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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Séance du 28 novembre 2005

80e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

fin de missions temporaires de députés

M. le président. M. le Premier ministre m’a informé de l’achèvement des missions temporaires confiées respectivement à MM. Pierre Lasbordes, député de l’Essonne, et Marc Bernier, député de la Mayenne.

adoption d’une proposition
de résolution

M. le président. J’informe l’Assemblée qu’en application de l’article 151-3, alinéa 2, du règlement, la proposition de résolution sur la modernisation du système REACH, adoptée par la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, est considérée comme définitive.

DIVERSES DISPOSITIONS
RELATIVES À LA DÉFENSE

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant diverses dispositions relatives à la défense (nos 2565, 2701).

La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les députés, si ce projet de loi revient aujourd’hui devant vous en deuxième lecture, c’est que lui ont été ajoutés par voie d’amendements, lors du débat en première lecture au Sénat, deux articles complémentaires concernant, d’une part, l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPID, et, d’autre part, la protection de nos réseaux et installations sensibles contre le terrorisme. Sur ces deux sujets, nous répondons à des besoins immédiats apparus après la première lecture à l’Assemblée nationale, ce qui explique la procédure suivie.

Pour mémoire, je rappelle que ce projet de loi a pour but de contribuer à la modernisation des textes concernant la défense, notamment dans le domaine de la justice militaire, de simplifier le droit public économique de la défense et de mieux veiller à la sécurité du pays contre les atteintes les plus graves.

Je ne reviendrai pas sur les dispositions déjà adoptées, concentrant mon propos sur les deux articles introduits le mois dernier. Ceux-ci répondent à deux défis essentiels.

Commençons par le défi de l’insertion professionnelle des jeunes, qui est au centre de nos préoccupations : beaucoup de nos jeunes sont actuellement en butte à de graves difficultés d’insertion professionnelle, du fait notamment de lacunes dans leur formation scolaire ou professionnelle, voire dans leur comportement.

Par tradition, la défense nationale s’est toujours préoccupée de ce sujet. Elle est le premier employeur de jeunes, avec 35 000 nouveaux engagés chaque année. Si l’on compte parmi ceux-ci des polytechniciens ou des saint-cyriens, 7 000 n’ont en revanche aucune qualification. C’est la défense nationale qui la leur apportera, leur permettant, plus tard, de s’insérer sous contrat à durée indéterminé dans des entreprises privées.

Pour mettre notre savoir-faire au service de ceux qui sont le plus en difficulté, nous avons créé le dispositif « Défense deuxième chance », dont j’ai déjà parlé devant vous à plusieurs reprises. Dans ce cadre, nous avons estimé que, si les armées jouent un rôle dans la formation professionnelle et comportementale des jeunes, les services du ministère de la défense le peuvent également : d’où l’idée d’utiliser l’établissement public qui contribue à mettre en place le programme « Défense deuxième chance » pour accueillir un certain nombre de jeunes qui pourront ensuite être placés sous contrat auprès de différents services, pour acquérir un complément de formation leur garantissant une réelle insertion professionnelle. Cette mesure complétera le dispositif : certains jeunes bénéficient de contrats de cinq ans et sont encadrés par les militaires ; d’autres sont intégrés dans le dispositif « Défense deuxième chance » qui est en train de se mettre en place ; une troisième catégorie, enfin, bénéficiera de la mesure que je viens d’évoquer.

L’occasion m’est donnée ici de faire le point sur « Défense deuxième chance ». Le premier centre mis en place, celui de Montry, inauguré le 30 septembre, en est à sa deuxième session de recrutement. Un deuxième centre a été ouvert à Étang-sur-Arroux, en Saône-et-Loire, et offre principalement des formations aux métiers de la forêt. J’inaugurerai le 15 décembre le centre de Montlhéry, dans l’Essonne, qui aura une capacité d’accueil de deux cents stagiaires. Les autres centres seront ensuite ouverts à raison de un ou deux par mois, en vue d’atteindre l’objectif tel qu’il a été revu à la hausse par le Président de la République dans son intervention du 14 novembre. Cet objectif, je le rappelle, est d’accueillir 10 000 jeunes d’ici à la fin de l’année 2006, tandis que la cible finale de 20 000 places demeure inchangée.

L’article 20 du projet de loi va permettre à l’EPID d’accueillir une troisième catégorie de jeunes, recrutés au titre des contrats d’accompagnement dans l’emploi et mis à la disposition du ministère de la défense, où ils recevront une formation. Gageons que ce dispositif connaîtra la même réussite que celle rencontrée par les contrats de volontaire.

Le deuxième article soumis à votre examen concerne la lutte contre le terrorisme, préoccupation majeure qu’aucun pays ne peut plus ignorer aujourd’hui. Afin de faire face efficacement, il est important d’adapter notre stratégie préventive au fur et à mesure que le contexte et les méthodes d’action des terroristes évoluent.

Cela implique notamment de rendre moins vulnérables des points ou des réseaux d’importance vitale pour le pays. Des dispositifs sont déjà en place pour les installations de la défense nationale, mais il faut aller au-delà. D’une manière générale, les terroristes visent à désorganiser la nation, à créer une panique provoquant un arrêt de la vie normale : il est donc essentiel d’avoir un regard particulier sur des installations telles que les gares et les aéroports les plus importants, les réseaux de production d’énergie et les réseaux de communication, ou encore les installations dont la destruction aurait des conséquences très graves pour la population ou l’environnement : je pense aux centrales nucléaires ou aux installations classées « Seveso ».

L’article 3 bis vise donc à adapter le droit en vigueur aux nouvelles menaces en étendant les dispositions existantes à l’ensemble des opérateurs publics et privés, là où seules les entreprises sont mentionnées dans le droit en vigueur. Il s’agit de prendre en compte la réalité, et non la dénomination juridique.

De même, il nous a semblé utile d’élargir la qualification des menaces. Au-delà de la notion actuelle de sabotage, trop restrictive, il faut se prémunir contre « toute menace, notamment à caractère terroriste ».

Le projet de loi relatif au code de la défense illustre notre volonté constante d’actualiser le droit qui régit nos activités, avec pour unique objectif de mieux protéger notre population. Enrichi de ces deux nouveaux articles, le texte répond à deux attentes primordiales de nos concitoyens : renforcer la cohésion sociale en portant une attention toute particulière aux difficultés des jeunes pour obtenir un emploi, et assurer au mieux la sécurité générale de notre pays et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. François Vannson, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce projet de loi par notre assemblée, j’ai dit que la codification représentait un travail auquel, à titre personnel, je suis favorable. Je n’ai pas changé d’avis sur ce point.

Nos collègues de la commission de la défense du Sénat ont adopté le texte de l’Assemblée nationale sans modification. Toutefois, au cours de la première lecture en séance publique, le Gouvernement a présenté deux amendements portant articles additionnels que le Sénat a adoptés sans les modifier. Ce sont donc ces deux nouveaux articles, 3 bis et 20, qui nous valent d’être à nouveau réunis pour examiner le projet de loi modifiant diverses dispositions relatives à la défense.

Dans la présentation de l’article 3 bis, vous avez, madame la ministre, rappelé qu’il convenait de protéger les installations essentielles à la continuité de la vie de la nation susceptibles d’être des cibles du terrorisme : les gares et les aéroports les plus importants, les réseaux de production d’énergie, les réseaux de communication et les installations dont la destruction pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour la population ou pour l’environnement.

Votre texte met à jour les dispositions de l’ordonnance n° 58-1371 du 29 décembre 1958 en étendant son champ d’application à l’ensemble des opérateurs, qu’ils relèvent du droit public ou du droit privé, alors que la rédaction actuelle ne mentionne que les entreprises.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité adapter le texte aux réalités des menaces contemporaines en substituant à la simple notion de sabotage celle de menace à caractère terroriste.

La commission de la défense de l’Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Le Sénat a adopté un autre amendement du Gouvernement visant à autoriser l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPID, à mettre à la disposition du ministère de la défense les bénéficiaires des contrats d’accompagnement dans l’emploi pour les besoins de leur formation.

Je ne reviendrai pas sur les caractéristiques de ces contrats aidés, sinon pour rappeler que la loi de programmation pour la cohésion sociale dispose que les CAE « ne peuvent être conclus pour pourvoir des emplois dans les services de l’État ». L’article 20 introduit au Sénat propose de déroger à ce principe : les CAE pourront être mis à la disposition du ministère de la défense. Toutefois, les bénéficiaires de ces contrats seront recrutés par l’EPID, dont le statut est modifié en conséquence. La faculté conférée à l’EPID d’embaucher des bénéficiaires de CAE revient en quelque sorte à faire exercer à cet établissement une fonction d’interface au profit du ministère de la défense.

Ce mécanisme juridique permettra au ministère de développer sa politique de formation des jeunes sans qualification. Si l’objectif est parfaitement légitime, je souhaite, madame la ministre, que cette mission annexe n’interfère pas avec le fonctionnement normal de l’EPID, dont chacun ici, je pense, reconnaît l’importance et la difficulté des missions.

Enfin, les collectionneurs de matériels et de véhicules militaires historiques ont manifesté leur inquiétude. Il semble que les mesures d’application envisagées pour la loi pour la sécurité intérieure tendent à imposer de lourdes contraintes à ces collectionneurs et à leurs associations. Ces derniers participent à de nombreuses manifestations patriotiques et on voit mal quelles menaces leurs activités pourraient faire peser sur la sécurité publique. Comme il s’agit de questions d’ordre réglementaire, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez rappeler aux services concernés que le bon sens et le discernement doivent inspirer les mesures d’autorisation et de contrôle.

La commission de la défense nationale et des forces armées a adopté l’ensemble du projet de loi transmis par le Sénat sans modification et j’invite l’Assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le 7 avril dernier, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code de la défense, désormais intitulé « projet de loi modifiant diverses dispositions relatives à la défense ». Cette mesure de simplification du droit, que le groupe UDF a soutenue, d’une part, propose de modifier des dispositions du code de la défense qui ne pouvaient s’effectuer que dans le cadre de la codification, et, d’autre part, procède à quelques corrections de forme.

Lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, quatorze des dix-neuf articles du projet de loi ont été adoptés sans aucune modification, signe que l’esprit de modernisation et d’efficacité sous-tendant le texte était reconnu, ce dont l’UDF se félicite.

Qu’il s’agisse de l’article 4 relatif aux règles de protection et de contrôle des matières nucléaires, de l’article 7 qui donne au seul ministre de la défense la possibilité d’autoriser l’ouverture d’un commerce de détail d’armes, de l’article 8 qui facilite la répression des trafics d’armes, de l’article 10 qui abroge des procédures devenues obsolètes en matière de produits explosifs à usage militaire, complète la liste des activités portant sur les produits explosifs soumis à autorisation et contrôle et unifie la terminologie en généralisant l’emploi de l’expression « produits explosifs », ou encore de l’article 12 qui précise la nature juridique de l’institution de gestion sociale des armées et le rapproche du droit commun des établissements publics, ou enfin de l’article 15, qui rend le code pénal plus lisible, s’agissant notamment de la définition des actes de terrorisme en y ajoutant les infractions définies dans le code de la défense, toutes les modifications apportées sont perçues par l’UDF comme une mise à jour nécessaire dans le travail de modernisation du code de la défense. Ce toilettage associant simplification et modernisation était devenu indispensable compte tenu de l’évolution du contexte international et de l’émergence de nouveaux périls comme le terrorisme ou les risques nucléaires. Si ces derniers font, certes, l’objet de loi, ils touchent aussi à de nombreuses dispositions du code de la défense.

Le Sénat a confirmé la nécessité de cette démarche le 6 octobre dernier, lors de l’examen du projet de loi, en n’apportant que quelques modifications de détail au texte adopté ici même. Deux amendements ont, par ailleurs, créé des articles additionnels. Le premier tend à réparer un oubli et à adapter le cadre juridique des mesures de protection des installations d’importance vitale contre les actes de terrorisme, en élargissant le champ des opérateurs concernés et en précisant la nature des menaces. La loi en vigueur ne visant que les « entreprises », il est donc proposé de remplacer ce mot par « opérateurs publics ou privés ». En outre, pour prévenir l’ensemble des menaces, la notion restrictive et insuffisante de « sabotage » est remplacée par « toute menace, notamment à caractère terroriste ».

Le second article additionnel permet au ministère de la défense de faire bénéficier de jeunes civils qui n’opteraient pas pour un statut militaire d’un cursus d’intégration et de formation professionnelle, grâce à un tutorat assuré par ses personnels sous statut. L’établissement public d’insertion de la défense a désormais la capacité de recruter des jeunes sous contrat d’accompagnement dans l’emploi pour les mettre à la disposition du ministère de la défense à des fins de formation. Voilà une excellente mesure d’insertion professionnelle pour les personnes sans emploi et en difficulté qui est pleinement conforme à la politique d’insertion sociale et professionnelle affichée par le Gouvernement et approuvée par l’UDF. Nos collègues sénateurs du groupe centriste ont également approuvé ces amendements.

Ces deux ajouts nous semblent aller dans le bon sens, de même que l’esprit général du projet de loi. Notre vote sera, bien évidemment, positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) 

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en première lecture, nous avons manifesté notre opposition traditionnelle au fait de légiférer par ordonnance. Considérant, de plus, que le projet allait au-delà de la simple ratification d’une ordonnance, puisque certains articles modifiaient diverses dispositions du code de la défense, mais aussi du code pénal et du code de procédure pénale – quand ils n’en ajoutaient pas –, nous avions voté contre.

Aujourd’hui, nous devons nous prononcer sur un texte un peu différent puisque complété par deux amendements déposés par le Gouvernement au Sénat. L’un de ces amendements adapte le cadre juridique applicable à la protection des installations sensibles contre le terrorisme, l’autre permet à l’établissement public d’insertion de la défense de recruter des jeunes sous contrat d’accompagnement dans l’emploi pour qu’ils acquièrent une formation au ministère de la défense.

Si nous approuvons naturellement ces amendements, l’essentiel de nos observations formulées en première lecture reste valable. Donc, après un premier vote négatif, les deux amendements que nous approuvons nous conduiront à nous abstenir en deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps de parole qui m’est imparti me suffira amplement puisque les orateurs précédents et le rapporteur ont rappelé les dispositions proposées en deuxième lecture. Ce texte contribue à rendre le droit plus clair, plus précis et plus efficace.

Je souhaite insister, pour ma part, sur les mines antipersonnel. Dans ce domaine, nous enrichissons aujourd’hui notre législation, déjà à la pointe. Sur le plan humain, il convient de s’en féliciter. Notre législation d’origine parlementaire avait déjà fait l’objet d’une extension importante lors de la session d’été de l’OSCE en 2002 à Berlin : sur 317 parlementaires, 316 avaient adopté notre législation en vue de la retranscrire dans le droit des pays membres de l’organisation. En poursuivant dans cette voie, nous montrons, s’il en était besoin, notre capacité de réflexion et d’apports législatifs sur de tels sujets.

Nous avons beaucoup parlé, lors de la discussion du budget de la défense, en séance publique ou en commission, de la mise en place des EPID. Les événements que nous avons connus récemment et surtout les succès obtenus par le premier établissement installé en Seine-et-Marne doivent nous inciter à développer ce type d’établissement. Notre pays en a bien besoin.

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, je m’associe à tout ce qui a été dit par les orateurs précédents.

Contrairement à leurs collègues du groupe communiste et républicain, les députés du groupe UMP avaient voté le texte en première lecture, ils feront de même en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 3 bis

M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis.

(L’article 3 bis est adopté.)

Article 20

M. le président. Je mets aux voix l’article 20.

(L’article 20 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole pour une explication de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

M. Jacques Brunhes. Abstention du groupe des député-e-s communistes et républicains !

M. le président. L’ensemble du projet de loi est adopté.

Réserve militaire

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense (nos 2156, 2702).

La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les députés, née avec la conscription, la réserve a, depuis la Révolution, apporté aux armées les renforts de masse dont elles avaient besoin lorsque le territoire national était menacé. Avec la création de l’Europe, puis la professionnalisation de l’armée, les conditions ont évidemment changé. La réserve fait maintenant partie intégrante de l’armée professionnelle. Après la suspension du service national, elle est devenue, non plus une réserve de masse, qui n’intervient que lorsque le territoire est menacé, mais une réelle réserve d’emploi dont les armées ont l’utilité et l’usage dans leurs différentes activités.

Notre défense a, en effet, besoin aujourd’hui de l’apport de réservistes, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif. Nous en avons chaque jour la preuve. Sur le territoire national, nos réservistes participent activement au plan Vigipirate, dont ils sont un élément important, et à la sécurisation des grands événements. Ainsi, l’année dernière, à l’occasion des commémorations de la libération de notre territoire, ils ont été très nombreux à accueillir le public, à encadrer et à veiller à la sécurité. Ils interviennent aussi dans les situations d’urgence qu’engendrent les catastrophes naturelles, comme les inondations ou les feux de forêt, ou les catastrophes écologiques. Ils sont souvent les premiers à se rendre sur place pour aider les populations civiles.

Les réservistes sont aussi présents sur les théâtres d’opérations extérieures. Que ce soit dans le cadre des services de santé des armées ou de ceux de soutien, ils jouent un rôle important en Afghanistan, au Kosovo, en Côte d’Ivoire, au Tchad.

Je sais que l’Assemblée nationale, en particulier, est sensible au rôle et à la place de la réserve, ainsi qu’aux problèmes qu’elle peut rencontrer dans l’exercice de sa mission.

Le présent texte a pour objet de garantir la pleine efficacité de la réserve. Pour ce faire, celle-ci doit, comme les forces d’active, s’adapter en permanence aux évolutions à la fois des menaces, de l’environnement et du fonctionnement de la sécurité civile.

Cette adaptation est au cœur du projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui. Il a pour objet de donner à notre réserve les moyens de mieux remplir ses missions. Il s’accompagnera aussi de mesures visant à renforcer sa cohérence et sa portée.

Premièrement, cette loi est nécessaire pour adapter la réserve aux nouveaux besoins des armées et de la nation.

Soyons clair. La loi de 1999 ne pouvait rester en l’état, compte tenu de l’évolution du contexte d’emploi des forces. Nous avons tiré les leçons de l’expérience acquise.

La durée trop courte des périodes ne permettait pas de confier des missions suffisamment longues – et donc intéressantes – aux réservistes. Les délais de préavis étaient trop longs pour faire face à des situations d’urgence – et il peut y en avoir. J’en ai évoqué quelques-unes.

Certaines dispositions techniques trop contraignantes freinaient le recrutement des réservistes, tant opérationnels que citoyens.

Disponibilité et réactivité sont aujourd’hui les mots clés des nouvelles formes d’intervention.

Nous avons un besoin croissant de spécialistes de tous niveaux, rôle autrefois tenu par les conscrits à qui nous demandions d’utiliser leur savoir-faire.

De même, face à des situations exceptionnelles, les armées doivent pouvoir compter sur l’apport immédiat de renforts en effectifs. Et, comme je vous le disais, ce n’était pas le cas.

Parallèlement, la réserve citoyenne doit être mieux prise en considération. Elle a été créée lors de la suspension du service national pour garder un lien entre les armées et la nation. Et ce qu’on lui demande est bien de renforcer ce lien.

Il faut bien reconnaître que, depuis la réforme, peu de choses ont été faites. Nous avons pris un certain nombre d’initiatives, mais il n’y a pas de mouvement de masse nous permettant de l’utiliser vraiment.

J’ai donc voulu la conforter dans sa mission première – l’entretien de l’esprit de défense – et j’ai également souhaité lui donner plus de visibilité.

Telles sont les finalités – les ambitions, allais-je dire ! – du projet de loi que je vous soumets aujourd’hui. Les mesures qui vous sont proposées, je ne les ai pas élaborées seule. Elles s’appuient sur les propositions faites par des rapports parlementaires, qui ont été largement pris en compte, sur les témoignages recueillis auprès de réservistes et sur une étude interne conduite, à ma demande, par l’état-major des armées.

Deuxièmement, cette loi permettra à la réserve de remplir pleinement sa double fonction opérationnelle et citoyenne.

Le projet de loi réaffirme les principes fondateurs sur lesquels repose la réserve : le volontariat, corollaire de la mise en place d’une armée de métier ; l’intégration aux forces d’active, gage d’efficacité et de cohésion ; le partenariat entre l’État, les employeurs et les réservistes.

Il tend aussi à rationaliser l’organisation actuelle dans ses deux composantes – opérationnelle et citoyenne –, à renforcer l’efficacité de la réserve opérationnelle et à ouvrir plus largement l’accès aux deux réserves.

Le premier objectif est donc d’avoir une réserve repensée et mieux structurée.

La réserve opérationnelle regroupe désormais les volontaires et les anciens militaires d’active soumis à disponibilité. À partir du moment où nous demandions aux uns et aux autres de remplir les mêmes missions, c’est-à-dire de répondre à un besoin d’emplois opérationnels, il était anormal de les gérer dans des ensembles différents.

La réserve citoyenne, elle, ne compte plus dans ses rangs que les seuls volontaires bénévoles, dont la mission consiste à promouvoir le lien armées-nation.

J’attache un grand prix à l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui se mettent au service du pays et de son armée, en faisant mieux comprendre le fonctionnement et la finalité de celle-ci.

Une claire identification de ces deux réserves, nettement distinctes, n’implique en aucun cas un cloisonnement étanche entre elles.

Rien n’empêche ceux qui le souhaitent, et qui remplissent les conditions requises, de passer de la réserve citoyenne à la réserve opérationnelle. Il leur suffit, le moment voulu, de souscrire un engagement dans l’armée ou le service de leur choix. Je pense en particulier aux jeunes qui, entrés dans la réserve citoyenne, peuvent avoir envie de s’engager plus directement dans les forces armées

De même, les réservistes opérationnels peuvent, lorsque l’occasion s’en présente, apporter leur concours bénévole à des actions conduites dans le cadre de la réserve citoyenne. C’est d’ailleurs assez normal : qui mieux que ceux qui font partie de la réserve opérationnelle peut expliquer ce qui s’y passe ? Ils en sont les meilleurs avocats.

Le deuxième objectif est de donner une plus grande souplesse d’emploi à la réserve opérationnelle afin d’accroître sa réactivité.

Les forces armées doivent pouvoir faire plus rapidement et plus facilement appel à leurs réservistes dans des situations d’urgence.

Le projet de loi réduit ainsi de deux à un mois le préavis donné aux employeurs. Cette mesure est évidemment prise avec l’accord total des employeurs publics et privés, représentés au sein du Conseil supérieur de la réserve militaire.

Allant encore plus loin, le projet permet d’introduire une clause de réactivité dans les futurs contrats d’engagement. Celle-ci permet de réduire les délais de préavis à quinze jours, voire moins. Il s’agit là d’une clause particulière qui exige l’accord de l’employeur au cas par cas.

Cette réactivité supplémentaire correspond à des besoins, notamment dans la gendarmerie, dont les délais de réaction se situent bien en deçà des possibilités permises par la loi de 1999.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

Mme la ministre de la défense. Le plafond de la durée des services sera porté à 150 jours pour les missions à caractère opérationnel, voire 210 jours pour certaines fonctions présentant un intérêt majeur pour la défense. C’est le cas, notamment, des missions extérieures conduites dans un cadre international, où l’on a besoin d’un investissement des personnes dans la durée.

Troisième objectif : rendre la réserve plus accessible et plus ouverte vers l’entreprise.

D’abord, les limites d’âge sont modifiées. Cela correspond à une demande, à la fois de votre part et de celle des réservistes.

Dans la réserve opérationnelle, les militaires du rang pourront désormais servir jusqu’à cinquante ans. Tous les autres grades se verront appliquer, dès le vote définitif de la loi, une limite d’âge de cinq ans supérieure à la précédente.

Ces mesures prennent en compte les réalités de notre armée nouvelle, qui utilise de plus en plus de moyens matériels, et également de l’allongement de la vie : nous vieillissons de moins en moins vite ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes. Surtout les femmes ! (Sourires.)

Mme la ministre de la défense. Les femmes, elles, ne vieillissent jamais ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes. Vous avez raison !

Mme la ministre de la défense. Pour la réserve citoyenne, la limite d’âge unique est fixée à soixante-cinq ans.

Ensuite, il est mis fin à certaines anomalies : ainsi, les anciens légionnaires pourront désormais souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle de la légion étrangère. Cela répond à un certain nombre demandes.

M. Michel Voisin. Très bien !

Mme la ministre de la défense. Le projet renforce aussi le principe du partenariat entre le ministère, les employeurs et les réservistes.

Ce partenariat passe par la signature de conventions avec les entreprises afin d’obtenir pour nos réservistes des conditions d’emploi plus favorables que celles prévues par la loi.

Depuis un an, une trentaine de conventions ont déjà été signées et de nombreuses autres sont en préparation.

Le projet de loi n’est pas exclusif des actions que j’entends mener pour favoriser le développement de la réserve. Certaines ne peuvent s’inscrire ni dans le présent projet de loi, ni dans le cadre d’un texte législatif parce qu’elles relèvent d’une autre nature.

Cette loi s’accompagnera, en particulier – et c’est mon troisième point – de mesures visant à renforcer sa cohérence et sa portée.

La première série d’incitations s’adressent aux employeurs. Je n’ignore pas que les réservistes rencontrent encore parfois des difficultés avec leurs employeurs, qu’ils soient publics ou privés, pour effectuer leurs périodes de réserve. Certains employeurs peuvent avoir aussi, notamment dans les petites entreprises, des difficultés à répondre aux souhaits de ceux-ci.

Cela étant, je ne l’admets pas de la part des institutions publiques. Si les administrations ne comprennent pas qu’elles doivent, elles aussi, participer à la sécurité de notre pays, je ne vois pas où est leur finalité publique. Une directive récente du Premier ministre leur a rappelé leurs obligations.

La situation est assez différente pour les employeurs privés. Il peut y avoir des difficultés en fonction de la taille de l’entreprise, des exigences de son fonctionnement. J’ai souhaité que nous puissions mieux prendre en compte l’effort accompli par certains employeurs, les remercier en quelque sorte. Une série de dispositions incitatives sont donc prévues. Des mesures seront amplifiées dans la ligne de certaines actions existantes. Aujourd’hui, il existe par exemple un label « partenaire de la défense ». Les entreprises qui aident des réservistes peuvent utiliser ce logo, témoignant de cette qualité. Cela peut être aussi, je pense, un élément important de sympathie, d’intérêt à leur égard.

Nous leur offrons aussi la possibilité de faire accueillir leurs cadres dans des stages ou des colloques organisés par le ministère de la défense. Cela peut les intéresser tout particulièrement, quand les sujets portent sur l’intelligence économique. C’est pour les entreprises une façon de mieux appréhender les problèmes de l’intelligence économique, voire d’être sensibilisées à un certain nombre de risques encourus.

Ces entreprises peuvent également obtenir du ministère, un certain nombre d’informations concernant leur secteur d’activités, en particulier à l’extérieur.

Au-delà, il est prévu – cette demande était faite par un certain nombre d’entre vous depuis longtemps – de faire bénéficier les entreprises, à brève échéance, d’un crédit d’impôt calculé en fonction des avantages que ces dernières auront accordé à leurs salariés réservistes, notamment en matière de maintien de leur salaire. Cette mesure attendue de longue date, sur laquelle vous avez souvent insisté, doit faire l’objet d’un amendement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2005. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

D’autres dispositions s’adressent directement aux réservistes et visent à rendre leur statut plus attractif.

Pour la première fois, en 2005, j’ai inscrit des crédits d’un montant de 3 millions d’euros, qui ont été identifiés au sein du budget réserve, au profit de la formation initiale du réserviste et 3 millions d’euros supplémentaires lui seront consacrés en 2006.

Vous m’avez souvent interrogée sur les avancements d’échelon dans les différents grades. Nous avons essayé de répondre à ces préoccupations. Cela ne peut se faire que dans un cadre interministériel. Des études sont menées et le ministère de la défense a fait connaître clairement sa position.

Nous sommes tributaires du contexte budgétaire pour l’attribution de primes de réactivité et de fidélisation. Ce n’est que dans l’hypothèse où une amélioration serait constatée – mais ce n’est pas le cas cette année – que nous pourrions les prendre en charge.

Voilà quel est le sens et quelles sont les finalités de ce projet, qui est celui d’une nouvelle réserve. Un certain nombre d’étapes ont déjà été franchies. La réserve, dans sa double dimension – opérationnelle et citoyenne –, dispose, je crois, maintenant d’une assise solide dans les armées et la nation.

Il nous reste à conforter cette position en lui donnant les moyens de remplir au mieux ses missions, d’achever dans de bonnes conditions, sa montée en puissance et d’être mieux connue et reconnue de nos concitoyens.

C’est l’ambition de ce projet de loi. Je souhaite que chacun participe à son amélioration. Nous en avons déjà longuement parlé devant la commission de la défense. Je suis prête à accepter toute proposition intéressante. Nous faisons une œuvre qui est au service de la nation, au service de la réputation de la France et de son image. Je souhaite donc que ce projet soit adopté le plus largement possible sur ces bancs. Il est attendu par nos forces armées et par tous nos réservistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la professionnalisation des armées et l’abandon de la conscription, décidés par le Président de la République en 1996 et mis en application par la loi du 28 octobre 1997, ont profondément modifié l’organisation de la défense de notre pays. Si la réforme de l’armée d’active a été menée avec le succès que l’on sait, il a fallu attendre la loi 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense pour que soit mis en place un nouveau système de réserve adapté à l’armée professionnelle.

La loi du 22 octobre 1999 a été l’objet de critiques diverses, souvent positives d’ailleurs. Il est vrai qu’elle n’a pas permis d’atteindre les objectifs quantitatifs fixés dès l’origine par les états-majors. Néanmoins, elle constitue un dispositif de départ satisfaisant, qu’il nous appartient aujourd’hui de perfectionner.

Quelques années de recul ont toutefois permis de mettre en évidence certaines lacunes. La loi n’a pas su rendre l’engagement dans la réserve suffisamment attrayant pour que les objectifs quantitatifs fixés, à l’époque, aient été atteints. Sur les 100 000 réservistes opérationnels prévus, moins d’un tiers – 32 500 – avaient signé un engagement à servir dans la réserve – l’ESR – au 31 décembre 2002. Le manque d’attractivité sur le plan financier et en matière de perspectives de carrière, les difficultés posées dans les relations entre les réservistes et les employeurs – vous l’avez souligné, madame la ministre –, ainsi que la faiblesse de la communication sur le sujet figurent parmi les principales raisons de ce déficit.

Le recrutement des réservistes s’avère aujourd’hui déséquilibré. Les officiers sont nombreux à s’engager, alors que le déficit est patent chez les sous-officiers et surtout parmi les militaires du rang.

Les délais et durées de service fixés par la loi ont été jugés trop restrictifs par les intéressés. Comme vous l’avez souligné, la durée maximale de service – trente jours extensibles à cent vingt jours – était considérée comme trop courte, notamment dans le cas des opérations extérieures.

Les employeurs civils, au premier rang desquels les administrations publiques, ne se sont pas suffisamment impliqués dans une réforme qui concerne pourtant la défense de tous les citoyens et des entreprises, notamment en cas de menace terroriste. L’administration de la défense figure parmi les mauvais élèves. L’effort consenti pour la formation des jeunes gens et jeunes filles issus du civil n’a pas été suffisant. Or, avec la suspension du service national, le besoin de réservistes n’ayant aucune expérience de l’armée augmentera immanquablement, notamment dans les emplois les plus spécialisés.

Les activités dans la réserve pouvaient se traduire, pour ceux des réservistes dont les revenus civils sont supérieurs aux revenus militaires, par des pertes financières que ne venait compenser aucune indemnité.

Un grand nombre de règles de gestion des réserves manquent encore de souplesse, alors même que la flexibilité et l’adaptabilité sont impératives pour gérer des personnels qui changent, par définition, régulièrement d’employeur et de statut.

Ces lacunes, qui ne remettent pas en cause les fondements de la législation, méritent que des solutions soient proposées. C’est l’objet du projet de loi qui nous est soumis.

Selon vos propos, madame la ministre, les mesures inscrites dans ce projet s’inspirent de contacts noués sur le terrain avec des réservistes ainsi que d’une étude interne conduite par l’état-major des armées. Mais, je dois souligner, toute modestie mise à part, que l’empreinte du rapport d’information que le président Teissier et moi-même ainsi que la commission de la défense de l’Assemblée nationale avions commis en novembre 2004 est bien présente, et je vous en remercie.

Un certain nombre de dispositions du projet de loi en sont directement inspirées. La durée maximale de service est augmentée. Il s’agissait d’un vœu commun. Le rapport d’information du 2 novembre 2004 regrettait déjà la trop grande rigidité des limites à l’activité imposée par la loi du 22 octobre 1999.

La durée maximale de service dans la réserve est limitée en principe à trente jours. Elle est portée par le projet de loi à soixante jours « pour répondre aux besoins opérationnels des armées », à cent cinquante jours « en cas de nécessité liée à l’emploi des forces » et à deux cent dix jours pour les réservistes qui occupent un emploi « présentant un intérêt de portée nationale ou internationale ».

L’idée de créer une réserve hautement réactive est reprise par le projet de loi qui prévoit l’introduction, dans le contrat de certains réservistes particulièrement disponibles, d’une clause de réactivité permettant de faire appel aux intéressés dans des délais extrêmement réduits. On a vu la nécessité de cette réduction des délais lors d’événements récents.

Ainsi que le préconisait le rapport d’information, les réservistes les plus réactifs sont identifiés dès la signature de l’engagement à servir dans la réserve par un contrat tripartite qui lie également l’employeur.

La limite d’âge et la clause de nationalité sont modifiées. Conformément aux recommandations du rapport, la clause de nationalité est modifiée pour permettre aux anciens militaires de la Légion étrangère, n’ayant pas acquis la nationalité française, de devenir réservistes.

La limite d’âge des militaires du rang est relevée de quarante à cinquante ans.

Une formation sera possible dès dix-sept ans. La formation des jeunes réservistes sera désormais possible avant dix-huit ans, ainsi que le proposait le rapport, puisque l’âge minimum pour souscrire un ESR est abaissé à dix-sept ans.

Mais certaines propositions du rapport ne reçoivent qu’une réponse partielle et nous le regrettons.

Ainsi, la création d’un partenariat tripartite, liant l’autorité militaire, le réserviste et l’employeur, était souhaitée par les rapporteurs. Ce partenariat sera réel pour les réservistes qui signent la clause de réactivité et dans ce cas, l’employeur doit s’engager par écrit. En revanche, en l’état actuel du projet de loi, rien ne lie les entreprises qui emploient des réservistes n’ayant pas signé cette clause. La commission de la défense a donc adopté, sur notre proposition, un amendement étendant la signature tripartite à l’ensemble des contrats de réservistes, nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Très bien !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Par ailleurs, le rapport parlementaire préconisait une augmentation du délai de préavis des employeurs, compte tenu du fait que la plupart des exercices dans lesquels sont utilisés des réservistes sont connus très longtemps à l’avance, les armées ayant pour souci de les programmer.

Les rapporteurs avaient également souhaité, en contrepartie, que ce délai puisse être raccourci en cas d’urgence. Nous avons été suivis sur le second point puisque, « lorsque les circonstances l’exigent », le délai pourra être largement réduit. En revanche, le préavis de droit commun, qui est de deux mois dans la loi de 1999, lorsque l’activité militaire dépasse cinq jours, loin d’être augmenté, a été réduit à un mois. Il reste donc à espérer que les usages en décideront autrement et qu’une instruction ministérielle ira dans ce sens.

Un petit pas est fait pour promouvoir la réserve au sein de la puissance publique. Les rapporteurs avaient souhaité que l’employeur public s’implique davantage dans la réserve militaire. Le projet de loi modifie les trois statuts de la fonction publique – générale, territoriale et hospitalière – pour permettre aux fonctionnaires qui effectuent des périodes de réserve hors de leur temps de travail de cumuler les deux rémunérations, ce qui n’était théoriquement pas possible jusqu’à présent.

Tous les réservistes, d’origine publique ou privée, seront désormais placés sur un pied d’égalité ce qui constitue, pour nous, un petit pas pour promouvoir la réserve au sein des administrations. Il vous restera, madame la ministre, à faire le reste.

Le projet de loi recèle aussi des dispositions entièrement nouvelles. C’est ainsi que la distinction sera beaucoup plus nette entre réserve opérationnelle et réserve citoyenne, ce qui constitue, à nos yeux – je l’avais évoqué en commission – une véritable rupture culturelle. La première regroupera désormais l’ensemble des réservistes ayant signé un engagement à servir dans la réserve, ainsi que les anciens militaires soumis à l’obligation de disponibilité et facilement rappelables en cas de besoin.

La réserve citoyenne sera beaucoup plus orientée vers un rôle de promotion et de maintien du lien entre la nation et ses armées. Elle voit sa limite d’âge relevée et ses conditions d’aptitude physique supprimées. Cette distinction lève désormais l’ambiguïté qu’entretenait la loi de 1999 entre une réserve opérationnelle et une réserve citoyenne, dont on ne connaissait pas très bien la nature.

Néanmoins, il faut s’interroger sur la nécessité d’une limite d’âge dans une réserve citoyenne, où les citoyens peuvent être utiles très longtemps au maintien de ce lien, sachant que l’agrément de l’autorité est requis.


Enfin, un certain nombre de propositions du rapport parlementaire n’ont pas été retenues en raison soit de leur nature réglementaire, soit de leur caractère jugé trop onéreux pour l’instant eu égard au contexte budgétaire.

La commission de la défense a adopté un certain nombre d’amendements destinés à enrichir le texte et à rendre les réserves plus efficaces. Je ne citerai que les principaux comme l’engagement à servir dans la réserve – ESR – dont la relation tripartite a été étendue par la commission à l’ensemble des réservistes ou la réaffirmation du rôle primordial joué par les associations de réservistes et d’anciens militaires. Exclues du projet de loi, nous avons souhaité les réintégrer à l’article 1er.

La commission a également adopté un amendement permettant aux employeurs de bénéficier d’un crédit formation – les frais engagés pour un réserviste étant imputés sur leurs crédits de formation – renforçant ainsi l’image formatrice de nos armées et permettant de compenser le différentiel solde-salaire.

Un autre amendement vise à permettra à chaque armée d’organiser sa propre réserve citoyenne en fonction de ses usages. En effet, la réserve comme l’armée d’active s’oriente vers une approche inter armées. Toutefois, si cette « interarmisation » peut s’avérer bénéfique pour la gestion matérielle, il semble important que la réserve, et notamment sa composante citoyenne, soit organisée par chacune des armées de manière quasi autonome. Par exemple, le maillage sur le territoire national de la marine n’est pas le même que celui de la gendarmerie ou de l’armée de terre. Il serait illusoire de vouloir mettre l’ensemble des réserves citoyennes dans un même moule.

M. Charles Cova. Très bien !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Les différences justifient que chaque armée conserve la gestion de sa réserve citoyenne.

La commission propose par ailleurs que les réservistes de la gendarmerie puissent devenir agents de police judiciaire adjoint – APJA – au même titre que les adjoints de sécurité ou les policiers municipaux.

M. Guy Teissier, président de la commission. Très bien !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Enfin, elle a adopté un amendement auquel le président Guy Teissier et moi-même attachons beaucoup d’importance : il s’agit de remplacer les préparations militaires, qui ont perdu beaucoup de leur attrait, par des «périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale ». Celles-ci seront ouvertes aux jeunes dès l’âge de seize ans, avec l’autorisation de leurs parents et permettront de dispenser une formation d’initiation ou de perfectionnement, selon les cas, aux problèmes de la défense nationale.

Sans bouleversement, mais néanmoins en consacrant la rupture culturelle avec le passé, votre projet de loi, madame la ministre, donne un élan nouveau et significatif à la construction du système des réserves. Ce faisant, il apporte une pierre supplémentaire à l’édifice de défense que le pays a entrepris de rebâtir depuis 1995 et la suspension de la conscription.

Après l’élaboration de la loi de programmation militaire 2003-2008 et la refonte du statut général des militaires, c’est pour l’Assemblée nationale, et sans doute pour vous, madame la ministre, le troisième grand chantier de la législature en matière de défense nationale, et peut-être le dernier.

La commission unanime exprime par ma voix le souhait que nous aboutissions à un compromis nous permettant de nous réunir, toutes sensibilités politiques confondues, autour du texte qui naîtra de nos débats.

Ensuite, il vous appartiendra, madame la ministre, de convaincre l’ensemble des responsables militaires de son intérêt et de l’absolue nécessité de considérer le réserviste comme un véritable militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réserve militaire, ce n’est un secret pour personne, est un thème qui me tient particulièrement à cœur.

D’abord, parce que j’ai bien connu la réserve ancien modèle pour y avoir servi pendant de très longues années : elle m’a procuré de grandes satisfactions faisant de moi un civil gardant l’esprit de conquête des militaires !

Ensuite, parce que, ces temps étant révolus, la réserve militaire a connu, et connaît encore, une profonde transformation avec la professionnalisation totale des armées. Cette immense réforme a en effet complètement changé la donne dans le recrutement comme dans la situation juridique, économique et sociale des réservistes.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’avais été chargé dès le printemps 1996, par le Premier ministre de l’époque, Alain Juppé, d’analyser cette transformation et de formuler les propositions nécessaires à sa mise en œuvre. Ce fut l’objet de mon rapport intitulé : « Demain les réserves, un contrat de citoyenneté ».

Au terme d’une large consultation au sein du ministère de la défense, auprès de nombreux organismes syndicaux et de protection sociale, mais aussi à partir d’une analyse comparative avec les pratiques étrangères, j’avais formulé tout un ensemble de propositions, trente-deux exactement,

Un certain nombre d’entre elles, celles qui relevaient du domaine législatif, ont été reprises dans le projet qui est devenu la loi du 22 octobre 1999 et qu’il nous est proposé aujourd’hui de modifier parce que ce texte recelait des insuffisances que j’avais soulignées lors du débat de notre assemblée le 30 juin 1999, et qui ont été confirmées par l’expérience acquise au cours des six années écoulées.

Il fallait donc remettre l’ouvrage sur le métier, ce à quoi je me suis attelé avec mon collègue Jean-Louis Léonard l’année dernière. Ce travail a abouti à notre rapport du 2 novembre 2004 intitulé : « Avec la réserve, être doublement citoyen ». Nous y reprenions les propositions formulées dès 1996 et non retenues, mais d’autres aussi tirées de notre expérience commune récente. Beaucoup ont été reprises dans le projet que vous nous présentez, madame la ministre. Le rappel des principales étapes de la constitution de notre réserve militaire me paraît indispensable.

Le rythme modéré du changement tient sans doute au fait que l’urgence n’est pas la même, et que les énergies réformatrices se sont davantage portées vers les militaires d’active. Il faut pourtant aujourd’hui marquer une rupture pour que change l’approche sur les réserves. Le pas n’est pas encore complètement franchi. J’en veux pour preuve le fait que le concept d’emploi des réserves n’a jamais été clairement établi, alors que je le proposais dès 1996 afin de répondre à la notion de force totale qui doit régir nos armées. Je proposais également la constitution d’une composante « hautement disponible » de la réserve militaire qui en découle, réduite en nombre mais d’emploi immédiat.

Faute d’avoir intériorisé ces nouveaux principes et de se les être appropriés, les insuffisances du système apparaissent aujourd’hui clairement. Notons d’abord – car il ne faut pas se voiler la face – un recrutement difficile, notamment de militaires du rang, malgré des objectifs régulièrement revus à la baisse, et qui traduit un réajustement d’opportunité. Par ailleurs, une attractivité limitée des activités effectuées lors des périodes de convocation, surtout au regard des contraintes imposées aux employeurs comme aux employés qui conduit les réservistes à renoncer au volontariat, par crainte de perdre son emploi, ce qui peut se comprendre, ou, au mieux, à cacher leur situation de réserviste à leur employeur. Enfin, la connaissance des possibilités offertes par les réserves et des obligations qui en découlent, se révèle très imparfaite, faute d’actions de communication suffisantes en direction d’un jeune public.

Pour toutes ces raisons, notre réserve militaire comporte aujourd’hui une proportion très importante d’anciens militaires d’active, 43 % au total. Cette situation ne laisse donc pas une place suffisante à ceux de nos concitoyens qui veulent participer à la défense du pays à temps partiel malgré leur manque d’expérience du service des armes. Ils sont de plus en plus nombreux au fur et à mesure que s’éloigne la date de suspension de la conscription et il importe de renouer, madame la ministre, cette relation si intime entre la nation et ses armées.

Néanmoins, la volonté de servir notre défense à temps partiel continue à se manifester chez nombre de nos concitoyens et nous ne pouvons que nous en féliciter. C’est vrai notamment pour ceux qui peuvent occuper, en OPEX comme sur le territoire national, des emplois très spécialisés, avec un grade valorisant. Il faut maintenir la flamme chez ceux-là, mais il faut aussi attirer et retenir en plus grand nombre les volontaires nécessaires pour réaliser l’essentiel des effectifs de la réserve opérationnelle.

Pour atteindre cet objectif, des dispositions importantes nous sont proposées dans votre projet de loi, madame la ministre. Notre rapporteur l’a excellemment dit, mais je voudrais ici exprimer mon appréciation sur quelques-unes.

Tout ce qui permet d’élargir le potentiel de recrutement des réservistes doit évidemment être approuvé. C’est le cas avec les modifications des limites d’âge : 17 ans au lieu de 18 ans pour accéder à la réserve ; limite d’âge des militaires du rang repoussée de 45 à 50 ans. La possibilité pour les anciens légionnaires étrangers d’accéder à la réserve dans la légion étrangère va également dans le bon sens, vous venez de nous le confirmer.

Je m’interroge, en revanche, sur le bien-fondé de la fixation d’une limite d’âge dans la réserve citoyenne, eu égard d’une part à la fonction de relations entre les armées et la société dévolue à cette réserve, et qui peut fort bien s’exercer au-delà de 65 ans. D’autre part, sur le plan juridique, la mesure n’a guère de sens puisque les membres de la réserve citoyenne ne sont pas, et ne seront jamais, par nature, des militaires et qu’il n’est donc pas possible de leur appliquer une limite d’âge en tant que civils. On voit bien là toute l’ambiguïté de la notion de réserve citoyenne, toutes les confusions qu’elle peut entraîner. Je crois qu’il serait de bonne administration d’abroger une instruction ministérielle de 2001 qui prévoit un avancement dans la hiérarchie militaire pour les membres de cette composante de notre réserve.

Les dispositions contenues dans le projet sur l’emploi des réservistes répondent à une forte attente des armées comme des réservistes et revêtent une importance particulière. II s’agit tout d’abord du relèvement des plafonds de durée de service autorisée. Pour les besoins des armées, la limite passe de 30 à 60 jours, mettant fin ainsi à des pratiques douteuses pour répondre à des besoins réels.

Mais c’est surtout le passage à 150, voire 210 jours de convocation, qui doit permettre de recourir à un plus grand nombre de réservistes en opérations extérieures. À la durée normale du séjour des militaires d’activé – quatre mois – il faut en effet ajouter la nécessaire période de formation et d’intégration au sein d’une structure, mission qui se termine par une indispensable « remise en condition ».

Quant aux fonctions ouvertes aux réservistes, il faut approuver le fait qu’elles soient étendues aux actions civilo-militaires, les ACM. C’est le domaine de prédilection des réservistes, et non des militaires d’active, du fait de leurs compétences spécialisées. De nombreux témoignages attestent d’ailleurs que c’est déjà le cas, à l’instar des réservistes britanniques et américains. Ces fonctions, il faut le souligner, sont un facteur décisif d’influence et de succès économiques dans une période de sortie de crise.

Toutefois, sur la forme, l’ajout de la participation aux ACM à la liste des emplois possibles des réservistes ne me semble pas dénué d’inconvénients. Selon un principe bien établi du droit qui veut que ce qui n’est pas interdit soit permis, il est donc possible, aujourd’hui, d’employer les réservistes dans les ACM. De plus, si de nouvelles fonctions devaient être précisées particulièrement pour les réservistes, il faudrait alors modifier à nouveau cette liste. Je comprends qu’il y ait là la transcription d’un besoin fort, mais je suis tout aussi persuadé que la réalité des fonctions tenues par les réservistes sur les différents théâtres concernés, constitue la meilleure preuve de la détermination en la matière.

Je voudrais saluer aussi l’instauration d’un crédit d’impôt au profit des entreprises qui mettent leurs salariés à la disposition des armées.

La prise en compte, au titre de la formation professionnelle continue à financer par les entreprises, de la formation reçue par le réserviste durant sa convocation, répond au même objectif de reconnaissance des efforts consentis par les employeurs.

Le projet de loi qui nous est proposé contient donc, madame la ministre, chers collègues, des progrès indéniables pour la situation de nos réservistes, aussi bien qu’au profit de leurs employeurs.

Pourtant, si nous voulons provoquer une rupture culturelle indispensable – certaines habitudes remontent à Valmy –, nous devons proposer de nouvelles mesures. Pour ma part, je propose que deux mesures soient adoptées pour l’avenir :

D’une part, la signature de l’engagement pour servir dans la réserve, l’ESR, par l’employeur, en plus de l’administration militaire et du réserviste ;

D’autre part, la substitution de « stages militaires d’initiation à la défense nationale » aux actuelles préparations militaires.

Le contrat d’ESR instauré par la loi de 1999 est maintenant en application depuis six ans et des enseignements doivent être tirés de cette expérience. Un rapport de l’Observatoire social de la défense, établi en mai 2005 – c’est un organisme dépendant de votre administration, madame la ministre, auquel je me réfère bien volontiers – rend compte des difficultés rencontrées par les réservistes et leurs employeurs sur la base de leurs témoignages respectifs.

Ainsi, selon ce document, 13 % des employeurs ignorent la situation de réserviste de certains de leurs salariés, ces derniers considérant, soit qu'il s'agit d'une activité privée, soit qu'il y aurait un risque à révéler cette situation. Si la grande majorité des dirigeants sont donc informés, près de la moitié réagissent par l'indifférence, en ignorant le contenu de l'engagement de leur salarié. En conséquence, un réserviste sur deux répond à sa convocation sur son temps libre, ce qui est parfaitement anormal. Nous voulons rompre avec cette situation et faire en sorte que le réserviste sorte d'une certaine clandestinité par rapport à son employeur ou, pour le moins, d'une ambiguïté certaine sur sa situation de militaire à temps partiel.

Pour cela, je proposerai dans un amendement que le contrat d'ESR soit systématiquement signé par l'employeur du réserviste. Tripartite, ce contrat permettra d'éclaircir la situation entre les parties. Ainsi, l'employeur sera complètement informé des contraintes qui pèsent sur les réservistes en termes de délais, de finalité et de durée des convocations. Il s’agit en fait d’étendre à tous les réservistes ce que le projet de loi prévoit pour la seule mise en œuvre de la clause de réactivité. Pourquoi certains seraient-ils informés et d’autres pas alors que notre République prône le principe fondamental de l’égalité entre citoyens ? Car il s'agit bien d'améliorer la fiabilité et la disponibilité des réservistes. Comment en effet compter sur un réserviste dont l’employeur, ignorant le statut, pourrait à tout moment refuser les convocations de plus de cinq jours ?

Enfin, cette innovation me paraît tout à fait indispensable pour que tous les employeurs puissent bénéficier du crédit d'impôt prochainement instauré, qui sera ouvert à tous ceux qui rempliront les conditions fixées.

Je voudrais, mes chers collègues, que vous soyez convaincus comme moi que cette mesure, claire et simple, changera considérablement la perception du réserviste. Accepté et reconnu, il n'hésitera plus à afficher son état dans son milieu professionnel, alors qu'il est aujourd'hui trop souvent caché et méconnu et la reconnaissance de son état ne pourra que renforcer sa propre fierté de servir son pays.

On pourra m'objecter qu'existent déjà des conventions entre la défense et certaines entreprises. Mais il s’agit souvent de grandes entreprises et, qui plus est, de grandes entreprises nationales. C’est pourquoi les deux instruments juridiques doivent être considérés comme complémentaires, et non comme redondants. Les conventions, outre qu'elles ne sont pas signées par tous les employeurs, ont un caractère collectif et visent à fixer des conditions de convocation plus favorables que celles inscrites dans la loi. La finalité de l'ESR est radicalement différente : individuel, il précise le contenu et la durée des convocations.

Le contreseing de l'employeur pourrait aussi apparaître comme un frein au recrutement. Il est vrai que le refus de l'employeur pourra faire perdre des réservistes. Mais s'agit-il d’en augmenter le nombre, qui peut se révéler fictif si le réserviste sous ESR n’est pas autorisé à répondre aux convocations, ou la fiabilité ? Selon moi, c'est la situation actuelle qui est contre-productive en raison de l'incertitude dans laquelle se trouvent les réservistes comme les armées face à la décision de l'employeur.

Ma seconde proposition se situe en amont du texte et vise éveiller le sens de la défense nationale chez nos jeunes compatriotes, et donc à les sensibiliser à la réserve et tout simplement au concept de défense de la nation.

L’enseignement de la défense tel qu’il est dispensé au collège ou lors de la journée d’appel la journée d’appel de préparation à la défense, composante du nouveau service national, n’est que trop ponctuel. Quant aux préparations militaires, leur brièveté et leur contenu directement orientés vers le recrutement ne permettent pas d'atteindre cet objectif.

Dès 1996, au vu d'un exemple étranger particulièrement séduisant, j'avais proposé dans un rapport l'organisation de stages d'été d'un mois environ, pour des jeunes garçons et des jeunes filles âgés de seize ans au moins, sur la base du volontariat et avec l'accord parental, idée qu’avec Jean-Louis Léonard, nous avons reprise dans notre rapport de novembre 2004.

C'est à cet âge, au plus tard, au moment où se dessinent les choix de vie professionnelle, dans la période de l'adolescence, qu'il faut inculquer les besoins et les objectifs de notre défense nationale et montrer toute la palette des formations et des débouchés au sein des armées. On pourrait d'ailleurs imaginer une progression sur un mois d’une formation essentiellement centrée sur la défense du pays : il s’agirait tout simplement de faire comprendre à nos jeunes que celle-ci n’est pas déléguée à une partie d’entre eux, mais qu’elle est l’affaire de tous, et qu’eux-mêmes doivent en être les acteurs. À l’issue de ce cycle, pourraient leur être présentées les possibilités offertes par les métiers des armées, mais aussi par le statut de réserviste, qui leur permet, en tant que militaire sans uniforme, d’être doublement citoyen. Et ceux qui n’auraient pas voulu faire ces choix auraient au moins mis à profit l’expérience de la vie en commun, réappris un certain civisme, à travers le partage et la convivialité, découvert la levée des couleurs ainsi que les rudiments du métier des armes, dont il faut espérer qu’ils n’auront jamais à se servir.

Il s'agit là d'une véritable ambition, certes raisonnable, mais qui me semble devoir être encore renforcée.

Madame la ministre, en guise de conclusion, permettez-moi d’évoquer quelques éléments d'amélioration de la condition des réservistes qui sont de votre ressort et de formuler une proposition pour leur emploi. Plusieurs mesures, qui ne sont pas du domaine de la loi, devraient être prises à la suite des propositions contenues dans les deux rapports que j'ai déjà évoqués.

Il s’agirait d’abord d’adapter l'avancement d'échelon des réservistes afin qu'ils bénéficient d'une véritable progression de leur rémunération au fil des années, juste récompense de leur fidélité.

Il s'agirait ensuite d'organiser une véritable représentation des employeurs publics, administrations et entreprises, au sein du Conseil supérieur de la réserve militaire, afin que celle-ci soit connue et adaptée aux contraintes de chacun.

Par ailleurs, il me paraît indispensable d'actualiser, après l'entrée en vigueur de la présente loi, la circulaire du 2 août 2005 relative à l'emploi d'agents publics au sein de la réserve militaire, que vous avez évoquée. Il me paraît inacceptable que les fonctionnaires de l’État ne puissent être libérés pour remplir leurs obligations.

Je suis convaincu que la rupture culturelle appelée de nos vœux ne se produira que si une mesure symbolique forte est prise : je veux parler de l'envoi d'une section d’une compagnie de réservistes en opération extérieure. Cette décision marquerait tout d'abord l'estime et la reconnaissance des armées envers le rôle tenu par la réserve en général, et non plus seulement à l'égard de quelques réservistes en particulier. Ce serait aussi, pour les employeurs, la démonstration de l'utilité des contraintes qu'ils acceptent en mettant certains de leurs salariés à la disposition de l'ambition politique de la France : la réserve ne serait plus pour eux un objet lointain mais une réalité tangible.

Avec la certitude que les dispositions que vous nous proposez, et que nous allons enrichir, vont concourir directement à améliorer l'avenir de nos réserves, et dans l'attente des engagements que vous voudrez bien prendre devant nous, nous voterons, madame le ministre, le projet de loi que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant participé aux débats sur la réserve, notamment en 1996 avec la loi de professionnalisation des armées et en 1999, je peux vous dire que le présent projet de loi est bienvenu : il vient à point nommé pour améliorer ce dispositif.

Cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi sur la réserve, il est en effet apparu nécessaire de lui apporter certains aménagements, compte tenu des enseignements tirés de son application et des évolutions internationales depuis le 11 septembre 2001.

Le présent projet de loi permettra à notre pays de disposer d'une réserve plus réactive et plus disponible, facilement utilisable en période de crise ou de pré-crise, et se situant à mi-chemin entre la réserve du temps de paix et celle issue de la mobilisation.

Il ne remet pas en cause les principes sur lesquels repose la nouvelle réserve, à savoir le volontariat, l'intégration aux forces d'active et le partenariat avec les employeurs, mais il vise à rationaliser l'organisation du dispositif et à améliorer la réactivité et la disponibilité des réservistes.

Ainsi, la nouvelle organisation distinguera plus nettement la réserve opérationnelle de la réserve citoyenne : la réserve opérationnelle regroupera désormais les volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve et les anciens militaires soumis à disponibilité pendant cinq ans ; la réserve citoyenne, quant à elle, sera exclusivement composée de civils volontaires agréés par les armées, ou d’anciens militaires, qui contribueront de manière bénévole à des tâches de défense, concernant en premier lieu le lien armée-nation.

Le projet de loi comporte également de nombreuses dispositions techniques visant à faciliter le recrutement et l'emploi des deux catégories de réservistes.

Enfin, il vise à renforcer le partenariat établi entre le ministère, les employeurs et les réservistes.

Trois points forts le caractérisent.

En premier lieu, il rationalise l’organisation de la réserve.

La distinction entre réserve opérationnelle et réserve citoyenne sera maintenue mais la première regroupera désormais les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité et les volontaires, tandis que la seconde ne comptera dans ses rangs que les seuls bénévoles affectés à la promotion du lien entre les armées et la nation.

Les réservistes pourront passer d'une réserve à l'autre : les réservistes opérationnels pourront ainsi volontairement contribuer à la promotion du lien entre les armées et la nation tandis que les bénévoles de la réserve citoyenne auront la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Notons que si la distinction entre les deux réserves est bien établie, il ne s'agit pas pour autant de les cloisonner. Charles Cova aura l’occasion d’intervenir à ce sujet et je lui apporte d’avance mon entier soutien.

En deuxième lieu, le projet de loi va vers un renforcement de l’efficacité de la réserve opérationnelle.

Une disposition, ayant recueilli l’accord des employeurs privés et publics participant au Conseil supérieur de la réserve militaire, vise à réduire le délai de préavis nécessaire à l'information des employeurs de deux à un mois.

En outre, une clause de réactivité des engagements à servir dans la réserve sera introduite afin de raccourcir à quinze jours, voire moins, les délais de préavis en cas de nécessité, après accord individuel préalable de l'employeur.

Parallèlement, le plafond de la durée des services des réservistes sera porté à 150 jours pour les missions opérationnelles et à 210 jours pour l'exercice de certaines fonctions présentant un intérêt majeur pour la défense.

Le recours aux réservistes deviendra donc plus prévisible et plus stable, ce qui présente un avantage réel dans le cadre des opérations extérieures

En troisième lieu, le projet de loi facilite le recrutement et l’emploi des réservistes.

Il est notamment question de reculer les limites d'âge des personnels, les militaires du rang pouvant ainsi servir dans la réserve jusqu'à cinquante ans tandis que les autres catégories bénéficieront d'un allongement aligné sur le recul des limites d'âge inscrit dans le nouveau statut général des militaires.

Certaines conditions d'admission dans la réserve seront revues, les anciens légionnaires, notamment, n'en seront plus exclus.

Le partenariat entre le ministère, les employeurs et les réservistes sera renforcé par la signature de conventions.

Par ailleurs, afin de rendre la réserve plus attractive, des mesures d'incitation financière pourront être accordées aux employeurs privés, pour lesquels l'emploi d'un réserviste peut parfois constituer une contrainte qu'il convient de compenser. Le ministère communiquera aux entreprises partenaires diverses informations sur les engagements opérationnels des armées et sur les débouchés économiques qui, sur les théâtres d'opérations extérieures notamment, sont susceptibles de les intéresser.

En outre, certains cadres réservistes de ces entreprises pourront bénéficier d'une formation complémentaire axée sur la sensibilisation aux problèmes d'intelligence économique.

Enfin, les entreprises ayant signé une convention avec la défense continueront de se voir attribuer un label « partenaire de la défense » et celles qui accordent des avantages à leurs réservistes pourront bénéficier d'un crédit d'impôt calculé en fonction des efforts consentis en termes de réactivité et de maintien du salaire.

Des mesures incitatives sont également prévues en direction des réservistes à qui les états-majors devront confier des activités valorisantes.

Dès 2005, trois millions d'euros ont été inscrits pour la formation initiale des réservistes et ce montant sera doublé en 2006.

D'autres mesures, qui ne sont pas de nature législative, sont à l'étude, comme la modification des conditions d'avancement d'échelon dans les différents grades. Les mesures de fidélisation restent tributaires du contexte budgétaire.

Sans apporter de bouleversement, le projet de loi constitue une pièce maîtresse du plan d'action pour les réserves défini dès 2004. Il contribue à poursuivre la montée en puissance de la réserve opérationnelle et à promouvoir la réserve citoyenne auprès des jeunes et donne un élan nouveau et significatif aux réserves, en reconnaissant le rôle des réservistes et en prenant en compte les difficultés qu'ils peuvent rencontrer.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe UMP votera ce projet de loi, avec les améliorations qui pourront lui être apportées au cours de la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux. Madame la ministre, nous avons pensé si fort à certains points que vous avez semblé les entendre par avance ! Ma tâche en sera donc parfois facilitée.

Le texte que vous nous présentez aujourd’hui a pour objet de modifier la loi du 22 octobre 1999, dernier volet législatif de la réforme de la défense nationale et traduction pour les réserves de la professionnalisation des armées.

Le Président de la République ayant décidé à la hâte, en 1996, de supprimer le service national, le gouvernement de Lionel Jospin, héritier de cette mesure, a dû prévoir le nouveau cadre de la professionnalisation des armées dans la loi de programmation militaire du 2 juillet 1996.

Si le service militaire nécessitait d’être réformé et démocratisé, je persiste à penser qu’il constituait le seul lieu de brassage des différentes catégories sociales et pratiquement la seule structure offrant un cadre et des repères aux jeunes, à condition bien sûr qu’ils y soient démocratiquement soumis.

M. Yves Fromion. L’éducation nationale va être heureuse de l’apprendre !

M. Michel Dasseux. Les difficultés de recrutement des réservistes ont obligé le ministère à revoir sa copie. De l’objectif de 100 000 réservistes en 2002, le ministère est finalement passé à 94 050 à l’horizon 2015, avec un objectif intermédiaire de 68 000 personnes pour 2008. Et l’activité moyenne idéale a été fixée à vingt-sept jours par an et par réserviste.

Outre la réduction du format des réserves, il a fallu également étirer considérablement le calendrier pour permettre aux armées de réaliser un recrutement de qualité.

En ma qualité de rapporteur de la loi du 22 octobre 1999, je voudrais apporter aujourd'hui, au nom du groupe socialiste, ma contribution à ce projet de loi destiné à améliorer la loi initiale. Car il s'agit bien d'améliorer un texte dont nous avions déjà le sentiment en 1999 qu'il n'était qu'une première étape, certes importante mais perfectible, et que les expériences des années à venir nous donneraient les clés pour l'affiner.

Les conceptions sur les questions de défense nationale peuvent être différentes entre l'opposition et la majorité. Mais, au fil des décennies, les socialistes ont évolué à ce sujet, privilégiant avant tout l'approche républicaine de la défense nationale.

M. Charles Cova et M. Yves Fromion. Très bien !

M. Michel Dasseux. Voilà pourquoi nous avons manifesté, en commission, notre volonté d'apporter des réponses constructives. Et c'est dans le même esprit que nous souhaitons aujourd'hui aborder la discussion.

En relisant les comptes rendus des débats de la loi de 1999, j'ai noté que certains, encore présents sur ces bancs aujourd’hui, reprochaient à celui qui présidait alors la commission de la défense son lyrisme à propos de l'article 1er. Laissez-moi moi vous dire à mon tour aujourd'hui, chers collègues, quels que soient les mérites de ce texte dont nous allons parler, qu’il ne s’agit pas d’une rupture culturelle, comme a pu le dire le rapporteur, mais bien d’une évolution en phase avec celle de nos armées.

Les modifications envisagées dans ce projet de loi sont intéressantes, même si certaines nous paraissent insuffisantes ou mal adaptées. Toutefois, je m’étonne, madame la ministre, que nombre des remarques pertinentes du rapport Teissier-Léonard de 2004 n’aient pas été reprises.

Nous approuvons la modification de la structure de la réserve militaire. À cette occasion, je rappellerai avec humour à Michel Voisin qu’il nous reprochait alors le « subtil distinguo établi entre deux catégories de réservistes, les réservistes opérationnels et les réservistes citoyens », nous accusant de vouloir ainsi habiller l’insuffisance des crédits. Il peut donc constater aujourd'hui qu'au contraire nous n'étions pas allés encore assez loin.

Nous sommes également favorables à la modification des conditions d'admission dans la réserve, même si nous avons proposé de supprimer la limite d'âge pour les réservistes citoyens. Toutefois, nous émettons un bémol sur le recul de la limite d'âge pour les militaires du rang. Comment peut-on avoir une vocation de militaire du rang pendant vingt ans et la maintenir envers et contre l'usure morale et physique ? Le Gouvernement espère de ces mesures une augmentation significative de la réserve opérationnelle sous ESR, mais peut-être au détriment de sa qualité.

Membre du Conseil supérieur de la réserve militaire depuis sa création, je tiens à souligner tout particulièrement l'excellent travail réalisé par cet organisme tout au long des quatre dernières années. Mais il apparaît aujourd'hui que le CSRM pourrait avoir davantage un rôle de coordination, notamment en matière de réserve citoyenne. Madame la ministre, peut-être aurez-vous l'occasion, au cours du débat, de nous faire part de vos réflexions et de vos intentions sur l'évolution possible de ce Conseil et de son secrétariat général.

Cela dit, certaines lacunes ou certains flous du projet de loi nous inquiètent.

L'objectif initial du législateur était que les réservistes puissent servir concrètement au sein des unités dans lesquelles ils seraient mêlés aux professionnels afin de constituer de véritables unités – de combat pour certaines – entraînées, disposant du même équipement que les unités d'active, et aptes à participer à toutes les missions, y compris à l'extérieur.

Or, l'obligation de cinq jours de présence sous les armes pour le volontaire, auxquels l'employeur ne peut s'opposer, demeure inchangée même si le taux d'activité s'établit en moyenne à vingt et un jours après accord avec l'employeur.

Les volontaires sous ESR n'ont pourtant pas été soumis au service militaire et une durée de trente jours est notoirement insuffisante pour dispenser une instruction valable. Tous les analystes s'accordent à avancer qu'une instruction militaire correcte, individuelle et collective, réclame deux mois pour un militaire du rang et quatre mois pour un cadre.

Tout au plus est-il question ici d'une instruction individuelle et encore est-elle décousue, la durée de trente jours n'étant pas continue. Il est inutile d'évoquer une instruction collective, gage de la valeur opérationnelle d'une unité. La disparité des durées d'ESR conduit les unités de réservistes à n'être que rarement à effectif complet. Il en découle un manque évident de cohésion de ces unités, voire une inaptitude opérationnelle patente.

Dans le même ordre d'idées, les unités de réservistes sont toutes élémentaires, à l'exception d'un régiment complet de réserve mis sur pied par le service de santé. Rien n'est donc prévu pour l'obligation d'une préparation militaire, avec ses compensations. De fait aujourd'hui, la réserve n'est pas complémentaire de l'armée d'active, mais supplétive.

Par ailleurs, on constate une disparité catégorielle importante quant aux volontaires sous ESR. En effet, au 1er janvier 2005, sur les 43 614 engagés sous ESR, les officiers et les sous-officiers représentaient près des deux tiers des effectifs, soit 26,21 % d'officiers et 39,72 % de sous-officiers. Ce phénomène est encore plus prononcé pour l'armée de terre. Les efforts déployés n'arrivent que peu à inverser cette particularité, mettant ainsi en doute le caractère opérationnel de l'ensemble des unités de réserve de l'armée de terre.

Le dernier point, sans doute le plus important mais aussi le plus inquiétant, reste le développement du partenariat avec les employeurs. Chacun connaît les difficultés rencontrées par les armées pour attirer et fidéliser des réservistes, faute d'une implication importante des employeurs. C'est un point que nous dénonçons depuis des années.

En 1999, les rencontres avec les organisations patronales nous avaient fait envisager les difficultés que nous constatons aujourd'hui. Le vice-président du MEDEF en charge de cette question nous avait gratifiés d'un « Faites la loi, on s'occupera de nos mandants ! » Hélas, nous attendons toujours !

En ce domaine, les initiatives françaises restent très frileuses au regard de celles de nos voisins anglo-saxons. La campagne SABRE – soutenir les réservistes britanniques et leurs employeurs – lancée en octobre 2002, nous semble être un exemple particulièrement intéressant de ce qui peut se faire en la matière.

Le projet de loi néglige ce volet essentiel que sont les relations entre les armées et les employeurs. Certes, nombre de mesures qui seraient à même de dynamiser les réserves dans ce domaine restent du ressort réglementaire et sortent du champ d'application de ce texte. Toutefois, il nous semble important de vous faire part de nos réflexions à ce sujet.

Ce projet de loi ne lève pas les obstacles qui empêchent la réserve militaire d'être apte à remplir son rôle. L'entreprise a vocation à sécréter du profit, et ce n'est pas à vous, chers collègues de la majorité, que je l’apprendrai. L'appel sous les drapeaux du réserviste implique le recours à un intérimaire pour occuper le poste laissé vacant. C’est un handicap que peut éventuellement accepter l'entreprise au nom du civisme, mais dans des limites inscrites par la loi du marché sous laquelle nous vivons. Une compensation doit donc être envisagée par un certain nombre de mesures : primes, crédit d'impôt, label, clause de « mieux-distance », etc.

La même politique devrait s'appliquer également à l'égard du futur volontaire réserviste qui accepte de consacrer son temps, en sus de ses obligations professionnelles, à une deuxième occupation dans le cadre de la réserve. Il s'agit donc, non de signer des conventions vides de sens pratique, mais de prévoir de justes compensations, ce que d’autres nations ont bien compris.

Pour autant, nous ne pensons pas que la signature d'un contrat tripartite soit de loin la meilleure piste à suivre. Jean-Claude Viollet aura l'occasion de développer nos propositions en ce domaine.

Le projet de loi portant modification de la loi de 1999 sur la réserve n'est donc qu'une petite réforme, qui doit être complétée par des mesures réglementaires si l'on souhaite réellement combler les lacunes du texte de 1999. Dans le cas contraire, la réserve opérationnelle resterait une force peu instruite, difficilement mobilisable, mais surtout d'une valeur opérationnelle sujette à discussion.

L'enjeu est de former une grande unité de réservistes en tant que telle et non pas un système de supplétifs. Le recrutement exige des compensations tant à l'égard de l'employeur que de l'employé réserviste, basées sur des avantages qui ne soient pas uniquement honorifiques.

Madame la ministre, sous réserve, bien entendu, de la prise en compte de certains de nos amendements, le groupe socialiste votera ce nouveau texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Madame la ministre, tout d'abord je tiens à vous remercier pour avoir respecté votre engagement de nous présenter un projet de loi sur la réserve, sujet que l'UDF considère essentiel pour une bonne organisation de nos forces armées.

En effet, nous avons le devoir de donner leur juste place à ces femmes et ces hommes considérés aujourd'hui encore, d'un côté comme des civils en uniforme, de l'autre comme des clandestins dans leur entreprise.

Comme l’ont souligné avec pertinence le président de la commission, Guy Teissier, et le rapporteur, Jean-Louis Léonard, cette situation n'est pas acceptable, d'autant que leur rôle est central dans le cadre de la professionnalisation de notre armée. Si celle-ci est unanimement reconnue et considérée comme crédible aujourd'hui, tant en France qu'à l'étranger, c'est également en partie grâce à ses réservistes. Ils lui apportent un soutien en effectifs, en compétences et en capacité de rayonnement dont elle a besoin pour se concentrer sur ses missions premières et contribuent activement et efficacement au développement de l'esprit de défense et du lien entre l'armée et la nation.

L'insertion d'une clause de réactivité, permettant d'appeler les intéressés dans un délai court, la révision de la clause de nationalité pour les anciens militaires ayant servi dans la Légion étrangère, et les assurances que vous nous avez données, madame la ministre, notamment en matière sociale – je pense à l’assurance chômage, à l'assurance décès-invalidité et au calcul de la retraite – vont dans le bon sens et contribuent à rendre notre réserve attractive et réactive.

Vous avez par ailleurs prévu de réfléchir, en vue d’une solution, à la promotion des réservistes. Il s’agit d’une question délicate puisqu’il faut rendre l’avancement conforme à la disponibilité et aux périodes d'activité accomplies. Le système doit être adapté et le temps requis pour être promu calculé de telle façon qu’il puisse faciliter, le cas échéant, l'engagement dans l'armée d'active.

De même, une réflexion est en cours, avez-vous dit, sur les avantages fiscaux qui pourraient être accordés aux entreprises. C’est un autre chantier extrêmement important. Il semble tout à fait indispensable de mettre en place des mécanismes, tel un crédit d'impôt, pour les entreprises qui acceptent des réservistes malgré les contraintes que cela suppose et qui choisissent ainsi de contribuer activement au renforcement du lien armée-nation.

Toutes ces mesures concourent à une véritable reconnaissance des réservistes, de leur appartenance pleine et entière à l'armée ainsi que de leur importance. En donnant ainsi une image plus attrayante de l'armée et de sa réserve, elles visent à pallier l’insuffisance inquiétante du nombre de réservistes. Elles compléteraient efficacement des dispositions assurant aux civils une véritable formation et la prise en compte dans l’évaluation des périodes effectuées.

Lors de la réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées, j'avais proposé deux amendements qui auraient permis d'aller encore un peu plus loin. L’outil n’étant sans doute pas le plus pertinent pour se faire entendre, je les ai retirés, mais je souhaite recueillir votre avis, madame la ministre.

Le premier amendement concernait la journée d'appel de préparation à la défense. Créée en 1997 afin de compléter le service national, la JAPD est aujourd'hui mal perçue par les participants. Beaucoup d'entre eux regrettent de ne pas avoir eu d'informations suffisamment concrètes sur les armées alors même qu'ils apprécient le contact direct avec les militaires d'active. L’objectif leur apparaît encore très flou : recrutement ? éducation ? évaluation ? Étudier de façon approfondie les modifications à apporter permettrait de faire de la JAPD une vitrine plus dynamique et plus attractive de notre armée. Ne pourrait-on imaginer une participation plus grande des réservistes dits « citoyens », des rencontres moins formelles et une interactivité plus grande dans la présentation des métiers de l'armée et du fonctionnement de la réserve ?

Le second amendement proposait que soit établie une liste des réservistes selon leur lieu de résidence et leurs compétences. Constituer une base simple à consulter contribuerait à une meilleure gestion des besoins au niveau national en permettant de bénéficier pleinement des compétences professionnelles, civiles et militaires de nos réservistes.

J'aborderai enfin un point qui m'apparaît comme essentiel : l'enseignement. L’enseignement de la défense passe non seulement par la JAPD dont je viens de parler, mais aussi par l'école depuis la loi de 1997 instituant le service national « universel ». Or, dans les faits, l’institution scolaire n’accomplit que rarement cette tâche. Pourtant, si l’on veut sensibiliser les élèves aux questions de défense et susciter de futurs engagements, les dispositions de cette loi doivent enfin être appliquées. Les cours d'histoire-géographie et d'éducation civique sont le cadre naturel de cet enseignement qui renvoie aux fondements de la République, aux valeurs universelles qui l’animent, et dans lesquels les pays démocratiques se reconnaissent. Faire appliquer la loi est un moyen simple et peu onéreux pour préparer de futurs recrutements.

En conclusion, madame la ministre, c'est en nourrissant beaucoup d'espoirs et en souhaitant encore de nouvelles améliorations que le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Madame la ministre, mes chers collègues, le précédent texte sur la réserve date de 1999. Il constituait le dernier volet de la réforme d’ensemble de nos armées tendant à leur professionnalisation complète.

L’orateur du groupe communiste avait alors souligné notre opposition de fond à la philosophie sous-tendant cette restructuration. Nos critiques concernaient d’abord la suppression pure et simple du service national qui établissait un lien essentiel entre la nation et ses forces armées, et constituait un outil puissant de cohésion nationale. Pour nous, si l’adaptation de l’outil militaire aux nouvelles réalités stratégiques était nécessaire, celle-ci devait passer par une organisation où auraient coexisté des unités professionnelles et des unités accueillant des jeunes, afin de leur offrir une formation civique et militaire courte. Aujourd’hui, le Président de la République, celui-là même qui a supprimé le service national, préconise un service civique comme l’une des solutions au délitement du lien social et à la perte des repères et des valeurs dont souffre toute une partie de la jeunesse de notre pays. Quel paradoxe !

Nous critiquions aussi le fait que la refondation de l’armée soit guidée par des choix stratégiques fondés essentiellement sur les capacités de projection extérieure, option découlant d’une certaine lecture géostratégique contestable des instabilités mondiales et d’une vision purement militaire de la sécurité. Enfin, nous regrettions que la nouvelle organisation des réservistes s'inscrive dans un tel cadre.

Pourtant personne ne contestait la nécessité d’une réforme, la réserve de masse étant devenue pratiquement virtuelle, dépourvue de doctrine réelle et de moyens. Nous avions même approuvé l'affirmation du rôle de la réserve, notamment de la réserve citoyenne, dans le maintien du lien armée-nation, dans l'accès aux nouvelles préparations militaires et dans la création d'un statut de réservistes.

Votre projet de loi, madame la ministre, modifie certaines dispositions de ce texte en fonction de l'expérience acquise au cours des quatre dernières années. Si nous notons certaines améliorations, en particulier la disponibilité de la réserve opérationnelle grâce à l'instauration d'une clause de réactivité, nous nous interrogeons sur la modification de la structure de la réserve.

En effet, vous introduisez une distinction très nette entre réserve opérationnelle et réserve citoyenne, même si vous nous avez expliqué à cette tribune qu’il était possible de passer de l’une à l’autre. La première sera désormais composée d’une part de volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve – ou ESR, selon le sigle consacré. À force de se multiplier, les sigles rendent les textes incompréhensibles, au point de réserver leur lecture aux seuls spécialistes : ESR, MDR, et j’en passe. Elle comptera d’autre part des anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité et qui, n'ayant pas souscrit d'engagement, sont rappelables uniquement par décret. Cette dernière catégorie étant ainsi retirée de la réserve citoyenne, celle-ci ne comprendra plus désormais que des civils volontaires agréés par les armées et utilisés de manière bénévole pour des tâches non militaires. Cette « rétrogradation » de la réserve citoyenne…

Mme la ministre de la défense. Non !

M. Jacques Brunhes. …après les deux sous-ensembles de la réserve opérationnelle soulève des inquiétudes parmi les personnels concernés. Signifie-t-elle que cette réserve ne sera plus réellement considérée comme militaire ?

Par ailleurs, pourquoi avoir fait disparaître du texte toute référence au rôle joué par les associations de réservistes alors qu’elles apportent une contribution précieuse au lien armée-nation et à la promotion de la défense nationale ?

D'autres problèmes de fond demeurent, parmi lesquels le recrutement et la formation des volontaires sous ESR, qui ont assurément un impact sur la capacité opérationnelle de la force de réserve. Le rapport de notre commission « Avec la réserve : doublement citoyen », publié en novembre 2004, montre clairement les obstacles rencontrés pour atteindre les objectifs quantitatifs fixés dans ce domaine. En 2002, le taux de réalisation n'était que de 32,5 %, même s'il semble depuis en voie d'amélioration.

Votre texte tente de trouver des remèdes en rendant l'engagement accessible aux jeunes dès dix-sept ans – au lieu de dix-huit – et aux anciens légionnaires n'ayant pas la nationalité française, enfin, en portant la limite d'âge supérieure du militaire du rang de quarante à cinquante ans. Ces mesures peuvent éventuellement contribuer à accroître les effectifs, mais au détriment de la qualité de la réserve opérationnelle sous engagement.

Cela nous amène au deuxième problème majeur, celui de la qualité de recrutement liée notamment à l'absence de compensations accordées tant à l'employeur qu’à l'employé. L'embauche d'un réserviste constitue souvent une contrainte pour un employeur puisqu’il ne peut s'opposer à l'absence de son employé pendant les périodes que celui-ci passe sous les armes, périodes qui peuvent varier de cinq jours sans l'accord de l'employeur jusqu’à quatre-vingt-dix ou même cent vingt jours avec. En l’absence de toute incitation, financière ou autre, un salarié conscient de cette réticence hésite à son tour à souscrire un engagement. Pour contourner la difficulté, vous envisagez, madame la ministre, des avantages pour les employeurs privés. Toutefois, les conventions sans juste compensation ne pourront régler les problèmes. De fait, ce sont souvent les chômeurs ou les personnes peu qualifiées qui souscrivent un engagement.

En outre, il n'existe aucune homogénéité dans l'instruction suivie, ni dans la période d'activité, ce qui hypothèque le caractère réellement opérationnel des unités de réserve. Selon les analystes, il faudrait deux mois d'instruction militaire, individuelle et collective, pour un militaire du rang, et quatre mois pour un cadre. Or, en moyenne, le taux d'activité s'est établi à dix-neuf jours en 2004. On est loin du compte et, faute de la qualité requise, les unités de réservistes restent incorporées dans des unités élémentaires supplétives des unités formant corps. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant, même s'il faut le déplorer, que les militaires professionnels ne considèrent pas les réservistes comme des partenaires à part entière.

Par ailleurs, le recrutement des réservistes est très déséquilibré, les officiers retraités étant les plus nombreux à s'engager et « confisquant » les postes hiérarchiquement les plus intéressants, les réservistes issus du civil étant cantonnés aux postes les moins attrayants. Le taux d'encadrement par rapport aux militaires du rang est de deux tiers, pour un tiers dans une troupe combattante. On crée ainsi, selon les termes du président de la commission de défense, une « réserve de préretraités », ce qui « naturellement ne renforce pas le lien entre la Nation et ses armées ». Je crains que votre projet ne permette pas de remédier complètement à cet état de choses.

Notons également que les règles d'organisation du Conseil supérieur de la réserve militaire passent du domaine législatif au domaine réglementaire et que les dispositions des articles 30 et 31 de la loi de 1999 sont supprimées. Prenez-vous l'engagement, madame la ministre, de les rétablir par voie réglementaire, conformément à ce qui est affirmé dans l'exposé des motifs du présent projet ? Nous tenons tout particulièrement à ce que soient représentées en son sein l'Assemblée nationale, le Sénat, les associations de réservistes, les organisations professionnelles représentatives des salariés, les entreprises, les professions artisanales et libérales, les fonctions publiques et, bien sûr, les forces armées.

Pour conclure, madame la ministre, certaines modifications envisagées dans le texte apportent incontestablement des améliorations, mais elles ne sont pas suffisantes. Plusieurs amendements pourraient en renforcer les effets. Nous attendrons de connaître le sort qui leur sera réservé pour nous prononcer sur le vote de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Charles Cova.

M. Charles Cova. Madame la ministre, mes chers collègues, j'irai droit au but. Depuis la mise en distribution de ce projet de loi, le monde de la marine est dubitatif et celui des associations en effervescence. Vous me permettrez de m'en faire l'écho, même si je ne partage pas la totalité de leurs réserves, si vous me passez ce mot. Qu'il s'agisse de marins d'active ou de réservistes, les conclusions sont identiques et c'est l'inquiétude qui prévaut.

Naturellement, nombreux ont été ceux qui ont relevé des points positifs : l’abaissement de l'âge d'admission à dix-sept ans, l’amélioration de la réactivité, l’augmentation des durées de certains ESR jusqu'à 210 jours, entre autres.

En revanche, les raisons justifiant une modification de la structure de la réserve militaire telle qu’elle fonctionne aujourd'hui ne semblent pas convaincre. La réforme apparaît même contre-productive aux yeux de certains, et non des moindres.

Ainsi, comme plusieurs personnels d'active me l'ont confié, le projet qui nous est soumis est perçu comme une scission radicale de la réserve des armées qui se produit sur un triple plan : matériel, statutaire et administratif. Une telle scission conduirait, pensent-ils, à une perte de souplesse dans la gestion et à une moindre cohésion au sein de l'armée de mer.

Attachés comme ils le sont au caractère militaire de la réserve et à son statut de composante à part entière des forces armées, cette scission, à leurs yeux, conduira à une réserve à deux vitesses au sein de laquelle la réserve citoyenne peinera à recruter ses membres contrairement à l’objectif poursuivi. D’aucuns se demandent même comment il sera désormais possible d’attirer des civils dans la réserve citoyenne, puisque, comme cela leur sera indiqué, ils ne seront pas de vrais réservistes, que leurs grades seront factices et que, de toute façon, ils n’auront pas la possibilité de revêtir l’uniforme de leur armée d’appartenance.

Or la marine attache à la réserve citoyenne une plus grande importance que les autres armées, compte tenu de sa moins bonne répartition sur le territoire national, difficulté d’implantation qu’elle partage avec d’autres composantes des armées, notamment la DCA, le service de santé ou le service des essences.

Vous l’aurez compris, madame le ministre, la marine a besoin, pour être présente au cœur de la cité, de réservistes chargés d’assurer sa communication externe et d’œuvrer pour son recrutement. Le rôle du réserviste de la marine est primordial pour rappeler à nos concitoyens toute l’importance du fait maritime et la nécessité pour notre pays d’une politique navale : la France, faut-il le rappeler, compte plus de 5 000 kilomètres de côtes réparties sur trois mers.

L’armée de mer, afin d’entretenir le lien entre la nation et son armée, doit pouvoir disposer de relais qui la connaissent bien et qui parlent d’elle avec conviction, parce qu’ils s’en sentent membres à part entière. D’anciens marins remplissent aujourd’hui en grand nombre ce rôle, mais des personnes issues de la société civile et souhaitant prendre une part active à la réserve citoyenne peuvent assurer tout aussi bien cette fonction.

Par ailleurs, alors que les effectifs de la réserve opérationnelle de la marine étaient en 2004 relativement modestes – quelque 5 000 personnes –, le rôle relationnel du réseau des réservistes – 15 000 environ – est, quant à lui, fondamental. C’est la raison pour laquelle l’état-major de la marine recherche activement chez tous ses réservistes autant les compétences relationnelles que les compétences professionnelles, dans une approche globale de la gestion de la richesse qu’ils constituent.

Jusqu’à maintenant, une telle approche, qui repose sur la souplesse dans l’emploi et sur la gestion des compétences, a favorisé la cohésion de la marine en transcendant les catégories de réservistes affectés ou non à des postes MOB.

Les formes d’action développées par les réservistes, qu’ils soient opérationnels ou citoyens, sont, quant à elles, multiples : relais d’information, actions relevant du devoir de mémoire, présence aux manifestations patriotiques, communication dans le cadre de conférences, soutien de la chaîne de recrutement et de reconversion et relais avec le monde de l’entreprise ou le monde enseignant par la participation à des forums sur l’emploi et les métiers.

Enfin, parce que le nombre de volontaires pour servir dans la réserve opérationnelle est supérieur au nombre de postes MOB à pourvoir, la réserve citoyenne constitue pour la marine l’un des viviers de cette réserve opérationnelle. Elle est donc attachée à ce que les réservistes citoyens se sentent parfaitement intégrés. C’est pourquoi, je le répète, ces derniers doivent avoir l’autorisation de porter l’uniforme et les insignes de leur grade, qui permettent leur reconnaissance, dans les cas autorisés par une instruction à paraître prochainement ; du moins nous l’espérons. Les jeunes réservistes citoyens issus du civil sont particulièrement sensibles à cette mesure.

M. Michel Voisin. Très bien !

M. Charles Cova. Cela étant, même adoptée dans sa rédaction actuelle, cette loi donnera la possibilité à la marine d’appliquer une politique de gestion des réservistes qui lui permettra de faire face à ses missions spécifiques.

Cependant, – ce point mérite d’être éclairci – certaines dispositions générales pourraient affaiblir la réserve citoyenne. Il en est ainsi de l’exposé des motifs du projet de loi qui n’a pas de portée législative mais dont on peut craindre qu’il n’inspire les décrets d’application de la loi. En effet, l’affirmation explicite selon laquelle « la réserve citoyenne, quant à elle, n’est composée que des seuls civils volontaires, agréés par les armées... », fait disparaître la notion de vivier de la réserve opérationnelle, ce qui, pour la marine, est particulièrement pénalisant, car elle se voit ainsi privée de tout un éventail de compétences qui lui sont utiles et dont le besoin peut se faire sentir de façon inopinée ; je pense notamment à des spécialités comme atomicien ou interprète de langues rares.

Madame le ministre, j’ai eu l’occasion, au cours de nos débats en commission, de m’associer à des amendements visant à répondre aux inquiétudes de la marine. C’est pourquoi je me réjouis qu’un amendement commun reconnaisse, dès l’article 1er de la loi, le rôle éminent des associations d’anciens militaires et de celles dont les activités contribuent à la promotion de la défense nationale dans le lien armée - nation.

Madame le ministre, forte d’une parfaite connaissance des marins, vous seule saurez, tout en tenant les propos qui conviennent, prendre un engagement de nature à dissiper les craintes que j’ai exprimées. Par avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Madame le ministre, notre collègue Michel Dasseux, rapporteur, sous la précédente législature, du projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, dont nous engageons aujourd’hui la modification, a parfaitement défini les ambitions de ce texte, dernier volet de la professionnalisation de nos armées.

Il s’agissait, comme vous l’avez rappelé, d’une part, de substituer à une réserve de masse, issue de la conscription, une réserve d’emploi opérationnelle, fondée sur le volontariat et pleinement intégrée aux forces d’active, d’autre part, de contribuer, par une réserve citoyenne, au développement de l’esprit de défense et au maintien du lien entre la nation et son armée. Nous étions tous convenus, après avoir laissé au dispositif un temps suffisant pour faire ses preuves, d’évaluer sa mise en œuvre afin de l’améliorer en adaptant les conditions d’emploi de la réserve opérationnelle aux besoins de nos forces armées et en facilitant l’accès à la réserve citoyenne.

C’est pourquoi nous sommes décidés à œuvrer de façon positive à l’examen de ce texte, car il affiche la volonté du Gouvernement, notamment la vôtre, de dépasser les difficultés qui ont pu être rencontrées jusque-là. Cependant, comme nous l’avons fait pour le statut général des militaires, nous souhaitons aller au fond du débat sur des sujets qui nous semblent importants pour rendre efficace l’application du texte dans la durée.

S’il est d’ores et déjà tenu compte de quelques unes de nos préoccupations à travers la reprise, par la commission, de plusieurs de nos amendements, lesquels ont d’ailleurs été le plus souvent présentés avec l’assentiment de nos collègues de toutes sensibilités, des questions demeurent en suspens et ne sauraient, compte tenu de l’enjeu qu’elles représentent, être classées avant d’avoir reçu une réponse. Il en est ainsi de la place des entreprises dans le dispositif, notamment de la traduction concrète du « partenariat de défense» auquel nous tous ici, comme vous, madame le ministre, souhaitons les inviter.

L’occasion nous est en effet donnée aujourd’hui d’aller beaucoup plus loin que le texte initial, notamment en instituant, comme vous en avez vous-même évoqué la possibilité, une incitation financière sous la forme d’un crédit d’impôt pour les entreprises du secteur privé signataires d’une convention réserve. Même si cette mesure doit relever d’une prochaine loi de finances, il conviendrait qu’à l’occasion de ce débat notre assemblée en soit plus complètement informée.

Nous soutenons, dans le même sens, l’amendement du rapporteur et du président de la commission – que celle-ci a repris – car il prend acte du travail réalisé avec les partenaires sociaux par le conseil supérieur de la réserve militaire, s’agissant de l’admission, au titre de sa participation au financement de la formation professionnelle continue, des sommes engagées par l’employeur pour le maintien de la rémunération d’un de ses salariés, lors de son absence de l’entreprise pour une période d’instruction dans le cadre d’un engagement à servir dans la réserve.

Il faut cependant aller encore plus loin – vous l’avez suggéré –, par exemple en ouvrant des formations, notamment en matière d’intelligence économique, aux cadres d’entreprises réservistes et aux chefs d’entreprises « partenaires de défense », dans tous les domaines d’excellence de nos armées – ils sont nombreux –, qui peuvent intéresser leurs activités civiles.

Il conviendrait également de permettre à ces mêmes entreprises d’être plus présentes à la fois sur les marchés « défense », notamment par l’instauration d’une clause de « mieux-disance » au code des marchés publics, à l’instar de ce qui existe déjà en matière sociale, et sur les opérations extérieures, en vue de participer notamment à la reconstruction. La possibilité devrait être ouverte à leurs réservistes d’être affectés, sous certaines conditions, dans une structure spécifique aux fins de prospection, voire d’exercer, sous ESR, une fonction d’expertise dans leur domaine d’activité, comme d’autres grandes nations ne manquent pas d’ores et déjà de le faire.

S’agissant des réservistes, je n’oublie pas l’amendement du rapporteur que j’ai évoqué à l’instant. Cependant, la question de la différence entre le salaire civil et la solde perçue reste posée, car elle constitue un obstacle réel à l’engagement non seulement des militaires du rang mais également des sous-officiers. Le rapport rendu en mai 2005 par l’observatoire social de la défense révèle que 70 % des réservistes déclarent recevoir une solde inférieure à leur salaire habituel. C’est pourquoi, il convient de rechercher les moyens d’y remédier en se rapprochant, si nécessaire, des solutions mises en œuvre dans certains pays amis, qui bénéficient d’une antériorité dans ce domaine.

De même, s’il faut rester prudent sur le fait de lier l’entreprise à la conclusion de l’ESR, qui doit demeurer une affaire d’ordre privé entre le réserviste et les armées, et si la « convention réserve » doit, quant à elle, régler les rapports partenariaux de l’entreprise avec la défense, en revanche, il pourrait être utile d’aider le réserviste et l’entreprise dans la mise en œuvre de leurs engagements réciproques, par la mise à disposition d’un contrat de travail type.

Enfin, s’agissant de la prise en compte des besoins de notre défense, il me semble que, dans le cadre de la relation tripartite que nous voulons construire entre le réserviste, son employeur, et la défense, nous pourrions, au regard des propositions que je viens d’évoquer pour les entreprises partenaires de défense, et en complément des avancées déjà prévues, notamment en termes de réactivité ou de préavis, faciliter la disponibilité des réservistes en assurant une durée d’engagement de plein droit.

Telles sont, madame le ministre, s’agissant de la réserve opérationnelle, quelques unes des pistes que nous vous proposons d’explorer à l’occasion de l’examen de ce texte. Nous vous demanderons également d’aller plus loin, plus vite et plus fort dans le développement d’une approche interarmées pour la réserve citoyenne, que vous avez vous-même évoquée comme une nécessité. Elle devrait être facilitée par la stratégie ministérielle de réforme que vous avez engagée, laquelle implique une mutualisation accrue de certains services.

Vous le voyez, nous sommes disposés sur ce texte, comme pour le statut général des militaires, à faire avec vous œuvre utile pour notre défense, à condition qu’aucune des questions posées ne soit éludée et que notre objectif commun soit de transformer l’essai de la loi de 1999.

Je vous remercie par avance, madame le ministre, de l’écoute que vous continuerez, je n’en doute pas, de manifester à l’égard nos propositions.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est particulièrement important et novateur pour la gendarmerie, à laquelle, au risque de vous surprendre (Sourires), je consacrerai l’essentiel de mon propos.

Ses réserves ont vocation à croître : si 17 467 engagements à servir dans la gendarmerie étaient souscrits au 1er juillet 2005 – chiffre auquel il convient d’ajouter 3 734 personnes engagées dans la réserve citoyenne au 31 décembre 2004 –, l’objectif à atteindre d’ici à 2012 est de 40 000 réservistes.

Je tiens à souligner l’effort financier consenti au bénéfice des réservistes de la gendarmerie pour 2006, puisque les crédits destinés au financement des soldes et indemnités de la réserve dans le budget voté le 2 novembre dernier sont en progression de 16,25 %. Cette hausse a anticipé le texte. Elle traduit en termes budgétaires la volonté de celui-ci d’aider la réserve et s’ajoute aux mesures relatives à l’équipement des gendarmes réservistes. Je rappelle que l’objectif visé à la fin de l’année 2006 est de 22 000 réservistes.

Au cours de l’examen du budget de la défense, j’ai rappelé que les réservistes de la gendarmerie apportent une contribution importante au lien armée-nation, en raison de leur poids au sein de toutes les réserves et de la nature des missions qui leur sont confiées. Ce sont aujourd'hui 39 % des réservistes de la réserve opérationnelle qui exécutent leur engagement dans la gendarmerie et, d’ici à 2012, cette proportion augmentera légèrement, c’est-à-dire de trois points. Ces réservistes ont vocation à renforcer les unités d’active et à constituer une réserve d’emploi sous la forme d’unités de réserve situées au niveau des groupements de gendarmerie départementale ou des régions de gendarmerie.

Les missions qui leur sont confiées sont très diverses : renforcement des unités territoriales de la gendarmerie départementale, notamment pour les recherches de personnes disparues, sécurisation des zones sensibles lors d’événements divers – un escadron de réservistes de la gendarmerie mobile a ainsi été déployé au salon de l’aéronautique au Bourget –, augmentation des capacités de renseignement et d’intervention des unités d’active, renforcement et protection des points sensibles de circonstance – de nombreux réservistes participent chaque année à la sécurisation des routes empruntées par le Tour de France – et prise en charge de gardes statiques en substitution d’escadrons de gendarmerie mobile d’active en vue de les libérer pour d’autres missions.

Il convient, en outre, de souligner l'important relais d'opinion que constitue la réserve citoyenne, deuxième composante après la réserve opérationnelle. Ses attentes se structurent progressivement sous l'impulsion des régions de gendarmerie grâce à l’organisation de journées découverte, de colloques ou de visites d'unités de gendarmerie d'active.

Le projet de loi, madame le ministre, adresse un signal fort aux réservistes de la gendarmerie.

En effet, outre une amélioration du statut du réserviste et un relèvement des limites d'âge voire leur suppression – souhaitable – pour la réserve citoyenne, ce projet permettra d'accroître la réactivité des réservistes. Cela me paraît essentiel compte tenu des contraintes spécifiques dans lesquelles la gendarmerie accomplit des missions exigeant un grand professionnalisme et une haute réactivité.

La clause de réactivité permettant à l’autorité compétente de faire appel, sous un préavis de quinze jours, aux réservistes ayant souscrit un contrat comportant cette obligation, retient particulièrement mon attention. Les dispositions visant à impliquer l'employeur dans ce dispositif sont de nature à améliorer significativement les conditions d'engagement de réservistes de la gendarmerie.

De même, la possibilité de porter à deux cent dix jours la limite de la durée des activités à accomplir au titre de l’engagement à servir dans la réserve opérationnelle pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale, favorisera une meilleure utilisation des compétences.

Il importera toutefois de conférer aux réservistes de la gendarmerie le statut d'agent de police judiciaire adjoint, un amendement de la commission, que je soutiens, devant être proposé en ce sens. Les possibilités d'action des réservistes sont actuellement très limitées puisqu'ils n'ont pas la capacité juridique de constater un délit et d'appréhender ses auteurs, contrairement aux gendarmes adjoints volontaires. Il me paraît d'ailleurs paradoxal que le gendarme adjoint volontaire qui met fin à son contrat et souscrit un engagement dans la réserve, ne conserve pas sa qualification judiciaire.

Une fois – je l’espère – cet amendement voté, la direction générale de la gendarmerie nationale se proposera d'organiser très rapidement des modules de formation afin que les gendarmes réservistes puissent être préparés à assumer cette fonction d'agent de police judiciaire adjoint.

Enfin, il me paraîtrait opportun, madame le ministre, que, pour compléter cette évolution très positive, vous puissiez intervenir dans le domaine réglementaire afin de permettre à ces mêmes réservistes, amenés dans de nombreuses circonstances à régler la circulation, de disposer, en la matière, du pouvoir d'injonction et de constatation des infractions

Fort de tous ces éléments, à titre personnel, mais aussi au nom du groupe UDF et apparentés, je voterai en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'actualité de ces dernières semaines, marquée notamment par le rappel de 1 500 réservistes de la gendarmerie nationale et de la police, montre que le texte soumis à notre examen correspond à un véritable besoin opérationnel.

En effet, le Président de la République a entrepris la refondation de nos armées afin de répondre aux nouvelles menaces, mises en évidence par le Livre blanc de la défense nationale de 1994. Depuis, les trois armées et la gendarmerie se sont parfaitement adaptées à cette situation, tandis que, pour sa part, la réserve a dû se professionnaliser, au sens strict du terme.

Rompant avec les nombreuses idées reçues qui prévalaient, la réserve militaire est passée du statut de mobilisation à celui de réserve d'emploi, pour faire face à des pics d'activité opérationnelle. Cependant le réserviste – ou, plus précisément, le militaire ayant souscrit un ESR – est bien plus qu'un intérimaire, puisqu'il est désormais un militaire à part entière, mais à temps partiel, ayant acquis un savoir faire et une culture propres au monde militaire dont il fait partie.

Le changement sémantique proposé par l'article 1er visant à parler de « réserve militaire », plutôt que de « réserve » sans épithète, traduit une véritable évolution, perçue positivement aussi bien par les militaires d'active que par les réservistes eux-mêmes.

Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, la réserve en France est complètement intégrée et ne constitue pas une force autonome ou parallèle. Désormais, les réservistes renforceront les formations d'active, soit comme compléments individuels, soit au sein d'unités de réserve dans les régiments, ce qui permettra d'augmenter la capacité opérationnelle des formations de près de 20 % à l'horizon 2012.

À ce jour, des sections organiques de l'armée de terre sont engagées dans le cadre du plan Vigipirate et dans les opérations de défense civile. À terme, il est prévu que les armées fassent appel à 94 000 réservistes afin de répondre aux exigences des projections ou aux besoins de la défense opérationnelle du territoire.

Néanmoins, l'efficacité de la réserve militaire dépendra du renforcement de la coopération accrue entre l'employeur, le réserviste et l'autorité militaire. Déjà la signature de conventions entre le ministère de la défense et les entreprises apparaît aux yeux des principaux acteurs comme la priorité dans l’établissement de relations de transparence. Les représentants du monde de l'entreprise – que j'ai rencontrés à ce sujet – nourrissent une grande espérance dans ces partenariats, qui doivent demeurer le seul lien les engageant vis-à-vis des armées et des militaires ayant souscrit un ESR.

C'est pourquoi, je crains que les amendements à l'article 4 – qui visent à imposer le principe selon lequel l'ESR devrait être signé entre le réserviste, l'autorité militaire et l'employeur – constituent une mesure aussi déplacée que préjudiciable en termes de fidélisation et de recrutement des réservistes.

M. Jean-Claude Viollet. Tout à fait !

M. Marc Bernier. En effet, les employeurs ne veulent pas de cette proposition qui dénaturerait les conventions et aurait pour conséquence de traiter la question des réserves au niveau individuel, plutôt qu’au niveau global de l'entreprise. Par ailleurs, les délégations aux réserves des trois armées et de la gendarmerie refusent cette contrainte supplémentaire pour le réserviste qui serait placé dans une situation délicate dans le cadre d'une embauche, d'un différend avec son employeur direct, ou d'un changement d'emploi.

Ayant perçu les inquiétudes des principaux acteurs de la réserve et celles des entrepreneurs, je m'opposerai donc – à titre personnel – à cette mesure introduite sous forme d'amendement, contradictoire avec les attentes des militaires ayant souscrit un ESR et avec celles de leurs employeurs.

Je considère que la montée en puissance de la réserve militaire ne pourra véritablement avoir lieu que si nous disposons de mesures de mobilisation adaptées aux nouvelles menaces et aux missions dévolues aux forces armées. Cet outil de mobilisation devra s'accompagner de mesures incitatives ou compensatoires, au profit des entreprises qui jouent le jeu et qui acceptent de libérer leurs salariés réservistes.

Se séparer d'un employé, y compris pour participer au devoir de défense nationale, entraîne malgré tout des surcoûts ou des pertes de revenus, qui ne doivent pas rester à la seule charge de l'employeur, surtout s'il s'agit d'une PME. Les entreprises ont parfaitement conscience de l'importance des réserves, mais elles veulent que la politique de réserve soit établie selon la logique du gagnant-gagnant, pour que chacun puisse y trouver son compte sans que quiconque ne soit lésé.

À cet égard, les amendements proposés par mes collègues visant à instaurer une fiscalité attrayante pour les employeurs de militaires ayant souscrit un ESR, me semblent être une bonne chose. J'espère donc que des dispositions fiscales favorables seront proposées aux entreprises qui libéreront leurs salariés, ainsi que l’a fait le ministre de l'intérieur en septembre dernier au profit des entreprises embauchant des sapeurs pompiers volontaires.

Pour conclure, je tiens à rendre un hommage solennel aux militaires ayant souscrit un ESR et dont le professionnalisme n'est plus à démontrer. Je vous rends également hommage, madame le ministre, pour la confiance que vous leur accordez et le soutien que vous leur manifestez en ayant souhaité réadapter la loi de 1999.

Telles sont, madame le ministre, mes chers collègues, les réflexions et remarques dont je voulais vous faire part dans le cadre de cette discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Beaulieu, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Jean-Claude Beaulieu. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'orée de ce nouveau millénaire, notre monde est apparu comme riche en opportunités et expériences nouvelles, mais aussi comme affecté de profonds changements, caractérisés par une forte imprévisibilité, une montée des menaces terroristes, et une situation internationale durablement dégradée.

Notre monde porte l'exigence générale de la solidarité qui impose aux grandes nations de tout mettre en œuvre pour sauvegarder les grands équilibres mondiaux et la paix.

La France, riche de son histoire et de ses engagements, joue un rôle essentiel dans le concert des nations pour aider à la sauvegarde des grands équilibres mondiaux et pour prévenir tout risque de crise, avec, pour finalité, l'instauration et le maintien de la paix et de la sécurité.

Dans ce contexte, et devant l'importance des enjeux, une réorganisation profonde de notre dispositif militaire a été engagée, dans laquelle la réserve tient une place d'autant plus importante qu'elle est une passerelle entre l'armée et la nation.

S'interposer, pacifier, construire, soigner, aider, telles sont les nouvelles missions de nos forces de défense. La France, par sa culture fécondée par des siècles d'échanges et de découvertes, par son histoire riche de gloires, par sa formidable volonté issue du siècle des lumières de partager avec les autres nations ses grands idéaux, a une mission de premier plan à remplir.

C'est dans ce contexte qu'un grand rôle a été dévolu à la réserve, dont le nouveau modèle a été défini dans le cadre d'une armée professionnalisée. À une réserve de masse, juxtaposée pour l'essentiel aux forces d'active, se substitue désormais une autre réserve, très largement intégrée aux unités professionnelles, constituée en priorité de volontaires, plus disponible et surtout plus efficace, car mieux entraînée.

Dès lors, la réserve militaire apparaît comme un complément indispensable des forces d'active pour être en mesure de faire face à des menaces qui dépassent leur cadre normal d’action. D'une réserve de masse, elle devient ainsi une réserve d'emplois appelée à assurer les mêmes missions que les militaires d'active.

Être réserviste consiste ainsi à contribuer, à sa mesure, à la réalisation de l'interface civilo-militaire. Néanmoins, dans le même temps, on doit faire en sorte que l'institution militaire considère la réserve comme une partie intégrante d'elle-même, le réserviste lui apportant son savoir-faire dans le respect de ses règles et en la soutenant dans l'accomplissement de sa mission.

Ayant eu l'honneur de participer cette année, comme chirurgien, à plusieurs opérations extérieures en Bosnie, en Côte-d'Ivoire et en Afghanistan – expérience riche sur le plan humain – j’ai pu mesurer la place essentielle de la réserve dans le service de santé des armées, qui a eu à relever, du fait des nombreuses OPEX, bien des défis techniques et humains, amenant une réorganisation profonde autour de l'exigence prioritaire de soutien sanitaire des forces projetées.

On comprend dès lors que l'institution militaire, soucieuse d'améliorer sa masse critique en terme de compétence, confirme le caractère indispensable de la réserve, en termes non pas de substitution mais de complémentarité.

Les armes ont changé, mais l'esprit de la défense doit demeurer intact et il est du devoir de tous de la perpétuer pour le bien commun plutôt que dans l'individualisme. Ainsi, en étant exemplaires, en étant à la fois un modèle et un identifiant national, l'armée et sa réserve peuvent contribuer à la cohésion nationale, surtout si elles parviennent à mieux faire connaître ce qu'elles sont et ce qu'elle font ensemble.

Dans nos sociétés modernes, il ne peut y avoir d'armée professionnelle sans réserve, et il ne peut y avoir de réserve sans conscience collective du rôle de la défense pour la nation.

II me semble, madame le ministre, que ce texte, très attendu, répond pleinement à la prise en compte de tous ces enjeux, et je tenais à en saluer la qualité et à vous en remercier très chaleureusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les députés, je remercie très sincèrement chacun d’entre vous pour sa contribution à ce débat. Vous avez su, les uns et les autres, le porter à son juste niveau et souligner l’intérêt fondamental de notre pays à mobiliser l’ensemble de sa population autour des problèmes de sécurité et du lien entre les armées et la nation, comme la nécessité très concrète de soutenir nos forces armées dans leur action quotidienne.

L’expérience personnelle que beaucoup d’entre vous ont de la réserve a permis un débat qui, tout en se situant à un niveau de réflexion très élevé, s’est révélé en même temps très concret et très pragmatique.

L’ensemble de vos interventions a souligné la pertinence de procéder, au vu de l’expérience passée, à une réactualisation de la loi de 1999, voire d’opérer une transformation assez sensible, de manière à aborder les problèmes du XXIe siècle avec un texte nouveau et mieux adapté. D’autres réformes suivront sans doute, au fur et à mesure de l’évolution du contexte, mais je crois que la réserve trouve dans ce projet de loi un fondement solide.

Je souhaite souligner, car l’allusion faite par M. Brunhes à ce sujet ne me paraît pas exacte, à quel point la réserve opérationnelle est complémentaire de la réserve citoyenne. Il ne s’agit pas de mettre cette dernière de côté, ou de la considérer comme une réserve de seconde zone. Chacune a sa fonction propre : si la réserve opérationnelle a davantage pour but, comme son nom l’indique, le soutien direct aux armées, la réserve citoyenne a également son rôle à jouer. M. Cova et M. Folliot ont d’ailleurs bien souligné le lien qui existe entre les deux. Il n’empêche que sur des questions d’organisation, il apparaît normal d’opérer une distinction, par exemple entre ceux qui sont susceptibles de partir en OPEX et ceux qui n’y partiront pas, tout en jouant un rôle important de soutien moral.

Je répondrai sur les points précis abordés par chacun d’entre vous lors de l’examen des amendements. Je me contenterai donc de donner quelques indications sur les quatre grands sujets évoqués.

Le président Teissier, M. Léonard et M. Dasseux ont exprimé leurs inquiétudes quant aux difficultés de recrutement de la réserve. Depuis trois ans, la situation se redresse, après un creux qui était peut-être tout simplement dû à certaines interrogations. La progression régulière et confirmée des effectifs de la réserve à laquelle nous assistons est tout à fait conforme aux objectifs chiffrés que nous nous sommes fixés et qui seront atteints dans des conditions tout à fait normales.

Les réductions d’objectifs ne sont absolument pas dues aux difficultés de recrutement ; elles tiennent simplement aux raisons qui ressortent de l’étude menée par l’état-major des armées selon laquelle, dans la configuration actuelle, les besoins étaient effectivement moindres que ceux primitivement envisagés. Il a, en effet, semblé préférable de disposer d’une réserve opérationnelle bien formée, disponible grâce à une certaine durée dans l’action plutôt que de compter énormément de personnes sans réelle activité, donc moins motivées.

En outre, cette évolution s’accompagne d’un rééquilibrage entre catégories. Si, dans un premier temps, les officiers et sous-officiers ont marqué plus d’intérêt pour la réserve que les militaires du rang, cela s’est considérablement amélioré, puisque 54 % du recrutement 2004 concernait les militaires du rang et, d’après les premières estimations dont nous disposons, ces chiffres doivent être encore supérieurs pour 2005.

Avec l’installation progressive de la réserve dans le paysage, les objectifs fixés sont de plus en plus facilement atteints.

Quant au fichier national des réservistes - M. Hillmeyer l’a évoqué - les armées s’en préoccupent et nous sommes en train de le mettre en place. Nous devrions donc en disposer assez rapidement.

Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, le potentiel formidable que représente la réserve opérationnelle doit être davantage pris en compte par les armées, ce que font déjà la gendarmerie, le service de santé des armées et la marine. En revanche, l’armée de terre devrait mieux utiliser ces réservistes opérationnels. Elle pourrait leur destiner certains emplois, ce qui lui permettrait de répondre dans la durée à ses besoins. Il est, de plus, essentiel pour les réservistes de savoir suffisamment à l’avance qu’ils auront un emploi bien défini, qu’ils occuperont pendant un temps précis ; cela aiderait, enfin, les employeurs dans la gestion de leurs personnels.

Le président Teissier a évoqué l’éventualité de disposer d’une compagnie entièrement composée de réservistes opérationnels. Nous en reparlerons, mais je ne suis pas sûre que ce soit un réel souhait des réservistes eux-mêmes. Le contact entre les personnels d’active et les personnels de réserve est aussi source d’enrichissement réciproque ; il faut également tenir compte des spécialités des réservistes.

Le président Teissier, le rapporteur M. Léonard, M. Voisin et M. Dasseux, entre autres, ont évoqué la question de l’âge et se sont, dans l’ensemble, réjouis que la limite ait été relevée.

Certains se sont inquiétés des aptitudes physiques des militaires du rang. Outre le fait qu’à cinquante ans, pour peu que l’on sache s’entretenir, on est en pleine forme – vous en êtes, messieurs, de remarquables exemples (Sourires) – n’oublions pas qu’on leur demande souvent de remplir des fonctions techniques pour lesquelles les aptitudes physiques ne sont pas exactement celles que l’on peut exiger des commandos. J’ai bien noté que plusieurs d’entre vous, MM. Teissier, Léonard et Folliot, notamment, avaient souhaité que la limite d’âge pour la réserve citoyenne soit totalement supprimée. Je pense que cela peut être tout à fait possible – nous examinerons un amendement sur ce point – dans la mesure toutefois où un contrôle sera maintenu dans le cadre de la mission.

Vous avez abordé le thème des fonctions tenues par les réservistes. Je l’ai évoqué lorsque j’ai parlé de l’intérêt d’une meilleure prise en compte de certains postes pour les réservistes. Je note, par exemple, que le problème de la qualification judiciaire des gendarmes doit être réglé. De la même façon, à partir du moment où nous parlons des fonctions, la formation des réservistes pose effectivement un réel problème. C’est d’ailleurs une préoccupation constante des armées.

Pour M. Dasseux et M. Brunhes porter la formation à trente jours, n’est pas encore suffisant. Il est évident que l’on peut toujours faire mieux ; mais je constate que ce n’est pas une demande générale. Sans doute faudrait-il mieux cerner les besoins, en faisant une différence entre ceux qui ont servi dans les rangs de nos armées et ceux qui n’ont pas eu de contacts. Les préparations militaires sont également un facteur qui doit être pris en compte.

En tout cas, pour la première fois l’année dernière, des crédits ont été consacrés à cette formation : 3 millions d’euros, avec une augmentation en 2005.

Je suis, par ailleurs, concernant les fonctions, très sensible à tout ce qui a été dit sur l’interface civilo-militaire. Il s’agit en effet d’un rapprochement extrêmement important entre la réserve civile et la réserve militaire. Dans des situations de crise, qu’elles soient militaires ou qu’elles fassent suite à des catastrophes naturelles, nos armées sont toujours présentes et accomplissent un travail tout à fait remarquable. Or, comme M. Beaulieu, je trouve dommage qu’ensuite nous partions en laissant d’autres pays prendre le relais, veiller à la reconstruction et asseoir leur influence.

Je souhaite – je le dis très clairement devant la représentation nationale – que nous sachions assurer le « tuilage » du militaire vers le civil et qu’en nous appuyant sur la réserve opérationnelle et sur la réserve citoyenne – laquelle, dans ce cadre, peut devenir opérationnelle –, nous continuions notre action sous une forme civile, tant pour assurer la reconstruction matérielle que pour aider des entreprises ou des États, notamment en matière juridique.

M. Jean-Claude Viollet. Très bien !

M. Philippe Folliot. Tout à fait !

Mme la ministre de la défense. Ces actions représentent des éléments d’influence tout à fait considérables. En effet, pour celles de nos entreprises qui, dix ou vingt ans plus tard, s’installeront dans le pays qui aura retrouvé une situation normale, il ne sera pas indifférent que les règles de droit soient d’origine anglo-saxonne, parce que des coopérants de ces pays auront influencé l’État concerné, ou qu’elles soient proches des normes françaises. Nous devons donc utiliser cette nouvelle structure de la réserve pour répondre à ce besoin.

M. Philippe Folliot. C’est très juste !

M. Jean-Claude Beaulieu. Très bien !

Mme la ministre de la défense. En ce qui concerne les relations avec les entreprises – et je n’entrerai pas dans le détail, car nous le ferons lors de l’examen des amendements – MM. Teissier, Dasseux, Léonard et Bernier, qui n’avait d’ailleurs pas tout à fait la même position, ont notamment évoqué la possibilité d’un contrat tripartite entre les entreprises, l’État et les salariés. En la matière, il ne faut, sans doute, pas avoir de position figée.

Il est évident que, pour une grande entreprise – et je ne parle pas des entreprises d’État – recruter des réservistes ne soulève pas de problème. Cela représente davantage de difficultés pour les PME et PMI, surtout lorsque le réserviste est un spécialiste qui, souvent, intéresse l’armée.

Bien entendu, nous essaierons, monsieur Brunhes, de donner des incitations. Le crédit d’impôt pour les entreprises est une incitation forte de même que tout ce qui pourra être fait en matière d’intelligence économique, car cela peut permettre aux entreprises de connaître les domaines intéressants pour elles dans un pays que nous avons aidé à sortir d’une crise.

Cela dit, prenons garde, en cherchant à mieux protéger les réservistes, de ne pas aboutir à la situation inverse. Il ne faudrait pas que les PME et PMI, en difficulté, soient tentées de refuser d’embaucher un réserviste. J’ai rencontré exactement le même problème, comme ministre de la jeunesse et des sports, à propos des salariés qui étaient parallèlement bénévoles dans des clubs. Nous en discuterons lors de l’examen de l’amendement déposé à ce sujet. Nous devons bien prendre en compte les besoins des uns et des autres pour ne pas risquer cet effet négatif. M. Teissier et M. Viollet, entre autres, m’ont également interrogée sur la nature du crédit d’impôt. Il serait de 25 % sur les sommes versées par l’entreprise pour éviter notamment une trop grande différence entre le salaire et la solde. Le fait que l’entreprise continue à verser le salaire représente un avantage pour le réserviste. C’est ce sur quoi jouerait ce crédit d’impôt.

Le dernier thème que vous avez été nombreux à évoquer est la nécessité de la communication pour revitaliser l’adhésion à l’une ou l’autre réserve. À cet égard, je partage totalement le point de vue de MM Léonard, Brunhes et Cova.

Que ce soit pour la réserve citoyenne ou pour la réserve opérationnelle, il faut intéresser les jeunes, notamment ceux qui, en dehors de la JAPD, n’ont guère de contacts avec l’institution militaire, et les inciter à aller vers la réserve.

De gros progrès ont été accomplis depuis la mise en œuvre de la nouvelle JAPD il y a dix-huit mois. Les différents modules ont été renouvelés et élargis, et nous essayons de multiplier les contacts. Je souhaite que les JAPD aient lieu le plus possible en milieu militaire et que les jeunes puissent approcher le matériel militaire. Ce n’est pas toujours facile, ne serait-ce que parce que nous n’avons plus de régiments ou de bases sur la totalité du territoire national. Néanmoins les sondages que nous réalisons souvent au ministère de la défense montrent que le taux de satisfaction est de 84 % depuis la mise en place de la nouvelle JAPD. Cela ne veut pas dire qu’il faut s’en contenter, mais cela ne signifie pas non plus qu’on ne peut pas améliorer les choses.

Ainsi que certains d’entre vous le savent, j’aurais souhaité allonger la JAPD à deux ou trois jours, mais cela pose des problèmes aux armées puisque nous n’avons plus les éléments d’encadrement nécessaires, nous n’avons même plus les éléments d’accueil. C’est la raison pour laquelle j’ai fait savoir très concrètement à un certain nombre de collectivités territoriales que j’étais prête à mener des expérimentations en partenariat avec elles. Il faut en effet des dortoirs pour faire dormir les jeunes et des personnels pour les nourrir le soir. Si des collectivités sont intéressées, je suis prête à l’envisager et à mettre en place un programme qui permettrait d’avoir un contact direct avec les militaires.

Le conseil supérieur de la réserve militaire joue un rôle essentiel. Nous avons effectivement supprimé certaines dispositions, monsieur Brunhes, par souci de clarification juridique, car il y a le domaine de la loi et le domaine du règlement. Or je tiens à ce que les textes relatifs à la défense soient exemplaires sur le plan juridique ; mais j’ai bien l’intention de maintenir les dispositions en cause au niveau réglementaire.

Enfin, je souhaite que les associations soient reconnues et puissent agir ; les amendements que nous examinerons dans quelques instants y contribueront sans doute. Elles permettent en effet de régler un certain nombre de problèmes, comme le port d’uniforme, monsieur Cova, mais ce n’est pas du domaine législatif.

Il convient également de revoir d’autres textes. Cela fait également partie de l’effort de communication.

M. Charles Cova. Merci !

Mme la ministre de la défense. Je n’ai sans doute pas répondu à toutes vos questions, mais l’examen des amendements me permettra de répondre davantage dans le détail à chacun d’entre vous. Si j’ai oublié certains éléments, je compte sur vous pour les évoquer à nouveau.

Pour terminer, je vous remercie encore une fois, messieurs les députés, de la façon dont vous avez abordé cette discussion et de la tenue que vous lui avez donnée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe socialiste.)

(M. Jean-Luc Warsmann remplace M. René Dosière au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. Nous passons à l’examen des articles.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. À l’article 1er, je suis d’abord saisi de l’amendement n° 11.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Mme la ministre a terminé son intervention en évoquant le rôle des associations.

Dans l’article 1er, il n’est plus question des associations et des entreprises, ce qu’on peut comprendre d’ailleurs puisque le 2° ne concernait que la réserve citoyenne. Or nous tenons à ce que les associations de réservistes, mais également d’anciens militaires, conservent un rôle primordial.

Ne pouvant pas les mentionner dans n’importe quel article, nous avons pris la décision de le faire dès l’article 1er, en reprenant une partie du texte de 1999, en ajoutant qu’elles peuvent bénéficier du soutien de la nation, et que la reconnaissance de celle-ci peut s’exprimer par l’attribution de la qualité de « partenaire de la réserve citoyenne », pour une durée déterminée.

Je crois qu’il était important de reconnaître dans la loi et pas seulement au niveau réglementaire le rôle des associations de réservistes. On ne peut parler de réserve citoyenne, de lien entre armée et nation, et les ignorer dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Sur le fond, j’y suis favorable. Il est tout à fait légitime que les associations puissent compter sur le soutien des armées quand elles sont engagées dans des actions agréées par l’autorité militaire.

Sur la forme, je me demande si cet amendement ne serait pas mieux placé après le 2° de l’article. On regrouperait ainsi le tout. Il me semble que ce serait plus élégant.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission avait envisagé de replacer ces dispositions après le 2°, mais il nous a paru plus cohérent de les mettre au début de l’article.

Mme la ministre de la défense. Il me semble que ce serait plus clair de les placer à la fin. Elles feraient tout de même partie de l’article 1er.

M. le président. Laissons peut-être un peu de travail au Sénat, madame la ministre !

Mme la ministre de la défense. C’est la commission qui est à l’origine de cet amendement.

M. le président. Que faites-vous, monsieur le rapporteur ? Déplacez-vous l’amendement ou le laissez-vous en l’état ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission tient à ce que les associations soient évoquées dans le texte qui sortira de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Je crois que nous ne nous sommes pas compris. J’accepte le texte de l’amendement. Je demandais simplement qu’il soit placé après le 2° plutôt qu’au début de l’article, mais toujours dans l’article 1er bien entendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Nous ne voulions pas donner l’impression qu’on agglomère tout dans la réserve citoyenne. Les associations de réservistes ne sont pas expressément membres de la réserve citoyenne même si elles peuvent être labellisées. On risquait de maintenir une confusion. Si l’on considère aujourd’hui que les associations de réservistes sont, de fait, membres de la réserve citoyenne, d’accord. Dans ce cadre-là, on a une cohérence.

M. le président. Quelle est donc la position de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission se rallie à la proposition de Mme la ministre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Cet amendement a été signé non seulement par le rapporteur et par le président de la commission, mais également par Michel Dasseux et moi-même au nom du groupe socialiste.

Ce qui nous semble effectivement important, madame la ministre, c’est que la défense s’enracine au plus profond du tissu social. Or la réalité du tissu social est, entre autres, assurée par les associations.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Jean-Claude Viollet. Je me rallie donc à la proposition que vous avez faite.

Les entreprises, elles, sont évoquées dans un article que nous examinerons ultérieurement. S’agissant des associations, on parle des associations de réservistes, de celles d’anciens militaires, mais aussi de toutes celles dont les activités contribuent à la promotion de la défense nationale. C’est une terminologie suffisamment large pour rassembler tous ceux qui contribuent à la construction de l’esprit de défense dans ce pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vitel. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je veux formuler deux remarques.

La première porte sur le fond ; elle est toute simple. J’avais demandé dans mon intervention pourquoi on avait fait disparaître du texte toute référence au rôle joué par les associations de réservistes alors que chacun sait qu’elles contribuent fortement au lien entre l’armée et la nation, ainsi qu’à la promotion de la défense nationale. Nous sommes donc tout à fait favorables à cet amendement.

Quant à la place de l’amendement, monsieur le président, vous interrogez le rapporteur mais je vous fais respectueusement remarquer qu’il n’est autorisé à rapporter que l’avis de la commission. Il ne peut pas en inventer un en séance sur la base de sa décision personnelle.

Nous avons le temps : il y aura une lecture au Sénat, puis une deuxième lecture. N’improvisons pas des textes législatifs, d’autant que la place d’une disposition peut avoir de l’importance. J’ai bien entendu les propos tant du rapporteur que de Mme la ministre. Je propose que nous en restions à ce qu’avait décidé la commission de la défense. Nous verrons après s’il faut peigner le texte ou l’améliorer ou s’il faut placer l’amendement ailleurs. Nous avons le temps ; nous sommes en première lecture.

M. le président. Selon une pratique constante, le rapporteur a toute capacité pour apprécier le mandat de la commission, donc rectifier un amendement s’il le souhaite.

M. Jacques Brunhes. Ce n’est pas exact ! Le rapporteur rapporte. S’il rapporte à titre personnel il n’est plus dans son rôle de rapporteur.

M. le président. Si, le rapporteur a tout à fait cette compétence !

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Je comprends très bien le souci de M. Brunhes, et je ne vois pas pourquoi je modifierais l’amendement que j’ai présenté, aussi bien sur le fond que sur la forme.

Nous avons réussi à faire la synthèse de l’ensemble des amendements proposés en commission, et le but essentiel de cet amendement est non pas de placer à un endroit ou à un autre les dispositions relatives aux associations, mais de défendre ces dernières. Si Mme la ministre nous proposait de changer la rédaction, nous n’accepterions pas, mais que notre texte soit placé au tout début de l’article ou bien après le 2°, à condition qu’il soit bien clair qu’il ne fait pas partie seulement du 2° mais qu’il constitue un complément à l’article, ne change absolument pas le fond. Je crois au contraire qu’on lui donne une place prépondérante en ne le noyant pas dans la première phrase. L’important est qu’il soit dans l’article 1er.

On ne change pas le sens de ce que nous avons décidé en commission et, dans ces conditions, je crois qu’accepter une telle rectification fait partie du mandat du rapporteur.

M. le président. Nous avons maintenant un amendement n° 11 rectifié, qui commence ainsi :

« Compléter l’article 1er par les trois alinéas suivants :

« d) Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les réservistes et leurs associations… », le reste du texte étant inchangé.

Je mets aux voix l’amendement n° 11 ainsi rectifié.

(L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n°12.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Les attentats qui ont ensanglanté plusieurs grandes démocraties confirment la menace terroriste qui plane sur notre pays. Il a semblé important à la commission de rappeler, même pour la forme, le rôle fondamental que jouent les réservistes dans la protection du territoire national.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Il s’agit déjà d’une réalité quotidienne pour la réserve. Je suis donc tout à fait favorable à ce que ce principe soit réaffirmé.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Là encore le vote est acquis à l’unanimité.

L’amendement n° 9 de M. Bruno Bourg-Broc est-il défendu ?

M. Charles Cova. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Si on peut comprendre les raisons qui ont guidé son auteur, cet amendement va à l’encontre d’un principe simple : seuls peuvent servir dans la réserve opérationnelle ceux qui ont signé un engagement, exception faite des anciens militaires placés en disponibilité.

Par ailleurs, les réservistes opérationnels, qui viennent à se trouver sans ESR pour une raison personnelle, peuvent demander à intégrer la réserve citoyenne, puis revenir dans la réserve opérationnelle en signant un nouvel ESR. L’adoption de cet amendement ne ferait qu’embrouiller une situation que nous nous efforçons de clarifier.

Enfin, on ne peut pas imposer une inscription dans la réserve opérationnelle. Un réserviste qui a achevé son contrat peut très bien ne pas souhaiter le renouveler.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Article 2

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Tel qu’il est rédigé le texte est ambigu car il pourrait sembler interdire aux anciens légionnaires de nationalité française d’entrer dans la réserve, ce qui serait tout de même un comble.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis favorable. Je remercie la commission de son aide.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié par l’amendement n° 13.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 14 portant article additionnel après l’article 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Le grade d’aspirant permettait d’assurer une liaison entre les différents grades ; c’était une passerelle pour celui qui aspirait à devenir officier et qui n’était déjà plus sous-officier. Il nous paraît très important, pour le fonctionnement de la réserve, que le grade d’aspirant soit réintroduit nommément dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis favorable. Je pense en effet que le rétablissement de ce grade permettra de vérifier l’aptitude des jeunes volontaires à tenir un poste d’officier et de rétablir la parité avec les grades existants dans l’armée d’active.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n°14.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été voté à l’unanimité.

Article 3

M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur l’article 3.

Je le mets aux voix.

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter amendement n° 15.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il est important de définir un partenariat avec les entreprises dont les salariés servent volontairement sous ESR.

Cette solution, reprise par plusieurs groupes de l’Assemblée, suppose de prendre quelques précautions, notamment d’apporter quelques définitions très précises quant à son application. Tel sera le cas après l’article 7.

Je vous propose donc d’associer cet amendement à un amendement portant article additionnel après l’article 7 qui détaillera les conditions dans lesquelles ces salariés seront susceptibles de servir leur entreprise, sur la base du volontariat et dans le cadre d’un ESR.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, je vous indique que je m’abstiens afin que vous n’annonciez pas que le vote est acquis à l’unanimité !

M. le président. Monsieur Brunhes, je ne le fais que lorsque toutes les mains se lèvent pour voter pour.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 16.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Je vous propose d’aborder à présent un sujet délicat.

Aujourd’hui comme hier, de nombreux réservistes vivent mal leur situation par rapport à leur employeur. Si de grandes entreprises, publiques ou privées, signent des conventions avec le ministère de la défense, tel n’est pas le cas des PME ou des très petites entreprises dans lesquelles un salarié qui s’engage dans la réserve n’est pas nécessairement bien vu.

Cet amendement vise donc à définir un véritable partenariat, une relation tripartite entre le réserviste, l’entreprise et les armées. Dans le même esprit que d’autres amendements que nous avons déposés, il s’agit de mettre en place un véritable partenariat gagnant-gagnant entre les trois composantes de la réserve.

Sans méconnaître certaines difficultés auxquelles il conviendra de répondre, cette volonté de nouer systématiquement un partenariat avec l’employeur serait une bonne chose.

La commission s’est donc prononcée à l’unanimité en faveur de ce contrat signé systématiquement par l’employeur du réserviste.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Guy Teissier, président de la commission. Si nous sommes toujours portés par la vague de la conscription, sa force s’affaiblit. Nous allons donc, d’ici peu, nous heurter à de grandes difficultés pour recruter des réservistes qui n’ont pas eu ce contact préalable avec l’armée.

Aujourd’hui, la grande majorité de ceux qui viennent servir sous les drapeaux, dans le cadre de la réserve, sont en effet des officiers ou des sous-officiers issus de la conscription. Il nous faudra donc faire prendre conscience aux jeunes gens et aux jeunes filles qu’ils peuvent être doublement citoyens : informaticiens, chauffeurs ou médecins et réservistes. Or, lorsque ces jeunes gens ou jeunes filles, conquis, auront signé un contrat, quelle ne sera pas leur désillusion de voir, malgré leur enthousiasme à servir la France, que leur employeur pourrait s’y opposer et leur demander de choisir entre la vie civile et l’armée !

Pour avoir été réserviste pendant vingt ans, je n’en ignore pas les abus : quand certains effectuent dix périodes de quinze jours par an, d’autres ont toutes les peines du monde à n’en effectuer qu’une et prennent sur leurs congés au détriment de leur épouse et de leurs enfants.

Madame la ministre, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Cela n’est pas compatible avec une armée professionnelle et une véritable réserve. Certains réservistes sont de véritables clandestins, obligés de cacher leur activité patriotique par peur d’être pénalisés ou sanctionnés par leur employeur qui repoussera d’un revers de main toute demande.

Il y a un hiatus entre ce que vous nous proposez, madame la ministre et ce que déclarait tout à l’heure l’un de nos collègues, qui se félicitait des contrats qui pourraient être signés par les entreprises avec le ministère de la défense nationale. J’y souscris totalement, mais pourquoi accepter l’accessoire et ne pas aller directement au principal ? Pourquoi ne pas établir une obligation à l’égard de toutes les entreprises ? Nous y gagnerions en transparence et en efficacité.

À quoi bon faire signer des contrats à des réservistes qui ne seraient pas libérés au moment où nous aurions besoin d’eux ? Sans parler des difficultés de la réserve hautement disponible ou réactive, comment certains spécialistes pourraient-ils rejoindre leurs unités dans les quarante-huit heures afin de partir immédiatement si leur employeur n’est même pas au courant qu’ils sont liés par un contrat de réserve active ? Et comment ce dernier pourra-t-il mettre en œuvre le crédit d’impôt – véritable innovation de cette loi – ou encore la formation professionnelle ?

Nous sommes donc toujours dans un système claudiquant. Les armées craignent que si nous obligeons les employeurs à entrer dans ce contrat tripartite, certains refusent d’embaucher. C’est un effet probable et je ne le mésestime pas. Il serait stupide de le rejeter d’un revers de main. Il s’agit d’un effet pervers et je mesure l’inquiétude qu’il peut véhiculer.

Il n’en reste pas moins vrai que nous devons innover et en finir avec les réservistes qui faisaient leur période pendant leur congé. Si certaines associations patronales, que je respecte, émettent quelques doutes sur la signature qu’elles pourraient mettre au bas d’un parchemin c’est qu’elles ne souhaitent pas libérer des salariés, quels qu’ils soient, pour les mettre à la disposition de l’armée si le besoin s’en faisait sentir.

Je peux comprendre les craintes de certains candidats à l’emploi qui risquent d’essuyer des refus, comme cela est le cas dans des pays où l’on doit dévoiler sa qualité de réserviste mais il y a probablement des possibilités de modulations.

Madame la ministre, au vu des discussions que nous avons et du large consensus qui prévaut, nous travaillons dans un esprit – et je le dis avec modestie – de franche rénovation, de rupture au sens le plus noble du terme avec des pratiques du passé, bien qu’elles aient eu leur vertu et ne soient pas condamnables. Mais si la loi n’est que le reflet des mœurs du temps, alors réformons au fond.

C’est pourquoi je vous invite à suivre les arguments défendus par notre rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Vous me permettrez, monsieur le président, de prendre le temps de répondre au président de la commission.

Je tiens d’abord à rappeler que le texte prévoit déjà que la clause de réactivité est soumise à l’accord de l’employeur. C’est donc un point acquis : en ce qui concerne la clause de réactivité, qui vise à satisfaire un besoin opérationnel, le contrat aura un caractère tripartite, et vous avez donc d’ores et déjà satisfaction.

J’attire d’ailleurs votre attention sur un point, messieurs les députés : si vous souhaitez un système qui contraigne toutes les entreprises françaises sans exception à accepter cette clause de réactivité, vous devrez en passer par la loi. Seule la loi peut en effet imposer une obligation générale, et dans ce cas la convention ne sert plus à rien.

En revanche, si nous restons dans un système contractuel, j’aimerais, messieurs les députés, que vous me disiez ce que nous faisons du réserviste – il y en a – qui ne veut pas faire connaître ses activités militaires, soit que l’ambiance de l’entreprise ne s’y prête pas, soit tout simplement parce qu’il considère que cet engagement relève de sa vie privée, et qui s’y consacre pendant ses congés. Quelle sera dans ses conditions la sanction de l’obligation que vous proposez ? Allons-nous lui dénier la possibilité de signer un ESR sous prétexte qu’il refuse de divulguer son existence à son employeur ? C’est un vrai problème.

Sans être opposée par principe, monsieur le président de la commission, à votre volonté d’avancer nettement sur cette question, je devais cependant vous faire part de ces réserves, que les entretiens que j’ai pu avoir dans le cadre de la préparation de ce projet de loi m’ont fait connaître. Elles étaient d’ailleurs peut-être moins le fait des employeurs que des réservistes eux-mêmes, notamment de ceux qui travaillent dans de petites et moyennes entreprises, car ce sont eux qui sont le plus exposés à la précarité.

C’est pourquoi je propose à la commission que nous expérimentions ce dispositif dans les entreprises publiques. Ce choix correspondrait à ma conviction profonde qu’il serait anormal qu’une entreprise publique s’oppose de quelque façon à la volonté de servir d’un de ses salariés. Néanmoins il reste quand même beaucoup de points d’interrogation.

Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée pour choisir la solution qui lui paraîtra la plus sage, mais je tenais à souligner la gravité de la décision que vous serez amenés à prendre. Si j’ai été un peu longue, je vous demande de m’en excuser.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Je pense moi aussi que ce sujet mérite qu’on s’y attarde un peu. Nous avons d’ailleurs déjà eu un débat relativement long sur ce sujet en commission.

Nous devons clarifier les termes du débat.

De notre point de vue, l’engagement à servir dans la réserve est un engagement individuel, qui relève de la sphère privée. Comme vous venez de le rappeler, madame la ministre, cette conviction est partagée par certains réservistes. Il en va différemment dans le cas où une convention a été conclue entre le ministère de la défense et l’entreprise concernée.

Reste à éclaircir la nature du lien entre le réserviste et son employeur. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé que le ministère de la défense tienne à la disposition des employeurs un contrat type de travail ou un avenant présentant l'ensemble des droits et devoirs de l'employeur et du salarié réserviste. Cela permettrait au réserviste, comme à l’entreprise, de mieux gérer ces absences. Un tel choix aurait l’avantage de ne pas mélanger les genres, et de bien distinguer ces trois liens : l’ESR, qui lie le réserviste au ministère de la défense, la convention réserve, qui lie l’entreprise à la défense, et, le cas échéant, un contrat type, qui garantisse les intérêts du réserviste, ceux de la défense et ceux de l’entreprise. Cette solution respecte donc les trois piliers de la réserve nouvelle.

Cette solution, que nous avons déjà évoquée en commission, mérite que nous continuons à y travailler. Je doute en revanche, comme je l’ai souligné en commission, de la sûreté juridique du dispositif proposé par l’amendement.

Le rapport de l'observatoire social de la défense publié en mai 2005 fait d'ailleurs apparaître que seulement 15 % des réservistes effectuent leur période sur leur temps de travail, contre 48 % qui ne le font jamais. Cela est deux fois plus fréquent dans le secteur privé que dans le secteur public. D’aucuns ont d’ailleurs, à ce propos, rendu hommage à la réduction du temps de travail ; c’est un fait assez rare sur ces bancs pour mériter d’être souligné. Enfin 37 % des réservistes effectuent leur période en partie sur leur temps de travail et en partie sur leurs congés.

En outre quid des sans-emploi dans un tel dispositif ? Quid de l’éventualité d’un changement d’employeur ou de poste, ? De tels changements sont-ils susceptibles de remettre en cause la validité de l’ESR ? La responsabilité de l’employeur est-elle moindre ? Et il y a bien d’autres questions.

Voilà pourquoi nous devons continuons à chercher le système qui tiendra compte de la façon la plus intelligente de ces trois piliers : réserviste, défense et entreprise. En la matière, madame la ministre, le conseil supérieur de la réserve militaire, en particulier le secrétariat général du CSRM, peut jouer le rôle essentiel de coordination qu’il a déjà tenu à de nombreuses reprises.

Nous reconnaissons tous, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, qu’il y a de vraies difficultés, mais il ne faudrait pas y apporter des solutions plus mauvaises encore, alors que nous avons l’occasion de réaliser des avancées positives, et de faire œuvre utile en construisant la réserve de demain.

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, puis je suspendrai la séance quelques instants.

M. Marc Bernier. Je ne veux pas répéter ce que j’ai dit au cours de la discussion générale, d’autant que j’approuve vos propos, madame la ministre, ainsi que ceux de M. Viollet.

Je veux simplement souligner que la taille de l’entreprise n’est pas indifférente. Si une entreprise de plus de cent salariés, a fortiori une entreprise publique, peut plus facilement signer ce contrat, il faut se mettre à la place du dirigeant d’une petite entreprise : celui-ci sera peut-être moins enclin à embaucher un jeune qui aura signé un ESR pendant ses études. Sans aller jusqu’à parler de « réservistes clandestins », comme vous l’avez fait, monsieur le président de la commission, il est évident qu’il pourrait souffrir d’une espèce de discrimination à l’embauche. C’est pourquoi le dispositif proposé par l’amendement devrait tenir compte de l’importance de l’entreprise.

En outre, comme l’a montré le rapport de l’observatoire social de la défense, déjà évoqué, la plupart des réservistes effectuent volontairement leur période pendant leurs congés.

M. Guy Teissier, président de la commission. Ils ne peuvent pas faire autrement !

M. Marc Bernier. Je sais, même si je ne fais pas partie de la commission défense, qu’on ne le leur impose pas. Un grand nombre des représentants des entreprises et des réservistes avec lesquels j’ai eu l’occasion de m’entretenir à titre personnel m’ont fait part de leurs réserves à l’endroit de cet amendement.

C’est pourquoi je m’autorise à proposer cette solution de sagesse : il conviendrait d’expérimenter ce dispositif dans le cadre, beaucoup plus favorable, des entreprises publiques, et de le moduler selon la taille des entreprises. On pourrait imaginer un système de seuil, même si on connaît le danger des effets de seuil. Quoi qu’il en soit il faut tenir compte des intérêts des petites entreprises, tout autant que de la volonté de ceux qui veulent s’engager dans la réserve.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Monsieur le président, cet amendement a fait l’objet d’un vrai débat. Le président Teissier a insisté à très juste titre sur la nécessité d’institutionnaliser la réserve et sur le statut du réserviste vis-à-vis de son employeur. Plusieurs rapports ont d’ailleurs fait apparaître les carences de l’administration à cet égard. Il convient donc de multiplier les conventions avec les entreprises. Les analyses de M. Viollet comme celles du président Teissier ou de Mme la ministre ont fait apparaître que la culture française n’est peut-être pas encore mûre pour cette institutionnalisation, dont nous sommes pourtant conscients de la nécessité.

Peut-être toutes les difficultés n’ont-elles pas encore été inventoriées et il reste sans doute du travail : il convient de simplifier, et non de compliquer. Madame la ministre, la commission est prête à retirer l’amendement n° 16 si vous vous engagez à multiplier les conventions avec les entreprises, notamment publiques, et à rappeler aux administrations qu’elles doivent avoir un rôle moteur dans ce domaine.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Nous avons tous la volonté d’institutionnaliser la réserve, afin qu’elle puisse fonctionner le mieux possible. Les incitations que prévoit déjà le texte nous permettront d’avancer. Je suis donc tout à fait prête à m’engager dans une action personnelle pour multiplier les conventions.

Je vous propose même, monsieur le président de la commission, que nous fassions systématiquement le point chaque année, à l’occasion par exemple de l’examen du budget par la commission, pour savoir combien de conventions ont été conclues, et avec qui. Si les progrès n’étaient pas assez rapides, l’Assemblée aurait la possibilité d’être plus contraignante.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Compte tenu des engagements que vient de prendre Mme la ministre, en qui nous avons toute confiance parce qu’elle ne nous a pas déçus jusqu’ici, nous retirons l’amendement n° 16.

M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.

J’en viens donc à l’amendement n° 38.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour le défendre.

M. Jean-Claude Viollet. Pour ce qui concerne le point qui vient d’être évoqué, nous sommes disposés à œuvrer, avec l’ensemble de l’Assemblée, pour faire avancer ce dossier important.

L’amendement n° 38 vise à ouvrir le plus largement possible les formations au sein de la défense non seulement aux cadres réservistes des entreprises, mais aussi aux chefs d’entreprises. Outre l’intelligence économique, dont vous avez évoqué l’importance aujourd’hui prépondérante et à propos de laquelle l’IHEDN a déjà engagé des actions avec les entreprises et le secteur économique, d’autres formations seraient utiles. Elles pourraient notamment porter sur l’organisation, la programmation ou le management, domaines dans lesquels la défense excelle. Si je crois à la loi, je crois aussi au contrat : la construction de partenariats avec les entreprises devrait conduire à intensifier ces échanges d’expérience entre les entreprises et la défense.

L’amendement n° 16 est, à cet égard, un amendement d’appel. Nous souhaiterions certes qu’il soit retenu, mais c’est surtout le fond qui compte car ces échanges sont le gage d’un meilleur partenariat, donc d’une réussite de la réserve.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission de la défense a relevé le bon sens de cet amendement : on ne peut affirmer que les entrepreneurs sont des partenaires, voire labelliser des entreprises, tout en refusant de telles dispositions. La mesure proposée est cependant de nature plus réglementaire que législative et des pratiques existent déjà en la matière, comme les sessions régionales organisées par l’IHEDN à l’intention des entreprises et de la société civile.

La commission, bien qu’elle soit tentée de donner un avis favorable, ne voit pas la nécessité d’inscrire cette disposition dans la loi. Elle s’en remettra donc à l’avis de Mme la ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. La position du Gouvernement est proche de celle de la commission.

La mesure que vous proposez, monsieur Viollet, est d’un intérêt certain et correspond tout à la fois à notre philosophie et à notre volonté d’action. La convention type prévoit d’ailleurs, outre le stage d’intelligence économique proposé aux employeurs, d’autres mesures, et les domaines que vous évoquez font partie des centres d’intérêt que peuvent avoir ces derniers.

Cependant, inscrire cette disposition dans la loi aurait un effet restrictif, car il serait impossible d’aller au-delà des dispositions énoncées. Mieux vaut donc laisser cette disposition dans le domaine réglementaire. Je n’en tiens pas moins à affirmer mon engagement d’ouvrir très largement ces formations aux employeurs. Nous y avons d’ailleurs tout intérêt, car c’est encore une manière de les intéresser à la réserve et de susciter de leur part une attitude positive.

Pour une raison purement juridique donc, et nullement liée au fond, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 16.

M. le président. Monsieur Viollet, accédez-vous à cette demande ?

M. Jean-Claude Viollet. J’ai tenu à préciser clairement d’emblée qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. La réponse de Mme la ministre me satisfait. Nous restons à votre disposition pour agir en faveur du développement de ces mesures, compte tenu des relations que nous pouvons avoir tant avec la défense qu’avec divers secteurs économiques susceptibles d’être intéressés par cette démarche qui va dans le sens de l’intérêt général.

M. le président. L’amendement n° 38 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 15.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, si vous en êtes d’accord, nous poursuivrons la séance jusqu’au terme de l’examen de ce projet de loi. (Assentiment.)

Après l’article 4

M. le président. Après l’article 4, je suis saisi de l’amendement n° 33 portant article additionnel.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Viollet. L’amendement n° 33 tend à souligner le lien, déjà évoqué, avec les affaires civilo-militaires. Pour préciser ce point, il souligne la double nécessité de l’accord du commandement et du contrôle d’une autorité en charge des actions civilo-militaires.

De telles situations existent déjà, mais il importe que ces dispositions soient inscrites dans la loi ou, à tout le moins, évoquées lors de la discussion du texte. Notre débat ne doit éluder aucune des questions qui se posent et nous devons trouver des solutions qui nous permettent d’avancer. C’est notamment pourquoi la rédaction de cet amendement prévoit également un compte rendu circonstancié adressé sous la forme réglementaire à l’autorité en charge des autorités civilo-militaires.

Comme l’a justement souligné Mme la ministre, les enjeux sont d’importance. Le rayonnement de notre pays ne doit pas être handicapé par le fait que ces enjeux ne sont pas pris en compte à un niveau suffisant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. L’amendement n° 33 est certes justifié sur le fond ; la commission a d’ailleurs proposé tout à l’heure un amendement à l’article 4 qui prévoyait de donner aux entreprises la possibilité d’employer des réservistes sous contrat ESR, avec des dispositions qui seront précisées après l’article 7. Malheureusement, la disposition proposée est très incomplète et ne fixe aucun garde-fou, notamment en matière de tutelle hiérarchique. La commission a donc considéré que cet amendement était trop vague et n’a pas pu l’adopter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Je me suis exprimée tout à l’heure – et plus clairement que jamais dans cet hémicycle, me semble-t-il – sur cette question. Je partage l’avis de la commission, même si je considère, comme elle, que l’amendement est justifié sur le fond. J’ai l’intention, une fois la loi votée, de rédiger une instruction interne au ministère de la défense sur la mise en œuvre de ces mesures.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Comme pour l’article 15 qui vient d’être adopté et d’autres articles que nous examinerons tout à l’heure, il s’agit ici d’allier les interventions des entreprises aux opérations extérieures.

Je n’ai pas d’objection de fond à cet égard, car d’autres pays procèdent de la même façon. Il me semble cependant souhaitable de poser des garde-fous.

Par ailleurs, en cas d’OPEX menée dans le cadre de l’ONU – ce qui arrive souvent, et ce que nous souhaitons d’ailleurs être le cas le plus fréquent – ne se poserait-il pas un problème de déontologie ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Guy Teissier, président de la commission. Juste un mot pour préciser à notre collègue jacques Brunhes que notre souci commun, c’est, bien sûr, le civilo-militaire stricto sensu. Il a raison de souligner que d’autres pays ne se privent pas de ce genre de prospection.

M. Michel Voisin. Rien au contraire !

M. Guy Teissier, président de la commission. J’ai ainsi le souvenir un peu douloureux d’avoir vu, lors de la première guerre d’Irak, des images de nos soldats qui déminaient pendant que ceux d’autres armées faisaient signer des contrats. C’était assez pénible pour les nôtres.

M. Jacques Brunhes. C’est bien pourquoi je m’interroge.

M. Guy Teissier, président de la commission. Aujourd’hui nous parlons surtout de la possibilité pour des cadres ou des techniciens, notamment des entreprises d’armement, qui servent des équipements extrêmement sophistiqués, de pouvoir être sur le terrain dans le cadre d’un ESR. C’est cela aussi l’esprit du texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Nous retirons l’amendement, compte tenu des engagements de madame la ministre, mais je tiens à préciser une nouvelle fois que cette question ne concerne pas seulement l’industrie d’armement. Quand un de nos militaires fait une étude sur un service d’urgence médical et qu’on s’aperçoit, quelque temps après, que les ambulances ont été vendues par un pays ami, et la téléphonie par un autre pays ami, etc, on peut penser que le rayonnement et les intérêts de la France méritent mieux.

Si les directives que vous allez donner permettent d’aller dans ce sens, madame la ministre, nous aurons bien évidemment satisfaction, mais il y a urgence. Cette affaire traîne depuis l’ordonnance de 1959 ! Dans les débats de l’époque, on disait que la France faisait souvent le travail le plus ingrat, mais qu’on avait du mal à assurer sa présence.

M. Michel Voisin. Sarajevo !

M. Jean-Claude Viollet. Il est peut-être temps d’assurer la présence de la France.

M. le président. L’amendement n° 33 est retiré.

Article 5

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Yves Fromion. Cet amendement, qui est presque de sémantique, vise à modifier la formulation du futur article 8-1.

Celui-ci évoque les limites d’âge des réservistes et laisse penser que lorsqu’on parle de « l’aptitude requise » pour servir dans la réserve opérationnelle, on fait référence essentiellement à l’aptitude physique liée à l’âge. Or chacun sait que ce qui doit être pris en compte pour qu’un réserviste puisse intervenir dans le domaine de la réserve opérationnelle, c’est aussi, plus généralement, l’aptitude opérationnelle, les capacités professionnelles du réserviste, même si les deux mots ne vont pas forcément bien ensemble. C’est pourquoi je propose de préciser que le réserviste doit posséder l’ensemble des aptitudes requises, ce qui couvre plus largement l’éventail de ce qu’il doit apporter à la réserve.

Je termine en disant que cette formulation permettrait au réserviste de faire la démonstration à son employeur qu’il doit non seulement partir de temps en temps faire une période, mais qu’il a aussi l’obligation de s’entraîner de façon à avoir l’aptitude professionnelle requise. Il s’agit de renforcer la capacité des réservistes à faire leur travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié par l’amendement n° 1.

(L’article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements sur l’article 6.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour présenter l’amendement n° 35.

M. Jean-Claude Viollet. Il s’agit d’un amendement d’appel.

Parce que des propositions fiscales ou en matière de crédit formation continue ont été faites aux entreprises et que chacun doit jouer gagnant-gagnant, sans doute est-il nécessaire d’organiser des contreparties du point de vue de la disponibilité des réservistes, certes, dans le cadre de négociations avec le chef d’entreprise. L’amendement vise ainsi à créer un véritable droit à la réserve en disposant que les trente premiers jours d’ESR, et non les cinq premiers, sont de droit. Au-delà, l’employeur pourrait émettre un refus motivé. Évidemment tout cela se négocie, en termes de réactivité.

Je reviens à mon triptyque : entre l’ESR, la convention réserve et, éventuellement, le contrat-type qui pourrait lier le salarié à son entreprise, ce qui nous importe, c’est que nous soyons bien dans une logique gagnant-gagnant. S’il y a des avancées pour les entreprises, la défense doit aussi y trouver son compte en termes de disponibilité du réserviste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission a été très surprise par cet amendement car je rappelle que, pendant le débat sur le texte de 1999, avait été discuté le choix entre cinq et dix jours pour les périodes de réserve de droit. La durée de dix jours avait déjà paru considérable et aller au-delà sans l’accord de l’employeur n’avait pas paru possible. Alors dépasser les trente jours reviendrait pour nous à supprimer tous les avantages que nous sommes en train de mettre en place pour motiver la société civile à libérer les réservistes. La commission a donc maintenu à cinq jours la période de droit et n’a pas suivi M. Viollet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis défavorable. Ce qui est important, ce sont toutes les conventions que l’on va passer.

M. Jean-Claude Viollet. C’est vrai !

Mme la ministre de la défense. C’est dans le cadre de ces conventions, à partir du moment où nous apportons des avantages aux employeurs, que nous serons à même de demander une augmentation de la durée des services dans la réserve. Je pense donc qu’il vaut mieux rester aujourd’hui dans un système conventionnel.

M. Jean-Claude Viollet. Tout à fait !

M. le président. Monsieur Viollet, au regard de ces explications, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Claude Viollet. Je retire l’amendement dont j’avais d’emblée précisé qu’il était d’appel, puisque j’ai moi-même défendu la notion de contrat.

M. le président. L’amendement n° 35 est retiré.

Nous en venons donc à l’amendement n° 19.

La parole à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Cet amendement est très important puisqu’il propose à l’employeur une compensation dans un cadre conventionnel, là encore tripartite, entre l’employeur, le réserviste et les armées. Il s’agit de considérer désormais les ESR comme de véritables stages de formation, pas forcément techniques d’ailleurs, mais aussi de formation au commandement.

En effet un stage commando ou un stage d’état-major est une formation : formation à la gestion de crise, au commandement, au management. Aujourd’hui, la réserve n’est donc plus un joyeux passe-temps comme on pouvait la considérer par le passé. Ces conventions pourront d’ailleurs être également passées avec des centres de formation agréés, comme le font les entreprises.

Il y a donc intérêt à apporter une compensation – au-delà du crédit d’impôt qui n’est pas toujours facile à utiliser – aux entreprises qui libèrent leur personnel pour participer à ces ESR, en leur donnant la possibilité de déduire de leur participation à la formation professionnelle le coût réel de ces stages.

Par ailleurs, nous cherchions comment les entreprises pourraient compenser à moindre frais les pertes de salaires afin de motiver les réservistes à rejoindre les ESR. Nous avons là une excellente occasion puisque, par le biais de la formation, le chef d’entreprise pourra récupérer le complément de salaire qu’il aura versé à son réserviste.

Cette disposition va totalement dans le sens de ce qu’a proposé Mme la ministre et que nous avions initialement préconisée dans notre rapport de 2004.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis très favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 18 et 39, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 18.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La loi de 1999 faisait, bien sûr, référence aux associations, mais également aux entreprises ou aux organismes qui, par des conventions avec le ministre chargé des armées, favorisaient la mise en œuvre de la législation relative à la réserve militaire. Ils recevaient le label de partenaire de la défense. Nous proposons de rétablir à une place plus cohérente l’alinéa créant ce label, qui a été supprimé par le projet de loi alors qu’il peut motiver des entreprises, comme l’a souligné Mme la ministre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour soutenir l’amendement n° 39, qui est quasiment identique.

M. Jean-Claude Viollet. Ces deux amendements procèdent du même esprit. L’important est que la notion de partenariat retrouve place dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?

Mme la ministre de la défense. Aucune objection. Je ne sais auquel des deux être la plus favorable puisqu’ils sont très semblables.

M. le président. L’amendement n° 18 a une portée un peu plus large, madame la ministre, que l’amendement n° 39 : le premier se rapporte à « la mise en œuvre de la législation relative à la réserve militaire », le second, à « la mise en œuvre de la présente loi ».

M. Jean-Claude Viollet. Nous nous rallions à l’amendement de la commission, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon, pour présenter l’amendement n° 30 de M. Bourg-Broc.

M. Jean-Yves Hugon. Notre collègue Bruno Bourg-Broc m’a demandé de défendre cet amendement.

En cas de désaccord entre l’employeur et le réserviste, il s’agirait de confier à une tierce personne la charge de susciter une réconciliation dans l’intérêt des bonnes relations entre l’employeur, le réserviste et l’institution militaire.

L’article 10 de la loi du 22 octobre 1999 serait donc complété par l’alinéa suivant : « En cas de désaccord entre l’employeur et le réserviste, le litige est soumis à un organisme de conciliation organisé et régi par décret en Conseil d’État. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Avis défavorable. Aujourd’hui, monsieur Hugon, le conseil supérieur de la réserve militaire a déjà cette vocation. Vouloir la lui enlever, comme – on le verra par la suite – vouloir lui en enlever d’autres, reviendrait à le vider de sa substance et à créer tout autour de lui d’autres organismes jusqu’à aboutir à une usine à gaz. Il y a les cellules régionales « réserve entreprise » qui sont chargées de promouvoir la réserve militaire auprès des entreprises, mais qui doivent également en préciser les limites. Les DMD sont un peu là aussi pour ça. Cet amendement est presque un peu pervers compte tenu de la force que nous voulons donner au CSRM.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. L’argumentation de M. le rapporteur me semble tout à fait justifiée. Je pense donc que M. Bourg-Broc ne m’en voudra pas de retirer l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.

Je mets aux voix l’article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 6.

La parole est à M. Michel Dasseux, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Michel Dasseux. L’amendement vise à élargir la clause de mieux-disance inscrite à l’article 53 du code des marchés publics par la prise en compte des performances en matière de soutien à la réserve militaire pour l’entreprise qui soumissionne, mais je sais que c’est un peu délicat.

M. Marc Bernier. Beaucoup !

M. Charles Cova. Très délicat !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. « Délicat » est un euphémisme, monsieur Dasseux.

M. Charles Cova. C’est à la limite de la clause préférentielle !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Je vous rappelle qu’aujourd’hui, les marchés d’armement sont internationaux, sauf pour quelques PME très spécialisées dans telle ou telle pièce détachée, mais on ne sait pas trop les gérer et elles ne font pas partie des grands marchés d’armements.

De plus, il faut savoir que, depuis le 21 novembre dernier, les marchés d’armement doivent répondre aux critères du code de bonne conduite européen, ce qui veut dire que chaque marché doit être soumis à Bruxelles parce qu’il est de niveau européen.

On ne voit donc pas comment il serait possible d’intégrer la mesure proposée par cet amendement dans l’article 53 alors que les marchés sont européens. L’avis de la commission est hautement défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Monsieur Dasseux, l’idée est certes séduisante, mais, comme l’a souligné le rapporteur, elle se heurte à toute une série d’obstacles juridiques qui la rendent inacceptables.

M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux. Je souligne que l’amendement ne concerne pas que les marchés d’armement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Les problèmes juridiques que j’évoquais dépassent, monsieur Dasseux, les problèmes d’armement. D’ailleurs, les règlements communautaires ne sont pas moins stricts quand il ne s’agit pas d’armement, bien au contraire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet pour présenter l’amendement n° 36.

M. Jean-Claude Viollet. Cet amendement concerne l’utilisation optimale de la réserve dans les opérations qui suivent les conflits ; il prolonge celui qui a trait aux organisations civilo-militaires.

L’engagement de Mme la ministre à œuvrer dans ce sens nous satisfait. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.

Monsieur Viollet, en est-il de même de l’amendement n° 37 ?

M. Jean-Claude Viollet. Non, car le groupe socialiste est attaché à cet amendement, qui constitue le troisième côté du triangle : le premier – l’ESR – concerne la relation entre le réserviste et la défense ; le second – la convention réserve – celle entre la défense et l’employeur ; le troisième serait la fourniture d’un contrat-type de travail qui permettrait d’avancer dans la relation entre le réserviste et son employeur.

Cela ne relève peut-être pas du domaine législatif, mais le remarquable travail de coordination déjà effectué par le conseil supérieur de la réserve militaire pourrait être utilement prolongé par des solutions pratiques qui permettraient de développer l’engagement dans la réserve en améliorant les relations entre salarié et employeur. Valorisation des acquis de l’expérience, disponibilité, relation entre le poste occupé et la disponibilité : ces différents aspects méritent d’être contractualisés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission est défavorable sur la forme, bien qu’elle partage, sur le fond, le souci de M. Viollet. Comme il l’a lui-même observé, ces mesures relèvent du domaine réglementaire ; nous attendons que Mme la ministre le confirme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Nous sommes disposés à retirer cet amendement contre l’assurance que, dans l’intérêt général, l’idée sera poursuivie et appliquée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Je vous l’ai déjà dit, monsieur Viollet : cela va de soi.

M. Jean-Claude Viollet. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 37 est retiré.

Article 7

M. le président. L’article 7 ne fait l’objet d’aucun amendement

Je le mets aux voix.

(L'article 7 est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 20 portant article additionnel après l’article 7.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Comme je l’avais annoncé, cet amendement complète celui que nous avons adopté à l’article 4, et qui offrait aux entreprises la possibilité d’utiliser des ESR pour leurs besoins propres, notamment à l’exportation.

Les grandes entreprises ont en effet souvent besoin d’être représentées dans des missions éminemment militaires. Ce fut le cas, entre autres, d’Alstom pour les opérations de reconstruction au Moyen-Orient.

Cet amendement fixe l’ensemble des modalités sous lesquelles l’ESR peut être accompli en entreprise, en particulier, celles qui concernent le remboursement au ministère de la défense de la solde versée aux réservistes. Ce remboursement pouvait sans doute être effectué au terme de discussions mais, jusqu’à présent, la loi ne prévoyait rien en la matière.

L’amendement que je présente avec M. Teissier devrait satisfaire chacun : il donne raison à M. Viollet et à tous ceux qui sont favorables à l’amélioration des relations avec les entreprises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Le ministre est particulièrement sensible à la perspective des remboursements ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

Articles 8 et 9

M. le président. Aucun amendement n’a été déposé sur ces articles.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10

M. le président. Sur l’article 10 je suis saisi de l’amendement n° 21 qui est de cohérence.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. C’est plus qu’un amendement de cohérence, monsieur le président.

M. Charles Cova. Tout à fait !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Les articles 19 et 21 de la loi de 1999 se chevauchent quelque peu et le maintien, à l’article 21, de la référence à la réserve citoyenne risquerait de créer de la confusion dans un texte par ailleurs très clair.

M. Teissier et moi proposerons donc de supprimer l’article 21 – nous en débattrons tout à l’heure – et de compléter l’article 19 par le texte proposé dans l’amendement n° 21, qui résulte, je tiens à le préciser, des concertations que nous avons eues avec les associations auxquelles il fait référence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. J’ai déjà évoqué ces possibilités d’affectation dans mon discours d’introduction ; je confirme y être favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 10 est ainsi rédigé.

Article 11

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 22 et 34, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. J’associe Charles Cova et le président de la commission à la défense de cet amendement auquel, comme eux, nous sommes très attachés.

Les réserves opérationnelles sont gérées par chaque armée. Interarmiser complètement la réserve citoyenne pose problème, même si, je le sais, certains le souhaitent. Restons pragmatiques : on ne saurait demander à la marine, dont l’organisation n’est pas ramifiée comme celle de la gendarmerie, d’être traitée comme elle.

M. Charles Cova. Vous parlez d’or !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Les armées de terre et de l’air ont elles aussi leurs propres coutumes. Il reviendra, par exemple, à une instruction ministérielle de définir le port de l’uniforme ; à charge ensuite pour chaque arme, selon ses usages, ses besoins et sa présence sur le terrain, de s’organiser – tel est bien le terme que nous utilisons dans cet amendement – de façon autonome. Cette précision répond aux attentes des armées et des députés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Jean-Claude Viollet. Il ne s’agit pas du tout du même amendement : notre groupe est en effet davantage attaché à l’idée d’une orientation interarmées.

L’exposé sommaire de cet amendement mentionne le décret n° 2005-520 du 21 mai 2005 fixant les attributions des chefs d’état-major et consacrant la primauté de l’échelon interarmées comme niveau de synthèse. Il est étonnant que, tout en souscrivant à cette évolution de nos forces armées, certains en restent à une conception archaïque dès lors qu’il s’agit de l’organisation de la réserve.

On peut certes concevoir une organisation spécifique à chaque arme, mais le sens de cette loi prospective sur la réserve est d’intégrer la dimension interarmées. La multiplication des organismes à vocation interarmées – OVIA – voire des organismes interarmées – OIA – au sein de la défense le montre : la démarche intégrée s’inscrit dans le sens de l’histoire.

M. Charles Cova. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Claude Viollet. Il est dans l’intérêt de la réserve, qui appartient pleinement à notre organisation de défense, de suivre cette évolution.

Aussi proposons-nous que les DMD, en liaison avec le conseil supérieur de la réserve militaire, soient chargés de la coordination de la réserve citoyenne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 34 ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission étant favorable à l’amendement n° 22, elle ne peut qu’être défavorable au n° 34 !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la ministre de la défense. J’ai la même position sur ces deux amendements.

Les armées jouissent déjà d’une grande autonomie en matière de gestion, de recrutement, d’emploi et d’organisation de leur réserve. Il n’y a aucune raison, à court terme, de remettre en question cette autonomie.

Toutefois, comme le montrent les différentes opérations, des liens se tissent de plus en plus entre les armées. C’est pour prendre en compte cette évolution que le conseil supérieur de la réserve militaire conduit, en liaison avec l’état-major des armées, une expérimentation baptisée Carrefour des réserves dans douze départements.

J’approuverais volontiers les deux amendements, mais l’organisation des armées relève de la gestion et non de la loi. Je suis donc obligée de dire au législateur que cela ressortit au domaine réglementaire et je ne peux qu’être défavorable, sur la forme, à ces deux amendements, bien que j’en approuve le fond, d’autant plus qu’ils correspondent à ce qui se fait déjà !

Il n’est pour l’heure question de remettre en cause, je le répète, ni l’autonomie ni l’interarmisation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Une synthèse est possible. (Sourires.)

Nous sommes disposés à retirer l’amendement n° 34 si l’amendement n° 22, qui suggère un certain immobilisme, l’est aussi. Les deux options s’annulent réciproquement et, comme vient de le déclarer Mme la ministre, le conseil supérieur de la réserve militaire prépare l’avenir.

M. Charles Cova. Cela ne résout rien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Ces deux amendements sont bien différents.

On peut en effet considérer a priori que l’amendement de la commission est de nature réglementaire, mais n’oublions pas que le mot « organisation » figure dans le titre même du texte. On ne peut donc pas nous objecter, madame la ministre, que cette question relève du domaine réglementaire.

Nous nous sommes gardés d’aller trop loin dans les détails, malgré de nombreuses sollicitations. Définir « qui » organise – et non « comment » – est de nature législative. Nous maintenons donc cet amendement.

Quant à l’amendement de M. Viollet, il serait recevable s’il ne faisait pas descendre l’interarmisation si bas. En 2005, il a été rappelé que le chef d’état-major des armées était responsable de la cohérence : avec le Président de la République, vous lui avez donné le pouvoir, madame la ministre, de coordonner l’ensemble des armées. Néanmoins entre le chef d’état-major et les différentes armées qui s’organisent sur le terrain, il y a une différence.

Charger le délégué militaire départemental de coordonner les réserves citoyennes est impossible en pratique : par leurs propres réseaux, la gendarmerie, comme la marine, ont déjà la possibilité d’organiser la réserve citoyenne.

Il faut donc faire la différence entre le chef d’état-major qui, lui, par définition est interarmées et l’organisation sur le terrain, notamment dans les manifestations qui, elles, sont du ressort de chaque armée.

Voilà pourquoi, madame la ministre, je vous invite à revoir votre position. Écrire qu’elle organise sa réserve citoyenne, c’est donner, par la loi, à chaque armée une responsabilité sur la réserve citoyenne, ce que nous souhaitons aujourd’hui. En revanche, nous ne pouvons pas être d’accord pour l’interarmiser jusqu’au niveau le plus bas, comme le propose l’amendement de notre collègue. Je le regrette, d’ailleurs, car je sais ce que veut dire notre collègue, Jean-Claude Viollet.

Retrouvons-nous dans vingt-cinq ans, mon cher collègue : les choses auront évolué, je pense.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Dès lors que les modifications relatives au chef d’état-major des armées, qui relèvent de l’organisation des armées, se font au moyen d’un décret, donc d’un texte réglementaire, – ce n’est pas parce qu’on utilise le mot « organisation » que l’on se place sur le plan législatif, M. le rapporteur me pardonnera de le lui rappeler. Je persiste donc à souhaiter que ces amendements soient retirés, pour ces seules raisons de correction juridique. En tout cas, je ne peux pas les approuver.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Claude Viollet. Je retire donc l’amendement n° 34.

M. le président. L’amendement n° 34 est retiré.

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23, tendant à la suppression de l’article 12.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Tout au long de notre discussion, nous avons répété que le rôle du réserviste citoyen était de favoriser le lien entre l’armée et la nation. Ne serait-on plus capable de le faire à partir de soixante-cinq ans ? Pourquoi, dès lors, fixer une limite d’âge ? Ne sont en jeu, là, que les capacités intellectuelles du réserviste.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cette limite d’âge.

Par ailleurs, je rappelle que l’appartenance à la réserve citoyenne est soumise à l’agrément de l’autorité militaire : nous disposons donc de tous les garde-fous nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Je me range à l’avis de la commission : c’est tout à fait logique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 12 est supprimé.

Après l’article 12

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 24 portant article additionnel après l’article 12.

La parole est à M. le rapporteur pour le défendre.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

Articles 13 et 14

M. le président. Les articles 13 et 14 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15

M. le président. L’amendement n° 8 de M. Bruno Bourg-Broc est-il défendu ?...

La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, le décret en Conseil d’État qui devait fixer la date de la journée nationale du réserviste n’a pas été pris et cette journée s’est déroulée à différentes périodes de l’année ou même n’a pas eu lieu. Une telle situation, avec une date non fixée, est préjudiciable à la bonne organisation de la journée et à son impact auprès du public.

Diverses associations, notamment l’UNOR et la FNASOR, ont proposé de fixer cette journée au dernier samedi de septembre, à un moment où l’on peut espérer un temps clément pour des activités qui se déroulent en plein air et dans des lieux publics.

Je rappelle aussi que, dans un pays voisin et ami, en Allemagne, cette même date du dernier samedi de septembre a été retenue comme Journée des réservistes. Ce pourrait être l’amorce d’une date retenue dans l’Union européenne tout entière. À un moment où cette dernière a tant besoin de repères communs, ce ne peut être qu’une très bonne chose que la défense participe à la construction du sentiment européen.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. La commission a été très sensible à certains arguments de nos collègues, d’autant qu’il s’agit d’une question récurrente depuis plusieurs années. Les votes contre cet amendement l’ont néanmoins emporté. Nous ne sommes pas mûrs pour figer cette date. Il convient de laisser au Gouvernement une certaine souplesse pour la fixer en fonction de la conjoncture nationale. Il ne faudrait pas, au surplus, en faire une commémoration. Ne mélangeons pas les genres : on commémore à date fixe ; la journée du réserviste peut, en revanche, s’associer à une grande manifestation.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, pour laisser encore toute latitude au Gouvernement de fixer cette date chaque année.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Je suis très attachée à la journée du réserviste et je trouve d’ailleurs qu’elle n’a pas suffisamment d’ampleur. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles on a un peu hésité, au cours des dernières années, entre l’idée d’en faire une journée à elle seule et celle de la raccrocher à une autre manifestation.

Je suis de l’avis de la commission : fixer par la loi, de façon intangible donc, la date de la journée du réserviste me paraît trop contraignant. Quant au dernier samedi de septembre, cette date est gênante : n’oublions pas que, dans notre pays, contrairement à d’autres, la règle du devoir de réserve s’impose aux hauts fonctionnaires, ce qui aurait pour conséquence que les principales autorités ne pourraient pas participer à la journée du réserviste, chaque fois qu’auraient lieu des élections sénatoriales.

M. Yves Fromion. C’est un argument de taille ! (Sourires.)

Mme la ministre de la défense. Cette année, le problème s’est d’ailleurs posé aussi pour le référendum.

Si l’on est vraiment attaché à cette journée, et que l’on ne veut pas qu’elle saute, pour des raisons électorales entre autres, mieux vaut garder une certaine souplesse.

En revanche, je suis prête à regarder avec la commission de la défense s’il existe un événement – lui-même soumis aussi à l’obligation de réserve – qui nous permette de lui donner davantage d’éclat. Il est dommage, par exemple, que les employeurs ne participent pas suffisamment à la réserve. Il m’est arrivé, lors de mes tours de France pour rencontrer les employeurs, de n’avoir en face de moi qu’une douzaine de personnes là où on était en droit d’en attendre deux cents !

Je le répète, nous devons donner davantage d’ampleur à cette journée, mais cherchons, avec la commission, la meilleure solution.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Le Président de la République a fixé, également à la fin septembre, la journée du souvenir pour les harkis. Cela pourrait effectivement poser des problèmes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16

M. le président. Sur l’article 16, je suis saisi de l’amendement n° 41.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.

M. le président. Le Gouvernement a donc un avis favorable

Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par l'amendement n° 41.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 17 à 19

M. le président. Sur les articles 17, 18 et 19, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Après l’article 19

M. le président. Après l’article 19 je suis saisi de plusieurs amendements de la commission portant articles additionnels.

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 27 rectifié.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il s’agit de combler un vide juridique, qui est apparu d’une manière particulièrement flagrante, récemment, lorsque des gendarmes réservistes ont été envoyés sur des terrains d’action où ils n’étaient pas habilités à être opérationnels. Cet amendement a donc pour objet de conférer aux réservistes de la gendarmerie le statut d’agent de police judiciaire adjoint, au même titre que les gendarmes adjoints volontaires, les adjoints de sécurité, les agents de surveillance de Paris ou les agents de police municipale. Il s’agit de modifier le code de procédure pénale en conséquence, afin de donner aux réservistes la légitimité dont ils ont besoin pour intervenir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Avis favorable. Ainsi que je l’ai indiqué en réponse à M. Folliot, il y avait un manque et je remercie la commission de s’être saisie du problème.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Cet amendement est très important à plusieurs titres.

Comme je l’ai souligné dans mon intervention, la situation actuelle est assez bizarre, notamment pour les gendarmes adjoints volontaires qui souscrivaient un contrat de réserviste et qui, de ce fait, perdaient leur statut juridique d’agent de police judiciaire adjoint.

En outre, il y a deux catégories de gendarmes réservistes : ceux qui étaient précédemment dans l’active et qui gardent leur statut d’officier de police judiciaire et ceux qui ne l’étaient pas. Cet amendement permettra d’unifier les deux situations.

Autre conséquence importante, la sécurité juridique des procédures d’enquêtes s’en trouvera accrue et, du même coup, l’efficacité globale de la gendarmerie.

Enfin, j’y ai déjà fait allusion, il fallait – même si c’est d’ordre réglementaire – donner aux gendarmes réservistes les mêmes compétences que les gendarmes d’active en matière de régulation de la circulation.

Je ne peux donc qu’approuver l’amendement n° 27 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 26.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de régularisation, car l’article L. 112-4 du code du service national n’a plus lieu d’être.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l’amendement n° 25, deuxième rectification.

M. Guy Teissier, président de la commission. Alors que de très nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer le rétablissement du service national ou que certains versent des larmes de crocodile pour déplorer la disparition de ce « creuset idéal pour notre nation » (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), notre amendement propose de créer une période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale.

Elle permettrait aux jeunes gens et aux jeunes filles de France d’apprendre ou de réapprendre le maniement des armes et de participer, grâce à quelques rudiments de formation, à la défense de la nation avec leurs camarades de l’armée professionnelle.

En outre, ils pourraient y retrouver, comme au temps de la conscription, le sens de l’effort et du partage, le brassage des générations et des milieux sociaux. Nous aurons ainsi franchi un grand pas, en permettant à ces jeunes gens volontaires d’intégrer des valeurs qu’on ne leur apprend plus aujourd’hui, telles que le civisme, le partage, l’émulation et le drapeau.

Je souhaite par ailleurs que ces stages soient effectués par des professionnels et par les réservistes in situ : dans des camps pour l’armée de terre, sur des navires pour la marine, ou encore dans la gendarmerie ou sur des bases de l’armée de l’air. Il conviendrait d’offrir aux jeunes un long exposé sur l’ensemble des métiers de l’armée professionnelle ainsi que sur les possibilités d’évolution au sein de la réserve.

Cette mesure, dernier volet du triptyque, complètera parfaitement la création des EPID et le service national civil souhaité par le Président de la République.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Favorable.

Le remplacement des préparations militaires par ces périodes ne soulève aucune difficulté. Il restera au ministre à les mettre en œuvre…

M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux. Monsieur le président de la commission, vous sembliez vous adresser à moi en parlant de larmes de crocodile !

M. Guy Teissier, président de la commission. Pas du tout !

M. Michel Dasseux. J’ai toujours été opposé à la suppression du service national et je pourrais en développer les raisons.

Je ne peux soutenir cet amendement, car le dispositif qu’il crée ne sera pas général, mais basé sur le volontariat. Je n’approuve pas non plus la proposition du Président de la République d’un service civil volontaire. Tout le monde doit être logé à la même enseigne, faute de quoi, ce seront toujours les mêmes qui se porteront volontaires.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je ne résiste pas au plaisir de souligner le paradoxe : nous étions tout à fait hostiles à la suppression du service militaire prononcée par le Président de la République, sans que l’Assemblée nationale ait eu à en débattre. J’ai pris connaissance de cette décision, comme tout le monde – y compris la majorité parlementaire – devant la télévision.

Or, aujourd’hui, le Président de la République propose un service civil…

M. Yves Fromion. Non !

M. Jacques Brunhes. …et le président de la commission revient sur les problèmes de formation militaire. Il eût sans doute fallu réfléchir un peu plus avant de supprimer la conscription !

M. Yves Fromion. Cela n’a rien à voir !

M. le président. Il y a eu, à l’époque, une mission d’information de l’Assemblée nationale sur ce sujet, présidée par M. Séguin.

La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur Dasseux, je puis comprendre que vous regrettiez la suppression du service militaire qui, selon vous, était un lieu de brassage entretenant un lien social fort. Pourtant, sur sa fin, le service national était tout, sauf universel. Je n’appartenais pas encore à cette assemblée lorsqu’on a pris la décision de le supprimer, mais j’approuve cet amendement de la commission, qui me semble constituer une avancée, car il renforce les liens entre l’armée et la nation. C’est une possibilité intéressante offerte aux jeunes les plus volontaires qui souhaitent participer à l’effort national de défense. L’UDF y est favorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Je rappelle à M. Dasseux et à M. Brunhes que, si nous n’avions pas supprimé le service national, nous n’aurions pas l’armée professionnelle de qualité que nous avons aujourd’hui…

M. Yves Fromion. Absolument !

Mme la ministre de la défense. …et qui, dans le contexte stratégique mondial, nous est indispensable.

Je ne reviendrai pas sur ce qu’était devenu le service national. J’ai participé à la commission parlementaire sur la suspension et non sur la suppression du service national – il y fallait bien une femme ! – et, si le principe avait déjà été annoncé, la discussion a été très large pour savoir par quoi le remplacer.

M. Jacques Brunhes. Oui, mais la décision était prise !

Mme la ministre de la défense. Il était possible de revenir sur cette question. Cela étant, je me rappelle la très large unanimité des autorités militaires, civiles et religieuses que nous avons auditionnées sur ce sujet.

M. Michel Voisin. Absolument !

Mme la ministre de la défense. Je tenais à rétablir la vérité historique.

La création d’une période militaire ne comporte pas le risque d’inégalité dont vous parlez. Je ne sais si vous le faites aussi, mais je vais régulièrement voir les jeunes qui effectuent leur JAPD et je déjeune avec eux. J’ai constaté leur grande générosité et leur plaisir à se rencontrer. Nombreux sont ceux qui participeraient de bon gré à des activités obligatoires, sans discrimination : les jeunes en échec scolaire comme ceux qui vont entrer à l’université, ceux des milieux modestes comme les plus aisés, tous éprouvent un réel intérêt pour la chose militaire.

Ces stages seront donc pour eux une excellente occasion de se rencontrer sur un sujet commun et de recréer la communauté de destin, avec les risques et les espoirs qu’elle comporte, qu’incarne la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Ne nous trompons pas : nous n’en sommes plus au débat, qui serait d’arrière-garde, sur le service militaire ou sur la conscription. Nous parlons d’un outil nouveau proposé par le président Teissier pour compléter l’arsenal dont dispose déjà Mme la ministre.

Aujourd’hui, nous voulons mettre en place, avec cet amendement, sous l’autorité du président de la commission, un outil différent des préparations militaires qui n’attirent pas automatiquement les jeunes n’ayant pas envie de pratiquer les métiers des armes. En effet elles forment surtout à cela.

Ainsi que Mme la ministre l’a souligné, ce stage offrira une ouverture à l’ensemble de la défense et créera des vocations, notamment pour la réserve citoyenne.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. S’il est un domaine où je possède quelque compétence, c’est bien celui-là, ayant été dans l’armée pendant dix-sept ans et ayant eu à commander des appelés et des professionnels. J’ai le souvenir d’un service national qui constituait la pire des inégalités.

D’abord, les femmes n’étaient pas appelées. Quant aux hommes, seuls venaient ceux qui ne pouvaient pas y échapper.

M. Michel Voisin. Tout à fait !

M. Yves Fromion. Et tous les parlementaires de France et de Navarre de voir leurs permanences envahies par les jeunes et leurs parents venant demander une exemption !

Enfin, il y avait beaucoup de disparités entre les unités intéressantes et celles où l’on perdait son temps. C’était le lieu de toutes les critiques.

M. Jacques Brunhes. Vous êtes hors sujet !

M. Yves Fromion. Je comprends donc mal pourquoi on pleure aujourd’hui sur le service national et sur sa vocation à forger l’identité républicaine.

Mme la ministre pourrait vous le dire : il est déjà bien difficile d’intégrer les jeunes à la dérive dans des structures basées sur le volontariat, ne serait-ce que pour trouver les lieux de réunion ; alors, imaginez ce que serait un service national vraiment égalitaire pour tous. Cette argumentation ne tient pas la route. Le président de la commission a donc bien eu raison de parler de larmes de crocodile !

M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Charles Cova. Nous n’allons pas refaire le débat sur le service national !

M. Michel Dasseux. Je rappelle à Mme la ministre que la JAPD est une journée obligatoire, alors que le stage proposé sera fondé sur le volontariat. Or les volontaires seront toujours les mêmes.

M. Charles Cova. Pourquoi ? Qui sont « les mêmes » ?

M. Michel Dasseux. Quant au service national, je reconnais qu’il était parfaitement inégalitaire. Il fallait le modifier, non le supprimer. On améliore bien une loi sur les réserves : pourquoi ne pas avoir amélioré les lois qui régissaient le service national pour se diriger ensuite vers une armée de métier ?

M. Philippe Vitel. Tout cela date du siècle dernier !

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Charles Cova. Demandez-lui qui sont « les mêmes » !

M. Michel Voisin. Je me rallie aux propos d’Yves Fromion et j’approuve l’amendement du président de la commission. Bien que mon département ne soit pas très marin, j’ai pu suivre la préparation militaire marine : la trentaine de jeunes qui y ont participé ont ensuite tous souscrit un ESR.

Enfin, je rappelle à M. Brunhes et à M. Dasseux qu’entre celui qui réussissait à effectuer son service militaire dans une entreprise à Tokyo et celui qui était affecté à La Courtine, en plein pays auvergnat, l’un signait des deux mains et l’autre traînait les pieds ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Me dire à moi, Cantalou d’origine comme mon collègue Jean-Yves Hugon, que La Courtine est en Auvergne ! M. Voisin est un député qui connaît bien mal sa géographie ! (Rires.) Mais passons !

Ce que je ne peux mettre de côté, en revanche, ce sont certaines méthodes qui me semblent inacceptables. Le débat entre l’armée de métier et la conscription est ancien. Il a été politiquement tranché en 2002, d’une façon qui ne me satisfait pas puisque je suis pour une armée de conscription ; mais ne caricaturez pas les positions de fond.

M. Michel Voisin. L’affaire est terminée !

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Ce n’est pas le débat d’aujourd’hui !

M. Jacques Brunhes. Vous pouvez caricaturer la conscription : je pourrais en faire autant pour l’armée de métier. Et il n’est pas interdit de faire des éloges de la conscription.

Je constate que l’on revient aujourd’hui à des notions comme celles de service civil ou de préparation militaire : on peut s’en féliciter.

M. Michel Voisin. La préparation militaire a toujours existé !

M. Jacques Brunhes. Cependant, monsieur Fromion, bien que n’ayant pas servi comme vous dix-sept ans dans l’armée, je n’accepte pas que l’on caricature ainsi la conscription.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas moi qui caricature, c’est vous ! Vous dites n’importe quoi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25, deuxième rectification.

(L’amendement est adopté.)

Article 20

M. le président. L’article 20 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 20 est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 20.

La parole est à M. Jean-Claude Beaulieu, pour présenter l’amendement n° 29 de la commission.

M. Jean-Claude Beaulieu. Cet amendement est attendu depuis longtemps par les associations d’anciens combattants. Il tend à faire évoluer la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en leur permettant d’ester en justice en cas de diffamation ou d’atteinte à leur honneur. Dans l’hypothèse de diffamation ou d’injure contre des particuliers, l’action de l’association ne sera recevable que si celle-ci justifie qu’elle a reçu l’accord des personnes concernées.

J’ai présenté cet amendement à la commission, qui l’a adopté à l’unanimité.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Je le confirme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la défense. Très favorable.

M. Michel Dasseux. Et quand il s’agit de rappeurs ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 2.

Mme la ministre de la défense. Cet amendement vise à compléter la partie législative du code de la défense en y intégrant le nouveau statut général des militaires, la loi portant organisation de la réserve militaire ainsi que diverses dispositions relatives à l’état civil. C’est une mesure de pure forme, une simple mise à jour concernant des points qui n’avaient pu être traités lors de l’adoption du code.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Vous connaissez, madame la ministre, notre hostilité à la procédure des ordonnances. Nous considérons qu’elle constitue une atteinte aux prérogatives de l’Assemblée nationale. Or votre gouvernement y a de plus en plus souvent recours. Nous avons ainsi vu un texte comportant plus de deux cents modifications par voie d’ordonnance. Après la sécurité sociale et le code du travail, voilà que l’on veut modifier le code civil et le code de la défense. Comme parlementaires, nous ne pouvons l’accepter.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la défense. Je rappelle que nous codifions à droit constant. Il ne s’agit nullement de rediscuter l’ordonnance relative au code de la défense. Notre seule préoccupation est celle de la cohérence.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

Article 21

M. le président. Aucun amendement n’ayant été déposé sur l’article 21, je le mets aux voix.

(L’article 21 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Claude Viollet. Madame la ministre, nous avons abordé ce débat de manière positive. Nous voulions améliorer le texte, et je crois que nous y sommes parvenus. Nous avons également ouvert d’autres chantiers, qui n’ont pas encore abouti au terme de cette première lecture : certains sont de nature réglementaires, d’autres exigent que l’ensemble des partenaires poursuivent leur travail commun. Nous pensons néanmoins avoir fait là œuvre utile pour notre défense et avoir répondu aux attentes des armées : bénéficier d’une réserve opérationnelle performante, réactive et disponible, et maintenir un lien entre la nation et son armée grâce à une réserve citoyenne.

La navette permettra d’apporter d’autres améliorations et vous vous êtes engagée, madame la ministre, à prendre plusieurs dispositions réglementaires. Nous voterons donc ce texte que nous considérons comme une étape et un engagement à poursuivre dans la construction de notre défense.

Certains points continuent de faire débat entre nous, qu’il s’agisse de la période militaire d’initiation et de perfectionnement ou de l’organisation de la réserve. La discussion se poursuivra donc, dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui : le respect mutuel et la recherche du mieux pour notre défense. Tel est le sens de notre vote positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Brunhes. J’avais annoncé que notre vote dépendrait du débat et des décisions que nous prendrions. J’avoue que cela n’avait pas mal commencé, avec l’adoption à l’unanimité d’un amendement à l’article 1er : emporté par ma joie, j’ai même voté cet article !

Je vous demande donc, monsieur le président, de bien vouloir prendre acte que je souhaitais m’abstenir dans le vote de cet article. En effet, madame la ministre, vous n’avez pas répondu à nos interrogations sur la modification de la structure de la réserve militaire. Vous avez ôté de la réserve citoyenne les anciens militaires soumis à l’obligation de disponibilité mais ayant reçu affectation, pour les affecter à la réserve opérationnelle. Or la réserve opérationnelle comporte deux niveaux, si bien que la réserve citoyenne ne sera plus composée que de civils volontaires agréés par les armées, la gendarmerie et les services.

Comme je vous l’ai souligné, cette rétrogradation de la réserve citoyenne inquiète les personnels concernés : n’est-elle plus considérée comme réellement militaire ? Le rapporteur lui-même a constaté, en défendant un amendement, que la réserve citoyenne n’est plus le vivier de la réserve opérationnelle. Je regrette donc l’absence de précisions sur ce sujet et j’espère que la navette nous permettra d’en rediscuter.

Je constate toutefois que ce texte apporte des améliorations sensibles et que des amendements nous agréant ont été adoptés. C’est pourquoi nous nous abstiendrons en première lecture, tout en souhaitant pouvoir voter ce projet de loi lorsqu’il nous reviendra du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Francis Hillmeyer. Vous avez pleinement répondu à nos interrogations, madame la ministre. S’agissant de nos doutes sur les JAPD, la proposition du président Teissier, visant à donner aux jeunes une meilleure connaissance de l’armée, constitue une première amélioration. Nous avons tout lieu d’être satisfaits du travail accompli, que ce soit en commission ou en séance publique. Le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire .

M. Michel Voisin. Puisqu’il m’a mis en cause, permettez-moi, monsieur le président, de répondre à M. Dasseux.

Si je ne conteste pas ses propos, il a sorti de son contexte mon intervention de 1999. Je faisais en effet référence, mon cher collègue, à une insuffisance des crédits et dénonçais un habillage que je puis aujourd’hui vous démontrer. Vous nous aviez laissé, pour 2002, un budget de 48,8 millions d’euros pour les réserves. Afin de satisfaire aux exigences de la loi que vous aviez fait adopter, il nous a fallu augmenter ce budget de 36,88 % dans la loi de finances pour 2003, et de 24,7 % l’année suivante. Donnez m’en donc acte : il y a bien eu habillage et mes prévisions de 1999 n’ont pas été démenties.

Madame la ministre, le groupe de l’UMP votera des deux mains ce texte, qui constitue une avancée pour les réserves dans leur ensemble et qui renforce le lien entre l’armée et la nation.

La mission d’information sur le service national, présidée par Philippe Séguin, alors président de notre assemblée, avait demandé qu’on introduise l’apprentissage de notre système de défense dans les programmes et les manuels scolaires. Or, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, mes chers collègues de l’opposition, vous vous êtes bien gardés de le faire. Votre responsabilité est grande, tant il est difficile de remettre aujourd’hui l’ouvrage sur le métier. Si je reconnais que vous avez beaucoup travaillé à nos côtés en commission pour enrichir ce texte, cela ne saurait vous exonérer. Les responsabilités s’accumulent au fil du temps !

M. Jacques Brunhes. Et vous, depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ?

M. le président. Laissez M. Voisin conclure, monsieur Brunhes !

M. Michel Voisin. Madame la ministre, il reste certes des points à éclaircir et nous serons attentifs à ce que vous respectiez les nombreux engagements que vous avez pris en matière réglementaire, mais nous vous faisons pleinement confiance. Le groupe UMP votera ce texte sans aucun état d’âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

M. Jacques Brunhes. Abstention du groupe communiste.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Mardi 29 novembre 2005, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion de la proposition de loi, n° 2667, de M. Bernard Derosier et plusieurs de ses collègues visant à abroger l’article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés :

Rapport, nos 2667, de M. Bernard Derosier, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi, n° 2615, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ;

Discussion du projet de loi, n° 2668, relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi :

Rapport, n° 2684, de M. Laurent Wauquiez, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)