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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 16 novembre 2005

64e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

modification de l’ordre du jour

M. le président. Je vous informe que la Conférence des présidents qui vient de se réunir a décidé d’ouvrir des séances supplémentaires le samedi 19 novembre.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’inscrire la suite de la discussion des articles non rattachés vendredi 18 au soir et samedi 19 après-midi et soir.

L’ordre du jour est ainsi modifié.

loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

J’ai cru comprendre que les députés socialistes avaient demandé des simulations communales à propos de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. le président. Je pense, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, qu’il serait profitable pour la suite de nos travaux, que le Gouvernement fournisse à l’ensemble de l’Assemblée nationale des échantillons pertinents sur ce sujet. Il manifesterait ainsi sa bonne volonté.

Si le Gouvernement pouvait entendre mon message…

M. Henri Nayrou. Qu’en termes galants ces choses-là sont dites !

M. le président. …la suite de nos travaux y gagnerait en sérénité…

M. Henri Nayrou. Et en rapidité !

M. le président. …et en rapidité – merci, monsieur Nayrou, de me souffler le mot.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, il est des mots magiques pour un ministre. Si pour Henri IV « Paris valait bien une messe », j’estime que « sérénité » et « rapidité » valent bien la production d’un échantillon pertinent. (Sourires.)

Je vais donc essayer de travailler sur la constitution d’un tel échantillon. Je promets de faire mon mieux et j’espère qu’en contrepartie de cette avancée considérable, le groupe socialiste ne se montrera pas être trop exigeant sur la pertinence de l’échantillon.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Merci, monsieur le président, de contribuer à l’efficacité et la sérénité de nos débats. Je prends note de l’engagement de M. le ministre du budget. Même s’il ne répond pas parfaitement à notre demande, ce geste va dans le sens du dialogue.

M. Hervé Mariton. Un geste pertinent !

M. Jean-Marc Ayrault. Je tiens à vous exprimer notre satisfaction que le message que nous avons adressé tout au long de l’après-midi ait été entendu dans son principe. Il s’agit d’éclairer l’Assemblée nationale, et, à travers elle, nos concitoyens, sur la réforme fiscale que le Gouvernement envisage, tant sur l’impôt sur le revenu que sur la taxe professionnelle.

Nous souhaitons que l’on travaille dans les meilleures conditions ce soir et assez tard dans la nuit, comme cela est prévu, quitte à poursuivre vendredi soir, afin que mardi prochain, comme le président de la commission des finances l’a proposé, et je l’en remercie, nous nous consacrions à l’examen de la réforme de la taxe professionnelle.

Dans ces conditions, je crois que nous pouvons faire ce soir un travail utile pour tous, qui respecte les droits de l’opposition et la dignité du Parlement.

M. le président. Monsieur Ayrault, je prends acte de vos propos et je vous en remercie.

ARTICLES NON RATTACHÉS (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen des articles non rattachés à des missions.

Article 58 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 333, de suppression de l’article.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Cet amendement tend, en effet, à supprimer l’article 58. Vous aurez compris, monsieur le ministre, à travers nos précédentes interventions, que nous étions contre la réforme que vous proposez. Nous l’estimons injuste car elle ne bénéficiera qu’à un petit nombre de contribuables. Il s’agit en réalité d’une réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune qui ne veut pas dire son nom, en vue de réduire très sensiblement cette imposition, voire, dans certaines situations, de la supprimer. En outre, cette disposition entraînera des moins-values de recettes pour les collectivités locales. Autant de raisons pour nous de nous opposer à cette disposition.

M. le président. La commission est contre. Le Gouvernement également.

Je mets aux voix l’amendement n° 333.

(L’amendement n’est pas adopté.)

(Rires sur de nombreux bancs.)

M. le président. Vous faites des efforts de rapidité, j’en fais aussi ! (Rires.)

Je suis saisi d'un amendement n° 334.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Permettez-moi, monsieur le président, de défendre plus longuement cet amendement, parce qu’il est extrêmement important.

Alors que les prélèvements obligatoires augmentent pour le plus grand nombre, le Gouvernement propose ici une mesure dont le seul objectif est une nouvelle remise en cause de l’impôt de solidarité sur la fortune. La situation des quelque 10 000 contribuables redevables de l’ISF est en effet la seule qui explique cet amendement, la quasi-totalité des autres situations étant appréhendable à travers des mécanismes d’étalement ou de dégrèvement existants.

Le Gouvernement prend bien soin évidemment de ne jamais citer d'exemples de redevables de l'ISF, et nous ne savons donc pas le montant de l’allégement dont bénéficieront ces redevables. Il ne cesse pourtant de nous dire que ce dispositif bénéficierait aux contribuables plus modestes. La meilleure façon de le prouver serait d’adopter notre amendement, qui exclut l’ISF du mécanisme de plafonnement. Ainsi celui-ci ne s’appliquerait ainsi qu’aux revenus de ces contribuables dont le Premier ministre nous dit qu’ils seraient aussi bénéficiaires de votre réforme.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour donner l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan sur cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. La commission a rejeté cet amendement, mais je veux répondre aux questions qui nous ont occupés pendant trois heures cet après-midi : cela me prendra deux minutes, qui permettront d’accélérer la suite de nos débats.

Ce dispositif de restitution porte sur 400 millions d’euros, dont quarante millions au titre des impôts locaux – nous en parlerons à l’occasion d’un autre amendement. Les 360 millions restants seront donc restitués au titre des impôts d’État, impôt sur le revenu et impôt de solidarité sur la fortune. Au total, le plafonnement fiscal concernera 93 000 foyers, répartis entre les différents déciles de revenus, parmi lesquels seuls 14 000 sont assujettis à l'ISF. La restitution au titre de l’ISF représente environ la moitié de ces 360 millions d’euros.

Il convient de déterminer à partir de là l’effort supplémentaire que va consentir le budget par rapport au plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune selon le mécanisme dit « Rocard-Bérégovoy », que vous connaissez très bien : ce mécanisme s’applique à hauteur de 85 % des revenus, mais il tient compte de la CSG dans le calcul du plafond. Nous proposons là un mécanisme de plafonnement à hauteur de 60 % des revenus qui exclue la CSG, mais qui intègre les impôts locaux dans le calcul du plafond.

M. Augustin Bonrepaux. Dites-nous un chiffre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je peux vous répondre grosso modo

M. Henri Emmanuelli. Grosso modo ? Vous plaisantez ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sur ce point je ne dispose pas d’éléments précis, mais d’ordres de grandeur : le coût supplémentaire de ce nouveau mécanisme sera d’une centaine de millions d’euros. On voit que cette réforme est mesurée et son coût tout à fait raisonnable.

M. Henri Emmanuelli. Soyez plus précis : combien de bénéficiaires et quel gain moyen pour chacun ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet effort supplémentaire d’une centaine de millions d’euros nous permettra de régler pour l’essentiel le problème du « plafonnement du plafonnement », que nous traînons depuis 1996. C’est en effet la loi de finances de 1996 qui a institué ce mécanisme, à l’origine de nombreuses délocalisations, très coûteuses pour notre pays en termes de ressources fiscales et d’emplois.

Nous aboutissons ainsi à une réforme parfaitement saine, équilibrée et transparente.

M. le président. L’Assemblée est éclairée.

Je peux considérer que le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable, en effet.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Le Gouvernement va peut-être nous donner des informations…

M. le président. le Gouvernement, faisant preuve de son esprit de synthèse, a rejeté cet amendement, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, au cours du débat que nous avons déjà consacré à cette question cet après-midi, on nous a parlé d’un cadeau de 280 millions d’euros à quelques milliers de redevables de l’ISF.

M. Charles de Courson. Cela concerne 16 800 contribuables !

M. Didier Migaud. Il semblait tout à l’heure que le rapporteur général et le ministre avançaient des chiffres différents. Nous aimerions donc connaître, non seulement le coût exact de cette disposition, mais la répartition détaillée par déciles de ses bénéficiaires. Elle prouvera vraisemblablement le caractère profondément injuste et déséquilibré de la réforme. Voilà pourquoi, monsieur le président, si le ministre acceptait de nous apporter ces précisions, nous serions sensibles à ce geste.

M. le président. Eh bien, le ministre va vous les apporter, et je lui donne la parole.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je confirme en gros les explications de M. Carrez. J’ajouterai seulement, monsieur Migaud, qu’on ne doit pas sur ce sujet abuser de l’émotion et de l’apostrophe. Il vous suffit de comparer le champ de notre mesure à celui du plafonnement introduit par M. Rocard : vous obtiendrez proportionnellement à peu près le même nombre de bénéficiaire !

M. Henri Emmanuelli. Vous ne répondez pas à la question !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dans ces conditions, proposer la suppression de cette mesure revient à renier ce que vous avez fait il y a quelques années. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Donnez-nous des chiffres !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Qu’il s’agisse de 14 000 ou de 16 000 assujettis à l’ISF qui bénéficieront de ce dispositif, la différence n’est pas significative. On retrouve à peu près la même proportion des trois tiers sur l’ensemble du barème.

M. Henri Emmanuelli. Ça ne veut rien dire !

M. le président. L’Assemblée est suffisamment éclairée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Nayrou. Pas du tout !

M. Didier Migaud. Nous n’avons eu que des explications confuses !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 334.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 603, 95 et 506 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 95 et 506 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 603 n’est pas défendu, non plus que l’amendement n° 506 rectifié.

M. Charles de Courson. Je reprends l’amendement n° 603.

M. le président. L’amendement n° 603 est repris par M. de Courson.

La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, pour soutenir en un mot l’amendement n° 95.

M. Jean-Jacques Descamps. Il s’agit tout de même, monsieur le président, d’un sujet suffisamment important pour que le président de l’association des maires de France y consacre un amendement comparable au mien – M. Pélissard a en effet cosigné l’amendement n° 603 : c’est dire l’importance de la question pour les élus locaux.

Je tiens d’abord à préciser, monsieur le ministre, que je soutiens totalement votre proposition de bouclier fiscal, dont vous avez su montrer tout l’intérêt lors de la séance précédente. J’ai beaucoup apprécié notamment ce que vous avez dit sur les dangers de l’hyper-fiscalité sur les revenus élevés.

M. Henri Emmanuelli. Allez dire ça aux Allemands !

M. Jean-Jacques Descamps. Cette hyper-fiscalité est une source évidente d’évasion fiscale (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), comme le sait parfaitement quiconque aime le football : les footballeurs sont les premiers à s’exiler dès qu’ils gagnent de l’argent.

M. Didier Migaud. Hors sujet !

M. Jean-Jacques Descamps. Je me suis penché sur les modalités d’application de ce bouclier fiscal, qui s’inspire, vous l’avez rappelé, de modèles étrangers. Ainsi la Constitution allemande pose le principe d’un plafond de 50 %. Je vous fais remarquer en outre que la grande coalition actuellement au pouvoir en Allemagne a décidé de fixer un taux marginal d’imposition du revenu de 43 %, pour un revenu dépassant 500 000 euros, au lieu de 65 000 euros en France. Cela prouve qu’ils préfèrent, quant à eux, garder chez eux ceux qui gagnent de l’argent plutôt que de les voir s’exiler.

Vous nous avez expliqué pourquoi vous avez exclu du mécanisme de plafonnement la CSG et la CRDS. Mais vous avez intégré dans le champ du plafonnement, à côté des deux impôts nationaux, l’IR et l’ISF, les impositions locales au titre de l’habitation principale. Or ce sont deux sortes d’imposition très différentes. On peut se demander s’il est pertinent de prendre en compte les impôts locaux pour la détermination du droit à restitution.

Vous allez peut-être me répondre que ce ne sont pas les communes qui auront à restituer les sommes excédant le plafonnement, mais l’État ou l’ensemble des collectivités locales concernées, par le biais de la DGF.

M. Henri Nayrou. C’est une usine à gaz !

M. Jean-Jacques Descamps. On peut tout de même se demander la raison pour laquelle vous vous êtes limités aux impositions au titre de l’habitation principale. On peut en effet imaginer le cas, parfaitement injuste, où la restitution de l'impôt excédant le plafond légal ne doit concerner que la commune où est située la résidence principale de la personne intéressée : le système conduira à ce que cette seule commune soit privée d'une ressource fiscale, alors que les communes où sont situées les résidences secondaires de la personne intéressée, une villa au bord de la mer ou un chalet à la montagne par exemple,…

M. Henri Emmanuelli. Ou une chasse en Sologne !

M. Jean-Jacques Descamps. …ne restitueront absolument rien.

La charge de cette restitution devra être supportée par l’ensemble des collectivités locales à hauteur de 43 millions d’euros : une telle somme vaut-elle la peine de monter toute cette affaire ?

M. Henri Nayrou. Une usine à gaz !

M. Jean-Jacques Descamps. C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec le président de l’AMF et quelques autres collègues, d’exclure les impositions locales de ce dispositif. En effet, même l’effet dissuasif que vous escomptez de ce mécanisme sur la hausse des taux d’imposition locale sera manqué, un tel système tendant au contraire à déresponsabiliser davantage les communes.

Il vaut mieux distinguer clairement les impositions et laisser la responsabilité des impôts locaux aux collectivités locales, et celle des impôts nationaux à l’État et au Parlement. Voilà pourquoi il faut exclure les impôts locaux du bouclier fiscal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement pour une raison de justice fiscale. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, ce sont les impôts locaux qui pèsent le plus lourdement sur les ménages modestes, en particulier la taxe sur le foncier bâti, puisqu’ils peuvent bénéficier de dégrèvements au titre de la taxe d’habitation. Si on souhaite protéger le contribuable contre une pression fiscale confiscatoire, il est légitime de prendre en compte les impôts locaux.

M. Henri Emmanuelli. Comment un maire peut-il dire de pareilles choses ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Par ailleurs, monsieur Descamps, vos objections trouveront une réponse dans un amendement que nous devons examiner un peu plus tard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis, comme le rapporteur général, très attaché à l’inclusion des impôts locaux dans le champ du plafonnement. Sans sous-estimer la force de votre argument, je crois à l’importance de ce partage des responsabilités, pourvu que cela se passe d’une manière ouverte et intelligente.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas un partage ! C’est ici qu’on décide, et ce sont les collectivités locales qui subissent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’en profite, monsieur Brottes, pour vous préciser – ce que je n’ai pas pu faire lors de la séance précédente, et je vous prie de m’en excuser – que nous avons imaginé des modalités d’application, qui sont susceptibles d’apaiser certaines des inquiétudes que vous avez exprimées, comme M. Descamps au nom de l’AMF.

Je voudrais également tordre le coup à l’accusation selon laquelle nous serions en train de mettre sur pied une usine à gaz. Le dispositif sera très simple : le contribuable trouvera dans ses avis d’imposition tous les éléments pour remplir sa déclaration. Quant aux collectivités locales, elles n’auront plus rien à faire une fois que nous aurons adopté l’amendement de M. Mariton, mais dans le dispositif initial c’était déjà à l’État de calculer la refacturation.

Ce système très simple traduit parfaitement notre philosophie fiscale : Je rappelle que c’est précisément l’intégration des impôts locaux qui rend cette réforme particulièrement juste, puisque 90 % de ses bénéficiaires sont situés dans le premier décile de l’impôt sur le revenu.

Voilà pourquoi il est essentiel de conserver la cohérence du dispositif, sous réserve des aménagements que nous allons examiner tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pourquoi inclure dans votre bouclier fiscal l’imposition due au titre de la résidence principale ? Invoquer le précédent des six pays européens qui ont institué un bouclier fiscal n’est en rien pertinent puisque, comme je vous l’ai déjà fait observer, l’impôt sur le revenu de ces pays est réparti entre un impôt national et un impôt local. L’argument européen ne tient pas.

L’argument selon lequel ce système responsabiliserait les collectivités territoriales ne vaut pas davantage. Premièrement, êtes-vous si sûrs que le Conseil constitutionnel n’annulera pas cette disposition en considération du principe de libre administration des collectivités territoriales ?

M. Jean-Marc Ayrault. Je l’espère bien !

M. Charles de Courson. Deuxièmement, le mécanisme de sanction initialement envisagé à l’encontre de ceux que vous estimez responsables du dépassement est complètement aberrant.

Imaginons, monsieur le ministre, que demain un contribuable très riche s’installe sur le territoire de ma commune, qui a les taux de taxe d’habitation et de taxe sur le foncier bâti les plus bas de tout le département de la Marne. Si le conseil municipal fait passer ces taux de 0,5 à 0,7 %, ma commune sera pénalisée, puisque dans votre schéma initial elle devra restituer à ce contribuable les sommes qui excéderaient de ce fait le plafonnement. Il serait absurde d’affirmer en l’espèce que cette pénalisation vient sanctionner une politique fiscale débridée ! Ce système est aberrant puisque la résidence principale des personnes concernées peut être située sur le territoire d’une commune à faible comme à forte pression fiscale.

L’amendement Mariton ne résoudra nullement ce problème. Bien au contraire, il aggrave le mal.

M. Jean-Pierre Balligand. Mariton, c’est Thatcher en pantalons !

M. Charles de Courson. En effet, cet amendement, que nous examinerons tout à l’heure, vise à mutualiser le coût de l’allégement. On tombe dans la sanction collective, sans se préoccuper de savoir qui est raisonnable et qui ne l’est pas : vous taxez tout le monde. C’est aberrant ! C’est la négation du principe de la présomption d’innocence. Ils sont tous coupables, puisque les 20 millions d’euros seront imputés sur la DGF. Cette discussion revient à enfiler des perles pour trois caramels mous ! (Sourires.) Vingt millions d’euros sur une DGF globale d’une trentaine de milliards d’euros : de quoi discute-t-on ?

L’amendement n° 603 est plein de sagesse : en l’adoptant, mes chers collègues, nous en finirons avec cette question et pourrons nous consacrer à l’examen de la fiscalité d’État.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, dans un débat aussi important, il faudrait que nous puissions obtenir toutes les réponses que nous demandons. M. le ministre nous a indiqué tout à l’heure que l’allégement de 280 millions concerne 14 000 contribuables, qu’on peut répartir en trois tiers. Je souhaiterais donc savoir de quel allégement vont bénéficier les 5 000 contribuables qui se situent dans le décile le plus élevé. Ce ne doit pas être bien sorcier de le calculer quand on a préparé cette réforme et qu’on nous en vante la justice. Monsieur le président, nous attendons une réponse car, malgré notre souci d’avancer, il n’est pas question d’escamoter le débat.

L’amendement n° 603, qui propose de supprimer le c et le d du 2 de l’article 58, est paradoxal : en même temps que l’on demande des efforts aux collectivités locales, comme l’a fait le Premier ministre en demandant aux élus d’aider le Gouvernement à rétablir l’ordre et la cohésion sociale dans les banlieues, on se méfie de ces mêmes élus en les considérant comme irresponsables. En incluant les taxes locales dans le bouclier fiscal, vous ne pouvez que les pénaliser.

Ainsi, un contribuable qui aurait quelques ressources et aurait acheté une résidence pour sa retraite dans une commune pauvre bénéficierait d’un allégement qui devrait être supporté par tous les autres contribuables, la commune étant tenue de le rembourser. Est-ce là votre conception de la justice et de la responsabilisation des élus ? Vous faites fausse route : les impôts locaux devraient être exclus de cette base de calcul.

M. le président. L’Assemblée est maintenant suffisamment éclairée.

M. Augustin Bonrepaux. Pour être éclairée, il faudrait qu’elle obtienne des réponses à ses questions !

M. le président. On est parfois plus éclairé sans réponse !

Je mets aux voix l'amendement n° 603, repris par M. de Courson.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 551.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 550.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 336, deuxième rectification.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Comment notre débat peut-il avancer si le Gouvernement ne répond pas à nos questions ? Celle que j’ai posée était précise : quel sera l’allégement dont bénéficieront les 4 000 ou 5 000 contribuables du dernier décile ? Je suppose que les services du ministère ont pu faire le calcul.

M. Jean-Pierre Balligand. Les commissaires du Gouvernement assis derrière le ministre ont les tableaux !

M. Augustin Bonrepaux. Sur 280 millions d’euros, combien cela représente-t-il ? Le débat est important et il ne faut pas l’escamoter, d’autant que la réponse montrera toute l’inégalité de cette réforme.

Quant à l’amendement n° 336, deuxième rectification, il vise à ce que l’ensemble des revenus soit pris en compte, notamment les prestations familiales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je vais mettre aux voix…

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je le répète, mon intention n’est pas de prolonger notre débat, mais, en l’occurrence, une question simple a été posée et il n’y a pas été répondu. Monsieur le ministre, vous avez certainement la réponse – sans quoi vous seriez très mal informé, ce que je ne puis imaginer un seul instant. Puisque vous n’avez rien à cacher à l’Assemblée nationale, pouvez-vous répondre à la question de mon collègue Bonrepaux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je croyais avoir déjà répondu, mais je peux répéter ma réponse : l’allégement est de 282 millions d’euros pour le dernier décile, IR et ISF confondus.

M. Didier Migaud. Combien de personnes cela concerne-t-il ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je le répète : 6 000 contribuables.

M. Augustin Bonrepaux. C’est un beau cadeau !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est rien d’autre, à due proportion, que le plafonnement Rocard.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336, deuxième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de précision, n° 552.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 553.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 342.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. L’amendement n° 342 rejoint les préoccupations exprimées en commission par le président de la commission des finances. Dès lors qu’il y a allégement, cet allégement devrait être limité. Nous proposons donc qu’il ne puisse pas dépasser le montant brut mensuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

En fait, le Gouvernement fait des cadeaux aux plus favorisés : 6 000 contribuables vont bénéficier de 280 millions d’euros, soit 58 000 euros par contribuable ! Nous, dans un souci d’économie, et alors que le Gouvernement rencontre de grandes difficultés pour trouver des crédits pour les banlieues – et ce d’autant qu’il faudra bien financer toutes les mesures envisagées par de nouvelles économies –, nous proposons cet amendement de moralisation.

Je souligne qu’à la différence du président de la commission des finances, qui ne va jamais au bout de ses propositions, nous faisons des propositions concrètes.

M. le président. Vos explications sont si lumineuses, monsieur Bonrepaux, qu’elles s’appliquent aussi aux amendements nos 343 et 344. Pouvons-nous considérer que vous avez défendu aussi ces deux amendements ?

M. Augustin Bonrepaux. Oui, monsieur le président, mais j’espère obtenir satisfaction sur le premier de ces trois amendements et ne pas avoir à défendre un plafonnement au triple du SMIC, qui serait considérable. Vous verrez là, monsieur le président, une marque de ma bonne volonté.

M. le président. Et vous de la mienne, monsieur Bonrepaux.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 342 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Notre collègue Bonrepaux est extraordinaire ! Lorsqu’il a voté ici même le plafonnement Rocard-Bérégovoy en 1988, celui-ci ne faisait l’objet d’aucune limitation – ni une fois le SMIC, ni deux fois, ni cent cinquante fois ! C’est en 1995 que le Gouvernement a introduit un plafonnement, mais en le limitant, ce gouvernement et la majorité qui l’a suivi ont commis une erreur, que nous avons payée d’une délocalisation par jour pendant dix ans. Nous aurons mis dix ans à rectifier le tir ! Nous vivons donc aujourd’hui un grand moment : nous allons enfin stopper cette hémorragie d’entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, il me semble que cette explication lumineuse exprime également l’avis de la commission sur les amendements nos 343 et 344.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission. Pour apaiser les esprits à propos de ces « méchants riches », je vous engage, mesdames, messieurs de l’opposition, à comparer l’allégement de 282 millions d’euros aux presque 30 milliards d’euros que paie tout de même, à elle seule, la partie des contribuables français qui bénéficie de cet allégement.

M. Hervé Novelli. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne voulez tout de même pas nous faire pleurer sur leur sort !

M. Didier Migaud. C’est l’ISF, pas l’impôt sur le revenu !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je tenais à souligner que l’impôt sur le revenu est extrêmement concentré.

Pour le reste, le risque de délocalisation est important : on ne peut pas à la fois pleurer quand les entreprises s’en vont et ne pas prendre les mesures courageuses qui s’imposent. Nous les assumons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. En 2002, le Président de la République avait annoncé qu’il convenait de baisser l’impôt sur le revenu afin de favoriser l’emploi et la croissance. On a vu le résultat. Lorsque le Gouvernement de M. de Villepin est arrivé aux affaires, il s’est empressé de baisser les impôts et on voit ce que cela donne aujourd’hui.

Monsieur le ministre, vous devez assumer vos responsabilités : vous ne voulez pas améliorer la justice fiscale, car le mot vous semble grossier, mais vous n’améliorez pas non plus la compétitivité économique. Ce n’est pas sérieux ! Vous voulez freiner l’exode fiscal, mais rien de plus normal. Le droit pour tous et les avantages pour les amis : voilà à quoi se résume votre politique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 343.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 344.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 345.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. L’amendement n° 345 vise à instituer une cotisation minimale au titre de l’ISF. En effet, monsieur le ministre, un allégement de 282 millions d’euros qui bénéficie à 5 000 contribuables représente, pour chacun d’entre eux, des sommes considérables. Au regard de ce qui est fait pour les bénéficiaires de la prime pour l’emploi ou pour d’autres catégories de Français, on ne peut pas estimer que les dispositions que vous proposez sont équilibrées.

Vous pouvez certes caricaturer nos positions en nous faisant dire ce que nous ne disons pas – nous n’avons jamais dit que les riches étaient mauvais –, mais nous considérons qu’à partir d’un certain niveau de revenu, on peut supporter une imposition. L’ensemble des mesures que vous proposez – celle-ci comme d’autres que vous avez présentées dans la première partie du projet de loi de finances et dans d’autres textes – se traduiront en 2006, pour quelques contribuables, par plusieurs centaines de milliers d’euros de réduction d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune. Un tel déséquilibre fait même hoqueter le président de la commission des finances !

Nous estimons donc qu’il faut introduire davantage de justice dans vos dispositions : c’est le but de la cotisation minimale que prévoit l’amendement n° 345. Il ne faut pas que les dispositions que vous proposez puissent réduire à zéro une contribution au titre de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable parce que M. Migaud oublie de dire qu’en tout état de cause le contribuable payera, au titre de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, 60 % de son revenu.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien sûr.

M. Didier Migaud et M. Henri Emmanuelli. Mais non, pas avec les niches fiscales !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. De surcroît, la CSG ne figure pas dans le plafond. Si on prend en compte les 11 % de prélèvements sociaux qui ne figurent pas dans le plafond, on retrouve très exactement le plafonnement à 70 % introduit par la majorité socialiste en 1988. Il faut être cohérent. Ne soyez pas amnésiques, chers collègues de gauche.

M. Didier Migaud et M. Henri Emmanuelli. Assumez-vous !

M. Richard Mallié. Nous le faisons !

M. le président. Je constate que M. le ministre adhère à l’argumentation de M. le rapporteur général. J’en déduis donc que l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 345.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Henri Emmanuelli. C’est honteux !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 337.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. L’amendement vise à supprimer la partie la plus injuste de ce bouclier : l’obligation faite aux collectivités locales de rembourser une partie des impôts. Celles qui sont en difficulté seront en effet obligées d’augmenter les impôts, d’autant que, la semaine prochaine, vous allez plafonner la taxe professionnelle et qu’elles n’auront que cette solution ! Les collectivités locales en difficulté devront augmenter les impôts des ménages pour rembourser ceux payés par les contribuables les plus favorisés, les plus riches, pour dire les choses comme elles sont. Pour rembourser les impôts payés par les plus riches, il faudra augmenter encore plus les impôts des plus pauvres ! C’est ce que le ministre, la majorité, en particulier M. Mariton, nous explique tout en disant que c’est une réforme juste !

M. Hervé Mariton. Oui !

M. Augustin Bonrepaux. Parce que vous n’avez pas le courage de faire directement ce que je viens de dire, vous avez trouvé une mesure un peu tordue (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui vise à prélever sur la masse pour qu’on ne s’en aperçoive pas, pour que ce soit moins douloureux. Vous n’avez pas le courage d’afficher ce que vous voulez.

Je constate d’ailleurs que je ne suis pas tout seul à protester contre ce dispositif puisque le président de l’association des maires de France a déposé un amendement dont l’objectif est identique. Malheureusement, peut-être qu’il n’aura pas le courage de venir le défendre ici.

Il est particulièrement inique de vouloir faire payer les collectivités locales. Les autres pays ne le font pas ! Et vous, vous voulez le faire ! Vous appelez les collectivités locales à vous aider dans votre politique, alors que vous ne leur faites pas confiance et que vous les sanctionnez en introduisant un tel dispositif !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Je demande à notre collègue Augustin Bonrepaux d’être un peu patient parce que si l’Assemblée adopte tout à l’heure, comme je l’espère, l’amendement n° 262 rectifié, ses craintes seront apaisées.

M. Éric Raoult. Rien ne peut l’apaiser !

M. le président. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 337.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 340, 66, 509 et 604, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 66, 509 et 604 ne sont pas défendus.

M. Charles de Courson. Je reprends l’amendement n° 604, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 604 de M. Pélissard est repris par M. Charles de Courson.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour présenter l’amendement n° 340.

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement et le président de la commission des finances accusent toujours les collectivités locales de percevoir trop de compensations de l’État. Mais chaque fois qu’il y a une compensation, c’est que l’Assemblée en a décidé ainsi, et souvent sur proposition du Gouvernement. Ce n’est donc pas la faute des collectivités locales si leurs bases se réduisent et si elles ont de moins en moins d’autonomie fiscale, contrairement aux engagements pris.

Puisque vous voulez prendre la responsabilité de faire ce bouclier fiscal, prenez au moins la responsabilité d’en assumer le coût ! Vous prenez une décision, mais vous voulez en faire supporter le coût par les collectivités locales ! C’est cela qui est particulièrement révoltant et particulièrement injuste.

Il est vrai que, dans ce domaine, vous voulez chapeauter les collectivités locales et les empêcher de répondre aux besoins de leurs administrés. Entre le bouclier fiscal et le plafonnement de la taxe professionnel, elles n’auront plus qu’une alternative : réduire les services et les investissements, ou augmenter les impôts sur les ménages. Il serait tout de même plus responsable que l’État paye le prix de vos décisions.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 604.

M. Charles de Courson. Je défends cet amendement parce qu’une fois qu’on a fait la faute d’intégrer les impôts locaux dans le bouclier, au moins n’en commettons pas une deuxième en allant les récupérer, surtout pour 42 millions d’euros et sans aucun effet significatif. Il serait aberrant de demander, au bout de deux ans, à des collectivités extrêmement modérées sur le plan fiscal un remboursement alors qu’elles ne sont pas responsables. Dans certains cas, on viendra même ponctionner des communes qui ont une totale stabilité fiscale avec des taux très bas depuis quinze ans. Vous irez vous expliquer devant le Conseil constitutionnel sur le fondement de votre mesure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 340 et 604 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Le Gouvernement est du même avis que la commission.

Je mets aux voix l’amendement n° 340.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 604.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 262 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues, j’ai préparé l’amendement avec mon collègue Hervé Mariton, et je crois qu’il donnera satisfaction à chacun d’entre vous.

Comme l’a suggéré Hervé Mariton, dans l’hypothèse où l’imposition atteint 60% du revenu du seul fait de l’addition de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, il est hors de question de demander aux collectivités de prendre en charge une restitution au titre des impôts locaux.

En revanche, s’il faut ajouter les impôts locaux pour atteindre ledit plafond, il devient légitime que les collectivités locales contribuent au financement de la restitution. Mais, reprenant les objections tout à fait justes qu’a formulées tout à l’heure Jean-Jacques Descamps, il faut que le système soit mutualisé et que ce ne soit pas telle ou telle collectivité qui participe à ce financement.

M. Henri Emmanuelli. C’est ça, ceux qui n’y sont pour rien payent tout de même !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La mutualisation consiste à prendre en charge non plus 40 millions dès lors que l’on ne compte pas les impôts locaux si le plafond est atteint par les seuls impôts d’État, mais seulement 20 millions. Et comment trouver ces 20 millions ? C’est tout simple : en les prenant sur la dotation globale de fonctionnement.

M. Henri Emmanuelli. Ben voyons ! Il ne faut pas se gêner !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Soyons sérieux, monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli. Soyons précis, monsieur le rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Combien fait la dotation globale de fonctionnement ? Elle s’élève à 38 milliards d’euros ! Vingt millions par rapport à 38 milliards d’euros, c’est cinq dix-millièmes ! (exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. C’est une question de principe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La DGF peut absorber un effort de cinq dix-millièmes dans un souci de justice et d’équité à l’égard de l’ensemble des collectivités locales, quelles qu’elles soient.

M. Henri Emmanuelli. N’insultez pas la justice !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propositions formulées par M. Mariton et M. Carrez, et qui ont donné lieu à cet amendement adopté par la commission des finances. Je crois qu’il est sage. Il ne dénature pas la philosophie de cette réforme car il permet de rester dans une logique de responsabilités partagées, de préserver la logique du plafonnement, qui est un des éléments majeurs de la réforme fiscale, et d’être juste. On retrouve la logique de justice et d’attractivité à laquelle je suis moi aussi très attaché. C’est la raison pour laquelle je donne un avis favorable sur l’amendement n° 262 rectifié et je lève le gage.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le rapporteur général a très bien explicité la logique de l’amendement. Il y a en effet un partage des responsabilités. Nous avons entendu, à de nombreuses reprises, M. Bonrepaux nous parler de collectivités qui doivent augmenter les impôts. Je rappelle que si, parfois, certaines y sont contraintes, il doit arriver de temps en temps que d’autres choisissent de le faire.

M. Augustin Bonrepaux. Vous allez les obliger à le faire !

M. Hervé Mariton. S’agissant de l’amendement lui-même, il introduit plus de cohérence : lorsque les impôts d’État, à eux seuls, conduisent à franchir le niveau du plafonnement fiscal, il est normal que l’État, et lui seul, paye.

Pour ce qui est de la restitution, le dispositif prévu a le mérite de la simplicité.

M. Augustin Bonrepaux. C’est de la mesquinerie !

M. Hervé Mariton. Non, monsieur Bonrepaux. Ce dispositif a le mérite d’être simple, transparent et cohérent.

Cela étant, je crois qu’au fil du temps, il vaudra la peine de voir si on peut avoir un ciblage plus fin de cette restitution. À ce stade, je pense que la restitution sur la DGF est meilleure qu’une moins-value sur impôt local. Une restitution qui eût été ciblée sur les collectivités dont les impôts sont supérieurs au taux moyen de leur catégorie et qui les ont augmentés sur une période récente ajouterait un élément de cohérence à l’ensemble. Mais je comprends qu’à ce stade ce soit un peu compliqué à mettre en œuvre et qu’il faille encore travailler là-dessus. L’amendement est un bon point d’équilibre pour cette année.

M. Henri Emmanuelli. Les études vont coûter plus cher que le produit !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Comment peut-on parler de responsabilisation ? Il n’y en n’a plus aucune puisque l’on va sanctionner collectivement les collectivités locales, y compris celles qui ont baissé les impôts.

M. Didier Migaud. Mais oui !

M. Charles de Courson. Et quelle usine à gaz ! Si l’on ajoute l’IR, l’ISF et les impôts locaux et que le total dépasse le seuil de 60%, le différentiel ne sera pas imputé à la collectivité concernée mais à l’ensemble des collectivités via la DGF ! Pareille complexité est aberrante ! C’est la responsabilité collective ; vous réinventez la sanction collective, y compris à l’encontre des gens vertueux. Mes chers collègues, moi, j’ai des valeurs, je n’ai pas été élu au Parlement pour appliquer des sanctions collectives !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous sommes nous aussi très surpris par cette proposition. Non, ça n’est pas un bon compromis, monsieur Mariton, puisque vous coupez un mauvais fruit en deux.

M. Henri Emmanuelli. Ça reste un fruit pourri !

M. Hervé Mariton. Je suis prêt à vous abandonner son noyau !

M. Didier Migaud. Pour nombre d’entre nous, la mesure proposée est ridicule. Il s’agit d’une véritable usine à gaz, pour un rapport tout de même faible pour l’État : 43 millions d’euros ramenés à 20 millions d’euros.

En fait, il s’agit d’une question de principe : pourquoi les collectivités locales seraient-elles responsables ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et le contribuable qui n’arrive pas à payer ses impôts locaux, il compte aussi !

M. Didier Migaud. Bien sûr ! Mais le bouclier fiscal est une décision prise par l’État, c’est donc à lui de l’assumer et non pas aux collectivités locales !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ah, toujours l’État !

M. Didier Migaud. Mais oui ! La responsabilité est bien prise par l’État et non par les collectivités locales !

Pourquoi donc faire supporter par les collectivités locales, via la DGF, une mesure prise sous la responsabilité de l’État ? Il faut de la cohérence dans vos propositions ! Allez-vous nous déclarer que vous en êtes réduits à mendier 20 millions d’euros ? Votre gestion depuis juin 2002 est-elle si catastrophique qu’elle vous oblige à faire appel aux collectivités locales pour cette somme ? Où donc avez-vous conduit notre pays, pour en être à 20 millions près ? Nous sommes convaincus que la plupart des élus locaux partagent notre sentiment : cette disposition ne doit pas concerner les collectivités locales.

Nous aurons, monsieur Carrez, l’occasion de reparler du barème. On a évoqué 280 millions d’euros pour 5000 personnes. Il sera question tout à l’heure d’un milliard d’euros pour 1 % des contribuables ! C’est là votre conception de la justice fiscale.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Carrez, l’État doit un milliard aux collectivités locales !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, je suis indigné par vos propos. Votre procès d’intention est inacceptable.

M. Augustin Bonrepaux. Payez le milliard dû aux collectivités locales !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Laissez-moi vous rappeler qu’il ne s’agit nullement d’une affaire de gros sous : il faut mettre ces 20 millions d’euros en regard de l’augmentation d’un milliard et demi par l’État du prélèvement sur recettes en faveur des collectivités locales en 2006 et des 450 millions qui leur seront versées au titre du transfert du RMI en fin d’année, que je m’engage à honorer.

MM. Augustin Bonrepaux, Henri Emmanuelli et Didier Migaud. Combien l’État doit-il aux collectivités locales ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous manquez de fair play ! Que vous soyez hostiles à cette réforme, nul ne s’en étonnera. Rien d’anormal à cela : nous ne sommes pas du même bord politique ; nous avons des sensibilités différentes. Reste qu’il était tout à fait légitime d’associer les impôts locaux : c’est bien au contribuable que nous pensons ; c’est lui qui est au cœur de notre réforme. Il est autant concerné par les impôts de l’État que par ceux des collectivités locales.

M. Henri Emmanuelli. Vous pensez seulement à 6 000 contribuables, alors qu’il y en a des millions, monsieur Copé !

M. le président. L’Assemblée étant suffisamment éclairée, je mets aux voix l'amendement n° 262 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 338, 339 et 341 de M. Bonrepaux tombent.

Je mets aux voix l'article 58, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 58, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 58

M. le président. Après l’article 58, je suis saisi d’un amendement n° 548.

À la demande du président de la commission des finances, cet amendement est réservé et sera discuté après l’article 61.

Article 59

M. le président. Sur l’article 59, plusieurs orateurs sont inscrits, mais je leur propose, s’ils en sont d’accord, de passer directement à l’examen des amendements, cadre dans lequel ils pourront s’exprimer. (Assentiments).

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 307 et 346, de suppression de l’article n° 59.

La parole est à de M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 307.

M. Charles de Courson. Je proposerai un commentaire sur les articles 59 et 60, qui dépendent l’un de l’autre.

On ne nous a guère renseigné sur les conséquences de ce qu’on entend nous faire voter. Ces deux articles allègent l’impôt de 3,6 milliards d’euros. Première observation : il nous manque le premier sou ! Mais après tout, 3 ou 4 milliards de déficit de plus ou de moins, on n’est plus à ça près et on peut continuer d’endetter le pays.

Sur le fond, la réforme envisagée par le Gouvernement pose plusieurs problèmes.

En premier lieu, l’abattement de 20 % ne concernait pas tous les revenus. Cet abattement était plafonné pour les salariés gagnant plus de 120 000 euros. Des jours et des jours de réflexion ont été nécessaires pour obtenir un chiffre très simple : au-dessus de 120 000 euros, le nouveau dispositif, intégrant l’abattement de 20 %, se traduit par une baisse d’impôt de 880 millions d’euros pour quelque 100 000 bénéficiaires, soit en moyenne près de 9 000 euros de réduction d’impôt pour chacun d’entre eux.

En additionnant ce chiffre aux 280 millions d’euros au titre du plafonnement qui vient d’être voté – dont bénéficieront 16 800 contribuables –, on arrive à un total de près de 1,2 milliard, pour un peu plus de 110 000 bénéficiaires. En tenant aussi compte du coût de la prime pour l’emploi – environ un milliard –, cela porte le total à un peu plus de 5 milliards.

Ainsi, presque le quart de ces mesures profitera à environ 110 000 personnes, soit 0,4 % des contribuables français. Et le Gouvernement, fidèle à sa langue de bois, de continuer à prétendre que la réforme est conçue en faveur des classes moyennes !

Dans son rapport, notre rapporteur général a proposé des simulations très intéressantes, envisageant différentes situations – célibataires, couples mariés avec ou sans enfant, etc. Nulle à certains niveaux de revenus – 30 000 ou 40 000 euros –, l’économie d’impôt peut représenter 2,7 % des revenus dépassant 200 000 à 250 000 euros. On est dans l’incohérence la plus totale !

Comment voulez-vous, mes chers collègues, que le groupe UDF vote une réforme à crédit dont les conséquences sont aussi aberrantes ?

Lorsque Alain Juppé, que beaucoup ont critiqué, a réformé l’impôt sur le revenu, cela a exigé des mois de travail. Une réforme juste et équilibrée, étalée sur cinq ans, a alors pu voir le jour. La réforme dont nous discutons a été élaborée en cinq semaines !

Deuxième exemple : les professionnels indépendants. Ceux-ci pouvaient bénéficier de l’abattement de 20 % dès lors qu’ils adhéraient à une association ou un centre de gestion agréé. Le Gouvernement propose que les revenus des non adhérents soient majorés de 25 %. En d’autres termes, il demande au Parlement d’accepter l’idée que ces professionnels sont tous fraudeurs, à hauteur de 25 % ! Au nom de mon groupe, j’ai déposé un amendement visant à supprimer cette disposition ; la commission des finances m’a suivi. En revanche, je ne l’ai pas été sur la proposition d’accorder un avantage fiscal – 4 ou 5 %, par exemple – pour les adhérents des centres de gestion.

Je pourrais prendre d’autres exemples pour montrer les aberrations de cette réforme. On ne peut pas demander aux services de l’État d’élaborer un texte en cinq semaines sans multiplier les erreurs ! C’est pourtant ce que nous propose le Gouvernement.

L’UDF votera donc contre cette réforme. Ceux qui voteront pour s’en mordront les doigts !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement de suppression.

Nous n’avions que trop attendu cette réforme de l’impôt sur le revenu. En incluant la revalorisation de la prime pour l’emploi, elle porte sur 4,6 milliards d’euros d’allégements – donc d’amélioration du pouvoir d’achat des Français. Pour les trois quarts – soit 3,6 milliards d’euros –, l’allégement d’impôt et l’augmentation de la prime pour l’emploi bénéficient aux bas et moyens revenus. La réforme Fabius n’allait pas aussi loin ! N’oublions pas qu’entre 2000 et 2002, la précédente majorité avait engagé une baisse de l’impôt sur le revenu moins favorable aux classes moyennes.

L’autre quart, soit un milliard, vise à rendre notre territoire plus attractif. Cela fait presque vingt ans que nous nous lamentons de l’hémorragie de talents, de l’absence d’encouragements à l’initiative et du découragement qui gagne ceux qui créent de la richesse. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Avec un taux marginal plafonné à 40 %, nous nous donnons les moyens de soutenir la comparaison avec les autres grands pays européens. Il sera désormais faux d’affirmer que les jeunes talents quittent notre pays à cause d’un impôt sur le revenu confiscatoire.

Enfin, cette réforme permet de simplifier l’impôt sur le revenu en le rendant plus lisible : cinq tranches au lieu de sept ; une tranche maximale imposée à 40 % ; un montant de déclaration équivalent à ce qu’on a gagné, à la place d’un système complexe, où, quand on gagnait 100, il fallait déduire 10, puis 20, pour obtenir 70, lequel montant se voyait affecté de taux très élevés et dissuasifs en apparence – comme le taux marginal de 48,6 %.

Voilà une très belle réforme, déjà engagée, comme Charles de Courson a eu le mérite de le reconnaître, par Alain Juppé. Mais cela n’avait duré qu’un an : sitôt revenue au pouvoir, la gauche s’est empressée de la supprimer, pour redécouvrir, trois ans plus tard, qu’il était indispensable de baisser l’impôt sur le revenu ! (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes pour ou contre ? Il faudrait savoir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Alors ministre des finances, Laurent Fabius avait déclaré que si la majorité de gauche n’était pas capable de le faire, elle perdrait les élections !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 346.

M. Henri Emmanuelli. M. Carrez a toujours la même argumentation mais il manque singulièrement d’imagination !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, laissez M. Migaud s’exprimer.

M. Didier Migaud. Je suis étonné d’entendre autant de contrevérités dans la bouche de notre rapporteur général !

On nous propose des mesures qui visent une nouvelle fois à baisser l’impôt sur le revenu.

M. Hervé Mariton. Exact !

M. Didier Migaud. Je ne sais s’il faut appeler réforme fiscale une amplification de mesures déjà prises par le gouvernement Raffarin. C’est du Raffarin en pire, en plus gros !

M. Hervé Mariton. C’est fin !

M. Didier Migaud. Plusieurs membres de la majorité ont avoué que la réduction de l’impôt sur le revenu n’avait pas eu l’efficacité escomptée pour la croissance – M. Mer et M. Méhaignerie ont tenu des propos en ce sens – et que, compte tenu du contexte économique et social, elle n’était plus une priorité. En une nuit, les discours ont changé, et vous nous proposez une amplification de la baisse de l’impôt sur le revenu ! Suprême hypocrisie : malgré les effets prévus pour 2006, vous reportez cette baisse en 2007, c’est-à-dire à une époque où vous ne serez peut-être plus – c’est du moins ce que nous espérons – aux responsabilités. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Il n’est pas interdit de rêver !

M. Hervé Mariton. Il faut donc nous laisser aux responsabilités !

M. Didier Migaud. Comme l’a très justement observé Charles de Courson, il s’agit donc d’une réforme non financée.

Nous sommes donc tout à fait contre cette nouvelle proposition.

Monsieur le rapporteur général, en 1997 il y a eu une dissolution parce que vous estimiez ne pas être en mesure d’assurer la qualification de la France pour l’euro. Vous perceviez bien les difficultés que vous rencontriez et la nécessité, pour vous, de faire subir à nos concitoyens « une certaine purge », pour reprendre une expression consacrée.

Vous nous avez alors légué une situation budgétaire catastrophique : c’est pourquoi nous avons abandonné une réforme de l’impôt sur le revenu qui était démagogique et qui n’était pas davantage financée que celle-ci. Et lorsque nous avons procédé à de nouvelles réductions d’impôts en 2000 et 2001, le pays connaissait des taux de croissance de plus de 4 % ! Par ailleurs, elles ont concerné tous les Français grâce à une baisse de la TVA.

De fait, nous avons en France un vrai problème avec l’impôt sur le revenu !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai !

M. Didier Migaud. Mais il est faux de prétendre, monsieur le rapporteur général, qu’on paie en France beaucoup plus d’impôt sur le revenu qu’ailleurs. Toutes les études démontrent le contraire : on en paie notamment autant en Grande-Bretagne, voire davantage aux États-Unis.

Le poids de l’impôt sur le revenu par rapport au PIB est en France beaucoup plus faible que dans un grand nombre de pays comparables. Telle est la réalité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous oubliez de rappeler qu’en France la moitié des foyers ne paient pas l’impôt sur le revenu !

M. Hervé Novelli. Il faut également tenir compte de la CSG !

M. Didier Migaud. Même si on l’ajoute, mon cher collègue, le poids des impôts directs en France est très inférieur à ce qu’il peut être dans d’autres pays.

M. Hervé Novelli. La CSG, c’est 11 % de plus !

M. Didier Migaud. Le problème de la France, c’est celui du déséquilibre entre la fiscalité directe et la fiscalité indirecte.

Monsieur le rapporteur général, vous avez avancé des contrevérités.

Comment, en effet, pouvez-vous nous expliquer que la baisse de l'impôt sur le revenu profitera aux classes moyennes ? Cela relève de l’hypocrisie et du mensonge. Vous avez beau évoquer les sondages : leurs résultats prouvent simplement que les Français ne sont pas suffisamment informés de la réalité de vos propositions. Aussi leurs réponses ne peuvent-elles pas intégralement recouper notre analyse !

Le rapporteur général nous explique d’ailleurs lui-même dans son rapport que le dernier décile bénéficiera de près de 63 % du coût de la réforme, soit 2,28 milliards d’euros pour 10 % seulement des foyers fiscaux ! Quant au dernier centile, il bénéficiera de 29 à 30 % de la baisse de l’IRPP : plus d’un milliard d’euros pour 1 % des foyers fiscaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est normal que les baisses soient proportionnelles au montant des impôts !

M. Didier Migaud. Comment, sur la base de tels chiffres, peut-on encore prétendre que ce sont les classes moyennes et les plus défavorisés de nos concitoyens qui bénéficieront de votre réforme ? Je le répète : cela relève non pas tant de la langue de bois que de l’hypocrisie et du mensonge !

C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 59.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, vous avez déjà donné l’avis de la commission sur l’amendement de suppression n° 307. Je suppose que la commission n’en a pas changé.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

Monsieur Migaud, vous avez oublié de préciser que l'impôt sur le revenu, en France, est extrêmement concentré : la moitié des contribuables seulement y est assujettie. Ceci explique cela ! Les paradoxes que vous relevez trouvent leur fondement dans cette concentration à l’extrême.

M. Henri Emmanuelli. Élargissons, alors !

M. Didier Migaud. Mais vous ne le proposez pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je tiens à préciser certains points afin de prévenir tout procès d’intention.

Le Gouvernement vous propose une réforme majeure de l'impôt sur le revenu, qui associe la simplification du barème, l’attractivité et la vérité des prix…

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …par la suppression de l’abattement des 20 %.

Quoi que vous avanciez, monsieur Migaud, les chiffres sont là, qui font échouer tous les procès d’intention. La réalité, c’est que la baisse d’impôt bénéficiera à 75 % aux revenus inférieurs à 42 000 euros.

M. Henri Emmanuelli. Donnez-nous le nombre de contribuables concernés dans chaque cas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quant au procès récurrent que vous nous faites sur la tranche supérieure, celle des 130 000 foyers dont les revenus dépassent 100 000 euros, je serai clair, monsieur Migaud : ce qui compte, c’est que la réforme garantit la même progressivité de l’impôt. Or, je certifie à l’Assemblée nationale que ces revenus, qui paient actuellement 21,1 % du total de l'impôt sur le revenu, en paieront, après la réforme, près de 22 % ! Non seulement nous préservons, mais nous améliorons légèrement la progressivité.

M. Hervé Novelli. S’agit-il vraiment d’une amélioration ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ou nous l’aggravons, si vous préférez.

M. Jean-Pierre Gorges. Ce que nous regrettons !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quoi qu’il en soit, nous avons respecté la progressivité de l'impôt sur le revenu, et c’est cela l’essentiel. Notre simplification de l’impôt sur le revenu permet aux revenus modestes de profiter à 75 % de la baisse.

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez toujours pas donné pour chaque tranche le nombre de contribuables concernés !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous veillons donc à ce qu’il n’y ait aucun perdant, ce qui nous différencie peut-être de vous !

M. Augustin Bonrepaux. Aucun perdant, mais combien de victimes ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Une bonne réforme fiscale est à nos yeux une réforme qui ne fait aucun perdant, parce qu’on ne peut pas continuer de pointer du doigt certains de compatriotes ! Nous avons besoin de tous les Français pour redresser le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Du reste, monsieur Migaud, en critiquant cette réforme, vous ne visez pas tant le Gouvernement Villepin, ni même le Gouvernement Juppé, que M. Fabius lui-même !

M. Didier Migaud. Cela vous amuse d’entonner sans cesse la même rengaine !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La pédagogie est fille de la répétition !

M. Henri Emmanuelli. La répétition est surtout le signe d’un manque total d’imagination !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis désolé que la gauche balaie chaque fois ce rappel d’un revers de main. C’est comme si je disais un gros mot !

M. Henri Emmanuelli. C’est que vous êtes incapable de dire autre chose ! Vous êtes ridicule ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Au concours du ridicule, monsieur Emmanuelli, à vous entendre hurler comme vous faites depuis un bon moment, je ne sais pas qui gagne !

Il n’en demeure pas moins que M. Fabius signait en 1999 une tribune intitulée « Baisser les impôts pour préparer l’avenir », dans laquelle il écrivait : « Pourquoi avoir choisi de baisser les impôts ? Ni par dogmatisme, ni par préjugé. Notre plan d’allégement et de réforme des impôts s’inscrit dans une stratégie de politique économique : favoriser la croissance pour créer davantage d’emplois et en distribuer équitablement les fruits. »

M. Hervé Novelli. Brave Fabius !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il était formidable, Fabius, à l’époque, monsieur Migaud. Vous aviez raison de le suivre !

M. Henri Emmanuelli. On ne vous parle pas de Fabius, mais de vous ! Vous êtes un petit ministre, un ministricule ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Un peu de modération, monsieur Emmanuelli !

M. Gilbert Meyer. Et de politesse, tout de même !

M. le président. Il serait temps que cessent de tels propos !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’INSEE a d’ailleurs montré que 80 % de la baisse de l'impôt sur le revenu en 2002-2003 ont été consacrés à la consommation. Notre réforme soutiendra d’autant plus la croissance qu’elle est concentrée pour les trois quarts sur les revenus moyens.

M. Gérard Bapt. Alors que la gauche avait augmenté les recettes fiscales et diminué les déficits, vous, vous baissez les impôts mais aggravez les déficits !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur de Courson, je souhaite également répondre à votre remarque.

Je rappelle que si le chiffre de 14,8 % représente la répartition du gain, la progressivité de l’impôt – je le répète pour vous – est entièrement préservée.

Quant au choix essentiel que nous avons fait de réduire le nombre des tranches, vous êtes en quelque sorte contraint de nous rejoindre. M. Bayrou, en 2002,…

M. Henri Emmanuelli. Après Fabius, c’est le tour de Bayrou !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …proposait un impôt à quatre tranches : 10 %, 20 %, 30 % et 40 % ! Avec cette réforme, nous sommes exactement dans le même cas de figure ! Même si aujourd'hui vous êtes dans l’opposition, monsieur de Courson, vous pourriez nous rejoindre au moins sur cette disposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Quatre applaudissements, c’est peu !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Chacun a bien compris que les socialistes souhaitent augmenter l’impôt sur le revenu.

M. Yves Censi. C’est clair, en effet !

M. Hervé Mariton. Vous le dites explicitement dans toutes les motions et vous le répéterez ce week-end, lors de votre congrès. Dont acte ! Nous, non !

M. Didier Migaud. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Mariton. Le rapporteur général l’a rappelé : l’essentiel de la réforme profite aux bas et aux moyens revenus.

Depuis quelques jours, nous vous entendons mener une chasse aux revenus élevés.

M. Didier Migaud. Mais non !

M. Hervé Mariton. Curieux !

Je rappelle que lors des élections de 2002, nous nous étions engagés à réduire l'impôt sur le revenu : or – extraordinaire, n’est-ce pas ? – l’UMP tient ses engagements électoraux !

M. Henri Emmanuelli. Non ! Puisque vous les reportez à 2007 !

M. Hervé Mariton. En France, l’impôt sur le revenu étant extrêmement concentré – cela a été rappelé par le rapporteur général et le ministre –, il n’est pas surprenant, dès lors que nous le baissons, que, quel que soit l’effort accompli en faveur des revenus modestes, la baisse concernant les revenus élevés soit également importante !

Le ministre a rappelé que la progressivité de l’impôt était respectée. Il a même souligné que la réforme l’aggravait, ce qui n’est pas, à mes yeux, sa qualité première.

M. Hervé Novelli. En effet !

M. Michel Piron. Absolument !

M. Hervé Mariton. Il n’en reste pas moins vrai que les 130 000 foyers fiscaux aux revenus les plus élevés qui versent plus de 21 % de l'impôt sur le revenu ne représentent que 0,4 % des foyers fiscaux ! Reconnaissons-le : 0,4 % des foyers fiscaux, en France, paient plus de 21 % de l'impôt sur le revenu.

Il n’y a pas de quoi s’émouvoir et nous ne versons pas de larmes sur eux !

M. Augustin Bonrepaux et M. Henri Emmanuelli. Mais si !

M. Hervé Mariton. Mais il est tout aussi normal, je le répète, que la baisse soit importante pour les revenus élevés ! Il s’agit d’un effet mécanique !

Enfin, monsieur Migaud, vous vous interrogez sur la capacité de la majorité à mener à bien cette réforme en 2007 et à l’assumer pleinement.

M. Augustin Bonrepaux. Qui la paiera ?

M. Hervé Mariton. Le plus simple, ce sera qu’en 2007 nos concitoyens reconduisent notre majorité.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est en effet indispensable !

M. Hervé Mariton. Cela nous permettra de mener à bien une réforme qui est manifestement appréciée des Français, comme l’indique le sondage que le ministre a rappelé.

Il s’agit d’une bonne réforme. Que les Français continuent de nous faire confiance, et nous pourrons la mener jusqu’à son terme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Mariton, vous devriez vous méfier des sondages ! Pensez à ceux du mois de mai dernier et au raz-de-marée qui a suivi !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, laissez parler l’orateur !

M. Didier Migaud. M. Mariton devrait être plus sensible aux résultats électoraux qu’aux sondages ! Les résultats électoraux de l’UMP depuis juin 2002 lui paraissent-ils si favorables que cela ?

M. Hervé Novelli. Oubliez-vous les élections partielles ?

M. Didier Migaud. Attendons les élections générales pour nous prononcer !

M. le président. Ne nous écartons pas de notre sujet, je vous prie.

M. Didier Migaud. Je répondais à M. Mariton.

Je trouve très amusant que le ministre délégué au budget fasse constamment référence à certains responsables du parti socialiste. Il aurait pu en citer d’autres. Mais je connais son esprit taquin ou perfide : c’est pourquoi je ne m’étonne pas de le voir s’immiscer dans nos histoires…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. De familles !

M. Didier Migaud. …de congrès.

Mais je pense qu’il compare des éléments qui ne sont pas comparables.

Or, pour le moment, c’est lui qui est au Gouvernement et doit donc assumer ses responsabilités. Ce qu’il propose ne paraît pas du tout raisonnable dans un contexte difficile. En effet, le ministre de l’économie et des finances explique que la France vit au-dessus de ses moyens et que le produit de l’impôt sur le revenu suffit à peine pour couvrir les charges d’annuité. Et que nous propose le même ministre de l’économie et des finances ? Réduire le produit de l’impôt sur le revenu. Allez donc comprendre quelque chose à la cohérence du Gouvernement !

M. Yves Censi. Ce n’est plus Fabius, c’est Diafoirus !

M. Didier Migaud. En ce qui concerne nos propositions, ne les caricaturez pas. Nous ne proposons pas une augmentation de l’ensemble des impôts. Mais nous sommes contre la réduction de l’impôt sur le revenu car nous estimons que ce n’est pas une priorité pour le pays.

M. Hervé Mariton. Vous êtes pour la hausse de l’impôt sur le revenu !

M. Didier Migaud. Or, s’il y a une priorité en matière d’impôts, si l’on veut rééquilibrer notre système, c’est plutôt sur la fiscalité locale ou la fiscalité indirecte qu’il faut fournir des efforts. Agir en ce sens peut avoir un effet beaucoup plus important sur la consommation, sur la croissance et cela correspond davantage à la justice fiscale telle que nous la concevons.

Vous savez par ailleurs très bien, monsieur le ministre, que les taux marginaux ne sont pas les taux réels. Nous sommes tout à fait d’accord sur le fait que vous preniez des mesures de simplification, que vous souhaitiez une plus grande lisibilité de notre impôt sur le revenu. Mais sous prétexte d’améliorer la situation de l’emploi, de simplifier les procédures, vous nous proposez une réforme fiscale qui, une fois encore, est profondément injuste.

Pour finir, je vous redirai que vos propos contredisent totalement le rapport de M. Carrez puisque, selon lui, 63 % du bénéfice de la mesure iront à 10 % des assujettis à l’ISF et 30 % à 1 % d’entre eux.

M. le président. La parole est à M. de Courson.

M. Charles de Courson. Si nous votons les deux articles dont nous discutons en partie simultanément, qu’aura-t-on fait en cinq ans ? On aura baissé l’impôt sur le revenu de 16 %. Or, je rappelle que la promesse du Président de la République prévoyait de baisser cet impôt d’un tiers. On l’aura donc tenue à moitié et d’ailleurs à crédit puisque, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, on continue de s’endetter au lieu de réduire les dépenses.

Ensuite, monsieur le ministre, vous n’avez pas démenti les chiffres que je vous ai donnés : 100 000 contribuables gagnant plus de 220 000 euros par an, réduiront leur impôt de 880 millions d’euros, à savoir environ 9 000 euros par foyer.

Enfin, en ce qui concerne la progressivité, je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport Carrez. Je vais prendre deux exemples : pour un contribuable célibataire sans personne à charge, la réduction d’impôts s’établit à 1,6 % à 25 000 euros de revenus ; elle s’annule ensuite ; puis elle revient à 1 % à 80 000 euros de revenus ; elle s’annule de nouveau pratiquement à 130 000 euros de revenus ; enfin, elle remonte à 2,7 % au-delà de 200 000 euros de revenus. Rien de cela n’est cohérent. Cette réforme a été faite en cinq semaines, et cela se voit.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 307 et 346.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 263 rectifié de la commission des finances.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie pour le défendre.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il est très difficile de réussir une réforme qui concilie dans le même temps les trois objectifs de lisibilité, d’attractivité économique et d’équité.

M. Didier Migaud. On en est loin !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je pense que le Gouvernement est allé dans la bonne direction dans la poursuite de l’efficacité et de la lisibilité au sein d’une économie ouverte.

Je souhaite attirer votre attention sur le livre que j’ai en main.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quel livre ?

M. Didier Migaud. S’agit-il du dernier ouvrage de M. Sarkozy ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. À la page 28, on peut noter non sans intérêt que pour assurer à un salarié célibataire un revenu net après impôt et cotisations sociales de 68 000 euros, un employeur, en France, doit lui accorder 221 000 euros, contre 125 000 en Allemagne et 103 000 en Suisse.

M. Henri Emmanuelli. C’est l’exemple d’un célibataire que vous prenez ! Et vous oubliez le quotient familial qui est une spécificité française !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. À cause de cette situation, un certain nombre d’entreprises internationales ou nationales ont déplacé leur siège.

Je crois par conséquent que le Gouvernement a parfaitement atteint ces deux objectifs d’efficacité et de lisibilité.

Quant à l’exigence d’équité, le Gouvernement l’a aussi perçue, car il est vrai que la suppression de l’abattement de 20 % bénéficie de façon non négligeable aux très hauts revenus. Aussi le Gouvernement a-t-il très justement corrigé cette perception par deux mesures. L’introduction de la prime pour l’emploi, soit 1 milliard d’euros au 1er janvier 2007, et, ce que nous avons été nombreux à applaudir, le plafonnement à 8 000 euros, plus 1 000 euros par enfant, pour les niches fiscales.

L’ensemble de ces mesures répondait parfaitement à l’exigence d’équité, d’efficacité et de lisibilité.

Néanmoins, à l’unanimité, la commission des finances a pensé qu’il fallait fournir un effort de simplification et de rééquilibrage en repoussant le niveau d’entrée dans la deuxième tranche de 10 846 euros à 11 000 euros et, inversement, en baissant le seuil de la dernière tranche à 65 500 euros.

Cet amendement présente donc un double avantage, de lisibilité et de simplification, d’une part, et de recherche d’une plus grande équité, d’autre part. Il a d’ailleurs été retenu à l’unanimité de la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’avis du Gouvernement est favorable car il va plus encore dans le sens de la justice.

Il faut savoir que le coût de cette mesure est de l’ordre de 200 millions d’euros. Mais, il ne l’ignore pas, je suis très attentif aux propositions du président de la commission des finances. Je sais qu’il est pour sa part très sensible au fait que je suis particulièrement ouvert à toutes ses propositions dès lors qu’elles ne dénaturent pas la philosophie de notre très fructueux travail commun.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Travail dont M. de Courson réduit la durée à cinq semaines. Il est bien sévère, car il y a plusieurs mois que nous travaillons sur ce projet.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et il lève le gage.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Puisque tout le monde y va de ses exemples, je voudrais citer celui d’un grand patron français nommé Thierry Desmarest.

Voilà un monsieur qui gagne 2,38 millions d’euros par an, soit 370 SMIC. Autrement dit, son seul salaire suffirait à payer tous ceux qui travaillent dans ma vallée.

J’ai fait un petit calcul et si M. Desmarest n’est pas d’accord avec moi, je l’invite à me faire un procès. Si l’on ajoute ses stocks options à ce qu’il gagne, on ne doit plus parler de 2,38 millions d’euros, mais de 5 millions ! C’est-à-dire qu’il va bénéficier d’un abattement de 120 000 euros – le prix d’une villa.

Si ce monsieur rendait de grands services à notre pays, je n’aurais rien dit. Mais que va-t-il faire avec les 12 milliards de bénéfices de son groupe ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Lassalle, je vous remercie de bien vouloir conclure.

M. Jean Lassalle. Mais, je n’ai pas fini !

M. le président. De toute façon vous n’aurez pas de procès puisque vous bénéficiez d’un grand principe constitutionnel, celui de l’immunité parlementaire.

M. Jean Lassalle. Ah bon ?

M. le président. Alors, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, mais hâtez-vous vers la conclusion !

M. Jean-Pierre Gorges. C’est un peu limite !

M. Jean Lassalle. Je finis. Que va-t-il donc faire, ce monsieur, avec ces douze milliards ? Il va fermer le site de Lacq, visité par le général de Gaulle en 1960, et par tous les grands chefs d’État ; il va laisser un tas de ruines sans aucun état d’âme et, pis, il va arracher une petite usine à notre vallée.

M. Hervé Mariton. Qu’est-ce que cette chasse à l’homme ?

M. Jean Lassalle. Tout cela nous fait beaucoup de mal et fait beaucoup de mal à notre pays.

Mme Christiane Taubira. Très bien, monsieur Lassalle !

M. Henri Emmanuelli. C’était bien, n’est-ce pas, monsieur Mariton ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 263 rectifié modifié, compte tenu de la levée du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 554, deuxième rectification.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez. rapporteur général. Cet amendement mérite une explication.

Il vise à clarifier la question de l’indexation d’un certain nombre d’impôts et en particulier l’ISF. Vous savez que l’on utilisait jusqu’à présent la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu pour indexer chaque année l’évolution des tranches d’autres impôts, comme l’ISF, ou comme d’autres éléments, par exemple les pensions alimentaires.

Cet amendement signifie que les tranches du barème de l’ISF seront indexées sur l’inflation et non sur le nouveau barème de l’impôt sur le revenu.

M. Didier Migaud. Oui, c’est une précision utile !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est du bon sens, mais cela méritait d’être précisé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 554 deuxième rectification.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 651.

La parole est à M. de Courson pour le défendre.

M. Charles de Courson. Je le retire puisqu’il rejoint l’amendement de M. Carrez.

M. le président. L’amendement n° 651 est retiré.

Je mets aux voix l’article 59.

(L’article 59 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 60

M. le président. Sur l’article 60, je suis d’abord saisi de trois amendements identiques de suppression, nos 347, 479 et 512.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l’amendement n° 347.

M. Augustin Bonrepaux. Si nous proposons par cet amendement la suppression de l’article 60, c’est que M. le ministre ne nous a pas rassurés. Bien au contraire, il a aggravé nos inquiétudes en tentant d’expliquer qu’alléger de un milliard l’impôt acquitté par 1 % des contribuables serait une bonne action, au prétexte que ce sont eux qui paient le plus d’impôts.

L’impôt étant, si je ne m’abuse, calculé en fonction des revenus, on peut en déduire que ces personnes disposent de revenus justifiant leur contribution. Vous n’allez tout de même pas les plaindre, monsieur le ministre ! M. Mariton a dit qu’il ne verserait pas une larme, mais vous, je crois que vous en versez beaucoup, au vu des cadeaux que vous leur avez faits dans la première partie du projet de loi de finances et que vous leur faites encore. Est-ce vraiment le moment, alors qu’il y a tant de misère dans le pays, que plus de trois millions de pauvres n’ont pas les moyens de se nourrir et que tant de problèmes se posent ? Avec quoi allez-vous financer les mesures que le Premier ministre a proposées pour les banlieues ? Notre dette dépasse les 66 % du PIB et vous n’êtes même plus capable de faire fonctionner correctement les services publics sur l’ensemble du territoire ! Aujourd’hui même, le ministre délégué à l’aménagement du territoire m’a indiqué qu’il n’y avait pas non plus de crédits pour pallier la disparition des crédits européens en faveur de l’implantation des entreprises. L’État est dans l’impossibilité d’aider une entreprise qui veut s’installer, et vous osez soutenir que vos mesures sont destinées à favoriser la création d’entreprises et à soutenir l’emploi ? Non seulement vous trompez les gens, mais vous conduisez notre pays dans une impasse ! Vous laissez le soin de financer cet allègement massif à ceux qui vous succéderont. Plus que de l’imprévoyance, c’est de l’irresponsabilité !

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l’amendement n° 479.

M. Richard Mallié. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 479 est retiré.

En va-t-il de même pour l’amendement n° 512, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout, monsieur le président.

M. le président. Il me semble vous étiez en train de vous laisser distraire par M. Ayrault.

M. Jean-Pierre Brard. Nous confrontions nos expériences, monsieur le président.

M. le président. Des expériences enrichissantes, très certainement…

M. Jean-Pierre Brard. Pas autant que la politique fiscale du Gouvernement pour les riches. De ce point de vue, monsieur le ministre, vous battez tous les records !

Pourtant, certains de mes collègues de droite sont de vrais républicains et disent la vérité. La démonstration que vient de faire M. Lassalle, chacun aurait pu y souscrire si la loyauté était au rendez-vous : après tout, il nous montre un fil à plomb et nous ne pouvons que constater que celui-ci marque la verticalité. Hélas ! la loyauté ne se trouve que d’un côté de l’hémicycle…

Rappelez-vous aussi, monsieur le ministre, la description que M. Étienne Pinte a faite, avec un talent dont vous conviendrez – vous l’avez d’ailleurs écouté avec autant d’attention que de contrariété –, des transferts de charges que le Gouvernement opérait sur les collectivités territoriales, et en particulier sur les communes.

Par cet amendement de suppression, donc, nous entendons dénoncer l’alibi que vous tentez de vous forger en proposant à la fois l’intégration de l’abattement d’assiette de 20 % dans le barème de l’impôt et des mécanismes de correction visant à ne pas privilégier trop visiblement des catégories ciblées de la population. Pourtant, nul n’est dupe de la stratégie poursuivie : votre réforme permet de déplafonner l’abattement de 20 %, et partant d’accorder un avantage exorbitant pour les hauts revenus jusqu’à présent soumis à ce plafonnement.

Certes, vous excluez les autres principaux bénéficiaires potentiels de cette intégration, ceux qui ne bénéficient pas de l’abattement de 20 %, ceux qui disposent de certains revenus fonciers, de revenus de capitaux mobiliers, de plus-values immobilières, ou encore les titulaires de revenus d’activité professionnelle non salariée non adhérents d’un centre ou une association agréée. Mais pour combien de temps ?

Au-delà, cet article participe d’une logique plus large : la simplification massive de notre fiscalité à laquelle vous tentez de procéder a pour seul but – implicite – de préparer la mise au tombeau de l’impôt progressif et l’avènement d’un impôt sur le revenu purement proportionnel. On ne peu guère imaginer aller plus loin dans la voie de l’aggravation de l’injustice fiscale.

Monsieur le ministre, nous avons été confrontés dans nos villes à des événements très graves, et ceux qui ont consenti à discuter avec nos concitoyens ont saisi toute la désespérance qui résulte du fait que vous leur ôtez toute perspective d’avenir. Malheur à ceux qui restent sourds à cette désespérance, car les Français savent parfaitement décrypter, malgré toutes vos manœuvres de dissimulation, la réalité des mesures que vous prenez en faveur des privilégiés. Il faut favoriser le travail, dites-vous ? Nos compatriotes savent bien que telle n’est pas votre intention, car aujourd'hui, lorsque l’on veut vivre de son travail, on vit mal. Ce sont ceux qui vivent de l’exploitation du travail du plus grand nombre qui se remplissent les poches, et ils se les rempliront plus encore grâce au dispositif que vous mettez en place.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable à la suppression de l’article 60, qui est la conséquence mécanique de l’article 59 que nous venons d’adopter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 512 et 347.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 264 de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement ayant été adopté par la commission contre mon avis, je préfère que son auteur, M. de Courson, le présente lui-même.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les travailleurs indépendants peuvent soit adhérer à un centre de gestion agréé ou à une association de gestion agréée et bénéficier d’un abattement de 20 %, soit ne pas y adhérer et ils n’ont alors pas droit à l’abattement. Le Gouvernement propose de supprimer l’abattement et de majorer les revenus de ceux qui n’adhèrent pas de 25 %. Cela veut dire que ces non adhérents sont considérés comme des fraudeurs à hauteur de 25 %.

La suppression de l’abattement rend donc la situation difficile, car avec la solution du Gouvernement, on va droit vers l’annulation par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité et atteinte à la présomption d’innocence. Plutôt que de majorer les revenus pour présomption, tout à fait infondée, de fraude – dont il vaudrait mieux, d’ailleurs, laisser à l’administration fiscale la charge de la preuve – je propose d’offrir un abattement de 4 % ou 5 % pour ceux qui adhèrent à un centre de gestion agréé ou à une association de gestion agréée. Ce pourcentage, je le fonde sur une étude conduite par le conseil des impôts visant à déterminer si l’adhésion améliorait la qualité des déclarations, autrement dit si les taux de redressement des adhérents étaient plus ou moins faibles que les autres. Il avait relevé un écart de 5 % ou 6 %. D’où ma proposition. Malheureusement, la commission en a voté la première partie, mais pas la seconde. En tout cas, nous avons là un problème sérieux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis défavorable à la proposition de M. de Courson pour une raison simple : les associations de gestion agréées et les centres de gestion agréés ont été mis en place voilà trente ans justement pour assurer une véritable sincérité dans les déclarations de revenus des professions indépendantes. Ils fonctionnent à la satisfaction générale et la cotisation y est tout à fait modeste, de 150 à 250 euros. Alors que des décennies durant l’administration fiscale et ces professions avaient entretenu relations de défiance et conflits, une pacification était intervenue grâce à l’intermédiation des centres et associations de gestion.

Si tel ou tel professionnel, ultra-minoritaire, décide de ne pas adhérer à une association de gestion ou à un centre agréé, il est tout à fait légitime qu’il se voit appliquer un correctif, sinon il bénéficierait sans aucune contrepartie de la baisse de 20 % des taux du barème. Il ne s’agit donc là que d’une mesure de bon sens, et je regrette profondément qu’une majorité de la commission des finances ait adopté l’amendement de M. de Courson.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis également très opposé à cet amendement. M. de Courson prétend que le dispositif proposé par le Gouvernement introduit une rupture d’égalité, mais c’est tout l’inverse ! Au contraire, sans cette disposition il y aurait rupture d’égalité par rapport au système antérieur. Nous souhaitons maintenir la situation telle qu’elle existait jusqu’à présent. Le mécanisme de l’adhésion à un centre de gestion agréé a été mis en place il y a trente ans justement pour en finir avec la présomption de fraude. Il suffisait d’adhérer pour ne pas être présumé fraudeur. Les 5 % de professionnels qui n’ont pas souhaité le faire ont ipso facto choisi de ne pas bénéficier de l’abattement. Il est donc tout à fait normal, dès lors que l’on supprime l’abattement, mutatis mutandis, d’inverser le système. C’est la raison pour laquelle je demande à l’Assemblée de repousser cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je voudrais souligner l’intérêt pour un professionnel d’adhérer à une AGA ou un CGA. Ces organismes ont à la fois un rôle de formation à la fiscalité et d’aide à la gestion. C’est le grand mérite de la loi de 1976, votée sous la présidence de M. Giscard d’Estaing et le Gouvernement de M. Jacques Chirac, d’avoir apaisé le climat d’anti-fiscalité qui régnait chez ces professionnels, agriculteurs, commerçants, artisans et professions libérales. Et ils se sont mis à la télétransmission. Les contraintes qu’une telle démarche impose au professionnel, qui fait l’effort de déléguer la déclaration de ses revenus à un tiers, justifiaient qu’il bénéficie du même abattement de 20 % que les salariés.

Augmenter de 25 % les revenus déclarés par les non adhérents n’est, certes, pas la meilleure solution. Mais supprimer cette disposition pour revenir à l’égalité de traitement, ce serait signer la fin des centres de gestion agréés et des associations de gestion agréées, qui emploient 12 000 salariés. Et l’administration fiscale serait de nouveau confrontée aux comportements laxistes qui ne manqueront pas de refaire surface, les travailleurs indépendants renouant avec leur tendance à minorer leurs revenus. Ne supprimons pas ce tampon entre l’administration fiscale et les contribuables indépendants, repoussons l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mon amendement étant interprété à contresens de son objectif, je préfère le retirer. Je prends, hélas ! le pari que la disposition du Gouvernement sera censurée par le Conseil constitutionnel, car, en droit français, nul ne peut être imposé sur un revenu qu’il n’a pas perçu.

M. le président. L'amendement n° 264 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 94 et 121, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour soutenir ces deux amendements.

M. Rodolphe Thomas. Dans la même logique que l’amendement précédent, mon amendement n° 94 tend à accorder un crédit d’impôt aux entreprises qui adhèrent à un centre ou une association de gestion agréés pour ne pas les pénaliser financièrement par rapport à celles qui ne le feraient pas. Il s’agit d’une mesure de soutien aux petits artisans et commerçants de France visant à les aider à consolider leur activité commerciale, notamment dans les ZUS. L’amendement n° 121 propose une solution de repli au cas où le n° 94 ne serait pas adopté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Ces amendements étaient liés à celui de M. de Courson, qui vient d’être retiré. Ils n’ont donc plus lieu d’être.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de précision, n° 565, de M. Carrez.

Le Gouvernement n’y voit pas d’inconvénient.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 563, de M. Carrez.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 646, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord pour lever le gage.

Je mets aux voix l'amendement n° 646, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 564.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de précision.

M. le président. Le Gouvernement est d’accord.

Je mets aux voix l'amendement n° 564.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 555, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 556, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 557, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 559, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 560.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement répare également un oubli dans la rédaction du Gouvernement.

M. le président. Le Gouvernement est d’accord pour réparer cet oubli.

Je mets aux voix l’amendement n° 560.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 566, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de précision, n° 561, de M. Carrez.

Le Gouvernement est d’accord.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 60, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 60, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 60

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 60.

La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l’amendement n° 480.

M. Richard Mallié. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. La question des plus-values professionnelles sera traitée dans la loi de finances rectificative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je confirme à M. Mallié que nous avons bien rendez-vous au collectif pour traiter le sujet.

M. Richard Mallié. Dans ce cas, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 480 est retiré.

La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 349.

M. Didier Migaud. Les amendements nos 349 et 351 visent à plafonner les réductions d’impôts rendues possibles par la multitude de niches fiscales qui caractérisent la fiscalité française. Ces dernières offrent aux contribuables aisés de multiples possibilités de réduire considérablement leur imposition sur le revenu, jusqu’à ne plus rien payer.

Il faut bien admettre que, par facilité, ces dispositifs fiscaux se sont multipliés au fil du temps sans avoir été réellement évalués. Aujourd’hui, une volonté s’exprime, y compris au sein de la majorité, de réduire ces niches ou, à tout le moins, de faire procéder à des évaluations. Or, en dépit des annonces répétées du président Méhaignerie sur leur nombre et leur plafonnement, elles n’auront jamais été moins plafonnées ni plus nombreuses que cette année ! Telle est la cohérence du Gouvernement et de la majorité !

Nous proposons donc, à travers ces deux amendements, un vrai plafonnement des niches fiscales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas retenu ces amendements.

Monsieur Migaud, la question du plafonnement des différents avantages fiscaux est posée depuis au moins une dizaine d’années. Je me souviens avoir moi-même proposé, alors que j’étais dans l’opposition, des dispositifs de plafonnement global.

Si nous n’y sommes pas arrivés jusqu’à présent, c’est pour des raisons avant tout de technique fiscale.

Bien qu’imparfait, l’article 61 a le mérite de plafonner pour la première fois un certain nombre d’incitations fiscales.

M. Didier Migaud. Ce plafonnement n’existe plus après les travaux de la commission !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’examen d’un amendement déposé par M. Pierre Méhaignerie permettra une discussion plus générale sur la nécessité absolue qu’il y a d’empêcher qu’un contribuable aisé puisse, par le biais d’exonérations et avantages fiscaux divers, annuler la totalité de l’impôt qu’il doit à la société.

M. Didier Migaud. C’est pourtant ce qui se passe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’impôt est un lien fiscal avec la société et le payer est un acte de citoyenneté.

C’est un vrai sujet et il nous revient l’honneur de l’aborder pour la première fois ce soir, car il ne l’a pas été au cours des dix dernières années.

M. Didier Migaud. Vous faites semblant de l’aborder !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant aux deux amendements défendus par M. Migaud, ils ne sont pas correctement calibrés.

Mais nous reviendrons à cette discussion lors de l’examen de l’article 61.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable également.

Monsieur Migaud, je vous trouve bien sévère à l’égard d’une démarche pourtant courageuse. Vous aviez toute possibilité de plafonner les niches en votre temps. Or je n’ai pas le souvenir que vous ayez abordé ce sujet avec une détermination exceptionnelle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous perdez la mémoire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour imparfaite que soit notre démarche, elle est la preuve que nous embrayons, sur ce sujet comme sur d’autres, sur une logique de plafonnement,…

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et cela mérite d’être souligné.

Dans l’immédiat, je suis hostile à l’amendement, mais nous reparlerons du plafonnement des niches à l’article 61.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Une fois de plus, M. le ministre nous fait un procès injuste. Au cours de la dernière législature, nous nous sommes efforcés de moraliser un certain nombre de dispositifs fiscaux, notamment concernant l’outre-mer. Nous avons réduit et plafonné plusieurs niches fiscales. D’ailleurs, dès que la majorité actuelle est revenue au pouvoir, elle a eu comme priorité d’élever très sensiblement beaucoup de ces plafonds.

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4 rectifié.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Il est retiré !

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 151 rectifié.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Augustin Bonrepaux. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 265 de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse à M. Censi, qui en est l’auteur, le soin de le présenter.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Cet amendement permet, tout en conservant le principe du plafonnement à 8 000 euros, de respecter les mesures décidées pour les zones de revitalisation rurale et les zones rurales Objectif 2. Il est proposé d’étaler sur une période plus longue les déductions fiscales permises au titre des mesures prises notamment dans la loi sur le développement des territoires ruraux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable, et le Gouvernement lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 266 de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse le soin de défendre cet amendement à M. Bouvard, qui en est l’auteur.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il s’agit simplement d’assouplir une mesure adoptée dans la loi sur le développement des territoires ruraux pour encourager la réhabilitation du parc immobilier de tourisme – en l’occurrence les meublés – dans les zones de revitalisation rurale.

M. Jean Lassalle. Mesure importante !

M. Michel Bouvard. Il est proposé de retenir, pour le bénéfice de la réduction d’impôt, l’année de paiement de tout ou partie des dépenses de travaux plutôt que l’année d’achèvement de ceux-ci.

M. le président. La commission a adopté l’amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable, et le Gouvernement lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 225.

La parole est à M. Hervé Novelli, pour le soutenir.

M. Hervé Novelli. Cet amendement vise à offrir une solution alternative à la recherche sur l’évaluation publique.

Les principaux centres de recherche sur les politiques publiques sont actuellement essentiellement financés sur fonds publics : OFCE, Commissariat général du Plan. Afin d’offrir une alternative, il est proposé de leur permettre de bénéficier du régime fiscal prévu par l’article 200 du code général des impôts, lequel permet aux donateurs de déduire de l’impôt sur le revenu dans la limite de 20 % de leurs revenus 66 % du montant de leurs dons réalisés au profit d’organismes qui exercent leurs activités dans les secteurs économique, social ou éducatif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable également. Mais je reconnais que c’est un vrai sujet, sur lequel nous devrons avoir un débat en d’autres circonstances.

M. le président. Monsieur Novelli, retirez-vous votre amendement ?

M. Hervé Novelli. J’insiste sur le fait qu’il y a là un vrai sujet : l’évaluation des politiques publiques par d’autres acteurs que les acteurs publics. M. le ministre m’ayant assuré que nous aurons l’occasion d’en reparler, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 225 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 267 rectifié, 490 et 360, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 267 rectifié et 490 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 267 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse le soin à M. Bouvard de défendre cet amendement auquel il tient tout particulièrement et que la commission a accepté après trois ans d’examen.

M. le président. Si vous l’aviez repoussé un an de plus, cela aurait été bien ! (Rires.)

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il s’agit en effet d’une affaire ancienne et importante. L’an dernier, nous avions accepté de retirer un amendement identique car le Gouvernement s’était engagé à y travailler. Ce n’est pas vous qui étiez au banc du Gouvernement, monsieur le ministre. Malheureusement, il n’y a pas eu de suite.

La pénétration du chèque vacances dans les PME et les PMI est un enjeu important, parce que celles-ci, notamment dans les secteurs du bâtiment ou du tourisme, ont des difficultés à recruter. Elles souffrent d’une discrimination due au fait que les avantages sociaux sont plus nombreux dans les grands groupes dotés d’un comité d’entreprise.

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Le chèque vacances – produit qui est distribué partout aujourd’hui – est soumis dans les PME à des conditions de ressources, qui en privent souvent la moitié des salariés. Dans une entreprise de sept salariés, il n’y en a que deux ou trois qui en bénéficient. Cela incite en général le chef d’entreprise à ne rien faire, pour ne pas créer de problèmes. Au contraire, dans un grand groupe, le comité d’entreprise l’attribue à tout le monde.

Ce que nous proposons depuis plusieurs années, c’est de lever cette contrainte sur la distribution – mais pas sur la modulation ni sur le niveau d’exonération.

Cet amendement est proposé par des députés de la majorité mais aussi par le rapporteur spécial pour le tourisme, M. Pascal Terrasse car nous constatons tous que la pénétration du chèque vacances dans les PME est freinée, et qu’elle ne sera en tout état de cause que progressive, compte tenu des réseaux de distribution à mettre en place. Son coût sera donc lui aussi progressif pour la collectivité publique. Mais elle permet de rétablir l’équilibre entre les salariés des PME-PMI et ceux des grands groupes.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l’amendement n° 360.

M. Augustin Bonrepaux. M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial pour le budget du tourisme, tient beaucoup, lui aussi, à l’adoption de cet amendement.

M. le président. Je remarque qu’il y a trois amendements pour une même demande et une même rédaction ! Pauvres forêts !

Mme Christiane Taubira. Pauvres forêts amazoniennes !

M. Michel Bouvard. Mais non, c’est avec les produits du sous-bois que l’on fait du papier !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a adopté cet amendement après un avis de sagesse du rapporteur général, dans la mesure où nous n’avons pas d’évaluation de son coût.

M. Hervé Novelli. C’est grave !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le montant annoncé l’an dernier était de l’ordre de 500 à 600 millions d’euros, ce qui nous avait paru trop élevé.

M. Michel Bouvard. On atteindrait ce montant si toutes les PME appliquaient tout de suite ce dispositif !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si le coût de cette mesure est vraiment aussi élevé, je n’y serai pas favorable. Pour l’instant, j’attends la réponse du ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est une idée très intéressante, mais nous ne sommes pas préparés à sa mise en œuvre. L’adoption de cet amendement se traduirait par une augmentation du nombre de salariés éligibles aux chèques vacances de 2,5 à 7,5 millions.

M. Michel Bouvard. Si toutes les PME appliquent le dispositif tout de suite !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il en résulterait un accroissement important du coût de l’exonération des cotisations de sécurité sociale. Ce coût n’est pas chiffré, mais je sais par avance qu’il est considérable. De plus, il devra, avec le système de la nouvelle loi organique de financement de la sécurité sociale, être intégralement financé par l’État.

Monsieur Bouvard, je vous le dis très honnêtement : je ne suis pas capable d’intégrer une telle disposition dans le budget pour l’année 2006.

Je vous propose d’y travailler au cours de l’année qui vient. Je reste ouvert à cette idée. Si nous pouvons progresser dans ce domaine, je serai très disposé à le faire. Mais, en tout cas, en 2006, c’est impossible.

M. le président. Monsieur Bouvard, retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Bouvard. Je suis prêt à faire confiance à M. Copé qui a toujours tenu ses engagements depuis qu’il a pris ses fonctions.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Toujours !

M. Michel Bouvard. Il s’agit d’une mesure d’équité entre salariés, qui inciterait au recrutement dans les PME et PMI.

Nous sommes conscients qu’il reste à en évaluer le coût. Celui-ci est évidemment potentiel car il n’y aura pas de génération spontanée de chefs d’entreprises distribuant des chèques vacances à tous leurs salariés.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il n’en reste pas moins que ce coût doit être compensé !

M. Michel Bouvard. Il faut voir à quelle vitesse le dispositif peut être mis en place.

Je ne sais pas ce qu’aurait fait M. Pascal Terrasse mais, pour ma part, comme la mise en place de cette mesure ne peut se faire que par un travail conjoint avec le Gouvernement, je retire mon amendement, à la condition expresse que nous puissions y travailler en 2006.

Cela fait en effet trois ans qu’il en est question. Je rappelle d’ailleurs qu’il existe une loi visant à étendre le chèque vacances aux PME et aux PMI qui, par un système de cliquets et de blocages, est restée inopérante.

Il ne s’agit pas de voter une loi, si elle ne doit ensuite être ni mise en œuvre, ni appliquée. Voter une loi a un coût. Il faut donc que l’on se donne les moyens de la mettre en œuvre.

Je retirerai l’amendement moyennant l’engagement que soit créé un groupe de travail sur ce sujet, afin que l’on puisse y travailler dans les prochains mois.

M. le président. Les amendements nos 267 rectifié et 490 sont retirés.

Monsieur Bonrepaux, l’amendement n° 360 est-il retiré ?

M. Augustin Bonrepaux. On nous fait des promesses depuis trois ans. J’espère que nous avancerons plus rapidement cette année.

Nous aimerions, monsieur le ministre, qu’une réponse nous soit apportée dans le collectif budgétaire que nous examinerons le mois prochain. Peut-être, d’ici là, le groupe de travail aura-t-il suffisamment avancé ?

Je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 360 est retiré.

Article 61

M. le président. Je propose aux orateurs inscrits sur l’article 61 d’intervenir à l’occasion des amendements, afin d’alléger un peu notre débat.

Mme Christiane Taubira. Et pour ceux qui n’ont pas d’amendement ?

M. le président. Je vous donnerai la parole, madame Taubira, sur un amendement. Cela nous permettra d’éviter d’inutiles répétitions et, par là même de gagner un peu de temps.

Je vous remercie, par avance, de votre accord.

Mme Christiane Taubira. Qui tarde à venir… (Sourires.)

M. le président. Je n’oublierai pas de vous donner la parole.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 96 et 308, visant à supprimer l’article 61.

La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, pour défendre l’amendement n° 96.

M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le ministre, j’ai approuvé globalement votre réforme, je le répète, même si vous n’avez pas accepté de sortir les impôts locaux du bouclier fiscal.

Vous nous avez présenté un nouveau barème, plus simple et plus équilibré. Vous proposez maintenant de plafonner certaines réductions d’impôt à 8 000 euros plus 1 000 euros par personne à charge. Je ne comprends pas très bien l’intérêt de cette mesure. Les discussions en commission des finances ont en quelque sorte démontré, un peu par l’absurde, que ce plafonnement pouvait avoir des effets pervers.

Ces réductions d’impôt – je préfère éviter d’employer le mot « niche » – ont toutes, à l’époque, trouvé leur origine dans l’intérêt économique ou social qu’elles présentaient. D’une façon générale, le montant d’impôt que le contribuable évite de payer en utilisant ces systèmes de réduction contribue, d’une façon ou d’une autre, à la croissance, et donc au progrès social.

Vous proposez maintenant de les plafonner. Allez-vous maintenir inchangé cet article ? Je me suis laissé dire qu’il était déjà prévu de retirer du « panier » la réduction fiscale correspondant aux investissements réalisés outre-mer. Pourquoi celle-ci et pas les autres ?

Je suis maire d’une ville où il existe un secteur sauvegardé. Aussi suis-je très attaché, comme un certain nombre de mes collègues, à la réduction d’impôt dite Malraux. Je souhaite donc que vous retiriez cette mesure du « panier ». En commission des finances, certains de nos collègues ont voté pour la sortie de cette mesure, avec l’idée que d’autres agiraient de même concernant d’autres dispositions.

De fil en aiguille, la commission des finances a sorti du fameux « panier » la plupart des réductions d’impôts, hormis les SOFICA, car, dans un sursaut de rationalisation elle a pensé qu’il fallait bien garder quelque chose.

M. Gérard Bapt. Quel aveu !

M. Jean-Jacques Descamps. Voilà qui est inquiétant ! Je sais que la même discussion se répétera sur tous les points concernés. Mais que restera-t-il in fine de l’article 61 ?

J’ai été séduit par la proposition de notre collègue Pierre Méhaignerie, qui correspond assez bien à notre sentiment. Les réductions d’impôt qui ont un intérêt pour notre économie sont utilisées par les gens qui payent beaucoup d’impôts. Les contribuables faiblement imposés ne les utilisent évidemment pas.

Les personnes disposant de ressources importantes, qui acquittent donc un impôt élevé devront opérer un choix si la réduction est plafonnée à 8 000 euros. Iront-ils dans la bonne direction ? Saisiront-ils les meilleures occasions de développer l’économie française ?

Plusieurs collègues de la commission des finances, ont préconisé de favoriser la sauvegarde des vieilles pierres, d’autres d’aider l’emploi à domicile, compte tenu de l’accroissement du nombre de personnes dépendantes – à un moment où l’on attache de plus en plus d’importance aux services à la personne particulièrement en zone rurale –, d’autres collègues d’accorder la priorité aux réductions d’impôts visant à favoriser la création des PME. Certains enfin ont évoqué des réductions d’impôts qui toucheraient d’autres secteurs.

Nos collègues d’outre-mer ont eu parfaitement raison de réclamer que la priorité soit donnée à l’outre-mer, car c’est là qu’il y a le plus de risques économiques et sociaux et les taux de chômage les plus élevés.

Quelle priorité veut-on donner à ces réductions d’impôt ? Voter le plafonnement global sans déterminer les priorités ne me semble pas être la meilleure façon de travailler. Ne vaudrait-il pas mieux se demander si le plafonnement constitue une bonne idée. Peut-être serait-il préférable de reprendre les propositions de M. Méhaignerie. Nous avons eu ce débat en commission des finances ; peut-être l’aurons-nous en séance publique ?

Poser le problème en partant du principe d’un plafonnement à 8 000 euros auxquels s’ajouteraient 1 000 euros par personne à charge n’est pas forcément une façon très moderne de changer notre système fiscal.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir l’amendement n° 308.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement a commis une erreur de méthode.

Chacun sait que nous ne pouvons pas conserver nos 230 avantages fiscaux, qui représentent 34 milliards de dépenses fiscales, pour un impôt produisant 55 milliards. Comme je le dis souvent en plaisantant, les gens très riches n’ont pas de problèmes d’impôts sur le revenu ! En utilisant les niches, ils parviennent même à ne plus rien payer du tout.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Charles de Courson. Comment résoudre ce problème ?

Le Gouvernement a choisi une mauvaise méthode en ne visant que 17 avantages fiscaux, sur 230, pour un montant de 3,4 milliards, soit environ 10 % du total. Une deuxième enveloppe, du même montant, a été prévue pour la loi Girardin. Il est arrivé ce qui devait arriver : le Gouvernement a tout de suite craqué sur la loi Girardin. À partir de ce moment-là, on a effeuillé la marguerite, en retirant cinq ou six réductions d’impôts. Bref, il ne reste rien !

Tout cela pourquoi ? Pour parvenir à récupérer 50 millions sur 10 000 contribuables ! Cette somme sera réduite à néant par un effet de substitution, car, au lieu d’investir dans ces 17 avantages fiscaux, le contribuable se dirigera vers les autres.

Que propose l’UDF ? D’appliquer la proposition de M. Sarkozy, qui fut l’un des prédécesseurs de l’actuel ministre de l’économie. Il s’agit d’abord d’analyser les 230 réductions d’impôt, afin de voir ce qui est inutile, ce qu’il faut calibrer et, enfin, ce qu’il convient de supprimer.

Ensuite, nous jugerons si un plafonnement global est nécessaire. Ce pourrait être un système de type Méhaignerie ou une limitation de l’avantage fiscal plafonné à 50 % du montant de l’impôt sur le revenu à acquitter quels que soient les avantages fiscaux utilisés.

Ce serait une mesure simple, compréhensible et de portée générale. Sinon, on risque de se retrouver dans la situation que nous avons connue en commission des finances, où chacun demandait : « Pourquoi l’autre échappe-t-il au plafonnement et pas moi ? »

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 96 et 308.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 208 et 122, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 208 fait l’objet d’un sous-amendement n° 313.

J’indique dès à présent que, sur le vote de l'amendement n° 208, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, pour défendre l’amendement n° 208.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La présentation de cet amendement me permettra de préciser la position du Gouvernement sur ce sujet important et difficile.

Nous avons souhaité introduire le plafonnement des niches afin de répondre à des demandes anciennes et par souci de cohérence avec le plafonnement global.

Je ne peux laisser dire que le plafonnement des niches serait escamoté, car nous nous retrouvons sur de très nombreux points dans la logique initiale.

Deux critères généraux nous ont guidés.

Premièrement, le contribuable choisira librement. Rien ne sera imposé. Le quotient familial et les avantages fiscaux liés à une situation du handicap ont évidemment été exclus de la liste.

Deuxièmement, les avantages comportant une contrepartie, soit sous la forme d’un acquis, soit sous la forme d’une prestation, sont plafonnés. Nous avons exclu du dispositif de plafonnement ce qui relève du don ou du mécénat, car il n’y a pas dans ce cas de contrepartie.

Compte tenu des critères ainsi définis, deux séries d’avantages fiscaux sont incluses dans le plafonnement : l’une correspond à des investissements, l’autre à des prestations. Nous n’avons pas retenu les monuments historiques, parce qu’ils font l’objet de sujétions particulières et qu’il ne s’agit pas d’un investissement immobilier locatif.

La liste proposée est motivée et objective. Sans doute est-il toujours possible d’améliorer un dispositif. Ainsi, l’amendement n° 208 traite de la situation très spécifique de l’outre-mer. L’ultrapériphéricité ainsi que le retard de développement sur le plan économique et social justifient de ne pas appliquer de plafonnement tant que nous ne disposerons pas d’une évaluation prévue par la loi d’orientation pour l’outre-mer, évaluation qui doit avoir lieu dans six mois.

J’avais initialement prévu d’intégrer un plafonnement pour l’outre-mer. Mais il m’a semblé plus sage d’attendre ce travail d’évaluation compte tenu de la particularité de l’outre-mer. Il faut être pragmatique sur ces sujets. Nous agirons de même dans le registre, très différent, des secteurs sauvegardés.

Sur un sujet aussi complexe, qui touche des domaines très divers, nous avons – je le répète – déterminé clairement deux critères relevant soit de la prestation, soit de l’investissement. Cela répond à une logique de cohérence, car chacun des plafonnements a été retenu sur la base de documents établis à partir de critères précédemment rappelés.

Enfin, je veux vous dire que sur ce sujet extrêmement difficile, la polémique n’a pas sa place. Nous partageons en effet la même philosophie en la matière. S’il est vrai qu’il nous a fallu ici et là prendre quelques dispositions spécifiques, fondées sur le bon sens et sur le principe de réalité – je pense en particulier à l’outre-mer – il n’en reste pas moins qu’il y a désormais un plafonnement organisé sur l’ensemble de ces dispositifs.

C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter l’amendement du Gouvernement sur l’outre-mer.

M. le président. Cet amendement fait l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 122, deuxième rectification, déposé notamment par M. Lurel, Mme Taubira, MM. Manscour, Jalton, Edmond-Mariette, Payet et Mme Bello.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il n’est pas fréquent de voir les députés de l’opposition, en particulier les socialistes, faire cause commune avec le Gouvernement. C’est pourtant ce que nous ferons, surtout connaissant l’ardeur « ayatollesque » de notre collègue Charles-Amédée de Courson (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) à combattre les niches fiscales, expression que du reste nous abhorrons, voire que nous récusons.

Nous avons plaidé devant M. le Premier ministre et plusieurs autres ministres, dont M. Copé, la nécessité de prendre le temps de l’évaluation. Il n’y a pas eu de simulations concernant les dispositions initialement prévues. En tout état de cause, si elles existent, elles n’ont pas été portées à notre connaissance. Ce texte a été présenté sans études d’impact. Nous avons ici le courage de vous dire que l’investissement public diminue outre-mer, en dépit des efforts réalisés par les collectivités et l’État.

Il faut donc un substitut, et c’est l’investissement privé appuyé par un mécanisme de soutien fiscal.

M. Jean-Pierre Gorges. On a besoin du privé !

M. Victorin Lurel. Nous récusons le terme de « niche fiscale » pour les investissements outre-mer. Le rapporteur général a évoqué de manière imagée – approximative, il est vrai – ces niches : là où il y a des niches, il y a des chiens. Je vous dis, moi, que dans nos territoires, il n’y a que des économies qui attendent un soutien actif et efficace de l’État. C’est du reste ce qui se fait.

Moi qui vous parle, j’ai voté contre la loi Girardin parce que j’estimais qu’elle n’allait pas assez loin. Mais si l’on devait supprimer, sans évaluation préalable, les incitations, il y aurait de graves problèmes outre-mer.

Au moment où je vous parle, au-delà de la globalisation des effets de telle ou telle loi, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, le chômage repart. C’est avec les chiffres et des statistiques de La Réunion que l’on constate globalement une diminution.

Monsieur le ministre, même si nous soutenons l’amendement du Gouvernement, et le nôtre que je défends, il faut craindre que dans le cadre actuel, trop de dossiers dorment dans les tiroirs de Bercy qu’il ne faudrait pas oublier. Je comprends qu’il faut réserver des crédits pour la Nouvelle-Calédonie, notamment le projet Koniambo, mais il faut engager aussi des projets de rénovation et de réhabilitation hôtelières pour soutenir l’activité en Martinique et en Guadeloupe.

C’est la raison pour laquelle nous demandons au Gouvernement d’insérer dans son amendement les références 199 indicies C, car cela irait plus loin que sa proposition.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Je vous remercie, monsieur le président, de faire honneur à l’engagement que vous avez pris à mon égard : j’y suis très sensible.

Je veux rappeler que nous sommes extrêmement attachés à la nécessité de veiller à ce que ceux qui cumulent les avantages fiscaux ne puissent plus pratiquer ce sport en toute liberté. Il est donc indispensable d’exercer la plus grande vigilance sur ces possibilités de cumul.

Pour ce qui concerne ce dispositif de l’outre-mer, il suffit de rappeler certaines paroles martiales du Président de la République, en mai 2001 à La Réunion. Il a alors fait remarquer que l’outre-mer souffrait depuis de longues années d’incessantes modifications législatives et surtout de doutes entretenus sur le régime fiscal des investissements, et qu’il fallait introduire de la stabilité et de la confiance.

Dans cet esprit, il aurait été déloyal de la part du Gouvernement de remettre en question le dispositif d’incitation fiscale prévu dans la loi de programmation pour l’outre-mer qui s’inscrit dans une perspective de quinze ans ; le délai est inhabituel, mais le Gouvernement en avait fait l’étendard de ses ambitions pour l’outre-mer. Cette loi n’est entrée en vigueur qu’en 2004 et devait faire l’objet d’une évaluation tous les trois ans.

L’opposition d’aujourd’hui, qui était la majorité en 1997, a considérablement moralisé le dispositif par rapport à la loi Pons de 1986, laquelle avait créé une véritable pétaudière en encourageant la resquille fiscale pour les personnes fortunées, en les incitant à s’aventurer outre-mer dans des investissements de loisir et de complaisance.

Le dispositif a été moralisé, et il faut aujourd’hui l’évaluer sérieusement. Nous devons prendre en considération très sérieusement la parole de l’État. Pour ma part, cela ne me gêne pas, car nous avons déposé ces amendements dès octobre. Je me réjouis par conséquent que la voix de la raison l’ait emporté et que le Gouvernement propose de sauvegarder les dispositifs en vigueur.

L’outre-mer a surtout besoin de stratégies de développement et de politiques de coopération. Mais on ne peut pas à la fois s’exonérer de cette très lourde responsabilité et en même temps démanteler des dispositifs qui ne sont que des béquilles suppléant pour l’instant au manque de politiques de développement.

La Guyane a bénéficié d’un dispositif supplémentaire de 10 %. Le plafonnement envisagé aurait mis en péril ce département où les activités économiques n’ont pas atteint la maturité nécessaire et où l’accompagnement bancaire est insuffisant. Mais l’essentiel reste l’engagement sur le développement des territoires d’outre-mer.

M. le président. L’amendement du Gouvernement fait l’objet d’un sous-amendement n° 313 déposé par MM. Almont, Audifax, Beaugendre, Brial, Buillard, Frogier, Grignon, Kamardine, Lafleur, Mmes Louis-Carabin, Rimane, MM. Thien ah Koon, Vernaudon et Victoria.

La parole est à M. Joël Beaugendre, pour le soutenir.

M. Joël Beaugendre. Tout le monde aujourd’hui chante les louanges de la loi Girardin, même ceux qui l’ont en son temps combattue et qui critiquaient les mesures en faveur de l’investissement privé.

Nous sommes avant tout des ultramarins, et nous connaissons les faiblesses de nos investissements avec les inévitables répercussions sur l’emploi et sur le sous-équipement.

La loi Girardin disposait en son article 38 qu’une évaluation aurait lieu après trois ans. Avant de toucher à quoi que ce soit dans le dispositif législatif, il faut donc attendre les conclusions de cette évaluation.

Par notre sous-amendement, nous demandons l’instauration d’une commission d’évaluation composée notamment de parlementaires, afin de permettre à nos collègues, en particulier ceux de la commission des finances qui apprécient mal la situation ultramarine, de disposer des éléments nécessaires pour juger en toute connaissance de cause du bien-fondé des dispositions de la loi Girardin.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Je souhaite compléter le propos de notre collègue Joël Beaugendre et réagir à l’intervention de Victorin Lurel concernant les bienfaits des dispositifs de la loi Girardin outre-mer. De fait, nous constatons tous les jours ses effets positifs en matière d’investissement, de lutte contre le chômage, mais aussi de réponse sociale dans les quartiers difficiles.

À cet égard, je me permets de vous faire remarquer que l’outre-mer n’a pas connu de violences urbaines. Et c’est tant mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes heureux de constater que tous nos collègues d’outre-mer défendent les dispositions de la loi Girardin en matière de développement économique, même ceux qui s’y étaient opposés à l’époque.

Mme Christiane Taubira. Parce qu’elle était moins bonne que la loi Paul. N’oubliez pas que c’est nous qui avons moralisé le dispositif !

M. René-Paul Victoria. Ces amendements font l’unanimité, et je m’en réjouis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis favorable au sous-amendement n° 313 et à l’amendement n° 208 du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. L’ensemble de ces amendements me gêne considérablement. Le texte initial avait le mérite de la cohérence avec, d’une part, une réforme de l’impôt sur le revenu et, d’autre part, dans un souci d’équité, l’article 61 instituant le plafonnement des déductions fiscales. Or, avec ces amendements, nous ouvrons la boîte de Pandore de ce que je n’appellerai pas les niches fiscales, mais plutôt les distorsions fiscales. La concurrence fiscale, dont on a beaucoup parlé dans le cadre de l’Union européenne, existe non seulement entre les pays, mais aussi au niveau national, et privilégier tel ou tel secteur n’est pas neutre.

Dès lors, trois attitudes sont possibles. La première consiste à s’en tenir au dispositif initial qui présentait l’avantage de l’équité et de la neutralité. La deuxième est de n’admettre que des distorsions positives, tournées vers l’avenir – ce peut être des exonérations concernant certains investissements outre-mer, mais sans doute pas de tous. Hervé Novelli et moi-même avons déposé des amendements semblables sur la recherche, l’innovation et la création d’entreprise. Mais ne leur donnons pas un caractère systématique comme c’est le cas avec un certain nombre d’amendements qui ont été déposés. La troisième hypothèse est de revoir entièrement l’article 61 et de proposer une autre disposition qui réintroduit équité et neutralité. C’est la raison pour laquelle je me rallie à l’amendement proposé par le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie.

M. le président. La parole est M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je peux tout à fait comprendre le souci de l’évaluation revendiquée par les élus d’outre-mer. J’ai toujours été, monsieur Beaugendre, partisan d’orienter prioritairement les aides en faveur des investissements d’outre-mer. Et si vous aviez assisté à la commission des finances, cher collègue, vous auriez vu que telle était notre préoccupation. J’ai été cinq ans ministre de l’agriculture et je ne crois pas qu’il y en eut un seul qui ait autant agi pour les productions d’outre-mer.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Pour autant, je ne peux pas accepter que les 100 000 contribuables les plus aisés de notre pays – sur 35 millions – ceux dont les revenus annuels sont supérieurs à 130 000 euros puissent être totalement exonérés de tout impôt sur le revenu.

M. Henri Nayrou. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il y va de la justice, mais aussi de la cohésion sociale dans notre pays.

M. Didier Migaud. Nous le disons depuis longtemps !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il ne s’agit donc pas de supprimer totalement les déductions pour les investissements outre-mer, mais de les limiter à 50 % au-delà d’une certaine tranche. C’est un souci de justice qui nous anime. Qu’il soit clair, monsieur le ministre, que si certains sur ces bancs attendent des précisions, d’autres n’accepteront pas une remise en cause du principe de la justice fiscale.

M. Didier Migaud. Tout de même !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Nous entrons dans un débat de philosophie fiscale et avant d’y venir tout à fait, même si le temps m’est compté, j’aimerais dire à mon collègue Victoria que je n’ai pas le souci de polémiquer sur le point de savoir qui, hier, a voté pour ou contre, mais je constate que – et les chiffres de l’INSEE sont incontestables – la loi Girardin, qui a pris le relais de la loi Paul, a arrêté la dynamique enclenchée et n’a pas donné tout de suite de résultats. Si à La Réunion, le chômage a diminué, il repart chez nous, et ce, depuis 2001.

Le président de la commission des finances parle de justice, mais sa conception de la justice est celle de l’uniformité fiscale.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mais non !

M. Victorin Lurel. Nous sommes tous républicains et nous récusons la discrimination. Or la discrimination consiste précisément à traiter de manière identique des situations différentes. Comment voulez-vous, au nom d’une certaine conception de la justice, traiter de la même manière l’Île-de-France, région riche, et la Guadeloupe, qui est le dernier territoire d’Europe en termes de revenus per capita et qui souffre comme les autres régions d’outre-mer d’un retard économique et de handicaps structurels ? À cette conception uniformisante de la justice, je préfère la notion d’équité.

Compte tenu de la crise des finances publiques, vous ne pouvez tenir l’engagement de consacrer 1,2 milliard d’euros à l’outre-mer, ce qui oblige à se tourner vers l’investissement privé. Qu’il y ait après évaluation à trouver des mécanismes compensateurs, je peux le comprendre. Mais je ne peux en aucun cas approuver la conception uniformisante du président de la commission.

Nous maintenons donc notre amendement et réaffirmons la nécessité d’un mécanisme de soutien fiscal. Il s’appelle aujourd’hui loi Girardin, hier c’était la loi Paul.

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. À l’occasion de la campagne présidentielle, le Président de la République s’est engagé solennellement devant les peuples d’outre-mer à tout mettre en œuvre pour compenser les retards de développement et d’équipement et, par le biais d’une loi de programme votée pour quinze ans, à contribuer au rattrapage économique, à travers une politique d’investissements, de défiscalisation et d’exonération de charges sociales. Dois-je rappeler qu’en Guadeloupe, le taux de chômage avoisine 30 %, soit le triple de celui de la métropole ? Nous ne sommes pas loin de la situation des banlieues, aujourd’hui en feu, pour ne pas dire en sang.

Je vous mets donc en garde et vous invite à avoir la sagesse de respecter l’engagement pris par le Président de la République devant les peuples d’outre-mer, qui ont souffert pendant trop longtemps de promesses non tenues. Une loi de programme a été votée, il y a à peine quelques mois. Je ne vois pas quel revirement, quel constat subit pourrait conduire la majorité qui l’a votée à la remettre en cause ? Ce serait discréditer non seulement le Président de la République mais aussi l’État, auprès de ces populations fragilisées par leur situation économique et sociale.

Le Président de la République, à la Martinique, nous disait que nous bénéficierions d’un traitement spécifique, à la carte, pour tenir compte de nos handicaps. Alors, de grâce, respectez ses engagements devant le peuple de l’outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Je ne voudrais pas polémiquer, mais certains collègues nous reprochent d’avoir voté non hier et de venir aujourd’hui au secours de la loi. Je ne comprends pas très bien ce reproche désobligeant, alors qu’ensemble nous sommes allés voir le Président de la République et le Premier ministre.

Vous avez l’impression, me semble-t-il, que nous sommes venus quémander, ce qui me gêne très fortement, d’autant que vous connaissez très mal la situation de l’outre-mer. Quelque désireux que je sois de vous accorder mon indulgence, je ne comprends pas que vous ne pussiez envisager l’outre-mer autrement qu’à travers les subsides que vous lui accordez.

L’outre-mer compte en moyenne trois fois plus de chômeurs qu’en métropole, et deux fois plus de RMIstes. Nos collectivités communales sont exsangues : 20 % seulement de nos agents communaux sont titulaires contre 90 % en métropole. Nos hôpitaux sont dans une situation exécrable, du fait de la TAA. Bref, nous avons des handicaps structurels.

Croyez-moi, moi qui suis socialiste, je ne souhaite pas que des personnes échappent à l’impôt, mais si cela permet de relever l’économie outre-mer et de redonner espoir à tous ceux que l’avenir inquiète. Nous n’avons pas de complexe à avoir.

M. le président. La parole est à M. André Thien Ah Koon.

M. André Thien Ah Koon. N’oublions pas que sans l’outre-mer, la France n’aurait pas 10 millions de kilomètres carrés d’espaces maritimes.

À nos collègues qui parlent de justice sociale, je voudrais dire qu’il faudrait d’abord qu’on prenne en compte notre passé, au-delà de la colonisation. Si nous souffrons d’un retard économique, ce n’est pas de notre faute. Certes, nous avons des efforts à faire. Mais quand la nation ne parvient plus à assurer les financements qui permettent de rattraper ce retard, il faut bien trouver des moyens de compensation. Comment ceux qui ont voté la loi peuvent-ils aujourd’hui dire qu’ils ne sont plus d’accord ? Il faut savoir ce que l’on veut. Il y a des Français dans toutes les parties du globe et il faut les prendre en considération, même s’ils ne sont que quelques millions sur 65 millions.

Un devoir de réparation s’impose et ce que nous vous demandons, ce n’est pas la charité, c’est la justice. J’espère que le Gouvernement nous soutiendra et respectera les engagements du Président de la République.

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. La loi de programme a été votée pour quinze ans en 2003. Une évaluation est prévue à la fin des trois premières années, donc en 2006. Elle permettra de corriger les effets négatifs ou de confirmer les dispositions de la loi si leurs effets sont positifs. Je remercie ce soir les élus d’outre-mer qui nous ont permis d’adopter cette loi de défiscalisation, après l’avoir défendue auprès du Premier ministre et du ministre de l’outre-mer. Et je demande solennellement à mes collègues de l’hexagone de voter avec nous en faveur de l’amendement du Gouvernement : c’est une marque de solidarité à l’égard de l’outre-mer. Si l’évaluation montrait que ces mesures ont eu des effets négatifs, je m’engage ce soir devant vous à faire en sorte de les corriger.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 313.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 208, modifié par le sous-amendement n° 313.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 69

Nombre de suffrages exprimés 68

Majorité absolue 35

L'Assemblée nationale a adopté.

L’amendement n° 122, deuxième rectification, n’a plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements, nos 224 et 468 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 224 est-il défendu ?

M. Maurice Giro. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l’amendement n° 468 rectifié ?

M. Richard Mallié. Également, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 468 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 568, présenté par M. le rapporteur, sur lequel le Gouvernement émet un avis favorable.

Je mets aux voix cet amendement n° 568.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 502.

La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le soutenir.

M. Rodolphe Thomas. Cet amendement a pour objet de créer un plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu. Le plafond est ajusté à 15 % du revenu servant de base au calcul de l’impôt si ce montant est supérieur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 502.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 353 rectifié.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Le plafonnement relève davantage de l’affichage, et s’agissant de l’amendement qui vient d’être adopté et qui concerne l’outre-mer, nous sommes un certain nombre à ne pas avoir participé au vote, car nous estimons que la question n’est pas posée dans les termes qui conviendraient.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela ne nous avait pas échappé !

M. Didier Migaud. De même, la majoration du plafond en fonction du nombre d’enfants du foyer fiscal est une autre forme de détournement.

L’amendement n° 353 rectifié vise à supprimer le dernier alinéa du 1 de l’article 61 pour en rester au chiffre annoncé par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 268.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse le soin à M. Hervé Mariton de le défendre.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Pour faire écho aux propos que vient de tenir M. Migaud, je dirai qu’on n’a pas encore réussi à trouver le bon vocabulaire pour désigner le quotient familial et ses effets. On a pris la fâcheuse habitude de le traiter comme une niche fiscale ou une réduction d’impôt. Or cela remet en cause la place essentielle qu’il joue dans notre fiscalité.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 268. La dimension familiale est essentielle dans notre système fiscal français. Lorsque l’on cherche à plafonner les réductions d’impôts, il est important de tenir suffisamment compte de la structure de la famille. Or le projet du Gouvernement ne le fait que partiellement. C’est pourquoi je propose que l’incrément apporté au titre de chaque part soit de 1 000 euros et non de 750 euros, ce qui assure une meilleure prise en compte de la taille du foyer fiscal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 268.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 503.

La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le soutenir.

M. Rodolphe Thomas. Le présent article a pour objet de créer un plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu. Il est indispensable d’appréhender les avantages fiscaux selon leur productivité.

Le législateur, en accordant ces avantages fiscaux, souhaitait dynamiser des secteurs économiques comme l’immobilier, pour un financement privé des dépenses.

Ces incitations fiscales ont démontré une réelle productivité pour la construction et l’investissement. Elles procurent l’argent nécessaire au développement de l’emploi, de l’habitat et de la croissance. Les maires sont confrontés à des tensions en matière d’habitat, sous toutes ses formes, et il est important que des mesures d’incitations fiscales existent afin que des investisseurs privés puissent construire des logements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 503.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 533, 65, 546 et 606, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 65, 546 et 606 sont identiques.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n° 533.

M. Michel Bouvard. Cet amendement, cosigné par nombre de mes collègues, concerne les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ce que l’on a coutume d’appeler la loi Malraux.

J’ai voté, comme la quasi-totalité de nos collègues, l’amendement sur l’outre-mer car il est légitime qu’une évaluation ait lieu au moment prévu par la loi Girardin. Mais il faut être conscient qu’en sortant un dispositif du plafonnement, nous sommes susceptibles de modifier les flux d’investissement entre la métropole et l’outre-mer.

Le dispositif Malraux, déjà ancien, n’a jamais fait l’objet de critiques de la part du Conseil national des impôts. Par ailleurs, il est unifié, valant pour les monuments inscrits et classés, pour les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP. Dès lors qu’on introduira le plafonnement pour les secteurs sauvegardés, nous aurons deux dispositifs pour un même but, celui de la restauration du patrimoine.

Par ailleurs, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat a accordé, pendant longtemps, des aides pour la rénovation des toitures, des façades, etc., aides qui ont disparu progressivement. Dans le même temps, les subventions octroyées par la Direction du patrimoine du ministère de la culture ont, elles aussi, eu tendance à diminuer. Le seul acteur dynamique qui reste aujourd’hui pour soutenir le patrimoine dans les centres historiques de nos villes et dans les villages de qualité est le dispositif Malraux. Cette loi a une autre caractéristique en ce qu’elle permet de reconquérir l’habitat dans des centres-villes dégradés et de créer des grands logements permettant d’accueillir des familles, qui font souvent défaut dans la structuration du parc des centres-villes où l’on a plutôt tendance, à travers le dispositif de Robien notamment, à créer de petits logements.

Comme il s’agit de traiter des immeubles entiers et de réaliser de grands logements, ce dispositif nécessite des investissements importants. Le plafonnement est de nature à déstructurer complètement l’équilibre du dispositif, à faire chuter la production de grands logements dans les centres-villes et à casser la dynamique de réhabilitation. J’ajoute que de tels travaux sont souvent réalisés par des entreprises locales spécialisées et de haute qualité.

Il me semble donc nécessaire de sortir du plafonnement un dispositif qui fonctionne bien depuis longtemps, qui dynamise l’emploi et permet d’atteindre des objectifs patrimoniaux, d’équilibre social dans les centres-villes en produisant du logement locatif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a adopté cet amendement, contre l’avis de son rapporteur qui préfère l’amendement n° 315 d’Hervé Mariton qui sera présenté ultérieurement.

Si j’adhère à l’argumentation que vient de développer M. Bouvard, je considère que son amendement a l’inconvénient de sortir complètement les incitations au titre des secteurs sauvegardés de ce plafond que nous instituons à l’article 61, déstabilisant ainsi le plafonnement.

Pour sa part, l’amendement n° 315 reste dans le cadre du plafond de 8 000 euros prévu à l’article 61 tout en prenant en compte l’intégralité des travaux retenus au titre du secteur sauvegardé. Il n’y aura pas contentieux puisque, quand on remplit la déclaration 2044 relative aux revenus fonciers, on indique d’ores et déjà quels travaux sont éligibles au secteur sauvegardé et que l’on doit joindre les factures.

Cela dit, nous souhaitons, sur tous les bancs, que le Gouvernement accepte de protéger cette incitation fiscale de la loi Malraux qui permet de rénover les centres-villes, d’y créer des logements et d’orienter l’épargne vers des investissements d’intérêt général.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rejoins tout à fait le rapporteur général. S’agissant du dispositif Malraux, il est très important que chacun mesure le souci de cohérence qui est le nôtre. Voilà pourquoi je suis en désaccord avec l’exposé de M. Bouvard et très favorable à l’amendement de M. Mariton.

Je souhaite sortir du plafonnement les sujétions, les charges subies. Or il y a, dans le dispositif Malraux, des charges subies. Il est donc tout à fait cohérent de les sortir du dispositif, et je crois, monsieur Garrigue, que cet élément est de nature à recevoir votre soutien.

Je suis favorable à l’amendement n° 315 qui sort du dispositif de plafonnement des charges liées au caractère historique de l’immeuble, tout en conservant les charges de droit commun. Cela respecte la cohérence de notre dispositif. En revanche, je suis opposé à tous les autres amendements sur ce sujet.

M. le président. Monsieur Bouvard, retirez-vous l’amendement n° 533 ?

M. Michel Bouvard. Non, monsieur le président, car si je comprends le souci de cohérence du ministre, je considère qu’il y a une cohérence globale de l’investissement dans le secteur couvert par la loi Malraux.

Monsieur le ministre, si vous interrogez deux architectes des Bâtiments de France pour savoir ce qui relève des contraintes du secteur sauvegardé et ce qui n’en relève pas, vous verrez que les réponses ne seront pas les mêmes. Il faut avoir présidé des SEM de rénovation éligibles à la loi Malraux pour savoir comment les choses se passent sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Le plafond de 8 000 euros n’est rien par rapport aux enjeux que représente une opération couverte par le dispositif Malraux.

M. Augustin Bonrepaux et M. Didier Migaud. 8 000 euros, ce n’est pas rien !

M. Jean-Jacques Descamps. Dans le secteur sauvegardé de ma ville, les opérations sont beaucoup plus importantes. S’il faut choisir entre l’avantage fiscal lié à l’employé de maison et celui lié à la loi Malraux, c’est ce dernier qu’on sacrifiera.

Je considère que le plafonnement découragera complètement les efforts de rénovation des centres-villes.

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir l’amendement n° 546.

M. Patrick Delnatte. Le mécanisme du plafonnement concerne également les ZPPAUP, qui relèvent d’une autre problématique que les secteurs historiques, mais qui sont des zones dégradées qu’il faut rénover. Je pense en particulier à certaines villes ouvrières du Nord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 533.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 65, 546 et 606 tombent, ainsi que les amendements nos 315 et 316 aussi, monsieur Mariton.

Je suis saisi d’un amendement n° 229.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.

M. Daniel Garrigue. Cet amendement tend à introduire une distorsion positive en faveur de l’innovation et de la recherche, qui sont des activités résolument tournées vers l’avenir, à la différence de certaines de celles que nous avons examinées jusqu’ici. Il propose une exonération d’impôt pour les jeunes entreprises innovantes, afin de leur éviter de tomber sous le coup du plafonnement et leur permettre d’échapper au sort réservé aux fonds communs de placement pour l’innovation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est d’ores et déjà satisfait et vous pouvez, monsieur Garrigue, le retirer en toute confiance.

M. Daniel Garrigue. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 229 est retiré.

Nous en venons à l’amendement n° 492.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le défendre.

M. Michel Bouvard. Il s’agit aussi d’un problème de stabilité de la loi. Après avoir constaté en 1998 que 80 % du tourisme français se concentrait sur 20 % du territoire, nous avons, avec Augustin Bonrepaux et Didier Migaud, déposé, afin de mieux répartir les flux, un amendement à la loi de finances pour 1999 qui a été adopté. Il a instauré un dispositif de défiscalisation pour les résidences de tourisme construites dans les zones de revitalisation rurale. Alors que, jusque-là, entre 13 % et 15 % des résidences de tourisme se construisaient dans les ZRR, le pourcentage est monté autour de 40 % grâce à cette disposition. Le plafond a été relevé en 2001 pour construire des logements plus grands et la durée d’amortissement a été allongée de façon à mieux adapter l’offre aux attentes de la clientèle. Plus récemment, le dispositif a été complété lors du vote de la loi relative au développement des territoires ruraux.

Aujourd’hui, le projet de loi de finances prévoit d’inclure cette disposition, l’une des rares en métropole – avec le dispositif Malraux – à être territorialisée, dans la liste des déductions fiscales plafonnées. On nous explique que ce n’est pas un problème sous prétexte que le plafond de 8 000 euros est suffisant. Cela reste à voir car l’investissement moyen dans les résidences de tourisme situées en ZRR tel qu’il est évalué par les services de la DGI, à savoir 2 169 euros, ne correspond pas à nos évaluations qui se situent plutôt autour de 3 750 euros pour avoir un outil touristique performant. Nous craignons, d’une part, que le maintien d’avantages fiscaux hors plafond ne provoque une évasion des investissements au détriment des ZRR et, d’autre part, que, le plafond ne couvrant pas la totalité de l’investissement, les investisseurs, qui sont en général des familles de cadres moyens avec un ou deux enfants, ne s’en détournent. S’agissant d’un dispositif territorialisé, il devrait rester en dehors du champ du plafonnement.

En outre, il ne serait pas opportun de modifier l’environnement fiscal d’un dispositif qui vient à peine d’être voté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement auquel je suis totalement défavorable. Il y a un moment où il faut savoir s’arrêter. Fort de la brèche, légitime au demeurant, ouverte au titre du dispositif Malraux, M. Bouvard revendique maintenant de l’élargir aux zones de revitalisation rurale.

En tant que député d’une circonscription où une zone franche urbaine a été instituée en 1995 – la première du Val-de-Marne –, permettez-moi de vous dire, monsieur Bouvard, qu’après les semaines difficiles que nous venons de vivre, les députés raisonnables qui ont accepté que les dispositifs propres aux zones de redynamisation urbaines et aux zones franches urbaines soient plafonnés verraient d’un très mauvais œil une nouvelle dérogation. Les députés sont au service de l’intérêt général, ils ne sont pas là pour défendre tel ou tel intérêt particulier !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vais dire, avec mes propres mots, la même chose que M. le rapporteur général. Je souligne à l’intention de la majorité de l’Assemblée nationale qu’en ayant adopté l’amendement n° 533 de M. Bouvard – éminent membre de la commission des finances, aux innombrables demandes duquel j’ai toujours prêté une oreille attentive – qui exonère le « Malraux » du plafonnement des niches, elle a fragilisé l’ensemble du système puisque les critères que j’ai rappelés patiemment sont dénaturés. Il fallait séparer ce qui relève des sujétions et le reste, comme le proposait d’ailleurs M. Mariton. Je demanderai donc une deuxième délibération. J’imagine que Michel Bouvard est ravi puisque tel était son objectif, mais je le regrette. Nous avons travaillé en confiance depuis le début pour faire la démonstration que nous étions capables de rester unis sur une réforme fiscale ambitieuse dans le cadre de laquelle j’ai honoré ses demandes personnelles chaque fois que je l’ai pu.

La remarque vaut aussi pour les zones de revitalisation rurales. Il n’est pas possible d’extraire de la liste telle ou telle disposition.

Je déplore d’avoir à tenir de tels propos à une heure avancée de la nuit car j’ai été largement ouvert à la discussion sur tous ces sujets. Mais ainsi va la vie parlementaire.

Je suis donc totalement défavorable à l’adoption de l’amendement n° 492 et je demande à la majorité de l’Assemblée nationale de le rejeter car, si elle s’affranchit des critères qui ont été définis, nous nous exposons à un risque juridique.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Avant qu’il ne soit trop tard pour s’exprimer, je souligne que le groupe UMP souhaite voter un dispositif cohérent de plafonnement des niches. Telles sont les règles qui nous sont proposées puisqu’elles distinguent l’investissement librement choisi et l’investissement contraint, l’investissement immobilisé et l’investissement immédiatement rentable. S’agissant du « Malraux », il aurait été possible d’assouplir le projet en respectant la logique.

M. Didier Migaud. Brave soldat Mariton !

M. Hervé Mariton. L’amendement n° 533 porte un coup de boutoir au dispositif et il est à craindre qu’il ouvre la voie à d’autres revendications particulières. Il s’agit de savoir si nous voulons conserver au dispositif sa cohérence.

Il est vrai que le « Malraux », comme l’outre-mer, soulevait des difficultés particulières en raison des contraintes objectives auquel le dispositif est soumis. Mais ce n’est pas vrai pour le reste et, même si les avantages fiscaux n’étaient pas illégitimes, les situations ne se démarquent pas suffisamment les unes des autres pour justifier un traitement dérogatoire.

Il faut donc voter contre l’amendement n° 492.

M. le président. Monsieur Bouvard, retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Bouvard. Non, monsieur le président.

Mon but, monsieur le ministre, n’était pas d’obtenir une deuxième délibération qui contrarie tout le monde, et dont l’efficacité n’est pas prouvée.

Cela étant dit, je suis favorable à un cadre strict qui ne permette pas à certains citoyens aux revenus très confortables d’échapper totalement à l’impôt sur le revenu. L’esprit de l’article 61 n’est pas en cause, c’est la stabilité fiscale qui est en jeu ! À la décharge du Gouvernement, je reconnais que l’amendement d’Yves Censi qui prolonge la durée d’amortissement constitue une amorce de réponse.

Toujours est-il que, sur le principe, il est gênant de revenir, six mois à peine après l’avoir adoptée, sur une mesure fiscale votée à l’occasion de la loi relative au développement des territoires ruraux. Sans doute faudrait-il être plus rigoureux et réserver les dispositions fiscales aux lois de finances. Néanmoins, le problème de la stabilité des régimes fiscaux demeure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Conseil et contrôle de l’État ; pouvoirs publics :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 23, de M. Pierre Bourguignon, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Outre-mer :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 20, de M. Alain Rodet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2570, tome 4, de M. Joël Beaugendre, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2573, tome 5, de M. Didier Quentin, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Outre-mer (suite) :

Action extérieure de l’État :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 1, de M. Jérôme Chartier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2569, tome 1, de M. Patrick Bloche, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2571, tome 1, de M. Richard Cazenave, au nom de la commission des affaires étrangères ;

Avis, n° 2571, tome 2, de M. François Rochebloine, au nom de la commission des affaires étrangères.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure quarante-cinq.)