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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 7 décembre 2005

92e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.

budget européen

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Nicolas Perruchot. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, aujourd’hui l’Europe est en crise, et le mot n’est pas trop fort. Nombreux sont ceux qui, comme à l’UDF, sont convaincus qu’il n’y a rien de plus important pour notre génération que de construire une Europe forte et démocratique, capable de promouvoir un modèle de société et de civilisation.

Nous attendons donc un signal positif et les discussions actuelles sur le budget européen nous en donnent l’occasion. Malheureusement, les propositions de la présidence britannique sont inacceptables. En effet, le budget serait inférieur de près de 25 milliards d’euros à la proposition luxembourgeoise, ce qui entraînerait une baisse des fonds structurels promis aux nouveaux États membres et de l’aide au développement.

En son temps, la France avait souhaité malheureusement que le budget européen ne dépasse pas 1 %. Nous y sommes. Aujourd’hui, sans budget conséquent, comment comptez-vous faire pour que l’Europe reprenne sa marche en avant, seul moyen de reconquérir notre souveraineté et d’améliorer la vie quotidienne de chaque Français ? Quelle sera, dès lors, la position de la France au prochain Conseil ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, actuellement se tient à Bruxelles un conclave auquel participent le ministre des affaires étrangères et la ministre déléguée aux affaires européennes.

Vous avez raison, le budget de l’Europe est une nécessité et une priorité. Je tiens d’ailleurs ici à rendre hommage à Jean-Claude Juncker, qui a réussi à recueillir l’assentiment de presque tous les États membres sur un budget équilibré représentant les priorités que nous voulons pour l’Europe, à savoir une Europe plus solidaire, plus ouverte aux nouveaux États membres, mais aussi qui investit pour l’avenir.

Je regrette que nous abordions à nouveau le sujet si tard, à quinze jours de la fin de la présidence britannique. La proposition qui a été faite ces derniers jours par le président en exercice de l’Union, M. Tony Blair, ne correspond pas aux avancées que nous attendons pour l’Europe. Du reste, le Président de la République a indiqué hier à M. Tony Blair que la France ne pouvait accepter une telle proposition.

Une réunion importante aura lieu le 15 décembre prochain. Il est indispensable que des avancées soient faites pour revenir vers un budget plus solidaire tel que celui qui avait été conçu par Jean-Claude Juncker. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

négociations de l’omc

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, la sixième conférence ministérielle de l’OMC aura lieu la semaine prochaine à Hongkong. L’Europe se doit de défendre les intérêts de son économie mais aussi de porter la voix des pays les plus pauvres, et en particulier des peuples d’Afrique. Pourtant, il est à craindre que M. Mandelson profite du mandat flou que lui ont donné les Vingt-cinq pour se laisser emporter par ses convictions ultralibérales et qu’il ne défende en fin de compte que les intérêts de ceux qui ont tout et ne veulent rien donner.

Je prendrai deux exemples parmi d’autres, comme le commerce des services ou la protection de l’environnement.

Premier exemple : M. Mandelson a prétexté la défense de l’agriculture du sud pour proposer une réduction drastique – jusqu’à 70 % – des aides versées aux paysans d’Europe sans prendre en compte la situation de leur revenu. En fait, cette libéralisation du commerce agricole vise avant tout à instaurer un prix mondial unique extrêmement bas, qui profitera certes aux grands propriétaires fonciers du Brésil ou de l’Australie, mais qui sera surtout fatal aux petits paysans du monde entier. Si le ramage est joli, le plumage est bien celui de l’agrobusiness mondial !

Deuxième exemple : en ce qui concerne l’accès aux médicaments, essentiel pour toutes les femmes et tous les hommes de notre planète exposés notamment au sida, au paludisme ou à la tuberculose, le droit des brevets mais aussi la rétention des médicaments génériques continuent à protéger et enrichir les industries pharmaceutiques au mépris de millions de vies humaines. Malgré les effets d’annonce de la déclaration de Daho de 2001 et de l’accord du 30 août 2003, rien n’a changé dans les faits.

Aussi, monsieur le Premier ministre, la France est-elle réellement prête à mettre son veto si M. Mandelson négocie, notamment en matière agricole, des compromis destructeurs pour les petits paysans de France et d’ailleurs ?

La France est-elle prête à se battre au sein de l’Union européenne pour imposer des mesures permettant de faciliter l’accès aux médicaments à ceux qui en ont besoin dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, votre question me permet de dresser un état des lieux à quelques jours du début de la conférence ministérielle qui se tiendra à Hongkong du 13 au 18 décembre et qui est une étape très importante, mais une étape seulement, dans le cycle du développement de Doha dont vous avez rappelé le périmètre.

Dans ce contexte, la France a trois objectifs principaux. Premièrement, veiller à ce que la déclaration ministérielle qui conclura éventuellement le cycle soit équilibrée et ne comporte pas d’engagements qui soient extérieurs au mandat, c'est-à-dire au respect de la PAC. Deuxièmement, obtenir un accord sur une plate-forme équilibrée sur l’agriculture, sur l’industrie et sur les services, en vue d’une conclusion du cycle avant la fin de l’année 2006. Troisièmement, décrocher dès Hongkong un « paquet-développement » comprenant des mesures préférentielles en faveur des pays les moins avancés, une solution durable pour le coton et un engagement des pays développés en faveur de l’aide au commerce. Nous avons de bonnes raisons de penser que le volet pour les pays les moins avancés aboutira.

Vous avez pu noter qu’un accord est intervenu, hier, au sein de l’OMC sur l’accès aux médicaments, qui permet notamment la transposition de l’accord de 2003 dans le droit de l’OMC et qui donne accès à des médicaments génériques pour les pays les moins avancés.

Bien évidemment, nul ne peut prévoir aujourd’hui quelle sera l’issue de la conférence, s’il s’agira d’un succès, d’un demi-succès ou d’un échec.

La France, très attachée au succès du volet « développement », restera extrêmement vigilante et rappellera, le cas échéant, les limites de son mandat au commissaire européen, notamment en matière agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

fondS social européen

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe UMP.

M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, nous connaissons tous la mobilisation du Gouvernement, à travers notamment la mise en œuvre du plan de cohésion sociale, en faveur de l’emploi pour nos concitoyens. À l’inverse, bien souvent nous ignorons le rôle de l’Europe dans ce domaine. Or les politiques d’emploi et de cohésion sociale française et européenne sont bien souvent complémentaires. C’est ainsi que votre ministère et le Fonds social européen ont lancé une série de programmes télévisés sur le thème de l’emploi et de la formation professionnelle intitulée « Ensemble pour l’emploi ».

Ces reportages mettent en scène des femmes et des hommes qui ont réalisé leur projet d’emploi en bénéficiant du soutien d’organismes cofinancés par le Fonds social européen. Faire connaître au grand public par des exemples concrets l’intervention de l’Union européenne en matière d’emploi et d’insertion professionnelle est une très bonne initiative.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler l’importance du Fonds social européen pour l’emploi en France et dresser un bilan de son utilisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, le Fonds social européen est l’un des quatre fonds structurels « mutualisés » en Europe. Il représente, pour la période 2000-2006, 60 milliards d’euros. Notre pays bénéficie pour sa part de 7 milliards d’euros, nous plaçant ainsi au cinquième rang.

Au cours de cette même période, 6 millions de nos concitoyens auront bénéficié directement du Fonds social européen à travers 20 000 projets. Il s’agit parfois de très grands projets de revitalisation et de formation aux ressources humaines dans des secteurs qui connaissent des difficultés, notamment au plan industriel.

4,9 milliards d’euros auront été consacrés à l’emploi et à la formation, mais aussi à des secteurs prioritaires – je pense à nos compatriotes d’outre-mer ou à la collectivité territoriale de Corse – et près d’un milliard d’euros a été affecté à des secteurs qui connaissent de grandes difficultés structurelles.

Pour l’année 2006, notre priorité est de concentrer ces crédits sur des secteurs qui connaissent des difficultés, mais aussi d’en faire un outil de promotion de l’égalité des chances. Voilà pourquoi le Premier ministre nous a demandé de centrer notre action sur des quartiers sensibles ou des secteurs ruraux en difficulté, pour que nous puissions dégager 10 % des moyens du Fonds social européen en priorité à l’égalité des chances.

Telle est l’action concrète de l’Europe en faveur de l’emploi des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

TAUX RéDUITS DE TVA

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le Premier ministre, depuis 1999, grâce au gouvernement de Lionel Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), nous avons obtenu la baisse de la TVA sur les travaux du bâtiment, laquelle a eu des résultats excellents pour nos entreprises, pour l’emploi et pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis trois ans, votre gouvernement promet aux restaurateurs la baisse de la TVA. Mais personne ne voit rien venir.

Hier, après l’échec d’une négociation, votre ministre, M. Copé, a affirmé ici que nous n’avions jamais été aussi près d’un accord. Depuis trois ans, quand vous échouez dans une réunion, vous promettez d’y parvenir la fois suivante. Qui peut encore vous croire ?

M. Jean Glavany. Personne !

M. Jérôme Lambert. Cette fuite en avant et vos multiples promesses mettent en péril aujourd’hui même les acquis de la TVA sur le bâtiment. Votre politique est donc dangereuse, elle menace des milliers d’entreprises, des dizaines de milliers d’emplois, et met en cause la parole de l’État. Vous ne dites pas la vérité aux Français sur les conséquences de votre politique et vous faites des promesses auxquelles vous ne croyez pas vous-même.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Démago !

M. Jérôme Lambert. La preuve, monsieur le Premier ministre : comment expliquer que vous n’ayez pas prévu dans le budget pour 2006, qui est pourtant le reflet de votre politique fiscale, la baisse de la TVA que vous promettez aux restaurateurs, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) sinon parce que vous n’y croyez pas vous-même ! Comment, dans de telles conditions, négocier avec nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, merci de ce grand moment d’unanimité nationale !

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. le Premier ministre. Un engagement a été pris par le Président de la République, par mon prédécesseur, et je me bats pour qu’il soit tenu.

S’agissant de la TVA dans le bâtiment, le taux réduit est déjà en vigueur et il est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2006. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous allons faire le nécessaire lors des prochains rendez-vous européens pour obtenir sa prorogation définitive d’ici le début de l’année. (« Vous dites cela depuis trois ans ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En ce qui concerne la TVA dans la restauration, le Gouvernement fait preuve de la même détermination.

M. Jean-Marc Ayrault et M. Alain Néri. Et de la même réussite !

M. le Premier ministre. Aujourd’hui, la situation est inéquitable : d’un côté, la restauration rapide bénéficie du taux de 5,5 %, de l’autre, les formes classiques de restauration sont taxées à 19,6 %. Un tel déséquilibre pénalise le dynamisme de notre économie.

M. François Hollande. Cela, tout le monde le sait ! Répondez à la question !

M. le Premier ministre. Il s’agit d’un enjeu important pour la défense de notre mode de vie, de notre tradition de convivialité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et pour la valorisation de nos territoires.

Le Gouvernement français veut obtenir un accord global sur les taux réduits de TVA,...

M. Maxime Gremetz. On ne peut pas se nourrir de mots !

M. le Premier ministre. ...afin de créer des emplois et de défendre le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans le bâtiment, 40 000 emplois ont été créés. (« Grâce à qui ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Dans la restauration, c’est un véritable partenariat économique que nous voulons créer avec la profession,...

M. Jean Glavany. Paroles !

M. le Premier ministre. ...se traduisant par des engagements concrets sur les prix, l’emploi et les salaires. Nous déterminerons ensemble un calendrier...

M. Maxime Gremetz. Tout ça, c’est virtuel !

M. le Premier ministre. ...en prenant en compte, parce que c’est une responsabilité que nous partageons, nos impératifs budgétaires.

Nous avons engagé une dynamique et, là aussi, c’est un grand moment d’unanimité nationale,...

M. Jean-Marc Ayrault et M. Christian Paul. Ne riez pas !

M. le Premier ministre. ...car les résultats sont là en matière d’emploi – 130 000 demandeurs d’emploi en moins –, (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Yves Durand et Mme Hélène Mignon. Évidemment, ils sont radiés des listes !

M. le Premier ministre. ...de croissance : 0,7 % au troisième trimestre. Aucun grand pays européen ne fait mieux !

M. Jean Glavany. Combien d’emplois créés ?

M. le Premier ministre. Eh bien, j’ai une bonne nouvelle pour vous : nous allons aller plus loin, tous ensemble, pour les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

apprentissage de la lecture

M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous avez rappelé ce matin sur une antenne de radio vos priorités pour l’éducation et la scolarité de nos enfants. Vous avez une nouvelle fois évoqué les problèmes posés par la méthode d’apprentissage globale de la lecture. (« Ça n’existe plus ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La réussite de nos enfants passe en priorité par un acquis indispensable : la maîtrise de la langue française. Or, aujourd’hui, la méthode d’apprentissage dite globale suscite de plus en plus de critiques. Une étude récente réalisée par des orthophonistes établit que la plupart des cas qu’ils traitent ne relève pas de handicaps naturels, mais plus certainement des méthodes employées.

Quel bilan peut-on dresser ? Y a-t-il des études scientifiques sur le sujet ?

M. Yves Durand, M. Jean Le Garrec et M. Patrick Roy. La méthode globale n’existe plus, il faut retourner à l’école !

M. Bernard Depierre. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que vous souhaitez l’abandon de cette méthode au profit de la méthode traditionnelle, dite syllabique, qui a fait ses preuves dans le passé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, la langue, c’est notre patrimoine et l’on sait que, pour un jeune, rater la marche de l’apprentissage de la lecture risque d’en faire un exclu. Or, aujourd’hui, nous constatons malheureusement que 15 % de jeunes sortent du primaire sans maîtriser les bases de la lecture. (« C’est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est trop et c’est particulièrement injuste, car nous savons aujourd’hui où se trouvent les difficultés.

J’ai évidemment eu la curiosité de regarder les rapports des scientifiques sur le sujet. Les orthophonistes attribuent en grande partie l’épidémie de dyslexie à l’approche globale de l’apprentissage de la lecture.

M. Yves Durand. Elle n’est plus utilisée !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les spécialistes des neurosciences expliquent que le cerveau est constitué de telle façon que c’est avec les méthodes syllabiques que l’on apprend le mieux à lire.

J’en ai tiré les conséquences car tel est mon devoir vis-à-vis tant des parents inquiets des échecs de leurs enfants que des enseignants qui cherchent l’efficacité pour les enfants dont ils ont la charge. Je vais donc donner des instructions extrêmement claires pour que l’on arrête de sanctionner – vous rendez-vous compte ! – des professeurs qui emploient la méthode syllabique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vais même plus loin : il faut abandonner la méthode globale ou les méthodes assimilées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Yves Durand et M. Jean Le Garrec. La méthode globale n’existe plus ! Combien de fois faut-il le répéter !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je vais donc prendre contact avec les éditeurs de manuels scolaires pour discuter avec eux et m’entretenir avec les maires qui achètent lesdits recueils de façon à abandonner une fois pour toutes la méthode globale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

réforme du permis de construire

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, il est tout de même paradoxal qu’au moment où la construction de logements et de locaux d’activité atteint des sommets inégalés depuis trente ans, le permis de construire reste encore trop souvent perçu comme un parcours du combattant.

Le droit de la construction est complexe, touffu et incroyablement flou. Les durées d’instruction des demandes sont imprévisibles. Combien de fois le demandeur reçoit-il, deux jours avant l’expiration du délai d’instruction, une demande de pièce complémentaire qui le rouvre ! Ainsi, il est arrivé que des demandes de permis de construire subissent treize reports successifs ! Dans un tel contexte, nous ne pouvons que nous réjouir qu’une réforme de grande ampleur de la législation encadrant le permis de construire soit engagée. Elle était attendue et espérée.

Alors qu’il faut soutenir l’effort de construction, quel sera le contenu de cette réforme ? Qu’apportera-t-elle concrètement à nos concitoyens bâtisseurs, notamment en termes de garanties ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, le projet d’ordonnance réformant le permis de construire et les autorisations de travaux a été approuvé ce matin en conseil des ministres. Il concernera 500 000 formalités par an. Autrement dit, 500 000 permis de construire ou autorisations de travaux sont déposés chaque année, dont un tiers par les particuliers. C’est dire l’importance de cette réforme pour la vie quotidienne des Français et des entreprises.

Le projet vise d’abord à clarifier le droit. Il faut bien reconnaître que, depuis vingt ou trente ans, les réformes successives se sont accumulées, ce qui rend le droit de l’urbanisme absolument illisible. Il était donc nécessaire de procéder à une réécriture des textes en vue de les simplifier.

Il faut en second lieu réduire le nombre de formalités, dont le nombre va passer de quinze à trois seulement en conservant les mêmes procédures et le même type d’instruction.

Troisième objectif, et non des moindres, que vous avez eu raison d’évoquer, monsieur Vansson, réduire les délais. Jusqu’à présent, un délai de deux mois pour instruire les dossiers était la règle, mais il suffisait de demander un petit renseignement complémentaire pour obtenir deux mois supplémentaires. Dorénavant, l’administration devra se conformer strictement au délai imparti et, s’il n’est pas respecté, son autorisation sera réputée tacitement accordée. Nous introduisons ainsi une véritable stimulation pour instruire convenablement les dossiers.

Quatrièmement, le texte prévoit une réforme du certificat de conformité pour assurer une plus grande sécurité juridique à ceux qui construisent.

Enfin, j’indique à la représentation nationale que, une fois l’ordonnance prise, nous rédigerons les décrets d’application d’ici au mois de juillet prochain, et leur publication sera accompagnée d’un très gros effort de pédagogie à l’égard des fonctionnaires des directions de l’équipement et des collectivités locales qui instruisent les permis. Il ne suffit pas de changer le texte, encore faut-il que ceux qui sont chargés de l’appliquer soient suffisamment formés pour que la réforme soit une réussite et une loi de confort pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Revendications des fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux. Monsieur le Premier ministre, on le savait déjà, mais vous venez de le confirmer il y a quelques instants, votre prétendue action relève avant tout de la méthode Coué. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Hier, après deux heures de débat, les syndicats des fonctions publiques ont quitté la salle des négociations...

M. Alain Gest. Ils l’avaient annoncé avant !

M. Michel Dasseux. ...car ils ont très vite compris qu’ils participaient à un dialogue de sourds.

La demande des fonctionnaires est très raisonnable. Après avoir obtenu 0,8 % d’augmentation au 1er novembre, ils souhaitent 1 % supplémentaire pour rattraper l’inflation.

Les discussions salariales, qui devaient se tenir en novembre, se déroulent en ce moment alors que le budget est bouclé. Vous avez beau jeu de prétendre maintenant que vous n’avez plus aucune marge de manœuvre ! C’est donc avec les mains désespérément vides que votre ministre de la fonction publique s’est présenté devant les syndicats, pourtant fort raisonnables.

Les fonctionnaires peuvent être réceptifs au volet social et statutaire que vous proposez, mais vous ignorez complètement leur revendication prioritaire : la hausse du point d’indice.

Se pose également la question polémique de la réduction des effectifs de la fonction publique, notamment par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

M. Charles Cova. Très bien !

M. Georges Tron. C’est faux !

M. Michel Dasseux. C’est très bien, monsieur le Premier ministre, de rendre hommage aux actions remarquables de la fonction publique, mais il faudrait avant tout lui donner les moyens de bien faire son travail au service des citoyens. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

D’autres réunions seraient prévues d’ici à la fin janvier. Ferez-vous alors des propositions concrètes pour répondre aux attentes légitimes des agents des trois fonctions publiques, dont je vous rappelle que 49 %, c’est-à-dire à peu près la moitié, appartiennent à la catégorie C, située au bas de l’échelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Georges Tron. Démagogue !

M. Christian Paul. Le Gouvernement n’a rien à répondre !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le député, vous venez de parler des fonctionnaires de la catégorie C, mais savez-vous ce que représente pour eux 1 % d’augmentation du point d’indice ? Eh bien, puisque vous ne le savez pas, cela fait quatorze euros par mois !

M. Albert Facon. Ce n’est pas beaucoup !

M. Jacques Desallangre. La rémunération des grands patrons, c’est autre chose !

M. le ministre de la fonction publique. Or tous les fonctionnaires ne doivent pas être considérés de la même façon. Ainsi, parmi ceux de la catégorie C, les situations familiales sont très différentes. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité mettre en place un volet social que vous avez bien voulu évoquer.

Il permettra de prendre en compte les situations particulières. Ainsi, un fonctionnaire qui fait sa mobilité doit régler deux mois de loyer quand il change d’appartement.

Nous proposons que l’État puisse se porter caution.

Les fonctionnaires qui ont des enfants en bas âge doivent, quant à eux, débourser quelque 230 euros par mois en frais de garde. Ce n’est pas l’augmentation d’un point d’indice – 14 euros, je le rappelle – qui permettra de combler une telle dépense ! C’est pour cela que le Gouvernement a présenté le volet social.

De la même façon, il faut remettre en marche l’ascenseur social dans la fonction publique, ce que vous n’avez pas fait ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Il n’y a plus d’ascenseur social ! Il faut parler d’un puits social !

M. le ministre de la fonction publique. Les fonctionnaires savent d’ailleurs très bien à qui ils doivent aujourd'hui de revendiquer un rattrapage de 5 % : à votre gouvernement, qui a accumulé les retards !

Le volet statutaire a précisément pour objectif de remettre en marche l’ascenseur social…

M. Jacques Desallangre. Il est au sous-sol !

M. le ministre de la fonction publique. …en permettant notamment à des fonctionnaires de catégorie C (Bruit sur les bancs du groupe socialiste.) de passer en catégorie B. Ils pourront de ce fait avoir de nouvelles perspectives, ce qu’ils reconnaissent.

Il convient évidemment, dans ce cadre général, d’aborder le volet salarial, mais les trois volets forment un tout. Nous avons entamé la discussion hier, avec pragmatisme, car c’est cette méthode, que nous avons choisie, qui nous permettra d’avancer. Monsieur le député, il y a deux façons de faire de la politique. La vôtre c’est : article 1er, je sais tout sur tout en permanence ; article 2, en cas de doute, se reporter à l’article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C’est inadmissible !

M. le président. Monsieur Gremetz, calmez-vous ! Il ne sert à rien de s’énerver.

M. le ministre de la fonction publique. D’autres, et c’est notre cas, choisissent de faire de la politique autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

classes de 4e et 3e technologiques
dans l’enseignement agricole

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Pour les nombreux jeunes qui connaissent des difficultés scolaires au collège, le préapprentissage et l’apprentissage paraissent constituer la seule solution. Or il en existe une autre, les 4e et 3e technologiques, qui leur permettent de quitter le collège, de rejoindre le lycée et de faire redémarrer leur vie scolaire sur de meilleures bases.

Ces classes existaient dans l’éducation nationale jusqu’à ce que la gauche les supprime au nom de la logique purement politique du collège unique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C’est papa Haby qui a fait la réforme du collège unique !

M. Marc Le Fur. Heureusement, ces classes ont subsisté dans l’enseignement agricole, à la plus grande satisfaction des parents, et je suis convaincu que, sur ces bancs, un grand nombre d’entre nous pourraient citer des exemples de jeunes dont la vie scolaire a pu redémarrer grâce aux 4e et 3e technologiques des lycées agricoles.

Or, selon une rumeur qui court actuellement, elles seraient menacées. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de rassurer les familles et les enseignants. Nous devons réaffirmer la place éminente que l’enseignement agricole, public et privé, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.), l’enseignement général et les maisons familiales rurales tiennent auprès de beaucoup de familles pour offrir une seconde chance à leurs enfants. Monsieur le ministre, votre réponse est attendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Le Fur, vous avez raison de rappeler les mérites de l’enseignement agricole, lequel est un service public assuré par l’enseignement public, par l’enseignement privé et par les maisons familiales rurales. C’est un enseignement de qualité qui, alliant le travail concret sur le terrain à l’enseignement théorique, permet d’offrir de vrais débouchés à de nombreux jeunes qui échappent ainsi aux difficultés.

Une rumeur a couru, c’est vrai. Aujourd'hui, à l’Assemblée nationale, il s’agit de lui tordre définitivement le cou ! Il n’y aura pas de suppression des 4e ni des 3e technologiques dans l’enseignement agricole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

La démarche est la suivante : alors que les directeurs régionaux de l’agriculture, qui exercent pour l’enseignement agricole les mêmes fonctions que les recteurs, procéderont à une concertation région par région, des crédits prélevés sur le budget de l’éducation nationale – j’en remercie Gilles de Robien – et sur celui de l’agriculture fourniront des moyens supplémentaires pour l’enseignement agricole. L’Assemblée a voté de tels moyens pour les maisons familiales rurales et pour l’enseignement. Hier, les sénateurs ont fait de même. Dans tous nos lycées agricoles, les 4e et les 3e technologiques seront sauvegardées et développées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

régime social des indépendants

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ.

M. Jean-Louis Christ. Monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, ce matin, le ministre délégué à la sécurité sociale et aux personnes âgées et vous-même avez présenté à la presse le nouveau régime d’assurance sociale des professions indépendantes, le RSI, le régime social des indépendants.

Ce nouveau régime, qui sera mis en place dès 2006, concernera 4,2 millions d’assurés sociaux et leurs ayants droit. Il s’agit d’une réforme majeure pour les artisans, les commerçants, les chefs d’entreprise et les membres des professions libérales de notre pays, qui tous, depuis longtemps, attendaient la création d’un guichet social unique permettant à la fois d’assurer le paiement de toutes leurs cotisations sociales personnelles et d’apporter les réponses à leurs questions sur les prestations maladie, vieillesse et maternité.

Ce régime permet également de franchir une nouvelle étape dans la simplification administrative que vous avez engagée depuis 2003 en faveur de la petite et très petite entreprise. Nous vous encourageons évidemment à poursuivre la lutte contre la complexité, laquelle nuit à la vitalité et au dynamisme de nos entreprises : c’est l’un des objectifs du RSI.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter le nouveau dispositif et ses applications concrètes pour les travailleurs indépendants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Lemasle. C’est une question téléphonée !

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur le député, il s’agit effectivement d’une réforme extrêmement importante, puisqu’elle instaure une nouvelle sécurité sociale pour plus de 4 millions de travailleurs indépendants et leurs ayants droit. Ce matin, en conseil des ministres, Philippe Bas, Xavier Bertrand et moi-même y avons apporté la dernière touche.

Elle est très importante – je le répète –, et ce pour trois raisons.

Premièrement, elle entre dans le cadre de la réforme de l’État au sens large, puisque nous fusionnerons les trois régimes actuels – l’ORGANIC, la CANCAVA et la CANAM – et passerons d’un réseau disparate de quatre-vingt-dix caisses à trente caisses. L’argent de ces assurés sociaux sera ainsi beaucoup mieux géré qu’auparavant.

Deuxièmement, elle est un exemple de démocratie sociale, puisque, pour la première fois, un régime unique sera géré par des élus, des artisans et des commerçants, qui seront responsables du devenir de leur sécurité sociale.

Plusieurs députés socialistes. C’est déjà le cas.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Enfin, et surtout, cette réforme permet de faire un pas gigantesque dans le sens de la simplification. À l’heure actuelle, un travailleur indépendant doit payer des cotisations sociales à des organismes différents, avec des assiettes et à des taux différents, à des dates différentes et lorsque, malheureusement, sa situation devient mauvaise, c’est à des huissiers différents qu’il a affaire ! Les travailleurs indépendants disposeront désormais d’un guichet unique.

Si nous voulons développer la création d’entreprises et faciliter la création d’emplois, il faut mener à bien la réforme du RSI. C’est à quoi nous nous employons en ce moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat de responsabilité parentale

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, vous avez pris l’habitude de rencontrer régulièrement la presse, ce qui, au-delà de l’information de nos concitoyens, permet aux parlementaires, et peut-être, dans certains cas, à vos ministres, de connaître les intentions du Gouvernement.

Or, le 1er décembre dernier, vous avez fait fort en décidant, ni plus ni moins, de transférer aux présidents des conseils généraux l’un des pouvoirs régaliens de l’État : celui de contrôler l’assiduité des enfants à l’école.

Après avoir vous-même souligné le caractère injuste et inefficace de la suppression des allocations familiales, vous avez désigné les présidents des conseils généraux comme responsables de la mise en œuvre de cette mesure, sous couvert de la signature d’un contrat de responsabilité parentale. C’est inacceptable !

M. Daniel Mach. Pourquoi ?

M. Bernard Derosier. C’est inacceptable parce que cette déclaration vient après les mots forts utilisés par votre ministre de l’intérieur pour désigner les habitants de certains quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle vient après les propos de votre ministre sur la polygamie ou de l’un des députés de votre majorité sur les youyous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est inacceptable, parce que des textes assurant la protection de l’enfance en danger existent déjà. Dois-je vous rappeler l’ordonnance de 1945 ou la possibilité de mettre sous tutelle des familles en difficulté ? C’est inacceptable, parce que contrairement à ce qu’a écrit votre ministre de la famille, aucune concertation préalable n’a été menée avec l’Assemblée des départements de France et que c’est par un simple appel téléphonique de votre directeur de cabinet que, quelques heures avant votre déclaration, son président en a été informé.

Votre proposition, monsieur le Premier ministre, a soulevé beaucoup d’émotion, voire d’oppositions. Le président de l’Union nationale des associations familiales a déclaré son hostilité à votre initiative.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C’est faux !

M. Bernard Derosier. Nous avons le communiqué à votre disposition : je demanderai à un huissier de séance de bien vouloir vous le transmettre.

C’est inacceptable, enfin, parce que l’État et le Gouvernement ne peuvent pas continuellement se décharger sur d’autres de leurs responsabilités. L’éducation est nationale. Tout de qui en découle relève de l’État, et donc de vous. Le décret du 19 février 2004 précise les modalités de contrôle de l’obligation scolaire sous la responsabilité de l’inspecteur d’académie.

M. le président. Monsieur Derosier, il est temps de poser votre question.

M. Bernard Derosier. Les allocations familiales relèvent de la Caisse nationale des allocations familiales et donc de vous. La protection de l’enfance est assurée par plusieurs acteurs, mais c’est d’abord à l’État d’en fixer les conditions.

Monsieur le Premier ministre, votre contrat de responsabilité parentale ne comprend que des aspects répressifs ou coercitifs. Quelle réponse sociale, humaine et solidaire entendez-vous apporter au nom de l’État aux familles en difficulté ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux. C’est inacceptable ! Nous voulons entendre le Premier ministre !

M. le président. Monsieur Le Roux, laissez le ministre s’exprimer !

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La démocratie suppose le débat, mais elle suppose aussi la vérité. (Vives protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous prie de poursuivre, monsieur Bas. Ils vont se taire.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Qu’avez-vous fait pour les enfants qui, à dix ou douze ans, traînent le soir dans la rue,…

M. Jean-Marie Le Guen. Nous voulons entendre le Premier ministre !

M. le président. Monsieur Le Guen, laissez le ministre s’exprimer !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. … pour les parents qui ont des difficultés parce qu’ils sont débordés par leurs propres enfants… (Protestations continues sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. C’est au Premier ministre de répondre !

M. le président. Monsieur Bataille, il ne sert à rien de vous énerver !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …ou pour les enfants qui sèchent les cours et gâchent leurs chances ? Rien du tout ! (Mêmes mouvements.)

M. Augustin Bonrepaux. Le Premier ministre doit nous répondre !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez M. Bas parler !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La décision, prise par ce gouvernement, de créer le contrat de responsabilité parentale, est une décision courageuse. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Soyez tolérants, mes chers collègues, écoutez les autres !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Or qui va s’occuper du contrat de responsabilité parentale ? Les services chargés de l’aide à l’enfance en difficulté ! Y en a-t-il de plus appropriés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel spectacle vous offrez ! Arrêtez de vous conduire de cette façon !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le contrat de responsabilité parentale, c’est le moyen pour des parents qui sont en grande difficulté et qui demandent de l’aide parce que leurs enfants ne leur obéissent plus de s’engager à recevoir les secours dont ils ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Nous voulons entendre la réponse du Premier ministre !

M. le président. Monsieur Blazy, taisez-vous !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. À cette fin, les réseaux d’aide et d’accompagnement aux parents seront mobilisés. (Protestations continues sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Le Premier ministre !

M. le président. Madame Robin-Rodrigo, pas vous !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mais si certains parents sont dépassés, d’autres font preuve de mauvaise volonté. Ceux-là, oui, il faut les frapper au portefeuille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mais, monsieur le député, je m’inscris en faux contre vos affirmations : il ne s’agit pas de supprimer les allocations familiales, seulement de les suspendre. Le versement des allocations sera effectué sur un compte bloqué, ce qui incitera les parents à assumer de nouveau leur rôle. Ils pourront alors récupérer les sommes bloquées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Telle est la réalité du contrat de responsabilité parentale. Je suis fier de pouvoir le proposer à la représentation nationale après la décision annoncée par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le député, cessez de dire n’importe quoi à ce sujet ! Sachez que l’Union nationale des allocations familiales ne s’est pas opposée au contrat de responsabilité parentale ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, votre attitude est inconvenante : il est de tradition que le Gouvernement choisisse librement lequel de ses membres répond à chacune des questions : il en a toujours été ainsi sous tous les gouvernements, et cela continuera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

promotion de l'égalité des chances

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.

M. Axel Poniatowski. Je souhaite souligner combien l’attitude de nos collègues nous paraît inqualifiable et puérile ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ma question s’adresse au ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.

Il y a tout juste un mois, le malaise social dans certaines de nos banlieues et de nos cités était exacerbé par une minorité de casseurs et de délinquants. Le Gouvernement a très justement réagi avec fermeté. Néanmoins, le problème est loin d’être réglé. En effet, à l’origine de cette flambée de violence, certains problèmes perdurent depuis de nombreuses années, liés à l’éducation, à la responsabilité parentale,…

M. Jacques Desallangre et M. Maxime Gremetz. Et à l’emploi !

M. Axel Poniatowski. …à l’emploi et au logement.

Le Gouvernement a récemment annoncé la mise en œuvre de divers dispositifs visant à apporter des solutions et à assurer l’égalité des chances au départ dans la vie.

En matière scolaire, nombreux sont les jeunes Français issus de la seconde génération de l’immigration qui réalisent des parcours scolaires, universitaires et professionnels remarquables. D’autres, en revanche, ont complètement décroché et se marginalisent en tombant dans l’économie parallèle ou souterraine. Il est alors de bon ton de se décharger de sa responsabilité et de culpabiliser l’école, mais l’éducation nationale a vocation à instruire plus qu’à éduquer.

M. André Chassaigne. Non !

M. Axel Poniatowski. Or la plus grande injustice est que des élèves de collèges et de lycées entiers subissent la loi de quelques-uns de ceux qui ont échappé à toute autorité, et en particulier à l’autorité parentale.

Enfin, nous connaissons tous les situations problématiques liées au manque de logements et en particulier de logements sociaux. Il faudra, à ce sujet, trouver de nouvelles formules encourageant la construction ailleurs que là où la place manque.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de nous indiquer plus précisément les moyens par lesquels la promotion de l’égalité des chances prônée par le Gouvernement, pourra concilier le respect de la sécurité et du bien-être d’autrui avec la nécessaire solidarité nationale en faveur de ceux de nos concitoyens qui cherchent à vivre mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Certes, monsieur le député, la crise qu’a traversée notre pays est grave. C’est une crise de sens, une crise des valeurs, une crise de confiance. Elle impose au Gouvernement de relancer l’exigence d’égalité des chances au plus vite, par tous les moyens et, surtout, pour tous les Français.

L’égalité des chances passe d’abord par l’emploi et par l’insertion professionnelle.

M. Patrick Lemasle. Bien sûr !

M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Pour répondre à ces défis, le Gouvernement s’est engagé dans une lutte sans merci contre le chômage dans les zones urbaines les plus sensibles de la République, où il atteint parfois un taux de 40 %. Aussi, tous les jeunes de ces quartiers qui le souhaitent seront reçus dans les trois mois par l’ANPE et les missions locales pour trouver un emploi ou une formation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quinze nouvelles zones franches urbaines vont être créées.

Le deuxième levier de l’égalité des chances est bien sûr l’éducation nationale. Avec Gilles de Robien, nous travaillons à l’évaluation de la maîtrise de la lecture et de l’écriture par les enfants, à l’accompagnement et à la responsabilisation des parents.

L’octroi d’un stage digne et utile à chacun, la promotion de l’égalité des chances, passe aussi par la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité. Depuis mon arrivée au Gouvernement, j’ai rencontré plus de 1 500 chefs d’entreprises que j’ai sensibilisés à cet enjeu. Parmi eux, 300 ont déjà signé la charte de la diversité. Par ailleurs, pour combattre le poison de la discrimination, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité verra ses pouvoirs renforcés. Les tests à l’improviste seront en effet légalisés, les CV rendus anonymes après négociation avec les partenaires, un « label diversité » octroyé aux employeurs pour l’exemplarité de la diversité de leurs entreprises.

Le Premier ministre a annoncé que l’année 2007 serait celle de l’égalité des chances. Comptez sur moi pour faire en sorte que ce soit une réalité en marche, afin que le mot « égalité »…

M. Maxime Gremetz. Elle est en panne !

M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. …trouve sa juste place entre les mots « liberté » et « fraternité ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

rénovation du zoo de vincennes

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin.

M. Patrick Beaudouin. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

La France s’est résolument engagée dans une politique de protection de l’environnement et en a inscrit le principe dans la Constitution avec la charte de l’environnement.

L’annonce récente par votre collègue Mme Nelly Olin de la mise en œuvre de la stratégie nationale de la biodiversité donne un rôle central au Muséum national d’histoire naturelle en matière de recherche scientifique ; or, ces dernières années, ses moyens ont peu augmenté. En témoigne la grave crise qui touche le parc zoologique de Paris – ou zoo de Vincennes – dont la fréquentation est passée de un million de visiteurs dans les années fastes à trois cent mille.

Heureusement, grâce à une formidable mobilisation populaire, tant francilienne que nationale, le Gouvernement, je peux en témoigner, a su réagir en lançant un plan de rénovation d’envergure.

Je rappelle que le Muséum et le parc ont pour mission essentielle d’associer à la recherche la conservation et la reproduction d’espèces animales protégées, leur réintroduction dans les milieux naturels dans le monde entier, mais aussi l’éveil au monde animal de nos jeunes générations.

Le 3 décembre dernier, vous avez choisi le projet conçu par l’équipe d’architectes TN+, projet ambitieux répondant aux nécessités du futur zoo et qui en fera un établissement de référence mondial, comme l’a rappelé M. Alain Bougrain du Bourg, président du comité scientifique et du jury. Ce projet, véritable muséologie vivante du XXIe siècle, liera développement durable et respect de la condition animale, les animaux étant présentés dans leur biotope.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les prochaines étapes de la réalisation du plan de rénovation et, notamment, nous confirmer la mise en œuvre d’un partenariat public-privé annoncé par M. le Premier ministre lors du comité interministériel d’aménagement et de compétitivité du territoire le 14 octobre dernier ? Pouvez-vous, en outre, nous confirmer que les missions de service public seront assumées par le personnel du Muséum et nous assurer que des mesures facilitant la vie quotidienne du zoo de Vincennes seront prises en attendant la reconstruction dans les deux ans à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le député, le zoo de Vincennes est un grand équipement scientifique auquel beaucoup de nos compatriotes sont très attachés. Chargé de la conservation des espèces, il a une mission éducative et pédagogique non moins importante. Et, tout comme dans d’autres domaines, on a trop tardé.

Un tiers de la surface du zoo a été fermée et la moitié des animaux ont été déplacés.

Or, grâce à des élus locaux, au premier rang desquels vous figurez, monsieur Patrick Beaudouin, le Gouvernement est en train de changer les choses.

M. Bernard Derosier. Ah !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce sont 3,7 millions d’euros de crédits d’urgence qui auront été consacrés au sauvetage du zoo de Vincennes pour les années 2004, 2005 et 2006. Nous travaillons à sa rénovation pour lui donner une nouvelle jeunesse.

M. Bernard Derosier. Ah !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il s’agit en effet d’un grand projet architectural arrêté il y a quelques jours avec Mme Nelly Olin, un projet novateur, respectueux de l’esprit d’origine du zoo de Vincennes, un projet qui garantit le bien-être des animaux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

On évalue son coût à quelque 130 millions d’euros. En vue d’une réalisation rapide, nous avons opté pour un partenariat public-privé. Nous cherchons un partenaire pour assurer le financement de la construction et de l’entretien de ce grand équipement scientifique. (Cris d’animaux sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le zoo restera sous la tutelle scientifique, vous l’avez dit, du Muséum d’histoire naturelle qui assurera les missions scientifiques et les missions de service public, les soins aux animaux et la mission fondamentale de conservation des espèces. Quant à l’accueil du public, la pédagogie auprès des plus jeunes, ils resteront également l’apanage du Muséum.

L’ouverture est prévue pour l’année 2008 et nous espérons 1,4 million de visiteurs. Ici aussi, aux discours a succédé l’action, et l’action est en train de porter ses fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

affaire dITE D’outreau

Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré et Philippe Houillon tendant à la création d’une commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement (n° 2722).

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, mes chers collègues, l’affaire dite d’Outreau s’est révélée être une erreur judiciaire de grande ampleur. Au total, treize des dix-sept accusés initiaux ont finalement été reconnus innocents, au terme de deux procès marqués par l’insuffisance des charges, les rétractations des accusateurs et les lacunes des expertises. Cette situation exceptionnelle a amené le Président de la République, le Premier ministre et le garde des sceaux à présenter des excuses aux treize acquittés, pour lesquels l’affaire d’Outreau a eu des conséquences graves : la détention provisoire – jusqu’à trois ans et demi pour certains –, la perte de leur emploi, le placement de leurs enfants dans des familles d’accueil et l’opprobre de leur entourage.

Maintenant que le dossier est clos, le verdict en appel ayant été rendu le 1er décembre dernier, le président Jean-Louis Debré et moi-même proposons la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les causes des dysfonctionnements de la justice dans cette affaire, afin d’évaluer sereinement et sans a priori, d’établir un diagnostic et de formuler des propositions.

Au-delà des initiatives prises par le Gouvernement, comme la mise en place d’une inspection menée par l’inspection générale des services judiciaires – laquelle est uniquement composée de magistrats –, parce que la justice est rendue au nom du peuple français, que nous avons ici l’honneur de représenter, l’Assemblée est assurément concernée au premier chef. Bien entendu, je souhaite que le Gouvernement attende les résultats de cette commission d’enquête pour prendre, le cas échéant, des initiatives.

Le garde des sceaux nous a confirmé officiellement qu’aucun obstacle juridique n’empêchait plus la création d’une commission d’enquête. La seule procédure judiciaire qui reste en cours concerne les faits que l’un des accusés initiaux aurait commis pendant sa minorité et pour lesquels il a été renvoyé devant la cour d’assises des mineurs. Ces faits ne concernent pas directement le champ d’investigation de la commission d’enquête. La proposition de résolution est donc recevable.

Il semble nécessaire de se pencher sur les causes des multiples errements constatés tout au long de la procédure, pour plusieurs raisons.

D’une part, l’acte de juger confère un pouvoir lourd de conséquences : il peut porter atteinte à la vie, à la liberté, à l’honneur, au patrimoine et à la famille des individus. L’émotion qui régnait hier à Matignon, lorsque le Premier ministre a reçu les personnes concernées, en apportait d’ailleurs une preuve flagrante. Il convient donc de veiller à ce que les décisions judiciaires soient prises dans le respect d’une procédure bien encadrée et d’éviter les dérives.

D’autre part, il est important d’identifier les manquements de l’affaire d’Outreau afin d’éviter que ces faits ne jettent le discrédit sur l’ensemble de notre système judiciaire. On ne peut en effet généraliser les problèmes constatés dans ce cas précis, qui ne reflète pas, fort heureusement, le fonctionnement de la justice de notre pays dans son ensemble. Les travaux de la commission d’enquête viseront aussi bien les comportements individuels des différents acteurs de la procédure que, sous un angle plus général, les éventuelles failles de la chaîne pénale. Rappelons que plus de cinquante magistrats – cinquante-sept, si je ne me trompe –, mais aussi des experts judiciaires et des auxiliaires de justice ont pris part à la procédure.

Identifier les erreurs commises à Outreau permettra, dans un second temps, de réfléchir à des solutions pour éviter que ces erreurs ne se reproduisent à l’avenir.

Un premier axe de réflexion concernera les réformes de l’organisation des juridictions et de la procédure pénale. Plusieurs suggestions ont déjà été formulées dans le rapport que le procureur général Viout a remis en février dernier et où étaient tirées les leçons du procès de juin 2004. L’Assemblée nationale peut aujourd’hui approfondir ce travail à la lumière du second procès d’Outreau, sans craindre d’interférer avec la procédure judiciaire.

La question de la formation des magistrats devra également être évoquée. La culture du doute n’est peut-être pas suffisamment enseignée aux futurs magistrats.

Un autre sujet important a trait à la responsabilité individuelle des magistrats. Force est de constater que, en pratique, elle est rarement mise en œuvre. S’agissant des poursuites disciplinaires, au cours des cinq dernières années, le Conseil supérieur de la magistrature n’a prononcé que vingt et une sanctions, nombre peu élevé au regard du nombre total de magistrats. Encore ces sanctions ne concernaient-elles, pour la plupart, que le comportement personnel des magistrats, par exemple des violences commises dans un cadre privé, un alcoolisme persistant ou des manquements à l’honneur et à la dignité. Par ailleurs, alors que cinq cent soixante-dix procédures pour fonctionnement défectueux de la justice sont actuellement en cours, aucune action récursoire n’est jamais engagée : la question mérite d’être étudiée. Il importe sans doute de rechercher une meilleure articulation des régimes de responsabilité existants et un examen plus transparent des comportements professionnels par le CSM.

Au vu des principes qui sont en jeu – la liberté individuelle, la présomption d’innocence, les droits de la défense –, la représentation nationale peut légitimement se saisir de cette question importante pour le fonctionnement de notre démocratie. L’enquête interne menée par l’inspection générale des services judiciaires est certainement la bienvenue, mais une réflexion plus large est nécessaire.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois, qui a voté ce matin à l’unanimité cette proposition de résolution, vous invite, mes chers collègues, à l’adopter à votre tour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je voudrais tout d’abord remercier le président de l’Assemblée nationale et le président de la commission des lois pour cette initiative qui honore notre assemblée.

Deux procès, dix-sept accusés, cinq années d’instruction, sept personnes blanchies à l’issue du premier procès, six enfin blanchies depuis la semaine dernière. Pour l’ensemble, de vingt-trois à trente-neuf mois de détention provisoire, ce qui représente au total vingt-six ans et treize mois de prison pour rien ! Trois ans pendant lesquels tous ont clamé leur innocence. Des vies brisées, un homme qui a préféré mettre fin à ses jours tant il lui était insupportable de n’être ni entendu ni écouté, et encore moins cru.

Aujourd’hui, c’est vers toutes ces personnes que je me tourne : ce que vous avez vécu est inadmissible ! Votre cauchemar va permettre – ces mots sont terribles à prononcer – d’analyser les raisons de ce que Dominique Barella a nommé un « crash judiciaire ».

Si des responsabilités doivent être identifiées, je n’approuve pas pour autant que la proposition de résolution ne vise qu’à demander la création d’une commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice, et seulement de la justice. Comment peut-on penser en effet que seule la justice porte la responsabilité de ce qui est un drame pour les accusés, pour les enfants et pour l’ensemble des familles touchées, mais aussi pour nos institutions ?

Tout ne s’est pas joué uniquement dans l’enceinte d’un palais de justice. Il y a eu d’abord des signalements : quelles méthodes et quels critères ont utilisés les services sociaux des conseils généraux ? Il y a eu des enquêtes effectuées par la police : là aussi, quelles méthodes ont été retenues dans ce contexte particulier où des mineurs étaient concernés ? En matière d’abus sexuels, pourtant, on sait que la fragilité d’accusations, voire d’aveux, souvent non corroborés par des éléments de preuve matériels doivent amener tous les services concernés à multiplier les procédures de vérification et d’établissement des faits.

Dans cette affaire, il semble bien qu’il y ait eu des manquements, des dysfonctionnements, des dérives qui ont, hélas ! mené là où nous en sommes aujourd’hui. Il nous faudra donc poser une question à laquelle les personnes injustement accusées ont le droit d’obtenir la réponse, une réponse construite et non pas une réponse qui tendrait encore à masquer les vraies raisons : pourquoi a-t-il été fait un usage aussi abusif de la détention provisoire ?

Dans cette perspective, et comme André Vallini en commission des lois, je souhaite que le rôle des médias soit examiné et qu’eux-mêmes s'interrogent sur leurs propres responsabilités. Il ne s'agit pas de remettre en cause le droit fondamental de la presse à la liberté d'informer, mais de se demander pourquoi, alors qu’elle a su respecter l'anonymat des enfants et des familles dans l'affaire d'Angers, elle ne l’a pas fait pour le procès d'Outreau, au point qu'une certaine presse, en première audience, a jeté en pâture à ses lecteurs de larges extraits de l'audition des enfants. C'est ainsi que ces treize personnes sont apparues comme des monstres, des ennemis de la société et qu’elles ont été incarcérées – pour ne pas troubler l’ordre public – sans que personne trouve à y redire. Comme des monstres, oui, qui ont entendu hurler « à mort ! » lors de transferts. Heureusement, notre pays a abrogé la peine de mort, sinon elle aurait certainement été réclamée dès leur détention provisoire !

Comment tout cela a-t-il pu se produire ? Je serais tenté de proposer deux hypothèses. D’abord, la défaillance du système, due au manque de moyens : les fonctionnaires de la justice sont débordés par le nombre des dossiers à traiter, les prisons sont surpeuplées et les conditions d'incarcération sont telles que l'État est montré du doigt. Or ce manque de moyens ne risque pas de s'arranger, à en croire le budget de la justice discuté le 10 novembre dernier. Mais le Gouvernement poursuit sa politique axée sur une logique de rentabilité, privilégiant une justice productiviste au détriment d'une justice de qualité.

M. Georges Fenech. Cela n’a rien à voir !

M. Patrick Braouezec. Dans cette affaire difficile impliquant des enfants victimes d'adultes, le choix a été d'enfermer avant même de disposer de preuve établie. Une telle promptitude témoigne d’un dysfonctionnement, mais surtout d’un renforcement de l'aveuglement engendré par un discours sécuritaire, en particulier en matière de délinquance sexuelle.

Là est ma deuxième hypothèse. Le recueil de la parole des enfants est délicat : il nécessite à la fois de les croire tout en les aidant à autocritiquer leurs dires. Ce procès ne doit pas marquer une régression dans l’audition des enfants en justice, car les erreurs commises sont le fait d’adultes – magistrats, experts, professionnels de l'enfance –, qui n'ont pas su entendre ou comprendre cette parole ou qui n'ont pas été formés à le faire. Longtemps ignorées de la justice ou maltraitées par elle, les jeunes victimes ne doivent pas être exclues du procès pénal. Plus que jamais, sur l'ensemble du territoire, leur parole doit être recueillie dans des conditions assurant son caractère incontestable, excluant toute sollicitation ou manipulation des témoignages. Entendre l'enfant dans toutes les procédures le concernant et prendre en compte sa parole est une exigence fondamentale inscrite dans la convention internationale sur les droits de l'enfant. La parole de l'enfant est un droit, qui ne doit pas lui être retiré s’il devient gênant. Dans cette affaire, les enfants ont d’abord été victimes d'un acte odieux, puis d'un système défaillant et d’un manque flagrant de professionnalisme. Aujourd'hui, le monde adulte peine encore à leur donner la place qui leur revient dans un procès pénal. Pourtant, la loi du 17 juin 1998, qui prescrit de procéder à l'enregistrement audiovisuel de l'audition du mineur victime de l’une des infractions visées à l'article 706-47 donne les moyens de fixer sa parole. Cette possibilité doit être systématisée et généralisée par les professionnels de la police et de la justice dans les cas d'infractions à caractère sexuel, même si l'enregistrement n'est qu'un élément d'appréciation et ne peut constituer une preuve objective.

Les accusés innocents sont également victimes d’une politique sécuritaire, qui a renversé la loi relative à la présomption d'innocence selon laquelle la détention provisoire devait rester exceptionnelle. Les lois votées depuis lors font de l'incarcération la clef de voûte de la politique pénale. Le dysfonctionnement dans cette affaire a aussi son origine dans ce choix. La présomption d'innocence est la condition première du respect de l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Or le procès d'Outreau, plutôt que de rechercher et d’établir la vérité, a préféré ériger la détention provisoire en principe de précaution. Peu importait la vérité ! Pourtant, ces dix-sept personnes, dès lors qu'elles n'étaient pas condamnées, devaient être considérées comme innocentes ! Il est temps que la commission d'enquête ouvre la voie à l’abrogation des textes remettant en cause les garanties de la présomption d'innocence afin de réduire le recours à la détention provisoire.

Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention doit voir son rôle accru et son indépendance garantie. Il pourrait être envisagé, comme le préconise le Syndicat de la magistrature, que « la fonction de juge des libertés et de la détention soit reconnue comme une fonction juridictionnelle spécialisée faisant l'objet d'une nomination par décret après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ».

S’il est important d’identifier les dysfonctionnements à toutes les étapes de cette affaire, la commission d'enquête ne devra pas se limiter à formuler des propositions visant simplement à améliorer le recueil de la parole de l'enfant ou à rompre l'isolement du juge d'instruction. Il faudra aussi, au-delà de la question de la présomption d'innocence et de la redéfinition du juge des libertés et de la détention, en profiter pour redéfinir la place des infractions à caractère sexuel dans notre droit pénal et les mesures d'exception de plus en plus souvent réservées à leurs auteurs. Enfin, cette commission ne saurait ignorer le contexte budgétaire pour 2006 de réduction des dépenses publiques et du nombre d'agents, ainsi que l'état de nos institutions, de plus en plus marquées par les  valeurs défendues par le Gouvernement. Parmi celles-ci, la culture du résultat est en totale contradiction avec les objectifs de la justice, qui, avant de juger, doit rechercher et établir la vérité. Car, ainsi que l'ont précisé les auteurs de cette proposition de résolution, « l'acte de juger constitue une fonction cardinale de notre société ». C’est dans cet état d’esprit que je participerai à la commission d’enquête parlementaire, initiative dont je remercie encore le président de l’Assemblée nationale et celui de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le président, mes chers collègues, l'affaire d'Outreau est un véritable séisme dans l'histoire judiciaire française. L'erreur judiciaire a brisé durablement des vies entières, affectant au plus profond de leur cœur et de leur âme des femmes et des hommes dont la vie ne sera plus jamais comme avant. Des parents, qui ont été emprisonnés à tort pendant presque quatre années, vont devoir restaurer leur image auprès de leurs enfants et réapprendre à leur parler. Que d’épreuves !

Après un tel gâchis dramatique, l'heure n'est pas aux règlements de comptes et à la stigmatisation de boucs émissaires. Dans cette affaire, c’est toute la chaîne pénale – plus d'une cinquantaine de personnes – qui a dysfonctionné pendant des années : juge d'instruction, parquet, juge de la liberté et de la détention, chambre de l'instruction ou experts.

Pourquoi les libertés fondamentales du citoyen n'ont-elles pas été respectées ? Comment et pourquoi tout notre système judiciaire a dysfonctionné ? Comment éviter qu'un tel fiasco se reproduise ? Comment fonctionne véritablement notre système judiciaire et comment peut-on le réformer ? Telles sont les questions auxquelles devra répondre la commission d'enquête que nous créons aujourd'hui.

Il faut également réconcilier les Français avec leur justice, car le fossé n'a cessé de se creuser entre les citoyens, qui ne comprennent pas la difficulté des juges à se remettre en cause, et les magistrats, qui se plaignent – parfois à juste titre – de ne pas pouvoir rendre la justice sereinement. Les intérêts de la société commandent aujourd'hui de restaurer l'image d'une justice sereine, rigoureuse, respectueuse des principes de notre droit.

La justice doit assurer la paix civile. Tout ce qui affecte son fonctionnement touche l'État au cœur. L'affaire d'Outreau a engendré une perte de confiance durable, insidieuse, qui mine en profondeur l'autorité de l'État. Certes, les victimes percevront des indemnités substantielles, et une campagne de réhabilitation, à laquelle Le Président de la République et le Premier ministre veillent particulièrement, a déjà commencé. Mais aujourd'hui, nous devons mobiliser notre énergie et nos institutions pour éviter que cela recommence.

Si Outreau représente sans nul doute la plus grave erreur judiciaire de la Ve République, elle n'est pas la seule, hélas ! Souvenons-nous de l'affaire du petit Grégory en 1984, dans laquelle la justice s'est enlisée pendant des années,…

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Sébastien Huyghe. …ou encore du meurtre de Caroline Dickinson en 1996. Cette fois-ci, c'est un SDF qui a payé le prix des dysfonctionnements avant d'être acquitté grâce aux tests ADN. Et que dire du cas de Patrick Dils, acquitté après quinze ans d'emprisonnement ? Ces grandes erreurs judiciaires ont été largement médiatisées, mais d'autres, bien plus nombreuses et tout aussi dramatiques, ont été passées sous silence.

Au-delà de la recherche des causes du dysfonctionnement de la justice dans l'affaire d’Outreau, la commission d'enquête devra proposer des solutions pour éviter que de tels drames se reproduisent. Je salue l'initiative du garde des sceaux, qui a diligenté une triple enquête – judiciaire, administrative et sociale – sur les fautes ou les insuffisances professionnelles à l'origine de ce désastre. L'inspection des services judiciaires pourra ainsi analyser toute la chaîne pénale et mettre en lumière tous les dysfonctionnements qui ont conduit à cette catastrophe majeure. Par ailleurs, la commission Viout a formulé une soixantaine de propositions qui guideront notre action. Nous prendrons connaissance avec attention des conclusions sur la responsabilité des juges, que le garde des sceaux rendra publiques au début de l'année prochaine. La commission d'enquête ne manquera pas, en effet, de se pencher sur ce problème. Outre la responsabilité civile, pénale et disciplinaire qu'ils engagent, il faut s'interroger sur leur responsabilité personnelle en cas d’erreur grossière et manifeste d'appréciation ou de manquement aux devoirs de leur charge, comme le recommande le Conseil de l'Europe et le souhaite le Gouvernement. Mais prenons garde : la responsabilité des magistrats est au cœur de tout système démocratique. Définir leur responsabilité personnelle sans pour autant toucher à leur indépendance et à la nécessaire sérénité de la justice n'est pas chose aisée et implique une extrême précaution de notre part.

En outre, nous devrons évaluer notre système français de procédure pénale inquisitoire, dans lequel le juge d'instruction instruit à charge et à décharge. Au contraire, le système accusatoire en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis confie les pouvoirs d'enquête à la police et aux procureurs, tout en accordant de larges possibilités d'investigation à la défense. Déjà, en son temps, la commission Delmas-Marty préconisait une réforme en profondeur de la procédure en dissociant les fonctions de poursuite et d'investigation, confiées au parquet, et les fonctions juridictionnelles, assurées par le juge d’instruction. De même, Robert Badinter avait préconisé une instruction collégiale, solution qui s'était malheureusement heurtée au manque de magistrats. Ce sont autant de pistes de réflexion qu'il nous appartiendra d'étudier pour briser la solitude du juge.

Par ailleurs, il convient d’être plus vigilant en matière de détention provisoire, car la liberté est un bien précieux, qui mérite le plus grand respect. Sa privation doit faire l'objet d'une plus grande transparence, être prononcée en audience publique et peut-être décidée de façon collégiale. Un premier pas dans cette direction semble s'amorcer au travers du projet de loi que le garde des sceaux déposera, dès le début de l'année prochaine, avec l'examen en audience publique tous les six mois des personnes en détention provisoire.

Le recueil de la parole de l'enfant doit également être strictement encadré. Ce sont les premières paroles les plus importantes et celles-ci doivent impérativement être recueillies par des policiers, des assistantes sociales, voire des psychologues spécialement formés et disposant des moyens matériels et humains nécessaires. Pour sa part, le juge doit savoir garder la distance nécessaire vis-à-vis des expertises.

Comme l’a déclaré le garde des sceaux, la culture du doute doit redevenir le fondement de l'institution judiciaire afin d'éviter un autre Outreau. Le doute est le fondement de la présomption d'innocence et doit être au cœur de l’acte de jugement. Certaines erreurs judiciaires dans notre pays ont permis des réformes importantes : l’affaire d'Outreau devra nécessairement être de celles-là. La tâche est immense et notre action doit être à la hauteur des traumatismes et des espérances. Certes, la vérité judiciaire n'est pas la vérité absolue et juger restera toujours un acte complexe. Mais, en notre qualité de représentants du peuple français, notre devoir est de garantir les libertés fondamentales du citoyen. Telle sera la mission de notre commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Monsieur le président, mes chers collègues, nous nous réjouissons tous de l’acquittement définitif des innocents d’Outreau, acquittement, je tiens à le rappeler, rendu possible grâce à l’instauration par le gouvernement Jospin en 2000 d’une procédure d’appel pour les verdicts des cours d’assises.

Mais le drame humain vécu par ces personnes ne sera effacé ni par cet acquittement, ni par les excuses gouvernementales – pour nécessaires qu’elles soient –, ni par l’indemnisation, aussi élevée soit-elle. Lorsque la nation est à ce point choquée et traumatisée, il est légitime, pour ne pas dire obligatoire, que la représentation nationale s’en préoccupe. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste salue, monsieur le président, l’initiative que vous avez prise conjointement avec M. le président de la commission des lois, de créer une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau.

Les membres de cette commission vont devoir répondre à deux questions majeures : que s’est-il passé à Outreau et comment éviter que cela puisse se reproduire ? Ils devront avoir le double souci de savoir et de comprendre : savoir ce qui s’est passé, comprendre pourquoi ça s’est passé.

Il importe en effet de savoir pourquoi la chaîne pénale, qui a fonctionné conformément aux textes, a pu aboutir à un tel désastre pénal, et pourquoi notre système judiciaire, qui a fonctionné conformément aux règles en vigueur, a pu engendrer une telle erreur judiciaire.

Plus de 200 personnes, dont 52 magistrats, ont eu accès au dossier tout au long de la procédure criminelle, laquelle prévoit, comme vous le savez, une succession d’examens et de contrôles. Ces contrôles ont-ils tous bien fonctionné à Outreau ? A-t-on rigoureusement organisé toutes les confrontations ? A-t-on rigoureusement vérifié les dires des enfants et des coaccusés ? A-t-on rigoureusement apprécié si les charges étaient suffisantes, non seulement pour justifier un renvoi de tous les accusés en cour d’assises, mais aussi et d’abord pour les mettre en détention préventive ?

Il nous faudra entendre tous les acteurs concernés : ceux de la chaîne pénale comme ceux des services administratifs et sociaux.

Nous devrons nous interroger sur les magistrats – et les interroger –, sur leur façon de travailler et de coopérer entre eux et avec la police. Nous devrons aussi les interroger – et nous interroger – sur leur formation et sur ce qu’on leur apprend, et ce qu’on ne leur apprend pas, à l’École nationale de la magistrature.

Nous devrons également nous interroger sur les experts et les psychologues – et les interroger –, ainsi que sur la façon de recueillir la parole des victimes, surtout quand ce sont des enfants.

Bref, il faudra non seulement tenter de démonter les mécanismes qui ont conduit à la catastrophe, pour éviter d’autres catastrophes, mais aussi nous interroger sur l’opportunité de nouvelles réformes de la procédure pénale.

Certaines sont d’ailleurs déjà évoquées, et elles viennent de l’être à cette tribune, en ce qui concerne notamment la responsabilité des magistrats et la détention provisoire.

La responsabilité des magistrats est, pour le groupe socialiste, le corollaire de leur indépendance. Et cette dernière ne peut être garantie que si la première est renforcée.

Nous avions d’ailleurs initié une réforme en ce sens en 1998-1999 : tout le monde se souvient dans quelles conditions elle a été bloquée.

Quant à la détention provisoire, elle n’a cessé d’être modifiée depuis la Révolution. En particulier, ces trente dernières années, elle a été revue pas moins de huit fois : en 1970, 1975, 1984, 1985, 1987, 1989, 1993, 1996. Et il a fallu attendre la grande loi du 15 juin 2000 qu’a fait voter Elisabeth Guigou pour qu’elle soit enfin encadrée, contrôlée et limitée.

Il est intéressant de noter que, après avoir, pendant trois ans, systématiquement remis en cause cette loi, certains semblent redécouvrir, à l’occasion de l’affaire d’Outreau, l’importance de la présomption d’innocence et de son corollaire, à savoir le strict encadrement du recours à la détention provisoire.

Bien souvent en France, les principes sont exemplaires. C’est ainsi que la présomption d’innocence est inscrite en lettres d’or dans notre code pénal, lequel précise que la détention provisoire de la personne poursuivie doit être l’exception et la liberté la règle. Mais la réalité est souvent bien loin des principes et la présomption d’innocence cède trop souvent le pas devant la présomption de culpabilité : si le ministère public a théoriquement la charge de prouver la culpabilité, il attend le plus souvent de la défense qu’elle prouve l’innocence de la personne poursuivie.

Par ailleurs, quelles que soient les réformes que nous pourrons être amenés à proposer à l’issue des travaux de la commission d’enquête, elles exigeront des moyens, à la fois humains et financiers. Or la justice française reste l’une des moins bien dotées en Europe : même si ses crédits ont connu une augmentation très importante de 1997 à 2002, – de l’ordre de 30 % – la France reste au vingt-troisième rang européen pour les crédits affectés à l’institution. Et dire que le budget prévu pour 2006 ne va pas beaucoup améliorer les choses est un euphémisme.

Ceux qui crient le plus fort aujourd’hui pour dénoncer l’emprisonnement des innocents d’Outreau sont les mêmes qui, il y a cinq ans, criaient aussi fort pour qu’on les mette en prison.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. André Vallini. L’émotion, légitime et compréhensible, devant des crimes atroces ne justifiera jamais que l’on bafoue la présomption d’innocence.

Une passion répressive, irrationnelle parfois, se manifeste aujourd’hui dans notre pays dès qu’il s’agit d’actes de pédophilie. Dans ces affaires horribles, la pression de la société et la peur de ne pas condamner un coupable sont si fortes qu’on multiplie les risques de poursuivre et d’emprisonner des innocents. Il n’y a plus d’espace pour la réflexion et, quand la révolte l’emporte sur la raison, on en arrive à des désastres comme celui d’Outreau.

Mes chers collègues, sur un peu moins de 60 000 personnes incarcérées aujourd’hui dans les prisons de France, 20 000 sont en détention provisoire et, sur ces 20 000, on peut estimer que 2 000 seront reconnues innocentes : autant d’affaires d’Outreau dont on ne parlera sans doute jamais.

La justice française traverse une crise de confiance importante : 70 % de nos concitoyens estiment qu’elle fonctionne mal et 53 % que la situation tend à s’aggraver. Après Outreau, les Français ont moins que jamais confiance dans leur justice.

Or, quand le doute s’installe en matière de justice, c’est la société tout entière qui, peu à peu, se déchire, tant celle-ci est un élément fondamental, essentiel, du pacte républicain.

Le groupe socialiste apportera toute sa contribution à la commission d’enquête : nous devons convaincre nos concitoyens que nous avons entendu leurs interrogations légitimes et que nous nous donnons les moyens d’y répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, que n'a-t-on pas dit sur Outreau, ou, plutôt, qu'a-t-on pu avoir oublié de dire alors que tout semble avoir été dit ?

Beaucoup a été dit et écrit, en effet, sur ce que l'on appelle désormais l'affaire d'Outreau. Trop peut-être mais, en même temps, pas assez, malheureusement, sur l'essentiel, à savoir les origines de l'affaire, ses causes, ses conséquences, les personnalités des accusés-acquittés, les dysfonctionnements et les drames qu’ils ont entraînés. Jamais, dans l'histoire judiciaire récente, une affaire n'aura autant défrayé la chronique. Tous les ingrédients ont été réunis pour en faire ce que d'aucuns n'hésitent pas à appeler « le plus grand scandale judiciaire de ces dernières années ».

À l’origine, il y a une sordide affaire de réseau pédophile qui scandalisa la France entière. Dix-sept personnes furent mises au ban de la société, monstres parmi les pires monstres que la société peut engendrer, rebut de l'humanité, lie de la société. Aucun qualificatif n'était assez fort à l'époque pour dénommer ces criminels qui avaient touché à ce que la société du vingt et unième siècle sacralise le plus : l'enfance.

Personne ne s'offusquait, dès lors, du traitement réservé aux pédophiles d'Outreau, alors que ces accusés étaient, pour certaines personnes de cette ville, leurs voisins, leurs commerçants, voire leur confesseur… Certains d'entre nous auraient pu avoir côtoyé ces sauvages des temps modernes. Toutes les catégories sociales, tous les corps de métier étaient représentés : de la boulangère à l'huissier, du chauffeur de taxi au prêtre. Un large éventail des métiers se retrouvait sur le banc des accusés.

Et voilà que, de rebondissements en rebondissements, le procès allait prendre une tournure tout à fait inattendue : l’accusé devenait victime, le manipulateur objet de la manipulation et le pédophile supposé bon père de famille.

Au terme d'un premier procès-fleuve surgissait le spectre de l'erreur judiciaire, le responsable expiatoire s'incarnant en la personne d'un jeune juge d'instruction, cependant que les foudres de la société s'abattaient irrémédiablement sur la justice.

De la « peopleisation » des acteurs de ce premier procès à la surmédiatisation du procès en appel de Paris, un pas, irrémédiable, avait été franchi. Plus rien désormais ne serait comme avant, et l'acquittement des derniers accusés, renvoyés devant la cour d'appel, devenait inéluctable. Aussi brutalement que soudainement, ces barbares de l'ombre se retrouvaient propulsés dans la lumière de l'acquittement. Étrange destin que celui de ces bourreaux devenus victimes. De quoi faire perdre leur latin aux plus chevronnés des juristes et des experts.

Il fallait trouver un ou des responsables. La faillite du monde judiciaire éclatait au grand jour : dysfonctionnements, failles, incohérences. Les qualificatifs changeaient de champ lexical et l’on changeait de bouc émissaire.

Nous pourrions considérer que tout a été relaté, expliqué, décortiqué, et nous contenter d’en prendre acte, la procédure pénale étant devenue aussi familière à nos concitoyens aujourd'hui qu'elle leur était inconnue hier.

Mais, si les médias se sont repus de ces destins brisés, il est de notre responsabilité de parlementaires de mener une investigation plus approfondie afin d'éclaircir les points les plus sombres de ce dossier.

C'est pourquoi, messieurs les présidents Debré et Houillon, nous accueillons avec une satisfaction empreinte d'une profonde gravité la constitution d'une commission d'enquête. Cette procédure nous permettra de pointer, lister, cataloguer tous les dysfonctionnements qui ont conduit à cette faillite.

Gardons nous de tout jugement hâtif. Ne nous laissons pas impressionner par la vindicte populaire : en aucun cas elle ne doit guider nos pas. Il convient d'analyser tous les faits froidement et en prenant du recul, loin des passions qui se sont déchaînées ces dernières semaines.

L’affaire d’Outreau n'est que la partie visible de l'iceberg : elle laisse entrevoir une crise profonde de notre justice, liée sans doute à une véritable crise de la société. Un malaise palpable à tous les niveaux du corps judiciaire s'est emparé de l'institution judiciaire tout entière. Ne sacrifions pas sur l'autel de la démagogie une institution aussi noble et respectable que notre justice.

Il faudra du temps. Nous en disposerons grâce à la procédure de la commission d'enquête, qui donne toute latitude en la matière.

Il faudra du courage pour tirer toutes les conclusions de cette affaire et certaines peuvent être douloureuses. Nous n'en manquerons pas, nous remémorant le drame vécu par les personnes mises en cause à Outreau.

Il faudra de la raison. Nous en aurons également et nous mettrons tout en œuvre pour ne pas tomber dans la facilité.

Réfléchir au fonctionnement de la justice, repenser la formation des acteurs du monde judiciaire, élaborer des solutions ne devrait pas pour autant aboutir à une remise en cause de l’ensemble du système, ni à des réformes radicales, spectaculaires et médiatiques. Quoique attendues par une partie de l'opinion publique, elles ne sont pas nécessairement gage d'efficacité.

Le groupe UDF s'associera à cette démarche et y apportera son entier soutien afin que toute la lumière soit faite sur cette affaire et ses conséquences dramatiques. Prenons, je le répète, tout le temps nécessaire. Les conclusions de la commission d’enquête n’en seront que plus fortes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Article unique

M. le président. J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Je ne suis pas saisi de demandes d’explication de vote.

Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

(L’article unique de la proposition de résolution est adopté.)

Constitution de la commission d’enquête

M. le président. Afin de permettre la constitution de la commission d’enquête dont l’Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l’article 25 du règlement, avant le lundi 12 décembre, à dix-huit heures, le nom des candidats qu’ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

La réunion constitutive pourrait avoir lieu le mercredi 14 décembre, à seize heures quinze.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Paulette Guinchard.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

loi de finances rectificative pour 2005

Discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005 (nos 2700, 2720).

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, il y a un an, presque jour pour jour, je faisais mes premiers pas de ministre chargé du budget, alors que la discussion du budget pour 2005 n’était pas encore achevée.

Un an après, ce collectif nous donne à tous une belle occasion de faire le point sur les engagements que le Gouvernement avait pris devant vous. C’est l’occasion aussi de revenir sur les critiques qui nous avaient été adressées à l’époque.

Que n’avions-nous pas entendu sur notre budget pour 2005 ! Qu’il serait difficile à exécuter, qu’il était peut-être même insincère, nous avait-on dit à gauche de cet hémicycle. Ce collectif pour 2005 a un grand mérite : il remet les idées en place. Que constatons-nous ?

D’abord, que la dépense est strictement tenue. Nous ne dépassons pas votre autorisation initiale, fût-ce d’un seul euro.

Ensuite, qu’il n’y a pas eu de « sinistre » en matière de recettes en dépit d’une croissance moins forte que prévue. La différence entre le PLF et le collectif se limite à moins de 1,7 milliard d’euros, c’est-à-dire seulement 0,6 % du total des recettes fiscales. C’est bien la preuve que nos prévisions étaient prudentes et sincères.

Enfin, les ouvertures de crédits prévues par ce collectif sont strictement limitées aux besoins !

En vous présentant le collectif 2004, il y a un an, j’avais pris l’engagement devant vous de veiller scrupuleusement à ce que le collectif ne soit plus l’éternel « match-retour » du PLF en cours d’examen. Match-retour au cours duquel reviennent sur le terrain tous les arbitrages considérés comme non satisfaisants par les ministres gestionnaires.

À ce petit jeu, tout le monde est perdant C’est la raison pour laquelle le collectif que j’ai l’honneur de vous présenter ne comporte pas une seule ouverture de crédits destinée à être reportée sur la gestion 2006.

Avec ce collectif, nous montrons, une nouvelle fois, que nous sommes au rendez-vous de la LOLF. En cohérence avec l’esprit de la réforme budgétaire, le Gouvernement a veillé à restaurer la loi de finances rectificative de fin d’année dans la fonction qui est vraiment la sienne : conclure la gestion budgétaire de l’année en cours, et non pallier les insuffisances réelles ou prétendues des crédits de la loi de finances de l’année suivante.

Quelques mots d’abord sur le fait que ce collectif est la traduction des efforts de gestion. Le premier des gages de responsabilité que je souhaite vous donner concerne le plafond de l’autorisation parlementaire. Pour la troisième année consécutive, ce plafond sera strictement tenu : il ne sera pas dépensé un euro de plus que le montant voté par le Parlement. Les dépenses de l’État seront donc bien stabilisées en volume.

Pour ce faire, le Gouvernement a veillé à ce que ce collectif ne propose l’ouverture que des seuls crédits nécessaires pour ajuster aux besoins les dotations de l’année 2005. Donc, pas de surprise : ces ouvertures de crédits, pour un total d’un milliard d’euros, sont celles que l’on constate traditionnellement en fin d’exercice.

Tout d’abord, l’abondement des chapitres de crédits évaluatifs, compte tenu des consommations effectivement constatées, à hauteur de 490 millions d’euros. Cela concerne la mise en œuvre des garanties pour 200 millions d’euros, les réparations pour les victimes des législations antisémites pour 134 millions d’euros ou encore les frais de justice et de réparation civile pour 75 millions d’euros.

La deuxième catégorie, c’est l’ajustement des crédits sociaux, à hauteur de 300 millions d’euros, et notamment les aides personnelles au logement, l’allocation adulte handicapé ou l’aide médicale d’État.

Le troisième et dernier volet de cet effort concerne des ouvertures diverses et ciblées, à hauteur de 240 millions d’euros. Vous y trouvez par exemple des crédits pour l’indemnisation des conséquences des sécheresses de 2003.

Pour solder cette gestion 2005, nous avons adopté une règle de conduite claire et exigeante : l’ensemble de ces ouvertures sont gagées. À cet égard, nous faisons même mieux que cela puisqu’elles sont plus que compensées par des annulations. De sorte que le solde des ouvertures nettes apparaît en négatif, à moins 100 millions d’euros. C’est par cette discipline vertueuse que nous tenons parole et respectons in fine l’autorisation que vous avez votée.

Pour arriver à ce résultat, nous avons mis en place un dispositif particulièrement exigeant de réserve de précaution, afin d’être capable, dans le même temps, de faire face aux besoins urgents et aux dépenses nouvelles.

Au total, ces mises en réserve atteignent le montant global de 7,4 milliards d’euros. Plus de 6 milliards d’euros ont été annulés en 2005, dont 1,1 milliard dans ce collectif. Parmi ces annulations figurent 730 millions au titre des crédits prévus pour le service de la dette, car, grâce à la bonne tenue des taux d’intérêt, nous avons réalisé des économies significatives.

Par ce collectif, le Gouvernement veut aussi confirmer les estimations de recettes pour 2005. Elles restent inchangées par rapport aux prévisions que nous avions réajustées à l’occasion du PLF pour 2006. Les moins-values de recettes dues à une croissance moins dynamique que ce sur quoi nous tablions l’an passé sont donc cantonnées à 2 milliards d’euros. À la lumière du très bon chiffre de croissance au troisième trimestre, cette prévision de recettes pour 2005 me semble désormais extrêmement robuste.

Au-delà de cette confirmation, la stabilité de nos estimations de recettes par rapport au PLF tient à deux mouvements opposés qui se compensent : d’un côté, le transfert de 510 millions d’euros de recettes aux collectivités locales, dont, pour l’essentiel, 457 millions de TIPP et également 54 millions d’euros au titre de rajustement des fractions de tarifs ; de l’autre côté, dans un mouvement opposé, le collectif constate une plus-value supplémentaire de 250 millions d’euros liée au prélèvement exceptionnel sur les distributions de bénéfices introduit avec la réforme de l’avoir fiscal. Au final, le solde budgétaire de ce collectif s’établit donc à moins 44,1 milliards d’euros. Il est donc parfaitement cohérent avec notre prévision d’exécution 2005, maintenue à moins 46,8 milliards d’euros, compte tenu de la consommation d’un peu moins de 3 milliards d’euros de crédits reportés.

L’autre avancée majeure de ce collectif, c’est que nous posons des bases saines pour que l’exécution budgétaire 2006 soit encore améliorée. Nous avons d’abord commencé à crever la bulle des reports. Et il y avait du travail à faire !

Rappelez-vous la situation au début de la législature ; les reports atteignaient 14,1 milliards d’euros. En une législature, nous les avons ramenés à environ 5 milliards d’euros. Cet ordre de grandeur sera précisé en janvier à la fin de l’exercice 2005, mais on voit déjà l’importance du chemin parcouru, puisqu’on les a réduits des trois quarts. Sur un an, les reports devraient être réduits de moitié, passant de 9,7 à 5 milliards d’euros. C’est un vrai progrès, que vous attendiez. Vous l’aviez demandé. Nous avons de ce point de vue assumé nos responsabilités.

En 2006, nous partirons donc du bon pied. À cela s’ajoutent d’autres améliorations notables des règles de pilotage budgétaire. Progrès que l’on doit là encore à la LOLF. Je pense en particulier à la fongibilité appliquée sur de larges périmètres de crédits, à la régulation budgétaire, qui va changer de visage. Nous aurons beaucoup travaillé en 2005 sur tous ces sujets.

Ce collectif budgétaire 2005 comporte aussi des dispositions fiscales extrêmement importantes.

D’abord, la contribution de solidarité sur les billets d’avion. Je crois que, sur ce sujet, il faut expliquer les choses et avoir l’honnêteté de reconnaître, tous ensemble, que, dans ce monde, il n’y a pas seulement un rapport entre l’Est et l’Ouest, il y en a aussi entre le Nord et le Sud. C’est là le vrai débat. Il y a un Sud où sévit la maladie et un Nord où il y a les médicaments. Il y a un Sud frappé par la misère et un Nord qui s’interroge sur les problèmes liés à l’immigration, notamment clandestine.

Il y a un Sud qui ne pourra rien faire sans nous et un Nord qui ne pourra pas durablement se dérober face à ses responsabilités. À cet égard, le Président de la République a su, une nouvelle fois, trouver les mots justes, à Bamako, à l’occasion du vingt-troisième sommet Afrique-France.

Face à ce gouffre grandissant, que faisons-nous ? Il y a, de ce point de vue, matière à assumer nos responsabilités. C’est à quoi nous vous invitons, en vous proposant une mesure profondément nouvelle et ambitieuse, qui va montrer l’exemple et enclencher à travers le monde une dynamique vertueuse ; c’est l’objet de la contribution de solidarité sur les billets d’avion que la France se propose d’appliquer à partir du 1er juillet 2006.

Les progrès accomplis en matière d’aide au développement ne sont malheureusement pas à la hauteur de nos espérances. Il nous a donc semblé nécessaire de montrer l’exemple par des actes concrets et d’entraîner dans notre sillage le maximum de pays, l’idée étant d’amorcer la pompe. Nous serons, une nouvelle fois, fidèles à notre vocation dans le monde. Cette initiative va marcher : 79 États ont apporté leur soutien à la déclaration du 14 septembre 2005 présentée par le Premier ministre à New York, lors du sommet des Nations unies. D’ores et déjà, le Royaume-Uni et le Chili ont annoncé qu’ils nous emboîteraient le pas, en apportant une contribution de même nature. D’autres pays pourraient faire de même lors de la conférence internationale qui se tiendra sur le sujet à Paris en février prochain.

Je propose que nous regardions ensemble, dans le détail le mécanisme qui vous est proposé. Il a été conçu, vous le verrez, avec le maximum de garanties.

C’est d’abord un dispositif extrêmement simple et souple. Le but, c’est que cela marche. Nous n’attirerons pas nos partenaires avec une usine à gaz !

Il sera simple dans sa mise en œuvre et souple dans la mesure où la loi ne devrait fixer que des taux plafonds. Ces derniers sont modestes, puisque dans 70 % des cas, cela ne représentera qu’un euro de plus à ajouter au prix du billet pour un aller simple en classe économique vers un aéroport de l’espace économique européen.

La transparence est la troisième garantie. Le produit de la contribution sera affecté de façon totalement transparente à l’aide au développement, et notamment à la lutte contre le sida, via un Fonds de solidarité pour le développement mis en place au sein de l’Agence française pour le développement. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir au cours des débats. Le dispositif est le plus neutre possible pour l’économie du transport aérien.

Les passagers en correspondance seront exonérés. Il n’est pas question de pénaliser les plates formes d’échange, comme Paris. La contribution entrera en vigueur le 1er juillet prochain pour permettre aux compagnies de préparer sa mise en place dans les meilleures conditions.

Le taux sera progressif suivant deux critères : les vols intracommunautaires, d’une part, et les vols extra-communautaires, d’autre part – il s’agit d’éviter de pénaliser les vols de courte distance ainsi que les liaisons avec l’outre-mer ; vols économiques d’un côté, et de l’autre vols « affaires » et « première classe ».

Bref, vous le voyez, cette contribution a vraiment été conçue de façon à n’affecter ni la compétitivité des aéroports français, ni l’emploi dans le secteur aéronautique.

L’autre plan du volet fiscal de ce collectif, ce sont les mesures au service de la pérennité de nos entreprises. Là encore, le constat est clair. Comme l’avait indiqué le Président de la République à l’occasion des vœux en janvier 2005, l’investissement en actions de nos entreprises est pénalisé en France par rapport à d’autres formes de placement.

De cela découle un triple mal français : un développement insuffisant de l’actionnariat populaire ; une certaine instabilité empêchant la constitution de groupes d’actionnaires fidèles, investissant dans la durée ; enfin, des problèmes spécifiques lors de la transmission des entreprises.

Tout cela rend nos entreprises plus vulnérables et affaiblit notre économie. À l’origine de ces handicaps, chacun en convient, il y a, pour une large part, la fiscalité des actions, et en particulier la taxation des plus-values au moment de leur cession. Voila pourquoi, par ce collectif, le Gouvernement a souhaité encourager un actionnariat salarié et populaire stable, en proposant d’exonérer d’impôt les plus-values réalisées par tous les actionnaires dès lors qu’ils auront détenu les actions de ces sociétés pendant au moins six ans. L’exonération devient totale à partir de huit ans de détention. Pour éviter tout effet d’aubaine, la durée de détention prise en compte ne sera décomptée qu’à partir du 1er janvier 2006.

Pour faciliter les transmissions d’entreprises, au moment où, dans les dix prochaines années, 500 000 entreprises vont changer de mains, le dispositif de prise en compte de la durée de détention sera d’application immédiate pour les cessions de titres réalisées par les dirigeants de PME lors de leur départ à la retraite.

Nos débats nous donneront l’occasion de discuter dans le détail ces mesures extrêmement importantes. En la matière, nous avons un rendez-vous à ne pas manquer.

Nous aurons également l’occasion, lors de la discussion des articles, d’examiner l’ensemble des dispositions de ce collectif, qui complètent celles que vous avez votées dans le projet de loi de finances initiale pour 2006 et qui tendent à renforcer l’attractivité de notre territoire.

Maintenant, place au débat ! Soyez assurés de ma totale disponibilité pour répondre à vos questions et pour examiner sereinement et avec la plus grande ouverture d’esprit l’ensemble de vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une loi de finances rectificative comporte en général deux volets : un volet budgétaire qui ajuste les crédits en fin d’année et un volet fiscal. Ce projet ne déroge pas à la règle et contient même une réforme d’envergure concernant les plus-values professionnelles et les plus-values sur titres mobiliers.

Tout d’abord, le collectif budgétaire procède à des ajustements en matière de recettes. Il y a quelques mois, certaines prévisions étaient très alarmistes. Or il se confirme que l’année 2005 se termine avec une moins- value sur recettes fiscales très réduite de 1,9 milliard d’euros, M. le ministre vient de le rappeler.

Ce résultat est très important, car il nous conforte dans nos choix budgétaires. Il s’agit même pour nous d’une double satisfaction car, d’une part, l’année 2005 se terminera dans des conditions tout à fait conformes aux prévisions que nous avions faites voici un an et, d’autre part, ce résultat sécurise la base des prévisions de recettes pour 2006 que nous avons votées dans le cadre du projet de loi de finances il y a à peine un mois.

M. Augustin Bonrepaux. On verra !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce niveau de recettes résulte d’une vraie dynamique de l’impôt sur le revenu – assis sur les revenus de 2004. Je rappelle en effet que l’année 2004 a été une année très satisfaisante sur le plan de la croissance.

Nous enregistrons également des plus-values très importantes sur tous les impôts qui portent sur le patrimoine et sur les valeurs mobilières, qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages. Par exemple, chers collègues socialistes, l’ISF se porte très bien ! Il progresse par rapport à la prévision de plus de 350 millions d’euros. Et en exécution, nous serons probablement autour de 2,7 milliards d’euros.

M. Augustin Bonrepaux. C’est pour cela que vous faites des cadeaux fiscaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je pourrais également parler des plus-values sur titres enregistrées par les entreprises, des droits de mutation et de la réforme qui conduira progressivement à la suppression du précompte et qui, en attendant, engendre du côté des entreprises des recettes substantielles.

Permettez-moi maintenant d’insister sur une question qui a fait débat cet été, en précisant que l’État ne va pas s’enrichir du fait de l’augmentation du prix du pétrole, au contraire.

M. Jean-Louis Dumont. Quel miracle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est tout sauf un miracle !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le supplément de recettes de TVA sera inférieur de 90 millions environ à la perte sur la TIPP. Autrement dit, l’État subit une perte, même si elle est minime. Cela signifie que toutes les mesures qui ont été prises au bénéfice des entreprises et des ménages touchés par l’augmentation du prix du pétrole – par exemple l’augmentation du dégrèvement de taxe professionnelle pour les transporteurs routiers ou l’aide à la cuve – sont des dépenses supplémentaires par rapport aux recettes perçues par l’État au titre de la fiscalité des produits pétroliers pendant l’année 2005. Le Gouvernement nous a proposé par le biais de ces mesures un véritable effort de solidarité qui n’était pas gagé par une hypothétique plus-value dont on voit bien qu’elle ne s’est pas réalisée.

Toujours du côté des recettes, il faut aussi souligner l’augmentation du prélèvement sur recettes au titre de l’Union européenne. Par rapport à la prévision, M. Dumont le sait bien, ce prélèvement augmente de 830 millions d’euros, ce qui se voit dans un budget.

Côté dépenses, M. le ministre l’a indiqué à l’instant, on constate le respect total, à l’euro près, de l’enveloppe que nous avions votée en loi de finances initiale, et cela pour la quatrième année consécutive, monsieur Migaud. Pour la quatrième année consécutive, le vote du Parlement est strictement respecté par le Gouvernement en matière de dépenses.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela fait rêver !

M. Jean-Louis Dumont. Par quel miracle ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela confirme la nécessité de la régulation budgétaire, que vous-même avez soulignée dans l’excellent rapport sur la loi organique que vous avez cosigné avec le sénateur Alain Lambert. Et il est vrai que la régulation budgétaire a été notable en 2005 : 7,5 milliards de crédits ont été placés dans la réserve de précaution ; cinq décrets d’avance portant sur 1,9 milliard de crédits ont été ouverts et compensés pour le même montant par des décrets d’annulation. De surcroît, le 3 novembre dernier, un décret d’annulation a été pris pour 3 milliards d’euros. Contrairement à la loi de finances rectificative pour 2004 dont M. Copé nous a dit qu’elle avait été son baptême du feu en tant que ministre du budget, cela permettra d’éviter les errements de l’année dernière où les crédits importants ouverts dans le collectif ont donné lieu à des reports. Cette année, au contraire, il est prévu d’ouvrir un milliard d’euros de crédits supplémentaires qui sont gagés par un milliard d’économies : essentiellement au titre des annuités des intérêts de la dette, grâce à la bonne gestion de la dette publique et à la bonne tenue des taux d’intérêt, qui permettent d’économiser plus de 700 millions d’euros.

M. Jean-Claude Sandrier. Bref, depuis quatre ans, tout va bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au total, le montant des crédits ouverts en 2005 s’établit à 285 milliards d’euros. Vous me direz que c’est 3 milliards de moins que ce que nous avions voté en loi de finances initiale. Mais grâce à cette réduction de 3 milliards, nous pouvons absorber 3 milliards de crédits reportés de l’exercice 2004 sur l’exercice 2005, ce qui permettra, et c’est une performance, de réduire le montant des reports de crédits de 2005 sur 2006 de 5 milliards d’euros. C’est le meilleur moyen de préparer la mise en application de la loi organique à compter du 1er janvier prochain.

M. Jean-Yves Cousin. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je fais remarquer à nos collègues de l’opposition que beaucoup de chemin a été parcouru depuis 2002, année où nous avons constaté, lorsque la présente majorité a établi le collectif du mois de juillet, qu’il y avait 14 milliards de reports de 2001 sur 2002, ce qui faussait complètement le budget de 2002.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Là aussi, on a remis de l’ordre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aujourd’hui, les reports sur 2006 seront réduits à 5 milliards. De 14 milliards, on est passé à 5 milliards quatre ans plus tard. Nous ne pouvons donc que saluer la gestion responsable du Gouvernement et de la majorité.

J’évoquerai pour terminer la réforme majeure de ce collectif, à savoir celle des plus-values. J’appelle votre attention, monsieur le ministre, non seulement sur l’intérêt de cette réforme, mais aussi sur quelques ajustements nécessaires que nous allons vous proposer par voie d’amendement.

Les plus-values professionnelles relèvent de deux dispositifs distincts : le dispositif dit « Dutreil » institué par la loi sur l’initiative économique, qui obéit à des seuils de chiffres d’affaires, et le dispositif dit « Sarkozy » institué en août 2004 par la loi sur la consommation et l’investissement, qui repose sur des seuils en matière de valorisation de l’entreprise.

À côté de ces deux dispositifs qui concernent essentiellement les entreprises individuelles, le Gouvernement nous propose à l’article 19 de la loi de finances rectificative une exonération totale des plus- values sur valeurs mobilières à condition que celles-ci aient été détenues pendant une durée d’au moins huit ans.

Par ailleurs, le dispositif d’exonération des plus-values mobilières s’appliquerait dès l’année 2006, en janvier prochain, aux chefs d’entreprise qui transmettraient leur entreprise pour prendre leur retraite. Cette mesure est très importante car des centaines de milliers d’entreprises devront être transmises dans les prochaines années. L’intérêt du pays est qu’elles puissent survivre ; cela implique qu’elles soient transmises dans de bonnes conditions. Nous approuvons donc totalement, monsieur le ministre, ce dispositif de transmission.

Cela dit, j’appelle votre attention sur un problème que j’illustrerai par un exemple. Supposons qu’un cabinet comptable soit transmis pour cause de départ à la retraite en janvier prochain. Si ce cabinet est constitué sous forme de société de capitaux et que son responsable a exercé depuis au moins cinq ans, les parts du cabinet, selon le dispositif de l’article 19, seront totalement exonérées de la taxation de 16 % au titre de la plus-value professionnelle. Mais s’il s’agit d’une entreprise individuelle et que le comptable est en deçà des plafonds Dutreil ou Sarkozy – chiffres d’affaires ou valeur – il sera totalement imposé à la plus value de 16 %. Et si ce cabinet est en société de personnes, il ne sera imposé qu’en application des plafonds décomptés associé par associé, ce qui est plus favorable. Ainsi, pour la même date de départ à la retraite, il y aurait trois régimes fiscaux différents selon la nature juridique de l’entreprise, ce qui n’est pas acceptable. Je défendrai donc un amendement, adopté par la commission des finances, qui assure une harmonisation.

Enfin, nous avons eu en commission, à partir d’un amendement de notre collègue Charles de Courson, un débat sur la question d’un éventuel plafond lorsque le régime d’exonération des plus-values sur valeurs mobilières, que nous jugeons excellent, aura atteint son rythme de croisière, à l’horizon 2014. À cette époque, dès lors que les actions auront été détenues pendant huit ans, il n’y aura plus d’imposition sur les plus-values en cas de cession de valeurs, mais des plafonds s’appliqueront si l’entreprise est constituée sous forme individuelle et non sous forme de sociétés de capitaux. Les membres de la majorité ont tous insisté ce matin sur le fait que nous ne souhaitons pas défavoriser l’entreprise individuelle par rapport à la société de capitaux. Et je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous partagez cette philosophie. Nous devrons donc réfléchir à une harmonisation générale mais, d’ici à 2014, nous avons du temps pour le faire.

Au-delà de ce souci d’ajustement technique, je voudrais saluer cette réforme, attendue depuis des années. Il est vrai qu’on pourrait nous reprocher d’avoir procédé par touches successives : d’abord avec le dispositif figurant dans la loi sur l’initiative économique, ensuite dans le cadre de la loi pour le soutien à la consommation et à l’investissement, aujourd’hui avec la loi de finances rectificative. Reste que nous allons faciliter la détention longue d’actions, ce qui est très important pour stabiliser l’actionnariat et les fonds propres de nos entreprises, en particulier des PME. C’est même le meilleur des moyens pour lutter contre la délocalisation et assurer leur pérennité. Nous allons également, à l’heure où les mutations se comptent par milliers, favoriser la transmission des entreprises, qu’elles soient industrielles, commerciales, agricoles ou de services. S’il y a une raison d’adopter ce collectif à l’unanimité, c’est bien parce qu’il comporte cette excellente réforme des plus-values professionnelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, moins de deux mois après l’ouverture de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2006, l’examen de ce projet de loi de finances rectificative pour 2005 démontre que vous ne tenez aucun compte de la vie réelle de la majorité de nos concitoyens. Vous continuez à sous-estimer gravement les difficultés des couches populaires, des couches modestes et même d’une partie des couches moyennes, appliquant une politique qui se traduit par un creusement des inégalités et un mépris des principales revendications, sur fond de recul des grandes idées humanistes.

Jamais depuis la Libération, une conjonction de propos et d’actes n’avait entraîné la France dans une telle spirale conservatrice, au sens plein du terme, une spirale de haine et de violence, alimentée par une politique de régression sociale, de favoritisme pour les plus riches, de diabolisation de l’immigration, transformée en bouc émissaire pour expliquer les difficultés de millions de nos concitoyens. Tout, je dis bien tout, va dans la direction d’une contre-révolution néo-conservatrice qui sonne comme une revanche contre les acquis démocratiques et sociaux conquis depuis 1789.

Je peux citer pêle-mêle les propos tenus il y a peu dans cet hémicycle pour justifier la colonisation – qui empêchent aujourd’hui le ministre de l’intérieur de se rendre aux Antilles – ; les déclarations, heureusement dénoncées par le Président de la République, que des responsables très influents ont faites sur la polygamie ; le vote de lois d’exception ; tout l’arsenal déployé pour la chasse aux chômeurs et aux Rmistes ; la volonté d’opposer les citoyens entre eux ; sans oublier l’inutile déclaration de l’état d’urgence, dont on mesure aujourd’hui, après le vote de l’Assemblée nationale, qu’elle n’a été qu’une gesticulation médiatico-électorale.

Cette contre-révolution conservatrice est renforcée par l’agression contre l’éducation et la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans, qui s’ajoute à une longue liste de reculs sociaux. Elle est aussi caractérisée par votre aversion pour le service public et par cette croyance quasi mystique dans les forces du marché, alors qu’un prix Nobel d’économie américain a rappelé il y a peu : « Tout le monde sait – mais apparemment pas vous – que le marché est incapable de s’autoréguler. »

La lecture de votre projet montre que vous n’avez rien retenu des événements dramatiques de ces dernières semaines puisque vous en rendez responsables l’éducation et les parents. Vous continuez dans le même sens, en accélérant la précarisation à grande échelle, en jouant avec les statistiques et en accordant aux plus riches la faveur des exonérations fiscales. Les renseignements généraux viennent pourtant de confirmer que les violences récemment commises n’étaient le fait ni de réseaux ou d’organisations, ni de facteurs ethniques, ni de l’éducation des parents, mais étaient liées à un profond malaise social. Vous ne voulez pas l’entendre, c’est pourtant la réalité.

Lors du débat budgétaire, j’avais cité dix cas de personnes issues de familles en difficulté que j’avais reçues, pour qui travailler, se nourrir, se loger, tout simplement vivre, n’étaient plus des droits mais une succession d’obstacles. Je me souviens que beaucoup, au sein de la majorité, avaient raillé, conspué, ironisé. Déjà lors du débat sur le port ostensible de signes religieux à l’école, mon ami et collègue François Asensi avait insisté sur les inégalités, les injustices et les tensions qui montaient dans les quartiers. Vous aviez au mieux ignoré, au pire méprisé de tels propos.

Le 18 octobre dernier, lors du débat budgétaire, avant les violences dans les quartiers en difficulté, je vous disais : « Nos concitoyens en ont " ras le bol ". Ils n’y arrivent plus. Au 15 du mois, l’argent manque dans les ménages. Il va bien falloir, à moins de prendre des risques politiques graves, entendre les Français. » Mais ces paroles, vous ne les avez pas entendues, encore moins écoutées. Si vous adoptez cette attitude, c’est que vous êtes tendu vers l’objectif de classe qui vous caractérise, celui de réussir enfin à casser toutes les garanties collectives afin d’individualiser tous les rapports sociaux et de livrer aux appétits financiers les secteurs les plus rentables de notre société. Et vous en rajoutez une couche dans ce projet de loi de finances rectificative en voulant exonérer les plus-values sur cessions d’actions. « Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites », comme on dit chez moi dans le Berry.

M. Charles de Courson. Pas seulement dans le Berry !

M. Jean-Claude Sandrier. Tant pis pour les laissés-pour-compte : les Rmistes, dont le nombre a augmenté de 10 % en 2005, les nouveaux surendettés – 14 % de plus en un an –, les travailleurs pauvres qui ne peuvent plus se loger, comme ce jeune homme expulsé de son logement la veille de la trêve hivernale et retrouvé mort de froid dans son véhicule qui était son dernier abri… C’était après le rejet, en mars dernier, de notre proposition de loi visant à garantir le droit constitutionnel au logement, à l’énergie et à l’eau. Devant une telle situation, il faut aller au bout de notre logique en interdisant les expulsions et les coupures et en traitant les problèmes sociaux. Le nombre des bénéficiaires de la CMU a augmenté de 14 % en un an dans mon département, celui des personnes aidées par les Restos du Cœur a été multiplié par dix en vingt ans. Vous pourrez toujours dire qu’il y a des abus, mais autant vous adresser aux responsables. Voilà la France que vous nous construisez, une France inégalitaire, une France de l’exclusion, avec 7 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté selon les normes européennes.

Votre projet de loi de finances rectificative est bien entendu de la même veine. Les statistiques du chômage sur lesquelles il se fonde sont le résultat d’un étonnant cocktail mêlant méthode Coué et multiplication des emplois aidés, ces emplois que vous aviez tant décriés et commencé par supprimer, ce qui est tout de même cocasse.

Il contrevient à l’un des principes constitutionnels essentiels de notre République : le respect de la faculté contributive de chacun. Énoncé dans l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce principe, conforté par la décision du 30 décembre 1981 dans laquelle le Conseil constitutionnel a affirmé le principe de la progressivité de l’impôt, ne cesse d’être bafoué par les textes budgétaires que vous présentez. C’est encore le cas avec la principale disposition proposée aujourd’hui, la réforme des plus-values sur les actions, qui, sous couvert de « stabilisation du capital des petites et moyennes entreprises », poursuit toujours l’objectif de répondre aux desiderata des classes riches. C’en est même devenu indécent à une période où les hôpitaux ne peuvent boucler leur budget et où les drames individuels de la pauvreté ne cessent d’augmenter. Savez-vous que, malgré les interdictions officielles, on coupe encore l’électricité et que, dans notre pays, des gens vivent sans chauffage ? Savez-vous que des gens sont expulsés de leur logement ?

Que penser encore de l’ineptie qu’est la modification de la fiscalité des impatriés et des expatriés, qui part du postulat qu’il faut s’aligner et accepter la concurrence fiscale alors que rien n’est fait au niveau européen pour que certains pays de l’Union cessent de pratiquer le dumping fiscal, qui tue croissance et emploi ?

Quant à l’article 7 du projet de loi, qui porte sur la redevance audiovisuelle, ne cache-t-il pas un détournement d’impôt ? Tout d’abord, certains contribuables auront été assujettis deux fois à cet impôt en 2005. Ensuite, l’affectation du produit de cette taxe au profit des organismes de l’audiovisuel public se ferait en fonction du bon vouloir du Gouvernement.

Voilà trois articles qui résument toute votre philosophie : cadeaux aux plus riches et diabolisation de la dépense publique.

Bien sûr, le projet de loi de finances rectificative offre aussi l’occasion, comme il est d’usage, de rectifier les chiffres du déficit. Mais ce n’est pas tant l’écart entre le chiffre annoncé en loi de finances initiale et le chiffre avancé aujourd’hui qu’il faut retenir que les raisons mêmes de ce déficit et le rôle que vous lui faites jouer.

Permettez-moi, d’abord, de souligner que le déficit se creuse malgré d’importantes annulations de crédit, qui s’élèvent à 6 milliards d’euros. Cela corrobore l’idée d’une croissance qui a été volontairement surévaluée par le Gouvernement. Les moins-values fiscales sont, quant à elles, même si notre rapporteur général cherche à les minimiser, aussi substantielles qu’inquiétantes puisqu’elles représentent 2 milliards d’euros.

Et la situation ne risque pas de s’arranger car les prélèvements sur les richesses produites en vue de rendre des services collectifs sont, selon votre dogme, dans la ligne de mire. C’est là que votre discours sur le déficit est fallacieux. M. le ministre de l’économie et des finances ne cesse d’appeler le déficit à la rescousse pour expliquer que la France n’a plus les moyens : plus les moyens de faire tourner les services publics, plus les moyens de donner aux collectivités territoriales les compensations auxquelles elles ont droit, plus les moyens d’augmenter les minima sociaux. Mais elle aurait les moyens de baisser l’ISF, les moyens d’exonérer partiellement les dirigeants d’entreprise détenteurs d’actions, les moyens de diminuer l’impôt sur le revenu des plus hautes tranches. Quel formidable bon sens : « Plus le déficit se creuse, plus je baisse les recettes ; je n’ai plus d’argent mais j’en distribue aux plus riches » !

Et puis M. le ministre de l’économie et des finances nous explique qu’il ne peut pas tout et qu’il a pris le budget tel qu’on le lui a laissé.

M. Didier Migaud. C’est sympa pour les copains !

M. Jean-Claude Sandrier. Sa phrase en dit trop ou pas assez ! Le prédécesseur de M. Breton qui a présidé à l’élaboration du budget pour 2005, je crois bien que c’est l’actuel ministre de l’intérieur, M. Sarkozy. Au-delà d’un certain flou dans la solidarité gouvernementale, il est un peu étonnant de voir le ministre de l’économie et des finances refuser d’assumer l’ensemble du bilan de la législature. C’est tout simplement parce que ce bilan est un échec : un échec en matière d’emploi, un échec en termes de croissance, un échec social, un échec sur la dette, un échec quant au résultat des baisses de cotisations sociales.

Bien sûr, tout dépend des canons de la réussite. Si votre but, c’est de précariser le travail et de servir les plus riches, vous êtes alors d’une efficacité redoutable. Votre obsession de la baisse du coût du travail est telle qu’elle met en péril notre pays. Elle met en péril la croissance, déforme le partage entre profits et salaires et accentue les inégalités, car toutes vos initiatives politiques visent à accroître la pression sur les salariés, que ce soit le contrat nouvelles embauches ou les remises en cause des accords sur la réduction du temps de travail. Et pour quel résultat ? Une baisse statistique très faible du chômage, due aux emplois aidés que vous aviez voués aux gémonies et à une précarisation croissante du travail qui multiplie les travailleurs pauvres : il suffit d’aller voir les associations caritatives pour en avoir confirmation.

Ayant déplacé une partie du problème du chômage vers les Rmistes, vous pourchassez désormais ces derniers, tous suspectés, comme les chômeurs, de vouloir frauder, un grand nombre d’entre eux en tout cas, et le ministre des collectivités locales en visite dans le Rhône en appelle à la culture du résultat. Sous ces termes flatteurs, c’est bien de la machine à radier qu’il s’agit. Quelle stigmatisation inadmissible !

Entretenir l’idée que les problèmes de la France proviendraient des allocataires du RMI alors que les inégalités explosent, c’est non seulement intolérable mais c’est aussi dangereux pour la démocratie. Écoutez ce que dit Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, de vos choix budgétaires : « Des gens crèvent dehors et on donne 10 000 euros à des gens qui en gagnent 20 000. Le Gouvernement est fou. Le décalage est tellement grand entre la réalité et les ministères que c’est la démocratie tout entière qui en prend un coup. Tout cela fait monter le Front national et ses idées. »

Ce n’est pas la prime de Noël aux plus démunis, annoncée avec fracas médiatique, qui peut faire oublier tous les cadeaux aux plus riches contenus dans le projet de loi de finances initiale ou dans ce projet de loi de finances rectificative, d’autant plus que, pour la deuxième année consécutive au moins, elle est toujours bloquée au même montant. Pour certains, on n’hésite pas à donner plus, à faire beaucoup d’efforts, et pour ceux qui en ont besoin, on ne fait même pas l’effort d’augmenter la prime de Noël d’au moins le taux de l’inflation.

Oui, mes chers collègues, cette façon d’opposer nos concitoyens pour préserver les classes les plus aisées est irresponsable, car notre pays souffre surtout du formidable gâchis des richesses créées en France.

À ce propos, je vais vous lire quelques lignes qui ne sont pas extraites d’un écrit marxiste. Même si c’est un peu pénible à entendre, c’est très intéressant et vous devriez vous en inspirer.

« Le capitalisme est-il en train de s’autodétruire ? La question peut sembler pour le moins saugrenue, voire provocatrice au moment même où les grandes entreprises de la planète, à commencer par les entreprises françaises, affichent des profits très élevés et distribuent des dividendes records à leurs actionnaires, tandis que les salariés voient leur pouvoir d’achat se réduire dans un climat où l’inquiétude grandit, dominée par la multiplication des délocalisations, la permanence d’un niveau de chômage élevé et de la précarité sous toutes ses formes. Et comme plus la croissance est molle, plus les profits explosent, rien d’étonnant à ce que le débat sur la légitimité d’un tel "partage" des richesses monte en puissance. Pourtant, c’est au moment où le capitalisme n’a jamais été aussi prospère, aussi dominateur, qu’il apparaît le plus vulnérable, et nous avec lui. »

On dirait que c’est un communiste qui parle !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est Patrick Artus, non ?

M. Jean-Claude Sandrier. Oui, et il n’est pas communiste. Et il donne des recettes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On le connaît par cœur !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’il donne des recettes pour vous sauver et que vous ne les entendez pas.

Voici ce qu’il dit encore :

« D’abord, il s’agit d’un capitalisme sans projet, qui ne fait rien d’utile de ses milliards, qui n’investit guère, qui ne prépare pas assez l’avenir. L’argent coule à flots… » et, ici, on pleure parce que l’État n’en a plus…

M. Yves Censi. Le Pen dit la même chose !

M. Jean-Claude Sandrier. M. Artus n’est pas d’extrême droite, il ne faut pas l’insulter !

M. Yves Censi. Vous pourriez citer aussi l’extrême droite !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. J’ai droit à une heure et demie, madame la présidente.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous allez parler une heure et demie ?

M. Jean-Claude Sandrier. C’est ce que j’ai fait la dernière fois.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je sais, j’étais admiratif !

M. Jean-Claude Sandrier. Je vais être sympa aujourd’hui, je vais sans doute être beaucoup plus bref…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Que plus personne ne bouge ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Sandrier. Exactement, et surtout pour faire ce genre de remarque ! Ce n’est pas gentil pour Patrick Artus, dont je poursuis la lecture :

« L’argent coule à flot aujourd’hui dans l’économie mondiale, mais il n’est que trop rarement utilisé à bon escient, spécialement en Europe continentale, pour favoriser l’adaptation des économies, investir dans les ordinateurs, les usines, les infrastructures, la recherche et développement, et alimente plutôt la voracité des investisseurs, dans une course aux rendements financiers à court terme.

« La schizophrénie s’installe. On n’a jamais autant parlé de développement durable, mais nous sommes de plus en plus prisonniers d’une vision "court-termiste" et financière de la "création de richesses", tandis que la mondialisation facilite ces dérives jusqu’à tenir lieu d’alibi à la gourmandise des investisseurs. » On est en plein cœur du sujet ! « Or ces dérives mettent en péril, en réalité, le maintien de la croissance et de la rentabilité du capital dans le long terme, précipitant l’économie mondiale dans une impasse. Nous avons voulu analyser ici les ressorts de cet engrenage, comprendre pourquoi les marchés financiers sont plus que jamais obnubilés par les rendements à court terme, pourquoi ils se détournent des projets de long terme au risque de provoquer de nouveaux accidents financiers et surtout de sacrifier – et de pousser les entreprises à sacrifier – l’avenir. L’environnement financier de l’économie mondiale est désormais un environnement où l’horizon de programmation des investissements s’est raccourci avec, pour corollaire, une exigence de rentabilité du capital extrêmement forte. Dans l’installation d’une telle dérive, la mondialisation a joué et joue en quelque sorte le rôle de "facilitateur". À la faveur des délocalisations et de la perte de pouvoir de négociation des salariés dans les pays les plus avancés, des rendements élevés du capital peuvent être obtenus. Amis, c’est une illusion de croire que cela sera durablement possible. Cette évolution est en effet totalement autodestructrice, puisque la philosophie de l’épargne, son essence même, est de préparer le long terme en garantissant le financement des retraites ou de la consommation dans la dernière partie de la vie. »

« L’obsession de la rentabilité à court terme pervertit le système : les entreprises ne sont plus incitées à imaginer et réaliser les projets qui créeraient de la croissance et de la rentabilité dans le long terme et les investisseurs se concentrent sur leurs décisions dans un horizon court et ne surpaient plus celles qui investissent sur le long terme, bien au contraire, Or cette logique court-termiste à rentabilité élevée porte en elle-même sa propre fin, puisqu’elle suppose de sacrifier l’avenir. »

« Dans l’opinion, d’ailleurs, le malaise est profond. Chacun, dirigeant ou simple citoyen, pressent qu’il faut réagir. Comment faire pour que les profits des entreprises servent la cause de la prospérité collective, de la croissance et de l’emploi ? Pressé par le débat qui enfle et par l’approche de l’échéance présidentielle, le gouvernement français tente de traiter les symptômes, notamment en encourageant un meilleur partage de la production de richesses avec l’augmentation du pouvoir d’achat.

« De même, en France, mais aussi aux États-Unis et un peu partout dans le monde, on prend des mesures pour améliorer la qualité de la gouvernance financière, la transparence et éviter que ne se reproduisent les catastrophes financières vécues au moment de l’explosion de la bulle internet. Bien entendu, tout cela est utile, mais reste à portée limitée, car, comme nous le montrerons, on ne traite pas vraiment la cause profonde du mal, cette juxtaposition du raccourcissement des horizons et de l’augmentation de la gourmandise des investisseurs professionnels. Voilà pourquoi il est urgent de réformer en profondeur la gestion de l’épargne, d’établir de nouvelles règles de gouvernance. Celles-ci doivent imposer aux acteurs de revenir à des exigences de rentabilité compatibles avec la raison économique, et différencier leurs objectifs de rentabilité en fonction de leur horizon d’investissement. Elles doivent aussi permettre aux entreprises de refaire des investissements "normaux" et de renouer avec des projets de développement à long terme. Cela suppose, entre autres, un changement radical par rapport aux évolutions récentes de la réglementation, mais aussi que chacun des acteurs – épargnants, investisseurs, dirigeants d’entreprise, régulateurs...– soit conscient des risques induits par la dérive actuelle et assume ses responsabilités. La seule manière de pérenniser l’économie mondiale, en ce début de siècle, c’est d’impliquer les détenteurs de l’épargne dans la supervision des décisions à long terme des emprunteurs et des entreprises, comme dans celle des intermédiaires financiers auxquels ils délèguent la gestion de l’épargne dans un objectif long. Faute de quoi, l’économie mondiale s’exposera soit à une nouvelle crise financière lorsque les risques cachés qui permettent les rendements élevés éclateront au grand jour, soit au déclin tendanciel de la rentabilité des entreprises et de la croissance si les investissements qui produisent de la productivité à long terme ne sont plus réalisés. Si le capitalisme est menacé, c’est d’abord, et comme toujours, par ses propres excès. »

Il s’agit de l’introduction de l’ouvrage cosigné par Patrick Artus, professeur d’économie, et Marie-Paule Virard, rédactrice en chef du magazine Enjeux-Les Echos, qui a pour titre Le capitalisme est en train de s’autodétruire. Vous conviendrez qu’il n’a pas été écrit par des communistes, loin s’en faut, mais je reconnais que nous aurions pu difficilement faire mieux.

Cet ouvrage a l’immense mérite de montrer la lourde responsabilité que le pouvoir politique porte face à une situation qui empire et face à des pratiques que, loin de refréner, loin de réguler, vous encouragez. Il dénonce la politique que vous avez menée et que vous êtes en train d’aggraver. Cette démission, cet assujettissement du pouvoir politique au pouvoir économique et financier porte les germes de l’échec. Comme le montrent ces auteurs émérites, c’est bien la distorsion du partage entre profits et salaires qui entraîne une croissance molle et une pauvreté grandissante, tandis que les classes riches s’enrichissent. Les pays qui, en Europe, font le mieux en termes de croissance sont ceux où cette distorsion profits-salaires n’existe pas. Ce n’est pas une coïncidence, mais bien une conséquence. Quand on connaît le rôle moteur de la consommation dans la bonne tenue de la croissance, cela n’a rien d’étonnant.

Or, ne nous voilons pas la face, vous n’avez à peu près maintenu la consommation depuis 2002 qu’en diminuant le taux d’épargne des ménages et en les contraignant à recourir toujours plus à l’endettement, notamment pour l’acquisition immobilière. Pourtant, la consommation marque le pas. Comme le signalent les auteurs précités, le volume des ventes de produits de grande consommation a même baissé pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale – de l’ordre de 1,4 % en 2004 selon l’INSEE. Cette tendance se confirme et l’indicateur INSEE de moral des ménages est à son plus bas niveau depuis 1996. Il est donc illusoire de continuer à vouloir pressurer les salaires ! Au contraire, c’est d’une revalorisation générale des bas salaires que nous avons besoin. Les profits non réinvestis le permettent.

Permettez-moi de vous donner quelques chiffres tirés des indices et publications de l’INSEE. Les profits des entreprises du CAC 40 – ils sont phénoménaux et là vous avez vraiment réussi – ont augmenté de 28 milliards en 2003, de 57 milliards en 2004, et l’estimation est de 75 milliards pour 2005.

À côté de cela, le CREDOC explique, par la voix de son directeur, que les couches moyennes et modestes ont perdu environ 3 % de leur pouvoir d’achat au cours des trois dernières années. Si vous contestez ces chiffres, je vous invite, comme je l’ai fait en octobre lors de la discussion budgétaire, à aller interroger nos concitoyens dans la rue, ils vous diront si leur pouvoir d’achat a ou non augmenté. C’est encore là qu’est la meilleure étude !

Chiffre encore plus saisissant : le nombre des salariés qui se situent sous le seuil de 1,3 SM1C. Ce seuil n’est pas anodin, c’est celui qui est pris en compte dans les dispositifs gouvernementaux pour exonérer les employeurs de cotisations sociales ; en clair, ce sont les bas salaires. Leur proportion est passée de 23,5 % en 1992 à plus de 30 % aujourd’hui, avec une accélération ces dernières années.

Comprimer les salaires pour accroître les profits est destructeur pour notre pays. Ouvrons les yeux : la dictature du retour sur fonds propres et des dividendes porte un coup terrible à notre économie. C’est ce que les auteurs que j’ai cités appellent le « mythe des 15 % de rentabilité ». Ainsi sur les 460 milliards d’euros de ressources nouvelles des entreprises non financières, plus de la moitié est engloutie par la sphère financière – intérêts, versements de dividendes, placements financiers. La rémunération excessive du capital tue la croissance et l’emploi. Quant à ceux qui disent que le coût du travail est le principal frein à une bonne tenue de notre production, je les renvoie à l’ouvrage d’Artus et Virard : « Les pays qui gagnent des parts de marché à l’exportation vers les pays émergents sont ceux où les coûts salariaux sont élevés et où la monnaie est forte. C’est le cas du Japon et de l’Allemagne. Deux pays où la compétitivité coût est faible, le taux de chômage effectif réel fort et le salaire par tête plus élevé que dans les autres grands pays développés. […] La bonne performance de ces pays vient de la qualité de leur spécialisation industrielle, qui explique leurs énormes excédents commerciaux pour les biens d’équipement et le matériel de transport. »

C’est toute la problématique d’une réelle progression des dépenses d’avenir qui est en question : recherche, éducation, jeunesse, culture, dotations aux collectivités locales… Toutes ces dépenses d’avenir sont sous-estimées ou sacrifiées sur l’autel du déficit ! Or le déficit gonfle une dette publique dont le rapport Pébereau vient opportunément de montrer qu’elle est bien plus importante que ce que l’on affiche… Braves citoyens, nous dites-vous, serrez-vous la ceinture pour le bien de vos enfants et de vos petits-enfants ! Oui, mais pendant ce temps-là, c’est le festin des riches, le bal du CAC 40, la danse des assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune – ou ce qu’il en reste !

À vous entendre, ce sont la mondialisation, les délocalisations et les menaces de délocalisations qui vous contraignent à faire payer les pauvres pour les riches ! Quelle vision erronée !

Tenez, pour le plaisir, je vais vous lire à nouveau un passage de cet excellent ouvrage de Patrick Artus et Marie-Paule Virard, que vous n’avez manifestement pas lu et c’est dommage : vous passez à côté de quelque chose d’essentiel !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est parce que nous l’avons lu que l’entendre à nouveau nous navre !

M. Jean-Claude Sandrier. « Avec son cortège de délocalisations et autres pressions à la baisse sur les salaires, la mondialisation ne sert-elle pas d’alibi aux entreprises tentées de courir après des rendements déraisonnables du capital, et surtout aux grands investisseurs tentés de les exiger ? Il est permis de se poser la question. » Pour ma part, je ne me la pose pas ; c’est la mondialisation alibi ! « D’où cette interrogation qui ne fait que croître et embellir, depuis que, vers le milieu des années 90, les firmes de tous les continents ont commencé à se prosterner devant la déesse “Shareholder Value” (création de valeur pour l’actionnaire) : cette chasse au rendement du capital investi va-t-elle les aveugler encore longtemps, au point de leur faire perdre de vue leur principale mission, imaginer des axes et des projets de développement pour créer des richesses et de l’emploi ? »

Bien sûr que cette mondialisation est un alibi – et même un alibi puissant – pour contrevenir au principe constitutionnel de respect de la faculté contributive de chacun. Vouloir nous effrayer avec les riches qui quittent la France, en entraînant avec eux des pertes pour l’économie est une pantalonnade ! Les riches coûtent plus à la France qu’ils ne lui rapportent. Ce « capitalisme sans projet, qui ne fait rien d’utile de ses milliards, qui n’investit guère » exige de surcroît 15 % de rendement sur ses dividendes : on saigne les richesses produites par le travail de nos salariés ! Bref, ajoute Patrick Artus, c’est « une hausse des profits qui ne soutient pas la demande et ne stimule pas davantage l’investissement. »

Cessez donc de faire croire que le salut de notre pays passe par un alignement par le bas de notre fiscalité. Au contraire, il passe par l’investissement dans la recherche et dans les biens d’équipement de ces milliards d’euros gaspillés, stérilisés dans la sphère financière. Il passe aussi par l’investissement dans les capacités humaines et non dans une rémunération démentielle du capital. Et puis, comment peut-on – énorme contradiction ! – se servir du déficit pour refuser toute politique active et proposer dans le même temps des diminutions d’impôts pour les plus riches ? Comment croire vos appels au secours sur le déficit alors que vous diminuez les recettes et multipliez les cadeaux fiscaux aux plus riches ? Cette logique plutôt extravagante vous pousserait presque à dire que survivre avec le RMI est un privilège, alors que payer l’impôt sur la fortune est une injustice criante !

Non, nous n’acceptons pas de telles injustices sociales et fiscales. La somme des baisses d’impôts et des différentes compensations pour exonération dépasseront 50 milliards d’euros sur l’ensemble de la législature. Henri Sterdyniak, économiste de l’Office français des conjonctures économiques, l’a dit : « Les classes moyennes auront les miettes d’un festin réservé aux riches .»

Cette nouvelle architecture fiscale est d’autant plus intolérable qu’elle va frapper de plein fouet les couches moyennes et modestes, avec l’augmentation du prix des denrées obligatoires comme l’énergie et la hausse les impôts locaux résultant du transfert de charges aux collectivités locales, notamment à travers la taxe d’habitation, impôt particulièrement injuste car il touche tous les ménages et n’est pas assis sur le revenu.

Je tiens à vous lire la conclusion de l’intervention de Philippe Laurent, maire de Sceaux élu sous l’étiquette UDF et président de la commission des finances de l’Association des maires de France : « Le résultat des dispositions présentées dans le projet de loi de finances pour 2006 (bouclier fiscal, plafonnement de la taxe professionnelle) sera inévitablement l’affaiblissement de la capacité financière des collectivités locales, le repli de l’investissement local – dont on connaît pourtant le rôle de moteur économique – et le recours accru à une fiscalité sur les ménages dont on connaît pourtant les grandes limites. Précipitation dans la préparation, dévoiement des principes posés, iniquité territoriale accrue, blocage budgétaire des collectivités, croit-on vraiment que c’est en affaiblissant les collectivités territoriales que l’on renforcera le pays ? » Voilà qui a le mérite d’être clair !

Si je me reporte à cette intervention, c’est que les rattrapages pour les collectivités, notamment au titre du RMI, prévus par le collectif budgétaire qui nous est présenté ont d’ores et déjà plus d’un an de retard ! C’est le principe de l’autonomie des collectivités territoriales qui est en cause. C’est le principe de la libre administration des collectivités territoriales qui est attaqué.

Tout cela montre le terrible échec social et économique de la droite. Depuis 2002, le Gouvernement a engagé une France qui était en crise depuis plusieurs décennies sur le chemin de la régression. La rupture de civilisation qui s’amorce sous nos yeux, avec le bradage de tous les acquis collectifs et de tous les services publics, première source de solidarité, nous appelle à un esprit de résistance. Nous refusons de tomber dans les pièges de la démagogie populiste, de la xénophobie et de la stigmatisation de tel ou tel groupe, en un mot d’une politique de la peur qui a toujours signé l’échec, sous quelque régime que ce soit. Elle appelle surtout un projet crédible et audacieux pour un autre type de société. Car s’il est vrai qu’une rupture est nécessaire, c’est une rupture avec le libéralisme qu’il faut imaginer. La prééminence des marchés financiers, le choix de semer la division entre nos concitoyens sont déjà à l’origine d’une première rupture, source d’inégalités croissantes et malheureusement de violence. Cette situation exige de la gauche tout entière la construction d’une réelle alternative. La gauche devra avoir ce courage, car il ne suffira plus de poser des pansements sociaux sur un système injuste. Les députés du groupe communiste et républicain veulent mettre en débat six grands axes de réflexion, susceptibles de redonner à notre peuple des raisons d’espérer en opérant une vraie rupture.

Premièrement, il est nécessaire de revenir sur les lois qui ont créé de l’injustice : la loi Fillon relative aux retraites, la réforme de la sécurité sociale, la loi privatisant EDF ou celle instituant le contrat nouvelles embauches, pour ne citer que les plus importantes. La réversibilité annoncée, assumée et effectuée sera le premier pas vers un retour de la confiance dans notre pays.

Deuxièmement, un projet solidaire de transformation sociale implique une réforme profonde de la fiscalité. Comme je l’ai démontré à l’instant en m’appuyant sur certains textes, la première question qui se pose à notre pays, comme aux autres États de l’Union européenne, est celle d’une meilleure répartition et d’une meilleure utilisation des richesses produites. Cela suppose d’élargir l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune et de faire passer la part des impôts progressifs, et d’abord de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, à 30 % des recettes totales, au lieu des 17 % actuels – soit dit en passant, cette réforme nous placerait dans la moyenne européenne, aux côtés des plus grands pays européens, ce qui devrait satisfaire ceux qui, comme vous, ne cessent de lutter contre l’« exception française ».

Une meilleure répartition des richesses suppose également des allégements de TVA visant notamment à favoriser, comme nous l’avions proposé dans un amendement au projet de loi de finances pour 2006, la création de structures d’accueil des personnes âgées ou handicapées. Cet amendement a été repoussé.

Il est enfin impérieux de mettre en place une véritable fiscalité des actifs financiers, un pan entier de la sphère financière restant à l’heure actuelle quasiment vierge de prélèvements. Nous préconisons la prise en compte des actifs financiers des entreprises dans la détermination de l’assiette de la taxe professionnelle et la modulation des cotisations sociales en fonction des emplois créés et des investissements productifs. Actuellement, selon le rapport publié en juin par la Cour des comptes, les baisses de charges sont octroyées sans aucune contrepartie et sans aucun contrôle. L’objectif est de renverser le mouvement actuel de compression de la dépense publique, qui casse les solidarités, accroît les inégalités et entrave la croissance.

Nous proposons selon un troisième axe, en lien direct avec les deux propositions précédentes, de définir ce qui doit relever de la responsabilité publique. Au-delà de ce qu’il faut maintenir, voire développer, dans le domaine de l’éducation nationale, de la santé et des transports, nous préconisons que l’énergie, mais aussi l’eau et les services liés à l’environnement – je pense notamment au traitement des déchets – fassent l’objet d’une maîtrise publique nationale.

M. Charles de Courson. Allons-y ! Nationalisons !

M. Jean-Claude Sandrier. Pas nécessairement : certains de ces services publics peuvent parfaitement être gérés au niveau régional.

M. Jean-Louis Dumont Voilà un vrai révolutionnaire !

M. Charles de Courson Allons donc ! Même les socialistes n’y croient plus !

M. Jean-Claude Sandrier. Il s’agit là d’enjeux de développement, voire de préservation de notre environnement. Si on peut débattre des limites de ces compétences, il est incontestable qu’elles relèvent de la responsabilité publique, du moins si on pense que la gestion du pays relève du politique. Dans le cas contraire, nous n’avons plus rien à faire ici !

Nous proposons également la création d’un pôle bancaire public, qui aurait la charge de distribuer des crédits bonifiés tenant compte des efforts consentis en matière d’investissements ou de créations d’emplois, notamment aux PME, et de gérer les dépôts en favorisant la création de fonds régionaux pour l’emploi et la formation.

Cela nous amène au quatrième axe, à savoir la nécessaire mobilisation pour l’emploi, car ce n’est pas en faisant pression à la baisse sur les salaires et en aggravant la précarité qu’on sortira la France du marasme. Il convient au contraire de développer les capacités humaines en matière de recherche et de formation, ainsi que d’améliorer les salaires et la protection sociale, car ce sont là les seuls véritables facteurs de compétitivité. Cela implique de rompre avec la diète budgétaire qu’on impose aujourd’hui à ces secteurs pourtant porteurs de dynamisme.

Une telle ambition suppose qu’on se donne les moyens d’exercer un contrôle démocratique. Tel est l’objet de notre cinquième axe de propositions. Aujourd’hui, comme l’écrivent Patrick Artus et Marie-Paule Virard, « les banques centrales sont irresponsables » : c’est ce que nous disons depuis longtemps. Le pacte de stabilité et l’orthodoxie monétaire, qui enlèvent au pouvoir politique toute capacité à définir une orientation, voire à exercer un véritable contrôle, mettent en échec tout vrai choix démocratique.

La soumission des banques centrales, la BCE y compris, au contrôle des parlements est une nécessité : le pouvoir politique ne pourra plus alors arguer de son impuissance face à la toute-puissance de l’économie et du marché. C’est un des enjeux majeurs d’une véritable alternative.

Notre dernier axe de propositions a trait aux institutions démocratiques, notamment à l’institution parlementaire, que la prééminence de l’élection présidentielle tend à dévaloriser. Par des propositions novatrices, tant en matière de mode de scrutin, afin d’assurer une meilleure représentation des citoyens, qu’en matière budgétaire, où le Parlement doit exercer une véritable responsabilité, nous devons améliorer la représentation des forces du pays et renforcer les pouvoirs du Parlement.

Telles sont, à notre sens, les six pistes de réflexion que la gauche devra ouvrir si elle veut apporter un nouveau souffle au pays. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle pourra donner de l’espérance, tant il est vrai que les dernières expériences de gouvernement ont abouti à un divorce dont il est urgent de prendre la mesure. Il faut s’attaquer au véritable gâchis dont souffre notre société : il y a huit fois plus d’argent dans la sphère financière que dans la sphère productive, ce qui entraîne un manque à gagner considérable ; les actifs financiers représentent deux fois le produit brut de la France, sans que personne ne songe à les mettre véritablement à contribution ; plus de la moitié des 450 milliards d’euros de richesses supplémentaires créées l’an dernier par les entreprises est absorbée par les coûts financiers ; les actionnaires exigent un rendement de 15 % de leurs actions, ce qui est suicidaire pour l’économie ; cerise sur le gâteau, même si elle est dérisoire par rapport au gâteau, les cadeaux faits aux plus riches dans le cadre de la dernière loi de finances s’élèvent à 1,2 milliard d’euros, soit douze fois les sommes recueillies par le téléthon : la comparaison vaut ce qu’elle vaut.

Voilà ce qui pèse sur l’économie de notre pays, la croissance, l’emploi et la justice sociale.

Que nous ne soyons pas les seuls à le dire est une très bonne nouvelle ; c’en est une moins bonne que de vous voir vous entêter dans vos vieux dogmes, alors que les plus éminents économistes, non seulement de France, mais du monde, comme Joseph Stiglitz ou Patrick Artus, vous disent qu’ils font marcher le capitalisme sur la tête ou qu’ils provoquent son autodestruction.

M. Yves Censi. Les urnes nous ont donné raison !

M. Jean-Claude Sandrier. Cette remarque est strictement inutile puisque ce sont les électeurs qui tranchent en dernier ressort ! Vous ne savez pas plus que nous s’ils enverront dans deux ans le même message qu’en 2002.

M. Yves Censi. On n’a pas encore vu de vague communiste !

M. Jean-Claude Sandrier. Ainsi, l’ensemble de la gauche est invité à s’engager sur la voie de la rupture avec une politique dont les plus éminents spécialistes reconnaissent qu’elle a échoué.

Parce que ce projet de loi contrevient à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’au principe de libre administration des collectivités territoriales, le groupe communiste et républicain vous invite, mes chers collègues, à adopter l’exception d’irrecevabilité.

M. Jean-Louis Dumont. Bravo !

M. Yves Censi. Quelle ovation !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je veux, très brièvement, inviter votre assemblée à repousser cette motion. En dépit de tout le respect que j’ai pour vos convictions, monsieur Sandrier, je déplore le caractère caricatural de vos propos. Je ne peux vous laisser dire que le Gouvernement mène une politique de régression sociale alors que nous avons augmenté le SMIC et que notre réforme fiscale, pour laquelle vous avez été bien sévère, bénéficie avant tout aux revenus modestes et moyens. Vous ne pouvez pas davantage nous accuser d’aversion pour le service public, alors que nous n’avons eu de cesse de le moderniser.

Après tout, vous êtes dans votre rôle, comme je suis dans le mien ; souffrez simplement que je ne vous rejoigne pas dans vos convictions, même si je les respecte, et que j’invite votre assemblée à repousser cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur Sandrier, nous sommes dans un monde ouvert et l’exigence de compétitivité fiscale nous impose de regarder ce qui se passe en dehors de nos frontières. Même si je ne nie pas qu’on puisse aborder ce problème en termes de justice, notre réforme a pour ambition première de défendre l’emploi. Il suffit de considérer les exemples d’EADS, de Renault-Nissan ou des centrales d’achat d’Intermarché ou de Leclerc pour se convaincre que nous appartenons aujourd’hui à un ensemble européen ouvert à la concurrence internationale. C’est parce que nous ne nous résignons pas à la destruction des emplois français que nous avons renforcé notre compétitivité fiscale, sans négliger les exigences de justice. C’est ce qui nous sépare.

M. Didier Migaud. Vous avez beaucoup parlé de justice, mais peu fait en ce sens !

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, la démonstration de notre collègue est sans concession et sans appel. Nous comprenons que vous ne partagiez pas ses conclusions, mais vous ne pouvez pas refuser l’échange et le dialogue, notamment sur les interrogations légitimes qu’éveillent vos propositions.

Je ne doute pas, monsieur le rapporteur général, que votre démonstration ait été aussi sincère que celle de M. Sandrier. Il reste que vous n’avez pas pu dissiper les interrogations suscitées par un certain manque de transparence. Ainsi, alors que cela fait plus d’une dizaine de jours que le projet de loi de finances rectificative a été déposé, nous avons vu arriver cet après-midi seulement quelques dizaines d’amendements présentés par le Gouvernement, que nous n’avons pu examiner qu’au titre de l’article 88 du règlement. Cela mérite quand même quelques explications, d’autant que ces amendements sont loin d’être sans conséquence.

Le texte a-t-il été préparé trop rapidement, ou bien la mondialisation a-t-elle encore frappé entre-temps, vous contraignant à rectifier quasiment heure par heure les politiques financières et économiques ? Voilà déjà de quoi nous interroger. D’autres collègues en parleront peut-être, même s’ils sont d’accord pour poursuivre la discussion. Mais, comme le soulignait tout à l’heure M. de Courson, il faut lire la presse et avoir des relations chez les journalistes pour savoir quels sont les amendements que présentera le Gouvernement.

Quel est aujourd’hui, monsieur le ministre, l’état des finances publiques ? Au fil des conférences de presse, des textes et déclarations, des enquêtes et des rapports, en fonction de l’heure et du lieu, on nous dit tantôt que la France est extraordinairement endettée et qu’il faut absolument faire quelque chose, tantôt qu’il faut prendre des mesures fiscales – certains les appellent des « cadeaux » –…

M. Maurice Giro. Vous oubliez de dire : « aux riches » !

M. Jean-Louis Dumont. …qui se traduisent par une diminution des recettes. Notre rapporteur général a déclaré que l’impôt sur le revenu des personnes physiques était très rentable en 2005, mais on voit bien, dans la même colonne de son rapport, que toutes les autres recettes fiscales diminuent largement. Certes, l’incidence sur l’ensemble du budget est insignifiante, mais il est étrange que l’impôt sur les ménages augmente alors que toutes les autres taxes régressent. C’est manifestement le résultat de la politique économique, financière et fiscale que vous avez mise en place depuis plusieurs années. On peut en lire les conséquences en termes sociaux, en termes de choix stratégiques et sociétaux.

Monsieur le ministre, il n’est pas possible d’affirmer que l’endettement est excessif sans prendre les mesures adéquates. On ne peut pas dire qu’il faut investir en faveur de l’emploi et de la cohésion sociale tout en annulant des crédits à longueur d’année. Vous annoncez ainsi que dans de nombreuses régions – dans vos régions, mesdames et messieurs les députés, y compris de la majorité ! – les crédits destinés au logement diminueront en 2006.

Toujours en matière de logement, vous nous annoncez l’augmentation de l’APL. Or les conclusions du Conseil national de l’habitat révèlent que cette mesure est loin de faire l’unanimité. Vous vous préoccupez de cohésion sociale, de logement et de solidarité ? Mais alors, si les loyers vont bénéficier d’une aide, qu’en est-il des charges ? Il faut prendre acte du fait que la paupérisation gagne nos populations, mais on ne voit aucun accompagnement de la politique économique et financière visant à redonner du souffle à une véritable politique de l’emploi.

La démonstration de M. Sandrier, peut parfois irriter…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. M. Dumont, lui, est un peu long !

Mme la présidente. Monsieur Dumont, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Augustin Bonrepaux. Le sujet est très important, madame la présidente !

Mme la présidente. Si important qu’il soit, je dois faire respecter le règlement, et je demande à M. Dumont de conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la présidente, vous avez une tendance un peu fâcheuse à couper la parole et à censurer l’expression des parlementaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Non, je ne fais que mon travail.

M. Jean-Louis Dumont. D’ailleurs, mes collègues de l’UMP m’approuvent ! Merci, mes chers collègues. (Rires.) Et dire que je n’en étais même pas arrivé à la fin de ma première page !

Monsieur le ministre, je conclurai par une vraie question. Certaines des mesures prises, qui avaient été soumises au Conseil d’État, ont été déférées devant la Cour de justice européenne – je pense en particulier à une question de TVA sur les autoroutes. C’est aussi le cas d’une société de garantie de l’accession…

Mme la présidente. Monsieur Dumont, vous avez parlé sept minutes.

M. Jean-Louis Dumont. Et alors ? Nous avons l’éternité devant nous !

Mme la présidente. Je vous prie instamment de conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Je conclurai donc, avec l’autorisation de M. Migaud : le groupe socialiste votera l’exception d’irrecevabilité.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative est pour l’Assemblée nationale l’occasion de faire un premier bilan sur l’exécution de la loi de finances initiale et de tirer déjà quelques conséquences des éventuels écarts constatés.

En outre, comme Alain Lambert et moi-même avons eu l’occasion de le rappeler dans le cadre de la mission parlementaire qui nous a été confiée par le Premier ministre, le respect du principe de sincérité doit se concrétiser dans les lois de finances par une plus grande étanchéité des exercices budgétaires : il faut à cet égard proscrire les dispositions qui font du collectif budgétaire de fin d’année une sorte de « match retour » de la loi de finances. Or, si le présent projet représente une amélioration par rapport à celui de 2004, il comporte encore de trop nombreuses mesures qui reviennent sur celles du projet initial pour 2005 ou auraient dû figurer dans le projet de loi de finances initial pour 2006.

Depuis juin 2002, l’Assemblée nationale a assisté à une valse des ministres de l’économie : pas moins de quatre titulaires ont exercé cette fonction Cette succession a développé au plus haut niveau une culture de l’irresponsabilité et permis à chaque ministre d’exciper de sa jeunesse dans la fonction pour mieux se disculper et n’avoir pas ainsi à répondre des mauvais résultats des gestions précédentes.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est pas mon genre !

M. Didier Migaud. En la matière, l’actuel ministre de l’économie et des finances s’inscrit pleinement dans cette tradition. À peine arrivé à Bercy, il a, comme ses prédécesseurs, stigmatisé une situation budgétaire effectivement préoccupante, comme si ses amis n’y étaient pour rien ! Comme s’il avait voulu siffler la fin de la récréation, il a eu des mots très durs pour ses prédécesseurs et affirmé qu’avec lui cela changerait.

Malheureusement l’expérience nous amène à constater que, depuis juin 2002, aucun ministre de l’économie n’a réussi à stopper la dégradation de nos comptes publics, et notamment à enrayer la dynamique insoutenable de l’endettement déclenchée par M. Raffarin en juin 2002. Pire, le poids de la dette publique a augmenté sous chaque ministre et M. Breton, jusqu’à présent du moins, ne déroge pas à cette malheureuse règle. Il a proposé un projet de budget pour 2006 qui affiche – malgré une prévision de croissance de 2,25 % ! – un creusement du déficit budgétaire et de la dette publique.

Mais M. Breton semble avoir perdu le sens de la réalité – auquel vous pourrez peut-être le rappeler, monsieur le ministre. Ainsi, alors que ses propres chiffres disent le contraire, il affirme que, pour la première fois depuis des années, la situation va s’améliorer. Ce n’est évidemment pas l’avis des gens réalistes. Par exemple, les prévisions d’automne publiées le jeudi 17 novembre par la Commission européenne indiquaient que le déficit public de la France pourrait atteindre en réalité 3,2 % en 2005, puis 3,5 % en 2006. Le commissaire aux affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia, considère ainsi que la France devrait rester en situation de « déficit excessif » en 2005 et en 2006.

N’en déplaise à ceux qui préfèrent tenir de beaux discours sur l’avenir plutôt qu’assumer les résultats de leur gestion, il n’est pas inutile d’en revenir à la dure réalité des chiffres et des faits incontestables, que je veux rappeler.

En 1997, le président Jacques Chirac, sur les conseils de l’actuel Premier ministre, a pris la décision de dissoudre. Cette décision était fondée sur le constat d’une situation de nos finances publiques qui ne permettait pas à la France de se qualifier pour l’euro. La majorité issue des urnes en 1997 avait donc une priorité claire : qualifier la France pour l’euro et donc respecter les critères du pacte de stabilité, et surtout corriger les inégalités et les injustices de la politique conduite depuis 1993. Cela a été fait et ces critères ont été respectés durant l’intégralité de la législature.

À l’inverse, depuis juin 2002, la France n’a jamais respecté ces critères, et il est malheureusement à craindre que ce ne soit le cas jusqu’à la fin. C’est un simple constat, qui devrait vous interpeller, monsieur le président de la commission des finances : ceux qui donnent des leçons sont systématiquement ceux qui ne sont pas dans les clous au regard des critères européens que vous mettez en avant. C’est aussi une réalité malheureuse et un bilan pour l’actuelle majorité que M. Juppé lui-même pourrait qualifier de calamiteux, comme il l’avait fait en 1995 pour celui de MM. Sarkozy et Balladur, sans avoir été lui-même en mesure de l’améliorer sensiblement – rappelez-vous, à cet égard, à la lettre adressée par M. Juppé à son successeur en 1997.

L’avenir est donc fortement hypothéqué par la politique que vous menez depuis juin 2002, comme l’illustre, parmi de nombreux autres exemples possibles, celui du Fonds de réserve pour les retraites, laissé en friche depuis que vous êtes revenus au pouvoir. Ce fonds, créé en 1999 par le gouvernement Jospin pour faire face aux défis des retraites, est aujourd’hui doté de 22,3 milliards d’euros, mais plus de la moitié de cette somme a été versée en 2001 et 2002 alors que, depuis, les versements se sont taris. En 2006 doivent être versés 1,7 milliard d’euros, après un versement de moins de 2 milliards en 2005.

Pire, ces sommes ne procèdent pas d’une décision effective du Gouvernement, mais simplement du résultat de l’affectation d’une part du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et de placement. On peut donc affirmer que le Gouvernement n’a pris, de sa propre initiative, aucune décision d’abondement du FRR depuis juin 2002.

Pourtant, les recettes provenant des privatisations sont supérieures à 30 milliards d’euros pour EDF et les autoroutes, dossiers d’actualité. Le Gouvernement prétend affecter ces recettes de privatisation au désendettement, mais depuis 2001 la dette publique a explosé, avec une progression de près de deux points de PIB par an en moyenne depuis quatre ans. La représentation nationale est donc en droit de se demander où sont passées et où vont passer les recettes de privatisation, qui n’ont pas été et ne seront pas affectées au FRR, et qui n’ont pas non plus servi, du moins jusqu’à présent, à réduire le poids de la dette publique. Cette situation est très préoccupante, car l’attitude irresponsable du Gouvernement risque de remettre en cause l’objectif initial, qui consistait à doter le FRR de 150 milliards d’euros à l’horizon 2020 pour réduire les besoins de financement futurs liés aux retraites du secteur privé. C’est au point que les membres du conseil de surveillance estiment que « le risque est réel de voir le FRR s’installer à compter de 2006 dans un état végétatif ». Ce comportement est d’autant plus incompréhensible que, comme l’ont également rappelé les membres du conseil de surveillance, le fonds contribue, dans le cadre d’une gestion responsable de ses actifs – à raison de 55 % en obligations et 45 % en actions –, à investir en direction de l’innovation et de l’emploi pour relever le niveau de la croissance potentielle.

Ainsi, loin de mettre notre pays en situation de relever les défis du financement futur des retraites et de la protection sociale, le Gouvernement hypothèque l’avenir. Puisque le Fonds de réserve pour les retraites peut recevoir le produit de recettes exceptionnelles, nous devons être vigilants – je souhaite que la commission des finances le soit également –, après la décision récente du Conseil de la concurrence infligeant aux opérateurs de téléphonie mobile la plus grosse amende jamais prononcée par cette institution, sur l’utilisation de cette amende record, qui ne doit pas être dilapidée comme les précédentes recettes exceptionnelles l’ont été depuis juin 2002. Pour éviter que cela ne se reproduise, il serait souhaitable que le Gouvernement s’engage sur l’affectation du produit de cette amende au FRR, que la majorité a laissé en déshérence depuis trois ans. Mais cette décision nous a en tout cas révélé l’insoupçonnable : M. Breton, ministre de l’économie et des finances, chantre du libéralisme et de la concurrence libre et non faussée, s’est ainsi fait prendre la main dans le pot de confiture, en flagrant délit d’entrave à la concurrence au détriment de millions de consommateurs.

M. Michel Piron. Il n’avait rien à y voir !

M. Didier Migaud. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil de la concurrence.

M. Hervé Mariton. Il faut reprendre le calendrier !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est pas très correct, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Comment qualifier le comportement de M. Breton, totalement contraire à ses discours ?

M. Hervé Mariton. Vous confondez les dates !

M. Didier Migaud. Il y a des dates qui se chevauchent…

M. Hervé Mariton. Vous, vous n’êtes pas à cheval sur la vérité !

M. Didier Migaud. …et il serait intéressant que l’on puisse prolonger l’étude de ce dossier. Nous devons en tout cas nous attacher désormais à examiner les mesures que compte prendre le ministre de l’économie pour s’assurer que les ententes cessent et que les consommateurs en profitent. Nous attendons avec intérêt vos réponses, monsieur le ministre du budget.

Cet épisode doit nous inciter à souligner la façon dont, sous la direction de l’actuel ministre de l’économie et des finances, France Télécom a été « sauvée », pour reprendre l’expression consacrée par les médias. S’il est prématuré de déjà dresser le bilan de M. Breton comme ministre, celui de M. Breton comme président de France Télécom apparaît chaque jour un peu plus comme devant être remis en cause si on l’analyse au regard de ses déclarations.

M. Hervé Mariton. Pensez-vous nous parler un jour du collectif ?

M. Didier Migaud. Mais je suis dans le sujet, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Ah bon !

M. Didier Migaud. Son action a en effet contribué à l’aggravation de la dette publique, et elle illustre a contrario la nécessité de prendre de vraies mesures de désendettement, monsieur le ministre du budget, plutôt que de s’exprimer, comme le fait M. Breton, de façon pas toujours cohérente selon le lieu dans lequel il se trouve – les uns et les autres en conviendront.

Si l’on peut se réjouir que les comptes de France Télécom aient été redressés, il ne faut pas oublier qu’ils l’ont été, monsieur le président de la commission des finances, parce que l’État a repris une dette qui s’analyse du point de vue comptable comme une dette privée. C’est en effet la sphère publique qui, via l’ERAP, a repris une large partie de la dette de France Télécom en finançant une augmentation de capital. La dette publique a ainsi été creusée de plus de 9 milliards d’euros par ce plan de redressement élaboré à l’époque de la présidence de M. Breton. C’est ce que confirme le rapport sur la loi de finances rectificative pour 2002 de M. Philippe Marini, rapporteur général du Sénat, qui estime qu’il faut relever de 0,6 point de PIB le poids de la dette publique du fait de cette opération. Pire encore, ce montage – particulièrement ingénieux, il faut le reconnaître – n’a pas été économe car il a renchéri la charge de la dette. En effet l’ERAP, même s’il peut se prévaloir de la garantie de l’État, ne bénéficie pas de la même signature que l’État et doit emprunter à un taux plus élevé que lui.

Cela doit inciter certains, quand ils parlent de la dette et des engagements financiers à moyen et long terme de l’État, à davantage de retenue, voire de modestie. Certes, on pourra nous répondre que l’investissement dans France Télécom a constitué pour l’État un investissement avisé. Mais faire cette réponse, c’est reconnaître, comme nous, qu’il peut être plus efficace de creuser – à partir du moment, bien sûr, où cela est maîtrisé – la dette de l’État pour investir dans une entreprise plutôt que de privatiser des autoroutes pour se désendetter à court terme et sans poser la question du désendettement sur le moyen et le long terme.

Cela m’amène naturellement à évoquer une des questions essentielles pour l’avenir de notre pays : celle de la dette publique.

Je l’ai dit, la dette publique connaît sous la présente législature une progression inquiétante. La dynamique actuelle de la dette est insoutenable, avec une progression de près de deux points de PIB par an en moyenne depuis quatre ans. Ce constat rejoint les interrogations que l’on peut avoir sur la façon dont le Gouvernement conduit les affaires budgétaires et financières de la France.

Cette situation est tout à fait préoccupante et il est légitime qu’un ministre de l’économie et des finances, et que le ministre du budget bien sûr, s’en préoccupent. Ce n’est toutefois pas en créant une psychose, comme tente de le faire M. Breton, qu’on trouvera plus aisément les moyens d’y faire face. Cette dramatisation outrancière est d’ailleurs d’autant moins compréhensible qu’elle est le fait d’une majorité qui a fait exploser les comptes publics depuis trois ans et se montre incapable de les rétablir.

À force de répéter que la dette s’est inéluctablement et mécaniquement alourdie chaque année depuis vingt-cinq ans, on en vient à proférer quelques mensonges, au moins par omission, car la dynamique de l’endettement n’a pas toujours été linéaire ni constante. Il y a eu des périodes où la dette a beaucoup plus progressé, et certaines où son poids a même été réduit. Ce fut le cas, pour la première fois depuis 1980, en 1999, 2000 et 2001. Des politiques économiques ont donc permis, au cours de ces vingt dernières années, de mieux maîtriser, voire de réduire la part de l’endettement au regard de la richesse nationale, comme plusieurs tableaux le démontrent. J’ai entre les mains un graphique qui reprend l’évolution de la dette publique depuis 1978, soit sous les gouvernements Barre, Mauroy, Fabius, Chirac, Rocard, Cresson, Bérégovoy, Balladur, Juppé, Jospin, Raffarin et Villepin. Si vous le regardez un instant, monsieur le ministre, vous verrez qu’il est particulièrement intéressant : on voit beaucoup de sagesse sous le gouvernement de Raymond Barre ; une augmentation de 9,5 % sous les gouvernements Mauroy et Fabius, mais la dette reste encore à un niveau raisonnable ; M. Chirac, en tant que Premier ministre, a eu peu de temps pour l’augmenter, plus 2,9 % ; durant la période Rocard-Cresson-Bérégovoy, c’est plus 6,6 % ; sous MM. Balladur et Juppé , on atteint 17,8 % d’augmentation de la dette ! Vient ensuite le gouvernement de Lionel Jospin, qui réussit moins 1,4 % ! « Et toc ! » ai-je cru entendre. Effectivement. Mais depuis le retour de l’actuelle majorité, avec MM. Raffarin et Villepin, l’augmentation a repris ; elle s’élève déjà à 9,6 %. Et nous ne sommes pas encore à la fin de la législature. Voilà une démonstration…

M. Michel Piron. Disons plutôt un exposé !

M. Didier Migaud. …qui illustre combien la réalité peut être contraire aux discours tenus ici où là. En tout cas, ce tableau montre qu’une telle dynamique n’a rien d’inéluctable et qu’elle est réversible à condition d’adopter une démarche rigoureuse et responsable, que nous appelons de nos vœux.

Pour ce faire, il faut se garder de susciter des polémiques politiciennes et utiliser les périodes de référence et les données chiffrées avec précaution. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de le dire publiquement à Nicolas Sarkozy lorsqu’il avait pris ses fonctions à Bercy et avait, lui aussi, lancé une polémique sur ce sujet. Seules les données en pourcentage de PIB répondent à cette exigence. Les utilisations de chiffres en valeur absolue, martelés par le ministre, ne sont pas pertinentes et ne semblent pas avoir d’autre but que de chercher à effrayer le public, de même que les comparaisons avec un ménage ou une entreprise, ou bien les menaces de faillite brandies contre l’État.

Non content de dramatiser outrancièrement une situation déjà effectivement très préoccupante – je partage votre point de vue, monsieur le ministre –, M. Breton l’a complexifiée en répandant la rumeur d’une dette cachée qui serait constituée des engagements futurs liés aux retraites des fonctionnaires. Au chiffre incontesté de la dette publique est souvent ajouté celui des engagements financiers relatifs à la retraite des trois fonctions publiques. Il y a parfois aussi d’autres propositions d’ajouts, notamment ceux des retraites des régimes spéciaux et même les dépenses fiscales. M. Breton s’est ensuite maladroitement défendu dans cet hémicycle en expliquant qu’en réalité les choses étaient connues, pour refuser de donner son accord à la création d’une commission d’enquête demandée – à juste titre s’il y avait vraiment une dette cachée – par le groupe UDF.

Monsieur le ministre, je tiens à dire que les importantes questions relatives à la dette publique sont connues et précisément mesurées. Le périmètre de la dette a été défini par des travaux nombreux, précis et rigoureux, qui ont fait l’objet d’une validation par Eurostat. Tout le système de surveillance de l’évolution de la dette publique, dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, repose d’ailleurs sur cette définition rigoureuse. Quant aux grands engagements relatifs aux retraites des fonctionnaires, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a mis en place les outils qui permettent de mesurer et de rendre totalement transparentes les charges de retraites spécifiques de l’État et des différentes fonctions publiques.

Le fantasme d’une dette cachée doit donc être écarté sans complaisance, sinon par souci de rigueur et d’objectivité, du moins parce que la propagation d’un tel discours au plan international ne pourrait que nuire, fort injustement, à la qualité de la signature française. Or vous savez que la signature française bénéficie de spreads, c’est-à-dire d’écarts encore favorables dans les taux d’intérêt servis. Cela signifie que les établissements financiers acceptent d’acheter des titres émis par l’État français ayant un rendement légèrement inférieur à la moyenne des titres émis dans la zone euro car ils considèrent que le risque attaché à ces titres est également inférieur. Si les établissements financiers doutaient de la soutenabilité de la dette publique française, ils exigeraient une prime de risque plus élevée, ce qui ferait disparaître l’écart favorable accordé à la France. Ce n’est pas encore le cas et il faut tout faire pour éviter que ce ne le soit un jour.

À cet égard, il faut insister sur la récente communication de l’agence de notation financière Standard & Poors, qui attribue à la France la note maximale, dite « triple A ». Tout en précisant que cette communication ne signifiait ni une dégradation ni une perspective de dégradation de la note française, cette agence de notation a tenu à souligner la dégradation relative de la performance française en matière d’endettement. Cette dégradation est liée à l’existence d’un déficit public très supérieur au plafond de 3 % prévu par le pacte de stabilité, et ce depuis trois ans et sans perspective crédible de rétablissement à court terme.

M. Gérard Bapt. Cette note risque de ne pas durer longtemps ! C’est très grave pour l’avenir !

M. Didier Migaud. De son côté, l’agence de notation Moody’s rappelle que la question essentielle est celle de la dette en indiquant que « l’annonce d’un déficit public accru en 2006 n’augmente en rien la probabilité de l’État français de ne pas honorer sa dette ». Mais cela ne peut suffire à nous satisfaire.

L’esprit de responsabilité qui nous anime impose d’affronter simultanément deux sujets majeurs, mais distincts.

II y a, d’un côté, la dette publique définie de façon incontestable selon les normes internationales qui s’appliquent aux États. Si ces normes ont vraisemblablement vocation à évoluer dans l’avenir, s’agissant notamment des retraites des fonctionnaires, ce sont alors tous les pays qui devront réévaluer leurs chiffres, pas seulement la France, dans des proportions équivalentes, comme le quotidien Le Figaro l’a rappelé récemment en citant l’exemple du Royaume-Uni. En l’état, cet agrégat est précisément chiffré : en France la dette publique pèse 65,8 % du PIB en 2005. Son niveau d’aujourd’hui et sa dynamique actuelle sont insupportables. Encore faut-il prendre des mesures qui ne remettent pas en cause nos politiques de solidarité.

De l’autre côté, il y a tous les engagements financiers de long terme auxquels notre pays devra faire face et qui reposent sur l’ensemble de la sphère publique. Ces engagements sont divers, mais essentiellement liés au vieillissement démographique. À cet égard, de facto, les retraites des salariés du secteur privé engagent la sphère publique comme celles de la fonction publique.

La dynamique actuelle de la dette publique, dont vous parlez beaucoup, doit être enrayée de façon urgente. Par exemple, le retour à l’équilibre du solde primaire doit être la priorité dès aujourd’hui. Force est de constater que ce n’est pas le cas et que le Gouvernement n’a jamais fait de cet indicateur pourtant décisif un objectif prioritaire. Pour atteindre cet objectif, une action volontariste s’impose sur les recettes comme sur les dépenses. Le gouvernement de Lionel Jospin a montré que l’on pouvait l’atteindre tout en ayant une politique de justice fiscale et de solidarité.

Car contrairement à une idée reçue, il n'y a pas de lien objectif entre niveau de la dépense ou des recettes et poids de la dette. Depuis vingt ans, le poids de la dépense publique est resté stable dans le PIB, alors que le poids de la dette s'est accru de 40 points. La dette se creuse quand l'écart entre recettes et dépenses s'accroît. On ne peut donc écarter a priori toute action sur les recettes au prétexte d'une conception trop simpliste de la concurrence fiscale. Faute de cette approche exhaustive, le discours gouvernemental et celui de l’UMP se limitent à un plaidoyer suspect pour la seule remise en cause de la dépense publique – M. Mariton est un orfèvre en la matière.

En 1985, la dépense publique pesait 53,4 % du PIB. En 2004, ce taux était de 53,5 %. Ainsi, en vingt ans, la dépense publique n'a pas augmenté en proportion de la richesse nationale. Il est donc abusif d'affirmer, comme le font à longueur de journée le Gouvernement et sa majorité, que c'est la progression de la dépense publique qui expliquerait celle de la dette.

Le montant des dépenses fiscales, supérieur à 50 milliards d'euros, est ainsi supérieur à la charge de la dette, mais également au déficit public. Autrement dit, sans ces dépenses fiscales, les comptes publics sont équilibrés. Mais je reconnais que ce sont là des débats complexes : on s’en est aperçu lors de l’examen du projet de loi de finances initial.

Selon le Conseil des impôts, ces dépenses représentent plus de 20 % des recettes fiscales nettes de l'État. En vingt ans, le coût des quinze premières dépenses fiscales a doublé, passant de 14 à 28 milliards en euros constants.

Pour ce qui concerne les allégements de cotisations sociales salariales, non conditionnés, leur efficacité est de plus en plus contestée à mesure que leur coût augmente : plus de 20 milliards d'euros en 2006.

La question de l'efficacité des dépenses fiscales doit donc être placée au cœur de la problématique de la dette. L'évaluation et la remise en cause éventuelle des dépenses fiscales – nous en débattrons lors de l’examen des amendements – doivent prolonger la démarche d'efficacité de la dépense et de modernisation de l'action publique engagée avec la LOLF. Cette démarche d'efficacité est d'ailleurs complémentaire de la notion de justice fiscale, qui est malmenée depuis trois ans par la politique fiscale du Gouvernement et pose des problèmes de plus en plus aigus.

Après avoir présenté les enjeux auxquels nous devons faire face, je voudrais que nous nous demandions si ce projet de loi de finances rectificative est non seulement conforme aux prévisions initiales pour 2005, mais aussi à même de répondre aux deux problématiques dont je viens de parler. Seuls nos collègues de l'UMP se risqueront vraisemblablement, par sens du sacrifice et soumission au fait majoritaire, à tenter de vanter les mérites de ce projet.

M. Gérard Bapt. N’est-ce pas, monsieur Mariton ?

M. Hervé Mariton. Jaloux !

M. Didier Migaud. Nous, monsieur le ministre, nous n’y parvenons pas.

Les résultats économiques en 2005 sont très largement en deçà des annonces faites à l’époque : nous devons une fois encore constater que les prévisions optimistes du Gouvernement, sur lesquelles était fondée la loi de finances initiale, sont contredites par les faits.

La croissance est largement inférieure aux prévisions. M. Nicolas Sarkozy avait présenté un budget fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 % du PIB en 2005. En réalité, malgré une campagne de communication offensive, voire agressive du Gouvernement…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Une campagne positive !

M. Didier Migaud. …sur des chiffres moins dégradés que prévus au troisième trimestre de 2005 – il faut se réjouir lorsque les nouvelles sont bonnes ; encore faut-il être sûr qu’elles le soient ! –, la croissance sur l'année devrait péniblement atteindre 1,5 ou 1,6 %. Ce chiffre est très inférieur aux prévisions initiales.

Le prix du pétrole s'est envolé : quelle surprise ! Les hypothèses, dénoncées dès la présentation du budget comme irréalistes, se fondaient sur un prix du baril de brent à 36,50 dollars en moyenne sur l’année. En réalité, la moyenne annuelle a été de 55,20 dollars. Alors que le Gouvernement a constamment refusé de prendre en compte les effets négatifs de la hausse de la facture pétrolière pour les ménages, cette « erreur » a largement entamé la performance de croissance.

Le pouvoir d'achat est en berne. Les chiffres restent largement inférieurs à ceux atteints avant 2002. L’UMP continue pourtant d'affirmer que la politique suivie alors conduisait à « partager les salaires » au lieu de partager l'emploi. Rien n'est plus faux.

La progression de la consommation est inférieure au chiffre annoncé : 2 % au lieu de 2,4 %. Il en va de même pour les exportations : 2,5 % au lieu de 3,7 %.

Le chômage est tout juste stabilisé, notamment en raison des nombreuses radiations de l'assurance-chômage et du traitement statistique et social du chômage. Le taux de chômage reste de 9,7 % en octobre 2005. Cette situation est confirmée par l'atonie de l'emploi salarié. Les derniers chiffres relatifs au troisième trimestre de 2005 indiquent qu'il n'aurait progressé que de 0,3 % sur un an, avec une forte baisse des effectifs industriels : moins 2,4 %.

Nous aimerions croire à cette baisse du chômage. Mais nous avons, monsieur le ministre, des doutes réels sur la vérité des chiffres.

M. Jean-Louis Dumont. En effet !

M. Didier Migaud. Nous aimerions notamment connaître les statistiques non publiées. Comme vous le savez, il existe en la matière plusieurs catégories ; toutes les évolutions ne sont pas publiées. Afin que nous puissions conclure à une éventuelle baisse du chômage, il faudrait que le Gouvernement joue la transparence. Nous pourrions ainsi, en appréciant les transferts d’une catégorie à une autre, juger s’il s’agit d’un mouvement de fond. Mais nous en doutons.

Les défaillances d'entreprises continuent d’ailleurs leur forte progression : c’est là le reflet d'une politique artificielle de stimulation des créations. Sur douze mois, les défaillances constatées en septembre 2005 ont progressé de 3,3 %, pour atteindre plus de 42 018 cas. La croissance est de plus de 10 % pour le commerce de détail, principal secteur de création des toutes petites entreprises, notamment par d'anciens salariés en difficulté qui espèrent par là retrouver un emploi.

Au total, la lecture du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2006 conduit malheureusement à une remise en cause générale de toutes les prévisions et hypothèses présentées à l’automne 2005 par le ministre de l’économie et des finances d’alors, M. Nicolas Sarkozy.

La situation budgétaire ne s'améliore pas, notamment à cause d'une politique de baisses ciblées de certains impôts, qui privilégie quelques-uns au détriment de la croissance pour tous. Le déficit budgétaire ressortait en effet à 45,4 milliards d'euros en exécution dans le projet de loi de règlement pour 2004 ; il était fixé à 45,2 milliards dans la loi de finances initiale pour 2005 ; le présent projet de loi de finances rectificative le fait ressortir à 44,1 milliards, soit une quasi-stagnation. En réalité, le déficit budgétaire sera de 46,8 milliards d'euros compte tenu de la consommation en 2005 de près de 3 milliards d'euros de crédits reportés. Ce chiffre de 46,8 milliards d'euros prévus en exécution est presque identique à celui voté pour 2006. C’est bien la preuve que le budget pour 2006 ne propose aucune amélioration réelle des comptes publics et que la situation budgétaire ne connaît aucune amélioration pour la période 2004-2006, ni en valeur absolue, ni en proportion du PIB.

Ces mauvais résultats s’expliquent largement par l’atonie des recettes fiscales. La loi de finances initiale prévoyait en effet 276,6 milliards d’euros de recettes fiscales nettes – montant manifestement optimiste, puisque ces évaluations ont été révisées à la baisse dans le PLF pour 2006, à hauteur de 271,7 milliards. Finalement, ce collectif budgétaire prévoit un montant de 269,7 milliards, soit 6,8 milliards de moins que l'évaluation initiale ! Ces moins-values représentent 0,4 point de PIB et 2,5 % des recettes fiscales. C'est dire l'ampleur de la surestimation initiale !

À la manière d'un skieur godillant pour tracer sa route, le Premier ministre a soufflé le chaud et le froid en matière budgétaire en 2005. Mais au-delà des effets d'annonce commandés par les événements dans les banlieues, force est de constater que le collectif budgétaire annule au total plus de crédits qu'il n'en ouvre. La régulation a du reste été particulièrement forte en 2005 – vous l’avez reconnu tout à l’heure. L'exercice budgétaire pour 2005 confirme l'insincérité du Gouvernement, qui persiste depuis la loi de finances pour 2003 à inscrire des crédits budgétaires qui ont en réalité vocation à être annulés, contrairement à ce qui se pratiquait sous la législature précédente : si l’on excepte l’année 2002, le Gouvernement ne procédait pas à de telles régulations budgétaires.

Ce mode de gestion budgétaire n’est pas sain. Il a atteint le comble avec les atermoiements du Premier ministre, contraint – fait sans précédent – de déprogrammer l’examen du budget de la mission « Ville et logement » pour tenter d'effacer l'impression désastreuse de l'annulation de plus de 300 millions d'euros de crédits consacrés à la politique de la ville en 2005.

M. Gérard Bapt. Quelle improvisation !

M. Didier Migaud. Selon le Gouvernement, ce sont plus de 6 milliards d'euros de crédits initialement prévus qui auront été annulés pour gager les décrets d'avance, par décret du 3 novembre 2005 ou par le biais du présent collectif.

Contrairement à l'année précédente, le solde des ouvertures nettes dans le collectif est ainsi négatif de 100 millions d'euros, compte tenu des annulations de 1,1 milliard d'euros, dont 730 millions représentant des économies constatées sur la charge de la dette.

(M. Maurice Leroy remplace Mme Paulette Guinchard au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. Didier Migaud. En ce qui concerne les annulations nettes de crédits pour 2005 intervenues en cours de gestion, il faut souligner que l'emploi, à hauteur de 1,35 milliard d'euros, et la recherche, pour un montant de près de 400 millions d'euros, ont été prioritaires… pour la rigueur budgétaire ! D'un montant proche de 4 milliards d'euros, ces annulations sont ciblées sur les interventions économiques ou sociales et les investissements. Les effets récessifs de ces annulations seront donc importants, comme lors des années précédentes.

Hormis la défense, qui est le seul ministère dont les annulations sont recyclées par des ouvertures de crédits d'un montant analogue – cela doit vous peiner, monsieur le ministre –, les crédits annulés ont d’abord concerné l'emploi, l'économie et la recherche : annulations en pleine contradiction avec les objectifs affichés par le Gouvernement.

Celui-ci, empêtré dans une spirale de violences tragiques dans de nombreux quartiers dits « sensibles », a été confronté aux conséquences de sa politique à courte vue. Les effets négatifs des annulations massives et répétées se font en effet désormais pleinement sentir sur le terrain, notamment dans le secteur associatif, qui joue un rôle essentiel en matière de prévention et de lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement a semblé redécouvrir ce rôle, mais il n'est pas allé jusqu'à rétablir la totalité des crédits annulés en 2005.

Parmi les lignes budgétaires sacrifiées sans aucune explication ni justification, on peut ainsi relever :

– les dispositifs d'insertion des publics en difficulté, pour 135,8 millions d’euros ;

– les subventions concourant à améliorer – vous en parlez pourtant beaucoup – la compétitivité des entreprises, pour 64.4 millions ;

– les subventions pour la construction de logements sociaux, pour 54,9 millions : M. Jean-Louis Dumont, entre autres, a protesté contre cette mesure ;

– les aides en faveur de l'emploi outre-mer, pour plus de 49 millions ;

– les subventions d'intervention et d'investissement en faveur du développement social urbain, pour 45,2 millions ;

– les subventions d'investissement aux transports urbains et interurbains, pour plus de 35 millions ;

– le programme « Gestion durable de l'agriculture », pour près de 69 millions ;

– les subventions d'équipement pour la justice, pour plus de 52 millions ;

– le développement de la pratique sportive, pour près de 22 millions.

Au bout de trois années, la régulation budgétaire, présentée avant tout comme la constitution de réserves de précaution, apparaît désormais pour ce qu'elle est réellement : une remise en cause systématique, incohérente et dangereuse de l'action de l'État, de ses investissements et de l'action des acteurs associatifs ou parapublics qui contribuent à la mise en œuvre des politiques publiques.

La régulation budgétaire opérée par le Gouvernement depuis juin 2002, par ses effets récessifs, contribue à la dégradation de tous les indicateurs économiques et sociaux.

Alors qu'elle était censée permettre de la maîtriser, la régulation budgétaire n'a pas empêché la dépense publique de progresser de deux points de PIB depuis 2002. Cela s'explique par le fait que, contrairement à ce que le rapporteur général a déclaré, la norme de progression de la dépense « ne tient pas compte de l'évolution des autres catégories de dépenses », selon la Cour des comptes. Nous avons eu à ce propos un commencement de débat à l’occasion de l’examen de la loi de finances initiales pour 2006.

Au total, comme le démontre précisément la Cour des comptes, les dépenses constatées en exécution ont progressé de 4,5 % en 2004, soit l’augmentation la plus importante après celle de l'année 2002, alors qu'elles avaient, par exemple, baissé de 1,9 % en 2000 et progressé de 3 % en 2001. Vous nous permettrez de dire, monsieur le ministre du budget, que votre formule, que je baptiserai de copéenne, « à l’euro près », est loin d’être respectée, s’agissant de la maîtrise de la dépense publique.

C'est tellement vrai que le propre agrégat de la commission des finances contredit vos propos, et ceux du rapporteur général lui-même, puisqu'il fait ressortir une progression des dépenses de 4,9 % pour 2004 ! La norme de progression de la dépense dite « zéro volume » est une vaste supercherie ! La seule débudgétisation des allégements de cotisations représente l'équivalent d'une progression de 0,4 % en volume. Il suffit de relire le tableau de la page 39 du rapport de M. Carrez sur le PLF 2006, qui est très édifiant !

Vous poursuivez une politique fiscale toujours plus injuste. En témoignent un certain nombre de mesures contenues dans ce projet de collectif. Par petites touches, sans jamais assumer la réalité de cette politique, le Gouvernement a profondément modifié notre fiscalité depuis juin 2002. Sa philosophie est désormais bien connue : cibler sur les plus aisés de coûteuses baisses de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, au détriment de la situation budgétaire de l'État, d'une part, augmenter les prélèvements injustes qui pèsent sur l’ensemble des Français quitte à faire augmenter le taux des prélèvements obligatoires, d’autre part.

Nous avons condamné ces mesures injustes avec constance, et les médias y ont porté une attention grandissante, si bien qu’ils ont désormais tous déchiré le rideau de fumée déployé par le Gouvernement et qu’ils perçoivent mieux maintenant, nous semble-t-il, la véritable dimension de votre politique fiscale.

C'est particulièrement le cas en ce qui concerne la fiscalité de l'épargne, qu'un malentendu au Sénat a permis de faire émerger. D’abord, mettons les choses au point : les socialistes s'opposeront à la fiscalisation des plans d’épargne logement,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ils l’ont votée au Sénat !

M. Didier Migaud. …adoptée au Sénat à l'initiative de M. Marini, toujours prêt à porter l'estocade contre l'épargne des Français modestes lorsque cela peut servir les établissements bancaires et le budget de l’État.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il était soutenu par l’excellente Nicole Bricq !

M. Jean-Louis Dumont. Un moment d’aberration, sans doute !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non, un moment de conviction !

M. Didier Migaud. D’égarement !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis prêt à lui faire rempart de mon corps pour la défendre ! (Rires.)

M. Didier Migaud. Je ne sais si vous aurez à aller jusque-là, mais peut-être nos collègues socialistes du Sénat ont-ils raisonné en théorie en oubliant de replacer cette mesure dans l’ensemble de la politique fiscale du Gouvernement. En effet, prise isolément, chacune de vos mesures peut être jugée pertinente.

M. Augustin Bonrepaux. C’est l’accumulation qui est mauvaise !

M. Gérard Bapt. On peut même parler d’overdose !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes un peu faible, ce soir, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Il faut, je le répète, les resituer dans la politique fiscale globale. Et si nous nous opposons à cette mesure précise, c’est parce que nous sommes hostiles à la réforme d'envergure de la fiscalité de l'épargne qui consiste, comme l’a bien relevé l'excellent article de Laurent Mauduit dans un journal du soir, à systématiquement remettre en cause les avantages ou exonérations accordés aux produits d'épargne populaire et réglementée, pour créer ou renforcer, en contrepartie, les régimes fiscaux préférentiels qui ne bénéficient qu'aux plus aisés.

Cet article a le mérite de dresser la liste des mauvais coups portés par le Gouvernement avec souvent la complicité active de sa majorité, sans laquelle il ne pourrait agir. Qu'on en juge : de la baisse de rémunération du livret A, survenue début août, jusqu'à la fiscalisation progressive du PEL, en passant par la suppression du plan d'épargne populaire et son remplacement par un produit beaucoup moins avantageux pour les foyers modestes, le plan d'épargne-retraite populaire, une cascade de dispositions est intervenue depuis 2002.

De l'autre côté, en plus des exonérations liées à l'ISF, de la baisse de l'impôt sur le revenu et du nouveau bouclier fiscal, la liste des mesures favorables aux plus gros patrimoines est impressionnante : relèvement du plafond de l'exonération du PEA à 264 000 euros, doublement du seuil de cession pour l'exonération des plus-values sur valeurs mobilières en dehors du PEA à 15 000 euros, exonération des droits de succession sur les entreprises individuelles d'une valeur de 500 000 euros, renforcement des exonérations des plus-values immobilières et, enfin, exonération totale des plus-values réalisées sur les actions détenues plus de huit ans, qui est proposée par le présent collectif budgétaire. Je pourrais en ajouter encore.

Tout cela se fait, au surplus, sans aucune étude d'impact ni évaluation a priori ou a posteriori, les mesures temporaires proposées par Nicolas Sarkozy en août 2004 étant renforcées et pérennisées sans aucune évaluation.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous en avez déjà dit beaucoup !

M. Didier Migaud. Et nous continuerons à l’occasion de l’examen des amendements ! Nous pourrions dire beaucoup de choses encore, notamment sur les collectivités locales.

M. Jean-Louis Dumont. Oh oui ! Augustin Bonrepaux s’en chargera !

M. Didier Migaud. En effet, je laisse le soin de le faire à Augustin Bonrepaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) dans le cadre de la discussion générale. Car, malheureusement, il y a beaucoup à dire à ce sujet et d’abord, une fois de plus, que la formule copéenne « à l’euro près » ne se vérifie pratiquement jamais pour ce qui concerne les collectivités locales, à commencer par les départements. D’ailleurs, vous avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, qu’il y avait, au moins pour ces collectivités, un problème. Nous souhaitons en tout cas que le débat ait lieu et qu’il permette de faire émerger la vérité.

Pour finir tout de même sur une note optimiste,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ah !

M. Didier Migaud. …je souhaiterais saluer la conversion d’une partie au moins des députés UMP à un aspect du discours des socialistes sur la fiscalité. En adoptant la taxe sur les billets d'avion,…

M. Augustin Bonrepaux. Ce fut difficile !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous l’avez rêvé, nous le faisons !

M. Didier Migaud. …les députés UMP s'apprêtent en effet, et il faut saluer leur courage, à saborder le discours ultralibéral qu’ils tiennent depuis juin 2002, selon lequel la fiscalité ne doit être examinée qu'à l'aune de la compétitivité ou plutôt de la compétition fiscale et des atteintes qu'elle est susceptible de lui porter.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est mieux que la taxe Tobin à taux zéro !

M. Didier Migaud. En acceptant de voter la création d'une taxe qui, c'est incontestable, n'a pas vocation à stimuler la compétitivité des aéroports français, les députés UMP tournent le dos à une conception idéologique dangereuse pour notre modèle. En le faisant, au surplus, alors qu'aucun autre pays de la zone euro ne le fait – même si la Grande-Bretagne a laissé entendre qu’elle pourrait décider quelque chose –, ils reconnaissent, d’une certaine façon, que la France peut s'honorer de se singulariser parfois en matière fiscale et de refuser le dumping fiscal.

En votant cette taxe, qui va contribuer à accentuer l'augmentation des prélèvements obligatoires, continue depuis juin 2002, nos collègues admettent qu'ils ont tort de fétichiser le taux de prélèvements obligatoires, en s'offusquant qu'il soit plus élevé qu'aux États-Unis. D'ailleurs, l'intérêt soudain de nos collègues de la commission des finances pour le modèle suédois tient sans doute au fait que la Suède a un taux de prélèvements obligatoires supérieur de six points au nôtre. En tout cas, le débat mérite d’être tenu.

Devant une telle conversion, qui ferait douter les plus agnostiques d'entre nous, il est permis d'être optimiste et d'espérer qu'enfin la majorité parlementaire acceptera d'activer la taxe sur les transactions financières, qui permettrait de répondre à des besoins de solidarité internationale et à des préoccupations environnementales. La France ne saurait évidemment faire cavalier seul à cet égard, mais elle pourrait montrer la voie en étant la première à adopter ce type de disposition. Car cette taxe, dite Tobin, repose sur les mêmes principes que celle que nous allons adopter, et rien ne saurait désormais justifier que l'UMP la repousse ! C’est en tout cas l’espoir que nous entretiendrons jusqu’à la discussion de l’amendement que nous proposerons à cet effet.

Monsieur le ministre, je ne sais si cela vous rassurera, mais sachez que nous nous prononcerons contre votre projet de collectif, tant celui-ci illustre la politique que vous conduisez depuis juin 2002.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai !

M. Didier Migaud. Il montre une continuité à la fois dans l’inefficacité économique et sociale et dans l’injustice fiscale. Autant de raisons qui justifient notre opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est absolument indispensable de repousser cette motion, sinon nous passerions à côté d’un collectif budgétaire de très haute tenue, à la fois parce qu’il est vertueux quant à la dépense et ambitieux en ce qu’il met la fiscalité au service de la compétitivité de notre pays.

Je vous ai bien écouté, monsieur Migaud, et j’ai trouvé que vous n’étiez pas très sport ! D’abord, parce que vous ne reconnaissez pas assez que ce projet est vertueux – à moins que l’on ne considère pas que la vertu doive s’appliquer à la gestion des finances publiques. Voilà pourtant un collectif strictement gagé sur ses dépenses et qui n’emporte pas d’accroissement du déficit, loin s’en faut ! Aucune ouverture de crédits ne sera basculée sur 2006. Les reports sont considérablement réduits : 75 % de moins que vous n’en aviez laissé en 2002 !

Nous remplissons donc parfaitement nos obligations à la fois vis-à-vis du Parlement, puisque son autorisation est strictement respectée, « à l’euro près », dirait Didier Migaud,…

M. Didier Migaud. Pas moi ! Je rends à César ce qui est à César !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et vis-à-vis de l’Europe, puisque le déficit public revient sous la barre des 3 %. Vous qui doutez si souvent, monsieur de Courson, vous allez pouvoir nous rejoindre !

M. Charles de Courson. Oh non ! Pas de danger !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous n’êtes pas sport non plus, monsieur Migaud, parce que la situation dégradée de nos finances publiques, que vous avez longuement fustigée, a une origine bien connue de vous comme de nous : elle est largement liée à la gestion assez calamiteuse du cycle économique 1998-2001 !

M. Augustin Bonrepaux. Changez de disque ! Voilà plus de trois ans que vous êtes au pouvoir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les recettes fiscales phénoménales de cette période n’ont jamais été consacrées à des réformes structurelles. Rappelez-vous les plus-values exceptionnelles de la cagnotte !

M. Gérard Bapt. Elle n’existait pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous l’avez dilapidée ! Nous en avons reconstitué la traçabilité : 70 milliards de plus-values de recettes fiscales !

M. Augustin Bonrepaux. Ils ont servi à réduire la dette ! Depuis, elle a de nouveau augmenté !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Seulement 10 % de ladite cagnotte ont été consacrés au désendettement et à la réduction du déficit. Et vous venez nous dire maintenant, avec des trémolos dans la voix, que nous accroissons la dette !

M. Didier Migaud. Les chiffres que nous avions obtenus à l’époque étaient moins mauvais que les vôtres !

M. Augustin Bonrepaux. Nous avions réduit la dette, depuis elle augmente !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce gouvernement redresse les comptes publics, et vous le savez, en respectant depuis 2002 la norme de dépense et en consacrant totalement les plus-values fiscales à la réduction du déficit, comme nous l’avons fait en 2004.

Vous ne vous montrez pas très sport, enfin, en combattant la réforme fiscale sur les plus-values que nous mettons en œuvre, et dont vous savez qu’elle correspond à des attentes fortes, pour encourager l’épargne longue, faciliter la transmission d’entreprise, s’agissant notamment des PME, et accroître la compétitivité de notre pays.

M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous vous enthousiasmez cependant pour l’une de nos mesures phares : la taxe sur les billets d’avion.

M. Didier Migaud. Nous sommes d’ailleurs plus enthousiastes que nos collègues de l’UMP !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je faisais un rêve en vous écoutant, monsieur Migaud, ce qui ne veut pas dire que je dormais (Sourires), et je me disais : puisque vous appréciez tant cette mesure, peut-être pourrait-elle l’emporter sur le reste !

M. Didier Migaud. Le reste est tellement mauvais !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rêvais que, pris de remords, vous votiez finalement ce collectif budgétaire, un peu comme votre homologue socialiste du Sénat, Nicole Bricq, a voté la mesure relative aux PEL au-delà de douze ans, ce qui relève du simple bon sens, puisqu’il s’agit d’éviter, dans la mesure du possible, certaines spéculations.

Monsieur Migaud, je regrette que vous vous soyez montré aussi dur envers un collectif de si bonne facture. Et je tiens enfin à vous dire que je vous ai trouvé peu élégant dans vos propos sur M. Breton, qui ne vous ressemblaient pas.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous ne sommes pas à l’école !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour le reste, même si je ne partage pas vos idées, j’ai retrouvé votre talent et votre compétence habituels.

M. Gérard Bapt. Vous distribuez des bons et des mauvais points ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais j’invite l’Assemblée à repousser la question préalable.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Cette question préalable ne nous convainc guère, car nous avons le sentiment, comme l’a souligné M. le ministre, que Didier Migaud n’a pas forcé son talent.

Il est un peu curieux de l’entendre critiquer la gestion financière et évoquer l’anticipation des retraites.

M. Didier Migaud. Vous m’avez mal compris !

M. Jean-Louis Dumont. Ne déformez pas ses propos !

M. Hervé Mariton. Car il nous semble que, lorsque vous aviez la majorité, vous n’avez pas eu l’audace d’engager la moindre réforme en ce domaine pour préparer l’avenir.

Vous avez également parlé de la dépense publique et du coût des allégements de charges, en oubliant à quel point la première s’est accrue sous la précédente législature, en particulier du fait de la compensation du coût des 35 heures !

M. Didier Migaud. Que vous avez remises en cause !

M. Hervé Mariton. En vérité, je vous trouve très imprudent, monsieur Migaud, de dénoncer ce dont vous êtes les principaux responsables.

Vous nous donnez de curieuses leçons, en suivant un raisonnement ambigu : vous dites, ce qui n’est pas dénué de sagesse, qu’il vaut mieux retenir des pourcentages que des valeurs absolues. C’est une excellente observation lorsqu’on parle de réforme fiscale et de réforme de l’impôt sur le revenu, mais à ce moment-là, vous oubliez systématiquement d’appliquer votre raisonnement ! Pour la dette, par exemple, c’est évidemment le pourcentage du produit intérieur brut qu’il faut prendre en compte : à cette aune, elle est stabilisée cette année, ce qui n’est pas miraculeux ni fantastique, ni sans doute suffisant, mais c’est un élément de stabilité et de solidité, bref un progrès dans la gestion budgétaire que le Gouvernement nous propose aujourd’hui.

M. Didier Migaud. Ce n’est malheureusement qu’une prévision !

M. Hervé Mariton. Vous êtes très imprudent, monsieur Migaud, et très oublieux de vos responsabilités passées. J’ai trouvé vos comparaisons incertaines : faut-il retenir les pourcentages ou les valeurs absolues ? À l’évidence, vous choisissez chaque fois ce qui vous arrange. Mais, à ce jeu, vous n’avez rien démontré s’agissant du budget de 2006 et du collectif budgétaire.

Le groupe UMP ne votera évidemment pas la question préalable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. J’ai été surpris, monsieur le ministre, de vous entendre dire que mes propos relevaient de la caricature. Certes, chacun est libre de le penser, mais en l’occurrence, c’est la politique de ce gouvernement qui est caricaturale, et les citations que j’ai faites de Patrick Artus le montrent !

D’un côté, vous exonérez les plus-values de cession d’actions, de l’autre, vous n’augmentez même pas la prime de Noël au prorata du taux de l’inflation, et ce pour la deuxième année consécutive ! Les déficits sont trop élevés, nous dit-on chaque jour, mais vous diminuez les recettes en faisant des cadeaux aux plus riches !

Quand je parle de régression sociale, ce n’est pas mon opinion de communiste, mais bien un constat que chacun peut faire – sauf vous, hélas ! Le nombre de Rmistes augmente, le surendettement des ménages s’accroît, ceux que les associations caritatives appellent les « travailleurs pauvres » sont de plus en plus nombreux, la précarité gagne du terrain et le nombre de bénéficiaires de la CMU a augmenté de 14 %. En vingt ans, la fréquentation des Restos du cœur a été multipliée par dix et, selon le CREDOC, le pouvoir d’achat des salariés a diminué de 3 % en trois ans. Aujourd’hui, le partage entre profits et salaires est plus inéquitable que jamais !

Prenant exemple sur vous, je donnerai une meilleure note au président Méhaignerie, qui a souligné à juste titre que nous vivions dans un monde ouvert et qu’il fallait faire preuve de vigilance. La gauche, qui a toujours été internationaliste, ne conteste évidemment pas cette ouverture du monde et au monde. Le geste du Président de la République en faveur d’une taxation des billets d’avion s’inscrit d’ailleurs dans cette démarche. Il y a six milliards d’êtres humains. Leurs problèmes sont les nôtres, et vous avez bien trop tardé à les prendre en considération. Ce que nous contestons, c’est la forme que prend cette ouverture, à savoir celle d’une guerre économique, celle de l’avancée vers une société barbare, avec une concurrence effrénée, mais faussée. Je m’étonne que les tenants de la concurrence à tout prix laissent faire, imputant cette situation à l’ouverture au monde ! C’est en réalité une guerre économique et elle fait des dégâts.

Nous plaidons, nous, pour une ouverture faite de coopération. Il ne peut y avoir de vie commune sans règles. Or le marché est incapable de s’autoréguler, a dit un prix Nobel d’économie. Si l’on n’impose pas de règles, c’est la loi de la jungle qui s’installera : c’est ce que vous laissez faire aujourd’hui au nom de l’ouverture au monde !

Telle est la question fondamentale à laquelle nous devons répondre aujourd’hui. Et parce que vous n’abordez pas ces problèmes dans le projet de loi de finances rectificative, nous voterons la question préalable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Le groupe UDF ne votera pas cette motion.

Notre pays va à sa perte financière. Tout le monde le dit, même M. Breton, bien qu’il n’en tire pas les conclusions qu’il faudrait s’agissant du budget de l’État. Mais entendre la gauche défendre des thèses selon lesquelles les dépenses sont insuffisantes ainsi que les créations d’emplois me fait frémir ! Savez-vous, messieurs, dans quel état sont les finances publiques ?

Certes, vos critiques ne sont pas toujours infondées. Nous en avons longuement parlé en commission ce matin, les mesures relatives à l’épargne ne sont ni équilibrées ni cohérentes. Le rapporteur général déposera d’ailleurs des amendements à ce sujet, ainsi que le groupe UDF.

Le plus grand reproche que l’on puisse faire au Gouvernement, c’est que la politique budgétaire actuelle n’est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Mais ce n’est pas en réclamant toujours plus que l’on arrangerait les choses, bien au contraire. Par le plus grand des hasards, la gauche a bénéficié, quand elle est arrivée au pouvoir, d’une forte croissance.

M. Didier Migaud. C’est faux !

M. Charles de Courson. Cela faisait huit mois qu’en France et en Europe, la croissance était repartie. Vous l’avez dilapidée ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Les chiffres sont là ! Mais, pour votre malheur, vous êtes arrivés en fin de cycle et vous avez laissé un gouffre financier en 2002. Voilà la vérité ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Le gouffre est beaucoup plus profond aujourd’hui !

M. Charles de Courson. Nous ne voterons pas ce budget, car nous ne pouvons continuer ainsi. Mais votre attitude contribue à entraîner notre pays dans le gouffre.

M. Didier Migaud. C’est faux !

M. Charles de Courson. Quand y aura-t-il des gens assez raisonnables à gauche pour cesser de prétendre que l’on peut redresser les finances publiques sans faire des efforts durables sur les dépenses ? Car on ne les redressera qu’avec un taux de croissance de zéro en valeur, et ce sur deux ou trois ans consécutifs. C’est la seule solution.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Si les Français vous confiaient de nouveau la responsabilité des affaires, vous ne tiendriez pas deux ans car, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, vous avez reproduit le même schéma : je pense à ce qui s’est passé en 1983, après deux années de dérive budgétaire.

Vous devriez vous convertir au réalisme, comme l’ont fait tous les sociaux-démocrates en Europe. Au contraire, vous vous laissez aller à une dérive gauchiste et vous dites vouloir revenir sur toutes les réformes votées, y compris celle des retraites, alors que vous ignorez comment financer ces nouvelles dépenses.

Tel est le drame de notre pays : une opposition en pleine dérive gauchiste et une majorité qui ne mène pas une politique budgétaire à la hauteur de la gravité de la situation.

M. Jean-Louis Dumont. C’est surtout cela !

M. Charles de Courson. Voilà la dure réalité.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Je rappelle à M. de Courson que c’est le Gouvernement et sa majorité qui sont aux responsabilités et que les socialistes ne sont pour rien dans les dérives budgétaires et financières que l’on constate depuis 2002.

Mme Geneviève Levy. Elles existaient avant !

M. Augustin Bonrepaux. Je vais vous rafraîchir la mémoire. En 1995, il me semble bien avoir entendu un Premier ministre dire, en visant le gouvernement précédent de la même majorité, que les finances de la France étaient calamiteuses. Et s’il y a eu dissolution en 1997, c’est parce que le gouvernement d’alors, de droite, était incapable de qualifier la France pour le passage à l’euro.

De 1997 à 2002, au contraire, notre pays a respecté les critères européens. Et je vous rappelle que le budget de la sécurité sociale était équilibré, et même excédentaire entre 2000 et 2002. Alors qui a creusé le trou ?

M. Michel Bouvard. Qui a augmenté les dépenses ? Recruté plus de fonctionnaires ? Creusé la dette ?

M. Augustin Bonrepaux. Qui a fait preuve de démagogie en augmentant les médecins sans aucune garantie ?

M. Marc Laffineur. Qui a instauré les 35 heures à l’hôpital ?

M. Augustin Bonrepaux. Qui a creusé le gouffre de la sécurité sociale (« Vous ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) à partir de 2002 ?

M. Michel Bouvard. Qui a fait exploser les charges avec le FOREC ?

M. le président. Mes chers collègues, quand M. Bonrepaux – dont vous connaissez le talent oratoire – pose une question, vous n’êtes pas obligé d’y répondre, au risque de vous punir vous-mêmes !

M. Augustin Bonrepaux. En juillet 2002, vous avez fait procéder à un audit. Reportez-vous à ses conclusions : la marge supérieure, à 2,6 %, était encore bien en deçà des critères. Depuis 2002, à cause de votre gestion, nous sommes au-dessus de 3 %. Assumez votre responsabilité ! Vous êtes là depuis trois ans et demi !

Aujourd’hui, vous prétendez être revenus à 3 %. C’est faux ! Vous n’y parvenez qu’avec la soulte d’EDF : en réalité, vous en êtes à 3,4 %.

Quant à la dette, vous avez mal écouté Didier Migaud. Il est vrai que ce qu’il rappelait n’était guère plaisant à entendre : la dette a augmenté de 17 % sous les gouvernements Balladur et Juppé, puis diminué sous le gouvernement Jospin, avant d’exploser à nouveau à partir de 2002 : + 9 % ! Là encore, assumez donc vos responsabilités !

Comment, par ailleurs, peut-on croire un seul mot d’Hervé Mariton, le même qui niait l’an dernier, dans son rapport, tout lien de cause à effet entre la décentralisation et les augmentations d’impôts locaux ?

M. Hervé Mariton. Vous n’en êtes pas encore revenu !

M. Augustin Bonrepaux. Pourtant, les ajustements de compensation prévus par ce projet de loi de finances rectificative justifient les décisions prises par les départements et les régions. Si les régions avaient bénéficié plus tôt de ces 43 millions, elles n’auraient peut-être pas eu besoin d’augmenter autant leurs impôts ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. C’est fabuleux !

M. Augustin Bonrepaux. Pour les départements, l’ajustement représente 487 millions d’euros ! Plusieurs présidents de conseils généraux sont présents dans cet assemblée. Certains, du fait de leurs fonctions, sont contraints pour l’instant de se taire, mais demandez aux autres, qui font partie de vos amis, pourquoi ils ont dû augmenter leurs impôts de 10 à 15 % (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Hervé Mariton. Pas tous !

M. Augustin Bonrepaux. …par exemple dans la Marne, dans le Calvados ou ailleurs !

M. Michel Bouvard. À cause de l’APA, compensée tout juste à 27 % chez moi !

M. Augustin Bonrepaux. Et comment ces départements feront-ils l’année prochaine, lorsque le déficit du RMI atteindra 1 milliard d’euros ?

M. Hervé Mariton. Mais ont-ils cette compétence, oui ou non ?

M. Augustin Bonrepaux. Ils sont compétents pour payer le RMI, …

M. Hervé Mariton. Pour le gérer !

M. Augustin Bonrepaux. …et notamment pour payer l’augmentation de 1,8 % fixée par le Gouvernement, et celle du nombre de bénéficiaires, dont vous êtes responsables. La seule compétence dont ils disposent, c’est de payer ! Vous, vous décidez ! Si c’est cela, la décentralisation…

M. Hervé Mariton. Votre conception, c’est l’inverse : vous décidez, l’État paye !

M. Augustin Bonrepaux. L’objectif de la décentralisation était de rendre le pouvoir aux citoyens et de supprimer toute tutelle. Vous, vous rétablissez la tutelle financière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005, n2700 :

Rapport, n2720, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)