de médicaments.

La réforme de l’assurance maladie nous permet non seulement de conserver notre système de sécurité sociale, mais aussi de soigner mieux. C’est dans cet esprit que vous l’avez votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2006

PREMIÈRE PARTIE

Explications de vote et vote sur l’ensemble
de la première partie du projet de loi de finances

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2006 dont l’Assemblée va adopter la première partie met au service de l’emploi l’essentiel des marges de manœuvre budgétaires dont nous disposons.

M. Augustin Bonrepaux. Ce ne sera pas suffisant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette bataille pour l’emploi se traduit par trois séries de mesures : celles qui incitent au travail, avec un effort important concernant la prime pour l’emploi, à laquelle seront affectés 500 millions supplémentaires en 2006 et un milliard à l’horizon de 2007 ; la dernière étape de l’allégement des charges sociales patronales suivant le calendrier défini par la loi Fillon en 2003 et après l’unification du SMIC intervenue au 1er juillet dernier, qui l’aura fait augmenter de plus de 11 % pour les millions de salariés qui étaient restés aux 39 heures, soit infiniment plus qu’entre 1997 et 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ; enfin la concentration des crédits de l’emploi sur l’insertion professionnelle des jeunes, l’accompagnement personnalisé, l’apprentissage et les contrats aidés les plus efficaces.

La réforme fiscale que nous aborderons dans quinze jours complète cette stratégie. Elle vise à encourager l’activité de tous, ainsi que la compétitivité de nos entreprises. La réforme de l’impôt sur le revenu et celle de la prime pour l’emploi récompensent le travail. C’est donc une réforme juste, qui profitera d’abord aux classes moyennes.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La réforme de la taxe professionnelle incite à l’investissement et au développement des entreprises. Avec d’autres mesures adoptées en première lecture, elle renforcera l’attractivité de notre territoire et freinera enfin les délocalisations.

M. Patrick Lemasle. Pas du tout !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La réforme fiscale prévoit, pour les ménages, un plafonnement de l’impôt à 60 % des revenus et, pour les entreprises, un plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée.

M. Augustin Bonrepaux. Cette mesure sera payée par les ménages !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le plafonnement est un principe fondateur de notre droit fiscal. Il faut reconnaître, comme l’ont fait toutes les grandes démocraties, que, au-delà d’un certain niveau, l’impôt devient confiscatoire, si ce n’est spoliateur.

Notre ambition pour l’emploi s’exprime alors même que nous poursuivons l’assainissement des finances publiques. Pour la quatrième année consécutive, les dépenses n’augmenteront qu’à hauteur de l’inflation. C’est un effort d’autant plus important que, je le rappelle, la contribution du budget de l’État au financement du budget européen et des budgets des collectivités locales s’accroît sensiblement.

La semaine prochaine s’engagera la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, élaborée pour la première fois selon les principes de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, votée en 2001. J’insiste à nouveau sur notre responsabilité de parlementaires. Que nous appartenions à la commission des finances ou à d’autres commissions, ne nous cantonnons pas à des généralités, mais proposons des économies précises. Ainsi, puisque nous avons décidé lors de la dernière séance de réduire de 300 millions d’euros les dépenses de ce budget, il nous appartient, à nous députés, de traduire maintenant en actes cet effort de maîtrise, avec les moyens d’action que nous donne la LOLF.

Au terme de ce débat, je salue la qualité du travail accompli en commun avec le Gouvernement dès la préparation de ce projet de loi de finances. Sa qualité d’écoute exceptionnelle – je peux même parler de coopération – a été maintenue tout au long de la discussion et nos propositions ont été satisfaites sur bien des points. Je remercie également nos nombreux collègues qui se sont montrés particulièrement assidus à nos débats et dont les propositions ont été d’une grande qualité.

Je remercie tout particulièrement Pierre Méhaignerie, le président de la commission des finances, qui a su nous appeler constamment à plus de détermination et de cohérence dans la maîtrise de la dépense publique. Il nous a également permis d’engager des débats essentiels, notamment sur la poursuite de l’allégement des charges sociales patronales ou l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes.

Je remercie également les présidents de séance successifs, vous-même, monsieur le président Debré, qui avez présidé la séance de la nuit dernière, mais aussi Mme Paulette Guinchard, M. Yves Bur, M. René Dosière, M. Maurice Leroy, M. Éric Raoult et M. Jean-Luc Warsmann.

Mes remerciements vont enfin à l’ensemble des collaborateurs de l’Assemblée nationale, qui nous ont assistés dans les débats de notre loi de finances, ainsi qu’à la presse qui en a rendu compte.

Je remercie à nouveau M. le ministre de l’économie, et plus particulièrement M. le ministre délégué au budget, ainsi que tous leurs collaborateurs, pour leur sens du dialogue et leur très grande disponibilité.

Chers collègues, la commission des finances vous appelle à voter la première partie du projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Didier Migaud. Le Gouvernement vote ?

M. le président. Le Gouvernement peut s’exprimer quand il le souhaite, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Mais ce n’est pas l’usage qu’il s’exprime à ce moment du débat !

M. le président. Le Gouvernement ne peut plus s’exprimer pendant les explications de vote mais, étant donné qu’elles n’ont pas commencé, je peux lui donner la parole en respectant parfaitement le règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Il est vrai que le ministre a beaucoup de choses à expliquer !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mesdames, messieurs les députés, je vous adresse à mon tour mes remerciements, au moment où s’achève la discussion de cette première partie du projet de loi de finances pour 2006. Notre débat aura été dense, passionnant et parfois passionné. Il en ressort une première partie de projet de loi de finances qui montre bien les grandes orientations politiques que nous voulons bâtir ensemble.

La première est l’emploi. Nous l’avons démontré en lui consacrant la totalité des marges de manœuvre budgétaires disponibles, qui s’élèvent à 4 milliards d’euros. Nous avons saisi cette occasion pour dire sans tabou un certain nombre de choses auxquelles nous croyons profondément, notamment sur les allégements de charges sociales, à propos desquels nous aurons, dans les semaines et les mois à venir, un débat approfondi, sur la réforme fiscale, que nous aborderons dans la seconde partie de cette loi de finances mais dont les lignes ont déjà été ébauchées, ou sur les amendements visant à enrayer les délocalisations et à encourager l’actionnariat salarié – autant de sujets sur lesquels M. le ministre de l’économie et moi-même avons été extrêmement attentifs à vos propositions.

Notre seconde priorité est la réforme de l’État. Ce budget est le premier à être examiné dans le cadre de la LOLF. Nous allons initier sur cette base un vrai travail de maîtrise de la dépense publique. Le rapporteur général vient de l’indiquer : il y a, là encore, des perspectives passionnantes sur lesquelles nous allons travailler.

Enfin, en ce qui concerne la relation entre l’État et les collectivités locales, ce budget est clair. Nous l’avons dit : il respecte le pacte de solidarité et de croissance, de plus de 3 % quand l’État est à zéro en volume. Je profite de l’occasion pour réitérer les propositions d’ouverture, que j’ai faites au cours du débat, sur le plafonnement à 60 % de l’ensemble des impôts pour ce qui concerne les collectivités locales ou sur la réforme de la taxe professionnelle. Nous en reparlerons dans quelques jours. Ce sont des engagements que nous avons pris devant vous.

Je terminerai par quelques mots plus personnels. C’était la première fois que j’avais l’honneur de défendre, aux côtés de Thierry Breton, la première partie du projet de loi de finances. Je veux adresser à mon tour mes remerciements à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, et à M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement a travaillé très étroitement avec la commission des finances. Je me suis efforcé, ainsi que Thierry Breton, d’apporter toutes les réponses possibles, de la manière la plus constructive possible, dans le but de permettre un bon budget, au-delà des différences qui peuvent parfois nous opposer. S’il fallait en choisir un symbole, je rappellerais que le Gouvernement n’a demandé de seconde délibération sur aucun amendement émanant de l’Assemblée. N’est-ce pas le signe d’une parfaite coordination dans notre travail ?

Je veux également remercier l’ensemble des groupes parlementaires : celui de l’UMP, d’abord, ainsi que ses collaborateurs, mais aussi ceux de l’opposition et de l’UDF, pour l’exercice démocratique auquel nous nous sommes livrés et qui, je l’espère, augure bien de l’examen de la seconde partie.

Enfin, je n’oublie pas mes collaborateurs, qui ont accompli à mes côtés un travail exceptionnel, et je remercie Thierry Breton, qui m’a laissé vous présenter l’essentiel de ce projet de budget, pour sa confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, conformément à l’article 54, alinéa 3, de notre règlement, nous en arrivons maintenant aux explications de vote.

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. La discussion budgétaire n’est pas un débat de spécialistes, et le moment est venu pour nous de rendre compte aux citoyens de notre vote. Si nous portons une appréciation positive sur la première partie du projet de loi de finances pour 2006, c’est parce qu’elle répond aux principales préoccupations exprimées par nos compatriotes.

En matière d’emploi, tout d’abord, puisque, en encourageant l’activité et le travail, le projet de loi de finances est de nature à amplifier l’amélioration de la situation de l’emploi que nous constatons depuis quelques mois. Nous préférerions que celle-ci soit meilleure encore, mais tout, dans ce projet de budget, concourt à nous permettre de poursuivre dans cette voie.

En matière de croissance ensuite, puisque plusieurs initiatives renforcent la compétitivité des entreprises et celle du site « France », qu’il s’agisse du développement des infrastructures, de la recherche ou de l’innovation.

Par ailleurs, et nos concitoyens nous interrogent souvent à ce sujet, le projet de budget pour 2006 respecte les engagements de la majorité, notamment en honorant les lois de programmation, en particulier celle relative à la sécurité.

Le projet de budget est également conforme au vœu des Français en ce qu’il contribue à améliorer l’efficacité et la performance de l’État. Chacun d’entre nous est conscient qu’il reste beaucoup de progrès à faire dans ce domaine et – les débats l’ont démontré – nous voulons, messieurs les ministres, aller plus vite, plus loin et plus fort. Toutefois, les actions engagées dans ce projet de budget, notamment grâce à nos amendements, nous permettent déjà de dire à nos concitoyens, qui sont aussi des contribuables, qu’ils en auront demain pour leur argent plus et mieux qu’hier.

Enfin, le Gouvernement nous propose la première étape d’une réforme fiscale. Plutôt que sur une démarche esthétisante ou sur les idées à la mode, celle-ci est fondée sur le respect des choix et des valeurs pour lesquels les Français nous font confiance.

M. Jean-Marc Ayrault. De moins en moins !

M. Hervé Mariton. Il faudra poursuivre dans cette voie, messieurs les ministres, sachant qu’une réforme fiscale exprime des choix politiques et des valeurs de société. Au moment où les socialistes ne parlent que d’augmenter les impôts, nous avons voulu un impôt juste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), justifié, utile et efficace. (Mêmes mouvements.)

La première partie du projet de loi de finances, qui permet de baisser l’impôt,...

M. Augustin Bonrepaux. Pour qui ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pour tous les Français !

M. Hervé Mariton. …d’assurer le respect de nos priorités et de nos engagements vis-à-vis de nos concitoyens et d’apporter un meilleur service public, mérite d’être votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, en application de l’article 54, alinéa 3, de notre règlement, je vous donne la parole, pour le groupe socialiste. (Sourires.)

M. Didier Migaud. Non, messieurs les ministres, ce projet de budget ne répond pas aux problèmes de nos concitoyens.

M. Hervé Mariton. Si !

M. Didier Migaud. À l’insincérité, à l’injustice et à l’inefficacité économique (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous ajoutez cette année l’indécence et la provocation. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Indécence et provocation à l’égard d’une grande majorité de nos concitoyens…

M. Jacques Myard. Migaud, va te rhabiller !

M. Didier Migaud. …et des collectivités locales, auxquelles vous faites un procès profondément injuste.

L’insincérité de ce projet de loi de finances se traduit notamment par des prévisions trop optimistes pour être honnêtes – bien différentes de celles de tous les économistes et conjoncturistes – et par de nombreux trucages et manipulations qui nuisent à la transparence au moment même où nous mettons en application la nouvelle constitution financière, qui est censée l’améliorer.

L’inefficacité économique est patente : tous les indicateurs économiques et sociaux se sont dégradés depuis juin 2002.

Enfin, pour mesurer l’injustice, l’irresponsabilité, voire la dangerosité de votre projet de loi de finances, il suffit de comparer ce que vous proposez aux bénéficiaires de la prime pour l’emploi – moins de cinq euros par mois : c’est à l’euro près, monsieur le ministre délégué –…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. Didier Migaud. …et ce que vous offrez à quelques contribuables pour lesquels vous n’êtes pas à un zéro près, puisque leur imposition sera réduite de dizaines de milliers d’euros.

M. Francis Delattre. Et parmi eux, des socialistes !

M. Didier Migaud. En effet, en dépit de votre discours, la baisse de l’impôt sur le revenu bénéficiera d’abord aux contribuables assujettis aux tranches les plus élevées du barème. À cela s’ajoutent le bouclier fiscal et la remise en cause de l’impôt de solidarité sur la fortune. Monsieur Breton, pourquoi travestir la réalité et mentir pour justifier de telles mesures ? Au fond, vous ne vous sentez pas très à l’aise. La différence entre la gauche, en particulier les socialistes, et vous-même, c’est que nous, nous avons créé l’impôt de solidarité sur la fortune, alors que vous, vous le grignotez en permanence et le remettez en cause.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Et 1988 ?

M. Didier Migaud. Je suis prêt à en débattre avec vous, monsieur le ministre. Vous ne pouvez pas comparer les mesures qui, en 1988, concernaient la définition de l’outil de travail et celles que vous prenez aujourd’hui, qui le remettent en cause. C’est d’autant plus indécent, provocant et profondément choquant que vous agissez au prétexte de l’emploi.

Si l’ISF devient une « passoire », comme je l’ai lu ce matin, je tiens à dire que c’est avec la complicité des représentants de l’UDF qui, sur ce point, ont voté avec l’UMP.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ce n’est pas vrai ! C’est malhonnête !

M. Didier Migaud. Qui se ressemble s’assemble !

Vous l’avez compris, nous voterons contre ce projet de loi de finances. Notre opposition n’est pas une posture en vue de la prochaine élection présidentielle, mais une position constante qui se raffermit à mesure que nous constatons les résultats désastreux de votre politique économique et sociale pour notre pays et pour les Français.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et apparentés votera contre la première partie de votre projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais, d’ores et déjà, faire annoncer le scrutin public, de manière à permettre à nos collègues de regagner l’hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour le groupe UDF, le projet de budget pour 2006 présente cinq caractéristiques.

Premièrement, il n’est pas sincère (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) quant aux prévisions de croissance, au taux de croissance des dépenses publiques et à la poursuite de l’aggravation de la pression fiscale et sociale sur nos concitoyens. On renonce à dire la vérité aux Français sur l’extrême gravité de la situation des finances publiques de notre pays et à en tirer les conséquences.

Deuxièmement, le projet de budget est lourd de menaces pour l’avenir des finances publiques. Il engage 6,2 milliards d’euros de baisses d’impôt pour 2007 non financés. Il encaisse, en 2006, les 12 milliards de recettes espérées de la privatisation des trois sociétés d’autoroutes, renonçant ainsi à des dividendes croissants pendant un quart de siècle, et utilise le tiers de cette somme à des dépenses reconductibles. Il entérine une quasi-stabilité des déficits publics et une hausse constante de la dette publique, qui atteindra 1 162 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2006 et plus de 1 200 milliards à la fin de l’année 2007.

Plus grave, le projet de budget comporte des dispositions fiscales injustes. Au lieu de soulager la pression fiscale sur les classes moyennes, qui supportent de lourds et croissants impôts et charges sociales (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Démagogue !

M. Charles de Courson. …il concentre des cadeaux fiscaux sur les plus gros contribuables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Les deux tiers du coût du bouclier fiscal profiteront à 14 000 contribuables imposables à l’ISF pour 250 millions d’euros, permettant même à certains d’entre eux d’être exonérés d’impôts locaux sur leur résidence principale. L’exonération totale, sans plafond, des plus-values réalisées sur des valeurs mobilières détenues depuis plus de huit ans, actuellement imposées au taux de 27 %, profitera surtout à des fortunes importantes. Quant à l’intégration des 20 % d’abattement dans la baisse du barème de l’impôt sur le revenu, elle profitera beaucoup plus aux contribuables dont le revenu dépasse 120 000 euros qu’à ceux qui gagnent 30 000 euros.

Quatrièmement, le projet de budget n’est pas économiquement efficace. En ne réduisant pas significativement les déficits publics et en ne maîtrisant pas les dépenses publiques, ce budget pèsera sur une croissance économique déjà insuffisante dans notre pays. En 2006, plus de la moitié de la richesse qui sera créée par les Français sera prélevée par le secteur public. Il est vrai que la gauche porte une large part de responsabilité dans la très profonde dégradation des finances publiques, mais les erreurs des uns n’excusent pas celles des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Enfin, le projet de budget porte une nouvelle atteinte à l’autonomie fiscale des collectivités territoriales…

M. François Liberti et M. Jean-Pierre Kucheida. C’est vrai !

M. Charles de Courson. …et à la nécessaire responsabilisation des élus locaux devant leurs électeurs. La réforme de la taxe professionnelle va geler, en moyenne, plus de la moitié de l’assiette de cet impôt. La réduction de 20 % de l’assiette du foncier non bâti pour les communes rurales aura les mêmes conséquences. Certaines collectivités locales à pression fiscale faible seront sanctionnées financièrement comme celles qui ont une fiscalité élevée.

Le diagnostic que je viens de porter au nom du groupe UDF est partagé – vous le savez bien, messieurs les ministres – sur tous les bancs de cette assemblée. Certains le disent en privé ; nous, nous le disons publiquement.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Quel courage !

M. Charles de Courson. Nous avons décidé d’en tirer les conséquences : aucun député UDF ne votera ce budget…

M. Hervé Mariton. Quel courage !

M. Charles de Courson. …et une majorité des membres du groupe votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’un côté 250 millions d’euros de cadeaux pour 14 000 familles assujetties à l’impôt sur la fortune, soit 17 800 euros par famille (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et, de l’autre, 5 euros par mois en moyenne pour les salariés touchant la prime pour l’emploi, voilà l’un des symboles de votre budget.

Mais cela ne suffit pas. Alors vous ajoutez une exonération de l’impôt sur la fortune à hauteur de 75 % pour les actions détenues pendant six ans dans l’entreprise. La presse spécialisée ne manque pas de souligner que les patrons, notamment ceux du CAC 40, se frottent les mains, puisqu’ils vont gagner chacun de 300 000 à 800 000 euros.

Mais cela ne suffit encore pas. Alors vous préparez une nouvelle exonération des plus-values d’actions. Vous prétendez baisser l’impôt sur le revenu, pour un coût de 3,5 milliards d'euros en 2007, mais 40 % des gains iront aux 10 % des ménages les plus riches. Vous baissez l’impôt sur les sociétés, ce qui représente un coût de 500 millions d’euros pour le budget de l’État. Vous baissez la taxe professionnelle – un beau cadeau de 3 milliards d'euros. Vous exonérez toujours plus les cotisations sociales patronales, pour 19 milliards d'euros cette année, ce qui représente une compensation par l’État en hausse de 41,5 % – tout cela pour des résultats sur le chômage que la Cour des comptes qualifie d’incertains.

Vous continuez à utiliser les mêmes recettes, alors que votre bilan depuis trois ans et demi est édifiant : 230 000 chômeurs de plus, un nombre de RMIstes et de familles surendettées en progression, des demandes d’accès à la couverture maladie universelle en augmentation rapide – plus 14 % en 2005 dans mon département, le Cher –, une croissance inquiétante du montant des aides octroyées par les associations caritatives, qui sont en train de suppléer à l’insuffisance des organismes publics. Il y a aujourd’hui en France 7,2 millions de personnes qui vivent avec moins de 700 euros par mois. Cependant, nos concitoyens voient bien qu’il n’y a pas que les queues devant les Restos du cœur qui augmentent, mais aussi le CAC 40 : en trois ans, les profits des grandes entreprises ont été multipliés par trois, avec la palme pour Total, alors même que vous refusez de taxer ces profits illicites et de réduire la TIPP pour baisser le prix des carburants !

Ce qui est grave, c’est que vous payiez tous ces cadeaux en vendant le patrimoine national : les autoroutes, GDF, qui aura augmenté ses tarifs de plus de 20 % en un an – vive les privatisations ! Vous venez de décider de livrer EDF, première entreprise d’électricité au monde, aux intérêts privés. Vous soutirez 2 milliards d'euros à La Poste tout en expliquant aux maires des petites communes qu’il faut fermer les bureaux de poste et que la commune doit payer. Vous allez prélever 350 millions d’euros sur la vente du patrimoine de RFF, alors que plusieurs milliers de kilomètres du réseau ferré sont en très mauvais état. Vous avez lancé notre pays – à l’instar de ses voisins européens – dans une course suicidaire au dumping social et fiscal, à la liquidation des services publics, à la déréglementation tous azimuts, sous prétexte de faire comme les autres. C’est là l’argument de ceux qui renoncent, de ceux qui ont décidé de céder devant les marchés financiers. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, dit qu’« en adoptant le langage de la déréglementation, nous avons en réalité capitulé ». Oui, vous capitulez devant la loi du fric ! Depuis quand enrichir les riches crée-t-il des emplois ? Ce qui coûte cher à la France, comme l’explique le rapport du Commissariat général du Plan, c’est exiger une rentabilité financière de 13 % et une rentabilité économique de 10 %, car c’est intenable lorsqu’on a une croissance à 2 %. Ce qui coûte cher à la France et à l’Europe, c’est la nouvelle aristocratie constituée de financiers, de dirigeants des très grandes entreprises, de certains responsables politiques et de quelques très hauts fonctionnaires. Le 29 mai, c’est cette aristocratie-là que le peuple français a condamnée. Le 29 mai a marqué un tournant politique faisant apparaître une exigence sociale forte, dont le groupe communiste et républicain veut témoigner aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Ensemble, nous demandons de valoriser le travail, les salaires, la formation, la protection sociale, bref l’ensemble des capacités humaines, et non le capital. Notre pays a des capacités exceptionnelles qui sont entravées, non par l’impôt, mais par des marchés financiers qui rongent notre économie et exigent des licenciements pour atteindre des taux de rentabilité irresponsables. Nous demandons l’établissement d’une fiscalité juste, où l’impôt progressif prendra plus de place que les impôts injustes que sont la TVA et la TIPP, un impôt et un crédit qui aident ceux qui investissent, créent des emplois et pénalisent ceux qui s’enrichissent des bas salaires et du travail précaire qui vient d’être consacré par le contrat nouvelle embauche. Nous demandons enfin que l’investissement public et le contrôle de l’utilité de l’argent public servent de base à une nouvelle dynamique de croissance dans notre pays.

Nous voterons contre ce projet de loi de finances et sa partie recettes, car il est l’expression d’une déconstruction sociale et économique de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2006.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2006.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Ordre du jour de l’assemblée

M. le président. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au vendredi 18 novembre inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Calendrier des travaux de l’assemblée

M. le président. En application de l’article 28, alinéa 2, de la Constitution, les travaux de l’Assemblée seront suspendus :

– la dernière semaine de décembre 2005 et les deux premières semaines de janvier 2006 ;

– la troisième semaine de février 2006 ;

– les deux dernières semaines d’avril 2006 ;

– la quatrième semaine de mai 2006.

Loi de financement
de la sécurité sociale pour 2006

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (nos 2575, 2609).

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs, j’ai l’honneur, avec Philippe Bas, de vous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Voilà un peu plus d’un an, nous étions réunis ici pour voter la réforme de l’assurance maladie. J’étais alors aux côtés de Philippe Douste-Blazy pour présenter cette réforme qui visait, avant tout, à prendre en compte les défis de notre système de santé et à tirer certains enseignements des différentes réformes votées précédemment. Elle avait un enjeu essentiel : permettre l’évolution des comportements en tenant compte des maux de notre système de santé, à savoir un défaut d’organisation et une gestion perfectible de notre système d’assurance maladie.

Aujourd’hui, cette réforme est en marche et les premiers résultats sont au rendez-vous. Les chiffres, qui émanent des travaux du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, sont connus de tous. Si nous n’avions pas fait la réforme de l’assurance maladie, le déficit de la seule branche maladie serait de 16 milliards d’euros pour la seule année 2005. Les chiffres de la Commission des comptes de la sécurité sociale font apparaître qu’il est de 8,3 milliards d’euros, soit moitié moindre.

Nous le savons, un certain nombre de recettes nouvelles sont issues de la réforme. Mais celles-ci n’expliquent que la moitié du chemin parcouru. Il faut donc aller plus loin pour voir que les efforts qui ont été demandés aux Français portent leurs fruits. Alors que nous avions annoncé l’an dernier que le déficit à la fin de 2005 serait de 8,3 milliards d’euros, nous pouvons bel et bien dire aujourd’hui que les résultats sont au rendez-vous.

Il faut cependant continuer à diminuer les déficits car, ce faisant, nous garantissons l’avenir de ce système de sécurité sociale auquel nous et nos concitoyens sommes profondément attachés.

Voilà pourquoi le projet de loi de financement que nous vous présentons se fixe l’objectif de ramener le déficit de la branche maladie à 6,1 milliards d’euros à la fin de 2006 pour continuer, encore et encore, à diminuer le déficit puis revenir à l’équilibre. Cela veut dire, si l’on prend du recul par rapport à la seule branche maladie, qu’aujourd’hui, les déficits de l’ensemble de la sécurité sociale, qui sont à 11,9 milliards d’euros – niveau encore trop important –, seront l’an prochain réduits de 25 % pour arriver à 8,9 milliards d’euros.

Revenir vers l’équilibre n’implique pas pour nous une vision purement économique ou comptable. Tel n’est pas l’enjeu. Revenir à l’équilibre signifie au contraire garder la sécurité sociale telle que nous la connaissons, à savoir ce système de santé dans lequel chacun est soigné selon ses besoins et cotise selon ses moyens. C’est cela l’esprit originel de la sécurité sociale. Alors que nous fêtons, ce mois-ci, le soixantième anniversaire de la sécurité sociale, nous pouvons regarder l’avenir avec confiance.

Revenir vers l’équilibre, c’est aussi se donner de nouvelles marges de manœuvre, pour affronter les défis de la santé dans les années à venir. Cela implique de moderniser en profondeur notre système de santé. Cela signifie aussi mieux soigner et mieux rembourser dans un certain nombre de domaines – j’y reviendrai.

Mesdames et messieurs les députés, je veux expliquer davantage pourquoi et comment ces résultats sont au rendez-vous. Avec Philippe Douste-Blazy, nous avions fait l’année dernière, comme un certain nombre d’entre vous, un choix, celui de la maîtrise médicalisée, partant du principe que la maîtrise comptable est totalement étrangère à notre système de santé. Le système de santé à la française, c’est à la fois la solidarité et l’équité mais c’est aussi la liberté, celle de choisir son médecin et, pour ce dernier, la liberté de s’installer et de choisir ce qu’il est bon de prescrire pour son patient.

La maîtrise médicalisée, qui a guidé nos pas, est aujourd’hui en marche et l’évolution des comportements est également au rendez-vous. Nous avons donc fait le choix à l’époque de mieux organiser et de mieux gérer notre système de santé. Mieux organiser le système de santé, c’est améliorer la collaboration entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. C’est faire travailler davantage ensemble les médicaux et les para-médicaux. C’est faire le choix, comme de nombreux pays européens, du parcours de soins coordonnés autour du médecin traitant et avec le dossier médical personnel.

Mieux gérer l’assurance maladie, comme le recommandait le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, c’est avoir un pilote dans l’avion, c’est faire en sorte que l’assurance maladie soit réellement pilotée tout en continuant à associer l’ensemble des partenaires sociaux. C’est aussi se donner les moyens de mettre en œuvre la maîtrise médicalisée et d’éviter les dépenses inutiles – c’est l’un des maux de notre système de santé.

Année après année, la CNAM et la Cour des comptes nous indiquent qu’il y a entre 6 et 8 milliards d’euros de dépenses inutiles. Imaginez ce que nous pourrions faire si ces dernières étaient réduites ! Imaginez ce que nous pourrions faire avec de telles marges de manœuvre, pour mieux rembourser ce qui ne l’est pas assez aujourd’hui, pour mieux soigner ce qui ne l’est pas assez aujourd’hui ! Mais dans un système de solidarité, les abus et les fraudes sont foncièrement condamnables et il nous appartient aussi d’y mettre un terme.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’assume totalement ce propos. C’est l’un des choix que nous avions faits l’an dernier. Et nous continuerons dans cette voie du renforcement des contrôles…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. … car c’est un point essentiel pour nous et pour l’ensemble de nos compatriotes.

Aujourd’hui, un peu plus de neuf mois après le début de l’année, nous pouvons constater que la tendance est constante et que, mois après mois, les chiffres se vérifient avec la régularité d’un métronome. Ils nous montrent que les efforts paient et que nous allons dans la bonne direction.

Prenons l’exemple des soins de ville : ils augmentent, alors que nous avons joué la carte de la maîtrise médicalisée, de 1,9 % depuis le début de l’année. C’est du jamais vu ! Je ne reviendrai pas ici sur les dérives incontrôlées des dépenses de notre système santé que nous avons pu constater par le passé.

S’agissant des génériques, en 2003, trois boîtes de médicaments sur dix vendues étaient des génériques. Ce chiffre a été doublé grâce à notre politique de développement des génériques chaque fois qu’il est possible d’en prescrire un.

Pour ce qui est des arrêts de travail, et alors que certains pensaient que leur progression était une fatalité, nous avons décidé de renforcer les contrôles et de créer de nouveaux référentiels, et nous avons obtenu une baisse de 2,2 % depuis le début de l’année contre une augmentation de 10 % en 2002 et de 6,6% en 2003.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Concernant les antibiotiques et les psychotropes, nous avons constaté que les engagements de la convention, au titre de la maîtrise médicalisée, correspondent aujourd’hui à des résultats tangibles avec une baisse, plus importante encore, sur les antibiotiques et une première diminution sur les psychotropes. Là encore, c’est du jamais vu !

Il est important de rappeler tout cela car les résultats dont nous commençons à bénéficier doivent être davantage reconnus à leur juste valeur.

L’an dernier, nous avions fait le choix de responsabiliser chacun et de demander des efforts à tous. Il faut, pour l’année à venir, demander aux Français de continuer dans la voie qui a été tracée en 2005. Il convient cependant de demander un effort supplémentaire plus important à deux acteurs essentiels de notre système de santé : l’industrie du médicament et, dans une moindre mesure, les organismes complémentaires.

Nous considérons en effet que la progression des dépenses médicamenteuses dans notre pays – jusqu’à 5 % l’an dernier – doit pouvoir être ralentie en mettant en avant la maîtrise médicalisée. Nous avons donc sollicité l’industrie du médicament au titre d’une augmentation exceptionnelle du taux de la taxe sur le chiffre d’affaires…

M. Jean-Marie Le Guen. C’est médicalisé ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et nous avons indiqué que nous voulions voir progresser le médicament générique, mais en le payant à son juste prix, en fonction notamment des références au niveau européen.

Par ailleurs, sur les recommandations de la Haute Autorité de santé, nous avons décidé que 156 médicaments dont le service médical rendu est insuffisant ne seraient plus admis au remboursement à partir du 1er mars, à la sortie de l’hiver. Quant aux veinotoniques, pour lesquels il n’y a pas d’alternative thérapeutique, un taux de remboursement de 15 % leur sera appliqué pendant deux ans.

La politique du médicament implique aussi le développement des grands conditionnements et la poursuite du plan médicament inclus dans la réforme de l’assurance maladie.

Les organismes complémentaires devront aussi nous aider à gagner ce pari de la réforme de l’assurance maladie. Après l’augmentation du forfait hospitalier d’un euro décidée l’an dernier, nous vous proposons de limiter le ticket modérateur à 18 euros. Comme vous le savez, le ticket modérateur existe dans notre pays depuis très longtemps. Pour tous les actes médicaux inférieurs à 91 euros, 20 % restent à la charge du patient, mais celui-ci ne s’en rend pas compte puisqu’ils sont en fait pris en charge par son assurance complémentaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Et c’est le père Noël qui paie les cotisations !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Au-delà de 91 euros, actuellement, ce n’est pas la complémentaire qui supporte cette différence, mais l’assurance maladie. Nous pensons qu’il est possible de demander un effort aux organismes complémentaires, mais, pour éviter que cette mesure ne pèse trop lourd sur leurs comptes et ne les pousse à demander aux cotisants un effort supplémentaire, nous avons pris un certain nombre de mesures. D’abord, seuls les actes relevant du K50 dans l’ancienne nomenclature seront concernés. Ensuite, quels que soient la durée de l’hospitalisation, le nombre d’actes effectués au cours de celle-ci et le coût de l’intervention chirurgicale – qu’il soit de 100 ou de 10 000 euros – le ticket modérateur sera limité à 18 euros, une fois pour toutes. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, le coût de cette mesure n’est pas de 300 ou de 500 millions d’euros, mais de 100 millions d’euros, soit une charge supplémentaire de 0,58 % pour les organismes complémentaires, qui remboursent déjà 17 milliards d’euros.

Je me suis récemment entretenu avec les responsables de l’UNOC pour évaluer dans la plus grande transparence l’ampleur des efforts que nous demandons à ces organismes, tout en gardant à l’esprit que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra de réaliser des économies supplémentaires. Décider, comme nous l’avons fait, de payer les médicaments moins cher, notamment les médicaments génériques et ceux qui figurent dans ce répertoire, profitera à tout le monde : à l’assurance maladie, aux patients, mais également aux organismes complémentaires.

Nous sommes aujourd’hui persuadés que l’effort que nous demandons aux organismes complémentaires ne doit pas être compensé par une augmentation des cotisations. Je me suis déjà expliqué publiquement sur ce point. À l’issue de la discussion du PLFSS, après le vote des deux assemblées parlementaires, nous mettrons les choses à plat, sans passion ni esprit polémique. Si nous avons choisi d’impliquer l’industrie du médicament et les organismes complémentaires, ce n’est pas pour que les Français en fassent les frais : nous serons très vigilants sur cette question.

Si nous décidons, mesdames et messieurs les députés, de réduire les déficits, c’est aussi pour soigner mieux, pour dégager des marges de manœuvre, pour être sûrs d’être au rendez-vous de la justice sociale, qui est un élément central de notre système de santé.

La modernisation de l’hôpital poursuit celle de la médecine ambulatoire et de la médecine de ville, qui était au cœur de la réforme de l’assurance maladie. L’ONDAM hospitalier progressera cette année de 3,44 %. Nous devons moderniser l’hôpital et convaincre les personnels hospitaliers que nous serons à leurs côtés pour réussir la modernisation de l’hôpital, afin de le rapprocher des soignants et des patients.

Les Français sont prêts à faire des efforts pour l’hôpital, mais ils veulent que sa qualité ne cesse de progresser et que chaque euro investi à l’hôpital, comme dans l’ensemble du système de santé, soit utilisé au mieux. Pour y parvenir, nous devrons renforcer la qualité des soins, mais aussi la complémentarité entre les établissements sur un territoire de santé donné – c’est l’enjeu du prochain SROS, dont les grandes orientations seront arrêtées à la fin du premier trimestre 2006 – mais également, je le dis très sincèrement, ne pas renoncer à tous nos projets en matière de convergence.

Je voudrais aussi indiquer à la représentation nationale qu’à une convergence précipitée, je préfère une convergence réussie. Conformément à ce qui a été décidé et voté, l’harmonisation de la tarification entre le secteur public et le secteur privé s’opérera dans la limite des écarts justifiés par des différences de nature des charges. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet au cours du débat parlementaire, mais il est important que vous sachiez que nous poursuivrons dans la voie de la convergence, en tenant compte de la spécificité de l’hôpital public, déjà reconnue au travers des MIGAC, et des missions qui sont les siennes.

Moderniser, c’est mettre en avant la qualité des soins. L’évaluation des pratiques professionnelles a déjà fait ses premiers pas et la formation médicale continue va pouvoir être mise en place : les décrets soumis au Conseil d’État la rendront obligatoire et assureront son financement. Les patients, comme les professionnels de santé et les établissements, attendent ce rendez-vous de la qualité et ils y sont prêts.

Mesdames et messieurs les députés, vous allez vous prononcer sur le fonds pour l’amélioration de la qualité des soins de ville, dont les missions seront élargies et le financement accru. C’est un défi important.

L’année 2006 sera aussi celle de l’expérimentation du dossier médical personnel. En juillet 2007, nous serons au rendez-vous que nous nous sommes fixé dans la réforme de l’assurance maladie. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra en 2006 de mettre en place la carte Vitale 2 sécurisée, pourvue d’une photographie, parce qu’il est important d’identifier les droits dont nous sommes titulaires et de responsabiliser les uns et les autres.

La qualité implique en outre d’être capable de prendre en charge les traitements les plus innovants et de réussir le virage de la prévention.

Le système de santé à la française est aujourd’hui reconnu par l’Organisation mondiale de la santé comme étant l’un des meilleurs du monde,…

M. Jean-Marie Le Guen. C’était déjà le cas avant votre arrivée !

M. le ministre de la santé et des solidarités.… mais il repose davantage sur la médecine curative. Nous savons guérir, et nous savons le faire très bien. Mais nous devons aussi savoir prévenir, c’est-à-dire permettre aux Français de vieillir en bonne santé le plus longtemps possible. C’est aussi une façon, à terme, de maîtriser les dépenses médicales.

C’est le choix que nous avons fait. Lorsque nous mettons en place des plans de santé publique et que nous nous en donnons les moyens, dans des domaines comme la santé mentale ou la lutte contre l’obésité, nous sommes plus efficaces et nous sommes au rendez-vous des défis de santé publique.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer à différentes reprises sur les nouveaux risques sanitaires. Si nous sommes capables de mieux gérer l’assurance maladie, nous serons capables de relever ces défis. Je pense à l’ostéoporose, maladie qui concerne aujourd’hui plus de trois millions de femmes, soit une femme de plus de cinquante ans sur quatre et un homme sur huit. Au-delà des soins et de l’éducation, nous devons favoriser la prévention. C’est pourquoi 30 à 40 millions d’euros sont affectés à la prise en charge du dépistage de cette maladie. Cela évitera un certain nombre de pathologies et des drames humains que provoquent les fractures, et permettra à l’assurance maladie de réaliser des économies.

J’ai donc saisi le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie de ce dossier. J’attends l’avis de la Haute Autorité de santé et de l’Union des organismes complémentaires pour procéder à l’inscription de cet acte au remboursement et permettre sa prise en charge.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, compte tenu de ce que sont nos marges de manœuvre, nous donne l’occasion de vous proposer ce plan sur la démographie médicale que vous attendez toutes et tous, sur tous les bancs de cette assemblée.

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a aucune fatalité à voir fleurir dans les années qui viennent des déserts médicaux dans notre pays (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), à moins que nous ne nous décidions à l’inaction, mais ce n’est pas pour cela que je me suis engagé, que vous vous êtes engagés dans l’action publique !

Dans ses articles 27, 29 et 39, sur la base du rapport présenté par le doyen Berland, ce PLFSS vous proposera des pistes d’action législatives, même si d’autres rendez-vous réglementaires et conventionnels sont nécessaires. Mais nous sommes décidés à avancer dans cette direction pour que notre pays dispose demain d’un plus grand nombre de professionnels de santé et conserve ses établissements. Oublions les choix funestes du passé : ce n’est pas en réduisant l’offre médicale que l’on réduit la demande médicale. Ceci n’a aucun sens, surtout si nous faisons le choix de la maîtrise médicalisée ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il nous appartient aujourd’hui de rattraper ce retard accumulé par différents gouvernements. Nous sommes décidés à nous donner les moyens d’inverser cette tendance, car il n’y a aucune fatalité en la matière !

Nous prévoyons donc dans ce PLFSS différentes incitations et nous ouvrons le chantier de la réforme des études, en agissant sur l’évolution des pratiques médicales. Comme vous, je souhaite que nous ayons dans les années qui viennent davantage de professionnels de santé, mieux répartis sur le territoire. Mon choix privilégie l’incitation et le volontariat à l’obligation et à la coercition, qui ne feraient qu’aggraver la crise des vocations.

Un certain nombre de dispositifs relatifs à l’installation des jeunes médecins vous seront proposés dans ce PLFSS. Ils se concrétiseront dès le début de l’année 2006, avec notamment de nouveaux outils mis à la disposition des parlementaires et des élus locaux.

S’agissant de la solidarité, n’oublions pas que 8 % de la population ne dispose toujours pas d’assurance complémentaire santé. S’il s’agit dans certains cas d’un choix, le coût agit très souvent comme un frein. Nous avons donc décidé l’an dernier, dans le cadre de la réforme de l’assurance maladie, d’aider ces personnes qui, parce qu’elles dépassent le seuil d’accès à la CMU, n’ont droit à aucune aide. Ce dispositif, au moment où je vous parle, a déjà rencontré les faveurs de 250 000 personnes. Pour certains, c’est beaucoup. Je pense, moi, que ce n’est pas assez, pour différentes raisons.

Je ne suis pas certain que tout le monde ait su promouvoir cette mesure importante. Il nous appartient de la rendre plus incitative. En concertation avec l’assurance maladie, la MSA, la CANAM et les organismes complémentaires, nous devons engager une action pour que cette mesure rencontre un accueil favorable chez les deux millions de Français qui peuvent en bénéficier. Elle les aidera soit à faire face au coût de leur complémentaire santé, soit à en souscrire une.

Nous avons donc décidé d’augmenter les aides de l’État en la matière, en les portant à 150 euros par an pour les personnes de moins de vingt-cinq ans, à 250 euros par an pour les personnes entre vingt-six et cinquante-neuf ans et à 400 euros par an – soit une progression de 60 % – pour les personnes âgées. Ainsi, les personnes titulaires du minimum vieillesse pourront bénéficier de cette aide importante, qui permettra de couvrir entre 40 et 50 % du coût d’une complémentaire santé.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Mesdames et messieurs les députés, améliorer l’assurance maladie, la sécurité sociale, c’est aussi lutter plus efficacement contre les conséquences du handicap, relever les défis de la dépendance, mener une politique familiale ambitieuse et atteindre cet objectif d’équité que nous nous étions fixé lors de la réforme des retraites. Dès l’année 2006, celles et ceux qui ont commencé à travailler très jeunes – à quatorze, quinze ou seize ans – pourront, grâce à la réforme, partir à la retraite avant l’âge de soixante ans. 90 000 personnes vont bénéficier de cette mesure !

Philippe Bas évoquera plus en détail les autres branches de la sécurité sociale, mais je voudrais d’ores et déjà souligner que nous entreprenons une œuvre de longue haleine. En matière de santé, d’assurance maladie, les efforts doivent être permanents et partagés par tous. Soyons au rendez-vous des défis de l’avenir et offrons à cette jeune dame de soixante ans qu’est notre sécurité sociale un bel avenir !

Je ne doute pas que grâce aux engagements des parlementaires dans les débats qui seront les nôtres, nous pourrons continuer à offrir un avenir à nos jeunes générations, mais aussi à la sécurité sociale. C’est pour cela que nous nous mobilisons. Voilà pourquoi nous vous présentons, avec Philippe Bas, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, deux ans après la réforme des retraites, un an après la réforme de l'assurance maladie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous vous présentons, Xavier Bertrand et moi, s'inscrit dans la continuité d'une action qui témoigne de notre attachement à la sécurité sociale, au moment où nous célébrons son soixantième anniversaire.

C'est d’abord pour nous l'occasion de dire notre fierté devant les réalisations de notre système de sécurité sociale, auquel chacun a apporté sa pierre. C'est l'occasion aussi de souligner la réussite du pacte social conclu à la Libération sous l'autorité du général de Gaulle, avec la participation de toutes les forces politiques. Ce pacte exprime la solidarité des Françaises et des Français face aux risques de la vie. Il leur apporte des garanties qui assurent encore aujourd’hui notre cohésion sociale, notre confiance face à l'avenir, et donc aussi notre dynamisme économique. C'est pourquoi, tous, nous y sommes si profondément attachés.

Notre politique pour la sécurité sociale, c'est d'abord la réduction des déficits, mais ce n'est pas seulement cela, il s'en faut de beaucoup. C'est aussi la reconnaissance des performances d'un système de solidarité qui compte parmi les plus efficaces du monde. Et c'est encore l'exigence constante de nouveaux progrès que seule la maîtrise des coûts rend possibles. Je reviendrai dans un instant sur ces progrès. Mais regardons d'abord les acquis de soixante ans, qu'il s'agit aujourd'hui de fortifier.

La famille, d'abord.

La natalité française est la plus élevée d'Europe. Elle n'est pas loin d'assurer le renouvellement des générations.

Tous les démographes expliquent cette grande différence par rapport à nos voisins, qu'ils soient allemands, anglais, espagnols ou italiens, par notre politique familiale et par les prestations familiales de la sécurité sociale. Le projet que nous avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui avec Xavier Bertrand vient encore renforcer cette politique en favorisant le choix le plus fréquent de nos compatriotes, celui d'avoir deux revenus dans le couple. Car c'est le moyen d'élever ses enfants dans les meilleures conditions et c'est le choix de 80 % des Françaises, qui ont aujourd’hui une activité professionnelle. Nous l’avons démontré depuis longtemps en France : le travail des femmes n’est pas l’ennemi de la natalité. Au contraire, il la favorise, à condition que nous sachions donner aux couples les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Les retraites, ensuite.

Nous avons pris nos responsabilités en faisant une réforme nécessaire et juste, trop longtemps différée. Grâce à elle, l'avenir de notre système de solidarité entre les générations est garanti. Souvenons-nous qu'au moment de la création de la sécurité sociale, plus de 50 % des Français âgés de soixante-cinq à soixante-dix ans étaient encore obligés de travailler pour avoir une retraite décente. Aujourd'hui, grâce à la solidarité entre les générations, le revenu moyen des retraités atteint 90 % de celui des actifs. Cela aussi, c'est l'œuvre de la sécurité sociale !

La santé, enfin.

L'OMS, Xavier Bertrand le rappelait à l’instant, a salué les performances de la France en nous classant au premier rang mondial. Notre système n'est certes pas parfait. Il faut continuer à l'adapter. Mais il ne craint la comparaison avec aucun autre. Il est parmi les plus efficaces du point de vue de la qualité des soins. Et il est bien plus juste que tous ceux qui laissent de côté une part croissante de la population, y compris, on ne le dit pas assez, les classes moyennes elles-mêmes, au profit d'une protection sociale réservée à ceux-là seuls qui ont la chance de pouvoir y accéder. De récentes décisions annoncées par une grande entreprise d’automobiles américaine montrent à quel point la précarité des systèmes privés de protection sociale peut affecter les couches de la population qui se croyaient les mieux protégées, tandis que, dans le même pays, 40 millions de personnes de toute condition se trouvent écartées d'une bonne couverture.

À l’inverse, le système français garantit l'accès de tous aux meilleurs soins. C'est le choix de la solidarité. Et c'est aussi celui de l'efficacité économique car les dépenses de santé atteignent aux États-Unis près de 14 % du produit intérieur brut, contre à peine plus de 8 % en France.

Notre système ignore également les exclusions, notamment en fonction de l’âge. Il ignore les files d'attente et les refus de prises en charge qui sont le lot commun des systèmes étatisés, lesquels subsistent même parmi les pays qui ont la réputation d’être les plus libéraux d'Europe.

La confrontation entre systèmes montre à l'évidence combien notre assurance maladie mérite les efforts consentis par nos compatriotes pour la défendre.

Loin des idées reçues, notre système est moderne et efficace, et il faut sans relâche continuer à le moderniser. À cet égard, je tiens à saluer le travail remarquable accompli par votre mission d'évaluation des comptes de la sécurité sociale.

La modernisation des services s'est accélérée au cours des années récentes : le succès de la carte Vitale en est un bon exemple. En 2000, la moitié des feuilles de soins étaient dématérialisées ; aujourd'hui, c'est 80 % d'entre elles qui le sont.

Il faut souligner aussi les progrès constants de la sécurité sociale dans la maîtrise des coûts de gestion. Les gains de productivité sont actuellement de l'ordre de 2 à 3 % par an. Les coûts de gestion des caisses sont aujourd'hui d'environ 4 %, ce qui est très en dessous des coûts du marché.

Et puisqu'une loi de financement de la sécurité sociale est aussi constituée de chiffres au service d'une politique, laissez-moi vous dire en quelques chiffres ce qui exprime à mes yeux l'ambition de ce projet.

Moins 25 % !

Moins 25 %, c'est le niveau de réduction des déficits de la sécurité sociale que nous avons l'ambition de réaliser grâce à l'application de l'ensemble des mesures figurant dans ce projet de loi. Le déficit du régime général passera ainsi de 11,9 milliards fin 2005 à 8,9 milliards fin 2006. Dans aucun autre secteur de l'action publique, de tels efforts de réduction des déficits ne seront réalisés l'an prochain. Et je redis ici, comme vient de le faire Xavier Bertrand, que cet objectif va consolider et prolonger les résultats très importants déjà constatés pour l'assurance maladie depuis le vote de la loi du 13 août 2004 : un déficit de 8,3 milliards en 2005, certes beaucoup trop lourd encore, mais qui doit se comparer aux 16 milliards prévus avant la réforme.

Plus 196 !

Plus 196, c'est le nombre de nouveaux médicaments admis au remboursement en 2004 et effectivement pris en charge en 2005. Car la force de notre assurance maladie depuis soixante ans, c'est d'avoir su rendre le progrès médical accessible à tous, et c'est notre exigence et notre honneur de continuer à le faire. Quand la Grande-Bretagne refuse la prise en charge d'un médicament contre le cancer parce qu'il est trop cher, nous le rendons, au contraire, aussitôt accessible à tous nos malades. Et si nous déremboursons 156 autres médicaments ou si nous diminuons le remboursement de 62 médicaments de la classe des veinotoniques, sur les recommandations scientifiques de la Haute Autorité de santé, c'est aussi parce qu'il faut savoir faire des choix responsables en faveur des médicaments dont l'intérêt thérapeutique est le plus élevé. Il est normal que la liste des médicaments remboursables évolue au rythme des progrès de la médecine. Il est normal qu'il y ait des entrées et des sorties. Nous nous donnons ainsi les moyens de diffuser l'innovation médicale à tous les malades.

Plus 9 % !

Plus 9 %, c'est l'augmentation des crédits d'assurance maladie prévue par le projet pour les maisons de retraite et pour les services médico-sociaux destinés aux personnes âgées dépendantes à domicile. Et c'est même presque 14 % en comptant l'apport de la journée de solidarité via la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Cela représente, par rapport à 2005, un effort supplémentaire de la nation de 586 millions d'euros. Grâce à une très forte mobilisation en faveur des personnes âgées, le plan vieillissement et solidarité 2004-2007 aura été financé en deux ans au lieu de quatre. Nous vous proposons aujourd'hui son doublement : 20 000 places supplémentaires en maisons médicalisées au lieu des 10 000 prévues sur la durée de ce plan !

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Dès 2006, le projet de loi de financement de la sécurité sociale propose donc de créer 5 000 places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Mais la prise en charge de la dépendance, c'est aussi aider les personnes qui le souhaitent et qui le peuvent à rester dans leur foyer. L'an prochain, 4 250 nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile seront financées. Et pour soulager les familles qui s'occupent quotidiennement de leurs proches, le projet permet aussi la création en 2006 de 2 125 places en accueil de jour et de 1 125 places en hébergement temporaire. C'est la meilleure façon d'aider l'entourage familial des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Nous avons voulu aussi avoir la possibilité d'aider les maisons de retraites à se rénover et à se moderniser. C'est une question de sécurité, de confort, de qualité de vie et aussi de dignité pour les personnes âgées qui y sont accueillies. Le projet que nous vous présentons contient des dispositions en ce sens.

Plus 5 % !

Plus 5 %, c'est l'augmentation des moyens consacrés aux dépenses médico-sociales en faveur des personnes handicapées. Elle atteindra même 6,16 % en comptant l'apport de la journée de solidarité. L'augmentation sera de 400 millions d'euros.

Répondant aux priorités données par le Président de la République, et voulue par toutes les associations de personnes handicapées ou de parents de personnes handicapées, la loi du 11 février dernier se traduira en 2006 par une forte augmentation des crédits de l'État au titre de l'allocation pour adultes handicapés et par une nouvelle augmentation de 2 500 places en centre d'aide par le travail.

Elle se traduira également par la mise en œuvre, au début de l'an prochain, de la prestation de compensation du handicap. Grâce au travail des Français, les crédits que les départements consacraient jusqu'alors aux aides compensatrices vont aussi pouvoir être doublés.

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Plus 7,5 % !

Plus 7,5 % par an, c'est l'augmentation annuelle garantie par l'État pour les quatre prochaines années des fonds sociaux des caisses d'allocations familiales afin d'ouvrir de nouvelles places de crèche. En tout, ce sont 72 000 places de crèche qui auront ainsi été créées entre 2002 et 2008, augmentant notre équipement national d’un tiers. C'est un effort sans précédent en France : un total de 2,4 milliards d'euros supplémentaires pour les crèches en quatre ans !

Pour l'exercice 2006, le déficit de la branche famille sera stabilisé à 1,1 milliard d'euros. C'est un déficit conjoncturel et non structurel, qui décroîtra régulièrement dans les années à venir. La branche reviendra à l'équilibre en 2009, tout en assurant la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, que vous avez créée au 1er janvier 2004. Cette prestation connaît aujourd'hui un grand succès : 250 000 familles supplémentaires en bénéficieront, au lieu des 200 000 initialement prévues.

Par ailleurs, conformément aux décisions prises par le Premier ministre lors de la conférence de la famille du 21 septembre dernier, le projet prévoit la création d'un congé d'un an, que nous appelons complément optionnel de libre choix d'activité : ce dispositif ne se substituera pas au congé actuel de trois ans, mais il le complétera. Il permettra aux parents qui le souhaitent de bénéficier à partir du troisième enfant d'un congé plus court, mais beaucoup mieux rémunéré : 750 euros par mois, soit près de 50 % de plus. En élevant le niveau de la rémunération et en évitant un éloignement trop long de l'activité professionnelle, nous favorisons la prise du congé également par les pères. Nous facilitons aussi le retour à l'emploi des bénéficiaires de ces congés.

La même ambition prévaut pour l'allocation de parent isolé. Nous vous proposerons dans un autre texte une priorité d'accès aux modes de garde permettant aux bénéficiaires de cette allocation de recevoir une formation, afin qu’elles puissent retrouver le chemin de l'emploi.

Par ailleurs, parce qu'il faut aussi soutenir les familles dans les épreuves de la vie, le projet de loi assouplit les règles du congé et de l'allocation de présence parentale, qui ont été créés pour permettre aux parents d'être au chevet d'un enfant hospitalisé. Les parents disposeront désormais d'un « compte crédit jours » de 310 jours, à prendre sur une période de trois ans. Un complément de 100 euros leur sera versé chaque mois lorsque la maladie de l'enfant exige des déplacements importants.

300 000, c'est le nombre de personnes qui auront bénéficié à la fin de l’an prochain d’un départ anticipé à la retraite – en comptant les 90 000 départs supplémentaires que nous attendons –, départ anticipé justifié par le fait qu'elles ont commencé à travailler très jeunes dans des conditions souvent très dures,

Refusée pendant des années, cette mesure de justice a enfin été rendue possible par la réforme des retraites de 2003. Certes, ces départs anticipés pèsent fortement cette année sur le déficit de l'assurance vieillesse, mais la hausse des cotisations salariales et patronales de 0,2 point, décidée dans le cadre de la réforme de 2003, permettra de ramener ce déficit de 2 milliards à 1,4 milliard d'euros en 2006. La répartition de cette cotisation entre employeurs et salariés sera décidée dans un partage équitable après concertation avec les partenaires sociaux.

M. Jean-Marie Le Guen. Ben voyons !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le projet prévoit également d'aligner le régime du minimum vieillesse sur celui des autres minima sociaux en le réservant à l’avenir aux personnes, françaises ou étrangères, qui résident effectivement sur le territoire national. Le service des minima sociaux est en effet lié à la résidence sur notre territoire, à la fois parce qu'ils sont financés par la solidarité nationale et parce que leur montant est établi en fonction du coût de la vie en France. Il ne serait pas acceptable de prolonger une situation d'aubaine, issue des lacunes de notre législation et qui permet à d'anciens travailleurs saisonniers, venus temporairement en France, pour une durée parfois très courte, de bénéficier à l'étranger d'une pension à vie après l'âge de soixante-cinq ans. Circonstance aggravante : cette pension est d'autant plus importante que la durée de séjour en France a été courte. Il était temps d'appliquer à cette prestation les mêmes règles qu'aux autres minima sociaux.

S’agissant de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans l'attente des négociations demandées depuis plus d'un an aux partenaires sociaux pour réformer la branche et sa gouvernance, une hausse temporaire de cotisation de 0,1 % est prévue par le projet.

Le dernier point que je veux aborder concerne le financement de la sécurité sociale.

Les recettes ont moins progressé que prévu en 2005 en raison d'une croissance ralentie de l'économie. La sécurité sociale a ainsi perdu 1 milliard d'euros par rapport aux prévisions initiales, ce qui n’a pas empêché la baisse du déficit de l’assurance maladie dans des proportions très importantes.

Quand le gouvernement de Dominique de Villepin travaille pour une croissance sociale, pour l'emploi et le pouvoir d'achat, il travaille aussi pour la sécurité sociale, car c'est d'abord en augmentant la masse salariale nationale que l'on dégage les ressources nécessaires au financement de notre protection sociale.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. À partir de 2006, le Gouvernement vous propose aussi d'affecter directement à la sécurité sociale des recettes fiscales pour financer les 18,9 milliards d'allégements généraux de cotisations par des ressources permanentes, dynamiques et diversifiées, notamment grâce à l'attribution de 5 milliards d’euros provenant de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette innovation rejoint, je crois, la préoccupation de beaucoup de nos partenaires sociaux. Comme Xavier Bertrand, je suis disponible pour continuer à faire progresser notre réflexion commune dans cette voie.

La variété des nouvelles recettes, leur dynamisme et les garanties entourant leur évolution permettront d'apporter à la sécurité sociale des ressources qui ne pèsent pas seulement sur le coût du travail.

Une clause de révision permettra de s'assurer que le montant transféré en 2006 correspond à l'euro près au montant des allégements généraux et que le panier de recettes évoluera par la suite de manière conforme aux allégements de cotisations sociales.

M. Gérard Bapt. Il faut se méfier des compensations « à l’euro près » !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, la réussite de notre sécurité sociale, c'est d'avoir apporté à tous les Français un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé et garanti l'accès de tous au progrès médical. Au même titre que l'école gratuite et obligatoire, qui assure l'égalité des chances, la sécurité sociale, qui garantit l'égalité des Français devant la santé et les risques de la vie, est l'un des principaux piliers de notre République.

Tout l'enjeu de son adaptation, c’est de préserver ce haut niveau de prestations auxquelles nous sommes tous, très légitimement, attachés, sans augmenter les prélèvements obligatoires et en maîtrisant les dépenses et réduisant fortement les déficits.

C'est bien le sens de ce que nous avons entrepris. Avec une méthode : le changement des comportements. Avec un principe : la responsabilisation, celle de toutes les Françaises et de tous les Français, comme celle des acteurs de notre système de soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Jean-Marie Le Guen. Son intervention va être courte : il n’y a pas d’équilibre !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, 1945-2005 : nous célébrons cette année le soixantième anniversaire d’une dame – je n’oserai la qualifier de vieille et suivrai donc l’exemple de M. le ministre –, d’une dame qui a gardé toute sa jeunesse : la sécurité sociale. Il nous revient aujourd’hui de tout mettre en œuvre pour pouvoir fêter son soixante-dixième anniversaire et surtout pour que nos enfants et petits-enfants puissent continuer à en bénéficier.

Le présent projet y contribue. À la suite des nombreuses auditions auxquelles j’ai procédé en tant que rapporteur, je souhaite faire quelques commentaires : je présenterai, tout d’abord, des remarques sur l'application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, puis ferai un exposé sur la situation financière de la sécurité sociale au sens de la loi de financement, avant de terminer sur une note plus prospective.

Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte particulier puisqu’il s’agit du premier présenté dans le nouveau format issu de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que la discussion à l’Assemblée nationale a améliorée de manière significative grâce au travail des trois rapporteurs à l’œuvre à l’époque.

On ne peut que saluer la rapidité avec laquelle le Gouvernement a appliqué ce texte, qui contraste avec la trop lente montée en charge de la LOLF. Les apports sont déjà visibles : le Parlement se prononce désormais sur des tableaux d’équilibre ainsi que sur le sort réservé aux déficits du dernier exercice clos, et le champ de la loi de financement a été considérablement élargi.

Outre quelques détails de forme, quelques points restent à régler pour que la discussion des projets se rapproche de la perfection.

Tout d’abord, le calendrier est trop serré pour permettre un travail satisfaisant, mais vous n’avez pas, je le sais, messieurs les ministres, pleine compétence en la matière.

Ensuite et surtout – et, là non plus, vous n'êtes pas responsables –, il faudrait qu’à l’avenir les chiffres relatifs aux créances de la sécurité sociale sur l'État présentés, d'une part, dans le jaune budgétaire annexé au PLF et, d'autre part, dans l'annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale concordent.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Leur éventuelle divergence doit être, à tout le moins, sérieusement documentée et précisée.

Enfin, l'élargissement du périmètre de la loi de financement, certes souhaitable dans son principe et souhaité par mes collègues, a peut-être été excessif, tant dans son principe que dans son application.

Messieurs les ministres, je sais que je peux compter sur vous pour veiller au respect des impératifs d'universalité et de sincérité, comme des prérogatives du Parlement.

Le deuxième point de mon intervention concerne la situation des finances sociales en 2004, 2005 et 2006 : la voie du redressement est tracée.

Si 2004 et 2005 sont marquées par la dégradation des finances de la sécurité sociale, du fait, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, d’un ralentissement de la croissance économique et d’une masse salariale globalement peu dynamique, 2006 s'inscrit dans un processus de retour vers l'équilibre à moyen terme.

Les régimes de base de la sécurité sociale ont enregistré un déficit historique en 2004 : moins 11,5 milliards d'euros. La dégradation des finances est essentiellement due à la situation du régime général : moins 11,9 milliards d'euros. Si, en 2005, le montant du déficit des régimes de base devrait se dégrader à nouveau jusqu’à moins 12,9 milliards d'euros, celui du régime général devrait se stabiliser à moins 11,9 milliards. Cela étant, ce qui est à retenir pour 2005, et ce qui ne peut que nous réjouir, c'est le respect de l’ONDAM, le fameux objectif national des dépenses d’assurance maladie. C’est un fait historique, à mettre à l'actif du Gouvernement.

Un an après la loi du 13 août 2004, la réforme produit ses premiers effets. Alors que certains tablaient sur un déficit de 16 milliards d'euros en 2005, ils constatent que l'assurance maladie n'accuse plus que 8,3 milliards d'euros de déficit. Rappelons à ces Cassandre que l'assurance maladie n'est qu'une des branches de la sécurité sociale et que, si le déficit de la sécurité sociale est à peu près le même en 2005 qu'en 2004, c'est que l'assurance vieillesse est passée de plus à moins 2 milliards d'euros environ et que la branche famille accuse la même descente négative : à peu près moins 1,6 milliard d'euros. Vous nous en avez donné les raisons, monsieur le ministre. En revanche, les effets escomptés de la réforme votée par la majorité sont au rendez-vous : le déficit de l'assurance maladie a été ramené de 11,6 milliards d’euros à 8,3 milliards.

Pour 2006, la poursuite de la réforme de l'assurance maladie et les mesures de rééquilibrage prises pour les branches accidents du travail et vieillesse permettent d'envisager une réduction du déficit du régime général à moins 8,9 milliards d'euros.

Dans la droite ligne de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladies, grâce à des mesures supplémentaires sur la politique du médicament et à un effort accru des complémentaires, c’est la branche maladie qui contribuera le plus significativement à ce redressement, son déficit passant de moins 8,3 milliards d'euros à moins 6,1 milliards euros entre 2005 et 2006, soit une réduction significative de l’ordre de 25 %. En revanche, l'effort de redressement, messieurs les ministres, n'affecte guère les deux organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, le FSV et surtout le FFIPSA, bien que ce dernier régime présente la particularité de pouvoir être affectataire d'une subvention de l'État.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est courageux et volontariste ; il s'appuie sur la nette réduction du déficit de la branche maladie pour réduire sensiblement le déficit du régime général.

Quant au cadrage de 2006, en tablant sur une croissance économique de 2,25 % et une masse salariale en progression de 3,7 %, un taux de croissance de l’ONDAM de 2,5 %, plutôt que de 3,8 % comme en 2005, paraît tout à fait crédible.

Nous n’avons pas d'autre choix que d'aller plus loin dans la voie de la réforme, et notre majorité montre son courage en proposant des décisions, peut-être parfois impopulaires et repoussées depuis longtemps. S'agissant de l'assurance maladie, les comportements commencent à changer, comme en témoignent les chiffres en matière d'indemnités journalières, de dépenses de prescriptions d'antibiotiques et d'honoraires médicaux ou l'adhésion massive des assurés au système du médecin traitant. Il faut donc poursuivre sur la voie de la réforme, l'appliquer dans son intégralité et surtout l'expliquer sans relâche aux professionnels, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers, comme aux assurés.

La réforme doit aussi s'appliquer à l'hôpital, et je me félicite que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ait inscrit cette problématique hospitalière à son programme de travail. Il est tout à fait irrecevable que l'intégralité de l'effort de maîtrise porte sur les seuls soins de ville.

La décélération des dépenses de soins de ville, qui représentent un peu moins de la moitié des dépenses de l'assurance maladie, ne doit pas faire oublier la persistance du rythme élevé d'évolution des autres postes de l’ONDAM, surtout au niveau du secteur hospitalier et des dépenses de médicaments.

La détermination du Gouvernement à réformer la prise en charge de la dépendance est un autre point important. La CNSA, si critiquée à ses débuts, monte progressivement en charge et va jouer un rôle de plus en plus important en gérant l’ONDAM médico-social, dont nul n'ignore qu'il prendra obligatoirement de l'ampleur dans les années à venir.

Je voudrais maintenant centrer mon propos sur la situation des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base : le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.

Sur le FSV, le projet de loi comporte quelques dispositions intéressantes, et j'en remercie MM. les ministres. Cependant, le problème des déficits, de nature structurelle, n'est pas résolu. En fait, un des problèmes posés par le FSV est de trouver des pistes de financement qui ne conduisent pas à détériorer la situation des autres branches de la sécurité sociale. En outre, la situation du fonds de réserve des retraites, bénéficiaire des excédents éventuels du FSV, ne voit pas sa situation améliorée en raison du montant de ces déficits.

La situation du fonds de réserve des retraites mériterait aussi de longs développements : va-t-il rester longtemps un fonds sans fonds ? Je demande donc l'exploration et la budgétisation rapide des pistes évoquées par la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2005 sur la situation du FSV.

Le FFIPSA pose d'autres problèmes politiques, liés d'une part au déficit annuel et d'autre part au stock de dettes. Même si, le cas échéant, une hausse éventuelle des prélèvements sur les agriculteurs était justifiée puis décidée, elle serait de toute manière insuffisante pour couvrir les besoins.

Quelle est, monsieur le ministre, la responsabilité propre de l'État, pour 2004 et 2005, dans les déficits cumulés du BAPSA devenu FFIPSA ? Quelles solutions envisagez-vous pour résoudre ce problème ? Je sais combien c’est important. Comment faut-il répondre aux deux propositions du conseil de surveillance, à savoir le recours à un emprunt ou la compensation liée à la participation démographique ?

Enfin, je voudrais aborder dans cette partie relative aux finances sociales le dispositif proposé à l'article 41 du projet de loi de finances, dérogatoire aux principes de compensation et de neutralité financière posés par le code de la sécurité sociale. Il prévoit de transférer un certain nombre de recettes aux régimes de sécurité sociale, afin de financer le coût des allégements généraux. Il semble laisser ouverte la possibilité que les dépenses relatives aux exonérations ne soient pas compensées « à l'euro l'euro », donc à 100 %, mais à 98 % seulement. Cet écart de 2 % ne me semble pas de nature à sécuriser le dispositif. La commission a souhaité que cette question soit précisée.

Je voudrais, pour conclure, avoir une vision plus prospective. De nombreux observateurs s'accordent à considérer que le mode actuel de financement de la sécurité sociale a trouvé ses limites. En effet, celles-ci apparaissent, année après année, de plus en plus clairement. Les critiques s'en donnent à cœur joie. Dans cet hémicycle, le silence assourdissant de l'opposition est effrayant. Elle n’avance aucune proposition crédible et chiffrée pour résoudre les problèmes de financement, même si la critique est parfois exercée avec talent.

L'opinion publique paraît mal informée sur la situation des finances sociales. C’est normal. Qui, à part une centaine de personnes, au mieux, comprend en France les mécanismes de cette « tuyauterie baroque » qu'est devenue le financement de la sécurité sociale ? Qui comprend les mécanismes implicites de redistribution intergénérationnels ou entre groupes sociaux, à l'œuvre à travers, par exemple, la CADES ou les transferts de compensation ? L'ensemble apparaît comme un écheveau compliqué de circuits illisibles où, progressivement, plus aucun flux ne circule.

M. Bernard Perrut. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Les principes de financement de la sécurité sociale, existants depuis sa création, sont aujourd'hui dépassés.

M. le président. Monsieur le rapporteur, votre temps de parole commence, lui aussi, à être dépassé.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’accès à l’assurance maladie n’est plus lié à une seule activité rémunérée. Ce point est important, monsieur le président.

M. le président. Je n’en doute pas, mais je dois faire respecter les temps de parole.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Les recettes de la sécurité sociale sont triples : les cotisations en partie fiscalisées, des taxes et impôts affectés, des subventions publiques. Il est donc nécessaire d’aller plus loin.

Bref, il est temps d'amorcer une rupture, sinon une « révolution » – comme le Premier président de la Cour des comptes l’a appelée de ses vœux – à tout le moins une évolution significative.

Ici et maintenant, je ne vais pas injurier l'avenir, mais d'autres pistes que la taxation du travail par les cotisations existent pour financer la sécurité sociale. De même, il faut réserver de façon exclusive les recettes sociales au financement des régimes sociaux. Un large débat doit s'engager ! Le lieu de concertation adéquat devra être trouvé. Il en existe. Je déposerai un amendement afin que ce rôle soit confié à la Commission des comptes de la sécurité sociale. Cet amendement a été adopté par la commission des affaires culturelles. J’espère, messieurs les ministres, que vous soutiendrez cette initiative.

En conclusion, je dirai que notre commission a adopté l’ensemble du projet de loi de financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé pendant quinze minutes – je tenais à le souligner.

Je suis à la disposition de l’Assemblée nationale. Mais si chaque rapporteur dépasse son temps de parole de cinq minutes, nous ne pourrons pas entendre avant le dîner l’orateur qui doit défendre l’exception d’irrecevabilité.

M. Dominique Tian. Les propos du rapporteur étaient très intéressants.

M. le président. Là n’est pas la question.

La parole est à M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Monsieur le ministre, à un moment où la France se trouve confrontée, comme tous ses voisins européens, à une augmentation de ses dépenses de santé et à une diminution de la masse des cotisations sociales due aux pertes d'emplois et aux délocalisations, la France se devait de réagir.

Les lois de 2004 sur l'assurance maladie et la loi de santé publique ont marqué le démarrage d'une nouvelle politique de santé basée sur des principes clairs : responsabilisation de tous les acteurs dans le système de soins, renforcement de la maîtrise médicalisée des dépenses, écriture d'un projet de loi de finances de la sécurité sociale dans le cadre de la loi organique du 2 août 2005 et, pour la première fois, présentation d'un ONDAM décliné en six sous-objectifs.

Ce PLFSS pour 2006 génère chez nombre d'entre nous des sentiments parfois contradictoires : beaucoup de satisfaction, d’un côté ; de l’autre, une certaine impatience, et parfois même une certaine note de frustration.

Commençons par la satisfaction.

La loi sur l'assurance maladie votée le 13 août 2004 a marqué, après plusieurs années d'immobilisme du gouvernement précédent, la volonté forte de notre majorité de prendre à bras-le-corps – comme nous l'avons fait pour les retraites – le dossier de l'assurance maladie…

M. Gaëtan Gorce. C’est raté !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. …pour doter le pays d'un système solidaire, régulé, équitable, mais, surtout, adapté à notre époque.

Saluons le fait que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – de 134,9 milliards d’euros pour 2005 – sera, pour la première fois respecté.

Le PLFSS pour 2006, sera le premier voté dans le cadre de la loi organique du 2 août 2005. La présentation de l’ONDAM, à l’article 43, en six sous-objectifs constitue une avancée importante. Elle doit permettre d’infléchir la politique de santé entre, d’un côté, la ville et, de l’autre, l’hôpital et les établissements médico-sociaux gérés par la CNSA.

Ce nouvel ONDAM assure une plus grande transparence pour le Parlement et permet d’identifier clairement les différents postes de dépenses. De plus, la loi de financement intègre les dépenses dans un cadre pluri-annuel sur quatre ans, ce qui permet aux parlementaires une plus grande lisibilité.

Enfin, la démarche objectif-résultat va progressivement introduire, d’ici à 2008, pour l’ensemble des branches de la sécurité sociale, une gestion modernisée.

Poursuivre sur la lancée de nos prédécesseurs aurait conduit à l’explosion de l’assurance maladie, dont nous venons de célébrer – vous l’avez tous rappelé – le soixantième anniversaire.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que, s’il n’y avait pas eu de réforme, le déficit aurait atteint 18 milliards. Nous pouvons prévoir, fin 2006, un déficit ramené à 6,1 milliards d’euros et nous tendrons vers l’équilibre pour 2009.

Le PLFFS pour 2006 sera le premier, en année pleine, à permettre de mesurer non seulement les conséquences des lois votées, mais également les effets bénéfiques de la convention médicale signée au printemps dernier et dont les effets pour 2005 ne pourront être évalués que sur les six derniers mois.

Plusieurs indicateurs montrent que nous allons dans la bonne direction : la consommation de médicaments diminue, la prescription des génériques augmente, bien qu'il reste encore des marges de progression, les arrêts de travail chutent de façon assez spectaculaire, démontrant de fait que les Français sont responsables.

Le sentiment de satisfaction s'exprime également au travers de deux orientations et deux évolutions nouvelles.

Deux grandes orientations, en effet, se dégagent et vont dans le bon sens. Tout d'abord, ce PLFSS souligne le rôle des mutuelles et des assurances complémentaires dans la prise en charge des soins.

La mise en place d'un forfait plafonné de 18 euros pour tous les actes, prévu à l’article 37, y compris ceux supérieurs à 91 euros, modifie la règle d'imputation du ticket modérateur, …

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail.   …à l'exception des personnes atteintes d'une affection de longue durée, des femmes enceintes, des nouveau-nés hospitalisés ou des personnes titulaires d'une rente pour accident de travail ou maladie professionnelle. Ce forfait sera pris en charge, dans la grande majorité des cas, par les mutuelles. Grâce au crédit d'impôt pour l'acquisition d'une mutuelle, que vous avez élargi, monsieur le ministre, 92 % de la population française est aujourd’hui dotée d’une mutuelle. Il appartiendra à cette dernière de définir son niveau de participation dans le remboursement. Cette participation, j’en suis convaincu, doit se faire sans augmentation des primes, qui serait totalement injustifiée et qui ne serait pas comprise par nos compatriotes.

Ne vaut-il pas mieux que les mutuelles se concentrent sur le remboursement des soins plutôt que sur certaines prestations qui peuvent paraître superflues, comme la chambre seule, la bouteille d'eau minérale ou la télévision, qui, aujourd’hui, ne représentent peut-être pas des priorités ?

Le déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant n’est-il pas de nature à dégager des marges de manœuvre pour les mutuelles, qui pourront se réorienter ?

Cet article nous oblige à mieux réfléchir sur les rapports complémentaires entre assurance maladie et mutuelles. Et je considère que c'est un des aspects novateurs du projet.

Ce PLFSS marque également une nouvelle orientation de l'assurance maladie, dans le cadre de la modernisation, vers des missions de prévention. Chaque année, le PLFSS redessine le partage entre l’assurance maladie et l'État. II y a d'abord les charges qui ont trait à la politique de prévention des risques – je pense en particulier à la grippe aviaire – et qui concernent l'ensemble des cotisants. Il n'est pas anormal que ces dépenses de prévention soient prises en charge par l'assurance maladie car elles sont de nature à entraîner des économies dans les dépenses de soins futures.

En revanche, j'avoue avoir été quelque peu déconcerté par le transfert à l'assurance maladie du financement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usage de drogues, qui, il y a seulement un an, dans la loi relative à la politique de santé publique, avaient été expressément reconnues comme des structures de prévention devant être à la charge de l'État.

M. Jean-Luc Préel. Excellente remarque !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. D'autant plus qu'il s'agit de structures qui accueillent essentiellement des personnes qui, pour l’essentiel, ne sont pas des assurés sociaux. Il reviendrait à l’État de financer cette mesure de solidarité. Je suis cependant personnellement très attaché à la survie de ces centres et c'est la raison pour laquelle il m'est apparu déraisonnable de proposer la suppression de cet article. Je n'en attends pas moins des explications de votre part, monsieur le ministre, qui puissent justifier que la mesure contenue dans cet article était la seule possible pour assurer leur pérennisation.

J’exprime aussi un sentiment d'impatience, notamment s’agissant des mesures concernant l'hospitalisation. La création d'un sous-objectif commun à l'ensemble de l'hospitalisation est cohérente avec la mise en place d'un nouveau mode de financement des hôpitaux publics et privés, à savoir la tarification à l'activité.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah bon ? Je ne vois pas en quoi c’est cohérent !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Le souci de convergence des tarifs consacre l’idée d'une assurance maladie fondée sur le principe « payeur-responsable » – c’est nouveau.

Comment pourrions-nous faire croire à nos compatriotes que nous n'avons pas assez de moyens pour les soigner si, avant toute chose, nous ne pouvons pas leur démontrer que notre système de santé est parfaitement optimisé ? Comment pourrions-nous faire accepter le principe du déremboursement des molécules les moins efficaces si, avant toute chose, nous n'étions pas capables de démontrer que le moindre euro est bien utilisé ?

Nous devons permettre à tous les hôpitaux de faire converger leurs coûts, sans sacrifier la qualité des soins, bien au contraire : les hôpitaux publics entre eux, les établissements privés entre eux. Mais surtout, cette convergence doit concerner les hôpitaux publics et les établissements privés. Nous avons été sollicités de toutes parts à propos de l'article 30 qui traite de ce sujet et nous avons entendu les revendications et les inquiétudes légitimes des deux camps. Le seul moyen d'y répondre est de ne plus perdre de temps et de faire comprendre aux responsables des deux parties qu’une complémentarité public-privé est plus que jamais nécessaire. Le seul moyen de répondre à cette attente contradictoire, c'est de bien mesurer le poids et la valeur des MIGAC, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation. Nous savons tous le rôle que joue l'hôpital public dans le domaine sanitaire, mais nous sous-estimons peut-être son rôle dans le domaine social. Est-ce une raison suffisante pour remettre en cause le principe de la convergence ? Sûrement pas !

Avons-nous les outils pour respecter le tableau de marche de la convergence et atteindre les 50 % en 2008 ? Je l'espère. La suppression de cet objectif intermédiaire n'est- il pas de nature à remettre en cause une convergence pour 2012 ? On peut le craindre. Il appartiendra à notre assemblée de se prononcer sur ce sujet.

Le troisième sentiment qui m'anime est la frustration. Certaines mesures qui concernent la politique du médicament sont d'ordre réglementaires, et ne relèvent donc pas du domaine législatif. Nous n’avons pas été saisis du dossier alors que nous sommes très sollicités.

M. Jean-Marie Le Guen. On a failli l’être !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Soit, nous pouvons le comprendre, mais l'impact de ces mesures sur le niveau de dépenses justifie l'intérêt que nous y portons. Nous avons le souci que la politique du médicament en partie centrée sur la prescription des génériques ne soit pas remise en cause, mais qu’elle soit, au contraire, intensifiée. Il me paraît important de rassurer les professionnels sur ce point.

Enfin, je souhaiterais vous suggérer un nouveau concept, celui de consultation médicale sans prescription. Cela ne relève pas du domaine législatif, j’en conviens, mais il me paraît important de l’aborder aujourd’hui.

Une étude récente a montré qu’en France, la consultation médicale donne lieu à prescription dans 90 % des cas – soit d’examens complémentaires, soit de médicaments – alors que ce chiffre n'est que de 83 % en Espagne et de 50 % aux Pays-Bas.

M. Gaëtan Gorce. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout à fait !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. On sait également que le coût pour l'assurance maladie d'une consultation à 20 euros induit en moyenne une prescription de 80 euros.

De plus, on sait que proportionnellement, les gros prescripteurs sont les gros cabinets médicaux. Plus un médecin multiplie les actes, moins il a de temps à consacrer à son patient, et plus il prescrit d'actes complémentaires ou de médicaments.

M. Pierre-Louis Fagniez. Eh oui !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. L'activité de médecine générale relève souvent de problèmes médico-sociaux, liés aux problèmes personnels, familiaux ou professionnels que rencontrent les consultants, et ce dans une proportion qui avoisine souvent les 50 %. Je vous propose donc de mettre en place avec les partenaires sociaux une consultation que l'on pourrait qualifier de médico-sociale, mieux rémunérée que la consultation à 20 euros, financée intégralement par l'assurance maladie et les mutuelles – qui y ont intérêt – et qui ne donnerait lieu à aucune prescription : ni examens complémentaires, ni actes paramédicaux, ni prescription médicamenteuse. Le traitement se résumerait au temps supplémentaire passé par le médecin avec le patient.

M. Gaëtan Gorce. Ce n’est pas une mauvaise idée !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Le surcoût de l'acte médical serait largement compensé par l'économie de prescription et je suis certain que cette mesure conduirait au changement des comportements que nous souhaitons tous, tant de la part des assurés sociaux que des professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. Allez-vous présenter un amendement dans ce sens ?

M. Jean-Marie Le Guen. C’est la preuve par l’absurde !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille. Monsieur le ministre, je souhaite commencer mon propos en déplorant les conditions dans lesquelles s'est déroulée la préparation du budget de la famille dans le cadre du PLFSS pour 2006.

En tant que rapporteure de ce budget pour la cinquième fois, jamais je n'ai été amenée à travailler dans d'aussi mauvaises conditions. Je n’ai pas été conviée à participer à la conférence annuelle de la famille ; je n’ai pas rencontré le ministre comme c'est l'usage, lequel n’a pas répondu aux questions de la commission lors de son audition. En outre, les délais n’ont pas été respectés. C'est donc dans la précipitation la plus complète que le travail parlementaire a été mené.

M. Gérard Bapt. Quel mépris pour le Parlement !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Je tiens cependant à remercier chaleureusement les administrateurs de l'Assemblée pour la qualité de leur travail, leur dévouement et leur sens de l'intérêt général.

Ces conditions de travail reflètent, malheureusement, à la fois le peu de considération du Gouvernement pour la représentation nationale, mais également son manque d'intérêt pour la politique familiale. Et que dire de la succession des ministres à ce portefeuille ? Quatre en moins de deux ans : nous battons des records !

M. Bernard Perrut. Ils étaient tous de qualité !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Je n’ai pas dit le contraire.

J'en viens maintenant au contenu du PLFSS.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est non seulement en complète contradiction avec les ambitions affichées très récemment par le Gouvernement, mais, pis encore, il menace de paralyser la politique familiale de la France.

Le modèle français de politique familiale devrait avoir pour priorités à la fois l'aide aux familles en difficulté et le principe de libre choix des familles : libre choix de chacun des deux membres du couple de pouvoir continuer à travailler s'il le désire ; libre choix du mode de garde.

On attendait donc légitimement des annonces concrètes, un nouveau souffle. Hélas, ce budget n'est porteur d'aucune mesure forte. Il sonne bien creux.

Ne nous y trompons pas : l'heure n'est pas à la recherche de solutions innovantes pour améliorer le quotidien difficile des familles, mais celui des finances publiques !

Le présent projet de loi est d'ailleurs l’emblème d'une politique à courte vue qui considère, semble-t-il, la branche famille comme un parent pauvre. En effet, la branche famille doit supporter dans les trois ans qui viennent de sérieuses restrictions.

Alors que le Gouvernement ne manque pas une occasion pour rappeler le succès exceptionnel rencontré auprès des familles par la prestation de l’accueil du jeune enfant, la PAJE, vous entendez priver de son bénéfice, alors que vous l’avez vous-mêmes votée, les enfants nés avant le 1er janvier 2004 et qui auraient dû en bénéficier à compter de 2007. Les familles concernées continueront donc à percevoir jusqu'en 2009 les anciennes prestations de la petite enfance, beaucoup moins favorables.

C'est une manière commode pour le Gouvernement de réaliser ainsi de substantielles économies d'un montant de 430 millions d'euros sur la période 2007-2009. En comparaison, le plan crèches de 15 000 places annoncé à grand renfort de publicité en juin dernier par le Premier ministre représentera un effort en faveur des familles de 165 millions d'euros sur quatre ans. Effort bien maigre, vous en conviendrez, au regard des économies réalisées par ailleurs.

S'agissant de la garde des enfants, les efforts entrepris ces dernières années semblent mal adaptés aux familles en grande difficulté. Les familles pauvres ont très faiblement recours à des modes de garde extérieurs au domicile familial.

L'organisation d'un véritable service public de la petite enfance, que je souhaite, donnerait aux parents la garantie de bénéficier d'un accès aux services de garde collectifs pour leur enfant lorsqu'ils en font la demande. Aujourd'hui, du fait de son insuffisance, l'offre de places de crèches est réservée en priorité aux parents qui ont un travail ; ceux qui sont en recherche d'emploi rencontrent des difficultés insurmontables pour faire garder leurs enfants et n'ont d'autre choix que de rester au chômage, faute de pouvoir rapidement résoudre leur problème de garde.

En ce qui concerne le logement, la branche famille, sans doute pour alléger le budget de l'État, voit ses charges augmenter de 270 millions d'euros pour 2005, alors même que le décret instituant le nouveau mécanisme de répartition n'est pas encore publié.

Après une absence totale de revalorisation depuis 2003, les familles seront encore pénalisées par la très faible revalorisation des aides au logement, qui n'est que de 1,8 % au 1er septembre 2005. Rappelons aussi que depuis 2002, le forfait charges locatives du barème des aides au logement n'a connu aucune revalorisation alors que, dans ce laps de temps, les ménages ont supporté des augmentations massives de leurs charges, notamment de chauffage.

Les aides pour l'accès au logement sont sans conteste le plus bel exemple de l'inadaptation de notre législation sociale. À cause de ces revalorisations a minima et sans régularité, elles sont inadaptées pour solvabiliser l'accès au logement. Ainsi, la dépense nette de logement est passée de 10 % du revenu des ménages en 1984 à plus de 16 % en 2002. Il serait donc urgent de revoir les modalités de revalorisation de ces aides.

Par ailleurs, je n'ose plus espérer convaincre le Gouvernement de revenir sur cette mesure inique qui a privé près de 280 000 allocataires de prestations d'aide au logement au motif que leur aide mensuelle était inférieure à 24 euros. Malgré les engagements du précédent ministre du logement, nous attendons toujours, en vain, des actes du Gouvernement !

Je ne voudrais pas être accusée de dresser un tableau exagérément pessimiste de la politique familiale (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Guy Geoffroy. Certainement pas ! Cela se saurait !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. …et je reconnais que la signature, en juillet dernier, de la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNAF pour la période 2005-2008 représente une avancée par rapport à la précédente convention.

Cependant,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’était trop beau !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. …je voudrais exprimer quelques inquiétudes sur les termes du compromis qui ont permis d'aboutir à cette signature.

M. le ministre de la santé et des solidarités. À un équilibre plus qu’à un compromis !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Rappelons que la hausse de la précarité a contraint la CNAF à augmenter son budget d'action sociale de 17,6 % en 2004 et que la convention fixe finalement ce taux à 7,5 %. Il faudra donc limiter les interventions.

Je vous ai interrogé à ce sujet, monsieur le ministre, mais hélas, je n'ai pu obtenir de précisions. Il semble pourtant que les crédits pour les nouveaux « contrats temps libre » soient considérablement amputés. J'espère que vous allez nous en dire davantage.

Je crains qu'une fois encore les enfants des familles les plus en difficulté ne fassent les frais de cette réorientation des priorités de l'action sociale, alors que les professionnels insistent sur l'importance pour ces enfants aussi d'avoir accès aux vacances et aux activités périscolaires pour faciliter leur insertion sociale. Ils risquent aujourd’hui d'en être privés.

Permettez-moi de souligner deux mesures positives du projet de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il s'agit tout d'abord de l'allocation journalière de présence parentale. Les parents d'enfants gravement malades ou lourdement handicapés, même s’ils regrettent de ne pas avoir été associés à la concertation, attendaient ce réaménagement qui leur permettra désormais de choisir de manière plus souple la façon de réduire leur activité professionnelle pour accompagner leur enfant dans les moments les plus pénibles du traitement médical.

Certains points restent cependant flous et j’espère vivement que les amendements adoptés par la commission pour améliorer ce dispositif pourront être votés. Ils visent notamment à supprimer la référence à une durée minimale de soins pour ouvrir droit à l’allocation dans des situations où une présence parentale constante est nécessaire sans forcément impliquer une longue durée d'hospitalisation. Ils entendent également clarifier le droit de ces parents en cas de rechute ou de récidive de la pathologie. Ils prévoient enfin un forfait complémentaire en cas de maladies particulièrement coûteuses. Toutes ces mesures permettront de faciliter la vie des parents confrontés à des moments douloureux.

La deuxième mesure positive est l’instauration d’un congé parental de courte durée mieux indemnisé que le congé parental de trois ans pour les familles de trois enfants. Mais là encore, je regrette que cette mesure ne concerne pas les familles d’un ou deux enfants.

J'ai proposé à la commission un amendement, adopté à l’unanimité, prévoyant que les parents puissent se partager la durée de ce congé à leur convenance pour faciliter une présence plus fréquente des pères auprès de leurs jeunes enfants et une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. J’espère, monsieur le ministre, que vous vous prononcerez en sa faveur.

Les familles se trouvent confrontées à des difficultés croissantes.

En 2004, M. Raffarin s’était engagé à accorder le bénéfice de la CMU complémentaire à 300 000 enfants supplémentaires, or cette promesse a été purement et simplement enterrée.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oh que non !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. De plus, 60 000 familles seront privées du bénéfice de la CMU en 2006, pour une économie de 21 millions d'euros pour l’État.

À cela s'ajoutent l'augmentation du coût de la vie, la hausse des charges liées au logement, la hausse des dépenses liées à la santé, avec notamment le déremboursement des médicaments et l'instauration d'un forfait de 18 euros en cas d'hospitalisation, la hausse du prix des carburants qui grève lourdement les budgets et la précarisation de l'emploi. Que fait le Gouvernement pour rassurer toutes ces familles ?

Nous devons nous demander pourquoi la France, malgré un niveau élevé de dépenses sociales, ne parvient pas à éradiquer le noyau dur de la pauvreté et à adapter ses politiques sociales pour aider les travailleurs pauvres.

Symbole de l'impuissance des politiques sociales, le développement des travailleurs pauvres en France a aussi une forte incidence sur la politique familiale car la présence d'enfants dans ces ménages accroît encore le niveau de pauvreté : les prestations familiales ont fortement perdu en pouvoir d'achat et ne compensent que partiellement le coût d’un enfant.

Rappelons que la France compte un million de travailleurs pauvres selon l'INSEE.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. C’est le résultat du socialisme !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Il est particulièrement frappant que de plus en plus de travailleurs pauvres soient salariés, qu'ils occupent un emploi continu pendant l'année ou qu’ils travaillent de façon intermittente.

Cette pauvreté est de plus en plus liée à la précarité de l’emploi. Et la politique du Gouvernement, avec l'instauration du contrat « nouvelles embauches », qui n’a pas été créé par les socialistes, monsieur le rapporteur pour avis,…

M. Guy Geoffroy. C’est une très bonne mesure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. …et ses attaques répétées contre le code du travail vont accentuer cette précarisation.

M. Jean-Marie Le Guen. Et avec Juppé, qu’est-ce que c’était la « nouvelle embauche » ?

M. Denis Jacquat. Voilà M. Le Guen qui se réveille !

M. le président. Veuillez laisser Mme Clergeau conclure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Dans son rapport sur la pauvreté des familles, M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France, a souligné que les repères mêmes de la pauvreté sont brouillés : « Auparavant, si l'on avait un logement ou un emploi, le reste suivait. Ce n'est plus le cas : même un travailleur peut vivre sous le seuil de pauvreté, et il peut se trouver des gens qui ont un travail mais qui sont sans logement. »

La pauvreté ne peut plus être aujourd'hui uniquement évaluée en fonction du niveau de revenus. Pourtant, les principaux outils de lutte contre l'exclusion sont encore fondés sur ce critère et reposent sur des prestations accordées sous conditions de ressources.

Monsieur le ministre, ne trouvez-vous pas paradoxal que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion ne dispose pas de données récentes ?

Comment le Gouvernement entend-il faire face à la baisse du pouvoir d'achat des familles et à la montée de la précarité ?

Pour le moment, vous refusez de prendre en compte l'augmentation des loyers dans le montant des allocations logement et vous choisissez de limiter le nombre de bénéficiaires de la PAJE. Mais ce n'est pas ce qu' attendent les familles !

Entendez donc, monsieur le ministre, la colère de celles et ceux qui aujourd'hui connaissent des difficultés, vous qui, avec votre majorité, faites le choix de baisser l'impôt sur les grandes fortunes pour privilégier les privilégiés au lieu d’améliorer les prestations familiales ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Denis Jacquat. Mais cela n’a rien à voir avec le budget de la sécurité sociale !

M. Jean-Marie Le Guen. Assumez donc votre politique !

M. le président. Monsieur Le Guen, vous n’avez pas encore la parole !

M. Jean-Marie Le Guen. Mesdames, messieurs de la majorité, applaudissez donc vos succès !

M. Denis Jacquat. Monsieur Le Guen, il est l’heure de prendre vos gouttes pour dormir !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Vous refusez de regarder en face les problèmes quotidiens des familles. Vous refusez d'adapter les politiques familiales aux besoins réels.

Une fois encore, les familles, et notamment les plus vulnérables, sont les oubliées de la politique de ce gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Gallez, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse.

Mme Cécile Gallez, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, si le fait le plus marquant concernant la branche vieillesse est la croissance des déficits, il faut souligner que les dernières projections financières et démographiques montrent que nous sommes en parfaite adéquation avec les hypothèses présentées lors de la discussion du projet de loi de réforme des retraites. Les paramètres de la loi du 21 août 2003 sont bons, la réforme est adaptée aux besoins. Les départs anticipés à la retraite sont un succès et représentent de ce fait une dépense supplémentaire de 1,3 milliard d'euros en 2005 et de 1,7 milliard en 2006. Le passage de cinquante-cinq ans à cinquante-deux ans de l'âge de l'ouverture du droit à la réversion a permis à 40 000 conjoints de bénéficier d'une pension. Les minima de retraite sont augmentés de manière à servir aux assurés ayant eu toute une carrière payée au SMIC une pension de retraite égale à 85 % du SMIC en 2008.

Toutefois, la CNAV souffre d'une insuffisance des cotisations que ne peut pas combler le relèvement, en 2006, de 0,2 point du taux de cotisation prévu par l'accord syndical de mai 2003. Une réforme de l'assiette des cotisations serait d'ailleurs peut-être nécessaire.

Si la CNAV a enregistré un excédent en 2005, c'est grâce à un remboursement de la CADES. Mais en 2006, son déficit devrait atteindre près de 2 milliards d'euros et ne fera que s’accentuer, du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nées après-guerre, ce qui entraînera une augmentation d'un tiers le nombre de liquidations de pensions de retraite par an : de 600 000 en 2005, elles passeront à 830 000 en 2010. Après, ce nombre devrait se stabiliser, mais les problèmes d'équilibre comptable s'aggraveront.

L'assurance vieillesse se gère d'abord dans la durée, et il est désormais clair que la période 2020-2050 sera dramatiquement difficile. Les déficits de la CNAV atteindront alors 20 à 50 milliards d'euros par an, c'est-à-dire le double ou le quadruple du déficit actuel de la sécurité sociale dans son ensemble.

Des travaux d'étude sont engagés au sein du Conseil d'orientation des retraites. D'ores et déjà, le fonds de réserve des retraites apparaît capital. Les actifs qu'il accumule doivent permettre d'adoucir le train de réformes des retraites supplémentaires qu'il sera inévitable de mettre en œuvre pour maintenir à flot le système de retraite par répartition pour les années 2020 à 2050. Un abondement annuel de 2 à 3 milliards semble un minimum, et je m'étonne de voir que pas un euro des 14 milliards de recettes de privatisations n'ira au FRR en 2006.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bonne remarque !

Mme Cécile Gallez, rapporteure pour l’assurance vieillesse. Au-delà de cette politique financière, il faudrait définir la mission qui incombera au FRR en 2020 pour apprécier ensuite quel montant d'actifs devra être accumulé. Par exemple, on pourrait assigner au fonds la mission d'apporter le tiers du financement du déficit annuel de la CNAV, de l'ORGANIC et de la CANCAVA de 2020 à 2050.

Je voudrais également insister sur le déficit accumulé par le fonds de solidarité vieillesse. La direction de la sécurité sociale prévoit un retour à l'équilibre en 2010, mais aucun plan n'existe pour résorber le déficit accumulé, qui dépassera les 5 milliards en 2006. La Cour des comptes a proposé des mesures de financement, mais je tiens à faire part de mon opposition à tout relèvement de la CSG : son assiette a été suffisamment élargie et les déductibilités et exonérations suffisamment réduites pour accroître son rendement. Nos concitoyens ne comprendraient pas une nouvelle mesure accroissant ce prélèvement. En revanche, le fonds de solidarité vieillesse exerce une mission de solidarité nationale qui relève de la responsabilité de l'État.

Par ailleurs, je voudrais insister sur l'action médico-sociale de la branche vieillesse. Certes, à compter de 2006, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie sort du champ du PLFSS, mais il faut rassurer les Français : j'ai pu vérifier, ligne à ligne, dans le budget de la Caisse, la bonne utilisation des crédits de la journée de solidarité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La création de 5 000 places supplémentaires dans les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes – les EHPAD –, sur les 10 000 nouvelles programmées par le Gouvernement, a bien été budgétisée dès 2006, tout comme la création de 2 125 places en accueil de jour et 1 125 pour l’hébergement temporaire de personnes âgées dépendantes. Je confirme que les 2 milliards de recettes sont bien consacrés en totalité aux personnes handicapées et aux personnes âgées.

M. Philippe Vitel. Très bien : voilà du concret !

Mme Cécile Gallez, rapporteure pour l’assurance vieillesse. À l'occasion de l’examen des comptes de la branche vieillesse de la sécurité sociale, je souhaiterais insister davantage sur l'action médico-sociale et vous parler un peu plus précisément des problèmes rencontrés dans les structures d'accueil pour les personnes âgées et handicapées.

Le plan « vieillissement et solidarités » 2004-2007 prévoyait, entre autres, la création de 10 000 places supplémentaires en établissement – déjà réalisées, comme vous l’avez souligné – et 17 000 places pour les services de soins infirmiers à domicile – les SSIAD – dont 8 500 sont financées. En outre, il est prévu de mettre en place 13 000 places de petites unités de vie autonomes dans le cadre du plan Alzheimer, 1 410 lits de courts séjours et 75 équipes mobiles.

Les objectifs prévus dans l'ensemble du plan seront atteints à la fin de l’année 2005 et le Gouvernement a décidé d'accélérer sa réalisation puisqu'il multiplie par deux les places d'hébergement.

Un effort tout particulier est également fait pour les centres d'actions médico-sociaux et psycho-pédagogiques, en particulier pour les autistes et les polyhandicapés, avec la création de 1 800 places pour enfants et 4 000 pour adultes. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces mesures, et je tiens ici, monsieur le ministre, à saluer l'action du Gouvernement sur ce point.

Mais je voudrais revenir sur le problème même des structures d'accueil.

Actuellement, il existe 2 975 foyers-logements, 6 376 maisons de retraite et 1 044 unités de soins de longue durée – les USLD. S'il est certes utile de développer les SSIAD pour le maintien à domicile des personnes âgées, force est de constater qu'avec le vieillissement de la population, le nombre de places en établissement devra encore augmenter fortement. Une faible partie des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans est gravement atteinte – moins de 15 % –, mais beaucoup ont des problèmes de mobilité et ne peuvent rester à domicile. Et je tiens ici à souligner le rôle important des foyers-logements pour les personnes valides, en particulier pour les femmes qui redoutent l'isolement et la solitude de la vie à domicile.

Dans les établissements, il y a trois tarifs liés respectivement au forfait soins, à la dépendance, financée par l'allocation personnalisée d’autonomie, et à l'hébergement. La moitié seulement des EHPAD a signé la convention tripartite car beaucoup estiment que les crédits alloués sont insuffisants. Il faut bien reconnaître que l'hébergement, à lui seul, est une charge trop lourde pour la plupart des personnes concernées. C'est pourquoi je suis une fervente adepte des places temporaires et des places de jour.

Ajoutons que si, pour les USLD, la dotation minimale de convergence est de plus 70 et pour les Alzheimer, de plus 56, elle n’est que de plus 35 en EPHAD.

La France est confrontée à un très gros problème de personnel, qui lui semble propre, car nos voisins européens ont le double de nos effectifs. Rappelons pourtant que, pour les cas d’Alzheimer, il faudrait pratiquement une personne soignante par malade.

Par ailleurs, il conviendrait de créer des structures avec des chambres plus grandes.

Enfin, afin que ces établissements fonctionnent, les crédits d'État devraient être accordés dès l'avis favorable du CROSS.

Je voudrais m'appesantir davantage sur les foyers-logements dont les trois quarts des résidents, avec un GIR supérieur à 6, sont valides.

En vieillissant, ils rencontrent peu à peu des problèmes de mobilité qui peuvent les obliger à rester en chambre. Certains deviennent des cas très lourds et doivent être envoyés en EPHAD. Mais il importe d’épargner aux autres un deuxième déménagement et d’éviter de les rassembler dans des chambres contiguës, espèces de « couloirs de la mort ». Ils doivent pouvoir rester dans leur établissement si celui-ci perçoit pour eux des crédits légèrement supérieurs.

Les demandes des responsables de ces structures que j'ai reçus sont simples : conserver les foyers-logements actuels, sauf ceux de trop grande vétusté ; ne pas leur imposer de convention tripartite mais leur laisser un forfait soins revalorisable annuellement en fonction du coût de la vie, ce qui représenterait une réelle économie pour l'Etat ; ne pas leur imposer des mises aux normes trop lourdes,…

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

Mme Cécile Gallez, rapporteure pour l’assurance vieillesse. …car, si la sécurité est un objectif évident, il n'en reste pas moins que les contraintes imposées sont hors de proportion avec les risques et que l'interprétation des textes officiels diffère selon les régions. Enfin, bien que l'APA soit versée à chaque résident comme s'il était à son domicile, l'idéal serait que l’allocation soit perçue directement par le foyer-logement, qui pourrait alors recruter d'une manière plus stable des personnels, qu'il répartirait selon les besoins de chacun. À ce propos, je tiens à souligner que l'APA en EHPAD est trop faible par rapport à l'APA à domicile.

Je dirai un mot sur les USLD, dont vous souhaitez transformer certains lits sanitaires en lits médico-sociaux, pour la fin de l’année 2006 au plus tard, après avoir établi un référentiel. Espérons que cette reconversion ne s’accompagnera pas d’une brusque diminution du budget de ces établissements.

Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, de la mesure prévue à l'article 34, que je considère comme une grande mesure du PLFSS pour 2006. Elle permet d'affecter les crédits non consommés par la CNSA pendant sa montée en puissance à la modernisation et la sécurité des établissements, étant entendu que cela ne porte pas préjudice aux autres actions de la Caisse. Cela représente 500 millions d’euros : 350 millions seront consacrés aux personnes âgées et 150 millions aux personnes handicapées. Cette avancée sera très appréciée et adaptée à l'ampleur et l'urgence des besoins évalués à 1 milliard d'euros. Pour compléter cet effort, ne pourrait-on pas accorder aux établissements des prêts à taux zéro pour la part restant à leur charge ?

S’agissant des soins à domicile, il est nécessaire, comme pour les établissements, d’attirer le personnel soignant, actuellement en nombre très insuffisant, et de le former en fonction de deux critères : la compétence de soignant proprement dite et, surtout, une aptitude à faire preuve de qualités humaines.

Il me reste à vous parler de deux problèmes qui me tiennent à cœur.

En ce qui concerne les médicaments au sein des établissements, il est important que chaque malade soit servi individuellement. Il ne faut pas forfaitiser l'ensemble, car cela exclurait les personnes qui ont des traitements très coûteux.

Quant aux PUI existant dans les EHPAD, l'Ordre des pharmaciens ne souhaite pas leur regroupement pour des questions de qualité de service, comme vous le savez, monsieur le ministre.

Par ailleurs, il faut réfléchir aux frais de transport pour les personnes âgées, et en particulier celles atteintes de la maladie d'Alzheimer qui souhaitent être hébergées temporairement ou à la journée dans l'EHPAD le plus proche. Si personne dans leur entourage ne peut plus conduire – je pense au conjoint âgé –, leur déplacement est trop onéreux pour qu'elles puissent l'envisager. Sans aller jusqu’à la gratuité totale, ne pourrait-on les aider proportionnellement à leurs ressources ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Cécile Gallez, rapporteure pour l’assurance vieillesse. Voilà le fruit de quelques réflexions à partir de ce qui se vit sur le terrain.

Je terminerai, monsieur le ministre, en précisant que, sous réserve de quelques amendements, la commission a, sur ma proposition, adopté les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatives à la branche vieillesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est le premier à être présenté selon la nomenclature et les règles fixées par la nouvelle loi organique du 2 août 2005. Cette nouvelle transparence nous permet de disposer d'un texte beaucoup plus lisible ainsi que de données prévisionnelles jusqu'en 2009, qui inscrivent les données de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 dans une perspective pluriannuelle.

La vérité des chiffres souligne sans fard les enjeux pour nos finances sociales et met en évidence le défi qui est posé à notre système de solidarité. En effet, personne ne peut être satisfait de la situation de nos comptes sociaux qui sont dans le rouge et nous rappellent à l'impérieuse obligation morale de faire évoluer notre système de solidarité plutôt que d'en transférer les déficits aux générations futures. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé au législateur cette obligation en donnant valeur organique à l'article 4 bis, qui prévoit que tout nouveau transfert de dettes à la CADES devra s'accompagner d'une augmentation des recettes de la Caisse permettant de ne pas allonger la durée d'amortissement de la dette sociale. Il s'agit d'une décision du législateur correspondant à une éthique de la responsabilité.

L'évolution pluriannuelle des comptes met en évidence les branches pour lesquelles notre attention devra se concentrer. En effet, si à l'horizon 2009 la branche famille devrait retrouver un équilibre mis à mal par l'ambitieuse politique menée au service des familles pour mieux accueillir l'enfant tout en approfondissant la notion de libre choix pour les familles, si la branche accidents du travail et maladies professionnelles ne devrait pas connaître de difficultés insurmontables dès lors que les partenaires sociaux assument réellement leur responsabilité paritaire, nous devons continuer à porter une attention particulière à la branche vieillesse comme à l'assurance maladie.

Les perspectives financières de la CNAV restent préoccupantes. L'annexe B au projet de loi prévoit des déficits de l'ordre de 1,7 milliard d’euro pour 2007, 1,8 milliard d’euros pour 2008 et 2,2 milliards d'euros pour 2009. Selon les récentes projections du Conseil d'orientation des retraites, la réforme de la loi Fillon devrait améliorer les comptes de la CNAV de 4,9 milliards d'euros en 2020 et de 12,1 milliards d'euros en 2050. La CNAV devrait enregistrer un déficit de l'ordre de 4,3 milliards en 2020, contre 9,2 milliards sans réforme, mais il serait de 52,1 milliards en 2050 au lieu de 64,2 milliards ! Il reste donc encore du chemin à parcourir pour assurer le financement de notre système de retraite, qui passe pour une grande partie par le retour à une dynamique plus favorable à l'emploi dans les quinze années à peine qui nous séparent de l'horizon 2020.

Oui, mes chers collègues, les données démographiques sont têtues et devraient nous inciter à trouver le courage de poursuivre le chemin des réformes alors que certains responsables politiques – mais peut-on les traiter de responsables ? – voudraient revenir en arrière avec une insouciance coupable.

Dans ce contexte, il est nécessaire qu'une réflexion stratégique sur les objectifs attendus du fonds de réserve pour les retraites soit entreprise.

M. Jean-Marie Le Guen.. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. En effet, l'indétermination subsiste sur le rôle exact que l'on souhaite lui faire jouer après 2020 et donc sur la stratégie d'abondement à suivre en fonction de l'objectif assigné.

M. Jean-Marie Le Guen.. Voilà un discours qui change de celui à l’eau de rose du Gouvernement !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Ce fonds de pension à la française auquel sont associés tous les partenaires sociaux ne peut pas rester un fonds à objectif indéterminé…

M. Jean-Marie Le Guen.. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. …ne pouvant compter que sur des abondements incertains et sans commune mesure avec l'ampleur des besoins en matière de pensions à partir de 2020.

Des mesures devront également être prises rapidement en ce qui concerne les fonds de financement, FSV et FFIPSA notamment, mais aussi les fonds amiante, car on ne peut laisser s'accumuler des déficits qui aggravent l'endettement et les charges d'intérêt.

M. Jean-Marie Le Guen.. Oh ! Quel esprit chagrin vous êtes, monsieur le rapporteur pour avis ! Cessez donc de parler des chiffres !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Les marges de manœuvre financières sont, certes, très étroites, mais des efforts et des choix seront nécessaires.

L'assurance maladie enfin est engagée depuis un an dans une réforme que nous avons voulue comme celle du changement de comportement de tous les acteurs, fondé sur la responsabilisation de chacun afin de sauvegarder la solidarité face à la maladie. Un an après, l'occasion nous est donnée de dresser un premier état des lieux après la réforme.

Oui, le processus d'évolution des comportements est indéniablement engagé, même si la pesanteur des représentations collectives, la nostalgie des réflexes corporatistes et les lourdeurs administratives peuvent encore faire douter de la réalité des changements en profondeur chez tous les acteurs de notre système de santé.

La réforme du 13 août 2004 se met en place et permet d'observer les premiers effets de ces changements de comportement, des effets encore incertains voire insuffisants, mais des évolutions réelles qui ont permis un net ralentissement des dépenses, notamment en ville, et qui feront que, pour la première fois depuis 1997, l'ONDAM aura été respecté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je veux saluer l'exploit que représente la publication de 88 % des mesures réglementaires et la mise en ordre de marche des nouvelles instances de pilotage de notre système de santé que sont l’UNCAM, la Haute autorité de santé, et l’UNOCAM en particulier. La nouvelle convention médicale a mis en forme le parcours de soins coordonné auquel adhèrent 99 % des médecins généralistes. Avec l'UNCAM, la gestion du risque est enfin au cœur de l'assurance maladie, qui n'était devenue au fil des années qu'un organisme de liquidation des prestations à guichet ouvert sans pilotage à la hauteur des enjeux.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Eh oui !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Malgré l'ampleur du chantier et les pesanteurs évoquées plus avant, nous avons une obligation : tenir le cap de la réforme.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est un bon cap !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il reste en effet impératif que chaque euro dépensé au service de la santé des Français soit utilisé à bon escient. Il faut continuer à optimiser l'efficience de notre système de soins en gommant les mauvaises habitudes de prescription et de consommation. Le corps médical semble enfin avoir pris conscience que l'effort de maîtrise médicalisé qui lui est demandé est juste puisque les dépenses de soins de ville n'ont évolué fin septembre que de 2,2 %. Les objectifs contractualisés par la convention médicale doivent être respectés malgré un retard à l'allumage. La promotion de la juste prescription et le respect du parcours de soins coordonné doivent permettre aux médecins de ville de tenir l'engagement conventionnel. Le respect des objectifs doit conditionner l'évolution des honoraires et non l'inverse.

Dans cet esprit, la promotion du générique doit être renforcée…

M. Jean-Marie Le Guen.. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. …car avec 200 millions d'euros, nous sommes encore loin des 1,1 milliard d’euros d'économies attendues. Les orientations que vous avez engagées, monsieur le ministre, sont bonnes…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Merci !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. …et rappellent aux médecins, aux malades comme à l'industrie pharmaceutique qu'il ne saurait y avoir dans ce domaine de spécificité française.

Je veux aussi saluer le courage qui permettra de faire des économies substantielles sur des médicaments à service médical rendu insuffisant. À cet égard, il serait utile d'ouvrir un vrai débat sur l'automédication pour des produits actifs pour le bien-être et la santé.

Concernant plus globalement la politique du médicament, le débat se poursuivra sur l'équilibre à trouver entre une éthique industrielle au service de la santé et le niveau de profit des entreprises du médicament, entre la nécessaire régulation d'un marché où l'ordonnateur et le consommateur ne sont pas les payeurs directs et le souci de préserver la capacité de recherche et développement et l'attractivité du site France.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que les relations avec les industries du médicament s'inscrivent dans une véritable contractualisation pluriannuelle et dans la transparence pour éviter les à-coups conjoncturels qui font du médicament une variable de bouclage financier commode. En contrepartie, aucun état pathologique spécifique ne justifie que l'on consomme notablement plus de médicaments en France que chez nos voisins…

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. …et c'est l'un des enjeux de la réforme que d'y remédier.

M. Jean-Marie Le Guen.. Mais non, justement !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Avant de conclure, je voudrais consacrer quelques instants à l'hôpital, qui, s'il pouvait se sentir moins concerné par le débat autour de la réforme l'an dernier, doit s'inscrire pleinement dans une meilleure allocation des moyens.

En effet, l'évolution historiquement modérée des dépenses de soins de ville cache un dérapage des établissements qui ne laisse pas d'inquiéter.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Eh oui !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Les objectifs pourraient être dépassés de 650 millions d'euros en 2005. Au total, les hôpitaux auront bénéficié de plus de 2,5 milliards d’euros par rapport à l’an dernier.

La modernisation du fonctionnement, engagée par l’hôpital public, peine cependant à se concrétiser et le sentiment prédomine que les efforts des plus vertueux sont moins considérés que l'immobilisme d'autres. Il semble toujours plus facile de réclamer des moyens supplémentaires que d'engager les réformes structurantes pourtant indispensables.

Malgré l'engagement des acteurs hospitaliers qu’il faut saluer, nous devons redire que la réforme s'impose à l'hôpital et que cela implique un plus grand volontarisme dans le management de la gestion des établissements. De même, il est essentiel de rappeler que la maîtrise médicalisée y a toute sa place et doit impliquer activement l'ensemble des praticiens hospitaliers. Les malades qui sont obligés de recourir à une hospitalisation doivent être assurés d'une qualité de soins optimale. De nombreuses études montrent que d'importants progrès restent à accomplir tant dans le domaine des soins eux-mêmes que dans leur organisation.

Aussi, parce que la tarification à l'activité n'est qu'un mode de financement et non un outil de régulation des dépenses, ni de restructuration, notre commission a voté un amendement pour rétablir l'échéance intermédiaire de 2008 qui devait marquer dans la montée en charge de la T2A, la tarification à l’activité, le cap des 50 % de financement tarifaire, estimant que les ajustements du processus pouvaient s'opérer en avançant sur le chemin de la réforme.

En conclusion, nous constatons que l'on n'a jamais autant parlé de modernisation et de réforme dans le secteur de la santé. À l’évidence le mouvement est engagé. Pour réussir et sauver notre système de santé et d'assurance maladie universelle, nous devons demander aux multiples acteurs de santé de penser de façon moins corporatiste mais plus collective et solidaire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Bonne idée !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, les conservatismes ne sont plus de mise pour permettre à notre pays de préserver un système aussi solidaire face à la maladie.

Nous devons aller au bout de l'effort de maîtrise médicalisée, qui doit assurer à chacun des soins de qualité. C’est alors et alors seulement que nous pourrons aborder la question du financement nécessaire pour répondre aux besoins structurels de santé ainsi clarifiés. La croissance seule, le retour au plein emploi ne suffiront peut-être pas à compenser les effets du vieillissement et le coût croissant du progrès médical. Ce débat pourra s'appuyer sur un système de santé et de soins plus efficace et sur des finances publiques et sociales plus transparentes. Nous y aurons peut-être contribué en discutant de ce projet de loi de financement pour 2006.

La commission des finances, guidée par le souci de soutenir le Gouvernement dans son effort de redressement des comptes, souhaite encore mieux assurer le succès de la réforme. C'est dans cet esprit qu'elle a émis un avis favorable au projet de loi de financement, après avoir adopté vingt amendements qu'elle vous soumettra au cours d'un débat que nous espérons tous fructueux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à une heure la durée maximale de l’intervention de l’orateur défendant l’exception d’irrecevabilité.

M. Maxime Gremetz.. C’est scandaleux ! Certains présidents de groupe savent mieux y faire que d’autres !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous le direz à M. Bocquet !

M. Maxime Gremetz.. Je le lui ai déjà dit !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen.. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après avoir entendu les gentilles histoires et les catalogues de bonnes intentions que vous nous avez prodigués, j’avais peur de vous réveiller un peu brutalement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer.. Vous vous surestimez !

M. Jean-Marie Le Guen.. Mais je constate que les rapporteurs, y compris ceux issus de la majorité, nous ont rappelé certaines réalités.

M. Denis Jacquat.. C’est de la critique positive !

M. Jean-Marie Le Guen.. Messieurs les ministres, avec l’emploi, le dossier de la sécurité sociale constituera le plus grave échec de votre mandature. Pour la quatrième année consécutive, le Gouvernement issu de cette majorité présente un budget de la sécurité sociale lourdement déficitaire. Les déficits de la sécurité sociale, tous régimes et tous fonds confondus, se sont élevés à 11,9 milliards d’euros en 2003, à 12,2 milliards en 2004, à 15,2 milliards en 2005 et, si l’on en croit vos prévisions pourtant mensongères, à 12 milliards d’euros en 2006.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ça commence mal !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce projet de loi traduit d’abord la faillite de votre réforme de l’été 2004, la pseudo-réforme Douste-Blazy. Il s’agit d’une faillite financière puisque les déficits perdurent et que la dette enfle. L’horizon de l’équilibre s’éloigne au fur et à mesure que le temps passe. Celle-ci se double d’une faillite sociale puisque vous multipliez désormais les déremboursements – vous prétendiez hier ne pas y recourir –, et d’une faillite politique puisque tous ceux qui vous avaient accompagné dans cette réforme, à l’exception pour l’instant d’une poignée de syndicats médicaux et sans doute d’une partie du MEDEF, prennent leurs distances au point d’être, pour certains, vos principaux contempteurs. Le vote des conseils d’administration de l’ensemble des caisses de sécurité sociale sur ce projet de loi est à cet égard tout à fait significatif.

Le cumul des déficits représentera à l’issue de ces cinq années une année entière de fonctionnement de l’assurance maladie. Votre politique est lourde de menaces pour notre protection sociale car ses conséquences néfastes sur les finances de la sécurité sociale se feront sentir bien au-delà de 2007.

Bien qu’unanimement considérées comme fantaisistes et insincères, à cause de leur optimisme de commande, les projections financières que vous annoncez ne peuvent masquer un accroissement et une persistance des déficits bien au-delà de 2007. Fin 2006, vous aurez totalement utilisé la soulte de 50 milliards d’euros que vous vous étiez scandaleusement attribuée à l’occasion de la loi du 13 août 2004. Les lourds déficits des années 2007 et 2008, pour ne rien dire des suivants, ne seront pas financés, au point que vous devriez, dès l’année prochaine, être contraints financièrement et juridiquement d’augmenter à nouveau les cotisations sociales et de recourir à l’emprunt. Chacun pressent déjà quelques manipulations comptables conçues dans l’espoir d’échapper, au moins le temps des élections, à une nouvelle débandade de nos finances publiques.

Vous laisserez, à votre départ, une sécurité sociale exsangue, symptôme d'un mal encore plus profond. Ce n'est pourtant pas la générosité de votre politique sociale que l'on peut vous reprocher : les retraités et les familles peuvent en témoigner ! Notre rapporteure pour la famille a d’ailleurs souligné les carences de votre politique familiale.

Je veux insister pour ma part sur une décision subreptice, ô combien révélatrice, du projet de loi de finances, et non du PLFSS : au moment où votre majorité se démène pour exonérer de l’ISF les patrons du CAC 40 et leur octroyer ainsi des sommes astronomiques, vous avez chassé de la CMU 60 000 familles, parmi les plus pauvres de notre pays, en réintroduisant dans le mode de calcul du plafond de la CMU le forfait logement. Loin de tenir vos promesses de faire bénéficier de la CMU les 300 000 enfants pauvres qui n’y ont pas droit, vous en excluez 60 000 familles ! Ne pas avoir accès aux soins pour des raisons financières est inacceptable pour les Français, mais je vous laisse le soin de qualifier votre choix, socialement et moralement, quand il s’agit d’enfants.

Dans le même temps, notre système de soins se détériore régulièrement. Y recourir coûte plus cher et devient plus difficile pour nos concitoyens. Les augmentations des tarifs des mutuelles le prouvent. Évidemment, nous aurons l’occasion d’en discuter chiffres à l’appui, monsieur le ministre. Les Français doivent savoir que, si vous organisez les conditions du déclin de notre modèle social, la dégradation de nos comptes sociaux n’est pas fatale.

Cette débâcle financière est d’abord le résultat de votre échec en matière de croissance et d’emploi, qui fait de vous le mauvais élève de la classe européenne alors que nous étions, il y a quelques années, parmi les meilleurs. Pour vous disculper, vous affirmez votre impuissance à agir sur la conjoncture et vous invoquez la croissance mondiale, pourtant fortement repartie. Selon vous, il n’y aurait pas d’autre ambition économique possible ! Ce renoncement politique est tout simplement consternant.

Mais votre échec ne résulte pas seulement des erreurs et des faiblesses de votre politique économique. Vous n’éprouvez guère de scrupules à précariser délibérément les finances de la sécurité sociale.

Lorsqu’il faut arbitrer entre les intérêts de l’État et ceux de la sécurité sociale, vous n’hésitez pas à la sacrifier parce que, en fait, sa faiblesse vous arrange. Depuis longtemps, vous êtes nombreux, dans les rangs de la majorité, à souhaiter la privatisation de la sécurité sociale, mais vous savez tous que les Français s’y opposent très fortement. Aussi avez-vous renoncé à les convaincre, mais pas à les contraindre. L’affaissement financier de la sécurité sociale sera l’occasion, pensez-vous, de parvenir à vos fins.

La sauvegarde des finances de notre sécurité sociale est votre dernier souci. D’autres priorités, à commencer par la baisse des impôts pour les plus riches, vous accaparent et vous préférez satisfaire votre clientèle électorale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous laissez les restes à la sécurité sociale, en n’hésitant pas à culpabiliser les Français et à mettre en cause la trop grande générosité de leur modèle social. Mieux encore, vous vous lancez dans une douteuse chasse aux sorcières contre une fraude largement surestimée, comme le rappelle le rapport de la Cour des comptes. C’est une vieille technique à droite que d’opposer les Français entre eux et de répandre l’idée que la solidarité ne profite qu’aux autres.

Quand votre main gauche se satisfait des déficits, votre main droite a beau jeu de s’agiter au nom de la nécessité de rompre avec notre modèle social. À vrai dire, toutes les deux œuvrent à mettre en difficulté la sécurité sociale.

La sécurité sociale, aujourd’hui sexagénaire, vous l’avez rappelé, fête son anniversaire dans de bien tristes conditions, victime qu’elle est de maltraitances économiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Votre choix d'affaiblir les finances de la sécurité sociale transparaît déjà avec l'insuffisance des remboursements par l'État des exonérations de charges sociales, question que vous vous flattez, bien à tort, d'avoir résolue. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter le tome V du rapport sur le PLFSS pour 2006. Le coût prévisionnel des différentes mesures d'exonération pour 2005, soit 22,7 milliards, est à rapprocher des mesures non compensées qui atteindront 2,2 milliards d'euros. Pis, l’écart ne cesse d'augmenter : de 2,1 milliards en 2004, il passera à 2,2 milliards en 2005, et je l'ai dit, 2,7 milliards en 2006.

Ces chiffres traduisent les arbitrages négatifs rendus par un État qui ne remplit pas ses obligations vis-à-vis de la sécurité sociale. Or les sommes en cause, loin d’être négligeables, représentent près du tiers du déficit de l'assurance maladie.

Ainsi, dans le PLF pour 2006, à l'article 41, vous avez modifié les règles de financement des exonérations en substituant à une subvention globale des ressources affectées. Outre la manipulation budgétaire qui justifie cette opération et qui a été dénoncée par mes collègues de la commission des finances, cette décision est inquiétante. Contrairement à ce que vous avancez, monsieur le ministre, ces ressources nouvelles progressent beaucoup moins vite que les exonérations de charges sociales. Vous mettez donc en place un financement structurellement défectueux pour le remboursement des exonérations.

J'en viens maintenant, monsieur le ministre, à une petite polémique que vous avez ouverte lors d'une récente émission télévisée concernant les droits sur l'alcool et le tabac. Selon vous, j'aurais eu le « toupet » de dénoncer à tort le détournement par l'État au détriment de la sécurité sociale d'une partie des taxes sur l'alcool et le tabac. Je ne résiste pas au plaisir d’examiner avec vous les articles correspondants du PLF pour 2006.

L’article 42 concernant la répartition du droit de consommation sur les tabacs et l’alcool dispose, dans son III, que 32,46 % des sommes seront normalement affectées à la CNAM, et que 52,36 % reviendront au BAPSA, maintenant le FFIPSA. C'est déjà beaucoup plus discutable dans la mesure où l’État s’est débarrassé de la politique sociale agricole sur la sécurité sociale alors qu’elle englobe bien d'autres prestations que l'assurance maladie proprement dite. Il reste donc 15 % des taxes sur le tabac, hors TVA, qui demeurent affectées à l'État, c'est-à-dire, à peu près 1,5 milliard d'euros. Leur simple réintégration dans le budget de la sécurité sociale – je rappelle que c’est un dû – permettrait aux assurés sociaux à la fois de faire l’économie de la franchise de 18 euros sur les actes lourds et de supprimer celle de 1 euro sur les consultations, ainsi que de rendre aux salariés le lundi de Pentecôte chômé !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est comme ça qu’on règle les problèmes quand on est socialiste !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Démagogue !

M. Jean-Marie Le Guen. Un vrai pactole qui devrait revenir à la sécurité sociale !

Venons-en maintenant aux taxes sur l'alcool qui font l’objet de l'article 41 de ce même PLF. La partie des taxes sur l'alcool affectées à la sécurité sociale ne lui sera pas versée directement mais viendra en paiement des dettes de l'État qui constituent la contrepartie des fameuses exonérations. Un tel tour de passe-passe ne trompera personne : l'État paie sa dette avec l'argent de l’alcool qui aurait dû revenir à la sécurité sociale !

Monsieur le ministre, on aurait pu s’en rendre compte au premier coup d'œil ! Le toupet, c'est bien vous qui l’avez !

II est vrai qu'en matière de mauvaise foi,...

M. Denis Jacquat. De bonne foi, vous voulez dire !

M. Jean-Marie Le Guen. ...vous ne faites que suivre la logique de l'ensemble de la présentation budgétaire : insincère dans ses prévisions, votre budget est aussi l'occasion de vous livrer à une gymnastique de manipulations comptables et budgétaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L'objectif est tout à la fois de faire espérer des résultats qui confortent votre politique et de trouver des financements de raccord qui viennent au secours de sa faillite.

L'oscar de la créativité scandaleuse revient indiscutablement à l'anticipation des prélèvements sur les plans d’épargne logement. Vous aviez jusqu’à présent repoussé les dettes devant vous ; vous siphonnez maintenant à votre profit les recettes à venir. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il ne vous reste plus qu'à anticiper l’impôt sur l’héritage, du moins s'il en reste un après votre passage ! (Mêmes mouvements.) Près de 1 milliard d'euros sont ainsi appelés à intégrer dès cette année les finances publiques en faisant payer, par anticipation, l'épargnant populaire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous aviez commencé depuis longtemps !

M. Jean-Marie Le Guen. Depuis quatre ans, vous avez régulièrement plongé le fonds de solidarité vieillesse dans le déficit et sa dette atteindra plus de 5 milliards en 2006. Cette année, vous n'abondez plus que pour mémoire le fonds de réserve pour les retraites. Encore a-t-il fallu que la CNAV vous rappelle à l'ordre vertement ! Mais cela ne vous empêche pas d'affirmer, toujours avec le même toupet, que vous agissez et que vous avez réglé le problème des retraites.

Le FFIPSA porte aussi sa croix financière et vous confiez à la MSA un rôle de banquier mettant ainsi en péril les finances du régime agricole. La situation était devenue à ce point insupportable que le Gouvernement a annoncé en catastrophe un plan de reprise de la dette, bien incertain à vrai dire, mais qui se ferait essentiellement au détriment des ressources et de l'équilibre des autres régimes, ce qui est inacceptable. Nous attendons avec intérêt, d’un strict point de vue intellectuel, le PLFSS de l'année prochaine pour connaître, en la matière, vos marges de progression !

En abordant la question de l’ONDAM, on ne quitte pas complètement la manipulation financière mais on s’attaque à une politique assumée.

Dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, la détermination de l'ONDAM a toujours une valeur emblématique. Je ne reviendrai pas maintenant sur les critiques traditionnelles et unanimes qui reprochent à l'ONDAM son caractère arbitraire et non médicalisé. Les intentions qui étaient les vôtres pour y remédier ne se sont malheureusement guère concrétisées, mais il faut reconnaître que l'exercice est particulièrement difficile. J’ai d’ailleurs déposé un amendement destiné à améliorer l’ONDAM hospitalier. J'espère que vous aurez à cœur de l’accepter.

J'en viens plus directement au fond du sujet : qu'en est-il de l'ONDAM pour 2005 ? Que nous dit-il sur la régulation de l'assurance maladie ? Qu'en sera-t-il de l'ONDAM pour 2006 et des engagements que vous prenez à son égard ?

L'ONDAM pour 2005 avait été fixé à 3,2 % et il sera au moins de 4,3 %. Il n'y a pas de quoi triompher, surtout lorsqu'on analyse les différentes composantes de son dynamisme.

Tout d'abord, il faut rappeler l'erreur importante de prévision que vous avez commise en 2004 – 1,7 milliard – en surestimant les dépenses de cette année. À vrai dire, il s’agissait moins d’une erreur que d'une nouvelle facilité que vous vous accordiez : en gonflant les déficits de 2004, votre prédécesseur voulait faciliter l'exercice 2005. Il aura doublement échoué : la manœuvre était trop visible et les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Il y a quelques semaines encore, à l'occasion de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, vous annonciez que l'ONDAM ne dépasserait pas 3,8 %.Pourtant, chacun savait que les reports, toujours incertains, de la dépense hospitalière et l’inflation paradoxale de certaines dépenses liées à la T2A amèneraient à des chiffres plus importants pour l’ONDAM hospitalier et donc pour l’ensemble de la dépense.

Il en est de même de la dépense pharmaceutique.

En 2005, les IJ ont continué une baisse engagée depuis plus de deux ans, que le contexte économique explique sans doute en grande partie. La dépense en honoraires semble correspondre à vos attentes, bien qu’il soit encore trop tôt pour l’analyser et que l’apparition simultanée de phénomènes de généralisation des dépassements d’honoraires puisse, au moins en partie, l’expliquer.

Finalement, l’ONDAM 2005 est toujours aussi rétif à vos indications et les manipulations n’ont que peu d’effet : ce qui, non seulement, confirme une dépense supérieure à vos prévisions et donc non couverte financièrement, mais vient encore aggraver un déficit déjà considérable, qui n’avait pu baisser par rapport à celui de l’année précédente que par l’apport des prélèvements supplémentaires sur le revenu des Français à hauteur de 3,8 milliards – vous avez paru l’oublier, monsieur le ministre – et le paiement de la franchise de 1 euro. Aucun commentateur n’ayant pu relever d’indication positive en faveur d’un début de régulation de la dépense, comment, dès lors, envisager l’ONDAM 2006 ? Le taux de 2,7 % que vous avez retenu ne paraît pas, une fois de plus, crédible aux yeux de l’ensemble des observateurs.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Comme celui de 2005, qui a pourtant été atteint !

M. Jean-Marie Le Guen. Le taux retenu était de 3,2 % : or, il se situe à 4,3 % ! C’est sans doute ce que vous appelez l’avoir atteint !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous acceptez des marges d’erreur de 25 %, vous pouvez évidemment espérer parvenir à vos fins !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux, vous le verrez à la fin de l’année !

M. Jean-Marie Le Guen. L’ONDAM hospitalier n’a jamais été construit de façon aussi arbitraire. Peut-être nous indiquerez-vous sur quelle « base 2005 » vous entendez vous fonder pour construire l’ONDAM hospitalier de 2006 ou quel sera l’impact des différents plans que vous avez annoncés – je l’espère du moins, mais le savez-vous seulement ?

D’ailleurs, contrairement aux engagements que vous avez pris au cours du débat sur la LOLFSS, vous proposez de supprimer le sous-objectif « hôpital public ». En agissant de la sorte pour des raisons politiciennes, vous rendrez impossible le contrôle par le Parlement de la dépense hospitalière, un contrôle qui ne peut être que continu et transparent !

M. Gérard Bapt. C’est grave !

M. Jean-Marie Le Guen. Un grand nombre de nos collègues sont intervenus sur le sujet, notamment le rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet élément de contrôle de la dépense publique nous fera grandement défaut.

Quant aux autres composantes de l’ONDAM, s’agissant des dispositifs médicaux, vous prévoyez une diminution d’un volontarisme aussi brutal que tardif de 3 %, qui correspondra, à vrai dire, à 5 % pour les médicaments, puisque les dispositifs médicaux ne pourront vraisemblablement pas suivre le rythme

Peut-être devrions-nous nous satisfaire d’un ONDAM aussi volontariste en matière de médicaments sous prétexte, monsieur le ministre, que vous semblez reprendre une orientation que nous vous avions proposée il y a deux ans, lors de la réforme de l’assurance maladie. Certes, vos mesures tournent le dos à la vague de déréglementations et au laisser-faire initiés par vos deux prédécesseurs, mais c’est pour mieux taxer, baisser les prix et dérembourser. Bref, vous avez fait du médicament la variable d’ajustement de votre régulation financière, comme l’a noté le rapporteur pour avis de la commission des finances.

Chacun connaît la situation de la consommation pharmaceutique dans notre pays : trop de médicaments prescrits, et souvent mal prescrits, et un coût financier inégalé en Europe – le double de celui des Pays-Bas. Il faut agir en la matière et, il y a deux ans, nous avons demandé au Gouvernement de s’employer à la tâche : cela ne vous empêche pas de nous rétorquer que nous ne faisons jamais de proposition ! En voilà une, au moins, que vous essayez de reprendre !

Mais où nous proposions de restructurer l’offre médicamenteuse, en développant une meilleure information quant au rapport coût-avantage de notre pharmacologie, pour des raisons financières vous agissez sans discernement. Où en sont d’ailleurs, sur le sujet, nos propositions de commission d’enquête ? Nous ne les avons pas encore entendu évoquer au sein de la commission des affaires sociales. Il convient pourtant de lever la pression commerciale exercée par l’industrie pharmaceutique sur le corps médical.

Nous ne sommes pas favorables à l’usage du TFR qui fait reposer sur l’assuré le surcoût du princeps. La baisse des prix des princeps quand existe un générique peut se comprendre, mais vous n’y parviendrez pas en quelques semaines et, ce qui est plus grave encore, vous casserez la dynamique contractuelle qui s’était instaurée selon vos propres recommandations. Pour l’État, revenir sur sa parole, ce n’est pas de bonne politique.

Mme Catherine Génisson. C’est vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. En matière de substitution, l’effort ne peut reposer durablement sur la pharmacie. C’est au niveau de la prescription médicale qu’il faut incontestablement agir, en s’adressant au corps médical avec davantage de conviction et une réelle exigence.

Votre action tardive et brutale sera donc, pour l’essentiel, inefficace. Déjà, ce matin, le Gouvernement a reculé devant les pharmaciens d’officine.

M. le ministre de la santé et des solidarités. En quoi ?

M. Jean-Marie Le Guen. Mais votre volontarisme a-t-il vocation à durer plus longtemps que les quelques semaines du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

Quant aux honoraires médicaux, vous les choyez virtuellement, afin d’éviter la rébellion de la poignée de syndicats médicaux qui vous soutiennent encore, alors que 70 % des médecins ont déclaré ne pas croire à votre réforme.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. D’où sortez-vous ce chiffre ? Il est totalement faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Je reconnais qu’en raison de tous les efforts que vous avez fournis, c’est pour vous une bien triste nouvelle ! Mais telle est la vérité !

L’enveloppe que vous proposez est pourtant insuffisante pour tenir toutes vos promesses et satisfaire tous les appétits. C’est pourquoi nous sommes en droit de nous demander si vous avez vraiment l’intention de mettre en œuvre la réforme, pourtant si nécessaire, de la CCAM.

Quant aux médecins généralistes, les grands oubliés de votre réforme et de votre gestion, ce n’est pas la perspective d’une aumône de 1 euro en guise de cadeau électoral qui leur fera oublier le mépris avec lequel vous les avez traités.

Il n’y a donc pas grand risque à prévoir que cet ONDAM ne sera pas davantage respecté que le précédent, ce qui ne surprendra personne puisqu’il n’a été fixé que pour étayer la thèse purement fictive de la baisse des déficits en 2006. Le déficit supplémentaire lié à la dépense viendra s’ajouter au milliard d’euros de recettes surestimées pour accroître, bien au-delà de vos prévisions, le déficit 2006.

J’en viens maintenant à la mesure phare, si j’ose dire, de votre projet de loi : la création d’une franchise de 18 euros sur les actes supérieurs à K 50, c’est-à-dire à 91 euros.

La façon dont cette mesure a été annoncée est à l’image de son objectif réel : c’est une mesure sournoise, annoncée en catimini.

M. le ministre de la santé et des solidarités. En catimini, dans le cadre du PLFSS !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n’avez consulté personne afin de la cacher le plus longtemps possible !

Elle se présente comme une mesure financière alors qu’il s’agit en réalité d’une mesure idéologique et déstructurante pour la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Rien que cela ?

M. Jean-Marie Le Guen. Les assurés devront désormais payer 18 euros sur des actes qui, jusque-là, étaient totalement remboursés par la sécurité sociale parce qu’il s’agissait d’actes lourds – une coloscopie ou une scintigraphie, par exemple.

M. Guy Geoffroy. Les mutuelles paieront !

M. Gérard Bapt. Et pour ceux qui n’en ont pas ?

M. Jean-Marie Le Guen. S’agit-il, comme vous voulez le faire croire, d’une simple extension du ticket modérateur ? Comme son nom l’indique, le ticket modérateur a été instauré, à tort ou à raison, non pour des raisons financières mais en vue de freiner la consommation médicale de première intention, qui pouvait parfois se révéler intempestive.

M. Denis Jacquat. En quelle année a-t-il été créé ?

M. Jean-Marie Le Guen. Au moment de la fondation de la sécurité sociale.

M. Denis Jacquat. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous vouliez me tendre un piège, mon cher collègue, il n’a pas fonctionné !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Les choses ont évolué, depuis !

M. Jean-Marie Le Guen. Je le répète : si les actes supérieurs à K 50 en ont été jusqu’à présent exclus, c’est qu’ils n’ont pas vocation à être modérés puisqu’il s’agit d’actes médicaux lourds, qui ont peu à voir avec la convenance de l’assuré. L’argument de la continuité du ticket modérateur ne tient donc pas un instant.

S’agit-il alors plus classiquement d’une mesure financière ? Au regard des multiples expédients que vous utilisez afin de redonner un visage présentable à l’ONDAM 2006, il est logique de le supposer. Étant donné les sommes en cause – 200 millions d’euros, disiez-vous le matin, seulement 100 millions l’après-midi du même jour –,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous devriez être plus attentif !

M. Jean-Marie Le Guen. …on peut néanmoins en douter. Quel que soit le caractère erratique de vos estimations – vous voyez que je suis attentif, monsieur le ministre –, l’émotion sociale et politique qu’elle a fait naître, y compris dans votre propre majorité, aurait dû, en raison de son faible rendement financier, vous inciter à renoncer à une mesure aussi inique.

Si vous vous entêtez, c’est que vous lui accordez d’autres vertus.

M. Gaëtan Gorce. Un forfait qui porte bien son nom ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Et une franchise qui n’en est pas une ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Car en instaurant une franchise dont vous vous gardez bien d’inscrire le montant dans la loi, vous vous donnez la possibilité de l’augmenter à discrétion : 18 euros, ce n’est qu’une première étape – les Français l’ont déjà compris !

M. Guy Geoffroy. Que de suppositions !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais plus encore qu’une étape, c’est une brèche dans les principes de la sécurité sociale. En effet, jusqu’à présent, le débat sur les prises en charge par les assurances privées ne portait que sur le petit risque. Nous contestions ce point de vue, mais au moins limitiez-vous au petit risque votre ambition de privatisation. Vous affichez maintenant la couleur : les assurances complémentaires ont désormais vocation à financer également le gros risque et l’on devra recourir aux assurances privées pour la prise en charge des soins les plus lourds. Les assurances complémentaires font désormais partie du régime de base !

L’enjeu idéologique est à vos yeux suffisamment important pour que vous affrontiez les désaveux du Conseil de l’assurance maladie, des partenaires sociaux, de la Mutualité et de l’opinion publique, et que vous plongiez vos propres amis dans la gêne.

Pourtant, plusieurs centaines de milliers de Français, qui n’ont pas de mutuelle, risquent de différer des examens ou des soins de première nécessité, voire d’y renoncer. Les autres verront leur cotisation augmenter en conséquence.

M. Douste-Blazy s’est fait connaître par son inutile et inefficace franchise de 1 euro ; je ne doute pas que vous restiez autrement célèbre pour cette franchise de 18 euros !

Le Conseil constitutionnel sera néanmoins conduit à examiner cette question, comme il avait examiné la précédente. Nous l’avions alors saisi sur ce qui constituait une première mesure de déremboursement. Il avait considéré que le faible montant de la participation de l’assuré restait compatible avec le onzième amendement de la Constitution de 1946,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Quel « onzième amendement » ? La Constitution française n’est pas la Constitution américaine !

M. Jean-Marie Le Guen. …qui instaure le droit à la santé. Ces 18 euros, qui donnent une tout autre ampleur au déremboursement, changent évidemment les données du problème !

Par ailleurs – je l’ai déjà souligné –, la méthode que vous avez employée éclaire vos intentions : à aucun moment vous n’avez respecté les procédures prévues dans les lois que vous avez fait voter il y a moins de deux ans ! Elles indiquent pourtant avec précision les consultations sociales qui sont nécessaires à l’examen d’une telle mesure. Le Conseil constitutionnel aura sans doute matière à s’étonner d’une telle désinvolture à propos d’une mesure qui remet en cause les principes de notre sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Jean-Marie Le Guen. Par-delà l’échec financier de votre réforme, c’est aujourd’hui, pour les Français, tant l’accès aux soins que leur qualité qui se dégradent.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Allez ! Allez !

M. Jean-Marie Le Guen. Les mesures de déremboursement que vous engagez…

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. C’est Mme Aubry qui a engagé la démarche !

M. Jean-Marie Le Guen. …non seulement pèsent sur les cotisations des assurances complémentaires mais, plus encore, poussent les Français à se démutualiser – nous pourrons bientôt le constater, mes chers collègues.

Je vous propose de demander à la DRESS de faire des enquêtes sur l’actuel processus de démutualisation à l’œuvre dans notre pays !

Très rapidement, les bons chiffres de couverture complémentaire des Français vont se révéler inexacts et le nombre de Français ne possédant pas de couverture complémentaire dépassera largement les 2 millions – dernier chiffre connu.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous avons vu au contraire en quelques années une augmentation de 60 % !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas la petite augmentation de l’aide à la mutualisation, que vous proposez et qui est financée par l’assurance maladie et non par l’aide fiscale, qui résoudra le problème.

Les inégalités financières devant l’accès aux soins se développent parallèlement à la généralisation des dépassements d’honoraires, lesquels concernent désormais l’hôpital public. Mais j’imagine qu’après avoir tancé les médecins libéraux, vous nous annoncerez, au cours de la discussion, que vous irez tancer les responsables et les praticiens des hôpitaux publics qui ne respectent pas les tarifs de la sécurité sociale !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Si vous voulez des malades à l’hôpital public, il faut y développer l’activité libérale !

M. Jean-Marie Le Guen. La crise de la démographie médicale et l’anarchie dans l’organisation de notre système de soins s’ajoutent à ces difficultés pour expliquer la désertification médicale de nombreux territoires. Ce ne sont pas les mesures d’incitation financière que vous proposez qui permettront de remédier à cette situation.

M. le ministre de la santé et des solidarités. De quoi parlez-vous ?

M. Jean-Marie Le Guen. J’y viens, monsieur le ministre.

Il est vrai que vous avez pris la mauvaise habitude de n’envisager les relations avec le corps médical et de ne traiter ses motivations qu’au travers des problèmes de rémunération. Ces problèmes existent, comme dans toutes les professions. Mais ce que le corps médical nous demande aujourd’hui, et en tout premier lieu les plus jeunes de ses membres, c’est bien autre chose ! Outre le respect de la médecine générale, ils veulent un mode d’exercice mieux partagé, un allégement des tâches bureaucratiques, ainsi qu’une information et une formation plus indépendantes de l’industrie pharmaceutique, toutes aspirations que vous vous refusez à prendre en compte, parce que vous êtes victime d’un schéma archaïque et d’une idéologie désuète.

Sous le prétexte d’instaurer un parcours de soins sans autre signification qu’administrative, vous avez libéré la majorité des médecins spécialistes de l’application des tarifs de la sécurité sociale et instauré une véritable jungle tarifaire.

Mais non content d’avoir détruit, pour les médecins spécialistes, l’esprit de la convention médicale de 1971 visant à garantir l’égal accès aux soins, voici que vous incitez également les généralistes à s’affranchir de la convention en remettant en cause le régime ASV des médecins qui respectent les tarifs conventionnels.

Je souhaite me montrer solennel un instant pour vous dire que vous prenez une responsabilité considérable en déstabilisant ce régime. Car, dès lors, que resterait-il comme avantage, en contrepartie du respect, par les médecins généralistes, des tarifs permettant un bon remboursement des soins ?

C'est une autre pratique médicale qu'il faut désormais mettre en œuvre, fondée sur une ambition portée non par des revendications corporatistes, mais d’abord par une vision moderne de l’exercice de la médecine, conforme à ses valeurs et soucieuse de la qualité de vie et de travail de tous ses acteurs.

L'hôpital public, on s'en doute, n'est pas mieux traité. L’application poussive de la T2A aboutira à la déstabilisation de ce secteur du fait d’un profond sentiment d’insuffisance de financement et de poussées inflationnistes.

Abordons maintenant la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui n’est malheureusement pas celle dont on débat le plus dans l’opinion ; la santé au travail est pourtant l’objet d’un des dysfonctionnements les plus scandaleux de notre système.

Comment ne pas revenir, d'abord, sur le scandale de l'amiante et sur le retard pris par notre pays, non seulement à interdire ce produit, mais à indemniser les travailleurs si durement touchés ? Leur souffrance n’est-elle pas accentuée par le retard pris par les autorités dans la reconnaissance publique de cette catastrophe de santé publique ?

Jusqu'à aujourd'hui, aucune conclusion à la hauteur des enjeux de ce drame, aucun enseignement pour la santé publique n'ont été tirés pour la santé au travail. L'année dernière, vous diminuiez scandaleusement les moyens de la médecine au travail. On pourrait penser que la branche de la sécurité sociale chargée de la gestion du risque AT-MP serait, au moins, exemplaire, que le MEDEF aurait cette pudeur. Il n'en est rien. Faute d’avoir réformé les modalités tarifaires de façon à sanctionner le risque quand il est injustifiable, la prévention des accidents du travail est toujours aussi négligée. Nos résultats en matière d'accidentologie, vous le savez, restent bien inférieurs à ceux d'autres pays comparables, les États-Unis d’Amérique compris.

Apparemment, un bilan aussi médiocre est encore trop généreux pour le MEDEF. Vous faites mine aujourd’hui d'ignorer dans votre « lutte contre la fraude » que les déclarations d'accident du travail sont souvent détournées vers le régime général de l’assurance maladie et que les maladies professionnelles sont peu reconnues. Cela aboutit à un transfert de charges indues sur l'assurance maladie, d’une tout autre ampleur que les charges que vous dénoncez sans cesse. On attend toujours que vous sévissiez contre cette fraude ! Mais qu'espérer quand vous-même ne reversez même pas son dû à la sécurité sociale ? Un rapport issu de la Cour des comptes fixe, en matière de sous-déclaration, une fourchette allant de 350 à 700 millions d'euros, sur des critères, pourtant, à mon avis, restrictifs. Or, vous vous alignez au-dessous de la fourchette la plus basse pour calculer le reversement de la branche AT-MP à l'assurance maladie. Mieux encore, alors que la loi vous oblige à atteindre l'équilibre financier pour cette branche, vous fixez un taux de cotisation des entreprises qui ne permet pas d’y parvenir, pesant d'autant sur les finances sociales.

La santé au travail est désormais une question décisive, tant pour la santé des Français que pour le financement de la sécurité sociale. Elle mérite d'être refondée avec l'ambition de réconcilier le monde de l'entreprise avec la santé publique. Le chantier est immense et vous ne l'avez même pas abordé.

Je ne prendrai qu'un exemple. Si l'on veut convaincre nos concitoyens que l'évolution de notre démographie implique une réflexion sur l'âge de la retraite, il est impossible que notre société continue à traiter ses seniors comme elle l’a fait jusqu'à présent, en maintenant dans l'inactivité les deux tiers des plus de cinquante-cinq ans. Il est temps d’avoir une grande ambition pour la santé au travail. Car aujourd'hui quel est le salarié, s'il n'est pas dirigeant, qui puisse espérer trouver son équilibre dans une activité professionnelle au delà de cinquante-cinq ou soixante ans ? Sommes-nous condamnés à voir toutes les catégories supérieures de notre société – patrons, intellectuels, artistes, hommes politiques, responsables de médias – s'accomplir en essayant de poursuivre leur activité, parfois trop longtemps,…

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Nous sommes bien d’accord !

M. Jean-Marie Le Guen. …bien au-delà de la soixantaine, sans comprendre que l'usure du travail rend impossible cette aspiration pour la grande majorité de nos concitoyens ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avez-vous voté les carrières longues ?

M. Jean-Marie Le Guen. Faites-vous allusion à la loi Fillon, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je vous répondrai tout à l’heure.

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi nos politiques divergent-elles ? Quand vous n'avez d'autre souci, selon une fausse logique comptable, que de transformer en chômeurs de futurs retraités (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Denis Jacquat. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. …nous voulons, nous, développer le potentiel humain de notre pays et réconcilier l'activité professionnelle des plus de cinquante ans avec leur vie et celle de leur famille.

En ce qui concerne la CNSA, vous avez écouté les critiques que nous avons émises sur sa création et notamment celles concernant les risques de doublons avec l’assurance maladie. Mais, si vous avez tenu compte de certaines de nos remarques, vous n’êtes pas allés jusqu’à modifier le prélèvement injuste du fameux lundi de Pentecôte, source de la cacophonie que l’on sait.

Nous constatons que la collecte a été faite cette année alors même que le conseil d'administration de la CNSA n'était pas en place. En ce qui concerne les seules personnes âgées, 280 millions d'euros n'ont aujourd’hui pas été dépensés. Il est essentiel pour des raisons de crédibilité et pour les besoins sociaux qu’il représente, que cet argent soit affecté à la mise aux normes et à la création de places en établissement et qu'il ne soit pas détourné de son objectif initial. Je vous rappelle que 50 millions d’euros avaient été versés l'année dernière, mais qu’ils n’avaient pas profité à notre offre de soins. Nous constatons, par ailleurs, que les décrets sur le droit à compensation des personnes handicapées n’ont toujours pas paru.

En conclusion, monsieur le ministre, nous pensons que votre projet de loi de financement de la sécurité sociale est irrecevable : irrecevable socialement parce qu'il accroît les injustices, irrecevable politiquement parce qu'il est fait tout de renoncements et de faux-semblants, irrecevable constitutionnellement, parce qu'il est insincère et que l'instauration d'une franchise sur les actes lourds rompt avec les principes d'égalité devant la santé.

Nous proposons, pour notre part, un autre chemin. Il sera difficile parce que nous ne pourrons faire l'économie des difficultés que vous laisserez derrière vous. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous devrons assumer et le temps perdu, et l’accumulation des dettes accumulées, et la désorganisation du système.

Une autre politique de santé devra à la fois mobiliser l'effort financier, le courage politique et l'innovation sociale. L'effort financier car nous n'avons pas pour objectif de réduire les dépenses de santé, bien au contraire : nous savons qu'il faudra investir pour moderniser notre système de santé et lui donner toute son efficacité. En revanche, nous voulons rendre l'effort public plus efficace. Nous respecterons l'équité des principes de la sécurité sociale et refuserons la perspective de transférer des charges sur les familles. Nous n’emprunterons pas, contrairement à vous, le chemin de la privatisation.

L'avenir de l'équilibre financier de notre sécurité sociale dépend d'abord directement de la politique de croissance et d'emploi que nous conduirons. Nous avons réussi ce pari entre 1997 et 2001.

M. René Couanau. Jospin, reviens !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez échoué durant cinq années. Nous répartirons mieux l'effort financier et nous arrêterons de sacrifier les finances sociales dans les arbitrages au sein des finances publiques.

Au sein même de votre majorité, plusieurs parlementaires veulent désormais réfléchir à un autre mode de financement de l'assurance maladie, convaincus que vous êtes dans une impasse. Les cotisations pèsent trop lourdement sur le travail et pas assez sur les profits. Nous procéderons à un rééquilibrage. Cet effort financier pour la solidarité doit s’accompagner d’innovation sociale pour l'efficacité.

M. Guy Geoffroy. Vous n’avez rien fait pendant cinq ans !

M. Jean-Marie Le Guen. En matière d’innovation sociale aussi, vous avez tourné le dos à l'avenir. Je me suis déjà exprimé sur la nécessité d’une autre politique du médicament. Les réformes que vous avez engagées à l’hôpital sont en train d'échouer par maladresse et parti pris idéologique.

M. Guy Geoffroy. Allons, allons !

M. Jean-Marie Le Guen. Pour ce qui est de l’offre de soins, vous n'avez d'autre boussole que celle de l'alignement sur une idéologie archaïque, inefficace et injuste. Vous avez exacerbé comme jamais les inégalités au sein du corps médical ; vous avez humilié la médecine générale (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous avez mis en péril l'accès aux soins.

M. Guy Geoffroy. Rien que ça ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il faudra donc établir un nouveau contrat avec les professionnels de santé, puisque vous avez gaspillé beaucoup de ressources et gâché de nombreuses occasions.

En matière d'exercice professionnel, il faudra rompre avec le dogme et l'exclusivité du paiement à l'acte. C'est d'ailleurs ce que vous demande Philippe Séguin au nom de la Cour des comptes. C'est aussi ce qu'attendent, de plus en plus nombreux, les praticiens, soucieux d'une amélioration de leur qualité de vie et de l’exercice de leur métier.

Il faudra du courage politique, enfin. Jacques Chirac n'en a pas manqué quand il a fait bouger les règles de la sécurité routière, ou sur le tabac, et j'attends que l'on discute bientôt de cette question au Parlement.

M. Guy Geoffroy. Un socialiste qui parle de courage politique !

M. Jean-Marie Le Guen. À chacune de ces occasions, nous vous avons soutenus, le souci de l'intérêt général l’emportant sur l'aspect politique. J'espère que, lorsque nous mettrons en œuvre les réformes urgentes de santé publique qui s'imposent, nous bénéficierons du même soutien de votre part.

Santé au travail, lutte contre l'épidémie d'obésité, politique de santé mentale, prévention du vieillissement,…

M. Guy Geoffroy. Rien que ça ?

M. Jean-Marie Le Guen. …ces chantiers, parmi bien d'autres, dont dépend l'avenir de notre système de santé, constitueront notre priorité.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, quel qu’il soit, le Gouvernement devra affronter une situation financière de l’assurance maladie aussi abyssale qu'en 2003, des perspectives d'évolution annuelle aussi difficiles…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. …mais, et c'est la sinistre différence, avec la charge d'une dette accrue de 60 milliards d'euros, quatre ans de perdus et un système de santé encore plus désorganisé et fragilisé dorénavant par la baisse de la démographie médicale.

Mais je comprends, monsieur le ministre, que, dans votre situation, vous songiez moins à promouvoir votre politique qu'à affirmer qu'il n'y en a pas d'autre possible. Vous voulez amener les Français à vous suivre sur le chemin de la fatalité et du recul de leurs droits. Nous ne vous y accompagnerons pas.

Nous n'avons pas non plus l'intention de vous proposer des rustines ni de potion miracle : nous avons l’intention de proposer une autre voie pour notre système de santé. (« Laquelle ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Que cette motion de procédure mérite bien son nom, monsieur Le Guen ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Elle est irrecevable !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Aucun des arguments que vous avez présentés ne semble en effet recevable et je ne suis pas certain d’être le seul à le penser dans cet hémicycle.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour débattre, il faut que chaque côté formule des propositions. De votre part, j’ai entendu des remarques parfois, des critiques certes, mais des propositions jamais. Quel dommage ! Sur ces sujets, relevant aussi de l’intérêt général, pourquoi êtes-vous muet ? Pourquoi vous montrer si disert sur certains points, mais pourquoi est-ce le désert à chaque fois que vous devez faire des propositions ? Je ne me l’explique pas. Pourquoi ne mettez-vous pas votre verve au service d’idées qui transcendent les clivages ? Sur tous les points que vous avez évoqués, vous ne sortez pas de la polémique, hélas. En effet, comme le montrent les enquêtes d’opinion, quand ce n’est pas l’emploi ou la sécurité, le premier motif de mobilisation des Français, depuis de très nombreuses années, reste la santé.

Laissez-moi vous dire, monsieur Le Guen, que, déjà à l’occasion de la discussion de la réforme de l’assurance maladie, de la loi organique, du projet de loi de financement l’an dernier, on pouvait regretter, comme aujourd’hui, que vous nous renvoyiez à la promesse illusoire qu’un jour nous aurions ce débat, que vous nous présenteriez enfin vos propositions.

Du reste, vous savez bien que le passé révèle souvent la qualité des propositions que l’on est à même de faire. Aussi, quel dommage que, pendant toutes ces années où vous étiez aux responsabilités, où vous avez bénéficié de la croissance,…

M. Guy Geoffroy. Et de la cagnotte !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …où vous auriez pu engager des réformes, vous n’ayez rien fait. Ceci ne plaide en aucune façon pour la recevabilité de vos arguments, ni pour aujourd’hui ni pour demain. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Le groupe des député-e-s communistes et républicains soutient l’exception d’irrecevabilité fort bien présentée par Jean-Marie Le Guen.

Nous ferons des propositions…

M. Denis Jacquat. C’est bien, de faire des propositions !

M. Maxime Gremetz. …notamment en déposant des amendements, car nous avons notre conception de la réforme.

On doit bien admettre l’échec de cette réforme qu’on nous présentait comme extraordinaire, l’échec d’une réforme profondément injuste, dont vous accélérez aujourd’hui la mise en œuvre. Injuste puisqu’elle renforce l’étatisation en matière de gouvernance et puisque, je le répète, elle nous engage en même temps sur le chemin de la privatisation.

Médecins, spécialistes, fédérations hospitalières : nombreux sont ceux qui dénoncent avec nous la rupture de l’égalité d’accès aux soins. Dans une étude que vous ne pouvez ignorer, monsieur le ministre, et qui est dénuée de tout caractère politique, des experts démontrent que l’instauration du parcours de soins et du médecin traitant favorise ceux qui ont de l’argent : ils pourront se permettre de se rendre directement chez le spécialiste, tandis que les autres devront d’abord aller chez leur médecin traitant puis attendre six ou huit mois un rendez-vous dans telle ou telle spécialité. Cela revient, concluent les auteurs, à instaurer directement une médecine à deux vitesses.

Pour ne prendre qu’un exemple, ce projet de loi de financement vise à faire payer 18 euros pour les maladies de longue durée…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, et plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non !

M. Maxime Gremetz. C’est au moment du référendum qu’il fallait dire non, mes chers collègues ! (Sourires.) Les Françaises et les Français l’ont d’ailleurs bien compris !

La vérité est que jamais dans l’histoire de notre sécurité sociale, dont nous fêtons le soixantième anniversaire, on n’a vu cela : à votre initiative, les maladies de longue durée ne seront plus remboursées à 100 %. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bruno Gilles. À l’évidence, vous n’avez lu ni le texte du projet ni le rapport !

M. Maxime Gremetz. Vous pouvez toujours nier : à charge pour vous d’aller vous expliquer ensuite devant vos électeurs ! Après tout, monsieur le président, je ne suis pas là pour convaincre mes collègues de l’UMP. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent : la sanction suivra. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette manière de dire oui quand il faut dire non et non quand il faut dire oui est extraordinaire : vous êtes toujours à contre-courant de l’histoire, mes chers collègues de la majorité !

Voilà pourquoi le groupe communiste votera l’exception d’irrecevabilité défendue par M. Jean-Marie Le Guen.

M. Gérard Bapt. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. Je serai bref, car nous aurons plus tard tout le loisir de discuter le projet en détail.

À ma connaissance, monsieur Le Guen, c’est une exception d’irrecevabilité que vous avez défendue. Peut-être n’ai-je pas été assez attentif, mais je crains de n’avoir pas saisi les arguments démontrant l’inconstitutionnalité de ce projet de loi. Ou bien vouliez-vous simplement disposer d’un temps de parole suffisant pour dire tout le bien que vous en pensez : après tout, c’est la loi du genre !

Pour le groupe UDF, le texte semble conforme à la Constitution. Du reste, si un problème venait à se poser, le Conseil constitutionnel y mettrait bon ordre en censurant un ou plusieurs articles, comme il le fait chaque année.

En revanche, nous attachons beaucoup d’importance à l’examen du PLFSS, qui représente la modique somme de 373 milliards d’euros et qui intéresse tous les Français, puisqu’il permet le financement des retraites, de la politique familiale et de la politique de santé. En outre, les prélèvements qu’il établit pèsent lourd sur l’économie. C’est donc avec la plus grande attention que nous l’étudions chaque année.

S’il est vrai, monsieur le ministre, que votre texte, en l’état, n’est pas satisfaisant (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), nous avons confiance dans la capacité du Parlement à l’améliorer, tout comme dans votre capacité d’écoute : vous avez toujours marqué votre attachement à la représentation nationale et vous vous êtes déclaré prêt à accepter des amendements. Il est donc permis d’espérer qu’à l’issue de nos débats ce texte sera amélioré conformément à nos souhaits et que, peut-être, il pourra être voté.

M. René Couanau. Quel optimisme ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Luc Préel. Vous avez reproché à M. Le Guen de ne pas faire assez de propositions, monsieur le ministre. Le groupe UDF, pour sa part, en a fait de nombreuses qui, ces derniers mois, n’ont pas toujours été retenues. Il nous a ainsi semblé dangereux de laisser à un « proconsul », comme disent certains, la gestion de l’assurance maladie, sans contrôle démocratique. Nous avons également plaidé pour une plus grande autonomie des conseils d’administration des établissements : ce n’est pas avec la « nouvelle gouvernance » que l’on va en prendre le chemin, bien au contraire ! Pus généralement, nous pensons qu’il faut responsabiliser l’ensemble des acteurs et développer la prévention et l’éducation à la santé, et sommes bien entendu favorables à la régionalisation et à la création attendue des agences régionales de santé.

Vous pouvez donc compter sur moi, monsieur le ministre, pour vous faire des propositions au nom de l’UDF : vous ne pourrez me faire la même réponse qu’à M. Le Guen !

Nous ne voterons donc pas l’exception d’irrecevabilité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et souhaitons que le débat s’engage le plus rapidement possible.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin, pour le groupe socialiste.

M. Claude Évin. Comme M. Jean-Marie Le Guen l’a brillamment démontré,…

M. Guy Geoffroy. « Brillamment » n’est-il pas un peu excessif, mon cher collègue ? (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Évin. …il y a dans ce texte des motifs d’inconstitutionnalité. Je reprendrai brièvement deux arguments.

D’une part, l’insincérité des comptes, déjà relevée par le Conseil constitutionnel. Les prévisions du Gouvernement présentent un caractère hautement incertain, comme cela a déjà été largement développé dans les médias au moment de la publication du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.

D’autre part, ce texte introduit un biais nouveau dans le principe de prise en charge des dépenses de santé. Jusqu’à présent, un consensus s’établissait autour du principe de la prise en charge à 100 % non seulement pour les affections de longue durée – ce que le projet ne remet pas en cause –, mais aussi en cas d’hospitalisation de plus trente jours ou d’intervention classée au-dessus de K50. Désormais, pour des prises en charges particulièrement lourdes mais ne correspondant pas nécessairement à une affection de longue durée, on veut faire intervenir les couvertures complémentaires. Le principe de solidarité est ainsi remis en cause, alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 13 août 2004 réformant la sécurité sociale soulignait bien la nécessité de veiller à ce que la participation des assurés sociaux ne soit pas trop élevée. On pourra toujours objecter que ces 91 euros ne sont pas une somme considérable : il n’empêche que l’on met là en place un dispositif qui permettra demain de remettre en cause le principe de solidarité.

Quant aux propositions, monsieur le ministre, nous en avons fait. Si tous les gouvernements ont ajusté au fur et à mesure, comme il est nécessaire de le faire, la prise en charge des dépenses de santé par l’assurance maladie, vous savez très bien qu’en choisissant cet unique moyen vous agissez à court terme. Tel est notre critique principale, et c’est là qu’interviennent nos propositions. Vous souhaitez, nous avez-vous dit lors de votre intervention liminaire, que notre système de santé soit organisé dans une plus grande complémentarité. Le cloisonnement du système était d’ailleurs le principal grief adressé par le Haut conseil de l’assurance maladie avant l’examen de la loi portant réforme de l’assurance maladie. Nous avions à l’époque émis des propositions que vous n’avez pas voulu reprendre : développer l’organisation de l’offre de soins en réseau, favoriser la coopération entre les établissements et créer des agences régionales de santé qui permettent de piloter véritablement cet ensemble.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela fait déjà trois propositions !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous sommes parfaitement d’accord avec ces orientations !

M. Claude Évin. Tant que nous n’aurons pas réorganisé l’offre de soins, les mesures à court terme du type de celles que vous nous proposez se révéleront rapidement insuffisantes.

Vous pourriez donner un gage de votre volonté d’aller vers le décloisonnement : l’ordonnance de septembre 2003 met en place un dispositif destiné à organiser la coopération entre les établissements de santé, avec la création de groupements de coopération sanitaire. Un tel outil permettrait de développer des réseaux de santé où coopéreraient des établissements et des professionnels libéraux. Voilà deux ans que les décrets d’application devraient être sortis !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous n’allez plus attendre longtemps, monsieur Évin !

M. Claude Évin. J’espère que ce sera dans les toutes prochaines semaines, monsieur le ministre, car de tels outils permettraient justement la réforme de l’offre de soins à laquelle nous aspirons tous.

Bref, monsieur le ministre, vous voyez qu’un dialogue sur des propositions est possible avec l’opposition. Les critiques que vous avez adressées à Jean-Marie Le Guen étaient totalement infondées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Denis Jacquat. Bon rattrapage ! Force est de reconnaître que vous avez été meilleur que M. Le Guen, mon cher collègue ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Donner des leçons de morale n’a jamais été une preuve de vertu,…

M. Maxime Gremetz. Vous critiquez les curés, maintenant ?

M. Bernard Perrut. …surtout quand on use de propos aussi caricaturaux et aussi peu crédibles. M. Jean-Marie Le Guen veut nous entraîner sur un registre inacceptable lorsqu’il parle de débauche financière, d’échec, de maltraitance, mais il ne trouve pas, et pour cause, les arguments pour démontrer l’inconstitutionnalité de ce texte !

C’est qu’il veut faire oublier les résultats de votre réforme, monsieur le ministre, à commencer par le redressement des comptes de l’assurance maladie – la nette diminution du déficit, rappelons-le, tient à la mise en œuvre de la loi du 13 août 2004 – et la perspective de revenir à 6,1 milliards en 2006.

Mme Catherine Génisson. Allons donc ! Personne n’y croit !

M. Bernard Perrut. Vous devez admettre que ces chiffres marquent une rupture, monsieur Le Guen, et cesser de dire aux Français que nous ne sommes pas sur la bonne voie. Vous ne pouvez nier, d’ailleurs, le net infléchissement de l’évolution des dépenses de soins de ville : pour la première fois, l’objectif de dépenses fixé par la loi de financement est respecté. Les efforts complémentaires demandés à l’industrie du médicament ou aux organismes de couverture complémentaire nous permettront de faire face et de mener à bien cette réforme.

Je pourrais également reprendre vos propos concernant l’ONDAM, le prélèvement sur les plans d’épargne logement, les mesures de contrôle ou le forfait de 18 euros, mais le débat nous permettra d’y revenir.

Pour l’heure, nous rejetons l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, n° 2575 :

Rapport, n° 2609 (tomes I à V), de MM. Jean-Pierre Door, Jacques Domergue, Mmes Marie-Françoise Clergeau et Cécile Gallez, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2610, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)