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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 6 décembre 2005

90e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

emploi et dialogue social

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le Premier ministre, par décision du 14 novembre 2005, le Conseil d’État a suspendu l’exécution de l’ordonnance du 2 août 2005 relative à l’aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises. Le Gouvernement et l’UMP, persuadés que le droit des salariés est un obstacle à l’embauche, avaient en effet imaginé exclure tous les salariés de moins de vingt-six ans de ce décompte, afin d’éviter l’élection de délégués du personnel ou la création de comités d’entreprise. Or le Conseil d’État a été obligé de constater que ce texte méconnaissait manifestement les dispositions de deux directives européennes du 20 juillet 1998 et du 11 mars 2002. Dans l’attente de l’avis de la Cour de justice des Communautés européennes, il a jugé que votre ordonnance portait une atteinte suffisamment grave aux salariés pour être immédiatement suspendue.

Une nouvelle fois, le Gouvernement se distingue par une contradiction totale entre les actes et les paroles. Vous parlez de dialogue social, mais vous ignorez les partenaires sociaux. Ainsi, alors que toutes les organisations syndicales et le patronat de l’artisanat ont signé, le 12 décembre 2001, un accord exemplaire sur le dialogue social financé par une contribution de 0,15 % versée par les entreprises, vous refusez depuis trois ans et demi de prendre les dispositions réglementaires qui permettraient son application. Le président de l’Union professionnelle artisanale lui-même a d’ailleurs, le 3 novembre 2005, interpellé le Gouvernement en ces termes : « Alors que le Gouvernement et la majorité affirment régulièrement qu’il faut développer le dialogue social, le même gouvernement empêche par ailleurs la mise en œuvre de notre accord en bloquant les procédures. » On ne peut pas mieux dire : telle est la réalité de l’action de votre gouvernement.

Mes deux questions sont précises. Premièrement, le Gouvernement va-t-il tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil d’État et renoncer définitivement à exclure les salariés de moins de vingt-six ans du décompte des effectifs ? Deuxièmement, le Gouvernement va-t-il renoncer à faire obstacle à la mise en œuvre de l’accord sur le dialogue social dans l’artisanat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. la parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, je vous rappelle, d’abord, que le Conseil d’État a validé le contrat « nouvelles embauches ». Plus de 200 000 contrats de ce type ont ainsi été enregistrés par l’ACOSS. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Auclair. Cela les embête !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Par ailleurs, l’une des préoccupations du Premier ministre et du Gouvernement était que ce contrat, qui est un contrat à durée indéterminée, soit bien considéré comme tel et n’entraîne pas de discrimination en matière d’accès au logement et au crédit.

M. Bernard Roman. Répondez à la question !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ai le plaisir de vous faire savoir que l’association française des sociétés financières a considéré que le CNE et le CDI devaient être traités sur un même plan lors de l’examen des demandes de crédit. Le CNE est donc bien reconnu comme un CDI. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre. Ce n’est pas le problème !

M. Alain Néri. La question !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Quant au dialogue social, il fait bien partie des préoccupations du Premier ministre. À l’occasion des rencontres que celui-ci a organisées avec l’ensemble des partenaires sociaux, ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’échanges et, très bientôt, le Premier ministre s’exprimera devant les partenaires sociaux…

M. Michel Delebarre. Et devant le Parlement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …pour faire le point sur les conclusions qu’il entend tirer de ces rencontres, notamment en ce qui concerne le dialogue social, que nous, nous mettons réellement en pratique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. C’est du charabia ! Hors sujet !

taux réduit de tva

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le conseil des ministres de l’économie des vingt-cinq pays membres de l’Union européenne, qui s’est réuni ce matin à Bruxelles, n’a pu parvenir à un accord sur la liste des biens et services qui bénéficieront du taux réduit de TVA. La décision a donc été renvoyée au Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains.

Pour la France, l’enjeu est considérable. En ce qui concerne les travaux réalisés dans les logements achevés depuis plus de deux ans, le taux de réduit de TVA a en effet permis la création de plus de 50 000 emplois en deux ans…

M. Albert Facon. Merci Jospin !

M. François Rochebloine. …et a généré un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros par an. Cette mesure a également largement bénéficié aux consommateurs,…

M. Michel Delebarre. Très juste ! Ça c’est la gauche !

M. François Rochebloine. …la diminution du taux de TVA entraînant de fait une réduction des prix. Aussi l’économie française a-t-elle besoin que cette mesure soit pérennisée.

Dans le secteur de la restauration,…

M. Michel Delebarre. Ça, c’est la droite !

M. François Rochebloine. …auquel personne n’est insensible, les bénéfices escomptés d’une baisse du taux de TVA seraient également très importants tant pour l’emploi que pour les consommateurs. J’ajoute qu’il s’agit d’une promesse du Président de la République, dont les professionnels attendent la concrétisation depuis de nombreuses années.

Sachant que le contexte est manifestement difficile, puisque certains pays ne sont pas sur la même ligne que la France, et que le Conseil ECOFIN de ce matin a échoué sur ce point, l’UDF vous demande, monsieur le ministre, quelle sera l’attitude de la France lors du Conseil européen des 15 et 16 décembre et, en cas d’échec, comment les engagements du Gouvernement seront respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Rochebloine, le Conseil ECOFIN qui s’est réuni ce matin…

M. Michel Delebarre. A été un échec !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …n’a pu malheureusement parvenir à un accord, mais je veux ici saluer le travail remarquable qu’a fait Thierry Breton au nom de la France (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), car nous n’avons jamais été aussi près de l’unanimité.

Bien entendu, le combat continue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, le sujet sera examiné lors du Conseil européen qui se réunira la semaine prochaine. A cet égard je réaffirme la détermination totale de la France à œuvrer, lors des prochaines échéances, en faveur d’un accord qui inclurait l’hôtellerie-restauration, les travaux d’entretien dans les logements et les services à domicile.

Quand bien même nous n’obtiendrions pas d’accord ce jour-là (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) – mais ni moi ni personne ici ne se place évidemment dans cette hypothèse –, la Commission et l’ensemble des vingt-cinq États membres sont d’accord pour maintenir les règles actuelles de la TVA jusqu’au premier Conseil ECOFIN, qui se tiendra sous la présidence autrichienne au mois de janvier. Jusqu’à cette date, quoi qu’il arrive, le taux réduit s’appliquera aux travaux dans les bâtiments et aux services à domicile. Cette mesure est d’ailleurs inscrite dans le projet de loi de finances pour 2006.

Enfin, en ce qui concerne la restauration, le projet de loi de finances pour 2006 proroge naturellement l’ensemble du dispositif d’allégement de charges…

M. Jacques Desallangre. Jusqu’à quand ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et nous continuerons à nous battre pour un abaissement de la TVA dans ce secteur d’activité avec une énergie maximale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Delebarre. C’est bien un échec !

M. le président. Monsieur Delebarre !

situation des hôpitaux

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le Premier ministre, la situation est grave. Plus de 70 % des établissements participant au service public hospitalier sont en déficit. Les deux hôpitaux de ma circonscription n’y échappent pas : celui de Nanterre, pour lequel il manque 8 millions d’euros et dont la direction de l’établissement, si rien n’est fait, ne sera pas en mesure de payer les salaires du mois de décembre ; et l’hôpital Foch de Suresnes, où le trou atteint 19 millions d’euros, dont 15 sont liés au non-respect des engagements de l’État. Plutôt que d’exiger le remboursement de cette dette, l’établissement envisage de supprimer 260 emplois, chiffre porté à 348 la semaine dernière.

Cela est inconcevable, d’autant que vous faites la même chose dans tout le pays. Ce n’est pas un hasard si des comités de défense rassemblant usagers, personnels de santé et élus se multiplient, regroupés au sein d’une coordination nationale à la suite de la mobilisation exemplaire en faveur de l’hôpital de Saint-Affrique, dans l’Aveyron. Tous les jours, des collègues m’alertent sur la situation des hôpitaux, notamment de proximité, situés dans leurs circonscriptions : à Ambert, dans le Puy-de-Dôme, à Chauny, dans l’Aisne, à Dunkerque, à Quimperlé, à Royan, et combien d’autres encore ? Des centaines d’établissements sont d’ores et déjà visés. C’est une attaque en règle contre le service public hospitalier. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin prendre les mesures nécessaires, courageuses et progressistes pour assurer un financement moderne de la sécurité sociale, comme nous le demandons depuis des années, afin de dégager les moyens supplémentaires indispensables au fonctionnement de notre système de santé et de protection sociale, ou bien avez-vous décidé délibérément d’asphyxier le service public hospitalier jusqu’à sa fin ? Répondez-moi clairement, je vous prie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, vous avez utilisé l’adjectif « inconcevable ». Oui, il est inconcevable de faire croire que les agents hospitaliers ne seront pas payés à la fin de l’année ! Oui il est inconcevable de laisser croire qu’il y aurait des difficultés à Chauny, alors que, si vous aviez interrogé votre collègue Jacques Desallangre, il aurait pu vous dire que l’avenir de ce centre hospitalier est aujourd’hui éclairci…

M. Jacques Desallangre. Non !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et que nous sommes en train de trouver les solutions.

M. Bernard Roman. M. Desallangre n’est pas d’accord !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Jacques Desallangre sait bien que c’est vrai.

Sur un sujet comme celui-ci, dépassons les polémiques. La vérité, c’est que, en 2005, on aura dépensé pour l’hôpital 2,5 milliards d’euros de plus que l’année dernière. La vérité, c’est que nous avons besoin de redonner confiance aux agents hospitaliers, de mieux organiser l’hôpital et de mieux faire travailler les hôpitaux entre eux, sans jamais, madame Fraysse, fermer un hôpital de proximité, contrairement à ce qui a été fait à une époque. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

S’agissant de l’hôpital Foch de Suresnes, que vous avez cité, vous devriez savoir que l’État l’aide en prenant en charge la moitié du déficit.

Mme Martine David. C’est normal !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il lui a ainsi donné 6,5 millions d’euros et il prend en charge son programme d’investissement, soit 140 millions d’euros d’ici à 2010, dans le cadre du plan Hôpital 2007.

Vous pouvez chercher à faire naître des peurs, mais celles-ci sont infondées. Nous, nous mobilisons les hospitaliers, aux côtés desquels nous sommes pour moderniser l’hôpital. Il en a besoin et envie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. La Picardie est mal partie !

interdiction des coupures d’eau,
de gaz et d’électricité

M. le président. La parole est à Mme Josiane Boyce, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Josiane Boyce. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, avec la période de froid qui s’abat sur le pays chaque hiver, nous sommes confrontés à deux questions relatives à la protection de nos concitoyens les plus démunis : d’une part, celle de l’accueil des sans domicile et, d’autre part, celle des coupures de gaz et d’électricité pour défaut de paiement.

Concernant la première, le Gouvernement a d’ores et déjà activé le plan d’hébergement d’urgence, qui permet de mettre à la disposition des sans domicile fixe plus de 91 000 places sur l’ensemble du territoire.

Pour ce qui est de la seconde, nos collègues sénateurs ont adopté récemment l’article 11 de votre projet de loi d’engagement national pour le logement, qui prévoit l’interdiction des coupures d’électricité, de gaz et d’eau du 1er novembre au 15 mars pour les personnes en difficulté, c’est-à-dire celles qui ont été identifiées par les services sociaux et qui bénéficient ou ont bénéficié d’une aide du fonds de solidarité logement, le FSL, dans les douze derniers mois. Néanmoins l’hiver est déjà là, et cette mesure ne sera effective que lorsque notre assemblée l’aura votée. C’est pourquoi vous avez demandé, la semaine dernière, à EDF et à GDF d’appliquer sans délai un moratoire sur les coupures hivernales. Pouvez-vous nous confirmer vos intentions à ce sujet et, surtout, nous dire si EDF et GDF ont répondu positivement à votre demande ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame la députée, je tiens tout d’abord à vous confirmer qu’aucune coupure d’électricité, de gaz ou d’eau ne sera pratiquée durant cet hiver, les présidents d’EDF et de GDF ainsi que les distributeurs d’eau contactés nous ayant donné leur accord sur ce point, avant même la validation législative à laquelle procédera votre assemblée dans le cadre du texte portant engagement national pour le logement.

Par ailleurs, nous souhaitons que la procédure d’information mise en place par le décret d’août 2004 soit étendue aux secteurs du gaz et de la distribution d’eau afin que des actions de prévention puissent être menées par les centres communaux d'action sociale, les acteurs sociaux et le fonds de solidarité pour le logement.

C'est à cette prévention, visant à éviter des situations dramatiques, que nous donnons la priorité dans notre action à l'égard des plus démunis de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

dysfonctionnements de la justice

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez, pour le groupe UMP.

M. Léonce Deprez. Monsieur le ministre de la justice, la justice étant rendue au nom du peuple français, il est juste que les élus de la nation lui demandent des comptes lorsque de graves dysfonctionnements viennent porter atteinte à sa dignité.

Nous sommes quelques-uns ici, députés du Pas-de-Calais, à avoir vécu il y a quelques années un drame judiciaire résultant d’une grossière erreur du juge Pascal à Bruay-en-Artois. Depuis trois ans, le Pas-de-Calais en vit un autre, d’une ampleur encore plus grande, qui vient de trouver sa conclusion.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à réparer le préjudice très grave causé à des familles, qui s’est traduit en années de prison et de déshonneur ? Êtes-vous prêt à proposer au Gouvernement et au Parlement les réformes nécessaires pour que nos concitoyens retrouvent confiance dans la justice de leur pays ?

Et, puisque ce drame a noirci l’image du Pas-de-Calais, justice sera-t-elle faite pour ce département qui a tant apporté à la France et qui a droit lui aussi à réparation par la mise en valeur de son territoire ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous le savez, monsieur le député, dès que j’ai connu le verdict de la cour d’assises de Paris, j’ai présenté mes excuses au nom de l’institution judiciaire. Le Président de la République m’a demandé de saisir l’inspection judiciaire. S’il en ressortait qu’il y avait faute ici ou là, il est évident que je saisirais le Conseil supérieur de la magistrature.

Par ailleurs, le Premier ministre m’a demandé de créer une inspection tripartite pour analyser le recueil de la parole de l’enfant, l’un des aspects les plus difficiles de ce drame. En fonction des résultats auxquels celle-ci aboutira, nous déciderons s’il est nécessaire d'aller au-delà de ce qui avait été préconisé par mon prédécesseur.

Je soumettrai prochainement au Parlement un projet de loi qui prévoira notamment la saisine de deux juges d’instructions si l’affaire s’avère complexe, mais aussi le réexamen de l’affaire par la chambre d’instruction au bout de six mois de détention provisoire, avec l’ouverture d’une fenêtre d’information à l’intention de la presse et du public.

Nous devons également réfléchir, comme me l’a demandé le Président de la République, sur la responsabilité des magistrats.

M. Bernard Roman. Il serait temps !

M. le garde des sceaux. J’ai déjà annoncé qu’il nous sera possible, en nous appuyant sur un avis du Conseil de l’Europe, de poursuivre un magistrat sur le plan disciplinaire s’il a commis une erreur grossière d’appréciation.

Bref, monsieur le député, tout sera fait pour rendre à la justice la confiance des Français. Elle le mérite, les Français le méritent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. J’espère que les conclusions de la commission d’enquête parlementaire dont les membres seront désignés la semaine prochaine enrichiront vos projets, monsieur le garde des sceaux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

siège du projet galileo

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Païx, pour le groupe UMP.

Mme Bernadette Païx. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, l’Europe satellitaire et spatiale est en marche depuis de nombreuses années. Après les formidables succès d’Ariane et la réussite éclatante d’Airbus, la mise en place de Galileo, projet validé le 26 mars 2002 par le conseil des ministres des transports de l'Union européenne, est d'une grande importance stratégique car elle permettra aux Vingt-cinq d'acquérir leur indépendance à l'égard du système américain GPS. Par ailleurs, les trente satellites qui serviront de base à ce système seront le gage d’une fiabilité et d’une sécurité accrues.

Hier, le conseil des ministres des transports de l’Union européenne, auquel vous assistiez, a retenu la ville de Toulouse comme siège du concessionnaire de Galileo, ce qui est une très bonne nouvelle. Cette implantation devrait, à n’en pas douter, renforcer l’attractivité économique de la ville et accroître son rôle dans l’industrie spatiale.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer cette annonce (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste) et nous préciser quelles en seront les retombées économiques et en termes d’emploi pour l’Europe, en particulier pour Toulouse ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Madame la députée, la journée d’hier a été bonne pour l’Europe spatiale et industrielle, pour la France, pour Toulouse et sa région.

Galileo est un projet de l’ampleur d’Airbus ou d’Ariane, un grand projet européen comme ceux qu’a évoqués le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Il mobilisera l’ensemble des forces des pays européens et apportera des services à nos populations.

L’enjeu est considérable : il s’agit de mettre en orbite trente satellites qui permettront de constituer, au niveau européen, un système de localisation indépendant des États-Unis, ce qui entraînera une multitude de retombées en matière d’industries et de services aux entreprises et à la population.

Les discussions difficiles qui se déroulaient depuis quatre ou cinq mois entre les huit industriels concernés et les cinq pays qui investissent dans ce projet se sont conclues hier. Je veux souligner que la France, au cours de ces discussions, a fait preuve de fermeté tout en s’illustrant comme une force de proposition. Nous sommes arrivés à un accord aux termes duquel le siège du concessionnaire sera effectivement situé à Toulouse. Ce siège ne sera pas seulement administratif et financier, mais il constituera un pôle industriel et exercera des fonctions en termes de sécurité, ce à quoi la délégation française était particulièrement attachée.

Outre 150 à 200 emplois directs, ce sont des milliers d’emplois indirects qui devraient bénéficier à l’industrie de la région toulousaine, de Midi-Pyrénées, mais aussi de l’ensemble de notre pays. C’est donc un accord très important pour notre industrie qui a été signé hier. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

conséquences de la fermeture
du centre de sangatte

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, le centre de Sangatte est fermé. Nous étions quelques-uns à penser que cela ne réglerait pas le problème, et les événements nous donnent raison. Des dizaines d’hommes arrivent en effet tous les jours. Ils « zonent » dans des conditions épouvantables à Calais, à Dunkerque, dans les bois de Saint-Pol, à Gravelines, dans les champs entre Calais et Saint-Omer. Pour quelles raisons entreprennent-ils un voyage si long et si risqué ? Pour fuir la misère, probablement, mais surtout l’oppression, les guerres civiles – ou la guerre tout court –, pour trouver un espace de lumière et un soutien démocratique.

Un récent contrôle policier éclaire cette situation, puisqu’il a permis de dénombrer, entre autres, 355 Somaliens, 232 Irakiens, 255 Pakistanais, 197 Iraniens. Bien entendu, 90 % d’entre eux ne sont pas expulsables, car ils risquent le pire – probablement la mort – s’ils rentrent dans leur pays.

Voici, monsieur le ministre d’État, deux questions, qui sont aussi deux propositions.

Premièrement, il faut soutenir le collectif d’associations qui effectue un travail remarquable (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qui, avec l’appui de la région et du département, s’efforce de réparer ces situations. Cependant ses membres sont à bout de souffle ; ils n’en peuvent plus et les risques sont énormes, particulièrement sur le plan sanitaire : ainsi, la gale se répand.

Deuxièmement, il faut mettre en place une cellule d’orientation comprenant des interprètes, capable de traiter chaque cas dans sa spécificité. Ce travail relève non de la police, mais des services préfectoraux. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre d’État, rien n’est plus terrible que de croire que l’on règle un problème alors que la réalité est là, prégnante. C’est l’image de la France et le sort d’êtres humains qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je suis d’accord avec vous sur un point, monsieur Le Garrec : la fermeture de Sangatte ne règle pas le problème de l’immigration. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Ah !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cependant, le maintien de Sangatte l’aggravait.

Vous avez toujours été parfaitement responsable, monsieur Le Garrec, comme un certain nombre d’élus de la majorité et de l’opposition dans cette affaire. Qui m’a demandé la fermeture de Sangatte ? Des élus de la majorité, le député socialiste de la circonscription, Jack Lang, et le maire communiste de Calais. Ils l’ont fait à juste titre, car il n’y avait aucune raison que la population du Calaisis et de Sangatte accepte des conditions de vie dont personne, sur vos territoires et dans vos circonscriptions, n’aurait jamais voulu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est facile d’être généreux sur le dos des autres.

Deuxièmement, monsieur Le Garrec, lorsque Sangatte était ouvert, les associations – auxquelles vous avez raison de rendre hommage – servaient très exactement 2 000 repas chaque jour. Je regarde les chiffres quotidiennement : hier, ce sont 200 repas qui ont été servis. La fermeture de Sangatte a donc divisé par dix le nombre des clandestins dans le Calaisis. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ceux qui en doutent n’ont qu’à interroger la population.

C’est d’ailleurs avec un certain plaisir que je me suis fait remettre la médaille d’honneur de la ville de Sangatte par son maire, socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il ne m’aurait sans doute pas décerné cette médaille s’il n’avait pas été content de la politique du Gouvernement.

Troisièmement, il faut renforcer le dispositif s’agissant de trois points au moins.

Ainsi nous avons d’abord décidé de prévoir une borne EURODAC. Elle donnera la preuve que nombre de demandeurs d’asile présentent des demandes successives dans plusieurs pays de la Communauté, ce qui est inadmissible. Nous pourrons alors les renvoyer dans leur pays d’origine.

Nous avons également négocié un certain nombre de places hors du Calaisis pour des CADAS supplémentaires.

Enfin, avec le Premier ministre, et en accord avec nos amis anglais, nous négocions avec l’Irak, l’Afghanistan et la Somalie, des vols groupés pour renvoyer chez eux des gens qui croient que l’Angleterre est un nouvel Eldorado et qui arrivent dans le Calaisis sans espoir de trouver un logement ou un travail.

Le hangar de Sangatte, où 3 000 personnes vivaient dans des conditions inadmissibles,…

M. Maxime Gremetz. C’est maintenant qu’ils vivent dans des conditions inadmissibles !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …était un signal pour les immigrés du monde entier qui y voyait un point de passage. Ce n’était pas à l’honneur de la République française. Nous avons bien fait de le fermer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Presse quotidienne

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe UMP.

M. Alain Joyandet. J’associe à cette question l’ensemble des députés du groupe d’études sur la presse.

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, la presse quotidienne payante d’information traverse une période très difficile. De grands titres nationaux historiques sont touchés : dépôt de bilan, déficits importants, plans sociaux, pertes de lecteurs. Certains titres ont déjà disparu tandis que d’autres risquent de cesser leur parution.

Les quotidiens régionaux souffrent aussi depuis longtemps, ce qui a conduit à certaines fusions dans nos départements.

Tous ces quotidiens, auxquels nous sommes très attachés, sont indispensables à la vie démocratique de notre pays. Certes, ils doivent sans doute revoir certaines de leurs stratégies, mais cela est très difficile dans un secteur où le législateur n’a pas mis en place de régulations publiques pour assurer la durée, le pluralisme et l’équilibre économique comme c’est le cas pour la télévision ou la radio. Dans un monde de la communication instantanée, numérique et souvent volatile, le rôle de la presse quotidienne est irremplaçable. C’est aussi en partie l’avenir de l’écrit qui est en jeu.

M. Maurice Leroy. Tout à fait !

M. Alain Joyandet. Le Gouvernement a fait beaucoup dans le cadre des aides à la presse en augmentant son intervention financière d’une manière très significative. Néanmoins, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le principe même de ces aides très ciblées ne correspond plus à la situation dont la gravité s’accélère ? D’ailleurs, la consommation de ces crédits est difficile puisqu’elle est subordonnée à la présentation de projets très spécifiques.

Ne doit-on pas revoir plus globalement le cadre dans lequel évoluent ces entreprises pour leur permettre d’avoir accès à des marchés nouveaux et de retrouver ainsi l’équilibre économique qui, seul, peut assurer leur indépendance éditoriale, donc leur utile contribution à notre vie démocratique et politique ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez raison : la presse quotidienne connaît des difficultés structurelles qui s’ajoutent aujourd’hui à des difficultés conjoncturelles du fait de l’évolution du lectorat.

Nous sommes conscients des défis qu’elle doit relever. Les questions du prix des quotidiens, de la distribution, de la dissymétrie par rapport à la situation constatée dans d’autres pays européens doivent nous mobiliser. Tous ceux qui votent le budget peuvent être fiers car il témoigne que nous avons décidé d’être des partenaires solides de la modernisation de la presse.

Cela étant, une partie de la solution dépend de la presse elle-même. Les journalistes, les rédactions et les techniciens ont entre leurs mains l’attractivité des quotidiens, surtout dans une période où nos concitoyens doutent parfois de la fiabilité d’une information, de la vérité d’un fait et de l’exactitude d’un raisonnement. En d’autres termes, je ne crois pas que l’avenir du métier de journaliste soit menacé. Les circonstances économiques de leur travail se trouvent cependant parfois remises en cause par l’apparition des quotidiens gratuits et par les nouveaux supports de communication, dont l’internet.

C’est la raison pour laquelle, l’État a décidé d’être un partenaire très actif.

D’abord, nous veillons au respect de toutes les règles qui concourent au financement de la presse écrite, notamment par la publicité, afin que certains supports, en particulier la télévision, n’accaparent pas toutes les recettes.

Ensuite, et cela figure dans le budget que vous avez voté, nous avons choisi de mettre en œuvre un soutien ciblé à travers une méthode expérimentale. Ce n’est pas le Parlement ou le Gouvernement qui décident à la place des journaux les aides qui leur sont le plus utiles. Vous votez des crédits et nous mettons sur la table des éléments favorisant la modernisation de ce secteur, la recherche de nouveaux lectorats et la mise en place d’expériences innovantes qui permettent de parvenir à de bons résultats.

Bref, nous ne sommes pas rigides. Nous avons pour objectif de garantir le pluralisme qui garantit la vivacité de la démocratie politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

douanes

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe UMP.

M. Étienne Blanc. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Depuis des temps immémoriaux, les douanes, qui sont placées sous l’autorité du ministère de l’économie et des finances, exercent sur les zones frontalières deux activités essentielles. La première consiste à percevoir les droits et les taxes à l’importation, mais aussi à garantir la conformité des opérations d’importation et d’exportation au regard des législations française et européenne. La seconde est plus générale. Elle consiste à assurer des missions de sécurité en collaboration étroite avec les services de police et de gendarmerie. La douane se voit alors confier une véritable mission de sécurité publique.

C’est sur cette seconde mission que mes collègues du groupe d’études sur les zones et travailleurs frontaliers et moi-même souhaitons connaître les intentions du Gouvernement et les actions qu’il envisage de mener.

Les habitants des zones frontalières savent que la douane lutte avec succès contre les trafics de marchandises en tout genre : stupéfiants, tabacs, contrefaçons ou produits dangereux. Ils savent aussi qu’elle lutte avec efficacité dans le domaine de l’immigration et du travail clandestin, en relation étroite avec la police de l’air et des frontières. Ils savent encore qu’elle est particulièrement efficace dans les missions de sécurité publique qui lui sont confiées au quotidien dans les zones frontalières.

Monsieur le ministre, les zones frontalières sont très sensibles car les mouvements de population et de marchandises y sont amplifiées par l’ouverture des frontières européennes et par les nouvelles règles voulues par l’organisation mondiale du commerce. Ces zones doivent donc faire l’objet d’une attention toute particulière. Elles attirent parfois une délinquance très spécifique, qui sait précisément profiter de tous ces mouvements difficilement contrôlables et des différences de législation qui complexifient le travail des services de police et de gendarmerie.

M. Maxime Gremetz. Posez votre question !

M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre, quelle est la stratégie de l’État ? Pourriez-vous préciser les instructions, les missions et les objectifs donnés à l’administration des douanes pour contribuer à la sécurité des frontières ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez rappelé le rôle considérable que jouent les douanes françaises dans la lutte contre le trafic de stupéfiants – trois quarts des saisies de cannabis sont dus aujourd’hui à nos douaniers–, la contrefaçon ou la contrebande, notamment de cigarettes. Sur ces deux derniers points d’ailleurs, les objectifs que j’avais fixés en début d’année sont d’ores et déjà atteints. J’espère que nous parviendrons au même résultat en fin d’année pour les saisies de cannabis.

Les douanes participent aussi à la lutte contre l’immigration clandestine aux côtés des forces de police et de gendarmerie. Elles contrôlent environ la moitié des points de passage autorisés. Cela constitue une mission majeure. Nous avons donc travaillé tout au long de cette année à la modernisation du dispositif en mettant en place des équipes plus mobiles, s’agissant notamment de la surveillance du territoire.

L’autre mission majeure concerne le renseignement. J’ai créé, au sein de la direction des enquêtes douanières, une direction des opérations douanières exclusivement consacrée à ce travail. Elle apportera une contribution essentielle dans la lutte contre la grande criminalité, y compris aux côtés de l’unité de lutte contre le terrorisme, l’UCLAT.

Comme vous pouvez le constater, les missions des douanes sont à présent clairement opérationnelles, notamment dans les secteurs frontaliers. Nous sommes très mobilisés sur tous ces sujets. Nous resterons en ligne directe avec vous pour travailler ensemble, à chaque fois que vous le souhaiterez, au service de la sécurité des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

fonds sociaux de l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Roy. Monsieur le Premier ministre, vous étiez présent hier dans un centre parisien des Restos du cœur, pour le lancement de la campagne. Vous voudriez ainsi nous faire croire que vous seriez sensible à la montée de la pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous ne manquez pas d’air ! C’est vous en effet qui êtes responsables de la montée de la pauvreté. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je veux ici dénoncer votre forfait le plus récent qui montre bien que vous pratiquez le double langage. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) D’un côté, devant les médias, vous versez une petite – toute petite – larme (« Lamentable ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) sur les Restos du cœur ; mais de l’autre, vous interdisez l’accès à la cantine aux collégiens et lycéens issus de familles défavorisées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Patrick Roy. Pour un nombre non négligeable de ces élèves, ce repas à la cantine était souvent le seul véritable repas du jour. En clair, et c’est votre décision, les élèves de France vont avoir faim. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Patrick Roy. C’est bien là la conséquence de la quasi-disparition brutale du fonds social des cantines. (Claquements de pupitres et huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Arrêtez de vous conduire comme des gamins !

M. Patrick Roy. Eh oui, la vérité fait mal ! (Bruits ininterrompus sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme nombre de collègues élus, je reçois l’appel angoissé des groupes pédagogiques, des parents d’élèves. À titre d’exemple, monsieur le Premier ministre, dans un collège de ma circonscription, ce fonds social est passé brutalement de 9 000 euros l’an dernier à 300 euros cette année. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Approbations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Roy, posez votre question !

M. Patrick Roy. Allez-vous revenir sur cette décision injuste ? Allez-vous permettre à tous les enfants de France de déjeuner le midi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, le ton agressif de votre intervention (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) est proportionnel à notre souci de justice sociale. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Et je vais vous dire une chose : si vous êtes – comme je le pense – un véritable démocrate (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Richard Mallié. Il ne l’est pas !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …vous n’avez pas le droit, sous prétexte que vous êtes médiatisé, de dire des mensonges ! La démocratie exige la vérité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La vérité, monsieur le député, la voici : l’éducation nationale verse aux établissements scolaires des subventions à caractère social, appelées « fonds sociaux » et destinées aux familles nécessiteuses, aux familles qui ont des problèmes sociaux. Ces subventions doivent permettre aux enfants de déjeuner à la cantine et, le cas échéant, de participer comme les autres aux sorties scolaires.

Or, monsieur le député, d’après un rapport de la Cour des comptes, ces fonds sociaux sont parfois mal utilisés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et font l’objet d’une rétention par certains établissements.

M. Bernard Roman. C’est faux !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. D’ailleurs, les rapporteurs généraux de l’Assemblée nationale et du Sénat ont estimé ces réserves à 48 millions d’euros au début de l’année 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous devons donc accomplir un effort important pour répartir ces sommes entre les établissements qui ont de vrais besoins, ce qui est toujours difficile à évaluer, et ceux qui disposent de réserves inemployées, afin qu’elles soient vraiment utilisées en faveur des familles défavorisées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez mentionné quelques cas individuels. On m’en a signalé certains il y a huit jours. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J’ai demandé le versement immédiat des fonds pour que les élèves concernés puissent déjeuner à nouveau à la cantine. Ce versement sera effectué dans les tout prochains jours.

Cela étant je vous rappelle, monsieur le député, que, contrairement à la majorité, vous n’avez pas voté les fonds sociaux pour l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous n’avez donc pas de leçon à lui donner !

En tout état de cause, l’éducation nationale ne laissera jamais un enfant à la porte de la cantine ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

politique européenne du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Daniel Poulou, pour le groupe UMP.

M. Daniel Poulou. Monsieur le président, je voudrais tout d’abord dire à notre collègue, qui a tenu des propos très excessifs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qu’il aurait dû faire preuve de plus de retenue. Il n’a pas le monopole du cœur (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et nous sommes ici très nombreux à partager le souci de justice sociale du Premier ministre.

De tels propos ne doivent plus être prononcés dans cette enceinte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Notre collègue avait raison !

M. le président. Monsieur Gremetz, cela suffit !

M. Daniel Poulou. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Depuis les résultats du référendum sur le traité constitutionnel européen, il y a six mois, les membres du Gouvernement se réunissent tous les mois, sous l’autorité du Premier ministre, pour faire entendre la voix de la France au sein de l’Union.

Des négociations délicates s’annoncent dans les semaines à venir, notamment sur la préparation du budget de l’Union pour la période 2007-2013 et les négociations avec l’OMC. Dans un contexte difficile, les initiatives et la vigilance du Gouvernement sont capitales pour faire avancer l’Europe.

Le 29 mai dernier, les Français ont dit leur volonté de construire l’Europe autrement. Le Président de la République a donc demandé que lui soient faites des propositions en vue de mieux associer le Parlement, mais aussi les collectivités locales, les partenaires sociaux et la société civile au processus de décision européen.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser aujourd’hui quelles actions le Gouvernement entend mener en la matière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, le 29 mai, parmi d’autres événements, nous a confirmé qu’il fallait faire l’Europe autrement si l’on voulait continuer à la construire.

Mme Arlette Franco. Très juste !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce message a été entendu par le Gouvernement, qui a pris plusieurs initiatives pour mieux associer les Français au projet européen.

La première de ces décisions, annoncée ici même au mois de juin par le Premier ministre, Dominique de Villepin, a été de davantage associer le Parlement : celui-ci sera mieux informé et plus régulièrement.

M. Albert Facon. Paroles, paroles…

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Désormais, un débat public aura lieu avant chaque Conseil européen. Ce sera le cas le 13 décembre dans cet hémicycle et le lendemain au Sénat. De plus, tous les ministres devront présenter, devant les commissions compétentes, les enjeux et les résultats de chacun des conseils des ministres de l’Union européenne auxquels ils auront participé.

Ensuite, la représentation nationale se prononcera sur davantage de textes européens : le Premier ministre a d’ailleurs récemment signé une circulaire étendant le champ d’application de l’article 88-4 de la Constitution. Vous pourrez ainsi, mesdames et messieurs les députés, vous prononcer sur un grand nombre de textes en cours de négociation.

Enfin, le Parlement aidera les parlementaires qui le souhaitent à mieux connaître les institutions européennes, tant à Bruxelles qu’à Strasbourg, et à rencontrer des commissaires et des parlementaires européens ainsi que des spécialistes sur les grandes questions en cours de négociation. Des visites ont déjà eu lieu la semaine dernière, notamment celle du président de la délégation pour l’Union européenne lui-même, et elles se poursuivront.

Il a été également décidé de développer le dialogue sur le thème de l’Europe avec tous ceux qui le souhaitent, et ils sont nombreux. Le Premier ministre a ainsi proposé au Président de la République une série d’actions visant à consulter régulièrement les partenaires sociaux, les associations d’élus et la société civile. J’ai moi-même reçu les syndicats, que je rencontrerai désormais chaque semestre, à chaque nouvelle présidence européenne. Cela n’a jamais été fait, et je le regrette.

Le Gouvernement renforcera également son action en faveur de l’Europe sur les sites Internet publics et ouvrira bientôt un site de dialogues interactifs qui, je le souhaite, sera un espace de débats. Votre assemblée a fait de même et publiera une lettre d’information sur l’Europe. À cet égard, je tiens à vous remercier, monsieur le président, pour les décisions que vous avez prises, ainsi que M. Lequiller, président de la délégation, pour son engagement sans faille. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mesdames et messieurs les députés, je ne doute pas qu’en joignant les efforts de la représentation nationale et ceux du Gouvernement, nous parviendrons à mieux associer nos compatriotes au grand projet européen et au processus de décision, car il s’agit de décisions importantes.

M. Jacques Desallangre. Les Français ont déjà dit ce qu’ils en pensaient !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Je le sais ! Nous avons fort à faire, et j’espère pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées

M. le président. La parole est à M. Daniel Prévost, pour le groupe UMP.

M. Daniel Prévost. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances affiche de grandes ambitions. Elle apporte des réponses aux attentes légitimes des personnes handicapées et favorise leur intégration dans la société. L’effort de la nation est très important puisqu’il s’élève chaque année à 28 milliards d’euros, pensions d’invalidité et d’accidents du travail comprises.

Toutefois, depuis l’impulsion donnée en 2002 par le Président de la République, les retards s’accumulent dans certains domaines : l’accueil des personnes handicapées en établissement, la scolarisation des enfants handicapés, l’emploi, les prestations versées aux adultes handicapés, l’accessibilité des bâtiments et des transports, la facilitation des démarches permettant aux personnes handicapées de faire reconnaître leurs droits.

La loi de 2005 a fait couler beaucoup d’encre et provoqué de nombreux commentaires. Elle a suscité des espoirs, mais aussi des déceptions et des critiques. Rendons hommage aux associations qui, en liaison avec les pouvoirs publics, ont beaucoup contribué à l’améliorer en défendant des revendications légitimes comme la garantie d’un revenu d’existence minimum, le droit à la compensation du handicap, l’insertion des travailleurs handicapés.

Après les grandes lois de 1957, 1971, 1975, 1987 et 1991, la loi de 2005 est une étape supplémentaire vers l’intégration des personnes handicapées, mais elle sera appréciée à l’aune des moyens alloués et de la portée des décrets d’application. Or ceux-ci se font attendre, et cette attente est insoutenable pour les familles. La loi a été votée il y a plus de dix mois. Il est urgent de faire appliquer toutes les mesures prévues en faveur des personnes handicapées.

Monsieur le ministre, nous attendons avec impatience la publication des décrets qui illustreront l’importance des moyens humains et financiers mis en œuvre et donneront à la loi une totale effectivité. Pouvez-vous nous dire à quelle date sortiront ces décrets, faisant des progrès attendus une réalité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Demain ! Ils sortiront demain !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir posé cette question (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui montre une fois de plus combien vous êtes engagé en faveur des personnes handicapées.

La loi du 11 février 2005 est l’une des grandes lois de la République en matière d’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, de citoyenneté et de participation…

M. Daniel Paul. Mensonges !

M. Maxime Gremetz. C’est faux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …et vous avez raison, monsieur le député, de veiller à son application. Comme vous le savez, le Gouvernement y est lui aussi très attaché.

Son application a commencé puisque, dès le mois de juillet dernier, l’allocation aux adultes handicapés, pour ceux d’entre eux qui sont dans l’incapacité de travailler, a été portée à 80 % du nouveau SMIC, c’est-à-dire après son augmentation en juillet dernier de 5 %.

Ensuite ont été prises les dispositions permettant aux personnes très lourdement handicapées de bénéficier, avant même l’instauration de la nouvelle prestation de compensation du handicap, d’une prestation mensuelle de 5 000 euros en moyenne, afin que puissent se succéder à leur chevet les auxiliaires de vie dont ils ont besoin. Il y avait urgence, et nous avons agi !

Mme Martine David. C’est faux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Au mois d’août, il nous a fallu préparer les statuts-type des maisons départementales du handicap, qui seront mises en place dès le 1er janvier prochain. Ces guichets uniques permettront à toutes les personnes handicapées d’accéder à l’information sur leurs droits et de les faire valoir, sans avoir à effectuer l’actuel parcours du combattant.

M. Alain Néri. Les conseils généraux vont payer !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Certes, monsieur le député, d’autres textes sont nécessaires, mais nous avons organisé la rentrée scolaire en appliquant le nouveau principe de l’inscription des élèves handicapés à l’école de leur quartier ou de leur village (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et nous examinons actuellement les décrets d’application.

Je suis heureux, monsieur le député, de vous annoncer que le conseil national des personnes handicapées a déjà rendu son avis sur trente-neuf décrets d’application et qu’il en examinera sept autres la semaine prochaine. Ces quarante-six décrets seront publiés avant la fin de l’année, après une phase de préparation intensive et de concertation – nous y veillons – avec toutes les associations, auxquelles, à mon tour, je rends hommage.

La loi du 11 février 2005, cette grande loi voulue par le Président de la République, tiendra toutes ses promesses…

Mme Martine David. Baratin !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …et nous veillerons à ce que notre programme de création de places pour les personnes handicapées – deux fois plus qu’au cours de la précédente législature – soit mis en œuvre rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Retour à l’emploi

Explications de vote
et vote sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu, par scrutin public, en application de l’article 65-1 du règlement.

La parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et devoirs des allocataires de minima sociaux qui est soumis à votre approbation marque la première étape de la réforme voulue par le Gouvernement. Il rénove un dispositif d’intéressement trop complexe et devenu inopérant. L’intéressement que nous allons mettre en place est simple, juste et financièrement attractif. En rendant le revenu du travail plus rémunérateur que celui de l’assistance, il favorisera le retour à l’emploi des allocataires du RMI, de l’API et de l’ASS, et leur sortie de la précarité. Il contribuera ainsi à la mobilisation générale pour l’emploi souhaitée par le Premier ministre.

La discussion a permis de trouver une solution équilibrée à l’importante question de la garde des enfants, en garantissant un nombre déterminé de places d’accueil au profit des bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi.

Le texte qui vous est soumis a été enrichi par votre assemblée, puisque, parallèlement aux droits attachés aux minima sociaux, elle a souhaité rappeler les devoirs qui s’imposent à ceux qui en bénéficient. Vous avez en effet voulu améliorer le régime des sanctions applicables aux cas de fraude. Celles qui existaient étaient injustes, car différant selon les allocations, et, pour certaines, difficilement applicables, car trop sévères au regard de la situation des intéressés. Par souci d’équité, vous les avez harmonisées et atténuées, choisissant la moins lourde des sanctions jusqu’alors en vigueur.

Enfin, vous avez fait preuve de réalisme en prévoyant la possibilité d’amendes administratives moins sévères que les poursuites pénales. À cet égard, je remercie, au nom de ma collègue Catherine Vautrin, le rapporteur Laurent Wauquiez pour le travail qu’il a accompli.

Cette loi constitue, je l’ai dit, une première étape et sera suivie d’autres réformes. Les missions parlementaires en cours, mais aussi les travaux de votre commission et les propositions qui ont été faites au sein même de cet hémicycle, en constitueront le fondement.

Telle qu’elle est proposée aujourd’hui, cette loi est un texte équitable, qui instaure des droits et des devoirs identiques pour tous les allocataires. Elle est un texte efficace, qui permettra à ceux qui sont exclus de l’emploi de reprendre un travail et de retrouver une place au sein de la société. C’est pourquoi je vous demande aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, de l’approuver.

Au nom de ma collègue Catherine Vautrin…

M. Patrick Roy. Où est-elle ?

M. Maxime Gremetz. Elle est malade ?

M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. …je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour le remarquable travail que vous avez accompli au service de la loi pour le retour à l’emploi. Je remercie également les membres de la commission des affaires sociales, notamment M. Dominique Tian, pour la pertinence de leurs propositions. Enfin, je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, pour la qualité des échanges qui ont accompagné l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux simplement saluer la qualité de nos débats et remercier les orateurs qui, sur tous les bancs, les ont animés. Ils nous ont permis d’enrichir, grâce à des dispositions de clarification sur l’intéressement, un texte court et utile, de corriger − notamment avec les amendements de mes collègues Maurice Giro et Dominique Tian − diverses absurdités administratives, de faciliter le basculement des bénéficiaires de minima sociaux vers des emplois aidés − contrat d’avenir et contrat insertion-revenu minimum d’activité −, et de renforcer les modes de garde.

Bien entendu, ce texte n’est qu’une première étape et l’harmonisation des minima sociaux sera notre prochain objectif, mais je tenais à remercier chacun de vous pour son apport au débat et pour la qualité de ses interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le titre était alléchant − bien qu’il ait changé en cours de débat −, mais, manifestement, le compte n’y est pas : telle est la conclusion à laquelle le groupe socialiste est parvenu à l’issue de l’examen du projet de loi sur le retour à l’emploi.

Innombrables sont les questions qui restent sans réponse. Ainsi, on ne peut que regretter l’absence d’étude d’impact. On nous dit que cette loi devrait aider à pourvoir les 300 000 à 500 000 postes qui n’ont pas de titulaire, mais rien ne prouve qu’elle aura bien cet effet-là.

La prime de retour à l’emploi, mesure phare de ce texte, ne sera versée qu’au quatrième mois, et si le salarié travaille plus de 78 heures. Ce ne sont donc pas ceux qui connaissent les plus grandes difficultés qui seront concernés.

Par ailleurs, nous n’avons à aucun moment abordé la question des droits connexes. Sans doute, n’est-ce qu’un étage de la fusée, mais les bénéficiaires vont être dans l’incertitude la plus totale en ce qui concerne leur accès à la CMU ou les exonérations fiscales, autant de sujets qui, vous en conviendrez, ne sont pas secondaires.

Le Gouvernement avait commandé un rapport sur le sujet à deux sénateurs : l’un d’eux, membre du groupe Union centriste-Union pour la démocratie française, a considéré que, le Gouvernement l’ayant pris de vitesse en rédigeant ce projet de loi avant même de connaître ses conclusions et sans concertation avec les différents partenaires, sa mission n’avait plus lieu d’être.

En réalité, lorsqu’on songe au contexte dans lequel s’inscrit cette loi, on voit bien que vous ne poursuivez qu’un seul objectif : afficher une baisse du chômage. Il aurait pourtant suffi, dans les années à venir, de compter pour cela sur les évolutions démographiques : 800 000 personnes prendront leur retraite en 2006, alors qu’elles n’étaient que 747 000 à le faire en 2004 : le chômage va donc diminuer mathématiquement.

Après trois années d’errements, vous avez également remis en route un certain nombre d’emplois aidés, qui permettront de corriger le tir. Mais ce n’était pas encore suffisant et, petit à petit, vous accumulez les dispositifs. Ainsi, à la suite de l’adoption de la loi de cohésion sociale, 37 000 chômeurs sont radiés chaque mois de l’ANPE pour des motifs divers.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai !

M. Michel Liebgott. Vous avez présenté le contrat nouvelles embauches comme la solution miracle, mais ce n’est rien d’autre qu’un contrat doté d’une période d’essai de deux ans. Que se passera-t-il à l’issue de cette période ? Sans doute certains chefs d’entreprise ont-ils largement profité de l’aubaine, mais, en réalité, rien ne laisse aujourd’hui augurer une baisse durable du chômage. Entre juin et la rentrée, nous avons simplement constaté la création de 8 500 emplois, soit une augmentation de 0,1 %. Je vous rappelle que, dans une autre période, entre 1997 et 2002, la confiance et la relance nous avaient permis d’obtenir des résultats de 0,6 % supérieurs à la moyenne européenne.

En réalité, ce texte de loi a été préparé dans la précipitation : on n’a consulté ni la FNARS, ni l’UNIOPSS, ni aucune autre fédération. L’Association des départements de France n’a pas non plus été approchée. Par ailleurs, les CAF sont invitées à réduire leurs effectifs et leurs investissements sociaux, ce qui est totalement incompatible avec la nécessaire prise en charge des enfants de ces travailleurs censés reprendre une activité.

En fait, on voit bien qu’il s’agit avant tout de créer une nouvelle catégorie. À une époque, on parlait des « nouveaux pauvres » : on pourrait désormais parler des « travailleurs pauvres ». La loi de cohésion sociale ayant créé des filiales de l’ANPE, on a commencé à distinguer entre les bons chômeurs et ceux qui n’étaient plus reclassables ; de même, le système va désormais privilégier le temps partiel, l’employeur pouvant très facilement prendre prétexte de cette prime pour moins rémunérer le nouvel employé. Ainsi, c’est à peine si l’on pourra survivre en cumulant minima sociaux et travail à temps partiel.

D’ailleurs, le changement de titre n’est-il pas un aveu ? À l’origine « relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi », il s’agit maintenant d’un projet de loi « pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux ». Une pénalité énorme de 3 000 euros va sanctionner des gens qui ne touchent que les 425 euros du RMI. Au fil des débats, les masques sont tombés. Une certaine presse l’avait déjà annoncé. Dès le 30 novembre, Le Figaro titrait : « Les fraudeurs aux minima sociaux dans la ligne de mire des députés » ; mais ceux du groupe socialiste ne se sentent pas visés. Challenges était plus clair encore : « Voici venir le contrôle renforcé du RMiste, après celui du chômeur. »

Au-delà de quelques évolutions techniques, cette loi n’apporte aucun progrès. Le Gouvernement prétend réaliser un investissement de 240 millions d’euros, mais 6 millions d’allocataires vont devoir se partager cette somme, qui n’a pas été budgétée pour l’instant et correspond exactement à ce que vont épargner les 14 000 bénéficiaires de la baisse de l’impôt sur la fortune. Dans ces conditions, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, en abordant l’examen du projet de loi, le groupe UDF manifestait sa plus grande perplexité. Nous n’avions rien contre le principe d’une amélioration, pour les bénéficiaires du RMI, de l’ASS ou de l’API, de l’intéressement à la reprise d’un emploi. Une incitation financière est, en effet, un moyen parmi d’autres d’encourager les allocataires demandeurs d’emploi à retrouver une activité professionnelle. Mais elle n’est, justement, qu’un des moyens possibles, à l’intérieur d’une indispensable réforme d’ensemble. Or, de réforme d’ensemble, il n’y a guère de trace dans le texte.

La plupart des efforts effectués par les députés pour l’amender ont été voués à l’échec, le Gouvernement renvoyant à d’autres projets de loi des questions fondamentales telles que la lutte contre les discriminations à l’embauche, la réforme des droits connexes, la recherche d’une plus grande équité pour les travailleurs aux revenus les plus modestes, ou encore l’accompagnement vers et dans l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

Nous regrettons également que n’ait pas été abordée la situation des chômeurs non indemnisés par l’assurance chômage, faute d’avoir travaillé pendant une durée suffisante pour pouvoir prétendre à une prise en charge, non plus que les difficultés des jeunes de moins de vingt-cinq ans qui ne peuvent prétendre au régime de solidarité, puisqu’ils sont, de par la loi, exclus du dispositif du RMI.

Compte tenu de l’ampleur du travail qui reste ainsi à accomplir, nous restons persuadés que ce projet de loi nous a été présenté de façon précipitée – ce qui explique que le texte demeure incomplet –, en court-circuitant pour le moins le travail en cours au Sénat sur ces thèmes.

Dans un contexte de chômage de masse, nous restons perplexes quant à l’efficacité de la seule incitation financière qu’il y aurait, selon le Gouvernement, urgence à appliquer, sans même achever la réforme d’ensemble des minima sociaux. Pour l’UDF, c’est la peur d’une perte non anticipée de revenus ou d’un droit connexe, qui constitue, pour le bénéficiaire d’un minimum social, un des freins au retour à l’emploi.

Hormis quelques cas d’abus caractérisés qui doivent être sanctionnés – ce que le texte permet de façon plus adaptée –, être au chômage, en particulier de longue durée, n’est jamais la conséquence d’un choix délibéré.

Nous avons bien entendu que vous-même, monsieur le ministre, partagiez cette conception. Nous avons pu constater également que le Gouvernement s’engageait à continuer de travailler à une réforme globale des minima sociaux. Nous serons vigilants quant au respect de cet engagement. Enfin, nous avons pris acte de votre volonté de mieux accompagner les bénéficiaires de minima sociaux dans un véritable parcours vers l’emploi.

Tout en rappelant nos doutes sur l’efficacité immédiate du projet de loi, nous estimons cependant qu’il est de nature, à terme, à améliorer la situation financière des bénéficiaires de minima sociaux qui s’inscrivent dans un parcours de retour à l’emploi. C’est pourquoi le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je fais d’ores et déjà annoncer dans le Palais le scrutin sur l’ensemble du projet de loi.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des députés communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, ainsi que nos débats l’ont démontré, le projet de loi ne doit créer aucune illusion. S’il suffisait d’une prime pour inciter au retour à l’emploi, il y a longtemps que l’on aurait résolu une partie importante du problème. Les incitations financières ne seront d’aucune efficacité durable pour le retour des titulaires de minima sociaux à une activité professionnelle. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement alors que l’on ne se soucie ni de la nature du travail que peut proposer notre société ni de la politique salariale qui y est pratiquée ?

Le problème de fond n’est pas de convaincre les personnes les plus éloignés de l’emploi d’en chercher un, mais bien de donner du travail durable et correctement rémunéré. Mais de cela, vous ne voulez pas parler.

Quelle réponse ce texte va-t-il apporter à toutes les situations de précarité que connaissent les titulaires de minima sociaux ? Aucune ! Vous ne leur proposez que la précarité après l’ultra-précarité.

Le projet de loi ignore complètement la nature du marché de l’emploi, un marché caractérisé par la multiplication des contrats précaires mais aussi par le gel des salaires. Quant aux sporadiques augmentations du SMIC, qui pérennisent la logique de bas salaire, le trop faible écart qu’elles perpétuent entre salaire et minima sociaux ne permet pas non plus de faire face aux dépenses courantes.

Quelles perspectives donner à ces personnes en situation de précarité, quand on compte 2,5 millions de travailleurs pauvres, quand un SDF sur trois a un emploi – des travailleurs sans toit le soir venu, cela ne s’était jamais vu en France ! –, quand, en vingt ans, l’intérim a augmenté de 316,8 %, les CDD de 517,5 %,...

M. Jean-Pierre Gorges. Le chômage baisse !

M. Maxime Gremetz. ...et le sous-emploi de 701 %, alors que les CDI ne progressaient que de 12,2 % ? Oui, quelles perspectives leur donner quand trois emplois nouveaux sur quatre sont précaires et que 70 % des offres d’emplois à l’ANPE correspondent à des contrats de moins de six mois ?

La vérité, de nombreux rapports la soulignent, tel celui de cette sénatrice de droite qui observe que « le retour à l’emploi n’est pas rémunérateur, ce qui n’a rien à voir avec la volonté des personnes considérées de retrouver ou non un emploi ».

Le projet de loi leur apportera tout au plus une petite bouffée d’oxygène, sous forme d’un apport financier qui compensera tout juste le refus du Gouvernement d’augmenter les minima sociaux et de contraindre le MEDEF à augmenter les salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ah, les amis du MEDEF réagissent !

Cet apport ne pèse pas bien lourd au regard de l’impasse dans laquelle vous laissez les titulaires de l’ASS, du RMI et de l’API désireux de reprendre un emploi, comme au regard des sanctions démesurées infligées à celles et à ceux qui contreviendraient à la loi.

Monsieur le ministre, ce texte est inefficace car, outre qu’il ne changera rien à la qualité de l’emploi proposé, il ne fait que panser, sans guérir, une plaie que notre pays n’avait jamais connue : le développement des petits boulots, de l’intérim et des contrats précaires, et l’abaissement généralisé des droits des salariés.

Vous laissez ces gens sans possibilité de concevoir des projets personnels, voire de construire une vie de couple, faute de pouvoir obtenir un prêt bancaire, accéder à un logement, acheter un véhicule ou s’offrir des loisirs. Une voie sans avenir, tel est le projet de société que vous proposez à nos concitoyens !

M. Jean-Pierre Gorges. Vive le communisme !

M. Maxime Gremetz. Il aurait été préférable de s’attaquer aux causes de cette situation et donc de se pencher sur la qualité des emplois, sur le niveau des salaires et sur les possibilités de formation plutôt que de tenter de faire accepter n’importe quoi à n’importe qui. Encore une fois, s’il suffisait d’une prime pour corriger cette situation, on ne connaîtrait pas les difficultés que l’on rencontre aujourd’hui.

Le projet de loi, malgré des aspects généraux et une approche de bon sens, n’apporte pas de bonnes réponses. Aussi, le groupe des députés communistes et républicains, qui a multiplié les propositions concrètes sans être écouté et encore moins entendu – privilège, chers collègues, que vous réservez au MEDEF (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) –, votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le septième mois consécutif, le chômage a poursuivi sa baisse en octobre, de sorte que l’on compte 130 000 chômeurs de moins depuis avril.

M. Alain Néri. Combien de RMIstes en plus ?

M. Dominique Tian. Si nous pouvons nous féliciter des résultats du plan de cohésion sociale, qui a relancé la création d’emplois aidés dans le secteur non marchand, il n’y en avait pas moins, comme le soulignait Catherine Vautrin, urgence sociale à favoriser les conditions de retour à l’emploi des 3,3 millions d’allocataires de minima sociaux, dont 1,2 million au RMI.

L’ancien dispositif était trop complexe, peu lisible et insuffisamment incitatif pour créer une vraie dynamique de retour à l’emploi, le différentiel financier n’étant pas assez élevé, certaines personnes voyaient même leur revenu baisser dès qu’elles retravaillaient.

Comme l’indiquait le rapporteur, Laurent Wauquiez, il fallait rendre le revenu du travail plus attractif que celui de l’assistance.

M. Frédéric Dutoit. Augmentez les salaires !

M. Dominique Tian. C’est pourquoi ce projet prévoit de verser le quatrième mois une prime de 1 000 euros, complétée par un bonus de 150 euros par mois pendant un an.

M. Alain Néri. Payés par qui ? Par les conseils généraux ?

M. Dominique Tian. Ce dispositif a l’avantage de la simplicité puisqu’il est identique pour les bénéficiaires des trois minima sociaux, le RMI, l’API et l’ASS, et que chacun pourra calculer lui-même ce qu’il va gagner par le retour à l’emploi. Il s’agit de la première étape d’une réforme de ces minima.

Le projet de loi a été sensiblement enrichi lors de son examen puisque de nombreux amendements – une quarantaine – ont été adoptés. Ainsi, s’agissant des modes de garde des enfants, il a été prévu de garantir un nombre déterminé de places d’accueil au profit des bénéficiaires de minima qui reprennent un travail, ce qui paraît être une solution équilibrée par rapport aux parents qui ont déjà un emploi.

S’agissant des revenus des travaux saisonniers, il a été décidé, à la demande de notre collègue Maurice Giro, qu’ils n’entraîneraient pas une diminution des allocations.

Enfin, une série d’amendements a simplifié le recours au contrat aidé, notamment en supprimant le délai, absurde, de six mois pour accéder au contrat d’avenir et au CI-RMA, ainsi que la limitation des possibilités de renouvellement des contrats d’avenir.

En contrepartie, il est institué un contrôle plus efficace des allocations servies afin d’éviter les fraudes. Ainsi, l’accès, pour des étrangers, au RMI, sera mieux surveillé, et le contrôle du travail illégal sera renforcé.

Enfin, estimant que le caractère très élevé et disparate de certaines amendes rendait celles-ci inapplicables, l’Assemblée a instauré un régime de sanctions homogène et adapté. Comme l’a indiqué Laurent Wauquiez, il s’agit « d’un juste équilibre entre droits et devoirs ».

Mes chers collègues, l’ancien système n’avait incité que 11 % des allocataires du RMI à bénéficier d’un intéressement à la reprise d’emploi. Le nouveau système, beaucoup plus simple et donc plus facile à comprendre par tous, sera plus incitatif, notamment sur le plan financier. C’est pourquoi le groupe de l’UMP votera cet excellent projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………......

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

dates de renouvellement du Sénat – mandat des conseillers municipaux
et généraux

Discussion de deux projets de loi
adoptés par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, modifiant les dates des renouvellements du Sénat (nos 2576, 2716) et du projet de loi, adopté par le Sénat, prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007 (nos 2577, 2716).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Chacun de vous sait que je fais référence à l’article 3 de notre Constitution qui nous rappelle, si besoin était, l’importance qui s’attache au bon déroulement des élections.

M. Bruno Le Roux. Ça commence bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. J’imagine que ce point recueille en effet l’unanimité. Ces moments de débat et de choix politiques sont, à l’évidence, le socle de notre démocratie.

De ce point de vue, l’année 2007 sera à la fois décisive et inédite. Si le calendrier actuel était maintenu, les Français auraient à désigner, en mars, leurs conseillers municipaux et leurs conseillers généraux dans la moitié des cantons, puis, dans un deuxième temps, le Président de la République. En application de la Constitution, le premier tour de l’élection se déroulerait ainsi dans la deuxième quinzaine d’avril. Ils seraient enfin appelés à désigner, chacun d’entre vous y sera certainement sensible, leurs députés entre mai et juin, avant que le tiers du Sénat, correspondant à l’actuelle série A, ne soit renouvelé, en septembre.

Scrutins locaux d’abord, scrutins nationaux ensuite, très concrètement, cette succession de scrutins signifie qu’entre mars et juin, nos concitoyens seraient appelés aux urnes un dimanche sur trois. Une telle accumulation d’élections serait unique dans l’histoire de la Ve République. Chacun a bien conscience, j’imagine, que ce calendrier n’est ni raisonnable ni réaliste.

Comment mobiliser les Français pendant plus de quatre mois autour d’enjeux tour à tour locaux et nationaux ? Comment éviter une confusion entre les campagnes et la lassitude logique, compréhensible, des électeurs ?

Le taux de participation subit une baisse tendancielle depuis la fin des années 80. Entre le premier tour de l’élection présidentielle de 1995 et celui de 2002, l’abstention a, par exemple, progressé de 6,6 points. Le même constat peut être fait pour les élections législatives, cantonales ou municipales, et je ne parle pas des européennes mais j’y pense beaucoup.

Les raisons en sont nombreuses et complexes, mais vous conviendrez que la multiplication des scrutins n’est pas de nature à inverser cette tendance.

Contraignant pour les citoyens, le calendrier actuel l’est aussi pour ceux qui assurent l’organisation des élections. Je pense bien évidemment d’abord aux maires, mais aussi aux milliers de fonctionnaires de nos communes et de nos préfectures, dont la mobilisation, le jour du scrutin et dans les semaines qui précèdent, est essentielle au bon déroulement des opérations électorales. Je pense enfin, et je suis sûr que vous avez également une pensée pour eux, aux dizaines de milliers de bénévoles qui consacrent leur journée à tenir les bureaux de vote et auxquels je veux rendre ici un hommage particulièrement appuyé.

Songez que l’organisation concomitante des élections municipales et cantonales dans la moitié des cantons impose d’ouvrir 96 000 bureaux de vote et de mobiliser, deux dimanches de suite, près de 480 000 bénévoles. Plus de 300 000 volontaires seront ensuite nécessaires pour tenir les bureaux lors de l’élection du Président de la République, au premier comme au second tour. Et le même dispositif devrait être reconduit en juin pour les élections législatives. Un constat s’impose : tout cela n’est simplement pas réalisable.

L’enchaînement très rapide de quatre consultations obéissant à des modes de scrutins différents serait en outre une source de complication inédite pour plusieurs acteurs. Le conseil supérieur de l’audiovisuel et la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques disposeraient ainsi de délais légaux très brefs pour publier leurs recommandations ou rendre leurs décisions. Ces étapes sont pourtant fondamentales. Il ne serait pas sain de les précipiter.

Les principales formations politiques, consultées par le Gouvernement, l’ont toutes reconnu – à cet égard, il y a un assez large consensus – : l’organisation d’un si grand nombre d’élections sur une période aussi courte n’est pas souhaitable. Cela pourrait compromettre le bon déroulement des opérations électorales et même troubler, dans certains cas, la sérénité du vote. C’est un risque que nous n’avons pas le droit de courir.

Une autre difficulté, d’ordre juridique celle-ci, doit être soulignée.

Comme le Conseil constitutionnel l’a récemment relevé, le renouvellement, en mars 2007, des conseils municipaux et d’une moitié des conseils généraux interviendrait en pleine période de recueil des parrainages pour l’élection présidentielle. Le juge constitutionnel se trouverait alors en présence d’un collège de présentateurs à géométrie variable qui, en fonction des renouvellements des conseils municipaux et des conseils généraux, pourrait passer de 45 000 à environ 60 000 personnes.

La vérification de l’identité des présentateurs s’en trouverait compliquée. La validité de certaines présentations serait incertaine, une partie d’entre elles émanant d’élus en toute fin de mandat, voire d’élus désavoués par le suffrage universel.

Cette difficulté n’est pas nouvelle. En 1988, elle avait déjà conduit le législateur à reporter les élections cantonales au-delà de l’élection présidentielle. En 1995, les mandats des conseillers municipaux avaient été, pour les mêmes raisons, prolongés de trois mois. La perspective du scrutin législatif du mois de juin nous oblige, cette fois, à prévoir un report d’une plus grande ampleur.

Enfin, il nous faut prendre en compte le souci exprimé par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel que les conseils municipaux et généraux, qui forment la grande majorité des électeurs sénatoriaux, soient renouvelés avant le scrutin sénatorial. Dans le cas contraire, le collège chargé d’élire les sénateurs se composerait, pour l’essentiel, d’élus dont le mandat aurait été prorogé.

Les deux projets de loi que j’ai l’honneur de vous présenter visent à répondre à ces exigences pratiques et juridiques. L’enjeu est capital, puisqu’il s’agit de permettre aux Français d’exercer leur pouvoir de manière claire, simple et sereine.

Ils tiennent compte de l'avis de vos groupes politiques et des associations d'élus locaux, qui tous reconnaissent que le calendrier actuel doit être aménagé. Le Conseil constitutionnel, dans ses récentes observations sur les échéances électorales, s'est d’ailleurs prononcé dans le même sens.

Le projet de loi ordinaire vous propose de reporter les élections municipales et cantonales. Pourquoi précisément ces deux scrutins ? Parce que c'est la seule solution qui respecte la logique de nos institutions. La Ve République est en effet rythmée par l'élection du Président de la République, dont la date ne saurait être modifiée sans une révision de la Constitution. De même, la nécessité d'assurer au chef de l'État nouvellement élu une majorité de gouvernement explique que les élections législatives se tiennent immédiatement après l'élection du Président de la République.

Sans vouloir dénaturer le débat, il faut alors poser la question de savoir pourquoi ne pas avancer les élections locales : parce que le raccourcissement d'un mandat politique par une loi postérieure à l'élection est contraire à la tradition républicaine. Le seul exemple récent remonte à 1979 ; vous vous en souvenez peut-être. Cet exemple est très particulier, puisqu'il concerne les mandats des membres du Conseil de gouvernement et de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, interrompus avant leur terme normal. Cette mesure trouvait sa justification dans la modification simultanée du statut de la collectivité calédonienne.

Au contraire, tous les aménagements récents du calendrier électoral ont donné lieu à des prolongations de mandats. Je songe ainsi au mandat des conseillers généraux élus en 1985 et en 1998, à la prorogation de trois mois du mandat des conseillers municipaux renouvelables en 1995, ou encore à celle du mandat des députés élus en 1997, afin que les élections législatives aient lieu après l'élection du Président de la République.

Ainsi que l'a souhaité la majorité des formations politiques consultées dès 2004, les élections municipales et cantonales seraient donc reportées d'un an. Ce projet de loi ordinaire, qui pas été modifié lors de son examen par le Sénat, reste cependant insuffisant.

Comme le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont tous deux expressément souligné, le report des élections locales implique en effet nécessairement celui des élections sénatoriales. Le Gouvernement vous soumet donc un projet de loi organique, qui reporte d'un an le renouvellement de la série A des sénateurs, initialement prévu en septembre 2007 et qui aurait ainsi lieu en septembre 2008.

Plusieurs objectifs ont guidé le Gouvernement dans ces choix.

La simplicité, d'abord, car, depuis 1960, les échéances du mois de mars pour les élections municipales et de septembre pour les sénatoriales ont toujours été respectées. Ce cycle est connu des Français, qui y sont habitués. Il faut, chaque fois que cela est possible, le préserver.

La lisibilité, ensuite, puisque 2007 serait ainsi consacrée aux rendez-vous nationaux, avec les élections présidentielle et législatives. Le report d'un an des élections locales permettrait de déconnecter les enjeux nationaux et locaux. Le temps du débat local n'en serait que mieux respecté, alors même que la décentralisation dote les collectivités territoriales de pouvoirs croissants. En disant cela, je ne souhaite néanmoins pas rouvrir de débat sur le sujet.

M. Bernard Derosier. Il le faudrait, pourtant !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. La cohérence, enfin, car le report d'un an des élections municipales et cantonales préserve le cycle normal de la vie municipale et départementale, notamment pour l'élaboration des budgets. Le report d'un an des élections sénatoriales permettrait à celles-ci de se dérouler avant l'ouverture de la session unique, donc de ne pas perturber les travaux si utiles de la Haute assemblée.

Dans le même esprit, la prolongation d'un an du mandat des conseillers généraux élus en 2004, prévue par le projet de loi ordinaire, vise à perturber le moins possible le fonctionnement des assemblées concernées. Le mandat des conseillers généraux élus pour six ans en 2008 serait ainsi renouvelable en 2014 et, afin de ne pas perturber leur renouvellement triennal par moitié, il vous est proposé de proroger d'un an le mandat des conseillers généraux élus en 2004, qui seront ainsi renouvelables en 2011.

A défaut, les élections cantonales auraient lieu en effet alternativement tous les deux et quatre ans, ce qui ne manquerait pas de perturber le fonctionnement des conseils généraux. De plus, il serait peu équitable de fixer le mandat des présidents successifs, à deux puis quatre ans.

J'en viens maintenant à la question plus délicate du mandat des sénateurs.

Le Gouvernement avait initialement considéré que, pour ne pas perturber la mise en œuvre de la réforme du Sénat, votée à une très large majorité en 2003, le mandat des sénateurs élus en 2008 pouvait être ramené à cinq ans. Cette solution permettait de ne pas modifier la date d'aboutissement de la réforme, fixée à 2013 avec le premier renouvellement complet de la nouvelle série 2.

Toutefois, le Sénat, lorsqu'il en a été saisi, a souhaité maintenir à six ans le mandat de ses membres qui seront élus en 2010 et 2013. Ses arguments tiennent à la volonté de ne pas perturber le principe du renouvellement triennal et au souci d'éviter que certains sénateurs ne soient élus par des conseillers municipaux en fin de mandat.

Il existait peut-être d’autres arguments, mais je n’ai rappelé que les principaux devant l’Assemblée nationale…

M. Jacques Brunhes. Quel humour !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …je vous laisse le soin, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, de les apprécier aujourd'hui. (Sourires.)

Comme devant le Sénat, le Gouvernement s'en tiendra à sa position traditionnelle selon laquelle, en matière de régime électoral des assemblées, il est de tradition de s'en remettre à la sagesse des parlementaires.

M. Bruno Le Roux. C’est du manque de courage !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Avec ces projets de loi, le Gouvernement n'a qu'un seul but : assurer le bon déroulement de la séquence électorale essentielle qui s'ouvre devant nous. Le calendrier qui vous est proposé offre ainsi une place de choix à chaque élection, évite la confusion des enjeux nationaux et locaux et nous prémunit contre la lassitude des électeurs.

Il s'agit là, j’espère que vous en conviendrez, d'une nécessité démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Francis Delattre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, afin d’éviter les redites avec le ministre, j’abandonne l’intervention écrite que j’avais préparée et j’irai à l’essentiel, même si je dois parfois donner le sentiment d’être à contre-courant de ce que j’ai défendu ici-même.

M. Bernard Derosier. Il va manger son chapeau !

M. Francis Delattre, rapporteur. En lisant pour la première fois ce texte, très politique en apparence, tel qu’il est sorti du Sénat, j’ai eu la même réaction que beaucoup d’entre vous. On se rend pourtant compte assez vite que les contraintes techniques l’emportent sur les contraintes politiques. La perspective que 80 % des sénateurs soient élus pour dix ans a choqué beaucoup de députés, ne nous le cachons pas, et les débats, dignes et retenus, de la commission des lois l’ont reflété.

J’ai vu tous les présidents de groupe concernés, ceux du Sénat comme ceux de l’Assemblée nationale. Des points de convergence se dégagent.

Le premier point d’accord concerne l’embouteillage électoral inédit auquel nous risquons d’être confrontés. Cela exige que nous aménagions le calendrier de 2007, et le Conseil constitutionnel nous y engage, en énonçant : « Une telle concentration de scrutins sollicite à l’excès le corps électoral au cours de la même période et fait peser sur le pouvoirs publics une charge trop lourde. »

Dès lors que nous sommes d’accord sur la nécessité d’un aménagement, nous avons essayé de dégager avec les présidents de groupe un certain nombre de principes, le premier d’entre eux étant qu’il ne faut pas mélanger les enjeux nationaux et les enjeux locaux.

Puisque nous devons entendre les avis du Conseil constitutionnel, je préconise que nous aménagions le calendrier électoral sur une durée globale d’une année. Cela est parfaitement conforme à la tradition républicaine, dès lors que l’on respecte aussi un autre principe selon lequel il est extraordinairement difficile de raccourcir des mandats en cours ; notamment ceux des conseils municipaux.

Une fois ces principes posés, les choix techniques d’aménagement sont limités. Hormis le fait que tout le monde souhaite éviter que se confondent enjeux présidentiels et enjeux municipaux, les élections municipales de mars posent le problème des parrainages. La difficulté que connaissent certains candidats à l’élection présidentielle pour recueillir les cinq cents parrainages nécessaires serait encore accrue avec des élections municipales fixées début mars. Le temps que les maires s’installent, cela ne laisserait aux candidats que trois ou quatre semaines, dans le meilleur des cas, pour recueillir les signatures. Or l’une des recommandations du Conseil constitutionnel est également de donner le temps nécessaire à l’obtention des parrainages.

On ne peut changer la date de l’élection présidentielle, qui à lieu fin avril début mai, ni celle des élections législatives, dans les six semaines qui suivent, comme cela est déterminé par une loi organique que l’on ne peut modifier. Dans ces conditions, organiser dans la foulée, comme le suggèrent plusieurs amendements de nos collègues socialistes, les élections municipales en septembre ou en octobre soulève des difficultés

M. Bernard Derosier. Ce serait pourtant sage et démocratique !

M. Francis Delattre, rapporteur. Peut-on prétendre en effet que ces élections seraient totalement dégagées de l’influence des résultats des scrutins présidentiel et législatifs ?

M. Bernard Derosier. Cela s’est produit ; en 1973 notamment !

M. Francis Delattre, rapporteur. J’attire votre attention, monsieur Derosier, si vous n’y avez pas réfléchi, sur le problème des comptes de campagne. En effet en décalant les élections de quelques semaines seulement, on aboutit à un chevauchement des comptes de campagne. Pensez aux députés-maires qui devront déterminer ce qu’il leur faudra imputer, dans les comptes de campagne, à l’élection législative et à l’élection municipale. Pensez aussi à la commission qui doit examiner les questions d’inéligibilité.

M. Bernard Derosier. Elle sait le faire ; elle l’a déjà fait !

M. Francis Delattre, rapporteur. Nous devons donc renoncer à un simple ajustement de quelques semaines et choisir un aménagement de l’ensemble des échéances de 2007.

Partant, se pose le problème de l’élection de nos collègues sénateurs.

Le projet initial du Gouvernement prévoyait de proroger d’un an le mandat des sénateurs renouvelables en 2007. Sur ce, une intervention, assez inopinée du Conseil constitutionnel, en juillet dernier, a établi que déplacer la date des élections municipales emportait forcément le déplacement de la date des élections sénatoriales.

M. Bruno Le Roux. C’est logique !

M. Francis Delattre, rapporteur. C’est logique, tout le monde en est d’accord. Le problème, c’est que, techniquement, nous nous heurtons à la réforme des mandats que le Sénat a lui-même engagée.

On a beaucoup glosé sur un mandat sénatorial de neuf ans, mais souvenons-nous qu’en 1914 il y avait encore des sénateurs élus à vie !

M. Léonce Deprez. Il y a du progrès ! (Sourires.)

M. Francis Delattre, rapporteur. Nous devons donc mesurer le progrès que représente le fait qu’ils se réforment eux-mêmes pour réduire leur mandat à six ans, dans le respect de la tradition triennale. Si cette réforme est imparfaite, elle n’en est pas moins courageuse. En effet, ce n’est pas chose aisée que d’admettre une telle mesure.

M. Jacques Brunhes. Passer de six ans à dix ans, quel courage ! (Sourires.)

M. Francis Delattre, rapporteur. Dans le cadre de ce que l’on appelle les égards mutuels, nous devons respecter l’autorité des sénateurs, fût-elle parfois un peu contestable politiquement.

Serait-il opportun, pour l’Assemblée, de s’engager dans une confrontation avec le Sénat pour une année supplémentaire de mandat ?

M. Jacques Brunhes. Pourquoi pas ?

M. Francis Delattre, rapporteur. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ! (Sourires.)

Faut-il polémiquer ? Je ne le crois pas.

M. Bruno Le Roux. Si !

M. Francis Delattre, rapporteur. Ce n’est pas ce qu’ont considéré vos collègues sénateurs socialistes, …

M. Bernard Derosier. L’erreur est humaine !

M. Francis Delattre, rapporteur. …puisqu’ils se sont très courageusement abstenus sur la réforme qui a été votée par les sénateurs des groupes UMP et centriste. Je les ai d’ailleurs consultés sur leur amendement, qui était semblable à celui que vous avez déposé, et je n’ai pas senti chez eux une réelle détermination.

M. Bernard Derosier. Vous vous déterminez donc selon le sentiment du groupe socialiste du Sénat !

M. Francis Delattre, rapporteur. Un large consensus se dégage donc à la fois sur la réforme du Sénat en cours et sur les dates.

Par ailleurs le Conseil constitutionnel a rappelé l’article 24 de la Constitution selon lequel le Sénat est élu au suffrage indirect. Le corps électoral de cette assemblée étant constitué, pour l’essentiel – 95 % –, par les conseillers municipaux, le Conseil estime nécessaire qu’il soit récemment renouvelé lorsqu’il devra élire des sénateurs. Cela ne sera pas une mauvaise chose pour la démocratie. Pour habile qu’il soit, le raisonnement du président de la commission des lois du Sénat, qui a longtemps siégé ici, est cohérent. A partir du moment où nous allons reporter les élections municipales en 2008, il n’est pas idiot pour un sénateur de porter l’échéance de son mandat à 2014 au lieu de 2013. En effet, le « principe de fraîcheur », rappelé par le Conseil constitutionnel et qui implique que les grands électeurs soient eux-mêmes « fraîchement » élus, s’appliquerait en 2013 de la même manière.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est une fraîcheur durable ! (Sourires.)

M. Francis Delattre, rapporteur. Or les conseils municipaux ne seront renouvelés qu’en 2014. Pour suivre les fermes recommandations du Conseil constitutionnel, il est donc normal que le mandat des sénateurs arrivant à échéance en 2013 soit prolongé jusqu’en 2014, et il faut en tirer les conséquences pour le renouvellement des sénateurs des autres séries, car, techniquement, cela n’est pas facile.

Tous les professeurs de droit que nous avons consultés ont affirmé que si, dans un premier temps, le projet de loi organique pouvait sembler un peu exagéré, le dispositif, globalement, tenait la route. En outre, si nous refusions de le voter, il y aura une navette ; les sénateurs adopteraient une question préalable…

M. Bruno Le Roux. Ils feraient donc du chantage !

M. Francis Delattre, rapporteur. …et toute la modification du calendrier électoral tomberait à l’eau. Nous devrions dès lors chercher une solution dans le cadre d’une loi simple, et cela ne serait pas évident.

M. Bruno Le Roux. Ce serait bien du chantage de la part des sénateurs !

M. Francis Delattre, rapporteur. Non, cela n’est pas du chantage !

M. Jacques Brunhes. C’est du chantage institutionnel !

M. Francis Delattre, rapporteur. La réforme constitutionnelle relative à la décentralisation confère au Sénat certaines prérogatives.

M. Bernard Derosier. C’est une anomalie !

M. Francis Delattre, rapporteur. Vous n’êtes pas très nombreux à l’avoir dit de ce côté de l’hémicycle !

M. Bernard Derosier. Bien sûr que si nous l’avons dit !

M. Bruno Le Roux. Lisez les comptes rendus !

M. Francis Delattre, rapporteur. Aujourd’hui, nous devons tenir compte de cette réforme constitutionnelle.

M. Bernard Derosier. C’est scandaleux !

M. Francis Delattre, rapporteur. Elle a été adoptée et c’est maintenant une réalité constitutionnelle.

En outre, comment nos collègues sénateurs pourraient-ils revenir sur le vote d’une loi organique qu’ils ont largement approuvée ?

Je vous rappelle par ailleurs que les groupes socialiste et communiste se sont contentés de s’abstenir sur ce texte.

Existe-t-il une solution alternative, hors celle du conflit avec le Sénat pour une année de mandat supplémentaire ? La loi simple, en effet, ne pourrait en rien modifier la décision du Conseil constitutionnel imposant le renouvellement des conseils municipaux avant le renouvellement des sénateurs. Voulons-nous que les élections municipales aient lieu en même temps que les élections législatives ? Telle est en fait l’alternative.

M. Bernard Derosier. C’est bien du chantage !

M. Francis Delattre, rapporteur. Estimez-vous, chers collègues, vous qui allez les premiers affronter le suffrage universel direct en portant le fardeau de cette réforme, que ce mélange des enjeux nationaux et locaux est souhaitable ? Je ne le pense pas. Ce n’est pas se coucher devant le Sénat que de tenir compte des réalités et de dire qu’il faut essayer de trouver un accord, même si nous savons tous que la Haute assemblée pousse très fort dans une direction.

M. Bruno Le Roux. Non ? (Sourires.)

M. Francis Delattre, rapporteur. Il n’y a pas d’alternative, je le répète.

M. Bernard Derosier. A moins de dissoudre l’Assemblée nationale ! (Sourires.)

M. Francis Delattre, rapporteur. Nous devons donc voter conforme le projet de loi organique qui nous revient du Sénat.

M. Bernard Derosier. Le mot est lâché ! On se couche devant le Sénat !

M. Francis Delattre, rapporteur. Je ne me suis jamais couché devant le Sénat ! Relisez nos débats !

M. Bernard Derosier. Je ne parle pas de vous, mais de ceux qui voteront comme vous !

M. Francis Delattre, rapporteur. Parce que nous avions à l’époque un Premier ministre issu du Sénat, nous avons cru devoir faire bonne figure lors de la réforme constitutionnelle, mais c’était une erreur, et je l’ai dit. Nous en payons aujourd’hui les conséquences.

Nous, nous sommes élus au suffrage direct, et il n’y a pas de négociation possible à cet égard.

Quoi qu’il en soit, il faut se montrer responsables. Alors que tous les maires ont maintenant intégré l’idée que les élections étaient reportées d’une année, vous affirmeriez que tel n’est plus le cas ? Personne n’aura le courage politique de se livrer à une manœuvre de ce type ! Pour que les candidats s’engagent en ayant une perspective claire et que les inscriptions électorales se passent dans les meilleurs conditions, il faut voter le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire dans les mêmes termes que le Sénat. Il y va de la bonne organisation de notre démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. En l’état actuel de notre législation, cinq élections se succéderaient, en l’espace de sept mois, en 2007. De toute évidence, ce calendrier électoral pose des problèmes qui sont certes techniques, mais avant tout politiques. Cela serait indéniablement « intenable », pour reprendre le qualificatif utilisé par l’actuel Premier ministre lorsqu’il était ministre de l’intérieur, intenable pour deux raisons relevées par le Conseil constitutionnel dans ses observations du 7 juillet dernier.

La première tient à l’organisation pratique de scrutins si rapprochés et à « la charge trop lourde » que cela ferait peser sur les pouvoirs publics et, notamment, sur la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

La seconde est liée au fait que, en l’absence de modification du calendrier, « les élections locales auraient lieu en plein recueil des présentations pour l’élection présidentielle, avec tous les risques que cela comporte tant pour la vérification de la validité des mandats que sur le nombre des candidats – deux générations de présentateurs pourraient être habilitées à parrainer. » Le Conseil constitutionnel préconise donc de reporter les élections locales, ce qui pose, ajoute-t-il, « nécessairement la question du report des élections sénatoriales ».

En fonction de ces considérations et après avoir consulté les partis politiques et les associations d’élus, le Gouvernement a choisi de modifier les dates des élections sénatoriales, municipales et cantonales prévues en 2007 et de proroger d’un an les mandats des élus concernés. Tel est donc l’objet initial des deux projets de loi, l’un organique, l’autre ordinaire, dont nous débattons.

Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, ce report est une nécessité pour une raison de fond qui va bien au-delà des observations du Conseil constitutionnel. Il s’agit en effet d’éviter le brouillage et la confusion des enjeux des différentes élections.

Il convient d’abord d’éviter que les élections municipales, au cœur de la démocratie locale, ne soient phagocytées par la logique présidentialiste qui caractérise notre système institutionnel dont la crise profonde se mue aujourd’hui en une crise du régime. Désormais, en effet, les élections présidentielles déterminent toute la vie politique du pays, car un Président tout puissant concentre des pouvoirs exorbitants entre ses mains. Il n’a de comptes à rendre à personne, ni au peuple ni à la représentation nationale.

À maintes reprises, j’ai dénoncé à cette tribune la dérive vers une monarchie élective, que le Président de la République actuel avait constatée lui-même en 1995 et que le Président Mitterrand avait soulignée avant lui. Cependant, leurs propos n’ont été suivis d’aucune réforme. Au contraire, la situation n’a fait qu’empirer. L’adoption du quinquennat et l’inversion des élections présidentielle et législatives ont renforcé les prérogatives du chef de l’État, accentué le fait majoritaire et réduit l’Assemblée à un rôle de simple chambre d’enregistrement qui voit passer les trains. («Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)  

Elles ont favorisé de fait la dangereuse bipolarisation de la vie politique, qui conduit à un appauvrissement du pluralisme et à un dysfonctionnement profond de la représentation populaire. Celui-ci se traduit par la rupture du lien entre l’expression du suffrage et l’exercice réel du pouvoir. On en voit les conséquences dans les courbes ascendantes, élection après élection, de l’abstention – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre –, dans le drame du 21 avril 2002 et dans l’hiatus entre le peuple et les élus de la nation, dont témoigne le vote du Parlement sur la Constitution européenne. Comparons les 83 % de oui du Congrès réuni à Versailles aux 55 % de non des citoyens français sur le même sujet.

Mais le débat d’aujourd’hui, j’en ai bien conscience, n’a pas pour objet la transformation radicale des institutions de la Ve République, même si celle-ci est incontournable pour sortir de la crise. Dans le contexte actuel, le découplage temporel des élections nationales et locales nous semble la seule garantie pour clarifier les enjeux des élections municipales et sauvegarder le lien fort qui existe au niveau communal entre l’élu et l’électeur. Sans ce découplage, la dynamique des élections présidentielles, qui influence si fortement les législatives – on l’a vu en 2002 –, aura les mêmes effets sur les municipales. C’est la raison pour laquelle, lors de la consultation sur le calendrier électoral organisée par le ministre de l’intérieur – il s’agissait à l’époque de M. de Villepin –, le Parti communiste français s’est prononcé clairement et fermement pour le report des élections municipales en mars 2008. Son souhait est que la date des scrutins locaux soit éloignée de celle des scrutins nationaux.

À cet égard, l’organisation de ces élections locales à l’automne 2007, même si elle limite l’allongement de la durée du mandat, objectif louable a priori, ne nous semble pas la mieux adaptée en raison des risques d’une forte abstention, la rentrée n’étant pas une période propice à une campagne électorale. Dans ce même état d’esprit, nous approuvions aussi le projet de loi organique initial afférent au Sénat, qui reportait les élections sénatoriales en septembre 2008. L’ordre institutionnel, qui requiert que les conseils municipaux soient renouvelés préalablement au renouvellement du Sénat, était ainsi respecté. De même, afin de limiter les modifications exceptionnelles et transitoires apportées au calendrier électoral, ce projet de loi écourtait à cinq ans le mandat des sénateurs élus en septembre 2008, qui devait prendre fin en septembre 2013.

Or la Haute assemblée a amendé ce projet afin de repousser à 2011 les élections sénatoriales prévues en 2010, et à 2014 celles prévues en 2013. Ainsi, monsieur le rapporteur, alors qu’une réforme est en cours pour ramener de neuf à six ans la durée du mandat des sénateurs, le Sénat décide de la faire passer de neuf à dix ans pour 83 % des sénateurs et de six à sept ans pour les autres.

M. Bernard Derosier. C’est le coup d’État permanent !

M. Jacques Brunhes. Voilà qui en dit long sur le caractère profondément conservateur de cette haute assemblée, qui s’inscrit dans une tradition bonapartiste en prolongeant elle-même le mandat de ses membres !

Et que dire du chantage qu’elle exerce à l’égard de l’Assemblée nationale en prétendant interdire aux députés de modifier en quoi que ce soit le calendrier des élections sénatoriales retenu par elle ? En effet, mes chers collègues, si nous décidions de ne pas voter conforme le projet de loi organique, le Sénat – notre rapporteur vient de le confirmer – menace d’adopter, lors de la deuxième lecture de ce projet de loi, une question préalable dont l’objet est de décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer. Cela reviendrait à ramener les élections sénatoriales à 2007, avant même le renouvellement des conseils municipaux. Ce n’est pas acceptable. Et ce chantage est en voie d’être approuvé par la majorité UMP !

M. Francis Delattre, rapporteur. Mais non !

M. Jacques Brunhes. Notre rapporteur nous invite au nom d’une soi-disant tradition républicaine des « égards mutuels », vieille formule bien antérieure à la guerre,…

M. Francis Delattre, rapporteur. Laquelle ?

M. Jacques Brunhes. …à ne pas nous écarter du dispositif retenu par le Sénat. L’Assemblée élue au suffrage universel direct, détentrice de la légitimité démocratique, est ainsi invitée à s’incliner devant le diktat de ce dernier. Ce n’est pas acceptable.

D’ailleurs, les députés de l’UMP n’ont pas eu de mots trop forts pour dénoncer le coup de force sénatorial, pour estimer, comme notre président de séance, qu’il était « temps de réagir à l’extension des pouvoirs du Sénat constatée depuis le début de la législature »,…

M. Bernard Derosier. Très juste !

M. Bruno Le Roux. Libérez notre président !

M. Jacques Brunhes. …pour dire, toujours comme M. Warsmann, que je cite une nouvelle fois, qu’il convenait « que l’Assemblée nationale cesse d’être la chambre d’enregistrement des dérives du Sénat » (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste), pour constater comme M. Pandraud…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Excellente référence !

M. Jacques Brunhes. …que « l’Assemblée nationale est devenue la troisième chambre réduite à avaliser une réforme imposée dans ses modalités par le Sénat sous menace de blocage institutionnel ». Autant de mots très forts pour, au bout du compte, en commission et à l’évidence tout à l’heure lors du vote en séance publique, et malgré un plaidoyer dont vous ne m’en voudrez pas de dire, monsieur le rapporteur, que je l’ai trouvé long, confus et défensif,…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Il m’avait semblé très clair, au contraire !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très clair, en effet !

M. Jacques Brunhes. …s’incliner, pour ne pas dire se coucher, une fois de plus, devant la Haute assemblée.

Je constate et je déplore, monsieur le ministre, que, cette fois, le Gouvernement qui, d’habitude, utilise tous les moyens de persuasion pour faire accepter ses textes et, il faut bien le reconnaître, y parvient sans trop de mal, n’ait pas jugé utile de convaincre la majorité sénatoriale du bien-fondé de son projet. Il est vrai qu’il est à l’origine du renforcement constitutionnel des compétences du Sénat, dont nous voyons aujourd’hui toutes les conséquences, et que mon groupe avait dénoncé lors du débat sur le projet de loi de décentralisation.

J’avais dit alors à cette tribune que donner une primauté dans l’examen des textes législatifs, quelle que soit leur nature, à la chambre qui n’est pas élue au suffrage universel direct, n’est pas conforme à la conception du système bicaméral, tel qu’il est établi dans notre pays depuis au moins 1946. Je vous rappelle également les propos du rapporteur pour avis de ce projet. Ce texte, disait-il, « est loin d’être sans portée, car il risque de limiter le droit d’amendement du Gouvernement, voire des députés.» Mes chers collègues, nous y sommes !

M. Bruno Le Roux. Exactement !

M. Jacques Brunhes. Monsieur le ministre, l’examen du rôle du Sénat et de sa place dans les institutions nous paraît nécessaire et urgent.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Dans ce cas, il fallait dire oui à De Gaulle en 1969 !

M. Bernard Derosier. Pas sûr !

M. Jacques Brunhes. D’ores et déjà, il faudrait assurer une démocratisation minimale du mode de scrutin sénatorial, en restaurant la proportionnelle dans les départements comptant trois sénateurs, afin de rompre avec la « notabilisation » de ce mandat et d’assurer la parité, en élargissant le collège électoral et en instaurant un rééquilibrage entre zones urbaines et zones rurales, ainsi qu’en alignant l’âge d’éligibilité des sénateurs sur l’âge requis pour accéder à la députation ou à la présidence de la République. Enfin, nous proposons depuis toujours le renouvellement unique, mesure qui aurait permis d’échapper aux difficultés actuelles du calendrier électoral.

Dans une architecture institutionnelle nouvelle, celle d’une authentique VIe République, où le Président de la République deviendrait le garant du fonctionnement démocratique des institutions, où l’Assemblée nationale élue à la proportionnelle retrouverait la place et le rôle qui, dans une démocratie, doivent être les siens, avec notamment des pouvoirs réels en matière budgétaire, des droits renforcés en matière d’initiative parlementaire et de contrôle sur l’exécution des lois, le Sénat deviendrait l’interface entre l’intervention citoyenne et l’activité parlementaire, tout en conservant son rôle de représentant des collectivités locales. À partir de ce socle, devraient être recherchées les articulations appropriées entre les institutions représentatives et la nécessaire démocratie participative permettant enfin au citoyen d’intervenir en dehors des périodes électorales.

À l’évidence, une réflexion sur la refonte d’ensemble des institutions de la VRépublique s’impose, puisque celle-ci est à bout de souffle. Comme le dit le constitutionnaliste Didier Maus, « on arrive presque au bout » et un changement de régime est incontournable. Il est plus que regrettable que cette question fondamentale ne soit nulle part évoquée dans les textes en discussion, qui restent très éloignés des préoccupations des Français.

S’agissant des projets de loi initiaux du Gouvernement, je répète que la modification du calendrier qu’ils proposaient pour les élections municipales, cantonales et sénatoriales répondait aux deux principes fixés par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Elle permettait aux électeurs d’exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable et répondait à l’intérêt général, en distinguant clairement les enjeux et les campagnes des divers scrutins. Hélas, ce n’est plus le cas. Le Sénat a renvoyé jusqu’à 2011 et 2014 des élections sénatoriales respectivement prévues en 2010 et en 2013. J’ai dit combien ces dispositions, que la majorité de l’Assemblée s’apprête à voter conformes, étaient choquantes et le chantage institutionnel de la Haute assemblée inadmissible. Nous ne pouvons donc voter ces textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je savais qu’en venant ce soir dans cet hémicycle pour y discuter ces deux projets de loi, j’allais passer…

M. Bruno Le Roux. Un mauvais moment !

M. Jérôme Chartier. …un très bon moment, monsieur Le Roux. En effet, ce sujet nous concerne tous et, tous, nous avons un avis éclairé sur les dispositions qu’auraient dû introduire ces projets de loi.

Certes, la situation actuelle ne satisfait personne, simplement parce que l’esprit même de ce texte est difficilement acceptable pour tous les républicains que nous sommes. Le fait qu’une décision des assemblées allonge la durée d’un mandat remet en cause le principe républicain des rendez-vous réguliers, ce qui, il faut en convenir, n’est jamais satisfaisant.

En même temps, cette décision est nécessaire. Le rapporteur et le ministre l’ont fort bien dit.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Merci !

M. Jérôme Chartier. L’année 2007 ne peut être envisagée, telle qu’elle se profile aujourd’hui, avec ses rendez-vous successifs pour des scrutins qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.

J’ai bien entendu l’argumentation de M. Brunhes. Certes, on peut totalement refaire ces projets de loi.

M. Jacques Brunhes. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jérôme Chartier. On peut entreprendre une remise à plat totale du texte, et même de l’esprit, de la Constitution de la VRépublique. On peut aussi décréter qu’il faut se lancer dans la VIe République en modifiant fondamentalement l’équilibre des responsabilités.

M. Michel Françaix. Pourquoi pas ?

M. Jérôme Chartier. Pourquoi pas, en effet ? Seulement, ce n’est pas là l’objet des deux projets de loi. Au risque de lasser, je vais devoir rappeler le contenu de ces articles, qui sont d’une simplicité biblique.

Le projet de loi dispose, à l’article 1er, que le renouvellement des conseils municipaux, prévu en mars 2007, se déroulera en mars 2008 et, à l’article 2, que celui de la série des conseillers généraux élus en mars 2001 est repoussé à mars 2008. L’article 3 prévoit que le renouvellement de la série des conseillers généraux élus en mars 2004 interviendra en mars 2011. Pour l’élection des sénateurs, chère à M. Warsmann, l’article 3 bis remplace la date de 2010 par celle de 2011. Quant à l’article 3 ter – fondamental ! –, il remplace les mots : « série C » par les mots : « série 1 ». L’article 4 prévoit le remplacement de « 2007 » par « 2008 », et de « 2010 » par « 2011 ». Enfin, l’article 5 précise que les dispositions de l’article 1er sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. 

Le projet de loi organique est révolutionnaire.

Article 1er : « Le mandat des sénateurs renouvelables en septembre 2007 sera soumis à renouvellement en septembre 2008. » Article 2 : « 1° Au III de l’article 2 et au IV de l’article 3, l’année 2010 est remplacée par l’année 2011. »

Autrement dit, mes chers collègues, de quoi parle-t-on ? D’un changement de rendez-vous consécutif à l’embarras de 2007, auquel on ne pouvait se résigner, chacun en convient.

J’ai bien entendu ce qu’a dit M. Brunhes et j’ai lu attentivement le formidable rapport de la commission des lois sur lequel je reviendrai.

Au fond, et c’est le président du groupe d’études pour la modernisation de la vie politique française à l’Assemblée nationale qui vous parle,…

M. Bruno Le Roux. J’allais le rappeler !

M. Bernard Derosier. Il a du travail !

M. Jérôme Chartier. …la tentation était grande de se servir de ces deux véhicules législatifs pour débattre de mesures à caractère tantôt technique, tantôt organique. D’abord, parce que les projets de loi relatifs à l’organisation des élections ne sont pas si fréquents ; ensuite, parce que nous approchons de deux rendez-vous électoraux majeurs pour notre république, l’élection présidentielle et les élections législatives.

Notre groupe d’études, dont je salue les nombreux membres ici présents, a suggéré plusieurs amendements techniques dont vous allez comprendre tout l’intérêt.

Le premier d’entre eux consiste à supprimer l’interdiction aberrante de distribuer tout imprimé autre que les professions de foi pendant les campagnes électorales. L’on sait bien, depuis 1990, que les campagnes électorales sont encadrées par un dispositif de financement parfaitement établi, malgré quelques excès dont il faudra nécessairement débattre le moment venu. Il s’agit donc de supprimer les dispositions de l’article L. 211 du code électoral qui sont totalement incohérentes.

Un deuxième amendement vise à permettre à l’autorité compétente d’examiner toutes les conditions d’éligibilité des candidatures. Actuellement, on le sait bien, certains candidats découvrent, le jour même de l’élection, qu’ils sont candidats à une élection municipale, simplement parce que l’administration compétente n’a pas l’autorité requise pour pouvoir examiner les candidatures à l’aune de toutes les conditions d’éligibilité. Il conviendrait que cet amendement puisse être retenu.

Un troisième amendement tend à distinguer, dans la comptabilisation des suffrages, les votes blancs des votes nuls, au lieu de les faire apparaître dans une même colonne.

M. Bernard Derosier. Où sont vos amendements ?

M. Jérôme Chartier. Je vais y venir, cher collègue !

Le citoyen qui décide de se rendre aux urnes pour y marquer sa désapprobation par un vote blanc doit pouvoir être reconnu.

Il est important également de veiller à ce que soient précisées les mentions qui doivent figurer obligatoirement sur un bulletin de vote et celles qui ne doivent pas y être.

M. Jacques Brunhes. M. Chartier n’a rien à dire sur les projets de loi !

M. le président. Monsieur Brunhes, seul M. Chartier a la parole.

Veuillez poursuivre, monsieur Chartier !

M. Jérôme Chartier. Monsieur Brunhes, je vous ferai observer que la moitié de votre propos a été consacrée à la refonte de nos institutions !

M. Jacques Brunhes. Ce n’est pas vrai ! Je n’y ai consacré que dix lignes !

M. le président. Monsieur Chartier, ne vous laissez pas déconcentrer !

M. Jacques Brunhes. Monsieur Chartier, vous nous parlez de tout sauf des textes !

M. Jérôme Chartier. Je suis en train de vous répondre. En tout cas, je vous remercie de m’écouter avec attention.

Il est important encore de veiller à la clarification des comptes de campagne, à leur organisation et aux règles de remboursement.

Un autre amendement concerne le principe d’établissement des procurations. Même si le droit a été considérablement simplifié en la matière, l’intervention des officiers de police judiciaire est encore obligatoire, alors que l’on peut faire confiance aux maires et élus locaux dans 99,99 % des cas. En outre, je vous rappelle, monsieur Brunhes, qu’une jurisprudence de 2002 a conduit à annuler une élection de l’un de nos collègues dont la campagne avait été financée par une section locale de son parti à laquelle la commission de contrôle des comptes de campagne reprochait de ne pas entrer dans le périmètre du parti en question.

M. Jacques Brunhes. Ce que vous dites est très intéressant, mais hors sujet !

M. Jérôme Chartier. De telles situations sont inconcevables aujourd’hui, difficilement acceptables et prouvent, s’il en était besoin, qu’il est plus que jamais nécessaire de procéder à une véritable refonte de l’ensemble des dispositions relatives aux lois électorales.

Enfin, monsieur le ministre, le groupe d’études a suggéré de créer une seule commission par département qui viendrait se substituer aux multiples commissions de propagande que l’on trouve ici ou là.

M. Jacques Brunhes. Là encore, quel rapport avec le texte ?

M. Jérôme Chartier. Elles rendent la plupart du temps un avis éclairé mais en même temps laissent la porte ouverte à de multiples recours. Cette commission électorale, composée de représentants de toutes les parties prenantes – le juge de l’élection, les représentants du ministère de l’intérieur et d’autres personnalités habilitées – permettrait d’éviter des jurisprudences successives.

Voilà les amendements que nous aurions pu déposer. Mais nous ne l’avons pas fait.

M. Bernard Derosier. Dégonflés ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Chartier, je vous invite à conclure !

M. Jérôme Chartier. Nous ne l’avons pas fait parce que ces projets sont relatifs à la réorganisation des élections qui se chevauchaient en 2007 et rien d’autre, et qu’il convenait d’en conserver l’esprit, tout l’esprit, mais rien que l’esprit.

Pour autant, les deux lois que nous allons voter posent le problème de fond du rythme de notre vie politique, comme l’a dit le rapporteur. Pour illustrer mon propos, j’énumérerai les rendez-vous électoraux qui nous attendent à compter de l’année 2007.

En mai 2007 aura donc lieu élection présidentielle suivie, en juin 2007, des élections législatives. En mars 2008, si notre assemblée décide d’adopter les projets de loi que nous examinons aujourd’hui, ce seront les élections cantonales et municipales, puis en septembre 2008 les élections sénatoriales. En juin 2009, nous avons rendez-vous avec les élections européennes, en mars 2010 avec les élections régionales, en mars 2011 avec les élections cantonales et en septembre 2011 avec les élections sénatoriales. Et on recommencera en mai 2012 avec une élection présidentielle. On le voit, le calendrier prévoit un rendez-vous électoral chaque année.

Le groupe UMP votera ces deux projets de loi, mais il faudra garantir rapidement la respiration, qui n’existe pas aujourd’hui, de notre vie démocratique par un projet de loi organique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, je constate que le groupe UMP n’a rien à dire sur les textes en discussion !

M. Francis Delattre, rapporteur. Il se met au niveau des autres !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. J’ai le plaisir de succéder à cette tribune au président du groupe d’études sur la modernisation de la vie politique. Je tiens à le féliciter car ce groupe fonctionne de façon totalement pluraliste depuis le début de cette législature, même si ses propositions ont quelquefois du mal à aboutir.

Je commencerai mon intervention en disant à M. Chartier que « le lifting de Marianne », pour reprendre le titre de son livre, est un chemin difficile et que la modernisation de la vie politique s’arrête, en tout cas aujourd’hui, là où le Sénat décide de siffler la fin de la récréation.

Nous aurions pu adopter de nombreuses mesures à l’unanimité car elles permettent de combler certaines lacunes. Mais on nous fait un chantage scandaleux pour que nous renoncions à améliorer ces textes et que nous votions conforme des projets de loi qui ont été profondément modifiés par le Sénat et qui ne correspondent plus, ni dans leur esprit, ni dans leur texte, aux projets qui ont été déposés par le Gouvernement.

Nous aurions pu nous associer pour améliorer certaines procédures électorales, peut-être même pour améliorer le texte, mais nous légiférons aujourd’hui, monsieur le ministre, dans de bien mauvaises conditions. Je regrette le manque de courage dont a fait preuve le Gouvernement au Sénat et l’appel à la sagesse qu’il a lancé et qui conduit l’Assemblée nationale à devoir se coucher.

Le groupe socialiste votera contre ces textes et défendra ses amendements, afin que les textes scandaleux qu’on voudrait voir adoptés conformes par notre assemblée ne soient pas ceux qui seront finalement promulgués.

Monsieur le ministre, la bonne organisation de l’exercice du suffrage universel participe de la vie démocratique de notre nation. Des durées de mandat clairement établies, des enjeux politiques clairement posés et sanctionnés par des élections permettant à nos concitoyens de s'exprimer clairement : telle est l’essence même de notre république. Toute modification du calendrier électoral doit donc s'appuyer sur des circonstances particulières et doit être rendue la plus compréhensible possible pour l'ensemble de nos concitoyens. Cette exigence s'avère d'autant plus importante que notre pays traverse depuis plusieurs années une crise qui s'exprime régulièrement par une désaffection civique.

Dès lors, ces questions doivent être débattues de façon claire et transparente, sans arrière-pensée. Bien malin d'ailleurs celui qui aujourd'hui imaginerait, pour son seul profit, un calendrier idéal. Dans ces conditions respectueuses de la démocratie, le groupe socialiste ne s'oppose pas au principe d'un réaménagement des élections prévues en 2007.

Municipales et cantonales en mars, présidentielle en avril-mai, législatives en mai ou juin, sénatoriales en septembre : on le voit bien, cet enchevêtrement de campagnes impose une modification du calendrier électoral. C’est un premier point d’accord.

Comme en 1995, les élections municipales percutent le calendrier de l'élection présidentielle. En 1994, le législateur, en adoptant la loi n° 94-590 du 15 juillet, avait retardé l’élection des conseillers municipaux jusqu’en juin 1995, en précisant que « leur mandat sera [it] soumis à renouvellement en mars 2001 ». Nous avions ainsi prolongé le mandat en cours des conseillers municipaux, pour revenir ensuite au délai normal.

Mais, en 2007, le report des élections municipales de mars à juin n'est pas possible puisqu'il y aurait un risque de confusion majeure entre deux élections très différentes – les législatives et les municipales –, voire trois avec les cantonales. C'est pourquoi tout le monde reconnaît, sur tous les bancs, la nécessité de procéder à une modification du calendrier, mais pas à n'importe quelles conditions.

Ces questions électorales peuvent être envisagées simplement. On peut aussi les rendre à dessein complexes. Je ne vous prête pas pareille intention, monsieur le ministre, bien que, depuis le début de la législature, le Gouvernement n'ait pas de bonnes références en matière électorale : chacun se souvient des manipulations de 2003 pour réformer le mode de scrutin des élections régionales et européennes. Je prends seulement acte que vos nombreux atermoiements depuis deux ans ont conduit à différer longtemps l’examen des projets de loi dont nous débattons aujourd'hui.

D’après un premier scénario, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin prévoyait de reporter les élections locales en 2008 et de maintenir les élections nationales en 2007. Nous avons combattu vigoureusement ce calendrier qui ne respectait pas « l’ordre institutionnel » de l'année 2007, confortés ensuite dans notre analyse par l’avis du Conseil d'État rendu le 16 décembre 2004 et les observations du Conseil constitutionnel parues au Journal Officiel du 8 juillet 2005 sur les échéances électorales de 2007. Le Conseil d'État a estimé que le principe du droit de suffrage exprimé à l'article 3 de la Constitution impliquait que le renouvellement des conseils municipaux, qui constituent la plus grande part du corps électoral du Sénat, précède le renouvellement partiel de cette assemblée. Le Conseil constitutionnel, quant à lui, a observé que le report des élections locales posait nécessairement la question du report des élections sénatoriales. Il a ainsi confirmé sa jurisprudence antérieure selon laquelle les élections sénatoriales ne sont pas séparables des élections locales.

À l’époque, auditionné avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, par le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, nous avions expliqué pourquoi l'ordre des scrutins de l’année 2007 devait être « préservé ». Et, dans un souci de cohérence, les sénateurs socialistes avaient déposé le 1er février 2005 une proposition de loi, portant le n° 164, tendant à reporter les élections municipales et cantonales à octobre 2007 et une proposition de loi organique, n° 165, tendant à reporter les élections sénatoriales de septembre 2007 à janvier 2008. C’est la position que nous avons défendue il y a deux ans devant le ministre de l’intérieur, c’est celle que je défends devant vous, et c’était celle des sénateurs socialistes, comme le prouvent les propositions de loi qu’ils ont déposées.

Elles ont l’avantage de limiter le report des élections au délai strictement nécessaire à leur bonne organisation. Cette solution ponctuelle permettrait de résoudre les difficultés de mise en œuvre du calendrier électoral de 2007 tout en respectant le droit de suffrage, l'ordre naturel des élections, la réforme du Sénat de 2003 dans son intégralité – à savoir un mandat de six ans et un renouvellement par moitié –, la concomitance des élections locales. Seraient ainsi évités d’une part, la proximité excessive entre l’élection présidentielle et les élections locales, d’autre part, tout bouleversement dans la durée des autres mandats en cours non concernés par les échéances de 2007. Bref, cette solution atteindrait l’objectif visé dans le respect des règles de droit.

Enfin, l'organisation des élections locales à l'automne et des élections sénatoriales en janvier ne poserait pas de problèmes pratiques insurmontables, y compris pour le suivi des comptes de campagne. Le débat montrera que les délais, respectivement de deux mois pour le dépôt des comptes et de six mois pour leur contrôle, pourraient être respectés pourvu que les dates séparant les élections soient suffisamment espacées. La seule difficulté résiderait dans la surcharge de travail imposée à la commission nationale des comptes de campagne, mais je n’imagine pas un instant qu’un tel argument puisse dicter notre décision.

Depuis lors, tirant notamment quelques enseignements, très partiels, de cet avis et de ces observations, le Gouvernement a proposé de reporter les élections locales et sénatoriales d'un an, en préservant l'antériorité des premières par rapport aux secondes, ce qui est conforme à l’une des exigences juridiques et constitutionnelles. Le calendrier proposé, tout comme celui avancé par le groupe socialiste dès le début de l’année, respecte finalement l’ordre des élections. C’est le second point d’accord avec votre projet.

Ce qui nous différencie aujourd’hui, ce sont les modalités d'application de la règle posée tant par le Conseil d'État que par le Conseil constitutionnel. En effet, selon le choix de la date pour l'organisation des élections, les conséquences sont plus ou moins importantes et complexes. C'est là tout l'enjeu de notre débat.

Le choix fait par le Gouvernement pour résoudre les difficultés du calendrier électoral de 2007 entraîne des bouleversements dont l'ampleur ne semble pas justifiée. Il perturbe notamment la durée d'un très grand nombre de mandats.

Nous considérons que la prorogation des mandats électoraux doit se limiter au strict nécessaire, sous peine d'altérer le caractère démocratique du contrat électoral, et ne créer en aucun cas de problèmes collatéraux. Or, les conséquences de votre projet, et plus encore des amendements apportés par le Sénat, sont préoccupantes car le respect des principes constitutionnels devrait imposer de rechercher la solution qui permette l'expression du suffrage dans les meilleures conditions et modifie le moins possible la durée des mandats en cours.

Le projet de loi organique initial prévoyait de proroger d'une année le mandat des sénateurs renouvelable en 2007 et de réduire à cinq ans le mandat de leurs successeurs aux élections de la série A en 2008. Cette proposition, qui rejoint en partie celle que nous faisons, avait le mérite de ne pas modifier le calendrier des autres séries sénatoriales. Nous aurions pu tomber d’accord sur ce point. Mais les sénateurs de la majorité l’ont profondément modifiée...

M. Francis Delattre, rapporteur. Sous le regard bienveillant de l’opposition !

M. Bruno Le Roux. J’ai lu le compte rendu des débats et il me semble que les sénateurs socialistes ont défendu leur position et, finalement, se sont abstenus.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Ils auraient pu voter contre !

M. Bruno Le Roux. J’aurais certes préféré un véritable affrontement,...

M. Francis Delattre, rapporteur. Ils ont déclaré ne pas tenir à cette fameuse proposition.

M. Bruno Le Roux. ...mais ce sont des sénateurs, après tout ! (Sourires) et il leur aurait été difficile de se livrer au même exercice que moi.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission.. On n’est plus tout à fait socialiste quand on est sénateur ?

M. Bruno Le Roux. Je n’oublie pourtant pas que bon nombre d’entre nous sommes des sénateurs potentiels !

Aux termes du présent projet de loi modifié, les sénateurs de la série A élus en 1998 pour neuf ans verraient leur mandat prolongé d'une année entière alors que celui de leurs successeurs qui seront élus en 2008 serait maintenu à six ans. Autrement dit, le projet porte la durée des mandats à dix ou sept ans, et il faudra attendre 2008 pour voir des sénateurs élus pour six ans seulement. Cette solution apparaît anachronique – et c’est le moins que l’on puisse dire ! – à un moment où la tendance générale est à la réduction de la durée des mandats et à la consultation plus fréquente des électeurs.

À cet égard, les modifications du projet de loi organique apportées par le Sénat qui tendent à proroger d'un an les mandats de toutes les séries sénatoriales nous apparaissent des plus opportunistes et inacceptables. Il s’agit encore d’une manipulation, d’une « tournée générale sénatoriale ». J'ai même entendu en commission parler de « chantage »,...

M. Jacques Brunhes. Eh oui, c’est bien du chantage !

M. Bruno Le Roux. ...auquel les sénateurs recourraient pour proroger un mandat, déjà bien long, d'une année supplémentaire.

J’ai été passablement choqué, monsieur le rapporteur, que vous en ayez appelé à ce que vous appelez les « égards mutuels » que se devraient nos deux assemblées. Comme M. Warsmann l’a excellemment exposé en commission des lois, l’Assemblée nationale a le droit de débattre, et même de faire des propositions sur l’organisation du scrutin et des élections, même quand la Haute assemblée est concernée. Vous avez cité dans votre rapport une phrase d’Eugène Pierre tirée de son Traité de Droit politique : « On prendrait l’habitude de voter par complaisance ou par hostilité, au lieu de voter dans le but de servir l’intérêt général. ». Eh bien, j’ai malheureusement l’impression que le vote du Sénat relevait davantage du premier cas que du second. Avec le « rab » que les sénateurs se sont octroyé, l’intérêt général n’est pas plus servi qu’il ne l’a été quand il nous a fallu, pour qu’ils acceptent de réduire la durée de leur mandat, augmenter considérablement leur nombre, toutes proportions gardées. Oui, nous avons notre mot à dire sur l’organisation des élections sénatoriales...

M. Jacques Brunhes. Nous le devons !

M. Bruno Le Roux. Nous pouvons même émettre des votes qui fassent ensuite l’objet de débats à la Haute assemblée.

Avec le texte qui nous est soumis, tous les sénateurs bénéficieraient d'une année de plus, c'est-à-dire que tous ceux qui ont été élus sous le régime du mandat de neuf ans, soit 83 % d’entre eux, seraient élus pour dix ans et ceux élus en 2004 sous le régime du mandat de six ans le seraient pour sept ans ! Cette prorogation généralisée, décidée par les sénateurs eux-mêmes, est en contradiction flagrante avec la loi organique du 30 juillet 2003 qui a réduit le mandat sénatorial à six ans. Nous ne pouvons donc en aucune façon, pas plus demain qu’aujourd’hui, y être favorables.

L'adaptation du calendrier doit donc être la plus simple, la plus claire, la plus ponctuelle possible, pour avoir des conséquences minimales sur la durée des mandats en cours, donc sur les échéances des futurs scrutins, tant on ne peut préjuger de l'avenir. Tout peut arriver, de la dissolution – nous le savons – à la réforme institutionnelle que je ne serai pas surpris de voir figurer dans les programmes des principaux candidats à la prochaine élection présidentielle ou des principaux partis. Vouloir régler aujourd’hui le problème de 2007 et en gérer les conséquences sur les quinze années suivantes me semble très aléatoire, et même vain.

Contentons-nous donc de nous occuper de 2007 pour éviter calculs, cadeaux indignes et manipulation de nos institutions et de notre démocratie. Le report en 2008 des élections locales et sénatoriales prévu en 2007 entraîne des effets complexes, en cascade.

Ainsi, le mandat des conseillers généraux élus en 2004 est porté à sept ans afin, selon l'exposé des motifs, de maintenir le renouvellement des conseils généraux par moitié tous les trois ans. On en vient à modifier la durée d’un mandat qui n’est pas renouvelable en 2007 puisque les conseillers généraux ont été élus l’année dernière.

M. Jérôme Chartier. Cela a été fait pour les conseils généraux élus en 1994 !

M. Bruno Le Roux. Il ne nous semble pas opportun de retenir une solution qui conduit à modifier la durée d'un mandat en cours qui, n'arrivant pas à échéance en 2007, ne devrait donc pas a priori être concerné par l’aménagement du calendrier. Tel qu’il nous est proposé, il tend à remettre en cause l'impératif constitutionnel de consultation des électeurs selon une périodicité régulière et le principe d'intangibilité de la durée d'un mandat en cours, sans justification objective ni proportionnée à la fin recherchée.

En outre, cette solution aboutit à la disparition de la concomitance des élections locales : les élections régionales seraient dès lors isolées, une moitié des conseillers généraux seraient élus en même temps que les conseillers municipaux, l'autre moitié étant dorénavant elle aussi isolée. C’est un mauvais coup porté à la mobilisation du corps électoral et à la vivacité de notre démocratie. La multiplication excessive des consultations électorales a des conséquences néfastes, comme l’a souligné Jérôme Chartier, en particulier sur la participation des électeurs. Par ailleurs, ce découplage des élections locales va à l’encontre du regroupement des élections, objectif largement partagé.

Les amendements déposés par le groupe socialiste maintiennent l'organisation conjointe des cantonales, tantôt avec les élections municipales, tantôt avec les régionales. Le calendrier que nous proposons a aussi l'avantage de rationaliser et de légitimer l'élection sénatoriale. En effet, il organise une prise en compte directe à partir de 2013 des conséquences des municipales sur les sénatoriales. Le Sénat, renouvelé à ce moment-là par moitié, prêtera moins le flanc aux critiques et à la polémique permanente sur sa légitimité et sa représentativité.

Cela étant, il reste beaucoup à dire et encore plus à faire pour moderniser le Sénat. Dès que les circonstances politiques le permettront, il sera nécessaire d'opérer les révisions institutionnelles nécessaires pour rendre la chambre haute plus représentative et plus démocratique, dans le cadre d'un bicamérisme rénové.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Ah !

M. Francis Delattre, rapporteur. Il vous faudra un obtenir un vote conforme !

M. Bruno Le Roux. Je ne m’appesantis pas car je veux m’en tenir aux projets de loi. Il ne vous aura pas échappé, monsieur le rapporteur, que nous n’avons pas soulevé d’exception d’irrecevabilité afin de ne pas alourdir les débats. Néanmoins, je développerai mon argumentation jusqu’au bout, ne serait-ce que pour motiver les recours que nous ne manquerions pas de déposer si les choses n’étaient pas remises d’aplomb.

En attendant, l’application de vos projets de loi étant complexe et leurs conséquences discutables, vous seriez bien inspirés de retenir les amendements socialistes qui ont le mérite de régler le problème du calendrier tout en évitant la complexité que je viens de mettre en évidence.

Ils répondent à une double exigence à laquelle vous ne sauriez vous soustraire : en premier lieu, consacrer l’antériorité des élections municipales sur les élections sénatoriales ; en second lieu, modifier a minima le calendrier électoral initialement prévu en conservant les délais nécessaires à la bonne organisation des scrutins.

Nous proposons donc de reporter les élections municipales et cantonales à octobre 2007 et les élections sénatoriales à janvier 2008. Nous proposons également que ces mandats, prorogés respectivement de six et quatre mois, s’achèvent aux dates initialement prévues, ce qui aurait pour effet immédiat de n’entraîner aucune modification du calendrier futur des élections sénatoriales et des élections municipales et cantonales.

De plus, prévoir les élections municipales et cantonales en octobre 2007 se révèle techniquement et politiquement possible. Il en est de même du renouvellement de la série A sénatoriale en janvier 2008. Un tel calendrier aurait également le mérite de maintenir la concomitance des élections locales et de ne pas bouleverser le rythme des consultations électorales postérieures à la séquence des années 2007 et 2008.

Cette adaptation minimale du calendrier répond clairement à l’avis du Conseil d’État, qui avançait l’idée d’un « report limité des élections locales », et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Elle a en effet le mérite de respecter les conditions constitutionnelles fort opportunément rappelées par le rapporteur : conserver une périodicité raisonnable des scrutins, garantir le caractère exceptionnel et transitoire des modifications apportées et proportionner l’ampleur des modifications avec l’objectif visé et l’importance des enjeux.

Toutes ces conditions ne sont malheureusement pas respectées aujourd’hui en raison du vote conforme que, sous pression sénatoriale, vous voulez imposer à notre assemblée. D’abord, en prorogeant d’un an non pas un, ni deux, mais bien six mandats, pour régler le problème posé par deux élections sur 2007 – ce qui est disproportionné –, vous ne respectez pas la périodicité raisonnable des scrutins.

Ensuite, en modifiant l’ensemble du calendrier des élections à venir après 2008, vous passez outre au caractère exceptionnel et transitoire des modifications à apporter au calendrier exceptionnellement chargé de 2007.

Enfin, l’ampleur des modifications, notamment celle visant à proroger d’un an tous les mandats sénatoriaux, n’est pas proportionnée au simple objectif d’aménager l’agenda des élections locales et nationales de l’année 2007.

Monsieur le ministre, vous l’avez compris, deux principes fondent notre démarche : d’une part, le respect de la règle constitutionnelle, qui veut que le Sénat soit renouvelé sur la base d’un corps électoral rafraîchi ; d’autre part, une prorogation des mandats qui ne dépasse pas le délai strictement nécessaire à la bonne organisation de leur renouvellement. Puisque deux mandats sont concernés, modifions ces deux mandats, sans toucher au reste !

Pour vous soustraire au blocage du Sénat, vous avez encore la possibilité de dire que ce qui a été fait au Sénat n’est pas raisonnable, que des bornes ont été franchies et qu’il n’est pas question de revenir sur votre calendrier initial, lequel évidemment embarrasse quelque peu les sénateurs puisqu’il prévoit que la prorogation d’un an du mandat sera suivie d’un mandat de cinq ans. Monsieur le ministre, il vous reste la solution de rappeler au Sénat que, sa demande se révélant impossible, le Gouvernement se range à une prorogation minimale des mandats, celle qui est compatible avec la bonne organisation des élections : le mandat des sénateurs renouvelables se verrait proroger seulement de trois mois, et celui des conseillers municipaux, comme des conseillers généraux élus en 2001, uniquement de six mois. Le législateur ne toucherait à rien d’autre !

Monsieur le ministre, si, aujourd’hui, vous nous faisiez une telle proposition, pensez-vous que, demain, les sénateurs, oseraient refuser la modification d’un calendrier dont chacun s’accorde à penser qu’elle est nécessaire, simplement parce que nous n’aurions pas accordé à tous une année supplémentaire et un mandat de dix ans ? Je suis prêt, devant le pays, à prendre ce risque : attendons de voir si, demain, les sénateurs auraient le courage de bloquer une telle réforme. Elle est entre vos mains, monsieur le ministre. Si vous allez dans cette voie, les socialistes, à l’Assemblée nationale, comme ils l’ont fait et le feront encore au Sénat, sont prêts à vous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à situation exceptionnelle, décisions exceptionnelles ! Si l’année 2006 ne connaît pas de scrutins, il n’en sera pas de même pour l’année suivante. En effet, comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, si aucune modification du calendrier n’était envisagée, en raison d’une conjonction inédite, ce ne seraient pas moins de cinq élections qui se dérouleraient entre mars et septembre 2007 : élections municipales, renouvellement de la moitié des conseillers généraux, élection présidentielle, élections législatives et renouvellement du tiers du Sénat. Il apparaît dès lors inconcevable de procéder à tous ces scrutins la même année. C’est donc au Parlement qu’il revient de modifier le calendrier électoral afin de l’étaler dans le temps.

Dans ses observations du 7 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a mis en avant deux raisons majeures visant à justifier une modification du calendrier.

Il remarque tout d’abord qu’une telle concentration de scrutins sollicite à l’excès le corps électoral au cours de la même période et fait peser sur les pouvoirs publics une charge trop lourde eu égard aux moyens matériels et humains. Cet aspect ne doit pas être négligé : les convocations trop fréquentes du corps électoral en une période aussi courte conduiraient inévitablement à une désaffection des bureaux de vote pour certains scrutins. De plus, alors que l’année précédente et l’année suivante ne verront pas d’échéances électorales de cette envergure, les charges financières induites par l’organisation de ces votes seraient très importantes : organisation matérielle, gestion des comptes de campagne, risque d’abstention, autant de raisons qui militent en faveur du report.

Le Conseil constitutionnel avance une seconde raison : « les élections locales auraient lieu en plein recueil des présentations pour l’élection présidentielle, avec tous les risques que cela comporte tant pour la vérification de la validité des mandats que sur le nombre des candidats (deux générations de présentateurs pourraient être habilitées à parrainer) ».

Compte tenu de ces deux arguments, le Conseil constitutionnel a recommandé de reporter les élections municipales et cantonales et, par voie de conséquence, les élections sénatoriales.

Par ailleurs, la pratique républicaine constante, depuis au moins 1893, consiste à reporter à une date ultérieure les élections les moins importantes et à organiser à la date prévue les rendez-vous avec le corps électoral les plus importants. Les élections présidentielle et législatives seront organisées, dans cet ordre-là, en 2007. Nous avons toujours soutenu que le Président de la République est la clé de voûte de nos institutions, bien que l’instauration du quinquennat et la concomitance de ces deux élections aient eu pour conséquence de lier fortement les résultats des secondes à ceux de la première – les avis étant dès lors partagés sur les bienfaits ou les méfaits de cette réforme.

Comme il est clair que les projets de loi que nous examinons ce soir ne passionneront pas nos concitoyens, lesquels sont plus sensibles à nous voir résoudre leurs problèmes qu’à faire notre cuisine électorale et, qu’en outre, leur adoption est acquise depuis longtemps, je souhaite, comme l’ont fait plusieurs des orateurs qui m’ont précédé, employant utilement le temps qui m’est imparti dans la discussion générale pour alimenter une modeste réflexion sur nos institutions et la manière dont notre démocratie fonctionne.

En premier lieu – nous l’avons souvent rappelé –, le Parlement n’est pas suffisamment associé aux grandes décisions, qu’elles soient prises à l’Élysée ou à Matignon. C’est pour nous, députés, une humiliation permanente, que nous avons douloureusement connue cette année à deux reprises : lors des mesures prises, par ordonnance, sur l’emploi et, ce qui était plus grave, à propos du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Les rôles de chacun doivent être redéfinis et surtout, leur exercice respecté. Le Président de la République, élu au suffrage universel, doit, en tant que rassembleur, porter une vision et être le garant de l’intérêt général. Le Premier ministre et le Gouvernement doivent mettre en œuvre les orientations de politique générale. Enfin, le Parlement doit non seulement voir ses pouvoirs de contrôle du Gouvernement et de l’administration renforcés, mais surtout avoir une réelle initiative de la loi. François Bayrou aime à dire que « le Parlement ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ».

M. Francis Delattre, rapporteur. Pourtant, on ne le voit pas souvent !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. On ne peut pas dire qu’il use les bancs de l’Assemblée !

M. Gilles Artigues. On mesure tout le chemin qu’il reste à parcourir dans ces domaines.

Par ailleurs, nos assemblées ne sont pas représentatives de la diversité française. Dans cet hémicycle, les femmes sont en nombre insuffisant, on trouve quelques jeunes, mais pas, ou peu, de personnes d’origine étrangère, d’ouvriers, d’employés, de chercheurs, de patrons de petites entreprises et d’hommes ou de femmes handicapés, dont le vécu au quotidien serait pourtant bien utile pour faire avancer la loi. Afin de réduire une telle fracture entre le peuple et les élus, il y a urgence à changer le mode de scrutin. C’est pourquoi l’UDF a toujours été favorable à l’instauration d’une dose de proportionnelle aux élections législatives. Le scrutin doit représenter à la fois les territoires et les courants d’opinion. Il est trop tard pour mettre en place une telle réforme pour 2007 : c’est dommage car il s’agit, de nouveau, d’une occasion ratée.

Elle vient s’ajouter à tant d’autres au cours de cette législature ! Ainsi, comment ne pas regretter que les lois de décentralisation se soient limitées à des transferts de compétences, qui, de plus, n’ont pas toujours été accompagnés des transferts de financements correspondants ? Nous attendions, en réalité, une simplification, afin que nos concitoyens se retrouvent dans le labyrinthe actuel, le regroupement région-département étant, dans un tel cadre, le plus naturel à opérer.

Il faudra bien aussi, monsieur le ministre, nous poser un jour la question de la limitation des mandats dans le temps. Il n’y a aucune raison pour que l’« âge de la retraite » en politique ne soit pas aligné sur celui de l’ensemble de nos concitoyens, travaillant par exemple en entreprise.

M. Léonce Deprez. La politique n’est pas un métier !

M. Gilles Artigues. Le groupe UDF tenait à rappeler ces points essentiels. Il aura évidemment l’occasion de les développer de nouveau dans les mois qui viennent ou dans ceux qui précéderont l’élection présidentielle.

Ce soir, les projets de loi qui nous sont présentés ne vont pas aussi loin que nous pouvions l’espérer. L’un est ordinaire, l’autre organique. Ils visent – nous l’avons dit –, d’une part à proroger la durée du mandat de conseillers municipaux et de conseillers généraux renouvelables en 2007, d’autre part, à proroger le mandat des sénateurs renouvelables. Si la prorogation du mandat des conseillers municipaux et généraux n’a pas suscité de discussion passionnée, les élections pouvant, en 2008, se tenir au mois de mars comme le prévoit le code électoral, la prorogation du mandat des sénateurs a soulevé, quant à elle, un véritable débat.

S’il paraît en effet légitime que ce soit un corps électoral renouvelé qui participe à l’élection des sénateurs et, qu’en conséquence, les élections sénatoriales se déroulent en 2008, la justification visant à reporter jusqu’en 2011 et 2014 les échéances suivantes est plus discutable.

Le Gouvernement, en décidant de procéder au report des sénatoriales, a reconnu, au-delà des observations du Conseil constitutionnel, que le suffrage indirect ne trouvait sa pleine légitimité que lorsque son expression suivait le plus près possible l’élection au suffrage universel des grands électeurs, faisant ainsi prévaloir le caractère universel du suffrage sur son caractère indirect. C’est pour cette raison que, juridiquement, l’amendement de la commission des lois du Sénat, visant à reporter en 2011 et 2014 les futures élections sénatoriales, peut être défendu. De même, afin de ne pas bouleverser l’équilibre établi par la loi de 2003, aux termes de laquelle le mandat sénatorial passe de neuf à six ans, il convenait de décaler les échéances futures, de peur de voir des sénateurs élus pour cinq ans, ce qui permet, en outre, de respecter le rythme triennal de leur renouvellement partiel.

Néanmoins, j’ignore si en ces temps de difficulté budgétaire, et de désaveu de l’opinion publique envers la classe politique, il est judicieux d’octroyer des mandats de dix ans. Il convient également de rappeler que, depuis quelques années, le Sénat n’a pas fait preuve d’une grande sagesse en augmentant, notamment par la loi de 2003, le nombre des sénateurs au nom du respect d’un nouvel équilibre démographique, lequel n’a pas trouvé sa contrepartie dans une quelconque diminution du nombre des sénateurs des ressorts géographiques ayant connu une baisse sensible de population.

Monsieur le ministre, c’est uniquement pour respecter une certaine forme de tradition républicaine consistant à ne pas polémiquer plus que de raison sur des questions électorales intéressant l’autre assemblée, qu’avec beaucoup de réserves et sans enthousiasme, le groupe UDF votera ces deux projets de loi.

M. Francis Delattre, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Comme le disait l’orateur précédent, un certain nombre d’éléments importants caractérisent ce débat, parmi lesquels – comment s’en plaindre ? – le désintérêt des foules.

M. Bruno Le Roux. Que de contorsions !

M. Guy Geoffroy. Cela n’a aucune importance. Ce qui devrait en revêtir, à notre avis, ce n’est pas de passionner ou non les foules, mais c’est, à tout le moins, de ne pas laisser se répandre dans l’opinion publique un sentiment très incertain sur ce que nous sommes en train de faire. Je résumerai mon propos en trois points.

Tout d’abord, nous devons traiter la question qui se pose parce que c’est une vraie question.

Ensuite, la solution envisagée, très bien synthétisée par M. le rapporteur, n’est certainement pas la meilleure. D’ailleurs, existe-t-il une bonne solution ? Je ne le pense pas. Et s’il nous faudra bien voter pour celle qu’on nous propose – non sous la pression ou la menace, mais pour surmonter la difficulté – c’est tout simplement parce qu’il s’agit de la solution la moins mauvaise.

Enfin, comme l’ont fait certains orateurs précédents, il faut chercher le moyen de ne plus modifier aussi régulièrement le calendrier électoral en fonction des contingences, sinon, nous risquons de devenir illisibles et inaudibles.

Or, nos concitoyens, au mieux, ne s’intéressent pas à la question, peut-être n’y comprennent-ils pas grand-chose mais, au pire, s’y intéressent, la comprennent et n’acceptent pas que nous changions si souvent les dates des élections.

(M. Éric Raoult remplace M. Jean-Luc Warsmann au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. Guy Geoffroy. En effet, et le cas que nous traitons en ce moment le montre, la plupart du temps, ces dates sont modifiées dans le sens d’une prolongation des mandats. Ainsi se répand dans l’opinion le sentiment malheureux que nous agissons en notre faveur et non dans le souci du bien commun.

Reste que, face à un véritable problème, nous devons prendre cette décision. En effet, le calendrier électoral de 2007 est impossible.

M. Bruno Le Roux. C’est exact !

M. Guy Geoffroy. Aussi faut-il faire les choix qui s’inscrivent le plus possible dans le champ d’action du Parlement. En effet, plus nous touchons à l’élection majeure – l’élection présidentielle – plus nous sommes amenés à des modifications qui dépassent le cadre d’une loi ordinaire et même d’une loi organique, pour atteindre celui des lois constitutionnelles. Or, une telle pratique n’est pas acceptable si elle devient permanente et pour des motifs conjoncturels.

Il s’agit donc de considérer les élections en fonction non de leur importance supposée mais des modifications qu’elles entraînent. Je ne suis pas de ceux, en effet, qui tiennent l’élection présidentielle pour plus importante que les élections municipales. Du reste, aux yeux de nos concitoyens, ces deux types d’élections sont aussi importants l’un que l’autre.

Or, résoudre la difficulté en modifiant les dates des élections municipales et cantonales du printemps 2007 reste probablement la meilleure formule. Ce qu’avait proposé le Gouvernement était simple, assez consensuel, équilibré et n’entraînait pas de conséquences trop importantes. Et je pense, comme beaucoup d’entre nous, que nos collègues sénateurs auraient été bien avisés d’en rester au texte gouvernemental qui présentait l’avantage d’être compréhensible par l’ensemble de nos concitoyens.

Toutefois, il serait injuste de reprocher à nos collègues sénateurs d’avoir approfondi la réflexion, d’abord parce qu’ils sont concernés et ensuite parce que leurs conclusions ne sont pas infondées. En effet, comme nous l’avons dit en commission, et le ministre l’a rappelé tout à l’heure, le projet de loi voté par le Sénat est plutôt cohérent, même s’il conduit, et il faut le regretter, à donner l’exemple plutôt malheureux d’une assemblée dont 83 % des membres auraient un mandat de dix ans, cela très peu de temps après que nous avons tous ensemble décidé que le mandat des sénateurs serait ramené à six ans.

Aussi, si la formule proposée n’est pas bonne, il s’agit, je le répète, de la moins mauvaise. Au cours des discussions que nous avons eues avant la réunion de la commission, pendant ses travaux et depuis lors, nous avons fait valoir l’ensemble des difficultés que nous rencontrons et nous devons admettre en toute lucidité – et non sous la menace de qui que ce soit – que la sagesse nous conduit à en rester au texte du Sénat.

Néanmoins, il faut aller au-delà. Nous devons engager une large réflexion institutionnelle dans l’optique de la prochaine échéance présidentielle. Il faut en effet réfléchir aux conditions qui permettraient de mettre un terme à l’accélération de ces changements de calendrier.

En 1973, on pensait qu’il n’était pas souhaitable que deux élections aient lieu le même jour. Les élections cantonales ont donc été reportées au mois de septembre pour permettre la tenue des élections législatives au terme prévu de mars 1973.

Les élections cantonales de 1985 ayant été reportées, le mandat des élus a duré sept ans.

Puis on a reporté les élections municipales de 1995 pour des raisons évidentes, le mandat des élus de 1989 ayant été prolongé tandis que celui des élus de 1995 a été raccourci ; si bien qu’entre 1989 et 2001, on compte bien deux mandats de douze ans au total, certes d’une durée inégale, mais dont la moyenne est de six ans.

Enfin, lors du report des élections de 1994, des cantons ont été renouvelés pour sept ans.

Cette pratique s’accélère donc avec le report qui nous est proposé aujourd’hui. Il est pourtant nécessaire.

Reste que j’invite l’Assemblée à marquer son insatisfaction. Nous allons prolonger le mandat des conseillers généraux d’une année. Or, il s’agit des élus dont le mandat a déjà été prolongé d’un an. Ainsi certains conseillers généraux seront élus non pas pour deux fois six ans mais pour deux fois sept ans. Cela n’est pas acceptable à long terme !

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Nous devons trouver des solutions à partir d’une réflexion approfondie sur les élections majeures que sont l’élection présidentielle et les élections législatives.

Pourquoi ? Parce qu’il va de soi que personne ne souhaite l’interruption du mandat d’un président de la République même si rien ne l’empêche. En effet, dans l’histoire de la Ve République, un mandat a été écourté à la suite de la démission du titulaire de la plus haute charge, c’était en 1969 ; et un autre mandat l’a été à la suite du décès du titulaire, c’était en 1974. Rien ne doit donc être exclu en la matière même si, je le répète, nous ne devons pas le souhaiter.

Nous devrons aussi nous interroger sur cette fameuse inversion conjoncturelle du calendrier des élections présidentielle et législatives prévue par la loi organique de 2001.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy. En effet, nous savons très bien que cette loi organique ne s’applique qu’à l’élection présidentielle et aux élections législatives de 2002, et à aucune autre élection présidentielle ni à d’autres élections législatives.

Nous sommes donc, à propos des calendriers à venir, dans une incertitude permanente.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas normal !

M. Guy Geoffroy. Or il faudra mettre un terme à cette incertitude. Aussi, monsieur le ministre, je vous invite à prolonger nos débats par une réflexion sur l’ensemble de ces sujets.

Pour conclure, je dirai que nous devons faire face à une situation impossible à gérer. Il nous reste à suivre sagement le Sénat alors qu’il est peut-être allé trop loin par rapport à la sagesse que demandait le Gouvernement. Aussi devrons-nous faire en sorte que cette question du calendrier électoral soit plus lisible à l’avenir, plus acceptable, afin de donner une meilleure image de notre démocratie à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Avec l’accord de M. Bernard Derosier, je donne dès maintenant la parole à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann. Les quatre élections prévues pour 2007 nous posent une importante difficulté.

Dans le passé, à quel procédé les gouvernements ont-ils eu recours lorsqu’ils ont été confrontés à une telle succession d’élections ? Les mandats locaux concernés étaient prolongés de quelques mois, juste la durée nécessaire, si bien que les nouveaux élus commençaient un mandat entamé de quelques mois, le calendrier électoral n’étant de la sorte pas troublé. Ainsi du report d’élections de conseillers généraux et d’élus municipaux de mars à octobre 1967, de mars à octobre 1973, de mars à septembre 1988 ou de mars à juin 1995.

Or, qu’a proposé le Gouvernement pour 2007 ? De reporter d’un an les élections municipales et de repousser le renouvellement des sénateurs prévu en septembre 2007. En somme, le Gouvernement a voulu bien faire, mais trop bien faire.

De plus le Sénat n’a pas voté tel quel le texte du Gouvernement et a cru bon d’adopter un amendement reportant les renouvellements des sénateurs prévus pour septembre 2010 et septembre 2013, respectivement à septembre 2011 et septembre 2014. Ainsi, mes chers collègues, l’assemblée parlementaire qu’est le Sénat s’est auto-prolongée d’un an, fixant la durée du mandat de 83 % des élus en place aujourd’hui à dix ans, et à sept ans pour les 17 % restant.

Je suis en opposition totale avec ce type de disposition, comme je l’ai dit en commission, et je regrette infiniment que les amendements que j’avais déposés aient été rejetés. Je le redis aujourd’hui, à cette tribune, avec beaucoup de force, parce que je suis persuadé que la quasi-totalité de nos collègues partage les arguments que je vais avancer, y compris les députés de mon groupe, même si nous ne voterons pas tous de la même façon.

Pourquoi suis-je opposé à cette disposition ? Pour des raisons de forme et pour des raisons de fond.

Il est contraire aux principes et à la tradition démocratiques qu’une assemblée s’auto-prolonge d’un an. Cette entorse a été dénoncée il y a quelques mois par le Sénat lui-même, lors de la discussion de la loi de 2001 provoquant l’inversion du calendrier électoral et de ce fait la prolongation de deux mois du mandat des députés.

Je ne résiste pas à la tentation de vous citer un extrait du rapport de Christian Bonnet, membre de la majorité sénatoriale : « Le mandat des députés n’a été prorogé qu’à deux reprises au cours du XXe siècle, en 1918 et 1940, dans des circonstances dramatiques qui contrastent singulièrement avec la légèreté des motifs invoqués dans le cas présent. »

M. Bernard Derosier. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann. De même, je suis complètement opposé à la prolongation du mandat sénatorial parce qu’une durée de dix ans est contraire à tous les principes démocratiques.

Il n’est aucun pays démocratique où les parlementaires exercent un mandat de dix ans. Lorsque la commission des lois du Sénat a étudié la réforme de la durée du mandat des sénateurs, elle a réalisé une étude de droit comparé sur neuf pays. Quel en a été le résultat ?

M. Bernard Derosier. Écoutez-le mes chers collègues de droite !

M. Jean-Luc Warsmann. Le mandat le plus long que la commission ait trouvé est celui de certains conseillers municipaux bavarois – il est de six ans. Nulle part on n’a trouvé l’existence d’un mandat de neuf ans, encore moins de dix ans.

Cette durée est également contraire à tous les principes républicains. Mes chers collègues, un mandat aussi long n’a existé qu’une seule fois dans l’histoire de notre pays !

M. Bruno Le Roux. C’était au temps de Louis-Napoléon !

M. Jean-Luc Warsmann. Il s’agit du mandat que s’est octroyé Louis-Napoléon Bonaparte après le coup d’État du 2 décembre 1851 – c’est dire combien cette disposition est contraire à tous les principes républicains !

Je suis également opposé à ces projets, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour des raisons de forme.

C’est en effet la troisième fois depuis le début de cette législature que le Sénat vote des dispositions pour le moins contestables et que l’on demande à nous, députés, de les entériner. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

La première disposition est le privilège d’extraterritorialité que le Sénat s’est voté – et nous a demandé d’entériner – à la faveur de la loi du 2 juillet 2003, dont l’article 76 dispose que « les règles relatives aux constructions, démolitions, travaux, aménagements et installations dans le périmètre » du jardin du Luxembourg, y compris « sur les grilles du jardin, sont fixées par les autorités compétentes du Sénat ». C’était honteux, indécent, mais nous avons laissé faire discrètement !

M. Jean-Pierre Gorges. Là, vous allez vous faire des copains, mon cher collègue !

M. Jacques Brunhes. C’est l’UMP qui a laissé faire, pas nous !

M. Jean-Luc Warsmann. Ensuite, avec la loi du 30 juillet 2003, qui visait à adapter le nombre de sénateurs élus dans chaque département, on nous a fait voter une augmentation de vingt-cinq sièges, faute d’avoir pris les décisions nécessaires auparavant. Ce sont les mêmes qui nous expliquent qu’il faut un État modeste, dont on doit modérer les dépenses, et qui se votent une auto-augmentation de vingt-cinq sièges !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Exactement !

M. Jean-Luc Warsmann. Ce n’est ni correct ni décent, et nous avons laissé faire, moi compris. J’avais expliqué à mon groupe combien j’étais hostile à cette disposition, mais je n’ai pas siégé le jour du débat. Je le regrette infiniment, car si nous avions été un certain nombre à protester publiquement, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Le palais du Luxembourg n’aurait pas osé nous proposer cette prolongation des mandats à dix ans ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous nous sommes tus et cette loi a été votée dans la discrétion. C’est le Conseil constitutionnel qui a tiré la sonnette d’alarme, remarquant dans un de ses considérants que l’objectif d’adapter le nombre de sénateurs aux résultats des recensements successifs « pouvait être atteint sans augmentation du nombre de sièges ». Ce rappel est resté sans effet et nous voici amenés aujourd’hui à voter cette auto-prolongation d’un an. Cette fois, nous devons être le plus grand nombre possible à dire que trop, c’est trop !

La deuxième raison de forme est le chantage institutionnel auquel nous assistons. On nous explique que l’Assemblée nationale doit voter ce texte conforme, sans quoi le Sénat, votera la question préalable et empêchera, en désorganisant le calendrier électoral, l’expression démocratique de la population française en 2007. Honte à ceux qui osent se livrer à un tel chantage sur le Gouvernement et sur les institutions de notre pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste.)

Dans les droits et devoirs des députés, il existe une liberté, celle du vote : je l’exercerai sur ce projet, que je ne voterai évidemment pas dans la version qui nous revient du Sénat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux. Si vous ne donnez pas maintenant la parole à M. Derosier, monsieur le président, je demande une suspension de séance !

M. le président. Peut-être irez-vous un jour au Sénat, monsieur Le Roux… (Sourires.)

M. Bruno Le Roux. Qu’aurais-je fait pour mériter cela ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, modifier les dispositions électorales constitue toujours un acte politique important, qu’il s’agisse du mode de scrutin, de la durée du mandat, de la définition de la circonscription électorale ou du calendrier. Dans tous les cas, ce n’est jamais un acte neutre. C’est dire combien ce débat doit être engagé avec la volonté de résoudre, en respectant les règles fondamentales de la démocratie, le problème posé.

Celui qui a été créé par l’augmentation du nombre des élections n’a été réglé ni par la droite ni par la gauche : aux trois élections, législatives, municipales et cantonales, qui existaient il y a quarante ans sont venues s’ajouter la présidentielle en 1965, les européennes en 1979 et les régionales en 1985. De six, nous passerons inexorablement à sept, puisqu’il ne fait guère de doute que les conseils d’agglomération seront un jour élus au suffrage universel.

Peut-on imaginer que toutes les élections se tiennent le même jour, sur le modèle américain ? Les Français ne sont pas prêts, selon moi, à s’engager dans cette voie. Peut-on imaginer un regroupement des élections locales ? Nous l’avons tenté en 1990…

Monsieur le président, je vais essayer de ne pas parler trop fort, pour ne pas perturber le colloque que tiennent, sur leurs bancs, mes collègues de l’UMP.

M. Bruno Le Roux. C’est en effet incroyable, monsieur le président !

M. le président. Mes chers collègues de l’UMP, monsieur le président Warsmann, si la même scène se déroulait sur les bancs du groupe socialiste, vous ne l’apprécieriez pas. Veuillez faire preuve d’un minimum de courtoisie et écouter l’intervention de M. Derosier.

M. Jean-Luc Warsmann. Nous écoutons avec beaucoup d’attention, monsieur le président !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes tout ouïe ! (Sourires.)

M. Bernard Derosier. Pour tous ceux qui veulent bien suivre ce débat, le problème est clairement identifié : les propositions du Gouvernement, ou plus précisément, monsieur le ministre, le texte qui vous est imposé par le Sénat, répond-il au besoin de clarté, de transparence, de simplification et surtout de démocratie de nos concitoyens ? Assurément pas ! Le risque d’encombrement du calendrier électoral de 2007 est réel : un véritable embouteillage s’annonçait, qui aurait empêché les citoyennes et les citoyens d’être bien informés des enjeux de nature différente que recouvrent chacun de ces scrutins. La tenue des élections municipales et cantonales en mars risquait en outre d’affecter la préparation de l’élection présidentielle.

À cet égard, en tant que défenseur acharné du système parlementaire qui est théoriquement le nôtre, je trouve irritant d’entendre certains de nos collègues affirmer que l’élection présidentielle est l’élection majeure. Aucune élection ne l’est et les législatives sont au moins aussi importantes, au vu de la Constitution, que la présidentielle, car c’est au Parlement que se vote la loi et que se décide l’organisation de notre société.

M. Francis Delattre, rapporteur. Et pourtant, vous avez voté l’inversion du calendrier électoral !

M. Jacques Brunhes. Très juste, monsieur le rapporteur !

M. le président. Monsieur Delattre !

M. Bernard Derosier. Rien n’empêche le Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale, monsieur le rapporteur. Des élections législatives auront alors lieu, et le Président sera toujours là !

En tout état de cause, le Président de la République est élu au suffrage universel direct et la collecte des présentations de candidats à cette élection aurait été perturbée par le renouvellement des conseils municipaux. Deux générations de présentateurs auraient été habilitées à parrainer des candidats potentiels. Au demeurant, les délais pour recueillir ces présentations auraient été trop courts pour être considérés comme raisonnables. L’aménagement du calendrier électoral était donc dicté par la sauvegarde de l’intérêt général et par le respect de la démocratie. Nous y étions favorables.

Malheureusement, les moyens que nous propose le Sénat vont à l’encontre de l’objectif recherché. La difficulté paraissait pourtant relativement simple à résoudre : un léger décalage entre les élections municipales, cantonales et sénatoriales aurait suffi. C’était une réponse satisfaisante. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas choisi cette voie.

Si les dispositions que nous examinons aujourd’hui venaient à être adoptées, le rythme électoral de notre démocratie locale serait durablement désorganisé, et le Sénat confirmé dans son rôle d’assemblée conservatrice.

Le Sénat aurait pu ne pas être concerné, son renouvellement partiel n’étant prévu, à l’origine, qu’en septembre 2007. D’ailleurs, ceux qui acceptent de retarder d’un an les élections locales n’auraient pas été choqués que les grands électeurs désignant les sénateurs soient en fin de mandat, qui plus est prolongé. Fort heureusement, nos institutions ont bien rempli leur rôle. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont rappelé que la prolongation des mandats doit être limitée dans le temps et réduite à ce qui est strictement nécessaire à la bonne organisation des opérations électorales.

En prolongeant d’un an le mandat des conseillers municipaux élus en 2001 et celui des conseillers généraux élus en 2001 et en 2004, le projet gouvernemental fait peu de cas de cette nécessaire respiration de la démocratie locale que sont les élections. Monsieur le ministre, vous qui vous targuez, à juste titre, d’être un élu local et qui aspirez à assumer des responsabilités locales, vous devriez être sensible à cette argumentation. Or vous laissez en jachère la responsabilité des majorités municipales et départementales pendant sept ans, en repoussant à 2008 les élections locales prévues en 2007. Cette mesure est manifestement excessive.

Dois-je rappeler que le septennat présidentiel a été supprimé parce que cette durée est apparue exceptionnellement longue, sans équivalent parmi les mandats nationaux et locaux ? Dois-je rappeler encore que le mandat sénatorial a été ramené de neuf à six ans pour les mêmes raisons ? La portée de la manipulation dépassera d’ailleurs 2007, puisque le Gouvernement a fait preuve de largesse en n’hésitant pas à proroger le mandat de tous les conseillers généraux, portant ainsi à sept ans le mandat de ceux qui ont été élus en 2004. Les élections locales ne seraient-elles donc qu’un curseur que l’on déplacerait à bon compte en fonction des nécessités nationales, sans chercher à préserver la cohérence de l’expression du peuple ?

On ne peut affirmer lutter contre l’abstention si l’on brouille la cohérence des élections locales et si l’on étale trop les consultations dans le temps. Le regroupement des élections locales, réalisé en 1990, permettait une lutte efficace contre l’abstention. M. Pasqua est passé par là et a annulé l’élection en une seule fois de l’ensemble des conseillers généraux pour six ans, si bien que l’objectif est devenu plus difficile, sinon impossible, à atteindre. Nous proposerons par amendement de rétablir ce calendrier car nous, monsieur Chartier, nous déposons des amendements qui sont en conformité avec nos arguments.

La seule justification du report des élections cantonales et municipales à mars 2008 repose sur des contingences propres à chaque scrutin politique, à savoir le poids financier et la difficulté à mobiliser les moyens matériels et humains disponibles. Mais peut-on accepter de subordonner l’essentiel à l’accessoire, surtout lorsque l’on sait qu’un report à octobre 2007 permettrait aisément de dépasser ces difficultés ? Demander aux citoyens de s’exprimer avec un an de décalage est déraisonnable et contraire à nos principes démocratiques !

Le dispositif proposé aura pour conséquences de reporter à 2014 l’effet complet de la loi organique portant réforme de la durée du mandat des sénateurs, qui ramenait ce mandat à six ans, et d’instaurer, certes temporairement, des mandats sénatoriaux d’une durée de dix ans. La résolution de l’embouteillage électoral devait passer par la prise en compte de l’importance de l’antériorité des élections municipales et cantonales sur les élections sénatoriales. Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans ses observations sur les échéances électorales de 2007, que le report des élections locales « pose nécessairement la question du report des élections sénatoriales ».

Dans ces conditions, les sénateurs ont choisi, avec l’aval du Gouvernement, de reporter d’un an l’ensemble des renouvellements sénatoriaux, décidant que les sièges pourvus en 1998 feraient l’objet d’élections en 2008, ce qui porte le mandat à dix ans. Il devrait en aller de même pour les sénateurs élus en 2001, comme pour ceux qui ont été élus pour neuf ans en 2004. Plus des trois quarts des sénateurs seraient ainsi concernés !

Le groupe socialiste propose de repousser les élections sénatoriales de quelques semaines, le mandat de la série élue à la fin de 2007 voyant sa durée réduite de seulement quatre mois, avec un renouvellement en octobre 2013. Je vous propose de suivre cette solution de sagesse, mes chers collègues.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Derosier.

M. Bernard Derosier. M. Le Roux n’ayant pas utilisé tout son temps de parole, j’avais demandé de disposer de deux ou trois minutes de plus, monsieur le président.

M. le président. Vous l’avez sollicité, mais cela ne vous a pas été accordé ! (Sourires.)

M. Bernard Derosier. J’avais cru saisir, dans le regard du président de séance, que cela pouvait passer…

M. le président. Entre-temps, le président de séance a changé. De plus, un certain nombre de réunions importantes commencent à dix-neuf heures.

M. Bernard Derosier. Vous me l’apprenez, monsieur le président ! (Sourires.) Je n’en ai plus que pour trois minutes.

Nous avons déposé des amendements et j’ose espérer, considérant la sagesse qui a guidé nos débats, qu’ils seront acceptés. S’agissant d’un texte aussi important, nous ne voudrions pas passer sous les fourches caudines du Sénat. Les sénateurs, qui ont ainsi organisé leur carrière avec l’aval du Gouvernement, risquent de bénéficier maintenant de l’appui de la majorité de l’Assemblée nationale, en dépit des réserves de M. Warsmann, dont les propos ont été applaudis,…

M. Jacques Brunhes. Rodomontades !

M. Bernard Derosier. …et des préconisations de M. Chartier. Je ne désespère donc pas : il est encore possible de reconsidérer ce projet.

Pour ce qui nous concerne, dans son état actuel, nous ne pouvons pas l’accepter, sauf – le chantage a marché au Sénat, pourquoi ne pas l’essayer ici ? – si vous acceptez nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique.

M. Jacques Brunhes. Comment cela, vingt et une heures trente ?

M. le président. Pour avoir été à ma place il y a quelques années, monsieur Brunhes, vous savez que dans cette enceinte, les réunions des formations politiques – congrès, conseil national, bureau politique – donnent lieu à une concertation sur les horaires des séances.

M. Jacques Brunhes. Justement, nous nous étions mis d’accord sur une reprise à vingt et une heures ! Le bureau politique de l’UMP sera terminé !

M. le président. La prochaine séance aura donc lieu ce soir à vingt et une heures trente.

Suite de la discussion :

Du projet de loi organique, adopté par le Sénat, n° 2576, modifiant les dates des renouvellements du Sénat,

Du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2577, prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007 :

Rapport, no 2716, de M. Francis Delattre, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

(Discussion générale commune)

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)