Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 16 novembre 2005

62e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (SUITE)

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des crédits de l’agriculture, de la pêche, de la forêt et des affaires rurales.

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, ma question concerne la revalorisation des retraites agricoles. À plusieurs reprises, je vous ai interpellé à ce sujet lors de nos débats sur la loi d’orientation agricole. Mais je n’étais pas parvenu à vous faire sortir de votre mutisme.

M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la pêche. Ça commence bien !

M. André Chassaigne. Quelle ne fut pas ma satisfaction de constater que vous aviez non seulement retrouvé la parole au Sénat, mais qu’en outre vous aviez lâché un peu de lest sur cette importante question !

Le Sénat a adopté un amendement du rapporteur Gérard César et de mon ami Gérard Le Cam autorisant à revaloriser les pensions des femmes qui ont cotisé au régime général lors de leur interruption d’activité pour élever un enfant, mais qui ont effectué l’ensemble de leur carrière en qualité de non-salariées agricoles. C’est ouvrir une brèche dans le décret Vasseur de 1997, qui a exclu les polypensionnés de toute revalorisation de retraite agricole. Mais ce n’est qu’une brèche ; il reste encore du chemin à parcourir pour faire tomber cette Bastille !

Vous renvoyez le règlement définitif de ce problème aux conclusions d’une énième commission réunie autour de notre collègue Daniel Garrigue. Or nous n’avons nul besoin d’un nouveau diagnostic : il a été rendu l’année dernière par le ministère. Le groupe de travail de M. Garnier a en effet conclu à la nécessité d’ouvrir l’accès aux revalorisations de retraite à tous les polypensionnés, ceux qui ont été salariés au cours de leur carrière. Ces hommes et ces femmes ont travaillé durement toute leur vie. Leur travail a permis à la France d’atteindre le rang qui est aujourd’hui le sien. Or la République les condamne à un revenu de misère.

Cette situation est intolérable, monsieur le ministre. Allez-vous enfin accepter de revaloriser les retraites des polypensionnés ? Allez-vous cesser de justifier votre attentisme en vous abritant derrière la nécessité de résorber le déficit du FFIPSA, déficit que vous avez vous-même créé en supprimant le BAPSA en 2004 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Je suis heureux, monsieur Chassaigne, de vous entendre à nouveau sur les retraites agricoles. Cela étant, j’aurais souhaité que la précédente majorité ne se contente pas de voter une loi, mais qu’elle se préoccupe également de son financement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Pas dès le matin ! (Sourires.)

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Alors député de l’opposition, j’ai toutefois été heureux de voter ce texte.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Et je vous rappelle que la majorité actuelle l’a financé dans les semaines qui ont suivi son arrivée aux responsabilités.

Nous sommes tous bien conscients de l’extrême faiblesse des retraites agricoles. Tous les parlementaires qui reçoivent des retraités dans leur permanence – ce que je n’ai cessé de faire – savent bien que nous devons les revaloriser.

Ce gouvernement a fait des efforts pour améliorer la situation : la mensualisation et la retraite complémentaire obligatoire en sont une illustration. J’ai en effet annoncé au Sénat une mesure – souhaitée par les organisations professionnelles et les associations de retraités – destinée aux polypensionnés. Près de 15 000 retraités seront concernés, essentiellement des agricultrices. Cette disposition, dont le coût représente 20 millions d’euros, entrera en vigueur le 1er janvier prochain.

Il nous reste à relever le défi du financement des retraites agricoles. Il nous manque 3,2 milliards d’euros en stock, et en année pleine, il nous faudra trouver 1,7 milliard d’euros. Comme je l’ai indiqué hier soir, nous ferons, avec Jean-François Copé et Philippe Bas, des propositions avant la fin de la discussion de la loi de finances ou d’ici à la loi de finances rectificative.

Il nous faudra ensuite explorer tous ensemble – Gouvernement, majorité, opposition – de nouvelles pistes d’amélioration. C’est la raison pour laquelle, répondant à une suggestion du président de la commission des finances, j’ai demandé à deux parlementaires, M. Garrigue et M. Censi, très motivés par ce sujet, comme beaucoup d’entre vous, de nous faire des propositions complémentaires. Tel est l’état des lieux, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cela vous permettra de gagner encore un peu de temps…

Mme la présidente. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, la pêche française, qui traverse une crise profonde, ne fait l’objet d’aucun traitement capable d’en éradiquer les causes. La faiblesse de votre budget d’intervention pour 2006 le confirme.

La nouvelle politique de l’Europe laisse à la Commission une maîtrise quasi totale sur la gestion de la flotte, de la ressource et de la commercialisation. Toutes les perspectives de gestion intégrée sont rejetées et les aides à la modernisation sont bloquées. De fait, on interdit l’installation des jeunes et on accélère, à marche forcée, les sorties de flotte, c’est-à-dire la cessation d’activité.

Au nom d’une politique de protection de la ressource plus que hasardeuse et sous la dictée des monopoles de l’industrie agroalimentaire qui tiennent les rênes du marché, des importations, des prix et, de plus en plus, de la production, ce sont les pêcheurs de nos côtes qui trinquent !

Pendant ce temps, la pêche minotière, verrouillée par les grandes entreprises de l’agroalimentaire, se porte bien. Pas moins de sept kilos de poissons pêchés et transformés en farine de poisson sont nécessaires pour produire un kilo de poisson d’élevage. Bonjour la gestion de la ressource !

Pour certains segments, l’existence même de l’activité est remise en cause, et sont notamment visés ceux qui pratiquent des métiers traditionnels. Il en est ainsi de la pêche à l’anguille que la Commission européenne prétend interdire. Ce dont nous avons besoin pour préserver les stocks, c’est d’une réduction de la pêche à la civelle et donc d’un contrôle beaucoup plus rigoureux de la pêche illicite qui alimente les grandes fermes d’élevage nordiques, et non d’une interdiction de la pêche des sujets adultes pratiquée dans nos lagunes et qui relève d’une gestion intégrée à un territoire et à des traditions spécifiques.

Je pense aussi à la thonaille, utilisée en Méditerranée pour la pêche au thon rouge et assimilée à tort à un filet maillant dérivant. Ce métier traditionnel participe de l’équilibre de la ressource et maintient la polyvalence et la diversification des activités, vitales pour les petits métiers.

Il faudrait parler également du diktat européen sur la taille des espèces méditerranéennes, qui relève d’un cadre général totalement inadapté à la spécificité du biotope de ce littoral et qui ignore les études scientifiques ainsi que l’autoréglementation, les arrêts biologiques, l’interdiction de marées de plus de vingt-quatre heures que les pêcheurs se sont eux-mêmes imposés.

Le cadre que l’on prétend imposer à la pêche française, c’est tout sauf une gestion de la ressource !

Monsieur le ministre, la France va-t-elle reprendre la main en Europe et entendre les revendications et les propositions sérieuses présentées à maintes reprises par les instances professionnelles afin qu’une véritable politique de gestion de la ressource garantissant l’emploi de nos marins soit engagée ? C’est le premier volet de ma question.

Le deuxième volet concerne les carburants, dont le coût plombe durablement les armements. Votre dispositif « aléa carburant » est très en deçà des besoins. En outre, il exclut de fait le plus grand nombre, c’est-à-dire les petits métiers, qui représentent 90 % de la flotte. Ce n’est pas acceptable. Allez-vous prendre des dispositions pour rendre ce dispositif plus efficient ? Et comptez-vous prendre les mesures nécessaires au financement de la caisse « intempéries chômage » des marins ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Liberti, vous êtes un élu de la nation, mais également du beau territoire de Sète. Je commencerai donc par vous dire quelques mots sur le règlement « Méditerranée ». La France s’est battue avec beaucoup d’énergie lors de l’avant-dernier Conseil des ministres européens pour obtenir son report, car nous avions les plus grandes craintes, en particulier pour la pêche à la thonaille et la pêche au gangui. Nous avons pu sauver ces pêches traditionnelles et reporter la discussion, mais la chose ne fut pas aisée, car la France était assez isolée. Il a fallu que nous trouvions des alliés au sein du Conseil européen.

Pour la civelle et l’anguille, nous nous opposons à une proposition de la Commission sur la fermeture décadaire. Nous avons d’autres suggestions de réglementation.

Le FPAP « aléa carburant » ne prend pas en compte toute la hausse des carburants, mais cela représente déjà un effort très important qui est recevable au plan communautaire. Nous devons agir avec intelligence et nous cherchons pour 2006, avec Jean-François Copé, un système qui permette de préserver ce type d’aide tout en respectant la réglementation européenne.

Globalement, nous nous heurtons à deux difficultés : l’augmentation du coût des carburants, qui accroît de 30 à 40 % le coût d’exploitation d’un navire, ce qui représente une lourde charge pour les entreprises ; la volonté de la Commission et d’un certain nombre d’États européens, en particulier du Nord de l’Europe, de réduire la pêche en Méditerranée et, plus généralement, dans l’ensemble des mers européennes.

Nous devons gérer la ressource, d’où notre idée d’instaurer des quotas, ce qui permettrait de ne pas fermer totalement la pêche pendant une année. En octobre, j’ai également présenté à Nantes un plan d’avenir pour la pêche qui prévoit à la fois des aides à la modernisation, que nous demandons au niveau européen, dans le cadre du fonds européen de la pêche, un plan de sortie de flotte dans certains cas, et une série de mesures de sécurité et de meilleure gestion. Entre la volonté de la Commission, qui veut moins de pêche, et l’augmentation des coûts, la voie est étroite. Pourtant, si nous voulons garder des pêcheurs sur nos côtes, il faut que nous leur donnions un avenir pour les quinze à vingt années qui viennent. C’est la raison pour laquelle j’aurai l’occasion de revenir devant l’Assemblée pour vous présenter ce plan d’avenir pour la pêche, que je pense avoir élaboré au début de l’année prochaine. Et c’est volontiers, monsieur Liberti, que je vous associerai à sa préparation et à sa mise au point.

M. André Chassaigne. François Liberti est le seul pêcheur de l’Assemblée !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Et c’est un grand pêcheur ! (Sourires.)

Mme la présidente. Nous passons aux premières questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. En 2003, monsieur le ministre, votre prédécesseur s’était engagé à augmenter de 50 % au cours de la législature l’indemnité compensatoire de handicap naturel – ICHN – pour les 25 premiers hectares. Comme cette aide constitue un complément de revenus indispensable pour les agriculteurs de montagne, il me semble nécessaire, après l’augmentation des deux dernières années, de poursuivre cet effort, ainsi que le propose le rapporteur Alain Marleix dans un amendement.

Mais j’en viens à ma question, qui tombe à point à l’approche de l’hiver. Dans de nombreuses communes de montagne, plus particulièrement en Lozère, les collectivités font fréquemment appel aux agriculteurs pour effectuer le déneigement de la voirie, sans que ces derniers soient titulaires du permis poids lourd. Or, encore tout dernièrement, les services préfectoraux de mon département ont créé la confusion en s’appuyant sur le code de la route pour laisser entendre que les agriculteurs, qui utilisent leur propre matériel pour le déneigement, devaient détenir un permis poids lourd pour effectuer ces travaux. Si cette interprétation était exacte, cela générerait des difficultés énormes pour les communes rurales et leurs habitants.

Alors que, depuis l’âge de seize ans, les exploitants agricoles peuvent conduire des engins portant ou tractant des outils très lourds, il serait difficilement compréhensible qu’un permis poids lourd soit exigé d’eux pour accomplir un service public, qui demeure simple et accessoire au regard de leur activité principale.

Dans un souci de clarification, mais aussi pour des raisons évidentes de responsabilité des agriculteurs et des élus, il est nécessaire que la réglementation soit précisée. Aussi vous demanderai-je, monsieur le ministre, de nous indiquer quelles sont les obligations des exploitants agricoles en matière de déneigement de la voirie.

Par ailleurs, qu’en est-il pour les agriculteurs retraités qui continuent à rendre ce service aux collectivités ? Comment admettre que, passé cinquante-cinq ou soixante ans, ils ne soient plus autorisés à manipuler un matériel qu’ils connaissent pourtant parfaitement ?

Enfin, un problème similaire se pose pour les agriculteurs pluriactifs, qui, dans le cadre défini par la loi sur le développement des territoires ruraux, peuvent exercer une activité complémentaire, en particulier au sein d’une collectivité locale. N’est-il pas aberrant qu’un agriculteur puisse utiliser son matériel dans le cadre de l’exploitation le matin et que, l’après-midi, il lui soit interdit de le faire quand il est au service d’une collectivité locale ?

M. André Chassaigne. Excellente question !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je partage l’avis de M. Chassaigne.

S’agissant de l’ICHN, monsieur Saint-Léger, nous y reviendrons puisque le rapporteur aura l’occasion de défendre un amendement sur ce dispositif important, dont nous avons parlé récemment ensemble en Lozère.

La loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999, présentée par Jean Glavany, permet à toute personne physique ou morale exerçant une activité agricole, au sens du code rural, d’assurer le déneigement au bénéfice d’une collectivité territoriale, au moyen d’une lame fixée sur son tracteur.

M. François Brottes. C’était un amendement Brottes !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ça ne m’étonne pas de votre part, vous qui êtes toujours soucieux de la montagne. (Sourires.)

L’agriculteur concerné n’a pas l’obligation de détenir un permis poids lourd. Mais il doit opérer sous certaines conditions de marché pour éviter une concurrence déloyale avec les entreprises spécialisées dans le déneigement. Je vous donnerai ces précisions par écrit de manière que vous disposiez d’une réponse opposable aux tiers dans votre département.

J’ajoute qu’un amendement du Sénat à la loi d’orientation agricole portant sur l’article 25 decies prévoit de dispenser les agriculteurs qui interviennent dans ce cadre de l’obligation de réception du véhicule par le service des mines.

Pour ce qui est des retraités et des pluriactifs, je vous ferai parvenir une réponse écrite. Votre remarque sur les pluriactifs me paraît d’autant plus justifiée que, dans la loi sur les territoires ruraux, figure une disposition qui permet à certains salariés d’être à la fois employé d’une collectivité et d’une entreprise locale, ce qui permet à de petites communes de disposer d’un agent municipal à temps partiel, qui exerce par ailleurs des activités comme celle de maçon ou de peintre. Nous pourrions nous inspirer de cette formule pour permettre la double utilisation du matériel. Nous allons nous pencher sur la question, et s’il fallait introduire une disposition législative ou réglementaire, nous le ferions car je crois que ce serait conforme à l’esprit de la loi sur les territoires ruraux.

Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Almont.

M. Alfred Almont. Monsieur le ministre, dans un contexte difficile pour les finances de l’État, le projet de budget dont nous débattons affiche l’ambition de promouvoir une agriculture durable et de favoriser les exportations. Alors que la représentation nationale doit adopter d’ici à la fin de l’année 2005 le projet de loi d’orientation agricole, qui montre que l’agriculture reste l’une des priorités du Gouvernement, la réforme de la PAC et les hypothèques qui pèsent aujourd’hui sur l’organisation commune de marché pour la banane inquiètent les élus des départements d’outre-mer, car l’avenir de cette production agricole conditionne l’équilibre économique et social de ces régions éloignées.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, on peut raisonnablement attendre du round actuel des négociations devant l’organe de règlement des différends de l’OMC des concessions spectaculaires concernant la réduction des barrières douanières et des subventions à la production. Les perspectives à court terme concernant ce secteur clé de notre économie insulaire sont très inquiétantes et les récentes déclarations du directeur de l’OMC ainsi que du commissaire européen ne sont pas de nature à nous rassurer.

Dans un tel contexte, au milieu de toutes les incertitudes de la politique européenne et face aux positions de plus en plus radicales de l’OMC vis-à-vis de notre filière de production bananière, comment nos agriculteurs pourront-ils faire face à la concurrence de pays tiers dont les coûts de production, principalement de main-d’œuvre, sont de dix à quarante fois inférieurs aux nôtres ?

Je sais, monsieur le ministre, que vous mesurez combien les enjeux sont importants. Et c’est pourquoi je crois nécessaire que vous profitiez de ce débat pour rassurer les producteurs et leur confirmer votre analyse de la situation en réaffirmant la détermination du Gouvernement à défendre la filière de production antillaise de bananes, qui, rappelons-le, n’occupe que 18 % du marché européen, et garantit plus que toute autre le respect des normes européennes de qualité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, compte tenu de l’importance vitale de la production bananière pour l’économie de la Guadeloupe et de la Martinique, j’ai été amené, avec Brigitte Girardin quand elle était ministre de l’outre-mer, puis avec François Baroin, à souligner à plusieurs reprises auprès de la Commission toute l’importance que la France attache à la définition d’un nouveau régime tarifaire, qui doit prendre en compte les intérêts de la production communautaire de bananes.

Dans le cadre de la procédure engagée auprès de l’OMC, un second arbitrage a été rendu le 27 octobre 2005, mais la nouvelle proposition de la Commission a également été renvoyée dans les buts. Il revient maintenant à la Commission de proposer au Conseil européen une solution pour organiser l’importation de bananes dans l’Union européenne à partir du 1er janvier 2006. Si vous me permettez l’expression, « ça urge », et lors du Conseil européen des ministres qui se tiendra la semaine prochaine, j’évoquerai bien sûr cette question.

La position de la France, soutenue par les parlementaires antillais, consiste en la recherche d’une solution qui préserve les équilibres entre les diverses sources d’approvisionnement du marché communautaire tout en veillant très attentivement aux intérêts de la production européenne – et donc française – de la banane. Nous continuons bien évidemment à exprimer cette position.

Nous avons des alliés pour défendre la production européenne en nous appuyant sur le mécanisme d’aide communautaire aux producteurs. C’est pourquoi la France ainsi que l’Espagne, le Portugal et Chypre ont remis à la Commission, le 20 septembre dernier, un mémorandum commun proposant un nouveau dispositif d’aide compensatoire. Nous avons besoin de cette aide qui permettra d’aboutir à un meilleur équilibre entre les différents pays d’origine et à une bonne adaptation aux évolutions des prix.

Malgré les décisions de l’OMC qui s’amoncellent, nous avons toujours à cœur de défendre la banane des Antilles, indispensable aux revenus des agriculteurs antillais, mais nous pensons qu’il est mieux de le faire avec des alliés. Dans ce combat, il ne s’agit pas d’opposer la France aux vingt-quatre autres pays membres. Avec nos trois partenaires, nous espérons obtenir des résultats satisfaisants avant la fin de l’année.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le ministre, ma question, d’ordre technique, porte sur le régime de transmission des droits à paiement unique, qui va s’appliquer à partir de 2006, et concerne tout particulièrement les jeunes agriculteurs qui viennent de s’installer.

La période de référence pour le calcul des DPU couvre les années 2000, 2001 et 2002. Lorsque le transfert a eu lieu après juillet 2005, les clauses de cession tiennent compte de cette période de référence et la transmission des droits se fait dans de bonnes conditions. Mais quand le transfert est intervenu avant cette date, les repreneurs doivent se retourner vers l’exploitant précédent pour obtenir la cession gracieuse des DPU, voire leur cession à titre onéreux, que les cédants n’accordent pas toujours. Cela risque de conduire à un renchérissement des montants de reprise des DPU, ce qui serait, pour les jeunes agriculteurs, un frein à leur installation ou à l’extension de leur exploitation.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous aider les agriculteurs à faire face à ce risque ? Envisagez-vous d’utiliser la réserve nationale des droits pour faciliter un certain nombre d’opérations ? Si la cession échoue, la valeur foncière risque de se déprécier, ce qui est préjudiciable à une éventuelle revente. Quels sont les modes opératoires possibles dans ce domaine ? N’aurait-il pas été plus simple d’instituer un lien structurel entre les droits à paiement unique et la terre ? Pourquoi la France a-t-elle choisi un autre système ? Comment peut-on ménager des formules de transition ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Auberger, c’est une affaire qui n’est pas simple car la France n’avait le choix qu’entre de mauvaises ou de médiocres solutions. Nous aurions pu adopter la formule de gestion régionale des DPU retenue par les Allemands, mais nous n’avons pas leur tradition fédéraliste. Nous aurions pu choisir un découplage complet. Finalement, nous avons opté pour une solution intermédiaire, donc difficile à gérer, qui est celle d’un découplage partiel, avec le maintien d’un lien avec la production pour certains types de produits, au nom d’impératifs agricoles et de l’aménagement du territoire.

Le Parlement nous a beaucoup aidés car une mission composée de parlementaires issus de tous les bancs et de responsables agricoles a fait au printemps un tour des pays d’Europe pour voir qu’elle était la manière la plus simple de gérer les DPU. Notre idée était d’éviter de tout faire passer par une usine à gaz nationale, ce qui aurait été très compliqué. Nous avons cherché à simplifier au maximum le dispositif par le biais des clauses contractuelles de cession.

Les agriculteurs ont aujourd’hui reçu les documents nécessaires. Grâce aux chambres d’agriculture et aux grandes organisations professionnelles agricoles ont lieu actuellement, dans presque tous les cantons, des réunions destinées à leur expliquer le fonctionnement des DPU.

Priorité est donnée à l’installation. Le principe général est que les nouveaux installés récupèrent par le biais de clauses contractuelles les DPU des exploitants en place pendant la période de référence 2000-2002 sur les terres reprises pour l’installation. Néanmoins, la réserve interviendra de façon systématique, soit pour revaloriser les DPU récupérés, soit pour attribuer de nouveaux DPU, afin que le niveau d’aides auquel pourra prétendre le nouvel installé lui permette d’entamer son activité dans les meilleures conditions.

S’agissant des conditions précises d’attribution, il a été décidé de soutenir de façon prioritaire les nouveaux installés répondant aux critères d’octroi des aides nationales à l’installation, notamment la dotation jeunes agriculteurs, à l’exception du critère d’âge, les modalités de calcul du complément attribué par la réserve variant en fonction de la date d’installation.

Par ailleurs, il n’était réglementairement pas possible d’établir un lien structurel entre les droits et la terre. Néanmoins, nous avons utilisé toutes les possibilités du règlement européen et nous avons choisi le lien entre les mouvements de foncier et de DPU en appliquant des taux de prélèvement sur la valeur des DPU différenciés en fonction de la nature des transferts.

Ces taux différenciés permettront à la fois de privilégier l’installation et de dissuader les comportements spéculatifs. Ils permettent également d’éviter des agrandissements qui seraient jugés excessifs, en cohérence avec le schéma directeur départemental des structures sous le contrôle de la CDOA dont, par ailleurs, nous avons simplifié le fonctionnement avec le concours du Parlement dans le cadre de la loi d’orientation agricole.

Monsieur le député, je reste bien évidemment à votre disposition, ainsi qu’à celle des agriculteurs de votre département, pour toutes explications supplémentaires.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Qui a dit : « La création d’un programme forêt dans le cadre de la LOLF permettra, grâce à une plus grande fongibilité des crédits entre la forêt et les autres domaines du ministère, de privilégier une politique de long terme contrairement à ce qui se faisait jusqu’à présent » ?

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. François Brottes ? (Sourires.)

M. François Brottes. Non, c’est votre prédécesseur, monsieur le ministre, répondant à l’une de mes questions, l’année dernière, dans le cadre de la discussion budgétaire.

Pour ce qui est de consolider une politique à long terme, nous ne sommes pas déçus puisque les crédits consacrés à la forêt baissent de près de 6 %, soit de 8 % si l’on tient compte de l’inflation. C’est un coup dur pour la filière forêt-bois et j’ai trop d’estime pour vous, monsieur le ministre, pour considérer que MM. Copé et Breton auraient fait de vous l’arbre qui cache la forêt !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Oh !

M. François Brottes. N’opposons pas forêt publique et forêt privée, comme cela a pu être fait hier soir, chacune ayant besoin de l’autre. L’Office national des forêts est un bel outil et de bonne dimension qui nous est envié au plan international.

Nous notons votre bonne volonté dans la loi d’orientation agricole pour donner des outils complémentaires à la filière bois, même s’ils ne sont pas toujours accompagnés de moyens suffisants.

Au plan budgétaire, le sacrifice de la forêt n’est pas acceptable. La balance commerciale de cette filière reste déficitaire alors que la demande ne cesse de croître, et c’est un paradoxe. Compte tenu de la hausse des tarifs de l’électricité, du gaz et du pétrole, le grand public a désormais rendez-vous, et c’est un bien, avec le bois-énergie, mais la filière n’est pas suffisamment organisée pour répondre à la demande. Les communes forestières baissent souvent les bras et la forêt de montagne attend son heure pour retrouver sa légitimité de forêt de protection mais aussi comme source de bois d’œuvre de grande qualité. Je pense notamment à la démarche AOC du bois de Chartreuse.

Ma question comportera cinq « tiroirs ».

Premièrement, quel est le montant du soutien à la forêt versé par les chambres d’agriculture, comme les y oblige la loi d’orientation forestière ?

Deuxièmement, comment le Gouvernement compte-t-il pérenniser l’avenir des fonctions régaliennes assurées par les services de restauration des terrains en montagne ? Ces services jouent un rôle majeur sur le territoire et ils sont hébergés aujourd’hui à l’Office national des forêts sans avoir forcément de garanties quant à leur avenir.

Troisièmement, quelles mesures proposez-vous dans ce budget pour renforcer la coopération forestière, qui est l’une des solutions de structuration de la filière ?

Quatrièmement, comment tiendrez-vous l’engagement pris par l’État de créer les cinquante-cinq emplois qui manquent dans les centres régionaux de la propriété forestière ? Ces emplois sont très attendus depuis de très nombreuses années.

Enfin, quelle part l’État prendra-t-il pour conforter la toute jeune interprofession France Bois Forêt ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Brottes, vous êtes un spécialiste redoutable de la forêt et il me sera difficile de répondre au débotté – je devrais dire « au débrotté » (Sourires) – à toutes vos questions. En tout cas, je vous les transmettrai le plus rapidement possible.

S’agissant du budget, il y a une baisse optique que vous avez relevée hier dans votre intervention, mais il convient de tenir compte également de la hausse du cofinancement européen et des 10 millions d’euros qui figurent dans le budget du ministère de l’intérieur. Je crois donc qu’on est à peu près dans la norme, même si, je le conçois, les besoins sont toujours plus importants que ce que l’État peut présenter, quels que soient d’ailleurs les gouvernements.

Comme je vous l’ai indiqué, nous avons essayé de développer le volet forêt dans le cadre de la loi d’orientation agricole, même s’il avait plutôt été traité dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Par ailleurs, à l’occasion du congrès national des élus de la montagne en Corse, j’ai eu l’occasion de vous entretenir, ainsi que M. Saddier, de la partie forestière qui figurera dans le code de la montagne.

S’agissant de la filière bois-énergie, je vous demande de nous aider à faire de la publicité auprès des collectivités locales pour bien leur montrer – et vous le savez, madame Gaillard, puisque nous le faisons beaucoup en Poitou-Charentes – qu’on peut chauffer des mairies ou des écoles au bois grâce à la mesure prise sur la TVA. Cette filière peut aussi faire partie des pôles d’excellence ruraux. Lorsque nous travaillerons avec M. Estrosi sur les pôles d’excellence ruraux, nous pourrons peut-être trouver, autour de la filière bois-énergie, des thèmes fédérateurs à l’échelon intercommunal.

Je m’engage à vous donner par écrit le montant réel du soutien financier à la forêt versé par les chambres d’agriculture.

En ce qui concerne les services de restauration des terrains en montagne, ils sont bien réalisés par l’ONF mais payés par le ministère, et il est certain qu’ils ont de l’avenir. Récemment, au Sénat, un élu de La Réunion a déploré qu’il n’en existe pas dans son département, eu égard notamment aux conditions d’érosion.

Pour ce qui est de la coopération forestière, je suis, comme vous, à la recherche du financement des cinquante-cinq emplois dont ont besoin les centres régionaux de la propriété forestière.

M. François Brottes. Vous êtes mieux placé que moi ! (Sourires.)

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Certes, mais comme il vous revient de voter le budget de la nation, vous pouvez m’aider !

Enfin, nous verrons, avec le président de l’interprofession France Bois Forêt, le député Dominique Juillot, comment l’aider au mieux. Nous avons tellement appelé de nos vœux la création de cette interprofession, car nous avions besoin d’un interlocuteur au niveau national au lieu de cet enchevêtrement, que nous allons définir au mieux son mode de fonctionnement, et ce sera l’occasion de travailler avec vous, monsieur Brottes.

En tout cas, je ne manquerai pas de vous adresser des réponses écrites aux questions auxquelles je n’ai pas pu vous répondre aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Monsieur le ministre, l’hiver dernier, j’ai participé, avec d’autres collègues, à une mission d’information sur les organismes génétiquement modifiés. La semaine dernière, votre directeur de cabinet nous a informés que le ministère de l’agriculture attendait l’arrivée de nouveaux OGM sur notre territoire.

Sachant que la directive 2001-18 CE n’est pas encore transposée, quels moyens sont mis en œuvre par votre ministère pour contrôler l’implantation des OGM sur notre territoire ? Cet été, nous avons appris par hasard, par voie de presse, quel était le nombre d’hectares semés en OGM. Je souhaiterais avoir des réponses claires à ce sujet.

Deuxièmement, vous le savez, les produits phytosanitaires peuvent poser des problèmes graves de santé publique et d’environnement. Leur autorisation de mise sur le marché suit une procédure extrêmement rigoureuse, mais lorsqu’il s’avère que l’un de ces produits peut présenter des dangers, à la fois pour la santé ou pour la faune et la flore, aucune procédure de retrait n’est aujourd’hui prévue. Quel est votre point de vue à ce sujet et comptez-vous faire évoluer ces procédures ? Je crois savoir que le retrait relève de votre seule et unique décision. Il serait bon de pouvoir, après avis de l’AFSSA et de l’AFSSE, avoir des réponses claires sur le sujet.

Enfin, s’agissant de la protection animale, vous savez qu’il y a, dans notre pays, beaucoup de trafics d’animaux. Dans les Deux-Sèvres et en Maine-et-Loire, par exemple, vient d’être mis au jour une filière très lucrative pour ceux qui l’ont imaginée. Quels moyens votre ministère consacre-t-il à la lutte contre ces trafics ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la députée, les expérimentations d’OGM réalisées dans les champs sont codifiées. Cette année, après avis du ministre de l’environnement, j’ai autorisé douze nouveaux essais, auxquels s’ajoutent ceux qui avaient été autorisés les années précédentes et qui restent valables en 2005. Ces essais portent essentiellement sur le maïs, le peuplier et la vigne, dans la région de Colmar notamment pour cette dernière culture. Sur les soixante-quatorze parcelles implantées, j’ai le regret de constater que trente et une ont été détruites par les mouvements anti-OGM. Et je suis heureux que la justice ait montré, hier, qu’elle savait être ferme envers ceux qui n’appliquaient pas la loi.

Les cultures d’OGM à des fins commerciales sont très peu développées dans notre pays et concernent surtout le maïs. Elles ont été autorisées par l’Union européenne et représentent normalement 500 hectares, mais il s’agit là d’une approximation car il n’est pas nécessaire de faire de déclaration. Durant l’été, Le Figaro a publié une carte et fait état de 1 000 hectares.

Des problèmes de coexistence et de transparence se posent naturellement, ce qui explique que nous devions transposer la directive 2001-18 CE à laquelle vous avez fait allusion. Un excellent travail a été réalisé par la mission d’information sur les OGM, présidée par Jean-Yves Le Déaut. Le ministre délégué à la recherche, François Goulard, a préparé un projet de loi qui sera transmis d’ici peu au Conseil d’État puis déposé, avant la fin de cette année, sur le bureau du Parlement, et qui vise à édicter des règles précises de transparence, de coexistence et d’information pour ces cultures à fins commerciales.

Des expérimentations doivent être réalisées et je continue de condamner celles et ceux qui ont détruit des champs. Je pense notamment à ceux qui ont arraché des plantations destinées à lutter contre la mucoviscidose. Ce sont des actes imbéciles et graves.

Mme la présidente. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Monsieur le ministre, avant de poser ma question, je ferai deux remarques préalables.

D’une part, je rappelle que la profession agricole fut en première ligne dans la crise de l’ESB et que M. Cadot, votre collaborateur, a été notre interlocuteur lors de la réunion de la commission en formation élargie sur la sécurité sanitaire.

D’autre part, je ne considère pas que l’excellence politique s’adosse obligatoirement à la hausse des montants des inscriptions budgétaires. Les objectifs et les méthodes sont aussi des indicateurs pertinents.

Je souhaite vous interroger sur les opérations de déstockage et de destruction des 700 000 tonnes de farines animales envisagées sur dix ans. Y consacrer 450 millions d’euros dès 2006 est un signe fort, mais pouvez-vous nous éclairer sur les opérateurs choisis, sur les lieux privilégiés ? En clair, qui fera quoi, où, quand, comment ? Car nous entendons, dans nos circonscriptions, des choses contradictoires. On nous parle tantôt d’incinérateurs, tantôt de cimenteries. Tout cela doit-il se combiner ?

J’ai participé à la commission sur l’ESB présidée par François Sauvadet. Malheureusement, j’ai le sentiment qu’une fois le rapport déposé, les choses s’arrêtent. Peut-on imaginer, monsieur le ministre, que vous nous teniez informés régulièrement sur la mise en œuvre des crédits et le déroulement de ces opérations ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Dosé, je vous remercie de m’avoir posé cette question qui me donne l’occasion de faire le point devant le Parlement.

Nous sommes en train de passer les marchés de déstockage pour le premier semestre de l’an prochain. L’élimination des farines animales, qui est à la charge de l’État, a commencé en 2004.

Depuis un an environ, les entrepôts de Pleine-Fougères en Ille-et-Vilaine, de Caudan dans le Morbihan, de Jussy dans l’Aisne, de Guidel et Pontivy dans le Morbihan, ont été vidangés. La vidange de l’entrepôt de Combrée dans le Maine-et-Loire ne sera achevée qu’à la fin de l’automne en raison des contraintes imposées aux transporteurs par les associations de riverains. Le déstockage des entrepôts du Rhône – Lyon et Quincieux – n’a pu démarrer à cause de problèmes juridiques, ce qui a ralenti le rythme du déstockage. Au premier semestre, instruction a été donnée aux préfets de lancer des marchés de déstockage à Nogent-sur-Vernisson dans le Loiret, à Châteaubriant en Loire-Atlantique, à Bouère en Mayenne, à Châtillon-sur-Thouet – dans votre département, madame Gaillard – et en Belgique. Les travaux correspondants commenceront avant la fin de l’année.

Pour 2006, la dotation prévue de 55 millions devrait permettre de lancer entre six et dix nouveaux marchés, portant sur 120 000 tonnes, si les opérations ne rencontrent pas d’obstacle juridique.

Ces chiffres sont à mettre en regard du stock résiduel de 740 000 tonnes à la fin de l’année 2005 dont l’élimination s’étalera jusqu’en 2008, sous réserve de pouvoir mobiliser les capacités étrangères. Le coût global de l’opération, compte tenu des prix actuels de transport et d’incinération et des loyers résiduels, est estimé à 164 millions d’euros.

Nous devons maintenant évaluer les capacités d’incinération disponibles dans les autres pays de l’Union européenne et dans les pays tiers. Il serait commode et sain d’envisager une vidange massive par voie maritime. Nous étudions également, monsieur Dosé, des solutions alternatives aux fours de cimenterie qui n’avaient pas été concluantes au début de la crise.

Voilà l’état des lieux de ce dossier complexe qui a été discuté au sein de la commission des finances et de la commission élargie. Le président de la commission des finances, M. Méhaignerie, notamment, y a beaucoup insisté. La tâche s’inscrit dans le long terme, mais elle se déroule à un rythme tout à fait convenable.

Mme la présidente. Nous passons aux questions du groupe Union pour la démocratie française.

La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.

M. Jean-Pierre Abelin. Monsieur le ministre, les producteurs de melons, d’endives ou de pommes de terre sont contraints, en raison du cycle court – deux ou trois ans – qu’impose leur activité, de passer régulièrement de nouveaux contrats car il leur faut souvent changer de parcelle. Or le code rural interdit à un fermier de sous-louer les terres qu’il loue à un propriétaire bailleur. Pour éviter la sous-location, il existe un contrat de coproduction entre le producteur de melons et le fermier. Mais, une jurisprudence récente – un arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2004 – condamne toute sous-location et permet au propriétaire de résilier le bail ou de condamner l'exploitant à des dommages et intérêts pour ce motif.

J’ai déposé aujourd'hui même une proposition de loi sur le sujet, qui aménage le statut du fermage en autorisant la sous-location des assolements inférieurs à deux ans, afin de couvrir les cultures à cycle court. Cette piste, monsieur le ministre, est-elle valable ?

Il existe un second problème, lié à la réforme de la PAC qui a procédé au découplage des aides. Les céréaliers ayant loué des terres aux producteurs de melons au cours de la période de référence vont être pénalisés, car le montant historique de leur aide découplée ne tiendra pas compte des parcelles consacrées au melon puisque sa culture n’est pas éligible aux aides de la PAC. Le préjudice portera non seulement sur leurs revenus d’activité, mais aussi sur la valeur patrimoniale de leur exploitation au moment de sa cession.

De plus, la réforme prévoit que la non-activation de DPU pendant trois années successives entraîne leur retour à la réserve nationale. Ils seront donc perdus pour le céréalier. Or il arrive que les melonniers n'occupent les terres que pour une période de cinq ans, qui n’est pas renouvelée. Cette nouvelle contrainte va inévitablement inciter les céréaliers à ne plus louer aux melonniers, sous peine de perdre leurs droits.

Connaissant votre attachement à la production des melons du Haut-Poitou et du Poitou-Charentes, monsieur le ministre, je me permets de vous demander quelles mesures vous envisagez pour maintenir une production de qualité et quelles compensations pourront être accordées, notamment par le biais de la réserve nationale, aux céréaliers qui louent leurs terres à des producteurs de melons. Il faut éviter en effet que, dès le 1er janvier 2006, les producteurs de melons ne trouvent plus de parcelles à louer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Abelin, votre question ne me surprend guère puisque je connais votre attachement à cette production, du Loudunais notamment, qui a essaimé aussi en Charente-Maritime et dans le Pays Royannais.

Avant de vous répondre, sachez que j’examinerai votre proposition de loi avec plaisir et intérêt.

Le sujet est en effet compliqué. D’ailleurs, les producteurs de notre région commune m’ont parlé à plusieurs reprises des difficultés posées par les DPU. Les règles de gestion prévoient le cas des céréaliers qui ont loué des terres à des melonniers. Après des échanges avec les intéressés, nous avons expertisé la correction des références historiques pour doter les céréaliers de DPU complémentaires lorsque les terres n’avaient pas été affectées à la production de céréales au cours des années de référence. Toutefois, les céréaliers n’auraient pas pu les activer s’ils poursuivaient la location, faute de disposer des hectares suffisants. Or les DPU non activés sont par nature gelés pendant trois ans au moins. Ils correspondent donc à une perte sèche pour la ferme France, perte contre laquelle nous luttons puisque nous avons besoin de mobiliser toutes les ressources en sa faveur. Au bout de trois ans, les DPU remontent automatiquement en réserve nationale. Il s’agissait donc d’une fausse piste, sinon en termes d’affichage, le risque étant d’inciter les céréaliers à rompre leurs contrats de location, ce qui n’est pas l’objectif.

Nous avons donc imaginé une autre solution. En puisant dans la réserve nationale, nous avons prévu de doter en DPU complémentaires certains agriculteurs entrant dans des programmes spécifiques, dont l’un est consacré explicitement au cas qui nous occupe. De la sorte, les céréaliers qui souhaitent définitivement ne plus louer leurs terres aux melonniers se verront octroyer des DPU par la réserve nationale en contrepartie d’engagements qui figureront dans les textes d’application. Les céréaliers concernés ne seront donc pas lésés et retrouveront une situation correspondant à leur activité.

Ces mesures, certes complexes, répondent aux besoins des céréaliers et de la production de melons hors-sol qui s’est beaucoup développée dans nos régions et qui a des implications économiques importantes, en particulier sur l’emploi saisonnier. Cela étant, nous examinerons très attentivement votre proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, le Gouvernement s’est engagé dans une politique de soutien au développement des biocarburants. Il a même anticipé les objectifs fixés par le droit communautaire. Si le groupe UDF, qui a toujours été à la pointe du combat en la matière, se réjouit de cette évolution, des réponses positives aux questions que je vais vous poser peuvent contribuer à tenir vos engagements.

Premièrement, quand le Gouvernement va-t-il lancer le nouvel appel d’offres qu’il a promis ? Quel en sera le calendrier précis et sur quelles quantités portera-t-il pour chaque filière ?

Deuxièmement, le Gouvernement a souhaité diminuer de près de moitié le dispositif de TGAP destiné à inciter à l’incorporation, qui avait pourtant été voté à l’unanimité de l’Assemblée nationale l’année dernière et dont la commission des finances a voté le rétablissement. Quelle sera la position du Gouvernement sur cette question ?

Troisièmement, pouvez-vous nous préciser le mode de calcul des taux d’incorporation obligatoires ? Seront-ils calculés en fonction du pouvoir calorifique inférieur massique ou du volume ? Certains membres de l’administration fiscale semblent vouloir retenir la seconde solution, ce qui réduirait les objectifs de 25 % pour l’éthanol et de près de 10 % pour le diester.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous avez raison, monsieur de Courson, de vous préoccuper des biocarburants, qui constituent un enjeu majeur pour notre pays.

Le Gouvernement a « passé le turbo », si vous me pardonnez l’expression, puisque les objectifs retenus sont désormais de 5,75 % dès 2008, au lieu de 2010, de 7 % en 2010 et de 10 % à l’horizon 2015. Le groupe UDF a d’ailleurs déposé un amendement au Sénat pour préciser le mode de calcul de ces objectifs.

Nous prévoyons un appel d’offres portant sur 1,8 million de tonnes qui sera publié au Journal officiel de l’Union européenne dans les prochains jours. Je n’ai pas sous la main la répartition des volumes par filière mais je vous la communiquerai dans la journée. Nous allons compléter le premier appel d’offres de manière, d’une part, à accorder les volumes souhaités pour permettre aux soumissionnaires d’atteindre le seuil de rentabilité, et, d’autre part, à intégrer des sites nouveaux. Nous sommes en train d’examiner les demandes de la profession.

Concernant la TGAP, j’ai pris acte du vote du Parlement et j’attends, comme vous, l’arbitrage du Premier ministre. Cela étant, ayant fait voter l’année dernière, en tant que secrétaire d’État au budget, la mesure initiale, avec le soutien de votre groupe et en présence de Nicolas Sarkozy, je ne verrais aucun inconvénient à son maintien.

S’agissant du critère PCI ou volume, rien n’est encore arrêté. Je dois rencontrer demain mon collègue de l’industrie à ce sujet et une grande table ronde avec l’ensemble des professionnels agricoles et industriels – des représentants de chacune des filières et des pétroliers – sera organisée à Bercy le 21 novembre. Je connais bien la position de l’administration des douanes, qui est différente de celle du ministère de l’agriculture. Une décision sera donc prise rapidement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, l’agriculture et la ruralité françaises se caractérisent par leur diversité. Aux plaines succèdent les zones de moyenne montagne et de montagne, les unes et les autres se distinguant par leurs spécificités climatiques, géologiques, agronomiques... Si certains territoires peuvent choisir de se spécialiser dans telle ou telle production ou telle ou telle activité, d’autres, en moyenne montagne notamment, n’ont pas le choix, car ils souffrent de handicaps naturels liés à l’altitude, à la nature des sols, au climat, à la disposition des terrains ou encore à leur enclavement, sans avoir non plus la possibilité qu’offre la haute montagne d’attirer les amateurs de sports d’hiver.

C’est vrai pour nombre de parties du territoire national et plus particulièrement pour les contreforts sud du Massif central, notamment le secteur des monts de Lacaune qui m’est particulièrement cher.

En 2003, le Gouvernement a décidé de revaloriser l’ICHN, l’indemnité compensatrice des handicaps naturels. Souhaitez-vous poursuivre l’action engagée en la matière et même soutenir davantage l’activité agricole de ces territoires, qui leur est essentielle ? Je suis conseiller général d’un canton dont 40 % de la population active travaille dans l’agriculture, soit presque dix fois plus que la moyenne nationale. Toute l’activité économique est liée à l’agriculture et, vu les prix des productions, pour arriver à un rééquilibrage, la puissance publique doit continuer à soutenir ces territoires. Elle doit surtout adresser un message fort pour accompagner la politique de qualité qui y est menée par l’ensemble des producteurs, agriculteurs et éleveurs.

Bref, compte tenu des grandes difficultés que connaissent ces territoires, avez-vous l’intention de poursuivre l’action engagée en la matière et même d’aller au-delà ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Bien sûr, monsieur Folliot, qu’il faut aider ces territoires. Je connais le vôtre, il est beau, il a besoin d’être aidé. C’est tout l’objet du deuxième pilier de l’Union européenne.

Comme je l’expliquais hier soir, nous avons adopté à l’unanimité le règlement de développement rural le 30 juin, au lendemain du sommet difficile des chefs d’État et de gouvernement, et il faut maintenant que nous ayons les montants financiers à compter du 1er janvier 2007, d’où l’importance du débat sur les perspectives financières – qui, malheureusement, prend du retard – pour que nous sachions sur quels montants nous pouvons compter.

Toutes les politiques nationales ou cofinancées entrent en vigueur, comme le plan de modernisation des bâtiments. L’aide à l’installation des jeunes est favorisée dans ces zones par rapport à d’autres secteurs. Nous aurons tout à l’heure, à propos de l’amendement d’Alain Marleix, un débat sur les ICHN : c’est un bel instrument. Les montants ont évolué depuis 2001, il y a eu des augmentations en 2002 et en 2003, avec des primes spécifiques pour les zones de montagne, en 2004 également. Pour 2006, les montants sont stabilisés mais nous avons la volonté de bouger. Nous aurons un débat sur ce point dans un instant mais je note votre intérêt pour ce dispositif et votre souhait que des moyens supplémentaires lui soient consacrés.

Nous avons cependant une inquiétude. Lorsque nous avons commencé à travailler sur le projet de développement rural, la Commission a exprimé sa volonté de redéfinir les zones défavorisées. Cela aurait pu entraîner des modifications dans le zonage du grand Massif central élargi, du grand cœur de France que représentent les départements des zones de montagne, et cela aurait posé d’énormes difficultés. Le Conseil des ministres de l’agriculture a décidé sagement de prolonger la réflexion sur les critères de délimitation au moins jusqu’en 2010, ce qui nous assure le maintien du zonage actuel pour les prochaines années. Nous allons nous battre pour le maintenir, pour avoir les meilleures aides dans le cadre du deuxième pilier européen et pour améliorer chaque fois que nous le pourrons les aides nationales.

Je considère comme vous que ces régions ont besoin de solidarité. L’agriculture y joue un grand rôle et, sans elle, il n’y aurait plus de vie, plus d’entretien des espaces. Sa contribution au maintien de l’environnement nécessite un effort de solidarité nationale que nous devons accroître. Si je viens prochainement dans votre département du Tarn, j’aurai l’occasion d’en parler avec les élus.

Mme la présidente. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Joël Beaugendre.

M. Joël Beaugendre. Monsieur le ministre, après celui de l’outre-mer, vous êtes le ministre le plus sollicité par les élus de nos territoires, ce qui montre l’importance qu’y tient l’agriculture. Nous vous remercions d’y être sensible. Lors de la discussion de la loi d’orientation agricole, vous nous aviez promis un débat sur l’agriculture ultramarine. De nombreuses questions se posent, en particulier sur l’IEDOM, sur le contingent de canne à sucre et sur la banane. Nous vous remercions de votre mobilisation auprès des Espagnols et des Portugais, ce qui permettra peut-être à nos compatriotes d’avoir de bonnes étrennes pour l’année 2006.

La mission d’information relative à l’utilisation du chlordécone et d’autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne a mis en évidence l’ampleur des dommages causés à nos sols. L’application du principe de précaution a conduit les autorités compétentes à prendre des mesures urgentes de nature à protéger la santé des Antillais. Néanmoins, si la prise en compte du problème dans ses dimensions sanitaires et écologiques se révèle indispensable, on ne peut négliger les aspects économiques. Une teneur trop importante en chlordécone dans ses produits enlève en effet à l’agriculteur toute possibilité de les vendre. Il se voit ainsi privé de l’essentiel de ses revenus.

M. Louis-Joseph Manscour. Absolument !

M. Joël Beaugendre. Nos agriculteurs sont particulièrement inquiets. La fin d’année est traditionnellement une période où l’on consomme beaucoup de produits locaux. Par ailleurs, selon les connaissances scientifiques actuelles, aucune dépollution des sols à court terme n’est possible.

Le Gouvernement ne peut rester insensible aux nombreuses difficultés quotidiennement rencontrées par nos agriculteurs, déjà défavorisés par les handicaps structurels et conjoncturels des régions ultramarines. Il me paraît indispensable, afin d’éviter la cessation d’activité de certains et d’encourager la reconversion d’autres, d’accompagner financièrement les agriculteurs qui subissent les conséquences de l’application du principe de précaution. Dans ce cas de figure, la solidarité nationale doit pleinement s’exercer.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement afin de compenser le manque à gagner résultant de l’interdiction de vendre un produit présentant un taux de pesticide supérieur aux limites autorisées ? Quels moyens seront mis en œuvre pour permettre une éventuelle reconversion des agriculteurs ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Beaugendre, comme je l’ai dit à M. Almont, le ministère de l’agriculture et de la pêche est très sensible au monde ultramarin. J’ai eu l’occasion de beaucoup travailler sur ces questions lorsque j’étais membre, avec un certain nombre d’entre vous, dont M. Delattre, que je vois à vos côtés, de la commission des lois. J’espère pouvoir me rendre prochainement aux Antilles après la Guyane au mois de juillet et La Réunion dans quelques jours.

M. Joël Beaugendre. Merci !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. La pollution par le chlordécone est un problème très grave. Ce pesticide a été utilisé jusqu’en 1993 pour lutter contre les parasites et on en voit maintenant les effets négatifs. Vous avez été rapporteur d’une mission d’information, vous m’avez entendu devant votre commission et nous avons eu l’occasion de travailler ensemble. Votre rapport est maintenant notre référence. C’est à partir de ce document que nous travaillons.

Après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, nous avons pris des arrêtés ministériels pour fixer les limites maximales de résidus de chlordécone dans les denrées alimentaires d’origine végétale et animale, de façon à garantir la sécurité des consommateurs antillais, notamment en cette période de fin d’année.

Nous avons mis en place une mission de prospective avec tous les organismes de recherche, qu’il s’agisse de l’INRA, du CIRAD, qui intervient outre-mer, ou de l’AFSSA, pour essayer de proposer différents scénarios permettant de préserver la santé des populations, de restaurer l’environnement et de promouvoir l’agriculture locale. Ce dossier est suivi par un comité des directeurs de l’administration centrale, et c’est l’inspection générale des affaires sociales qui en assure la coordination sur le terrain avec les préfets des départements antillais.

La solidarité s’impose. Nous évaluons l’impact économique des mesures que nous avons prises pour assurer le respect du principe de précaution, afin qu’il ne soit pas proposé de produits impropres à la consommation, et il faudra naturellement faire jouer la solidarité nationale. Je ne peux pas vous dire exactement ce qu’elle sera, mais le principe est acquis. J’aurai l’occasion de vous en reparler prochainement.

En tout cas, nous sommes très conscients des enjeux de ce dossier, de son importance psychologique, économique et politique pour les Antilles. Le Gouvernement est mobilisé pour y travailler à vos côtés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. Monsieur le ministre, l’ampleur de la crise qui touche la viticulture française et particulièrement celle du Languedoc-Roussillon m’amène à de nouveau appeler votre attention sur les mesures spécifiques d’allégement de charges et d’accompagnement des exploitants en difficulté qu’il est nécessaire de prendre.

La filière viticole vous a remis un mémorandum qui exprime ses doléances en matière sociale. Vous lui avez apporté des réponses à bien des égards satisfaisantes et je tenais à vous remercier personnellement pour votre implication dans ce dossier. Toutefois, certaines précisions manquent encore.

Tout d’abord, vous avez rétabli par voie de circulaire une ligne budgétaire pour que la MSA puisse prendre en charge, de manière temporaire et exceptionnelle, une partie des cotisations sociales des exploitants en difficulté. Pouvez-vous nous préciser quels moyens il est prévu d’affecter à la MSA en 2006 pour de telles actions ?

Par ailleurs, vous sembliez ouvert à l’harmonisation du taux d’abattement des cotisations sociales en matière d’emplois occasionnels à son niveau le plus élevé, à savoir 90 %, mais, malheureusement, le décret correspondant n’a pas encore été pris.

Concernant la mise en place de guichets uniques dans l’ensemble des régions viticoles, la date butoir du 31 décembre 2005 suscite manifestement des difficultés pour la mise en œuvre des plans de paiement, d’autant qu’il vous est demandé d’accepter des échéanciers non plus seulement sur six mois mais également sur vingt-quatre mois.

Enfin, des demandes d’aménagement des procédures vous ont été adressées, l’une concernant les majorations et pénalités de retard appliquées par la MSA aux exploitants, lorsque ceux-ci ont bénéficié d’un plan de paiement des cotisations sociales qu’ils ont respecté, l’autre concernant les modalités d’accès au RMI, qui diffèrent selon que les exploitants relèvent du régime des bénéfices réels ou du régime forfaitaire. Ce sont essentiellement des demandes de simplification, qui ont un caractère plus psychologique que financier. Mais elles sont importantes parce que les exploitants qui sont confrontés à de réelles difficultés financières ne comprennent pas la justification de ces procédures.

Je vous remercie d’apporter des réponses à ces points laissés en suspens. Cela permettrait de soulager bon nombre de viticulteurs malmenés par la crise actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je vous remercie, monsieur Roubaud, d’avoir noté les efforts que nous avons accomplis. Il y a eu deux plans, et des mesures plus récentes concernant la campagne actuelle ont été prises en concertation avec la profession : procédure « agriculteurs en difficulté » pour l’allégement des charges, aides exceptionnelles de trésorerie, enveloppe de prêts de consolidation, prêts de consolidation pour les caves coopératives, aide au départ en préretraite.

S’agissant des charges sociales, les employeurs agricoles bénéficient pour l’emploi de travailleurs occasionnels d’une exonération totale des cotisations familiales pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,5 SMIC et de 50 % entre 1,5 et 1,6 SMIC. Par ailleurs, les viticulteurs bénéficient naturellement de la réduction dégressive des charges patronales.

D’autres mesures ont également été prises. Un dispositif exceptionnel permet à la MSA de prendre en charge une partie des cotisations sociales ou d’en assurer l’étalement : 11 millions lui ont été alloués à cet effet, dont un million pour la viticulture. Ce dispositif AGRIDIF sera géré localement afin d’éviter toute difficulté.

Pour les pénalités et majorations de retard, les caisses de MSA seront naturellement très attentives à la situation des viticulteurs pour ne pas aggraver leur situation.

De manière générale, s’agissant des exonérations de cotisations, nous avons repris un certain nombre de propositions de M. Jacques Le Guen. Je peux vous assurer que le décret sur la cotisation personnelle sera pris dans les meilleurs délais et que la mesure concernant le guichet unique sera prorogée, si nécessaire, après le 31 décembre.

S’agissant des procédures, je vous répondrai ultérieurement.

Nous avons deux soucis concernant la viticulture de votre région, à laquelle vous vous dévouez particulièrement. D’abord, l’aider économiquement en soutenant les prix de cette nouvelle récolte afin que les agriculteurs puissent vendre normalement leurs produits, en particulier à l’exportation. Ensuite, accompagner socialement les viticulteurs en difficulté, notamment dans votre département du Gard, mais aussi dans l’Aude, les Pyrénées orientales et l’Hérault. La mission d’évaluation que j’ai confiée à M. Malpel a été positive. Nous allons maintenant mettre en œuvre les mesures que nous avons décidées ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur les retraites agricoles. Depuis 2002, des avancées significatives ont été faites dans ce domaine : je note plus particulièrement le financement de la retraite complémentaire obligatoire et la mensualisation.

Pourtant, quelques points restent en suspens. En premier lieu, je souhaite appeler votre attention sur la situation de pluripensionnés, notamment les femmes, qui ont cotisé au régime général d'assurance vieillesse. Ces périodes ne sont pas prises en compte pour accéder aux revalorisations. Cette situation est injuste. D'une part, ces périodes devraient être assimilées à des années d’activité non salariée agricole et d'autre part, les femmes devraient bénéficier d'un régime de retraite complémentaire. Un groupe de travail avait été mis en place sur cette question. Où en est-il aujourd'hui ?

Enfin, il est indispensable de prévoir un mécanisme de revalorisation des petites retraites pour permettre à leurs titulaires d'atteindre un montant de pension équivalent à 75 % du SMIC annuel pour une carrière complète, et à plus long terme, une pension minimale égale à 85 % du SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous avez raison, monsieur Decool, d’évoquer ce sujet difficile. Nous devons trouver en année pleine 1,7 milliard d’euros pour financer le FFIPSA, qui a par ailleurs accumulé 3,2 milliards d’euros de dettes des ex-BAPSA cumulés. Nous y travaillons. C’est tout le problème de la solidarité avec le monde agricole. À ce titre, l’effort à réaliser sur les retraites est important.

Vous avez à juste titre souligné l’action du Gouvernement s’agissant de la retraite complémentaire obligatoire et de la mensualisation, mesures attendues depuis des années par les retraités agricoles.

Après un excellent débat devant les deux assemblées, le Sénat vient d’adopter un amendement revalorisant les retraites agricoles grâce à la prise en compte des périodes d'assurance vieillesse des parents au foyer, les polypensionnés. Cette mesure sera applicable dès le 1er janvier 2006. Elle concernera près de 15 000 retraités, essentiellement des agricultrices. Son coût s'élève à 20 millions d'euros.

Le groupe de travail a analysé, à la demande d’Hervé Gaymard, l’ensemble des propositions. Il faut maintenant préciser leur implication financière. C’est la mission que j’ai confiée, à la demande du président de la commission des finances, à deux de vos collègues : Yves Censi, par ailleurs président du conseil de surveillance du FFIPSA, et Daniel Garrigue, qui a déjà beaucoup travaillé sur la question des retraites agricoles.

Avant la fin de cette législature, le Gouvernement sera en mesure de faire de nouvelles propositions pour poursuivre cet effort en matière de retraites agricoles. Monsieur le député, compte tenu de l’intérêt politique que vous manifestez pour ce sujet très important, nous vous tiendrons informé.

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, la situation de l'agriculture martiniquaise, comme celle des autres départements d’outre-mer, est préoccupante. Et ce ne sont pas mes collègues ici présents qui me contrediront. Tous les socioprofessionnels tirent le signal d'alarme et je souhaite, aujourd'hui, devant la représentation nationale, m’en faire l'écho.

Deux exploitations agricoles disparaissent chaque jour à la Martinique et des milliers d'emplois, dont 800 pour la seule année 2004, ont été supprimés, principalement dans le secteur de la banane. Nombre de petits producteurs en faillite s'inscrivent au RMI et à l'ANPE. Dans le même temps la surface agricole utile diminue de 3 % et les producteurs de bananes, de canne, d'ananas sont découragés.

Ce constat est d'autant plus édifiant que peu de perspectives se profilent à l'horizon. En effet, des centaines d'hectares de terres agricoles sont polluées par le chlordécone et les négociations des OCM-banane et sucre ne sont pas rassurantes. Un véritable plan Marshall aurait dû répondre à cette situation alarmante. Or l'étude des documents budgétaires révèle que les crédits de paiement affectés à la Martinique par le ministère de l'agriculture sont en constante diminution.

Monsieur le ministre, nous avons le sentiment que si cette situation perdure dans nos régions d'outre-mer, et plus singulièrement à la Martinique, c'est parce que les gouvernements successifs n’ont pas su correctement l'appréhender. L'agriculture domienne est, avant tout, une agriculture de pays en développement et doit être prise en compte comme telle dans ses particularismes et ses spécificités. Les crédits que vous nous proposez ne suffisent donc évidemment pas à traiter les problèmes récurrents qui touchent l'agriculture martiniquaise et plus globalement l'agriculture des DOM.

Lors du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, j’ai appelé votre attention sur le besoin de sanctuariser, dans une loi spécifique à l'outre-mer, de véritables outils de développement, de modernisation et de compétitivité de notre agriculture.

Vous m’avez répondu : « Je ne suis pas hostile à ce que nous ayons un texte sur l'outre-mer, qui viendrait le moment venu et sur lequel nous travaillerions avec les députés ultramarins et le ministre de l'outre-mer. Je n'engage pas le Gouvernement sur ce point. C'est une réflexion personnelle. »

Pouvez-vous m'indiquer ce qu'il en est de cette réflexion personnelle et si le Gouvernement compte s'engager sur ce point ? Pour ma part, je me tiens prêt, avec tous mes collègues ultramarins, toutes tendances confondues, à vous apporter mon concours pour que nous travaillions ensemble avec M. Baroin et vous-même à l'élaboration d'une loi d'orientation agricole spécifique à l'outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, il est vrai que l’agriculture d’outre-mer nécessite un effort particulier de solidarité.

Plusieurs méthodes sont possibles. J’ai évoqué des pistes lors de l’examen de la loi d’orientation agricole. Je m’en suis depuis entretenu avec M. Baroin et nous sommes en train de réfléchir à la manière d’apporter des mesures nouvelles, soit à l’occasion d’une loi que mon collègue présenterait, soit au travers d’autres textes, mais nous sommes tout à fait décidés à ce qu’il y ait des avancées réelles pour l’agriculture d’outre-mer.

Cette agriculture demande un effort de formation spécifique. Nous devons par ailleurs défendre vos filières principales, au cœur des agricultures des départements d’outre-mer. La semaine prochaine se tiendra à Bruxelles un Conseil des ministres très important portant sur l’organisation commune de marché « sucre ». Nous y sommes extrêmement attentifs car le texte que la commission nous a présenté ne répond pas complètement à nos attentes. Mes plus proches collaborateurs vont, dans les jours à venir, travailler avec les services de la Commission. La réforme « sucre » ne doit pas remettre en cause la filière « canne ». C’est un sujet d’actualité sur lequel je vous tiendrai informé dans les jours à venir.

Quant à l’autre filière majeure, la banane, puisque l’Europe a été renvoyée une deuxième fois dans ses buts par l’OMC, il faut que la commission fasse une nouvelle proposition. Nous devons maintenir des tarifs d’accès à notre marché suffisamment dissuasifs pour qu’il ne soit pas envahi. Nous travaillons avec l’Espagne, le Portugal et Chypre, puisque les Canaries et Madère sont concernés par la production de banane.

Monsieur Manscour, nous sommes très mobilisés pour la banane parce que nous devons trouver une solution avant la fin de cette année calendaire, sur le sucre parce que c’est la semaine prochaine que les choses se passent, et plus globalement pour présenter un projet d’ensemble pour l’agriculture d’outre-mer. Je vous tiendrai informé prochainement de la manière dont, avec François Baroin, nous procéderons.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la gravité de la situation que connaît l’agriculture, et singulièrement l’arboriculture et la viticulture, dans la Drôme. Nombre d’arboriculteurs ont cessé leur activité, comme en témoigne la réduction permanente de notre verger et beaucoup sont au bord du dépôt de bilan. Vous avez annoncé, le 21 octobre, un plan doté de mesures conjoncturelles intéressantes mais financièrement très mal doté, puisque les agriculteurs drômois ont calculé que l’ensemble de vos crédits ne couvrait même pas les pertes subies par les seuls producteurs de pêches et d’abricots dans la Drôme.

Êtes-vous prêt à répondre favorablement aux demandes qui vous ont été adressées par les arboriculteurs drômois ? Je les rappelle très brièvement, ne disposant, comme mes collègues, que d’un temps de parole de deux minutes : mise en place d’un véritable plan social ; application des outils protecteurs en matière de prix minimum – ce qui suppose de mettre en place un coefficient multiplicateur, auquel vous avez dit être favorable, mais ce coefficient doit être opérationnel et les indicateurs fiables, par exemple pour la pêche et pour la nectarine – ; adoption d’un calendrier d’importation contraignant ; développement de moyens de promotion et de communication.

Par ailleurs, vos services annoncent que 200 000 euros vont être débloqués pour venir en aide aux producteurs touchés par la sharka. C’est une somme dérisoire ! Quelle suite comptez-vous donner aux propositions intéressantes du rapport Derrien, dont nous n’entendons plus parler ?

Enfin, concernant la crise des coopératives agricoles, sur laquelle vous avez été interpellé par de nombreux parlementaires, l’interprofession vous demande d’engager une action de très grande urgence. Des négociations avec des centrales d’achat sont en cours. Elles s’achèveront dans moins de trois semaines. Quelle action entendez-vous engager pour permettre une stabilisation des cours, désormais vitale pour les coopératives ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Besson, je devais me rendre dans votre département lundi pour rencontrer les différentes professions arboricoles et viticoles, mais la tenue exceptionnelle d’un conseil des ministres, pour les raisons que vous connaissez, m’en a empêché. J’espère avoir l’occasion de reprendre ce dialogue sur le terrain le plus rapidement possible.

La crise de la filière des fruits et légumes est cette année plus grave qu’à l’habitude, notamment pour le secteur des fruits ; elle concerne toutes les régions. Je recevrai dans les jours à venir des délégations du Val-de-Loire qui connaît des problèmes graves dans le secteur de la pomme.

J’ai en effet annoncé un plan de 15 millions d’euros de crédits exceptionnels pour financer des prêts de consolidation à l’intention des producteurs les plus en difficulté, ainsi que pour moderniser le verger, structurer l’offre et dynamiser les marchés. J’ai bien conscience qu’il faudra peut-être des fonds supplémentaires. Je reste ouvert à un débat avec la profession.

Concernant les importations, nous rencontrons une vraie difficulté : j’ai le sentiment que la surveillance des importations n’a pas été à la hauteur de nos besoins cette année. J’ai demandé le déclenchement d’une clause de sauvegarde pour les pommes ainsi que la modification des conditions de déclenchement de cette clause.

Nous avons également, avec d’autres États membres, demandé à la Commission de mettre à notre disposition des outils de gestion de crise, pour que nous puissions sortir des « aides de minimis », qui sont insuffisantes, et agir sur le plan national, ou sur le plan européen, dans le respect des règles de la concurrence.

Le dispositif du coefficient multiplicateur a été créé par la loi relative au développement des territoires ruraux. J’ai toujours indiqué, monsieur Besson, que j’étais prêt à le mettre en œuvre à tout moment. Je l’aurais d’ailleurs appliqué dès cet été, si la profession ne m’avait pas elle-même demandé de ne pas le faire, par crainte des conséquences négatives de son application.

En ce qui concerne la production de pommes, les conditions de déclenchement du dispositif, telles qu’elles ont été précisées par voie d’amendement au projet de loi sur le développement des territoires ruraux, ne sont pas réunies actuellement. Je suis, pour ma part, prêt à ce qu’on réforme ce dispositif. Il est un peu dommage en effet qu’on ne puisse pas l’utiliser face à des crises aussi importantes que celle que vous signalez.

La sharka est une maladie virale des arbres fruitiers, très présente dans les régions du Sud de la France, dont la vôtre. Nous avons demandé à M. Derrien la mission de rédiger un rapport sur ce sujet, qu’il m’a remis en mars dernier. Nous continuons à travailler avec les partenaires pour trouver les ressources financières. Vous avez raison de dire, monsieur Besson, que cela ne va pas assez vite, et je compte accélérer cette recherche des moyens de mieux lutter contre cette maladie.

Il est vrai que nous devons aider les coopératives viticoles, et c’est ce que nous faisons à travers le plan que j’ai annoncé il y a quelques mois. Nous comptons également renforcer la contractualisation dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés vitivinicoles prévue l’an prochain. Nous travaillons actuellement avec la profession à déterminer quel rôle pourrait jouer les coopératives dans cette réforme. En outre, les différents plans que nous avons mis en place en faveur de la viticulture tiennent compte de la fragilité de certaines coopératives, et leur donnent les instruments financiers propres à les aider à supporter cette crise.

Je suis prêt à recevoir avec vous les responsables des coopératives de votre région, pour que nous puissions les aider plus concrètement à passer cette période difficile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Vous connaissez bien, monsieur le ministre, le difficile problème laitier, qui se pose dans toutes les régions de France. Votre prédécesseur avait mis en place un plan national stratégique en faveur de la production laitière, qui devait apporter des solutions structurelles et non plus seulement conjoncturelles.

Des mesures ont en effet été prises dans le cadre de ce plan, mais elles n’ont concerné que les bâtiments d’élevage. Nous attendons toujours les mesures en faveur de l’industrie laitière, dont l’absence est très inquiétante. Beaucoup d’entre nous connaissent bien l’exemple de la laiterie Nazard, à Fougères. Cette société, pour laquelle travaillent 440 producteurs et 95 salariés, et qui produit 90 millions de litres de lait, fait l’objet d’un redressement judiciaire. Vous imaginez l’inquiétude des producteurs et des salariés, et des élus qui les soutiennent, devant l’absence, dans le plan national, de solutions permettant de sortir de la crise. C’était pourtant une des hypothèses qui avaient été envisagées au moment de l’élaboration de ce plan.

Nous nous inquiétons également du fait que certaines coopératives soient contraintes de se rapprocher des groupes privés pour faire face à l’ampleur de la crise, le prix payé aux producteurs semblant devenir la variable d’ajustement. Nous aimerions savoir comment vous analysez ces rapprochements forcés, qui sont loin d’être de véritables stratégies industrielles.

Je pense que vous n’êtes pas plus serein que nous, malgré le bon accord sur le prix du lait que vous avez arraché à Rennes, au salon des productions animales Carrefour européen, le SPACE. Je fonde cependant beaucoup d’espoir sur la nature et la durée de l’accord qui interviendra en janvier.

Ma dernière question est plus accessoire, parce que vous ne pouvez pas y répondre aujourd’hui. On a beaucoup parlé des OGM depuis le début de nos discussions. Il s’agit sans doute d’un problème majeur dans notre pays, et je ne veux pas remettre en question les excellentes propositions du rapport de M. Le Déaut. Mais les OGM sont l’arbre qui cache la forêt – je ne dis pas cela pour faire plaisir à François Brottes –, puisqu’on n’aborde jamais le problème de l’indépendance de notre approvisionnement en céréales. Les OGM sont, certes, un problème, mais que dire aujourd’hui de toutes ces céréales dont les semences sont naturellement stériles, qui nous viennent d’outre-Atlantique majoritairement, ou de certains pays en voie de développement, et pour lesquelles nous n’avons aucune réponse en cas de crise?

La notion d’indépendance pour l’approvisionnement en céréales devrait être une question française et européenne, que je me désespère de ne pas voir posée.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la ministre, c’est précisément l’indépendance de la France et de l’Europe qui se joue actuellement dans le cadre des négociations de l’OMC. Si on accepte le schéma anglo-saxon prôné par certains, c’est-à-dire l’arrivée sur le marché de viande bovine en provenance d’Amérique du Sud ou de maïs venant d’Argentine, on achètera et on se nourrira à bas prix, sans souci de traçabilité, et ce sera la fin de notre agriculture. Je m’étonne d’ailleurs que certains pays qui font de grands discours en faveur de l’aide aux pays en voie de développement, appuient dans cette négociation des puissances émergentes, comme celles du groupe de Cairns. Le paysan burkinabé ou malien ne tirera aucun profit de la possibilité offerte aux productions des grands latifundiaires d’Amérique du Sud ou d’ailleurs de submerger nos marchés. C’est donc un enjeu politique de première importance.

Vos inquiétudes en ce qui concerne la filière laitière sont légitimes. On ne peut pas être satisfait de ce qui s’est passé cette année, ces accords dénoncés, ces reprises. Le médiateur que nous avons désigné a pu obtenir un accord au moment du SPACE, comme vous l’avez rappelé ; il étudie actuellement les moyens de stabiliser la filière, afin d’éviter ces à-coups très pénalisants pour les producteurs, et j’espère que nous y serons parvenus l’année prochaine.

Vous avez rappelé, madame Lebranchu, qu’un gros effort avait été consenti en faveur des bâtiments d’élevage dans le cadre du plan stratégique. Je veux remercier toutes les collectivités locales, quelle que soit leur sensibilité politique, qui accompagnent ce plan, afin qu’un plus grand nombre de dossiers soit traité plus rapidement. Cet effort sera poursuivi dans le cadre de la loi de finances.

Vous avez raison de souligner que l’adaptation de l’outil industriel est plus chaotique, et il convient de faire porter davantage l’effort sur ce point. Nous partageons vos inquiétudes devant certains rapprochements. Vous avez évoqué la fermeture de la laiterie Nazard, mais beaucoup d’autres coopératives laitières, en Bretagne, en Pays-de-Loire, sont en crise. On peut même craindre l’arrêt de la collecte dans certains cas. Nous avons évoqué avec vous, messieurs les députés, cette possibilité à l’occasion de la loi d’orientation agricole : de nombreux facteurs – coûts trop élevés, conditions climatiques dégradées, délais insuffisants – peuvent provoquer l’arrêt de la collecte, notamment en zone de montagne, mais aussi en région de bocage, dans des départements que vous connaissez bien. Nous étudions les moyens de prévenir ce risque.

Nous avons déjà, comme je m’y étais engagé lors du congrès de la FNPL, à Saint-Malo, avancé le versement de l’aide directe laitière, au bénéfice de la trésorerie des producteurs laitiers.

L’évolution du marché du lait en 2006 constitue donc une de nos principales préoccupations, parce qu’elle est essentielle à la vie même de beaucoup d’exploitations agricoles. Je rappelle que la loi d’orientation agricole favorisera par un crédit d’impôt le remplacement pour congé des agriculteurs, pour une quinzaine de jours, dans le cas où leur activité nécessite une présence quotidienne sur l’exploitation. Cette mesure profitera à la qualité de vie des éleveurs, en particulier des éleveurs laitiers.

Nous avons beaucoup de pain sur la planche cette année en ce qui concerne la filière laitière, et je ne vois aucun inconvénient à ce que nous engagions en la matière une réflexion qui dépasse les clivages politiques.

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe UDF pour une dernière question.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur les difficultés rencontrées par l’apiculture française.

Depuis une dizaine d’années, les apiculteurs dénoncent les effets sur l’environnement d’une utilisation massive de produits insecticides, notamment dans les zones de grandes cultures. Si des produits comme le Gaucho et le Régent TS, désignés comme responsables des préjudices subis par la filière apicole française, ont fait l’objet de mesures de suspension d’usage puis d’interdiction dans un passé récent, il n’en demeure pas moins que d’autres produits sont susceptibles d’entraîner la même surmortalité des abeilles.

La disparition chaque année de plusieurs milliers de ruches est un indicateur suffisamment préoccupant pour que les pouvoirs publics prennent la mesure des risques liés au développement de certaines substances actives contenues dans des produits phytosanitaires employés massivement en. agriculture.

La disparition massive des colonies d’abeilles, dont on sait qu’elles sont de vrais témoins écologiques, met en péril la filière apicole, avec toutes les conséquences possibles sur l’activité de pollinisation, dont la diminution signifierait une véritable menace pour l’équilibre naturel. C’est pourquoi il est indispensable de soutenir 1’apiculture et les recherches scientifiques sur le sujet. II est vrai cependant que ce problème ne saurait être abordé efficacement en dehors du cadre européen,

À cela s’ajoutent de réelles inquiétudes face à l’existence de maladies contagieuses, qui imposent des mesures de protection sanitaire rigoureuses, ou encore face aux problèmes liés à des importations de miel en provenance de pays tiers, dont la qualité laisse parfois à désirer. Comme dans d’autres secteurs, il n’est pas aisé non plus de se protéger contre des pratiques commerciales déloyales, malgré les efforts déployés par les services d’inspection aux frontières.

Face à toutes ces difficultés, les apiculteurs fiançais souhaitent que vous fassiez preuve de la plus grande vigilance, ainsi de détermination et de fermeté lorsque cela est nécessaire. Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser les positions que le Gouvernement compte défendre au niveau communautaire sur ces différents sujets.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je vais faire mon miel de votre question, monsieur Rochebloine, (Sourires) puisque vous appelez mon attention sur les difficultés rencontrées par l’apiculture française, et notamment sur la surmortalité des abeilles.

Vous avez bien voulu rappeler les mesures prises par le Gouvernement français en ce qui concerne l’utilisation de certains produits phytosanitaires. Les substances actives de ces produits sont en cours d’évaluation au niveau communautaire, et c’est en fonction des décisions qui seront arrêtées au niveau communautaire que les autorités françaises prendront leurs propres décisions, pour ces substances comme pour d’autres à l’avenir.

Vous évoquez également les inquiétudes des apiculteurs face à l’existence de maladies contagieuses. Ces inquiétudes portent actuellement sur les risques d’introduction en France du petit coléoptère de la ruche, aethina tumida – vous le connaissez bien, monsieur de Courson, pour l’avoir rencontré personnellement. (Rires.)

Cette parasitose de l’abeille, à déclaration obligatoire dans l’Union européenne, sera prochainement ajoutée à la liste des maladies réputées contagieuses du code rural, pour lesquelles des mesures de surveillance et de police sanitaire sont établies en France. Devant les risques d’introduction dans l’Union européenne, on a interdit des importations en provenance des États-Unis, sauf Hawaï.

Lors de leur arrivée en France, les abeilles provenant de pays tiers sont soumises à un contrôle documentaire au poste d’inspection frontalier, à un contrôle sanitaire visuel systématique à destination chez l’importateur. Une analyse de laboratoire en vue de la recherche du parasite sur les abeilles accompagnatrices et sur les cages servant au transport de chaque reine est également réalisée. Ces mesures ont été étendues aux abeilles en provenance du Texas.

Par ailleurs, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments organise, à la demande du ministère de l’agriculture, des sessions de formation sanitaire apicole pour les agents participant à la surveillance et l’éradication des maladies réputées contagieuses des abeilles.

Notre vigilance s’exerce également vis-à-vis des importations de miel, dont vous relevez que la qualité laisse parfois à désirer. Les conditions communautaires sanitaires d’importation du miel dans l’Union européenne reposent essentiellement sur la directive 96/23/CE relative aux mesures de contrôle à mettre en œuvre à l’égard de certaines substances et de leurs résidus chez les animaux vivants et leurs produits. Ainsi, la reconnaissance d’un plan de surveillance des résidus est une condition indispensable pour inscrire un pays tiers dans la liste des pays autorisés à importer du miel dans l’Union européenne.

En outre, la France a fixé des conditions d’importation supplémentaires par l’établissement d’un modèle de certificat sanitaire. Un projet d’arrêté est actuellement à l’étude afin de renforcer ces garanties par l’ajout de conditions de santé publique relatives notamment à l’absence de résidus d’antibiotiques.

En matière de contrôle, les lots de miel importés sont systématiquement soumis à un passage en poste d’inspection frontalier pour s’assurer qu’ils répondent aux exigences documentaires que j’ai évoquées. Dans ce cadre, les lots font également l’objet de contrôles physiques réguliers. En cas de résultat défavorable, ils sont refoulés ou détruits selon les cas.

Nous disposons donc, monsieur Rochebloine, d’un bon dispositif de protection de l’apiculture contre les maladies. Il n’en reste pas moins que c’est une filière qui souffre, notamment de problèmes de commercialisation et des importations en provenance de l’Est de l’Europe ou de Chine.

Il faut évoquer également l’existence de miels de contrefaçon, qui sont extrêmement dangereux pour le consommateur. C’est dire combien nous devons être attentifs à l’apiculture, dont vous mesurez tous, dans votre département, l’importance économique, d’autant qu’elle est parfois exercée à titre d’activité complémentaire par des agriculteurs, voire des salariés, dans le cadre de la pluriactivité.

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. La Société hippique française – la SHF – est depuis cent trente ans un auxiliaire fiable et reconnu du ministère de l’agriculture, qui valorise les jeunes chevaux de sport, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont ni trotteurs, ni galopeurs. À trois ans, dans le pré, un cheval de sport se vend au mieux 4 000 à 5 000 euros. S’il est prêt à être monté, il vaut le double, et le double encore s’il a réalisé quelques performances sportives : c’est dire l’intérêt de cette valorisation pour les éleveurs.

Lorsque Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre, d’excellentes décisions ont été prises : tout le secteur hippique s’est ainsi vu accorder le statut agricole, notamment du point de vue fiscal, ce qui a lui donné une extraordinaire bouffée d’oxygène, en particulier pour les centres équestres. Je suis surpris, en revanche, qu’on ait oublié l’intérêt qu’il y aurait eu à appuyer sur la SHF l’autre volet de la modernisation. Complètement éclatée, et même quelque peu divisée, la filière aurait eu besoin de la création d’une interprofession, au lieu de quoi ont été créés une institution assez artificielle, la FIVAL, et un fonds, l’EPERON, qui distribue les moyens.

Depuis dix ans, nous avons été nombreux, au sein du groupe « cheval » de notre assemblée, à faire en sorte que cette filière puisse recevoir des financements pérennes issus du PMU, avec l’ambition de lui assurer le même statut que les grandes sociétés comme France-Galop ou la Société du cheval français pour les trotteurs. Il s’agissait là d’une excellente idée, mais nous avons été surpris de voir se greffer sur le fonds EPERON des partenaires dont la présence, selon l’opinion de beaucoup de ceux qui suivent ce dossier, ne se justifie guère.

Permettez-moi donc d’exprimer une première incompréhension. En effet, la SHF, bien connue du ministère de l’agriculture et indépendante du ministère des sports, compétente et présente sur tout le territoire – pratiquement tous les députés ont déjà assisté au moins une fois à l’une des manifestations qu’elle organise –, avait vocation à abriter l’interprofession de qualité qu’on aurait pu mettre progressivement en place, à l’instar des deux autres grandes structures de ce genre,. Il est curieux que la SHF, société-mère de toutes les sociétés existantes, ne soit pas représentée dans le conseil d’administration du fonds EPERON, qui attribue des moyens importants pour la filière.

Un deuxième motif d’incompréhension est la diminution, depuis plusieurs années, des crédits alloués à la SHF, qui étaient en 1995 de 1 400 francs par cheval et par an, pour 950 aujourd’hui. Ces moyens ont une répercussion directe sur les éleveurs et l’ensemble de la filière. Il est donc regrettable que la SHF ne se soit pas vu accorder une certaine autonomie financière.

Vous m’avez indiqué par courrier, monsieur le ministre, une augmentation de 50 % de la dotation de l’EPERON, mais cela n’en ramènera pas même le montant au niveau de 1995. Surtout, la SHF, en qui votre ministère veut voir un partenaire, a des projets nouveaux, correspondant à des besoins nouveaux comme la création d’un circuit amateur pour le cheval de loisirs, qui fait aujourd’hui défaut, ou l’organisation d’un circuit européen de valorisation. On lui demande également d’organiser des événements régionaux – j’ai ainsi assisté en juin dernier à Cluny, en Saône-et-Loire, à un rassemblement régional qui a attiré autour des jeunes chevaux quelque 4 000 spectateurs, alors qu’on ne voyait qu’une cinquantaine de personnes autour du terrain de football voisin.

Sans doute pourriez-vous, en tenant compte de l’impact du travail de la SHF, reconsidérer les moyens de donner à cette structure, qui travaille avec vos services, une véritable autonomie financière. Il lui est difficile de quémander auprès de cet organisme artificiel qu’est l’EPERON les moyens de fonctionner. Il importe de concevoir avec la SHF un projet de développement pour les années à venir et de répondre à l’inquiétude qu’a suscitée la direction générale des affaires rurales en annonçant récemment que les aides pourraient être supprimées : la SHF serait alors totalement dépendante du fonds EPERON.

Deux questions, donc.

Mme la présidente. Voilà !

M. Francis Delattre. Allez-vous pérenniser le soutien à une structure qui a fait ses preuves et qui est nécessaire dans une filière en crise ? Ne pensez-vous pas, par ailleurs, que lui rendre de l’autonomie serait la meilleure façon d’organiser une interprofession crédible ? Ce serait d’autant plus souhaitable…

Mme la présidente. Monsieur Delattre…

M. Francis Delattre. …que, comme le savent ceux qui connaissent ce dossier, les sociétés de race sont disposées à travailler avec la SHF, qui était jusqu’à présent l’instrument efficace du ministère de l’agriculture et dont l’efficacité est reconnue dans l’Europe entière. Ces rendez-vous manqués, liés notamment aux changements de ministres, sont regrettables. La situation actuelle n’est pas celle qu’avaient souhaitée M. Gaymard et le ministre du budget d’alors.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle la règle : chacun dispose de deux minutes pour poser sa question.

M. Francis Delattre. C’est que le monde du cheval est un monde de passionnés !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la présidente, je vais m’efforcer de rattraper le temps en faisant à M. Delattre une réponse rapide.

M. Jean Dionis du Séjour. Au galop !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’avais préparé, monsieur le député, une excellente réponse, technique et ennuyeuse, sur la formation et la valorisation des jeunes chevaux de sport et le circuit qui leur est réservé, sur le fonctionnement du fonds EPERON et son financement par prélèvement, que vous connaissez bien, sur l’instance créée pour sélectionner les projets nationaux et régionaux, ainsi que sur le montant de 9 millions d’euros.

En vous écoutant, et comme je vous connais bien, je comprends que le fonctionnement du système actuel et la mise en place des différentes instances ne vous satisfont pas et que vous me reprochez – certes amicalement – de ne pas suivre la bonne voie de mes prédécesseurs.

Je propose donc que nous nous rencontrions rapidement pour faire le point sur ces questions, en termes techniques et politiques. Je pourrai ainsi vous apporter, au lieu d’une réponse administrative, une réponse politique. Les jeunes chevaux sont une chance formidable pour notre économie et l’extraordinaire intérêt des jeunes, dans les lycées agricoles et les maisons familiales rurales, pour la filière du cheval, démontre aussi les bénéfices pédagogiques de cette filière. Voyons donc ensemble comment améliorer ce système.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Ma question porte sur l’enseignement agricole privé, sujet qui me tient particulièrement à cœur et concerne le département de la Mayenne, dont je suis l’élu.

Les établissements agricoles privés scolarisent une très grande majorité des élèves qui choisissent cette voie. Qu’ils dispensent une formation à temps plein ou en alternance, ces établissements doivent faire face depuis plusieurs années à des diminutions de crédits qui mettent en péril leurs activités. J’insisterai particulièrement sur les établissements accueillant les élèves à temps plein, car les maisons familiales rurales devraient, grâce à l’amendement de M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, et au sous-amendement proposé par le Gouvernement, recevoir un financement complémentaire de 8 millions d’euros, ce dont je m’en réjouis.

Les restrictions budgétaires ont pour première conséquence la fermeture de classes, alors que, dans le même temps, ces établissements ont vu progresser les effectifs de leurs élèves. L’enseignement agricole privé, qui peut être fier de son efficacité et de son taux d’insertion professionnelle des jeunes diplômés, a une pédagogie novatrice, et la formation dispensée est en totale adéquation avec les besoins des secteurs professionnels concernés qui, de leur côté, manquent de main-d’œuvre. Monsieur le ministre, comment ces établissements pourront-ils gérer le manque de crédits ?

Par ailleurs, près de 50 % des enseignants des établissements privés ont un statut relativement précaire : celui de la catégorie 3 qui, outre un salaire modeste, ne leur offre pas de perspectives d’évolution de carrière. Le recrutement sur concours prévu par la loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984 n’étant pas appliquée, qu’en est-il du reclassement de ces maîtres ?

L’enseignement agricole privé sous contrat doit pouvoir disposer de réels moyens afin de poursuivre sa mission : c’est important pour ces enseignants, pour nos jeunes, pour nos territoires ruraux et pour le monde agricole. Je vous remercie donc des réponses que vous voudrez bien m’apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous insistez à juste titre, monsieur Favennec, sur le rôle des différents acteurs de l’enseignement agricole. Dans notre système de service public coexistent en effet un enseignement public et un enseignement privé, et ce dernier représente la part principale des enseignements agricoles. La première règle que je me fixe est donc que toutes les composantes du système, tant privées que publiques, soient traitées de manière équitable. Il faut par ailleurs assurer à l’enseignement technique privé les dotations qui permettent de consolider nos engagements contractuels et d’affirmer sa contribution au service public de l’enseignement et de la formation. Dans le département de la Mayenne, en particulier, cet enseignement joue un rôle très important que vous avez eu l’occasion de me montrer sur le terrain.

À la rentrée 2006, nous serons, il est vrai, confronté à certaines contraintes budgétaires qui touchent l’ensemble des établissements, malgré des mesures de régulation spécifiques à chaque composante. Nous examinerons tout à l’heure, à l’occasion d’un amendement du Gouvernement, la dotation complémentaire des maisons familiales rurales. Pour ce qui concerne les autres établissements publics, je suis attentif à ce qu’ils disposent des moyens nécessaires pour accomplir leurs missions. Je connais la qualité de leur travail de proximité et, en dehors des maisons familiales rurales, c’est souvent cet enseignement qui offre à de nombreux élèves en difficulté dans l’enseignement classique un milieu favorable à l’acquisition d’une formation et à l’insertion professionnelle, avec les vertus de l’alternance.

Les mesures de suppressions d’emplois obligent à engager, pour la rentrée prochaine, une réflexion sur la structure pédagogique : il ne s’agit pas de fermer des classes ou des établissements, mais d’assurer une gestion aussi efficace que possible.

Je suis à la disposition de l’enseignement privé – comme d’ailleurs de l’enseignement public, qui ne dépend plus directement de mon ministère – pour mener cette réflexion. Malgré une situation budgétaire difficile, nous pouvons poursuivre nos efforts. Le reclassement des maîtres, notamment, appelle un effort particulier et je m’efforcerai de proposer prochainement des solutions.

En un mot, la situation de l’enseignement privé agricole est, comme celle de l’enseignement public, un peu plus difficile cette année du fait des efforts budgétaires qu’il nous faut consentir, mais rien n’est irrémédiable. La totalité des établissements et des classes sera maintenue, mais il nous faudra adapter quelque peu la carte.

Je reste enfin à votre disposition, monsieur le député, pour aborder directement avec vous les difficultés qui pourraient se poser dans votre département de la Mayenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry. Dans quelques semaines débuteront les discussions du sommet de l’Organisation mondiale du commerce à Hong-Kong. La France a, pour l’instant, une attitude très active dans la préparation de ce sommet et la protection des indications géographiques est une de ses premières priorités.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous confirmiez votre attachement à l’amélioration de la protection des indications géographiques et des appellations d’origine. Entendez-vous aussi donner des moyens suffisants à l’Institut national des appellations d’origine, l’INAO ? Vous avez déjà affirmé que vous adapteriez sa dotation pour lui permettre de faire face à l’extension de ses compétences votée dans la loi d’orientation agricole. Mais, à ce stade, les crédits publics prévus pour l’INAO dans le projet de loi de finances sont en diminution par rapport à 2005 et ne couvrent pas les charges de personnel. Ils ne prennent pas en compte la situation exceptionnelle d’une diminution des recettes professionnelles liés au gel des plantations et à la maîtrise des rendements.

Je souhaiterais que, comme cela a déjà été fait dans les années 90, les pouvoirs publics accroissent leur effort en direction de l’INAO et lui versent une dotation exceptionnelle en 2006. Les améliorations réalisées par les viticulteurs et les syndicats d’appellation dans leur politique de plantation et de rendement doivent être prises en compte. Le Gouvernement doit assumer et compenser la diminution de recettes. Je souhaite que vous preniez l’engagement de procéder à un redéploiement de moyens au sein de votre ministère pour prendre en compte cette situation exceptionnelle.

Par ailleurs, je considère que le projet d’accord sur le vin entre l’Union européenne et les USA, sur lequel vous aurez à vous prononcer au mois de décembre, concourt à affaiblir la protection de nos appellations d’origine. Pour la première fois, l’Union reconnaîtrait à nos concurrents le droit d’usurper le nom de certaines de nos appellations d’origine. De nombreux collègues se sont déjà émus des conséquences de cet accord pour la viticulture française. Je souhaite, monsieur le ministre, que la France demande le retrait dans cet accord des dispositions relatives aux semi-génériques.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Ferry, vous avez raison d’évoquer la situation de l’INAO puisque, par la loi d’orientation agricole, nous allons élargir ses missions et en faire l’Institut national des appellations d’origine et de la qualité, en maintenant toutefois le nom « INAO », auquel l’ensemble des professionnels est attaché. Il est vrai que nous avons besoin de lui apporter des moyens supplémentaires. Nous ne l’avons pas fait par la voie budgétaire, mais nous le réaliserons au moyen de redéploiements internes car nous ne pouvons pas lui confier de nouvelles missions sans lui donner les moyens adéquats. Vous aurez donc satisfaction dans ce domaine.

S’agissant de l’accord sur les vins, à propos duquel votre collègue Philippe-Armand Martin, élu de la Marne, est intervenu hier, quelle était la situation ? Si on ne signait pas cet accord, les Américains pouvaient retirer des certifications, ce qui aurait été assez terrible pour nos vins. Je vous rappelle que les exportations de vins et spiritueux sur le marché américain représentent 1,6 milliard d’euros, somme tout à fait considérable. Il fallait donc éviter tout blocage en la matière. Pour y parvenir, et après vingt ans de discussion, l’Union européenne a accepté un accord avec les États-Unis, dans lequel ceux-ci s’engagent à renoncer aux mesures de rétorsion et à retirer un certain nombre d’appellations génériques du type Chablis, Sauternes, etc. qu’ils utilisent à mauvais escient. Cela implique naturellement qu’ils modifient l’amendement D’Amato. J’ai rappelé hier la volonté de l’Union européenne de demander aux États-Unis de tenir leurs engagements en la matière. Vous savez qu’il y a un délai de quatre-vingt-dix jours pour la ratification de cet accord, délai qu’utilise la Commission européenne pour vérifier que les États-Unis mettent bien en œuvre l’accord dans les conditions que je viens de préciser.

Je reconnais que ce n’est pas un accord génial, mais il évite un risque économique très important. L’Union européenne en a d’ailleurs conclu un meilleur avec l’Australie, mais les négociations n’ont pas été de la même ampleur. Nous vérifions que les États-Unis tiennent bien leurs engagements, sinon ce serait un accord à sens unique qui serait inacceptable.

Mme la présidente. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je suis le dernier des ultramarins à intervenir et nous avons été nombreux ce matin à le faire pour vous démontrer, s’il en était encore besoin, l’importance et la prégnance des problèmes agricoles que connaît l’outre-mer. Je m’associe, bien entendu, à ce qu’ont dit mes prédécesseurs, singulièrement Louis-Joseph Manscour, sur la crise structurelle qui frappe depuis trop longtemps notre agriculture. Pardonnez-moi d’insister – je vous condamne peut-être à vous répéter – mais j’aimerais que vous me précisiez un peu les choses et je vous remercie des réponses que vous avez déjà données.

D’abord, je souligne à mon tour la nécessité d’adopter le plus tôt possible une loi d’orientation agricole spécifique pour l’outre-mer. J’ai déjà eu à le dire : nous sommes des pays sans hiver et nous avons pourtant une législation de pays tempérés. Il y a là quelque inadéquation.

M. Jean Dionis du Séjour. À peine !

M. Victorin Lurel. Ce n’est pas pertinent et il faut donc absolument que vous vous engagiez, monsieur le ministre, sur ce point. Vous dites que vous comprenez le problème à titre personnel et que vous allez en parler à M. Baroin. Je vous demande de faire un effort pour qu’il y ait plus de volontarisme et pour engager le Gouvernement à aller plus loin dans cette réflexion, d’autant que, dans un premier temps, il s’agirait, à mon sens, d’une codification à législation constante, qui ne coûterait absolument rien au Gouvernement, afin de préciser le cadre conceptuel dans lequel évoluerait notre agriculture. Il faut accomplir cet exercice intellectuel et je vous engage à le faire le plus tôt possible.

Pour a banane, vous avez indiqué que vous préciseriez le régime compensatoire dans un mémorandum. Cela s’appelle le volet interne et concerne, pour simplifier, le revenu des planteurs. Mais pouvez-vous être plus précis au sujet du volet externe, c’est-à-dire sur le régime d’importation des « bananes-dollar » en Europe ? Vous le savez, l’instance arbitrale de l’OMC a rejeté la proposition de la Commission qui était de 187 euros de droits par tonne de bananes importée en Europe, ce qui était déjà calamiteux pour la banane européenne, particulièrement pour la banane française. Je suis président du comité de défense et de promotion de la banane antillaise, et la région Guadeloupe, que je préside, met déjà des sommes importantes dans un contrat de progrès afin d’accompagner ce que l’État fait pour le développement de la production. Je vous demande de préciser quel est le niveau tarifaire que vous proposez, puisque la Commission fait des propositions qui nous sont proprement inacceptables. Je m’épuise depuis déjà deux ans à présenter un amendement visant à exonérer également des cotisations patronales de sécurité sociale les exploitations au-delà de 10 hectares réels, sachant que, pour la banane, le coefficient est de 4. Quand on fait 10 hectares de bananes, si on veut en faire un onzième, on n’a pas droit à l’exonération des charges. Il faut donc, là aussi, de la volonté et de l’ambition pour développer cette production.

En ce qui concerne la canne, autre pilier de l’agriculture d’outre-mer, nous n’avons pas pu, depuis déjà deux années, récolter toute la production en Guadeloupe. Jusqu’ici, le Gouvernement n’a pas indemnisé pour le manque à gagner en 2004. Cette année, il y a encore 50 000 tonnes de cannes non récoltées en raison de problèmes de broyage et de capacité. La région Guadeloupe, une fois de plus, met 500 000 à 600 000 euros dans l’indemnisation. Vous avez bien voulu solliciter le comité d’experts, mais jusqu’ici il n’y a rien alors que nous commençons la prochaine campagne en janvier-février 2006. Je vous demande d’accélérer les procédures d’indemnisation et de faire jouer la solidarité nationale.

Autre point : il y a quelques années, vous aviez gelé 32 000 tonnes de quota de sucre – 29 000 tonnes en quota A et 3 000 tonnes en quota B. Nous aimerions voir réserver ce quota à la Guadeloupe et que vous répondiez favorablement à la demande de l’unité sucrière de Gardel, qui ne peut tout broyer et qui a une production qui s’élargit et qui augmente considérablement. Faites-nous la grâce de réserver ces 32 000 tonnes de sucre à la Guadeloupe.

En outre, vous vous êtes engagé tout récemment, à la faveur de la discussion de la loi d’orientation, sur le nécessaire redressement de l’ODEADOM. Voilà une institution dont la misère est notoire et qui ne peut plus accompagner les cofinancements européens du DOCUP. Ce sont la région et le département qui font le travail. Je vous demande, là aussi, de vous occuper de la mise en place d’un plan de redressement.

Je finirai en m’associant à ce que disait Joël Beaugendre sur le chlordécone. Il y a une véritable panique qui s’installe dans la population du point de vue de la sécurité alimentaire. Je viens de financer des équipements pour l’analyse des échantillons, qui partent jusqu’à présent à Bruxelles et ici même à Paris : cela prend un temps fou. Le préfet a pris un arrêté interdisant les plantations de tubercules sur certaines parcelles, mais il n’y a aucune indemnisation !

Je conclus, madame la présidente, et je vous remercie du temps supplémentaire que vous me donnez…

Mme la présidente. C’est plutôt vous qui le prenez, monsieur Lurel. (Sourires.)

M. Victorin Lurel. Deux secondes encore pour redire qu’il y a une véritable panique là-bas : les écologistes et les associations portent plainte, des pétitions circulent pour dire qu’il ne faut pas consommer, que l’État est responsable et coupable – les agriculteurs aussi, il faut le reconnaître. Mais c’est vrai que l’État a permis pendant treize ans l’importation de pesticides interdits en métropole. On a empoisonné les sols. Il faut faire quelque chose rapidement. Vous avez dit que vous ne pouviez en l’état préciser ce que sera la solidarité nationale ; faites-le vite s’il vous plaît.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. En ce qui concerne le chlordécone, j’ai en effet indiqué à Joël Beaugendre que nous devons faire jouer la solidarité vis-à-vis des agriculteurs.

S’agissant de l’ODEADOM, dans un contexte de baisse globale des crédits des offices, nous avons maintenu sa dotation parce que cet instrument est utile et important.

Quant à un texte spécifique pour l’agriculture d’outre-mer, j’ai déjà répondu à Louis-Joseph Manscour et à plusieurs députés de la majorité que nous recherchions le meilleur instrument, mais que j’étais très attaché à ce que nous prenions des mesures particulières pour l’outre-mer.

Concernant la banane, la Commission s’est fait retoquer deux offres par l’OMC. Nous allons discuter avec elle de la troisième parce qu’il faudra éviter d’avoir un nouvel incident de cette nature et que les choses doivent être claires avant le 1er janvier. Je préfère ne pas faire d’hypothèse sur le tarif, un peu par superstition après ce qui nous est arrivé les deux premières fois et parce qu’il faut que nous ayons une idée des compensations qui pourraient être apportées.

Quant à la filière sucre, je répète que nous allons avoir un conseil des ministres européens très important la semaine prochaine puisque la Commission et la Présidence vont nous faire part de nouvelles propositions pour la réforme de l’OCM, compte tenu des intérêts français dans cette affaire très complexe : un, nous devons défendre nos betteraviers, qui constituent une industrie importante en métropole ; deux, nous devons préserver la filière de la canne ultramarine ; trois, nous devons penser aux pays ACP, avec lesquels nous avons des accords historiques, ainsi qu’aux pays les moins avancés – je me rendrai d’ailleurs prochainement à Maurice pour rencontrer le ministre mauricien qui est un peu leur porte-parole.

Concernant la filière en Guadeloupe, Réunion et Martinique, vous savez que l’État lui apporte son concours, dans le cadre de conventions pluriannuelles, pour soutenir le revenu des planteurs grâce au versement d’une aide économique à la tonne de canne produite. Les conventions quinquennales à la Réunion et en Guadeloupe représentent un effort supplémentaire de l’État de plus de 2 % sur la période 2001-2006. Vous avez raison : il faut conforter durablement la situation industrielle et financière des deux usines guadeloupéennes, la très belle usine de Gardel et celle de Marie-Galante, qui est plus petite, jusqu’à la prochaine campagne. Nous devrons, dans la préparation de la réforme de l’OCM sucre, avoir en tête les intérêts de ces deux usines. Je voudrais rappeler que les aides nationales à la filière sucre, en 2005, ont représenté près de 62 millions d’euros, dont plus des deux tiers ont bénéficié aux planteurs de canne.

Je vous le dis solennellement, monsieur Lurel, dans cette négociation de l’OCM sucre, la situation des planteurs de canne français d’outre-mer est au cœur de nos préoccupations. Mon directeur-adjoint de cabinet se rendra cet après-midi à la Commission de Bruxelles pour bien lui rappeler, avant qu’elle ne fasse ses offres définitives mercredi, d’y intégrer la situation particulière des ultramarins français, pour que nous n’ayons pas une mauvaise surprise au début du prochain Conseil des ministres européens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, la loi sur le développement des territoires ruraux du 23 février 2005 a proclamé que la préservation et la gestion durable des zones humides sont d’intérêt général. Les grandes zones humides agricoles françaises couvrent environ un million d’hectares, dont la moitié est exploitée en prairie naturelle, les superficies exploitées par le maraîchage et la pisciculture d’étang étant, quant à elles, plus modestes.

Aujourd’hui, les zones humides sont menacées, malgré la mise en place, depuis les années 90, de divers dispositifs visant à garantir leur pérennité : les opérations locales agri-environnementales, les mesures agro-environnementales, les contrats territoriaux d’exploitation et maintenant les contrats d’agriculture durable. D’autres mesures sont venues renforcer l’intérêt qu’on leur porte : plan d’action pour les zones humides, zones de protection spéciale et zones spéciales de conservation, ainsi que l’application, au titre de la conservation, de la convention de Ramsar. De plus, dans quelques mois, certaines zones humides devraient bénéficier d’une exonération totale ou partielle de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties par période de cinq ans renouvelable. Néanmoins, nous devons reconnaître qu’à ce jour nous ne sommes pas parvenus à arrêter la dégradation et à freiner de façon significative la perte de biodiversité.

Le moment n’est-il pas venu, monsieur le ministre, de profiter des négociations en cours sur le deuxième pilier de la PAC pour la période 2007-2013, afin d’étudier la création d’une indemnité spéciale zones humides qui s’apparenterait au mécanisme de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, dont une application spécifique existe dans votre région, à savoir dans le marais poitevin, depuis 2003.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Merci, monsieur Chanteguet, pour cette excellente question. Vous avez rappelé l’expérimentation menée dans les départements des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime pour le marais poitevin. Prévoir un système proche de celui de l’ICHN, ou plutôt une indemnité spécifique, mieux adaptée aux zones de marais, serait tout à fait pertinent.

Le principe d’une telle mesure a déjà été discuté lors de l’examen de la loi d’orientation, avec les amendements déposés, dans cette assemblée par M. Jean-Louis Léonard, député de la Charente-Maritime, et au Sénat par M. Michel Doublet, élu du même département. Il nous faut, d’ici à l’an prochain, évaluer financièrement cette mesure et en définir les contours : s’agissant de dispositions applicables au marais, nous ne pouvons les aligner sur ce qui existe pour la montagne. Votre contribution à cette réflexion est naturellement la bienvenue.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. J’ai noté avec intérêt, monsieur le ministre, la réponse que vous avez donnée à Mme Marylise Lebranchu sur les problèmes afférents à la production laitière et à la collecte de lait. Si vous souhaitez – ce dont nous ne doutons pas – mettre en place un groupe de travail pour conduire une réflexion sur le sujet, nous y participerons avec plaisir.

Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Kléber Mesquida, qui souhaitait vous poser la question suivante.

Comme vous le savez, la viticulture du Languedoc-Roussillon traverse la plus grave crise de ces dernières décennies. Malgré la faible récolte régionale – moins de 16 millions d’hectolitres – et un millésime de qualité, les cours sont au plus bas. Des prix prédateurs, très loin des prix de revient, ne permettent pas aux vignerons de faire face à leurs charges d’exploitation et de vinification.

De très nombreuse exploitations sont menacées de dépôt de bilan, de saisie de leurs vignes et de leurs biens. Plusieurs caves ont diminué de 30 à 50 % les mensualités versées aux vignerons, qui se retrouvent en situation de précarité.

Quelles mesures proposez-vous pour intervenir sur l’aval de la filière et sauvegarder les vignerons, qui ne demandent pas l’aumône, mais veulent vivre dignement de leur métier et de leur production ?

Par ailleurs, la profession a replanté dans cette région 10 500 hectares en reconversion, ce qui induit un besoin de financement de 121,23 millions d’euros, alors que le budget du FEOGA prévu pour cette campagne n’est que de 96,7 millions. À la fin du mois de novembre, 35 millions devraient être payés. Dans quel délai les 86 millions restants seront-ils payés, sachant que 50 % du contrôle des 10 500 hectares replantés n’a pas été assuré ?

Quant aux fonds européens affectés à la restructuration du vignoble, la France s’est montrée incapable de les mobiliser en totalité. On annonce aujourd’hui aux viticulteurs qui replantent qu’ils ne pourront toucher leur prime que dans deux ans ! Cette pénalisation financière risque d’être aggravée par la menace d’une réduction de 38 % de ces primes. Cette situation, chacun le comprendra, est inacceptable pour les viticulteurs.

Quelles mesures comptez-vous donc prendre, monsieur le ministre, pour accélérer le paiement des aides pour 2004-2005 et leur maintien pour 2005-2006 ? La désespérance des vignerons est grande ; leur colère monte : il faut agir très vite, avant que l’irréparable ne se produise.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Afin de répondre très précisément à M. Mesquida, je vous serais obligé, monsieur Gaubert, de me transmettre le texte de sa question.

Il faut restructurer le vignoble de la région Languedoc-Roussillon et soutenir les viticulteurs, qui traversent une période difficile. Des efforts ont été engagés avec l’enveloppe de distillation, même si celle-ci n’a pas été totalement remplie.

Pour la campagne qui commence, nous avons pris de nouveaux engagements envers la profession, qui devraient lui permettre de passer une année moins difficile.

Si les dépenses de restructuration excèdent l’enveloppe accordée, c’est que les professionnels manifestent un engouement croissant pour les zones d’appellation – qui leur permettent de réduire les coûts d’investissement et d’adaptation au marché – et que les montants moyens d’aide à l’hectare ont fortement augmenté ces dernières années, suite à la sous-consommation des enveloppes des deux premières campagnes.

Les demandes enregistrées par l’ONIVIN pour 2005-2006 portent sur 146 millions d’euros, contre 120 millions l’an dernier à la même époque, et l’enveloppe pour 2005-2006 sera insuffisante pour payer l’intégralité des engagements pris au titre de la campagne. Nous utiliserons donc l’enveloppe prévue pour 2006-2007 – 106 millions d’euros – de manière à finir de payer les engagements pour 2004-2005 et à commencer de payer les engagements pour 2005-2006.

Nous devons manifestement revoir les critères d’attribution de l’aide : je m’y emploierai dans les meilleurs délais.

Nous sommes conscients, une fois encore, des problèmes des viticulteurs du Languedoc-Roussillon. Avec les collectivités territoriales, nous nous efforcerons de préparer un meilleur avenir pour ce vignoble.

Mme la présidente. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Ma question porte sur la situation des retraités agricoles.

Depuis 1994, de nombreuses mesures ont été prises. Répondant à un impératif de justice, elles concernaient principalement les chefs d’exploitation retraités. Beaucoup reste à faire, notamment pour les femmes et les polypensionnés – je pense notamment au problème des minorations.

M. Alain Néri. L’amendement Vasseur !

M. Daniel Garrigue. Un groupe de travail avait été créé par Hervé Gaymard, associant la MSA, la FNSEA et une délégation de l’Association nationale des retraités agricoles présidée par M. Drapeyrou. Les conclusions de ce groupe de travail, rendues en juillet 2004, évaluent les besoins à 300 millions d’euros.

Suite aux initiatives que j’avais prises avec Yves Censi, Marc Le Fur, Jean-Yves Cousin, Bernard Mazouaud et beaucoup d’autres, vous avez accepté au Sénat, monsieur le ministre, deux amendements de Dominique Mortemousque et Gérard César, qui prévoient des mesures en faveur des femmes ayant cessé leur activité pour élever leurs enfants et en faveur des aides familiaux, dont les années de formation n’étaient pas prises en compte.

Beaucoup de questions restent néanmoins sans réponse. Je pense notamment aux femmes, qu’elles soient conjointes, veuves ou anciennes aides familiales, et aux polypensionnés. Certains d’entre eux ont accompli toute leur carrière dans l’agriculture, mais leurs droits se trouvent fractionnés lorsqu’ils ont été successivement, par exemple, salarié agricole, aide familial, conjoint puis, en toute fin de carrière, chef d’exploitation.

Il reste beaucoup à faire, monsieur le ministre, pour trouver des solutions à ces problèmes. Pouvez-vous répondre rapidement aux attentes de ces retraités ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Garrigue, vos collègues m’ont déjà interrogé ce matin sur ces problèmes. Mais, connaissant votre intérêt personnel pour le sujet, je suis heureux de refaire le point avec vous.

Chacun est conscient des difficultés de financement de la sécurité sociale agricole. Les déficits doivent être résorbés : telle est la priorité du Gouvernement et de la majorité. Cette dernière a bien travaillé : la mensualisation – vieille demande des retraités agricoles – et la retraite complémentaire obligatoire ont en effet pu être mises en place.

M. Alain Néri. Ces mesures ont été votées par vos prédécesseurs !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Certes, mais il restait à les financer !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est mieux !

M. Alain Néri. Il faut rendre à César…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous ne sommes pas là pour polémiquer, mais pour préparer l’avenir.

Pour ce faire, monsieur Garrigue, nous avons pris une mesure importante en faveur des polypensionnés, attendue depuis longtemps par les retraités agricoles et adoptée par le Sénat. Elle coûtera 20 millions d’euros. Vous avez à juste titre rappelé le rôle éminent de M. Drapeyrou. Le groupe de travail poursuivra son action et le président Méhaignerie m’a demandé de vous désigner, ainsi que Jean-Yves Censi, président du conseil de surveillance du FFIPSA, pour évaluer les mesures supplémentaires que nous pourrions prendre. Je compte sur vous pour les préparer.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je souhaite intervenir sur la question de l’enseignement agricole. Dans ma circonscription, j’ai l’heureux privilège d’avoir une maison familiale rurale à Richerenches, un établissement d’enseignement agricole privé sous contrat à Valréas – Saint-Dominique – et un lycée vitivinicole, fleuron de la viticulture, à Orange.

Inutile d’entrer dans des querelles entre public et privé : chacun reconnaît l’utilité de l’enseignement agricole, qui aboutit toujours à des résultats concrets ; l’essentiel est que chaque jeune y trouve sa place. Je me réjouis que, dans le cadre de l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire, notre assemblée ait reconnu l’utilité de l’enseignement en alternance dispensé dans les maisons familiales rurales. À l’intérieur d’une enveloppe de 177,4 millions d’euros, l’effort financier partagé entre votre ministère – nous nous apprêtons à voter un amendement en ce sens – et celui de l’éducation nationale permet la reconnaissance de cette formation en alternance.

N’oublions pas, toutefois, les autres branches. Je compte sur vous pour que l’ensemble de l’enseignement agricole technique soit rééquilibré. Les maisons familiales rurales peuvent certes être satisfaites de vos propositions, mais j’espère que, dans les jours à venir, nous trouverons une solution pour l’enseignement agricole, qu’il soit privé sous contrat ou public.

Je veux évoquer les difficultés des lycées agricoles et plus particulièrement celles du lycée viticole d’Orange.

La situation de cet établissement mérite à mon avis un examen particulier : je pense notamment à la fermeture annoncée pour la rentrée 2006 de la classe de quatrième de l’enseignement agricole. Une telle suppression aurait des répercussions qui me paraissent inacceptables compte tenu du travail spécifique effectué par l’équipe pédagogique et de la nécessité d’offrir aux familles concernées une structure adaptée aux enfants.

Cette classe de quatrième, installée dans l’établissement depuis une dizaine d’années, accueille des enfants en grande difficulté. Cet enseignement joue ainsi un vrai rôle d’insertion sociale, offrant souvent une deuxième chance à des élèves mal à l’aise dans l’enseignement général. Les résultats sont là pour le prouver : entre 60 et 70 % de ces élèves restent dans la filière agricole, visant un CAP ou un BEP, et 40 % présentent un bac pro agricole.

Comme me le disait récemment le président du syndicat des vignerons des côtes du Rhône, M. Paly, cet établissement est « le fleuron de la formation viticole de la vallée du Rhône : il se doit d’accueillir tous ceux qui envisagent, à quelque niveau que ce soit, une carrière dans la viticulture ».

Mme la présidente. Veuillez conclure, s’il vous plaît.

M. Thierry Mariani. Aussi cet établissement doit-il continuer à accueillir dans cette classe de quatrième les élèves qui souhaitent concrétiser un projet personnel dans un contexte mieux adapté à leurs besoins. Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer les familles, les équipes pédagogiques et les instances professionnelles sur ce dossier intéressant l’avenir du lycée viticole d’Orange ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Mariani, vous avez à plusieurs reprises appelé mon attention sur les difficultés que rencontre la filière des fruits et légumes dans votre département, je pense en particulier à la sharka. Vos nombreuses interventions ont été entendues et le Gouvernement s’occupe de ce dossier.

Nous souhaitons conforter les MFR, dont l’enseignement est de grande qualité, et je présenterai un amendement en ce sens. L’enseignement agricole est néanmoins un ensemble. Les secteurs public et privé agissent dans une grande complémentarité. Les deux participent à un service public.

Vous m’avez interrogé sur le lycée professionnel agricole d’Orange, dont je connais le rôle particulier et l’importance que vous lui accordez. Le projet de fermeture de classe de quatrième n’a pas été retenu. En effet, cette classe constitue un vivier de recrutement pour les classes professionnelles de l’établissement. Naturellement, nous devrons examiner les priorités avec tous les établissements de l’enseignement agricole car, dans une période où l’argent public est rare, nous devons le gérer avec intelligence et bien le répartir. Cela dit, lorsqu’un établissement fonctionne et que les classes donnent satisfaction, il faut les maintenir, ce que nous ferons.

M. Thierry Mariani. Merci !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Meyer.

M. Gilbert Meyer. Monsieur le ministre, ma question porte sur l’intérêt que présente l’utilisation des céréales pour la production d’énergie. La hausse constante du coût de l’énergie doit en effet nous inciter à mener une politique volontariste d’économies d’énergie et à développer les énergies renouvelables. L’exploitation de céréales, maïs ou blé, en tant que combustibles de chauffage pourrait dans ce cadre offrir une piste intéressante. Elle ne nécessite qu’une simple transformation des chaudières. D’ailleurs, il y a déjà en France et à l’étranger de grandes exploitations qui se chauffent ainsi. Pourrait-on envisager une utilisation plus courante de ce mode de chauffage et lancer une grande compagne d’information à ce sujet ? Quelles mesure envisagez-vous de prendre pour permettre le développement de ces énergies renouvelables ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il est important, monsieur Meyer, que vous posiez cette question au moment où le Gouvernement annonce un effort sans précédent sur les biocarburants, avec un objectif de 5,75 % d’incorporation dès 2008, de 7 % pour 2010 et 10 % pour 2015. Une table ronde avec l’ensemble des professionnels concernés doit avoir lieu le 21.

L’utilisation des céréales pour produire de l’énergie est déjà une réalité puisque 20 000 hectares de blé ont été affectés cette année à la production d’éthanol-carburant. A l’horizon 2008, il faudra arriver à 300 000 hectares – blé et maïs – si nous voulons atteindre l’objectif fixé. Les céréales ou les déchets issus de leur transformation peuvent également être utilisés, comme vous l’avez rappelé, pour produire de la chaleur.

Nous travaillons actuellement, avec le ministère de l’industrie, à l’incorporation de l’éthanol tant dans l’essence que, à terme, dans le gazole. Pour l’essence, nous rencontrons quelques difficultés avec l’industrie pétrolière – je vois M. Dionis du Séjour sourire et je comprends pourquoi ! La création d’au moins trois unités industrielles produisant chacune de l’ordre de 200 000 tonnes devrait favoriser l’émergence d’une filière de l’éthanol compétitive.

Nous menons également une réflexion sur l’adaptation de l’environnement fiscal et réglementaire. Enfin, un coordinateur interministériel chargé de la biomasse a été nommé. Nous allons travailler avec lui à la valorisation énergétique des céréales. Nous avons donc un bon dispositif qui devrait nous permettre de progresser sur ces sujets essentiels.

M. Gilbert Meyer. Bonne réponse ! Merci, monsieur le ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Ma question, à laquelle j’associe Alain Néri, député du Puy-de-Dôme, concerne les retraites agricoles. Après une première revalorisation en 1994, c’est sous le gouvernement de Lionel Jospin qu’a été adopté un plan quinquennal visant à revaloriser les retraites des non-salariés agricoles. Ce plan a permis, sur cinq années, de porter la retraite de base des chefs d’exploitation et des veuves au niveau du minimum vieillesse, ce qui a représenté une hausse de 29 % en cinq ans pour les premiers, de 49 % pour les veuves et de 79 % pour les aides familiaux et les conjoints. Cette revalorisation a nécessité un engagement financier important : 1 milliard de francs en 1998 ; 1,6 milliard de francs en 1999, 2000 et 2001 ; et 2,2 milliards de francs en 2002.

A la suite de ce plan, une loi sur le régime complémentaire obligatoire, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Malheureusement, cette marche en avant a été interrompue par le changement de gouvernement, puisque en dehors de la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire et de la mensualisation, qui a d’ailleurs été financée par la MSA, rien n’a été fait. Les chiffres sont éloquents : zéro pour cent de revalorisation des retraites en 2003, en 2004 et en 2005. Pourtant, les attentes sont fortes, en particulier de la part des conjoints – essentiellement des femmes –, des veuves et des polypensionnés, notamment s’agissant des décrets Vasseur sur le coefficient de minoration. Ma question est donc extrêmement simple, monsieur le ministre : y aura-t-il, oui ou non, une revalorisation des retraites agricoles en 2006 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. C’est en effet une question simple !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je rappelle qu’il ne s’agissait pas seulement de voter la réforme de la complémentaire obligatoire – alors député de l’opposition, je l’avais d’ailleurs votée –, il fallait aussi la financer. C’est ce que nous avons fait.

M. Alain Néri. Il fallait déjà la présenter !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce n’est pas le plus compliqué. Des propositions de loi, les parlementaires peuvent en faire beaucoup ! J’en ai moi-même rédigé des centaines. Le souci, c’est qu’elles soient acceptées par le Gouvernement, puis votées, et financées par la suite. Pour ce qui est de l’imagination législative, elle est sans pareille.

La participation financière de l’État s’élève à 145 millions d’euros, ce qui représente un effort important et permet d’apporter un complément de revenu de près de 1 000 euros par an à plus de 442 000 retraités.

Nous avons ensuite mis en œuvre la mensualisation des retraites et nous allons prendre une mesure en faveur des polypensionnés ; elle a été adoptée par le Sénat, pour un coût de 20 millions d’euros et j’espère qu’elle sera reprise en commission mixte paritaire.

Enfin, en fonction des propositions que feront prochainement M. Garrigue et M. Censi, le Gouvernement présentera de nouvelles mesures pour tenir compte des besoins des retraités agricoles, car nous savons tous que leurs pensions sont trop faibles, en particulier celles des femmes, des veuves. L’effort collectif sera donc poursuivi.

M. Alain Néri. Demain, on rase gratis !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je pose cette question pour M. Philippe-Armand Martin, et j’y associe Thierry Mariani, très mobilisé sur ce sujet.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il est mobilisé sur tout, M. Mariani ! (Sourires.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’amélioration de la qualité constitue une priorité dans la politique agricole menée par le Gouvernement. Le principal instrument de cette politique est l’Institut national des appellations d’origine. Celui-ci, dont la création est liée au secteur du vin, a vu progressivement ses missions s’étendre à d’autres secteurs. Cette extension de compétences n’a pas toujours été suivie des moyens supplémentaires correspondants. La part des contributions professionnelles au budget de cet institut est de plus en plus importante.

Pour la première fois depuis sa création, la dotation de l’État en 2005, après une récente mesure d’annulation de crédits publics, couvrira à peine les seules charges de personnel. Vous avez affiché, monsieur le ministre, le souhait d’élargir les compétences de l’INAO dans le PLOA. Vous vous êtes engagé devant le Sénat à adapter la dotation d’État à l’INAO au 1er janvier 2007 pour lui permettre de faire face à l’extension de ses compétences. Les professionnels des autres filières sont prêts, eux aussi, à faire évoluer leur participation au budget de l’INAO, mais ils lient cette évolution à celle des pouvoirs publics.

La participation de la filière viticole ayant atteint récemment le plafond prévu par la loi, le déplafonnement de ce droit ne pourrait intervenir qu’au 1er janvier 2007. D’ici là, il reste à donner des moyens normaux à l’INAO pour l’année 2006. Ce n’est pas ce que prévoit le projet de budget du ministère de l’agriculture qui nous est proposé. D’abord, ce projet prévoit une dotation publique à l’INAO qui ne couvre pas les charges de personnel et qui est même en diminution par rapport à 2005. Ensuite, il ne prend pas du tout en compte la situation exceptionnelle à laquelle l’Institut devra faire face en 2006 avec une diminution des recettes professionnelles viticoles liée au gel des plantations et à la maîtrise des rendements.

Il appartient à l’État, d’une part, de couvrir les charges de personnel de cet établissement public, d’autre part, comme il l’a d’ailleurs fait dans les années 90, de compenser ces pertes de recettes, car on ne peut pas à la fois demander aux professionnels de geler les plantations et de diminuer les rendements, et de contribuer davantage à l’INAO. Il existe des pistes de redéploiement des moyens dans ce budget au travers des offices agricoles, des droits de circulation sur les vins, qui représentent aujourd’hui plus d’une centaine de millions d’euros et ont été créés pour financer la politique de qualité.

Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous nous rassuriez et que vous vous engagiez à faire un effort exceptionnel pour l’INAO en 2006. Nous devons éviter de faire reposer une fois de plus l’augmentation des moyens de l’Institut sur les professionnels et sur la viticulture, qui traverse déjà une crise sans précédent.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est un sujet délicat et récurrent que le financement de l’INAO. La loi d’orientation agricole lui confie de nouvelles prérogatives, puisqu’il va gérer tous les labels de qualité. Mon intention est d’intégrer dans le calcul de la contribution de l’État à cet établissement le surcoût qui en résultera à partir du 1er janvier 2007, lequel est évalué à 540 000 euros.

En 2006, qui sera donc une année de transition, l’INAO risquait de ne pouvoir assumer la très forte baisse de ses recettes issues des droits viticoles. Nous allons régler ce problème par des économies importantes de gestion au sein de l’Institut et grâce à une dotation exceptionnelle supplémentaire de l’État que nous avons inscrite dans le projet de loi de finances. Ces éléments ont été examinés favorablement par le conseil permanent de l’établissement, qui s’est réuni lundi. Je ne vous cache toutefois pas que je souhaite que cet effort de financement soit complété par un relèvement modéré de la contribution des professionnels au budget de l’INAO. J’ai demandé au président de la CNAOC de réunir très prochainement le bureau à cette fin. Il y aura donc un gros effort de l’État et un effort de la profession, si elle l’accepte naturellement, car, vous avez tout à fait raison, si nous voulons booster cet institut et en faire le grand institut de la qualité de nos produits, il faut qu’il ait les moyens de travailler.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je regrette tout d’abord, comme Antoine Herth hier soir, que les crédits de paiement du programme consacré à la forêt baissent de 5,5 % et je souhaite, monsieur le ministre, que vous fassiez, chaque fois que l’occasion s’en présentera, tout ce qui est en votre pouvoir pour renforcer ce programme, car qui dit forêt dit aussi toute la filière bois en aval, avec ses milliers d’emplois. Sans parler du gisement d’emplois non qualifiés qui pourraient être un vecteur d’insertion ou de réinsertion. Dans le cadre du service civil voulu par le Président de la République, on pourrait aussi faire participer des volontaires à la protection des forêts contre les incendies.

Lors de l’examen de la loi d’orientation agricole, j’avais défendu un amendement tendant à favoriser les emballages en bois pour la commercialisation des fruits et légumes. Je souhaiterais au moins que les emballages d’origine pétrolière ne puissent pas se substituer aux emballages en bois actuels, qui présentent de plus l’avantage de pouvoir être recyclés en bois-énergie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous prenez traditionnellement la défense de la forêt, monsieur Taugourdeau, et vous avez bien raison. Tous les députés ici présents savent que celle-ci progresse, après plusieurs siècles de déforestation, et plus encore en France que dans les autres pays européens. Ce qui est vrai de la forêt métropolitaine l’est aussi de la grande forêt guyanaise, indispensable à l’équilibre de carbone dans le monde.

J’ai indiqué que la baisse des crédits de paiement que vous déplorez n’est qu’une baisse optique, puisque des moyens supplémentaires sont prévus tant dans le budget communautaire que dans celui du ministère de l’intérieur.

Vous avez raison de souligner qu’il faut à présent développer la filière bois énergie. Beaucoup de collectivités ont déjà commencé à chauffer les mairies, les écoles, les foyers de personnes âgées ou les installations sportives à l’aide de chaudières à bois. En votant définitivement la loi d’orientation agricole, l’Assemblée aidera cette filière intéressante en réduisant le taux de TVA des collectivités territoriales qui y auront recours. Encore faut-il que notre industrie suive, qu’il y ait suffisamment de plaquettes et que les délais de livraison soient corrects.

Vos deux autres idées sont également intéressantes. J’ai noté votre suggestion à propos des emballages. Quant au service civil sur la base du volontariat, mesure annoncée par le Président de la République et dont on a longuement discuté hier dans les couloirs de l’Assemblée, je pense comme vous qu’une proposition concernant l’activité forestière peut être envisagée. Nous en reparlerons, car il s’agit d’une piste très intéressante.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions sur l’agriculture de montagne.

J’appelle d’abord votre attention sur l’impact du traitement fiscal des aides sécheresse 2004-2005 à venir, qui témoignent de la solidarité nationale en faveur d’un secteur d’activité ayant subi des dommages exceptionnels. Si elles devaient être prises en compte dans la définition des recettes de l’exploitation, elles pourraient conduire certains agriculteurs à changer de régime fiscal. Or vous connaissez bien l’impact financier que représente, pour des petites et moyennes exploitations de montagne, le fait de passer au régime réel.

En 2003, le ministre délégué au budget avait décidé de ne pas prendre en compte dans les revenus des agriculteurs ces aides sécheresse qui, je le rappelle, présentent un caractère exceptionnel ne correspondant pas à la vente d’une production agricole. Dans cet esprit, je souhaiterais que vous me confirmiez qu’aucun exploitant sinistré en 2004 ou en 2005 ne sera conduit, du fait de la perception de ces aides, à changer de régime d’imposition.

Ensuite, je vous rappelle les lourdes difficultés rencontrées par certaines chambres d’agriculture du fait de la fragilité de leurs ressources budgétaires. En Lozère, la TFCA, la taxe pour frais de chambre d’agriculture, ne représente que 20 % du budget de cet établissement, contre 48 % en moyenne nationale. Avec 932 368 euros en 2005 pour 2 922 902 euros en moyenne nationale, nous sommes le dernier département de France en valeur ajoutée, et ce malgré plusieurs dérogations obtenues pour une augmentation.

La situation de ces « petites » chambres d’agriculture est en outre aggravée par la baisse des subventions FEOGA et le retard de paiement de certaines aides. Aujourd’hui, des structures ne peuvent plus couvrir ni les dépenses institutionnelles, ni l’autofinancement indispensable aux cofinancements, alors même qu’elles remplissent des missions essentielles non seulement de formation, de conseil, de promotion et de mise en œuvre des politiques publiques, mais également de recherche et de développement. De plus, elles doivent pouvoir assurer la nécessaire relation de proximité avec les territoires, les agriculteurs et les collectivités territoriales.

Aussi, il serait souhaitable qu’un plan soit mis en place sur quatre ans, à compter de 2006, orienté en vue d’autoriser les « petites » chambres à voter librement des taux d’accroissement de la TFCA et de mettre en place, au niveau national, un fonds de péréquation destiné à corriger les écarts de ressources entre chambres d’agriculture.

J’insiste sur le caractère d’urgence de cette démarche qui, avec la mise en paiement prochaine des subventions du FNADT accordées pour les années 2003 et 2004, devrait servir au mieux les intérêts de toute la profession agricole.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, votre question appelle deux réponses.

Tout d’abord, une mise au point fiscale. À la suite de la sécheresse de 2003, le Gouvernement avait permis que les aides perçues au titre de l’indemnisation des dommages ne soient pas prises en compte pour apprécier les seuils limites d’application des différents régimes fiscaux. Vous demandez que cette mesure soit également appliquée pour les aides afférentes aux sécheresses de 2004 et 2005. Conscient comme vous de la situation difficile des exploitants touchés par ces sinistres, je vais demander au ministre des finances et au ministre délégué au budget la confirmation du renouvellement de cette mesure. Je leur écrirai en ce sens dès aujourd’hui. J’ai demandé également que soit prononcée d’office par l’administration fiscale, comme en 2003, la procédure de dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les parcelles sinistrées par la sécheresse. Cette mesure s’appliquera à tous les départements sur lesquels la commission sécheresse a statué.

Ensuite, en ce qui concerne les « petites » chambres  de l’agriculture, vous m’avez déjà sollicité et nous avons rencontré ensemble à Saint-Chély-d’Apcher le président de la chambre d’agriculture de la Lozère, qui est particulièrement concerné. Dans certains petits départements, les chambres d’agriculture souffrent d’une insuffisance structurelle du produit de la taxe pour frais de chambre d’agriculture. L’assiette est plus faible qu’ailleurs. Les mécanismes de dérogation au taux plafond sont insuffisants, même quand on les utilise pour porter le produit de cette taxe à hauteur des besoins. Quant à augmenter la taxe dans ces départements souvent défavorisés, notamment dans les zones de montagne, cela reviendrait à accroître les charges des agriculteurs.

Vous le savez, j’ai demandé, en concertation étroite avec les chambres d’agriculture, l’expertise du conseil général du génie rural, des eaux et des forêts, afin qu’il nous propose un nouveau mécanisme de péréquation du produit de la taxe entre les départements. J’attends le résultat de cette étude, dont nous reparlerons ensemble. Nous testerons en particulier la proposition qui me sera faite quant à la Lozère, de manière à vérifier qu’elle répond bien aux attentes et aux besoins de ce département.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Quand on vient en dernière position, il faut soit être très imaginatif, notamment quand les questions ont déjà été posées plusieurs fois, soit attendre du ministre de nouvelles précisions. (Sourires.)

Bien que je sois moins spécialisé que M. Delattre en matière d’équitation, je réitère sa question. Mais j’en ajouterai une deuxième, parce que je tiens à me montrer imaginatif, tout en respectant mon temps de parole de deux minutes.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il n’en reste déjà plus qu’une !

M. Jacques Remiller. La filière du cheval constitue un véritable secteur économique contribuant par ailleurs aux activités sportives, sociales et culturelles. Avec cinquante races d’équidés reconnues, 900 000 animaux – chevaux et poneys, sans oublier les ânes –,…

M. François Rochebloine. Des ânes, pour sûr, il y en a !

M. Jacques Remiller. …plus de 500 000 licenciés de la Fédération française d’équitation et près de 61 000 emplois, cette filière présente un réel potentiel de développement. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler, plus précisément encore, les modalités de mise en place du fonds d’encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux, dit fonds EPERON ?

Ma deuxième question sera très brève. Je fais mienne celle d’Éric Besson, élu de la Drôme. Comme vous le savez, l’Isère est un département arboricole, lui aussi, et touché par la sharka. D’ailleurs, avant de vous être remis, le rapport Derrien avait été présenté aux arboriculteurs à Bougé-Chambalud, dans ma circonscription.

Vous connaissez aussi les difficultés de la filière fruits et légumes, en particulier en ce qui concerne les pommes, car, quand les arboriculteurs ne souffrent pas de grêle ou de gel, ils souffrent de la mévente.

Telles sont mes deux questions. Vous voyez que je ne vous prends pas en traître. La réponse que vous aviez prévue pour M. Besson, vous allez pouvoir la faire aussi à un député d’une autre circonscription arboricole.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous connaissant, monsieur Remiller, je ne m’attendais nullement à être pris en traître.

Vous avez rappelé la situation de la filière cheval, ainsi que les races et les animaux concernés. Vous avez même mentionné les ânes, auxquels l’élu de Poitou-Charente que je suis est très attentif, puisqu’ils représentent une de nos particularités locales, même si nos paysans disent volontiers qu’ « il en passe plus qu’il n’en reste ». (Rires.)

M. François Rochebloine. Le renouvellement des générations est assuré !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Pour ce qui est des modalités de mise en place du fonds EPERON, j’ai rappelé qu’il recevra 9 millions d’euros, encore qu’il soit géré de manière insuffisamment représentative. J’ai sorti tout à l’heure mon joker en répondant à M. Delattre que j’étais prêt à retravailler ma copie avec lui. J’utilise à nouveau cette carte en vous indiquant que nous allons essayer de mieux adapter notre gestion aux besoins de la filière, que vous nous avez rappelés.

Pour ce qui est de la sharka, nous sommes en train de mettre en œuvre les propositions du rapport Derrien. Je reconnais que le financement de 200 000 euros pour l’instant est certainement insuffisant compte tenu des besoins.

Quant à la crise des fruits et légumes, j’ai rappelé le plan que nous avions mis en œuvre le 21 octobre pour aider cette filière. Il prévoit 15 millions d’euros, en plus des aides de restructuration. Je reconnais que, dans cette affaire, en particulier sur le marché de la pomme, la Commission européenne n’a ni déclenché à temps le contrôle des importations ni mis en place la clause de sauvegarde nécessaire.

J’ai par conséquent saisi la commissaire sur ces deux points. Les importations actuelles de pommes de tous les pays, qui envahissent notre marché et mettent notre filière en difficulté, sont inacceptables. Je me bats actuellement pour que la Commission intervienne et, à tout le moins, pour éviter que ces abus ne se reproduisent l’an prochain. Nous serons très attentifs à la protection de cette filière. Puisque vous m’avez invité, monsieur le député, à venir chez vous en Isère, j’aurai l’occasion de retravailler sur toutes ces questions avec les professionnels de votre département.

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.

Mission « Agriculture, pêche, forêt
et affaires rurales »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 613.

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il s’agit d’un amendement important sur lequel la représentation nationale et les rapporteurs ont appelé l’attention du Gouvernement.

Hier soir, j’indiquais à l’Assemblée ma volonté de conforter la dotation prévue pour que les maisons familiales et rurales bénéficient réellement de 15,5 millions d’euros supplémentaires.

Je rappelle que, lors de l’examen de la mission « Enseignement scolaire », vous avez voté, mesdames, messieurs les députés, un amendement majorant de 8 millions d’euros les crédits du programme « Enseignement technique agricole ».

L’amendement n° 613 permettra de dégager 7,5 millions supplémentaires en vue d’atteindre la somme de 15,5 millions. Ces 7,5 millions sont prélevés sur la mission « Agriculture, pêche, forêt, affaires rurales ». Un troisième amendement qui sera présenté à l’Assemblée lors de la deuxième délibération de la première lecture du PLF pour 2006 permettra d’abonder d’autant le programme « Enseignement technique agricole ».

J’indique cependant à la représentation nationale que je souhaite réserver la possibilité de revoir la répartition du redéploiement de ces 7,5 millions d’euros entre les différents programmes gérés par le ministère de l’agriculture et de la pêche. Je verrai avant le débat au Sénat s’il y a lieu de déposer un amendement.

Quoi qu’il en soit, pour prendre en compte la réalité politique, le souhait de la représentation nationale, en particulier de la majorité, est que 15,5 millions supplémentaires soient inscrits en faveur des maisons familiales rurales, ce qui est conforme aux vœux de la commission des finances.

M. François Rochebloine. Et de la commission des affaires économiques !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. En effet. Vous êtes nombreux à vous être exprimés sur ce sujet, reconnaissant ainsi l’excellent travail accompli sur le terrain par les maisons familiales rurales, que chacun a pu constater dans sa circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Ces maisons permettent d’accueillir des jeunes qui seraient, sans elles, complètement déscolarisés et sans avenir. Elles se sont adaptées au fil des années aux métiers de l’accueil, des nouveaux services en milieu rural ou de la jardinerie, développant considérablement leur offre. Elles jouent aujourd’hui un rôle important en assurant un enseignement en alternance de qualité, géré par des professionnels qui accueillent des stagiaires. Voilà qui méritait des moyens supplémentaires. Je suis par conséquent heureux de vous proposer cet amendement qui correspond au vœu exprimé par l’ensemble de la majorité.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Même si la commission des finances n’a pas formellement adopté cet amendement, et pour cause, elle ne peut y être que très favorable. Il reprend en effet un amendement qu’elle avait déposé en faveur des MFR.

La mesure a un coût de 15,5 millions d’euros et le partage pour moitié entre le ministère de l’agriculture et celui de l’enseignement me paraît, à titre personnel, tout à fait équitable. Nous veillerons bien entendu à ce que la coordination avec la mission « Enseignement scolaire » soit présentée mardi prochain par le Gouvernement en seconde délibération. Il faudra également qu’il précise l’imputation de la réduction proposée avant l’examen du budget au Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission des affaires économiques partage la position de la commission des finances et vous invite à adopter l’amendement n° 613. Grâce au groupe UMP, qui a été à l’initiative de cette réflexion (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), et à l’engagement de M. Accoyer, nous avons obtenu une avancée considérable. Cependant, les membres de la commission des affaires économiques seront attentifs à ce qu’un rééquilibrage ait lieu au profit du programme « Enseignement technique agricole » car, si nous nous soucions des maisons familiales rurales, nous n’oublions pas pour autant les autres formes d’enseignement agricole.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Tout à fait !

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Lorsqu’il était secrétaire d’État à l’agriculture, M. Forissier a pris ce dossier à bras-le-corps et je souhaite que, au sein du ministère de l’agriculture, cette mobilisation soit maintenue pour favoriser un nouvel élan de l’enseignement agricole.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Un grand merci, monsieur le ministre, pour avoir respecté – ce dont je ne doutais pas – l’engagement que vous avez pris la nuit dernière de redéployer 7,5 millions d’euros pour compléter les crédits destinés aux maisons familiales et rurales à hauteur des 15,5 millions d’euros qui étaient demandés en application de la loi.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez cité le groupe UMP, mais ne cherchons pas, quel que soit le groupe auquel nous appartenons, à nous approprier l’initiative de cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ce qui compte, c’est que les maisons familiales et rurales obtiennent satisfaction. Le groupe d’études sur la formation alternée en milieu rural, que je préside et dont vous êtes membre, monsieur Herth, réunit tous les groupes parlementaires. Nous avons travaillé ensemble sur ce dossier et nous avons transmis notre demande au ministère, où elle a été accueillie favorablement.

Par ailleurs, je suppose, monsieur le ministre, que le troisième amendement n’est pas présenté aujourd’hui pour des raisons techniques.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Tout à fait !

M. François Rochebloine. Enfin, contrairement à l’engagement qui a été signé en 2004, le centre pédagogique des MFR devrait voir ses crédits amputés de 30 % cette année, ce qui le mettrait en difficulté. Ses responsables ont fait des propositions constructives et raisonnables à ce sujet, puisqu’ils acceptent une réduction de 10 % en 2005, de 15 % en 2006 et de 20 % en 2007. Hier, vous avez annoncé que vous trouveriez des solutions, monsieur le ministre. Connaissant votre détermination, je suis persuadé que, ensemble, nous y parviendrons. Je compte sur vous.

Mme la présidente. Vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer. Or, en vertu du règlement, seuls trois orateurs peuvent intervenir sur un amendement. Je vous propose donc de donner la parole à un orateur par groupe, afin de gagner du temps.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous avons tous alerté le Gouvernement sur la situation des maisons familiales et rurales. Nous ne pouvons donc qu’être satisfaits qu’une solution ait été trouvée. Toutefois, comme je l’ai dit hier, on déshabille Pierre pour habiller Paul. Ainsi, l’un des amendements suivants vise à amputer les crédits du programme « Gestion durable de l’agriculture et de la pêche » de 7,5 millions d’euros et le rapporteur spécial parle d’une augmentation de 16 millions, sans que l’on sache s’il tient compte ou non du redéploiement. Je souhaiterais donc obtenir quelques éclaircissements sur ce point. Cela dit, nous voterons cet amendement, mais admettez que sa présentation est pour le moins cavalière. Enfin, j’ajoute que ce programme a déjà été amputé de 15 millions.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 613, je suis saisi par les groupes de l’Union pour un mouvement populaire et Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Par cet amendement, monsieur le ministre, vous respectez un engagement que vous avez pris et un accord passé en 2004 et 2005 entre le ministère de l’agriculture et les organismes responsables. Je tiens à vous remercier des efforts ainsi consentis par votre ministère et des propos que vous avez tenus sur les maisons familiales rurales. Pour avoir présidé pendant plusieurs années celle de Javols, spécialisée dans la filière forestière, je puis vous confirmer non seulement la qualité de la formation qui y est dispensée, mais aussi l’espoir qu’elle représente pour certains enfants et leurs familles.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix l’amendement n° 613.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 39 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Les ICHN sont destinées à compenser les handicaps naturels dans les zones agricoles en difficulté, en particulier celles de moyenne et de haute montagne, en restreignant les surcoûts d’exploitation liés à l’altitude. À ce titre, elles constituent donc un complément de revenu indispensable pour les agriculteurs de ces secteurs.

Monsieur le ministre, en 2003, votre prédécesseur, Hervé Gaymard, s’était engagé à revaloriser les ICHN de 50 % sur les vingt-cinq premiers hectares, au profit des exploitations les plus modestes. Cette revalorisation est intervenue au cours des deux premiers exercices budgétaires et le Président de la République a réaffirmé cette orientation dans le grand discours sur l’agriculture qu’il a tenu à Murat en octobre 2004. L’engagement du Gouvernement portait sur la durée de la législature, c’est-à-dire jusqu’à 2007 inclus.

Cette année, la dotation est en augmentation de 7 millions d’euros, mais il faut reconnaître que la revalorisation marque une pause. Toutefois, nous savons que la loi de finances initiale est généralement complétée en cours d’année par des collectifs budgétaires. Je suis prêt à retirer l’amendement de la commission des finances si le Gouvernement prend l’engagement de revaloriser les ICHN sur l’ensemble de la législature à hauteur de ce qui était prévu par vos prédécesseurs et par le chef de l’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez raison de rappeler que, depuis le début de la législature, les indemnités compensatoires de handicaps naturels ont fait l’objet de plusieurs revalorisations. Celles-ci ont été de 5 % pour la montagne et de 20 % pour la haute montagne. Par ailleurs, l’indemnisation complémentaire des 25 premiers hectares pour les petites exploitations a été progressivement portée de 10 à 30 %. Au fil des ans, le montant total des crédits – État et FEOGA – a ainsi été porté de 430 millions d’euros à 510 millions d’euros alors que, dans le même temps, le nombre d’exploitations diminuait, passant de 113 000 à 103 000. Cela signifie que, en trois ans, le montant moyen d’indemnisation a été revalorisé de près de 30 %. Ce sont des gestes forts.

Dans le projet de loi de finances, la dotation bénéficie déjà d’une augmentation de 7 millions d’euros, de sorte que le financement national est porté de 243 millions d’euros à 250 millions afin de consolider la revalorisation que le Président de la République avait annoncée à Murat. L’amendement de la commission des finances, qui propose de porter le complément d’indemnisation des 25 premiers hectares à 40 %, pose deux difficultés. Outre son coût, élevé dans un contexte budgétaire contraint, il nécessiterait une négociation avec la Commission européenne, puisque nous arrivons au terme du programme de développement rural.

Pour cette raison, monsieur le rapporteur spécial, je souhaiterais que, comme vous l’avez élégamment proposé, vous retiriez cet amendement, sachant que je prends l’engagement que le Gouvernement poursuivra la revalorisation des ICHN en zone de montagne dans le cadre de la nouvelle programmation 2007-2013 et qu’il sollicitera l’accord de la Commission le plus rapidement possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. J’ai posé au nom du groupe UDF une question sur la valorisation des ICHN et M. Sauvadet est déjà intervenu dans ce sens. Cet amendement est un bon amendement, car il apporte une solution satisfaisante à un problème important, et le groupe UDF le voterait s’il était mis aux voix. La solidarité vis-à-vis des territoires ruraux de moyenne montagne, notamment du Massif Central, est en effet essentielle. Cependant, nous prenons acte de vos propos encourageants, monsieur le ministre, et nous nous en remettons à la sagesse de M. le rapporteur spécial. Mais nous serons particulièrement vigilants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Qui n’adhérerait à l’idée qu’il faut revaloriser les ICHN ? C’est quand on examine les tableaux exposant le financement de cette mesure que cela se gâte ! Il est prévu d’aller chercher l’argent notamment dans les dépenses de personnel du ministère de l’agriculture. Est-ce à dire qu’il y a eu un accord ? Je ne pense pas, monsieur le ministre, que vous ayez volontairement surévalué les dépenses de personnel de votre ministère afin de constituer une réserve de 9 millions d’euros. Retirer ces moyens aura donc forcément des répercussions sur le fonctionnement du ministère. À moins que la France n’en vienne, à l’instar de certains États africains, à oublier de payer ses fonctionnaires en fin d’année. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je ne pense pas que nous en arriverons là, mais force est de constater que l’exercice consistant à prendre dans un programme pour mettre dans l’autre a ses limites.

Régulièrement, toutes tendances confondues, des parlementaires proposent des amendements financés par l’augmentation des taxes sur le tabac. Aujourd’hui, on voudrait ponctionner les frais de personnel du ministère de l’agriculture. C’est, me semble-t-il, céder à la facilité et cela mérite pour le moins que nous en débattions.

Par ailleurs, il est prévu de prendre 6 millions d’euros sur le programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », alors que chacun sait que les crédits de ce programme sont déjà insuffisants. Où est passée la volonté de mettre en valeur les produits agricoles, exprimée sur tous les bancs lors du débat sur la loi d’orientation agricole ? Je suis très étonné que le rapporteur spécial de la commission des finances propose de prendre des crédits sur cette ligne, déjà en diminution par rapport à 2005.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Mon cher collègue, permettez-moi de m’étonner de votre étonnement. En fait, j’ai utilisé les pouvoirs dont je dispose en tant que rapporteur spécial de la commission des finances dans le cadre de la LOLF. J’ai proposé des économies pour retrouver l’équivalent de ces 15 millions d’euros, notamment sur le fonctionnement des offices, domaine dans lequel il est nécessaire de faire des économies, et il y a en tout cas consensus sur ce point à la commission des finances.

Quoi qu’il en soit, j’ai décidé de retirer cet amendement. Je prends acte de l’engagement solennel du ministre de l’agriculture, et je ne doute pas, le connaissant de longue date, de sa détermination à obtenir de la Commission de Bruxelles le feu vert nécessaire, puisque les modifications des ICHN se font dans le cadre du PDRN, le plan de développement rural national.

Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié est retiré.

Je suis saisie d’un amendement n° 306.

Sur le vote de cet amendement, je suis saisie par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 306.

M. Jean Dionis du Séjour. La LOLF a donné un peu de pouvoir à un Parlement qui en a bien besoin, tant le déséquilibre des pouvoirs est important entre exécutif et législatif, mais ceci est un autre débat. En tout état de cause, nous avons désormais la possibilité de déposer des amendements dans le cadre d’une mission pour abonder les crédits d’une action en les prenant sur une autre.

Au nom du groupe UDF, je vous propose donc, mes chers collègues, d’abonder le programme « Gestion durable de l’agriculture, de la pêche et développement rural » de 6 millions d’euros en les affectant à la politique de l’hydraulique au titre de l’action « Soutien aux territoires et aux acteurs ruraux ». Pour cela, il conviendra de diminuer les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » d’un montant de 6 millions d’euros, ce qui représente, pour répondre à la critique pertinente exprimée par notre collègue Jean Gaubert, une baisse modique de 1,5 % sur 430 millions d’euros. Le ministère de l’agriculture a-t-il la possibilité, notamment avec les marges de manœuvre que constituent les départs en retraite des fonctionnaires, de faire 1,5 % d’économie ? J’ose espérer que oui. Notre amendement est donc un amendement raisonnable. Si nous sommes des « lolfeurs » débutants, nous n’en sommes pas moins respectueux des nouvelles règles budgétaires.

Sur le fond, plusieurs raisons devraient vous convaincre de voter cet amendement, mes chers collègues.

Premièrement, ce budget, que nous allons soutenir et voter, comme l’a dit notre porte-parole François Sauvadet, n’a pas pris la mesure de l’enjeu que représente la maîtrise de l’eau. Le réchauffement climatique, l’accélération des épisodes de sécheresse – je pense notamment à ceux de 2003 et 2005 –, le fait que des régions soient sinistrées alors qu’historiquement, elles n’étaient pas concernées, ce ne sont pas là des angoisses irraisonnées, mais la réalité climatique française d’aujourd’hui. Celle-ci appelle un bouleversement de nos comportements et de nos politiques de l’eau. Il nous faut impérativement revoir notre législation et notre politique budgétaire pour augmenter nos réserves en eau. Certes, ce sera l’un des enjeux du projet de loi sur l’eau, mais d’ores et déjà, en ce qui concerne l’hydraulique de proximité, les lacs collinaires, les petites réserves, où aucun obstacle juridique ne nous empêche d’agir, soyons à la hauteur des enjeux, mes chers collègues, en dotant la politique hydraulique des moyens nécessaires.

Deuxièmement, la mesure proposée correspond à une demande de l’ensemble de la profession : outre l’APCA, même la FNSEA et la coordination rurale ont émis un avis conforme. Ce sont les agriculteurs qui subissent les premiers les conséquences de la sécheresse et, après avoir fait des efforts pour économiser l’eau, mieux la gérer, ils ne comprendraient pas que l’État ne réagisse pas à ce défi climatique majeur.

Troisièmement, monsieur le ministre, vous avez annoncé, lors du congrès du maïs du 14 septembre 2005, le lancement d’un programme décennal de création de retenues de taille modeste, cofinancé à hauteur de 20 millions d’euros par le budget 2006.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est exact.

M. Jean Dionis du Séjour. Or, avec 6,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 14,6 millions d’euros en crédits de paiement pour l’hydraulique, le compte n’y est pas. Cet amendement a donc également pour objet de vous inciter à respecter votre récent engagement.

Quatrièmement, cet amendement sera bien vécu dans les régions traumatisées, dont la vôtre, monsieur le ministre. Avez-vous récemment observé la couleur de la terre dans l’Ouest, mes chers collègues ? Pour ma part, je ne l’avais jamais vue si jaune. Cette région qui, historiquement, ne connaissait pas de problèmes de déficit hydrique est aujourd’hui frappée de plein fouet par la sécheresse. Ce problème appelle une réponse urgente.

Cinquièmement, sur les cinq amendements à ce budget, deux viennent du Gouvernement, deux autres de nos éminents rapporteurs et un seul d’un député de base. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’y a pas de députés de base ! Il n’y a que des députés de la République !

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, vous avez à juste titre la réputation d’aimer et de respecter le Parlement. Vous l’avez d’ailleurs montré par votre courtoisie et la précision de vos réponses. Je vous exhorte donc à soutenir cet amendement raisonnable et positif.

Enfin, je me tourne vers vous, mes chers collègues : alors que nous assistons généralement en sages spectateurs au grand spectacle budgétaire, la LOLF nous donne un peu d’oxygène et un peu de pouvoir : prenons-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Cet amendement n’a pas pu être examiné par la commission des finances, et j’ai le regret de vous annoncer, monsieur Dionis du Séjour, qu’à titre personnel, j’y suis défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Allons, mes chers collègues, laissez M. le rapporteur spécial s’exprimer !

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. En effet, celui-ci propose une réduction trop importante des crédits de fonctionnement du ministère. Par ailleurs, les mesures en faveur de l’hydraulique agricole dépendent des agences de l’eau et le projet de loi sur l’eau qui va être discuté l’année prochaine contiendra des mesures importantes sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous avez établi un excellent diagnostic de la situation, monsieur Dionis du Séjour. Nous avons effectivement subi cette année un nouvel épisode de sécheresse épouvantable, notamment dans l’Ouest atlantique ; je suis bien placé pour en parler dans la mesure où mon département a été touché et n’est toujours pas tiré d’affaire.

Nous avons donc besoin de nouvelles retenues, comme je l’ai dit à Bordeaux lors du congrès des producteurs de maïs.

Ce programme, sur lequel les préfets feront le point dans leur département, en recensant les projets prêts sur le plan administratif, sera doté de 20 millions d’euros provenant de redéploiements. Lors d’une communication sur la politique de l’eau, Mme Olin a précisé que les agences de bassin pourraient participer à ce financement ; avec le ministère et les collectivités territoriales, nous allons pouvoir passer des discours à la réalité.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à votre amendement, monsieur Dionis du Séjour. À regret, croyez-le bien, car je vous considère comme un interlocuteur sympathique du ministère de l’agriculture. Mais quand vous voulez prendre des moyens sur les directions régionales, qui n’en ont déjà pas beaucoup, je ne peux pas être d’accord.

M. Jean Gaubert. Ah !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Laissez-moi plutôt redéployer les quelques dizaines de millions d’euros dont ce programme de 1,5 milliard a besoin dans le cadre de la fongibilité. Par ailleurs, je vous assure que si d’autres projets sont prêts, nous y souscrirons. Je m’engage devant la représentation nationale à ce qu’avant l’été prochain nous ayons démarré des chantiers en matière de retenues d’eau.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Pour résumer, monsieur Dionis du Séjour, si je suis favorable à votre idée, je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable à votre amendement, en raison des inconvénients qu’il présente.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Les membres du groupe socialiste sont d’accord avec la proposition de M. Dionis du Séjour mais ils s’abstiendront. En effet, il n’est pas concevable de prendre 6 millions d’euros aux moyens en personnel du ministère de l’agriculture.

J’avais posé, le 21 décembre 2004, une question orale sans débat concernant une politique de gestion des ressources en eau digne de ce nom. Au-delà des retenues collinaires, je réclamais des projets de financement de grandes retenues d’eau visant à permettre la régulation de la ressource en eau selon un principe ancestral : il faut retenir l’eau quand elle tombe du ciel pour l’utiliser quand on en a besoin.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Tout à fait !

M. Henri Nayrou. Peut-être s’éloigne-t-on du débat sur les retenues collinaires, mais il me semble que les millions de mètres cubes d’eau que l’on pourrait retenir en amont seraient susceptibles d’alimenter les retenues intégrées dans les vallées.

En résumé, nous sommes favorables à la demande de M. Dionis du Séjour, mais pas à la ponction des crédits correspondants sur les frais de personnel du ministère.

M. François Sauvadet. Quelle autre solution y a-t-il ?

M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, vous vous honoreriez en prenant ces 6 millions d’euros sur le budget global de l’État, de manière à ne pas amputer les frais de personnel du ministère de l’agriculture.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Si M. le ministre nous proposait un financement plus pertinent, nous accepterions de modifier notre amendement en conséquence. Ce qui est important, c’est l’urgence de la politique hydraulique.

Mme la présidente. Nous allons procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix l’amendement n° 306.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. François Sauvadet. Il y a un axe UMP – groupe socialiste ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 227.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Cet amendement est surtout symboliquement très important puisqu’il vise à ramener le fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture, le FICIA, au niveau auquel le Gouvernement s’était engagé à le maintenir, à savoir 10 millions d’euros. Il vous est donc proposé de modifier les autorisations d’engagement et les crédits de paiement en conséquence.

Monsieur le ministre, compte tenu des nouveaux outils juridiques et fiscaux prévus dans la loi d’orientation agricole en matière de transmission des exploitations, il est important que l’information des futurs candidats à l’installation puisse être maintenue à son niveau actuel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement. Personnellement, cependant, j’y suis tout à fait favorable car il permet d’ajuster les besoins du FICIA.

Je profite de l’occasion pour signaler – et je vous renvoie au tableau de mon rapport, page 45 – qu’il y a de très fortes disparités d’engagement au titre des PIDIL entre les régions. Dans certaines, en effet, les DRAF sont en surconsommation tandis que d’autres sont en sous-consommation. Cette situation s’explique en partie par l’arrivée tardive des crédits. Mais j’insiste sur la nécessité de faire le point en fin d’année et d’envisager, peut-être, une péréquation entre les différentes DRAF. Ainsi, les régions comportant de nombreuses installations ne seront pas pénalisées du fait d’une sous-consommation des crédits, et inversement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Avoir une bonne politique de communication est en effet indispensable à l’heure où favoriser l’installation d’agriculteurs est un véritable défi. Les chiffres, qui montrent une nette diminution en la matière, en témoignent.

Cela étant, monsieur le ministre, il ne saurait s’agir uniquement d’une affaire de communication. Chacun le sait, il faudra aussi simplifier et améliorer l’accès aux aides, auxquelles des jeunes ont renoncé parfois du fait de la trop grande complexité du dispositif. Je souhaiterais donc qu’à l’occasion d’une prochaine rencontre en commission des affaires économiques, vous nous présentiez un bilan sur les conditions d’utilisation territoriale du FICIA.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. D’accord.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 227.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », inscrits à l’état B, modifiés par les amendements adoptés.

(Ces crédits, ainsi modifiés, sont adoptés.)

Article 74

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 38.

La parole est à M. Gérard Menuel, pour le soutenir.

M. Gérard Menuel. Monsieur le ministre, j’associe Pierre Morel-A-L’Huissier à cet amendement auquel vous avez déjà en partie répondu. L’encadrement des impositions affectées aux chambres d’agriculture est une spécificité agricole car ce système n’existe pas pour les autres organismes consulaires. Or cela peut pénaliser un développement ponctuel local.

En outre, une augmentation en pourcentage fait qu’un département dont la base est par exemple de 5 euros par hectare, peut augmenter en volume moitié moins qu’un département qui aurait une base historique de 10 euros par hectare. Certes, des dérogations sont possibles, m’avez-vous déjà répondu. Mais il faut dépenser beaucoup d’énergie auprès des préfectures et des services des ministères pour obtenir de telles dérogations.

Voilà les arguments que tenait à présenter un ancien président de chambre d’agriculture.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Cette taxe représente en gros 50 % en moyenne du budget de fonctionnement des chambres, ce qui n’est pas négligeable. En outre, l’article 74, tel qu’il a été adopté par la commission des finances, prévoit pour 2006 un plafond d’augmentation de 2 %, contre respectivement 1,8 % et 1,5 % en 2005 et 2004. En fait, le taux réel de progression du produit perçu est, dans presque tous les cas, supérieur au plafond légal, en raison de l’existence d’un mécanisme dérogatoire accordé par le ministère de l’agriculture.

Votre amendement, monsieur Menuel, n’a pas été examiné par la commission. J’y suis cependant défavorable à titre personnel car il me semble nécessaire de conserver au niveau national un certain encadrement de la taxe pour frais de chambre d’agriculture. Il faut éviter des disparités de charges trop importantes selon les régions.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Menuel, en votre qualité d’ancien président de chambre, vous savez de quoi vous parlez. Le taux de progression tient compte des prévisions de dépenses, de l’inflation et de la situation financière des établissements. Lorsque des situations particulières le justifient, ce taux peut être augmenté et même triplé.

Comme vous, nous sommes cependant conscients des limites de ce mode de financement des chambres d’agriculture. Ainsi que je l’ai indiqué à Pierre Morel-A-L’Huissier, nous avons donc diligenté une mission d’inspection pour dégager de nouvelles voies d’adaptation. Dans l’attente des conclusions de cette mission et des propositions que pourrait alors faire le législateur, je vous demande de retirer votre amendement. Nous verrons ensemble, à partir de ces travaux, comment tirer des conséquences positives pour les chambres.

Mme la présidente. Monsieur Menuel, maintenez-vous votre amendement ?

M. Gérard Menuel. Non, je le retire. Nous nous reverrons dans deux ans, monsieur le ministre. (Sourires.)

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Et même dans un an !

Mme la présidente. L’amendement n° 38 est retiré.

Je mets aux voix l’article 74.

(L’article 74 est adopté.)

Après l’article 74

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n° 19.

La parole est à M. Louis Guédon, pour le soutenir.

M. Louis Guédon. Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur un problème auquel sont confrontées les conserveries de poisson. Celles-ci ont déjà subi des délocalisations importantes sans que l’opinion publique ne s’en émeuve beaucoup. La main-d’œuvre étant moins cher au Maghreb, en Espagne ou en Côte d’Ivoire, nombre d’usines ont en effet cessé leur activité chez nous. Les quatorze qui étaient implantées aux Sables-d’Olonne ont ainsi fermé leurs portes et, à Saint-Gilles, il n’en reste plus que deux sur treize. La situation est identique à Noirmoutier ou à l’île d’Yeu.

Les conserveries toujours en fonction sont souvent des entreprises familiales qui on su jouer la qualité et la politique du label. Or, au-delà de la crise due aux quotas sur le thon et le maquereau, qui sont venus renchérir ces denrées, elles doivent faire face à la suppression de la subvention européenne dite « restitution conserves » qui permettait de compenser la taxe spéciale sur les huiles imposée par l’article 1609 vicies du code général des impôts. Il faut donc ajouter au surenchérissement du coût du poisson le coût de l’huile. Cela rend très difficile l’équilibre financier de ces entreprises.

Mon amendement vise donc à prévoir une exonération de la taxe spéciale sur les huiles pour permettre aux conserveries de poisson de poursuivre leur activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marleix, rapporteur spécial. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, et j’en suis désolé, mon cher collègue, j’y suis cependant défavorable car il ne me paraît pas opportun de modifier aujourd’hui un des éléments de la taxe sur les huiles sans véritable solution d’ensemble pour le FFIPSA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Même avis que la commission. Cette taxe est en effet affectée au FFIPSA et elle est perçue sur toutes les utilisations d’huile. Dès lors, exonérer seulement l’industrie de la conserve de poisson ne serait pas très juste. En outre, et je sais les difficultés que vous rencontrez aux Sables-d’Olonne, monsieur Guédon, cette mesure n’aurait pas d’incidence sur le cours des poissons. Je comprends votre souci et vous défendez bien votre port et les industries qui y sont liées. Mais, en cette période de déséquilibre de financement du FFIPSA, je ne peux être favorable à votre amendement. Je vous suggère donc de le retirer mais j’ai bien noté votre appel politique, monsieur le député.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Guédon ?

M. Louis Guédon. Non, je le retire, madame la présidente, même si j’aurais bien aimé recevoir une autre réponse. Je note que les problèmes liés à la pêche et aux industries connexes n’échappent pas à M. le ministre. Je souhaite donc qu’on puisse se pencher ultérieurement sur les difficultés rencontrées par ce type d’industrie, qui n’a pas démérité et génère des centaines d’emplois sur le littoral. Je forme des vœux en ce sens.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 est retiré.

Mission « Développement agricole et rural »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Développement agricole et rural », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Ces crédits ne faisant l’objet d’aucun amendement, je les mets aux voix.

(Les crédits de la mission « Développement agricole et rural » sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’agriculture et à la pêche.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Articles non rattachés.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)