Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 17 novembre 2005

67e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi de finances pour 2006

Deuxième partie

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568)

Action extÉrieure de l’État

M. le président. Nous poursuivons l’examen des crédits de l’action extérieure de l’État.

Dans la discussion, la parole est à M. René Rouquet, premier orateur inscrit.

M. René Rouquet. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mes chers collègues, le groupe socialiste ne votera pas le budget 2006 des affaires étrangères, intitulé cette année : « Action extérieure de l'État ».

Cette décision ne surprendra pas celles et ceux qui sont attentifs aux contenus diplomatique et budgétaire de la politique étrangère française, Cette décision devrait aussi être partagée par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, s'ils voulaient être cohérents avec les analyses et les commentaires qu'ils ont livrés.

Je les ai, pour ma part, lus avec attention, intérêt, et même sympathie : un remarquable travail de démontage budgétaire a été effectué par nos collègues Richard Cazenave et François Rochebloine à l'Assemblée nationale, et par Adrien Gouteyron au Sénat.

Cependant, si j'ai utilement puisé dans leurs travaux, encore une fois fortement documentés – et je les en remercie –, j'avoue ne pas partager leurs conclusions et encore moins comprendre l'avis favorable qu'ils ont proposé à leurs chambres respectives, concernant la mission « Action extérieure » de la France.

Nous sommes confrontés depuis plusieurs années, notamment depuis 2002, selon l'un de nos collègues, à un budget de fracture budgétaire. Cette pénurie prolongée des moyens est en harmonie avec la fracture de notre diplomatie et celle de notre société. Il y a, de ce point de vue, une vraie cohérence que ni l'état d'urgence, prolongé ces derniers jours, ni les propos lénifiants tenus à la presse étrangère par le porte-parole du Gouvernement ne pourront dissimuler. Les faits sont les faits ; les chiffres sont les chiffres et, comme vous le savez, ils sont têtus !

M. Cazenave, d'ailleurs, le reconnaît sans se faire prier. Je vous renvoie à la page 49 de son excellent rapport où l’on peut lire : « Malgré leur nouvelle présentation, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » évoluent peu entre 2005 et 2006 ». Quant à notre collègue rapporteur de la commission des affaires étrangères, mon ami François Rochebloine, il écrivait déjà l'an dernier, à la page 21 du document cité : « Le contexte budgétaire 2004-2005 est maussade ».

Cette année, François Rochebloine est plus incisif encore, lorsqu'il souligne : « La mauvaise situation budgétaire. alimente le mécontentement des personnels du Quai-d'Orsay. Elle se traduit par une dégradation préoccupante des services rendus aux Français à l'étranger et elle contribue au recul de l'influence française dans le monde. »

En des termes d'une grande élégance administrative, le rapporteur spécial, Jérôme Chartier, avait, en 2004, commenté le sinistre budgétaire de la façon suivante : « Le ministère des affaires étrangères a été fortement sensibilisé, dès 2002, à l'impératif de maîtrise des dépenses publiques. Celui-ci a été encore plus important en 2003. Aucune marge de manœuvre n'est plus disponible. » Sa conclusion s'est pourtant révélée erronée. Selon notre collègue, un trou supplémentaire a été ajouté à la ceinture de chasteté financière imposée depuis 2002 au ministère des affaires étrangères.

Que nous a dit notre cher collègue Richard Cazenave en commission, mercredi 9 novembre ? Encore une fois, je n'invente rien : je me borne ici à citer une bonne source, le rapporteur pour avis des crédits « Action extérieure de la France », qui indique : « A périmètre constant, les crédits sont en baisse de 0,5 %. Le ministère poursuit ses économies de fonctionnement et voit son plafond d'emplois réduit de 235 unités. »

Et, comme un malheur ne vient jamais seul, notre collègue souligne, quelques lignes plus loin, que le financement des opérations de maintien de la paix était déjà insuffisant en 2005, et que les 132,22 millions d'euros prévus cette année ne permettront pas de couvrir les dépenses évaluées.

Le cahier de doléances qu'il établit ne s'arrête malheureusement pas là puisque, comme cela ressort du compte rendu, le rapporteur pour avis a regretté la légère réduction de la subvention à l'Agence de l'enseignement français à l'étranger.

Poursuivant sa description des réductions financières drastiques, qui ont implacablement balayé les dotations du ministère des affaires étrangères, le rapporteur pour avis, s'agissant des dotations attribuées aux services des visas et soulignant le grave déficit en personnel, nous les commente dans les termes suivants : « Cette situation ne peut plus durer ! ».

Seul l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a bénéficié de dotations supplémentaires, ce qui va lui permettre de réduire, selon les propres termes de notre collègue, « les stocks de dossiers en attente ».

Derrière cet euphémisme se cachent, malgré tout, des femmes et des hommes qui ont présenté des demandes d'asile et dont il s'agit, selon l'expression consacrée, de « traiter » les dossiers en moins de trois mois afin, pour parler clair, de les renvoyer chez eux au plus tôt.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. C’est effectivement ce que nous voulons !

M. René Rouquet. Voilà les articulations les plus ambitieuses de ce budget. Curieuses missions extérieures que celles-là ! Je me rallie bien volontiers au sentiment exprimé par mon collègue Jean-Claude Lefort qui s'interrogeait, mercredi 9 novembre, en vous écoutant exposer, monsieur le rapporteur pour avis, les priorités de l'action extérieure de la France, qui, pour l'essentiel, se ramenaient à une seule question : comment refouler le plus rapidement possible les candidats à l'asile et les demandeurs de visas ? Ce ministère des affaires étrangères, à l'heure de la mondialisation, aurait-il donc pour vocation première d'être un secrétariat délégué au ministère de l'intérieur ?

On est en droit de se poser la question, à l'heure où chacun peut constater à quel point la France a perdu sa voix dans le concert des nations. Qui l'écoute encore, mes chers collègues ? L'Afrique, dont on renvoie sans ménagement les nationaux en vols spécialement affrétés ? Les Palestiniens et les Israéliens, qui ne nous visitent plus que par habitude ? Les Latino-Américains, qui n'entendent plus parler de la France qu'à l'occasion de certaines opérations menées au Brésil ou en Équateur ? Les Européens, pour qui les positions françaises se limitent à deux mots : lobbying agricole ? Les États-Unis qui nous ignorent ? La Chine qui vient de visiter Berlin, Madrid et Londres ?

Qu'est devenu le fameux modèle français aux yeux du monde, monsieur le ministre, lorsqu'on voit à quel point notre diplomatie apparaît, aujourd'hui, sans amis ni alliés ?

La priorité donnée à la préférence nationale, à la terre qui ne saurait mentir, vous est renvoyée par les circonstances comme un boomerang. L'appel, heureusement écarté aujourd'hui, mais qui avait été lancé à l'armée comme un recours aux violences urbaines, l'exhumation d'une loi de circonstance d'origine coloniale, pour faire face à une situation d'urgence périurbaine, le vote, par votre majorité, d'une proposition de loi, à laquelle vous avez associé votre nom, monsieur le ministre, affirmant le caractère bénéfique de la politique de colonisation française, la présence, indéfinie et si mal définie, de 4 000 soldats en Côte d'Ivoire : tous ces faits renvoient notre pays et sa diplomatie à un passé douloureux.

Le choix du repli sécuritaire, la revendication d'une mémoire conflictuelle et la crispation agricole à Bruxelles ont écarté la France des affaires du monde, de l'Europe et des grands débats.

Que veut la France ? Que propose-t-elle ? Avec qui entend-elle construire un avenir de paix et de coopération internationale ? Toutes ces questions sont aujourd'hui sans réponses !

J’entends bien le Président de la République lancer encore de grandes et généreuses idées en faveur des pays du Sud, mais des projets aussi ambitieux, à supposer qu’ils puissent être menés à bien, devront, si j’ai bien compris, être financés par d’autres. Ainsi, les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées pour relayer les défaillances extérieures de l’État. Les maires et les présidents de région et de département n’ont-ils pas reçu ces derniers mois de nombreux appels du pied concernant la reconstruction d’Haïti ? Demain, semble-t-il, ce sera au tour des compagnies aériennes et de leurs passagers de financer le développement des pays du Sud. Une fois de plus, la France externalise une compétence souveraine qui lui incombe pourtant en priorité, tout en s’exonérant gravement d’une de ses responsabilités majeures : donner un cap politique et diplomatique à notre pays.

La fracture est globale, budgétaire comme conceptuelle. Le sinistre est d’une magnitude signalée par tous les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour le sénateur Adrien Gouteyron, le principe de sincérité n’est pas respecté par la présente mission. Notre collègue Richard Cazenave, quant à lui, ne va pas aussi loin dans la critique, mais il attend impatiemment un prochain collectif budgétaire. Selon lui, les lois de finances rectificatives, devront, à la fin de cette année, et encore à la fin 2006, compléter les crédits ouverts en loi de finance initiale.

Mes chers collègues, à quoi sert donc notre parlement ? Faut-il rappeler que le vote du budget par des représentants élus du peuple constitue une caractéristique fondamentale des démocraties ? Où allons-nous, monsieur le ministre, s’il est présenté aux députés et aux sénateurs un budget manquant cruellement de sincérité au moment même où les libertés publiques se retrouvent soumises, pour plusieurs mois, à un dispositif d’état d’urgence de sinistre mémoire ? Le recours à l’exception, qu’elle soit budgétaire ou concerne l’ordre public, est toujours un révélateur d’échec. Cet échec vaut pour l’extérieur comme pour l’intérieur. La France est aujourd’hui en situation de fracture sociale et politique, mais aussi diplomatique. Elle n’a plus de cap. A-t-elle encore un capitaine ?

Croyez-moi, monsieur le ministre, les socialistes regrettent cette situation tout autant que leurs collègues qui siègent sur les bancs d’une majorité en détresse. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Garrigue. C’est vous qui êtes en détresse !

M. René Rouquet. C’est pour cette raison, et pour vous aider à remettre la France et sa diplomatie sur de bons rails, que nous refusons de valider ce budget fictif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, l’examen de la mission « Action extérieure de l’État » est d’abord, bien sûr, l’occasion, comme l’ont fait nos rapporteurs, d’évaluer et d’apprécier l’action de l’État dans un domaine primordial. La plupart des orateurs ont souligné que vous aviez poursuivi l’effort de modernisation et de rigueur entrepris par vos prédécesseurs, un effort qui était certes nécessaire, mais qui finira par atteindre ses limites, particulièrement si l’on considère ce qui a été accompli en matière d’évolution des effectifs du ministère. À cet égard, une pause m’apparaîtrait raisonnable.

Cet examen est également l’occasion de dresser le bilan de l’action extérieure de la France, dans un contexte qui a profondément évolué. Le rôle de l’organisation internationale s’est beaucoup renforcé, et la France tient, notamment s’agissant de la réforme des Nations unies, une place souvent essentielle dans cette évolution.

De nouveaux enjeux se sont affirmés : environnement, risques sanitaires – auxquels vous êtes, monsieur le ministre, particulièrement sensible et attentif –, aide au développement. Saluons, à l’instar de nos rapporteurs, la volonté très forte manifestée par le Président de la République et l’impulsion qu’il donne dans ces domaines.

Enfin, par-delà les incertitudes du présent, cette politique tend à s’inscrire dans une dimension européenne, notamment lorsqu’il s’agit de faire face aux principaux défis de notre temps : sécurité, environnement, immigration.

Toutefois, si la France a ainsi la volonté de promouvoir une société internationale plus organisée, plus sûre et plus solidaire, elle assume aussi ses responsabilités dans un monde où la fin de l’affrontement entre les blocs a facilité l’exacerbation des déséquilibres et des conflits locaux. Cela est vrai au Proche et au Moyen-Orient, où notre pays avait affirmé ce que l’on appelait parfois « la politique arabe de la France », parce que sur des enjeux difficiles, il savait prendre des décisions courageuses.

Ce courage, la France l’affirme aujourd’hui au Liban en exigeant, dans le cadre des Nations unies, que toute la lumière soit faite sur l’assassinat du premier ministre, M. Rafic Hariri, et que la Syrie contribue pleinement à cet effort.

Ce courage, elle l’affirme aussi sur le dossier iranien – dans lequel, aux côtés de nos partenaires européens, elle a su montrer sa volonté de dialogue et de coopération, mais aussi sa fermeté – et sur le dossier irakien, pour lequel elle n’a cessé de privilégier la dimension politique dans la recherche de solutions.

Ce courage, nous souhaitons également le voir s’affirmer dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. Certes, notre position tend à l’équilibre et à la reconnaissance réciproque et entière des deux États. Certes, le retrait d’Israël de Gaza a été l’un des faits marquants de la période récente. Néanmoins on ne peut manquer d’être préoccupé devant les difficultés rencontrées par l’Autorité palestinienne, qui risquent d’être accentuées par la poursuite des colonisations en Cisjordanie et par l’extension du mur. Aussi, monsieur le ministre, beaucoup se demandent comment réactiver efficacement la feuille de route. À défaut, ne peut-on envisager une initiative commune avec nos partenaires de l’Union, comme l’Europe avait déjà su le faire dans le passé ?

L’engagement de la France reste aussi particulièrement fort en Afrique. Depuis plus de quarante ans, notre pays a largement contribué à la stabilité du continent. Il s’efforce, comme aujourd’hui en Côte d’Ivoire, de favoriser le dialogue entre les parties et d’encourager les dirigeants et les organisations des États d’Afrique à exercer directement leurs responsabilités. Cependant nous ne sommes plus, malheureusement, au temps où les choses pouvaient aller et venir sans conséquences extrêmes. Les tensions sont beaucoup plus fortes et, de ce fait, notre nécessaire engagement risque de s’inscrire dans la durée, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. Nous devons le faire comprendre à notre opinion publique.

Doit-on considérer, monsieur le ministre, que la notion d’action extérieure s’applique aux enjeux de la construction européenne ? Je n’en suis pas sûr, mais je pense, comme beaucoup de mes collègues, que certaines interrogations sont indispensables.

Comment, d’abord, reprendre l’initiative au sein de l’Union ?

M. Jacques Myard. Bof !

M. Daniel Garrigue. Les vicissitudes de la présidence britannique tendent à montrer qu’il ne peut y avoir d’autre moteur que le moteur franco-allemand.

M. Jacques Myard. Tu parles !

M. Daniel Garrigue. Comment le relancer ? La nouvelle coalition allemande est-elle suffisamment stabilisée pour le permettre ? Notre propre position est-elle assez forte, et ne risquons-nous pas de la fragiliser par une conception parfois trop étroite de nos intérêts ? Ne devons-nous pas, enfin, convaincre nos partenaires des dix nouveaux États que l’échec de la constitution européenne n’est pas la contestation ou la remise en cause d’un élargissement qui constitue un fait historique considérable et auquel nous avons toujours été profondément attachés ?

Comment, ensuite, faire en sorte que l’opinion française et celle des différents États membres adhèrent pleinement à l’Union ? L’excellent rapport de notre collègue Michel Herbillon propose un ensemble d’actions propres à rapprocher l’opinion de l’Europe, mais il faut certainement aller au-delà et entrer sur le terrain des convictions.

Nous sommes nombreux, monsieur le ministre, à penser que nous n’y parviendrons pas sans engager clairement le débat sur les frontières, car il ne peut y avoir d’adhésion de nos concitoyens qu’envers une Europe dont les contours seront clairement définis. Tant que pèsera l’incertitude, il sera difficile de recueillir cette adhésion. Je note d’ailleurs que la question n’est pas posée qu’en France, puisque le ministre espagnol des affaires étrangères, M. Moratinos, l’a évoquée il y a quelques jours dans les colonnes d’un quotidien spécialisé dans les questions économiques.

Nous y parviendrons aussi si nous savons nous donner de véritables ambitions. Le Président de la République s’est récemment exprimé à ce sujet. Plutôt que de continuer à esquiver prudemment la question, comme cela semble être le cas depuis quelques mois à l’Assemblée nationale, il serait important que nous ayons, dans cette enceinte mais aussi dans l’opinion, un véritable débat sur ce que nous attendons de l’Europe et sur ce que nous voulons pour elle.

Le groupe UMP est conscient, monsieur le ministre, des efforts souvent exemplaires conduits dans la gestion de ce ministère, mais il partage aussi les orientations volontaires et courageuses de votre politique. C’est la raison pour laquelle il apportera son soutien et votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget des affaires étrangères en réduction, c’est la France qui en rabat sur ses ambitions. Tel est le cas aujourd’hui et cela n’est ni acceptable ni compréhensible au regard du monde contemporain qui a tant besoin, au contraire, de France et d’Europe.

La mise en œuvre de la LOLF, avec la création d’une mission « Action extérieure de l’État », montre à quel point nos « très chers » technocrates sont capables d’inventivité mais aussi de ridicule.

Nous présenter un budget où l’on peut, avec force détails, connaître aussi bien le coût des trajets entre le domicile et le travail que celui des séjours proposés aux enfants et des aides apportées aux mères, celui des dépenses informatiques ou autres frais d’invitation des journalistes – même si, dans ce dernier cas, monsieur le ministre, on ne précise pas si ceux de l’Humanité sont concerné – est sans doute absolument passionnant, mais, franchement, j’échangerais volontiers cette transparence-là contre une véritable transparence continue en matière de politique étrangère de la France. Or cela est loin d’être le cas.

Il en va de même s’agissant des « indicateurs de performance ». Quelle belle trouvaille !

Comment, par exemple, évaluer la performance du ministère des affaires étrangères en matière de construction européenne en prenant pour indicateur « les principaux dossiers européens pour lesquels les intérêts français ont progressé au sein des instances européennes », ou, mieux encore, « le nombre de consultation des sites Internet du département » ?

La politique internationale de la France ne peut se mettre dans des cases préétablies.

Elle demande analyse fine, clarté, volonté, initiatives, sens et souffle, autant de notions qui ne sont pas chiffrables, mais qui sont indispensables, surtout aujourd'hui quand on voit l'état du monde et de l'Europe.

Il convient donc de considérer ce budget à la lumière de l'action actuelle de ce ministère, une action qui a subi une inflexion négative depuis quelque temps.

Je veux m'arrêter sur un point majeur : le Liban.

A cet égard vous avez fait cause commune avec les États-Unis pour demander le départ des troupes et services syriens de ce pays. Cela est parfaitement fondé. Mais pourquoi ne parlez-vous pas du tout du Golan occupé ? Pourquoi ne retenez-vous nullement la thèse, pourtant exprimée dans le rapport de l'ONU, qui n'exclut pas un crime mafieux, s'agissant de feu le Premier ministre libanais Rafic Hariri, étant entendu qu’il faut effectivement punir les auteurs de l'attentat mortel qui l'a frappé ?

Au Proche-Orient que fait donc concrètement la France sur le plan politique pour avancer dans la juste voie de l'établissement d'un État palestinien viable, seule solution salutaire également pour Israël ? Qu'elles initiatives la France prend-elle au sein du Quartet ? On se félicite hautement du départ israélien de Gaza, mais on ne met pas autant de force – loin s'en faut – pour condamner clairement l'occupation, le mur d'annexion, les prisonniers politiques, la colonisation accrue, la situation de Jérusalem-Est ou bien encore les propos récents d'Ariel Sharon dont la stratégie est claire : quitter Gaza pour mieux annexer la Cisjordanie.

Que l'Union européenne aide l'autorité palestinienne constitue une avancée chose notable, mais c'est au niveau politique que nous sommes attendus pour un règlement juste de ce conflit, qui suppose deux États vivant l'un à côté de l'autre en toute souveraineté et en totale sécurité. Pourquoi cette inertie ? Tout doit-il donc venir des États-Unis ? Mais qui ne voit que, précisément, tout vient des États-Unis depuis cinquante ans et que, depuis cinquante ans, c'est la guerre dans cette région du monde ! Il faut des initiatives politiques propres à l'Union européenne pour le Proche-Orient. À cet égard, je souhaite que la représentation nationale discute en séance plénière de ce sujet ainsi que l’a déjà demandé le président de la commission des affaires étrangères.

S’agissant de l’Iran, la communauté internationale a justement réagi et condamné les propos inadmissibles du nouveau président concernant Israël. De même, une attention est légitimement portée au problème du nucléaire dans ce pays. En revanche, pourquoi ce silence pesant sur la possession avérée de l'arme atomique par Israël, monsieur le ministre ? Parce que l'Iran a signé le traité de non-prolifération, on le surveille légitimement et parce que ce n'est pas le cas d'Israël, on se tait ! Toujours ce même paradigme effrayant – le «deux poids, deux mesures » – qui doit être le mode de règlement et de relations dans les affaires internationales. Eh bien, cela, nous ne l'acceptons pas ! Fut un temps, d'ailleurs, où la France ne l'acceptait pas. Ces époques sont sans doute malheureusement révolues ! C'est vous, monsieur le ministre, qui en portez le poids et qui en êtes l'expression, quand bien même vous n'en seriez pas un adepte.

Le tropisme atlantique a atteint par petites touches successives notre politique extérieure. Ce recul considérable est nuisible non seulement pour la France, mais aussi pour les affaires et l’état du monde.

Pour étayer mon propos, je prendrai un autre exemple : celui de l’Irak. Vous faites du retour à la souveraineté de ce pays et à sa sécurité un objectif parmi les neuf que vous avez recensés. Si je note que le Proche-Orient ne figure pas parmi ces neuf objectifs prioritaires, ce qui est éclairant, je ne peux manquer de m'arrêter sur votre attitude vis-à-vis de ce pays et sur ce qui s'y passe. Sauf erreur de ma part – mais vous me direz si je me trompe – l'occupation de forces étrangères a été considérée comme illégitime par l'ONU. Il y a donc bien des occupants et des occupés. De plus, le plus puissant des occupants a fait exploser l'unité du pays et a rédigé en sous-main une constitution actant ce fait et divisant ce pays sur une base religieuse. Quel beau progrès !

L'avenir de ce pays est des plus problématiques et la multiplication des actes meurtriers est loin d'apaiser et de simplifier la situation, j’en conviens.

À ce propos, je citerai un point incident, mais non secondaire. Le secrétaire général de l'ONU avait fait une proposition pour donner enfin un caractère juridique consistant au mot « terrorisme ». Pourquoi refuser sa formulation ? Votre réponse m'intéresse.

Toujours à propos de l’Irak, comment, monsieur le ministre, concevez-vous le retour à la souveraineté de ce pays et à sa sécurité autrement qu'en reprenant mot à mot la politique américaine ?

Je pourrais malheureusement multiplier les exemples. La France n'est pas, la France n'est plus à la hauteur des besoins de justice et de paix qui montent et qui s'expriment avec douleur des entrailles de notre planète. La France est en panne d'ambition : ambition pour le monde, mais aussi pour l'Europe, alors que vous ne parvenez pas à faire le deuil du projet de Constitution et ne comprenez pas le besoin de changement social et démocratique qui s'y exprime. Ce manque d'ambition constitue un sérieux revers pour notre pays. C'est aussi un drame pour la planète qui a besoin non d'unilatéralisme, mais de multilatéralisme. À vous être éloigné progressivement de cette dernière vision, vous affaiblissez la France dans le monde. Vous avez volé le feu d'un autre avenir sur cette planète. Ce n'est pas du Rimbaud ; c'est du défaitisme !

Comment voulez-vous que notre groupe accepte ce budget et, plus encore, cette politique extérieure ? C'est impossible !

Notre vote en résultera. Il faut, en effet, savoir dire « non ! » C'est ce que vous ne savez plus faire. Quelle tristesse !

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les députés, le budget du ministère des affaires étrangères dont nous débattons ce soir s'inscrit dans un contexte qui aura vu, cette année, l'influence de notre pays contestée à différents degrés au sein même de l'Union européenne ou encore dans notre zone d'influence historique et privilégiée : l'Afrique. Le budget de notre diplomatie a donc ce double impératif : restaurer et renforcer l'image et l'influence de notre pays à travers le monde et préparer l'avenir.

Nous avons, plus que d'autres pays et plus qu'en d'autres temps, une exigence de diplomatie active, réactive, que nous devons parfois concevoir comme une diplomatie de mission, voire de combat. C'est pour cela que notre engagement international a besoin d'un soutien budgétaire ambitieux, volontaire et ferme.

Auditionné par la commission des finances, vous avez, monsieur le ministre, défini ce budget pour l'année 2006 par trois mots : nouveauté, rigueur et détermination.

Vous avez raison : ce budget est rigoureux et novateur. Il s'inscrit ainsi parfaitement dans la logique de bonne gestion de l'argent public voulue par le Président de la République et par le Premier ministre pour engager la réforme de notre organisation étatique. Il est également rigoureux et novateur parce que ce premier budget, qui sera voté et exécuté en version LOLF, traduit un singulier et remarqué effort de votre administration pour s'adapter à la modernité et au temps présent. Votre volonté de moderniser et de réorganiser votre ministère doit être saluée par tous.

Ainsi, ce budget marque l'effort de votre ministère pour gagner en efficacité en termes de gestion des effectifs. La diminution des effectifs sera obtenue grâce à une bonne et sérieuse réorganisation de notre outil diplomatique.

De plus, vous avez réussi à mettre en œuvre une politique immobilière dynamique et performante en développant, notamment, la technique des loyers budgétaires ou en choisissant des financements innovants avec, par exemple, le choix du partenariat entre le secteur public et le secteur privé pour la construction du centre des archives diplomatiques à La Courneuve.

Vous avez également fait de la modernisation des systèmes d'information une priorité absolue, qui s'est traduite par la mise en place d'un plan de trois ans. Ce dernier comprend notamment la refonte du télégramme diplomatique, l'augmentation des débits du réseau mondial, la modernisation des applications et la création d'un site de secours. Ce dispositif, qui sera préservé et même renforcé dans le budget pour 2006, n'est pas seulement un catalogue de dispositions à caractère technique ; il est aussi le gage de notre efficacité et de notre crédibilité.

Les dépenses de fonctionnement enregistrent une nouvelle baisse, ce qui permettra de ramener les coûts globaux de structure à moins de 25 % du budget en 2006, alors même qu'ils en représentaient 33 % en 2000. C'est un résultat louable dont nous devons tous nous féliciter.

Il convient cependant de faire attention, car, si tous ces efforts sont méritoires d'un point de vue purement comptable, ils risquent de se faire au détriment de la présence française à l'étranger ! J'en veux pour preuve la baisse des crédits affectés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » qui subit, par rapport à l'exercice 2005, une diminution de ses crédits de paiements de plus de 3 %.

Si notre formidable réseau culturel et scientifique est certes préservé dans sa globalité - et il faut vous en remercier, monsieur le ministre - je regrette sincèrement que les moyens qui lui sont consacrés ne permettent pas de concrétiser entièrement l'ambition française en matière de rayonnement culturel. Les crédits affectés à l'animation du réseau d'établissements culturels, hors pays bénéficiaires de l'aide publique au développement, sont, pour 2006, avec un peu plus de 18 millions d'euros, en baisse de 546 000 euros par rapport à 2005. Cette situation est d’autant plus regrettable que la nouvelle présentation budgétaire née de la LOLF scinde budgétairement en deux ce réseau entre les centres culturels et alliances françaises des pays bénéficiant de l'APD, qui relèvent désormais de la mission «Aide publique au développement», et ceux dépendant de notre mission. Ce découpage nuit malheureusement à la visibilité de notre action culturelle extérieure.

Concernant notre réseau culturel, je souhaite toutefois souligner que, fort heureusement et avec responsabilité, sa réorganisation a toujours été opérée dans un souci de rationalisation et d'efficacité. Une fermeture n'est jamais envisagée sans la mise en place d'un cadre de substitution et les moyens dégagés sont, dans la plupart des cas, redéployés vers le centre situé dans la capitale ou au profit de structures plus légères, comme cela s'est fait en Allemagne. À ce propos, je me félicite de la décision de ne pas fermer un certain nombre de consulats situés dans l'Union européenne et de les convertir en consulats d'influence, consulats d'un nouveau genre, qui cumulent ainsi souvent leur mission d'influence et des fonctions culturelles. C'est une bonne nouvelle.

Les redéploiements en cours au sein de notre réseau diplomatique devront être plus rapides et se réaliser avec l’objectif d’accroître notre influence actuelle et surtout future dans des zones géographiques qui vont être amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans les années à venir, c’est-à-dire les nouveaux membres de l’Union européenne, mais aussi des pays comme la Russie et les grands pays émergents. C’est également l’une des conditions du succès de notre stratégie d’influence diplomatique et culturelle.

Un autre vecteur de notre influence réside dans le développement de l’usage de notre langue. En effet, la présence et la dimension culturelle de l’action extérieure de la France s’analysent aussi par l’effort engagé par notre pays en faveur de l’enseignement du français à l’étranger. Dans des circonstances budgétaires que nous savons tous soumises à des impératifs de bonne gestion, le budget que vous présentez renouvelle une fois de plus son engagement en faveur de la diversité et du rayonnement culturel français à l’étranger.

L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger se trouve une nouvelle fois confirmée dans ses objectifs et ambitions. Le nombre d’élèves scolarisés dans les établissements relevant de cette agence est en progression constante, avec toujours plus d’élèves étrangers, ces mêmes élèves qui, bien souvent, appartiendront plus tard à l’élite politique, intellectuelle, économique ou scientifique de leur pays. C’est un formidable succès que nous devons encourager et préserver. Je regrette d’autant plus que les crédits qui lui sont consacrés subissent une nouvelle baisse cette année, passant de près de 325 millions d’euros l’an dernier à 323 millions cette année.

Je tiens également à souligner, comme d’autres intervenants l’ont fait avant moi, que le rattachement budgétaire des crédits de l’AEFE au programme « Français à l’étranger et étrangers en France » ne me semble pas le plus judicieux au regard des missions de l’agence. Il conviendrait de les rattacher au programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Je souhaite que l’amendement allant en ce sens et voté par les commissions des affaires étrangères et des finances soit adopté par l’ensemble des groupes de notre assemblée.

Les efforts pour encourager la venue sur notre sol d’étudiants étrangers doivent également participer au rayonnement international de notre pays, de son savoir-faire et de sa culture. Ainsi, je regrette que les crédits prévus au titre des échanges scientifiques, techniques et universitaires en 2006 ne s’élèvent qu’à 43,23 millions d’euros, hors dépenses de personnel, ce qui représente une baisse de 8 % de leur montant. Il en est de même pour la baisse prévue de 10 % des crédits consacrés aux bourses accordées par le ministère des affaires étrangères.

L’attractivité de l’enseignement supérieur français peut et doit s’améliorer. Avec un total de 210 000 étudiants étrangers en 2004-2005, la France se trouve au quatrième rang, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. C’est la preuve de notre attractivité, mais nous avons un potentiel de développement encore plus important. En effet, alors que le nombre de locuteurs allemands dans le monde est de 123 millions contre 290 millions de locuteurs français, l’Allemagne est plus attractive que notre pays et réussit à attirer un plus grand nombre d’étudiants étrangers. Il est essentiel de mettre en œuvre des moyens supplémentaires, notamment pour l’accueil des étudiants étrangers.

Je vais maintenant aborder plus directement la question de l’apprentissage de notre langue à l’étranger.

A cet égard, je constate avec amertume que, hors dépenses de personnels, les crédits destinés à la promotion de la langue et de la culture française sont en baisse de presque 5 %.

La francophonie est défendue avec passion par les plus hautes autorités de l’État, qui ne cessent d’affirmer l’importance de cette action ; notre pays se fait le héraut, depuis quelques années, de la diversité linguistique et culturelle. Or force est de constater que, malheureusement, les crédits alloués diminuent. Cela crée une situation paradoxale parfois décourageante,…

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le rayonnement culturel et scientifique. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. … d’autant que l’argent consacré au développement de la francophonie l’est en grande partie par le biais du financement d’institutions multilatérales de la francophonie. La conséquence du multilatéralisme est une réduction de la visibilité de notre action.

Pour autant, je me réjouis sincèrement de l’effort consacré à la francophonie institutionnelle, qui représente, toutes missions budgétaires confondues, les deux tiers de l’action de notre pays en faveur de la diversité culturelle et linguistique.

La défense de la langue française suppose que les moyens budgétaires nécessaires soient mis en œuvre, en particulier pour l’enseignement du français à l’étranger. Or on constate une stagnation des crédits, donc une baisse à euros constants, ce qui n’est pas satisfaisant, comme l’a souligné le président Edouard Balladur devant la commission des affaires étrangères.

Cela est d’autant plus vrai que notre pays a obtenu avec la consécration internationale du principe de la diversité culturelle à l’UNESCO une victoire diplomatique.

Notre présence internationale ne peut pas faire l’impasse sur la valorisation de tout ce qui, culturellement et linguistiquement, porte le label « France ». Il faut donc se féliciter de l’engagement renouvelé par ce budget de défendre un audiovisuel extérieur performant et de qualité. Nous devons être fiers de TV5 et de RFI, qui remplissent totalement leur rôle d’acteurs de la diffusion de l’identité francophone à travers le monde. On aurait pu cependant souhaiter, d’une part, que les subventions qui leur sont allouées par ce budget ne soient pas simplement reconduites par rapport à l’année dernière et, d’autre part, que la future chaîne d’information internationale dépende des crédits de notre mission.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. À propos de TV5, je souhaite appeler votre attention sur la signature, le 19 septembre dernier, d’un plan quadriennal stratégique qui fixe les priorités de cette chaîne. Ce plan a été signé par l’ensemble des ministres de tutelle de TV5, dont Mme Girardin, au nom de la France. L’une des priorités de la chaîne est de développer le sous-titrage afin d’attirer un public non francophone ou maîtrisant mal notre langue. Comme le souligne le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, le sous-titrage exhaustif en plusieurs langues nécessiterait 10 millions d’euros, somme que nous ne pouvons engager actuellement compte tenu des contraintes budgétaires. Il serait souhaitable que cette situation soit rétablie, et ce d’autant plus que les autres pays bailleurs de fonds de TV5 au même titre que la France se sont d’ores et déjà engagés à augmenter leur contribution de 3 %.

M. Gérard Grignon. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le ministre, ce budget pour 2006 renforce la diplomatie française, qui reste, avec 156 représentations permanentes bilatérales et une vingtaine auprès d’organisations internationales, l’un des réseaux diplomatiques les plus développés et les plus présents à travers le monde. Il répond aux priorités que le Président de la République a fixées à notre diplomatie. Notre diplomatie culturelle est au service de notre diplomatie politique et militaire. Il est donc indispensable de la préserver et de la revivifier. C’est ce que j’ai voulu vous dire au travers d’un certain nombre de remarques.

C’est avec volontarisme et responsabilité politique et budgétaire que vous nous proposez ce budget et c’est avec le même esprit que, comme l’a indiqué avant moi Daniel Garrigue, le groupe UMP émettra un vote favorable même si, naturellement, nous souhaitons qu’il soit plus important encore pour qu’il y ait parfaite adéquation entre notre volonté, nos discours et nos actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Colot.

Mme Geneviève Colot. Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur le programme 151, qui porte l’intitulé : « Français de l’étranger et étrangers en France ».

Cette dénomination, qui est la même que celle de la direction de votre ministère, est mal acceptée par nos compatriotes expatriés. Ils vivent mal cet amalgame entre Français de l’étranger et étrangers en France. Voir, dans le même programme, le budget de 1’OFPRA, celui de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger et celui du service public aux Français de l’étranger n’est pas une bonne chose, surtout au vu des principes qui régissent la LOLF. Les amendements dont nous allons discuter tout à l’heure n’apportent qu’une réponse partielle à ce problème.

Les Français de l’étranger ne reçoivent pas de notre part l’attention qu’ils méritent, une attention à la mesure du service qu’ils rendent à la France. Je n’en veux pour preuve que le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont le rapporteur pour avis sur ce sujet, M. Rochebloine, a parlé avec beaucoup de brio avant moi.

M. Jean-Claude Lefort. Brio ?

Mme Geneviève Colot. Oui, brio !

Ce budget est en baisse. Il sera de 323 millions d’euros en 2006, contre 324,7 millions en 2005, soit une diminution de 10 millions d’euros en deux ans, et beaucoup plus si l’on considère l’accroissement de la masse salariale consécutif à l’augmentation de l’indice.

L’agence est un réseau exceptionnel, fort de 410 établissements, le plus important réseau de ce type dans le monde. Son rôle ne se limite pas à assurer le service public de l’éducation à quelques expatriés français. Par ses établissements, c’est l’avenir de la présence française, le rayonnement mondial de notre pays qui se prépare.

M. André Schneider. C’est vrai !

Mme Geneviève Colot. Dans ses établissements, c’est la culture française que l’on sème, c’est l’influence économique et politique de notre pays pour les années à venir qui se joue. Sur les 160 000 élèves, seulement 70 000 sont français. C’est dire l’enjeu à dix, vingt ou trente ans. Ce budget est un budget d’investissement à long terme ; il correspond à un pari sur l’avenir qu’il faut tenir, et le taux de réussite au bac - 94 % - en est le meilleur gage.

Dès lors, s’il est normal que ce budget soit contenu, il est excessif de le réduires comme c’est le cas. Le personnel enseignant et les parents d’élèves qui s’investissent beaucoup dans ces établissements se sentent découragés devant si peu de reconnaissance.

Ainsi, pour remplir sa mission, l’agence doit faire appel à ses fonds de roulement. C’est la bonne gestion qui est pénalisée. La création d’établissements se fait au détriment de l’entretien du patrimoine existant, ce qui est fort dommageable.

Monsieur le ministre, ne sacrifions pas l’avenir au présent. Les Français de l’étranger sont des nationaux à part entière et nous devons leur prêter d’autant plus d’attention que leur voix est lointaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les spécialistes du droit international maritime s’accordent à affirmer que le rendu du tribunal arbitral de New York en 1992, lequel a délimité les frontières maritimes entre la France et le Canada autour de Saint-Pierre-et-Miquelon, fut un échec pour notre pays.

Chacun en connaît les raisons : la négligence, l’indigence des moyens matériels et humains pour préparer les plaidoiries au cours des trois années dont disposait notre pays, bref l’absence d’intérêt pour la défense de nos droits dans cette partie du monde ou de prise de conscience de ces intérêts au cœur d’une région riche en hydrocarbures, dont les Canadiens ont déjà très amplement engagé l’exploitation.

Une nouvelle chance, une chance inespérée mais limitée dans le temps quant à la possibilité de la saisir, s’offre à la France. Il s’agit des dispositions de l’article 76 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, qui dispose que tous les pays côtiers peuvent demander l’extension de leur juridiction au-delà des 200 miles marins jusqu’aux limites du plateau continental.

La France a jusqu'en mai 2009 pour déposer un dossier auprès de la commission onusienne compétente, dite commission des limites du plateau continental, sachant qu'un tel dossier doit contenir des relevés bathymétriques et sismiques et demande environ deux ans pour être constitué. Or rien n'est encore programmé, rien n'est encore décidé par la France bien que Mme Girardin, alors ministre de l'outre-mer, ait annoncé en novembre 2004, à cette même tribune, que le navire de l'IFREMER, le Marion Dufresne, dans le cadre du programme EXTRAPLAC, allait être programmé début 2006 pour effectuer ces relevés dans la zone économique exclusive française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ce dossier est de toute première importance, car la commission du plateau continental n'a pas mandat pour statuer sur les différends. Si la France annonce sa décision de déposer ce dossier, le Canada, qui a déjà annoncé son intention d'étendre sa juridiction 170 milles marins au-delà des limites de sa zone économique exclusive actuelle, sera soit dans l'obligation de négocier, soit de se rendre devant un tribunal d'arbitrage international.

Il s'agit d'un atout inespéré offert à notre pays pour renégocier en 2007 les accords franco-canadiens sur les pêches conclus en 1994. C’est une formidable occasion offerte à la France d'obtenir la maîtrise du sous-sol marin sur des espaces supplémentaires riches en hydrocarbures et dont Terre-Neuve a déjà négocié les retombées fiscales avec Ottawa pour plus de 4 milliards de dollars sur huit ans.

Occasion inespérée pour la France, mais aussi occasion à mon sens définitivement ruinée et remise en cause du maintien de sa présence dans cette partie du monde, si elle renonçait à utiliser son droit, notre zone économique exclusive se retrouvant dès mai 2009 définitivement noyée au fond d'un espace canadien étendu par défaut à 370 milles marins de ses côtes.

Je sais bien que certains diplomates frileux baissent déjà la garde, considérant que la sentence arbitrale de New York nous prive de la possibilité de revendiquer nos droits. Cependant les spécialistes du droit international maritime savent que cet argument ne tient pas, puisque le tribunal arbitral de New York n'avait pas mandat pour statuer sur le plateau continental. Il le réaffirme d'ailleurs dans la sentence arbitrale rendue en juin 1992. Le point de référence retenu en 1992 pour fixer la limite des 200 milles marins, donc celle des eaux internationales, est le Cap Breton en Nouvelle-Écosse.

Or la loi canadienne sur les océans de 1996 a unilatéralement déplacé ce point de référence bien au-delà en s'appuyant, non plus sur le Cap Breton, mais sur l'Île de Sable, île inhabitée, émouvante, enclavant de ce fait dans les 200 milles canadiens la zone économique exclusive française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon sans que la France ne proteste.

Les juristes canadiens eux-mêmes, dans le rendu de l'arbitrage frontalier de 2002 établissant la frontière maritime entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, font état des possibilités offertes à la France, et envisagent déjà que, dans ce cas, les espaces nouveaux passant sous notre juridiction le seraient au détriment de la Nouvelle-Écosse. Cette reconnaissance est logique car il serait juridiquement inconcevable que le tribunal arbitral de New York ait pu prendre en 1992 une décision qui nie et s'oppose au droit international maritime ainsi qu'à son évolution définie par la convention des Nations unies sur le droit de la mer à Montego Bay en 1982.

Même le Danemark, qui possède entre le Groenland et le Canada une île minuscule inhabitée, Hans Island, a informé le Canada de sa décision de déposer son dossier auprès de la commission du plateau continental ; et le Canada va négocier avec le Danemark.

La France est donc juridiquement parfaitement fondée à revendiquer l'extension de son plateau continental dans cette région.

Or, malgré de nombreuses interventions, monsieur le ministre, le silence et l'absence de décision du Quai-d'Orsay, me laissent perplexe et me désespèrent tout comme ils rendent perplexes et désespèrent certaines personnalités éminentes du droit international maritime. La seule manifestation de la France sur ce sujet fut de demander aux Canadiens s'ils consentiraient à négocier. Il est évident que ces derniers ont répondu par la négative, car ils n'y ont aucun intérêt s'ils n'y sont pas contraints. L'unique moyen de les y contraindre est que notre pays décide de déposer un dossier auprès de la commission compétente conformément au droit qui est le sien dans le cadre de la convention des Nations unies sur le droit de la mer.

Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de saisir cette formidable opportunité offerte par le droit international maritime ? Ou bien allez-vous devenir – ce que, vous connaissant, je ne peux imaginer – celui qui aura participé par défaut à l’effacement à terme de la présence de la France et de l’Europe en Amérique du nord.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, la situation internationale est mauvaise et vous êtes bien placé pour le savoir, vous qui recevez chaque jour toutes les informations en provenance de nos postes à l’étranger. Elle est mauvaise et personne ne peut dire qu’elle a des chances de s’améliorer dans les mois ou les années qui viennent. Cette donnée essentielle nous commande de donner une priorité réelle à notre action extérieure, avec le double souci d’avoir la maîtriser de nos décisions – nous n’avons pas à subir des administrations prétendument supranationales dont les projets ne correspondent pas aux nôtres – et de nous donner les moyens d’action nécessaires. En effet c’est bien de moyens financiers qu’il s’agit aujourd’hui.

La situation internationale est chaotique, erratique et personne ne peut dire comment elle peut évoluer. Cela me rappelle ce que l’un de nos ambassadeurs avait un jour télégraphié après un coup d’État : « La situation évolue rapidement, dans un sens que je ne connais pas. » (Sourires.) Ce pourrait être votre devise, monsieur le ministre, car, à l’évidence, telle est bien la situation internationale ! Pourtant vous devez être le bonus pater familias : vous devez faire face !

La société internationale est en effet marquée par des ruptures structurelles lourdes qui hypothèquent l’avenir.

On constate d’abord une rupture nord-sud démographique comme il n’en a jamais existé dans l’histoire de l’humanité.

M. Jean-Claude Lefort. Une fracture !

M. Jacques Myard. Alors qu’il y avait 250 millions d’hommes en Afrique en 1950, ils sont 1 milliard aujourd’hui et les projections en font attendre 1,5 milliard dans trente ou quarante ans.

Les conséquences sont dramatiques pour les États africains, tous tombés en déliquescence. Sur le plan sociologique, cette croissance entraîne une émigration que nous subissons sans toujours vouloir la contrôler. Je le dis avec une certaine solennité : nous sommes non pas à la fin des flux migratoires, mais bien au commencement. Il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux et de cesser de faire preuve d’angélisme, en ce qui concerne tant les droits de l’homme – qui ne sont pas une explication du monde – que la nécessité de contrôler nos frontières. Ne comptons pas sur des règlements et des directives qui ne servent à rien.

Il existe ensuite une rupture culturelle, tendance lourde, liée bien évidemment à la précédente et mélange complexe de frustrations, d’incompréhension et de radicalisation d’une grande religion, celle de l’Islam qui, depuis près d’une centaine d’années, est dans une phase d’intégrisme, dont le terrorisme est l’avatar extrême.

Ces ruptures lourdes s’accompagnent d’une permanence des crises au Proche-Orient où la voix de la France pourrait se faire davantage entendre, et au Moyen-Orient, où, à l’évidence, l’aventurisme américain avec l’Irak n’a fait qu’attiser cette haine que je viens d’évoquer.

L’on voit aussi apparaître de nouvelles crises avec l’Iran, la Corée, l’Inde et le Pakistan, avec aussi la question lancinante, prégnante de la prolifération nucléaire, sous fond de mondialisation, de globalisation. Si, en effet, la mondialisation et la globalisation sont à certains égards un énorme avantage en ce qu’elles rapprochent les hommes, mais elles rapprochent aussi les crises et les haines.

Votre budget est-il à la hauteur de ces défis, monsieur le ministre ?

M. Jean-Claude Lefort. Non !

M. Jacques Myard. Avec tristesse, parce que je soutiens l’action du Gouvernement, je constate qu’il n’en est rien.

Premièrement, s’agissant des choix politiques, et je le dis à un ami, je ne pense pas que cette chimère de l’Europe-puissance puisse continuer d’être mise en avant. Comment croire que l’on puisse définir une politique étrangère et de sécurité commune à vingt-sept ou à trente alors que nous sommes fondamentalement tous en désaccord et que nos partenaires ont aliéné leur indépendance et leur volonté d’exister entre les mains des Américains ? Comme cela a été évoqué tout à l’heure à propos de la Pologne, nous savons que ces États n’ont de cesse de s’aligner sur Washington et se contrefichent d’une unité européenne.

Vous avez écrit récemment qu’il fallait réconcilier les Français avec l’Europe. Que nenni, monsieur le ministre : il faut réconcilier l’Europe avec la volonté des Français ! La nation doit être au centre de la construction européenne et non l’inverse. Ce n’est pas aux nations de se plier aux oukases des technocrates, mais à ceux-ci d’écouter la volonté des peuples, laquelle s’est clairement manifestée en France et aux Pays-Bas. Cela est d’autant plus étonnant pour ce dernier pays qu’il est nettement europhile.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut rejeter la coopération européenne. Elle est un élément de notre politique étrangère, de notre dimension existentielle et géographique. Mais de là à se dire que hors de l’Europe il n’est point de salut et que tout doit passer par Bruxelles, il y a un monde ; c’est même une faute sans appel. Jamais on ne doit mettre ses œufs dans le même panier, pas plus à Bruxelles qu’ailleurs !

Quand j’entends que nous devons négocier avec Bruxelles le prix des visas Schengen, les bras m’en tombent ! Cadenasser jusqu’à des peccadilles et abandonner notre souveraineté est une faute que je ne cesserai de dénoncer.

Le monde d’aujourd’hui demande des décisions rapides et non des palabres bruxelloises dans lesquelles nous seront de plus en plus souvent battus, car, au système de la majorité qualifiée, la France est en minorité sur de très nombreux dossiers. Notre avenir n’est pas à Bruxelles, nos diplomates doivent cesser d’y calibrer des frites et regarder là où se joue l’avenir du monde, c’est-à-dire vers la Méditerranée, l’Afrique, le Proche et le Moyen-Orient, car l’avenir de l’Europe se joue non plus sur l’Elbe et la Vistule, mais sur le flanc sud. Plus que jamais nous devons garder la maîtrise de nos décisions diplomatiques.

Deuxième élément de tristesse : la baisse des moyens. Votre budget passe de 1,47 % du budget de l’État, à 1,33 %, et nous perdons une nouvelle fois des hommes pour porter la voix de la France et vous instruire de ce qui se passe dans le vaste monde. Avec une baisse des crédits du programme « Solidarité avec les pays en voie de développement » et « Affaires étrangères », en dix ans, 11 % des effectifs des affaires étrangères ont disparu. Si toutes les administrations de l’État avaient eu cette politique rationnelle, nous n’en serions pas là en termes de déficit budgétaire, monsieur le ministre.

Vous devez dire à Bercy, que la politique de la France doit être décidée non pas là-bas, mais par vous et par l'Assemblée nationale. Quand j’entends dire que l’on va négocier un contrat à ce sujet avec Bercy, les bras m’en tombent ! Cette assemblée est-elle souveraine ou n’existe-t-elle plus ?

L’avenir de la France passe non pas par Bercy, mais par la volonté de notre assemblée de donner les moyens nécessaires à celui qui porte sa voix, c’est-à-dire vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Garrigue. Les applaudissements visent plus la forme que le fond !

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.


M. Michel Herbillon
. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous ici intimement persuadés que la place de la France dans le monde et son influence dans le concert des nations sont étroitement liées à la promotion et au rayonnement de ses idées, de sa langue et de sa culture. C'est sur cette dimension majeure de notre action extérieure que je souhaite donc plus particulièrement axer mon propos dans le court temps de parole dont je dispose.

Comment d'ailleurs pourrait-on ne pas en être convaincu, au moment où la France vient de remporter, le 29 mai, une très belle victoire diplomatique, avec 1’adoption à l'UNESCO de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ainsi, la volonté du Président de la République de voir reconnue internationalement la spécificité des œuvres d'art et de l’esprit, qui ne sauraient être considérés comme de simples marchandises, est traduite concrètement par ce texte, qui consacre le droit des États à définir et conduire librement leurs politiques culturelles.

Il s’agit d’un très beau succès non seulement pour la France, mais également pour les pays européens et les pays francophones, qui se sont activement mobilisés afin que leur vision de ce que devrait être la mondialisation soit inscrite dans le droit international. C’est une conception fondée sur la protection de la diversité culturelle, le dialogue des cultures et des civilisations, et les idéaux de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Ce succès de notre diplomatie doit nous inciter aujourd'hui à nous montrer plus offensifs et à amplifier notre action pour faire valoir notre propre vision du monde.

II est donc indispensable que le projet de chaîne internationale d'information, dont le Président de la République rappelait à la fin du mois d’août, lors de la conférence des ambassadeurs, qu'elle s'inscrivait dans le même esprit de rayonnement de notre langue, de notre culture et de nos valeurs, voie le jour au plus vite.

Je vous rappelle que certains pays se montrent en la matière très réactifs et pragmatiques, et s'adaptent rapidement à l'évolution du monde. La BBC a annoncé, il y a quelques jours, un projet consistant à redéployer des moyens utilisés jusqu'à maintenant pour des programmes radiodiffusés essentiellement en Europe centrale, afin de lancer une chaîne d'information en continu en langue arabe d'ici à 2007.

De notre côté, cela fait trois ans que le projet de CFII traîne, dans les discussions et les atermoiements : le temps de l’action est désormais venu.

Le ministre de la culture et de la communication vient d’annoncer la constitution d’une société indépendante, dotée d’une rédaction autonome, société à parité entre TF1 et France Télévision, dont France Télévision serait le moteur. Les crédits budgétaires, d’un montant de 30 millions d’euros, prévus l’an dernier pour ce projet et non utilisées ont été reportés.

Or, alors que nous pensions les derniers obstacles enfin levés, voilà que l’annonce définitive de l’accord entre TF1 et France Télévision est à nouveau différé. Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de nous indiquer si une telle décision interviendra et quand afin que l’on passe enfin à la mise en œuvre effective de cette chaîne, dont le lancement a été souvent annoncé, puis repoussé ?

Je souhaite également que vous nous indiquiez si cette chaîne émettra dès son démarrage dans les trois langues, français, anglais, arabe, ce qui est indispensable pour assurer son audience et son rayonnement.

Concernant l'audiovisuel extérieur, je tiens, comme nombre de mes collègues, à souligner qu'il est regrettable que la mise en œuvre de la LOLF se traduise par un éparpillement des opérateurs audiovisuels au sein de différents programmes budgétaires, la chaîne française d’informations internationales relevant du programme « Média », tandis que TV5 et RFI dépendent du programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Cette situation, qui se double d'une compétence ministérielle différente selon les chaînes, nuit à la cohérence et à la lisibilité de notre politique audiovisuelle extérieure. J’espère, monsieur le ministre, que les observations des parlementaires sur ce sujet seront prises en compte pour la présentation du budget l'an prochain.

Le dernier point sur lequel je veux insister est le nécessaire effort que nous devons consentir pour la défense de la langue française.

Naturellement, pour avoir préconisé il y a deux ans, dans le rapport que j’ai consacré à la diversité linguistique dans l'Union européenne, une intensification de notre action de promotion en faveur de l’usage du français dans les institutions européennes, je me réjouis qu’un effort budgétaire particulier soit prévu cette année en la matière, afin d’enrayer le recul inquiétant, année après année, de l’usage du français en Europe, recul plus préoccupant encore dans l’Europe élargie à vingt-cinq pays.

En revanche, je ne peux que regretter la réduction de 4,5 % des crédits globalement alloués à la promotion de la langue et de la culture françaises. Cette diminution, comme celle du nombre des bourses allouées par votre ministère, n'est guère compatible avec les ambitions élevées affichées par notre pays et par vous-même, en matière de diplomatie culturelle.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous confirmer de façon concrète que l'engagement de votre ministère en faveur du rayonnement culturel, scientifique et universitaire demeurera au cœur de vos priorités d'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à remercier vos rapporteurs pour la qualité de leurs analyses. J'en ai pris connaissance avec d'autant plus d'intérêt que je sais l'attachement qu'ils portent à l'action du Quai-d'Orsay et à la parole d'une France forte et respectée dans le monde. Le travail considérable qu'ils ont accompli en témoigne. Permettez-moi aussi de remercier tous les intervenants de ce débat pour la pertinence de leurs questions, auxquelles je répondrai au fil de mon intervention.

Un budget est fait pour permettre de mener une politique, conduire des projets, servir, en l'occurrence, la politique étrangère de notre pays, et plus particulièrement, la mission « Action extérieure de l'État » qui vous est présentée ce soir.

Aussi, avant de répondre à vos questions, permettez-moi d'évoquer devant vous le contexte dans lequel s'inscrit ce budget, car les objectifs qu'il nous revient de servir sont indissociables – chacun le comprend – des moyens dont dispose notre diplomatie. Vous avez d’ailleurs, les uns et les autres, associé les moyens et l’ambition de la France.

Nous partageons tous ici une même ambition : donner à notre pays la place qui lui revient sur la scène internationale, au service de nos intérêts, mais aussi afin de porter plus loin notre vision d'une communauté internationale active et solidaire, unie autour du respect du droit et de la recherche d'un plus grand dialogue entre les pays, les cultures et les civilisations.

Cette exigence nous conduit aujourd'hui à agir dans trois domaines.

Le premier est celui des crises qui, au quotidien, sollicitent notre pays. En Côte d'Ivoire, au Soudan, dans la région des Grands lacs, en Irak, au Liban, en Iran, en Haïti, la diplomatie française affirme ses positions. Elle le fait parce que les idéaux qu'elle défend, tels le respect de la règle de droit, de la souveraineté nationale ou la tenue d'élections libres, constituent la base même de notre droit international.

Notre diplomatie se mobilise aussi pour répondre aux catastrophes naturelles ou accidentelles qui frappent la France à travers nos compatriotes expatriés. Face à ces drames humains notre ministère manifeste une disponibilité, une expertise et un sens du service public qui peuvent être sollicités à tout instant et dont la qualité mérite d'être pleinement reconnue.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Geneviève Colot. C’est vrai !

M. le ministre des affaires étrangères. C'est dans ces situations de crise que nous voyons que l'étendue de notre réseau représente un atout exceptionnel pour la vocation universelle de notre pays qui doit être défendu.

Notre deuxième priorité, c'est bien évidemment l'Europe, qui traverse aujourd'hui une crise sans précédent. Nos responsabilités de pays fondateur, le rôle d'inspiration que nous avons toujours joué dans le projet européen, le vote du 29 mai enfin, sont autant de facteurs qui conduisent notre diplomatie à se montrer plus que jamais active et créatrice dans le domaine européen.

Il y a d'abord les dossiers qu'il faut conclure, en particulier celui des perspectives financières.

Il y a ensuite les projets que notre pays doit contribuer à porter haut et loin : la promotion de la recherche européenne, le renforcement de la gouvernance économique, la garantie de la sécurité pour nos concitoyens, à travers une politique globale de l'immigration. Les chefs d’État et de gouvernement doivent s’en entretenir à Barcelone, à la fin du mois de novembre et il en sera également question dans le cadre du dialogue entre l’Union européenne et l’Afrique, dont j’espère que la prochaine étape interviendra bientôt. Cette politique doit savoir concilier le renforcement des contrôles à nos frontières et les actions de développement au bénéfice des pays d'origine.

Il est vrai, monsieur Myard, que tous ces projets ne seront certainement pas tous menés à vingt-cinq, vingt-huit ou trente. Ainsi l’Europe de la défense, que vous avez évoquée, se fera sans doute d’abord à quatre, à cinq, à six, peut-être à trois. Il faudra accepter l’existence, sur chaque projet, d’un groupe de pays d’avant-garde, associés à travers des coopérations renforcées.

M. Jean-Claude Lefort. Chiche !

M. le ministre des affaires étrangères. Il y a, enfin, le rôle international de l'Europe, que nous devons sans cesse soutenir et promouvoir : dans les Balkans, où les pays européens ont une responsabilité particulière ; sur le dossier du nucléaire iranien, dans lequel l'Europe a pris la tête d'une négociation difficile mais essentielle pour la stabilité de la région ; au Proche Orient, où l'Union pourrait être demain le garant d'une évolution pacifique à Gaza. En effet, pour la première fois l’Union européenne est reconnue comme un partenaire légitime par les deux bords, à la fois Israël et les autorités palestiniennes. C’est l’Union européenne, monsieur Lefort, qui sera en charge de contrôler les entrées et les sorties à Rafah, entre l’Égypte et les territoires palestiniens. Ce sont des agents formés par l’Union européenne qui exécuteront cette mission, et c’est une grande première, dont vous avez fort justement rappelé l’importance, monsieur Garrigue. Quant au Golan, monsieur Lefort, je vous répondrai dans un instant.

Vous avez reproché au programme d’invitation des journalistes de ne pas être ouvert aux journalistes d’un certain journal que vous connaissez bien. Je vous ferai remarquer, monsieur Lefort, que ce programme s’adresse aux journalistes étrangers, ce qui n’est pas le cas, je pense, des journalistes de L’Humanité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Si ! C’est l’Internationale, comme au bon vieux temps !

M. le ministre des affaires étrangères. Pour dépasser les blocages actuels, la France entend proposer, dialoguer, inciter.

La France n’hésitera pas à plaider pour davantage de flexibilité et de différenciation à vingt-cinq, afin de concilier approfondissement et élargissement et de donner à l’Europe un nouveau souffle.

Daniel Garrigue, comme nous nous y sommes engagés après le référendum, nous entamons un débat sur ce que nous attendons de l’Europe à vingt-cinq. C’est dans ce cadre que nous posons la question des frontières.

La dernière priorité de notre action diplomatique porte sur le système multilatéral et notre volonté de renforcer les institutions internationales, au premier rang desquelles les Nations unies.

Mais au-delà des adaptations institutionnelles, notre pays entend être actif dans les négociations multilatérales, qu’elles se tiennent dans le cadre du Conseil de sécurité, où la France a su souvent rassembler sur ses positions, ou dans d’autres enceintes plus techniques comme l’OMC,…

M. Jean-Claude Lefort. C’est une institution internationale, et non multilatérale !

M. le ministre des affaires étrangères. …où nous continuerons de faire preuve de la plus grande vigilance quant au respect des intérêts européens. Il n’est pas question, monsieur Myard, de laisser je ne sais quelle structure supranationale décider à la place des chefs d’État ou de gouvernement, c’est-à-dire du Conseil.

N’ayons pas de doute en la matière : la France veut le succès de Doha, mais dans le respect des priorités fixées au départ et avec le souci que les efforts demandés soient équitablement répartis. C’est à ce prix que la mondialisation pourra être mieux comprise de nos citoyens et considérée comme un facteur de progrès.

Autre enceinte essentielle à nos intérêts : l’Organisation internationale de la francophonie, dont nous devons soutenir les efforts pour promouvoir partout l’usage de la langue française. Notre action dans les nouveaux États membres est d’ailleurs marquée par cette priorité. Vous avez, monsieur Bloche, salué cet effort et demandé sa poursuite. Il sera poursuivi.

Ce combat passe aussi, comme l’a souligné M. Rochebloine, par la préservation de notre réseau de lycées français et d’instituts culturels à l’étranger : c’est dans ces lieux d’apprentissage que notre langue devient familière. Il est donc urgent de consolider notre réseau culturel et scolaire si nous voulons continuer à peser demain dans le débat d’idées international – j’y reviendrai lors de la présentation des programmes.

La même volonté nous a mobilisés pour faire adopter le mois dernier à l’UNESCO la convention sur la diversité culturelle, comme l’ont souligné M. Bourg-Broc et M. Herbillon, qui a justement rappelé, en outre, l’aide apportée à cet égard par les pays francophones. Ce succès, c’est une évidence, ne réglera pas tout, mais au moins donne-t-il corps à l’affirmation d’identités culturelles nationales qui, dans un monde marqué par un profond déséquilibre des échanges culturels – pour ne rien dire de plus –, doivent se donner les moyens légitimes de mieux respirer et de se faire connaître.

Oui, monsieur Rouquet, la diplomatie française est écoutée et respectée dans le monde. J’en veux pour exemple le dernier vote du Conseil de sécurité des Nations unies où, grâce à la France, la résolution 1636 a obtenu l’unanimité.

Vous avez également évoqué Haïti, monsieur Rouquet. La coopération décentralisée, qui est celle des collectivités locales, et les coopérations non gouvernementales, qui sont celles des ONG, permettent de compléter les efforts de l’État. Il ne s’agit pas de pallier les défaillances de l’État : bien au contraire, le ministère des affaires étrangères cofinance généralement pour moitié ces actions. Il s’agit donc, dans un pays comme Haïti, durement affecté par les catastrophes, la guerre civile et la criminalité, d’une démultiplication de nos efforts.

Monsieur Lefort, vous m’avez interrogé sur le Liban et l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri,…

M. Jean-Claude Lefort. Notamment…

M. le ministre des affaires étrangères. … et sur d’autres sujets, comme l’atlantisme qui nous gagnerait.

M. Jean-Claude Lefort. En effet !

M. le ministre des affaires étrangères. Pour ce qui concerne le Liban, je tiens à vous rappeler les grandes lignes de notre action. Nous avons réussi à mobiliser nos partenaires au Conseil de sécurité et, comme vous l’avez parfaitement souligné, nous sommes engagés en faveur du rétablissement de l’indépendance et de la souveraineté du Liban, ce qui passait par le départ des troupes syriennes.

La question du Golan relève de la problématique du processus de paix au Proche-Orient. Notre position sur cette question, qui repose sur le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité – R 242 et R 338 –, n’a pas changé.

M. Jean-Claude Lefort. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Quant à l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, le rapport rendu mi-octobre par la commission d’enquête pénale internationale mandatée par Kofi Annan indique qu’il existe « un faisceau de preuves concordantes laissant présumer que des responsables libanais et syriens étaient impliqués dans l’attentat terroriste, et on voit mal comment un complot aussi complexe aurait été perpétré à leur insu ». Au-delà du mobile de ce crime – mafieux ou politique –, notre unique objectif, monsieur Lefort, est de faire toute la lumière sur cet assassinat, quels que soient les criminels et où qu’ils soient.

M. Michel Herbillon et M. Jean-Claude Lefort. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Pour ce qui concerne l’Irak, quelles qu’aient pu être nos divergences avec les États-Unis sur la légitimité de leur intervention militaire, nous n’avons cessé, depuis le vote à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, en juin 2004, de sa résolution 1546, d’encourager l’établissement en Irak d’institutions souveraines, légitimes et fortes, car il nous semble important qu’il revienne au peuple irakien de déterminer ce qui doit se passer maintenant. C’est dans ce cadre que s’inscrit, depuis plus de deux ans, notre politique à l’égard de ce pays.

Au-delà des élections législatives qui se tiendront le 15 décembre 2005, le processus de transition se poursuivra l’an prochain. La Constitution approuvée à l’automne doit en effet être amendée et précisée sur de nombreux points. Nous n’avons pas la même vision que les États-Unis de la situation de certains pays, même si nous travaillons beaucoup avec les États-Unis sur le Moyen-Orient. Sur cette question, une seule chose compte : ce n’est pas une logique sécuritaire qui réglera le problème de l’Irak, mais un processus politique, avec une cohésion nationale.

M. Jean-Claude Lefort. Dites-le plus souvent alors !

M. Michel Herbillon et M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Je me félicite, enfin, de l’initiative prise par la Ligue arabe, qui réunit samedi au Caire de nombreuses personnalités irakiennes, en présence de représentants des Nations Unies, des États voisins et des acteurs concernés, dont la France. Cette initiative, qui devrait déboucher, au début de 2006, sur une conférence d’entente nationale, rejoint nos objectifs : faire en sorte que tous les Irakiens se reconnaissent dans leurs nouvelles institutions – car le risque est celui de la partition – et garantir l’unité, l’intégrité et la souveraineté.

Pour ce qui concerne le Proche-Orient, je souscris à votre avis qu’il est nécessaire de renouer un processus politique, seul moyen de parvenir à une solution durable et à un règlement juste du conflit israélo-palestinien. L’objectif est plus que jamais la création d’un État palestinien viable, vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël. Comme vous le savez, l’Union européenne est sur le point d’envoyer une mission destinée à jouer un rôle de tierce partie.

Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur Grignon, je ne serai pas celui qui bradera nos intérêts. Nous attendons la négociation pour valoriser, au contraire, la situation géographique privilégiée de notre territoire. Sur l’extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon, le recours à un arbitrage aurait des effets négatifs sur les relations franco-canadiennes. Je vous rappelle que l’arbitrage rendu en 1992 était plutôt favorable à la France, car il a permis à Saint-Pierre-et-Miquelon de disposer d’une zone économique exclusive de 200 milles, là où le Canada n’entendait lui reconnaître qu’une mer territoriale de 12 milles. Nous sommes favorables à l’ouverture de négociations en vue d’une coopération renforcée dans la zone et nous serons là pour défendre nos intérêts.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, après avoir répondu aux différentes questions qui m’ont été posées, j’aborderai plus particulièrement la question qui nous réunit ce soir, non sans souligner le travail remarquable des rapporteurs.

Cette politique que je viens de décrire, ces objectifs ambitieux qui nous sont assignés par le Président de la République sous votre contrôle, s’inscrivent, nous le savons tous, dans le contexte d’une contrainte budgétaire particulièrement forte.

Cette année encore, nous rendons des emplois et réalisons des économies de fonctionnement. Oui, comme l’a justement relevé à plusieurs reprises M. Cazenave, ce ministère est le plus engagé dans la réforme de l’État. Mais je veux vous montrer que nous continuerons à faire preuve de créativité pour assurer l’efficacité de l’action extérieure de la France.

D’abord, ce budget ne reflète qu’une partie de l’action extérieure de l’État. En effet, vingt-sept programmes relevant d’autres ministères – notamment de l’économie et des finances, de l’éducation nationale, de la défense, de la recherche et de l’équipement – comprennent des crédits mis en œuvre à l’étranger.

À court terme et pour remédier partiellement à cet éclatement, j’ai souhaité mettre en œuvre la recommandation du rapport du préfet Raymond-François Le Bris de réactiver le Comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger – le CIMEE –, créé par le Premier ministre Édouard Balladur. Le Premier ministre Dominique de Villepin a annoncé devant les ambassadeurs sa prochaine convocation et je place beaucoup d’espoir dans son efficacité pour donner plus de rationalité à notre dispositif à l’étranger.

Au-delà, il ne faudra pas craindre de faire évoluer l’architecture budgétaire et institutionnelle des moyens de l’État à l’étranger. La situation actuelle ne peut pas durer.

Une vraie modernisation de l’État et de son action internationale suppose une vision complète des moyens engagés et des actions menées. Je rejoins sur ce point l’avis de beaucoup d’entre vous qui aviez proposé la création d’une mission interministérielle regroupant l’ensemble des crédits consacrés à l’action extérieure de l’État, dont le ministère des affaires étrangères serait logiquement le chef de file, comme l’a évoqué M. Cazenave.

À cet égard, le rapporteur de votre commission des finances, Jérôme Chartier, regrette que le réseau financier et commercial, avec lequel nous travaillons étroitement dans chaque pays, soit exclu du périmètre de la mission « Action extérieure de l’État ». Dans cette perspective, et dans les deux documents de politique transversale préparés par mon ministère, nous avons fait le choix d’une vision plus large. Vous en avez reconnu la pertinence et je m’en félicite. Richard Cazenave a souhaité que nous enrichissions à l’avenir ce document de politique transversale d’éléments chiffrés : la fusion de ces documents avec les anciens « jaunes » est assurément souhaitable.

En deuxième lieu, la structure même des deux missions – « Aide publique au développement » et « Action extérieure de l’État » – sur lesquelles je travaille est très certainement perfectible et vos rapporteurs ont d’ailleurs pu mettre en cause certains de ces éléments.

François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ont dénoncé l’éclatement de l’action culturelle et scientifique internationale entre le programme 185, qui relève de l’action extérieure de l’État, et le programme 209, qui participe de l’aide publique au développement. Ils se sont inquiétés en particulier du risque d’un défaut de pilotage global du dispositif culturel extérieur. Comme eux, je serai vigilant pour que la continuité et la cohérence de notre politique culturelle extérieure soient assurées.

Jérôme Chartier s’est interrogé sur la cohérence du programme 151, « Français à l’étranger et étrangers en France », et je sais que vous êtes plusieurs à partager ses interrogations, à tel point que deux commissions ont proposé un amendement sur le transfert au programme « Rayonnement culturel » de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Vous le savez, il s’agit là d’un sujet sensible pour nos compatriotes à l’étranger, aussi je souhaite traiter cette question en liaison notamment avec leurs représentants.

Richard Cazenave déplore l’éparpillement des crédits consacrés à l’audiovisuel extérieur – nous y reviendrons.

Au-delà des questions d’architecture, il est clair que la contrainte la plus importante est la réduction des moyens alloués au ministère des affaires étrangères.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. le ministre des affaires étrangères. Beaucoup d’entre vous, comme Jérôme Chartier, François Rochebloine, Richard Cazenave ou Jacques Myard – je pourrais pratiquement citer tous les orateurs – ont relevé cette évolution et exprimé leur préoccupation pour l’année qui vient. Autant le dire franchement : nous partageons totalement votre inquiétude, non seulement pour 2006, mais aussi pour les années suivantes. Il est clair que nous ne pouvons continuer à voir nos missions s’étendre et nos moyens se restreindre sans conséquences graves sur l’efficacité de notre action. Il faut défendre le budget du ministère des affaires étrangères si nous voulons, comme l’a dit M. Bourg-Broc, mener une diplomatie de mission et de combat.

Ainsi, en 2006, la mission « Action extérieure de l’État » verrait ses crédits en légère diminution de 0,8 %, sans les transferts en provenance des charges communes et les expérimentations nouvelles.

La masse salariale diminue – de 976 à 910 millions d’euros hors pensions –, de même que les effectifs : le plafond des emplois passe de 16 955 à 16 720 équivalents temps plein, soit une réduction de 235.

Au cours des dix dernières années, le ministère a réduit ses effectifs de 11 %, en respectant scrupuleusement la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. C’est là un effort important pour un ministère dont les missions demeurent inchangées, un effort qui tranche aussi avec une hausse globale des effectifs de l’État, comme le relève le rapporteur de votre commission des finances. Mais c’est un effort que nous ne pourrons pas poursuivre à ce rythme les années prochaines, je veux le dire devant vous ce soir clairement.

M. Jean-Claude Lefort. Acté !

M. le ministre des affaires étrangères. En parallèle, les moyens de fonctionnement diminuent. Le coût de structure du Quai d’Orsay est passé en six ans de 33% du budget à moins de 25%. Un progrès considérable a donc été accompli, et je remercie le rapporteur pour avis de votre commission des affaires étrangères, Richard Cazenave, du qualificatif de « remarquables » qu’il attribue à ces économies.

Je tiens aussi à le souligner : le volume des dépenses obligatoires réduit nos marges de manœuvre. Les contributions obligatoires aux organisations internationales, en particulier celles destinées aux Nations unies et à ses opérations de maintien de la paix, s’établissent à 486 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2006, soit 34 % des crédits du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde ». Dans le même ordre d’idées, les contributions du ministère des affaires étrangères à ses principaux opérateurs ont tendance à introduire de la rigidité dans l’emploi de ses ressources.

S’agissant de l’asile, Richard Cazenave a évoqué les effets positifs de la réforme. C’est le résultat des moyens mis en œuvre avec votre soutien, ce dont je vous remercie, par le ministère des affaires étrangères.

M. François Rochebloine, de même d’ailleurs que M. Patrick Bloche, a pu relever la reconduction des moyens, synonyme de diminution en euros courants, pour les opérateurs de l’audiovisuel extérieur de l’État. Je partage son souhait d’obtenir de nos partenaires au sein de TV5 une hausse de leur contribution car la France acquitte à elle seule plus de 80% du budget de cette chaîne qui, par ailleurs, remporte d’excellents résultats en termes d’audience.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Absolument.

M. le ministre des affaires étrangères. Toujours sur TV5, monsieur Bourg-Broc, je voudrais rappeler le développement du sous-titrage. Dès lors que nos partenaires augmenteront aussi leurs contributions, nous verrons comment aller au-delà de la simple reconduction des moyens pour 2006.

En ce qui concerne les préoccupations exprimées par M. Rochebloine à l’égard de l’arrivée dans le paysage audiovisuel de la CII, je voudrais dire deux choses. La création de cette chaîne est attendue depuis longtemps. Je me souviens que, lorsque j’étais ministre de la culture et de la communication, nous avions lancé ce projet.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique.. Eh oui ! le rapport Cluzel !

M. le ministre des affaires étrangères. Absolument, monsieur Rochebloine. Il faut donc avoir le courage de s’adapter à ce fait nouveau, incontournable, et non rechercher les obstacles à ce projet novateur. Oui, il faut réfléchir au meilleur moyen de remodeler le paysage audiovisuel. Nous le ferons. Mais nous n’oublions pas que TV5, ce bel outil de la francophonie, doit évidemment avoir des crédits sanctuarisés.

M. Herbillon pose la question : où ? quand ? comment ? Très prochainement, dans les semaines qui viennent,…

M. Michel Herbillon. Il serait temps !

M. le ministre des affaires étrangères. …avec un budget qui est prévu et avec des langues qui ne seront pas uniquement le français mais également l’anglais, l’arabe,…

M. Michel Herbillon. Demain l’espagnol ?

M. le ministre des affaires étrangères. …et demain l’espagnol. Mais, surtout, en étant également diffusée dans notre pays, comme M. Rochebloine l’a souligné, ce sera une chaîne extrêmement importante. N’oubliez pas que parmi les grands évènements diplomatiques récents, il y a la traduction systématique de la BBC en arabe et la traduction systématique d’une des plus grandes chaînes arabes en anglais. La CII est d’autant plus importante que notre pays doit aussi faire connaître sa vision du monde.

M. Michel Herbillon. Absolument !

M. Jean-Claude Lefort. Voilà le problème !

M. le ministre des affaires étrangères. S’agissant de RFI, je dois nuancer la perspective d’économies substantielles – 65 millions d’euros en neuf ans – que pourrait permettre de dégager la renégociation du contrat avec Télédiffusion de France, car tout dépend de l’aboutissement de cette négociation. Dans le cas d’un échec, il faut savoir que RFI devrait s’acquitter d’un dédit ; il faut donc être encore prudent sur ce dossier et attendre l’issue des discussions entre les entreprises.

Quant à l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, j’estime, comme Richard Cazenave, que l’année 2006 ne devrait pas poser de difficultés malgré le transfert de la compétence immobilière sur les établissements en gestion directe – quinze transferts sont prévus pour 2006 – et le prélèvement opéré sur le fonds de roulement de l’établissement, qui sera d’environ 57 millions d’euros fin décembre pour l’agence – sans compter les établissements en gestion directe.

J’ajoute, pour répondre à Mme Colot, que je considère l’agence comme un outil remarquable et que je suis très attaché à son développement. J’y reviendrai. En tout cas, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est bien gérée : elle a dégagé 20 millions d’excédents en 2003, 28 millions d’euros en 2004, 7 millions d’euros en 2005. Le montant de sa subvention de fonctionnement en 2006 – en légère baisse de 323 millions d’euros – ne constitue donc pas le problème central du budget de l’établissement, même si elle inquiète, je l’ai bien compris, Mme Colot.

Le vrai problème, c’est celui du développement de l’agence et notamment celui du financement de ses programmes immobiliers, pour lesquels ni l’État ni les parents ne peuvent assumer toutes les charges d’un développement rapide. Aussi ai-je décidé pour 2006, grâce aux perspectives que nous ouvre notre programme de cessions immobilières, d’accroître de 11, 3 millions d’euros, dont 6 millions pour le lycée de Milan, les engagements immobiliers du ministère en faveur de nos lycées. Au-delà, un nouveau programme ambitieux de développement immobilier de l’agence est en cours de définition. Il fera appel à des contrats de partenariat et j’ai déjà entamé une réflexion active en ce sens. Nous avons identifié cinq premiers projets : deux constructions nouvelles et trois réhabilitations. Il y aura des extensions au Caire, à Munich, à Tokyo, à Londres et à Madrid. Nous choisirons les projets suivants dans des zones prioritaires pour l’influence de la France.

En outre, l’État fournit 80 % du budget de l’agence, le solde étant financé par les parents d’élèves. Parmi eux, les salariés expatriés du secteur public et du secteur privé bénéficient d’une prise en charge, totale ou partielle selon les cas, des frais de scolarité. En revanche, certaines familles doivent assumer elles-mêmes la totalité de ces coûts. C’est pourquoi l’AEFE apporte un soutien croissant aux familles françaises modestes par un système de bourses, dont le nombre est en augmentation. Il s’est élevé à 19 839 en 2005 contre 16 503 en 2000, pour un coût de 41 millions d’euros en 2005 contre 35 millions d’euros en 2000. L’effort engagé sera poursuivi et la dotation pour les bourses sera augmentée de 3 % en 2006, soit 1,3 million d’euros.

Je voudrais dire un mot sur les lycées français. Il est essentiel de comprendre que, parmi toutes les missions que j’ai à la tête de la diplomatie française, c’est certainement le fait de construire des écoles primaires, des collèges et des lycées qui sera fondamental pour l’avenir de l’influence de la France dans le monde. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé un financement innovant : les partenariats public-privé. Ceux-ci permettront, grâce à la caisse des dépôts et évidemment à d’autres partenaires privés, de nous étendre à Munich, Londres, Tokyo, au Caire et dans d’autres villes, telle Madrid. J’ai par ailleurs demandé aux chefs d’État et de gouvernement étrangers d’inciter les maires à nous indiquer les terrains disponibles dans les nouvelles ZAC, en vue d’y consacrer la moitié à des développements immobiliers et le reste à des établissements scolaires français. C’est à ce prix que nous aurons le développement, dans les dix prochaines années, d’un nouvel élan pour les lycées français.

Concernant ce qu’a dit M. Bourg-Broc sur la promotion du français dans le monde, j’indique que, chaque année, le ministère des affaires étrangères verse une contribution statutaire aux instances de la francophonie. Cette contribution s’élève à 11 millions d’euros, à quoi s’ajoutent 47 millions d’euros de contribution volontaire et 10 millions d’euros versés par la direction générale de la coopération internationale et du développement à l’agence universitaire de la francophonie. La contribution versée à l’opérateur audiovisuel de la francophonie TV5 s’élève à 64 millions d’euros. Si vous ajoutez à cela le montant de notre contribution à l’Agence pour l’enseignement en français à étranger et à l’action de la DGCID, vous arriverez à une somme globale d’environ 350 millions d’euros consacrée à la promotion de la langue française par le ministère des affaires étrangères.

J’observe par ailleurs que le nombre des élèves apprenant le français ne cesse de croître dans le monde : 82,5 millions de gens apprennent aujourd’hui le français. M. Bloche l’a fait remarquer, il y en a beaucoup dans les pays de l’Est. J’étais récemment en Slovaquie, où il y a une augmentation de 10 % de la population qui parle le français. Certes, c’est en rapport avec, évidemment, l’implantation de Peugeot dans ce pays.

Mesdames, messieurs les députés, alors que les crédits de fonctionnement du ministère diminuent encore cette année de 5 %, j’ai décidé, au vu d’un travail de comparaison avec les ministères des affaires étrangères de nos principaux partenaires, d’accroître notre investissement dans les systèmes de communication et d’information. Ce choix implique de plus fortes économies sur d’autres dépenses et s’accompagne d’une réflexion globale sur l’informatisation du ministère à l’horizon 2010, comme le soulignait M. Bourg-Broc.

S’agissant de l’immobilier, le ministère des affaires étrangères s’est engagé dans une gestion plus dynamique, que Jérôme Chartier a bien voulu saluer dans son rapport pour votre commission des finances. Réduisant de plus de 50 % les crédits inscrits en loi de finances, nous avons décidé d’autofinancer une partie des opérations par un recours accru aux ressources extrabudgétaires – produits de cession, fonds de concours – et aux partenariats public-privé. Nous avons aussi choisi de participer à l’expérimentation des loyers domaniaux pour plusieurs implantations en France et à l’étranger. Quant au projet de site unique, qui vous tient à cœur, monsieur Chartier, il est vrai que le ministère n’a pas identifié de site correspondant à ses besoins ; pour autant, les dépenses engagées pour ce projet ne l’ont pas été en vain. Nous connaissons aujourd’hui beaucoup mieux notre parc immobilier, sa valeur et son statut juridique.

Permettez-moi, à cet égard, de revenir un instant sur nos cessions immobilières, dont le rythme inquiète Jérôme Chartier. Au-delà de quelques opérations lourdes et complexes, qui prennent du temps, j’insiste sur le volume des cessions en 2005, avec près de 23 millions d’euros d’opérations conclues. La Commission pour les opérations immobilières à l’étranger vient d’ailleurs d’approuver, avant-hier, plusieurs opérations, dont la vente définitive du consulat de Sarrebruck, dont vous vous inquiétiez, monsieur Chartier. Je partage en revanche votre avis selon lequel le recours de l’administration à des professionnels de l’immobilier pourrait être encouragé, permettant ainsi de corriger certaines situations actuelles que vous avez, à juste titre, déplorées.

Enfin, dans plusieurs autres domaines, j’ai demandé à mes services de faire preuve d’imagination et de mobiliser des ressources extrabudgétaires au service de l’action publique à l’étranger.

C’est le cas dans le domaine consulaire, où je souhaite pouvoir financer en 2006 la mise en place des visas biométriques grâce aux frais de dossier payés par les demandeurs de visas. Vos rapporteurs ont exprimé leur soutien à cette orientation, et relevé qu’il importait d’affecter aux services des visas une part substantielle des recettes perçues, et ce sans conditionnalité. C’est exactement ce que nous tentons d’obtenir du ministère du budget dans notre négociation contractuelle.

C’est aussi le cas dans le domaine culturel, où mes services encouragent l’autofinancement, monsieur Bloche, des centres culturels, celui des centres pour les études en France, mais aussi les cofinancements à travers des partenariats de bourses et de recherche. J’insiste sur le caractère vertueux de cette politique qui permet à la fois de financer nos actions et d’en tester l’attrait et la pertinence.

Lorsque votre rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Patrick Bloche, note que l'autofinancement de l'Institut français de Varsovie atteint 65 %, que celui de Cracovie est de 56 %, j'en déduis que leur action est appréciée des Polonais et utile à l'influence culturelle extérieure de la France ! La mesure de l'autofinancement sera d'ailleurs affinée en 2006 et un objectif chiffré sera assigné aux centres culturels, en Europe pour commencer.

Enfin, dans le domaine de l'enseignement français à l'étranger, je viens d’évoquer les partenariats entre public et privé qui permettront de créer cinq nouveaux grands lycées.

Mais une modernisation efficace suppose un cadre budgétaire clair et prévisible, ainsi qu'un intéressement sur les économies : c'est tout l'enjeu du contrat de modernisation en cours de négociation avec le ministre du budget.

J'ai souhaité poursuivre la négociation d'un contrat de modernisation avec le ministère du budget, de manière à ce que le ministère des affaires étrangères bénéficie effectivement d'un retour sur les efforts qu'il réalise.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. En contrepartie des efforts effectués sur 17 grands chantiers de modernisation, je souhaite en effet obtenir des garanties portant aussi bien sur les moyens de fonctionnement que sur les moyens d'intervention. C'est à cette seule condition que sera maintenue l'efficacité du ministère dans la réalisation des missions qui lui sont assignées, et surtout que perdurera cette capacité de réaction et d'adaptation dont les agents ont su faire preuve face aux situations de crise qui se sont multipliées au cours des derniers mois.

Le deuxième vecteur de modernisation est l'adaptation de notre réseau consulaire et culturel en Europe. Comme vous l’avez bien observé, monsieur Rochebloine, nos instituts culturels dans les 14 anciens États membres de l’Union ne peuvent fonctionner comme il y a dix ans. Aussi sommes-nous en train de reconfigurer ce réseau.

Cela dit, prenons garde de ne pas diminuer la qualité de nos services pour les usagers, les Français de l'étranger : quand je vois votre rapporteur s'étonner que le délai de délivrance d'un passeport soit d'une à deux semaines au consulat général de Montréal, mais de plus de trois semaines en France, je me réjouis que nos consulats offrent un tel service à nos compatriotes. (Sourires.)

Au-delà de cette question, je partage le diagnostic de votre rapporteur Jérôme Chartier sur la nécessité d'un redéploiement de notre réseau consulaire vers les grands pays émergents, principalement en Asie.

S'agissant de la taille et des moyens de notre réseau diplomatique, la problématique est différente, car nous mesurons chaque jour les bénéfices de son universalité pour l'accomplissement de nos missions et la poursuite de nos objectifs : la première partie de mon propos vous en aura, je l'espère, convaincus.

Enfin, troisième aspect de cette modernisation, le ministère des affaires étrangères a besoin de plus de clarté pour ce qui constitue l'un des enjeux majeurs de son budget : le financement des contributions internationales obligatoires, notamment celles dues aux Nations unies pour les opérations de maintien de la paix. Jérôme Chartier et Richard Cazenave ont déploré l'écart qui existe, une fois encore, entre les prévisions faites dans le projet de loi de finances et les probables réalisations. Ils insistent sur l’urgente nécessité d’un rebasage de ces contributions. Je partage totalement leur analyse. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai demandé et obtenu que la réévaluation de ces crédits, en base budgétaire, fasse partie du contrat de modernisation en cours de négociation avec Bercy.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Je souhaite également qu'un accord intervienne, dans le cadre de ce contrat, sur un mécanisme permettant de couvrir les risques de change auxquels est exposé mon ministère.

Enfin, pour tirer le maximum des moyens qui nous sont impartis, je souhaite améliorer la mesure de notre performance et le contrôle des opérateurs auxquels nous confions la mise en œuvre d'une part importante de nos crédits, et conférer plus de visibilité à nos actions.

Votre rapporteur de la commission des finances émet un certain nombre de critiques à l'égard du dispositif de mesure de la performance qui mériterait d'être enrichi. Je ne suis pas surpris par ces critiques, dans la mesure où il s'agit là d'un exercice totalement nouveau et, s'agissant de l'action diplomatique, plus particulièrement délicat. Permettez-moi cependant de corriger l'impression selon laquelle il n'aurait pas été tenu compte des propositions faites par les assemblées parlementaires à ce sujet.

L'indicateur « Résonance de la politique française dans les médias étrangers », notamment, a été retiré à la demande de certaines administrations partenaires, mais nous entendons continuer à y travailler pour le réintroduire éventuellement en 2007, dès lors que sa pertinence ne ferait plus de doute.

Il ne peut cependant être question de traiter différemment les opérateurs qui fonctionnent sur la base de dotations du ministère et les propres services du département. Le renforcement de la tutelle sur les opérateurs est donc l'une de mes priorités : j'entends signer progressivement avec chacun d'entre eux un contrat d'objectifs du même type que celui en cours de finalisation avec l'Agence française de développement.

Enfin, la gestion de l'action extérieure de la France sous contrainte budgétaire stricte nous oblige à faire un effort tout particulier de visibilité : j'attends d'ici à la fin du mois des propositions opérationnelles pour mettre en œuvre une agence culturelle et une identité visuelle uniques pour nos actions à l'étranger. Avec le British Council du Foreign Office, le Royaume-Uni dispose d’une signature sur toutes ses actions culturelles, scientifiques et techniques. Il n’est pas normal que nous n’en ayons pas l’équivalent.

M. Michel Herbillon. Voilà une très bonne nouvelle !

M. le ministre des affaires étrangères. En conclusion, je dirais que ce projet de loi de finances, pour ce qui concerne le ministère des affaires étrangères, est à bien des égards ambitieux : nos missions sont inchangées, pour ne pas dire croissantes, dès lors que le Quai-d'Orsay se trouve confronté à des crises graves de plus en plus nombreuses. Nos moyens, en revanche, ne cessent d'être contraints, limités, resserrés.

Aussi, je veux le souligner devant vous avec une certaine gravité, des choix lucides et courageux devront-ils être faits. Depuis quelques mois à la tête de la diplomatie française, je m’aperçois, monsieur Rouquet, qu’avec le Département d’État et le Foreign Office, nous sommes parmi les trois plus grandes diplomaties. Nous devons continuer à rendre visibles les valeurs que la France a à défendre, dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme ou du multilatéralisme. N’acceptons pas qu’un seul pays, fût-il le plus puissant, dicte au monde son destin. Grâce à sa diplomatie, la France décidera toujours du sien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Je prends acte avec beaucoup de satisfaction, monsieur le ministre, des affirmations que vous venez de formuler. J’aimerais néanmoins que vous les clarifiiez. Nous ne sommes que dix-huit députés présents dans cet hémicycle : c’est bien peu de choses pour peser sur la marche des affaires du monde !

J’ai noté que des journalistes de L’Humanité vous suivront dans vos voyages à l’étranger… J’ai aussi compris que, pour obtenir un passeport, mieux valait se trouver à Montréal qu’à Paris ! (Sourires.)

J'ai voulu parler du problème chypriote par le moyen d'une question car il s’agit moins d’une affaire étrangère que d’une affaire européenne et donc française.

Depuis 1974, l’île de Chypre est occupée militairement, pour 37 % de son territoire, par la Turquie. Alors que bon nombre de Chypriotes « Turcs d'origine » quittent cette partie isolée et occupée de l'île, la Turquie a envoyé d'Anatolie 160 000 personnes pour coloniser cette terre chypriote, au mépris, une fois de plus, des conventions et du droit internationaux. Cette partie de l'île est même allée jusqu'à s’autoproclamer « République turque de Chypre Nord » – république non reconnue par qui que ce soit sur la scène internationale –, ceci à la suite de la décision de l'ONU qui a condamné cette volonté séparatrice.

En vérité, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont concocté un plan, dit « plan Annan », qui a été rejeté par les Chypriotes grecs car il n'était tout simplement pas de nature à aboutir à ce que le droit international réclame : la constitution d'une république de Chypre qui soit unie et souveraine. Les autres membres du Conseil de sécurité ont été seulement informés de ce plan et mis devant le fait accompli, tandis qu'un commissaire européen trempait dans cette affaire et menaçait, en les insultant, les Chypriotes grecs une fois leur vote connu.

Chypre est désormais membre de l'Union européenne. La question n'est donc plus seulement « turco-chypriote ». Cette occupation est désormais aussi l'occupation d'une partie du territoire de l'Union européenne.

M. Daniel Garrigue. Très juste !

M. Jean-Claude Lefort. La question n'est pas non plus, de ce fait, de la seule responsabilité de l’ONU. Considérer les choses ainsi serait retirer tout sens à l'Union, à ses fondamentaux et ce serait la défausser gravement de ses propres responsabilités.

Bien que la Turquie refuse de reconnaître Chypre – c’est-à-dire un membre de l'Union européenne –, des négociations ont été engagées avec elle, sans préalable, en vue de son adhésion éventuelle à l'Union.

On a ouvert 35 chapitres et des conditions ont été posées en terme de droits et de libertés démocratiques.

M. le président. Monsieur Lefort, veuillez poser votre question, s’il vous plaît. Vous disposiez de deux minutes : vous en êtes déjà à quatre !

M. Jean-Claude Lefort. Mais on ne peut attendre que ces 35 chapitres soient clos et que les conditions politiques soient remplies pour obtenir sans condition la reconnaissance par la Turquie de la république de Chypre. Elle fait partie de la famille et l'autre fait partie des amis. Une clause concernant Chypre a été posée à la Turquie pour 2006. Ma question est donc double. (Sourires.)

Premièrement, que comptez-vous faire pour que cette clause soit réellement remplie début 2006 ?

Secondement, que compte faire plus généralement la France pour le règlement du problème chypriote, sur la base, cette fois, du droit européen et international, alors que Chypre propose à la France une alliance privilégiée ?

J'attends des réponses précises à ces questions que je ne pose pas, il est vrai, pour la première fois. Merci par avance.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. Je voudrais répondre très directement à M. Lefort.

La France a été très vigilante sur cette affaire, puisque c’est à sa demande que l’Union européenne a voté une contre-résolution pour demander expressément à la Turquie de reconnaître tous les États membres, et donc Chypre.

Par ailleurs, nous avons fixé un rendez-vous à la Turquie en 2006. Pour la mise en œuvre du protocole d’Ankara et la normalisation des relations de la Turquie avec la République de Chypre, notre pays a en effet souhaité que l’année 2006 soit inscrite noir sur blanc dans cette contre-résolution. Nous évaluerons alors les progrès accomplis par ce pays.

Dans le cadre d’un dialogue structuré avec la République de Chypre, la France renforcera donc la concertation sur l’ensemble des sujets d’intérêt commun et, bien entendu, sur la question de l’élargissement de l’Union européenne.

Par contre, il ne revient pas à l’Union européenne de définir la solution politique à la question chypriote. La mission de bons offices du secrétaire général des Nations unies se poursuit. L’Union européenne n’empiétera pas sur ses prérogatives, mais lui apportera tout son soutien. C’est ce que nous avons dit récemment au secrétaire général Kofi Annan.

Les deux communautés doivent aujourd’hui reprendre les négociations, avec pour seule volonté de parvenir à un règlement politique global, acceptable par tous. Une relance initiée par les Chypriotes eux-mêmes a beaucoup plus de chances d’aboutir. C’est le message qui a été délivré au président Papadopoulos lors de sa visite officielle en France au début de ce mois.

M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Schreiner. Monsieur le ministre, je voudrais associer à ma question mes collègues André Schneider et Frédéric Reiss, ici présents.

Au mois de mai 2005, le troisième sommet des chefs d’État et de gouvernement des 46 membres du Conseil de l’Europe s’est tenu à Varsovie. À cette occasion, les chefs d’État et de gouvernement ont adopté un plan d’action devant permettre au Conseil de l’Europe de relever un certain nombre de défis. N’oublions pas que le Conseil de l’Europe, qui a son siège à Strasbourg, est la première des institutions européennes pour la construction d’une Europe démocratique et d’États de droit.

La Cour européenne des droits de l’homme, dont le siège est également à Strasbourg, fait partie intégrante du Conseil de l’Europe. Or, victime de son succès, elle doit être renforcée. Plus de 80 000 dossiers sont en effet en attente de traitement.

Lors du sommet de Varsovie, il a été décidé d’installer un comité de sages, chargés d’évaluer à long terme l’efficacité du mécanisme de contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme et de formuler des propositions concrètes.

Monsieur le ministre, le gouvernement français est-il prêt à renforcer son engagement en faveur du Conseil de l’Europe en général et de la Cour européenne des droits de l’homme en particulier ? Accepte-t-il d’augmenter les ressources du Conseil afin de lui permettre de concrétiser les recommandations futures du groupe des sages et surtout de donner à la Cour la crédibilité et l’efficacité indispensables ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur Schreiner, dans le cadre du projet de budget pour 2006, la France souhaite qu’une priorité soit donnée à la Cour européenne des droits de l’homme, en finançant les réunions du groupe des sages, en créant une cinquième chambre et en lançant un nouveau plan triennal de soutien.

Lorsque la Cour aura mis en œuvre la première tranche du nouveau plan triennal et que le comité des sages aura rendu ses conclusions, nous serons disposés à prendre de nouvelles mesures pour continuer à combler son retard.

Pour des raisons d’indépendance, monsieur le député, la Cour européenne des droits de l’homme ne reçoit pas de financements volontaires. De toute façon, la conjoncture budgétaire ne nous permet pas d’aller au-delà de la contribution obligatoire du budget ordinaire. Je vous rappelle enfin que la France, en tant que grand contributeur, finance 12,5 % du budget ordinaire du Conseil de l’Europe, 24 % de ses investissements et une part substantielle des pensions.

M. le président. La parole est à M. René Rouquet, pour le groupe socialiste.

M. René Rouquet. Monsieur le ministre, la France et l’Algérie négocient depuis plusieurs mois un traité d’amitié, attendu avec impatience des deux côtés de la Méditerranée.

Cet accord est nécessaire car, quarante-trois ans après l’indépendance, nos deux pays doivent trouver un cadre permanent de relations régulières et dépassionnées dans tous les domaines. Il y va de l’intérêt bien compris de la France comme de l’Algérie. La Méditerranée doit réunir ce qui a été séparé.

Ce traité est aussi indispensable pour toutes celles et tous ceux qui ont été déchirés par des années de guerre. Le divorce entre la France et l’Algérie s’est accompagné de drames humains que les victimes, de part et d’autre, ont du mal à oublier, voire pour certains à pardonner. Le temps et la prise en compte des douleurs collectives et personnelles doivent les y aider.

Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : dans l’esprit d’apaisement qui accompagne normalement tout traité d’amitié, nos deux pays ont-ils prévu d’apurer les contentieux concernant la situation des personnes et, en particulier, de faciliter la circulation des nationaux entre les deux États, quels que soient leur lieu de naissance et leur situation en 1962 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous posez une question essentielle en ce qu’elle touche à l’histoire très récente de notre pays. En outre, elle est d’actualité puisque les présidents Bouteflika et Chirac travaillent à la conclusion d’un traité d’amitié entre nos deux pays.

Evidemment, il faut aller le plus loin possible pour lever tout malentendu et pour que les pans les plus douloureux de nos mémoires respectives puissent être oubliés, au profit de tout ce que nous avons fait et de tout ce que nous pouvons faire ensemble. À ce stade de nos relations, un tel effort est nécessaire.

N’oublions pas, monsieur le député, que 75 % des Algériens ont moins de vingt-cinq ans. Lançons des ponts vers ce pays partenaire d’égal à égal. Lançons des ponts vers le Maghreb, où vivent 120 millions de francophones – quelle chance, quel atout pour notre pays ! Lançons des ponts économiques et culturels.

S’agissant plus précisément de votre question, nous devons aller le plus loin possible. L’année 2006 sera marquée par l’intensification de la coopération relative aux sépultures civiles françaises en Algérie. Lors de la visite d’État en Algérie du Président de la République, en mars 2003, il a été rappelé que tous les Français, sans exception, pouvaient se rendre en Algérie avec un visa. Nous devons gommer les différences qui existent entre nous. Il me semble essentiel que nous puissions circuler librement d’un pays à l’autre, comme il est de règle entre deux pays amis.

M. le président. La parole est à M. René Rouquet, pour une seconde question.

M. René Rouquet. Ma seconde question porte sur la Côte d’Ivoire. Depuis le coup d’état du 19 septembre 2002, la France a envoyé et déployé sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire un contingent de 4 000 soldats au sein de la force dénommée Licorne. D’autres militaires, placés sous l’autorité des Nations unies, les ont rejoints, et le contingent présent sur place atteint aujourd’hui 6 640 hommes.

Ces déploiements se sont accompagnés de nombreuses initiatives diplomatiques, française, sud-africaine ou relevant d’organisations internationales telles que la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, l’Union africaine ou l’ONU.

L’écheveau militaire et diplomatique est si touffu que l’on peine à démêler les fils du drame et les motivations de notre pays dans cette affaire. La France est-elle intervenue pour protéger ses ressortissants ? On pouvait le penser pendant la période initiale, mais comment interpréter l’aval donné à la partition du pays, avant l’organisation à Linas-Marcoussis d’une réunion mettant rebelles et gouvernement légal sur un plan de parité ?

Depuis, les groupes d’activistes proches du pouvoir ont contraint la plus grande part de nos compatriotes à quitter le pays et il semble que les missions de Licorne ont évolué : quelles sont-elles précisément ? Comment s’articulent-elles avec celles de l’ONU ? Quels sont les objectifs de la France en Côte d’Ivoire ? Les résolutions du Conseil de sécurité portant embargo sur les armes sont-elles appliquées ?

Toutes ces questions, ces indéfinitions exposent peut-être gravement nos soldats. Rappelons-nous que neuf d’entre eux, auxquels je rends hommage, sont morts bombardés en novembre 2004, dans des circonstances encore largement inexpliquées.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste a demandé à deux reprises la création d’une commission d’enquête. Dans l’attente d’un vote favorable de la majorité parlementaire à ce sujet, monsieur le ministre, pouvez-vous répondre à une question très simple : quelle est la mission exacte des forces militaires françaises déployées en Côte d’Ivoire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, en Côte d’Ivoire, nous vivons actuellement la période la plus difficile, puisque c’est celle où les engagements pris par les uns et par les autres – partis, femmes et hommes politiques – doivent être respectés. Il est vrai que les engagements pris à Marcoussis, à Pretoria, avec l’accord de la CDAO, de l’Union africaine et des Nations unies – donc de la France – n’ont, pendant trop longtemps, pas été respectés.

Le moment est venu, me semble-t-il, de demander au Conseil de sécurité des Nations unies de décider – et c’est ce qu’il a commencé de faire en votant, le 22 octobre dernier, la résolution n° 1633 – que les milices seront désarmées et que, d’ici un an, des élections seront organisées. Comme en Irak ou au Liberia, c’est par un processus politique que la Côte d’Ivoire évitera la partition. Un nouveau Premier ministre – acceptable par tous – doit être nommé dans les prochains jours et le président Gbagbo est là en attendant les futures élections.

À quoi servent les militaires Français ? À l’évidence, ils sont là depuis le début pour éviter cette partition et ils participent activement à la mission de maintien de la paix, ce qui, vous le savez comme moi, est très difficile. Je vous remercie de me donner l’occasion de saluer le travail remarquable de l’armée française en cet endroit du monde.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

action extérieure de l’état

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis d’abord saisi d’un amendement n° 237.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour le soutenir.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. En cette première année d’application de la LOLF, il est difficile de défendre des amendements. Pourquoi ? S’ils reflètent une réalité, c’est qu’ils tendent à supprimer des crédits. Or, nous avons pu le découvrir ce soir, la mission « Action extérieure de l’État » n’a vraiment pas besoin de suppressions de crédits supplémentaires, ceux-ci étant déjà suffisamment étriqués.

La commission des finances a choisi de déposer deux types d’amendement. Les premiers sont des amendements d’appel visant à souligner que certains crédits sont inscrits dans cette mission alors qu’ils n’ont manifestement rien à y faire dans le cadre de la LOLF ; quant aux autres amendements, ils tendront à effectuer des mouvements entre programmes. En effet, dans l’esprit comme en matière comptable, une imputation peut être préférable à une autre.

L’amendement n° 237 relève de la première catégorie puisqu’il a trait aux indemnités des parlementaires européens, qu’il ne s’agit pas, comme vous l’imaginez, de supprimer !

M. Jacques Myard. Pourquoi pas ? (Sourires.)

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Au fil du temps, le Parlement européen a pris sa pleine dimension. Il n’est plus une chambre d’enregistrement mais une véritable instance de décision qui doit à présent se doter d’une véritable autonomie budgétaire.

M. Jacques Myard. Ce ne serait pas admissible !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Il existe un moyen simple d’y parvenir, c’est d’intégrer les indemnités des parlementaires européens dans le prélèvement sur recettes, mais pour cela, il faut que les vingt-cinq pays qui composent l’Union européenne soient d’accord pour procéder à cette modification.

Aussi, monsieur le ministre, au nom de la commission des finances, je vous demande humblement de tout faire pour obtenir l’accord de vos vingt-quatre homologues européens, de façon que l’an prochain, cette dépense puisse relever du prélèvement sur recettes et non plus du budget de l’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre des affaires étrangères. Quand le rapporteur dit qu’un ministère, et donc un gouvernement, paie directement des parlementaires, cela peut poser problème – il a tout à fait raison – en termes de démarche démocratique. Cela étant dit, comme il l’a reconnu lui-même, sa proposition est difficile à mettre en œuvre car on devrait alors opérer un report sur d’autres programmes. Or aujourd’hui, aucun des 132 programmes ne semble pouvoir prendre en charge cette dépense.

Il s’agit d’une décision européenne, le mieux serait donc d’interroger rapidement nos vingt-quatre partenaires et d’essayer de trouver une solution à l’échelle européenne. Je m’engage à poser la question au prochain conseil « affaires générales ».

M. le président. Monsieur Chartier, votre objectif est-il atteint ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. L’objectif est atteint, monsieur le président. L’amendement est retiré.

M. le président. L’amendement n° 237 est retiré.

M. Jean-Claude Lefort. Non, je le reprends !

M. le président. L’amendement n° 237 est repris par M. Jean-Claude Lefort.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Selon moi, la commission des finances voit les choses de manière un peu trop comptable. Que les représentants français au Parlement européen aient encore un lien avec la France et notamment avec le budget de l’État me paraît sensé. Je suis désolé ! Ce qui est proposé, c’est encore donner des aises à ce brave Parlement qui se croit déjà souverain et qui ne l’est pas ! Et c’est donner un très mauvais signal à cet organisme qu’il faudra, tôt ou tard, ramener à la raison !

Je m’oppose à cet amendement et je dirai même qu’il est parfaitement contraire aux intérêts nationaux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 238.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Au préalable, je tiens à saluer la présence de mes amis alsaciens, très nombreux ce soir dans notre hémicycle ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Il n’y a pas que les Alsaciens qui sont attachés au statut de Strasbourg comme capitale européenne !

M. André Schneider et M. Bernard Schreiner. Merci, monsieur le président !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Nous y sommes tous attachés !

Nos collègues alsaciens m’ont très habilement posé la question – eux qui sont soucieux de défendre les intérêts des Alsaciens et qui les représentent très efficacement au sein de l’Assemblée nationale – et je les ai immédiatement rassurés : il n’était pas dans mes intentions ni dans celles de la commission des finances de supprimer la subvention de la desserte aérienne de Strasbourg, essentielle pour que celle-ci demeure la capitale européenne qu’elle est. Néanmoins, je ferai deux observations.

Première observation : cette subvention devrait rejoindre toutes les subventions au titre des transports aériens qui sont aujourd’hui accordées par l’État, quelle que soit la plateforme aéroportuaire et quelle que soit la ligne aérienne des services, que ce soit sur le territoire national exclusivement ou que ce soit en liaison avec un autre territoire. Même les parlementaires alsaciens en conviendront.

M. Bernard Schreiner. Si elle demeure au même niveau, pourquoi pas ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Avec cet amendement, je vous demande deux choses, monsieur le ministre. D’abord, de tout faire pour que, l’an prochain,…

M. Jean-Claude Lefort. À chaque fois, il dépose des amendements pour l’an prochain ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Monsieur Lefort, connaissez-vous la différence entre un amendement d’appel et un amendement qui ne l’est pas ?

M. le président. Monsieur Chartier, vous seul avez la parole ! Ne vous dispersez pas !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Il y a l’amendement d’appel, qui incite le ministre à prendre en compte une situation inique ; et il y a l’amendement qui vise, par exemple, à changer des imputations et à supprimer un certain nombre de crédits.

S’agissant de cet amendement, je vous demande donc, monsieur le ministre, de tout faire pour veiller à ce que, l’an prochain, cette inscription relève bien de la mission « Transports ».

Deuxième chose, et c’est une question, il y avait une inscription budgétaire en positif en faveur du programme « Français à l’étranger et étrangers en France ». Que concerne-t-elle ?

Chaque année, les pouvoirs publics souhaitent encourager la participation des citoyens français aux élections, quelles qu’elles soient. Or à cet égard, une catégorie de Français n’est pas traitée comme les autres ; il s’agit des Français établis hors de France, bien souvent éloignés des représentations diplomatiques et consulaires et qui ne peuvent donc pas exprimer librement ce droit démocratique.

Aussi depuis plusieurs mois, la direction des Français à l’étranger du ministère des affaires étrangères réfléchit à la mise en place d’un système de vote électronique, qui soit parfaitement efficace,…

M. Jean-Claude Lefort. Bien sûr !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. …permettant à chaque citoyen français établi hors de France de participer à n’importe quelle consultation.

M. Jean-Claude Lefort. Comme en Floride ! C’est très efficace !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Il manque 2 millions d’euros pour que ce programme puisse être concrétisé, en particulier avant les prochaines échéances.

Monsieur le ministre, ma seconde demande est donc la suivante : pouvez-vous prendre l’engagement cette année, en 2005, que ce programme de vote électronique sera totalement financé afin qu’il puisse être mis en œuvre avant les prochaines échéances nationales, en l’occurrence l’élection présidentielle ?

M. Jean-Claude Lefort. C’est donc pour l’an prochain !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des affaires étrangères. Le rapporteur pose deux questions qui me paraissent tout à fait justifiées.

Je n’ose pas le dire devant M. Myard : j’ai été député européen.

M. Jacques Myard. Nul n’est parfait !

M. le ministre des affaires étrangères. Ayant eu la chance d’aller à Strasbourg, je me suis rendu compte du travail absolument remarquable que les Strasbourgeois ont accompli pour accueillir le Parlement européen. Surtout, c’est un objectif politique stratégique pour la France que de pouvoir octroyer des subventions d’État afin que Strasbourg garde le statut de siège du Parlement européen.

M. Bernard Schreiner. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Il s’agit d’un engagement politique fort de la France à l’égard de ses partenaires de l’Union pour le bon fonctionnement du Parlement européen. C’est également un engagement politique et juridique de l’État envers les collectivités territoriales alsaciennes.

M. Bernard Schreiner. Eh oui !

M. le ministre des affaires étrangères. C’est enfin un engagement juridique à l’égard des compagnies aériennes. M. Chartier a raison : dans la mesure où l’on parle de compagnies aériennes et de desserte aéroportuaire, cela relève du ministère des transports.

Il serait bien de pouvoir non pas remettre en cause cette aide de l’État – ce qui n’est d’ailleurs pas le cas –, mais de dire qu’elle relève très certainement davantage du ministère des transports que du ministère des affaires étrangères. En tout cas, je m’engage à poser la question non seulement au ministre des transports, mais aussi et surtout à Bercy afin d’obtenir plus de logique et de cohérence.

La seconde demande de l’amendement est très importante. Je ne vois pas pourquoi les Français de l’étranger ne voteraient pas, et je remercie M. Chartier de poser cette question avec beaucoup de force. Je prends l’engagement devant la représentation nationale que les crédits pour le vote électronique seront pris sur le budget. Je ferai en sorte que nous financions ces votes électroniques des Français de l’étranger car cela me paraît très important et je tenais à vous le dire aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Lorsque j’ai pris connaissance du projet d’amendement qui allait nous être proposé ce soir, j’ai eu fortement mal à Strasbourg.

M. Jean-Claude Lefort. Ah oui, il y a de quoi !

M. André Schneider. Il est vrai que, depuis quelques mois et plus particulièrement depuis le 29 mai dernier, Strasbourg a très mal à l’Europe. Nous avons l’habitude de lutter vent debout contre les assauts qui viennent de l’extérieur – parfois de certains pays voisins – contre Strasbourg, capitale de l’Europe, qui était le symbole de la liberté de la France et qui est aujourd’hui le symbole français de l’Europe et notamment des pères de l’Europe.

Mes chers collègues, je suis heureux ce soir et je remercie M. le rapporteur spécial et la commission des finances d’avoir écouté la voix de la sagesse, d’avoir écouté la voix de Strasbourg et, à travers elle, celle de l’Europe.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre argumentation. Pourquoi les transports doivent-ils être financés sur le budget des affaires étrangères ? Pour ma part, je me permettrai de vous dire qu'un argument fort va dans cette direction : si le ministère des affaires européennes finance la vocation européenne de Strasbourg, cela donne un plus à cette vocation. Ce soir, l’apaisement revient dans notre région, qui était tout entière à notre écoute, et je peux vous dire que nous avons été fortement sollicités. Au nom de mes collègues présents – Frédéric Reiss et surtout le président de la délégation française au Conseil de l’Europe qu’est Bernard Schreiner, d’autres collègues dans la salle qui en font partie et moi-même –, je vous dis merci. Bien entendu, nous vous soutiendrons aussi pour que l’Europe vive mieux en France et que Strasbourg défende mieux l’Europe au nom de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Si j’ai bien compris, l’amendement est retiré, monsieur Chartier ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 238 est retiré.

M. Jacques Myard. Il veut vivre en paix !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 236 et 254.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour soutenir l’amendement n° 254.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement vise à transférer les crédits de l’AEFE du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » à celui du « Rayonnement culturel et scientifique ».

L’AEFE est certes un service public d’enseignement au service des Français à l’étranger, mais elle est aussi un instrument essentiel du rayonnement culturel et scientifique français. Sur un total de 160 000 élèves scolarisés dans le réseau en 2005, les Français sont 70 000, soit un peu moins de 44 %. Autrement dit, nous accueillons majoritairement des élèves étrangers.

Par ailleurs, l’AEFE cherche à développer des filières diplômantes binationales et vise à devenir, à terme, une véritable tête de pont pour le recrutement d’étudiants étrangers dans les filières d’enseignement supérieure françaises.

Monsieur le ministre, nous avons entendu votre volonté de développer des partenariats innovants de manière à pouvoir répondre à une autre demande, une demande d’enseignement français qui, elle, est peut-être solvable, en tout cas peut ressortir de financements divers.

Pour toutes ces raisons, il nous semble que nous développerions une dynamique plus forte pour l’AEFE et pour l’enseignement du français à l’étranger en la plaçant sous le chapeau du rayonnement culturel et scientifique français. Pour autant, il faut que nous donnions des signes clairs à nos compatriotes à l’étranger pour que leur participation aux frais d’enseignement fasse l’objet des subventions nécessaires.

Tout en les tranquillisant totalement, il faut aller dans le sens de la dynamique qui est celle du rayonnement. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, la commission des affaires étrangères et les rapporteurs sont tous d’accord pour proposer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur le rapporteur, il existe des arguments en faveur de l’une ou l’autre des imputations, que je peux comprendre.

Je comprends très bien, et je ne peux pas dire le contraire, le besoin de dire à nos diplomates que leurs enfants pourront être dans les lycées français. Mais il est évident aussi que c’est une occasion extraordinaire de dire aux étrangers qu’ils peuvent mettre leurs enfants dans ces écoles primaires, ces collèges, ces lycées, ce qui fera le rayonnement de la France demain.

Quand je vois tous ces gouvernements avec des ministres parlant français, je me dis que dans dix ans, dans quinze ans, ils continueront à le faire, mais seulement si nous poursuivons cette action. Au moment où la mondialisation s’impose à tous, c’est fondamental.

Je comprends très bien ce qui sous-tend cet amendement.

Personnellement, j’attache la plus grande importance au rôle de l’agence pour notre rayonnement culturel. L’influence de notre pays dans le monde ne pourra se maintenir sans effort de formation des élites locales. Je comprends donc bien le souci qui anime les commissions de l’Assemblée nationale, mais je souhaite aussi souligner l’action spécifique menée en faveur des Français de l’étranger pour lesquels l’enseignement délivré à leurs enfants est, à juste titre, la priorité. Avec un transfert des crédits de l’AEFE sur le programme « Rayonnement culturel et scientifique », nos compatriotes à l’étranger pourraient avoir le sentiment que leurs intérêts propres seraient moins pris en compte. Nous devons être très attentifs à ce point de vue.

C’est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Claude Lefort. C’est pour l’an prochain ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Non, c’est pour cette année, monsieur Lefort, et vous allez donc voter ces amendements, ce qui nous réjouit.

La commission des finances a non seulement émis un avis favorable à cet amendement, mais elle en a déposé un identique. Comme l’ont parfaitement expliqué le ministre et le rapporteur pour avis Richard Cazenave, cette inscription budgétaire est un important signal politique. Toutefois, ce mouvement de programme n’est pas sans risques.

D’une façon générale, lors de l’établissement de la maquette budgétaire, on a évité de constituer des programmes inférieurs à 300 millions d’euros, pour ne pas fractionner le budget de la France en un nombre de programmes illimités. Or, chacun a noté que le budget de la mission « Action extérieure de l’État » était composé de trois programmes : le premier est à plus de 1,3 milliard, le second à 380 millions, et le dernier − celui qui nous intéresse, « Français à l’étranger et étrangers en France » − à 603. Si l’on soustrait 323 à 603, on obtient 280, ce qui est moins que la limite des 300 millions d’euros. Ainsi, même si, ce soir, la commission des finances souhaite que l’Assemblée se prononce favorablement sur cet amendement, nous courons le risque de faire disparaître l’an prochain, à la faveur d’une réorganisation de la maquette budgétaire, le programme « Français à l’étranger et étrangers en France ». Il nous appartiendra donc d’être particulièrement vigilants. Ce programme correspond à une importante action politique : il ne faudrait pas qu’il soit menacé dans le bras de fer que Bercy ne manquera pas d’engager avec le ministère des affaires étrangères et il doit être maintenu dans le cadre de la mission « Action extérieure de l’État ».

Malgré ces réserves, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 236 et 254.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 253.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique, pour le soutenir.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. À l’heure actuelle, le financement de l’audiovisuel extérieur au titre de la mission « Action extérieure de l’État » relève d’une action spécifique du programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Avec 141,9 millions d’euros, cette action représente un peu plus de 42 % des crédits du programme. L’amendement que la commission des affaires étrangères a adopté à une forte majorité vise à créer un programme spécifique destiné au financement de l’audiovisuel extérieur. Cette mesure est neutre quant aux montants des crédits affectés aux différents opérateurs. En revanche, elle accroît les prérogatives de contrôle du Parlement et vise à répondre aux observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport au Président de la République pour 2002.

La répartition des crédits entre les différentes actions d’un programme est indicative : la création d’un programme spécifique consacré à l’audiovisuel extérieur donne en conséquence la garantie que les crédits votés par le Parlement seront bien affectés aux opérateurs.

Ce nouveau programme aura, à terme, vocation à regrouper l’ensemble des crédits publics destinés à financer l’audiovisuel extérieur. Un tel programme devra ainsi remédier à la dispersion actuelle des crédits et des moyens.

Cet amendement permet enfin de réaffirmer le rôle du ministère des affaires étrangères dans le pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur, qui − plusieurs orateurs l’ont rappelé − relève aujourd’hui de trois tutelles et de quatre missions différentes au sens de la LOLF.

Je voudrais également rappeler que, dans son rapport, Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Médias », écrit : « Aujourd’hui, les crédits de l’action audiovisuelle extérieure […] sont inscrits sur le programme “Rayonnement culturel et scientifique” de la mission “Action extérieure de l’État”. En outre, figure dans la mission “Médias” les crédits de la future Chaîne d’information internationale. Pour votre rapporteur spécial, il serait plus pertinent de créer au sein de la mission “Action extérieure de l’État” un programme “Action audiovisuelle extérieure” auquel seraient rattachés les crédits de TV5, de RFI et de la CII. »

Pour terminer sur une bonne nouvelle, je signale que le Premier ministre lui-même partage l’analyse de la commission des affaires étrangères et de son président, M. Balladur, et qu’il souscrit volontiers à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La commission a approuvé cet amendement, mais, personnellement je m’y étais opposé. Ce n’est pas que je conteste le bien-fondé du regroupement de tous les crédits de l’audiovisuel extérieur dans un programme unique, mais je crois qu’il y a un risque à le faire aujourd’hui. Évitons de tomber dans le piège : tous ces programmes sont en train de monter en puissance et ne sont pas encore stabilisés. Nous ne savons pas même dans quel format définitif fonctionnera la CII et quel niveau de subventions publiques elle exigera.

Tout à l’heure, à la tribune, je suis resté très prudent en annonçant que le Premier ministre nous apporterait peut-être un éclairage qui nous permettrait de trancher la question : la lettre était encore toute chaude de la photocopie et nous n’avions pas eu le temps de la lire. En vérité, elle ne me rassure guère. Certes, le Premier ministre ne voit pas d’inconvénient…

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Il « souscrit » !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. …à ce qu’on regroupe dans un même programme les crédits consacrés à RFI, à RMC Moyen-Orient et à TV5, qui figurent déjà dans la mission « Action extérieure de l’État », mais, dit-il, « j’y souscris d’autant que ces sociétés sont sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et que ce réaménagement aurait pour effet de redéployer plus aisément les moyens entre elles ». Or, j’entrevois un premier danger dans cette idée de redéploiement. Nous sommes tous d’accord pour sanctuariser les crédits des différents opérateurs : on connaît la montée en puissance de TV5, la qualité du travail qui a été accompli et qui se poursuit, on connaît aussi l’influence de RFI. Il faut donc être très prudent.

M. Jean-Claude Lefort. Ce n’est pas correct !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. D’autre part, le Premier ministre ne dit rien de particulier sur la CII. Cette chaîne, souhaitée par le Président de la République, sera un outil d’influence essentielle pour la France. Le ministre de la culture et de la communication doit bientôt transmettre à la commission des affaires étrangères des informations relatives aux conditions d’exploitation de la chaîne, notamment à la convention de subvention conclue entre l’État et la société éditrice. Autrement dit, si nous créons ce programme, nous risquons d’y faire converger…

M. Jean-Claude Lefort. Ce n’est pas correct !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, comme nous nous accordons sur l’objectif, je peux bien m’exprimer en confiance et en toute amitié sur les modalités. Je ne vois pas ce qui n’est pas correct dans mes propos.

M. Jean-Claude Lefort. La commission a voté et vous vous exprimez ici en tant que rapporteur pour avis !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. C’est ce que j’ai commencé par dire, et je rappelle simplement la position que j’ai adoptée au sein de la commission.

M. Jean-Claude Lefort. La commission a adopté cet amendement. Vous pesez de tout votre poids de rapporteur dans le sens inverse, et ce n’est pas normal !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis. Nous pouvons nous faire l’amitié de nous parler à cœur ouvert. Je crains que, si nous créons ce programme, les moyens convergent de manière insuffisante et qu’on nous repasse ainsi le mistigri. Ne vaudrait-il pas mieux attendre que la situation soit clarifiée ?

Je rappelle toutefois que, à la majorité de 5 voix contre 4, la commission des affaires étrangères a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. La commission des finances, elle, n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je voudrais reprendre le paragraphe de la lettre du Premier ministre qui le concerne plus particulièrement.

M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi n’avons-nous pas cette lettre du Premier ministre ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Peut-être la photocopieuse est-elle en panne ! (Sourires.)

Le Premier ministre écrit donc : « J’y souscris volontiers, d’autant que ces sociétés sont sous la tutelle du ministère et que ce réaménagement aurait pour effet de redéployer plus aisément les moyens entre elles. » Or, en raison de la fongibilité rendue possible par la loi organique relative aux lois de finances, rien ne s’oppose à ce que des moyens soient totalement redéployés au sein d’un même programme. Cela concerne donc toutes les chaînes considérées et il paraît inutile de créer un programme spécifique pour satisfaire la demande particulière du Premier ministre.

D’autre part, j’ai dit tout à l’heure que la maquette budgétaire avait été établie de manière qu’aucun programme ne soit inférieur à 300 millions d’euros. Or nous créerions ici un programme de 141 millions d’euros. Il est donc absolument certain que, l’année prochaine, il serait retiré et mis au bénéfice d’on ne sait quelle mission, et pas forcément de l’« Action extérieure de l’État ». Il est pourtant très important pour cette mission que l’audiovisuel extérieur reste bien identifié en son sein.

Enfin, les crédits tels qu’ils nous sont présentés n’incluent pas les 65 millions destinés à la chaîne d’information internationale et ne pourraient d’ailleurs pas le faire. Il serait donc extrêmement prudent d’attendre…

M. Jean-Claude Lefort. L’année prochaine ! (Rires.)

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. …l’année prochaine − M. Lefort a compris où je voulais en venir − pour savoir comment ces crédits seront inscrits.

M. Jean-Claude Lefort. C’est un spécialiste des amendements pour l’an prochain !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. C’est que, pendant des années, j’ai entendu les communistes répéter : « Demain, on rase gratis ».

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. La commission des finances ne l’a pas examiné !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. C’est à titre personnel !

M. Jean-Claude Lefort. C’est malhonnête !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. J’attire particulièrement l’attention de mes collègues du groupe UMP sur le paragraphe de la lettre du Premier ministre préconisant la fongibilité des moyens : il n’est nul besoin de créer un programme spécifique pour cela. La fongibilité est déjà possible aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre des affaires étrangères. Après avoir envisagé la création d’un programme audiovisuel extérieur, le Gouvernement en avait abandonné l’idée. La création d’une mission consacrée à l’audiovisuel extérieur a un sens dès lors que la totalité des crédits qui lui sont consacrés y est regroupée. Cela n’a pas été possible jusqu’à présent et votre amendement, monsieur le député, ne résout hélas pas le problème. Un programme distinct permettrait néanmoins de rendre plus lisible notre effort en faveur de l’audiovisuel extérieur. Il permettrait aussi de mieux défendre et de préserver des crédits qui lui sont alloués. Sur le principe, je ne peux donc qu’être favorable à votre proposition.

Mais je voudrais faire deux remarques. D’une part, le financement de l’audiovisuel reste un sujet très évolutif, en particulier pour la chaîne d’information internationale. D’autre part, je serais plutôt enclin à attendre de voir comment la nouvelle chaîne d’information internationale monte en puissance et comment elle se finance avant d’avancer dans la direction que vous suggérez. Il importe, en effet, d’être particulièrement vigilant sur l’avenir de nos opérateurs de l’audiovisuel extérieur, et notamment sur celui de TV5 que vous venez de défendre, monsieur Rochebloine. Je souhaite tout faire pour préserver cet outil à l’efficacité remarquable. Dans sa réponse au président de la commission des affaires étrangères, le Premier ministre ne dit d’ailleurs pas autre chose et ne fixe pas de date pour la création de ce programme distinct.

Le principe est bon, mais je vous propose de réexaminer cette proposition l’année prochaine dans un cadre mieux stabilisé.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, malgré l’amitié que je vous porte, je ne retirerai pas cet amendement. Je m’étonne d’ailleurs que l’habitude soit prise par cette assemblée, car ce soir n’est pas un cas isolé, de déposer des amendements puis, systématiquement, de les retirer. Il peut toujours y avoir, bien sûr, des amendements d’appel, mais on ne peut se moquer ainsi de celles et de ceux que nous représentons. Si l’on croit à quelque chose, on va jusqu’au bout. Sinon, on ne dépose pas d’amendement.

Il est parfois nécessaire d’attendre, mais tel n’est pas le cas ici. Chacun interprète à sa façon la lettre du Premier ministre, adressée en réponse à celle du président de la commission des affaires étrangères, M. Balladur. Pour ma part, je la trouve suffisamment claire.

Vous dites, monsieur le ministre, avoir des craintes pour le financement d’autres chaînes, en particulier TV5, que j’ai défendue. Si cela signifie que l’on peut avoir des craintes pour les crédits futurs de l’audiovisuel,…

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Pas du tout !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. … il nous revient alors de défendre ceux-ci.

Je trouve grave en tout cas que l’on n’ose pas rassembler dans un seul programme l’intégralité du financement de l’audiovisuel extérieur, tout simplement par crainte de voir supprimer des crédits.

Pour notre part, nous ne demandons pas de crédits supplémentaires. Il n’est donc pas nécessaire de reporter la décision à l’an prochain, au prétexte qu’il faudrait encore réfléchir.

La CII, monsieur le ministre, on en parlait déjà, vous l’avez rappelé, lorsque vous étiez ministre de la culture. Peut-être va-t-elle finir par voir le jour mais, aujourd’hui, je suis très dubitatif. L’élection présidentielle, dont nous sommes proches, permettra peut-être d’avancer.

Le sujet est en tout cas suffisamment important pour que je maintienne cet amendement plein de bon sens, d’autant que le président Balladur y est favorable et que nous avons le soutien du Premier ministre. Que le ministère soit craintif et que la lettre du Premier ministre ait jeté un trouble, on peut le comprendre. Pour autant, chacun ne peut pas interpréter cette lettre à sa façon.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le rayonnement culturel et scientifique. Je me souviens avoir, en 2003, interrogé le ministre des affaires étrangères, qui n’était autre que Dominique de Villepin, sur la CII, et il avait clairement exprimé son souhait de ne pas contribuer à son financement. Je me sens donc autorisé à interpréter sa lettre, que je trouve, comme François Rochebloine, sans ambiguïté. Pour le Premier ministre, le financement de la CII ne doit pas être assuré par des crédits du ministère des affaires étrangères.

La commission des affaires culturelles n’a pas examiné cet amendement, car ce n’était pas son rôle. Néanmoins, je puis me faire l’écho de son souci, dans la logique même de la LOLF, d’une plus grande lisibilité de l’action de la France dans le domaine de l’audiovisuel extérieur.

Nous pouvons donc, mes chers collègues, voter cet amendement de la commission des affaires étrangères, que la commission des finances n’a pas non plus examiné. Créer un programme « Audiovisuel extérieur » permettrait, à la fois, de rendre plus lisibles les crédits de TV5 et de RFI et de les sanctuariser ou, du moins, de les protéger, tout en assurant le financement de la CII, sans toucher aux crédits des autres acteurs.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. La réponse du ministre est parfaitement claire. Il ne faudrait pas, au prétexte de la LOLF, alors que celle-ci a été votée dans un souci de rationalisation de la présentation des crédits, alimenter nos discussions de fausses frayeurs et organiser des débats verbeux en fin de discussion de chaque mission. S’il y a volonté politique, il y a des crédits correspondants. Si, à l’inverse, il n’y a pas de volonté politique, on pourra avoir tous les programmes que l’on veut, s’il n’y a pas de crédits, cela ne servira à rien.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Mais ce n’est pas une question de crédits !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, je demande une suspension de séance car il ne peut y avoir deux sortes de députés : …

M. le président. Vous n’avez pas de mandat de votre groupe.

M. Jean-Claude Lefort. Il s’agit d’un problème politique et non pas administratif, monsieur le président !

Monsieur le président, je le répète, il ne peut y avoir ici deux sortes de députés : ceux qui ont lu la lettre du Premier ministre, chacun l’interprétant d’ailleurs à sa façon, et ceux qui ne l’ont jamais vue. Je souhaite donc pouvoir la lire, d’autant que le ministre lui-même a fait part de sa propre interprétation.

M. le président. M. le ministre s’est exprimé au nom du Gouvernement et a émis un avis défavorable.

M. Jean-Claude Lefort. Le ministre est donc défavorable au Premier ministre ? (Sourires.)

M. le président. Je rappelle, car une synthèse me semble nécessaire (Sourires), que cet amendement, présenté par M. Rochebloine au nom de la commission des affaires étrangères, a reçu, à titre personnel, un avis défavorable du second rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, un avis défavorable, à titre personnel, du rapporteur spécial de la commission des finances, un avis favorable, à titre personnel, du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, et, au nom du Gouvernement, un avis défavorable de M. le ministre...

Je mets donc aux voix l'amendement n° 253.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Avertissez le Premier ministre !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 532.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le défendre.

M. Jacques Myard. Nous avons été nombreux à regretter l’exiguïté des crédits du ministère des affaires étrangères s’agissant du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Ce n’est pas la première fois que j’essaie d’abonder de tels crédits, et ce n’est pas la première fois que je risque d’être battu. Mais il n’est que temps de prendre le taureau par les cornes, car trop c’est trop !

Nous ne pouvons pas continuer de voir les crédits rognés, mais aussi les effectifs baisser alors qu’ils ont déjà fondu de 11 % en une dizaine d’années, ce qui est un record dans l’appareil d’État, cela au nom d’une rationalisation qui met en péril l’outil même de notre action dans le monde.

Les règles d’airain de la discussion budgétaire m’ont conduit à prendre l’argent sur les crédits du programme « Français à l’étranger et étrangers en France », mais si je l’avais pu, je n’aurais pas hésité à le prendre sur des budgets où règne une certaine gabegie. Cela ne m’a pas été possible puisqu’il me fallait agir uniquement au sein de la mission « Action extérieure de l’État ».

Il n’en demeure pas moins que nous devons donner un signal fort. En abondant, comme je le propose, les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » de 4 560 000 euros, nous montrerions clairement que c’est l’Assemblée nationale qui commande, pas les gnomes de Bercy !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Cet amendement de M. Myard, dont je salue l’opiniâtreté, est récurrent.

Je me suis longuement exprimé sur ce point l’an dernier, et, à nouveau, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur Myard a mis le doigt sur l’importance des baisses d’effectifs qu’a connues depuis dix ans le ministère des affaires étrangères, dont les personnels ont d’ailleurs consenti des efforts sur leurs revenus. Mais cet amendement ne peut être recevable car la suppression des crédits qu’il propose porte sur la subvention qui est versée pour charges de service public à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Or cette subvention est consacrée à couvrir des charges de personnels titulaires de la fonction publique et des charges fixes de loyer.

Par ailleurs, l’abondement de crédits du titre 2 ne peut se justifier que par des créations d’emplois. Or l’amendement, s’il ne précise pas le nombre d’équivalents temps plein à créer, ne prévoit pas non plus de suppressions d’emplois dans le cadre du plafond global d’emplois voté en première partie.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. L’usage de tels arguments m’étonne, et j’aurais préféré qu’ils proviennent de la commission des finances. En tout cas, cet amendement est venu en séance, il doit être mis aux voix.

Les arguments du ministre sont peut-être pertinents. Il n’en demeure pas moins qu’il faut abonder le budget des affaires étrangères et qu’un signe fort est à cet égard nécessaire. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 532.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon, pour une explication de vote au nom du groupe de l’UMP.

M. Gérard Grignon. Vous avez réussi, monsieur le ministre, à sidérer la population de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais également les marins bretons, normands ou encore bordelais, en affirmant que l’arbitrage de New York avait été un succès. C’est la première fois, en effet, qu’une telle affirmation est émise. Pourtant, la France n’a pas obtenu le cinquième de la superficie qu’elle revendiquait, et la zone en question ne contient pas les réserves halieutiques suffisantes pour maintenir les emplois de marins et d’ouvriers d’usines. Ainsi, cet arbitrage a mis fin à la pêche industrielle à Saint-Pierre-et-Miquelon et a abouti à la fermeture définitive de l’usine de Miquelon, ne permettant à celle de Saint-Pierre que de fonctionner quatre mois à peine.

L’arbitrage de New York, ce fut la fin de la pêche industrielle française dans la région et la perte définitive de 160 emplois de marins exerçant localement et de 370 emplois d’ouvriers d’usine. Si vous y voyez une victoire, monsieur le ministre, nous n’avons pas la même conception de la victoire. La France s’est contentée de peu.

S’agissant du plateau continental, vous avez affirmé que vous ne serez pas celui qui contribuera à l’effacement de la présence de notre pays et, plus généralement, de l’Europe, en Amérique du Nord. Mais si vous n’êtes pas convaincu de la nécessité pour la France de déposer un dossier devant la commission compétente de l’ONU, permettez-moi d’être sceptique. J’espère, tout au plus, que la France se battra mieux qu’à New York en 1992.

Souhaitant ne gâcher aucune chance pour mon archipel, si minime soit-elle, je voterai néanmoins votre budget, ce que fera également, au-delà de ce dossier spécifique, le groupe de l’UMP, pour des raisons plus générales.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. Je souhaite dire à M. Grignon, dont je salue l’excellent travail, et que je connais depuis longtemps, que soit je me suis mal exprimé, soit il m’a mal compris. Je lui propose de venir dès le début de la semaine prochaine au ministère afin de préparer au mieux les négociations.

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission "Action extérieure de l'État", modifiés par les amendements adoptés.

M. Jacques Myard. Je m’abstiens.

(Les crédits de la mission "Action extérieure de l'État" inscrits à l’état B, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Culture ; cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie)

Rapport spécial, n° 2568, annexe VII, de M. Olivier Dassault, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Rapport spécial, n° 2568, annexe VIII, de M. Nicolas Perruchot, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2569, tome III, de M. Michel Herbillon, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Aide publique au développement ; prêts à des États étrangers (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie)

Rapport spécial, n° 2568, annexe V, de M. Henri Emmanuelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2571, tome IV, de M. Jacques Godfrain, au nom de la commission des affaires étrangères.

Recherche et enseignement supérieur (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie) ; article 81

Rapport spécial, n° 2568, annexe XXIV, de M. Jean-Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Rapport spécial, n° 2568, annexe XXV, de M. Michel Bouvard, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2569, tome VI, de M. Pascal Ménage, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis, n° 2569, tome VII, de Mme Juliana Rimane, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Avis, n° 2570, tome VIII, de M. Michel Lejeune, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Avis, n° 2570, tome IX, de M. Jean-Marie Binetruy, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Avis, n° 2570, tome X, de M. André Chassaigne, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Relations avec les collectivités territoriales ; articles 82 à 85 ; remboursements et dégrèvements (programme : remboursements et dégrèvements d’impôts locaux) ; avances aux collectivités territoriales

Rapport spécial, n° 2568, annexe XXVII, de M. Marc Laffineur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 2573, tome VI, de M. Manuel Aeschlimann, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Relations avec les collectivités territoriales ; articles 82 à 85 ; remboursements et dégrèvements (programme : remboursements et dégrèvements d’impôts locaux) ; avances aux collectivités territoriales (suite).

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Engagements financiers de l’État ; gestion et contrôle des finances publiques ; provisions ; stratégie économique et pilotage des finances publiques ; remboursements et dégrèvements (programme : remboursements et dégrèvements d’impôts d’État) ; Monnaies et médailles ; accords monétaires internationaux.

Rapport spécial, n° 2568, annexe XV, de M. Daniel Garrigue, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Rapport spécial, n° 2568, annexe XVII, de M. Thierry Carcenac, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Rapport spécial, n° 2568, annexe XXVIII, de M. Jean-Jacques Descamps, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Rapport spécial, n° 2568, annexe 36, de M. Camille de Rocca Serra, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Articles non rattachés (suite).

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 18 novembre 2005, à zéro heure quarante-cinq.)