Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 2 février 2006

134e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Égalité des chances

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, le vote sur l’amendement n° 371, portant article additionnel avant l’article 1er, a été reporté en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement.

Avant l’article 1er (suite)

M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 371 a été déposé par le groupe socialiste.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce vote a-t-il fait l’objet d’une demande de scrutin public ?

M. le président. Je vais suspendre la séance quelques instants pour vérification.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Une demande de scrutin public avait bien été déposée par le président du groupe de l’UMP, qui avait également demandé la vérification du quorum. L’annonce en avait été faite dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Alain Joyandet. Je demande la parole !

M. le président. Vous ne pouvez plus intervenir sur l’amendement, monsieur Joyandet.

M. Alain Joyandet. Je voulais simplement vous demander de rappeler la nature de l’amendement sur lequel nous votons et les avis qui ont été formulés, monsieur le président.

M. le président. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. » (Sourires.) L’amendement n° 371 est, comme je l’ai déjà indiqué, un amendement du groupe socialiste. Ce matin, la commission, tout comme le Gouvernement, a émis un avis défavorable.

Mme Martine David. Avec de telles explications, le groupe de l’UMP a certainement tout compris !

M. Yves Durand. Et l’objet de l’amendement ?

M. le président. Vous n’allez pas le défendre à nouveau, monsieur Durand !

M. Alain Vidalies. Le délai de cinq minutes n’est pas respecté !

M. le président. L’annonce du scrutin a été faite aux alentours de treize heures, monsieur Vidalies !

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 371.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nous en venons à l’amendement suivant...

M. Yves Durand. Rappel au règlement !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Cette séance commence dans une certaine confusion. Vous n’y êtes pour rien, monsieur le président, mais il aurait peut-être été souhaitable que j’explique à nouveau l’amendement que mes collègues de l’UMP viennent de rejeter. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Expliquez plutôt l’amendement suivant !

M. Yves Durand. Pas encore, monsieur le président.

Une dépêche de l’AFP reçue en fin de matinée nous informe que M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, réunira vendredi matin à Courbevoie les principaux des collèges départementaux de son département des Hauts-de-Seine sur le thème de la lutte contre la violence scolaire. M. Sarkozy y abordera des mesures qui sont plutôt du ressort de M. le ministre de l’éducation nationale, si j’ai bien compris la répartition des compétences au sein du Gouvernement. Or nous abordons cet après-midi le volet du projet de loi consacré à l’école, avec les dispositions sur l’apprentissage à quatorze ans. En outre, on a beaucoup parlé de violence scolaire depuis mardi après-midi. M. de Robien en a d’ailleurs fait un des points principaux de son action, si l’on excepte la lutte particulièrement virulente qu’il a menée contre la méthode globale d’apprentissage de la lecture – méthode qui n’a plus cours depuis vingt ans !

Il serait donc souhaitable que nous disposions nous aussi des informations que M. le ministre de l’intérieur apportera, au nom du Gouvernement, sur la lutte contre les violences scolaires. Nul doute que M. le ministre de l’éducation nationale les connaît : je lui demande donc d’en faire bénéficier la représentation nationale, afin que nous délibérions sur ce point important en toute connaissance de cause.

M. Maurice Giro. Hors sujet !

M. Jean-Pierre Soisson. Cela n’a rien à voir avec notre débat !

M. le président. Il s’agissait d’un rappel à l’AFP plus qu’au règlement, monsieur Durand. (Sourires.) Pourrions-nous aborder maintenant l’amendement n° 372 ?

M. Yves Durand. Non, monsieur le président. Il est important que nous ayons connaissance de ces éléments !

M. Alain Vidalies. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Ce rappel, fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, touche à l’organisation de nos travaux.

Depuis le début de la discussion de ce projet, les députés de l’opposition demandent que le Premier ministre vienne s’exprimer sur la nature et les conditions d’élaboration très particulières de ce texte, qui n’a fait l’objet d’aucune négociation avec les partenaires sociaux et pour lequel l’Assemblée nationale elle-même a été saisie par voie d’amendement sur un texte préexistant – au point que le rapport n’aborde même pas le sujet dont toute la France parle ! L’Assemblée nationale n’est pas seulement déconsidérée ; elle est aussi désinformée.

Très attentifs, cependant, à l’action du Gouvernement, nous venons d’apprendre que M. le Premier ministre invite ce soir à dix-huit heures trente l’ensemble des Français à venir « chatter » avec lui en direct de Matignon sur la question de l’emploi et du CPE. Puisque le dialogue est impossible ici même, je me permets de demander à la présidence de suspendre nos travaux à dix-huit heures trente pour permettre aux députés de l’opposition de « chatter » avec le Premier ministre. (Sourires.) Cela nous permettrait de nouer un dialogue qu’à l’évidence il ne veut pas engager avec eux.

Mme Martine David. Eh oui ! Il faut savoir ce que l’on veut !

M. Alain Vidalies. Je suis certain que la présidence, et avec elle l’Assemblée tout entière, accédera à cette demande qui vise à améliorer la qualité du dialogue républicain.

M. le président. Ce « rappel au chat » nous conduit à l’examen de l’amendement suivant, qui porte sur les écoles, collèges et lycées. Défendez-vous cet amendement, monsieur Durand ?

M. Yves Durand. Monsieur le président, mon collègue Alain Vidalies vient de faire un rappel au règlement. Moi-même, j’ai posé une question précise sur un sujet considéré par tous comme essentiel. Nombre d’établissements scolaires, en particulier dans les zones dites sensibles, sont touchés. Hier encore, des incidents se sont produits en Seine-Saint-Denis. Ils posent le problème de la qualité des conditions de travail des enseignants et des élèves, et donc de la véritable égalité des chances. Nous sommes bien au cœur du sujet ! J’ai écouté les interventions des uns et des autres : toutes abordaient, implicitement ou explicitement, le problème de la violence scolaire. Or, alors que nous sommes en train de débattre, nous apprenons par une dépêche que le ministre de l’intérieur réunit les chefs d’établissements et les principaux de collèges pour en discuter.

M. le président. Monsieur Durand…

M. Yves Durand. Nous bénéficions depuis ce matin de la présence du ministre de l’éducation nationale, ce dont je me félicite.

M. le président. Monsieur Durand, ceci n’est pas un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Il est tout de même normal que nous lui demandions des explications !

M. le président. Vous répétez ce que vous avez dit il y a quelques instants. Le groupe socialiste ayant déposé de nombreux amendements, vous pourrez intervenir comme vous l’entendrez lorsque nous les examinerons. Ne bloquez pas le début de la séance par des rappels au règlement qui n’en sont pas !

M. Yves Durand. En fin de matinée, le président Accoyer nous a accusés de faire de l’obstruction alors que lui-même a joué de la procédure pendant plus d’un quart d’heure. Constatant que le Gouvernement ne veut pas nous répondre, je demande une suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je n’ai pas encore eu la parole !

M. le président. La suspension est de droit. Mais je propose qu’à la reprise de la séance, nous puissions enfin commencer le débat.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ils ne le veulent pas !

M. le président. Compte tenu du nombre de vos amendements, les différents orateurs de votre groupe auront l’occasion d’intervenir très largement. La commission et le Gouvernement pourront alors vous répondre. Nous ne sommes pas dans une séance de questions d’actualité.

M. Alain Vidalies. Ils ne veulent pas nous répondre !

M. le président. Je vais à mon tour faire un rappel au règlement : si vous présentez l’amendement n° 372 comme vous le souhaitez, le ministre sera obligé de vous répondre. Or vous êtes en train de l’en empêcher.

M. François Brottes. Quel talent ! (Sourires.)

M. le président. Je vous laisse seul juge. Mais je sais, pour avoir été dans l’opposition, que vos rappels au règlement sont inutiles.

M. Alain Vidalies. C’est à nous d’en juger !

M. le président. Certes ! En tout cas, je suspends la séance pendant cinq minutes pour que les esprits puissent s’apaiser.

M. Alain Vidalies. Et le Gouvernement réfléchir !

M. le président. Le Gouvernement répondra à vos amendements de fond.

M. Alain Vidalies. Nos amendements sont toujours de fond !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 372.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Nous sommes tout à fait d’accord pour débattre au fond des sujets essentiels abordés par le projet de loi, tenant aux principes fondateurs de notre pacte républicain. Nous sommes disposés à les traiter avec le plus grand sérieux, comme nous le faisons du reste depuis le début du débat mardi. Nous souhaitons tous avancer vers un objectif commun, qui est la véritable égalité des chances. Encore faudrait-il que les conditions d’un travail sérieux soient réunies et qu’un véritable dialogue avec le Gouvernement puisse s’instaurer. Nous avons déjà dénoncé le travail bâclé en commission. Il nous paraît donc normal de prendre le temps de le faire dans l’hémicycle. Si poser des questions, faire des critiques et des propositions est considéré comme de l’obstruction, il n’y a plus de démocratie possible ! Or il est normal d’interroger le Gouvernement et d’obtenir des réponses à nos questions.

L’amendement n° 372 tend à inscrire dans la loi la référence à la laïcité comme une valeur fondamentale de la République. Je redoute d’entendre le rapporteur et le ministre me répondre que la Constitution affirme déjà que la France est une république laïque, que la laïcité est affirmée dans le code de l’éducation, et que nous avons eu l’occasion de le rappeler lors de la discussion de la loi sur l’avenir de l’école – pas suffisamment d’ailleurs à mon avis – et au cours du long débat de grande qualité sur l’interdiction des signes religieux à l’école. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’y revenir. Mais à ce moment-là, on ne reviendrait jamais sur rien !

Nous discutons d’une loi contre les discriminations. Compte tenu de son histoire, dont le rayonnement va bien au-delà nos frontières, quelle arme plus puissante que la laïcité la République française peut-elle nous offrir pour lutter contre elles ?

Au moment où nous voyons ressurgir, malgré tout l’appareil juridique dont nous disposons, malgré la loi relative à la séparation des Églises et de l’État, malgré la loi sur la laïcité à l’école, des mouvements qui peuvent devenir discriminatoires sur la base de critères religieux ou ethniques et faire dériver notre République vers le communautarisme, avec tous les dangers que cela comporte pour la cohésion sociale, il me paraît essentiel de rappeler le principe de laïcité, même s’il est déjà inscrit ailleurs. Il ne saurait, en effet, y avoir de véritable lutte contre les discriminations et les inégalités sans rappel préalable de ce principe, c’est-à-dire sans le rappel de la liberté individuelle et de la liberté de conscience donnée à tous quelles que soient ses origines et ses croyances.

Cela serait d’ailleurs un complément à la loi que nous avons adoptée à l’unanimité sur l’interdiction des signes religieux à l’école, qui, comme son objet l’indique, est une loi d’interdiction.

Je me souviens des débats qui ont eu lieu à cette occasion et qui, je le répète, étaient d’une très haute tenue et d’une très grande qualité, presque philosophique. Nous avons cependant quelquefois éprouvé une certaine gêne car nous savions qu’il fallait faire attention à ne pas donner de la laïcité une image uniquement répressive, à ne pas faire de cette grande valeur de liberté une seule interdiction.

Nous avons aujourd’hui la possibilité de montrer l’autre volet de la laïcité, à savoir son volet fondamentalement positif, fondamentalement de liberté. Rappeler ce principe au début du présent texte sur l’égalité des chances serait indiquer qu’il fait partie des principes intangibles à partir desquels nous devons légiférer.

Contrairement à ce que M. le rapporteur et M. le ministre vont me répondre – j’anticipe à peine leurs argumentations puisqu’elles m’ont déjà été servies ce matin –, cet amendement n’est pas redondant ni inutile. Au contraire, par rapport à l’objectif affiché du présent texte, à savoir la promotion de l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations, il me paraît absolument nécessaire.

Voilà pourquoi je le défends au nom du groupe socialiste. Si je le fais, et je m’en excuse, avec une certaine solennité, c’est parce qu’il mérite de recevoir le même accord unanime de notre assemblée que la loi sur les signes distinctifs à l’école.

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 372.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je constate que M. Durand organise le débat à lui tout seul, non sans quelque talent, je dois l’avouer. Il n’est pas besoin de rapporteur ni de ministre ; non seulement il campe le décor mais il répartit également les propos !

M. Alain Vidalies. C’était une anticipation. C’est tout !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Qu’il me permette de lui rappeler que le Livre I de la première partie du code de l’éducation, qui traite des principes généraux de l’éducation, consacre un titre entier – le titre IV – à la laïcité de l’enseignement public. Les premiers articles de ce titre ont d’ailleurs été posés en 1882 : principes de laïcité dans les locaux et les programmes de l’école publique. Ils ont été régulièrement enrichis depuis et encore en mars 2004, vous l’avez rappelé, monsieur Durand, de manière unanime par la représentation nationale.

Il y a deux façons de voir le travail du législateur : soit on pense que la loi ne fait que déclamer, et, dans ce cas, on peut en effet se contenter d’écrire sans cesse le même texte, au risque de laisser accroire à nos concitoyens que légiférer n’a pas forcément pour but de changer la vie ou de l’améliorer ; soit on essaie d’apporter des progrès ou des précisions.

Le titre IV du code de l’éducation nationale est bien écrit. Il fournit un cadre tout à fait clair et efficace, notamment depuis qu’il a été complété par la loi de mars 2004, à l’ensemble des services publics d’éducation.

En matière de lutte contre les discriminations et de combat pour l’égalité des chances, beaucoup, vous l’avez dit, reste à faire. C’est pourquoi je souhaite que nous fassions tous preuve de l’esprit d’unanimité, d’ouverture et de dépassement des clivages que vous évoquez face à des mesures nouvelles destinées à vraiment changer l’arsenal juridique, qu’il s’agisse des dispositions concernant l’audiovisuel ou du renforcement des pouvoirs de sanction de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Soucieuse de se conformer aux préconisations du Conseil constitutionnel, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a, vous le savez, monsieur Durand, émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle l’a fait par souci d’économie législatif et pour conserver au titre IV du code de l’éducation nationale toute sa portée en y concentrant toutes les dispositions se rapportant à la laïcité.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 372.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Durand, je répondrai tout d’abord à votre allusion à ma réponse de ce matin sur votre amendement n° 371.

Je respecte le Parlement et limite mes réponses à l’objet de l’amendement, prenant en compte le texte de celui-ci ainsi que son exposé des motifs. Voilà pourquoi je me suis contenté de dire ce matin que votre amendement était redondant avec des dispositions actuelles du code de l’éducation. Je vous ferai la même réponse concernant l’amendement n° 372, précisant que la laïcité de l’enseignement est garantie par l’article L. 141-1 du code de l’éducation nationale, lequel précise, se référant au Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par la Constitution du 4 octobre 1958 : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation et à la culture ; l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. » Cela s’applique évidemment à l’ensemble des établissements publics d’enseignement et au service public de l’enseignement supérieur.

À ces principes constitutionnels, l’amendement Durand n’ajouterait rien.

M. Yves Durand. Je n’ai pas cette prétention !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il ne ferait qu’alourdir la loi, sans renforcer en rien l’idéal républicain que nous partageons sur tous ces bancs. C’est pourquoi, l’estimant déjà satisfait, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Cela étant dit, j’ai bien compris que vous attendiez d’autres réponses débordant le cadre de votre amendement. J’en suis content car moi-même passionné par le sujet. Je prendrai donc un peu de temps pour répondre à certaines interpellations et certaines inquiétudes qui se sont manifestées sur les missions de l’éducation nationale et son rôle éminent dans la promotion de l’égalité des chances.

Vous avez évoqué les moyens, les ZEP, la sécurité dans les écoles, l’apprentissage junior. Je souhaite revenir plus en détail, si le président m’y autorise, sur chacun de ces sujets.

En ce qui concerne les moyens, monsieur Durand, je vous dirai les choses telles que je les ressens avec le peu d’expérience que me donnent mes sept ou huit mois d’ancienneté au ministère de l’éducation nationale, alors que, je le sais, vous en avez beaucoup plus. Mais il me semble que, chaque fois que l’on réclame des moyens supplémentaires, on le fait plus par réflexe qu’après réflexion sur l’éducation nationale, ses buts et l’optimisation des moyens qu’elle a déjà, et cela conduit en fait à éviter un débat sur cette optimisation.

L’éducation nationale représente déjà le plus gros budget de la nation, avec 7,1 % de la richesse nationale, et le budget que nous consacrons à l’enseignement est le plus important du monde à l’exception de celui des États-Unis et peut-être de la Grande-Bretagne. D’immenses progrès ont été réalisés depuis quinze ans : 63 % d’une tranche d’âge parvient désormais au niveau du baccalauréat et les lycéens sont de plus en plus nombreux à accéder à l’enseignement supérieur – encore faut-il examiner de plus près les statistiques car, si 80 % des enfants de cadres y accèdent, seuls 20 à 30 % des enfants d’ouvriers y parviennent, et ce pourcentage doit tomber à 15 % pour les enfants d’ouvriers dans une ZEP, et peut-être à 5 % ou 0 % pour ceux des chômeurs et des RMIstes. Cela est inacceptable pour les démocrates et les républicains que nous sommes.

M. Yves Durand. Sur le constat, nous sommes d’accord, mais sur le constat seulement !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par ailleurs, 7 à 8 % des élèves sortent sans aucune qualification du système éducatif. Cela doit nous amener à nous poser des questions.

Mais ce sur quoi je veux insister, c’est que, avec les moyens que nous avons, nous avons des marges de progrès considérables. Dire qu’il suffit de donner des moyens supplémentaires pour obtenir des résultats au baccalauréat est faux. On s’aperçoit même que certaines classes de trente-cinq élèves réussissent mieux que d’autres qui n’en ont que quinze. Demandons-nous pourquoi.

Nous avons, tout d’abord, des marges considérables en matière de démocratisation de notre éducation publique. J’ai donné les résultats au baccalauréat.

Nous avons ensuite des marges importantes en matière d’insertion professionnelle. Comme cela a été rappelé notamment au cours du débat sur le contrat premier emploi, le taux moyen du chômage des jeunes est de 23 % et doit s’élever à 45 ou 50 % dans les ZUS, les ZEP, les zones franches ou encore dans les régions où il y a des GPV. C’est insupportable.

M. Alain Vidalies. C’est pourquoi il faut des réponses ciblées !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai donc pris un certain nombre d’initiatives. Les unes figuraient dans la loi d’orientation de mon éminent prédécesseur. Je leur en ai ajouté d’autres que j’ai estimées nécessaires. On ne peut, en effet, se satisfaire de la situation actuelle et je considère qu’il faut aller bon train dans des réformes qui auraient sans doute pu être prises dans les décennies précédentes.

J’en cite quelques-unes sur le plan pédagogique.

Le collège unique doit devenir le collège pour tous, avec un enseignement plus personnalisé et des formations plus diversifiées. Il sera question tout à l’heure de l’apprentissage junior. Je proposerai d’en démonter le mécanisme pour voir s’il est performant et s’il ne se rapproche pas de certaines initiatives assez performantes que vous avez prises pendant vingt ou trente ans mais que vous combattez aujourd’hui parce qu’elles sont proposées par un gouvernement que vous ne soutenez pas. Je m’emploierai à vous montrer combien l’apprentissage pour les quatorze ans est voisin de solutions que vous avez vous-mêmes préconisées.

Pour mieux prendre en compte l’hétérogénéité des élèves, il faut personnaliser davantage l’éducation.

M. Yves Durand. Là encore, nous sommes d’accord sur le constat… mais pas sur les solutions !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je n’en suis plus au constat, monsieur Durand, mais aux solutions.

Pourquoi avez-vous voté contre les programmes personnalisés de réussite éducative mis en place à la dernière rentrée ? C’est pourtant un dispositif formidable. Lorsqu’on s’aperçoit en CE 1 que des jeunes ne savent pas lire, on constitue un petit groupe de rattrapage afin de leur permettre, dans les trois premiers mois de l’année scolaire, de rattraper le niveau des autres et de leur éviter de rejoindre la cohorte, hélas encore trop nombreuse aujourd’hui, de celles et ceux qui rentrent en sixième sans savoir lire.

En matière de personnalisation, les PPRE me paraissent donc une très bonne initiative.

S’agissant de l’apprentissage de la lecture, vous avez beaucoup ironisé sur mes propos concernant ma décision concernant les méthodes globale, semi-globale et assimilées. « Pourquoi prendre une telle initiative ? Ces méthodes n’existent plus depuis longtemps ! », disiez-vous. Mais si elles n’existaient plus, monsieur Durand, pourquoi ma décision aurait-elle fait autant de bruit ? Il n’y aurait pas eu de résonance !

M. Yves Durand. C’est vous qui avez fait du bruit autour de cela !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai demandé que l’on abandonne ces méthodes et que l’on revienne aux phonèmes et aux graphèmes, bref au B-A BA pour apprendre à lire. J’ai publié une circulaire en ce sens le 3 janvier dernier.

Là encore, la majorité rend un vrai service aux jeunes, car nous allons ainsi diminuer la proportion de jeunes qui ne savent pas lire en CE 1 ou à l’entrée en sixième, et vous savez très bien qu’un élève ne peut pas continuer ses études s’il ne sait pas lire en sixième.

Nous voulons la réussite de tous les élèves, c’est-à-dire améliorer la qualification de chacun, ce qui me ramène à l’apprentissage junior.

Nous ne sommes pas identiques, nous n’avons pas les mêmes capacités pour apprendre. Certains s’orientent avec bonheur et facilité vers des études théoriques, conceptuelles. D’autres aiment toucher, comprendre, voir, pratiquer davantage. L’apprentissage junior répond aussi à cet objectif de diversité.

Monsieur Durand, qui a mis en place la découverte professionnelle ? Êtes-vous d’accord ou non avec cette formidable initiative mise en place à la rentrée 2005 dans un grand nombre de collèges de France et à la rentrée 2006 dans tous les collèges de France ?

M. Yves Durand. Je vous répondrai tout à l’heure !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Trois heures par semaine seront consacrées en troisième dans tous les collèges et dès la quatrième pour les collèges « ambition réussite » à la découverte professionnelle. On a longtemps dit que l’éducation nationale n’était pas assez ouverte sur le monde de l’entreprise et réciproquement. C’est de plus en plus faux !

Environ 40 % de jeunes sont volontaires pour suivre ces trois heures de découverte professionnelle. Elles consistent à inviter dans la classe un député – ce n’est pas un métier –, un journaliste, un contremaître, un chef d’entreprise, un artisan, un représentant d’une profession libérale. Les élèves peuvent également se déplacer sur un chantier, dans un bureau, à la rencontre de la vie concrète dans le monde professionnel. Les enfants pourront ainsi découvrir qu’il existe d’autres métiers. S’ils sont fils d’instituteur, ils verront que la société française n’est pas seulement formée d’instituteurs. Même si ces derniers forment aussi, à leur manière, la société française. Cette découverte pourra susciter des vocations pour entrer par exemple le plus vite possible dans la vie concrète et devenir apprenti. Je vous indique qu’au lycée, les six heures de découverte professionnelle marchent également très bien. Nous avons l’intention d’étendre cette expérience à tous les lycées dès la rentrée 2007.

Je voudrais également insister sur l’amélioration de la formation. Notre pays souffre beaucoup de tout ce qui n’a pas été fait ou si peu, depuis des décennies, pour l’orientation des élèves. Il existe certes des orienteurs, mais ils sont dispersés. Le Premier ministre m’a donc demandé de lui proposer très rapidement un schéma national d’orientation, où il y aura des points d’entrée unique, pour connaître toutes les orientations possibles, où l’on essaiera de mettre chacun devant ses responsabilités.

Monsieur Durand, est-il admissible que des jeunes aillent s’inscrire aujourd’hui dans des universités sans qu’aucune information leur soit donnée sur les métiers, les débouchés possibles, le nombre de postes auxquels ils pourront, le cas échéant, prétendre et peut-être aussi, pour certaines formations, le nombre de chômeurs générés à la sortie de ces filières de l’enseignement supérieur ? Une telle attitude serait pourtant responsable, plutôt que de laisser s’engager trop de nos jeunes vers des formations certes intéressantes, qui leur donnent une culture générale formidable, mais qui ne leur offrent pas de débouchés professionnels. Ils sont en droit de nous demander pourquoi ils n’ont pas été prévenus, lorsqu’ils se sont engagés dans ces formations, du manque de débouchés professionnels. Je pense que le schéma national d’orientation répondra à cela.

Faire réussir tous les élèves, c’est aider davantage ceux qui éprouvent le plus de difficultés. Depuis vingt-cinq ans, qu’avez-vous fait ou que n’avez-vous pas fait, monsieur Durand, pour l’éducation prioritaire ?

M. Henri Emmanuelli. Non, pas depuis vingt-cinq ans !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez créé l’éducation prioritaire, je vous en félicite, c’est une chose formidable. Mais force est de reconnaître que cette notion s’est étiolée depuis vingt-cinq ans. On a affadi la notion de priorité, on a consacré insuffisamment de moyens là où les besoins étaient les plus criants. C’est donc pour cela que je relance, aujourd’hui, l’éducation prioritaire, sans état d’âme, parce que je mets les moyens là où se situent les priorités.

M. Yves Durand. Nous y reviendrons, monsieur le ministre !

Mme Martine David. C’est faux. Nous pouvons citer un tas d’exemples de fermetures de classes !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous reviendrons, monsieur Durand, quand vous voudrez sur tous ces points. Je développe aujourd’hui cet argumentaire afin de permettre l’étude sereine des amendements à venir.

Quel constat puis-je dresser, après avoir rencontré individuellement des centaines d’enseignants, participé à des groupes de travail composés de dizaines et de dizaines d’enseignements des zones d’éducation prioritaire, de chefs d’établissements, d’infirmiers, de sociologues ? En France, des collèges méritent effectivement qu’une plus grande attention leur soit portée.

Dans certains collèges, on peut constater, lors de l’entrée en sixième, des enfants en retard de plus de deux ans ; dans d’autres, 80 à 90 % des familles dont sont issues les enfants perçoivent le RMI. Là, il faut – pardonnez-moi l’expression – mettre le paquet.

J’ai donc décidé de nommer dans ces collèges, à la demande des enseignants eux-mêmes, 1 000 professeurs expérimentés – leur avancement de carrière en sera facilité. En effet, les jeunes sortant d’IUFM viennent, avec beaucoup de générosité, enseigner dans ces collèges d’éducation prioritaire, mais, au bout de trois ou quatre ans, ils n’en peuvent plus. Ils aiment leur métier et veulent continuer, mais ils manquent de repères,…

M. Henri Emmanuelli. D’adultes !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …de gens plus expérimentés pour les aider. Il ne s’agit pas là d’une question d’argent, mais d’expérience. Nous affecterons donc 1 000 professeurs expérimentés dans 200 à 250 collèges « ambition réussite ».

J’ai l’impression, monsieur Durand, de vous ennuyer.

M. Yves Durand. Non ! Vous me passionnez au contraire !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est sans doute une fausse impression. M. Emmanuelli devait vous distraire.

M. Yves Durand. Au contraire, monsieur le ministre, vous me passionnez. J’indiquais à mes collègues du groupe socialiste que je répondrai à vos propos en défendant nos amendements, parce que nous ne sommes pas d’accord !

M. Henri Emmanuelli. Je demanderai la parole pour répondre au Gouvernement.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes, je pense, tous passionnés par les problèmes éducatifs.

J’ai annoncé le 13 décembre qu’il y aurait en France 200 à 250 collèges « ambition réussite », ainsi bien entendu que les écoles correspondantes. Nous recruterons également 3 000 assistants pédagogiques, car de nombreux témoignages nous ont fait prendre conscience que ces collégiens n’ont souvent ni le temps ni l’environnement suffisant pour réviser leurs leçons le soir. Ils ne disposent pas même parfois d’un coin de table, ou, s’ils l’ont, la télévision est allumée à côté.

M. Henri Emmanuelli. On a connu ça !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il faut donc les aider. Quatre fois par semaine, des études obligatoires seront instaurées dans ces collèges, avec l’accompagnement des assistants pédagogiques.

Il est indispensable qu’il y ait au moins une infirmière par collège « ambition réussite ». Donc, 200 infirmières seront affectées. Cette communauté éducative formée par les écoles et les collèges – les partenaires sociaux nous ont soufflé cette idée – aura une sorte de comité exécutif – directeurs d’écoles et principaux de collèges – pour organiser le réseau « ambition réussite ». Des moyens nouveaux existeront. Nous pensons qu’il s’agit bien là d’éducation prioritaire.

Je conclurai d’un mot, car je crois que l’une des clés de la réussite des enfants, pour les décennies à venir, réside dans la formation des maîtres. Celle-ci est prévue dans une loi que vous avez refusé de voter. Elle est pourtant indispensable Tous les professeurs que j’ai rencontrés – et j’en ai rencontré beaucoup, individuellement ou en groupes de travail – me l’ont confirmé : en IUFM, on apprend bien la discipline que l’on va enseigner ensuite, mais l’on n’apprend pas suffisamment à apprendre.

Je travaille donc actuellement sur le cahier des charges des IUFM, pour que celui-ci tienne compte des souhaits, des réclamations, voire des revendications des enseignants, qui souhaitent recevoir ces formations, afin d’être mieux dans leur tête, de pouvoir enseigner avec plus de sérénité, plus d’autorité naturelle – je ne parle pas d’autoritarisme bien sûr –, de façon que la transmission du savoir se fasse dans de meilleures conditions.

Voilà quelques-uns des chantiers sur lesquels nous travaillons et que je suis content d’aborder avec vous, monsieur Durand, et avec la représentation nationale. Vous m’y avez invité et je ne me déroberai pas à ce devoir-là, car je suis, comme vous, passionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Vous avez décrit, monsieur le ministre, la situation de l’enseignement, de l’éducation nationale. Aucun parlementaire, en tout cas de ce côté-ci de l’hémicycle – peut-être aussi à droite – ne trouve une virgule à changer à votre constat. Lorsque vous êtes venu en Seine-Saint-Denis, vous êtes bien sûr parvenu aux mêmes conclusions.

Mais notre approche diffère sur les réponses à apporter. Vous avez évoqué le code de l’éducation, le droit pour chaque enfant d’obtenir un savoir, d’aller à l’école. Je me suis rendue hier à l’inspection académique, puis, en délégation, à la préfecture, pour évoquer le cas des enfants de nationalité étrangère que l’on renvoie, ne leur permettant plus de poursuivre leur cursus scolaire – mais je reviendrai ultérieurement sur ce point.

La semaine dernière, nous avons discuté très longuement du droit au logement. La Constitution reconnaît peut-être le droit à l’habitat, comme le droit au savoir et le droit d’aller à l’école, mais, dans les faits, ces droits ne sont pas respectés. Nous connaissons, en effet, une crise du logement, une insuffisance de création de logements qui ne permet pas de répondre aux besoins.

Je pourrais vous citer le cas de ces enfants auxquels le maire d’une ville de Saint-Denis – dont je tairai le nom parce que je suis gentille – a refusé l’inscription à l’école au motif que leurs parents, qui n’avaient pas la chance d’avoir un toit, n’étaient qu’hébergés par de la famille ou des amis. C’est parfaitement illégal. Tout enfant a le droit d’être scolarisé. On nous parle de droit, de laïcité, du code de l’éducation. Je ne cite là qu’un exemple, mais de nombreuses autres villes prennent le même genre de dispositions. Que répondez-vous à cela, monsieur le ministre ?

Dès lors, il ne faut pas s’étonner de ce qui s’est passé dans les banlieues ! Je n’excuse bien évidemment pas les jeunes qui ont mis le feu à des établissements scolaires, mais toutes les réactions sont possibles quand on refuse à des enfants le droit d’aller à l’école. Car c’est de cela qu’il s’agit, monsieur le ministre, avec l’exemple que je viens d’évoquer, mais je vous ferai parvenir toutes les informations nécessaires. Bref, c’est pour nous une obligation de scolariser ces enfants !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Vous venez de vous livrer, monsieur le ministre, à un remarquable exercice ! Vous avez fait un constat qu’hélas nous partageons.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait.

M. Yves Durand. Depuis quatre ans, et singulièrement depuis que ce gouvernement est aux responsabilités, les inégalités à l’école se sont considérablement renforcées, de même que les violences scolaires.

M. Henri Emmanuelli. C’est peu de le dire.

Mme Martine David. Tout à fait.

M. Yves Durand. Et pourtant, c’est vous qui en aviez fait votre thème favori lors de la campagne électorale pour les présidentielles de 2002. Toutes les questions au gouvernement posées par votre groupe ne tournaient qu’autour de ce thème. Or, sur ce sujet comme sur tant d’autres, vous avez échoué ! Voilà la réalité !

J’ai rappelé mardi soir dans cet hémicycle, sous les huées et les quolibets de la majorité, que les inégalités scolaires étaient en grande partie le résultat des inégalités économiques et sociales. Voilà le problème auquel vous devriez vous atteler. Or, face à ce constat, vous avancez un certain nombre d’idées tout à fait généreuses, monsieur le ministre, mais votre politique et le contenu du texte que nous examinons ne trompent personne.

M. le président a dû reconnaître lui-même que nous avions déposé des amendements de fond. Nous reviendrons donc, point par point, sur ce qu’implique le principe de l’égalité des chances.

Quelle est la réalité de votre politique, monsieur le ministre ? Certes, les moyens ne sont pas tout, mais un budget de l’éducation nationale ne se juge tout de même pas au nombre de postes que l’on supprime ! Or, depuis 2002, on a assisté à des suppressions systématiques de postes…

M. Henri Emmanuelli. Notamment de surveillants !

M. Yves Durand. …en dépit de l’augmentation du nombre d’élèves qu’on constate aujourd’hui à l’école élémentaire…

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait.

M. Yves Durand. … et que, dans quelques années, on constatera aussi au collège, sauf si, comme vous le prévoyez, vous en éjectez un certain nombre sur la voie de l’apprentissage dès la classe de quatrième ! Dans ces conditions, vous pourrez réduire le nombre de postes d’enseignant.

Vous avez supprimé des postes d’aides éducateurs et d’enseignants.

M. Henri Emmanuelli. Et de surveillants !

M. Yves Durand. En ce qui concerne les médecins scolaires, les assistantes sociales et les psychologues, dont la présence est, selon tous les enseignants, extrêmement importante, vous n’avez pas poursuivi nos efforts de recrutement, certes insuffisants, dans ce domaine.

M. Henri Emmanuelli. Ils ont tout simplement disparu !

M. Yves Durand. Vous avez remis en cause la qualité des équipes éducatives, y compris dans la loi Fillon sur l’avenir de l’école.

Vous prétendez mettre le paquet sur les ZEP, car c’est en effet indispensable, monsieur le ministre.

M. Henri Emmanuelli. Là aussi, vous avez reculé.

M. Yves Durand. Mais augmenter les moyens alloués aux deux cents établissements les plus en difficulté ne doit pas conduire à en retirer aux autres !

M. Henri Emmanuelli. Bien sûr !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce n’est pas ce que nous avons fait.

M. Yves Durand. Bien sûr que si, monsieur le ministre. Il a fallu le mouvement des enseignants en Seine-Saint-Denis pour que, pas plus tard qu’hier, une dépêche de l’AFP nous annonce que vous renonciez à faire sortir un certain nombre de collèges des ZEP !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !

M. Yves Durand. Vous aidez les deux cents collèges les plus en difficulté, mais, comme votre budget est à moyens constants, c’est au détriment des autres établissements.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est encore faux !

M. Yves Durand. Or aucune éducation prioritaire ne peut réussir dans ces conditions. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. D’où la légitime colère des enseignants de Seine-Saint-Denis et d’ailleurs.

M. Yves Coussain. Il ne faut pas exagérer.

M. Yves Durand. Et quelle fut la première conséquence de la réduction des postes à l’école élémentaire, où il y a une augmentation du nombre d’élèves ? La mise en cause de l’école maternelle, dont le rôle est pourtant primordial dans la lutte contre les inégalités. Or la politique que vous menez depuis 2002 a sacrifié l’école maternelle. En tant qu’élu du Nord, je vous citerai l’exemple de l’académie de Lille, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, car nous sommes voisins. Depuis vingt-cinq ans, sous tous les gouvernements, de droite comme de gauche, les efforts consentis en faveur de la scolarisation des enfants de deux à trois ans ont été importants.

M. Henri Emmanuelli. C’est à l’école maternelle que tout commence !

M. Yves Durand. Nous considérons en effet que l’école maternelle est le lieu approprié pour lutter contre les inégalités en socialisant des enfants issus de famille en difficulté.

M. Alain Joyandet. Socialiser, c’est beaucoup dire.

M. Yves Durand. Je sais que vous n’appréciez guère ce terme.

M. Henri Emmanuelli. Pourtant, il est dans le dictionnaire !

M. Yves Durand. L’école maternelle a permis à ces enfants de sortir de milieux difficiles. En 2002, plus de 60 % des enfants étaient scolarisés à deux ans. Aujourd’hui, nous en sommes à moins de 50 % faute de moyens suffisants, et le recteur a déclaré que nous devions revenir aux normes nationales.

L’école joue un rôle incontestable en matière d’égalité des chances, de lutte contre les handicaps économiques et les inégalités sociales, que vous avez vous-même fort justement décrits tout à l’heure, mais auxquels vous n’accordez pas les moyens suffisants. Vos actes contredisent systématiquement vos discours. Telle est la réalité de votre politique.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Force est de constater que les inégalités s’accroissent. C’est en grande partie le résultat de votre politique en matière éducative !

Si vos propos sont certes généreux, vos actes sont contraires à ce principe fondamental inscrit dans le préambule de la Constitution que vous avez cité tout à l’heure : l’égalité de tous devant l’éducation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 372.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Henri Emmanuelli. Et voilà, une fois encore, la différence entre vos actes et vos paroles !

M. Pierre Cardo. La critique est facile !

M. Henri Emmanuelli. Vous n’aviez pas besoin de diminuer les postes en école maternelle !

M. Pierre Cardo. La maternelle n’est pas tout !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 391.

La parole est à Mme Martine David, pour le soutenir.

Mme Martine David. Cet amendement s’inscrit dans la même veine que ceux précédemment défendus. Il traduit l’inquiétude que suscite votre projet de loi pour l’égalité des chances, même si l’on nous affirme que nos préoccupations sont déjà prises en compte par le code de l’éducation.

Il est vrai que l’expression d’« apprentissage junior » sonne bien. L’« apprenti junior » pourrait même faire penser au titre d’une bande dessinée ! Mais loin d’être soft, cette expression n’a rien de rassurant.

Si nous sommes tous d’accord sur le constat qu’a dressé M. le ministre de l’éducation nationale, ses paroles généreuses ne coïncident ni avec son budget, ni avec la réalité sur le terrain. Je viens en effet de découvrir, en consultant la carte scolaire, que des classes allaient fermer dans une école élémentaire classée en ZEP dans ma circonscription.

Monsieur le ministre, sans vouloir faire de procès d’intention, vous ne pouvez à la fois tenir un discours généreux et ne pas tenter d’obtenir des moyens appropriés.

Notre amendement tend donc à réaffirmer très fortement un certain nombre de principes fondamentaux : pour assurer l’égalité et la réussite de tous, l’enseignement doit être adapté à la diversité de chaque élève tout au long de sa scolarité.

L’ambition de l’école, qui doit être entièrement tournée vers la réussite de chaque élève, est remise en cause par ce texte, notamment par l’instauration de l’« apprentissage junior », proposition inédite, mais inacceptable. Nous voulons, par cet amendement comme par les précédents et les suivants, réaffirmer le droit à la scolarité jusqu’à l’âge de seize ans, sans interruption précoce.

À partir du moment où un élève se sera éloigné de l’école, on ne nous fera pas croire, comme un collègue de l’UMP a tenté de le faire, qu’il pourra y revenir facilement.

Nous entendons réaffirmer le droit de chaque élève à l’éducation, à la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans sans interruption précoce, sans sortie du système conseillée ou quasiment contrainte dès l’âge de quatorze ans. De plus, rien ne nous garantit que nous en resterons là ; nous pouvons craindre que, dans quelques mois, cet âge ne soit encore abaissé.

La scolarité obligatoire jusqu’à seize ans est un des socles de notre éducation et elle doit le demeurer. Si nous insistons autant sur ce point, c’est que nous craignons fortement que vous n’en soyez pas aussi convaincus que nous. Cela, pour nous, est inacceptable.

Pour ces raisons, nous souhaitons que cet amendement et les suivants soient retenus pour réaffirmer ce droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Madame la députée, j’ai bien compris que, lorsque vous aviez des inquiétudes, vous souhaitiez dire les choses et les écrire. D’habitude, dans un texte de loi, les redites sont espacées d’une dizaine d’articles. Avec la rédaction que vous proposez, ce ne serait plus que de quelques lignes.

À cet égard, permettez-moi de lire des extraits de l’article L. 111-1, que vous entendez compléter, notamment son premier alinéa : « L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances. ». Dans son cinquième alinéa, il est écrit : « Pour garantir ce droit dans le respect de l'égalité des chances, des aides sont attribuées aux élèves et aux étudiants selon leurs ressources et leurs mérites. La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale. »

Vous le voyez, votre amendement est largement satisfait par la rédaction actuelle de cet article,…

M. Henri Emmanuelli. Et les engagements budgétaires ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. …article pour l’essentiel issu de la loi d’orientation sur l’école, que vous n’avez pas votée.

Je considère donc cet amendement comme un acte tardif de contrition. Néanmoins, il est redondant.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame David, votre amendement, il n’est pas si mal que ça : « Pour assurer cette égalité et la réussite de tous les élèves, l’enseignement est adapté à la diversité de chaque élève. » C’est exactement dans ce but que nous voulons créer l’apprentissage junior ! Mais, pour y parvenir, nous n’avons pas besoin de votre amendement parce qu’il est déjà satisfait par l’article L. 111-2 du code de l’éducation : « Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. »

M. Yves Durand. À l’intérieur de l’éducation nationale et du collège, ce qui n’est pas votre projet !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’apprentissage junior permet une diversification : il tient compte des différences d’aptitudes et s’adapte à chaque élève.

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, nous pouvons en effet dire que nous nous accordons sur ces amendements, puisqu’ils sont déjà satisfaits par le texte.

Sachez, chers collègues, que nous vous écoutons avec beaucoup d’attention. Nous nous efforçons de ne pas ajouter à la longueur des débats, mais je tiens à dire que vous ne faites que réaffirmer des grands principes, qui sont déjà posés dans les textes.

M. Yves Durand. Oui, parce que vous les violez !

M. Alain Joyandet. Vous êtes d’accord sur le constat que nous faisons : il y a des problèmes. Mais vous, vous en tirez la conclusion qu’il est urgent de ne rien faire.

Mme Martine David. Procès d’intention !

M. Alain Joyandet. Voilà la meilleure manière de faire perdurer les problèmes !

Les propositions innovantes de notre gouvernement…

Mme Martine David. « Innovantes », laissez-moi rire !

M. Alain Joyandet. …n’ont d’autre objectif que d’essayer d’améliorer la situation.

De votre côté, vous ne faites aucune proposition. Pire, vous intentez des procès d’intention au Gouvernement en allant bien au-delà de ce qui est écrit dans le projet de loi.

Nous n’intervenons pas souvent car nous ne voulons pas en ajouter. Mais je voulais tout de même souligner que depuis des heures et des heures, vous rabâchez les mêmes principes. Vous avez été à la tête de l’éducation nationale pendant des années. Dans quel état nous l’avez-vous laissée ? Quels résultats avez-vous obtenu ? (Approbation sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Une fois toutes les deux heures, nous viendrons donc vous poser des questions pour savoir ce que vous avez à proposer. Pour l’instant, la seule chose que je retienne, c’est que, constatant qu’il y a des problèmes, vous vous contentez d’énoncer des principes et que vous en tirez la conclusion qu’il ne faut rien faire. Et si l’on ne fait rien, une chose est sûre : rien ne changera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Les différentes interventions de notre groupe donnent une bonne idée de ce que nous voulons : nous souhaitons que la loi serve à quelque chose. Or depuis quelque temps, on constate un terrible décalage entre les textes que propose le Gouvernement et la réalité sur le terrain.

Pourquoi, au travers de nos divers amendements, revenons-nous sans cesse à ce sujet ? C’est que nos jeunes, en particulier dans les quartiers populaires, n’ont plus besoin de mots d’amour, mais de preuves d’amour.

À ce propos, j’évoquerai ce que nous vivons en Seine-Saint-Denis. Nous voyons se multiplier les textes sur la nécessité d’assurer l’égalité des chances. Nous avons entendu, surtout après que les banlieues ont flambé, bien des discours sur l’obligation de tenir compte de l’état de l’école de la République pour offrir l’égalité. Nous observons tous les ministres du Gouvernement se presser dans ce département – que vous connaissez bien, monsieur le président – pour s’apitoyer sur le sort de ses habitants. Et pour quel résultat ? Au moment où nous parlons, en termes de nombre d’enseignants, nous allons nous retrouver exactement dans la même situation que celle qui prévalait avant le lancement du plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis. Les mesures prises ici, à travers les mots, donnent l’impression, sur le terrain, que la situation se dégrade chaque jour un peu plus.

Enseignants et parents d’élèves se sont rassemblés pour protester contre la nouvelle carte des ZEP. Ces établissements scolaires, monsieur le ministre, qui sont bien souvent le dernier service public à permettre aux parents d’espérer que leurs enfants bénéficient de l’égalité républicaine, voient année après année, mois après mois, semaine après semaine, leurs moyens reculer. Ils ne permettent plus d’assurer la mixité sociale dont on parle tant sur ces bancs, car la première chose qu’une famille disposant d’un peu de moyens cherche à faire, c’est d’échapper à l’établissement scolaire qui ne respire pas la sécurité.

Alors que nous parlons de combattre les ghettos, de donner des chances aux zones urbaines en difficulté, l’école se dégrade, manque de moyens et de personnels – surveillants, enseignants, médecins –, avec les conséquences sociales que cela implique.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste s’acharne à faire entendre le contenu de ses amendements. Au travers d’exemples précis, nous souhaitons montrer le décalage entre les textes et la réalité.

Non, monsieur le ministre, contrairement à ce que proclament le Gouvernement et sa majorité, l’école de la République ne s’améliore pas. Elle est source de davantage de difficultés pour les personnels et les élèves. Elle offre moins d’espoir aux habitants de ces quartiers populaires, eux qui en ont tellement besoin.

Nous reviendrons sur ces amendements de fond, car ils permettent à l’opposition de donner sa définition de l’avenir de l’école et du rôle qu’elle doit jouer dans notre pays pour offrir à nouveau de l’égalité.

Monsieur le ministre, je sais bien qu’on ne réglera pas tout d’un coup de baguette magique. Mais aujourd’hui, bon nombre d’adultes, même s’ils se rendent bien compte qu’il est difficile d’améliorer leur situation du jour au lendemain, sont prêts à consentir encore des sacrifices, mais à condition que ceux-ci ne soient pas le seul héritage qu’ils légueront à leurs enfants. Or la désespérance que l’on observe dans les quartiers populaires vient du fait que des parents ont le sentiment que, quels que soient leurs efforts, la vie de leurs enfants sera pire que la leur.

Mme Muguette Jacquaint. Exactement !

M. Claude Bartolone. Si nous multiplions les amendements, c’est pour que vous donniez à l’école de la République les moyens d’être l’école de l’égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, ce débat est intéressant, certes, mais cela fait des années qu’il a lieu ici. Pour autant, je ne dirai pas comme certains de mes collègues que la gauche n’a rien fait en la matière. Au contraire, elle a essayé beaucoup de choses. Et si aujourd’hui nous en sommes à expérimenter de nouvelles formules, c’est que malgré tous les efforts qui ont été faits par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, la France n’a pas réussi son pari éducatif.

Dans ces conditions, doit-on renforcer les moyens dévolus aux formules classiques, qui ont montré leurs limites ? Je ne parlerai pas d’échec car il y a quand même des choses qui fonctionnent dans notre système scolaire, y compris dans les quartiers difficiles. N’oublions pas qu’il y a des gens remarquables : de formidables enseignants parviennent, par exemple, à adapter la pédagogie à la plupart des élèves.

Ne doit-on pas plutôt explorer de nouvelles pistes ? Des lois récentes, la loi Fillon avec le « temps de l’élève », la loi Borloo avec le « temps de l’enfant », essaient ainsi de mettre en œuvre des dispositifs plus adaptés tout en renforçant les moyens. Elles n’ont pas encore porté tous leurs fruits, mais cela commence, du moins là où les élus locaux, avec les enseignants et les travailleurs sociaux, ont la volonté de faire avancer les choses.

Reste qu’il existe des gamins, entre quatorze et seize ans, qui sont quasiment déscolarisés, presque à la rue. Ils ont pratiqué le nomadisme scolaire : partis d’un établissement, ils ont été orientés ici ou là. Et le manque de moyens n’est pas obligatoirement en cause. Souvent, ces enfants ont connu des problèmes lourds, familiaux notamment. Le système scolaire ne peut pas tout compenser : l’école seule n’a pas réponse à tout.

Ce projet de loi propose une solution : l’apprentissage junior. Il me semble que l’on peut avoir des réticences à l’égard de cette expérimentation sans pour autant la refuser. Personne n’a trouvé de système parfait. Je ne crois pas que ce soit les condamner que de proposer ce type d’apprentissage à des élèves qui, manifestement, ont du mal avec certains concepts traditionnels ou qui n’ont pas apprécié le système scolaire tel qu’on le leur a présenté. C’est simplement une possibilité qui leur est offerte. Prenons-la comme telle. Expérimentons, évaluons, nous verrons ensuite. Pour l’instant, on n’a rien su proposer de mieux, à ma connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Nous passerons ensuite à la mise aux voix de l’amendement, chaque groupe ayant pu s’exprimer.

Mme Janine Jambu. La réponse de M. le ministre me pousse à intervenir. Si nous continuons ainsi, nous aurons des problèmes. L’apprentissage junior et les contrats première embauche prétendent lutter contre la misère, mais, en fait, ils ne font que l’institutionnaliser et la répandre.

Pour ces familles et ces jeunes en détresse économique, sociale et morale, que proposez-vous ? Au lieu de les aider, vous réformez les ZEP. Mais qu’entendez-vous par là ?

Les contrats juniors sont une manière de mettre définitivement les jeunes en difficulté scolaire…

M. Pierre Cardo. Ils ne sont pas réservés aux jeunes en difficulté scolaire !

Mme Janine Jambu. …en dehors de l’école, loin d’une éducation qui leur permettrait de trouver leur place dans un environnement économique et social, scientifique et technique.

Avec les contrats première embauche, c’est la même chose. Vous détournez les jeunes, en leur disant : « Vous ne trouvez pas de travail, vous ne pouvez pas faire d’études. Eh bien ! acceptez n’importe quoi, et vous aurez un peu de sous. » (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Des gens m’ont dit : « Nous sommes opposés au contrat première embauche, mais nous sommes tellement dans la misère qu’un, deux ou trois mois de salaires, ce sera toujours mieux que rien ! »

Monsieur le ministre, je vous demande de ne pas jouer à ce jeu-là.

M. Pierre Cardo. Le seul jeu, pour l’instant, c’est l’obstruction !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 391.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 373.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le soutenir.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur Joyandet, contrairement à ce que vous venez de dire, nous ne rabâchons pas, nous avons des convictions et, en l’occurrence, nous sommes profondément convaincus qu’il faut garantir à chaque jeune le droit à l’éducation jusqu’à seize ans.

M. Cardo vient de nous dire qu’à quatorze ans un enfant peut avoir envie de travailler. Peut-être s’il est dans un milieu difficile, dans une famille monoparentale. Et de telles situations n’existent pas seulement dans les cités, mais aussi dans les 11e et 20e arrondissements de Paris.

L’école ne répond pas toujours aujourd’hui à ce qu’on en attend à l’âge de quatorze ans. Si un jeune voit sa maman trimer, il peut se dire que ce n’est peut-être pas si mal que cela de travailler. Car un enfant de quatorze ans issu d’une famille en difficulté n’a pas les moyens de préjuger de sa vie future. S’il y a bien un âge où c’est difficile et pour les familles et pour l’enfant, c’est bien cet âge-là.

M. Pierre Cardo. Vous n’avez pas une grande estime pour eux pour les dévaloriser à ce point !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. En revanche, à l’âge de seize ou dix-sept ans, le jeune aura pris un peu de maturité et il se dira que l’école peut lui apporter quelque chose.

Mes chers collègues, je ne serais pas parmi vous aujourd’hui sans l’ordonnance de 1959 et si le texte que nous examinons et que j’ai envie d’appeler « loi pour l’inégalité des chances » avait existé, car les familles que je décris ressemblent un peu à la mienne. Ma maman m’a élevée seule et elle rêvait que je travaille pour que je l’aide à joindre les deux bouts.

M. Pierre Cardo. Il y a aussi des mères qui rêvent que leurs gamins de quatorze ans ne soient pas dans la rue !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Un enfant qui voit ses parents trimer peut culpabiliser et se dire que, s’il travaillait, il pourrait ramener un peu d’argent à la maison, avoir aussi de l’argent de poche et son indépendance.

Et puis, à seize ans l’enfant aura mûri. Il peut très bien avoir fait une très mauvaise quatrième mais une bonne troisième et finalement décrocher son bac avec mention bien. Le fait d’avoir fait des études ouvre des perspectives, même dans une famille difficile.

M. Pierre Cardo. Parce que nous empêchons les jeunes de faire des études ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cela permet, quelques années après, de faire autre chose de sa vie, même quand on est dans la galère, et de siéger sur ces bancs par exemple. Et cette chance, j’ai envie de la donner à mes enfants de quatorze ans !

M. Pierre Cardo. Le misérabilisme, ça suffit !

M. Alain Vidalies. Un peu de respect, monsieur Cardo !

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande, d’un côté comme de l’autre, de ne pas vous prendre à partie !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, pour ma part, je réponds avec beaucoup de courtoisie et je pense ne pas avoir employé un ton discourtois.

Je n’ai pas envie de voter un dispositif qui privera les jeunes par la suite d’une culture générale susceptible de leur ouvrir des perspectives pour le restant de leur vie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Même remarque que pour l’amendement précédent : l’alinéa 6 de l’article L. 111-1 satisfait l’amendement. Mais j’ai compris, à la présentation de l’amendement, que la réponse de la commission était superflue.

En tout état de cause, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, vous proposez de compléter l’article L. 111-1 du code de l’éducation par l’alinéa suivant : « Le droit à l’éducation est garanti à chaque jeune sur l’ensemble du territoire. » Or il est déjà écrit, dans le même code, que le droit à l’éducation est garanti à chacun. L’amendement est donc déjà satisfait.

Je n’ai pas entendu une seule proposition en faveur des jeunes depuis le début de la discussion de ces amendements. À chaque fois, vous vous contentez de reprendre ce qui existe déjà dans le code de l’éducation, de critiquer les propositions du Gouvernement, sans en faire de nouvelles. Cela devient un peu gênant, pour vous surtout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Joyandet. Ce sera comme cela jusqu’à la semaine prochaine !

M. Pierre Cardo. Jusqu’au 7 février, date de la manifestation !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je vous remercie de lire systématiquement nos amendements.

L’égalité des chances, qui est la véritable mission républicaine – sinon je ne vois pas ce qu’elle a fait depuis 1882 –, doit être la même sur l’ensemble du territoire. Or, vous avez reconnu vous-même qu’il existe de profondes inégalités, non seulement entre les individus pour des raisons sociales et économiques, mais également entre les territoires. Et ces inégalités entre les territoires s’accroissent aujourd’hui. D’ailleurs, nous y reviendrons lors de l’examen des amendements qui concernent les zones franches et pour lesquelles nous faisons des propositions, car, contrairement à ce que vous prétendez, nous faisons des propositions pour un véritable aménagement du territoire.

Cette réponse à l’inégalité des territoires, c’est précisément ce qui a été à l’origine des zones d’éducation prioritaire en 1982. C’était pour compenser, rétablir, conquérir l’égalité des chances que nous avons appliqué ce traitement inégalitaire. Je dis « nous » parce que c’est une invention de la gauche et d’Alain Savary en particulier, qui fut un grand ministre de l’éducation nationale.

M. Jean Leonetti. Est-ce à dire qu’il n’y a pas eu de grand ministre de l’éducation nationale depuis ?

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, l’égalité des chances ne se décrète pas comme cela, elle ne s’écrit pas uniquement dans une loi, elle n’est pas le fait de proclamations, y compris à la tribune de l’Assemblée nationale. Elle se conquiert sur la réalité de l’inégalité, grâce à un traitement inégalitaire. C’est vrai pour les ZEP, mais c’est vrai aussi pour l’ensemble du territoire.

Mardi soir, lorsque j’ai défendu la question préalable, j’ai esquissé cette idée d’un traitement inégalitaire sur tout le territoire, ce qui implique d’ailleurs une restructuration de la gestion de l’éducation nationale, notamment au niveau de la carte scolaire. Il ne s’agit pas uniquement de définir les moyens avec une règle à calcul, mais de prendre en compte les vraies difficultés de chaque réseau d’établissements – école maternelle, élémentaire, collège, lycée – pour répondre à la situation locale sur chaque territoire.

S’agissant de l’éducation prioritaire, je souhaiterais que vous soyez un peu plus précis que vous ne l’avez été tout à l’heure…

Mme Janine Jambu. Très bien !

M. Yves Durand. …et que vous mettiez vos déclarations en conformité avec celles que vous avez faites il y a quelques mois.

M. Pierre Cardo. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Yves Durand. Mais si, puisqu’il s’agit d’assurer l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire !

M. Pierre Cardo. L’amendement porte sur le droit à l’éducation, non sur l’égalité des chances !

M. Yves Durand. Et, comme il y a inégalité entre les territoires, il faut bien qu’il y ait un traitement inégalitaire pour reconquérir cette égalité ! C’est notre conception de l’égalité des chances, et je conçois que ce ne soit pas la vôtre.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré, le 13 décembre dernier, en présentant trente-trois mesures en faveur des ZEP, que 100 à 150 collèges avaient vocation à sortir du dispositif d’éducation prioritaire d’ici à trois ans. Vous renforcez donc certains moyens sur certains collèges – encore que cela reste à voir – au détriment d’autres.

Or, hier, devant les enseignants et les chefs d’établissement de Seine-Saint-Denis, vous avez indiqué qu’il n’y aurait pas, dans ce département, de suppression de ZEP et vous avez ajouté qu’il y aurait davantage de ZEP en 2006 qu’en 2005. Quelle est donc la réalité de vos intentions ? Faut-il croire ce que vous disiez le 13 décembre dernier ou ce que vous disiez hier ? Et dans le second cas, avec quels moyens financera-t-on les ZEP supplémentaires, compte tenu du budget de l’éducation nationale qui met totalement de côté l’éducation prioritaire ?

M. le président. Mon cher collègue, il convient de respecter le temps de parole de cinq minutes qui est imparti à un orateur pour et à un orateur contre.

M. Pierre Cardo. Si seulement il pouvait parler de l’amendement en discussion !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je voudrais poser une question de forme : quelle est la différence entre l’amendement n° 371 et l’amendement n° 373 ? Je suis le fils de ma mère. De ma mère je suis le fils. De qui est-il le fils ? De ma mère ! (Sourires.) On peut décliner la même chose en cent amendements !

Mme Martine David. On n’y avait pas pensé !

M. Jean-Pierre Soisson. De plus, quelle est la différence entre vos amendements et le code de l’éducation, que vous déclinez mot pour mot en alternant les formules ?

Pour le reste, 80 % de vos amendements au moins relèvent du domaine réglementaire. Vous êtes donc en train de nous faire perdre notre temps. Vous répétez sans cesse les mêmes choses. Nous avons compris que vous ne vouliez pas de notre texte, mais nous, nous ne voulons pas de votre bavardage ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. C’est une attaque personnelle ! C’est inadmissible !

Mme Martine David. Monsieur Soisson, allez vous promener si vous ne voulez pas discuter du droit à l’éducation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 373.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Monsieur le président, j’appelle mes collègues au sérieux et à la courtoisie. Nous nous accordons tous ici – sauf un – à dire que nous avons engagé une discussion de fond sur le système éducatif,…

M. Pierre Cardo. C’est ce qu’on vous demande, d’ailleurs !

M. Yves Durand. …avec des avis divergents, ce qui est normal en démocratie, et des propositions qui ne le sont pas moins.

Telle est d’ailleurs la raison de notre présence ici.

L’intervention inopportune de M. Soisson, qui assiste assidûment à nos débats depuis mardi soir, m’oblige, monsieur le président, à intervenir. Parler de « bavardages » à propos d’un sujet aussi important que l’école et d’amendements de fond – vous l’avez vous-même reconnu –,...

M. Pierre Cardo. Ça dépend de ce qu’on dit !

M. Yves Durand. ...c’est insulter les orateurs et l’ensemble de la représentation nationale !

Pour que les esprits se calment, je demande une courte suspension de séance, monsieur le président.

Mme Martine David. Pour calmer M. Soisson !

M. le président. Le rythme de nos travaux avait tendance à s’accélérer...

M. Pierre Cardo. Trois amendements à l’heure !

Mme Martine David. C’est la faute de M. Soisson !

M. Pierre Cardo. Ça y est ! Ils ont trouvé un bouc émissaire !

M. le président. N’en rajoutez pas, monsieur Cardo !

Tout se passe bien, chacun peut s’exprimer, les rappels au règlement ne se multiplient pas. Nous pourrions continuer pendant un quart d’heure, monsieur Durand et je suspendrai la séance cinq minutes toutes les heures.

M. Claude Bartolone. Dix minutes, au moins !

M. le président. Mais non.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Joyandet. À l’occasion de la suspension de séance, nous pourrions nous mettre d’accord. Le débat de fond est engagé, il a été intéressant. Certains amendements, convenons-en, sont quelque peu redondants. Vous avez atteint votre objectif majeur puisque le contrat première embauche ne sera pas discuté aujourd’hui...

M. Yves Durand. Ce n’est pas notre problème !

M. Alain Vidalies. Pas avant la rentrée !

M. Alain Joyandet. Si vous souhaitez vraiment que les débats restent courtois, monsieur Durand, peut-être pourriez-vous vous efforcer de raccourcir les redites et éviter de faire ce que vous nous demandez de ne pas faire : arrêtez donc de distribuer des bons et des mauvais points ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour que les débats restent courtois, il serait bon d’avancer, afin d’éviter les accès de fébrilité.

M. le président. Je vais suspendre la séance, mais, ensuite, pour avancer et traiter les problèmes relatifs à l’éducation nationale, j’appliquerai dorénavant le règlement avec plus de rigueur en ne laissant s’exprimer alternativement qu’un orateur pour et un orateur contre l’amendement en discussion.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 380.

La parole est à M. Claude Bartolone, pour le soutenir.

M. Claude Bartolone. Nous essaierons comme précédemment, monsieur le ministre, de vous démontrer, au travers des différents amendements que le groupe socialiste a déposés, la cohérence de notre raisonnement, et de vous en convaincre. Le lien qui existe entre l’amendement n° 373, que nous venons de défendre, et le présent amendement, c’est la dimension territoriale.

Si nous insistons sur cette question, au point de vouloir l’introduire au cœur du projet de loi, c’est non seulement parce qu’aucune partie du territoire national ne doit échapper à l’égalité républicaine, mais encore parce que l’éducation relève d’une responsabilité partagée. Le travail d’instruction, mission propre de l’éducation nationale magnifiquement remplie par les enseignants, est complété par tout un travail effectué au plan territorial. Car si l’éducation relève en premier lieu de l’école – le rôle de celle-ci est primordial en matière d’instruction –, chacun sait bien que l’acte éducatif, aujourd’hui, doit être complété par la prise en compte de l’environnement de l’enfant. Un gamin, c’est aussi une famille qui peut avoir besoin d’aide. Il en est ainsi du soutien moral qui doit être apporté aux familles monoparentales, notamment lorsque les mères travaillent à des horaires décalés et ne peuvent pas être, autant qu’elles le souhaiteraient, présentes aux côtés de leurs enfants lorsqu’ils en ont besoin. Mais le soutien peut également concerner la sécurité dans les transports ou plus généralement l’accueil préscolaire – toutes questions qui mettent en avant le rôle joué par le monde associatif.

Pourquoi une telle énumération, monsieur le ministre de l’éducation nationale ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourquoi, en effet ?

M. Claude Bartolone. C’est qu’insister sur la dimension territoriale permet de montrer combien l’ensemble du puzzle éducatif est actuellement malmené.

Quel sens voulez-vous que nous donnions à ce texte, lorsque, notamment dans le cadre de la politique de la ville, les moyens accordés aux associations diminuent alors que, bien souvent, elles assurent dans les quartiers défavorisés le dernier service public ? Ce recul met en difficulté les bénévoles et les permanents qui tentent d’apporter aux enfants le complément éducatif qui leur permettra de trouver un jour la voie – l’activité sportive ou culturelle – qui leur donnera un sentiment de réussite. Car, monsieur le ministre de l’éducation nationale, ce n’est pas à vous que j’apprendrai que la réussite scolaire dépend non seulement de la promesse différée faite par l’éducation nationale – « Fournis des efforts, et tu seras récompensé, un jour, en obtenant un travail » –, mais également de la possibilité pour l’élève de trouver dans son parcours de quoi pallier l’échec scolaire. La reconnaissance, chez un enfant, de ses capacités culturelles, sportives ou d’animation dans une association a des répercussions sur son travail scolaire. Or, c’est précisément parce que nous pensons que le complément éducatif relève du plan territorial que le présent amendement tend à préciser que les programmes, quant à eux, demeurent du domaine de l’État. Quel que soit le rôle des collectivités locales, des associations et de l’ensemble des partenaires de l’acte éducatif, il est de la responsabilité particulière de l’éducation nationale que les programmes demeurent identiques sur l’ensemble du territoire.

Tel est l’esprit de cohérence dans lequel nous avons déposé les amendements nos 373 et 380 : l’un tend à affirmer que tous les partenaires de l’acte éducatif – collectivités locales ou associations – partagent avec les enseignants et l’ensemble de la communauté éducative une commune stratégie visant à favoriser la réussite scolaire ; l’autre, dans le même temps, vise à confirmer le caractère national des programmes, pour que chaque enfant, sur l’ensemble du territoire, se voie offrir les mêmes enseignements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

Monsieur Bartolone, votre amendement est satisfait par l’article L. 211-1 du code de l’éducation, qui, de manière très explicite, confie à l’éducation nationale et à l’État l’élaboration des programmes. Il est en outre confirmé par l’article 48 de la loi d’orientation sur l’école, lequel insère dans le code de l’éducation l’article L. 912-1-1, qui met en face de la liberté pédagogique de l’enseignant uniquement et seulement les programmes définis par l’État, et nullement les initiatives des collectivités locales et des associations.

Le dispositif législatif actuel est équilibré et l’adoption de votre amendement ne ferait que le déstabiliser de façon tout à fait regrettable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

C’est vrai, monsieur Bartolone, c’est très joli, ce que vous dites, mais votre beau discours théorique n’a que peu de rapport avec l’amendement n° 380, lequel, pour intéressant qu’il soit, est déjà satisfait par le code de l’éducation qui prescrit : « L’État assume […] la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux […]. » Que voulez-vous de plus ? Vous ne proposez rien d’autre !

M. Claude Bartolone. Si !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dites quoi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voulez-vous, oui ou non, remettre en cause le code de l’éducation ?

Mme Martine David. Ce sont les mesures que vous proposez qui le remettent en cause !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne le remettons pas en cause, puisque les principes que vous venez d’énoncer avec brio sont très exactement ceux du code !

M. Pierre Cardo. Les récrire dans le projet de loi ne servirait à rien !

M. Yves Durand. Mais c’est le projet de loi qui les remet en cause !

M. Jean-Pierre Soisson. Mais non, puisqu’ils sont toujours inscrits dans le code !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le code prescrit toujours que « l’État assume […] la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l’organisation et le contenu des enseignements ». Monsieur Bartolone, franchement, ce que vous avez énoncé avec, je le répète, beaucoup de brio est satisfait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. La précision apportée par l’amendement n° 380 est importante, et, pour ma part, monsieur le ministre, je n’en ris pas.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Moi non plus !

Mme Muguette Jacquaint. La Seine-Saint-Denis avait obtenu il y a sept ou huit ans 3 000 postes supplémentaires d’enseignants en raison des nombreuses inégalités existant dans le département – elles se sont malheureusement encore aggravées ces dernières années – et des difficultés qu’elles engendraient chez les enfants. Or c’est au moment où les zones d’éducation prioritaire commençaient à donner des résultats qu’elles ont vu diminuer le nombre de postes d’enseignants, de médecins et d’infirmières scolaires – quant aux psychologues scolaires, n’en parlons pas, il n’y en avait pratiquement plus !

Les collectivités locales ne sont pas restées l’arme au pied ! C’est ainsi que ma ville – mais ce n’est pas la seule – a organisé avec les associations, dans le cadre des contrats de ville, l’aide aux devoirs, qui est capitale pour les élèves en difficulté. Mais aujourd’hui ces associations, qui jouent un rôle également très important dans l’alphabétisation des nouveaux arrivants, qui sont très nombreux, ont de moins en moins de moyens.

Vous avez l’air de prétendre que nous faisons du rabâchage, avec cet amendement : mais s’il est nécessaire aujourd’hui de réaffirmer ce qui est déjà inscrit dans le code de l’éducation, c’est que, depuis quelques années, la situation s’est nettement dégradée en raison de la diminution des moyens dont dispose l’éducation nationale.

M. Pierre Cardo. Ce n’est pas en récrivant des principes déjà inscrits dans la loi que la situation changera !

Mme Muguette Jacquaint. Car il ne suffit pas de prétendre que les ZEP disposent aujourd’hui d’un peu plus de moyens si l’on se contente de déshabiller Pierre pour habiller Paul en retirant leurs moyens à des quartiers qui ne sont pas encore en ZEP, si bien qu’ils se retrouvent dans une situation comparable !

De la maternelle au lycée, en passant par l’école primaire et le collège, il est nécessaire de faire plus que ce qui a été fait ces dernières années. Il faut tout de même tirer des enseignements de la crise récente !

M. Yves Durand. Évidemment !

Mme Muguette Jacquaint. Très sincèrement, monsieur le ministre, je n’ai pas le sentiment que la crise est réglée. Au contraire, à tout moment, nous pouvons retrouver une situation qui dégénérera de nouveau. Les villes ont, certes, mobilisé un grand nombre de moyens pour que la crise ne se reproduise pas, en insistant notamment sur le dialogue avec les jeunes, mais l’école joue un rôle considérable en la matière. Les instituteurs, les professeurs et le monde éducatif dans son ensemble doivent pouvoir consacrer aux élèves plus de temps qu’aujourd’hui.

Les assises de l’éducation nationale ont attiré 500 participants de la seule ville de La Courneuve : je vous laisse imaginer le nombre de personnes concernées au plan départemental ! C’est pourquoi vous pouvez nous reprocher de rabâcher : nous ne le ferions pas si la loi était respectée !

M. Yves Durand. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre, les amendements nos 373 et 380 sont l’expression de craintes. J’ai appartenu à un gouvernement qui a eu l’impression de réaliser des progrès mais qui, jamais, n’a eu la prétention de tout régler ! Ce n’était absolument pas l’état d’esprit dans lequel nous travaillions !

Or, si nous sommes inquiets aujourd’hui, c’est notamment parce qu’une des grandes conquêtes de notre pays – la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans…

M. Yves Durand. Instaurée en 1959 !

Mme Marylise Lebranchu. …en 1959, il convient en effet de le rappeler – est menacée.

Nous sommes nombreux ici – une de nos collègues l’a rappelé – à entendre ceux qui sont partis en apprentissage à treize ou quatorze ans nous dire encore aujourd’hui la chance que nous avons eu d’aller à l’école plus longtemps qu’eux. Je trouve révoltant qu’on veuille remettre en cause un tel acquis.

D’ailleurs, cette idée n’est pas nouvelle : cela fait longtemps qu’elle traîne. Lorsque j’étais secrétaire d’État à l’artisanat, des responsables de chambres de métiers m’avaient proposé de revenir sur la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans, en arguant du fait que les jeunes qui arrivent en apprentissage à cet âge y entrent le plus souvent non par choix, mais par obligation, en situation d’échec scolaire. Leur idée était qu’en encadrant ces jeunes en vue de les promener d’un métier à un autre, ils arriveraient à en trouver un qui leur plairait suffisamment pour éviter de connaître un nouvel échec, consécutif au fait qu’ils étaient devenus apprentis, je le répète, par obligation et non par choix.

Nous répondions qu’il fallait, au contraire, renforcer la scolarité obligatoire, car, s’il est vrai qu’entre quatorze et seize ans des enfants s’ennuient à l’école, la solution n’est pas de les en faire sortir avec le sentiment d’un échec qu’ils traîneront toute leur vie. Existe-t-il aujourd’hui une seule personne partie en apprentissage en situation échec pour affirmer que cela a représenté la chance de sa vie ?

Certains se sont dit : « Je me suis rattrapé aux branches, je m’en suis assez bien sorti. » Mais le manque de culture générale est déploré même au sein de l’UPA, l’Union professionnelle des artisans.

Si l’on écoute un artisan qui emploie des apprentis depuis longtemps – ce qui lui évite souvent, d’ailleurs, d’embaucher des salariés à plein-temps –, il voudra bien embaucher des apprentis plus jeunes, mais il nous reprochera notre responsabilité, à nous politiques, dans le faible niveau d’éducation générale de ces jeunes.

Je me souviens d’une longue diatribe de Claude Allègre qui avait fait beaucoup sourire, où il reprenait cette anecdote d’un artisan regrettant que de jeunes apprentis ne soient même pas capables de comprendre quelques notions fondamentales de chimie nécessaires en pâtisserie – exemple parmi d’autres. Or certaines chambres des métiers, au sein des centres de formation d’apprentis de l’industrie, ont tenté de remédier à cette faiblesse de la culture générale.

J’ai toujours tiré mon chapeau à des chambres des métiers comme celle d’Agen, laquelle avait rendu obligatoires dans son programme d’études des séances de cinéma, des représentations théâtrales, des concerts de musique classique et de musique moderne, la lecture d’ouvrages. Cette réussite s’explique, bien sûr, par les moyens supplémentaires dont cette chambre des métiers disposait – la taxe d’apprentissage étant élevée, mais d’autres taxes ne l’étant pas.

Je crains très fort qu’avec votre projet de loi, nous ne parvenions pas à une égalité d’accès aux fondamentaux de la culture et du savoir sur l’ensemble du territoire. En effet, dans des départements comme le mien, le Finistère, la géographie elle-même empêche l’apprenti de choisir un métier. Comment voulez-vous qu’un gamin de quatorze ans qui habite les Monts d’Arrée, où il ne disposera que de deux types d’apprentissage tout au plus, puisse se rendre à Quimper, à Rennes, à Pontivy, à Morlaix, à Paris pour connaître les différents métiers ? Qui va prendre en charge son déplacement, son logement ?

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Marylise Lebranchu. Personne ! Les régions ont déjà tenté de pourvoir aux déplacements des jeunes d’au moins seize ans. Pourquoi ? Parce que nous avons constaté que ces jeunes se dirigent vers des métiers non par choix, mais parce que près de leur lieu d’origine se trouvent un patron et un centre de formation d’apprentis qui les accepte.

Or les dispositions défendues par la majorité vont renforcer ces inégalités. Si nous nous accordons pour déplorer que des jeunes en très grande difficulté sortent de notre système éducatif, nous devons alors penser à donner une réelle signification à des idées telles que communauté pédagogique, accompagnement en dehors des heures scolaires, connaissance des technologies – nous y reviendrons à l’occasion de la discussion d’un prochain amendement. Nous devons y réfléchir et tirer, par exemple, les enseignements de ce qui s’est fait à Pézenas, où, plutôt que de les laisser s’exclure, l’on a réactivé l’intérêt des enfants par l’outil informatique, qu’ils ont souhaité maîtriser et grâce auquel, donc, ils ont eu envie d’apprendre à lire et à écrire.

Tous les artisans français veulent bien que l’on parle de l’apprentissage comme d’une voie d’excellence ; encore faut-il que les parents d’élèves acceptent de faire ce choix pour leurs enfants de quatorze ou seize ans. Or, pas un seul parmi vous ne le ferait pour les siens. Nous sommes donc en train de légiférer pour les enfants des autres.

M. le président. Veuillez conclure, madame Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je ne prendrai plus la parole sur cet article, monsieur le président,…

M. Yves Durand. Ah si !

Mme Marylise Lebranchu. …puisque je l’aurai fait une fois pour toutes au terme de mon intervention.

On ne légifère donc pas sur l’avenir des enfants sans difficultés, mais sur celui des enfants des autres, dont on ne sait plus vraiment quoi faire. Il s’agit d’un constat d’échec. Et la réponse que vous proposez à cette question n’est pas digne de l’éducation nationale. C’est une réponse défaitiste.

Aussi, j’espère que le Gouvernement va se reprendre et que nous allons essayer de trouver ensemble une autre solution qu’une discrimination. En effet, on affirme que les enfants partis en apprentissage vont revenir au collège. Or je dispose de quelques exemples – même si j’ai bien conscience qu’on ne légifère pas en fonction de cas personnels – de jeunes revenus de formation en ayant deux ou trois ans d’âge de plus que les autres élèves. Je puis vous assurer qu’une telle situation, complexe, est extrêmement difficile à vivre pour les jeunes comme pour les enseignants, les parents et l’entourage.

Quelques-uns, certes, ont le courage d’assumer leur âge, d’avoir dix-neuf ans dans une classe où les autres élèves en ont quinze…

M. le président. Veuillez conclure, madame Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je conclus en soulignant que ceux qui réussissent dans ces conditions sont si rares que je n’admets plus qu’on puisse dire d’un enfant qui entre en apprentissage à quatorze ans qu’il bénéficie d’autant de chances que les autres de devenir ingénieur, car ce n’est pas vrai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Charzat. Eh oui !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 380.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 374.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Cet amendement propose, avant le premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de l’éducation, l’insertion d’un alinéa ainsi rédigé : « Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur participent à la mise en œuvre du droit à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. »

Pourquoi cet amendement ? On va très probablement objecter, une nouvelle fois, que nous répétons ce qui est inscrit dans le code de l’éducation.

M. Pierre Cardo. Ce serait fondé !

M. Jean-Pierre Blazy. La pédagogie est l’art de la répétition !

M. Yves Durand. Ce qui est vrai ! Nous ne voulons pas changer le code de l’éducation,

M. Jean-Pierre Blazy. Nous souhaitons le conforter !

M. Yves Durand. Nous souhaiterions le conforter, en effet.

Ce que nous croyons très profondément – et l’exemple précis de Mme Lebranchu va dans ce sens –, c’est que votre projet de loi risque justement de remettre en cause le code de l’éducation. Tout ce projet obéit à une même logique. Ainsi, votre texte va remettre en cause – c’est son objectif – le code du travail avec le CPE, et, de la même manière, les dispositions que nous sommes en train d’examiner remettent en cause les principes mêmes du code de l’éducation.

Nous rappelons ces principes non pour faire du rabâchage ou de grandes déclarations incantatoires, non pour, j’insiste, transformer le code de l’éducation, mais tout simplement parce qu’ils vont être remis en cause, éliminés, bafoués si jamais ce projet de loi est adopté.

Parmi les principes visés, je relève en particulier celui d’égalité des chances et celui que vous n’osez pas remettre en cause d’une manière franche : l’obligation scolaire jusqu’à seize ans.

M. Maurice Giro. Mais non !

M. Yves Durand. Si vous vous exprimiez nettement sur le sujet, nous pourrions mener un débat clair.

M. Pierre Cardo. L’obligation scolaire jusqu’à seize ans est dans la loi !

M. Yves Durand. Certains considèrent que la scolarité obligatoire doit être prolongée au-delà de seize ans, d’autres – et j’en suis – considèrent que la scolarité doit être obligatoire plus tôt qu’elle n’est. C’est en ce sens que j’ai parlé des maternelles tout à l’heure. Ainsi, mardi soir, j’ai fait une proposition – alors que vous nous reprochez toujours notre absence de propositions – en faveur de la scolarité obligatoire dès trois ans. Il s’agit d’un débat que nous devrions avoir dans le cadre de l’égalité des chances.

Voilà pourquoi nous nous trouvons dans l’obligation, en regard du projet et de la manière dont nous avons travaillé en commission, de rappeler les principes auxquels nous sommes profondément attachés et que vous tentez de remettre en cause. J’examinerai en particulier les écoles, collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur qui tous participent de la mise œuvre du droit à l’éducation et de la formation tout au long de la vie.

Je m’explique : contrairement à ce que vous soutenez, il ne peut y avoir de formation tout au long de la vie, de formation technologique et professionnelle, de formation permanente solide et réussie, sans une formation initiale longue et approfondie. Cette idée, qui sous-tend toute l’évolution du système éducatif depuis soixante ans, n’est ni de gauche ni de droite, monsieur le ministre. En 1959, date de l’obligation scolaire à seize ans, le ministre de l’éducation nationale s’appelait Jean Berthoin, le Premier ministre Michel Debré et c’était le général de Gaulle qui exerçait le pouvoir. Il ne s’agissait donc pas précisément de la gauche, même si le général de Gaulle appartenait à toute la nation – nous en sommes bien d’accord.

Le fil rouge de l’évolution du système éducatif est l’allongement de l’obligation scolaire. Il s’agissait d’abord de rassembler tous les élèves, quels que soient leurs milieux d’origine, dans le même établissement, sans qu’ils soient sélectionnés en fonction de critères économiques et sociaux, et, ensuite, il s’agissait d’établir une sorte de sélection républicaine. Or ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme, du reste, vous l’avez répété tout à l’heure, monsieur le ministre, constatant que les inégalités scolaires découlaient des inégalités sociales. On note à cet égard, de votre part, une véritable erreur, un décalage entre les discours et les actes. Je ne parlerai pas d’hypocrisie – ce serait injurieux – parce que je pense que vous êtes de bonne foi.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Merci !

M. Yves Durand. Néanmoins, comment allez-vous sélectionner les élèves à partir de la cinquième si ce n’est à partir de critères sociaux ?

Pourquoi les élèves ne réussissent-ils pas, pourquoi s’ennuient-ils à l’école ? Voilà la question qu’il faut se poser au lieu de dresser le constat selon lequel ils s’ennuient à l’école et, par conséquent, il faut qu’ils la quittent parce qu’ils ne sont pas faits pour elle. Aussi notre propos consiste-t-il à affirmer que ce grand mouvement d’allongement de l’obligation scolaire a un objectif, une raison d’être, et ne doit rien au hasard ; il ne s’agit ni d’une mode ni d’une idéologie.

M. Maurice Giro. Si !

M. Yves Durand. En effet, je le répète, ce sont des gouvernements de gauche et de droite qui ont appliqué ce principe. Il répond à une nécessité : celle de l’égalité des chances, d’une véritable égalité des chances par le rassemblement d’élèves de toutes origines sociales dans le même établissement – ce fut l’instauration du collège unique en 1975, collège pour tous censé permettre à chacun d’exprimer ses talents individuels.

Vous avez refusé cette grande réflexion au moment de la discussion du projet de loi sur l’avenir de l’école, et sur lequel nous avions déposé nombre d’amendements. On paie probablement ce refus aujourd’hui par l’échec scolaire et par les conséquences qui en découlent, que nous avons pu constater il y a quelques semaines.

Le second objectif visé par ce principe est l’élévation du niveau général de qualification.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Je conclus, monsieur le président. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La loi sur l’avenir de l’école a fixé pour objectif que la moitié d’une classe d’âge obtienne un diplôme d’enseignement supérieur. C’est vous-même qui l’avez fait voter. Or, monsieur le ministre, comment atteindre cet objectif alors que votre projet de loi prévoit que les élèves en difficulté scolaire quittent le collège en fin de classe de cinquième – pour ne pas y revenir, comme vient de l’évoquer Mme Lebranchu –, et ce malgré l’obligation scolaire et le pseudo-volontariat que vous proposez et sur lequel nous reviendrons ? Une fois encore, vous affichez des objectifs dont vous savez très bien, au moment même où vous les fixez, que vous ne les atteindrez pas parce que vous ne voulez pas les atteindre.

M. Maurice Giro. C’est incroyable d’entendre cela !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je rappellerai simplement que le droit à l’éducation est déjà inscrit à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, le droit à l’éducation permanente, comme obligation nationale, qui, bien sûr, concerne l’État au premier chef, à l’article L. 122-5, que l’article L. 122-3 du code de l’éducation pose le principe de la formation professionnelle initiale comme socle de la formation tout au long de la vie et que l’article L. 122-6 reconnaît, quant à lui, une obligation nationale de formation professionnelle continue, toutes ces dispositions ayant été reprises par la loi sur la formation tout au long de la vie – que vous connaissez, au moins pour ne pas l’avoir votée.

La commission émet un avis défavorable.

M. Yves Durand. Comment allez-vous y arriver ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. En dehors du fait qu’il permet à chacun de s’exprimer longuement sur d’autres sujets que l’article en question, cet amendement, hélas, n’apporte rien au code de l’éducation nationale, dans lequel on peut lire : « L’éducation permanente constitue une obligation nationale. Elle a pour objet d’assurer à toutes les époques de sa vie, la formation, le développement de l’homme, de lui permettre d’acquérir les connaissances, l’ensemble des aptitudes intellectuelles ou manuelles qui concourent à son épanouissement comme au progrès économique, culturel et social. »

Voilà qui est mieux exprimé que le texte de votre amendement.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 374, qui est déjà satisfait – et largement ! – par le texte en vigueur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Que, comme vous l’affirmez, monsieur le ministre, l’amendement soit satisfait, est une chose. Toujours est-il que la formation tout au long de la vie doit être sanctionnée par l’acquisition de qualifications et de diplômes. Or, quelle que soit la qualité du texte relatif à la validation des acquis et de l’expérience, sa mise en œuvre se révèle très difficile.

Nous constatons partout que, pour toutes les démarches visant à obtenir, au nom de cette formation tout au long de la vie, la validation des acquis et de l’expérience, c’est toujours – si j’ose dire ! – la croix et la bannière.

Il importe donc que vous puissiez nous préciser, à l’occasion de ce débat, dans quelle mesure votre ministère peut répondre, en période de mutations économiques et industrielles, au besoin qu’ont les salariés de faire valoir leurs acquis au nom de la formation tout au long de la vie.

Si ce dispositif était si facile à mettre en œuvre, il serait inutile de le préciser. Si nous proposons d’apporter cette précision, c’est parce que cette mise en œuvre reste aujourd’hui un vœu pieux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 374.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 375.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Soisson. Cet amendement est de nature réglementaire.

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement n° 375 n’est nullement de nature réglementaire, monsieur Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Mais si ! Reportez-vous donc à la décision du Conseil constitutionnel de la semaine dernière.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je souhaiterais pouvoir soutenir cet amendement du groupe socialiste sans être interrompu par M. Soisson.

Il est essentiel de préciser clairement que la formation dispensée par les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur doit comprendre l’apprentissage de l’usage et des enjeux des technologies de la communication et de l’information.

On reproche souvent à notre système éducatif notre manque de culture scientifique. Prétendez-vous, avec l’apprentissage junior, donner aux jeunes une culture scientifique en les évinçant prématurément de l’école et du système éducatif ? C’est au niveau du socle de formation qu’il faut impérativement développer cette formation scientifique. Cela doit donc, bien évidemment, pouvoir se faire dès l’école élémentaire, puis au collège, ce qui est incompatible avec les sorties prématurées du système éducatif que vous voulez organiser.

Notre proposition inclut aussi les technologies de la communication et de l’information qui, en ce début du xxie siècle, sont fondamentales pour la vie économique comme pour la formation des jeunes, qui sont les futurs citoyens. Cet apprentissage doit être développé et il ne nous semble pas que cette mesure soit d’ordre réglementaire. Elle est en tout cas indispensable car la loi d’orientation pour l’avenir de l’école n’est pas assez claire sur ce point. Ces disciplines doivent donc faire partie des missions de l’éducation nationale et être intégrées en tant que telles dans le code de l’éducation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Monsieur Blazy, votre groupe n’a pas été très gentil avec vous en déposant sans les ripoliner un peu des amendements qu’il avait déjà déposés lors de la discussion de la loi sur l’école !

L’article L. 121-1-1 que vous proposez de créer dans le code de l’éducation n’existait certes pas avant l’adoption de la loi d’orientation par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais il existe aujourd’hui et prévoit que « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend notamment » – je vous épargne la liste complète – « la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ».

Votre amendement était donc utile… avant l’adoption de la loi d’orientation pour l’avenir de l’école – que vous n’avez d’ailleurs pas votée.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je puis finir de rassurer M. Blazy en lui citant aussi le code de l’éducation, dont l’article L. 312-9 dispose que « tous les élèves sont initiés à la technologie et à l’usage de l’informatique ».

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. J’entends bien la lecture de la loi d’orientation pour l’école et du code de l’éducation.

M. Xavier de Roux. Nous avons tellement de lois ! Tout est dans tout, et réciproquement !

M. Yves Durand. Nous avons passé de nombreuses heures à tenter de définir, sans d’ailleurs y parvenir tout à fait, le socle commun de connaissances. J’ai d’ailleurs déjà rappelé qu’une mission parlementaire présidée par M. Périssol avait travaillé durant des mois sur cette question, sans que le ministre de l’époque tienne nullement compte de ce travail dans son projet de loi.

Je reconnais, monsieur le rapporteur, que l’acquisition par tous d’un socle commun de connaissances s’impose, puisqu’elle est prévue par la loi que vous avez fait voter – et que le groupe socialiste n’a pas votée, pour les raisons que vous savez. Vous m’obligez à répéter la même argumentation que tout à l’heure : votre projet de loi rend absolument impossible l’acquisition par tous d’un socle commun de connaissances.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ça, alors !

M. Yves Durand. Vous pouvez bien vous révolter, monsieur le ministre, mais je vais m’efforcer de vous prouver ce que j’affirme.

Un élève qui entre au collège commence à acquérir ce socle commun de connaissances…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il a commencé avant !

M. Yves Durand. Certes ! Il continue donc au collège cette acquisition commencée à l’école élémentaire, qui doit être évaluée à la fin de la classe de troisième. Votre projet de loi aura pour effet que certains élèves, et notamment ceux qui sont le plus en difficulté,…

M. Pierre Cardo. Non, pourquoi ?

M. Yves Durand. …sortent du collège et découvrent pendant un an la vie professionnelle, entrant à partir de quinze ans en contrat d’apprentissage. Nous reviendrons sur ce point.

C’est alors qu’intervient votre extraordinaire entourloupe : ces élèves, dont la vie quotidienne et l’emploi du temps subissent les conséquences des heures passées en découverte professionnelle et en apprentissage pourraient acquérir sans peine le socle commun de connaissances, tout comme ceux qui sont restés au collège, dans le système traditionnel – le système « académique », comme l’a appelé récemment M. Borloo ? Or vous savez bien que c’est absolument impossible !

Dès la fin de la cinquième, en effet, vous demandez à des élèves qui ont déjà des difficultés d’acquisition de faire plus que ceux qui n’ont pas ces difficultés et d’acquérir le même socle de connaissances. Vous chargez la barque de ceux qui ont déjà tendance à couler, en leur demandant un effort supplémentaire. Voilà l’entourloupe !

Au lieu de l’égalité des chances que vous prétendez assurer sous prétexte que vous exigez l’acquisition du même socle de connaissances, c’est l’inverse que vous mettez en place. Une fois encore, vos propos sont en rupture avec la réalité : à partir de la fin de la classe de cinquième, comme au bon vieux temps où les enfants de toutes les classes sociales ne travaillaient pas ensemble, certains vont perdre la possibilité d’acquérir la culture générale nécessaire pour construire par la suite un vrai projet de réussite. Voilà la réalité, et il faut le dire clairement. Avec votre projet de loi, le socle commun de connaissances n’est plus « commun », car certains n’ont pas la possibilité de l’acquérir.

Voilà pourquoi nous avons déposé l’amendement n° 375.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 375.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 376.

La parole est à Mme Hélène Mignon, pour le soutenir.

Mme Hélène Mignon. L’amendement n° 376 est important, au vu des difficultés que rencontrent les jeunes et les moins jeunes dans la vie courante, faute d’un socle de connaissances suffisant, pour remplir certains formulaires, voire pour comprendre certains récépissés qu’il leur faut signer. Il faudrait envisager de mettre en place dans les établissements scolaires des conseillers en économie sociale et familiale, pour apporter aux élèves la science et le savoir dont ils ont besoin.

Monsieur le ministre, si nous parvenions à mettre en place un tel enseignement, moins nombreuses seraient les personnes qui remplissent mal les formulaires qu’elles remettent à l’administration – tout particulièrement aux CAF – et fournissent des renseignements erronés : votre gouvernement n’aurait alors pas besoin de tant parler de ceux qu’il appelle des « tricheurs ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Madame Mignon, pour connaître votre attachement aux missions locales, comme les permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les PAIO, ainsi qu’à l’accompagnement des jeunes sortis du système scolaire en situation d’échec, je mesure l’acuité du problème réel et concret que vous soulevez.

Sur le fond, toutefois, il faut souligner qu’une plus grande ouverture sur la vie professionnelle contribue à cette autonomie dans la vie quotidienne. Nous reviendrons sur cette question lorsque nous examinerons le cœur du dispositif de l’apprentissage junior. Par ailleurs, l’article L. 122-1-1 tel qu’il a été introduit dans le code de l’éducation par la loi d’orientation pour l’avenir de l’école mentionne cet objectif et l’inscrit dans notre droit positif.

Votre amendement étant satisfait, la commission, par souci d’économie législative, a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis défavorable. En effet, l’article L. 122-1-1 répond à cette question, et d’une façon bien plus complète que l’amendement proposé.

En outre, monsieur Blazy, l’argument que vous avancez à propos des nouvelles technologies n’est pas bon : grâce à l’apprentissage, les jeunes concernés auront un an de plus pour l’acquisition du socle commun de connaissances, et il est probable qu’ils le posséderont mieux que d’autres.

En outre, contrairement à ce que vous affirmez, les jeunes sont probablement bien plus à même que beaucoup d’adultes d’assimiler les nouvelles technologies, et beaucoup plus en avance à cet égard.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 376.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 381.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous touchons, avec cet amendement, un point essentiel : la carte scolaire. Votre projet de loi, qui prétend indûment viser l’« égalité des chances », aggrave en fait l’inégalité des jeunes face à leur avenir en les éjectant prématurément du système éducatif.

Il faut cependant réfléchir sur les causes fondamentales, les causes premières de l’échec scolaire. Vous prétendez favoriser la réussite scolaire pour tous, mais le dispositif de réussite éducative, si intéressant soit-il, n’y suffira pas : il y a, au départ, des inégalités entre territoires, entre établissements et entre populations, qui sont la base même de l’échec scolaire.

Il appartient, de la façon la plus claire qui soit, de faire en sorte que, dans les missions éducatives de l’État, la détermination de la carte scolaire reste bien un point majeur, qui doit donc relever de l’autorité du recteur. Les inégalités scolaires sont au départ des inégalités sociales, et l’on voit bien, s’agissant de la carte scolaire, tous les biais mis en œuvre pour y échapper alors qu’il faut absolument, au contraire, redéfinir le concept de carte scolaire tout en s’assurant bien que celle-ci reste une compétence de l’État. C’est pourquoi nous proposons évidemment, puisqu’elle doit être définie au niveau national, de l’intégrer dans le code de l’éducation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Revenir sur des dispositions législatives antérieures n’a pas paru judicieux à la commission, qui a émis un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Blazy. Expliquez-vous !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement ne tient pas à remettre en cause la répartition des compétences entre les collectivités et l’État. La loi de 2004 avait été très longuement débattue et il n’est pas question – en tout cas pour nous – qu’elle soit aujourd’hui remise en cause.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. On touche très probablement à l’un des points les plus difficiles de l’application de l’égalité des chances, je ne le nie pas, parce que la carte scolaire pose un problème de fond : celui de son établissement et de son respect. La carte scolaire, c’est quoi ? C’est l’établissement des moyens, dans le cadre d’une espèce de système pyramidal, pour chaque académie puis, au sein de chacune, pour chaque établissement scolaire, mais avec tout de même, on le voit très bien, une conception que j’appelais tout à l’heure la « conception de la règle à calcul ». Il y a des calculs savants pour définir la carte scolaire, tel le nombre d’heures par enseignant, mais ce sont des chiffres et une arithmétique qui ne prennent pas en compte – tous ceux qui ont un tant soit peu connu l’administration de l’éducation nationale le savent très bien – les disparités entre les territoires et les difficultés diverses d’éducation selon les territoires et selon l’environnement économique, social et urbain des établissements scolaires. C’est d’ailleurs cette constatation qui a été à l’origine de l’éducation prioritaire, c’est-à-dire – quitte à caricaturer la réalité du souffle qui devrait être le sien – l’idée de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.

Or, ce que nous reprochons entre autres à ce projet de loi, c’est son manque total d’imagination, son vide. Il faut tout de même revenir sur l’origine de ce texte : il est la finalisation, la formalisation de déclarations du Premier ministre après les événements graves que nous avons connus dans certaines banlieues en novembre dernier. Entre parenthèses, dans ces déclarations, il n’y avait pas le CPE : c’est maintenant la cerise sur le gâteau ! Mais il y avait en particulier l’apprentissage junior, qui d’ailleurs n’était pas ouvert à partir de l’âge de quinze ans mais, dans la proposition de M. de Villepin, dès l’âge de quatorze ans. On reviendra sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a dû reculer sur ce point, même si cela ne règle rien au niveau des principes.

En plus, il n’y a rien sur l’éducation prioritaire, rien sur la carte scolaire. Je ne reviens pas sur l’absence de moyens et sur les restrictions budgétaires, mais il n’y a rien non plus sur la méthode inégalitaire qu’il faudrait appliquer pour accéder à cette véritable égalité des chances. À aucun moment il n’y a eu de véritable évaluation de l’éducation prioritaire ; à aucun moment il n’y a eu de véritable réflexion, ni même de vraie concertation, y compris avec le Parlement malgré notre demande, notamment lors du débat sur la loi sur l’école. Nous avions d’ailleurs dit qu’il devrait y avoir une mission parlementaire sur cette affaire, qui aurait permis à l’ensemble du Parlement de faire un bilan de l’éducation prioritaire pour essayer d’en dégager les manques et de voir comment la relancer plus de vingt ans après sa création. Jamais nous n’avons obtenu cela !

Ce projet de loi, venu après la crise des banlieues, aurait dû permettre d’aborder la question de l’éducation prioritaire. Vous auriez dû, monsieur le ministre de l’éducation nationale, avoir vous-même cette ambition pour l’éducation prioritaire et la faire partager à vos collègues du Gouvernement. Contrairement à ce que vous dites, vous n’avez pas véritablement cette ambition.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais il a de l’ambition pour supprimer des postes !

M. Yves Durand. Et c’est parce que vous ne l’avez pas que vous adoptez des positions qui changent d’une semaine à l’autre, voire d’un jour à l’autre : vous supprimez des ZEP, puis vous les réintroduisez.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur le président, M. Durand fatigue ! Il faut le laisser se reposer !

M. Yves Durand. Or le vrai sujet est de savoir comment la carte scolaire, c’est-à-dire la répartition des moyens dans l’éducation nationale, peut être mise en œuvre…

M. Maurice Giro. Ça dépend pour quoi !

M. Yves Durand. …pour que l’égalité des chances entre les territoires – j’insiste sur cette expression, que vous voulez d’ailleurs abandonner – soit une réalité.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Je vais terminer, je vous le promets, monsieur le président.

M. Maurice Giro. Ça vaudrait mieux !

M. Yves Durand. Mais répartir les moyens suppose d’en avoir. (Sourires.) Or quand on apprend, pendant les vacances de Noël, que vous supprimez 30 % de postes mis aux concours du CAPES et de l’agrégation,…

Mme Martine David. C’est pas bien, ça !

M. Yves Durand. …on se dit que, non seulement vous supprimez les moyens d’aujourd’hui mais, pire encore, que vous supprimez ceux de demain puisque ces concours sont le vivier des enseignants de demain ! Alors que le nombre d’élèves augmente, vous êtes en train de sacrifier et de supprimer la future génération d’enseignants !

Mme Martine David. Vous sacrifiez l’avenir, monsieur le ministre !

M. Yves Durand. Certes, quand on n’a pas de moyens, on ne se pose pas le problème de leur répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Il faut qu’à peu près une fois toutes les deux heures il y ait tout de même un membre de la majorité qui dise quelque chose (Sourires), afin d’éviter que le compte rendu ne donne le sentiment que la majorité acquiesce à tout ce que vous dites, monsieur Durand. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Bravo !

M. Alain Joyandet. Notre silence n’est pas approbateur, rassurez-vous.

Mme Martine David. Vous vous taisez parce que vous avez reçu des consignes !

M. Alain Joyandet. J’ai souhaité réagir maintenant parce que je vous ai entendu dire, monsieur Durand, que le texte n’avait aucune imagination. Là, c’est vraiment la clinique qui se moque de l’hôpital, parce que l’imagination n’est pas vraiment du côté gauche de l’hémicycle.

Je voudrais redire que les socialistes ont tout de même été souvent à la tête de l’éducation nationale au cours des quinze dernières années,…

M. Pierre Cardo. Sans trouver les solutions !

M. Alain Joyandet. …et je pense que les jeunes de ce pays, notamment ceux des quartiers en difficulté, ont vu ce qu’a été votre valeur ajoutée en la matière ! On peut vous écouter encore pendant des heures, mais les difficultés dans les quartiers, c’est quand même vous qui nous les avez léguées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Et que faites-vous du « Kärcher » ? Et de la « racaille » ?

M. Alain Joyandet. Monsieur Durand, si nous nous mettions à hurler à chaque fois que vous prononcez des contrevérités, ce serait infernal dans cet hémicycle. Acceptez donc qu’une fois toutes les deux heures nous rétablissions certaines vérités.

Quant à la carte scolaire, je me souviens avoir vu dans mon département Mme Ségolène Royal, à l’époque en charge de l’éducation, venir faire du tourisme en Haute-Saône parce que nous avons des écoles qui ouvrent huit jours avant les autres pour la rentrée scolaire. Elle n’était pas sitôt remontée dans son avion qu’elle nous supprimait des postes, y compris en zones d’éducation prioritaire !

Cessez donc de vous ériger en donneurs de leçons, comme si vous étiez les champions de l’éducation nationale. Le ministre et le Gouvernement nous présentent des dispositions innovantes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine David. Ringardes surtout !

M. Alain Joyandet. …pour essayer de trouver des solutions aux problèmes qui se posent.

Ne vous en déplaise, nous allons continuer à vous écouter. Mais ne serait-ce que pour le compte rendu et pour rappeler notre soutien au Gouvernement, une fois toutes les deux heures, pendant quelques minutes, nous redirons certaines vérités pour éviter la vérification de l’adage : « Qui ne dit mot consent. » On continuera à écouter vos litanies le plus longtemps possible, en tout cas tant que vous aurez la force de les égrener.

Je regrette beaucoup l’attitude qui est la vôtre sur un sujet aussi essentiel que celui que nous traitons. Elle n’a d’ailleurs qu’un seul objectif : vous prenez souvent à témoin ceux qui sont dans les tribunes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), où je vois des jeunes ici, de moins jeunes là, mais je crois qu’il n’échappe à personne que vous ne discutez de rien sur le fond et que vous ne commentez pas les propositions du ministre.

Mme Martine David. Mais si, justement !

M. Alain Joyandet. Votre seule stratégie, c’est de gagner du temps parce qu’il faut attendre les manifestations de la semaine prochaine. Eh bien !nous allons attendre avec vous, et le plus patiemment possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Rappel au règlement !

M. Yves Durand. Rappel au règlement !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, nous n’empêchons pas la majorité d’intervenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Elle n’intervient pas ! Elle n’a pas grand-chose à dire !

Mme Muguette Jacquaint. Quand j’entends M. Joyandet dire qu’il est d’accord avec le Gouvernement, je lui réponds que c’est son droit. Par contre, je ne sais pas si les jeunes de sa circonscription ou de sa région apprécieront que leur député dise qu’il fait confiance au Gouvernement, compte tenu de la situation de la jeunesse aujourd’hui. Pour moi, il ne s’agit pas de plaire au Gouvernement, mais d’essayer de trouver des solutions pour qu’on ne soit plus dans la situation dans laquelle nous sommes.

M. Maurice Giro. On apporte des solutions !

Mme Muguette Jacquaint. Cela fait deux ou trois fois qu’on nous dit qu’on a nos banlieues, nos pauvres, nos difficultés, qu’on les a voulus et donc qu’on n’a qu’à les garder et les gérer.

M. Pierre Cardo et M. Maurice Giro. Nous n’avons jamais dit ça !

Mme Muguette Jacquaint. Si, je l’ai encore entendu hier en Seine-Saint-Denis !

M. le président. Ce n’est pas un rappel au règlement, madame Jacquaint. Veuillez conclure.

Mme Muguette Jacquaint. Pourquoi y a-t-il aujourd’hui tant de difficultés ? Ce n’est tout de même pas à cause du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis qu’on a de plus en plus de RMIstes, de chômeurs, de familles qui n’ont pas de logement et qui connaissent des difficultés ! Et il faut les prendre en compte !

Je ne suis pas là pour plaire au Gouvernement mais pour l’interroger sur ses choix politiques de manière à ce que les choses changent et qu’on ne connaisse plus ces situations.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement, probablement fondé sur l’alinéa 2 de l’article 58. (Sourires.)

M. Yves Durand. Probablement, monsieur le président.

Je ne voudrais pas qu’on érige en principe le fait que nous souffrions une fois toutes les deux heures. (Sourires.)

J’interviens pour dire à nos collègues de l’opposition…

M. Alain Joyandet. Sauf qu’on est dans la majorité !

M. Yves Durand. J’anticipais un peu, excusez-moi ! (Nouveaux sourires.) Je voulais dire à nos collègues de la majorité qu’ils ont tort de réagir de la sorte. Il est vrai que nous rappelons et que nous rabâchons des principes, et j’ai déjà expliqué pourquoi, mais au-delà de cela, monsieur le ministre, nous faisons des propositions, auxquelles nous n’obtenons aucune réponse.

Dans mon intervention de tout à l’heure,…

M. Pierre Cardo. Et c’est reparti !

M. Yves Durand. …j’ai proposé que l’on puisse discuter, à partir de ce projet de loi, de la scolarisation des enfants âgés de trois ans – que je souhaite. Est-ce que j’ai eu une réponse ? J’ai demandé à M. le ministre des précisions sur ses déclarations – je suis dans mon rôle de parlementaire – par rapport aux ZEP,…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Durand m’énerve !

M. Yves Durand. …compte tenu de la contradiction entre ses déclarations du 13 décembre et celles d’hier. C’est important puisqu’on parle de la carte scolaire et des moyens scolaires.

M. le président. Monsieur Durand, ce n’est pas un rappel au règlement puisque vous réabordez au fond des questions qui ont été déjà abordées.

M. Yves Durand. Non, monsieur le président, je n’aborde pas des questions de fond. Mon rappel au règlement pose le problème du déroulement de nos travaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo. L’intervention de M. Durand n’a pas plus à voir avec la défense de ses amendements !

M. Yves Durand. On nous accuse, à tort, de faire de l’obstruction, de prendre à témoin le public présent dans les tribunes (Murmures sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et de ne rien proposer.

M. Pierre Cardo. En tout cas, vos propositions ne sont pas dans vos amendements !

M. Yves Durand. Mon rappel au règlement concerne donc le fonctionnement de notre assemblée. Je demande, notamment à M. le ministre, que nos propositions et nos questions soient prises en compte.

M. Pierre Cardo. Nous n’avons même pas commencé l’examen de l’article 1er !

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 381.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Victorin Lurel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour un rappel au règlement.

M. Victorin Lurel. La majorité domine l’Assemblée et le Sénat…

M. Jean-Yves Chamard. Ce sont les électeurs qui nous choisissent !

M. Victorin Lurel. …et elle a aussi quelques membres bien placés au Conseil constitutionnel. Certes, nous sommes à la tête de la plupart des régions, mais l’actuelle majorité exerce la totalité du pouvoir politique dans notre pays. Que nous reste-t-il, sinon le règlement de cette assemblée et la discussion en séance, pour nous opposer à la politique de la majorité ? Que se passerait-il si nous abdiquions ?

Le Gouvernement n’a engagé aucune concertation avec les syndicats, ni véritablement consulté les commissions de l’Assemblée, les régions, les territoires d’outre-mer – Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, etc. Et il faudrait que nous nous taisions, que nous renoncions aux ressources que le règlement nous offre pour nous opposer à votre politique inique et inefficace qui démantèle le code du travail ?

M. Daniel Garrigue. Il n’y a que vous qui parliez !

M. le président. Monsieur Garrigue, veuillez ne pas interrompre M. Lurel.

M. Victorin Lurel. Serions-nous encore en République si nous y renoncions ? Souffrez donc que nous défendions notre point de vue.

M. le président. Évitons les propos excessifs, monsieur Lurel, et reprenons la discussion.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 384.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement majeur…

M. Maurice Giro. Décidément, ils le sont tous !

M. Jean-Pierre Blazy. …concerne les parents d’élèves.

M. Joyandet a le droit de soutenir le Gouvernement comme il vient de le faire, mais qu’il ne nous accuse pas un peu hâtivement de « faire durer » les débats jusqu’à mardi prochain, jour des manifestations.

Des manifestations, il y en a eu aujourd’hui, monsieur Joyandet ! M. le ministre de l’éducation nationale a fait descendre dans les rues de Paris et d’autres villes de jeunes étudiants, notamment ceux qui sont en STAPS – sciences et techniques des activités physiques et sportives –, mécontents de la brutale décision prise avant Noël de réduire les postes offerts au concours de recrutement des professeurs du secondaire, alors que François Fillon s’était engagé à les stabiliser.

Soutenez-vous le Gouvernement dans cette voie, monsieur Joyandet ? Libre à vous de le faire, mais est-ce en réduisant le nombre des postes offerts au concours, nonobstant les départs en retraite massifs et la nécessité – dans votre département comme dans les autres – de proposer un enseignement secondaire de qualité, que l’on favorisera la réussite scolaire des jeunes ?

M. le président. Monsieur Blazy, l’amendement que vous défendez concerne le rôle des parents d’élèves.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est nécessaire de préciser clairement dans le code de l’éducation que cette dernière est l’affaire de tous les citoyens. À ce titre, et pour favoriser la réussite de leurs enfants, les parents doivent être étroitement associés au système éducatif.

M. Maurice Giro. On connaît les résultats que cela a donnés !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas l’ambition du Gouvernement. Mais l’honneur de la gauche est d’avoir développé les recrutements d’enseignants et augmenté les crédits de l’éducation nationale même si, nous le savons, tout n’est pas qu’une question de moyens.

Il reste que la relation entre le système éducatif et les parents d’élèves est essentielle : tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je souhaiterais que nous abordions le plus rapidement possible l’article 1er. Parlons du texte lui-même et des questions qu’il soulève !

Je pourrais parler pendant une heure et demie de la réforme des études de médecine et des problèmes d’alignement des cursus au niveau européen : c’est l’avenir de la médecine, du système hospitalier et de la qualité des soins dans notre pays qui sont en jeu. Je pourrais tout aussi bien évoquer la formation des trois-quarts aile, des avants ou des talonneurs de rugby !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, mais ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pourquoi pas ? Cela ne concerne pas moins l’avenir des jeunes que vos propos !

Néanmoins, monsieur Blazy, pour que ceux qui suivent nos débats se fassent de l’Assemblée une image plus conforme à sa dignité, je vous demande de redevenir sérieux et de discuter du texte.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous parlez de dignité, mais il y a des jeunes qui manifestent dans nos rues parce qu’on leur ôte tout espoir !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Après vingt heures de débats, nous n’en sommes pas encore à l’article 1er ! Sur cet article, qui concerne les vrais enjeux, je suis tout à fait disposé à débattre pendant des heures. Mais de grâce, avant ce débat, ne dites pas n’importe quoi et surtout, ne prenez pas ainsi à partie M. Joyandet, qui a fait preuve de calme et a su apaiser les esprits de nos collègues de la majorité. En deux heures, il n’est intervenu qu’une fois, très brièvement, pour exprimer l’impatience dont je me fais moi-même l’écho – sortant provisoirement de ma neutralité – au nom de tous les collègues de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 384 ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable. Quarante-deux articles du code de l’éducation définissant le rôle des parents dans le système éducatif, cet amendement est satisfait quarante-deux fois !

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi « quarante-deux fois » ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vous laisse y réfléchir…

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis. L’amendement propose de « développer les liens avec les parents ». L’article L. 111-4 du code de l’éducation dispose que « les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative ». Cela a quand même plus de force !

M. Maurice Giro. Et c’est largement suffisant !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement préfère donc de loin le code de l’éducation nationale à cet amendement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 384.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 385.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. On me répondra très probablement, comme on le fait depuis des heures, que la disposition proposée dans cet amendement figure déjà dans le code de l’éducation.

M. Maurice Giro. En effet !

M. Yves Durand. Comme je m’en suis déjà expliqué, nous craignons que ce projet de loi ne « détricote » le code de l’éducation, dont nous tenons à réaffirmer les principes.

Le président Dubernard n’a pas toujours tort…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Auriez-vous reçu la grâce ?

M. Yves Durand. Puisque nous reviendrons sur tous ces sujets lors de l’examen de l’article 1er, nous pouvons aller plus vite sur ces amendements portant articles additionnels, contre l’assurance que le débat de fond sera bien poursuivi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il ne s’agit pas dans cet amendement de répéter le code de l’éducation…

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais si !

M. Yves Durand. …et encore moins de le contredire, mais de rappeler que l’école ne peut pas tout faire et de donner aux parents les moyens pédagogiques de travailler avec les enseignants, pour assurer la réussite de tous les élèves jusqu’à seize ans.

N’oublions pas non plus les collectivités locales : le temps qu’un élève passe à l’école, c’est-à-dire travaille à sa réussite et se donne les moyens de l’« égalité des chances », est beaucoup plus restreint que le temps qu’il passe à l’extérieur de l’école.

Afin que les acquis scolaires de l’enfant ne soient pas compromis par ce qu’il fait à l’extérieur de l’école, nous souhaitons définir, dans un projet de loi relatif à l’égalité des chances, le rôle des collectivités locales. Pour ce faire, la volonté et les seuls moyens ne suffisent pas. C’est pourquoi nous avions mis en place les contrats éducatifs locaux, qui ont été complètement abandonnés – c’est le cas dans ma commune, qui n’a plus les moyens de mettre en œuvre de tels contrats.

Voilà qui est bien, ce me semble, dans le sujet de ce projet de loi sur l’égalité des chances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable, cet amendement étant déjà satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je n’insisterai pas sur le fait que cet amendement est déjà satisfait par le code de l’éducation, puisque cela semble vous agacer, mais je rappellerai que les relations avec les collectivités locales sont nombreuses – songeons, par exemple, aux CLEA. Les contrats que vous appeliez de vos vœux existent aussi chez moi, et ils fonctionnent !

Avec les parcours de réussite éducative, définis dans le cadre du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, les collectivités locales ont d’excellents supports de réussite éducative hors du temps scolaire. Je vous invite à vous pencher sur les textes et sur les moyens.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. On aurait pu, afin d’éviter des débats inutiles, nous épargner ces différents amendements, puisque ceux qui précèdent et suivent le n° 385 ont exactement le même exposé des motifs.

Je suis d’accord avec M. le ministre. Dans ma commune, le contrat éducatif local fonctionne. En outre, la loi de cohésion sociale – avec le dispositif de réussite éducative – répond tout à fait aux besoins puisqu’elle a permis de débloquer plusieurs dizaines de millions d’euros, qui sont utilisés. Si le système fonctionne dans ma commune, il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même ailleurs ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Votre réponse, monsieur le ministre, est un peu courte au regard de l’engagement pris par votre ministère auprès des collectivités locales !

Il est faux de prétendre que les contrats éducatifs locaux fonctionnent bien. Tout d’abord, ils ne relèvent pas de votre ministère, mais de celui de la jeunesse et des sports.

M. Pierre Cardo. Et des mairies !

M. Jean-Pierre Blazy. Quant à la réussite éducative, elle est du ressort du ministère de la ville.

M. Pierre Cardo. Eh oui, car tout ne dépend pas de l’école !

M. Jean-Pierre Blazy. Si les collectivités locales sont amenées à utiliser ces dispositifs de partenariat, c’est qu’elles doivent souvent pallier les déficiences de l’éducation nationale ! C’est par exemple le cas lorsque les équipes sont incomplètes dans les RASED, les réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté ; cela le sera aussi demain, peut-être, si les crédits alloués à la constitution des équipes de réussite éducative ne sont pas pérennisés.

Mais, monsieur le ministre, vous diminuez le nombre de postes. Je le redis parce que, oui, je suis en colère, et avec moi, beaucoup de jeunes à qui vous ôtez tout espoir d’exercer ce beau métier d’enseignant et de contribuer à la réussite scolaire de tous. Vous avez, cette année encore, brutalement, cyniquement supprimé, à la veille de Noël, des postes qui étaient offerts aux concours de recrutement d’enseignants du secondaire. C’est donc vous qui avez mis dans la rue les nombreux jeunes qui manifestent aujourd’hui !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 385.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 386.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Il s’agit, cette fois, des associations.

Effectivement, le système éducatif doit rassembler des partenaires, qui doivent être respectés. S’agissant des associations, là aussi, il y a fort à faire. Et là encore, il y a un grand décalage entre le code de l’éducation – mais sans doute nous ferez-vous encore la même réponse ! – et la réalité de la politique de ce gouvernement.

Vous n’avez même pas consulté les associations de jeunesse à propos du contrat de première embauche. C’est dire le mépris dans lequel vous les tenez. Même si cela figure dans le code de l’éducation, dans la réalité, les liens avec les associations n’existent pas.

Voilà pourquoi, nous avons voulu rappeler, par le biais de cet amendement, que, l’éducation étant l’affaire de tous les citoyens, il y a lieu de nouer un partenariat avec les associations, qu’elles soient de parents d’élèves ou de jeunesse, mais aussi de les respecter et de faire en sorte que ces liens entre elles et le système éducatif soit réels et forts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, déjà satisfait par le code de l’éducation.

M. Jean-Pierre Blazy. Ben voyons ! Satisfaction dans le code, peut-être, mais pas dans la réalité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce n’est pas votre amendement qui va changer la réalité : puisque les textes existent,…

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut les appliquer !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …il suffit d’embrayer sur le terrain ! Il faut donc les appliquer mieux encore. En tout cas, trois textes permettent ces liens : pour l’aide à l’orientation et à l’information des élèves, l’élaboration du projet d’orientation des étudiants et la participation à des activités périscolaires, dont j’ai parlé tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’interroge peu le Gouvernement mais je suis tout de même un peu resté sur ma faim il y a quelques instants.

S’agissant des associations, il y a plusieurs points à souligner.

D’abord, on ne peut que constater la complexification considérable des relations entre l’école et le monde associatif. Tout le monde désespère de pouvoir parvenir à quelque accord de partenariat que ce soit. Les circulaires s’empilent et les directeurs d’école – mais cela vaut autant au collège que dans l’enseignement élémentaire – ont bien du mal à nouer de tels liens.

Par ailleurs, et vous ne pouvez pas l’ignorer, monsieur le ministre, bon nombre d’associations d’éducation populaire se plaignent d’avoir été privées de toute capacité d’agir : les postes mis à disposition, ainsi que les financements sont supprimés. Créer des liens devient, de fait, impossible, puisque ce serait avec des associations quasiment exsangues !

Encore une fois, il y a, d’un côté, le discours et, de l’autre, la réalité ! Que vous refusiez ces amendements sous le prétexte que ce qu’ils proposent existe par ailleurs, nous pouvons l’entendre, mais c’est une réponse purement formelle. Sur le fond, si ce n’est pas mis en œuvre, c’est bien parce que les moyens, précisément, n’existent plus pour que cela puisse se faire, collège par collège, école par école, avec l’ensemble du tissu associatif d’éducation populaire qui, pourtant, permettrait, avec l’école, de prendre en compte la totalité du temps de l’enfant.

Même si, avec les caisses d’allocations familiales, les contrats temps libre, par exemple, favorisent des liens plus étroits avec les associations, dans la réalité, il y a plusieurs empêchements : difficultés sur le plan des normes à cause des circulaires, moyens financiers qui ne sont plus au rendez-vous.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 386.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 387.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 387.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 388.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les activités périscolaires existent déjà : elles existent depuis qu’existe l’école ! Donc avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 388.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 377.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Nous touchons là à un problème essentiel, celui de l’orientation.

On nous répondra sans doute encore qu’il est inutile d’écrire que « l’orientation scolaire des jeunes fait partie des missions éducatives de l’État » car cela se trouve dans le code de l’éducation. Sempiternelle réponse ! Sauf que, dans votre projet de loi comme dans diverses interventions à propos d’amendements, on a pu sentir que l’orientation passait de la responsabilité de l’État à celle de l’entreprise.

J’ai entendu un plaidoyer vibrant et enthousiaste, presque idyllique, sur l’entreprise, considérée comme le véritable acteur de l’orientation parce qu’elle connaîtrait mieux que l’éducation nationale les besoins et les grandes tendances du marché du travail.

M. Claude Gaillard. Il y a des chances !

M. Yves Durand. Elle saurait donc mieux, de ce fait, comment orienter les jeunes pour qu’ils puissent trouver leur place dans le monde du travail.

Nous refusons absolument une telle dérive, qui est contraire au code de l’éducation.

Dès lors que votre projet de loi intègre des jeunes dans le monde du travail dès l’âge de quinze ans et, par anticipation, entre quatorze et quinze ans – avec cette année sas, un peu bizarre, floue et hybride, sur laquelle nous reviendrons à l’occasion de l’article 1er –, dès lors que le choix professionnel est fait à quinze ans par le contrat d’apprentissage, il est fait non pas au collège mais à l’extérieur. Et même si vous maintenez dans le code de l’éducation et tous les autres textes que l’orientation est la mission de l’État, la réalité est totalement contraire.

Vous faites dire au projet, subrepticement – et c’est là toute l’astuce –, le contraire à la fois des principes et de ce qui est écrit dans le code de l’éducation, de même que, pour le CPE, nous le verrons la semaine prochaine, vous lui faites dire subrepticement le contraire de ce qui est écrit dans ce socle de notre pacte qu’est le code du travail.

On voit bien la cohérence de tout cela et cela justifie nos amendements, qui sont destinés à rappeler tous ces principes.

Notre amendement ajoute – cela aurait pu faire l’objet d’un deuxième amendement mais nous nous sommes contentés d’un seul, car nous ne voulions pas les multiplier (Sourires) – que « l’équipe éducative accompagne le jeune dans son choix d’orientation ». En effet, c’est le rôle essentiel de cette équipe, avec les parents. Or comment pourrait-elle suivre le jeune apprenti junior qui aura quitté physiquement le collège à quatorze ans, même s’il y demeure rattaché administrativement, et qui sera sous contrat d’apprentissage à partir de quinze ans ? Comment pourrait-elle connaître l’évolution de cet élève, qui ne reviendra plus dans le cadre du collège, avec suffisamment de précision pour l’orienter ?

Ce sont donc d’autres personnes qui l’orienteront. Qui donc ? L’employeur qui l’aura en apprentissage ! À partir de quatorze ans, ce ne sera donc plus l’école, ce ne sera donc plus l’État qui seront à l’initiative de l’orientation, comme ce doit être le cas pour tous les enfants, à égalité, si l’on maintient l’obligation scolaire jusqu’à seize ans, mais ce sera un employeur,…

M. Pierre Cardo. Cet horrible employeur qui ne saurait avoir qu’une action négative !

M. Yves Durand. …dont nous n’excluons pas qu’il soit pétri de bonnes intentions, qui la prendra en charge.

Voilà pourquoi nous avons souhaité, même si cela figure dans le code de l’éducation ou un autre texte, rappeler ce principe qui entre en contradiction avec votre projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je fais remarquer à M. Durand que les stages de découverte professionnelle, les CPA, les CLIPPA, les lycées des métiers, l’ouverture de CFA dans les établissements publics d’enseignement, tout cela est antérieur au projet pour l’égalité des chances !

M. Yves Durand. Je parle du contrat d’apprentissage à quinze ans !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Le contrat d’apprentissage à quinze ans aussi existait, vous le savez comme moi !

M. Yves Durand. Par dérogation ! Vous, vous en faites la règle !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Des dérogations fréquemment accordées par les services de l’éducation nationale, et pas seulement depuis 2002 !

Je tenais à redonner un peu de perspective à vos propos.

L’avis de la commission vaudra à la fois pour cet amendement et pour les quatre suivants, qui traitent du même objet : je rappelle que l’article L. 313-1 du code de l’éducation donne le contenu de l’orientation dans le cadre de l’éducation nationale, rappelle l’objectif de ce service public au profit de l’élève et de son épanouissement, non pas seulement professionnel, mais aussi personnel, et fixe toute une série d’étapes pour cette procédure.

Le code me paraît donc satisfaisant de ce point de vue,…

M. Yves Durand. Ce n’est pas le code qui ne nous satisfait pas, c’est le projet de loi !

M. Laurent Hénart, rapporteur. …plus, en tout cas, que votre amendement, monsieur Durand. Par conséquent, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je ne suis pas loin de penser, comme M. Durand, que nous avons d’énormes marges de progrès en matière d’orientation. Je partage d’autant plus son analyse que je n’ai guère apprécié ses précédentes interventions, car j’ai trouvé qu’il avait trop accablé cette grande maison qu’est l’éducation nationale, soulignant nombre de ses prétendues insuffisances. Cela dit, en matière d’orientation, il y a une réelle insuffisance, j’en suis d’accord et je l’ai d’ailleurs dit dans mon propos liminaire, en début d’après-midi.

Nous devons plus d’information aux jeunes pour qu’ils soient mieux à même de choisir, tout au long de la scolarité, depuis le collège jusqu’à l’enseignement supérieur. Je le répète, les classes de découverte professionnelle vont les aider à faire ces choix. Je rappelle que, dans les collèges « ambition-réussite », ces classes de découverte professionnelle ne seront pas proposées en troisième, mais en quatrième. Enfin, à l’Université, on doit mettre chacun devant ses responsabilités,…

Mme Muguette Jacquaint. Il ne s’agit pas d’élèves du même âge !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …en lui donnant connaissance des débouchés qui existent à l’issue de chaque licence, mastère ou doctorat.

Il importe de mieux coordonner l’orientation qu’aujourd’hui. Il y faut des moyens modernes ; Internet et les réseaux vont nous y aider.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDF ne veut pas abuser du droit à la parole, mais, sur cet amendement, il me semble nécessaire d’intervenir.

L’orientation des jeunes est extrêmement importante, au regard des centaines de milliers d’offres d’emploi aujourd’hui non pourvus, faute de preneurs. Quand j’entends M. Durand dire qu’elle relève exclusivement du domaine de l’éducation et que l’entreprise ne doit pas y participer, cela me hérisse, car c’est l’entreprise qui fournit l’emploi. Si l’orientation n’amène pas les jeunes vers l’emploi, on aura des élèves bien formés, mais qui resteront malheureusement privés d’emploi à l’issue de leur formation. Il est donc nécessaire que l’entreprise participe à l’orientation.

Je rappelle qu’il existe des maisons de l’emploi qui tentent d’établir la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Peut-être l’éducation nationale pourrait-elle intervenir en leur sein afin d’orienter les jeunes dans des bassins d’emploi correspondant à la demande des entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. S’agissant de l’orientation, nous en sommes d’accord, nombre de jeunes sont souvent perdus.

Je voudrais revenir sur le lien entre l’éducation, la formation et l’entreprise.

Monsieur le ministre, nous n’avons pas attendu votre projet de loi pour favoriser ce rapprochement dans les établissements scolaires, dès le collège et le lycée, afin que les jeunes connaissent les nouveaux métiers. Chaque année, les bourses des métiers rapprochent le monde de l’entreprise et celui de l’éducation, car les jeunes connaissent mal l’entreprise et les métiers qu’elle peut leur offrir. Mais attention, nous parlons bien d’éducation nationale ! Or ce ne sont pas les entreprises qui font à sa place le choix de la formation que doivent recevoir les jeunes !

M. Maurice Giro. Mais si !

Mme Muguette Jacquaint. Cela étant, je ne conteste pas la nécessité d’un rapprochement entre l’école et l’entreprise. Je ne crie pas haro sur les entreprises mais, au regard de mauvaises expériences passées, on peut craindre qu’un jeune parti en entreprise dès quinze ans ne se retrouve dans la nature !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous verrons cela à l’article 1er.

Mme Muguette Jacquaint. Pour ma part, je ne crois que ce que je vois…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 377.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 378.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 378.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 382.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 382.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 383.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je n’accable pas cette grande maison qu’est l’éducation nationale. J’y suis, comme nous tous, bien trop attaché pour ne pas vouloir corriger ses défauts, ou plutôt ses insuffisances face au défi majeur qu’elle doit relever et qui est la seule vraie réponse aux événements du mois de novembre : la démocratisation de l’enseignement.

Nos prédécesseurs – c’était une gageure extraordinaire – ont réussi la massification de l’enseignement, sur laquelle vous revenez en remettant en cause la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. Aujourd’hui, nous devons garantir sa démocratisation. Il ne suffit pas d’ouvrir l’école à tous les jeunes : il faut leur donner à tous les mêmes chances de réussite. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je n’accable pas l’éducation nationale, que j’ai servie pendant vingt-cinq ans. Je veux simplement améliorer l’école et lui permettre ainsi d’être à la hauteur de sa mission, en lui en donnant non seulement les moyens financiers et intellectuels, mais aussi la reconnaissance qu’elle mérite.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué tout à l’heure les CPA, les CLIPPA et les classes d’insertion. Je me demande pourquoi on les supprime dans le projet de loi, alors qu’elles permettent de faire un véritable choix. En soumettant un élève, dès quinze ans, à un contrat d’apprentissage avec un seul employeur, le choix est bouclé et la route est tracée, sans possibilité de retour. Les unions d’artisans – notamment l’UPA – et le mouvement des maisons familiales rurales sont très réservées à l’égard de cette disposition.

Notre amendement vise donc à ce que l’orientation se fasse le plus tard possible, après l’acquisition du fameux socle commun, et pas avant la fin du collège. Nous demandons simplement que soit respecté ce qui est inscrit dans le code de l’éducation. Autoriser un contrat d’apprentissage non plus par dérogation, mais dès quinze ans, va à l’encontre du principe d’égalité des chances, car l’orientation ne se fera pas au même moment pour tous. C’est en outre, selon les associations d’artisans et les chambres de métiers, une aberration économique : les entreprises ont besoin d’une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée et capable de changer de filière au cours d’une carrière, car le temps où l’on trouvait « un bon métier » est révolu. Il faut désormais être capable d’évoluer au même rythme que la technologie et les modes de production.

Les pays où le taux de chômage, notamment des jeunes, est le plus bas sont d’ailleurs ceux où l’orientation se fait tard : une culture générale et professionnelle est transmise à l’ensemble des jeunes et non aux seuls élèves qui – pour reprendre votre expression – « s’ennuient » à l’école. Ces pays ont résolu le problème du chômage des jeunes en donnant à la main-d’œuvre la capacité de s’adapter aux changements technologiques.

Voilà pourquoi nous tenons particulièrement à cet amendement n° 383. Mais je suppose que vous allez me répondre en évoquant le code de l’éducation…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. Yves Durand. C’est un peu court !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ma réponse n’est pas celle que vous attendez, ce qui prouve que vous pouvez aussi vous tromper !

M. Yves Durand. En l’occurrence, je m’en féliciterai !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’orientation interviendra à la fin du collège, pas avant. Mais la pire des orientations, c’est de choisir sans être informé. Dans ce cas, on est certain d’aller dans le mur, parce qu’on ne dispose pas des données nécessaires pour faire le bon choix.

La découverte professionnelle commencera en quatrième dans les collèges « ambition-réussite », en troisième dans les autres. Aujourd’hui, 40 0000 élèves de troisième ont déjà choisi de leur plein gré de suivre ces trois heures hebdomadaires de découverte professionnelle. Comme vous pouvez le constater, dès lors qu’ils sont éclairés, ils font leurs propres choix.

Le choix de l’apprentissage junior ne se fera ni à quatorze ans ni à quinze, mais à seize. Avant cela, ils auront suivi des stages en entreprise, signé un contrat d’apprentissage à quinze ans qui leur donnera une qualification professionnelle et ils pourront revenir à tout moment – jusqu’à seize ans – dans le collège où ils seront restés inscrits.

Monsieur Durand, je pense que vos souhaits sont parfaitement exaucés !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour une brève intervention.

M. Yves Durand. Ce serait le cas si ces propositions étaient réalisables. Mais il s’agit d’un faux volontariat, car la nécessité économique ne laissera pas aux jeunes concernés la liberté de choisir. Quant au retour au collège, c’est un mythe, voire un leurre ! Toute l’argumentation du ministre tombe, comme nous le démontrerons lors de l’examen de l’article 1er. Quant à la découverte professionnelle, monsieur le ministre, nous n’y avons jamais été opposés, mais elle doit s’adresser à tous et non aux seuls élèves en difficulté.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est le cas !

M. Yves Durand. Non, pas dans la nouvelle troisième, qui a été confirmée par la loi d’orientation.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si, elle est ouverte à tout le monde !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. L’apprentissage a occupé une grande partie de nos débats, et beaucoup ont dit qu’il était dévalorisé dans notre pays, ce qui pourrait expliquer la pénurie de professionnels dont souffrent certains secteurs. Même s’il est avant tout question de l’âge à partir duquel un jeune doit pouvoir choisir cette voie, j’appelle à faire très attention sur la manière dont nous parlons de l’apprentissage, afin de ne pas contribuer à cette dévalorisation. Il faut, au contraire, défendre un système dont les études de l’INSEE ont prouvé le bon fonctionnement. Les jeunes vont avoir la possibilité de saisir cette opportunité plus tôt, et ils ne doivent pas en être détournés. Nous connaissons, en ce domaine, de vraies réussites, puisque des jeunes en déshérence ont ainsi pu trouver leur voie au contact d’un métier.

Faisons donc attention aux termes que nous employons, et ne laissons pas croire aux jeunes prêts à saisir cette chance qu’il s’agit d’une voie de garage !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez raison !

M. Alain Joyandet. On peut discuter des modalités de l’orientation – et à ce sujet le ministre vient d’apporter une réponse, d’ailleurs contenue dans le texte –, mais notre devoir est de mettre l’accent sur les connexions entre l’enseignement général et les professions qui proposent des emplois. Donnons aux jeunes envie de choisir l’apprentissage !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 383.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 379.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 379.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 390.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Le code de l’éducation doit préciser que « l’école a comme ambition et comme exigence la réussite de tous les élèves » – ce qui pourra paraître évident à certains. Pour bien faire comprendre notre préoccupation, il faudrait peut-être rectifier l’amendement et remplacer les mots « tous les élèves » par les mots « chaque élève » : la mission de l’école est en effet de s’adresser à chaque élève, quel qu’il soit et quelles que soient les difficultés qu’il rencontre, afin de les amener tous à un même degré d’exigence.

M. Maurice Giro. Vous savez bien que c’est impossible !

M. Yves Durand. Ce qu’au fond nous préconisons en matière éducative, ce que nous proposerons aux Français dans quelques mois, c’est l’excellence pour tous, la réelle égalité des chances. Mais cela n’est pas possible si, dès l’âge de quatorze ou quinze ans, un élève est orienté vers une voie dont, en dépit de ce que vous affirmez, monsieur le ministre, il ne pourra plus sortir.

On va ainsi demander à un jeune de quatorze ans, c’est-à-dire à quelqu’un qui est encore un gamin, à peine un pré-adolescent, et qui, de surcroît, connaît des difficultés scolaires – puisque tel est le public visé par le projet de loi – de faire d’emblée le choix de son futur métier, alors que d’autres pourront se permettre de rester dans l’incertitude, ce qui leur réservera tous les choix possibles.

M. Pierre Cardo. Pour celui qui est dans la rue, le choix est simple.

M. Yves Durand. Il y a là une véritable inégalité, qui justifie notre insistance sur cet amendement. Je le répète, nous devons rechercher la réussite de tous les élèves, mais surtout – l’expression me paraît plus forte – de chacun d’entre eux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Conseil constitutionnel en a déjà délibéré, et a annulé ce texte. Votre amendement irait à l’encontre de sa décision. Avis défavorable donc.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Il est vrai que l’orientation est souvent mal faite. À quatorze ans, on est encore un enfant, et il est difficile de se prononcer sur son avenir. On peut y être aidé, certes, mais l’orientation est souvent imposée.

Je vois bien ce qui se passe dans les familles défavorisées. On croit souvent que les parents se désintéressent de l’avenir de leurs enfants…

M. Pierre Cardo. Qui a dit cela ?

Mme Muguette Jacquaint. C’est ce que sous-entendent certains articles du projet de loi, comme nous le verrons.

M. Pierre Cardo. C’est un procès d’intention !

Mme Muguette Jacquaint. Comme vous l’avez dit, monsieur Cardo, les parents craignent surtout de voir leur enfant rester dans la rue.

M. Pierre Cardo. En effet !

Mme Muguette Jacquaint. Pour éviter cela, ils seront tentés d’accepter la première proposition d’orientation qui leur sera faite.

M. Pierre Cardo. Allons, madame Jacquaint, vous savez que cela ne se passe pas ainsi. Ne caricaturez pas !

Mme Muguette Jacquaint. Par ailleurs, je souhaite revenir sur l’affirmation selon laquelle un apprenti junior aura toujours la possibilité de revenir vers le collège.

Regardons comment cela se passe aujourd’hui : un jeune n’a pas forcément le choix, pour peu que ses notes ne soient pas très bonnes. On va l’orienter vers une filière professionnelle, mais si l’expérience en entreprise ne lui convient pas, il sera dirigé vers une nouvelle filière, et devra trouver un établissement où elle est enseignée – lequel peut très bien se trouver à l’autre bout du département ou être mal desservi par les transports publics. C’est souvent comme cela que des jeunes abandonnent le système scolaire sans aucune formation et se retrouvent à galérer jusqu’à vingt-cinq ans.

M. Pierre Cardo. L’éducation nationale agirait ainsi ?

Mme Muguette Jacquaint. Et ne parlez pas d’automaticité, monsieur le ministre. Je n’y crois pas ! Comment obligerez-vous un établissement à réintégrer un élève ayant quitté le collège pour la voie de l’apprentissage ? Je suis, moi aussi, favorable à l’apprentissage, mais ce n’est pas ce texte qui permettra de le revaloriser.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 390.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 431 rectifié.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Promouvoir l’égalité des chances, c’est aussi lutter contre l’échec scolaire. En mettant en place dans ma ville des initiatives allant dans ce sens, je me suis aperçu que le plus difficile était de détecter les élèves sur la voie de l’échec scolaire. Cet amendement vise donc à annualiser l’évaluation prévue par l’article 122-1-1 du code de l’éducation, afin de mettre en œuvre le plus rapidement possible les dispositifs d’accompagnement du jeune connaissant des difficultés, et de l’aider à les surmonter avant qu’il ne se retrouve en situation de véritable échec scolaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable. La commission n’a pas jugé opportun de revenir sur un article adopté il y a seulement un an.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’article 17 de la loi d’orientation pour l’école prévoit déjà cette disposition.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. « C’est dans la loi ! » Telle est votre unique réponse ! Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer la loi – et pas seulement sur le plan budgétaire – si on veut éviter d’avoir à y revenir ou de devoir en confirmer les dispositions.

La lutte contre l’échec scolaire, en effet, implique d’abord une véritable pédagogie individualisée, ce qui signifie, par exemple, dans les ZEP, un effectif maximal de dix élèves par classe et des moyens radicalement différents par rapport aux autres établissements. Actuellement, la différence est très faible. Dans les pays scandinaves, les zones défavorisées bénéficient de 50 % de moyens en plus par rapport aux autres établissements ; en France, ce rapport est inférieur à 20 %. Voilà une piste intéressante pour améliorer l’égalité des chances et lutter contre l’échec scolaire. Dans certains quartiers, et notamment dans les écoles élémentaires, où tout se joue, il faudrait par exemple que l’on compte plus d’enseignants qu’il n’y a de classes, afin de constituer des groupes de niveaux et d’assurer, grâce à une autre pédagogie, le rattrapage des élèves en difficulté. Il faut non pas plus d’école, mais une autre école.

Je suis conscient de rabâcher ainsi ce que toutes les études pédagogiques nous ont déjà appris. Mais il est regrettable que, depuis quatre ans, toutes les expériences pédagogiques aient été supprimées, …

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !

M. Yves Durand. …faute de moyens ou par idéologie. Ainsi, depuis qu’on l’a envoyé à Chasseneuil-du-Poitou, chez M. Raffarin, le Centre national de recherche pédagogique est complètement démantelé. C’est une histoire ridicule ! De même, les classes APAC, qui permettaient d’aborder des sujets académiques avec une pédagogie qui ne l’était pas, ont été supprimées dans les faits. Certes, en droit, elles existent toujours, mais leur financement est asséché.

Vous pouvez toujours répéter que toutes ces dispositions existent déjà dans la loi d’orientation ou dans le code de l’éducation, mais elles ne correspondent plus à rien dans la réalité. Votre texte ne sert qu’à institutionnaliser ce manque, à inscrire dans la loi les conséquences de l’échec de la politique éducative menée depuis quatre ans.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est exactement cela.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je remercie M. le ministre pour sa réponse : une évaluation annuelle est effectivement prévue dans la loi. Mais je m’interroge au nom des élus locaux, qui sont très souvent sollicités.

M. Jean-Pierre Blazy. En effet !

M. Pierre Cardo. Les éléments statistiques issus de cette évaluation – je ne parle pas, évidemment, des résultats nominatifs – pourraient-ils être communiqués aux maires ? Dans la mesure où nous devons mettre en place les contrats éducatifs locaux et où la loi de cohésion sociale nous incite à mettre en œuvre un travail en réseaux, l’évolution générale de la réussite scolaire sur une commune ne peut que nous intéresser.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je voudrais rassurer M. Cardo.

Cette évaluation présente un double intérêt : pour l’équipe pédagogique, qui prendra des mesures en fonction des résultats de l’évaluation, et pour les partenaires – associations et collectivités territoriales – auxquels ces informations seront communiquées, comme cela figure dans les textes. Ainsi, pourront être mis en place les nombreux contrats déjà cités, dont certains sont signés par les maires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 431 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 389.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. La majorité nous demande des propositions. En voilà une !

La lutte contre les inégalités doit commencer le plus tôt possible. Comme je l’ai constaté dans mon académie, l’école maternelle régresse en quantité et en qualité. Je ne mets pas ici en cause les personnels, dont le travail est d’autant plus remarquable qu’ils l’accomplissent dans de moins en moins bonnes conditions, les classes étant maintenant surchargées : dans ma commune, elles comptent jusqu’à trente-cinq enfants !

Mme Geneviève Levy. Et alors ?

M. Yves Durand. Dans un tel contexte, l’école maternelle ne peut être un outil d’égalité des chances. C’est d’autant plus grave que, là encore, le mécanisme intellectuel est le même. On dégrade les conditions de travail dans les écoles maternelles, afin d’étayer des rapports aux termes desquels elles seraient un véritable massacre pour les enfants, qu’elles ne leur seraient pas adaptées, allant même jusqu’à générer chez eux des dysfonctionnements ! Cela est faux, sauf évidemment à rendre l’école maternelle inadaptée à des enfants de trois ans.

Voilà pourquoi le Gouvernement aurait dû mener cette réflexion dans le cadre du projet de loi sur l’égalité des chances. L’école maternelle doit être un véritable service public de la petite enfance, en liaison avec les collectivités territoriales pour permettre une transition harmonieuse entre les crèches et l’école maternelle. Cette véritable ambition éducative aurait pu être une réponse aux problèmes d’inégalité qui ne manqueront pas d’éclater dans quelques années ! C’est, en effet, dès cet âge que naissent les dysfonctionnements.

Faute d’avoir obtenu une réponse, nous proposons, par cet amendement, que soit élaboré un espace public de la petite enfance – je préfère employer cette expression. Si les parents le souhaitent, l’école maternelle doit avoir pour obligation d’accueillir les enfants à partir de trois ans. Ce principe figurait dans la loi de 1989, votée alors que M. Jospin était ministre de l’éducation nationale. Il n’existe plus – et je devance ici les réponses que me feront le rapporteur et le ministre – depuis la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Le droit à scolarisation – je ne dis pas : le devoir – dès l’âge de trois ans existe déjà dans notre droit positif. Je suis désolé de vous contredire, monsieur Durand.

M. Pierre Cardo. C’est exact !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous vous êtes trompé une nouvelle fois, monsieur Durand. Vous avez à juste titre précisé que cette disposition figurait dans la loi Jospin de 1989, mais elle est maintenue dans la loi d’orientation. Dois-je vous lire l’article L. 113-1 du code de l’éducation ?

M. Yves Durand. Je suis rassuré !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Votre amendement étant satisfait, le Gouvernement peut donc émettre en toute quiétude un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Maurice Giro.

M. Maurice Giro. Les écoles maternelles relèvent de la compétence des municipalités.

M. Yves Durand. Pas pour ce qui est des postes !

M. Maurice Giro. Si vous voulez scolariser tous les gamins de trois ans de votre ville, construisez des écoles et créez des postes ASEM et vous aurez ensuite les postes d’enseignants !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas sûr !

M. Maurice Giro. Si vous avez des écoles et si vous avez des enfants, vous les obtiendrez !

M. Alain Vidalies. Vous avez une loi particulière, chez vous ?

M. Maurice Giro. Vous ne pouvez pas obtenir de postes si vous n’avez ni école ni enfant ! Alors, inscrivez les enfants dès trois ans ! L’éducation nationale n’a jamais refusé de poste, lorsqu’il s’agit de scolariser des enfants à partir de trois ans ! Comme vient de le préciser M. le ministre, cette disposition figure dans la loi.

J’appréhende difficilement ce débat. Je comprends que les socialistes veuillent rendre l’école obligatoire à partir de trois ans, même si les parents qui le souhaitent ont parfaitement le droit d’élever leurs enfants jusqu’à cinq, voire six ans. Mais ne dites surtout pas que les enfants ne sont pas scolarisés à partir de trois en France !

Certains, parmi vous, sont maires. Ils savent donc quel effort particulier d’investissement en mobilier et en personnel cela représente pour les communes.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. En dépit des manques et des imperfections criantes, l’école maternelle est une des richesses de notre pays. Certains pays européens n’en possèdent pas ! Depuis la Conférence sur la famille, chacun s’accorde à reconnaître l’importance de l’école maternelle pour l’acquisition des savoirs et aussi pour la socialisation, même s’il existe d’autres structures telles que les crèches et les haltes-garderies. Or il n’est pas aussi facile d’obtenir des postes, même lorsque l’on construit des écoles et que l’on ouvre des classes !

J’entends bien que les écoles et les équipements relèvent de la compétence des collectivités locales, à qui l’on délègue d’ailleurs beaucoup. Or le dernier recensement laisse apparaître, par exemple, que la ville d’Aubervilliers compte 8 000 habitants de plus.

À ceux qui affirment que les femmes qui travaillent ne veulent plus d’enfants, je répondrai que la France – et c’est très caractéristique – continue d’enregistrer un fort taux de femmes qui travaillent et le taux de natalité le plus important d’Europe, d’où la nécessité de construire des écoles maternelles et de faire appel à du personnel. Or cela a un coût. L’école maternelle est une structure certes très appréciable que l’on peut avoir plaisir à vanter, mais, lorsqu’on demande des crédits, des moyens en termes d’équipements et de personnels, on n’obtient aucune réponse du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je poursuivrai le débat initié par notre collègue du groupe UMP.

Il convient de répondre à l’attente des parents. Nous pouvons partager ici un objectif, celui de lutter contre les inégalités de départ en scolarisant les enfants le plus tôt possible.

Il faut d’abord de lever une ambiguïté dans votre discours. La responsabilité incomberait aux collectivités locales, donc aux communes, pour ce qui est des écoles maternelles. La France n’est pas un pays fédéral, mais une république décentralisée. Si la scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans apparaît comme étant une réponse appropriée, la loi doit en poser le principe, de façon que la mesure s’applique à l’ensemble des Français.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Maurice Giro. Mais nous parlons des écoles maternelles !

M. Alain Vidalies. Justement, il semblerait que ce qui existe pour les autres niveaux d’enseignement doive s’appliquer aux écoles maternelles.

En revanche, et c’est beaucoup plus intéressant, je reprendrai la proposition formulée par nos collègues de l’UMP, qui pourrait fait l’objet d’un amendement commun sur lequel le Gouvernement serait amené à se prononcer. En effet, si j’ai bien compris certains propos, il suffirait de construire des murs et de se doter de personnels administratifs ou d’entretien – les ASEM – pour que l’État crée des postes. Chiche ! Ce serait une avancée intéressante. Proposez un amendement dans ce sens, et le Gouvernement nous dira alors s’il prend cet engagement. Vous obtiendrez naturellement un vote unanime de l’Assemblée nationale !

Voilà qui serait tout à fait intéressant !

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut garantir l’égalité des chances !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Ce sujet est intéressant.

Je ne voterai toutefois pas l’amendement…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est dommage !

M. Pierre Cardo. …parce que je ne suis pas persuadé que la scolarisation dès l’âge de trois ans soit la meilleure réponse.

M. Yves Durand. J’ai parlé d’ « espace public de la petite enfance » !

M. Pierre Cardo. Je préfère ce concept.

Dans le domaine des écoles maternelles, les élus locaux ont tendance à élever les murs, mais pas les enfants. Donc, leur compétence est relative. En revanche, nous avons des frais et nous devons prévoir des personnels.

Cela étant, je crois savoir que le Gouvernement prépare un projet de loi sur l’enfance. Dans les quartiers en difficulté, mais pas seulement, l’évolution de la société avec un nombre croissant de femmes qui travaillent et de familles monoparentales, entraîne un problème d’accueil de la petite enfance qui dépasse le phénomène de la scolarisation en maternelle. En effet, l’école maternelle, telle qu’elle est aujourd’hui conçue, ne semble pas en mesure de répondre aux besoins d’éducation que réclament ces enfants. Certaines communes ont mené, dans ce domaine, des expériences intéressantes. Il est clair que l’on manque de structures d’accueil de la petite enfance avant trois ans, dont les horaires d’ouverture seraient beaucoup plus larges : vingt-quatre heures sur vingt-quatre, voire sept jours sur sept. Cette solution coûterait cher,…

Mme Muguette Jacquaint. Eh oui, l’école a un coût !

M. Pierre Cardo. …mais elle mérite réflexion. Le projet de loi sur l’enfance permettra peut-être d’apporter des réponses.

L’école maternelle n’est pas un lieu adapté aux très jeunes enfants. En effet, des études ont démontré que les enfants passaient un cap difficile entre dix-huit mois et quatre ans. Le sujet est vaste. Le travail sur la parentalité et sur l’enfant, le travail avec les partenaires doit aller bien au-delà de ce que peut apporter l’école maternelle seule. Nous devons repenser totalement notre dispositif d’accueil de la petite enfance, de la naissance à l’âge de quatre ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Pierre Cardo. Mais nous constatons avec stupeur que les CAF sont en train de réduire leurs financements et que les conseils généraux, partenaires essentiels, ne se sentent pas obligatoirement concernés par le sujet.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 389.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 392.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Je sais que c’est dans le code de l’éducation, mais nous tenons à rappeler ce qui est inscrit dans le socle commun. Cet amendement précise donc que tous les jeunes qui sortent du système éducatif doivent maîtriser le socle commun de connaissances et de compétences – ce que certains ont appelé « culture commune », mais je ne reviendrai pas sur l’appellation, qui a donné lieu à de très longs débats philosophiques.

Ce socle commun, il n’est pas acquis, à l’évidence, quand on entre au collège ou à la fin de la cinquième, il doit être acquis à la fin de la troisième, c’est-à-dire à la fin de la scolarité obligatoire. On sait que certains élèves, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, ont parfois du retard dans l’acquisition de ce socle commun et, à la fin de la cinquième, ou même de la quatrième – je fais un pas vers le Gouvernement –, au moment où ils entreront en apprentissage, il ne sera pas acquis. Ce qui est inscrit dans le code de l’éducation sera donc remis en cause, balayé par ce projet de loi. Vous ne me ferez pas croire, en effet, et vous ne ferez croire à personne qu’un élève qui quitte le collège et entre en apprentissage à quinze ans, ayant déjà du retard dans l’acquisition du socle commun, va rattraper ce retard et, à un moment donné, soit s’il revient au collège, ce qui est totalement exclu, soit par lui-même, avec sa famille, elle-même en difficulté, continuer à acquérir ces connaissances.

Ainsi, non seulement vous êtes donc en totale contradiction avec le code de l’éducation, mais vous institutionnalisez une inégalité des chances. Ce gosse, qui n’aura pas pu acquérir le socle commun de connaissances sera prisonnier de la voie dans laquelle on l’aura mis précocement, sera en fin de compte prisonnier du premier et seul employeur dans les mains duquel on l’aura mis dès quinze ans.

C’est un retour en arrière. C’est véritablement une régression éducative, que vous le vouliez ou non.

M. Claude Bartolone. Très juste !

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle fine analyse !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Pour les raisons exposées par M. Durand, la commission a repoussé cet amendement.

M. Yves Durand. C’est argumenté, ça !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je pense, monsieur Durand, que vous n’avez pas regardé l’ensemble du problème.

M. Yves Durand. Je vais essayer avec vous !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. On va essayer ensemble, si vous voulez !

D’abord, je me réjouis de votre conversion au socle commun. (« C’est vrai ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Relisez les débats : vous avez voté contre la loi dans son ensemble mais vous étiez même opposés au socle commun.

M. Yves Durand. À l’idée d’un socle commun !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd’hui, vous en êtes un ardent défenseur et je m’en réjouis, mais ne dites pas que, parce qu’on va entrer en apprentissage à quinze ans, on n’aura plus droit au socle de connaissances.

M. Jean-Pierre Blazy. On ne l’aura pas acquis !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Bien entendu. C’est à seize ans que ceux qui sont en contrat d’apprentissage devront l’avoir acquis. L’éducation nationale obligera les centres de formation des apprentis à transmettre ces connaissances aux apprentis, qui devront les posséder comme les autres.

M. Maurice Giro. Sinon, ils n’auront pas le CAP !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur Durand, vous dites que le jeune en apprentissage sera prisonnier. D’abord, c’est faux puisqu’il aura la possibilité de revenir au collège – c’est écrit en toutes lettres dans le projet. Ensuite, si un jeune est en apprentissage parce que c’est son choix, sur la base du volontariat, vous ne pouvez pas dire qu’il est prisonnier de la voie qu’il aura choisie.

M. Yves Durand. Je retire le terme !

M. Alain Joyandet. Très bien !

Mme Muguette Jacquaint. Certains auront choisi, mais combien n’auront pas choisi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 392.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 398.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le défendre.

M. Jean-Pierre Blazy. Sur le principe, il est évident qu’à la fin du collège les jeunes doivent avoir acquis un socle commun. Ce qui nous a opposés lors de l’examen de la loi Fillon, c’est le contenu. Or vous êtes en train de la défaire et de la réécrire en partie puisque, avec votre dispositif d’apprenti junior, vous voulez faire sortir prématurément des jeunes de l’école avant la fin de la période d’acquisition du socle commun.

Par l’amendement n° 398, nous voulons rappeler, même si l’on va encore nous répondre que c’est déjà dans la loi et dans le code de l’éducation, que c’est le brevet qui atteste la maîtrise du socle commun des connaissances et des compétences dont tout élève doit faire preuve à l’issue de la scolarité obligatoire.

Monsieur le ministre, comment un jeune parti en apprentissage pourra-t-il passer le brevet ? Comment peut-on penser qu’au CFA on va le préparer à ce brevet ? Avec un tel dispositif, en réalité, vous allez encore aggraver l’échec scolaire que vous prétendez combattre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Visiblement, le sophisme fait partie de votre socle commun de connaissances, puisque vous défendez aujourd’hui devant nous la loi que vous avez hier refusé de voter.

M. Jean-Pierre Blazy. Je n’ai pas dit ça !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Vous vous proclamez les gardiens de la loi Fillon d’orientation pour l’avenir de l’école.

M. Jean-Pierre Blazy. J’ai dit que vous réécriviez la loi Fillon !

M. Laurent Hénart, rapporteur. L’article 32 de cette loi que vous entourez de toutes vos attentions a introduit dans notre code de l’éducation un article L. 332-6, qui dit la même chose que votre amendement et qui en dit même plus et de manière plus exigeante. C’est la raison pour laquelle la commission a préféré conserver l’état actuel du droit positif et a repoussé l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. À l’époque, vous prétendiez même que le brevet serait réduit à l’attestation de maîtrise du socle. Or c’est faux. Le socle, c’est le bagage indispensable sans lequel aucun jeune ne doit sortir du dispositif scolaire, ou avec lequel il doit sortir. Le brevet va évidemment bien au-delà.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Blazy. Et l’apprenti junior, comment va-t-il passer le brevet ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. On verra ça à l’article 1er, monsieur Blazy !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Oui, ce socle commun est le socle indispensable. Certains en obtiendront peut-être plus, mais c’est le socle indispensable. C’est la loi,…

M. Pierre Cardo. Que vous n’avez pas votée !

M. Yves Durand. …que nous n’avons pas votée et que nous avons combattue, parce que nous n’étions pas d’accord avec le contenu de ce socle commun et, surtout, avec la manière dont il paraissait réduit. Nous voulions surtout dénoncer un certain nombre de travers implicites de ce texte, qui risquaient d’entraîner les conséquences négatives que nous retrouvons dans votre projet.

Quand nous avons argumenté contre la loi sur l’école, nous avons relevé un certain nombre d’objectifs comme celui de permettre à 50 % d’une classe d’âge d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. Avec votre projet de loi, on n’y arrivera jamais. C’est pourquoi nous étions contre la loi Fillon, porteuse des propositions que vous nous faites aujourd’hui, en contradiction avec le code de l’éducation.

Vous venez de parler de socle commun. Ce sont les connaissances que tout jeune doit avoir acquises avant de sortir du système éducatif mais, si l’on est réaliste, quand on connaît l’emploi du temps d’un jeune en CFA, on a bien conscience qu’il ne pourra pas, à quinze ans, assumer un contrat d’apprentissage, avec toutes ses contraintes, et, en même temps, acquérir un socle de connaissances qu’il aura eu du mal à commencer d’acquérir quand il était simple collégien.

Vous prétendez, certainement de bonne foi, que tous les élèves devront avoir acquis à seize ans un socle commun de connaissances, et vous pensez ainsi respecter le code et le principe d’égalité des chances. Mais c’est irréalisable et vous le savez. Au fond, le plus gros reproche que l’on peut vous faire, c’est de ne pas le dire. Comme vous ne reconnaissez pas que, si vous présentez le CPE, c’est parce que vous ne voulez plus d’un véritable code du travail, vous n’assumez pas votre refus d’une scolarité obligatoire pour tous jusqu’à seize ans. Voilà la réalité, assumez-la !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 398.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 400 a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Je suis saisi d’un amendement n° 396.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 396.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 397.

Peut-on considérer qu’il est défendu, monsieur Durand ?

M. Yves Durand. Pas vraiment, monsieur le président !

La continuité éducative est un principe essentiel, défendu par de nombreuses organisations enseignantes et appliqué dans bien des pays d’Europe, en particulier dans ceux où le niveau de qualification est le plus élevé, comme les pays scandinaves.

Je rappelle qu’en Allemagne, dont M. Borloo nous a parlé lors de la brève apparition qu’il a faite devant la commission des affaires sociales, l’orientation est précoce, avec trois types d’établissement scolaire. Je ne citerai pas leurs noms car je maîtrise mal la langue allemande et j’en suis désolé – elle faisait pourtant partie du socle commun à mon époque.

Les Allemands reviennent sur ce système après que l’enquête PISA, que vous avez certainement lue comme nous tous avec beaucoup d’attention, visant à établir des comparaisons entre les systèmes éducatifs des pays développés, notamment européens, a classé le système allemand parmi les plus mauvais, s’agissant des résultats. Cela a fortement interpellé les Allemands, au point que la réforme de leur système éducatif a été l’un des axes majeurs de la campagne électorale qui vient de s’y dérouler. Gardons-nous donc de suivre trop rapidement cet exemple.

L’enseignement obligatoire forme aujourd’hui en France un bloc unique de six à seize ans – nous aurions préféré de trois à seize ans, mais je ne reviendrai sur ce débat. Ce bloc doit s’organiser de manière continue, sans orientation – ce qui exclurait les élèves les plus en difficulté – vers d’autres voies que le système éducatif. Il ne s’agit pas de faire acte d’idéologie, ni de remettre en cause la séparation entre le CM2 et la sixième, qui est parfois vécue très difficilement par les élèves les plus en difficulté, même si des progrès ont été accomplis pour établir une liaison plus grande entre ces deux classes.

Il ne doit pas non plus y avoir de coupure au sein de la période qui va de la classe de sixième à la troisième, ce qui serait un retour vers l’ancien « palier d’orientation » à la fin de la cinquième, à peu près à l’âge de quatorze ans. Or, que vous le vouliez ou non, c’est ce que vous êtes en train de faire avec votre apprenti junior.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Comme l’a très bien expliqué M. Durand, il s’agit avant tout d’une doctrine pédagogique.

M. Yves Durand. Mais non !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Et il est évident que le rôle du législateur n’est pas de définir une doctrine pédagogique. L’État le fait dans la communauté éducative. Cet amendement ne nous paraît pas utilement normatif. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 397.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 403.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement tend à renforcer l’amendement précédent. Pour garantir la continuité éducative, l’orientation ne doit pas consister, comme le prévoit votre dispositif de l’apprenti junior, à éjecter de façon prématurée des jeunes du système éducatif.

Au lendemain de la crise des banlieues, vous dites aux jeunes que vous allez préparer leur avenir en les sortant du système scolaire. C’est un sacré paradoxe !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est faux !

M. Pierre Cardo. Ce n’est pas une obligation et ce n’est pas déshonorant !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne pouvons que refuser, comme beaucoup de parents et d’enseignants, ce choix que vous n’avez pas osé faire lors de l’examen de la loi Fillon, mais que vous faites aujourd’hui. C’est pourquoi le code de l’éducation doit préciser clairement que l’orientation en voie générale, technologique et professionnelle intervient à la fin de la troisième.

Pour permettre la réussite du plus grand nombre, il faut agir contre l’échec scolaire. Mais cela ne signifie pas qu’il faille éjecter, de façon prématurée, les jeunes du système scolaire.

La question est de savoir comment répondre au problème de l’échec scolaire. On a parlé tout à l’heure de l’école maternelle ; on peut également parler de l’apprentissage de la lecture. Monsieur le ministre, l’apprentissage de la lecture n’est pas uniquement une question de méthode – globale ou non. Vous êtes parti en croisade contre la méthode globale !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous en avons déjà parlé, mais vous n’étiez pas là !

M. Jean-Pierre Blazy. En vérité, la méthode globale n’est quasiment plus utilisée.

M. Henri Emmanuelli. Depuis longtemps, très longtemps !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez pris sur cette question une position idéologique.

La réussite au collège passe par le développement d’un soutien, mais ce n’est pas uniquement par la réussite éducative que vous avez proposée que nous y arriverons. Limitons, par exemple, à quinze le nombre d’élèves par classe dans les ZEP. Cessez de réduire constamment, comme c’est encore le cas dans le budget pour 2006, le nombre des postes offerts aux concours.

Mais, pour tout cela, il faut des moyens. C’est une autre politique qu’il importe de poursuivre, celle que nous proposons, une politique qui permette aux jeunes de réussir, mais certainement pas par une sortie prématurée.

M. Henri Emmanuelli. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. M. Blazy a été très clair.

M. Henri Emmanuelli. Remarquable, n’est-ce pas ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. En effet, monsieur Emmanuelli.

Le seul but de cet amendement est de vider de sa substance le débat sur l’article 1er, débat qui n’a pas encore eu lieu. Pour cette simple raison, la commission l’a repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. M. Blazy n’a pas encore compris que les apprentis juniors demeureront dans le système scolaire.

M. Yves Durand. C’est un enterrement de première classe !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Lorsque vous l’aurez compris, toutes vos préventions contre ce dispositif éminemment populaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) s’écrouleront.

Par ailleurs, votre proposition relève du domaine réglementaire. Avis défavorable donc.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Apprentissage « junior », quelle belle appellation de marketing !

En réalité, monsieur le ministre, l’apprentissage et le travail en alternance existent déjà, de même que les dérogations qui permettent à des jeunes d’entrer en apprentissage à l’âge quinze ans. Cela arrive, mais ce n’est pas populaire. Tous les présidents de chambres de métiers sont contre, alors vous nous avez parlé d’une assemblée permanente des chambres de métiers. Comme si nous pouvions être dupes !

Vous créez une sous-catégorie d’apprentis. Et lorsque vous venez nous expliquer que ces gens seront à la fois en apprentissage et dans le système scolaire, vous n’êtes avare ni de principes, ni de mots, ni de mécanismes censés produire leurs effets dans l’avenir. Mais, comme vous l’a dit M. Durand, il n’y a pas non plus de trace du moindre engagement budgétaire dans votre projet. Comme d’habitude, il n’y a pas un sou ! Le budget passera et les belles paroles resteront imprimées dans le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale.

Ne dites pas que nous sommes opposés à l’apprentissage. L’alternance, c’est la gauche qui l’a créée. Le travail manuel, au cas où vous l’ignoreriez, nous a fourni historiquement la base sociale sur laquelle nous nous sommes développés. Nous n’avons pas tout d’un coup, comme d’autres, découvert les charmes du travail manuel, monsieur de Robien !

En revanche, qu’est-ce qui vous empêchait, si vous vouliez favoriser l’apprentissage, ce qui en soi est une bonne intention, de maintenir ces jeunes gens et ces jeunes filles dans le système scolaire jusqu’à seize ans et ensuite de les orienter convenablement ?

Mais non, vous les stigmatisez en créant une sous-catégorie qui séparera ceux qui seront sortis de l’école à quatorze ans de ceux qui ont commencé leur apprentissage à seize ans, en partant du principe, curieux pour un ministre de l’éducation nationale, que, si l’on se destine à un travail manuel, on a moins besoin de culture générale et d’acquisition de savoirs que les autres. C’est cela en fait que vous êtes en train d’essayer de nous vendre depuis le début !

M. Claude Gaillard. Pas du tout !

M. Henri Emmanuelli. Et vous essayez même d’inverser la démonstration en prétendant que c’est pour mettre un terme à l’opposition regrettable entre travail intellectuel et travail manuel que vous avez décidé de sortir ces jeunes gens et ces jeunes filles du système scolaire avant l’âge obligatoire de seize ans.

Enfin, vous avez rappelé ce matin que nous n’avons pas voté la loi Fillon, qui imposait l’obligation scolaire jusqu’à seize ans. C’est exact. Mais vous qui l’avez votée, vous ne l’appliquez pas. C’est encore pire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement pose la question de l’orientation précoce vers une filière professionnelle qui serait coupée de l’enseignement général, même si vous affirmez le contraire.

Rappelons-nous les débats que nous avons eus à propos de l’apprentissage – et ne venez pas dire que nous sommes contre – pour essayer de revaloriser les métiers manuels et technologiques tant ils étaient décriés.

Vous stigmatisez des jeunes qui sont déjà en difficulté. Je ne pense pas, monsieur le ministre, que c’est ainsi que vous allez revaloriser les filières techniques et professionnelles et encourager les jeunes à se tourner vers ce type de métier.

J’ajoute que, même quand vous faites un métier manuel et que vous avez suivi une filière technologique, vous avez besoin d’un bagage éducatif pour devenir un citoyen à part entière. Votre texte tourne le dos à cette révolution nécessaire pour permettre à notre société de progresser vers plus de démocratie.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 403.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 402.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Il semble que l’application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004, article dont nous proposons l’abrogation par cet amendement, suscite de très grandes difficultés, qui ne sont pas seulement dues à une rédaction insuffisamment précise. Il pose surtout un problème de principe, les uns ayant le droit de choisir tandis que les autres n’auraient que le droit de payer.

Dans cette affaire, il ne s’agit pas d’opposer le public au privé, mais de prendre en considération les efforts consentis par une commune, petite ou grande, pour l’école publique. Ces investissements, faits grâce à l’argent du contribuable, peuvent être considérables, du fait des mises aux normes et des adaptations nécessaires aujourd’hui. Il faut également prendre en compte tout ce qu’elle a réussi à obtenir en termes de créations de postes, qui, contrairement à ce qu’un de nos collègues de l’UMP a prétendu tout à l’heure, ne sont pas automatiques : obtenir l’ouverture d’une classe peut se révéler difficile, et c’est toujours plus difficile que d’en fermer. Mais je ferme la parenthèse.

Une fois qu’une commune s’est ainsi donné la capacité d’accueillir les enfants dans une école publique située sur son territoire, pour quelle raison lui imposerait-on de financer le fonctionnement d’une école, qu’elle soit publique ou privée, située sur le territoire d’une autre commune ?

M. Pierre Cardo. C’est faux !

M. François Brottes. Certains considèrent pourtant que cet article doit s’entendre comme imposant à la commune de résidence des élèves de financer leur scolarité du moment que l’école qui les accueille en fait la demande.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Mais non !

M. François Brottes. Si tel n’est pas le sens de cet article, je m’en réjouirai, et j’espère, monsieur le ministre, que vous le confirmerez. Les ambiguïtés demeurent cependant nombreuses, et de nombreuses pressions s’exercent sur les communes : on excipe de cet article 89 pour ne laisser aux communes que le « droit » de supporter automatiquement les frais entraînés par la liberté de choisir exercée par d’autres, parfois jusqu’à l’abus. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maurice Giro. On ne peut pas laisser dire ça, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. C’est la position de François Fillon que vous défendez. Parce que nous défendons celle du sénateur Charasse, la commission a souhaité que cet article soit maintenu, et a donc rejeté votre amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. C’est un peu court !

M. François Brottes. Ce n’est pas sérieux !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est vrai que nous combattons là à front renversé !

L’avis du Gouvernement est défavorable. Nos services ont veillé soigneusement aux modalités d’application de cet article, qui a donné lieu à une véritable concertation avec les acteurs locaux, notamment avec l’Association des maires de France.

L’innovation introduite par cet article 89 concerne le rôle du préfet, qui est désormais habilité à fixer les contributions respectives des communes intéressées, à défaut d’accord entre elles sur la répartition des dépenses. Cet article est donc d’abord un moyen de trancher d’éventuels désaccords, mais il ne modifie absolument pas le périmètre de dépenses des communes. Que tout soit bien clair : le préfet n’interviendra qu’en cas de conflit, comme cela a été rappelé par voie de circulaire ; le principe est celui de l’accord entre les collectivités, et c’est ce qui arrivera, je l’espère, dans la majorité des cas.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je vous remercie de cette explication, monsieur le ministre, mais elle ne m’a pas totalement convaincu, faute d’être – pardonnez-moi – suffisamment claire.

Nous devons poser très simplement les termes du problème tel qu’il se pose à tous les élus concernés.

Supposons que certaines des familles qui résident dans ma commune aient décidé de scolariser leurs enfants dans une autre commune, en dépit du fait que l’école de ma commune ait la capacité de les accueillir – j’ai en effet réalisé les investissements nécessaires et je dispose d’un budget de fonctionnement suffisant – et sachant que je n’ai pas donné mon accord à ce choix de scolarisation, bien que je ne conteste pas la liberté de scolariser ses enfants où on le souhaite.

M. Pierre Cardo. Dans ce cas vous ne paierez pas !

M. François Brottes. Dans ce cas, monsieur le ministre, la question est claire : le préfet pourra-t-il contraindre ma commune – je parle toujours au nom des maires qui sont confrontés à ce problème – à contribuer au financement de l’école où sont scolarisés ces élèves ? (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si vous répondez par la négative, il n’y a pas lieu à débat. Mais la simple possibilité que cela arrive pose déjà problème.

M. Pierre Cardo. C’est non si le maire n’a pas donné son accord !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je voudrais d’abord, monsieur le rapporteur, réagir à ce que vous avez dit à propos du sénateur Charasse. Puisqu’il semble que vous n’ayez pas assisté à nos débats sur la loi Fillon, je tiens à vous dire que c’est l’honneur du groupe socialiste de l’Assemblée d’avoir déjà alors proposé la suppression de cet article. Nous faisons donc preuve de cohérence en en proposant à nouveau la suppression. Cette suppression est encore plus justifiée au regard de la circulaire que vous avez fait paraître, monsieur le ministre, passant outre l’avis négatif du Conseil supérieur de l’éducation – bel exemple de la concertation dont vous vous targuez ! – et qui a été publiée au Journal officiel le 2 décembre. Cette circulaire aggrave encore les conséquences financières de la disposition, et j’invite ceux de mes collègues qui sont également maires à en prendre toute la mesure en termes de coût.

M. Henri Emmanuelli. Une catastrophe !

M. Jean-Pierre Blazy. Un de nos collègues de l’UMP prétendait tout à l’heure qu’il suffisait d’ouvrir des écoles maternelles publiques pour obtenir des postes d’enseignants. Eh bien, il pourra mesurer ce qu’il lui en coûtera si jamais il n’obtient pas du préfet un arbitrage qui lui soit favorable du point de vue financier.

En effet, cette circulaire range au nombre des dépenses à prendre en compte pour la contribution communale, à titre simplement facultatif pour les écoles publiques, les dépenses d’administration, telles que les salaires des agents municipaux qui interviennent dans la gestion des écoles publiques communales, la rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles, alors que la scolarisation en école maternelle n’est pas obligatoire, comme cela a été rappelé.

Selon l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes de France, l’ANDEV, le coût moyen annuel d’un élève du premier degré s’élève à 450 euros par an si on ne tient compte que des fournitures – matériel et manuels – : on mesure l’aggravation des charges que les communes devront supporter pour financer des choix faits par d’autres. Notre collègue Brottes l’a très bien dit : nous payons, et d’autres décident ; à eux le droit de choisir, à nous l’obligation de payer. Cela est foncièrement inacceptable.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous sommes bien loin du texte, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Blazy. En tant que maires, nous avons déjà à consentir des efforts considérables pour assurer une scolarisation publique élémentaire dans des secteurs qui souffrent de l’échec scolaire, et c’est notre rôle. Mais il nous est bien souvent impossible de supporter des charges supplémentaires, du fait des inégalités de richesses entre les communes.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je peux quand même souligner le caractère profondément injuste de cette disposition !

M. le président. J’ai cru comprendre que nous nous étions mis d’accord pour en terminer avec les articles additionnels à vingt heures. Or il nous reste cinq amendements à examiner.

M. Jean-Pierre Blazy. Il s’agit quand même d’un sujet essentiel. Votre circulaire, monsieur le ministre, aggrave considérablement les dispositions antérieures.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Blazy. Je rappelle que la participation de la commune de résidence au financement de la scolarité des enfants scolarisés dans une école publique située hors de son territoire n’est obligatoire qu’en l’absence de places disponibles dans les écoles de la commune de résidence.

Quant aux motifs ouvrant droit à dérogation…

M. le président. Monsieur Blazy…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un sujet majeur, qui mérite d’être reconsidéré.

M. le président. Monsieur Blazy, il y a des règles, même si elles ne figurent pas dans le règlement…

M. Jean-Pierre Blazy. Je peux vous dire, monsieur le ministre, que l’application de cette disposition rencontrera de nombreuses résistances chez les maires.

M. le président. Quand on a donné son accord pour tenir certains délais, on le respecte.

La parole est à M. Maurice Giro.

M. Maurice Giro. Je comprends mal votre réaction, mes chers collègues.

Cette disposition a été prévue pour le cas où une commune n’a pas la capacité de scolariser tous ses enfants : il est logique qu’un maire qui n’a pas voulu construire d’école primaire participe d’une façon ou d’une autre à la scolarisation des enfants qui résident dans sa commune.

Je peux vous citer l’exemple du département du Vaucluse, parce que c’est le mien, mais je pense qu’il vaut pour la France entière. L’association des maires de ce département s’est mise d’accord avec le préfet pour préciser que la commune de résidence d’un enfant scolarisé dans une autre commune n’aura pas à payer si le maire de la commune de résidence n’a pas avalisé cette scolarisation hors de son territoire. Au, cas en revanche, où il l’aura avalisée, il sera bien entendu tenu de payer. Je pense qu’un tel accord peut être étendu au niveau national.

M. Jean-Pierre Blazy. Il y a bien une obligation supplémentaire à la charge du maire !

M. Maurice Giro. Le principe est simple : on ne peut pas faire supporter des frais de scolarité à qui ne les a pas acceptés au préalable.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C’est le bon sens ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 393.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 393.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 394.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Je laisse à M. Blazy le soin de soutenir l’amendement n° 394 ainsi que les deux amendements suivants.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l’amendement n° 394.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement traduit notre souci de favoriser la réussite des élèves, qui est notre préoccupation essentielle. Il s’agit de mobiliser les dispositifs de veille éducative sur tout le territoire national, au lieu d’en limiter la portée, comme vous le proposez. Cette mobilisation bénéficiera évidemment en premier lieu aux zones d’éducation prioritaire, et non pas exclusivement aux zones urbaines sensibles.

Les compétences des différents acteurs du monde éducatif devront être mises en œuvre dans le cadre de ces dispositifs, et ceci de façon pérenne, au-delà des cinq ans que vous avez prévus. C’est pourquoi nous voulons inscrire ces dispositifs dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable : cette question est d’ordre réglementaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 394.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 395 et 399…

M. Jean-Pierre Blazy. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 395.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 399.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 401.

La parole est à M. Yves Durand, pour le défendre.

M. Yves Durand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 401.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :

Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)