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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 1er février 2006

131e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Fiscalité européenne

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, le fonctionnement de l’Union européenne mérite en permanence d’être éclairci et expliqué à nos compatriotes. C’est d’ailleurs une responsabilité qui incombe aussi aux parlementaires nationaux que nous sommes. À cet égard, je déplore qu’au cours de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel, de trop nombreux députés de gauche aient caricaturé l’Europe et bien souvent menti à son sujet. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

M. Jacques Desallangre. Arrêtez !

M. Yves Censi. Ce n’est pas un service qu’ils ont rendu à notre République et à notre démocratie.

Je souhaite évoquer aujourd’hui les règles qui prévalent en matière de fiscalité européenne. Les négociations actuelles sur les taux réduits de TVA mettent en évidence la nécessité de faire évoluer les institutions et d’adapter les règles du jeu dans une Europe à vingt-cinq.

Au-delà de cette question, chacun voit que nous vivons dans un monde qui impose de revoir les domaines dans lesquelles nos politiques doivent être harmonisées. Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que, pour le plus grand bénéfice des Français comme des Européens, il est temps de déclarer prioritaire le chantier de la fiscalité européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jack Queyranne. On n’en attendait pas moins !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous le voyons à travers les débats d’aujourd’hui : nous avons un certain nombre de rendez-vous majeurs pour l’avenir. Nous devons tous réfléchir aux règles qui régissent les décisions dans une Europe à vingt-cinq. Une question se pose, en effet, que vous avez parfaitement résumée : dans cette Europe, les choses sont-elles aussi faciles à vivre qu’à quinze ? La réponse est non. Il faudra donc évidemment continuer de réfléchir à ce sujet pour avancer vers une solution qui nous rapproche de la majorité qualifiée.

L’harmonisation fiscale est un sujet majeur. Nous savons tous qu’elle est vitale. On ne peut pas travailler dans une Europe à vingt-cinq avec des risques de distorsion de concurrence. L’impôt sur les sociétés, par exemple, est de 33 % en France, alors qu’il est de 0 % dans certains pays. On mesure les risques d’une telle situation en termes de délocalisations.

De même, les difficultés que nous rencontrons en ce moment avec la TVA montrent que ce sujet mérite une réflexion approfondie. De nombreuses activités – elles représentent environ 95 % du champ de couverture de la TVA – sont soumises à la concurrence et délocalisables, mais d’autres ne le sont pas et ne donnent donc pas lieu à distorsion de concurrence. C’est le cas pour la restauration et la rénovation des logements. Nous bataillons avec beaucoup de détermination, vous l’avez compris, pour que leur spécificité soit reconnue.

M. Jean-Jack Queyranne. Pour la restauration, la partie est perdue !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Derrière ce débat se pose une question de fond sur laquelle il faut avancer ensemble : peut-on dissocier les deux domaines qui relèvent, l’un, de la distorsion de concurrence, et l’autre pas ? C’est tout l’enjeu du combat que nous allons mener.

Au reste, si je me suis opposé, il y a quelque temps, au vote d’un amendement de certains de vos collègues, c’est tout simplement parce qu’il portait sur un domaine où le droit européen ne permet pas aujourd’hui de subsidiarité.

M. Pierre Lellouche. C’est faux, monsieur le ministre. Reportez-vous à l’article 93 du traité de Maastricht !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’amendement présentait donc un risque. Je ne voulais pas que son adoption pèse directement sur les finances des restaurateurs, car ils auraient été éventuellement obligés de rembourser a posteriori des points de TVA, ce qui aurait été la pire des choses. Nous devons travailler dans le respect des règles de droit et je vous garantis que nous y arriverons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

OPA de mittal steel sur Arcelor

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Laurent Fabius. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, qui scandent : « Le plan B ! Le plan B ! »)

M. le président. Taisez-vous !

M. Jean Auclair. Fabius a oublié son chapeau ?…

M. le président. Monsieur Auclair !

M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, je crois que vous avez reçu longuement ce matin M. Juncker, le premier ministre luxembourgeois, pour évoquer différents sujets (« Le plan B ? », sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), notamment l’OPA hostile de Mittal Steel sur le grand groupe européen Arcelor. Si vous le voulez bien, je voudrais revenir quelques instants sur cette question importante en elle-même, et plus importante encore parce que beaucoup d’entre nous sont convaincus que, si cette OPA hostile réussit, il n’y aura quasiment plus aucun groupe européen qui sera assuré de son développement.

Nous sommes hostiles (« Au plan B ? ») à cette OPA pour des raisons qui tiennent à l’emploi. Les activités de Mittal Steel, différentes de celles d’Arcelor, qui s’est spécialisé dans des productions de haute qualité, ne nous inspirent aucune confiance, malgré les engagements de son président, sur les résultats d’une telle OPA en matière d’emploi.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous n’avez aucune leçon nous à donner ! Vous n’avez rien fait !

M. Jean Leonetti. C’est scandaleux ! Vous auriez dû poser cette question à Strauss-Kahn !

M. Laurent Fabius. En ce qui concerne les actionnaires, on n’a pas assez remarqué que, dans le cadre de ce raid hostile, ils seraient – le mot n’est pas indifférent – payés en « papier », et que leur droit de vote serait un droit de seconde catégorie, laissant en réalité tout pouvoir à la famille qui dirige Mittal Steel.

M. Jean Leonetti. Il découvre !

M. Laurent Fabius. Enfin, pour ce qui est de la question capitale de l’intérêt de la France et de l’Europe, constituer Arcelor a nécessité des sacrifices considérables en termes d’emploi et en termes financiers, que la réussite de ce raid hostile remettrait en cause.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes défavorables à cette OPA, et je vous poserai du même coup trois courtes questions.

Premièrement, puisque votre majorité s’est exprimée sur ce point de diverses manières, pouvez-vous confirmer de manière nette que, comme la Belgique, le Luxembourg ou l’Espagne, vous êtes hostile à ce raid ?

Deuxièmement, il est important que des initiatives soient prises en direction des investisseurs institutionnels. Mais cela nécessite – je ne sais pas si vous y avez été attentif, monsieur le Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – que vous reveniez sur le texte concernant les OPA que vous avez fait voter à votre majorité contre l’avis de la gauche et qui rend toute intervention impossible dans un cas comme celui de Mittal Steel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, je souhaite que vous rappeliez à la Commission européenne, qui affirme ne pas vouloir de champions nationaux ou européens, que nous préférons des champions nationaux et européens à une espèce de Monopoly dont les salariés et les entreprises européennes seraient les pions.

Telles sont mes questions, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Le Premier ministre devrait répondre en personne ! C’est une honte !

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Oui, monsieur le Premier ministre Laurent Fabius, nous avons une politique industrielle. Non, nous ne sommes pas favorables à l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor. Et je vais vous dire pourquoi.

Sur la forme, Mittal a enfreint toutes les règles de conduite qui constituent la grammaire de la finance internationale dans ce domaine. On n’aborde pas un groupe comme Arcelor, fleuron de l’économie européenne et de la sidérurgie française, sans l’annoncer, sans même en parler et sans avoir de vision et de projet industriels communs.

Sur le fond, Arcelor est un groupe qui a subi des restructurations, mais qui sait maintenant produire de l’acier à très haute valeur ajoutée, qu’il exporte jusqu’en Chine.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question !

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous avons actuellement une industrie très performante, dont nous pouvons à juste titre être fiers.

M. Augustin Bonrepaux. Concrètement, qu’allez-vous faire ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Par conséquent, à votre question, nous répondons simplement que nous sommes opposés au succès de l’OPA de Mittal contre Arcelor. Nous ne dirons pas comme M. Jospin que, lorsqu’il s’agit de politique industrielle, « l’État ne peut rien ». (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) On ne peut plus le dire après Vilvorde. Nous, nous prenons nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Calmez-vous ! Crier ne sert à rien et c’est mauvais pour le cœur !

conditions du maintien de l’aide européenne à l’autorité palestinienne

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Rochebloine. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, la victoire du Hamas aux élections législatives en Palestine a constitué non seulement une surprise, mais également un véritable tremblement de terre. La situation au Proche-Orient est de plus en plus préoccupante pour la communauté internationale, compte tenu des dernières avancées de l’Iran dans le domaine nucléaire.

L’Union européenne a un rôle éminent à jouer dans cette partie du monde. En effet, l’autorité palestinienne dépend de l’aide de la communauté internationale, notamment de l’Union européenne. Les Européens ont donc une responsabilité particulière. Il ne s’agit pas de couper l’aide aux Palestiniens, mais nous devons poser trois conditions à son maintien : refus officiel de la violence, reconnaissance du droit à l’existence de l’État d’Israël et reconnaissance des accords d’Oslo.

Encore faut-il que les États membres n’agissent pas, comme ils l’ont fait dans le passé, en ordre dispersé. Si elle parle d’une seule voix, l’Union européenne pèsera efficacement sur les deux camps en présence. Avec une position plus impartiale et plus juste que celle des États-Unis, elle sera mieux à même de se faire entendre et d’amener Palestiniens et Israéliens à se réconcilier.

Madame la ministre, quelles initiatives la France compte-t-elle prendre pour que l’Europe, unie, parvienne à obtenir le rétablissement de la paix et la fin du terrorisme au Proche-Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Comme vous l’avez souligné, monsieur le député, la large victoire du Hamas aux élections qui se sont déroulées la semaine dernière dans les territoires palestiniens pose de nombreuses questions.

Le Premier ministre Dominique de Villepin a d’emblée exprimé son inquiétude à ce sujet. Le Hamas est en effet inscrit sur la liste des organisations terroristes établie par l’Union européenne. Or il est évident que le terrorisme est incompatible avec la démocratie.

La position des plus hautes autorités de l’État, exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre, est sans ambiguïté. Le prochain gouvernement palestinien doit faire le choix de la paix, qui passe par la reconnaissance de l’État d’Israël, la renonciation à la violence et le plein respect des accords de paix. C’est seulement ainsi que pourront se poursuivre le dialogue et la coopération avec l’Union européenne.

Ces trois conditions, qui ont été rappelées lundi au Conseil « affaires générales » par Philippe Douste-Blazy, sont essentielles. Elles constituent le fondement de la position commune des Européens. Elles sont d’ailleurs inscrites dans les conclusions de ce Conseil et figurent également dans la déclaration du Quartet, qui réunit le secrétaire général des Nations unies et les représentants de l’Union européenne, des États-Unis et de la Russie.

Nous appelons solennellement le gouvernement qui sera issu des élections législatives palestiniennes à respecter ces trois conditions et à s’y conformer officiellement et de manière effective. Ce n’est que de cette manière que la paix, que chacun attend, pourra s’établir.

Mais l’autorité palestinienne a aujourd’hui à sa tête un président élu, M. Abbas, qui demeure l’interlocuteur de la communauté internationale et que nous devons conforter. Les ministres de l’Union européenne et les membres du Quartet ont donc décidé, en attendant la formation du prochain gouvernement, de maintenir leur assistance financière à l’autorité palestinienne. Mais nous serons intransigeants sur les principes. La poursuite de l’aide sera fonction de l’attitude et des engagements effectifs du futur gouvernement palestinien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

directive bolkestein

M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Pierre Goldberg. Monsieur le Premier ministre, contrairement à ce qui avait été annoncé par le chef de l’État lors de la campagne référendaire sur le projet de constitution européenne, non seulement la directive Bolkestein de libéralisation des services n’est pas purement et simplement abandonnée, mais on veut nous l’imposer, au mépris du vote des Français intervenu le 29 mai, puisqu’elle fera l’objet d’un vote du Parlement européen le 14 février prochain.

Or quel est le contenu de ce projet de directive ? Il convient de rappeler aux Français qu’au cœur du texte se trouve le principe du pays d’origine, qui ouvre la voie au dumping social et réglementaire : on veut casser les règles sociales, la protection des consommateurs et la préservation de l’environnement. Cela signifie, demain, de nouvelles délocalisations, de nouveaux plans sociaux, de nouveaux licenciements et de lourdes menaces sur les droits des salariés et les conventions collectives.

Le projet de directive Bolkestein participe d’une logique purement libérale, qui est aussi celle de votre gouvernement, qui mène à la casse de notre droit du travail et au démantèlement des acquis sociaux. Le projet de contrat première embauche, dont le Gouvernement propose aujourd’hui l’adoption dans la précipitation et en l’absence de toute concertation, est une nouvelle et terrible illustration de la mainmise exercée par le patronat et les lobbies de la finance sur les politiques économiques et sociales, tant en France qu’en Europe.

Monsieur le Premier ministre, les Françaises et les Français ont dit non au projet de traité constitutionnel et redoutent avec raison les conséquences de l’application de cette directive sur l’emploi, les salaires et leurs droits. C’est pourquoi nous considérons que voter ce texte serait un déni de démocratie et une manifestation de mépris pour la souveraineté populaire. Nous voudrions donc savoir quelle sera la position précise du Gouvernement si ce texte devait être adopté demain et soumis au Conseil des ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, je vous remercie de votre constance sur ce sujet, …

M. Jacques Desallangre. Elle est justifiée !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …qui n’a d’égale que celle du Gouvernement à obtenir, avec l’aide de ses partenaires et du Parlement européen, une révision profonde de la proposition de directive.

M. Maxime Gremetz. Nous voulons son retrait !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La France est un pays performant en matière de services ; elle en est même le deuxième exportateur en Europe, ce qui contribue grandement à la richesse nationale. Mais le premier projet, déséquilibré, comportait un certain nombre d’éléments inacceptables. C’est donc logiquement que le Conseil européen a demandé, à l’unanimité, sa remise à plat au printemps dernier.

Celle-ci est en cours au Parlement européen. Deux votes ont déjà eu lieu en commission et le vote en séance plénière interviendra le 16 février. Nous souhaitons que ces travaux se poursuivent. Le prochain vote sera important à cet égard. Le Gouvernement, qui le suivra de près, souhaite qu’il rejoigne les préoccupations de la France et permette d’assurer le respect des exigences sociales de l’Union.

M. Maxime Gremetz. Nous demandons le retrait de cette directive, comme celui du CPE !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Après ce vote, il reviendra à la Commission européenne de récrire sa proposition en tenant compte de l’ensemble des préoccupations qui se sont exprimées, tant au Parlement européen qu’au Conseil, où beaucoup partagent notre point de vue.

M. Maxime Gremetz. C’est une réponse de Normand !

Mme Sylvia Bassot et M. Jean-Claude Lenoir. Qu’avez-vous contre les Normands ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La responsabilité de la Commission est importante. Je souhaite qu’elle prenne le temps d’intégrer les observations de chacun et présente au Conseil un nouveau texte – vous savez d’ailleurs, monsieur le député, que la Commission a été renouvelée en 2004 et qu’un nouveau commissaire, M. McCreevy, est désormais chargé du dossier. Ensuite, ce sera au Conseil, c’est-à-dire aux États membres, de décider.

Le Gouvernement demeure vigilant. Cette question sera inscrite à l’ordre du jour du prochain comité interministériel sur l’Europe, qui se tiendra lundi prochain sous la présidence du Premier ministre, Dominique de Villepin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, M. Lenoir et Mme Bassot n’ont pas apprécié que vous mettiez en cause les Normands.

Mme Sylvia Bassot et M. Jean-Claude Lenoir. Très bien, monsieur le président !

lutte contre le racisme et l’antisémitisme

M. le président. La parole est à M. Yves Jego, pour le groupe UMP.

M. Yves Jego. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), et concerne un fléau insidieux, qui réapparaît trop souvent au cœur de nos sociétés, avec son cortège de drames : je veux parler du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie.

Chacun se souvient que notre pays a connu, au début des années 2000, une résurgence d’actes racistes ou antisémites, souvent violents et toujours intolérables. Chacun se souvient également du désarroi de nombre de nos compatriotes, qui se sont sentis abandonnés face aux menaces et aux agressions dont ils étaient l’objet.

Lors de votre arrivée au ministère de l’intérieur, en 2002, monsieur le ministre d’État, vous avez fait du combat contre ce fléau une de vos priorités. Contrairement à ce qui avait pu prévaloir dans le passé, vous ne vous êtes pas contenté de discours ou de colloques, mais vous avez choisi la voie difficile et courageuse de l’action, souhaitant, au-delà de la compassion à l’égard des victimes, obtenir des résultats.

Aujourd’hui, alors que l’actualité internationale pourrait provoquer la résurgence de ces phénomènes, pouvez-vous nous indiquer les dispositions prises pour faire à nouveau diminuer de façon significative les agressions racistes, antisémites ou xénophobes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, la question de l’antisémitisme dans notre pays a préoccupé toutes les formations politiques, en particulier lorsque le nombre des menaces et des actions antisémites a explosé au début des années 2000.

Tout d’abord – et j’espère que ce point sera partagé sur tous les bancs de cette assemblée –, chaque fois qu’un juif de France a peur, ce qui est en question, ce n’est pas la communauté juive de France, mais l’ensemble de la communauté nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), car l’antisémitisme est une tache sur le drapeau de la République. Il ne s’agit pas d’une question communautaire.

Ensuite, face à l’antisémitisme, il n’y a qu’une seule politique possible : la fermeté la plus totale. Il est trop facile de dire qu’il faut expliquer. Ce qu’il faut, c’est combattre, car quand on cherche à expliquer l’inexplicable, on s’apprête à excuser l’inexcusable.

Les chiffres de 2005, que nous venons de recevoir, traduisent une diminution de 50 % des menaces et des violences antisémites dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il ne me viendrait pas à l’idée de considérer que le travail est fait, mais convenez que si ces chiffres avaient enregistré une augmentation de 50 %, vous auriez été nombreux à me poser, à juste titre, la même question.

M. Patrick Lemasle. La hausse, vous l’avez eue l’année dernière !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous allons cependant renforcer notre réponse. Premièrement, nous allons généraliser la vidéosurveillance grâce au texte que vous avez voté. Deuxièmement, le Premier ministre a reconduit le crédit de 3 millions d’euros destiné à renforcer la sécurité dans un certain nombre de lieux de culte. Troisièmement, nous expulserons systématiquement les prêcheurs de haine, notamment les imams qui tiennent des propos antisémites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. La racaille !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous en avons expulsé vingt et un en 2005, et les services seront très vigilants. Tous ceux qui tiennent des propos qui ne sont pas conformes à l’idéal républicain et au respect de chacun seront expulsés, car ils n’ont rien à faire en France.

En la matière, monsieur le député, il n’y a qu’un seul juge de paix : les faits. Et les faits sont têtus : en 2005, les agressions ont diminué de moitié par rapport à l’année précédente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

politique de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe UMP.

M. Dominique Tian. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, le Gouvernement est en passe de gagner la bataille de l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Tous les observateurs économiques sérieux en sont d’accord. Pour le neuvième mois consécutif, le chômage baisse dans notre pays. Durant l’année écoulée, 130 000 personnes ont trouvé un emploi et le taux de chômage s’établit à 9,5 %. Cette décrue est due à une forte augmentation des créations d’emplois et non à des radiations administratives ou à la démographie. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cependant, 150 000 jeunes sortent chaque année de l’école sans diplôme, 60 000 quittent le collège sans aucune qualification et 15 000 sont en errance scolaire. Monsieur le ministre, au deuxième jour de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité des chances, qui aborde l’ensemble des problèmes que peuvent rencontrer les jeunes, que peuvent-ils attendre des nouvelles mesures que vous proposez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, le nombre des chômeurs a en effet diminué de 180 000 en neuf mois : telle est la réalité des chiffres.

M. Jean-Pierre Kucheida. Et combien de Rmistes supplémentaires ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ajoute – on le sait moins – qu’au cours des trois premiers trimestres de 2005, 60 000 salariés ont été affiliés à l’UNEDIC, ce qui signifie autant d’emplois nouveaux créés dans les entreprises du secteur privé.

M. François Hollande. Ce n’est pas ce que dit la DARES !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Encore les emplois de service à la personne ainsi que ceux des secteurs médico-social et éducatif sont-ils comptabilisés avec un grand retard.

Par ailleurs, 225 000 entreprises ont été créées, soit 40 000 de plus qu’en 2000. Quant au nombre des apprentis engagés dans une formation en alternance en entreprise, il a atteint un record historique.

La politique de l’emploi consiste naturellement à renforcer notre attractivité et notre compétitivité, grâce à la création des pôles de compétitivité, des pôles d’excellence rurale ou de l’Agence de l’innovation industrielle. Mais elle tient aussi à la qualité des hommes et des femmes.

C’est pourquoi nous nous engageons en faveur des seniors, afin que l’on cesse de les considérer – c’est le cas depuis vingt-cinq ans – comme la variable d’ajustement des plans sociaux.

Nous parions aussi sur les juniors. Nous allons ainsi améliorer l’orientation et développer la formation en alternance, avec l’objectif de former ainsi 800 000 jeunes en 2009, ainsi que l’accompagnement social. Ce que les jeunes peuvent attendre du renforcement de l’alternance, des stages et de la création du contrat première embauche, c’est d’en finir enfin avec la galère et les petits boulots et de réussir leur entrée dans la vie professionnelle en bénéficiant d’un accompagnement.

Les seniors comme les jeunes sont l’avenir de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

politique industrielle

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste.

M. Michel Liebgott. Monsieur le Premier ministre, je vous ai regardé attentivement à la télévision hier soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez évoqué en particulier la sidérurgie. À l’instant, Laurent Fabius (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) vous a interrogé à ce sujet, afin que vous répondiez à l’ensemble de la représentation nationale et aux députés lorrains, inquiets pour l’avenir de cette industrie stratégique pour notre pays. Je souhaite que vous soyez à la hauteur de l’enjeu en répondant maintenant à cette question. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous vous avons d’ailleurs souvent interrogé au cours des dernières années sur ces restructurations. Malheureusement, la réponse fut toujours la même : on ne peut pas influencer la stratégie des grands groupes.

Mme Sylvia Bassot.  C’est Jospin qui a dit cela !

M. Michel Liebgott. Arcelor, aujourd’hui victime potentielle, a fermé, depuis 2002, un certain nombre d’usines dans le Nord et supprimera bientôt 1 500 emplois dans le Val de Fensch, en Moselle.

Aujourd’hui, le Gouvernement est pris à son propre piège du non-interventionnisme et du tout-libéral. Totalement absente du capital d’Arcelor, la France se tourne vers le Luxembourg et la région wallonne qui, malgré leur taille bien plus modeste, détiennent, eux, des actions de ce groupe. Le gouvernement luxembourgeois a du reste mis en œuvre avec Arcelor un projet d’un milliard d’euros à Esch-Belval, à la frontière entre la France et le Luxembourg. Du côté français, que voit-on ? Rien ! Un État totalement absent, incapable d’investir un centime, ne saisissant même pas l’opportunité qui se présente par l’entremise du pays voisin. C’est pourtant bien en France que les communes concernées ont perdu un tiers, voire la moitié de leur population.

Alors qu’en juillet dernier, le ministre de l’industrie ironisait sur ceux qui brandissent fourches et faucilles,… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Liebgott, pouvez-vous poser votre question ? 

M. Michel Liebgott. …vous vous étonnez aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, que Mittal Steel essaie de racheter Arcelor. Cette attitude n’est évidemment pas de nature à rassurer les populations et les salariés, qui s’interrogent et doutent. Quand allez-vous redécouvrir les vertus d’une véritable politique industrielle ? Comme l’a dit Lionel Jospin (« Ouh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), « ce n’est pas parce qu’on ne peut pas tout qu’on ne peut rien ». Vous, vous ne pouvez rien actuellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Calmez-vous !

La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

De nombreux députés du groupe socialiste. Villepin : zéro !

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député, je me préparais à vous parler de la sidérurgie française en Lorraine. Mais puisque vous nous attaquez sur un terrain politique, laissez-moi vous dire que c’est nous qui aurions des leçons à vous donner ! (Mêmes mouvements.) Qui parle de patriotisme économique ? Allez-vous prétendre que c’est votre politique industrielle qui a permis à la Lorraine de se relancer, alors que c’est à nous qu’elle doit son redressement ? Nous avons instauré les pôles de compétitivité, nous avons créé l’Agence de l’innovation industrielle, nous sommes en train d’aider toutes les entreprises à devenir des leaders mondiaux dans leur spécialité, et vous osez attaquer notre politique industrielle ! C’est oublier un peu vite ce que votre région lui doit, et que c’est de nous que viennent les réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sécurité maritime EN manche

M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol, pour le groupe UMP.

M. Claude Gatignol. Ma question s’adresse à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, et porte sur la sécurité maritime.

Hier, le chimiquier ECE, battant pavillon des îles Marshall et transportant 10 000 tonnes d’acide phosphorique, a été fortement endommagé lors d’une collision en mer de la Manche. Au cours d’une manœuvre de dépassement, il a heurté un vraquier sous pavillon maltais, le General Grot Rowecki, dans la zone dite des Casquets, entre Guernesey, l’Angleterre et le Cotentin, dans les eaux internationales.

Les conditions climatiques difficiles ont nécessité la mise en action de la solidarité franco-britannique prévue par le Manche Plan. Les vingt-deux membres d’équipage, évacués par les hélicoptères des garde-côtes britanniques, ont tous été sauvés, et je tiens à saluer cette collaboration exemplaire, menée sous l’autorité efficace du préfet maritime de Cherbourg. Que les sauveteurs en soient félicités, de même que les autorités maritimes françaises et britanniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Malgré la tentative de remorquage, le navire a malheureusement coulé cette nuit à environ 90 kilomètres à l’ouest des côtes de La Hague. Dès lors, deux questions se posent, monsieur le ministre.

L’une est d’actualité immédiate : quelles sont les conséquences écologiques du naufrage, eu égard à la nature de la cargaison, mais aussi aux réserves de carburant ?

L’autre porte sur la sécurité du transport maritime dans la Manche, véritable autoroute de la mer. Les Casquets voient un trafic d’environ 300 bateaux par jour et cette zone est la porte d’un rail qui reçoit 600 à 700 bateaux par jour, soit environ 20 % du trafic mondial. Le naufrage de l’ECE est le quatrième accident en un mois, et nous avons tous en mémoire la disparition tragique de nos cinq marins-pêcheurs, début janvier. Pouvez-vous nous faire part des derniers éléments dont vous disposez sur cet accident ? Ne pensez-vous pas qu’il faut accroître les moyens de surveillance mis à disposition du CROSS de Jobourg – en le dotant par exemple d’un radar de longue portée – pour l’aider à accomplir les missions qui lui sont confiées, en particulier la prévention des accidents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez raison de souligner les conditions remarquables dans lesquelles le sauvetage de l’équipage de l’ECE a été organisé et le très bon fonctionnement de la coopération franco-britannique. Je voudrais, comme vous, remercier toutes les équipes de sauvetage, qui ont fait un excellent travail.

En ce qui concerne les conséquences écologiques, je vous confirme que l’ECE, qui a coulé cette nuit lors de son remorquage par l’Abeille, était chargé d’une grande quantité d’acide phosphorique. Mais cette substance est totalement soluble dans l’eau et ne se stocke pas dans la chaîne alimentaire ; cet accident ne devrait donc pas avoir de conséquences sur l’environnement. Par ailleurs, Dominique Bussereau a immédiatement prononcé une interdiction de la pêche sur le site. Il ne devrait donc pas y avoir de conséquences négatives imputables à la cargaison.

En revanche, le navire contient dans ses soutes 70 tonnes de fuel lourd et 20 tonnes de gazole. Depuis ce matin, nous avons observé une certaine irisation à la surface de la mer et, depuis le début de l’après-midi, une surveillance aérienne a été mise en place. D’après la météorologie nationale, compte tenu des vents et des courants actuels, il ne devrait pas y avoir de dérive de cette éventuelle pollution dans les 72 heures qui sont devant nous. J’ajoute que des navires de dépollution se tiennent prêts à intervenir si les soutes devaient s’entrouvrir.

Pour ce qui est de l’avenir, je voudrais d’abord rappeler que lors de l’examen du budget 2006, la majorité a voté un renforcement des moyens de prévention des accidents maritimes, prévoyant en particulier le renouvellement des radars des CROSS de Corsen, de Jobourg et de Gris-Nez. J’ai décidé de poursuivre ce travail de modernisation au-delà de 2006, en particulier, comme vous venez de le suggérer, par l’acquisition de radars de plus longue portée qui pourraient être installés à Guernesey et à la pointe du Raz. Ce dispositif permettrait que les bateaux soient pris en compte avant même leur entrée dans le rail de séparation du trafic, ce qui n’a pu être fait pour les deux bâtiments impliqués dans l’accident d’hier.

M. Jacques Desallangre. Vérifions aussi l’état des bateaux !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Compte tenu de cet équipement supplémentaire, nous aurons une meilleure maîtrise de l’ensemble des trafics, très importants dans cette zone. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Et les navires-poubelles ?

épidémie de chikungunya À LA RéUNION

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez, pour le groupe UMP.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités et porte sur l’épidémie qui sévit à l’île de la Réunion depuis un an. Il s’agit d’une maladie virale qui n’était pas connue jusqu’à présent sur le territoire national, mais uniquement sur le continent asiatique et en Afrique de l’Est. Elle est arrivée après être passée par les Comores, Mayotte et l’île Maurice. Depuis un an, cette épidémie est installée à l’île Maurice. Il s’agit d’un virus transmis par un moustique : après la piqûre, on ressent une très forte fièvre, des douleurs articulaires, quelquefois une éruption, et surtout, on se tient le dos courbé, ce qui vaut à cette maladie son nom swahili de chikungunya.

M. le président. Pourquoi me regardez-vous en disant cela, monsieur Fagniez ? Je n’ai pas le dos courbé ! (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Cette épidémie est comparable à celle de la grippe, mais nous n’avons pas d’autres moyens de prévention que la lutte contre les moustiques, en dépit de la rumeur colportée depuis quelque temps par les gazettes sur l’île de la Réunion, selon laquelle l’armée américaine aurait mis au point un vaccin ; en réalité, aucun vaccin contre cette maladie n’est commercialisé.

Face à ce grave problème de santé publique – qui est aussi un problème économique pour l’île –, vous avez dépêché sur place le directeur général de la santé et le directeur de l’Institut national de veille sanitaire avant de vous rendre vous-même sur l’île, où vous avez pu constater le désarroi des populations. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles mesures vous allez prendre pour faire face au génie évolutif de ce curieux virus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, la Réunion traverse une véritable épreuve, compte tenu du nombre de victimes : à ce jour, plus de 35 000 personnes ont été contaminées par ce virus qui entraîne d’importantes douleurs musculaires et articulaires. Après avoir rencontré de nombreux malades, chez eux et dans les établissements de santé, je sais toutefois que le courage et la solidarité seront plus forts que l’épreuve et la douleur sur l’île de la Réunion.

Le Gouvernement a décidé d’intervenir de plusieurs façons pour aider les Réunionnais. La prévention étant notre priorité, le Premier ministre a tout d’abord souhaité qu’à partir de lundi dernier, 400 militaires supplémentaires soient formés à la lutte contre les moustiques, afin d’être opérationnels demain matin. Ces équipes, que j’ai vues sur place, sont efficaces et appréciées par la population réunionnaise.

Il convient également d’assurer la meilleure prise en charge possible des malades. Je suis allé à la Réunion avec une équipe médicale comprenant des médecins, des infirmières et du matériel. Cette équipe s’est immédiatement mise au travail, mais nous allons naturellement continuer à envoyer sur place d’autres équipes en provenance de la métropole.

La recherche doit nous permettre de mieux comprendre cette maladie encore insuffisamment connue, ce qui nous aidera à la combattre. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir les programmes hospitaliers de recherche clinique développés sur l’île même de la Réunion, de saisir le Centre national de référence sur les arbovirus et de saisir également, à la demande du Premier ministre, l’Organisation mondiale de la santé, afin d’établir un bilan précis et exhaustif de nos connaissances sur ce dossier.

Le Premier ministre a également souhaité qu’une réunion se tienne avant la fin de la semaine pour faire le point avec l’ensemble des ministres concernés, au premier rang desquels François Baroin, ministre de l’outre-mer, en vue d’accélérer l’aide destinée aux Réunionnaises et aux Réunionnais.

Sur l’île de Mayotte, où je me suis rendu hier en compagnie de Mansour Kamardine, 56 cas ont été constatés. J’ai demandé que l’on fasse preuve de la plus grande vigilance afin que nous soyons à même d’anticiper, si besoin était, tout développement de cette épidémie.

Je voudrais dire à nos concitoyens de Mayotte et de la Réunion que, si la solidarité est très forte entre eux, la solidarité nationale ne le sera pas moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

TVA à taux réduit pour la restauration
et les travaux dans les logements

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le Premier ministre, vous avez refusé à deux reprises de répondre clairement au sujet de l’OPA sur Arcelor. Allez-vous laisser faire ? On peut craindre le pire dans cette affaire, comme dans d’autres malheureusement.

Ainsi, il y a quatre ans, le Président de la République, alors candidat, promettait d’étendre le taux réduit de TVA au secteur de la restauration dès le 1er janvier 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette promesse faisait écho aux déclarations de la droite parlementaire, qui, sous la précédente législature, avait prétendu qu’il était possible, au mépris des règles européennes, de faire bénéficier sans délai la restauration du taux réduit. Notre groupe avait alors souligné que cette mesure ne pourrait être prise de façon unilatérale par notre pays, mais devrait faire l’objet d’une négociation au niveau de l’Union européenne.

Aujourd’hui, quatre ans après ces promesses démagogiques et précipitées, force est de constater que l’engagement pris devant les professionnels de la restauration et de l’hôtellerie est resté sans suite. Cette situation entraîne un immense désarroi et un mécontentement grandissant. Le coup porté touche en effet d’autres catégories de professionnels, puisque l’application du taux réduit de TVA à la rénovation des logements et aux services à domicile est également menacée.

Vous venez ainsi de tirer un trait sur l’ensemble des mesures qui avaient permis de créer, en leur temps, plus de 60 000 emplois dans le secteur du bâtiment. Oui, le gouvernement Jospin a fait ce qu’il avait promis ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.  –  Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Au contraire, vous avez confondu vœux pieux et négociation, action et communication, promesses et réalité, au détriment de l’emploi et des conditions de travail de plusieurs secteurs d’activité.

En agissant ainsi, vous faites prendre à la France le risque de tout perdre. Cet échec, aussi injuste soit-il pour les professions concernées, était malheureusement prévisible. Vous vous êtes imprudemment isolé de tous nos partenaires européens en énonçant des promesses de baisse unilatérale de la TVA et en accentuant la dégradation des comptes publics. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quel gâchis ! (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce mensonge d’État aura de lourdes conséquences pour l’avenir des salariés et des entreprises, qui risquent de connaître le plan de licenciements le plus important de l’histoire de notre pays, et vous en portez l’entière responsabilité !

M. le président. S’il vous plaît, posez votre question !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, annoncer clairement à la représentation nationale les mesures que vous comptez prendre dès aujourd’hui pour sauver les 60 000 emplois concernés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, je regrette le ton inutilement polémique de votre question (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car il me semble que sur de tels sujets – TVA sur la restauration, TVA sur les travaux à domicile – nous aurions de bonnes raisons de nous battre ensemble. Dans ces deux domaines, nous avons clairement expliqué notre feuille de route.

M. Bernard Roman. Il n’y en a pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En ce qui concerne le taux réduit pour la restauration, Thierry Breton a affirmé notre grande détermination. J’espère que nous convaincrons nos partenaires…

M. François Hollande. Vous espérez en vain !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …car cette mesure représente pour ce secteur une aide formidable à la création d’emplois.

Notre détermination est tout aussi forte pour défendre le taux réduit applicable aux travaux dans les logements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vingt-quatre pays sur vingt-cinq soutiennent cette mesure. Reste la Pologne, qui après avoir exprimé son désaccord, est ouverte à la négociation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis lundi, nous ne cessons de travailler avec l’ensemble de nos partenaires. Le Premier ministre et le ministre des finances sont en contact étroit avec la présidence de l’Union européenne et la Commission.

Soyez assurée, madame la députée, que nous trouverons une solution dans tous les cas de figure ; nous sommes totalement déterminés à aboutir, car il y va de la création d’emplois dans des secteurs porteurs de croissance économique. Je vous rappelle d’ailleurs que tant que les discussions se poursuivent, la TVA à 5,5 % s’applique dans le secteur du bâtiment, pourvu que le devis ait été accepté.

Mais puisque vous avez choisi de parler de l’Europe, laissez-moi vous dire un dernier mot. Après Thierry Breton, je ne résiste pas au plaisir de passer une deuxième couche : je trouve que M. Fabius – puisque vous ne siégez pas très loin de lui – a parfaitement illustré, dans son intervention, ce qu’était ce fameux « plan B » que nous attendons toujours ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. C’est scandaleux !

M. Bernard Roman. Honteux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce qui était une grande illusion est devenu une très grande déception ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Fabius. Zéro !

création, transmission et développement
des entreprises

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.

M. Serge Poignant. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

Monsieur le ministre, les chiffres de 2005 ont été rendus publics hier : avec 225 000 nouvelles entreprises, la relance de la création d’entreprises est installée durablement dans notre pays. Nous avons su relever ce défi quantitatif, notamment grâce à la loi pour l’initiative économique que vous avez fait adopter. Le cap fixé par le Président de la République : la création d’un million d’entreprises pendant le quinquennat, sera franchi et même dépassé.

Le Gouvernement a également beaucoup fait pour favoriser la transmission d’entreprise, notamment en allégeant la fiscalité qui pèse sur les cessions.

M. Jean-Pierre Kucheida. N’importe quoi !

M. Serge Poignant. La réforme des plus-values de cession, adoptée à la fin de l’année dernière, est un élément fondamental de ce dispositif et répond à un enjeu essentiel, 700 000 chefs d’entreprise devant partir à la retraite dans les dix ans qui viennent.

Monsieur le ministre, vous qui, ce matin, en compagnie du Premier ministre, avez inauguré le Salon des entrepreneurs, consacré à la création, à la transmission et au développement des petites et moyennes entreprises, pouvez-vous nous dire quels seront les axes prioritaires de l’action du Gouvernement au cours de l’année 2006 en faveur des PME, et plus particulièrement de leur développement ? Je suis persuadé que nous pouvons encore progresser dans ce domaine, car ce sont les entreprises qui créent de l’emploi, en particulier les PME. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur le député, grâce aux lois dont vous avez été le rapporteur et que la majorité a votées, nous sommes en train de gagner la bataille de la création d’entreprises…

Mme Huguette Bello. Tu parles !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …avec 225 000 créations en 2005 : record battu ! Ce surcroît d’entreprises créées représente 100 000 emplois nouveaux proposés aux jeunes Français.

M. Augustin Bonrepaux. Où sont-ils, ces emplois ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Nous sommes également en passe de gagner la bataille de la transmission d’entreprise, car protéger le patrimoine économique des Français, c’est protéger leur emploi. Et quand j’entends M. Fabius et ses collègues rivaliser de patriotisme économique, j’ai envie de leur dire :…

M. Augustin Bonrepaux. Dites-nous plutôt ce que vous faites !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …que n’avez-vous modifié la fiscalité entre 1997 et 2002 ? Car je peux dresser, département par département, la liste des PME qui ont été vendues durant cette période à des intérêts étrangers uniquement à cause d’une fiscalité confiscatoire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous sommes en train de gagner la bataille de l’emploi dans les très petites entreprises : 300 000 contrats nouvelles embauches conclus, cela représente 100 000 emplois qui n’auraient jamais vu le jour si le Premier ministre n’avait pas proposé ce nouvel outil. Et nous gagnerons également la bataille de l’emploi dans les PME…

M. Albert Facon. Mais en 2007, vous allez perdre !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …grâce au contrat première embauche, qui leur offre une vraie chance d’embaucher des jeunes.

Mais il faut aller plus loin ! Ce matin, j’ai fait part au conseil des ministres de notre souhait de mettre en place plusieurs programmes. Consacrés au financement, à l’innovation, à l’exportation, à la détection des futurs champions français …

Mme Martine David. En attendant on les connaît, les champions !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …et enfin au regroupement des PME, afin de doter notre pays d’entreprises à fort potentiel de croissance, ces cinq programmes montrent que nous menons une politique complète, qui donne aujourd’hui ses premiers résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

couverture du territoire par la téléphonie mobile, le haut débit et la tnt

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe UMP.

M. Olivier Dassault. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

Pour nous, 577, c’est le nombre de députés que compte cette assemblée. Mais depuis quelques semaines, c’est aussi le nombre des communes rurales rendues accessibles au téléphone mobile, sur les 3 000 communes identifiées en « zone blanche ».

Pour y remédier, le Gouvernement a mis en place un plan d’action en deux phases doté de 60 millions d’euros, en collaboration avec les collectivités locales et les opérateurs. Toutefois, quelques conseils généraux, pour des raisons politiciennes déplorables, bloquent la mise en œuvre de ce plan nécessaire et ambitieux. (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste.) Il s’agit des huit départements suivants : l’Eure, le Finistère, le Nord, le Pas-de-Calais, la Haute-Savoie, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne et, bien sûr, l’Oise.

Si j’ajoute à ces « zones blanches » sans relais les 16 000 communes sous-équipées, cela signifie que près de la moitié de la France souffre encore d’une couverture insuffisante, alors que l’on est désormais joignable jusque dans les plaines les plus reculées de la Russie ou de la Hongrie !

En 2006, pour les Françaises et les Français, mais aussi pour les entreprises, les artisans, les commerçants, les professions libérales, ne pas avoir accès au téléphone mobile ou au haut débit n’est pas une gêne, c’est un handicap ! Parce que la politique de l’aménagement du territoire ne saurait être dissociée de la stratégie visant à renforcer l’attractivité du territoire, vous avez, monsieur le ministre, dévoilé il y a quelques jours la feuille de route pour 2006 du plan téléphonie mobile. Pouvez-vous nous indiquer les mesures concrètes que vous comptez prendre pour étendre la couverture du téléphone mobile et permettre un plus large accès au haut débit et à la télévision numérique terrestre : la fameuse TNT, qui est une fenêtre ouverte sur la France du XXIe siècle ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, nous avons un devoir d’équité vis-à-vis de chaque foyer français, de chaque entreprise, de chaque commerçant, de chaque artisan, en quelque lieu du territoire qu’ils se trouvent :…

M. Augustin Bonrepaux. Qui paye ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …leur donner accès à toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

M. Augustin Bonrepaux. Rien que des paroles ! Que faites-vous réellement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. S’agissant de la téléphonie mobile, au mois de juin dernier, sur 3 000 communes recensées en « zone blanche », 91 seulement étaient couvertes ; le 31 décembre, elles étaient 577. Pour parvenir à ce résultat, j’ai mobilisé tous les opérateurs durant de longues semaines, l’objectif étant la couverture totale du territoire. Au rythme de 100 nouvelles communes équipées par mois, ces 3 000 communes doivent être couvertes en 2007. Le Gouvernement participe à cet effort à hauteur de 44 millions d’euros, et 20 millions d’euros proviennent de l’exonération de la TVA.

Je salue le partenariat de la plupart des conseils généraux, mais huit d’entre eux, malheureusement, ne se sont pas associés à ce plan, dont celui de l’Oise.

Pour ce qui concerne le haut débit, nous sommes parvenus à un taux de couverture de 95 % du territoire pour l’accès des foyers à Internet par l’ADSL, …

M. Augustin Bonrepaux. Mais vous, qu’est-ce que vous faites ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, calmez-vous !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …grâce à des solutions satellitaires et au WiMax, et nous aurons en 2007 une couverture de 100 %.

En ce qui concerne enfin la télévision numérique terrestre, si près de la moitié des foyers français ont aujourd’hui accès à dix-huit chaînes de télévision gratuites, il n’est pas normal que l’autre moitié en soit exclue. Le Premier ministre, en relation avec le CSA, France Télévisions et d’autres opérateurs, nous a donné des instructions pour que nous puissions équiper près de 85 % de notre territoire. Malheureusement, monsieur le député, dans votre département de l’Oise, Beauvais et Compiègne ne sont toujours pas équipées, et cette situation n’est pas acceptable.

Avec la solution satellitaire que nous mettrons en place en 2006,…

M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …la totalité de notre territoire aura accès à la TNT dès le début de 2007.

En 2002, dans notre pays, 3 000 communes n’avaient pas accès à la téléphonie mobile, un foyer sur deux n’avait pas accès à Internet et la télévision numérique était inconnue. En 2007, nous aurons relevé le défi d’apporter le tout-numérique à la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. René Dosière.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Égalité des chances

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58.

Nous sommes tous d’accord pour considérer que nous devons avoir sur la question de l’égalité des chances, et plus particulièrement sur celle de l’emploi des jeunes et de leur insertion – puisque c’est le choix du Gouvernement d’introduire dans le texte le contrat première embauche – un débat sérieux, serein et approfondi. Nous avons même compris que le Premier ministre avait lui-même, dans cet hémicycle, invité la gauche et l’opposition à ce débat, lançant presque un défi pour que nous puissions aborder sur le fond l’ensemble de ces questions.

Ce débat doit avoir lieu dans l’hémicycle. Il a évidemment lieu dans l’opinion et aussi, naturellement, dans les médias. Or on s’est aperçu que le Premier ministre préférait, lui, s’exprimer plus spécifiquement à la télévision au moment même où nous débattions de ces questions ici.

Ce faisant, il ne s’est pas exprimé d’une manière anodine. Il a présenté une défense et illustration du contrat première embauche – on peut comprendre qu’il ait du travail en perspective et qu’il veuille commencer assez tôt sa mission – et indiqué que ce débat n’avait pas lieu pas entre la droite et la gauche, ou entre la majorité et l’opposition, ce que nous avions cru comprendre, mais entre ceux qui voulaient s’attaquer au problème du chômage des jeunes et ceux qui ne voulaient rien faire.

Il s’est, je crois, un peu trompé dans la répartition des rôles, car les tenants de l’immobilisme, ce sont précisément ceux qui, depuis quatre ans, sont aux responsabilités, ceux qui soutiennent sa politique et son gouvernement, alors que ceux qui avaient réussi à faire reculer le chômage des jeunes siègent aujourd’hui dans l’opposition.

M. Denis Jacquat. Quel outrage !

M. Lionnel Luca. C’est du cinéma !

M. Gaëtan Gorce. Mais il y a plus préoccupant. Les arguments qui ont inspiré le contrat première embauche méritent d’être discutés au fond, à la lumière de tous les éléments dont nous pouvons disposer. Nous estimons qu’il s’agit d’un contrat précaire : vous affirmez le contraire.

M. Lionnel Luca. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est une véritable intervention !

M. Gaëtan Gorce. Nous ne comprenons pas que vous généralisiez ce contrat à l’ensemble des jeunes, alors que seule une partie d’entre eux, certes trop importante, est concernée par des emplois précaires.

M. Lionnel Luca. C’est reparti pour un tour !

M. Gaëtan Gorce. Le débat mériterait d’être approfondi et étayé par des données sérieuses. Le Premier ministre nous lance un défi et se dérobe. Nous aurions aimé qu’il soit présent, nous souhaiterions qu’il vienne dans l’hémicycle. Au fond, nous avons presque envie de relever le défi et de lui dire : Chiche ! Mais saura-t-il, dans un emploi du temps déjà bien occupé par les rendez-vous médiatiques, dégager quelques heures, voire une après-midi entière, pour venir discuter avec la représentation nationale de cette question fondamentale qu’est l’emploi des jeunes ? Ce serait pourtant la meilleure manière de déterminer qui se situe dans le camp de l’immobilisme et qui est dans celui du changement. Nous pourrions ainsi avoir un véritable débat politique et démocratique. Malheureusement, le Premier ministre préfère attaquer l’opposition quand elle n’est pas là pour lui répondre et, dans l’hémicycle, il s’efforce de noyer le poisson en traitant de l’emploi des jeunes dans un texte fourre-tout sur l’égalité des chances, si bien que nous aurons le plus grand mal à aller au fond de la discussion.

Monsieur le président, je souhaiterais que le Gouvernement s’explique sur la manière dont il entend conduire le débat, sur la place qui sera faite à la question de l’insertion des jeunes et aux arguments de ceux qui ont quelque chose à dire sur ce sujet. Le Premier ministre acceptera-t-il le défi qu’il nous a lui-même lancé et que nous sommes prêts à relever ? J’espère que le Gouvernement me répondra. Afin que nous puissions tirer toutes les conséquences de sa réponse − ou, je le crains, de son absence de réponse −, je demanderai, au nom de mon groupe et pour pouvoir le réunir, une suspension de séance de vingt minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lionnel Luca. C’est pitoyable !

M. le président. Mon cher collègue, la suspension est de droit mais, auparavant, le Gouvernement souhaite vous répondre.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Elle est de droit, mais pas pour vingt minutes ! M. Gorce est très intelligent, il a besoin de beaucoup moins de temps pour comprendre !

M. le président. Je n’ai pas parlé de la durée de la suspension : c’est le président de séance qui la fixe.

M. Maxime Gremetz. Deux poids, deux mesures ! Vous n’avez pas accepté toutes mes demandes de suspension, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, le Gouvernement est bien là, à son banc, prêt à parler des sections 1 et 2 du titre Ier, qui portent sur l’emploi des jeunes et sur l’égalité des chances vis-à-vis de l’emploi. Il me semble qu’Azouz Begag, Jean-Louis Borloo − qui va nous rejoindre − et, modestement, moi-même, nous sommes capables de mener le débat riche, approfondi, que vous appelez de vos vœux. Jour après jour, nous sommes ceux qui, pour l’exécutif, doivent se colleter au problème de l’insertion professionnelle des jeunes…

M. Gaëtan Gorce. Cela veut dire que le Premier ministre ne le fait pas ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et nous sommes sûrement en mesure d’échanger avec vous, d’enrichir le débat et le texte. Voilà pourquoi il faut que nous poursuivions sans tarder le débat entamé hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, messieurs les ministres, je voudrais dénoncer, au nom du groupe de l’UMP, cette nouvelle tentative de ralentir nos débats. Quand on songe aux procédés auxquels recourt l’opposition, on voit que l’on est bel et bien face à l’immobilisme. Monsieur Gorce, vous dites demander une suspension de séance pour réfléchir au texte, mais je suis sûr que vous visez un autre objectif. Pourtant, il y a urgence. La jeunesse nous regarde. Nous voulons mener cette bataille pour les jeunes et pour l’emploi. Je prends acte de vos demandes et de votre stratégie de ralentissement des débats, mais nous, nous sommes présents et nous avons hâte de construire.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Je voudrais répondre au Gouvernement et renouveler ma demande de suspension de séance. Nous n’avons nullement l’intention de ralentir les débats, et vous pourrez vous en rendre compte dans la suite de la discussion. Il serait bon que vous maniiez de tels arguments avec un peu de décence. Si, pour notre part, nous ne voulons pas ralentir, vous avez, quant à vous, choisi la précipitation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Denis Jacquat. Nous avons choisi l’action !

M. Gaëtan Gorce. Je ne rappellerai pas les conditions dans lesquelles notre assemblée est amenée à débattre de ce texte. J’ai bien compris que le Premier ministre vous abandonnait le quotidien, la triste tâche de vous colleter, comme vous dites, avec les vrais problèmes. Mais, à plusieurs reprises, il est lui-même monté au front, s’exprimant avec force dans cet hémicycle, lançant un véritable défi à l’opposition, prétendant qu’il voulait une grande discussion. S’il la veut, qu’il l’assume, mais qu’il ne se contente pas de le faire à cette tribune quand la contestation est impossible autrement que dans le brouhaha, ou à la télévision, lorsqu’il n’a pas de contradicteur politique et qu’il assène, sur la nature de ce contrat, des déclarations qui peuvent apparaître aux Français comme des vérités mais qui, en réalité, ne sont que des tromperies. La question de l’emploi des jeunes est suffisamment grave et a été suffisamment mise en avant par ce gouvernement pour que nous puissions consacrer le temps nécessaire à son examen en présence de la personnalité politique qui, semble-t-il, porte ce débat devant l’opinion : le Premier ministre. Sinon, monsieur le président, on comprendra que nous entendions protester contre cette dérobade.

M. Arnaud Lepercq. Vous retardez le mouvement !

M. Gaëtan Gorce. Il ne s’agit pas de ralentir nos discussions, car ce n’est pas une interruption de séance de dix minutes qui peut retarder le train d’un gouvernement qui se dit décidé à faire enfin reculer le chômage des jeunes : on a bien compris que la locomotive − sinon le TGV − était lancée. Nous avons simplement le souci d’apporter un peu de clarté dans les positionnements de chacun. On ne peut pas faire des déclarations dans cet hémicycle pour s’en exonérer avant même que la discussion ait pu s’engager au fond. C’est contre cela que nous voulions protester. Le débat pourra ensuite s’engager, et nous aurons à poser au Gouvernement des questions extrêmement précises sur sa responsabilité dans l’immobilisme que dénonçait le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, qui sera le dernier orateur avant la suspension de séance.

M. Maxime Gremetz. Vous voulez que je m’y mette aussi, monsieur le président ? J’ai bonne mémoire, vous savez !

M. Francis Vercamer. L’UDF, parti libre, se devait d’intervenir dans ce débat. Le groupe socialiste, allié au groupe communiste,…

M. Maxime Gremetz. Je n’ai rien dit !

M. Francis Vercamer. …a tendance à faire traîner certains débats en longueur et, surtout, à réclamer des suspensions un peu trop nombreuses à mon goût. D’un autre côté, on a noté une certaine précipitation du Gouvernement et l’on a vu comment il avait décrété l’urgence à propos d’un texte dont il a avancé l’examen. Cependant, j’ai une proposition à formuler, monsieur le président : si le ministre retirait son amendement sur le contrat première embauche, peut-être pourrions-nous repartir sur de bonnes bases. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. − Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Gremetz, premier orateur inscrit, pour quinze minutes.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’emploi, monsieur le ministre délégué à l’égalité des chances, mes chers collègues, c’est dans l’urgence, pour ne pas dire dans la précipitation, que le projet de loi pour l’égalité des chances nous est soumis. Je veux ici réaffirmer, et vous n’en serez pas surpris, le plus profond mécontentement du groupe communiste et républicain sur les conditions réservées à nos travaux parlementaires, surtout s’agissant d’un sujet aussi important.

Compte tenu de la gravité des événements qui ont conduit au dépôt de ce texte, le mépris – je pèse mes mots – avec lequel le Gouvernement traite la représentation nationale et les partenaires sociaux est inadmissible. Je n’ai jamais connu cela auparavant !

Ce mépris va même plus loin puisque le texte qui nous est soumis n’est qu’une partie du plan du Gouvernement. En effet, quelques jours après sa présentation, le Premier ministre annonçait qu’il y intégrerait par voie d’amendement plusieurs dispositions « en faveur », affirmait-il, de l’emploi des jeunes, et en particulier le contrat première embauche.

L’urgence ne tient pas aux tensions sociales qui se sont exprimées en fin d'année dernière, largement embrasées par certain membre du Gouvernement – n’est-il pas vrai, monsieur Azouz Begag ? « Racaille », « voyoux » – j’en passe et des meilleures – autant de propos indignes d’un ministre de la République !

Si tel avait été le cas, des mesures immédiates auraient pu être prises en loi de finances. Mais votre projet, messieurs les ministres, est bien plus machiavélique. La précipitation s'explique par la volonté du Gouvernement d'empêcher que le mouvement social ne s'exprime. Depuis l'annonce de l'introduction du CPE dans le texte, tous les syndicats de salariés, tous les syndicats d’enseignants et toutes les organisations de jeunesse, de l’UNEF à L’UNL, se sont en effet mobilisés pour faire échec à ce nouveau contrat.

Je vous le dis très tranquillement : si vous pensez pouvoir passer en force, vous le paierez comptant, et dans un temps pas très éloigné. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faudrait attendre 2007 pour régler les comptes. Non ! C'est maintenant, avec le pays, qu’il faut y parvenir. On en reparlera donc, je vous le promets !

Pour mieux museler ces forces si diverses et pour empêcher toute riposte, vous avez accéléré le calendrier afin d’éviter tout rassemblement unitaire. Peine perdue ! Tous ces syndicats et organisations de jeunesse se rejoignent en effet sur le même objectif : le retrait dès aujourd’hui de votre projet inacceptable.

Mais la manœuvre gouvernementale n’est pas seulement ratée, messieurs les ministres : elle est également indigne d'une démocratie. Le Gouvernement fuit le débat contradictoire avec les forces vives de la nation, préférant s'en remettre dans l'urgence à une majorité à sa solde (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – pour ne pas parler de godillots comme auparavant, car je sais que cela vous gêne, messieurs. Enfin, vous n’êtes bien là que pour voter les textes du Gouvernement, non ?

M. Denis Jacquat (mimant l’orateur). Cessez de faire des gestes avec les mains et les bras, monsieur Gremetz ! On se demande ce que cela signifie !

M. Lionnel Luca. C’est nerveux !

M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas à quoi vous faites allusion, mes chers collègues.

M. Le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Gremetz. Vous seul avez la parole.

M. Maxime Gremetz. J’aime bien comprendre ce que l’on veut me dire, monsieur le président.

M. le président. Certes, mais vous n’avez pas à distribuer le temps de parole.

M. Maxime Gremetz. Bien entendu, monsieur le président, mais vous savez combien j’aime écouter les autres. Cela permet de ne pas laisser de questions sans réponse.

M. Christian Paul. Très bien !

M. Maxime Gremetz. L’abbé Pierre, messieurs de la majorité, est venu ici même la semaine dernière, au prix d’un effort considérable, vous dire que ce que vous vous apprêtiez à voter était une honte pour la France – ce qui ne vous a pourtant pas empêché de le faire.

M. Jacques Desallangre et M. Christian Paul. Ils n’iront pas au paradis !

M. Maxime Gremetz. C’est leur choix.

S'il en avait encore la force, il pourrait vous dire aujourd’hui que le contrat première embauche – car les deux textes, comme il l’a si bien souligné, sont intimement liés – est une honte supplémentaire, une indignité pour notre pays.

Nous ne travaillons pas dans des conditions normales. Pourtant le sujet le mériterait, tant en raison des événements qui ont poussé le Gouvernement à présenter ce texte – dont le vrai titre devrait plutôt être « projet de loi pour l'inégalité des chances » ! – que des mesures régressives à venir. Seul le MEDEF le soutient, avec une joie non dissimulée. Mme Parisot ne dit-elle pas que le MEDEF vole de victoire en victoire depuis qu’elle est à sa tête, et que c’est grâce au lobbying mené auprès de vous, messieurs, qu’il a pu imposer tout cela ? Elle sait certainement de quoi elle parle ! Pourtant, ce n’est pas encore suffisant : c’est à tous les salariés que le MEDEF voudrait en fait généraliser le CPE et le CNE. Vous allez bien encore céder, vous qui cédez à tout…  Comment d’ailleurs ne céderiez-vous pas, vous qui êtes les dignes représentants de ces gens-là ?

La situation dégradée que subissent depuis des années certains de nos quartiers, ignorés par les politiques publiques et condamnés à être des espaces de relégation sociale et de discrimination, des ghettos de misère, appelle d'autres mesures de fond, concrètes et efficaces. Arrêtez d’ailleurs de parler de crise des banlieues : ce n’est pas une crise des banlieues que nous avons connue, mais une crise de quartiers qui cumulent le chômage, la précarité, le manque de logements, l’absence de perspectives et la perte de l’espoir pour les jeunes, pour des Français blancs, noirs ou bis, de toutes couleurs et de toutes origines. Ce n’est pas l’urbanisme qui est en cause, comme vous le dites. Il y a urgence sociale. Mais vous ne voulez pas y répondre.

Comment les jeunes pourraient-ils avoir de l’espoir quand, comme dans les cités d’Amiens Nord, 60 % d’entre eux, y compris ceux qui ont fait des études, sont au chômage ? Le problème est qu’on ferme les entreprises, qu’on licencie et qu’on ne crée pas d’emplois, tandis qu’on octroie d’énormes fonds publics à des sociétés telles que Cosserat à Amiens, dernière entreprise française de velours, pour licencier, démonter les machines et partir s’installer ailleurs. C’est pour faire ça qu’on leur donne plein de fric !

M. Arnaud Lepercq. Cela n’a rien à voir avec le débat !

M. Maxime Gremetz. L’abbé Pierre ne pense pas comme vous car, voyez-vous, la personne est une.

M. Lionnel Luca. Ce n’est pas la question !

M. Maxime Gremetz. Vous ne le savez peut-être pas – comment pourriez-vous le savoir, vous qui n’avez jamais été concernés ? –, mais lorsqu’on est dans la flexibilité, dans la précarité, avec des petits contrats en tout genre, on n’a pas droit à un prêt bancaire ou à un logement. Et vous dites que ce n’est pas le débat ? Vous ne comprenez rien, tout simplement parce que vous ne vivez pas dans ces conditions-là ! Venez avec moi dans la zone Nord d’Amiens : ses 30 000 habitants vous l’expliqueront ! Vous le verrez, ce ne sont pas gens à baisser la tête, au contraire. Ils sont déterminés à ne pas se laisser faire.

Dans les zones urbaines sensibles, le chômage frappe deux fois plus fort que dans le reste du pays : 40 % des quinze à vingt-quatre ans y sont demandeurs d'emploi – à Amiens ce pourcentage monte, je le répète, jusqu'à 60 % –, et les retards scolaires y dépassent de dix points la moyenne nationale. La ségrégation spatiale s'aggrave de façon inacceptable.

C'est donc bien votre libéralisme dur, agressif, qui doit être montré du doigt aujourd'hui, et non notre modèle social. Si ce dernier est en panne, la faute en incombe aux politiques, qui ont promu ou accompagné ce libéralisme destructeur de toutes les solidarités, et vidé de tout leur sens les valeurs de notre République.

Les faits sont là : des millions de nos concitoyens vivent dans l'insécurité professionnelle et sociale, subissent une précarité d'un autre âge, alors que l'argent coule à flots pour quelques privilégiés et pour les gros actionnaires, ceux que j’appelle les 15-20, ceux qui n’ont pas assez d’une rentabilité financière de 10 ou de 12 % mais veulent entre 15 et 20 % !

Les jeunes ne peuvent construire de projet d'avenir car, lorsqu'ils ne sont pas lâchés par le système éducatif ou lorsqu'ils ne sont pas au chômage, ils ne se voient offrir que des emplois précaires ne leur permettant pas de vivre dignement. La jeunesse de notre pays aurait besoin d'un véritable plan, élaboré avec les intéressés eux-mêmes, qui traduirait une autre orientation politique pour l'ensemble de notre société, et non d'un nouveau saupoudrage de mesures éculées qui ne feront qu'aggraver encore leur condition et la colère des chômeurs comme des salariés. Or quel est le sens des deux dispositions phares de votre projet, le contrat première embauche et l'apprentissage junior, sinon celui d’une véritable provocation ?

Le CPE est inacceptable. Je ne reviens pas sur ses conditions d'examen, pour le moins regrettables. Mais en le présentant sous forme d’amendement, le Gouvernement prive les parlementaires de la faculté d’intervenir. Le CPE aurait dû faire l’objet d’un texte de loi à lui seul parce qu’il engage l’avenir de notre jeunesse et de notre peuple et qu’il traduit un choix de société. Il nous sera en effet très difficile de le modifier par des sous-amendements, ainsi que nous l’ont montré ceux, nombreux, que l’on nous a déjà retoqués.

Le CPE est un véritable bâton de dynamite jeté destiné à faire exploser le contrat de travail, au détriment des plus précaires. Il fait miroiter aux jeunes un CDI, mais au bout de deux ans seulement, pendant lesquels ils pourront se faire licencier du jour au lendemain sans motif, ce qui ne s’est jamais vu dans notre pays !

M. Arnaud Lepercq. Vous n’avez pas de mémoire !

M. Maxime Gremetz. C’est une régression sans pareille : pour une simple grimace, le patron pourra à tout moment balancer une lettre de licenciement en recommandé, sans justification aucune et sans que le salarié puisse contester cette décision !

Vous imaginez ce que ça représente ? Nous régressons. Nous revenons – c’est incroyable que vous puissiez imaginer de telles choses – à l’époque des journaliers. Le CPE est un contrat au jour le jour. Voilà la vérité.

Je comprends que vous soyez contents ici, si vous êtes des patrons – ils en rêvaient –, mais les jeunes ? Aujourd’hui, ils se demandent ce qu’ils vont devenir dans trois mois ou dans six mois s’ils ont un contrat à durée déterminée. Demain, ce sera tous les jours qu’ils se demanderont s’ils ne recevront pas le lendemain leur lettre de licenciement.

M. Arnaud Lepercq. Aujourd’hui, ils sont au travail !

M. Maxime Gremetz. Comment pouvez-vous prétendre que ce n’est pas de la flexibilité, de la précarité ? Le CPE, c’est la précarité puissance mille !

Cela me rappelle un temps ancien où certains travailleurs se rendaient tous les matins sur les lieux d’embauche pour savoir s’ils allaient être choisis.

M. Arnaud Lepercq. Le CPE, c’est quand même mieux !

M. Maxime Gremetz. Cela n’a pas l’air de vous préoccuper, messieurs. Cela ne vous empêche ni de lire votre journal ni de dormir ? Tant mieux pour vous. Vous avez une situation confortable ? C’est parfait.

M. Lionnel Luca. Ces interpellations sont inadmissibles, monsieur le président.

M. Maxime Gremetz. Mais ne vous étonnez pas si, demain, un mouvement important se mobilise. C’est honteux ! direz-vous ? Non.

M. Lionnel Luca. C’est quinze minutes !

M. Maxime Gremetz. Vous les prenez pour qui, ces jeunes ? Pour des gens taillables et corvéables à merci. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On en revient au temps des patrons de droit divin.

M. Lionnel Luca. Les quinze minutes sont passées !

M. Maxime Gremetz. Les patrons pourront tout se permettre. Si le salarié n’est pas content, s’il ne veut pas faire ce qu’on lui demande, s’il refuse de balayer, le patron pourra le menacer de lui envoyer sa lettre de licenciement dès le lendemain. Aujourd’hui, il ne peut pas, il sait qu’il y aurait une contestation du licenciement devant le conseil des prud’hommes. Dorénavant, plus de conseil des prud’hommes, plus rien du tout ! Et vous osez regarder les jeunes dans les yeux ? Non, en fait, vous n’osez pas.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je vous en prie, monsieur le président.

M. Jacques Desallangre. Il a été interrompu !

M. Denis Jacquat. Non. Il s’interrompt tout seul : il pose les questions et donne les réponses !

M. Lionnel Luca. En tout cas, il n’est pas tout seul à vouloir s’exprimer.

M. Maxime Gremetz. Le président ne compte pas les interruptions ; c’est normal que je dépasse.

M. le président. Terminez votre discours.

M. Maxime Gremetz. Avec le CPE, le jeune n’aura même plus…

M. Denis Jacquat. …le droit de boire un coup !

M. Maxime Gremetz. Exactement ! Il devra le payer.

M. le président. Monsieur Gremetz…

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je n’interromps jamais personne. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je ne vois pas pourquoi ce monsieur qui lit et qui a bien mangé ce midi, cela se voit,…

M. Arnaud Lepercq. Non ! Pas tous les jours…

M. Maxime Gremetz. ...se permet de m’interrompre en permanence.

M. le président. Un député expérimenté comme vous ne se laisse pas déstabiliser.

M. Maxime Gremetz. En tout cas il a l’air repus.

M. Lionnel Luca. Un peu de décence !

M. Maxime Gremetz. On nous dit que le CPE va créer des emplois. Ah ! Enfin ! Mais, monsieur le ministre délégué à l’emploi, vous qui revenez avec des chiffres, laissez-moi vous parler d’une étude qui vient de paraître. Le CNE a créé, avez-vous dit, 285 000 emplois. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Si, c’est ce que vous avez annoncé à l’Assemblée.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Non.

M. Maxime Gremetz. Il faut assumer.

M. Daniel Paul. Il a dit 300 000 !

M. Maxime Gremetz. 300 000 ? C’est encore pire !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Gremetz ! Votre temps de parole est épuisé, il faut conclure.

M. Maxime Gremetz. Je voudrais citer à ce propos un excellent économiste de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, M. Xavier Timbeau. Il a réalisé une étude sur le CNE et en tire l’analyse suivante : « À partir de juin 2005, les contrats d’avenir et les contrats d’accès à l’emploi ont représenté 50 000 créations d’emploi. En revanche, il apparaît bien que le CNE, contrat nouvelles embauches, lancé en août 2005 et réservé aux petites et très petites entreprises, n’a pas eu d’effet sur la baisse de l’emploi. 280 000 CNE ont été signés, observe l’économiste de l’OFCE, mais jusqu’au 30 septembre, ils n’ont pas provoqué de créations d’emploi. »

M. Jacques Desallangre. Voilà !

M. Arnaud Lepercq. Nous sommes au mois de février !

M. Maxime Gremetz. Écoutez au moins les gens compétents – je ne parle pas de moi, je parle de cet analyste de l’OFCE.

M. Lionnel Luca. On en est à vingt minutes !

M. Maxime Gremetz. Il explique ce phénomène par un effet de substitution.

M. le président. Monsieur Gremetz, concluez.

M. Maxime Gremetz. Il ajoute : « Les entreprises ont préféré remplacer des CDD ou des emplois intérimaires par des contrats nouvelles embauches. »

M. Arnaud Lepercq. Ce n’est pas plus mal.

M. Maxime Gremetz. Ah bon ? Mais ça contredit complètement les déclarations du Premier ministre, du ministre du travail et de vous-même, monsieur le ministre, quand vous affirmez que le contrat nouvelles embauches a créé tout de suite de l’emploi. En réalité, non, on a barré les chômeurs. La baisse du chômage annoncée s’explique par le fait, ajoute l’économiste, qu’on radie les demandeurs d’emploi des fiches de l’ANPE.

M. Jacques Desallangre. Les économistes sont terribles !

M. Maxime Gremetz. On supprime des demandeurs d’emplois et on multiplie les RMIstes, qui doivent être dorénavant pris en charge par les conseils généraux. On multiplie aussi les contrats aidés de ce genre, avec tous les effets d’aubaine et de substitution que cela suppose. Les entreprises, les grandes entreprises rêvent de n’avoir que des salariés corvéables et taillables à merci.

M. Jacques Desallangre. Des salariés kleenex !

M. Maxime Gremetz. Eh oui ! Des salariés jetables !

M. le président. Monsieur Gremetz, concluez.

M. Maxime Gremetz. Un dernier mot, et j’en aurai terminé.

M. le président. Vraiment un dernier mot.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes bien sévère, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Joyandet. Il y a un règlement !

M. le président. Monsieur Gremetz, dépêchez-vous de terminer votre intervention. Vous avez dépassé votre temps de parole de cinq minutes. La patience de la présidence a ses limites.

M. Maxime Gremetz. Vous faites comme le Gouvernement : vous voulez nous priver de parole ?

M. le président. Monsieur Gremetz, c’est moi qui préside les débats.

M. Maxime Gremetz. Pour une fois qu’on a un président socialiste, on pouvait espérer qu’il nous rendrait un peu du temps dont le Gouvernement nous a privés. Eh bien, non, il fait comme le Gouvernement ! Heureusement, M. Leroy, lui, nous accorde parfois un petit supplément.

M. le président. Monsieur Gremetz, concluez votre propos et cessez de mettre la présidence en cause.

M. Maxime Gremetz. Je ne mets personne en cause. Mais j’ai toujours le règlement en tête, tel que vous l’avez expliqué : le président décide s’il accorde ou non une suspension de séance. Ce n’est pas ce que vous avez dit tout à l’heure. Mais je vous pardonne, et vous me laissez terminer.

M. Arnaud Lepercq. Enfin !

M. Maxime Gremetz. Vous voyez, monsieur le président : à chaque fois, il me trouble, et vous ne faites rien.

M. le président. Si vous ne terminez pas votre propos, je vais vous retirer la parole.

M. Maxime Gremetz. Un mot simplement sur ce scandale, cette nouvelle régression que constitue l’apprentissage junior. J’ai demandé des explications. Aucun ministre n’a été capable de m’en fournir, et pour cause.

M. Christian Paul. Aucun !

M. Maxime Gremetz. L’apprenti a un statut, il a choisi sa formation, il reçoit une rémunération, il sait où il va : il passe un CAP, un BEP, un bac pro ou un BTS. C’est clair. Mais un apprenti junior, c’est quoi ?

M. le président. Votre temps de parole est épuisé. Concluez, et rapidement !.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! Votre groupe a disposé, lui, de plusieurs heures de parole. Ne soyez pas hégémoniques, faites preuve d’un peu de largesse !

M. Alain Joyandet. Ça suffit !

M. François Rochebloine. Respectez le Parlement !

M. Maxime Gremetz. Monsieur Rochebloine, vous savez bien que nous sommes d’accord sur la question de l’apprentissage. C’est affreux de proposer d’être apprenti avant quinze ans. Normalement, jusqu’à quinze ans, on a un statut scolaire. Le Gouvernement ne tient même pas compte du besoin d’avoir un tronc commun de connaissances générales bien plus important qu’auparavant. Ce n'est pas vrai ?

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous demande instamment de conclure.

M. Christian Paul. Sinon, il va rater son train !

M. Maxime Gremetz. Il n’y a que ça qui peut me faire arrêter.

M. le président. Le président aussi ! Je vous retire la parole et je vous invite à quitter la tribune.

M. Maxime Gremetz. C’est une façon de faire, mais je peux parler sans micro...

M. le président. La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures onze.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Maxime Gremetz. Déjà ? Je vais remonter à la tribune…

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour quinze minutes.

M. Maxime Gremetz. Il est contre aussi !

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, messieurs les ministres, parce qu'il se veut une réponse forte à la crise de nos quartiers, nous aurions pu penser que le projet de loi dont nous abordons la discussion serait riche de sens. II aurait pu avoir pour ambition de redonner une vitalité nouvelle et un sens concret aux valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui fondent notre République. En réalité, il n'atteint pas cet objectif, et même porté avec talent, conviction et émotion par M. le ministre délégué à l'égalité des chances, ce texte donne l'impression d'être très en dessous de ce que nous aurions pu espérer.

Évidemment, mes remarques préalables porteront d'abord sur la forme que prend, depuis une semaine, l'examen de ce texte par notre assemblée. S'il était encore besoin, en effet, de démontrer le peu de considération dans lequel le Gouvernement, comme la plupart de ceux qui l'ont précédé d'ailleurs, tient le Parlement, voilà qui est fait, et de la manière la plus éclatante. Ordre du jour bouleversé, auditions des ministres biaisées par le déroulement d'autres débats, précipitation, auditions des partenaires sociaux et associations sacrifiées sur l'autel de l'urgence... nous avons eu droit à un véritable florilège d'improvisations et de justifications mal assurées parce que bien mal assumées.

Avancer de quinze jours l'examen d'un projet de loi qui se voulait aussi symbolique que celui-ci, en prenant de court les associations, les partenaires sociaux, et finalement les parlementaires, bref tous ceux qui, à un titre ou à un autre, peuvent légitimement espérer y apporter leur contribution, cela revient tout simplement à court-circuiter le débat parlementaire.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Francis Vercamer. Avouez qu'invoquer l'urgence de la situation née de la crise des banlieues, c'est un peu se placer dans le rôle du petit garçon qui invoque la faim quand il est pris la main dans le pot de confitures ! Encore cette image est-elle sympathique, alors que l'attitude du Gouvernement est symptomatique d'un régime qui tient le Parlement pour négligeable, et son avis pour dérisoire.

M. François Rochebloine. Hélas !

M. Francis Vercamer. Après les ordonnances, c'est un nouveau mauvais coup qui est porté par ce gouvernement au débat démocratique.

C'est aussi un signe de mauvaise santé de notre démocratie sociale. Une fois de plus en effet, « l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail », pris lors de la réforme du dialogue social par le ministre des affaires sociales de l’époque, François Fillon, n'a pas été respecté.

M. François Rochebloine. Eh non !

M. Francis Vercamer. L'objet de ce texte, l'égalité des chances, méritait mieux. Mieux qu'un débat tronqué. Mieux qu'un texte pollué par une mesure plus polémique que pragmatique, et massivement rejetée par les partenaires sociaux : le contrat première embauche.

Le contrat première embauche inquiète. Il inquiète tous ceux qui, comme nous, sont convaincus que la précarité n'est pas la voie obligée pour décrocher un emploi.

Il fait peur aux jeunes, qui vivent déjà des situations d'entrée de carrière fortement marquées par l'instabilité et la succession de contrats de courte durée.

II inquiète aussi et surtout parce qu'il est bâti sur le modèle du contrat nouvelles embauches qui, lui-même, en dépit de discours officiels rassurants bien compréhensibles, n'a pas encore convaincu de son efficacité.

Une enquête récente, que Maxime Gremetz a évoquée, montre en effet que plus de 70 % des embauches réalisées en contrat nouvelles embauches l’auraient été sans ce dispositif et que 40 % de celles-ci l'auraient été en CDI, tandis que 28 % l'auraient été en CDD. L'effet de substitution est donc clair, tandis que la croissance qu'on nous annonce plus forte que prévue ne se traduit pas par une augmentation significative de l'emploi salarié.

Ajoutons que 48 % des employeurs ayant embauché en contrat nouvelles embauches déclarent évidemment ignorer à ce jour s'ils garderont la personne embauchée : il nous paraît donc difficile de conclure à la stabilité de la relation de travail créée par ce nouveau contrat.

A cette précarité de la relation de travail pourrait bien s'ajouter d'ailleurs le péril de l'incertitude juridique pour les entreprises. En effet, s'il simplifie la rupture du contrat, au point d'offrir une période d'essai de deux ans, il n'en reste pas moins vrai que le contrat nouvelles embauches soulève bien des interrogations juridiques que ne manquera pas de compléter la jurisprudence.

Il en est ainsi des possibilités d'enchaînement de CDD et de CNE, des risques de recours devant les tribunaux internationaux ou nationaux pour abus de droit, afin d'obtenir la justification du motif de rupture du contrat de travail dans les deux ans de procédure simplifiée, enfin des risques de requalification de CNE en CDI en cas de constat de rupture abusive. Croyez-en le conseiller prud'homal que j'ai été pendant dix ans : les entreprises qui se seraient précipitées dans l'eldorado des procédures simplifiées du CNE se préparent des réveils contentieux difficiles, qui porteront un coup fatal à ce nouveau contrat.

J'ajoute qu'en modifiant à intervalles réguliers la réglementation du travail et en créant une succession de contrats spécifiques, le Gouvernement ne sécurise pas davantage l'environnement juridique de l'entreprise, ce qui ne facilite pas la création d'emplois. A la précarité des salariés, le CNE et le CPE ajoutent donc l'incertitude pour les entreprises. Décidément, à tout point de vue, nous sommes loin de la sécurité annoncée !

C'est pourquoi, le groupe UDF ne votera évidemment pas les dispositions instaurant le contrat première embauche.

La question essentielle aujourd'hui, dans le domaine de l'emploi des jeunes, est bien davantage centrée sur l'inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi. Bien des entreprises sont actuellement dans l'impossibilité de recruter, parce qu'elles ne trouvent ni les qualifications ni les compétences dont elles ont besoin. C'est sur cette problématique qu'il nous faut nous concentrer, pour mieux cerner, au niveau des bassins d'emploi, les besoins des employeurs et les métiers en tension, pour inciter à la mobilité, pour revaloriser les filières professionnelles qui demeurent peu attractives.

Le contrat première embauche nous est présenté comme un outil visant à l'égalité des chances. Mais un tel dispositif ne constitue pas une réponse au phénomène des discriminations à l'embauche, étrangement délaissé par votre texte, alors que près de 50 % des réclamations enregistrées par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité sur les six derniers mois concernent ces comportements.

Certes, vous renforcez le pouvoir de la HALDE en matière de sanctions. Mais si la sanction est utile, elle n'est en soi pas nouvelle, puisque les comportements discriminatoires peuvent déjà être sanctionnés au plan pénal. Surtout, elle ne peut être la seule voie qui permette de promouvoir le respect de l'autre, de sa différence, et le respect de l'égalité des chances.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Francis Vercamer. Ce sont les mentalités qu'il nous faut faire évoluer, et en ce domaine le chemin est long et difficile.

C’est la raison pour laquelle il nous revient de prendre dès maintenant les orientations et mesures nécessaires pour lutter contre les discriminations, qu'il s'agisse des discriminations au logement, à l'emploi ou à l'embauche. Ces dernières minent littéralement notre pacte républicain. Elles vident de sens toutes les belles déclarations, quand les enfants de nos quartiers difficiles qui font le choix de la réussite scolaire et des diplômes se rendent compte, une fois leur diplôme en poche, que l'embauche dépend de facteurs qui n'ont rien à voir avec leur formation et leurs compétences, mais bien plutôt avec leur nom, leur adresse, le quartier où ils vivent et, disons-le franchement, la couleur de leur peau.

Nous ne pouvons pas accepter plus longtemps de tels comportements. La création de la HALDE est une bonne mesure. Il serait temps que, contre l'avis même du Gouvernement, le groupe UMP cesse, à chaque loi de finances, de tenter de la priver de son budget ! Il serait souhaitable également que la HALDE puisse engager enfin les contrôles sur place qui font partie de ses missions, et qu'elle tarde malheureusement à mettre en œuvre.

Au-delà, il nous faut faire évoluer les comportements en matière de recrutement : le groupe UDF présentera des amendements en ce sens.

De même, alors que le FASILD est absorbé par la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, il est primordial que ce projet de loi affirme plus nettement le rôle de cette instance en matière de prévention et de lutte contre les discriminations. En ce domaine également, nous avancerons des propositions.

Au passage, je veux me faire l'écho de celles et ceux qui, au sein du FASILD, vivent actuellement la réforme que vous proposez comme une véritable négation de leur savoir-faire et de leur engagement en faveur de la lutte contre les discriminations.

Mmes Martine David et Danièle Hoffman-Rispal. Tout à fait, il nous l’ont dit !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je le sais, je les ai reçus.

Mme Martine David. Nous aussi !

M. Francis Vercamer. Pour ce que je connais de cet organisme, en particulier dans le Nord–Pas-de-Calais, l'engagement de ses agents ne peut qu'être salué. Nous serons attachés à ce qu'au-delà de ses missions, vous nous garantissiez que l'expérience des agents du FASILD dans la prévention des discriminations sera toujours employée dans ce but.

M. François Rochebloine. Il existe une nouvelle directive qui est très bonne.

M. Francis Vercamer. La création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances intervient au cœur d'un texte où les mesures disparates foisonnent, quitte à le transformer en fourre-tout. Entre des outils ou dispositifs nouveaux – apprentissage junior, contrat de responsabilité parentale, service civil volontaire – s'intercalent des mesures visant à renforcer ceux qui existent déjà : zones franches, HALDE, pouvoir des maires.

Certains seront utiles, d'autres laissent sceptiques. Ainsi, on peut s'interroger sur la présence des dispositions concernant le pouvoir des maires en matière d'incivilités : on aurait pu s'attendre à les trouver dans le texte annoncé sur la prévention de la délinquance. Faut il y voir le résultat d'une lutte d'influence entre ministères ?

De même, on aurait pu concevoir le contrat de responsabilité parentale dans un texte prenant plus globalement en compte la situation des familles. Notre pays compte un million d'enfants pauvres, le plus souvent issus de familles monoparentales, mais également de familles nombreuses – ce qu'on oublie trop souvent. La vraie question qui nous est posée est celle de l'accompagnement social de ces familles, question à laquelle le Gouvernement ne nous semble pas apporter de réponse dans le cadre de sa politique familiale.

Par ailleurs, nous n'avons pas d'a priori négatif sur l'apprentissage junior, pourvu qu'il soit strictement encadré, de manière à offrir aux élèves apprentis une continuité d'acquisition des savoirs fondamentaux ainsi que la possibilité de réintégrer dans les meilleures conditions, le cas échéant, la filière d'enseignement général.

Mme Martine David. Ce n’est pas prévu comme ça !

M. Francis Vercamer. Pour autant, est-ce au seul apprentissage junior de répondre à la question, tellement large, de l'échec scolaire ? Ne risque-t-on pas en outre de faire de l'apprentissage une filière de formation pour élèves en échec scolaire, alors qu'il devrait être une filière d'excellence pour l'enseignement à dominante technique ?

L'éducation nationale, d'une manière générale, est l'acteur déterminant de l'égalité des chances. C'est elle qui permet, dès le plus jeune âge, l'ouverture aux autres, la découverte de la différence et d'autres cultures. C'est elle qui permet de mesurer l'apport essentiel de ces cultures à la nôtre.

L'enseignement de notre histoire et de notre littérature, loin d'enfermer les plus jeunes dans des jugements de valeur sur notre passé, doit permettre aux citoyens de demain de prendre conscience et de s'enrichir pleinement de la diversité de notre culture, qui est le reflet de la diversité de notre société. Peut-être tout cela se traduit-il difficilement dans un projet de loi. Toujours est-il que nous ne sentons pas le Gouvernement faire de cet aspect un axe de travail.

De la même manière, la création de l'Agence nationale de cohésion sociale nous amène à nous interroger sur son impact sur l'organisation administrative de la politique de la ville. Qui fera quoi demain ? Qui sera l'interlocuteur des maires et des associations ? Avec quels objectifs et quelles priorités opérationnelles ?

La crise des quartiers de l'automne dernier nous a amenés à nous interroger sur la politique de la ville, ses principes, ses modalités d'intervention et les financements qui lui sont consacrés. Ces interrogations sont venues en écho aux réflexions que nous avions pu avoir, en avril dernier, à l'occasion des assises nationales de la politique de la ville, sur les inflexions à donner à cette dernière. Et nous aurions pu attendre de ce projet de loi qu'il traduise les orientations esquissées alors.

On se souvient que le budget 2006 de la politique de la ville a fait l'objet, avant son examen, d'un correctif de 124 millions d'euros supplémentaires en faveur des associations qui agissent dans le cadre de la politique de la ville, au cœur des quartiers où vivent nos concitoyens en difficulté.

M. Daniel Paul. C’était un tour de passe-passe !

M. Francis Vercamer. J'étais encore avant-hier avec un collectif de cinquante associations roubaisiennes, partenaires de la politique de la ville, et je peux vous assurer que leurs craintes quant au financement de leurs actions ne sont pas levées. Qui peut pourtant nier que les associations de quartier sont des acteurs à part entière de l'égalité des chances ? Sur les garanties de financement du monde associatif et l'acheminement des subventions, nous attendons donc également de vous un point d'étape précis.

Notre sentiment général est que cette boîte à outils n'est pas réellement à la hauteur de l'enjeu. Cet enjeu, quel est-il ? Permettre à chacun, quelle que soit son histoire, son origine, son quartier, d'une part de s'assurer un avenir grâce à un emploi et un logement, d'autre part de se sentir pleinement membre de la communauté nationale, de se vivre citoyen à part entière, et non pas citoyen entièrement à part.

M. le président. Veuillez conclure, s’il vous plaît.

M. François Rochebloine. Il lui reste de la marge par rapport à Maxime Gremetz !

M. Francis Vercamer. J’ai presque terminé, monsieur le président.

Il s'agit de faire en sorte que chacun, quelle que soit sa situation, ait la conviction qu'il peut faire, dans ce pays, quelque chose de sa vie.

Ce projet de loi doit contribuer à faire évoluer les mentalités, à changer les comportements, même s'il ne peut y suffire.

Il nous faut apporter des réponses concrètes à la détresse sociale que vivent les habitants de nos quartiers urbains difficiles, restés trop longtemps loin des yeux des téléspectateurs du journal télévisé de 20 heures, et donc loin du débat politique. La crise des banlieues aura au moins, de ce point de vue, servi de révélateur.

Il appartient aux politiques d'apporter des réponses fortes. Nous souhaitons que ce texte en soit l'occasion. Nous avons pu constater à l'automne dernier qu’une société ne peut durablement avancer dans l'ignorance d'une partie d'elle-même, dans l'indifférence à l'égard de ceux de ses membres qui souffrent le plus. Certains pensent que notre modèle républicain est en crise. Je suis convaincu que notre République souffre d'abord et avant tout des promesses de liberté, d'égalité et de fraternité qui tardent à se concrétiser. Notre modèle doit passer le cap des mots pour devenir une réalité : c'est tout l'enjeu de ce projet de loi.

Pour le moment, le groupe UDF subordonne l'orientation de son vote à la prise en compte de ses propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Madame et messieurs les ministres, revenons, si vous le voulez bien, trois mois en arrière. Qui pouvait imaginer pendant la crise des banlieues, avec son cortège de souffrances sociales, de violences sans espoir, de repères durablement perdus, que cette crise allait vous conduire à remettre en cause la scolarité des jeunes Français jusqu'à seize ans ? Qui peut raisonnablement concevoir que l'on invoque la promesse d'égalité républicaine pour habiller un tel renoncement devant l'échec scolaire, un renoncement qui, par les choix que vous mettez en avant, s'apparente à une capitulation de notre République ?

Dans ce projet de loi, intitulé abusivement de « l’égalité des chances », il y a des mesures insuffisantes et des voies inacceptables.

L’insuffisance, je la vois d’abord dans un combat bien tiède, trop tiède, contre les discriminations de toute nature. Si je peux parfois partager vos diagnostics, monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, je comprends mal que vous cautionniez une aussi faible ambition dans la lutte contre les discriminations.

L’inacceptable réside dans deux erreurs gravissimes que vous voulez faire partager au Parlement, et là, tout va à la précarité, rien ne va à l’égalité.

D’abord, le contrat première embauche transformera beaucoup d’emplois durables en emplois précaires, mais hélas pas beaucoup de contrats précaires en contrats durables !

M. Pierre Cardo. Il vaut mieux un contrat que pas de contrat du tout, non ?

M. Christian Paul. D’autres parlementaires socialistes diront en détail le préjudice que ce contrat produira pour toute une génération de jeunes Français dès lors qu’il remplacera le contrat à durée indéterminée.

M. Pierre Cardo. Et s’il remplaçait le chômage ?

M. Christian Paul. Selon une étude du CEREQ, 71 % des jeunes Français sortis du système éducatif en 2001 sont aujourd’hui en contrat à durée indéterminée. Combien seront-ils deux ans après le vote de votre loi, lorsque le contrat première embauche aura systématiquement remplacé le contrat à durée indéterminée ?

Ensuite, la seconde erreur gravissime est l’apprentissage à partir de quatorze ans. Je le disais hier encore en interpellant M. le Premier ministre : apprendre un métier, c’est noble. Apprendre un métier par l’apprentissage, c’est très bien. Vous ne réussirez pas, monsieur le ministre délégué à l’emploi – M. Borloo a essayé en vain hier –, à faire croire que les socialistes sont hostiles à l’apprentissage. Dans les vingt-quatre régions dont nous avons la responsabilité, nous soutenons les enseignements par alternance, dans l’enseignement public comme dans les filières mises en place avec les branches professionnelles. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir d’un gouvernement qui, depuis quatre ans, assume le désengagement complet de l’État de la mise en œuvre de la politique d’apprentissage.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. Rodolphe Thomas. Et les contrats d’apprentissage ?

M. Christian Paul. Qui les finance ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Les régions !

M. Christian Paul. Ce sont en effet les collectivités régionales et les branches professionnelles, ce n’est plus l’État !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Deux cents millions de cotisations, ce n’est pourtant pas rien !

M. Christian Paul. Monsieur Hénart, vous avez contribué il y a peu à ce désengagement de l’État, je ne crains pas de le dire !

L’article 1er de cette loi appelle de notre part une opposition totale. Nous lui opposons non seulement une critique éducative, mais aussi une critique économique et une protestation démocratique.

La critique éducative s’applique avant tout à l’inspiration à contretemps et à contresens de ce texte, à la philosophie qui l’habite. Derrière le paravent commode, mais contestable de « l’égalité des chances », du moins telle que vous la concevez, vous renoncez devant l’échec scolaire qui frappe trop de jeunes Français au début du collège et parfois dès l’école primaire.

Bien sûr, l’échec scolaire, l’absence de qualification, la « sortie de route » existent dans le système scolaire français, et nous pourrions nous accorder au moins sur ce point. II y a ceux que le sociologue Stéphane Beaud appelait les « malgré nous » du système scolaire. Mais faut-il les marginaliser précocement ? Il y avait deux voies possibles. Votre choix est hélas clair.

La première voie, c’était la refondation de l’éducation prioritaire, le soutien massif aux filières techniques et technologiques. Or, votre gouvernement – nous sommes au regret de le constater –, jour après jour, renonce aux zones d’éducation prioritaire. Il dépouille l’enseignement technique par le biais d’une carte scolaire qui décapite des filières tout entières.

M. Rodolphe Thomas. Vous mélangez tout !

M. Pierre Cardo. Encore une interprétation erronée !

M. Christian Paul. L’autre voie, la vôtre, c’est celle de l’éviction, du délestage. Les réponses aux inégalités sociales, les remèdes aux inégalités scolaires sont recherchés non plus au sein de l’école, mais à l’extérieur.

L’apprentissage doit être revendiqué comme une voie de formation de bon niveau, à égalité de dignité, de fierté, de réussite avec les autres. En associant l’apprentissage à l’échec, on revient quelques décennies en arrière. Alors que nous avons voulu faire de l’enseignement par l’alternance une voie d’excellence, vous en faites une voie d’orientation de masse pour les jeunes en difficultés scolaires. Ce chemin sera parfois emprunté par des jeunes quittant à peine le CM2.

Vous savez pourtant que les dispositifs qui se rapprochent le plus de votre projet – les CPA et les CLIPA – sont, parfois à tort d’ailleurs, mal considérés. Ce n’est pas moi qui le dit, cela figure dans un rapport de M. Dutreil de 2003. Ils « souffrent d’une mauvaise image, associée à la perspective d’une réorientation précoce sans droit au retour possible. » Ce sera un aller sans retour, en dépit de vos discours sur le mythe du retour.

M. Pierre Cardo. Ce n’est pas avec l’image que vous donnez de cette filière que vous allez la valoriser !

M. Christian Paul. Éclatant paradoxe : ce sont aux élèves les plus en difficulté que vous demandez l’effort d’orientation le plus précoce. Vous allez amplifier et consolider le décrochage.

M. Pierre Cardo. Il vaut mieux ça que la rue !

M. Christian Paul. Vous nous dites que beaucoup de Français approuveraient cette voie vers l’apprentissage dès quatorze ans. Mais je vous le demande : pour qui ? Pour leurs enfants ou pour les enfants des autres ? Pour les vôtres ou pour ceux de familles qui tentent, parfois dans l’adversité du chômage, d’offrir un avenir à leurs enfants grâce à l’école de la République ?

M. Pierre Cardo. Elle est en difficulté, l’école de la République !

M. Christian Paul. Vous proposez au Parlement une mesure qui relève d’une vision archaïque, d’un faux bon sens dépassé, d’une conception de l’éducation d’avant-guerre.

D’une part, il y aurait là une hiérarchisation des dons entre des enfants plutôt manuels et d’autres plus intellectuels, comme si l’épanouissement des enfants ne réclamait pas que l’on sollicite enfin l’ensemble des savoirs et des savoir-faire.

M. Pierre Cardo. Et que faites-vous de l’opération « la main à la pâte » ?

M. Christian Paul. D’autre part, vous rompez brutalement avec l’ambition continue depuis cinquante ans d’élever le niveau de formation et de qualification des générations successives.

Oui, cette loi consacre la fin de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. L’apprentissage est un contrat de travail. Le retour au collège est illusoire.

M. Pierre Cardo. Et que fait-on quand les enfants sont dans les rues ?

M. Christian Paul. Et sur l’accompagnement scolaire, le Gouvernement reste muet, hélas ! Il y avait des modèles alternatifs pour fonder une réforme, pour respecter et valoriser les voies de formation dans leur diversité.

J’aurais voulu que nous puissions interpeller le ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien, pour évaluer la crédibilité de la proposition que vous faites, mais nous ne l’entendrons pas sur l’apprentissage à la façon de M. de Villepin. S’il avait daigné venir devant l’Assemblée nationale pour parler d’un texte qui, semble-t-il, concerne l’éducation nationale, je lui aurais posé quelques questions.

Qui seront les tuteurs des apprentis de quatorze et quinze ans ? Ce sont, au bas mot, plusieurs milliers de nouveaux enseignants qui seront nécessaires. Quand on observe sur le terrain les ravages de la carte scolaire sur les BEP, les bacs pro, les IUT, les BTS – je le constate tous les jours dans les lycées de la Nièvre et de la Bourgogne –, on mesure la réalité de l’effort de la nation, tel que vous l’avez voulu, pour l’éducation dans vos budgets successifs. Au fond, nous avons sous les yeux l’aveu d’une politique. Partout où l’on ferme à l’aveugle des filières techniques, c’est pour orienter vers l’apprentissage précoce.

Où sont les places en entreprise ? Quand on sait que les CFA peinent à trouver des places d’apprentissage en entreprise dans de nombreux bassins d’emplois. Avez-vous mesuré l’impact de cette loi et de l’objectif de 500 000 apprentis en 2009 ? A quel prix pour l’enseignement public ? Avez-vous connaissance des discriminations qui s’exercent aussi pour l’accès à l’apprentissage, ce qui vient miner un peu plus un dispositif qui était censé bâtir l’égalité des chances ?

Pour toutes ces raisons, je ne crains pas de dire que l’article 1er de ce projet de loi constitue une capitulation de notre République devant l’échec scolaire et devant le chômage des jeunes les moins qualifiés.

La critique économique n’est pas difficile. Notre économie a besoin de jeunes qualifiés. Avec le décrochage dès quatorze ans, nous sommes bien loin du socle de connaissances dont M. Fillon faisait, il y a deux ans à peine, le cœur de la politique scolaire dans sa loi d’orientation. L’exemple allemand le montre, les apprentis les moins formés sont ceux qui connaissent le plus vite et le plus longtemps le chômage. Apprenti à quatorze ans, CPE à seize ans, chômage à seize ans et demi, c’est le futur programmé de la génération CPE ! Voilà pourquoi ce texte provoque aujourd’hui une forte et sincère protestation démocratique.

M. Éric Raoult. Vous manipulez !

M. Christian Paul. Depuis quatre ans, vous avez tous les pouvoirs. Vous ne pouvez prétendre découvrir le chômage des jeunes non qualifiés dans la foulée des violences urbaines.

M. Pierre Cardo. Vous non plus ! C’est votre héritage !

M. Christian Paul. Le Gouvernement n’aura pas raison tout seul contre la jeunesse dont vous fermez le futur, contre les syndicats – je les ai entendus lors du dernier Conseil national de la formation professionnelle –, contre les régions chargée de la mise en œuvre de l’apprentissage. Elles ne sont pas hostiles à l’apprentissage. Elles en font tous les jours, mais pas ça et pas comme ça ! Et je vous renvoie, monsieur le ministre délégué à l’emploi, à la position qu’a prise l’Association des régions de France. Les présidents de région ont exprimé leur profond désaccord avec cette initiative. Ils se sont d’ailleurs étonnés de ne pas avoir été associés à la concertation alors que les régions ont, depuis les premières lois de décentralisation, la compétence de droit commun sur l’apprentissage, qu’elles le financent majoritairement et que vous avez même accentué ce transfert de l’État vers les régions.

Vous n’aurez pas raison non plus contre les entreprises, et cela au moins devrait vous attendrir ! L’UPA et des dizaines de milliers d’artisans sont défavorables à ce projet. Alors, si vous n’entendez pas la protestation des jeunes Français, entendez au moins les critiques du monde de l’entreprise !

M. le président. Monsieur Paul, il faut conclure.

M. Christian Paul. Je vais le faire, monsieur le président, mais c’est un sujet important !

Nous ne pouvons pas rester indifférents devant l’abandon historique de l’engagement de la France pour l’école. A nos yeux, la bataille républicaine pour l’égalité, c’est à l’école qu’elle doit se mener et se gagner. L’apprentissage ne doit pas devenir, dès quatorze ans, une formation au rabais. La jeunesse ne s’y trompe pas. Sa colère est grande. Vous ne l’apaiserez pas avec la froideur de vos chiffres et le cynisme de politiques sans lendemain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est un honneur pour moi de m’exprimer, au nom du groupe UMP, sur un texte aussi essentiel que celui qui nous réunit aujourd’hui. Je veux saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Laurent Hénart.

Contrairement à ce que je viens d’entendre, ce texte correspond à l’attente de nos concitoyens, et plus particulièrement des jeunes, qui traversent un période de profond désarroi. C’est l’expression politique de la dimension sociale de notre action, à laquelle nous sommes particulièrement attachés. De par le sujet qu’il traite et, surtout, de par les réponses concrètes et rapides qu’il apporte, il réussit la synthèse de ces deux préoccupations.

Ce texte est le prolongement logique et cohérent de l’action pour la cohésion sociale et pour la « bataille pour l’emploi » engagée par le Gouvernement depuis dix mois. Il fallait apporter des réponses et ouvrir des portes à ceux qui étaient dans la plus grande précarité. C’est ce qu’a fait la loi de cohésion sociale en mettant en place des contrats aidés innovants et adaptés au retour à l’emploi de celles et ceux qui, au quotidien, vivent l’exclusion et la précarité.

Il fallait également lever certains verrous à l’emploi en introduisant un peu de souplesse. C’est ce que le contrat nouvelles embauches a permis. Son succès en est une illustration flagrante : 280 000 contrats signés depuis août. Tous les dispositifs mis en place dans les vingt dernières années n’ont pas connu un tel succès !

Il fallait, enfin, favoriser le retour à l’emploi en adaptant le code du travail, comme l’a fait la loi de retour à l’emploi que nous avons votée ici.

M. Christian Paul. Vous êtes le comique de séance !

M. Alain Joyandet. Mes chers collègues de l’opposition, vous n’avez voté aucune de ces mesures mises en œuvre par le Gouvernement depuis dix mois. (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous vous opposez à tout, pourtant le chômage baisse grâce à notre action cohérente, qui conjugue traitement social et traitement économique des difficultés. Voilà le résultat !

M. Alain Vidalies. Combien y a-t-il eu de créations d’emplois ? Donnez-nous les chiffres !

M. Alain Joyandet. Nous entrons maintenant dans la phase II, celle qui concerne les jeunes. Vous semblez savoir par cœur ce qu’ils veulent, ce dont je ne suis pour ma part pas certain.

M. Christian Paul. Demandez à vos enfants !

M. Alain Joyandet. Ces jeunes, aujourd’hui, sont au chômage dans une proportion de 23 %, pour un chômage moyen de 10 %.

M. Christian Paul. Qu’avez-vous fait pendant quatre ans ?

M. Alain Joyandet. Ce n’était pas mieux quand vous étiez au gouvernement !

M. Christian Paul. Bien sûr que si, c’était mieux !

M. Alain Joyandet. Il faut donc trouver de nouvelles recettes.

Que nous ont dit les jeunes que nous avons rencontrés ? Trois choses. D’abord qu’ils voulaient pouvoir bénéficier d’une formation mieux adaptée, plus en cohérence avec le travail recherché ; ensuite, qu’ils souhaitaient obtenir plus facilement des stages en entreprise ; enfin, ils ont déploré leurs difficultés à trouver un premier emploi, même pourvus d’une formation, y compris qualifiante, puisqu’on exigeait d’eux une expérience qu’ils n’avaient pas.

Sur ces trois points, nous apportons aujourd’hui des réponses.

M. Christian Paul. Le projet de loi ne répond pas à ces préoccupations !

Mme Élisabeth Guigou. Il ne répond à rien !

M. Alain Joyandet. Au sujet de l’adéquation entre la formation et le monde du travail, nous avons proposé une politique ambitieuse à l’issue de nos réflexions.

M. Christian Paul. C’est de la sociologie !

Mme Élisabeth Guigou. Vous êtes à côté de la plaque !

M. Alain Joyandet. Or nous retrouvons dans le texte du Gouvernement des dispositions particulièrement intéressantes que nous allons évidemment soutenir.

Il faut en effet casser un certain nombre de blocages dans le système...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pour casser, vous cassez !...

M. Alain Joyandet. Oui, il faut, je le répète, casser un certain nombre de blocages ; c’est ainsi que nous parviendrons à une lisibilité à long terme, notamment en ce qui concerne la formation. Il s’agit, j’insiste, de mieux faire correspondre les formations et les attentes du monde du travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

C’est afin de mieux guider les jeunes dans leurs choix que nous devons nous inscrire dans une démarche complète : éducation nationale, formation, formation en entreprise, formation en alternance. C’est tout cela que le Gouvernement est en train de mettre en œuvre. Nous allons donc, à l’UMP, défendre pied à pied cette politique particulièrement bonne pour l’avenir de nos jeunes.

M. Alain Vidalies. Il s’agit sans doute des jeunes de l’UMP !

M. Alain Joyandet. Les nombreux jeunes que nous avons rencontrés ne nous ont pas tout à fait tenu les propos que les députés de l’opposition leur ont prêtés tout à l’heure.

M. Christian Paul. Alors, c’était à l’université des jeunes de l’UMP !

M. Alain Joyandet. Je pense notamment à la difficulté de trouver un premier emploi. Sur ce point, les députés du groupe UMP se félicitent de la réponse apportée par le texte du Gouvernement, conforme aux vœux exprimés par ces jeunes dont nous avions relayé les attentes, notamment lors de la convention sociale de l’UMP.

En effet, nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n’était. En matière d'emploi des jeunes, nombre de dispositifs ont été essayés, mais aucun, encore une fois, n'a vraiment obtenu les résultats escomptés.

M. Alain Vidalies. Et les emplois-jeunes ?

M. Alain Joyandet. Les allégements fiscaux sont certes efficaces mais pas suffisants, les emplois aidés dans le secteur non marchand sont, eux aussi, de bonnes solutions lorsqu'il s'agit d'accompagner des publics particulièrement fragiles, mais ils ne sont pas une réponse à la grande inquiétude de nos jeunes !

Franchement, les emplois-jeunes n’étaient rien d’autre qu’un CDD de cinq ans avec rien au bout, pas même l’indemnisation ASSEDIC puisque c’est nous qui avons dû la mettre en place.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il y avait des CDI parmi les emplois-jeunes !

M. Alain Joyandet. Vous n’êtes vraiment pas les mieux placés pour nous accuser d’instaurer la précarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. N’importe quoi !

Mme Élisabeth Guigou. Respectez l’Assemblée nationale, monsieur Joyandet, ne racontez pas n’importe quoi !

M. Alain Joyandet. En ce qui concerne ces emplois-jeunes dont vous parlez tant, je me souviens – j’étais alors dans les travées du Sénat – que nous avons mené une grande bataille pour que les 350 000 emplois jeunes prévus dans le secteur privé soient créés ; or ils ne l’ont jamais été ! Alors, si quelqu’un ici a installé la précarité pour les jeunes, c’est plutôt de ce côté de l’hémicycle qu’il faut le chercher ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Élisabeth Guigou. N’avez-vous pas honte ?

M. Alain Joyandet. Quant au contrat nouvelles embauches, que vous avez également beaucoup critiqué, voyez le succès qu’il remporte !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous n’avons aucune statistique !

M. Alain Joyandet. Vous voulez discuter des chiffres : pas moins de 280 000 de ces contrats sont signés, et le chômage baisse. Je parie qu’avec le contrat première embauche nous obtiendrons aussi un succès dont vous nierez qu’il est à l’origine de la baisse du chômage des jeunes. Mais je prends rendez-vous, parce que je sens et que je sais que cela va marcher.

M. Christian Paul. Nous serons présents à ce rendez-vous, Monsieur Joyandet !

M. Alain Joyandet. Grâce à ce contrat, les jeunes vont trouver un emploi, pouvoir se loger, acquérir une première expérience.

M. Christian Paul. Imposture !

Mme Élisabeth Guigou. Vous êtes mauvais !

M. Alain Joyandet. C’en est l’aboutissement logique.

La précarité dénoncée par ceux qui s’opposent au CPE, nos jeunes la vivent au quotidien, ce n’est donc pas nous qui l’instaurons ! Aujourd’hui, les jeunes enchaînent CDD après CDD, en passant par l’intérim et un peu de chômage. C’est bien en ce moment qu’existe la précarité.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et depuis quatre ans, qu’avez-vous fait ?

M. Alain Joyandet. Aussi, nous ne pouvons pas ne rien faire, et nous devons, députés de la majorité, autour du Gouvernement, nous honorer d’agir.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il était temps !

M. Alain Joyandet. Les députés de l’opposition défendent un système qui ne fonctionne pas, et dans le même temps nous exhortent à l’inaction.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Alain Joyandet. Si nous ne faisons rien, rien ne va changer ; or nous prenons, nous, nos responsabilités.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C’est clair !

M. Alain Joyandet. Mes chers collègues de l’opposition, votre chef de file, M. Ayrault, est venu nous dire hier que vous entamiez la bataille. Vous nous avez un peu déclaré la guerre... Mais contre quoi voulez-vous lancer la bataille, contre qui ?

Mme Élisabeth Guigou. C’est pourtant clair !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Contre la précarité !

M. Christian Paul. Contre une mauvaise politique !

M. Alain Joyandet. Pour notre part, nous n’allons nous battre contre personne. C’est en faveur des jeunes que nous allons lancer une bataille indispensable.

À ce titre, je tiens à exprimer aux représentants du Gouvernement et à M. le président de la commission des affaires sociales ma fierté de faire partie du groupe UMP

Mme Chantal Robin-Rodrigo. On verra ce que dit le mouvement ouvrier !

M. Christian Paul. Vous n’êtes pas exigeant !

M. Alain Joyandet. Je suis fier de faire partie de ceux qui, autour du Gouvernement, se préoccupent de la question du logement social et proposent des solutions concrètes afin de tenter de mettre fin à la ségrégation inadmissible vécue par un certain nombre de nos jeunes concitoyens. C’est avec des recettes nouvelles, et non avec celles du passé, que nous nous attachons à apporter notre pierre à l’édifice, pour améliorer la cohésion sociale en facilitant l’entrée des jeunes dans la vie active.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Bravo !

M. Alain Joyandet. Peut-être ne réussirons-nous pas, mais au moins aurons-nous essayé, au moins aurons-nous fait de notre mieux pour que cela marche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Christian Paul. Nous allons passer aux choses sérieuses !

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la compétition pour la présidence de la République engagée entre le président de l'UMP et le Premier ministre, il est au moins une règle commune : chacun « surfe » sur ses échecs.

Quand les agressions contre les personnes augmentent, quand la violence explose dans les banlieues, M. Sarkozy tire argument de cet échec pour aggraver l'arsenal répressif. Quand le chômage des jeunes augmente de quatre points depuis 2002, M. de Villepin s'appuie sur ce résultat calamiteux – celui de votre politique – pour justifier le démantèlement du code du travail.

Dans les deux cas, cette démarche s'appuie sur une communication envahissante qui s'apparente à de la propagande dès lors qu'elle tente systématiquement de tromper les Français sur les véritables intentions du Gouvernement. Ainsi, la diminution du nombre des demandeurs d'emploi alimente en permanence vos discours, on vient d’en avoir un nouvel exemple.

Je souhaite attirer votre attention, en tout cas celle des commentateurs – du moins ceux qui sont lucides – sur deux contradictions.

Tout d’abord, comment un Gouvernement qui annonce 5,2 % de chômeurs en moins pour l'année 2005 peut-il présenter, en même temps et pour la même période, une aggravation du déficit de l'assurance chômage ? C’est totalement contradictoire !

Mme Élisabeth Guigou. Très juste !

M. Alain Vidalies. Si la situation de l’emploi s’améliore, les comptes de l’UNEDIC devraient s’améliorer aussi. Or, tandis que le chômage est prétendument en train de baisser, on est obligé de négocier sur la base d’une aggravation des comptes de l’UNEDIC pour parvenir à un nouvel accord.

M. Christian Paul. L’orateur précédent devrait s’interroger à ce sujet !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il est parti !

M. Alain Vidalies. Je note une seconde contradiction : comment un pays qui annonce une diminution de 5,2 % du chômage en 2005 peut-il, en même temps, constater une augmentation de 5,2 % du nombre des RMistes ?

M. Christian Paul. M. Larcher n’a pas de réponse !

M. Alain Vidalies. Il s’agit exactement du même chiffre, pour la même période ! Cherchez l’erreur !

Ces deux contradictions suffisent à démontrer – et vous le savez parfaitement – que notre pays crée très peu d'emplois mais élimine beaucoup de chômeurs.

Et c’est évidemment cette contradiction que vous essayez de cacher aujourd’hui, d’autant qu’elle est le résultat d’une organisation très élaborée de votre part, puisque vous avez conduit quelques dizaines de milliers de demandeurs d’emploi potentiels, les bénéficiaires de l’ASS, vers le RMI. Vous tentez aujourd’hui de tirer le bénéfice de vos propres délits en la matière. Le projet de loi que nous examinons va dans ce sens.

On peut vous décerner un prix d’excellence en matière de communication !

M. Christian Paul. Et un bonnet d’âne pour l’emploi !

M. Alain Vidalies. En effet, au moment où nous débattons, beaucoup de Français croient de bonne foi que ce gouvernement a décidé de créer des emplois spécifiques pour les jeunes chômeurs, comme la gauche l'avait fait avec les emplois-jeunes. Vous avez réussi à le faire croire !

M. Christian Paul. Cela ne va pas durer !

M. Alain Vidalies. Beaucoup sont persuadés aujourd’hui qu'il s'agit de recrutements supplémentaires dans un cadre juridique spécifique. Or la vérité est que votre projet ne propose aucune création d'emplois mais, par contre, réserve à tous les jeunes, y compris ceux qui sont professionnellement parfaitement insérés, un seul avenir : la précarité jusqu'à vingt-six ans.

M. Christian Paul. Et aussi après !

M. Alain Vidalies. Votre démonstration repose sur deux affirmations que vous répétez à satiété : le CPE est mieux que rien et il se justifie par le délai de onze ans que mettent les jeunes, en moyenne, pour entrer dans la vie active après la sortie du système scolaire.

M. Éric Raoult. Cet argument est vrai !

M. Alain Vidalies. Argument répété par le Premier ministre et présenté comme une évidence.

Tous les députés, comme le Gouvernement et ses experts, disposent du rapport du Conseil économique et social du 6 juillet 2005 et, surtout, de l'étude du CEREQ, le Centre d'études et de recherche sur les qualifications, publiée en décembre 2004, qui analyse l'évolution de toute une génération, en l'espèce celle sortie du système scolaire en 2001. Il s’agit de la seule étude pertinente en la matière puisque, à échéance régulière, elle étudie le sort, trois ans après sa sortie du système scolaire, de toute une génération. Or que dit cette étude ? « Dans 36 % des cas, le premier emploi occupé par les jeunes de la génération 2001 est à durée indéterminée contre 32 % pour la génération 98. »

Cette proportion, par contre, varie très fortement selon le niveau de formation. En effet, elle est de 50 % pour les jeunes diplômés de l'université et de 76 % pour ceux issus d'une école d'ingénieur.

Sur cette génération 2001, qui représente 762 000 jeunes, 5 % n’ont jamais travaillé au cours trois premières années de leur vie active, mais il s’agit là d’une moyenne : cette proportion varie de 14 % pour ceux qui n’ont aucun diplôme à 2 % pour les titulaires d’un bac plus deux au minimum.

En novembre 2003, dans autre étude consacrée aux 60 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification – et sur lesquels nous devrions porter en priorité notre attention –, le CEREQ observe que, un an après avoir arrêté leurs études, 42 % sont au chômage, contre 26 % pour les jeunes ayant atteint le niveau V, équivalent à un BEP ou à un CAP.

Vous ne pouvez donc pas bouleverser le code du travail en affirmant que, pour tous les jeunes, ce délai de onze ans est une réalité, monsieur le ministre : ce n’est même pas une moyenne ! Vous le savez fort bien, au demeurant, puisque l’exposé sommaire de l’amendement que vous avez déposé est beaucoup plus nuancé que l’expression abrupte choisie pour répondre aux questions d’actualité et reprise par le Premier ministre à la télévision. Ce chiffre ne correspond à aucune réalité : il est extrait d’une étude de la DARES sur la durée moyenne pour qu’une « cohorte » – tel est le terme employé dans les statistiques – correspondant à une génération arrive au même niveau d’intégration que la moyenne des autres générations.

Mme Élisabeth Guigou. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Il reflète donc la situation de ceux qui sont le plus en difficulté. Il est inadmissible de se fonder sur ce raisonnement scientifiquement contestable et très particulier pour imposer à l’ensemble des jeunes une telle organisation de la précarité !

M. Christian Paul. Excellente objection !

M. Alain Vidalies. Cette référence aux onze ans, qui est, je le répète, très critiquée sur le plan scientifique, n’a ici aucun sens. Elle vous égare dans les solutions à retenir, ou, plus probablement, elle vous sert de prétexte.

Pourquoi instaurer la précarité obligatoire pour des jeunes qui, fort heureusement, s’insèrent sans difficultés majeures dans la vie professionnelle ? Pourquoi ignorer à ce point le succès des emplois-jeunes, qui ont conduit dans 80 % des cas à une insertion professionnelle ?

La réponse doit être ciblée et graduée en fonction du niveau de formation. Oui, l’alternance est une solution, mais à condition qu’elle vise les jeunes les plus en difficulté et qu’elle soit organisée dans un cadre sécurisé. C’est le sens de notre proposition.

Quant au slogan : « Le CPE, c’est mieux que rien », quelle trouvaille !

M. Lionnel Luca. Ce n’est pas un slogan !

M. Alain Vidalies. Il pourrait servir à justifier bien d’autres choses : la diminution du SMIC ou des congés payés, par exemple ! Par définition, même s’il ne reste qu’un peu, c’est toujours mieux que rien. Mais le CPE n’est pas mieux que rien : il est pire que tout !

M. Éric Raoult. Comme le socialisme !

M. Alain Vidalies. Pire, notamment, qu’un contrat à durée déterminée, qui interdit tout licenciement, sauf circonstances exceptionnelles ou graves. Un CDD de six mois, c’est l’assurance de travailler pendant six mois. Un CPE, c’est la crainte, chaque jour, d’être licencié sans motif. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le droit du licenciement que votre projet prévoit pour le CPE revient à la rédaction des années 1890 ou 1928. Il remet en cause la rédaction équilibrée de la loi de 1973.

Être licencié sans explications, sans entretien préalable, par une simple lettre de rupture du contrat : voilà l’avenir que vous dessinez aux jeunes Français !

M. Christian Paul. Ce que vous voulez supprimer, c’est le code du travail, monsieur le ministre !

M. Alain Vidalies. On a trop peu souligné que l’absence de motivations dans la lettre de licenciement va jeter la suspicion lors de la présentation d’un curriculum vitae à un futur employeur potentiel. Comment connaître, en effet, les raisons pour lesquelles on n’a pas continué à travailler dans telle entreprise ?

M. Denis Jacquat. C’était la même chose pour les emplois-jeunes !

M. Alain Vidalies. C’est bien une suspicion généralisée qui va peser sur l’ensemble des jeunes.

Comment justifier ce choix ? Les arguments utilisés successivement depuis quelques mois sont contradictoires.

En août 2005, le CNE est justifié comme une exception nécessaire pour vaincre les réticences à l’embauche des entreprises de moins de vingt salariés. Aujourd’hui, le même dispositif – ou son frère jumeau – serait utilisable dans toutes les entreprises, y compris celles qui comptent plusieurs milliers de salariés. Allez donc y comprendre quelque chose !

La suite est toute tracée : ce sera la généralisation de cette période d’essai de deux ans à tous les contrats de travail.

Mais ce choix délibéré de s’attaquer au code du travail ne s’arrête pas au CPE. À cet égard, la conférence de presse du Premier ministre et le document distribué à cette occasion méritent une attention particulière, car ils feront date dans l’histoire de notre droit social.

Alors que le recours à l’intérim était jusqu’à présent réservé à certaines situations, notamment l’absence d’un salarié ou le surcroît temporaire d’activité, le Gouvernement prévoit de légaliser son extension au seul motif « de l’amélioration des revenus d’un salarié », et cela même si celui-ci est déjà titulaire d’un contrat de travail à temps plein dans une autre entreprise. En d’autres termes, on pourra recourir à l’intérim dans le seul but d’améliorer ses revenus !

Aussitôt dit, aussitôt fait : une première modification en ce sens a été votée trois jours après au Sénat, lors de la deuxième lecture du projet relatif à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. En clair, aucun contrôle sur le recours à l’intérim ne sera plus possible, et cette modification majeure du code du travail est intervenue sans que l’Assemblée nationale ni les partenaires sociaux en soient saisis.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Incroyable !

M. Alain Vidalies. C’est une atteinte à la démocratie et à la représentation nationale absolument scandaleuse, dont nous allons d’ailleurs saisir le Conseil constitutionnel.

Le même jour, le Premier ministre fait des annonces sur la baisse des cotisations sociales et sur les heures supplémentaires. Il envisage que celles-ci puissent être moins rémunérées que les heures normalement travaillées. Vraiment, cela mérite explication, car c’est encourager à donner du travail à ceux qui en ont déjà, et non à ceux qui recherchent un emploi. Les chômeurs apprécieront !

Plus étrange encore est l’idée, figurant dans le document distribué à la presse, d’exclure de l’application de la loi pénale les délits de prêt illicite de main-d’œuvre et de marchandage, afin de favoriser le prêt de personnel entre entreprises. Ce qui constitue aujourd’hui un délit deviendrait possible : demain, on pourra prêter des personnels comme on prête des machines ou des tracteurs. Décidément, le progrès social est en marche !

C’est toujours au nom de l’emploi que la droite s’attaque au code du travail. Hier, M. Gattaz s’engageait à créer 350 000 emplois contre la suppression du contrôle sur les licenciements économiques. Je n’aurai pas la cruauté de vous raconter la suite de l’histoire !

M. Jacques Desallangre. Ces emplois, on n’en a jamais vu la couleur !

M. Alain Vidalies. Aujourd’hui, vous vous engagez sur un chemin dangereux, à la recherche d’un modèle qui n’est pas le nôtre. La précarité généralisée est un vrai choix de société. En remettant ainsi en cause notre contrat social, vous fixez vous-mêmes un des enjeux majeurs des consultations électorales de 2007. Les socialistes seront présents pour défendre une autre conception du vivre-ensemble, une autre vision de la place et du rôle de l’entreprise.

La précarité généralisée que vous nous proposez est au mieux un renoncement, au pire une provocation. Dans tous les cas, elle est tout simplement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi pour l’égalité des chances s’inscrit parfaitement dans le cadre du plan de cohésion sociale que nous appliquons actuellement. Ce texte complète les actions déjà engagées dans le cadre du chantier de la rénovation urbaine et du plan d’urgence pour l’emploi, à l’instar des mesures annoncées en matière d’éducation, telle la nécessaire réforme des ZEP. Je souscris entièrement à l’intention du Gouvernement de « mettre fin aux situations d’inégalités des chances et aux discriminations dont sont victimes les populations des quartiers sensibles, particulièrement les jeunes, renforcer la cohésion sociale et préserver notre pacte républicain ».

L’un des cinq objectifs de ce texte est de favoriser l’emploi des jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles ou connaissant des difficultés d’insertion sociale et professionnelle. Cet objectif est fondamental.

La création de la formation d’apprenti junior est à cet égard une réponse excellente dans la panoplie des mesures à proposer pour faire diminuer le chômage des jeunes, dont nous ne devons pas oublier qu’il n’est jamais tombé en dessous de 16 %, même en période de croissance, même en période de baisse générale du chômage. Le dispositif proposé permet de concilier le principe de l’obligation scolaire jusqu’à seize ans, et donc la poursuite de l’acquisition du socle fondamental des connaissances, et la possibilité, pour les jeunes qui ne souhaitent pas continuer des études générales, de s’ouvrir à des métiers et, le cas échéant, d’en apprendre un.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Absolument !

M. Denis Jacquat. « Scandaleux et consternant », « lamentable » : tels sont les termes utilisés par certains syndicats d’enseignants pour qualifier cette mesure phare. En tant qu’élu d’Alsace-Moselle, j’avoue être très choqué par ces déclarations : nos trois départements ont pratiqué il n’y a pas longtemps le préapprentissage à quatorze ans, et je peux vous dire que c’était un système qui fonctionnait bien, et même très bien. Il reposait sur l’organisation scolaire de l’époque, dont l’obligation naturelle et essentielle était l’acquisition des fondamentaux, et il s’adressait à l’ensemble des jeunes : le dispositif présenté aujourd’hui, adapté à notre jeunesse, procède du même esprit.

Pourquoi refuser un système qui a fait ses preuves ? Il est vrai que ses détracteurs ont longtemps rejeté la faillite civile, qui était également une spécificité de l’Alsace-Moselle, au profit du surendettement. Aujourd’hui, grâce à la volonté de Jean-Louis Borloo et de son équipe du pôle de cohésion sociale, le principe de la faillite civile a été adopté au niveau national, et personne ne le regrette.

M. Alain Vidalies. Comparaison n’est pas raison !

M. Denis Jacquat. La création du contrat première embauche est une autre mesure phare destinée à favoriser l’emploi des jeunes. Justifiée par le succès qu’a remporté le contrat nouvelles embauches, elle permettra à un jeune d’être embauché directement en contrat à durée indéterminée, avec une période de consolidation dans l’emploi de deux ans. L’important aujourd'hui est de pouvoir proposer quelque chose aux jeunes. Quelque chose plutôt que rien : c’est cela qui compte et qui leur fait reprendre espoir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Quel espoir ?

M. Denis Jacquat. Actuellement, 70 % des recrutements se font sous contrat à durée déterminée, dont la moitié pour une période de moins d’un mois. Le CPE va permettre à de jeunes chômeurs de trouver un emploi.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pour un jour ?

M. Denis Jacquat. Peut-on penser qu’un patron de PME, après avoir recruté un contrat première embauche et l’avoir formé, ne gardera pas le jeune concerné au bout des deux ans ?

M. Jean-Paul Bacquet. Bien sûr !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Notez que le projet ne comporte rien sur la formation !

M. Denis Jacquat. Si c’est pour le rejeter, quel intérêt en retirera l’entreprise ? Il lui faudrait alors le remplacer et former le nouvel embauché. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Bacquet. Vous ne faites que généraliser la précarité !

M. Denis Jacquat. Mes chers collègues de l’opposition, chez les patrons comme chez les salariés, il y a les bons et les mauvais. Ne considérez pas que tous les patrons sont forcément mauvais ! La stabilité du personnel est une composante très importante dans la réussite d’une entreprise.

Le CPE sera un nouveau marchepied vers l’emploi. C’est en multipliant de telles mesures que nous redonnerons petit à petit espoir aux jeunes de notre pays. S’il existait une méthode miracle, elle serait connue. À défaut, il convient d’être imaginatif. L’emploi, en particulier celui des jeunes, est un des facteurs essentiels de la réussite des programmes de rénovation urbaine. Ce projet de loi s’intègre parfaitement dans le volet social de ces programmes : nous avons traité l’urbain, nous traitons l’humain.

Une politique volontaire et globale ne peut qu’être efficace. Madame, messieurs les ministres, continuez : nous sommes sur la bonne voie. Des lueurs d’espoir apparaissent au bout de ce tunnel qu’est le chômage des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, « égalité des chances », cohésion sociale », « contrat d'avenir », « dialogue social » : il ne suffit pas d'affubler de noms poétiques les lois de la République pour que ces expressions doucereuses et sucrées fassent oublier le goût amer des potions administrées depuis plus de trois ans. L’ISF fond comme la banquise sous l’effet du réchauffement planétaire, l'obligation faite aux communes de construire des logements sociaux est réduite, tandis que de plus en plus de richesses s’étalent sans complexe. Les gros actionnaires font bombance – 126 milliards d'euros de dividendes versés en 2004, contre 49 milliards en 1994 – pendant que les salariés se serrent de plus en plus la ceinture et que les chômeurs se voient proposer un contrat de travail indéfiniment précaire.

La crise des quartiers de novembre dernier a fait éclater au grand jour l'échec de vos politiques, mais elle vous sert de prétexte pour aggraver la casse sociale généralisée. Par touches successives, vous videz de nombreux dispositifs de leur contenu. La façade du bâtiment reste, mais l'intérieur est totalement démoli et on se retrouve avec un décor social en carton-pâte !

Dans un premier temps, vous n'avez juré que par les contrats du secteur marchand et dénigré tout ce qui relevait de l’emploi public ou associatif. Vous avez détruit les emplois-jeunes, supprimé des emplois aidés, réduit les subventions aux associations, sans vous préoccuper des conséquences sur l'emploi. Mais la réalité vous a vite rattrapés : il ne suffisait pas de proclamer le secteur privé seule source de richesses et de créations d'emplois pour que cela fonctionne.

Dans un deuxième temps, vous êtes passés à la glorification des exonérations de cotisations patronales et des avantages fiscaux. À l'unisson du Medef, vous disiez que les entreprises supportaient trop de charges. Les 21 milliards d’exonérations pour 2006 et les diverses aides fiscales devaient enfin relancer l'emploi. De nouveau, la réalité a été plus forte que vos présupposés idéologiques.

Puis est venu, l’été dernier, le temps des « petites entreprises qui n'osent pas embaucher car elles ne peuvent pas facilement licencier ». Vous avez donc, par ordonnance et dans la précipitation, créé le CNE, avec beaucoup de tâtonnements pour éviter les foudres du Conseil Constitutionnel ou celles de l'Europe. Vous avez ainsi inventé un contrat de travail hybride, qui, sans être un CDI, comporte une période d'essai de deux ans, bien au-delà des « délais raisonnables » de quelques mois admis jusqu'à présent par la jurisprudence.

Pensant qu'il serait dommage d'en rester là, vous avez décidé, sans attendre le bilan – pourtant promis – du CNE, de continuer à passer en force. Mais si toutes vos mesures étaient aussi efficaces pour l'emploi que vous le prétendez, quel besoin auriez-vous d'inventer tous les six mois de nouveaux dispositifs ? Si le chiffre du chômage baisse, c'est tout simplement par effet de vases communicants : d'un côté, moins 120 000 chômeurs, de l’autre, des radiations, des contrats aidés, et surtout l’explosion du RMI, avec 120 000 bénéficiaires en plus.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

Mme Martine Billard. Tout cela est renforcé par le retournement en 2005 de la démographie de la population active. D’après les statistiques qui figurent sur le site de votre ministère, monsieur le ministre, la création d'emplois stagne. Et, selon l’INSEE, il n’y a eu que 42 000 créations de postes en 2005.

Vous créez donc, pour les salariés de moins de vingt-six ans, un nouveau CIP, véritable « contrat d'incertitude et de précarité », repoussant à vingt-huit ans l'âge auquel les travailleurs pourront prétendre à un minimum de stabilité. Vous offrez ainsi à ceux qui arrivent jeunes sur le marché du travail une perspective de dix ans, voire douze ans de galère, contre sept ans aujourd’hui ! Car le fameux contrat CPE ne se limitera pas à la première embauche. Il concernera toutes les embauches successives de tous les jeunes de moins de vingt-six ans. Une partie des jeunes de moins de vingt-cinq ans n’arrivait pas à décrocher un CDI ? Vous combattez cette injustice en supprimant le CDI pour tout le monde ! Avec l’UMP, l’égalité des chances se transforme en égalité dans la malchance ! Quant à l’engagement sur le logement, dont on a beaucoup entendu parler, l’amendement du Gouvernement mentionne uniquement une obligation d’information. Et, déjà, le Premier ministre annonce, sans même essayer de faire semblant, que la prochaine étape sera le démantèlement définitif du CDI, semble-t-il dans les six mois à venir.

Sur le reste du projet de loi, outre les observations que je développerai au cours de la discussion des articles, je relèverai le flou qui entoure la création de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, qui déstabilise les structures existantes de lutte contre les discriminations et dont on ne connaît pas précisément le périmètre. Nous avons notamment quelques inquiétudes sur la politique de la ville et sur son instrument, la DIV.

M. Éric Raoult. Conservatrice !

Mme Martine Billard. Pour vous, bouger semble un objectif en soi. Vos incantations à la modernité sont particulièrement méprisantes pour nos compatriotes, notamment pour les jeunes qui sont dans la galère. Elles ne servent qu’une régression sociale et nous renvoient, en matière de droit du travail, au XIXe siècle. Attention, monsieur le ministre, l'hyperactivité peut devenir une pathologie qu'il faut soigner !

Les gisements d'emplois existent. Encore faudrait-il faire porter l'effort de la communauté nationale sur les emplois d'utilité sociale et environnementale répondant aux besoins et aux urgences. En réalité, vous êtes si rétrogrades que, pour vous, point de salut hors des sentiers battus ! Vous refusez de relancer l'emploi associatif, si utile dans beaucoup de secteurs de notre société. Vous refusez d'agir contre l'effet de serre, ce qui créerait pourtant beaucoup d'emplois, notamment dans les secteurs du bâtiment et des énergies renouvelables. Vous préférez renvoyer notre jeunesse à la précarité, limitant son horizon à une vision au jour le jour de son emploi et de son avenir.

En conclusion, il est peu question d'égalité des chances et de cohésion sociale dans ce texte. Les députés verts voteront résolument contre le projet de loi,…

M. Éric Raoult. Ce sont des verts réactionnaires !

Mme Martine Billard. …et contre l'amendement du Gouvernement créant le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. Éric Raoult. Elle est conservatrice, Mme Billard !

Mme Martine Billard. Il n’a jamais travaillé de sa vie, celui-là !

M. Éric Raoult. J’ai travaillé autant que vous ! Elles sont haineuses les nénettes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Macho !

Monsieur le président, il est inadmissible que les femmes puissent être interpellées de cette façon dans l’hémicycle !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

Mme Martine Billard. Nous sommes déjà si peu nombreuses à l’Assemblée nationale ! Or, ces derniers temps, j’entends régulièrement dans l’hémicycle – en sourdine – des interjections qui mettent en cause les députées en tant que femmes, et ce quelle que soit leur appartenance politique. Je réagirais aussi vigoureusement pour une femme de l’UMP.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

Mme Martine Billard. On ne peut pas tenir des discours sur la parité, sur la place des femmes en politique, et permettre que des collègues tiennent de tels propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En tant que président, je tiens à défendre les femmes de la commission. Je le fais spontanément et naturellement. Cela dit, je pense que les propos de M. Raoult ont été mal entendus ou mal compris. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard et Mme Chantal Robin-Rodrigo. Non !

M. Alain Vidalies. Nous avons tous entendu ! C’est inadmissible !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je sais que M. Raoult n’est pas un abominable machiste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Il faut vraiment être sourd pour ne pas avoir entendu ce qu’a dit M. Raoult ! Je n’en veux pas à M. Dubernard, qui doit avoir un problème auditif. Je m’associe aux propos de Mme Billard. Monsieur le président de la commission, il ne s’agit pas de défendre les femmes membres de la commission, mais de déplorer les propos machistes de M. Raoult, qui n’ont d’ailleurs rien d’étonnant. Il n’est que de se souvenir de quelle odieuse manière il a attaqué le maire de Clichy-sous-Bois pour comprendre sa conception de la vie politique !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande une suspension de séance et je souhaite que celle-ci ne reprenne que lorsque M. Raoult aura présenté ses excuses à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Monsieur le président, il ne vous a sans doute pas échappé, même si vous ne l’avez pas relevé, qu’il s’agit là d’un fait personnel, qui ne devrait intervenir qu’en fin de séance.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous ne présidez pas la séance !

M. Éric Raoult. Il serait souhaitable, monsieur le président du groupe socialiste, que vous puissiez lire ce qu’a dit Mme Billard à mon propos : « Celui-là, il n’a jamais travaillé de sa vie ».

Mme Martine Billard. C’est vrai !

M. Éric Raoult. Chère collègue, il faudra vous y faire : la polémique appelle en retour la polémique !

Mme Martine Billard. À condition qu’elle ne soit pas sexiste !

M. Éric Raoult. Monsieur Ayrault, lorsque le maire de Clichy-sous-Bois intervient dans votre congrès pour indiquer que son collègue de la ville voisine est ceci ou cela,…

M. Christian Paul. Un pyromane !

M. Éric Raoult. …il oublie de dire qu’il habite dans la ville de ce collègue. Il faudra bien vous habituer à recevoir des coups en réponse à vos attaques ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ne jouez pas aux donneurs de leçons et vous n’en recevrez pas ! (Mêmes mouvements.) Madame Billard, je retirerai mes propos lorsque vous retirerez les vôtres !

Mme Martine Billard. Je ne retire rien ! La polémique d’accord, mais pas le sexisme !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit Mme Billard sur les propos sexistes. Nul ici n’ignore que M. Raoult est vice-président de l’Assemblée nationale.

M. Christian Paul. Démission !

M. Jean-Marc Ayrault. Qu’il veuille rendre coup pour coup dans un combat politique, soit. Mais qu’il se laisse aller à des attaques personnelles, y compris à l’égard des élus voisins n’est pas admissible. À chacun sa conception de la politique mais, monsieur Raoult, plus que les autres membres de l’Assemblée nationale, vous avez une fonction représentative…

M. Éric Raoult. Au nom de mon groupe !

M. Jean-Marc Ayrault. …vous êtes comptable de sa dignité et de celle de l’État !

Monsieur le président, je maintiens ma demande de suspension de séance et je souhaite que celle-ci ne reprenne que lorsque M. Raoult se sera excusé. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’attends depuis de longues années,…

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Des excuses !

M. Victorin Lurel. …et avec impatience depuis mon élection de 2002, que le Gouvernement accepte de présenter enfin…

M. Jean-Marc Ayrault. Des excuses !

M. Victorin Lurel. …à la représentation nationale et, somme toute, à la France un texte qui prenne en compte la société française telle qu’elle est, avec ses atouts et ses faiblesses, ses fragmentations, ses inégalités et sa diversité.

Je devrais être satisfait. Hélas, trois fois hélas !

Le présent texte, pompeusement intitulé « projet de loi pour l’égalité des chances », concocté dans la précipitation pour tenter d’apporter une réponse politique aux émeutes de novembre dernier, ne répond absolument pas à l’attente de l’opinion et mutile, tout au contraire, le principe d’égalité.

Il est de surcroît dangereux en ce qu’il tente d’accréditer, de manière très subtile et très sournoise, la fameuse thèse des inégalités naturelles, résultat de la différence des talents et des dons, des mérites et des efforts, socialement acceptables et donc politiquement admissibles. C’est donc le darwinisme social inscrit en lettres de feu dans le corpus juridique français, après transposition hâtive des recommandations du rapport Camdessus !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Tout à fait !

M. Victorin Lurel. Promouvoir l’égalité des chances consiste, dans votre épure, madame, messieurs les ministres, à introduire très explicitement une discrimination négative en défaveur de la jeunesse par le biais de votre désormais fameux contrat première embauche – lequel, nonobstant vos dénégations et les artifices dont vous usez, constitue bien une précarisation et une insécurité sociale d’une insoutenable légèreté.

Dans votre vision, l’égalité des chances pour, apparemment, libérer l’homme et le travailleur de leurs pesanteurs et de leurs protections, tous facteurs qui ralentissent la compétitivité des entreprises et affadissent leur envie de recruter, passe par l’instauration de l’apprentissage junior – curieux langage ! – qui enrégimente la jeunesse des quatorze-quinze ans dans le travail dévalorisé, galvaude et rabaisse ainsi l’apprentissage, sans leur permettre de faire l’acquisition des savoirs fondamentaux,…

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est l’inverse !

M. Victorin Lurel. …et casse au passage volontairement l’obligation scolaire jusqu’à seize ans et l’institution du collègue unique, ferment d’égalité.

Cavalier dans sa présentation, rédigé à la hussarde, au mépris du Parlement et des partenaires sociaux, et sans que les collectivités d’outre-mer aient été d’aucune façon consultées, ce projet est porteur d’une étrange philosophie qui s’escrime à extirper la passion de l’égalité, diagnostiquée par Tocqueville, qui est à l’œuvre dans toute société démocratique, et singulièrement en France.

Cette politique que vous avez l’outrecuidance de présenter comme favorisant l’égalité des chances, alors qu’elle institue sans vergogne des inégalités, sera, à terme, funeste pour la cohésion nationale. Les mesures que vous proposez pour lutter contre les discriminations qui gangrènent la société et se renforcent à cause de votre politique, dans les huit articles que comporte en tout et pour tout votre texte, sont, à l’exception de la légalisation du testing, projet porté par les associations, très loin de répondre aux attentes et aux aspirations des Français.

En substituant l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances au Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations – le FASILD – et, pour partie, à l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, en dotant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, d’un pouvoir de sanction, vous déjudiciarisez et externalisez tout à la fois une mission éminemment politique qui doit nécessairement appartenir en propre aux tribunaux et à un ministère spécifique.

Le redécoupage des frontières et des compétences de l’ANRU – l’Agence nationale pour la rénovation urbaine –, de l’ANAEM – l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations –, de la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme crée une véritable confusion entre les politiques de l’intégration, de la ville et de lutte contre les discriminations.

Pire, vous placez l’ensemble de ces missions sous la tutelle, directe ou indirecte, du ministère de l’intérieur, par préfets interposés, en leur qualité de délégués départementaux de ces agences.

Tout cela est insuffisant parce que adossé à une vision libérale, individualiste et atomisée de la société, où l’individu est lâché dans la jungle économique et sociale et où aucune politique active de compensation et de solidarité globale n’est envisagée. Une telle vision est incapable de compenser les handicaps de départ dans une optique bien comprise de l’égalité continue des chances, où les résultats se jugent à l’arrivée, au terme du parcours de vie, de formation ou de profession, et où les différences admissibles sont celles fondées sur les seuls talents, les seuls efforts ou les mérites des compétiteurs.

Contrairement à cette conception étriquée, les socialistes pensent que la lutte contre les inégalités et les discriminations exige un véritable changement de vision et de paradigme.

Un projet favorisant l’égalité commande de changer de politique économique et de renoncer à l’option fiscale préférentielle en faveur des fortunés consistant à prendre aux pauvres et aux démunis et à donner généreusement aux riches, application scrupuleuse du désastreux apologue de Saint Mathieu selon lequel les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent.

Par de nombreux amendements, le groupe socialiste vous propose une politique alternative capable de préserver et de renforcer la cohésion nationale, de réduire les béances inégalitaires, de prendre en compte la diversité sociale et culturelle, tout en élaborant une culture commune et en évitant soigneusement de sombrer dans le communautarisme ou les discriminations positives basées sur des préférences ethniques, raciales ou confessionnelles.

Par nos amendements, nous vous proposons de mieux tenir les promesses républicaines d’égalité en reconnaissant à chaque citoyen, et non à chaque groupe, le droit de disposer d’une identité culturelle et de pratiquer et de valoriser sa langue régionale à côté du français, langue officielle de la République.

Nous vous proposons, madame, messieurs les ministres, de diversifier la composition sociale des classes préparatoires aux grandes écoles, des instituts d’études politiques, des universités pratiquant une sélection à l’entrée, des écoles de journalisme, du conservatoire des écritures audiovisuelles, seules mesures à nos yeux capables de lutter efficacement contre l’endogamie et l’homogénéité sociale des élites françaises ainsi que contre la désespérance des écrans pâles.

Dans la même veine, il convient de prendre en charge les frais de transport des candidats pour les épreuves d’admission aux concours des fonctions publiques, de renforcer considérablement les moyens des tribunaux, de renverser la charge de la preuve en matière de discriminations directes et indirectes, de doter, puisqu’elle existe, la HALDE d’effectifs et de moyens conséquents, à l’instar de ce qui a été fait en Grande-Bretagne.

Nous vous proposons, entre autres, d’adopter l’anonymisation des curriculum vitae et des dossiers de demande de logement.

M. Christian Paul. Très bien !

M. Victorin Lurel. Nous n’oublions pas non plus de vous proposer, contre toute vision exotique, de mieux intégrer les régions d’outre-mer et leurs ressortissants en adoptant des dispositifs en matière de continuité territoriale, de lutte contre la fracture numérique et d’extension des compétences du Centre national cinématographique, ainsi qu’une meilleure représentation de la diversité des origines et des cultures à la télévision.

M. Christian Paul. Excellent !

M. Victorin Lurel. Bref, vous l’aurez compris, ici comme dans d’autres parties de votre projet, nous avons un arsenal de propositions constituant une politique alternative.

Dans l’attente de les transformer demain en actes de gouvernement, le groupe socialiste, par ses propositions, s’opposera résolument à votre politique anti-jeunes, au démantèlement du code du travail, à l’extension du champ de la lutte ultra-libérale et au délitement du pacte social.

Pastichant Montherlant, nous vous adressons le « salut du combat ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, le projet de loi qui nous est proposé illustre le volontarisme politique du Gouvernement pour apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par la jeunesse de notre pays et lui permettre de s’insérer pleinement dans notre société.

L’accès à l’emploi des jeunes est le cœur du projet et rompt avec des politiques bouche-trous et démagogiques auxquelles le gouvernement Jospin nous avait habitués (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et dont les emplois jeunes auront été le triste exemple (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste. – « C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La mise en place de l’apprentissage junior reprend, en lui donnant une autre dimension, l’expérience lancée par Jack Lang des classes d’initiation pré-professionnelle en alternance que l’on appelle les CLIPA. Elle s’est développée avec un certain succès et est souvent plébiscitée par les enseignants. D’une certaine manière, et en lui donnant, je le répète, une autre dimension, le Gouvernement va la généraliser.

Tous les élèves qui, aujourd’hui, s’ennuient à l’école et qui ennuient les autres – c’est un euphémisme dans certaines classes –, trouveront justement, dans l’ouverture sur le monde professionnel, une motivation nouvelle. Et c’est de cela qu’il s’agit : à partir du moment où le lien avec l’école est conservé, grâce au maintien de la scolarité jusqu’à seize ans et de la possibilité d’un retour – ce ne sont pas les passerelles qui manquent entre l’école et le monde professionnel –, l’apprentissage junior constitue une nouvelle chance pour ceux que le système scolaire laisse de côté.

Le projet de loi évoque également le contrat de professionnalisation, dont les difficultés de mise en place entravent le développement de l’alternance souhaité par le Gouvernement

J’ai enseigné dans des classes en alternance et j’ai eu l’occasion de dénoncer les réductions de la durée du contrat de qualification, ramenée de vingt-quatre à six ou douze mois, et de celle de la formation théorique de 25 % à 15 % du temps.

Il est devenu aujourd’hui beaucoup plus difficile, pour un jeune en contrat de professionnalisation, de valider sa formation par un diplôme d’État. Ce dispositif devenu plus complexe entre les mains de quelque 254 branches professionnelles déroute les entreprises susceptibles de s’y intéresser.

Vous évoquez, à l’article 3, le plan de financement. Le système de contribution des entreprises et des employeurs couvre des dépenses trop souvent autres que celles liées à l’alternance et aboutit à une réduction des moyens au détriment des PME – PMI, les plus créatrices d’emplois. Il est donc nécessaire, monsieur le ministre, comme notre collègue Jacques Myard le préconise dans une proposition de loi, de revenir aux dispositions du contrat de qualification. Sinon, le contrat de professionnalisation restera marginal, alors que l’alternance est la voie de la réussite de l’insertion dans la vie active avec ou sans diplôme.

S’agissant de la lutte contre les discriminations, il est indispensable de faire œuvre de pédagogie et de persuasion. Il ne faut pas se contenter de sanctions, comme l’affirme le texte.

Je voudrais vous faire part d’une expérience qui se développe dans les Alpes Maritimes, où les communes se portent garantes, conjointement avec l’État, représenté par le préfet, auprès des entreprises qui offrent un stage, un contrat en alternance ou un emploi aux jeunes des quartiers difficiles, car, vous le savez, la discrimination commence souvent au vu de l’adresse du demandeur d’emploi. Je pense que l’on doit encourager et favoriser ces expériences.

Enfin, la création d’un service civil obligatoire est l’embryon d’un engagement de la jeunesse pour le pays. Mais ce volontariat souffre à mes yeux d’un handicap rédhibitoire : celui de ne pas permettre le brassage, qui est le ciment d’une nation, et qui manque cruellement dans notre pays depuis la fin du service national. Il me semble indispensable, à terme, de mettre en place un service civil républicain, s’adressant à tous les jeunes de seize à dix-huit ans et dans les domaines les plus divers, dont le budget pourrait être supporté par plusieurs ministères.

Enseignant dans un CFA, j’ai pu constater la réussite de l’alternance et des contrats dont je parlais tout à l’heure. Je crois que, pour nombre de jeunes qui subissent actuellement la « galère », ce CPE sera au contraire une chance, et non pas la précarité, qui est déjà la réalité.

Je comprends difficilement que ceux qui, aujourd’hui, nous donnent des leçons puissent s’enorgueillir d’avoir proposé avec les emplois-jeunes un contrat précaire de cinq ans, non renouvelable, non financé sur l’indemnité chômage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), puisque c’est nous qui avons dû y faire face.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Il y avait une formation en parallèle !

M. Lionnel Luca. Tout ce qui permet au contraire d’offrir à des jeunes une nouvelle chance doit être utilisé avec pragmatisme et sans idéologie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, d’autres pays appliquent déjà ce que vous allez nous proposer, mais assorti de beaucoup moins de garanties. Il est intéressant de constater que ces politiques, chers collègues de l’opposition, ont été mises en place ou poursuivies par vos amis membres de l’Internationale socialiste, et qu’elles produisent leurs effets puisque le taux de chômage est moindre que chez nous. Les socialistes français sont, aujourd’hui, les seuls à défendre une conception de l’économie complètement archaïque.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui, composé de chapitres variés, répond concrètement à une vraie demande de notre jeunesse. Pour cela, madame, messieurs les ministres, nous vous soutiendrons tout naturellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, chacun d’entre nous peut le constater dans sa circonscription, malgré de nombreux signes encourageants de reprise de la croissance, de baisse continue du chômage, de mise en chantier de logements, la France reste morose, peu sûre d’elle et de son avenir. Mais se pose-t-on vraiment la question de savoir pourquoi ?

Pour moi, la réponse est simple : la France s’interroge parce que sa jeunesse est inquiète. Huit à onze ans pour trouver un emploi stable, l’engrenage des stages, contrats d’intérim et contrats à durée déterminée, la difficulté de trouver un logement à un prix abordable, l’impossibilité de prendre son autonomie vis-à-vis de ses parents, de vivre pleinement le temps de la jeunesse, qui devrait être pour tous celui de la liberté, de la créativité et de l’insouciance.

La jeunesse, c’est une promesse. Une jeunesse qui n’a pas de perspectives d’avenir, cela fait des parents anxieux, des grands-parents furieux, un pays qui doute. Si les événements des banlieues ont révélé les frustrations des jeunes les moins qualifiés, il existe aussi dans notre pays – il ne faut pas se le cacher – un mal-être des jeunes des classes moyennes. Car même les diplômes ne protègent plus quand 21 % des jeunes de niveau bac + 4 sont encore au chômage neuf mois après la sortie de leurs études. C’est pourquoi vous avez touché juste, madame, messieurs les ministres, en proposant des mesures d’urgence, un plan d’une ambition inédite, brisant au passage tous les tabous…

M. Christian Paul (montrant le code du travail). Surtout celui-là !

Mme Valérie Pecresse. …pour offrir à nos jeunes des réponses neuves et leur donner de nouvelles chances : l’apprentissage junior pour les adolescents qui décrochent à l’école ; le contrat première embauche, pour forcer l’entrée sur le marché du travail ; un accompagnement personnalisé vers l’emploi ; des droits nouveaux – formation, indemnisation du chômage, droit au logement.

Sortir nos jeunes de l’ornière de la précarité, c’est désormais une urgence politique, mais aussi une exigence morale à laquelle vous ne vous êtes pas dérobés. J’approuve la volonté du Gouvernement de frapper fort et d’aller vite. Il n’y a pas de temps à perdre.

Toutefois, je voudrais appeler votre attention, madame, messieurs les ministres, sur une des manifestations de cette précarité qui mérite de notre part une réponse déterminée. Je travaille depuis plusieurs mois, aux côtés des jeunes de « Génération précaire », ce collectif spontané qui se mobilise pour dénoncer les abus de stages. Ils représentent une génération de jeunes diplômés qui sont restés sur le carreau, victimes d’un marché du travail fermé à triple tour. Ils sont bradés et condamnés, faute d’un emploi stable, à enchaîner des stages, souvent non indemnisés, au sein d’entreprises qui profitent de leurs compétences à bas prix. Ces dérives sont condamnables et doivent cesser. Vous l’avez bien compris puisque vous proposez pour cela quatre excellentes mesures : une charte des stages, une indemnité obligatoire pour les stages de plus de trois mois, la reconnaissance de tous les stages longs comme un élément de cursus universitaire et la prise en compte des stages dans l’ancienneté professionnelle.

Je vous proposerai d’aller encore plus loin et d’améliorer ce dispositif, en adoptant sept nouvelles propositions. Elles font l’objet d’amendements que je soumettrai, mes chers collègues, à votre appréciation.

M. Christian Paul. La commission les a rejetés ce matin !

Mme Valérie Pecresse. Première proposition : fixer au minimum à la moitié du SMIC l’indemnité obligatoire pour les stages de longue durée. Tout travail mérite salaire et, en l’occurrence, tout stage de plus de trois mois mérite bien la moitié du SMIC.

Mme Martine Billard. Rejetée !

Mme Valérie Pecresse. Deuxième proposition : inscrire l’abus de stage dans la loi. Les entreprises qui maintiennent en stage sur des postes clairement identifiés des diplômés, alors qu’elles pourraient les embaucher, les poussant ainsi à prendre des inscriptions bidon dans des filières universitaires, doivent être sanctionnées.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Rejetée !

Mme Valérie Pecresse. Troisième proposition : fixer à six mois la durée maximum d’un stage. Le stage ne doit pas être une embauche dissimulée et ce laps de temps est suffisant pour découvrir un milieu professionnel et apprendre les premières règles d’un métier.

Mme Martine Billard. Rejetée !

Mme Valérie Pecresse. Quatrième proposition : à l’instar de ce qui est prévu pour le contrat première embauche, il faut permettre aux jeunes de plus de vingt-six ans de déduire leur période de stage de leur période d’essai de deux ans lorsqu’ils sont embauchés par une entreprise avec un contrat nouvelle embauche.

Il faut également améliorer les outils qui permettent de contrôler les abus. Je vous propose donc deux mesures : rendre la convention de stage obligatoire pour toutes les formations post-baccalauréat et imposer aux entreprises la tenue d’un registre des stages du même type que le registre du personnel, afin de recenser les jeunes stagiaires et de contrôler d’éventuels abus. C’est, issu de son expérience du terrain, l’apport personnel d’une députée tout entière mobilisée derrière le Gouvernement dans le combat qu’il mène contre le chômage des jeunes. Cette contribution issue de mon expérience de terrain me paraît utile pour accroître la confiance que les jeunes ont en eux et dans leur avenir, pour qu’ils ne puissent plus jamais écrire : Bac + 7, profession : « stagiaire ». (Applaudisse-ments sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, à l’évidence, les légitimes réserves émises en ce début d’année par les présidents de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel n’ont pas été entendues par le Gouvernement …

M. Christian Paul. Il est autiste !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. …qui, une fois encore, contraint la représentation nationale à légiférer dans l’urgence sur un texte fourre-tout bâti à la va-vite, auquel le Premier Ministre a, dans la plus grande précipitation, ajouté son deuxième plan pour l’emploi, dont le volet essentiel, l’invraisemblable CPE, a été magistralement dénoncé à cette tribune, notamment par mes collègues Gaëtan Gorce, Yves Durand et Alain Vidalies, tant il fait de la précarité la norme pour la jeunesse et constitue une nouvelle atteinte majeure à notre droit du travail,

Je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre, sur le contrat de responsabilité parentale, dont traitent les articles 24 et 25 du projet de loi, Permettez-moi tout d’abord de rappeler qu’il existe d’ores et déjà un dispositif créé dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, dispositif que votre gouvernement n’a jamais eu la volonté de mettre en œuvre.

Aussi sommes-nous une fois encore appelés à contribuer à épaissir le millefeuille législatif, le rendant de plus en plus indigeste et contre productif.

Le « contrat » que vous proposez, et qui ne concernerait pas seulement les cas d’absentéisme scolaire, mais toutes les situations où l’enfant est en difficulté en raison de défaillances de l’autorité parentale, prévoit in fine la suspension du versement des allocations familiales avec la saisie de l’autorité judiciaire et l’engagement éventuel de poursuites pénales déclenchées directement par les présidents de conseils généraux ou les travailleurs sociaux qui relèvent de leur autorité : curieuse conception du rôle de ces professionnels.

Il convient de noter que cette disposition a été arrêtée sans consultation préalable des présidents de départements, alors même qu’ils sont ainsi, à leur corps défendant, placés en première ligne.

M. Alain Vidalies. Tout à fait !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. À cet égard, la surenchère entre le Premier ministre et le ministre de l’intérieur trouve encore matière à s’exprimer, puisque ce dernier a, pour sa part, proposé dans son plan de prévention de la délinquance que les maires président un « conseil pour les droits et devoirs des familles ».

Responsabilité des présidents de conseils généraux pour le Premier ministre, des maires pour le ministre de l’intérieur : convenez, monsieur le ministre, que cette compétition ministérielle tous azimuts ne contribue pas à la lisibilité d’un dispositif qui, en tout état de cause, reste pour nous totalement inacceptable.

Inacceptable d’abord car le terme de contrat est totalement galvaudé. Un contrat est un engagement réciproque entre deux contractants, à égalité de droits et de devoirs. L’idée même de contractualisation est ici détournée, malmenée, pervertie par ce pseudo-contrat de père Fouettard.

Inacceptable ensuite, car le Gouvernement déplace les responsabilités, se déchargeant de politiques régaliennes qui relèvent essentiellement de sa compétence – la sécurité, la famille et l’éducation – violant la répartition des pouvoirs entre État et collectivités territoriales.

Inacceptable enfin, car priver de ressources des parents qui sont déjà démunis dans l’éducation de leurs enfants revient à nier leurs difficultés éducatives, le plus souvent corrélées à des difficultés sociales, et à mettre a priori en exergue une prétendue mauvaise volonté familiale.

Que, dans les cas avérés de mauvaise foi parentale évidente, le versement des allocations soit momentanément suspendu et versé sur un compte bloqué, en attendant que la famille se ressaisisse, peut se concevoir. Mais il est intolérable de faire a priori un procès d’intention à toutes les familles en perte d’autorité parentale. De surcroît, les allocations familiales, comme l’a, à juste titre, souligné l’UDAF, sont destinées à compenser les charges des familles et non à décerner un brevet d’éducation aux parents.

Surtout, ce dispositif est inacceptable car, au-delà de la stigmatisation et de la coercition, il n’apporte aucune réponse tangible de nature à aider les parents à assumer leur rôle ou les jeunes à se réconcilier avec l’école.

Qu’en est-il par exemple des travaux personnels encadrés que vous avez sabordés alors même qu’ils contribuaient souvent à remotiver des jeunes en rupture scolaire et n’ayant pas la chance de bénéficier d’un soutien scolaire au sein de leur famille ?

Qu’en est-il du soutien aux associations qui font dans nos quartiers un remarquable travail en direction des jeunes pendant le temps périscolaire et dont vous avez considérablement amputé les moyens de fonctionnement ?

Qu’en est-il du plan pour la relance de l’internat scolaire éducatif lancé en 2001 à la demande de Lionel Jospin ? Entre autres dispositifs, ce plan comportait la création d’un fonds national pour le développement de l’internat scolaire public et un dispositif de soutien financier pour les familles d’élèves internes.

Permettre à un jeune en rupture avec sa famille et avec l’école de reprendre pied dans un cadre structurant, d’être encadré pédagogiquement me semble en effet plus bénéfique que de montrer du doigt des parents démunis face à leur enfant.

Mais, à l’évidence, frapper les familles au porte-monnaie est plus aisé que proposer une réelle alternative éducative et redonner à l’école ses lettres de noblesse.

Monsieur le ministre, je vous le dis comme mère de famille, comme enseignante, comme parlementaire : votre contrat de responsabilité parentale est inapproprié et inacceptable, tout comme les autres dispositions de votre projet de loi, qui ne contribuera pas à lutter contre les inégalités mais les exacerbera.

« Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». Cette phrase de François Mitterrand me semble d’une brûlante actualité. Le Gouvernement gagnerait à la méditer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout a été ou sera dit sur le projet de loi que nous abordons. Dès lors, je n’insisterai que sur deux points : le renforcement de l’alternance et la création du statut de l’apprenti junior d’une part ; l’instauration du contrat première embauche d’autre part.

S’agissant de l’alternance et de l’apprentissage, faut-il rappeler qu’ils donnent un accès immédiat et durable à l’emploi à 73 % des jeunes qui font ce choix, dont 68 % en CDI. En renforçant ces voies, le Gouvernement prend d’abord acte de leur efficacité pour les jeunes, efficacité largement démontrée dans d’autres pays qui font mieux que nous. Il en prend acte en fondant son action sur le principe majeur de l’égalité des chances et en constatant d’abord que l’égalité des chances ne passe pas nécessairement par l’identité des parcours qui postulerait l’uniformité des talents. Le respect de l’égalité des chances passe par la reconnaissance de la diversité des personnes et des intelligences. Je vous ai bien entendu, monsieur Lurel, et je répète que l’égalité n’est pas l’identité. Voilà pourquoi elle requiert la diversité des parcours, et cela vaut pour la formation initiale comme pour la formation permanente.

Le contrat première embauche confirme la priorité donnée à l’emploi en général et plus spécifiquement à l’emploi des jeunes. Les premiers résultats obtenus avec le recul constant du chômage depuis neuf mois sont particulièrement encourageants. Toutefois, ils ne nous font pas oublier les difficultés persistantes rencontrées par les jeunes pour accéder à un premier emploi. En effet, 23 % des jeunes au chômage, jusqu’à 40 % pour les moins qualifiés, c’est économiquement un immense gâchis et c’est socialement désastreux tant il est vrai qu’outre sa fonction rémunératrice, le travail a d’abord une fonction intégratrice.

C’est pourquoi on ne peut qu’approuver le Gouvernement d’oser de nouvelles réponses. Loin en effet des caricatures auxquelles il a donné et donne, hélas, encore lieu, le contrat première embauche est un contrat à durée indéterminée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il s’agit d’un contrat qui prend en compte les périodes de travail qui ont pu avoir lieu antérieurement dans l’entreprise, qui ouvre droit à la formation, ainsi qu’à une indemnisation en cas de rupture au bout de quatre mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gaëtan Gorce. Il faut rappeler son montant !

M. Michel Piron. Il permet l’accès aux dispositifs interprofessionnels de logement et aux crédits bancaires.

M. Alain Néri. Comment ?

M. Michel Piron. C’est enfin un contrat dont les conditions de rupture sont clairement définies, y compris pour ce qui est du préavis.

Loin donc des désinformations qui courent ici ou là, le contrat première embauche tient compte enfin d’une évidence que l’on a parfois oubliée. Pour qu’il y ait des emplois, il faut des employeurs qui prennent le risque d’employer. La politique que nous soutenons prend à la fois en compte l’attente des chômeurs, en les accompagnant vers l’emploi, et le risque pris par les employeurs en les incitant à employer. C’est une politique volontaire et forte, c’est aussi une politique équilibrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, hier soir, le Premier ministre déclarait qu’il ne pouvait admettre que notre pays reste les bras croisés. Il a raison car il y a urgence. La bataille pour l’emploi est notre priorité. Il nous faut dépasser tous ensemble le défaitisme, le pessimisme, voire les critiques de certains.

Le chômage est à la fois un problème économique et une réalité sociale. Mais force est de constater que les résultats sont encourageants.

M. Alain Néri. Ah oui ?

M. Bernard Perrut. Nous comptons en effet 177 200 chômeurs de moins à ce jour qu’en mars 2005.

M. Alain Néri. Et combien de RMistes en plus ?

M. Bernard Perrut. Les résultats sont concrets, mes chers collègues : 122 000 CIVIS ont été signés à la fin 2005. Parlons aussi des 280 000 contrats nouvelles embauches ou encore du succès du chèque très petites entreprises. On pourrait aussi parler de l’amélioration du fonctionnement de notre service pour l’emploi, du suivi personnalisé des chômeurs, des contrats aidés qui deviennent désormais lisibles, utilisables, compréhensibles. Notons aussi que l’ANPE a reçu individuellement, au cours des derniers mois, près de 57 000 jeunes, assurant ainsi un travail de proximité.

Nous sommes sensibles à la situation de ces jeunes sans qualification, sans travail. Les événements dans les quartiers nous ont rappelé ces réalités. C’est pourquoi nous devons relever le défi d’une France républicaine et solidaire. Trop souvent, on ne propose aux jeunes que des stages, des CDD, des périodes d’inactivité ; or on sait, hélas, que la France détient l’un des plus mauvais chiffres en matière de taux de chômage des jeunes. Nous ne pouvons tolérer des situations d’inégalité des chances qui isolent d’autant plus les personnes résidant dans des zones en difficulté. Nous sommes par conséquent soucieux d’apporter une réponse concrète à l’absence d’avenir pour trop de jeunes et trop de familles.

Pour être efficace, l’égalité des chances doit être un souci permanent. Il faut repérer le plus tôt possible les élèves en difficulté grâce à l’accompagnement personnalisé. Par ailleurs, il faut aussi favoriser la formation professionnelle tout au long de la vie. La relation entre la formation et l’accès à un métier doit être mise à plat. J’ai pour ma part toujours été convaincu de la nécessité de faire connaître aux jeunes le monde de l’entreprise le plus tôt possible afin de faire émerger leurs talents, car il y a bien sûr des talents chez tous les jeunes.

L’institution de l’apprentissage junior à partir de quatorze ans, avec une première phase d’initiation au métier puis un véritable contrat d’apprentissage, est une excellente piste. L’instauration de passerelles pour les jeunes qui ne s’épanouissent pas dans l’enseignement général est une nécessité entre le tout scolaire et le tout apprentissage. Oui, l’apprentissage est un outil contre le décrochage. L’apprentissage est un lieu privilégié pour l’insertion et il repose dans le texte que vous nous proposez sur un projet pédagogique personnalisé, l’équipe pédagogique pouvant même désigner un tuteur, ce qui est essentiel.

Le contrat première embauche est une exigence sociale absolue, mais aussi une exigence économique. Entre la fin des études et la stabilisation dans un emploi durable, il peut s’écouler de huit à onze ans. Il est donc inacceptable de constater parallèlement des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité.

Ce nouvel instrument se veut pragmatique, car il est ouvert aux moins de vingt-six ans. Il offrira aux bénéficiaires la possibilité de signer un véritable CDI, je dirai même un contrat de confiance entre un jeune et son employeur. Le CPE est le contraire de la précarité, car il comportera un droit à la formation ; il facilitera l’accès au crédit et au logement. On est donc loin de l’assistanat.

Permettez-moi aussi de saluer la deuxième vie que vous donnez au contrat « jeunes en entreprise », dont j’ai été en 2002 le rapporteur à cette tribune.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Excellent rapporteur !

M. Bernard Perrut. Il faut en effet lui donner une nouvelle dimension.

Saluons aussi la création du service civil volontaire, qui va dans le bon sens car la démarche repose sur le volontariat, nécessaire en la matière.

La responsabilisation de tous est une nécessité permanente. Les parents doivent jouer pleinement leur rôle et la mise en place du contrat de responsabilité parentale permettra de les aider à faire face à l’absentéisme scolaire ainsi qu’aux gestes d’incivisme de leurs enfants. Le contrat que vous nous proposez répond à un juste équilibre entre l’accompagnement des parents et la sanction, mais seulement s’il le faut. C’est un juste équilibre entre les droits et les devoirs.

Je voudrais souligner enfin combien nous sommes sensibles à la lutte qu’il nous faut mener contre l’exclusion et les discriminations. Je souhaite, monsieur le ministre, que la HALDE puisse tout mettre en œuvre pour faire cesser ces discriminations contraires à l’esprit de la République car on sait combien ces discriminations nourrissent le désarroi et la révolte ; elles sont les brindilles qui alimentent le feu de la violence, voire des extrémismes.

Ce projet de loi comprend également un volet important sur la rénovation des quartiers par le biais du lancement de nouvelles zones franches urbaines et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. J’ai bien noté votre engagement, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les ministres, sur le fonctionnement et le maintien de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, qui accomplit un important travail. Basée à Lyon, nous souhaitons que ses activités soient confirmées.

Depuis 2002, vous menez une action globale en faveur de la lutte contre les inégalités et les discriminations.

Mme Martine Billard. Ah oui ?

M. Bernard Perrut. La loi sur l’égalité salariale et la loi sur la participation et la citoyenneté des personnes handicapées sont autant de textes phares et emblématiques de la XIIe législature. Un grand homme disait : là où il y a une volonté, il y a un chemin. Je crois que nous sommes sur le bon chemin…

M. Gaëtan Gorce. Un chemin de croix !

M. Christian Paul. Citez vos sources !

M. Bernard Perrut. …celui qui vise, par la persévérance, à assurer l’égalité des chances dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous vous en doutez, je fais miennes toutes les remarques, observations et critiques formulées par les élus de gauche qui m’ont précédée, tant sur le CPE que sur l’apprentissage à quatorze ans.

Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je consacrerai mon intervention au titre II, qui crée une Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Il s’agit, selon vous, de permettre une refonte radicale des interventions publiques en faveur des quartiers défavorisés. Après tout, pourquoi pas ? Mais il me semble que la politique de la ville, même si elle a incontestablement atteint ses limites sous sa forme actuelle, mérite mieux qu’une réforme précipitée, des critiques à l’emporte-pièce, des projets brouillons et sans consistance. Parmi les éléments qui interpellent de manière radicale la politique de la ville, on peut citer en premier lieu les flambées de violence de novembre dernier qui, quelle que soit l’analyse retenue, ont mis en évidence un fort sentiment de désespérance sociale chez les jeunes, ont rendu visible la question des discriminations ethniques, renforcées par la ségrégation spatiale, et ont mis en évidence la faiblesse des médiations politiques par lesquelles la crise aurait pu être régulée.

Avant l'éclatement des premiers incidents, dès le printemps 2005, le Conseil national des villes – le CNV – avait appelé votre attention sur l'aggravation de la situation depuis 2002.

Retenons quelques exemples.

Dans les zones urbaines sensibles, le chômage est deux fois plus élevé – 20,6 % – que dans le reste des agglomérations où elles se situent à 10, 3 %. En matière de scolarité, la proportion d'élèves ayant deux ans de retard ou plus en sixième y est deux fois plus élevée – 7 % – que dans le reste du territoire national : 3,4 %. S’agissant de santé, la proportion d'élèves de maternelle ayant des caries dentaires non soignées est trois fois supérieure dans les ZUS – 19 % – que dans le reste de leur agglomération : 6,7 %.

Toutes les préconisations du CNV sont restées lettre morte.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Qui a fait la réforme de la DSU ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. S'il n'y avait pas eu les incidents dramatiques de l'automne, vous auriez réduit une nouvelle fois de manière drastique les fonds consacrés à ces quartiers et aux associations qui y travaillent au quotidien. Voilà la réalité !

Né dans la précipitation, le projet que vous nous présentez ne tient pas compte des analyses existantes : actes des Assises de la ville de 2005, rapport du sénateur André, rapport de l’IGAS pour 2005, rapport des inspections générales concernant les contrats locaux de sécurité de juillet 2005, ou encore dernier rapport de l'Observatoire des zones urbaines sensibles.

Sans concertation avec les professionnels ou avec les élus locaux, vous créez un guichet unique qui rassemblerait ceux de l'ex-FASILD et ceux restant du ressort de la politique de la ville, confiés à l'État.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il n’y a jamais eu autant de moyens !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ainsi, nous assistons au passage d'une politique globale, à la fois sociale et urbaine, à un éclatement de l'intervention publique. Le fait de confier à une structure autonome des responsabilités qui relèvent de la puissance publique et de la solidarité que doit garantir l'État est pour le moins choquant. Car ce n’est pas « moins » d'État que nous voulons, mais « mieux » d'État.

L'imprécision des missions de l'agence nationale reflète un amalgame entre population en difficulté, quartiers sensibles, populations issues de l'immigration et migrantes. Cela est encore plus vrai pour la question non traitée de la prévention de la délinquance que le ministre de l'intérieur, par ses déclarations, revendique comme faisant partie de son champ ministériel, au détriment du ministre des affaires sociales.

Monsieur le ministre, l'agence sera-t-elle un simple guichet de financement ou pourra-t-elle être un opérateur à part entière ? Si oui, avec qui et dans quelles conditions ?

Bien d’autres interrogations demeurent.

Les financements de l’État seront-ils assurés ? Rien ne figure à ce sujet dans ce projet de loi, contrairement à ce qui était prévu à l’article 7 de la loi du 1er août 2003 pour l’ANRU.

Quel sera le ministre de tutelle de cette agence ? Quel rapport entretiendra-t-elle avec la délégation interministérielle à la ville ?

Comment s’articuleront les missions du délégué à la ville et à la cohésion sociale avec celle de la délégation à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, l’ex- DATAR ?

Quelle sera l’articulation entre le niveau départemental et le niveau régional de l’intervention de l’État ?

Sur quoi porteront les conventions pluriannuelles des associations ? Ont-elles vocation à remplacer les contrats de ville, les plans locaux d’insertion par l’économie ?

Que vont devenir les agents du FASILD et sur quelles bases se feront les transferts ? Je tiens à cet instant à adresser nos remerciements et nos encouragements aux salariés du FASILD et de la DIV…

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Quelle démagogie !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...qui, jour après jour, dans des conditions difficiles, ont construit dans les quartiers défavorisés tout ce maillage territorial fait de lien social et de solidarité.

Vous le voyez, madame, messieurs les ministres, cet excès de précipitation, ce manque de concertation avec les élus locaux, les techniciens de terrain, les sous-préfets à la ville, le fait qu’avant tout débat et toute expertise sur les événements du mois de novembre soit proposé un projet qui place l’outil avant la fonction et les objectifs, sans prendre la peine de mener un travail partagé de réflexion, tout cela montre que ces mesures risquent d’être inefficaces dans leur mise en œuvre, voire dangereuses à long terme car elles ne peuvent garantir la cohésion sociale sur ces territoires.

Malheureusement, ces dispositions ne régleront pas les graves inégalités territoriales qui ont conduit à la révolte des habitants de ces quartiers. C’est pourquoi, vous l’avez compris, nous refusons la disparition du FASILD et de la DIV au profit d’une agence fourre-tout et nous exigeons un véritable service public de lutte contre les discriminations, pour l’égalité des droits et des chances pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le chômage des jeunes n'est pas une fatalité, la discrimination, l'échec scolaire et les incivilités non plus.

Ce texte courageux a toute mon approbation. Je suis certain que le contrat première embauche est une excellente initiative et je veux remercier M. le président de la commission et M. le rapporteur d'avoir accepté mon amendement visant à étendre la protection assurée par ce contrat aux femmes enceintes.

Ne disposant que de cinq minutes de parole, j’évoquerai directement un article qui, je l’avoue, me pose problème.

En décembre 2004, nous avons créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, avec espoir et enthousiasme car la lutte contre les discriminations nous paraît tout à fait essentielle.

Son rôle était initialement d'établir des recommandations et, le cas échéant, de saisir le procureur. L’article 19 du présent projet de loi lui permettrait désormais d’infliger directement des sanctions, allant jusqu'à 5 000 euros pour un particulier et 25 000 euros pour une personne morale, avec une large publicité par affichage et publication dans le Journal officiel.

Les uns et les autres, nous sommes tous très attachés aux droits de la défense et la saisine du juge était une garantie pour les personnes mises en cause. Or si le texte évoque une procédure contradictoire, il renvoie ses modalités d’application à un décret alors qu’elles relèvent, me semble-t-il, plutôt du domaine de la loi.

Plus inquiétant encore, aucune garantie de valeur législative n'est apportée en ce qui concerne la recherche et la constatation par les agents de la Haute autorité des faits devant donner lieu à sanction. Pourtant, il convient de remarquer, par analogie avec les autorités administratives indépendantes comme l'AMF, que les pouvoirs d'enquête et de constatation des agents sont généralement prévus et encadrés par un texte de loi, avec au surplus, classiquement, l'intervention d'un officier de police judiciaire pour garantir que les droits individuels ne sont pas bafoués par l’enquête administrative, en cas de mesures coercitives comme les visites domiciliaires.

Un autre problème majeur, que la France a déjà connu du temps de la COB devenue AMF, est celui de la partialité objective, car la HALDE ne comprend qu'un seul collège qui exercera à la fois le rôle d'autorité de poursuite et celui de formation de jugement afin de prononcer une sanction pécuniaire. L'articulation interne de cette autorité en matière de sanctions que propose le projet de loi est en tous points similaire à celle de la COB avant 1997. On peut donc craindre que cela n’entraîne les mêmes conséquences judiciaires en matière de violation du principe d'impartialité. Je le regrette profondément.

En l'espèce, l'article 19 donne à la HALDE, autorité administrative indépendante, compétence pour prononcer des sanctions à caractère pénal, alors qu’elle ne dispose pas d'un collège séparé du comité des sanctions. Comme l’arrêt du 7 mars 2000 de la Cour d'appel de Paris avait censuré l'ensemble de la procédure COB, à laquelle celle de la HALDE ressemble, cette jurisprudence pourrait trouver à nouveau à s'appliquer, fragilisant tout le dispositif de lutte contre les discriminations, ce qui serait très regrettable. Il faut donc que la HALDE se dote d’urgence de deux collèges.

D'autre part, il apparaît hasardeux de confier à cette autorité administrative indépendante une compétence dans des domaines qui ne relèvent constitutionnellement que de l'autorité judiciaire, à savoir les infractions pénalement réprimées de discriminations dont la poursuite relève de la compétence du Parquet et le jugement, de celles des tribunaux.

En cas de contradiction des motifs entre une décision de la HALDE et une décision du tribunal correctionnel, qui sera compétent ? Au surplus, comment interviendra le Conseil d’État, juridiction de l’ordre administratif, alors qu’en l’espèce un recours devant la cour d’appel de l’ordre judiciaire pour des faits constitutifs d’un délit pénalement réprimé serait probablement plus judicieux ? Voilà qui risque de créer un embrouillamini supplémentaire entre deux ordres juridictionnels différents.

L'article 21 légalise la pratique des vérifications à l'improviste, appelées « testing ». Mais s'il importe de lutter contre les discriminations, est-ce le bon procédé pour parvenir à ce but ? Une telle pratique pourrait en effet apparaître contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, notamment à son article 6. Elle risque en outre de mettre à mal le principe de loyauté de la recherche des preuves et l'interdiction faite de toute provocation à la commission de délits, comme l'a rappelé à maintes reprises la Cour européenne des droits de l’homme.

Il serait en outre pour le moins curieux de vouloir donner des pouvoirs, que l’on refuse d’attribuer à nos forces de police, de gendarmerie et de douane pour lutter contre les criminels organisés les plus dangereux, à des particuliers accompagnés ou non d'un huissier pour relever un problème à l'entrée d'une boîte de nuit ou d'un restaurant, la présence d'un huissier n'étant même pas obligatoire, comme le montre l’emploi du mot « notamment ».

Comment pourrait-on autoriser des associations telles que Act Up à faire du testing quand on connaît les intentions politiques de ce mouvement capable de placarder une affiche « Sarkozy = Le Pen » ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, sachez que mon intervention n’a pas d’autre but que de permettre à la HALDE de jouer pleinement son rôle, qui est essentiel. J’essaie de protéger cette institution à laquelle nous croyons les uns et les autres. C’est pour cela que je soulève ces problèmes de droit, qui me préoccupent beaucoup.

Reste que ce projet de loi est un texte volontariste et courageux. Il a le mérite de s'attaquer à de vrais problèmes comme le chômage des jeunes, la discrimination, les ruptures scolaires ainsi que les incivilités. Il répond aux préoccupations de nos concitoyens et je le voterai avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.

Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après les Trente Glorieuses, une peur diffuse s’est emparée de notre société : le chômage, la mondialisation mal maîtrisée, la montée des risques écologiques et sanitaires en sont les sources les plus manifestes. Cette peur sort aujourd'hui de ces cadres jusqu'à prendre forme dans d'autres domaines, ceux de la vie quotidienne, que ce soit dans le travail, dans la vie privée ou dans les relations les plus ordinaires avec autrui. Le besoin de sécurité augmente alors même que notre environnement économique impose la réactivité et le mouvement.

Cette intolérance manifeste au risque paralyse notre capacité à agir. Elle a conduit trop longtemps le politique à différer les décisions et à conforter l'acquis au risque de fragiliser l'avenir. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui relève d'une logique strictement opposée. Courageusement, il présente l'avantage de répondre à des besoins à court terme sans compromettre l'objectif à long terme : gagner durablement la bataille pour l'emploi.

Dans la logique du plan de cohésion sociale et, si vous me le permettez, de la loi pour l’égalité des droits et des chances du 11 février 2005, ce projet s'articule autour de cinq axes : favoriser l'emploi des jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles ou connaissant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle ; renforcer l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations ; aider les parents à exercer leur autorité parentale ; renforcer les pouvoirs des maires face aux incivilités ; enfin, créer un service civil volontaire.

Je ne me lancerai pas, afin de ne pas répéter ce qui a déjà été dit par mes collègues, dans un exposé des dispositions proposées par le projet de loi. Cependant, il me semble important de souligner que ces cinq axes s'adressent non seulement à ceux qui, pour diverses raisons, se sentent laissés sur le bord du chemin mais aussi aux parents, aux élus locaux, à ceux qui ont envie de s'investir, et, enfin, à ceux qui créent des emplois, c’est-à-dire à nos entreprises.

C'est en effet un basculement tout à fait salutaire que celui qui est opéré par ce texte : la confiance accordée aux agents économiques, aux entreprises, par les pouvoirs publics et par ce gouvernement.

En choisissant d'opter pour le travail plutôt que pour l'assistance, pour l'incitation plutôt que pour la contrainte, le Gouvernement fait preuve d'un réalisme offensif.

D'après les principaux travaux de prospective, les conditions d'insertion des jeunes vont s'améliorer dans les prochaines années, car, à moyen terme, les entreprises auront besoin de jeunes au niveau de qualification renforcé. Bien sûr, cette responsabilité est celle de l'entreprise qui, par ses politiques d'embauche, de gestion des ressources humaines, de formation, doit mettre à niveau ses collaborateurs. Elle doit apprendre à maintenir dans l'emploi des collaborateurs âgés ou handicapés. En tout état de cause, elle recherche une ressource humaine complémentaire.

C'est la raison pour laquelle la question de l'insertion des jeunes les plus éloignés du monde du travail est essentielle. Il faut donc amorcer la mobilisation de cette ressource stratégique. Pour les jeunes, le contrat première embauche est l’occasion de se construire un vrai parcours professionnel.

M. Gaëtan Gorce. J’ai le regret de vous dire que ce n’est pas vrai !

Mme Marie-Anne Montchamp. Mes chers collègues, on sait comment s’effectue un recrutement. Le recruteur regarde deux lignes :…

M. Christian Paul. Il regarde d’abord la personne !

Mme Marie-Anne Montchamp. …la ligne « formation professionnelle et formation initiale » et la ligne « expérience professionnelle ». Une expérience professionnelle d’un mois n’est jamais valorisée par le recruteur. Une expérience professionnelle de deux ans, constituée de stages, de CDD en une approche homogène est un véritable atout pour l’emploi. Le CPE permet au jeune d’accéder ainsi plus vite et de manière plus sûre à un emploi stable, à un CDI assorti de garanties solides, en termes d'accompagnement, de droit à la formation, d'accès au logement et aux prestations bancaires, d'indemnisation chômage dès quatre mois passés dans l'entreprise. Les jeunes ne s'y sont pas trompés puisqu’ils approuvent à une large majorité le nouveau contrat qui leur est proposé.

Mais nous ne pouvons nous contenter de parier sur le retour de la croissance. Les conditions de la croissance se fabriquent en mobilisant la ressource humaine d'une nation et en investissant en priorité dans sa jeunesse.

Ce ne sont pas les États mais les entreprises qui font la croissance et qui créent des emplois. Le dirigisme économique a échoué partout. Aujourd'hui, la Russie et même la Chine communiste s'en sont détournées méthodiquement.

Le rôle de l'État est de libérer les énergies, tout en anticipant et en accompagnant les transitions. Et nous avons besoin des entreprises pour identifier les pistes de développement stratégique dans notre économie ainsi que les réformes nécessaires, et pour nous aider à soulever les montagnes des résistances, sans rompre la cohésion sociale.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Marie-Anne Montchamp. Le rôle du politique est, quant à lui, de réduire la part d’incertitude pour les Français et de produire de la sécurité matérielle, juridique et économique. Produire cette sécurité, dans un monde qui devient chaque jour plus incertain, plus mobile, ne peut pas s'accommoder d'une méthode de gestion héritée du passé. Le politique sécurise vraiment si le pragmatisme l'emporte sur la doctrine.

Si nous ne détenons pas les conditions de la croissance, en revanche nous en détenons les sources. Elles relèvent des efforts innombrables des individus, elles dépendent de l'imagination et du goût du travail de millions de Français, elles relèvent tout autant du dynamisme de notre jeunesse.

Le projet de loi sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui témoigne de cette conception renouvelée du politique, établie en confiance et en responsabilité avec les forces vives de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi pour l'égalité des chances est censé répondre au désespoir de beaucoup de jeunes, qui peinent à être reconnus et acceptés dans notre société. Or, avec le contrat première embauche, vous proposez à ces jeunes davantage de précarité.

Il est également censé répondre au désarroi de ces familles qui n'ont plus les moyens économiques, sociaux et psychologiques de transmettre à leurs enfants un modèle sécurisant, porteur d'espoir pour l'avenir. Or, avec le contrat de responsabilité parentale, vous utilisez une fois de plus la culpabilité comme analyse, la répression et la sanction comme solution.

Face à l'explosion des banlieues que vous n'avez pas anticipée, face à une société que vous semblez ne pas comprendre, vous réagissez dans la précipitation, et vous vous contredisez.

En effet, le 2 décembre 2003, le président de la commission des affaires sociales, Jean-Michel Dubernard, déclarait ici même : « Ce projet clôt une fois pour toutes le débat sur la suspension des allocations familiales. Instauré dans les années soixante, ce mécanisme s’est en effet révélé inadapté. Les prestations familiales n’ont pas pour seul objet de financer la scolarité de l’enfant. Une telle sanction est donc un échec. On n’augmente pas les devoirs en diminuant les droits ».

De même, je dois vous rappeler les propos tenus, en mars 2003, par Christian Jacob, alors ministre délégué à la famille : « Le Gouvernement a décidé d'abroger le dispositif de suspension des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire répété. Ce dispositif est inefficace, brutal et mal adapté ».

M. Éric Raoult. Et Chevènement, que disait-il ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je rappelle qu'à l'époque l'actuelle majorité, votre majorité, avait souligné que cette sanction était inéquitable car elle pénalisait les familles nombreuses et ne touchait pas les 1,3 million de familles à enfant unique. Ceci vous a amenés à légiférer, en 2004, pour supprimer le dispositif de suspension des allocations familiales.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Vous n’y aviez pas pensé !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Si je vous comprends bien, vous décidez aujourd'hui de rétablir un dispositif que vous aviez qualifié d'injuste, d'inéquitable et d'inefficace, et vous prétendez responsabiliser les parents avec de telles méthodes !

Madame, messieurs les ministres, ne nous parlez pas de concertation lorsque l’UNAF émet de sérieuses réserves, que la CNAF rejette vos propositions et que vous ne tenez pas compte des observations du Conseil national de lutte contre les exclusions, qui indiquait clairement que de telles mesures affecteraient les familles les plus en difficulté et tendraient à stigmatiser les parents concernés.

L'absentéisme scolaire ou les comportements d'incivilité sont des problèmes sérieux qui méritent toute notre attention car ils sont le signe d'un mal-être dont les origines sont diverses et complexes. Ce sont les difficultés scolaires, sociales, personnelles, familiales, économiques auxquelles sont confrontés ces enfants qui les amènent à être en rupture scolaire, et pas simplement une carence de l'autorité parentale.

Bien entendu, les parents ont leur rôle à jouer. Il ne s'agit pas de nier ou de minimiser leurs devoirs. Ils constituent bien l'élément principal des acteurs éducatifs mais ils ne sont pas les seuls. L'école joue aussi pleinement son rôle de partenaire éducatif. Alors, aujourd'hui, c'est aussi parce que l'école n'a pas les moyens de faire face ni de répondre à leurs difficultés que les enfants décrochent.

Votre gouvernement a supprimé plus de 20 000 postes dans l'éducation nationale en quatre ans. La disparition des assistants d'éducation, le manque d'infirmières et de psychologues scolaires, d'assistantes sociales dans les écoles, la faiblesse des moyens alloués aux équipes pédagogiques, la diminution du nombre de places ouvertes au concours de conseillers principaux d'éducation sont autant de facteurs aggravants.

Toutes les analyses sur le sujet montrent que l'absentéisme scolaire touche d'abord les quartiers défavorisés, que les parents dont les enfants sont déscolarisés sont eux-mêmes confrontés à de graves difficultés financières et sociales, que les allocations familiales représentent une proportion importante de leur budget. Les sanctionner financièrement conduirait à aggraver encore plus leur situation.

Comment, dès lors, expliquerez-vous aux autres enfants de la famille qu'à cause de leur frère ou sœur ils sont tous collectivement responsables, tous coupables et tous punis ? Quelle image de la justice ! Quelle pédagogie !

Mais laissons de côté l'idéologie répressive qui sert de fil conducteur à vos propositions en matière d'éducation pour revenir sur quelques outils à notre disposition pour lutter contre l'absentéisme scolaire.

Je prendrai comme exemple les classes relais que nous avons instituées en 1998 pour accueillir temporairement des collégiens déscolarisés ou en risque de marginalisation scolaire. Les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents concourent également au soutien à la parentalité.

En octobre 2003, vous avez instauré des commissions départementales de suivi de l'assiduité scolaire. Ces commissions ont-elles réellement fonctionné ? Pouvez-vous en dresser le bilan ?

Plutôt que de créer de nouveaux dispositifs, soyez cohérents et développez les outils dont la pertinence et l'efficacité peuvent être démontrées.

Votre contrat de responsabilité parentale propose de nouvelles sanctions contre les parents mais reste silencieux sur les mesures d'aide et d'action sociale dont les parents pourraient bénéficier.

Pour lever le flou de votre projet, pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par « carence de l'autorité parentale » ? Comment sera-t-elle évaluée ?

Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi le conseil général pour mettre en œuvre ces dispositions ? Quel sera son rôle exact et son pouvoir d'appréciation ?

Quelles seront les prestations familiales susceptibles d'être suspendues ? Qu’en sera-t-il de l'allocation logement, du complément familial ? Que deviennent les sommes suspendues ?

En cas de mise en place d'un contrat de responsabilité, comment le respect ou non des engagements des familles sera-t-il évalué ? Quelles seront les voies de recours possibles à l’encontre des décisions de suspension des allocations familiales ?

On le voit, madame, messieurs les ministres, votre projet pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses réelles et satisfaisantes aux problèmes de la déscolarisation, de l'absentéisme, des incivilités scolaires d'enfants mineurs, ou qu'il ne vient en aide aux familles qui ont besoin d'accompagnement et d'aide dans leur rôle de parents. Une fois de plus, vous ne faites que culpabiliser des parents déjà stigmatisés par la précarité de leur situation sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Éric Raoult. Voilà un expert !

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet constitue l’une des réponses que le Gouvernement veut apporter aux violences collectives qui ont été l'un des symptômes de la grave crise que vit une partie de notre jeunesse dans nombre de nos quartiers.

À ceux d'entre nous qui s'interrogent sur le bien-fondé de la procédure d'urgence, je pense que la situation d'urgence sociale que traduisait cette violence, et qui a été soulignée pendant les événements, la justifie pleinement. C'est sans doute cette volonté d'aller vite et de faire beaucoup qui explique aussi certains aspects un peu surprenants de ce texte, sur lesquels je reviendrai.

En cinq minutes, je vous livrerai les quelques réflexions que m'a inspirées la lecture de ce projet de loi.

Tout d'abord, s’agissant des mesures en faveur de l'apprentissage, le dispositif « apprentissage junior », qui permet aux jeunes ou à leurs représentants légaux de demander une formation concrète en alternance, constitue à mes yeux une alternative par rapport au cycle d'enseignement général, qui n'est pas toujours adapté au mode de fonctionnement intellectuel ni aux motivations de certains jeunes. En outre, ce dispositif offre la possibilité de revenir dans l'enseignement général.

C'est un principe qui n’est pas non plus obligatoirement sans rapport avec une expérience que nous avons testée en France, « la main à la pâte », élaborée par des prix Nobel, MM. Charpak et Lena, et le professeur Ledermann. Développées par et avec des scientifiques, ces méthodes d'enseignement permettent l'apprentissage par l'expérimentation, et les rapports sur les quelques expériences menées en France sont plutôt positifs.

Pour le reste, quand on observe les jeunes qui sont en « galère » ou même physiquement présents mais mentalement absents de l'établissement, au point que les enseignants aspirent parfois à leur exclusion, il me paraît intéressant que ces principes puissent rapprocher ces jeunes de nos institutions plutôt que de la rue.

Au reste, nous revient-il vraiment de décider du bonheur des jeunes, et refuser systématiquement l'apprentissage et éventuellement ce texte qui permet d'avancer l'âge d’entrée en enseignement technologique par alternance ne risque-t-il pas de dévaloriser une filière professionnelle que chacun souhaiterait justement voir revalorisée ?

Je n’ai pas grand-chose à dire sur le contrat première embauche sinon qu'il donne plus de garanties qu'un CDD ou qu'une succession de stages. En tant qu’acteur, depuis plus de trente ans, de la lutte contre les exclusions, je préfère défendre un contrat qui garantit au plus grand nombre d'intégrer l'entreprise, au risque de devoir la quitter dans les deux ans, plutôt que le contraire.

Concernant le contrat de responsabilité parentale, on peut regretter a priori que le maire soit le grand absent du projet de loi. Les événements que nous venons de vivre l’ont pourtant placé en première ligne, et les Français, mais également le Premier ministre à cette tribune, ont reconnu qu’il était le plus crédible et le plus solide des politiques dans ces moments. Aussi peut-on être surpris de voir apparaître en première ligne le président du conseil général, alors que les différentes lois que nous avons votées ont placé plutôt le maire en amont des politiques de prévention. J’en veux pour preuve la responsabilité qu’il exerce s’agissant du contrat éducatif local, du contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance, de même qu’en matière de réussite éducative, dispositif contenu dans la loi de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo.

On peut donc s'interroger sur un contrat qui interviendrait dans le domaine de la responsabilité parentale et de l'intérêt de l'enfant, sans relier l'action du maire et de son réseau avec celle que pourrait enclencher le président du conseil général avec ses services, à savoir l’ASE.

Les amendements qui ont été proposés vont tenter de démontrer le lien important qui existe entre les trois niveaux de prévention : le judiciaire en aval, le président du conseil général et l’aide sociale à l’enfance, qui font tantôt dans le préventif, tantôt dans le curatif, et la coordination du travail en réseau qui détecte, signale et agit très en amont en prévention primaire et que le maire est censé organiser lorsqu’il met en place un dispositif de réussite éducative. Dans ce cadre, le maire, avec l’appui des autres acteurs locaux, peut interpeller le président du conseil général lorsque les moyens ou les conditions pour mettre en place un dispositif de réussite éducative ne sont pas suffisants. C’est un préalable indispensable.

Il me reste quelques questions sur l’Agence de cohésion sociale mais je ne m’étendrai pas, mon temps de parole étant quasiment épuisé. Si je comprends qu’il faille regrouper les différentes structures et concentrer les crédits pour simplifier le travail des acteurs locaux, notamment des maires, la création de cette agence sur le modèle de l’ANRU nécessiterait, au regard de ses implications, une réflexion avec les élus locaux et les personnalités qualifiées. Je ne suis pas contre, mais il s’agit de machines très lourdes difficiles à maîtriser et je ne suis pas persuadé qu’on ait pris le temps de la réflexion, ne serait-ce que pour procéder à tous les regroupements souhaitables. Nous aurons l’occasion d’en débattre. Si le principe est bon, la façon de le mettre en œuvre est sans doute un peu hâtive.

Je m’interroge également sur l’intérêt de voir figurer dans le projet de loi sur l’égalité des chances les pouvoirs du maire concernant le traitement des crottes de chien, la divagation d’animaux, les tags, les nuisances sonores et les jets d’immondices... J’avoue avoir du mal à établir le rapport avec la lutte pour l’égalité des chances et la revalorisation du rôle du maire comme acteur de prévention, d’autant que les villes n’ont pas toutes des polices municipales. Comment les villes pauvres pourraient-elles intervenir ?

Compte tenu des avancées qu’apporte le texte, et malgré ces quelques réserves et taquineries, j’apporterai mon soutien à ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :

Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)