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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 27 octobre 2005

39e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Loi de financement
de la sécurité sociale pour 2006

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (nos 2575, 2609).

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement, sur le fondement de l’article 58, je pense.

M. Jean-Marie Le Guen. Exactement, monsieur le président !

M. le président. Quel alinéa ?

M. Jean-Marie Le Guen. J’en laisse le choix à votre discrétion, car vous êtes meilleur connaisseur que moi de ce règlement !

M. le président. Je crois deviner. (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. L’Assemblée a voté ce matin une diminution de 90 millions d’euros de la taxe sur l’industrie pharmaceutique, ce qui correspond à peu de chose près au produit de la mesure que le Gouvernement va nous présenter prochainement, à savoir la franchise de 18 euros. Je proposerai, à ce moment-là, – je préfère en prévenir dès maintenant le Gouvernement – que nous rétablissions la taxe sur l’industrie pharmaceutique, de façon à ce que le Gouvernement supprime ce prélèvement sur les familles.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous en revenons à la discussion des articles.

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi leur examen, s’arrêtant aux amendements portant articles additionnels après l’article 15.

Après l’article 15

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l’amendement n° 151.

Mme Muguette Jacquaint. Notre amendement a pour objectif d’inciter les industries pharmaceutiques à donner plus de moyens à la recherche.

Dans un ouvrage intitulé Le grand secret de l’industrie pharmaceutique, paru aux éditions La Découverte, en 2003, Philippe Pignarre explique que l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui l’activité la plus rentable du monde, avec un taux de profit moyen de l’ordre de 19 %, devant les banques pour lesquelles la moyenne est de 16 %. Ce constat l’amène à poser deux questions décisives : comment est obtenu ce résultat ? Est-il justifié au regard du service rendu à la société par l’industrie pharmaceutique ?

Ces questions ne sauraient être éludées lorsque l’on sait que les dépenses de médicaments augmentent de 9,1 % par an en moyenne depuis 1980. Ainsi, les dépenses de médicaments remboursables représentaient plus de 16 milliards d’euros en 2004. Et cela n’est pas essentiellement lié au comportement irresponsable des patients ou des praticiens, contrairement à ce que tend à faire croire une propagande que je qualifierais de calomnieuse. En effet, ce ne sont pas les pratiques des usagers et des médecins qui sont susceptibles d’expliquer pourquoi les prix des médicaments se sont élevés de 63 % en France entre 1990 et 2001, alors que, sur la même période, l’augmentation n’excédait pas 28 % en Italie et 17 % en Allemagne.

Des profits colossaux, une politique tarifaire scandaleuse mais aussi et, surtout, une insuffisance d’innovation criante caractérisent l’industrie pharmaceutique d’aujourd’hui.

Selon la revue Prescrire, en vingt ans, sur 1 996 nouveautés vendues, seulement sept mériteraient d’être considérées comme véritablement innovantes. Cela signifie que les groupes pharmaceutiques ont tendance à concentrer leur effort sur un nombre réduit de thérapeutiques destinées à soigner les maladies cardio-vasculaires, l’asthme, les maladies sanguines et infectieuses, les maladies osseuses, ou sur certains vaccins, bref, des pathologies fréquentes, sur lesquelles il est réputé rentable d’investir.

Cette absence d’innovation est également liée au fait que 30 % des dépenses des principaux groupes pharmaceutiques seraient dédiées à la communication tandis que seulement 14 % seraient consacrées à la recherche.

Philippe Pignarre écrit très justement, à la page 27 de son dernier ouvrage : « Les industriels argumentent généralement en faveur du droit à la publicité en expliquant qu ‘elle rend le marché plus transparent en créant des consommateurs mieux informés. Mais il apparaît tout de même un peu paradoxal de confier à l’offre les moyens et la tâche de représenter la demande ! »

De toute évidence, un tel déséquilibre entre effort de recherche et frais de communication est inacceptable au regard des situations sanitaires dramatiques que nous connaissons tous.

Aussi les députés du groupe communiste et républicain estiment-ils qu’il est plus que temps que les pouvoirs publics adoptent une démarche réellement incitative à l’égard de l’industrie pharmaceutique. Là, comme ailleurs, le libre jeu du marché a montré son incapacité à satisfaire les besoins de la population : la valeur d’usage est sacrifiée au profit de la valeur marchande.

Nous proposons donc, par le présent amendement, d’encourager les laboratoires à augmenter leurs dépenses de recherche. Les entreprises pharmaceutiques qui ne dégageraient pas un effort de recherche équivalent à au moins un tiers de leur chiffre d’affaires subiraient une majoration de 10 % de la contribution prévue à l’article L. 245-2 du code de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général, afin de donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 151.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Madame Jacquaint, j’ai eu à rédiger un rapport sur la recherche privée et publique face au défi international ; je peux donc vous assurer que l’industrie pharmaceutique fait partie des bons élèves pour ce qui concerne les investissements de recherche. Vous parlez de 14 % du chiffre d’affaires ; certains laboratoires investissent même jusqu’à 20 % dans la recherche !

M. Philippe Vitel. Absolument !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est dire que votre amendement ne s’impose pas : avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 151.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis : défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 151.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour défendre l’amendement n° 352.

M. Bruno Gilles. Il s’agit, une nouvelle fois – nous avons déjà eu de bons échanges à ce propos – de clarifier notre relation avec l’industrie pharmaceutique. Nos collègues, Jean-Marie Le Guen et Claude Évin, se sont déjà exprimés longuement à ce sujet. Pour ma part, j’attendais pour le faire le présent amendement qui permet de rétablir un peu de justice sociale et financière, tout en essayant d’avoir un impact positif sur la recherche et sur l’emploi.

En effet, l’amendement n° 352 tend à instituer un plafonnement des contributions spécifiques demandées à l’industrie pharmaceutique, en particulier pour les six que j’énumère : la taxe sur les ventes directes, la taxe sur la promotion, la contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, tissus et cellules, produits de santé autres que les médicaments et prestations associées, la taxe sur le chiffre d’affaires, la clause de sauvegarde, la remise conventionnelle et la taxe sur les spécialités pharmaceutiques.

Certaines de ces contributions, en particulier la taxe sur la promotion et la clause de sauvegarde, entraînent de notables inégalités de traitement entre les différentes entreprises de l’industrie pharmaceutique. L’augmentation importante des assiettes ou des taux de ces contributions prévue par ce projet de loi renforcera encore cette disparité et affaiblira considérablement les sociétés de taille moyenne. En outre, le manque de visibilité – cela a déjà été évoqué – sur l’évolution de ces contributions menace l’attractivité de la France pour l’industrie du médicament, alors même qu’elle est l’un des axes prioritaires de l’action gouvernementale.

C’est pourquoi cet amendement propose de plafonner l’ensemble de ces contributions à un niveau qui ne soit pas rédhibitoire à l’égard de cette industrie.

Nous proposons, par conséquent, de fixer le plafonnement à 5 % du chiffre d’affaires annuel de chaque entreprise concernée. Ce taux permettra des rentrées supérieures à celles qu’attend le Gouvernement de ces contributions spécifiques pour 2005. En effet, si l’on prend les chiffres annoncés au titre de cet exercice, on s’aperçoit que l’on arrive à un total de 932 millions d’euros, ce qui représenterait, aujourd’hui, 4 % du chiffre d’affaires total de l’industrie pharmaceutique. Le taux de plafonnement que je propose – 5 % – donnerait donc une marge supplémentaire de 1 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 352.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 16

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet article traite de la compensation par l’État des exonérations de cotisations sociales que l’État décide dans sa politique pour l’emploi.

Vous prévoyez, monsieur le ministre, un montant de 21,6 milliards pour 2006. Plusieurs problèmes se posent, selon moi, cette année.

Premièrement, pourquoi voulez-vous basculer, cette année, cette ligne du budget de l’État sur la loi de financement de la sécurité sociale, au lieu de maintenir tout simplement le principe de la compensation par l’État ? C’est pourtant bien à ce dernier de financer des exonérations qu’il décide.

Deuxièmement, pourquoi ne pas affecter à cette compensation une ressource unique ? Vous prévoyez neuf impôts et taxes différents, que je tiens à citer parce que c’est éloquent : taxe sur les salaires à hauteur de 95 % du produit ; droits de consommation sur les alcools ; droits sur les bières et les boissons non alcoolisées ; droits de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels ; droits de consommation sur les produits intermédiaires ; taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire ; taxe sur les primes d’assurance-automobile ; TVA brute sur les produits pharmaceutiques, commerce de gros ; TVA brute sur les tabacs. On se croirait revenu au temps du FOREC, pourtant si décrié !

Monsieur le ministre, est-il sérieux de prévoir un tel catalogue à la Prévert pour compenser les exonérations de cotisations ? Mieux vaudrait une taxe unique affectée. Par ailleurs, l’État peut-il garantir que la compensation perdurera ?

Le troisième problème a trait à la compensation intégrale des exonérations prévue depuis la réforme de 1994. Nous avons voulu en inscrire le principe dans la réforme de la loi organique. Or, pour 2006, il manquera 2,7 milliards d’euros, notamment en raison des contrats d’avenir et des contrats d’accompagnement dans l’emploi, contrats nouveaux dont les exonérations ne sont pas compensées. Cela est contraire à la loi. L’État met donc à la charge de la protection sociale une dette de 2,7 milliards. C’est inadmissible.

Dans son rapport, M. Door souligne qu’il s’agit d’un réel problème et insiste lui aussi sur le fait que l’État devrait compenser intégralement les exonérations de cotisations qu’il a décidées.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet article est une innovation en ce qu’il consiste à transférer du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale des exonérations de charges liées à la politique nationale de l’emploi. Cette mesure montre que, pour vous, la réforme de l’assurance maladie passe par l’étatisation du budget de la sécurité sociale.

Au cours de la discussion de la première partie de la loi de finances, la semaine dernière, un long débat s’est instauré au sein même de la majorité dont plusieurs membres, en tout premier lieu le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget, s’interrogent sur l’efficacité des allégements de charges. Et voilà que vous proposez de les accroître et de les transférer au budget de la sécurité sociale ! En outre, la barémisation, sans aucune contrepartie en matière d’emploi, d’investissement et de recherche, institutionnalise l’allégement des charges sur les bas salaires, fige la situation et instaure désormais une contribution du budget de la sécurité sociale à la politique nationale de l’emploi.

Cette année, vous nous assurez une compensation euro pour euro, mais nous avons déjà été échaudés par la compensation « à l’euro près », promise lors du transfert du RMI aux départements. Tous les conseils généraux, de droite comme de gauche, ont fait l’amer constat qu’on en est loin. Cela étant, à supposer que la compensation soit intégralement versée, je partage le sentiment de M. Préel qui s’interroge sur la façon dont elle est obtenue, au moyen d’impôts et taxes différents : 95 % du produit de la taxe sur les salaires – 9 milliards –, droits sur les bières et les boissons non alcoolisées – environ 400 millions –, sur la circulation des vins – 120 millions –, sur la consommation des produits intermédiaires – 126 millions –, sur la consommation des alcools – 1,9 milliard –, taxes sur les primes d’assurance automobile – 1 milliard.

Comment s’effectueront les compensations au-delà de 2006, le montant des exonérations de charges étant appelé à croître – si l’on en croit vos prévisions de progression de la masse salariale –, alors que les recettes seront, elles, beaucoup moins dynamiques ? Par ailleurs, la régularisation nécessaire ne pourra, au mieux, être constatée que l’année n + 1 et intervenir l’année n + 2, si bien que, pendant deux ans, le budget de la sécurité sociale servira de trésorerie pour les entreprises.

Enfin, le produit des taxes sur l’alcool et le tabac devrait être intégralement versé à la sécurité sociale pour financer des actions de santé publique et l’offre de soins. Or il sera détourné de son objet puisqu’il servira à compenser des exonérations de charges dont, à aucun moment, la sécurité sociale n’a eu à décider.

Notre inquiétude est vive, d’autant que, contrairement à ce qu’avait promis M. Douste-Blazy devant le Sénat au début de l’été 2004, il y a bel et bien eu de nouvelles exonérations sans compensation : je pense aux nouveaux contrats de la loi Borloo ou bien encore au « bonus Villepin ».

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L'article 16 est une grande nouveauté, car il fixe le montant des compensations des exonérations de cotisations sociales patronales.

S'il est vrai qu'il apporte une certaine transparence, il n'en demeure pas moins qu'il entérine un principe de plus en plus décrié, à commencer par le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin qui, déjà en 2004, s'interrogeait sur l'opportunité d'accorder ces exonérations en raison du rapport bénéfice-coût. En effet, on peut s’interroger sur le bénéfice pour l’emploi au regard du coût pour les comptes de la sécurité sociale.

Plus récemment encore, le président de la commission des finances indiquait, lors de l'audition du Gouvernement sur ce projet de loi en commission, que le taux des cotisations patronales pour la protection sociale était passé de 46 % à 20 %. Il aurait d’ailleurs pu aller plus loin, en précisant que, pour la sécurité sociale, ces taux avaient été réduits de 30 % à 4 % au niveau du SMIC.

Selon lui, « il n'est pas certain que les employeurs s'en soient rendu compte ». Mais si, justement, et ils s'en sont bien servis. Le problème est qu'il n'y a aucune contrepartie en termes de création d'emplois. Pourtant ce n'est pas faute de vous avoir alertés puisque, depuis plusieurs années, nous dénonçons ce phénomène croissant et la dispersion des deniers publics sans effets sur l'emploi.

De ce point de vue, votre gouvernement atteint des sommets, avec des pics allant, ces deux dernières années, jusqu'à 21 milliards d'exonérations de cotisations : autant de moyens qui pourraient être affectés au financement de la protection sociale.

Décidément, le déficit de la sécurité sociale est bien entretenu, car s'il n'y avait pas ces exonérations de cotisations, on pourrait utiliser les taxes et impôts sur les tabacs, l'alcool et les assurances automobiles pour financer la prévention et faire ainsi réaliser des économies à l'assurance maladie plutôt que de compenser des cadeaux sans lendemain au patronat.

L'échec est sur toute la ligne : inefficacité pour l’emploi, pression sur les salaires et argent dépensé sans fondement. Ce constat milite, une fois de plus, en faveur d’un financement alternatif tel que nous le proposons.

En revanche, monsieur le ministre, cet article est censé compenser les exonérations pour l'année 2006. Mais comment comptez-vous rattraper le retard pour rendre à la sécurité sociale le montant des années pour lesquelles la compensation n'a pas été à l'euro près ? Il s'agit d'un passif de 32 milliards en treize ans, dont le remboursement permettrait de combler le déficit.

J'ajoute que ce dispositif est incomplet, car il ne touche qu'aux compensations d'exonération de cotisations patronales. Que faites-vous des cotisations qui n'ont pas été recouvrées ? A cet égard la dette envers la sécurité sociale est estimée à près de 2 milliards d'euros.

Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que le Gouvernement prenne l'engagement de rembourser à la sécurité sociale tout ce que l'État lui doit. Il s'agit d'ailleurs d'une recommandation de la Cour des comptes dont je me fais l’écho, en espérant qu’elle sera suivie par notre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Cet article, destiné à renforcer la lutte contre le travail dissimulé, appelle quelques observations.

Certes, le Gouvernement semble manifester sa volonté de lutter contre une forme de délinquance patronale. Cela mérite d'être salué tant l'action menée depuis plus de trois ans a permis de douter de sa détermination en la matière.

En tout cas, les premiers à y gagner seraient les employeurs responsables et respectueux de la légalité républicaine, car ils mesurent à quel point ils ont intérêt à ce que le contrôle de l'application de la législation du travail soit efficient. Toutefois, force est de constater que le Gouvernement ne se donne pas les moyens de ses ambitions.

En effet, l'inspection du travail, telle que nous la connaissons aujourd'hui, née de la loi du 2 novembre 1992, est sinistrée. Les chiffres sont éloquents : alors qu’en 1910 il y avait 110 inspecteurs pour 3 millions de salariés, en 2004, ils étaient 427 pour 15,5 millions de salariés. Comment peut-on croire que 427 inspecteurs du travail, assistés de 813 contrôleurs, soit 1 240 agents pour 1,2 million d'entreprises, peuvent efficacement remplir leurs missions, notamment renforcer l'efficacité de la lutte contre le travail au noir ? Cette situation appelle des réponses autres que celles qu’on nous donne aujourd’hui.

Nous sommes donc en droit d'émettre de sérieux doutes sur votre volonté de lutter contre le travail dissimulé, plus couramment appelé « travail au noir ». Ces doutes sont d'autant plus justifiés au regard du dépôt par quatre-vingt-un députés de l'UMP – il y a plusieurs mois déjà – d'une proposition de loi visant à réformer le statut de l’inspection du travail et à en changer la dénomination.

M. Philippe Vitel. Absolument !

Mme Muguette Jacquaint. Selon ses auteurs, ce texte vise à recentrer les activités des inspecteurs sur leurs missions traditionnelles relatives à la sécurité et à l'hygiène des salariés. S'il venait à être adopté, il remettrait en cause le droit d'entrée et de visite des inspecteurs ainsi que leur indépendance, garantie par la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail.

Cette proposition de loi, qui s'inscrit dans un contexte intellectuel et idéologique de remise en cause du droit du travail et, plus généralement, de toute notion d'ordre public social, a suscité une vive émotion au sein du monde du travail. Si elle n'a jamais été mise à l'ordre du jour, elle n'a pourtant jamais été reniée ni par le Gouvernement ni par les principaux responsables de l'UMP.

Nous nous demandons donc, monsieur le ministre, si l'article 17 ne répond pas essentiellement à un souci d'affichage. Vous voulez assurer la population de votre détermination à lutter contre le travail dissimulé, tout en passant sous silence l'absence criante de moyens permettant de satisfaire cet objectif. Nous y reviendrons, d'ailleurs, à l'occasion de l'examen de l'article 57.

Certes nous ne comptons pas nous opposer à l'adoption de cet article, mais nous souhaitions en souligner les insuffisances au regard des prétendus objectifs du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet article prend en compte une réalité, celle du travail illégal, pour mieux la combattre. Nous ne pouvons qu’en approuver le principe. Encore faut-il s’en donner les moyens ; sur ce point, Mme Jacquaint a raison. Or le contrôle est rendu de plus en plus difficile par l’augmentation du nombre de salariés dont chacune des différentes sections de l’inspection du travail a la charge. En outre, dans les petites entreprises –notamment dans le bâtiment –, avec la rémunération directe au moyen d’un titre emploi entreprise ayant valeur de contrat de travail, il sera quasiment impossible, sauf à multiplier les contrôles, de prouver le caractère illégal de la présence d’un salarié.

Je veux traiter plus particulièrement du VI de l’article, qui consolide l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs cocontractants étrangers.

Dans ma commune, le contrôle d’un contrat de sous-traitance passé par une entreprise générale de bâtiment avec une société européenne – polonaise, en l’occurrence – a entraîné une double démarche : d’une part, la transmission du dossier au procureur de la République pour délit de marchandage, d’autre part la saisine de la délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal. Il a en effet été impossible aux contrôleurs et aux inspecteurs du travail d’avoir connaissance de la rémunération des salariés concernés. Selon la réglementation européenne, en effet, le niveau du SMIC national constitue le minimum salarial dans le cas d’un détachement de ce genre. Cependant, il est très difficile pour un inspecteur de contrôler la réalité d’une rémunération versée à l’étranger et dans une monnaie différente.

J’ai adressé à M. le ministre du travail une lettre sur le sujet, mais je voudrais d’ores et déjà savoir si le paragraphe VI de l’article 17 s’appliquera également aux contrats de sous-traitance, fussent-ils légaux – ce qui n’était pas le cas en l’espèce –, lorsqu’ils sont passés avec des entreprises étrangères mais situées dans l’Union européenne.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 17.

La parole est à M. Yves Bur, pour présenter l’amendement n° 354.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Pour la cohérence et la lisibilité de la mesure d’annulation des réductions et exonérations, celle-ci doit pouvoir s’exercer sans ambiguïté, quelle que soit la forme de la dissimulation d’emploi salarié constatée : absence de déclaration préalable à l’embauche ou de bulletin de paie, déclaration partielle des heures effectuées… Il convient ainsi de viser le quatrième et le cinquième alinéas de l’article L. 324-10.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Défavorable : les mesures dissuasives à l’égard des abus ou dissimulations sont parfaitement définies dans l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 354.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre l’amendement n° 153.

Mme Muguette Jacquaint. Le texte proposé pour le deuxième alinéa de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale dispose que le non-respect par un employeur ou un travailleur indépendant des dispositions de l’article L. 324-9 du code du travail entraînera l’annulation des mesures de réduction et d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions acquittées auprès des organismes de sécurité sociale.

Faute de précision supplémentaire, le projet de loi permet à un employeur ou à un travail indépendant fautif de conserver toute aide publique qui lui aurait été versée. Les députés communistes et républicains jugent incohérent d’annuler d’un côté les réductions ou exonérations de cotisations tout en maintenant de l’autre le bénéfice des aides publiques. Le présent amendement donne donc à notre assemblée la possibilité d’affirmer plus nettement encore son refus d’accorder le bénéfice de la solidarité nationale aux employeurs affichant leur mépris à l’égard du code du travail. Nous proposons que l’intégralité du montant des aides publiques perçues soit remboursée.

Une telle mesure est loin d’être anodine, comme le montre une brochure de l’agence française pour les investissements internationaux, organisme présidé par Mme Clara Gaymard dans laquelle on peut lire : « L’éventail des aides ouvertes aux entreprises en France est très large. […] Les soutiens revêtent des formes variées : subventions, prêts bonifiés, crédits d’impôt, rabais immobiliers, etc. Ils sont proposés par l’État et par les collectivités locales – régions, départements, communes, structures intercommunales. » Parmi ces aides, dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines, citons la prime d’aménagement du territoire, gérée par la DATAR, les aides du FEDER, le Fonds européen de développement régional, ou encore celles du Fonds de développement des PMI.

Serait-il acceptable que les destinataires des flux financiers liés à ces divers dispositifs d’aides publiques en conservent le bénéfice malgré leur recours au travail dissimulé ? Il convient donc d’adopter cet amendement de justice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 153.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur pour soutenir l’amendement n° 355.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il serait plus simple – et c’est l’objet de l’amendement – de faire reposer le calcul de la suppression totale ou partielle de la mesure d’exonération sur la base des rémunérations dissimulées – relevées ou estimées – rapportées aux rémunérations totales soumises à cotisations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 355.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 302 de la commission est bien rédactionnel ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 302.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour défendre l’amendement n° 356.

M. Yves Bur rapporteur pour avis. Le IV de l’article 17 a pour objet d’intégrer dans le code de la sécurité sociale les sanctions applicables en cas d’obstacle à contrôle et de les alourdir.

Cette intégration entraîne la suppression de la dernière phrase de l’article L. 243-11 du code de la sécurité sociale, prévue au III de l’article 17 ce qui a pour effet de faire disparaître les références aux sanctions prévues par le code du travail en ce qui concerne l’inspection du travail.

Dans le contexte de renforcement de la lutte contre le travail dissimulé et de la répression des fraudes, et compte tenu du drame dont ont été victimes un inspecteur du travail de l’agriculture et un inspecteur de la MSA en septembre 2004, il apparaît inapproprié de supprimer une disposition visant à la protection des corps de contrôle.

C’est pour cette raison que le présent amendement propose d’insérer dans le code de la sécurité sociale un nouvel article permettant de reprendre les dispositions prévues pour les inspecteurs du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 356.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 249 de M. Decool n’est pas défendu.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. J’ai précisé dans mon intervention sur l’article que je ne m’opposerais pas à son adoption, mais j’ai soulevé, à travers mes amendements, des questions très importantes.

Sur le travail dissimulé, le contrôle des fonds publics, les exonérations dont le bénéfice ne va pas à l’emploi, je trouve le silence du Gouvernement bien pesant. Je sais que nos collègues souhaitent terminer rapidement la discussion du projet de loi, mais sur des problèmes aussi importants, j’entends obtenir des réponses.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous aimerions en effet, monsieur le président, que le Gouvernement réponde à nos questions. Je l’ai moi-même interrogé sur l’application de l’article 17 aux contrats de sous-traitance lorsque la réglementation européenne destinée à protéger les salariés ainsi détachés…

M. le président. Monsieur Bapt, le Gouvernement va vous répondre.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, lorsque nous posons des questions sur un article du projet de loi, nous aimerions que le ministre nous réponde avant sa mise aux voix,…

M. le président. Je n’ai pas encore mis l’article aux voix !

M. Gérard Bapt. …dans la mesure où ses propos peuvent influer sur notre vote.

M. le président. C’est ce qu’il va faire, en ministre respectueux de la représentation nationale qu’il est. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Vous m’avez interrogé, monsieur Bapt, ainsi d’ailleurs que M. Préel, sur les exonérations de cotisations.

Mme Muguette Jacquaint. Je vous ai également posé des questions !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Bien entendu.

M. le président. Personne ne vous oublie, madame Jacquaint. (Sourires.)

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Les ressources fiscales affectées à la sécurité sociale dans le cadre de la diversification de ses recettes sont constituées pour l’essentiel – c’est-à-dire pour les trois quarts – du produit de la taxe sur les salaires et de celui de la TVA sur les médicaments et le tabac. Il convenait de les compléter à hauteur exacte des exonérations de cotisations sociales, d’où cette impression d’un inventaire à la Prévert.

Je rappelle par ailleurs que, si nous avons mis en œuvre le principe de la compensation de ces exonérations, c’est parce que les gouvernements que vous avez soutenus, monsieur Bapt, madame Jacquaint, …

Mme Muguette Jacquaint. Non !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …sont allés jusqu’à un taux de 50 % d’exonérations non compensées.

Mme Muguette Jacquaint. Je n’ai jamais été favorable aux exonérations sans contreparties !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Aujourd’hui, ce taux est tombé à 10 % grâce à l’effort accompli par le Gouvernement avec le soutien de sa majorité.

J’ajoute que, sur les 9,4 milliards d’euros de droits sur les tabacs, la plus grande partie – soit 8 milliards – finance actuellement les régimes d’assurance maladie, ce qui est d’ailleurs logique. Cela répond à votre préoccupation, monsieur Bapt.

Mme Muguette Jacquaint. Vous n’avez pas répondu à mes questions sur les inspecteurs du travail !

M. le président. Je mets aux voix l’article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 18.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 18 fixe les prévisions pour 2006 des recettes des régimes obligatoires de base et du régime général. Il est bien sûr important dans la mesure où il permet le financement des dépenses concernant les retraites, la politique familiale et la santé pour l’année 2006. Néanmoins les recettes seront certainement insuffisantes pour pouvoir assurer l’équilibre avec les dépenses de protection sociale. J’ai donc bien peur, monsieur le président, que Philippe Séguin, qui vous a précédé dans ce fauteuil et qui préside désormais la Cour des comptes, ne se présente à nouveau devant nous l’année prochaine avec son œil malicieux pour affirmer que la sécurité sociale n’est plus financée en France. J’espère le contraire, mais j’en doute.

Les recettes s’élèvent pourtant à 363 milliards d’euros, une somme non négligeable, mais, à nos yeux, surévaluée, parce que calculée sur des prévisions économiques manifestement optimistes. Une fois de plus est mise en évidence l’insincérité de la présentation budgétaire.

Aujourd’hui, tous les économistes éminents s’accordent à reconnaître que la croissance ne sera pas de 2,25 %, mais qu’elle se situera probablement entre 1,5 et 1,8 %. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas tenir compte de leur avis ? Cette surévaluation est dangereuse, car elle risque de conduire – cela apparaîtra dans le bilan de l’année prochaine – à un creusement du déficit, ce qui renforcera le scepticisme de nos concitoyens quant à la capacité du Gouvernement à gérer la protection sociale.

Je ne reviendrai pas sur la nécessité de compenser la totalité des exonérations de cotisations. Vous venez de me répondre que l’État veillerait à leur financement. Je vous rappelle toutefois, monsieur le ministre, qu’il manque encore 2,7 milliards de cotisations non compensées pour des mesures pour la plupart décidées en 2005, ce qui est regrettable.

Vous allez cependant créer des recettes nouvelles en ponctionnant notamment l’industrie pharmaceutique sans tenir compte des engagements contractuels antérieurs. Vous prévoyez une augmentation des cotisations vieillesse de 740 millions, une hausse des cotisations accidents du travail de 400 millions, enfin un prélèvement sur les prêts épargne logement de 717 millions. Au total, cela représentera 2,8 milliards de recettes nouvelles, sans compter l’augmentation d’un euro du forfait journalier hospitalier et la mise en œuvre, dont nous discuterons ultérieurement, de la franchise de 18 euros. Tout le monde sera donc mis à contribution pour tenter de diminuer le déficit de notre protection sociale dont nous reparlerons sans doute l’année prochaine.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, nous sommes longuement intervenus sur cette question depuis le début de l’examen de ce texte.

Personne ne croit à vos prévisions, qu’il s’agisse des recettes ou des dépenses. Pour les recettes, comme vient très justement de le préciser M. Préel, tous les experts considèrent que, tout comme les années précédentes, vos prévisions de croissance et de progression de la masse salariale, ne correspondent pas à la réalité. Pour ce qui est de la maîtrise médicalisée des dépenses, personne ne croit en vos prévisions d’économies au vu de ce qui s’est passé en 2005.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est bien parti !

M. Gérard Bapt. Cette année, vous aviez annoncé près de 1 milliard d’économies sur la maîtrise médicalisée : vous n’en réaliserez que les deux tiers, et encore, les deux tiers de ces deux tiers sont-ils dus à la réduction des indemnités journalières pour arrêts de travail. Cela s’explique, certes, par un changement de comportement face aux prescriptions, mais aussi par la pression sociale. Toujours est-il que, l’an prochain, les économies réalisées sur les indemnités journalières marqueront un palier parce qu’elles ne pourront être poursuivies à ce rythme. Les économies seront donc réalisées sur les affections de longue durée ou par le recours à l’ordonnancier bizone, c’est-à-dire le transfert d’une partie des dépenses sur les mutuelles et sur les patients.

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas accepter les prévisions ainsi chiffrées dans cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons très souvent évoqué, dans le débat général, les chiffres de 2004 et 2005. Les doutes sur la crédibilité de ces recettes et de ces dépenses demeurent. J’imagine que vous déposerez un sous-amendement tendant à préciser votre réaction à la suite du vote par l’Assemblée d’une diminution des recettes issues de la taxe sur l’industrie pharmaceutique. Je pourrais, quant à moi, suggérer de rétablir momentanément cette taxe et de supprimer la franchise des 18 euros. Les Français y seraient sensibles !

Vos propositions sont marquées par un fort déséquilibre entre les efforts demandés aux entreprises et ceux exigés des assurés. Le rapport est d’un à trois.

Je vais le montrer en reprenant la liste des mesures gouvernementales : la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires pour financer la CMU, qui sera payée, in fine, par les mutualistes, représentera 750 millions d’euros ; le ticket modérateur de 18 euros rapportera 100 millions et nous sommes gentils – puisque vous avez vous-même parlé, monsieur le ministre, de 200 millions – et la création de la classe remboursée à 15 % pour les veinotoniques, prise en charge par l’assurance maladie, correspondra à 250 millions d’euros ; le déremboursement des 156 médicaments, sauf à ce que vous exigiez des médecins qu’ils ne les prescrivent plus et que vous ne preniez la décision de les retirer de la pharmacopée, représenteront une charge de 130 millions d’euros pour les familles ; de plus, le forfait journalier hospitalier passera de 14 à 15 euros, soit un coût supplémentaire pour les familles de 100 millions d’euros ; le TRF généralisé apportera 200 millions d’euros ; les actes de prévention, dont on n’a pas encore beaucoup parlé, mais qui incomberont très exceptionnellement et très bizarrement aux assurés par le biais de leurs mutuelles, donc des contrats dits de responsabilité, se monteront à 300 millions d’euros. Avouez que faire supporter la charge de la prévention par les mutuelles est tout de même une innovation !

Au total, 1,7 milliard d’euros de dépenses supplémentaires pèseront sur les assurés.

Du côté des entreprises, il y aura les 400 millions d’euros de la hausse de la cotisation sur les accidents du travail, mais la branche restera déficitaire et très insuffisamment financée. Je vous fais grâce de l’augmentation du taux des cotisations de la branche vieillesse de 0,2 point sur l’assiette plafonnée, dont 0,15 point sur la cotisation salariale et 0,05 point sur la cotisation patronale. J’imagine que vous reviendrez en la matière à 0,1 point. La taxe sur la C3S représentera 70 millions d’euros auxquels s’ajouteront 50 millions d’euros procurés par notre vote sur la taxe sur les industries pharmaceutiques.

Au total, l’effort demandé aux entreprises s’élèvera à 750 millions d’euros.

Telle est la réalité de l’équité de vos comptes. C’est assez significatif. De plus, l’ONDAM ne sera pas respecté. Loin d’être tournée vers la satisfaction des assurés, cette politique va encore accroître leur insatisfaction !

M. le président. J’appelle maintenant les amendements à l’article 18.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, pour soutenir l’amendement n° 12 rectifié.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cet amendement tend à rendre la présentation du texte conforme à la loi organique.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités pour donner l’avis de la commission.

Il m’a également semblé, monsieur le ministre, que vous souhaitiez en profiter pour répondre aux intervenants sur l’article. (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Tout à fait, monsieur le président, car je suis favorable à l’amendement.

Monsieur Le Guen, ce n’est pas parce qu’on parle fort que l’on parle juste. Vous n’avez fait qu’énoncer des contrevérités à une exception près : le ticket modérateur de 18 euros pour les actes supérieurs à 91 euros représentera effectivement 100 millions d’euros. Cela signifie soit que vous êtes mal informé et j’aurai grand plaisir à vous éclairer ; soit que vous cherchez à mal informer, ce que je ne veux pas imaginer, mais sait-on jamais !

Ainsi le prélèvement sur les organismes complémentaires ne représentera pas 350 millions d’euros, comme vous l’affirmez, mais 200 millions d’euros, et à peine 160 millions, si vous considérez le solde réel.

A propos des médicaments à service médical rendu insuffisant, les SMRI, je veux d’abord souligner que vous n’êtes pas chargé des questions de santé au sein du parti socialiste. Or celui qui y exerce la responsabilité pour ce secteur a demandé au Gouvernement de suivre l’avis de la Haute autorité de santé et de ne plus rembourser les 221 médicaments en cause. Êtes-vous en désaccord avec lui ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je me suis exprimé ce matin sur ce sujet, monsieur le ministre, mais vous n’étiez pas là ; c’est dommage !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Le Guen, il m’arrive de m’exprimer ici et vous n’êtes pas toujours là.

M. Jean-Marie Le Guen. Quand je vous interroge, je suis là !

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’ai la courtoisie de ne pas vous le faire remarquer à chaque fois, sauf à risquer de me répéter !

Quoi qu’il en soit, ne me reprochez pas aujourd’hui d’avoir suivi ce conseil du parti socialiste au motif que la mesure a un coût !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela signifie-t-il qu’il n’y aurait pas de coût parce qu’un responsable du parti socialiste aurait dit qu’il n’y en aurait pas ?

M. le président. Monsieur Le Guen, laissez M. le ministre vous répondre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cela vous dérange-t-il que je continue, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous en prie !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Les veinotoniques vont être remboursées à 15 % pendant deux ans, parce qu’il n’existe pas aujourd’hui d’alternative thérapeutique, mais nous avons, dans le même temps, décidé d’en diminuer le prix, ce qui bénéficiera aux patients concernés, à l’assurance maladie et aux organismes complémentaires. Ne prétendez donc pas que cela représentera un coût supplémentaire.

En ce qui concerne la prévention, il est hors de question de transférer le coût des actes aux organismes complémentaires. Nous voulons en créer de nouveaux qui puissent être pris en charge par lesdits organismes au titre des contrats responsables. Nous cherchons à faire plus et mieux. N’additionnez donc pas des choux et des carottes et ne nous faites pas croire que les assurés sociaux paieront davantage.

En vérité, nous demandons aujourd’hui, des efforts aux assurés, c’est vrai, mais nous en demandons également à l’industrie du médicament et aux organismes complémentaires.

Je le dis et je l’assume après m’en être entretenu avec les uns et les autres : il n’y aura pas d’augmentation des cotisations en 2006. Il s’avère d’ailleurs que, depuis ce matin, je ne suis plus le seul à le dire, monsieur Le Guen !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’aurai ainsi grand plaisir à vous lire, dès que je les posséderai, les conclusions particulièrement instructives résultant de la séance du haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Tout le monde pourra ainsi y voir clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’article 18 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 303 et 304 de la commission portant sur l’annexe C sont rédactionnels et ont l’accord du Gouvernement.

Je mets aux voix l’amendement n° 303.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 304.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’annexe C, ainsi modifiée.

(L’annexe C, ainsi modifiée, est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, le fait d’être pour ou contre le remboursement des SMRI n’influe en rien sur le coût qui sera supporté par les assurés. J’ai d’ailleurs distingué les veinotoniques des autres médicaments. De toute façon, cela représentera une charge pour les assurés…

Mme Muguette Jacquaint. Absolument !

M. Jean-Marie Le Guen. …sauf si vous aviez le courage de demander qu’il ne faut plus prescrire ces médicaments. Or ce n’est pas ce que vous dites, bien au contraire. Vous affirmez, en effet, qu’ils doivent toujours être prescrits.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Arrêtez vos mensonges !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez absolument le droit d’estimer que cette mesure est médicalement et socialement utile, même si je ne suis pas tout à fait d’accord, comme je l’ai précisé de matin.

Mme Claude Greff. On ne rembourse pas non plus les tisanes !

M. Jean-Marie Le Guen. Néanmoins, elle aura un coût. Vous conduisez une politique : assumez-la !

Quant aux chiffres vous avez soutenu, dans une émission télévisée, que l’ensemble de l’argent tiré des droits sur les alcools et le tabac était destiné à la sécurité sociale. Je maintiens, ici, à la lecture des articles 41 et 42 du projet de loi de finances, que ces propos sont mensongers ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vous qui dites des mensonges !

M. Jean-Marie Le Guen. N’importe qui, ici, peut se procurer ces articles du projet de loi de finances et vérifier mes dires. Cela est écrit noir sur blanc dans le texte ! Vous avez donc menti, monsieur le ministre ! (Mêmes mouvements.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vous qui êtes un menteur ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.).

M. le président. Arrêtez les invectives !

M. Jean-Marie Le Guen. Lisez l’article 41 ! Vous êtes un menteur !

Mme Claude Greff. C’est insupportable !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vous qui êtes un menteur professionnel ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. L’article 41 du projet de loi de finances prévoit explicitement que 15 % du produit des droits sur le tabac iront à l’État, soit 1,5 milliard d’euros cette année !

L’article 42 dispose que les exonérations de charges dues par l’État à la sécurité sociale seront payées avec l’argent des droits de l’alcool. Jean-Luc Préel a d’ailleurs cité cet article tout à l’heure.

Cela signifie que l’État alimente ses caisses avec l’argent de la sécurité sociale. Le produit des droits sur l’alcool ne va pas véritablement à la sécurité sociale ; il permet surtout à l’État de se défausser de ses dettes.

Voilà la réalité, monsieur le ministre. Vous pouvez continuer à parler de toupet ou de mensonges, mais n’importe qui peut lire les articles 41 et 42 et constater que soit vous ne connaissez pas vos dossiers soit vous mentez effrontément. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Quelle incorrection !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Vous détenez la vérité, monsieur le ministre, mais vous la déteniez aussi pour le PLFSS de l’an dernier. Or quand on compare les chiffres qui avaient été annoncés et ce qui se produit aujourd’hui, force est de constater que cette vérité a été largement démentie.

Vous êtes satisfait que le chômage diminue, mais, je le constate dans ma circonscription et dans mon département et je ne dois pas être la seule, il y a beaucoup de gens qui ne sont plus au chômage parce qu’ils sont radiés. Ils sont RMIstes, ce qui engendre des frais supplémentaires pour les départements.

Vous détenez la vérité absolue : moi, je n’ai jamais dit que je la détenais, mais il y a les chiffres des spécialistes, ceux des économistes, puis vos propres chiffres, et nous savons les lire. Nos collègues de la majorité prétendent que nous mentons à propos des taxes sur le tabac et l’alcool. Prenez la parole et démontrez-nous que nous ne disons pas la vérité ou que nous lisons mal.

M. le président. Personne ne ment, chacun a sa vérité ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien ! Voilà qui est sage !

Mme Muguette Jacquaint. Il faut cesser de tromper : quand on dérembourse des médicaments, arrêtons de dire que cela ne va rien coûter aux usagers, parce que les compensations que vous demandez aux mutuelles ou aux assurances vont bien sortir de leurs poches.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Que j’aimerais convaincre M. Le Guen, mais je pense que cela demanderait beaucoup d’énergie ! Je n’en manque pas, mais je préfère la dépenser sur d’autres sujets.

M. le président. D’autant que l’objet du débat parlementaire d’aujourd’hui n’est pas de convaincre M. Le Guen.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est dommage, monsieur le président ! Parlons donc de convergence, car, sait-on jamais !

M. Jean-Marie Le Guen. De toute façon, cela ne risque pas !

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’ai pourtant tout mon temps !

M. Jean-Marie Le Guen. Ne vous inquiétez pas : je resterai plus longtemps que vous dans l’hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Évitons de genre de réflexion !

M. Bruno Gilles. C’est petit !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il serait plus intéressant, monsieur Le Guen, de reprendre le script de l’émission à laquelle vous avez fait référence. En effet que vous ai-je dit au cours de cette émission dont je garde un souvenir assez sympathique ?

M. Jean-Marie Le Guen. Comme nous tous !

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous êtes allez trop loin dans vos propos et vous avez dérapé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout !

M. le président. Monsieur Le Guen, M. le ministre a eu la courtoisie de vous écouter sans vous interrompre ; faites de même !

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, excusez-moi, monsieur le président.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Au cours de cette émission j’ai donc tout simplement souligné que, à la différence de ce que vous aviez fait avec le FOREC, c’est-à-dire détourner l’argent de la sécurité sociale pour financer les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialistes. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), nous avons, grâce à notre réforme de l’assurance maladie, fait passer 1 milliard d’euros du budget de l’État vers la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Et le déficit !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas avec les plus gros mensonges que vous masquerez vos turpitudes passées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Article 19

M. le président. La commission a présenté l’amendement n° 13 qui tend à supprimer cet article dont le contenu a été intégré à l’article 18.

Je mets aux voix cet amendement.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 19 est supprimé.

Article 20

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 20 est théoriquement le plus important de ce projet de loi de financement puisqu’il s’agit du tableau d’équilibre par branche pour 2006. Il est en tout cas le plus symbolique.

Il prévoit ainsi un déficit de 10,1 milliards, auquel il convient d’ajouter celui du fonds de solidarité vieillesse et celui du FFIPSA, respectivement de 1,5 et 1,7 milliard, soit au total 13,3 milliards. Malheureusement, celui-ci sera sans doute dépassé.

En effet, ainsi que je l’ai souligné en intervenant sur l’article 18, les recettes sont manifestement surévaluées, puisqu’elles ont été estimées sur la base d’une croissance à 2,25 %.

Quant aux dépenses, elles seront sans doute proches de la réalité pour la branche retraite et pour la branche famille.

Pour la branche retraite, il suffit de regarder la démographie car l’on connaît le nombre de personnes qui feront valoir leurs droits à la retraite. Force est cependant de relever qu’il y aura une perte de pouvoir d’achat pour les retraités puisque vous avez annoncé une revalorisation de 1,8 % des retraites en 2006 alors que les chiffres de l’inflation publiés ces derniers jours montrent qu’elle a été de 2 % sur un an.

En revanche, les dépenses de l’assurance maladie seront certainement supérieures aux prévisions, non pas que je ne souhaite pas la poursuite de l’inflexion constatée en 2005, laquelle a eu, en grande partie, une raison psychologique comme le note notre rapporteur M. Door, mais parce que l’ONDAM est sous-évalué. Nous en reparlerons en examinant l’article spécifique.

L’enveloppe pour l’hôpital ne permettra même pas une simple reconduction des moyens.

Pour la médecine de ville, le taux global de 0,9 % est pour le moins très volontariste. Vous le déclinez en une hausse de 3,2 % pour les honoraires et une baisse de 3,3 % pour les prescriptions. Qui peut croire qu’un tel taux négatif pour les prescriptions est tenable ? Personne, je pense.

En ce qui concerne les honoraires, vous devrez probablement financer une revalorisation car les médecins vous demanderont de tenir les engagements pris. Il avait en effet été prévu que, s’ils réalisaient 998 millions d’économies, ils auraient droit à une revalorisation. Ils en auront réalisé probablement 600 à 650 millions, plus d’ailleurs sur les indemnités journalières que sur les prescriptions d’antibiotiques ou de statines, mais vous n’échapperez à leur demande.

Vous aurez également sans doute à faire face aux demandes des professions paramédicales. Les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes doivent entreprendre des négociations pour leurs propres conventions et ils solliciteront à juste titre une revalorisation de leurs honoraires.

Vous devrez par ailleurs financer les gardes et les astreintes, ce qui est très attendu aujourd’hui, ainsi que l’augmentation promise aux chirurgiens, qui, apparemment, ne sont pas satisfaits que la promesse de l’année dernière n’ait pas été tenue, et la mise en œuvre du secteur optionnel.

Pour l’UDF, tant que les professionnels ne seront pas associés en amont aux décisions et, ensuite, en aval, à la gestion de crédits régionalisés, on aura beaucoup de mal à mettre en œuvre une réelle maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Comme Mme Greff, j’ai consulté ces fameux articles de la loi de finances qu’a évoqués M. Le Guen. Il est effectivement loisible de constater qu’une bonne partie des droits sur le tabac vont au budget de l’État pour financer, notamment, le fonds national d’aide au logement ou la couverture maladie universelle, la loi de financement elle-même étant parfois citée. M. Le Guen avait donc tout à fait raison.

Pour la compensation des exonérations, nous dressons le même constat : les droits sur l’alcool, tous droits et taxes confondus, pour 2,5 milliards d’euros, ainsi qu’une fraction de la TVA sur les tabacs et les produits pharmaceutiques, soit un total de 5,4 milliards d’euros, vont certes en recettes à la sécurité sociale, mais en compensation des exonérations accordées au titre de la politique pour l’emploi. Ce ne sont donc pas des recettes directes pour le budget de la sécurité sociale.

Je m’étonne, monsieur le ministre, que vous contestiez le fait que les économies réalisées grâce à la maîtrise médicalisée n’atteindront cette année que les deux tiers de votre objectif qui était d’un milliard d’euros. Ce sont les chiffres qui ont été cités lors d’un petit déjeuner comme en organise régulièrement la CNAM avec un certain nombre de mes collègues ici présents. Les syndicats de médecins expliquent que c’est parce qu’il y a eu du retard à l’allumage et que la maîtrise médicalisée ne doit être prise en considération qu’à partir du mois de mars ou d’avril, comme si, depuis la sortie de la loi en août 2004, ces éléments ne pouvaient pas être pris en considération. En tout cas, quelle que soit l’explication, seulement les deux tiers des économies prévues seront réalisées, dont les deux tiers dûs à la diminution des indemnités journalières.

Pour l’an prochain, vous prévoyez 890 millions d’euros d’économies grâce à la maîtrise médicalisée. Nous souhaitons bien entendu que les prescriptions se fassent au mieux, en fonction des accords de bon usage des protocoles de soins. Reste que, si l’on connaît un certain succès sur le plan de l’antibiothérapie, et nous nous en réjouissons, il y a beaucoup de retard et beaucoup de difficultés pour les statines et les psychotropes. Les prescripteurs ne sont pas seuls en cause, dans la mesure où l’information médicale n’est toujours dispensée que par l’industrie pharmaceutique. La responsabilité est partagée.

M. le président. Je mets aux voix l’article 20.

(L’article 20 est adopté.)

Article 21

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis inscrit sur l’article !

M. le président. Non, vous n’êtes pas inscrit mais, pour une fois, je vais faire preuve de libéralisme.

M. Jean-Marie Le Guen. J’ai cru !

M. le président. Vous avez mal cru !

Mme Claude Greff. Il se trompe souvent !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il aurait été à mon avis légitime de prévoir une présentation conjointe des 20 et 22. Cela aurait donné une vision exacte de la situation financière de notre sécurité sociale. Sont en effet déversés aujourd’hui sur le FSV et sur le FFIPSA des déficits qui viennent en déduction de ce que devraient supporter le régime d’assurance maladie, le régime vieillesse ou le régime familial.

Bref, en toute sérénité, en dépit des doutes qui, parfois, nous assaillent sur la réalité des chiffres, dans un sens évidemment plutôt pessimiste, nous allons aujourd’hui voter très tranquillement plus de 13 milliards d’euros de déficit des comptes de la sécurité sociale.

Je voulais simplement que nos collègues, qui aiment bien de temps en temps, dans telle ou telle discussion, faire preuve de rigueur, d’orthodoxie financière, apprennent à relativiser un petit peu ce que l’on appelle la rigueur financière.

M. le président. Je mets aux voix l’article 21.

(L’article 21 est adopté.)

Article 22

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l’article 22.

M. Jean-Luc Préel. Ainsi que je l’ai souligné dans mon intervention sur l’article 20, le déficit total sera de 13,3 milliards d’euros.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison !

M. Jean-Luc Préel. J’ai même précisé que, malheureusement, il serait sans doute supérieur étant donné que les recettes sont surestimées et que les dépenses sont sous-estimées.

L’article 22 permet de reposer la question de l’avenir du fonds de solidarité vieillesse, puisqu’il est encore en déficit de 1,5 milliard cette année, et, surtout, ce qui est plus inquiétant, de celui du régime agricole qui affiche un déficit de 1,7 milliard.

Ainsi le déficit cumulé du régime agricole depuis 2004, atteint 7 milliards d’euros. Auparavant, l’État apportait une subvention d’équilibre au BAPSA, ce qui n’est plus le cas. Dans ces conditions, comment le régime agricole sera-t-il financé ?

Dans l’Eure, monsieur le président, la MSA de l’Eure se pose certainement les mêmes questions !

M. le président. En effet, monsieur Préel et je leur ai dit de vous contacter ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Je me ferai un plaisir de les recevoir, mais je n’ai pas la réponse. (Sourires.)

Dans son rapport, la Cour des comptes a relevé que les exploitants ne financent que 17 % des dépenses. Il est difficile, étant donné ce qu’est aujourd’hui la démographie du monde agricole et compte tenu de l’évolution de la PAC, d’espérer leur demander davantage pour financer leur propre régime.

Le financement ne peut donc provenir que d’une compensation démographique des autres régimes – mais est-ce que souhaitable ? – ou de la solidarité nationale, notamment d’une aide de l’État. D’où ma question, monsieur le ministre : l’État financera-t-il le régime agricole ?

M. le président. Je mets aux voix l’article 22.

(L’article 22 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J’aurais aimé avoir une réponse du Gouvernement à la question de M. Préel.

M. le président. M. le ministre délégué va vous répondre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. D’abord, le déficit du fonds de solidarité vieillesse diminuera l’an prochain, grâce à plusieurs mesures. L’une d’elles me paraît particulièrement importante qui interdit à l’avenir de servir un minimum vieillesse à des personnes qui ne vivent pas sur le territoire français. Cette disposition tend à harmoniser les conditions d’attribution des minima sociaux.

Nous avons en effet constaté que, à la faveur d’une lacune de notre législation, il était jusqu’à présent possible d’obtenir le versement du minimum vieillesse à l’étranger et que le montant en était d’autant plus important qu’on avait peu travaillé en France. Pouvaient ainsi en bénéficier des travailleurs ayant occupé un emploi saisonnier de plusieurs mois dix, vingt ou trente ans auparavant. Cette disposition permettra au fonds de solidarité vieillesse de réaliser l’an prochain une première économie de 50 millions d’euros.

S’agissant ensuite du FFIPSA, je veux rappeler que les prestations sociales agricoles font partie, depuis la première loi d’orientation agricole voulue par le général de Gaulle en 1962, du pacte noué entre la nation et ses agriculteurs.

M. Jean-Marie Le Guen. Dommage qu’un tel pacte n’ait pas été passé avec les salariés !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’État remplira donc tous ses devoirs envers les agriculteurs, je puis vous en assurer.

D’ailleurs, la semaine dernière, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, le ministre du budget a indiqué que les recettes seraient majorées, sans dégrader le déficit budgétaire et qu’il envisageait une reprise par l’État d’une fraction de la dette.

Nous avons pu aussi entendre hier les propositions pertinentes de M. Censi, président du conseil de surveillance du FFIPSA. Si chacun veut bien faire preuve, comme lui, du sens des responsabilités, nous pourrons rétablir la situation du FFIPSA.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sens des responsabilités, auquel vous venez de faire appel monsieur le ministre, supposerait-il de faire payer le régime des salariés en solidarité ?

M. le président. Non, monsieur le Guen ; c’est exclu.

M. Jean-Marie Le Guen. Merci, c’est une grande victoire !

Articles 23 et 24

M. le président. Ces articles ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 23.

(L’article 23 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 24.

(L’article 24 est adopté.)

Après l’article 24

M. le président. Après l’article 24 je suis saisi d’un amendement n° 14 rectifié, portant article additionnel.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général pour le défendre.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences d’une décision du Conseil d’État concernant le principe de responsabilité personnelle et pécuniaire des agents comptables des organismes de sécurité sociale. Il s’agit d’introduire, dans le code de sécurité sociale, des dispositions réglementaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes allés tellement vite que je n’ai pas pu m’exprimer sur l’article 23. Je voudrais simplement souligner que, malgré la progression – relative – de la masse salariale, l’amortissement de la dette ne progressera pas. Il n’y a donc plus que le gonflement des intérêts qui agit sur la CADES.

Quant au fonds de réserve des retraites, qui devait servir, dans le cadre de la réforme Fillon, a solvabiliser le lissage des pensions, il ne sera pas abondé notablement, hormis le prélèvement habituel de 2 %. Il ne sera donc pas en mesure, à terme, d’assurer sa fonction.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous n’avons pas eu de réponse à notre question concernant l’amortissement de la dette sociale, qui serait réduit, en 2005, à 2,4 milliards alors qu’ont été amortis 3,345 milliards en 2004. Pourtant, l’augmentation du taux de cotisation de la CRDS apporte des recettes supplémentaires à la CADES. De même, l’amortissement de l’année 2007 diminuerait.

Monsieur le ministre, actuellement les taux sont particulièrement bas et la CADES peut rembourser du capital. Pourtant, elle ne remboursera l’an prochain que 2,4 milliards sur plus de 5 milliards de recettes. Cela signifie que, à l’heure actuelle, la CADES honore plus d’intérêts qu’elle ne rembourse de dettes en capital.

Que se passera-t-il si, comme le laissent craindre certaines indications du FED ou de la BCE, les taux d’intérêt remontent ? En arriverons-nous à une situation où, le solde primaire étant négatif, il faudra emprunter à la CADES pour rembourser les intérêts ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je vous propose de suspendre la séance quelques instants.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 25

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 25.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Sans vouloir jouer au jeu consistant à relever les points communs et les différences entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, force est de constater que toutes sont caractérisées par une insincérité manifeste.

Une nouvelle preuve en est apportée par cet article 25 habilitant les régimes obligatoires de base et les organismes concourant à leur financement à recourir à des ressources non permanentes afin de couvrir leurs besoins de trésorerie. Le régime général se voit ainsi autorisé à recourir à l'emprunt à hauteur de 18,5 milliards d'euros.

Certes personne ne reprochera au Gouvernement de prévoir large. En effet, l'expérience a prouvé que le déficit du régime général peut exploser d'une année sur l'autre. Ainsi, alors qu'il s'élevait à 3,5 milliards d'euros sur l'exercice 2002, il a bondi à 10,2 milliards sur l'exercice 2003, soit une augmentation de 6,7 milliards.

On ne peut donc que saluer la prudence du Gouvernement, qui envisage la possibilité que les besoins de trésorerie atteignent 18,5 milliards en 2006. Le déficit sur 2005 devant atteindre 11,9 milliards d’euros, l’hypothèse d’une aggravation du déficit de 6,6 milliards n’est pas déraisonnable. Cela permet d’anticiper une surprise à la hauteur de celle que vous avait réservée l'année 2003.

Cependant la modestie et la prudence qui caractérisent cet article 25 tranchent avec l'optimisme constamment affiché par le Gouvernement et dont il continue à faire preuve depuis le début de nos débats.

Cet optimisme avait atteint des sommets lorsque Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la santé, avait déclaré, dans son discours d'introduction au débat sur la réforme de l'assurance maladie prononcé le 29 juin, que la réforme s'accompagnait sur le plan financier « d'un effort de redressement de 15 milliards d'euros, qui permettra le retour progressif vers l'équilibre sur la période 2005-2007. » On voit mal comment un retour à l'équilibre pourrait être envisagé d'ici à 2007 – année d’élections, ce qui peut expliquer de telles déclarations – alors que le PLFSS pour 2006 fait encore une fois l’hypothèse d’un déficit colossal, au point d'accorder la possibilité au régime général de recourir à l'emprunt à hauteur de 18,5 milliards.

Bref, l'insincérité est une fois de plus de mise. Cela était déjà le cas, pour prendre l'exemple le plus flagrant, lorsque le Gouvernement avait affiché son intention de fonder son action sur des prévisions de dépenses maladie n'excédant pas 2,2 % par an sur la période 2005-2009. On sait aujourd’hui qu'il n'en sera rien. Il serait plus que temps que nous puissions voter, ou ne pas voter – comme ce sera notre cas – un budget à peu près sincère, afin que nous sachions au moins quels efforts devront être consentis dans les années à venir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 25 autorise en effet les régimes obligatoires de base à recourir à l’emprunt pour couvrir leurs besoins de trésorerie.

Je m’étonne, monsieur le ministre, non pas de cette autorisation en elle-même, mais du montant de la somme : prévoir des besoins de trésorerie à hauteur de 18 milliards d’euros – somme très modeste ! – montre bien la gravité des difficultés que connaît aujourd’hui le régime général. On peut en effet se demander s’il est raisonnable de prévoir de telles lignes de trésorerie.

Je m’étonne encore davantage de votre réponse aux responsables de la MSA de l’Eure, que, paraît-il, M. le président s’apprête à m’envoyer. (Sourires.)

La véritable réponse est dans cet article, puisqu’il autorise la MSA à recourir à l’emprunt à hauteur de 7 milliards d’euros. C’est le montant du besoin de financement de cet organisme depuis la transformation du BAPSA en FIPSA en 2004, qui a hérité d’un déficit de 3 milliards, auquel s’ajoutera le montant des déficits prévus pour 2005 et 2006.

J’aimerais donc que vous m’indiquiez, monsieur le ministre, de quel montant seront les annuités de cet emprunt. Est-il raisonnable d’ajouter à la charge du régime agricole le coût des intérêts d’un tel emprunt, sous prétexte que l’État n’a pas su assumer ses responsabilités ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le montant de cette autorisation d’emprunt traduit clairement le peu de confiance du Gouvernement dans sa propre politique. Comme il ne pourrait évidemment pas revenir devant nous pour demander simplement une autorisation d’emprunt, il est obligé d’avouer dans cet article, véritable symptôme de maladie financière, la réalité de ses espérances, qui sont minces en vérité.

Cet article contredit les engagements concernant les ONDAM et autres recettes virtuelles, en avouant implicitement qu’elles ne seront pas au rendez-vous.

M. le président. Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Après l’article 25

M. le président. L’amendement n° 250 de M. Decool, portant article additionnel après l’article 25, n’est pas défendu.

Nous avons ainsi terminé l’examen des articles de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Je mets donc au voix l’ensemble de cette troisième partie.

(La troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est adoptée.)

M. le président. Nous abordons maintenant l’examen des articles de la quatrième partie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, relative aux dépenses pour 2006.

Avant l’article 26

M. le président. Avant l’article 26 je suis saisi de l’amendement n° 6 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le ministre, je vous demande quelques minutes d’attention.

M. le président. Monsieur le ministre a une très grande capacité d’attention, mais je vous prie de bien vouloir résumer votre argumentation en quelques minutes !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Chaque année se posent les éternelles questions de l’ajustement des recettes. Année après année, les limites de cet exercice apparaissent de plus en plus clairement et de nombreux observateurs s’accordent pour estimer que le mode actuel de financement de la sécurité sociale a probablement trouvé ses limites. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La mission spéciale présidée par M. le président Debré lors de la réforme de l’assurance maladie avait évoqué cette question, tout comme le haut conseil de l’assurance maladie et le Sénat. Ici même, certaines voix évoquent parfois d’autres formes de financement, comme la TVA sociale. Lors des nombreuses auditions auxquelles j’ai participé, pas un seul invité n’a refusé d’ouvrir ce débat, et tous ont même souhaité qu’il soit ouvert. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a lui-même évoqué une évolution, sinon une révolution, du système.

Un large débat doit donc s’engager, monsieur le ministre, et je propose que nous prenions cette initiative, pour laquelle il nous faudra, certes, trouver un créneau favorable.

Cet amendement propose donc la création d’un groupe de travail au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui rassemble toutes les personnalités intéressées aux questions de finances. Un décret devrait, bien entendu, préciser la composition et le fonctionnement de ce groupe.

Nous ne pouvons plus reculer. Après tant d’années, le moment est venu. En relisant l’histoire de la sécurité sociale, j’ai constaté que, depuis son origine, la recherche de solutions s’est toujours accompagnée de quelques remous. Frédéric Bastiat, en 1850, évoquait déjà la possibilité que la protection du monde ouvrier connaisse des cataclysmes. Cela ne date pas d’hier !

Il faut penser à l’avenir. Merci, monsieur le ministre, de bien vouloir me répondre sur cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je remercie la commission, en la personne de M. Jean-Pierre Door, d’avoir présenté cet amendement, qui pose en effet une question centrale pour l’avenir de notre sécurité sociale.

En effet, depuis la création de la CSG, les gouvernements successifs ont travaillé à un élargissement des recettes de la sécurité sociale, tout simplement parce que, parmi toutes les dépenses publiques au sens large – c’est-à-dire les dépenses de l’État et de la sécurité sociale – la dépense de sécurité sociale est celle qui connaît la dynamique la plus forte.

Dans les années qui viennent, les dépenses qui augmenteront le plus seront non pas les dépenses régaliennes qui, en raison d’un effort nécessaire de rattrapage, atteignent aujourd’hui un niveau élevé, ni les dépenses d’éducation, du fait de la démographie, ni les dépenses d’emploi, du fait également de la démographie mais aussi des résultats de la politique de l’emploi engagée par le Gouvernement, mais celles liées au vieillissement de la population, qu’il s’agisse des services à domicile et en établissement pour personnes âgées ou des besoins de santé procédant des progrès médicaux et des maladies du grand âge.

Il est donc normal de mener une réflexion sur le moyen et le long terme pour déterminer quelles seront les recettes qui permettront de suivre le dynamisme de ces dépenses. Si, en effet, elles doivent être contrôlées et maîtrisées, afin que chaque euro dépensé soit réellement utile à la santé, ces dépenses ont aussi une dynamique qui, même avec une excellente gestion, reste supérieure à celle des autres dépenses publiques.

Il est donc indispensable de mettre en œuvre une réflexion qui puisse réunir, au-delà du Gouvernement et du Parlement, l’ensemble des partenaires sociaux, de manière à éclairer l’avenir en matière de financement de la sécurité sociale.

Cela étant dit, je tiens à préciser, monsieur le rapporteur, que le bon organe pour réaliser cet examen ne nous semble pas être la commission des comptes de la sécurité sociale, dont la vocation est tout autre : déterminer chaque semestre l’évolution des comptes, rendre objectifs ces derniers et les faire discuter par l’ensemble des parties prenantes. Je pense, comme vous, qu’il ne serait pas souhaitable de créer une nouvelle institution pour éclairer l’avenir des financements de la sécurité sociale, car il y en a déjà bien assez dans le domaine social.

Je vous propose donc la mise en place d’un groupe de travail réunissant des parlementaires, des experts, et des représentants des partenaires sociaux pour, avant la fin de l’année 2006, aboutir à des conclusions qui, si elles sont déposées, comme je le souhaite, au mois de juillet prochain, pourront être prises en compte, partiellement au moins, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Au bénéfice de cette explication et de ma proposition, je vous prie, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer l’amendement n° 6 rectifié.

M. le président. Monsieur Door, accédez-vous à cette demande ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le ministre, je vous remercie. Je n’en attendais pas moins de vous. Nous devons aller dans cette voie et mettre autour de la table tous les partenaires pour étudier enfin tous les rapports qui existent et écouter toutes les parties.

Je retire donc l’amendement n° 6 rectifié.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole.

M. le président. Monsieur Le Guen, vous ne pouvez pas vous exprimer sur un amendement retiré.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors je reprends l’amendement n° 6 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est repris.

Ce n’est pas pour autant que vous avez droit à la parole, monsieur Le Guen. Mais je suis libéral et je vous la donne tout de même.

M. Jean-Marie Le Guen. Un an après une réforme de l’assurance maladie, vous nous dites que, tout bien réfléchi, il y a un problème de financement. C’est bien encore un symptôme qu’elle n’a pas réussi ! Il y a un instant, vous évoquiez l’explosion de la trésorerie, et vous nous dites maintenant qu’il faut réfléchir au financement, qui ne suit pas. Cela méritait d’être souligné. Au demeurant, je n’ai rien contre le fait de discuter.

M. le président. Monsieur Le Guen, selon le règlement de l’Assemblée, un amendement qui a déjà été défendu n’a pas à être défendu à nouveau lorsqu’il est repris. Je vous ai laissé parler : vous voyez que je suis un libéral !

M. Gérard Bapt. Ce que nous regrettons ! (Sourires.)

M. le président. Très modéré ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Il est vrai qu’on ne peut pas vous faire ce procès !

M. Émile Blessig. Nous sommes des libéraux gaullistes !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Nous regrettons que M. Door ait retiré l’amendement n° 6 rectifié après l’intervention de M. le ministre.

Tout au long de nos interventions dans cet hémicycle, nous avons répété qu’il y avait un véritable problème de financement de la sécurité sociale, tant pour les dépenses que pour les recettes.

Nous ne pouvons donc être que satisfaits de vous entendre reconnaître la nécessité d’une réforme profonde de la sécurité sociale et de la recherche de nouvelles recettes pour répondre aux besoins liés, comme l’a souligné M. le ministre, au vieillissement, aux dépenses de santé et aux retraites. Il est temps que ce débat ait lieu.

Un bémol toutefois : lorsque nous faisons observer que les chiffres qui nous sont fournis lors de l’examen du PLFSS sont insuffisants, on nous répond que nous sommes dans le faux. Pourtant, monsieur le ministre, cet amendement et votre déclaration nous donnent entièrement raison. Ils démontrent la justesse de notre interprétation des chiffres peu sincères qui nous sont donnés.

M. le président. Laissant Mme Jacquaint à son bonheur, je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié, repris par M. Le Guen.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 361 devient sans objet.

Article 26

M. le président. Sur l’article 26, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. À ce stade du débat, au moment où l’Assemblée nationale aborde la quatrième partie du PLFSS, relative aux dépenses sociales pour 2006, j’ai souhaité intervenir pour vous parler de la situation sociale de Mayotte.

En février 2002, à la veille d’échéances nationales, la majorité de l’époque a décidé, dans la précipitation, de figer le régime actuel des allocations familiales à Mayotte. Pourtant, ce régime est le plus discriminant qui puisse exister en République, avec un plafonnement du nombre d’enfants éligibles et l’impossibilité de toute évolution, malgré le coût de la vie et un niveau général du PIB dans l’île dix fois inférieur au PIB national.

Dans le même temps, le robinet des allocations familiales servies aux étrangers en situation régulière sur le territoire métropolitain a été grandement ouvert ; je pense notamment à l’affaire de l’imam de Vénissieux, qui a défrayé la chronique.

Aujourd’hui, Mayotte connaît la fracture sociale la plus béante de la République, avec les conséquences que l’on sait, comme un taux de chômage de près de 40 % ou un SMIC de 647 euros, sans aucune mesure sociale de base.

De plus en plus de Mahorais fuient cette misère pour s’installer dans d’autres parties du territoire national, notamment à La Réunion ou dans les Bouches-du-Rhône, où leur intégration se fait dans des conditions de plus en plus difficiles. Pendant ce temps, les terrains ou les immeubles qu’ils libèrent sont aussitôt occupés par des clandestins qui réclament, au titre du droit local, qu’ils soient immatriculés à leur nom. Je vous laisse imaginer les difficultés auxquelles nous serons confrontées lorsque les personnes qui en sont parties reviendront à Mayotte !

Depuis trois ans, j’attire l’attention du Gouvernement sur les conséquences de cette situation, mais avec peu de succès malgré des engagements très précis des plus hautes instances de l’État.

Comme à vos prédécesseurs, je vous demande ce qu’il faut attendre pour qu’enfin la détresse des Mahorais soit entendue. Tout sera-t-il mis en œuvre avant le 1er janvier prochain pour donner espoir à ceux de nos compatriotes qui ont fait le choix de rester à Mayotte et leur permettre de vivre dignement dans cette partie de la République sans être contraints à un déchirement familial, social et culturel ?

Ma question est simple : monsieur le ministre, êtes-vous celui qui mettra un terme à ce dispositif qui bafoue l’idéal de justice sociale auquel je vous sais très profondément attaché.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L’article 26 change la nature du régime de l’assurance maladie des personnes détenues, y compris de celles qui le sont avant jugement, c’est-à-dire susceptibles d’être reconnues innocentes.

Il y a quelques années, un régime spécifique d'assurance maladie avait été mis en place à l'intention des personnes détenues. Il était alors assez protecteur, mais il l’est relativement beaucoup moins depuis l'instauration de la CMU. Il est donc légitime aujourd'hui de le modifier. Aussi sommes-nous plutôt favorables à l'article 26 qui dispose que les dépenses de santé des détenus sont prises en charge dans le cadre du droit commun.

Il est toutefois un autre problème qui touche aux prestations en espèces. Certes, leur montant est restitué aux intéressés à leur sortie de prison, mais ils ne touchent rien pendant leur incarcération. Il faut tout de même réfléchir à cela. Bien sûr on peut m’objecter qu’étant incarcérées, ces personnes n’ont pas besoin d’indemnités journalières puisqu’elles sont, si j’ose dire, logées et nourries.

M. le président. Et blanchies ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Je n’avais pas été jusque-là, monsieur le président. (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Enfin, pas encore blanchies !

M. Jacques Le Guen. Pourtant les détenus ont aussi une famille qui peut se trouver en grande difficulté du fait de l'interruption du versement des prestations. J’appelle donc l’attention du Gouvernement sur cette difficulté car on risque de se retrouver dans des situations sociales tout à fait négatives.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur kamardine, nous avons, il y a quelques mois, eu une longue réunion de travail au cours de laquelle vous m’avez exposé le problème du plafonnement des prestations familiales à Mayotte, leur montant étant limité à celui servi pour trois enfants.

Je suis aujourd’hui en mesure, après un travail interministériel conduit avec M. François Baroin, ministre de l’outre-mer, d’apporter une réponse positive à votre demande de déplafonnement. C’est une question que vous avez à juste titre soulevée car elle fait appel à notre sens de la justice sociale en faveur de nos compatriotes mahorais.

Naturellement, comme vous l’avez précisé vous-même dans votre demande, ce déplafonnement ne jouera, comme c’est la règle pour les prestations familiales, que pour les familles mahoraises en situation régulière. À cette condition, nous allons pouvoir, dès 2006, mettre en œuvre cette réforme de justice.

M. le président. Les amendements nos 305, 306, 307, 15 et 308 de la commission à l’article 26 sont rédactionnels et ont donc l’accord du Gouvernement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les amendements nos 305, 306, 307, 15 et 308, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre ne m’a pas répondu !

M. le président. Le ministre a répondu ce qu’il voulait. Je ne peux pas lui demander de répondre davantage.

Après l’article 26

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 26.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 335 rectifié.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il s’agit d’un amendement très technique, mais dont la portée est importante pour les assurés sociaux en affection de longue durée.

Un nouveau formulaire, dit « protocole de soins », a vocation à se substituer au formulaire « protocole interrégime d’examen spécial », le PIRES. Sa mise en place ne peut toutefois être que progressive. Afin que nul ne soit pénalisé, il convient donc de prévoir, à titre transitoire, que les patients actuellement reconnus en ALD continuent à être remboursés à 100% jusqu'à l'élaboration de leur nouveau protocole.

M. Jacques Le Guen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail, pour donner l'avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a donné un avis favorable.

À titre personnel, j’étais hostile à cet amendement car j’estimais qu’il risquait de créer une confusion susceptible de retarder encore la mise en place du nouveau formulaire. Toutefois il faudra du temps pour régulariser sept millions de dossiers. Cet amendement se justifie donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, lors des débats sur la réforme de l’assurance maladie, vous avez proposé un contrat passé entre le patient en ALD, son médecin traitant et le médecin de la caisse. Le principe de ce contrat paraissait extrêmement intéressant, mais j’ai dénoncé la complexité de ce système parce que plus de six millions de personnes souffrent d’affections de longue durée et que ces malades correspondent à des pathologies diverses.

Si l’on prend l’exemple du cancer, il y a presque autant de cancers que de personnes. Entre un cancer du colon et un cancer de la peau, entre un cancer à son début et un cancer métastasé, il y a des différences majeures.

De plus, des pathologies se chevauchent : quand on a une insuffisance rénale, on peut avoir en même temps une hypertension artérielle et une insuffisance cardiaque. Il existe donc plusieurs milliers d’ALD possible.

À cet égard, le service médical de la CNAM s’est trouvé devant une réelle difficulté. Vous avez demandé à la haute autorité de santé de définir les principes applicables à ces contrats de bonnes pratiques pour les malades en affection de longue durée, mais ce n’est pas demain que l’on aura un contrat pour chaque ALD.

Mme Muguette Jacquaint. C’est vrai.

M. Jean-Luc Préel. Par conséquent, je ne pense pas que ce dispositif important de la réforme de l’assurance maladie pourra être mis en oeuvre avant longtemps. En attendre des économies importantes me paraît donc relever plus de l’effet d’annonce que du réalisme, sauf si l’on prend en compte l’ordonnance bizone. Or si celle-ci est simple d’utilisation, elle n’est pas mise en pratique et pas tout à fait contrôlée.

Il est prévu un report du nouveau dispositif à 2008, ce qui me paraît bien éloigné. J’ai peur que, dans la pratique, comme les conventions sont tripartites, l’année prochaine on nous propose 2009, puis dans deux ans, 2010, et que l’on attende encore longtemps avant que tous les patients en affection de longue durée aient un contrat passé avec le médecin traitant et le médecin de la caisse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Sur cette question, nous sommes au cœur des différences d’approche.

Concernant les ALD, monsieur le ministre, la contractualisation doit aller beaucoup plus vite. S’agissant des ALD et des K 50, il y a des gains absolument colossaux à réaliser en matière de qualité des soins par des protocolisations et, en matière d’efficacité, par les PIRES. Il y va de la survie des finances et de la qualité des soins de la nation.

Ce que dit mon collègue de l’UDF est parfaitement exact : si on continue au rythme actuel, il y en a pour sept ou huit ans ! S’il est nécessaire de consentir un effort, c’est bien ici et maintenant qu’il faut le faire, sans oublier le médicament, qui représente un potentiel de plusieurs milliards d’euros d’économies par an.

Nous avons des propositions très concrètes pour aller beaucoup plus vite dans la contractualisation des PIRES au niveau des ALD. Pourquoi ne pas prévoir des moyens tout à fait exceptionnels pour développer ces contrats ? Les fameux milliards d’euros d’économies dont parle la CNAM, ils sont là !

Quant à l’ordonnancier bizone, où l’effort demandé vise à transférer de la sécurité sociale aux mutuelles le problème de la couverture des médicaments, ce n’est pas le sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 335 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour défendre l’amendement n° 336.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’amendement vise à permettre aux assurés de saisir les conciliateurs des caisses, créés par la loi de 2004, des différents sur les protocoles de soins établis par le médecin traitant et le médecin conseil de la caisse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a émis un avis favorable mais il ne faudrait pas que la mise en place du conciliateur et le renforcement de son rôle soient sources d’augmentation du nombre de litiges. Je tiens à avertir le Gouvernement sur ce risque de dérive parce que l’on sait qu’à partir du moment où on facilite le recours, cela tend naturellement à multiplier les litiges.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez, pour présenter l’amendement n° 288 rectifié.

M. Pierre-Louis Fagniez. Cet amendement a, lui aussi, pour objet la conciliation, et j’ai plaisir à le défendre devant vous, monsieur le président, qui êtes un orfèvre en la matière.

M. le président. N’en rajoutez pas trop, monsieur Fagniez ! (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Le conciliateur devrait pouvoir être saisi par les assurés lorsque ceux-ci estiment, à tort ou à raison, que les honoraires qu’ils ont acquittés sont irréguliers ou contraires au principe de tact et de mesure qui est prescrit par le code de déontologie.

Loin de créer, monsieur le rapporteur, des antagonismes entre assurés et médecins, le conciliateur permet d’apaiser les conflits, comme c’est déjà le cas dans les hôpitaux. Mon amendement vise donc à permettre aux assurés de le saisir.

M. Laurent Wauquiez et M. Jacques Le Guen. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a donné un avis favorable mais je pense, monsieur Fagniez, qu’il vaut mieux prévenir que guérir ; cet adage me semble encore plus valable en matière d’honoraires. Si nous votons cet amendement, je crains qu’il y ait litiges sur litiges parce qu’il sera extrêmement facile de venir contester n’importe quel dépassement d’honoraire.

M. Gérard Dubrac. C’est un procès d’intention !

M. le président. Êtes-vous pour ou contre l’amendement ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. À titre personnel, je suis contre l’amendement. Je préférerais que soit adopté un amendement qui règle le problème en amont en favorisant une négociation sur les tarifs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je remercie M. Fagniez de cet excellent amendement, que le Gouvernement approuve.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ma première observation est pour souligner que la conciliation dont nous parlons étant très différente de celle évoquée précédemment, il serait souhaitable de ne pas la confier à la même personne. Ce type de conflit doit être géré par une personne authentiquement indépendante, ou par une commission spécialisée : il est question, non de traiter un petit différent, mais de garantir le droit des assurés.

Lorsque nous évoquerons, avec d’autres articles, le problème des abus et des fraudes, nous serons extrêmement sévères avec les assurés. En revanche, pour les fraudes ou les abus éventuels du corps médical, on envisage plutôt une « conciliation » ! La loi, sur ce sujet, n’est pas équitable. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Un dépassement sauvage ne respectant pas la convention médicale s’appelle un abus ou une fraude ! Libre à vous de considérer ce type de pratique comme amusante et sympathique.

M. Jean-Marc Roubaud. Quelle hypocrisie !

M. Jean-Marie Le Guen. Le problème est réel, même si le Gouvernement entend le traiter avec beaucoup de détachement, alors qu’il se montre impitoyable pour les abus et les fraudes des assurés.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. D’autres formes eussent été possibles, mais l’amendement de M. Fagniez est une excellente initiative : il mérite d’être soutenu.

M. Gérard Dubrac. Ah, tout de même !

M. Claude Évin. Pour compléter les propos de M. Le Guen, je dirai qu’il existe deux problèmes.

Le premier est relatif aux dépassements d’honoraires. Ils existent, et sont autorisés par la convention, sous réserve d’être appliqués avec tact et mesure. Lorsque ce n’est pas le cas, on peut certes considérer qu’ils sont inacceptables au regard de la convention, mais ils ne constituent pas pour autant des fraudes. Il faudrait toutefois que les assurés sociaux, qui estiment n’avoir pas été « correctement traités » par un médecin – libéral ou hospitalier – puissent le signaler.

En revanche, les rémunérations non déclarées – pratiquées, comme on le sait, par certains médecins – sont frauduleuses.

Il convient donc d’établir une distinction selon les cas.

Au-delà du principe de cet amendement, j’appelle l’attention du Gouvernement sur les modalités de son application. Ainsi, permettre aux assurés sociaux de saisir un conciliateur ne suffit pas, si l’on ne prévoit aucune garantie. La relation entre un médecin et son patient est complexe. Dans nos permanences, nous recevons parfois des témoignages sur des comportements très discutables, mais les assurés sociaux souhaitent qu’il n’en soit pas fait état, en raison des relations qu’ils entretiennent avec leur praticien.

Cet amendement répond à une demande des associations de patients. Il faut aussi prévoir une procédure, pour que la saisie du « conciliateur » – ce terme est sans doute impropre – puisse préserver les relations entre le malade et son praticien.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Il faut se garder de confondre le dépassement d’honoraires légal, et ce que l’on appelle vulgairement les dessous de table.

M. Claude Évin. C’est exactement ce que j’ai dit !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Évitons tout amalgame. La négociation entre le praticien et le patient sur un dépassement d’honoraires doit intervenir avant l’acte.

M. Claude Évin. Cette disposition est déjà contenue dans la loi !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Le praticien est tenu d’informer le patient, en affichant le tarif de ses consultations, ou sur un éventuel dépassement d’honoraires, dans le cas notamment d’actes chirurgicaux ou techniques.

Il serait dangereux que cette négociation se fasse après l’acte : les plaintes ne manqueraient pas de se multiplier !

M. le président. Il conviendrait sans doute de substituer le terme de « médiateur » à celui de « conciliateur ». Cela éviterait les confusions.

La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. J’en avais précisément appelé à votre haute autorité sur ce point, monsieur le président. Le terme de « médiateur » me paraît en effet tout indiqué : nous voulons prévoir une médiation.

M. Domergue craint la multiplication de querelles entre les médecins et les assurés, et la position de M. Évin me paraît plus modérée que celle de M. Le Guen, qui prévoit des drames et des fraudes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Évin. N’en rajoutez pas ! Je vais finir par voter contre votre amendement !

M. Pierre-Louis Fagniez. M. Évin est un praticien : il est habitué aux médiations et parle en connaissance de cause.

La négociation sur les honoraires peut bien sûr être envisagée en amont, mais, lorsque l’on est malade, on n’entre guère dans ces considérations. La santé passe avant tout et ce n’est qu’une fois guéri que l’on repense au coût. Pourquoi donc ne pas permettre, monsieur le rapporteur, la critique a posteriori d’un problème auquel on n’avait pas songé dans l’angoisse et l’émotion de la maladie ?

Tout le monde peut s’accorder sur cet amendement. M. Le Guen lui-même sent bien qu’il n’est pas dans nos intentions de dissimuler quelque fraude que ce soit. Nous voulons simplement apaiser le dialogue entre malades et médecins.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes les jésuites du royaume de France ! (Murmures sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Acceptez-vous, monsieur Fagniez, de rectifier votre amendement en remplaçant « conciliateur » par « médiateur » ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Cet amendement est donc ainsi rectifié.

M. Philippe Vitel. Je demande la parole.

M. le président. Non, c’est terminé !

M. Philippe Vitel. Je l’avais demandée bien avant certains qui ont pu s’exprimer !

M. le président. Tout le monde a pu s’exprimer.

Je mets aux voix l'amendement n° 288, deuxième rectification.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 45.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Cet amendement, accepté par la commission des finances, prévoyait que tous les étudiants – y compris ceux qui occupent un emploi salarié – fussent rattachés au régime étudiant.

En 1999, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’évolution du régime étudiant recommandait l’intégration de tous les étudiants. On peut aujourd’hui s’interroger sur le coût d’un tel rattachement pour le régime général. Il s’élèverait en effet à 25 millions d’euros, lesquels s’ajouteraient aux 82 millions d’euros déjà versés aux mutuelles pour les étudiants.

D’une façon générale, je souhaite interroger le Gouvernement sur ses intentions par rapport à la pratique des délégations. Les délégations de gestion sont en effet courantes, notamment dans la fonction publique. Or le régime général peut gérer les 600 000 étudiants salariés. Cela coûtera moins cher que de déléguer leur gestion.

Les autres gestions déléguées engendrent elles aussi des surcoûts. Des économies sont possibles, soit en réduisant les enveloppes de gestion que la Caisse nationale d’assurance maladie transmet aux organismes de gestion déléguée, soit en réintégrant ces derniers dans le régime général, qui, avec ses moyens en informatique et, surtout, en personnels, est tout à fait capable d’absorber un tel coût.

Les gestions déléguées coûtent 419 millions d’euros à l’assurance maladie, ce qui n’est pas négligeable !

Même si la commission des finances a donné un avis favorable, je m’interroge sur l’opportunité de conduire cette démarche à son terme. J’attends votre point de vue, monsieur le ministre, sur le régime étudiant, et, plus généralement, sur le problème de la gestion déléguée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je vous remercie, monsieur Bur, d’avoir autant approfondi cette question.

Le Gouvernement comprend très bien l’exigence de clarté qui inspire votre amendement. Vous souhaitez réunir dans les mains d’un seul gestionnaire les prestations d’un seul et même public. Il existe pourtant une réelle distinction entre les étudiants salariés et ceux qui ne le sont pas.

Les premiers ne versent aucune cotisation en tant qu’étudiants. Les transférer au régime étudiant revient à faire supporter au régime général le coût de leur gestion – puisque le régime général verse au régime étudiant des sommes au titre de cette dernière –, alors même qu’aucune cotisation n’est perçue. Il est vrai, par ailleurs, que les coûts de gestion des étudiants salariés pris en charge par le régime général sont inférieurs à ceux des organismes mutualistes pour les étudiants.

Je souhaite donc – et il m’a semblé en vous écoutant que vous y étiez disposé – que vous retiriez cet amendement.

Quant au rapport entre le coût de la gestion déléguée et celui directement assumé par l’assurance maladie, il est vrai que le premier est sensiblement supérieur au second. Les remises de gestion aux mutuelles ont ainsi été révisées à la baisse ces dernières années, pour leur demander un effort d’amélioration de leur gestion. Le service que ces mutuelles assurent, auquel les fonctionnaires sont très attachés, pourra de la sorte être pérennisé sans surcoût pour la collectivité.

(Mme Paulette Guinchard remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je ne sais si M. le rapporteur retirera son amendement, mais je souhaitais lui demander s’il avait envisagé les conséquences de son application pour les droits à la retraite des étudiants salariés.

Mme la présidente. M. le rapporteur va vous répondre, madame Jacquaint. Auparavant, je donne la parole à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je soutiens cet amendement. S’il était retiré, je le reprendrais.

Je réponds d’abord à l’argument, très pertinent, relatif au régime des retraites.

Le problème ne se pose pas, puisqu’il s’agit de transférer la gestion de l’assurance maladie. Les cotisations sont maintenues, a fortiori les cotisations vieillesse. Il ne s’agit que de la gestion du dossier : il n’y a aucune ambiguïté.

M. le ministre évoquait pour sa part un problème concernant les cotisations. La cotisation étudiante, monsieur le ministre, n’a évidemment aucun rapport avec les frais de l’assurance maladie. Pour mémoire, elle n’intervient qu’au niveau des frais de gestion du dossier de l’assurance maladie ; elle n’inclut pas les dépenses assumées par cette dernière. Dès lors, faire gérer par le régime étudiant les prestations du régime général n’engendre aucune perte comptable.

Quant à la différence des coûts de gestion, c’est un vieux débat. Vous avez beaucoup polémiqué, ces derniers temps, sur les cartes Vitale. Mais je vous rappelle que le fameux monstre dont on a parlé lors de la réforme de l’assurance maladie – le doublement ou le triplement des cartes Vitale – venait essentiellement des allers-retours permanents entre le régime général des salariés et celui des étudiants, qui distribuent chacun sa carte Vitale. Voilà d’où vient ce faux problème.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ce n’est qu’une partie du problème !

M. Jean-Marie Le Guen. Évidemment ! Mais 800 000 étudiants salariés, cela fait potentiellement 800 000 cartes Vitale en double, sans parler des allers-retours entre le régime étudiant et le régime salarié, qui aggravent encore le problème. Nous espérons que cet amendement pourra faire éclater la « bulle » des cartes Vitale.

Ensuite, il devrait permettre de réduire les mouvements de va-et-vient entre l’assurance maladie des étudiants et celle des salariés.

Enfin, le coût de gestion moyen de l’assujetti n’est pas le même dans le régime général et dans le régime étudiant, où, chaque année, il faut aller à la pêche aux assujettis et vérifier leurs droits, alors que, dans le régime salarié, les affiliations se font généralement pour plusieurs années, malgré la précarité de l’emploi aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle le coût moyen du régime étudiant est supérieur à celui du régime général, mais ce qui est valable statistiquement ne l’est pas en comptabilité analytique.

Ainsi, je conteste les arguments qui ont été avancés. Nous sommes favorables à l’unité de gestion du régime étudiant et nous voterons l’amendement de M. le rapporteur pour avis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à cet amendement. Certes, il paraîtrait cohérent qu’un seul régime gère l’ensemble des étudiants, mais il faut savoir que 600 000 étudiants salariés sont gérés par le régime général. Si on les transférait aux mutuelles étudiantes, on créerait à celle-ci une charge supplémentaire et il faudrait trouver en outre une activité pour compenser la perte d’activité du régime général. Nous n’en sommes pas là. Laissons les choses en l’état et refusons cet amendement, comme la commission a appelé à le faire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je suis bien conscient que cette question est difficile. En conséquence, je retire mon amendement, même si je sais qu’il sera repris par M. Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. En effet !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je n’en suis pas surpris, car notre collègue est un grand spécialiste des mutuelles étudiantes…

Pour avoir étudié le dossier, j’ai la conviction que les coûts de gestion du régime général, grâce aux efforts qui vont encore être réalisés par l’assurance maladie – nous y veillerons et, d’ailleurs, j’ai déposé un amendement dans ce sens, qui va venir en discussion –, sont certainement inférieurs aux coûts de gestion dans l’ensemble des sections locales mutualistes. En les réintégrant, l’assurance maladie réaliserait probablement d’importantes économies. Il faudra y réfléchir, ou alors imposer de véritables économies à l’ensemble des sections bénéficiant d’une gestion déléguée, de manière que les coûts soient partout les mêmes. On ne peut pas exiger de l’assurance maladie qu’elle fasse des économies et surpayer le même service ailleurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 45 est repris par M. Jean-Marie Le Guen.

Je le mets aux voix.

(Cet amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 16 et 217 rectifié.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 217 rectifié.

M. Jean-Luc Préel. J’espère que le Gouvernement émettra un avis favorable à cet amendement, qui a été adopté par la commission. Il propose qu’un rapport soit rédigé sur les indemnités de déplacement des professionnels de santé, qui posent plusieurs problèmes.

Le premier concerne l’harmonisation des frais de déplacement, qui varient beaucoup selon qu’il s’agit des médecins, des infirmiers, des sages-femmes ou du personnel de laboratoire.

Le second découle de l’augmentation des coûts du carburant, qui crée une difficulté importante. Le rapport envisagerait l’indexation des frais de déplacement sur le prix du carburant ou la création d’un carburant professionnel. On sait que les infirmiers libéraux se déplacent beaucoup, notamment pour se rendre au chevet des personnes dépendantes. Monsieur le ministre, je pense que vous aurez à cœur de répondre à cette question.

En troisième lieu, j’avais déposé un amendement, qui a été repoussé, proposant la création d’un ordre des infirmiers. Il s’agit de la profession médicale la plus importante aujourd’hui, et elle n’est pas organisée, puisqu’il existe nombre d’organismes ou de syndicats différents. Lorsque, au printemps dernier, les infirmiers libéraux ont fait grève, une de leurs premières revendications a été la création d’un tel ordre. Quand ils ont été reçus au ministère par un de vos conseillers,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Par moi-même ! Je m’étais également rendu au salon infirmier.

M. Jean-Luc Préel. …on leur aurait répondu que le ministre était d’accord sur le principe, à condition que la création d’un ordre ne résulte pas d’une proposition de l’UDF signée par M. Préel. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je ne doute pas qu’il s’agit d’un malentendu, monsieur le ministre, bien qu’ils m’aient rapporté le propos eux-mêmes juste après cet entretien.

Mme la présidente. J’imagine que la commission est favorable à l’amendement n° 16, monsieur le rapporteur, puisqu’elle a déposé un amendement identique à celui-ci ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. En effet, madame la présidente.

Monsieur Préel, nul ne peut croire dans cette enceinte que l’argument que vous venez de citer ait pu être utilisé par M. le ministre. Les personnes que vous avez rencontrées n’ont pas dû vous donner une information complète. Au reste, bien que la commission ait adopté cet amendement, je relève qu’il appartient au domaine conventionnel. Je vous suggère donc de le retirer.

M. Jean-Luc Préel. Je vous rappelle que vous rapportez au nom de la commission !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Sur ces questions, un rapport de plus n’apportera rien.

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est tout de même un vrai problème !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Même s’il s’agit d’un problème de fond, je ne pense pas que l’amendement soit de nature à le régler.

Mme Muguette Jacquaint. Les infirmiers, ce n’est pas d’un rapport qu’ils ont besoin ; c’est qu’on les aide !

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est juste !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mesdames et messieurs les députés, vous pensez bien que le Gouvernement est particulièrement sensible à ce problème. Mais celui-ci relève de la politique conventionnelle, en application d’une loi que vous avez vous-mêmes votée sur la gouvernance de l’assurance maladie.

M. Claude Évin. Voilà ce que c’est d’avoir voté cette loi !

M. Jean-Luc Préel. Moi, justement, je ne l’avais pas votée ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le problème doit naturellement être replacé dans l’ensemble des revendications de ces professions et traité dans le cadre conventionnel posé par le législateur, c’est-à-dire par vous-mêmes, mesdames, messieurs les députés.

À la suite du rapporteur, je vous demande donc, monsieur Préel, de retirer cet amendement, pour ne pas brouiller le champ des compétences. Les négociations doivent se dérouler après que la CNAM a procédé avec les professionnels à toutes les expertises nécessaires, sans qu’aucune intervention extérieure interfère dans leur déroulement.

Mme la présidente. Si je vous comprends bien, monsieur le rapporteur, vous retirez l’amendement n° 16.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Oui.

Mme la présidente. L’amendement n° 16 est retiré. Quant à vous, monsieur Préel, maintenez-vous l’amendement n° 217 rectifié ?

M. Jean-Luc Préel. Je m’interroge en ce moment sur le fonctionnement de l’Assemblée. Le rapporteur doit présenter les amendements adoptés par la commission. Puisque celle-ci a voté l’amendement n° 16, je m’étonne qu’il puisse le retirer de son propre chef !

Pour ma part, je ne souhaite pas l’imiter. Je rappelle que cet amendement poursuit deux buts : harmoniser les frais de déplacement et instituer, comme cela existe dans d’autres professions, un carburant professionnel. Pensez-vous que ce soit envisageable, monsieur le ministre ? Par ailleurs, je vous ai demandé si la création d’un ordre des infirmiers était envisagée. Enfin, les décrets concernant les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues vont-ils bientôt sortir ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, je comprends que vous demandiez à mon collègue de retirer son amendement. Seulement, chaque fois que l’on retire un amendement demandant la rédaction d’un rapport, on ne reçoit jamais d’informations en retour. Et, même quand on vote un tel amendement, on n’a pas toujours le rapport demandé ! Dans certains domaines – pas la santé, c’est vrai, mais la communication, par exemple –, des rapports confidentiels circulent entre Bercy et le ministère. D’année en année, nous demandons, sur tous les bancs de l’hémicycle, à en connaître la teneur, mais ils ne parviennent jamais à l’Assemblée nationale.

Mme Muguette Jacquaint. Ils se perdent en route !

M. Pierre-Christophe Baguet. La poste fonctionne pourtant bien ! Quoi qu’il en soit, il serait dommage de retirer cet amendement et je soutiens la position de M. Préel.

Récemment, j’ai accompagné dans sa tournée, entre six heures et demie et treize heures, une infirmière de ma circonscription. C’était très intéressant d’aller ainsi sur le terrain. Entre la circulation urbaine, le coût du carburant et le procès-verbal qui lui a été dressé, je vous garantis qu’elle n’a pas gagné sa vie, à beaucoup près, ce matin-là.

Si l’on pouvait, par conséquent, harmoniser les indemnités de déplacement entre les différentes professions, quitte à établir une différence entre la province et la région parisienne, ce serait une excellente chose. Les infirmiers attendent une décision sur ce point.

Quant à la création d’un ordre des infirmiers, j’ai cosigné la proposition de loi de M. Préel. Il faudrait y songer, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 217 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Plusieurs questions ont été posées au sujet des infirmiers. Avant tout, existe-t-il aujourd’hui un consensus dans la profession en faveur de la création d’un ordre ?

M. Jean-Luc Préel. Oui !

M. le ministre de la santé et des solidarités. La réponse est non. Les infirmiers le reconnaissent eux-mêmes. La position des syndicats de salariés n’est pas tout à fait la même, en effet, que celle des infirmiers libéraux. J’ai donc proposé qu’ils cherchent déjà entre eux les voies d’un consensus.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. S’ils n’y parviennent pas, nous prendrons nos responsabilités. Mais aujourd’hui, ce qu’ils demandent avant tout, c’est une instance capable d’édicter des règles de déontologie, de permettre l’évaluation des pratiques professionnelles et d’exercer une discipline nécessaire qui sanctionne toute entorse à la déontologie. Nous y travaillerons et nous obtiendrons des résultats à ce sujet.

S’agira-t-il d’un ordre ou d’une instance d’un autre type ? J’ignore encore quelles seront ses attributions et sa dénomination, mais une instance sera créée.

J’ajoute que j’ai reçu à plusieurs reprises les infirmiers, notamment dans le cadre de mes précédentes fonctions, car notre préoccupation est d’éviter que cette profession essentielle ne connaisse durablement une crise des vocations. Celle-ci n’est pas tant liée à la rémunération qu’aux conditions d’exercice de la profession. C’est pourquoi nous avons l’ambition de continuer à opérer des décloisonnements entre la médecine de ville et l’hôpital et, surtout, entre les professions médicales et paramédicales. Nous envisageons ainsi de créer des délégations de compétence qui, reconnaissons-le, sont de bon sens. Début novembre, le conseil supérieur de la profession infirmière examinera donc un certain nombre d’expérimentations et nous proposerons très rapidement des changements et de vraies innovations dans la pratique des médecins et des infirmières. J’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet à différentes reprises, notamment devant le conseil de l’Ordre des médecins, et je puis vous dire que les esprits ont évolué. Je précise qu’il ne s’agit pas de transferts de compétence, mais bien de délégations de compétence.

En ce qui concerne les masseurs-kinésithérapeutes et les podologues, le décret est aujourd’hui transmis au Conseil d’État. Nous sommes donc dans la dernière ligne droite. La concertation a eu lieu, nous avons pris des engagements et nous les tenons.

Article 27

Mme la présidente. Sur l’article 27, je suis saisie d’un amendement n° 69.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le soutenir.

M. Philippe Vitel. Je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 69 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 17 et 216.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 216.

M. Jean-Luc Préel. J’espère avoir plus de succès avec cet amendement qui a été accepté par la commission qu’avec le précédent, même s’il est symboliquement moins important.

Il est souhaitable que la Haute autorité de santé continue à donner son avis pour les décisions modifiant la hiérarchisation d’un acte ou d’une prestation. En effet, cette hiérarchisation n’est pas une simple décision tarifaire. Elle est importante, notamment pour la qualité des soins.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a adopté ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements car, pas plus le I de l’article 27 qu’une autre disposition du texte ne supprime l’avis de la Haute autorité de santé quand une cotation est modifiée dans une nomenclature. Votre proposition vise peut-être une disposition qui figurait dans l’avant-projet du Gouvernement soumis au Conseil d’État, mais cette disposition ne figure plus dans le texte actuel parce qu’elle constituait un cavalier. Votre amendement, monsieur Préel, est donc sans objet. C’est pourquoi j’en demande le retrait ou le rejet.

M. Jean-Luc Préel. Je retire l’amendement n° 216, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l’amendement n° 17 ?

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Oui.

Mme la présidente. Les amendements nos 216 et 17 sont retirés.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 70 et 85.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 70.

M. Philippe Vitel. Le II de l’article 27 a pour objet de rappeler la nécessité pour les médecins de tenir compte des recommandations établies par la Haute autorité de santé, mais cette disposition est trop restrictive car elle ne vise que les soins de suite ou de réadaptation. Nous souhaitons qu’elle soit étendue à l’ensemble des prescriptions des médecins, car elle contribue à l’amélioration de la qualité des soins.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l’amendement n° 85.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ces amendements ont été rejetés par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 70 et 85.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 71 et 86.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir ces amendements.

M. Philippe Vitel. Dans le dernier alinéa du III de l’article 27, le Gouvernement se propose d’adapter le dispositif du médecin traitant aux modalités particulières d’exercice des cabinets de groupe et des centres de santé. Le dispositif du médecin traitant repose sur un rapport de confiance entre le médecin – qu’il soit libéral, salarié ou hospitalier – et son patient. Or la mesure proposée, qui permet au patient de désigner plusieurs médecins traitants, nous semble édulcorer ce rapport de confiance.

Par ailleurs, la mise en œuvre de cette mesure risque de poser problème. En effet, le médecin traitant s’est vu confier plusieurs missions précises – participer à la mise en place et à la gestion du dossier médical personnel, assurer les soins de prévention, établir les protocoles des soins de longue durée et assurer la synthèse des informations transmises par les différents intervenants et son intégration dans le dossier médical personnel – et il serait préjudiciable au bon fonctionnement du système de santé que ces missions soient diluées par la désignation de plusieurs médecins sans qu’aucun d’entre eux ait à en répondre personnellement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ces amendements ont été rejetés par la commission. J’en comprends la philosophie, mais il ne faut pas voir dans l’exercice de groupe un obstacle à la mise en place du dispositif du médecin traitant. Cette mesure vise à rendre le dispositif plus commode. Elle représente une garantie d’efficacité au plan fonctionnel et incite les médecins à changer leur mode d’exercice et à se regrouper.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Nous souhaitons tous que la médecine soit exercée différemment. Or le vote de cet amendement irait à l’encontre de cette évolution.

J’ajoute que la commission a déposé un amendement afin de préciser que nous visons les médecins exerçant une activité de groupe dans le cadre de la même spécialité, et non ceux qui sont regroupés au sein d’une SCI, où toutes les spécialités peuvent être présentes.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Le raisonnement de M. Domergue est valable quand les médecins d’un même cabinet s’entendent parfaitement, mais cela n’est pas garanti par leur contrat d’association. Souvent, les médecins se regroupent pour partager des moyens, mais chacun a sa propre clientèle. La disposition du projet de loi risque donc, je le sais d’expérience, de poser de très nombreux problèmes.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 71 et 86.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 18.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Cet amendement précise, comme je viens de l’indiquer, que les médecins qui peuvent être désignés conjointement comme médecins traitants doivent exercer dans le cadre de la même spécialité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Accord.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 364.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous avons tous la volonté d’éviter le développement des déserts médicaux. Il est donc impératif de nous attaquer au chantier de la démographie médicale. Les professionnels ont eux-mêmes réfléchi à ce problème en liaison avec les élus locaux et le rapport du doyen Berland nous indique trois voies : l’incitation, la réforme des études et, surtout, l’évolution de la pratique médicale elle-même.

Des dispositifs figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est un premier pas. D’autres mesures suivront, d’ordre réglementaire – et nous aurons à cœur d’en informer la représentation nationale – et conventionnel. Je tiens à préciser la philosophie du Gouvernement en la matière : nous croyons résolument à l’incitation et nous excluons donc toute obligation ou coercition. En effet, si nous nous engagions dans la voie du conventionnement sélectif – comme le proposent certains –, je suis persuadé que nous provoquerions une véritable crise des vocations et que la profession médicale n’attirerait plus, demain, suffisamment de jeunes.

Pour obtenir des résultats, nous devrons sans doute aller au-delà du rapport Berland, car nous avons besoin d’un plan d’ensemble. Avec le projet de loi de financement, nous vous proposons de faire en sorte que les outils soient disponibles à partir du 1er janvier 2006.

L’amendement n° 364 vise ainsi à dépasser les dispositions de la réforme du 13 août 2004, en permettant à l’assurance maladie de moduler l’aide apportée en fonction du niveau d’activité et des modalités d’exercice des professionnels de santé. En d’autres termes, il s’agit de lui offrir la possibilité de décider, dans le cadre des discussions conventionnelles, de mieux rémunérer un acte médical dans les zones qui sont considérées comme sous-médicalisées. Il ne s’agit pas de créer un quelconque effet d’aubaine pour qui que ce soit mais, selon des critères qui seront précisés par les partenaires conventionnels, de faire un effort, notamment pour encourager l’exercice regroupé dans des cabinets ou dans des maisons de santé, qui abritent différents professionnels. Il me semble d’ailleurs que cette démarche a été approuvée sur tous les bancs.

Nous aurons besoin de garanties, car nous savons que, dans les zones sous-médicalisées, la principale préoccupation n’est pas tant le niveau de rémunération que la charge de travail. Avec cet amendement, nous nous engageons résolument dans la voie d’une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire, en choisissant une philosophie compatible avec notre système de santé et indispensable pour en assurer la pérennité : le volontariat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission n’a pas examiné cet amendement, dont nous avons pris connaissance au cours de la séance. Il faut en effet permettre à l’exercice médical de se renforcer et d’évoluer. Ce système de modulation incitera les jeunes à s’installer dans les zones déficitaires. À titre personnel, j’y suis donc favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes devant un problème majeur de notre système de santé, qui est confronté à un triple phénomène.

Le premier est celui de la démographie médicale, dont l’évolution va s’accentuer avec le départ à la retraite des générations du baby-boom.

Le deuxième est celui de la transformation des pratiques médicales. En effet, les mœurs ont changé et l’hyperactivité des médecins, synonyme d’engagement professionnel, a tendance à disparaître. Les jeunes générations, mais pas seulement elles, souhaitent désormais moins s’investir. Ce souhait est d’ailleurs d’autant plus vif que, étant de moins en moins nombreux, les médecins ressentent une pression beaucoup plus forte.

Le troisième, c’est l’anarchie résultant du système actuel, dans lequel on recourt de plus en plus fréquemment aux dépassements d’honoraires. Avec ce type de rémunération, les praticiens trouvent un intérêt évident à se fixer dans les régions où ils sont susceptibles de trouver une clientèle disposant de moyens suffisants pour s’offrir une très bonne mutuelle.

Cette logique de l’organisation libérale de la rémunération aboutit à ce que toutes les inégalités se renforcent et se cumulent. La réponse consistant à renforcer les aides financières directes – les aides à l’installation par exemple – me semble vouée à l’échec dans la mesure où elle ne répond pas véritablement aux aspirations des médecins. Dans les zones où ceux-ci peuvent se trouver quelque peu isolés, il convient avant tout de faire en sorte qu’ils puissent disposer de temps de repos, de loisirs et de formation suffisants. Autrement dit, ils ne doivent pas avoir pour unique perspective l’exercice de leur activité professionnelle douze ou quinze heures par jour, six ou sept jours par semaine et quarante-huit ou cinquante semaines par an.

La première chose à faire, c’est d’investir massivement sur les territoires défavorisés du point de vue de l’offre médicale. Aujourd’hui on fait tout le contraire, c’est-à-dire que l’on distribue l’argent de façon aveugle, notamment à des médecins déjà installés, disposant d’une certaine clientèle et pratiquant, dans certains cas, les dépassements d’honoraires. Bref, on ne porte pas l’effort financier là où il le faudrait.

Je ne crois pas du tout, notamment pour les raisons exposées par M. le ministre, à l’idée du conventionnement territorial, et je ne vois pas comment, après sept ou huit ans d’études, on forcerait un médecin à aller passer quatre ou cinq ans dans un territoire donné. En tout état de cause, je ne pense pas que cette idée, qui en est actuellement au stade de l’ébauche, puisse se concrétiser avant longtemps, car sa mise en œuvre soulève d’innombrables questions.

Nous devons donc adopter une autre approche. Je constate qu’avec cet amendement, le Gouvernement met en œuvre la fin d’un dogme, celui du paiement à l’acte. C’est l’une des pistes possibles et une première avancée, mais cela ne suffira pas. Il faudra, par exemple, créer des sociétés d’exercice professionnel employant des salariés, réfléchir à l’évolution de la profession, rassembler le médical et le médico-social, créer des maisons de santé... Il nous faut en tout cas concentrer l’effort sur les zones où l’offre médicale est faible et ne pas alimenter la tendance inflationniste enregistrée dans d’autres, car autant il ne me paraît pas possible de forcer les gens à aller ici ou là, autant nous n’avons pas vocation à solvabiliser n’importe quelle installation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, vous m’avez demandé tout à l’heure si j’avais eu l’avant-projet. Oui, je l’ai eu, et cela me paraît normal, puisque le Parlement doit être informé en amont. Plus vite nous prenons connaissance des projets, mieux cela vaut pour le fonctionnement de notre démocratie parlementaire.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Comment l’avez-vous obtenu ?

M. Jean-Luc Préel. Sans doute par votre intermédiaire, monsieur le ministre, puisque vous dites tenir au dialogue avec les parlementaires ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non, je ne crois pas vous l’avoir adressé !

M. Jean-Luc Préel. Pour résoudre le problème majeur et complexe que constitue la démographie médicale dans notre pays, à la fois en termes de répartition sur le territoire et de nombre de spécialistes, le groupe UDF préconise depuis longtemps des mesures incitatives. Nous avons donc approuvé les aides à l’investissement et demandé qu’elles soient pérennes ; sur ce dernier point, les doutes que nous avions au départ ne sont pas dissipés.

Nous sommes d’accord sur le principe de la rémunération variable, mais à condition que le patient soit totalement remboursé.

Une autre mesure que nous défendons depuis longtemps est celle de la mise en place de maisons médicales, qui pourraient être implantées au niveau cantonal.

Par ailleurs, proposer plus de postes qu’il n’y a de candidats au niveau national, comme cela a été le cas dernièrement, constitue une anomalie qui ne doit plus se reproduire. On ne peut admettre que 1 000 places de médecin généraliste soient restées non pourvues alors qu’on en manquait, notamment dans le Nord et l’Est du pays. L’UDF réclame depuis longtemps l’instauration d’un numerus clausus régional par spécialité, qui permettrait d’adapter l’offre aux besoins au niveau régional. Cette solution présente en outre un avantage supplémentaire, celui de permettre aux médecins de rester dans la région où ils ont fait leurs études, tissé leur réseau professionnel et souvent fondé une famille. À moins, bien sûr, qu’ils ressentent l’envie de fuir leur belle-mère ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Ou leur beau-père, car ces médecins sont à 70 % des femmes !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, votre intention est louable mais je crois que l’outil que vous nous proposez est faible. La démographie médicale est de plus en plus préoccupante : certaines spécialités ne sont plus du tout représentées dans certaines zones et l’on manque aussi de généralistes. Mais il serait illusoire de croire que la possibilité d’une rémunération complémentaire va suffire à résoudre le problème.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous n’avons jamais prétendu cela !

M. Claude Évin. J’avais déjà noté votre scepticisme sur la possibilité de régler tous les problèmes par cette mesure.

L’article L.162-14-1 du code de la sécurité sociale, que vous voulez compléter, a trait au champ de compétence de la négociation conventionnelle. Avant la loi du 13 août 2004, les partenaires conventionnels avaient la faculté de négocier des modes de rémunération différents du paiement à l’acte. Cela fait au moins quatre ou cinq ans qu’ils ont cette possibilité, et ils ne s’en sont jamais saisis. Peut-être la nouvelle opportunité que vous leur offrez les amènera-t-elle à le faire ? Force est de constater que, sur le terrain, la faculté de recourir à des modes de rémunération différents du paiement à l’acte n’a jamais pallié l’insuffisance de médecins dans certaines zones territoriales.

Nous en sommes actuellement à élaborer les schémas régionaux d’organisation sanitaire de troisième génération, qui constituent une avancée par rapport aux SROS de première et deuxième génération, puisque les médecins libéraux y ont été associés en partie. Mais le mode d’organisation du débat ne nous permet pas, lorsque nous constatons une carence, d’y remédier. En effet, l’ARH apporte une réponse pour les soins hospitaliers, mais pas pour la médecine ambulatoire. Je crains donc que la possibilité que vous ouvrez ne trouve aucune application pratique. Nous aurions besoin d’une agence régionale de santé capable d’assurer le pilotage de l’offre de soins à l’échelle de toute une région. Concrètement, il faudrait être en mesure de recruter et rémunérer de façon spécifique des professionnels de santé dans le cadre d’une organisation de coopération, au sein d’un hôpital, d’une maison de retraite ou de tout autre type d’établissement.

À condition que les partenaires conventionnels s’en saisissent, le dispositif que vous proposez permettra peut-être une avancée, mais il restera en tout état de cause beaucoup de chemin à faire pour répondre concrètement à l’insuffisance grandissante de l’offre de soins ambulatoires, notamment dans les zones rurales.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous allez donc voter cet amendement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Nous soutenons cet amendement qui, s’il n’est pas une panacée, représente tout de même un pas décisif témoignant de la volonté du Gouvernement de régler l’un des problèmes majeurs de notre système de santé, à savoir la répartition territoriale des professions de santé.

La mesure proposée ne consacre pas, comme l’affirme M. Le Guen, l’abandon du paiement à l’acte, mais prolonge les dispositions que nous avions votées le 13 août 2004, prévoyant la possibilité d’honoraires forfaitaires complémentaires pour les médecins s’engageant sur des actions de prévention de santé publique ou des modes d’exercice particuliers. C’est en restant dans ce cadre que nous tentons de régler, au moins partiellement, le problème majeur qui se pose à nous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Nous avons effectivement à faire face à un problème très important. Du fait d’une mauvaise répartition sur l’ensemble du territoire, c’est devenu la croix et la bannière pour trouver un spécialiste dans certaines régions – c’est le cas dans ma circonscription –, et parfois même un généraliste ! Il faut dire que les médecins font d’autres choix, notamment pour préserver leur qualité de vie.

Cela étant, monsieur le ministre, votre proposition me fait un peu penser à la situation dans les zones d’éducation prioritaires, où des suppléments de rémunération sont offerts aux enseignants. On s’aperçoit que cette différence de rémunération n’implique pas pour autant, malheureusement, que plus de professeurs ou d’instituteurs se portent volontaires. Cela montre qu’il faut mettre en œuvre d’autres moyens pour pallier la carence que nous constatons tous aujourd’hui et qui ne concerne pas seulement les zones rurales de notre territoire. En effet, les mêmes difficultés se posent aussi dans certains quartiers de nos villes.

J’ai ainsi rencontré des médecins qui ont choisi pour bénéficier d’une meilleure qualité de vie, et c’est leur droit, de partir dans des régions où les choses sont plus faciles, où les malades sont beaucoup moins atteints et connaissent moins de difficultés sociales que dans certaines zones.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 364.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je veux très sincèrement remercier les députés qui se sont exprimés sur cet amendement et qui l’ont voté. Certes, il ne va pas tout régler. Mais c’est un outil parmi d’autres. J’ai bien conscience que la question de l’organisation des soins au niveau territorial est indissociable de la mesure que nous venons de prendre.

Je rappelle aussi que le patient paiera la même somme et sera remboursé sur la même base. Il n’en reste pas moins que, dans les zones sous-médicalisées, il faut être capable de mieux rémunérer l’acte, notamment quand il est exercé de façon collective. L’évolution de notre système de santé, qui se dessine là, doit être encouragée.

Je ne méconnais pas pour autant le rôle essentiel des missions régionales de santé, qui sont déjà au travail. Il nous appartiendra ensuite d’évaluer les résultats de ce travail pour savoir si, oui ou non, grâce aux mesures que nous mettons en place et à celles que nous prendrons encore, nous réussissons à inverser cette tendance.

Mesdames et messieurs les députés, comme vous, je me suis engagé en politique parce que je ne crois pas à la fatalité. Je suis persuadé que nous allons montrer que la désertification médicale n’est pas une fatalité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 27, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 27.

Après l’article 27

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques nos 46 et 196.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 46.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il convient de rendre aussi automatique que possible la prescription en dénomination commune internationale. Pour ce faire, le présent amendement propose de confier à la Haute autorité de santé, au titre de sa mission de certification des logiciels d’aide à la prescription, le soin de vérifier, sinon d’exiger, que ces logiciels incitent à une prescription directe en DCI sans l’intermédiaire obligatoire d’un nom de marque.

Cet amendement vise en fait à aider le Gouvernement et l’UNCAM à promouvoir encore plus activement la politique du générique. Jusqu’à présent, en effet, les prescripteurs se sont insuffisamment engagés à mon avis dans cette voie. Or la prescription en DCI constitue un véritable moyen de promotion du générique. Cette disposition réduira la résistance qui existe encore face à la substitution. Il faut impérativement que le corps médical, en ville comme à l’hôpital, s’approprie la promotion du générique en prescrivant par DCI.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je partage votre volonté de baisser le prix du générique français qui est encore trop élevé par rapport au générique européen.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Tout à fait !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Les génériqueurs ne peuvent pas se plaindre, comme ils le font semble-t-il aujourd’hui dans la presse, et crier à l’étranglement alors qu’ils ont respectivement accordé en 2003 et 2004 258 millions d’euros et 420 millions d’euros de coopération commerciale aux pharmaciens. Dans le même temps, l’assurance maladie n’a économisé que 280 millions en 2003 et 380 millions en 2004.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il faut savoir raison garder : les génériqueurs doivent pouvoir exercer leur activité même en tenant compte du prix de fabrication internationale ; le pharmacien, quant à lui, doit être rémunéré pour le travail de substitution et de délivrance, mais cette rémunération doit rester acceptable au regard des économies pour l’assurance maladie.

La politique du générique est d’abord destinée à réaliser de réelles économies pour l’assurance maladie, qui doit engranger l’essentiel des bénéfices, et non à alimenter la chaîne de fabrication et de distribution.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il faut aussi que cessent toutes les manœuvres de contournement de l’industrie du médicament. Il est essentiel que les médecins s’engagent eux-mêmes dans la prescription du générique, notamment par la DCI si nous voulons réellement atteindre, en 2007, 1,7 milliard d’économies et peut-être davantage.

Cet amendement n’est qu’un outil supplémentaire pour atteindre cet objectif.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l’amendement n° 196.

M. Jean-Marie Le Guen. Je n’ai pas grand-chose à ajouter après la très rigoureuse démonstration d’Yves Bur sur cette question stratégique pour le Gouvernement et nos finances sociales. Nous avons été jusqu’au bout de la logique instaurée par le précédent gouvernement qui avait consisté à introduire les génériques par le biais de la substitution chez le pharmacien. Il fallait sans doute passer par cette étape pour faire comprendre à nos compatriotes que le générique était un excellent médicament, et pour les familiariser avec son usage.

Aujourd’hui, la chaîne est bloquée. Certes, on peut se réjouir du nombre de boîtes de générique – malheureusement encore insuffisant – vendues dans notre pays. Mais elles sont vendues à des prix colossaux qui n’ont rien à voir avec les prix pratiqués sur le marché international et nous ne tirons pas de ces ventes les bénéfices que nous pourrions en attendre au niveau de la consommation pharmaceutique. Tout cela parce que nous donnons les éléments d’une marge considérable aux génériqueurs et au réseau de distribution.

Et lorsque vous souhaitez réagir, monsieur le ministre, vous vous trouvez confronté à la profession des pharmaciens, qui avaient vu dans ces sortes de   marges arrière  sur les génériques une part très importante de leurs revenus.

Il nous faut donc remettre l’industrie du médicament sur ses pieds. Cela signifie qu’elle doit vendre des molécules véritablement innovantes et ne doit pas d’abord servir une puissance commerciale. La recherche, le développement, la prise de risque, la démarche de présentation, avec un peu de marketing sans doute, doivent l’emporter.

Les pharmaciens doivent être des éléments de la chaîne de santé et de l’offre de santé. Et c’est comme tels qu’ils doivent être rémunérés et non grâce à un effet d’aubaine, par exemple le générique. Le corps médical est en effet, aujourd’hui, sous la pression commerciale des laboratoires peut-être, du reste, parce qu’il ne s’est pas lui-même suffisamment engagé dans la prescription en générique.

À cet égard, la prescription en DCI est la clé qui va permettre de libérer le prescripteur de la pression commerciale. Elle va permettre de remettre dans le bon sens l’ensemble de notre chaîne de production et de distribution du médicament. C’est donc un élément majeur. Sans lui, tout ce que vous entreprendrez pour favoriser les baisses de prix des génériques, monsieur le ministre, se heurtera à des réalités sociales qui rendront inapplicables votre politique.

Nous avions dit en son temps que des économies étaient possibles dans la dépense de médicament. Elles sont même très importantes et pourraient ne pas avoir d’effets économiques trop négatifs. À condition cependant, que nous en revenions à une prescription saine du médicament. Il ne doit plus y avoir d’interférences commerciales secondaires. C’est grâce à la DCI que nous y parviendrons. Elle permettra aussi une meilleure qualité de la prescription qui sera ainsi moins soumise à la pression commerciale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement remercie les auteurs de ces très bons amendements et émet un avis favorable. Ils sont en effet de nature à favoriser une plus large diffusion des génériques.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a adopté ces deux amendements. On a beaucoup insisté sur le rôle des pharmaciens dans la substitution et la prescription des génériques. Il faut maintenant mettre l’accent sur la nécessaire implication des médecins dans la prescription en DCI, qui renforcera la promotion du générique. Ces amendements vont dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Dubrac.

M. Gérard Dubrac. Je veux réagir après les propos que je viens d’entendre. Les pharmaciens ont montré ces dernières années combien ils s’étaient impliqués dans la substitution qui n’aurait pas atteint le niveau qu’on connaît aujourd’hui s’ils n’avaient pas été fortement sensibilisés par la nécessité de faire baisser le prix de vente des médicaments.

Mais j’émets quelques doutes quand j’entends qu’on va faire reposer l’évolution de la substitution sur des artifices puisqu’on attend que des logiciels permettent facilement la prescription en DCI. Moi, qui suis pharmacien et qui pratique toujours l’art de la pharmacie, je peux vous dire en effet qu’aujourd’hui, moins de la moitié des ordonnances sont rédigées par une machine. Toutes les autres sont manuscrites. Je souhaite donc bon courage à ceux qui auront à décrypter des prescriptions en DCI rédigées à la main ! Cela me semble matériellement impossible.

Il faut savoir raison garder. Les pharmaciens font leur travail de substitution et les caisses d’assurance maladie rendent compte par trimestre du classement et de la pénétration du générique dans les ventes de chaque officine. Ce système me semble plus efficace que celui qui ramènerait le travail du pharmacien à gérer des aménagements techniques. Ce serait une très mauvaise chose pour la profession.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. Ce PLFSS pour 2006 m’afflige. Cela fait maintenant vingt ou trente ans que les mesures visant à réduire le déficit de l’assurance maladie consistent exclusivement à taper sur le médicament avec les résultats qu’on connaît. Or ce manque d’imagination est catastrophique et tout le monde le vit mal. Surtout, et très concrètement, le médicament représente 8 % de la dépense de l’assurance maladie.

Tous, ici, nous savons calculer. Et nous savons aussi que nous allons nous retrouver dans cet hémicycle l’an prochain pour refaire le même constat. Nous perdons beaucoup de temps sur ces 8 % de dépenses dont la réduction ne réglera pas le problème du déficit. En revanche, je n’ai pas entendu parler une seule fois de l’hôpital public.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Cela va venir !

M. Jean-Marc Roubaud. Je connais les mesures qui sont proposées et j’ai le sentiment qu’elles auront autant d’efficacité que celles sur le médicament. Je ne lis pas dans le marc de café, mais je ne suis pas novice.

Aujourd’hui, les pharmacies d’officine représentent un important réseau de distribution. Ce sont des entreprises comme les autres, qui doivent faire face à des charges qui augmentent tout en continuant d’embaucher et d’investir. Que je sache, personne au ministère n’a jamais évalué les manques à gagner que peuvent créer certaines décisions en matière de TVA, d’impôts, d’embauche et d’investissements !

Il faut provoquer un électrochoc pour nous obliger à affronter la réalité en face, faute de quoi, dans dix ans, nous pleurerons encore !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne boude pas mon plaisir, madame la présidente ! Les commentaires de notre collègue le montrent, la politique gouvernementale a changé d’orientation. Ce soir, le Gouvernement accepte des mesures que nous proposions depuis plusieurs années, en particulier dans le cadre du débat sur l’assurance maladie. Pourtant, il nous a toujours reproché de ne rien proposer ! S’il reprend nos propositions pour les mettre en œuvre, c’est qu’elles sont intéressantes et justes !

M. Jean-Marc Roubaud. Non, elles sont mauvaises !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez le droit de penser cela, mon cher collègue ! À votre décharge, ce sont les collègues de votre groupe qui nous expliquent depuis plusieurs années que ces mesures sont mauvaises !

M. Jean-Marc Roubaud. Elles le sont !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout le monde a compris que vous étiez resté sur vos positions précédentes ! En tout état de cause, que le Gouvernement reprenne des propositions que nous avons faites dans des débats antérieurs, sur ce sujet stratégique qu’est le médicament, dépasse largement la question de la taxe. Personnellement, je m’en félicite, comme je me réjouis du débat que nous venons d’avoir sur les rémunérations forfaitaires. Nous avons trop entendu que nous n’avions rien à dire ni à proposer. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre… Mais aujourd’hui, le miracle s’est produit et le Gouvernement reprend certaines de nos propositions sur des sujets essentiels. Je regrette seulement que nous ayons perdu au passage deux ou trois ans, alourdissant ainsi le déficit de quelque 60 milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, mon cher collègue, ces mesures n’auront pas un effet immédiat, car la prescription en DCI ne sera pas adoptée du jour au lendemain. Mais elles seront de nature à faire évoluer d’une façon favorable les dépenses en médicaments dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. M. Le Guen a raison, nous venons d’assister à un double choc culturel : je comprends que certains de nos collègues aient peine à suivre l’évolution, positive au demeurant, du ministre.

En ce qui concerne les prescriptions en DCI et les rémunérations forfaitaires, M. Le Guen a exprimé notre position. Il y a quelque temps, lorsque nous remettions en question, pour partie, le dogme du paiement à l’acte, cela provoquait ici le plus grand effroi, comme au cours des débats sur la réforme de l’assurance maladie !

Je me souviens du jour où M. Xavier Bertrand a présenté sa réforme. C’était dans le courant de l’automne 2004, à Toulouse, devant un groupe de médecins. Me croisant, il me dit : nous avons colligé les déclarations des députés socialistes remettant en question le paiement à l’acte, y compris les vôtres ! J’avais donc fait une déclaration en ce sens, et j’avais sans doute eu raison puisque le ministre module aujourd’hui le paiement à l’acte par le biais d’une disposition qui concerne la démographie médicale et les territoires sous-médicalisés. C’est une disposition insuffisante, certes, mais néanmoins positive.

Il reste beaucoup à faire, dans le cadre des conventions, pour l’organisation de la profession elle-même. Celle-ci pourrait par exemple mettre en place un fonds de péréquation. Dans le « Point stat » de la caisse nationale d’assurance maladie pour l’année 2004, on peut mesurer l’importance des dépassements d’honoraires pour certaines spécialités. Les dépassements d’honoraires atteignent aujourd’hui 41 % pour la chirurgie, tous secteurs conventionnels confondus, ce qui signifie que c’est encore plus important pour le secteur 2. Ils atteignent 34 % pour la radiologie, 35 % pour l’urologie, 66 % pour la stomatologie, et 38 % pour la chirurgie orthopédique. Cela montre qu’à côté de l’évolution du mode de rémunération de l’acte médical, il reste beaucoup à faire pour la régulation des tarifs. Les syndicats de médecins ne pourraient-ils prendre des initiatives à travers les mécanismes conventionnels ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je voudrais, madame la présidente, avant que vous ne mettiez aux voix ces amendements, apporter quelques précisions, car à écouter certains orateurs, je crains qu’il n’y ait une confusion entre cet amendement et d’autres amendements qui, à juste titre, ont été rejetés l’an dernier dans la discussion du projet de loi qui a abouti à la loi du 13 août 2004.

Ces amendements n’ont qu’un objet : faire en sorte que les logiciels d’aide à la prescription ne renvoient pas, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, aux médicaments de marque et au contournement des génériques.

Il ne s’agit en aucun cas d’obliger les médecins à prescrire en DCI, mais de s’assurer que ces logiciels d’aide ne comportent pas de tels travers. Pour autant, nous savons que pour développer les génériques, nous devons nous appuyer sur les médecins, les pharmaciens et compter sur la compréhension des assurés sociaux. C’est la raison pour laquelle je réitère l’avis favorable du Gouvernement sur ces amendements.

Mme la présidente. Sur le vote des amendements nos 46 et 196, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………….

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 46 et 196.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 47 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à créer un mécanisme de révision triennale du prix des médicaments et des dispositifs médicaux par le Comité économique des produits de santé.

Ce mécanisme automatique permettrait de décharger le CEPS de toute difficulté éventuelle de renégociation périodique et d’assurer, en s’inspirant de la philosophie de la Haute autorité de santé, une adaptation régulière des mécanismes de prise en charge de l’évolution du progrès médical.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a rejeté cet amendement. Le dispositif existe déjà et le CEPS a la possibilité de modifier les prix dans le cadre conventionnel. Ce système a peut-être un côté incitatif, mais il nous a paru quelque peu rigide et c’est la raison pour laquelle la commission l’a rejeté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement estime que certains médicaments doivent voir leur prix révisé tous les trois ans, tandis que d’autres peuvent bénéficier d’une période plus longue. Par conséquent, il n’est pas favorable à cet amendement qui introduit une trop grande rigidité, alors que le propre du travail du Comité économique des produits de santé est justement de négocier avec les laboratoires et d’ajuster les prix en fonction des réalités observées au fil du temps.

C’est la raison pour laquelle je demande à M. Bur, auprès duquel je m’engage à ce que la lettre d’orientation du ministérielle au CEPS s’inspire de l’esprit de cet amendement, de bien vouloir le retirer.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je le retire !

Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.

Je suis saisie d’un amendement n° 48.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 28

Mme la présidente. Sur l’article 28, je suis saisie de trois amendements identiques, nos 154, 167 et 274.

L’amendement n° 167 n’est pas défendu.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint pour défendre l’amendement n° 154.

Mme Muguette Jacquaint. L’article 28, qui propose d’étendre le dispositif de régulation appliqué aux produits de santé remboursés en ville aux médicaments facturés en sus des tarifs de groupes homogènes de séjour à l’hôpital, pourrait de prime abord paraître anodin. En effet, le comité économique des produits de santé est autorisé à baisser unilatéralement le tarif de responsabilité.

Mais, dans le même temps, les entreprises pharmaceutiques peuvent demander au CEPS, qui est tenu d’accéder à cette demande, de substituer à cette baisse de prix le versement d’une remise à l’assurance maladie.

Nous avons donc affaire, je le crains, monsieur le ministre, à une nouvelle usine à gaz puisque le Gouvernement envisage une règle pour proposer immédiatement de l’assortir d’une dérogation.

Cela me paraît bien complexe et illisible, et je souhaiterais avoir quelques éclaircissements.

En effet, si l’on comprend bien, cette possibilité de dérogation est d’autant plus superflue que le choix par l’entreprise pharmaceutique de l’une ou l’autre des deux options serait sans conséquence sur les comptes de la sécurité sociale.

Cependant, à y regarder de plus près, la possibilité de substituer à la baisse du tarif de responsabilité le versement d’une remise à l’assurance maladie est lourd de conséquences.

Pour une entreprise pharmaceutique, les répercussions d’une baisse de prix ne reviennent pas du tout à la même chose que le versement différé d’une remise.

En effet, préférer le versement d’une remise à la baisse des prix laisse le temps et les marges de manœuvre nécessaires à l’entreprise pharmaceutique pour effectuer des placements financiers dont les éventuels revenus pourront être utilisés à titre de remise à l’assurance maladie.

Cette dérogation accordée aux entreprises permet donc au Gouvernement de ménager une part de sa clientèle électorale.

Pire, elle met en pièces l’efficacité du dispositif de régulation des dépenses de médicaments, puisque permettre aux entreprises pharmaceutiques de déroger à la baisse du tarif de responsabilité décidée par le CEPS revient à créer les conditions du maintien d’un écart conséquent entre le prix de vente et le tarif de responsabilité.

Or, on sait que le taux de remboursement du régime général est calculé sur la base du tarif de responsabilité.

Une fois de plus, je crains que les assurés ne fassent les frais – au sens propre comme au sens figuré – de la dérogation accordée aux entreprises pharmaceutiques. Directement, dans le cas où ils n’ont pas souscrit d’assurance complémentaire. Indirectement, dans le cas inverse, puisque le surcoût à la charge des organismes se traduira inévitablement in fine par une augmentation des cotisations payées par les assurés.

Aussi, afin de réduire le potentiel de nuisance de cet article 28, nous vous proposons, par le présent amendement, de supprimer la dernière phrase du texte proposé pour l’article L. 162-22-7-1 du code de la sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n° 274.

M. Gérard Bapt. Cet amendement s’inscrit dans la logique de notre critique du choix fait par le Gouvernement de majorer la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires plutôt que d’agir par la baisse des prix.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous agissons aussi sur les prix !

M. Gérard Bapt. Mais vous avez aussi augmenté la taxe sur le chiffre d’affaires et avec l’article 28, vous donnez aux laboratoires la possibilité de choisir entre la baisse de prix et le versement d’une remise à l’assurance maladie d’un montant équivalent à la perte de chiffre d’affaires résultant de la baisse de tarif.

Or il est bien clair que s’il n’y a pas baisse de prix, et donc s’il y a une recette positive pour l’assurance maladie, il n’y a par contre aucun avantage pour la mutuelle et l’assuré, eu égard à ce qui n’est pas pris en charge par l’assurance de base. Nous pensons qu’il vaut mieux aller vers une baisse de prix qui profiterait à toute la chaîne : l’assurance maladie, la complémentaire et le patient pour ce qui reste à sa charge.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur. La commission a rejeté les deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Nous sommes bien dans le cadre des médicaments qui entrent dans les budgets hospitaliers. Or l’article 28 propose un mécanisme permettant à un laboratoire pharmaceutique de refuser de baisser ses prix – pour des raisons qui peuvent d’ailleurs se comprendre au regard d’une concurrence internationale –, malgré l’avis que lui a donné le Comité économique des produits de santé. Refusant de baisser ses prix, il doit verser une remise à l’assurance maladie. Mais monsieur le ministre, que fait l’établissement de santé dans ce cas-là ?

Votre prédécesseur, M. Douste-Blazy, avait fait de la démarche de marchés publics dans les hôpitaux un des grands objectifs de maîtrise de l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Si les hôpitaux améliorent leur procédure de marchés publics, ils pourront faire faire des économies à l’assurance maladie, plaidait-il. Sur le principe, je crois qu’il est fondé de veiller à améliorer les procédures de marchés publics.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Très bien !

M. Claude Évin. Mais pouvez-vous m’expliquer quelle sera la marge de négociation pour un hôpital en matière de médicament quand le Comité économique des produits de santé dit qu’il faudrait baisser les prix et que le laboratoire s’y refuse, préférant s’acquitter d’un versement à l’assurance maladie ? Eh bien l’hôpital prendra les prix « plein pot » !

Quelle cohérence y a-t-il entre la disposition contenue dans la dernière phrase de l'article 28 et l’objectif que vous visez en demandant aux établissements hospitaliers de négocier davantage leurs prix du médicament avec l’industrie pharmaceutique ?

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 154 et 274.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisi d’un amendement n° 155.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Nous proposons avec cet amendement de compléter le dispositif relatif au prix de vente des médicaments aux hôpitaux.

Il s’agit permet d’interdire aux entreprises de l’industrie pharmaceutique d’imposer aux établissements de santé leurs produits à des prix supérieurs au tarif de responsabilité.

On sait en effet que le principe selon lequel les médicaments sont vendus à prix libre par les industriels aux hôpitaux, donc sans l’obligation de respecter le tarif de responsabilité, dans le cadre de marchés publics, permet aux entreprises en question de compenser – et même au-delà – les conséquences des efforts entrepris en matière de fixation des prix des médicaments remboursables pour la médecine de ville.

La disposition actuelle du code ne permettait pas simplement aux hôpitaux d’en faire supporter le coût aux patients, car il leur était interdit de facturer aux patients la différence entre le prix d’achat et le tarif de responsabilité. C’était donc l’hôpital qui devenait l’otage de cette réglementation.

Nous considérons que toute action soucieuse de limiter l’augmentation des dépenses de médicaments serait vaine si elle se gardait de dégager les moyens d’en finir avec cette aberration.

En conséquence, et en cohérence avec les dispositions prévues à l’article L.162-16-4 du code de la sécurité sociale et celle de l’article 28, bien que nous proposions de l’amender également, il conviendrait de rendre opposable aux entreprises le tarif de responsabilité pour empêcher que celles-ci ne récupèrent sur les établissements de santé tout ou partie de la baisse des prix qui sera décidée par le Comité économique des produits de santé. Ainsi l’hôpital pourrait réaliser des économies sur ses achats de médicaments.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 155.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous savez combien je suis attaché au dialogue et notamment avec M. Evin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Claude Évin. Pas uniquement ! Et les autres, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je ne voudrais pas créer de jalousie entre vous au Parti socialiste ! Franchement, vous n’en avez nul besoin en ce moment ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. On est là, aussi !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame Jacquaint, comme si je pouvais vous oublier !

Mme la présidente. Allez, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas parce que vous êtes située sur ma gauche – géographiquement parlant – que je risque de vous oublier, madame Jacquaint ! N’ayez aucune crainte ! (Sourires.)

Les médicaments remboursés dont nous parlions sont bien en sus de la T2A, monsieur Évin, vous le savez bien.

M. Claude Évin. Oui !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Là, il s’agit bien de médicaments payés hors forfait en supplément aux hôpitaux ; il n’y a donc pas de confusion.

Je vous remercie du distinguo subtil que vous avez commencé à esquisser tout à l’heure en matière de politique d’achat. Vous savez quelle est ma volonté, mais aussi que je suis très attaché à la méthode. Car il ne sert à rien d’aligner des chiffres si les objectifs ne peuvent pas être atteints. Il n’y a que dans la concertation avec les responsables hospitaliers que nous parviendrons aux objectifs que nous avons définis ensemble et je préfère avoir des résultats supérieurs plutôt que des objectifs jamais atteints. J’entends procéder ainsi.

J’ajoute une chose. Les médicaments sont payés sur la base de tarifs forfaitaires fixés par le CEPS après avoir observé les prix pratiqués dans les établissements de santé.

Il n’y a donc pas de méprise ni sur les médicaments dont nous parlons ni sur la politique d’achats hospitaliers à laquelle, vous le savez, je suis tout autant attaché.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 28.

(L’article 28 est adopté.)

Après l’article 28

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 28.

Monsieur Bapt, voulez-vous soutenir tous ensemble les amendements nos 171, 168, 169 et 170 de Mme Billard ?

M. Gérard Bapt. Non, madame la présidente, modestement, je me contenterai de défendre l’amendement n° 171, les autres ayant été déjà largement traités. Mme Billard est empêchée par ce qui peut être considéré comme un accident du travail, et nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

Cet amendement est très intéressant : il s’agit d’enrayer l’inflation des honoraires de nombreuses professions de santé, notamment des médecins spécialistes en secteur 2, en donnant une traduction législative et réglementaire à la notion déontologique de « tact et mesure ». C’est avec tact et mesure que l’on devrait fixer des dépassements d’honoraires. Cet amendement, dont j’ignorais l’arrivée en séance publique puisqu’il n’a pas été présenté en commission, rejoint les observations que j’ai déjà formulées sur l’importance prise par les dépassements dans les revenus des paiements à l’acte.

J’ai cité les chiffres qui correspondaient au montant du dépassement par rapport au montant global des honoraires perçus pour différentes spécialités. Pour les omnipraticiens, cela se limite à 5,2 %, tandis que, pour les spécialistes, cela monte à 16 %, secteurs 1 et 2 confondus, ce qui signifie donc que, pour ceux du secteur 2, le taux des dépassements est proportionnellement beaucoup plus important. Les taux relevés s’échelonnent de 34 % à 66 %, comme le révèle le numéro 43 du Point stat publié par la direction des statistiques et des études de la CNAM.

En défendant la motion de renvoi en commission, j’ai également cité le « Monsieur Santé » des AGF, qui expliquait que, depuis que sa compagnie plafonnait à 2000 euros par acte la prise en charge des dépassements d’honoraires, elle avait réalisé en quelques mois plusieurs millions d’économies.

Voilà pourquoi cette notion de « tact et mesure » pourrait être avantageusement réglementée si M. le ministre voulait bien considérer le problème dans sa vraie dimension et si notre assemblée acceptait l’amendement de Mme Billard.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 171 ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a repoussé cet amendement, car il n’est pas certain qu’encadrer le principe du tact et de la mesure qui prévaut en matière de dépassement d’honoraires soit la meilleure solution. Les taux de dépassement d’honoraires que vous avez cités me paraissent conformes à cette règle, mais, si certains praticiens y manquaient, il faudrait mettre en place un système de sanction. En tout état de cause, ce n’est pas parce qu’une très faible minorité d’entre eux dérapent, dans certaines villes ou dans des secteurs particuliers, qu’il faut remettre le principe en cause.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis défavorable. Nous nous sommes très longuement expliqués sur ce sujet hier. Les dépassements illégaux sont intolérables et on doit y mettre fin, même si nous savons, d’après les enquêtes de la CNAM, qu’ils sont très minoritaires.

En ce qui concerne le tact et la mesure, je vous ai indiqué plusieurs initiatives qui ont déjà été prises et d’autres pour lesquelles des contacts ont été noués avec le conseil de l’Ordre. Nous voulons éviter les dérives qui ont été constatées, d’après la caisse d’assurance maladie, chez 2,4 % des praticiens − ce qui est peu mais encore trop. Tout le monde a intérêt à mettre bon ordre dans le système, y compris les médecins libéraux et les syndicats qui sont très attentifs à cette question. Le principe du tact et de la mesure doit donc être appliqué avec le plus grand discernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 171.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Les amendements nos 168, 169 et 170 ne sont pas défendus.

Je suis saisie d’un amendement n° 157.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Le remboursement des médicaments constitue un important poste de dépenses et a représenté 30 % des dépenses de soins de ville en 2004. Il convient donc d’améliorer la législation en vigueur pour faire en sorte que les besoins soient parfaitement satisfaits.

On ne peut plus se contenter des bonnes intentions de l’industrie pharmaceutique qui exige la liberté d’entreprendre pour nous promettre des jours meilleurs. Aujourd’hui, elle aspire davantage à solvabiliser ses produits qu’à rechercher des molécules innovantes, prétextant que l’un est la condition de l’autre. Or on ne voit rien venir. Soit l’industrie modifie à la marge les molécules déjà tombées dans le domaine public afin de faire durer leurs brevets, prolonger leur rentabilité et bénéficier d’une nouvelle période de protection pour leur produit en commercialisant un médicament prétendument nouveau, soit elle s’évertue à multiplier les médicaments agissant sur des pathologies pour lesquelles nous disposons déjà de nombreux traitements. Il existe ainsi plusieurs dizaines de médicaments contre l’hypertension artérielle : on sait aujourd’hui parfaitement soigner cela et la palette des médicaments est suffisante. Mais, comme c’est une pathologie très courante et que le marché est porteur − en 2004, la sécurité sociale en a remboursé pour 872 millions d’euros −, les industries préfèrent se concentrer sur un marché caractérisé par une forte demande et où la solvabilité est assurée par la sécurité sociale.

Pendant ce temps, certaines maladies − par exemple les maladies neurologiques dégénératives − attendent des traitements et la recherche souffre d’un manque de moyens. Mais on l’accepte en se disant que les lendemains seront meilleurs et que des médicaments innovants arriveront bientôt sur le marché. Or, sur les 400 à 500 nouveaux médicaments introduits chaque année sur le marché français, moins de 5 % correspondraient en effet à de réelles innovations.

Vous avez dit en commission, monsieur le ministre, que, selon le CEPS, les nouveaux médicaments mis sur le marché étaient au nombre de 196 en 2004, et de 60 au cours des neuf premiers mois de 2005. Sont-ils tous remboursés ? Le Xenical, contre l’obésité, ne l’est pas, pas plus que la toute dernière pilule contraceptive de troisième génération sous forme de patch − Evra −, que le Méninvact, un vaccin contre la méningite C, maladie qui peut pourtant entraîner de graves séquelles, ou que le Protelos, nouveau médicament utilisé dans le traitement de l’ostéoporose.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est en cours !

Mme Muguette Jacquaint. Et Mme Génisson évoquait en commission le cas du Celebrex. Ne dites donc pas que notre proposition repose sur un fantasme et qu’il n’existe pas de médicaments nouveaux non remboursés : c’est faux, je viens d’en citer plusieurs.

Pour que les progrès des traitements médicaux soient accessibles à tous, nous proposons que les demandes d’AMM s’accompagnent obligatoirement d’une demande d’inscription sur la liste des médicaments remboursables.

Vous venez de dire en aparté, monsieur le ministre, que certains médicaments allaient être remboursés.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je ne l’ai pas dit en aparté : je l’ai dit en public !

Mme Muguette Jacquaint. J’espère que vous pourrez nous apprendre que tous ceux que j’ai cités le seront.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. La commission a rejeté cet amendement. Madame Jacquaint, vous avez cité le Xenical. J’ai été en contact avec les laboratoires Roche, qui souhaiteraient que ce médicament soit remboursé. Prenez le problème à l’envers : lorsqu’un médicament est déremboursé, le laboratoire qui le produit n’est pas content. Dès qu’un produit obtient l’AMM, le laboratoire s’évertue à faire en sorte qu’il soit remboursé. Ce que vous dénoncez peut concerner à la marge certaines molécules, mais ce n’est pas la règle.

Mme Muguette Jacquaint. Mais ce ne sont pas les moindres !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis que la commission. En ce qui concerne le Protelos, les discussions en cours avec le CEPS sont sur le point d’aboutir.

Mme Muguette Jacquaint. Il y en aura donc au moins un sur les cinq que j’ai nommés !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il doit y avoir longtemps que vous n’avez pas fait 20 % ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 157.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 158.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement revient sur l’importante question du déremboursement des médicaments, sur la notion de service médical rendu et sur son lien avec le niveau de remboursement.

Sous prétexte que plusieurs spécialités sont inefficaces ou insuffisamment efficaces, leur niveau de remboursement baisse sensiblement. C’est là une incohérence : soit le médicament est efficace et continue d’être remboursé, soit il ne l’est pas et il doit être retiré du marché.

La nouvelle série de déremboursements, comme celle de l’année dernière, révèle que certains produits étaient couramment prescrits : c’est donc que le professionnel de santé reconnaissait leur utilité. Pourquoi, du jour au lendemain, ne seraient-ils plus efficaces ? Les critères de la Haute autorité de santé sont-ils les seuls qui vaillent ? Il faut, ici, poser la question du contre-pouvoir à de telles décisions. Que pensent de cette liste les professionnels, les associations d’usagers ou de malades ?

Plusieurs exemples nous interpellent. Plus aucun antihistaminique n’est pris en charge à 65 % alors même qu’on note une augmentation continuelle des cas d’allergie. Or, le plus souvent, une personne allergique doit prendre des antihistaminiques. De même, depuis quelques années, les veinotoniques sont la cible de déremboursements. Si Maxime Gremetz était là…

M. Dominique Tian. Non, non, laissez-le où il est ! (Sourires.)

Mme Muguette Jacquaint. …il serait encore plus éloquent que moi pour montrer que ce médicament a toute son utilité, en particulier en cas de phlébite. Si nous ne reconnaissons pas cet intérêt, pourquoi abaisser le taux de remboursement ? Ne vaudrait-il pas mieux les retirer du marché ?

Nous sommes face à une contradiction. Si l’ordonnance est obligatoire pour certains médicaments, on peut supposer que le service médical rendu est réel. Sinon, pourquoi les maintenir sur la liste des médicaments ? Certes, il existe des médicaments dont l’insuffisance a été démontrée et pour lesquels des substitutions dans le même ordre de prix sont possibles. Mais, pour d’autres, le malade n’a plus que le choix de payer de sa poche. Ce dérapage aboutit à réduire le champ de l’assurance maladie et à appliquer aux médicaments la logique du panier de soins.

Défendre l’assurance maladie, comme l’écrit Philippe Pignarre, c’est aussi se poser la question de la politique du médicament en matière de politique des brevets, de contenu des recherches, d’intérêt des médicaments. Comme il le souligne encore, on ne peut plus accepter que ces questions reposent entre les seules mains d’experts prétendument neutres.


Mme la présidente.
Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Avis défavorable. Madame Jacquaint, la notion d’autorisation de mise sur le marché n’est pas totalement incompatible avec la notion de service médical rendu insuffisant. Par ailleurs, il faut que vous en preniez conscience, l’automédication doit être valorisée. Ce n’est pas parce qu’un médicament a un SMR insuffisant qu’il doit être complètement banni de l’arsenal thérapeutique.

Mme Muguette Jacquaint. Je pensais que vous étiez contre l’automédication, monsieur le rapporteur.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. L’automédication, nous en reparlerons, a sa place et nous allons progressivement développer son usage.

Mme Muguette Jacquaint. Je n’ai pas toujours entendu ça !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 158.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 230 rectifié.

La parole est à M. le ministre délégué, pour le soutenir.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Cet amendement porte sur le remboursement des médicaments de la classe des veinotoniques.

Comme vous le savez, le Gouvernement a décidé de suivre les recommandations de tous les experts de la commission de la transparence et de la Haute autorité de santé en déremboursant des médicaments à service médical rendu insuffisant.

Néanmoins, nous avons décidé de différer la date d’entrée en vigueur pour les veinotoniques, qui sont encore très utilisés par nos concitoyens et concitoyennes, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens, pour leur laisser le temps de s’adapter. Nous proposons de repousser la date du déremboursement de ces produits au 1er janvier 2008.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Avis favorable de la commission. Ce délai laissera le temps aux complémentaires de décider si elles remboursent ou non ces médicaments.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 230 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement n° 49.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. En lien avec le thème de la rétrocession hospitalière, cet amendement a pour but de permettre aux caisses de conclure avec les établissements de santé publics et privés des conventions relatives aux prescriptions hospitalières réalisées en ville. Il s’agit de donner une assise juridique aux accords cadres qui sont actuellement négociés avec les hôpitaux. Le cadre est plus général que celui dans lequel évolue actuellement la caisse nationale d’assurance maladie pour traiter certains problèmes particuliers, comme les antibiotiques et les transports, ou demain les statines.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Avis défavorable. Cet amendement ne paraît pas utile. Il existe déjà des accords relatifs au bon usage de soins entre les caisses et les établissements de santé. Cet ajout ne ferait qu’alourdir le code de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La méthode qui a été retenue par la loi du 13 août 2004 portant réforme de l’assurance maladie consiste à mettre en place un dispositif d’accord d’amélioration des pratiques hospitalières. Un premier accord vient d’ailleurs d’être signé sur les antibiotiques. Il sera suivi d’autres accords inspirés de ce qui se passe avec la convention des médecins pour les différentes catégories de médicaments qui font l’objet d’objectifs de prescription. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce qu’une nouvelle possibilité de procédure contractuelle s’ajoute à celles qui ont déjà été créées lors de la réforme de l’assurance maladie.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 49 est retiré.

Je suis saisie d’un amendement n° 50.

La parole est M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 50 est retiré.

Article 29

Mme la présidente. Sur l’article 29, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 29 prévoit qu’un décret fixe la durée pendant laquelle la majoration d’honoraires ou le moindre remboursement pour consultation d’un médecin généraliste installé pour la première fois ne s’appliquera pas. Il semble que le délai envisagé soit de cinq ans.

Cet article vise à répondre à une crainte des jeunes généralistes et des internes en formation en médecine générale, qui redoutent d’avoir des difficultés à créer leur clientèle à l’occasion de leur installation. Cette crainte est sans doute quelque peu exagérée puisqu’il est possible de changer de médecin traitant en demandant au patient de remplir un formulaire lors de la consultation, mais cette mesure intéressante rassure les futurs généralistes.

J’avais déposé un amendement qui prévoyait d’insérer, après les mots : « médecin généraliste » les mots : « nouvellement installé en exercice libéral ». Cette précision me semblait couvrir tous les cas de nouvelle installation : l’installation en exercice libéral d’un jeune mais également l’installation d’un médecin qui choisit de reprendre une activité libérale ou d’ouvrir un cabinet dans un lieu différent du précédent, voire l’installation d’un praticien hospitalier qui souhaiterait s’orienter vers la médecine libérale. Cet amendement me paraissait simple. Quelle n’a pas été ma surprise de constater que la commission des finances l’avait déclaré irrecevable.

J’aimerais comprendre, car je ne vois pas en quoi le fait de mettre « nouvellement installé » au lieu de « première installation » met en jeu l’article 40 de la Constitution.

Le rapporteur souhaite limiter cette possibilité de dérogation aux zones à démographie déficitaire et sous-médicalisées. Au nom du groupe UDF, je regrette cette limitation qui me paraît inopportune, et j’espère, monsieur le ministre, que vous donnerez un avis défavorable à cette proposition du rapporteur.

Enfin, j’ai déposé un amendement qui viendra en discussion ultérieurement et qui reprend la proposition que vous avez faite il y a quelques instants de pouvoir moduler les tarifs selon les lieux d’installation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L’article 29 est une première entorse au principe du médecin traitant. Il prévoit, en effet, certaines dérogations permettant de ne pas pénaliser les médecins généralistes qui décideraient de s’installer pour la première fois en zone déficitaire. Vous justifiez ces mesures par le risque qu’ils encourent que les patients ne s’adressent pas à eux, de peur d’être sanctionnés dans leurs remboursements pour non-respect du parcours de soins, mais aussi par la volonté de ne pas handicaper ces nouveaux médecins dans leur recherche de patientèle.

Cela nous semble contradictoire avec les propos que vous nous aviez tenus sur le médecin traitant, lors de l’examen de la réforme, à l’été 2004. À ceux qui, comme nous, s’insurgeaient contre cette nouvelle barrière dans l’accès aux soins, vous répondiez que c’était pure exagération. À ceux qui, comme nous encore, manifestaient leur rejet de cette mesure en ce qu’elle constituait une inégalité de traitement entre les assurés sociaux et dessinait le visage d’une médecine à deux vitesses, vous répondiez que c’était pur fantasme.

Or, vous reconnaissez aujourd’hui, à mots couverts que cette mesure ne permet effectivement pas à chaque assuré social d’accéder au praticien de son choix, puisque vous assouplissez le système ! C’est bien l’expression d’un « raté » dans votre dispositif et la reconnaissance du caractère inique du principe du médecin traitant, tel que vous le concevez.

Les problèmes qu’il suscite se posent concrètement aujourd’hui non seulement pour les patients, que la visite à un nouveau médecin généraliste pourraient pénaliser, mais aussi pour les professionnels nouvellement installés, dont la constitution de patientèle est compromise par les sanctions qui menacent les assurés sociaux sortant du parcours de soins.

On peut d’ailleurs s’interroger sur l’utilité de cet assouplissement, puisque vous nous aviez affirmé, toujours au moment de l’adoption de la réforme, que l’on pourrait changer de médecin traitant comme on le voulait, à condition d’en faire la déclaration à sa caisse primaire d’assurance maladie.

Nous soutenons néanmoins cet assouplissement du principe du médecin traitant, à défaut de sa suppression que nous réclamons.

Mais il faut aller jusqu’au bout de votre logique et admettre qu’un médecin spécialiste puisse être déclaré comme médecin traitant. Un assouplissement cohérent du dispositif doit donc prévoir le cas de l’installation d’un nouveau spécialiste qui pourrait être choisi comme médecin traitant.

C’est le sens d’un amendement que nous avions déposé en commission, mais qui, lui aussi, a malheureusement été la victime de cet article couperet qu’est l’article 40.

Mme la présidente. L’amendement n° 172 n’est pas défendu.

Je suis saisie de deux amendements, nos 73 et 220 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n° 73.

M. Philippe Vitel. Cet amendement propose la déclinaison conventionnelle du dispositif d’amélioration de la démographie médicale dans les zones déficitaires, que M. le ministre de la santé a fait voter tout à l’heure par amendement. Il permet par ailleurs d’accroître le caractère incitatif des mesures qui sont proposées en faveur d’une répartition plus harmonieuse de la démographie médicale sur le territoire national.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n° 220 rectifié.

M. Jean-Luc Préel. Comme cela a déjà été dit lors du dépôt de l’amendement gouvernemental, il semble en effet souhaitable que la convention puisse prévoir des rémunérations différenciées selon les territoires, avec une majoration possible dans les zones déficitaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. L’avis de la commission est défavorable.

Je voudrais par ailleurs apporter une précision à M. le ministre, concernant la possibilité pour les jeunes praticiens de se constituer une patientèle. J’avais déposé un amendement, qui n’a pas été retenu par la commission, limitant les dérogations offertes par l’article 29 aux jeunes médecins qui s’installent dans les zones en difficulté. Mes collègues n’ont pas souhaité me suivre dans ce sens, mais il y aurait sans doute eu là un levier pour mieux organiser la répartition des jeunes médecins sur le territoire.

Le rejet de mon amendement par la commission est néanmoins conforme aux priorités du Gouvernement, qui ne souhaite pas que le parcours de soins pénalise ces jeunes praticiens et préfère privilégier les premières installations plutôt que de soutenir par des mesures favorables les médecins se réinstallant dans des zones en difficulté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’adoption de ces deux amendements.

Nous avons tout à l’heure présenté un amendement n° 364 qui a été adopté et qui, au même titre que l’article 29, vise à empêcher, par dérogation au principe général du médecin traitant, tout effet d’entrave du parcours de soins pour les jeunes médecins qui s’installent en milieu libéral et doivent se constituer une patientèle.

Je précise à ce propos à M. Préel que, si nous avons préféré l’expression « installation pour la première fois » à « nouvelle installation », c’est précisément pour aider les jeunes médecins qui s’installent, sans permettre pour autant à un médecin qui déménage d’une région à l’autre de bénéficier du même type d’aide.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je souhaite dire quelques mots sur ce sujet important de la « désertification » médicale qui touche certains territoires. Ma région a beau être favorisée, parce qu’elle n’est pas très loin de la région parisienne, que sa démographie et son économie se portent bien, elle manque de médecins ; elle est à ce titre l’une des régions les plus défavorisées de France.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avec la Picardie !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La mienne l’est davantage, monsieur le ministre : c’est un point blanc sur la carte de France. C’est pourtant une région dotée de centres hospitaliers, à proximité de la capitale et des facultés de médecine. Nous devons trouver les moyens d’attirer les jeunes médecins, réfléchir à leurs motivations et aux raisons de cette désertification. Les conseils généraux, le conseil de l’Ordre, les syndicats de médecins et les élus doivent tous ensemble chercher des solutions, qu’il s’agisse d’aides financières – elles existent dans les territoire ruraux – ou de mesures fiscales.

J’ai poussé ce « coup de gueule », car c’est un problème qui nous concerne tous et pour lequel je souhaite que nous puissions ensemble, puisque le ministre a aussi une région à défendre, trouver dans les mois à venir les solutions appropriées.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ces propositions sont superfétatoires par rapport aux dispositions déjà votées,…

M. Claude Évin. Elles sont même perverses !

M. Gérard Bapt. …dans la mesure où il ne s’agit que de dispositions conventionnelles. Par ailleurs, on ne peut dénoncer d’un côté les dépassements d’honoraire excessifs, y compris lorsqu’ils sont pratiqués dans un cadre légal, et recourir dans le même temps à des pratiques similaires pour favoriser les installations. Il faut certes trouver des solutions, comme vient de le souligner le rapporteur, mais ces mesures proposées ne sont ni suffisantes ni souhaitables. Elles sont même perverses, pour reprendre les termes de Claude Évin, dans la mesure où elles accompagnent la tendance actuelle aux dépassements d’honoraires, de moins en moins pris en charge par les mutuelles, et qu’elles concernent d’abord des territoires où la capacité contributive des assurés et des patients est souvent inférieure aux moyennes des territoires plus favorisés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.


M. Jacques Le Guen
. Je suis tout à fait d’accord avec Jean-Pierre Door, et je pense que nous allons devoir aborder le problème de la permanence des soins, pas seulement entre vingt heures et huit heures du matin. En effet, pendant des années – je suis bien placé pour en parler ! –, les médecins de campagne ont été corvéables à merci. Ce n’est plus le cas ; ils souhaitent travailler moins ou en tout cas de manière différente, ce qui menace la permanence des soins. Ainsi, dans ma circonscription, une personne âgée est décédée : elle avait appelé le centre 15, mais le médecin de garde n’était pas présent et le SAMU n’a pas pu intervenir à temps.

Ce sont des faits difficiles à admettre de nos jours. Si le volontariat a ses limites, il faut trouver une organisation rigoureuse qui assure la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Monsieur le ministre, nous avons encore beaucoup de travail à faire pour y parvenir !

La zone dont je suis l’élu est blanche en couverture SAMU. C’est intolérable. J’ai donc demandé à l’ARH que soit installée une antenne SMUR entre les deux centres hospitaliers existants, afin d’assurer au territoire une couverture honorable. Je sais que cela requiert des investissements lourds, mais on ne peut pas laisser subsister des zones blanches.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. J’approuve totalement mon ami, Jacques Le Guen. La question est de savoir si notre amendement est superfétatoire, après l’adoption de celui du Gouvernement.

M. Claude Évin. Oui, il l’est !

M. Philippe Vitel. Je ne le crois pas. Le Gouvernement a ouvert la route, a fourni le véhicule ; notre amendement apporte le carburant ! (Rires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La permanence des soins est un élément essentiel. Dans un certain nombre de départements, des maisons médicales de garde ont été créées. Dans le mien, le Rhône, à Lyon et dans les environs directs, il y a quatre de ces maisons. Malheureusement, leur fonctionnement est menacé par une certaine incompréhension de la part de l’Union régionale des caisses d’assurance maladie, en dépit de la volonté politique du Gouvernement et des députés.

Nous avons voté, l’an dernier, une dotation de 60 millions d’euros au fonds d’amélioration de la qualité des soins de ville, le FAQSV. Le présent projet prévoit de pérenniser ce fonds.

Il faut que nous, parlementaires, nous fassions passer le message aux Unions régionales des caisses d’assurance maladie, que nous souhaitons – le Gouvernement, je pense, le confirmera – que ces maisons médicales de garde perdurent, car c’est un excellent moyen, non seulement de rendre service à nos concitoyens, mais aussi de soulager les services d’urgence des hôpitaux. Il convient aussi que les médecins qui y travaillent soient rémunérés normalement.

M. Jacques Le Guen. En milieu rural, le problème est plus complexe !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Dans certains départements, on n’en est même pas aux maisons médicales de garde ! En zone rurale, la situation est si dramatique que l’on n’est pas en mesure d’organiser une telle structure. Dès lors, un cercle vicieux dramatique s’enclenche : de moins en moins de médecins s’installent et ceux qui sont là sont de plus en plus surchargés de travail, car il n’y a personne pour les soulager !

L’amendement de M. Vitel, avec toutes les nuances qu’on peut lui apporter, a au moins le mérite d’attirer l’attention sur le caractère d’urgence d’une telle situation. Et la perception de l’urgence est d’autant plus aiguë que ce problème vient s’ajouter aux inquiétudes sur le maintien et l’avenir des services publics dans ces mêmes zones.

Le personnel médical, vieillissant, n’est plus présent dans ces endroits. La majorité des installations s’effectuent dans des régions plus agréables. Et l’on peut comprendre que les médecins n’aient pas envie de venir là où la charge de travail est harassante.

Il y a trop longtemps que l’on attend. Je sais que M. le ministre a saisi le problème à bras-le-corps, pour rattraper le temps perdu par les gouvernements successifs mais, je le répète, la situation est alarmante.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. La situation de la démographie médicale n’est pas imputable seulement aux gouvernements successifs ! Examinons de quoi il s’agit exactement. Tant qu’on en a laissé la responsabilité aux caisses de sécurité sociale, elles ne s’en sont jamais occupé ! Dans le cadre conventionnel, avec les caisses, d’un côté, et les syndicats professionnels, de l’autre, la question de la couverture en offre de soins n’a jamais été traitée !

S’agissant de l’amendement de M. Vitel, je pense, comme le Gouvernement, que si un problème réel se pose, – nous en avons déjà parlé – ce n’est certainement pas en autorisant les praticiens à majorer leurs tarifs qu’on le résoudra.

Le Gouvernement a déposé un amendement, dont nous avons déjà débattu, qui envisage un mode de rémunération complémentaire dans le cadre conventionnel, mais il a pris l’engagement que ce complément ne serait pas à la charge des assurés sociaux. Je conviens qu’il faut prévoir une rémunération pour les médecins qui acceptent de s’installer dans des zones où la démographie médicale est faible, car cela entraîne des contraintes particulières, mais il ne faut pas qu’elle pèse sur les assurés.

L’amendement de notre collègue ne peut pas être adopté. Quant à celui du Gouvernement, je n’y suis pas opposé mais il suscite chez moi un certain scepticisme dans la mesure où il renvoie encore à la négociation conventionnelle. Or, le système conventionnel précédent offrait déjà la possibilité de conclure des accords pour trouver d’autres modes de rémunération que le paiement à l’acte, mais les partenaires ne s’en sont jamais saisie. Espérons qu’ils vont changer d’attitude.

Pour ce qui concerne la permanence des soins, comme pour la couverture des zones désertées par les professionnels, c’est une question de rémunération mais aussi d’organisation !

M. Jacques Le Guen. Parfaitement !

M. Claude Évin. Quand un décret s’en remet, pour l’organisation de la permanence des soins, d’abord à une démarche volontaire des professionnels, puis, s’ils ne se mettent pas d’accord, au conseil de l’Ordre, et en dernier recours, si le Conseil ne trouve pas d’accord avec les soignants, au préfet, il n’est pas étonnant que plusieurs mois après sa parution, il ne soit toujours pas appliqué !

Nous sommes bien en face d’un problème de pilotage de l’offre de soins. Sans doute le volontariat n’y suffit pas, même si, pour des raisons diverses, on n’a guère d’autres possibilités. En tous les cas, il ne faut pas s’étonner que ça ne marche pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. Je voudrais aller dans le sens du professeur Dubernard. (Murmures sur divers bancs.)

Mme la présidente. C’est comme député qu’il siège ici, mon cher collègue !

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est en tant que médecin qu’il connaît fort bien les maisons médicales !

On vient sans arrêt nous dire comment faire ! Mais nous ne restons pas inactifs !

Le fonds d’aide à l’amélioration des soins de ville est destiné à aider au montage financier des maisons de soins. Dans le Val-de-Marne, nous en avons dix, mais nous avons fait en sorte de ne pas solliciter le fonds et ce sont les municipalités qui ont fourni un apport financier. Nous faisons donc faire des économies au FAQSV.

En revanche, les médecins qui y travaillent rencontrent de grandes difficultés pour se faire payer leurs honoraires et la grogne est telle que ces maisons qui fonctionnent très bien n’en sont pas moins menacées de fermeture.

Voilà pourquoi je tire la sonnette d’alarme.

Mme la présidente. Monsieur Fagniez, il n’est pas de tradition de donner à nos collègues leur titre, quelle qu’en soit l’importance, que je ne conteste nullement en l’occurrence.

M. Pierre-Louis Fagniez. Vous avez tout à fait raison, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. En théorie, l’organisation de la permanence des soins autour du centre 15 était intellectuellement séduisante mais, dans la pratique, des difficultés sont apparues.

On a pu noter des incohérences selon les régulateurs. Il est souvent plus facile à un régulateur de demander aux parents dont l’enfant a 40° de fièvre de l’amener à l’hôpital plutôt que d’appeler le généraliste de garde. Mais la conséquence directe est l’encombrement des urgences.

Par ailleurs, la répartition des tâches n’est pas toujours très claire entre le SAMU et les pompiers, ce qui peut aller jusqu’à une petite guerre dans certains départements. J’ai moi-même assisté à une scène incroyable, quand une personne qui avait été prise de malaise en face de la caserne des pompiers a été secourue, une demi-heure plus tard, par le SAMU, venu de quinze kilomètres plus loin !

Il n’est pas étonnant que nos concitoyens ne comprennent pas bien ce qui se passe !

Je voudrais dire un mot de la garde des pharmaciens d’officine. Si dans un grand nombre de départements, tout se passe bien, voire très bien, ce n’est pas le cas partout et je voudrais que la question soit mise à l’ordre du jour. Par ailleurs, il faudrait que le pharmacien, comme le médecin, soit justement rémunéré pour ses gardes car les employés que nous faisons venir, assistants ou préparateurs, sont rémunérés au tarif en vigueur pour les jours fériés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Cet article, qui concerne la permanence des soins, pose le problème – osons le dire – de la liberté d’installation, et d’installation n’importe où.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. En effet !

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Malheureusement, nous allons être rapidement confrontés à des choix douloureux car on ne pourra bientôt plus accepter que n’importe quel médecin s’installe n’importe où.

Avec l’amendement que j’avais déposé, nous avions la possibilité d’influer un peu sur l’installation des médecins, afin de répondre au problème de santé publique qui se pose aujourd’hui. Les jeunes générations sont très attachées à la liberté d’installation mais il va bien falloir qu’on s’attaque à ce problème délicat. La méthode incitative montre ses limites. Sans doute faudra-t-il s’orienter vers un dispositif plus rigide si nous voulons répartir, sur l’ensemble du territoire, l’offre de soins en fonction de la population : là où elle est nombreuse, il faut qu’il y ait des médecins ; dans les zones désertifiées, il faut envisager que la densité médicale soit réduite. Faire l’inverse serait commettre une erreur. Je sais que je vais à rebours de ce qui se dit habituellement mais je suis sûr, monsieur le ministre, que vous disposez de solutions !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. La permanence des soins nous préoccupe tous, Gouvernement, parlementaires mais aussi élus locaux. Le nombre et la qualité de vos interventions, mesdames et messieurs les députés, témoignent de l’importance du sujet.

Il importe que nous sachions tenir les engagements que nous avons pris envers les futurs médecins. Je remercie l’Assemblée de s’être prononcée en ce sens. Il ne faudrait pas envoyer aux étudiants en médecine un message qui leur donnerait à penser qu’avec le parcours de soins et le médecin traitant, il sera plus compliqué, demain, de s’installer. Ce que nous avons permis par ce texte, et que nous officialiserons par un décret, à savoir qu’un patient pourra « essayer », « découvrir » un médecin qui vient de s’installer, sans que le remboursement de la consultation soit diminué, est pour moi essentiel.

Nous en avons parlé avec les syndicats d’internes et nous serons au rendez-vous de ces engagements. Il reste à fixer la durée de cette période de transition postérieure à l’installation, en sachant que la concertation devrait aboutir sur un délai de quatre à cinq ans. Nous en informerons le Parlement.

Monsieur Vitel, je comprends votre motivation et je connais la constance de votre engagement dans la défense de la permanence des soins. Mais votre amendement pose problème. La modulation risque en effet d’entraîner une diminution de la prise en charge pour le patient, alors que le système proposé par le Gouvernement – et que vous avez adopté à l’unanimité – garantit le maintien de sa prise en charge à niveau constant, le complément forfaitaire étant financé par l’assurance maladie.

Compte tenu de ces explications, je vous suggère, monsieur Vitel, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je serais contraint d’en demander le rejet.

S’agissant de la permanence des soins, pendant longtemps, cela n’allait pas. Aujourd’hui, tout n’est pas réglé, mais cela va mieux ! Nous devons examiner la situation en toute objectivité, sans tomber dans l’autodénigrement ou l’autosatisfaction.

Depuis le décret pris il y a quelques mois, nous n’avons eu de cesse de mettre chacun en face de ses responsabilités, qu’il s’agisse des syndicats de médecins ou de l’assurance maladie. Au-delà des images d’Épinal, les médecins se sont fermement engagés dans la voie de la permanence des soins. La sectorisation est aujourd’hui une réalité dans quatre-vingt-cinq départements et nous avons diminué le nombre de secteurs. C’est aussi un point important. Mais il est aussi primordial que l’assurance maladie finance la permanence des soins à chaque fois que l’arrêté est signé, et ceci sans délai. J’ai eu l’occasion de le dire très clairement à la fin de l’été, les choses se sont améliorées, mais pas suffisamment selon moi.

Concernant les maisons médicales de garde, ma position rejoint tout à fait celle du président Dubernard. Je vais vous faire une confidence : je ne m’explique pas pourquoi les fonds importants – 60 millions d’euros – mobilisés au titre du FAQSV grâce à un amendement présenté l’an passé par le Gouvernement, n’arrivent pas dans certains points du territoire national. Et ce n’est même pas parce que nous manquons d’argent disponible ! Mais sans doute les critères auxquels doivent répondre les projets sont-ils encore trop compliqués pour que ceux-ci aboutissent dans des délais normaux et soient assurés de leur pérennité.

Je m’en suis du reste clairement expliqué avec l’assurance maladie, tant avec le directeur général qu’avec le président qui gèrent le fonds. Il est nécessaire que la situation se régularise. Autrement, si vous avez des libéraux prêts à s’engager dans une maison médicale de garde, aux côtés notamment des élus locaux, et qu’après l’avoir mise en place, on leur dit que le projet n’aboutira pas, il ne faudra pas s’étonner que ceux-ci refusent désormais d’assurer leurs gardes. S’il y a des fonds et si les critères sont clairement posés, il faut tout simplement que cela marche.

Cela étant, la maison médicale de garde n’a peut-être pas vocation à s’imposer partout. Dans certaines zones rurales, il faut tenir compte des difficultés climatiques et géographiques. Ainsi en est-il du Finistère, cher à Jacques Le Guen. En cas de problème à la Pointe du Grouin, mieux vaut avoir une équipe qui puisse intervenir dans la banlieue de Brest. Il en est de même dans la Haute-Loire de Laurent Wauquiez, où se pose la question de la complémentarité entre la médecine de ville et les services publics hospitaliers, les conditions hivernales ne permettant pas de d’assurer les soins de la même façon que dans les Hauts-de-Seine.

M. Claude Évin. Absolument !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous nous appuierons sur les missions régionales de santé, mais nous avons d’abord besoin que les fonds disponibles arrivent à destination pour financer les expériences sur le terrain. Les maisons médicales de garde répondent aujourd’hui à un besoin. Pour garantir leur efficacité, nous devons également nous poser la question de la meilleure implantation possible.

À Strasbourg, par exemple, la maison médicale de garde a été implantée dans l’enceinte du centre hospitalier, ce qui entraîne une véritable complémentarité entre hospitaliers et libéraux.

Là encore, il n’y a pas de règle écrite valable pour tous : tirons parti du volontariat et de l’expérimentation pour aller dans le bon sens.

J’indique au président Dubernard que ce qui est proposé à l’article 39, c’est d’affecter les crédits disponibles du FAQSV aux maisons médicales de garde. Je sais que, dans la région lyonnaise notamment, se pose la question des maisons médicales de garde le samedi après-midi, et je sais que l’on se pose parfois des questions existentielles pour savoir si cela doit être financé par la convention ou par le FAQSV. Il faut en finir avec ces interrogations et mettre un terme aux procédures interminables qui contraignent les libéraux à travailler sur les dossiers au détriment de la pratique médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avec un peu plus d’argent disponible qui arrive à destination et un peu moins de paperasse et de procédure, je suis persuadé que nous parviendrons enfin à un résultat sur l’ensemble du territoire.

Et ce que je viens de dire ne concerne pas que les médecins. J’ai parlé de la complémentarité entre hospitaliers et libéraux. Je n’oublie pas celle entre les médicaux et les paramédicaux. Dans les officines, le système des gardes est tout, sauf moderne. Avec le dispositif des compléments à l’ordonnance, certains officinaux travaillent toute la nuit, voient peu de patients et ont le sentiment de s’être mobilisés sans contrepartie valable dans l’intérêt général, alors qu’ils vont avoir à rémunérer leur personnel. Souvent, il n’y a pas de corrélation entre la réorganisation des secteurs pour les médecins et celle des permanences pour les pharmaciens d’officine.

Je tiens à vous dire, monsieur Roubaud, que la caisse d’assurance maladie travaille sur ces questions et que je serai très attentif à ce que les gardes médicalisées des pharmaciens bénéficient des avancées dont nous souhaitons faire bénéficier l’ensemble des professionnels de santé.

Au-delà de la volonté qui est commune, je demanderai qu’une évaluation sur la permanence des soins soit menée sur tout le territoire, afin de connaître la situation département par département. J’ai confié ce travail à l’IGAS. Je réunirai ensuite tous les acteurs de la permanence des soins pour qu’on en finisse avec l’idée reçue que tout le monde ne s’engage pas avec la même détermination. L’engagement dans la permanence des soins permet de répondre à une exigence très simple : la qualité et la continuité du service public de la santé pour nos concitoyens. C’est ce qu’ils attendent : soyons à ce rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Permettez-moi d’insister devant la représentation nationale sur le rôle important que jouent aujourd’hui les collectivités locales, municipalités et conseils généraux, dans la défense sur le terrain des idées que nous venons d’exprimer et leur implication financière, puisqu’elles fournissent notamment des cabinets médicaux aux praticiens qui viennent s’installer dans des zones désertées.

J’indique par ailleurs que nous n’avions pas connaissance de la proposition du Gouvernement lorsque nous avons déposé notre amendement : je le retire donc.

Mme la présidente. L’amendement n° 73 est retiré.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. M. le ministre ne m’ayant pas demandé, comme il l’a fait pour M. Vitel, de retirer mon amendement, cela signifie sans doute qu’il souhaite qu’on le soumette au vote de l’Assemblée ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je n’ai pas été suffisamment précis, et je m’en excuse ! Je suggère, bien sûr, que vous retiriez cet amendement.

M. Jean-Luc Préel. Je le retire donc.

Mme la présidente. L’amendement n° 220 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 29.

(L’article 29 est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de LA prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, n° 2575 :

Rapport, n° 2609, tomes I à V, de MM. Jean-Pierre Door, Jacques Domergue, Mmes Cécile Gallez et Marie-Françoise Clergeau, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 2610, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)