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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 7 février 2006

137e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, l’honneur d’un Parlement est de voter des lois (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) justes et efficaces, équitables et protectrices.

Le contrat première embauche que vous avez décidé – seul – et sans négociation est à l’opposé de ces critères.

M. Richard Mallié. N’importe quoi ! Il est en débat à l’Assemblée !

M. Guy Geoffroy. Et les trente-cinq heures ?

M. Jean-Marc Ayrault. Toutes les protections qu’octroie le contrat de travail sont élaguées, rabotées, vidées de leur substance. Période d’essai de deux ans, résiliation du contrat sans justification,…

M. Jacques Myard. Baratin !

M. Jean-Marc Ayrault. …préavis et indemnités de rupture limités, allocations chômage abaissées.

M. Richard Mallié. Cela fait des nuits qu’ils nous ennuient avec ça !

M. Jean-Marc Ayrault. Le « projet le plus social », monsieur le Premier ministre, dont vous vous êtes encore gargarisé ces derniers jours, n’est rien d’autre qu'un nivellement de la jeunesse par le bas. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Il n’est rien d’autre que la mort du CDI pour tous les salariés. Et la précarité des uns ne justifiera jamais l’insécurité pour tous !

M. Lucien Degauchy. Et les emplois jeunes ?

M. Jean-Marc Ayrault. J’entends votre exaspération de non-élu devant l’examen minutieux du texte par les députés socialistes. Pas plus que vous ne pratiquez le dialogue social, vous n’aimez le Parlement.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oh là là !

M. Jean-Marc Ayrault. Après les ordonnances, après l’abus des procédures d’urgence, voilà brandie la menace du 49-3. Non, monsieur le Premier ministre, l’Assemblée nationale n’est pas votre chambre à coucher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Un peu de calme, je vous en prie !

M. Jean-Marc Ayrault. Si nous ne faisions pas notre travail de parlementaire, qui saurait aujourd’hui que votre projet de loi sur l’égalité des chances abaisse l’âge de la scolarité à quatorze ans ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qui saurait que le travail de nuit des adolescents de quinze ans est désormais légalisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Qui saurait qu’un salarié de moins de vingt-six ans peut être licencié sans motif et remplacé par un autre dans la même entreprise ?

Pour nous, monsieur le Premier ministre, ce débat est une bataille d’information, de pédagogie, de vérité, mais c’est aussi un travail de conviction. C’est un choix de société entre la précarité et la sécurité.

Alors, monsieur le Premier ministre, il n’est pas encore trop tard pour retirer votre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Non, il n’est pas trop tard pour écouter, entendre et négocier. Ce n’est pas d’un nouveau contrat de travail dont la France a besoin, c’est d’un nouveau contrat social, et c’est urgent ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault,…

M. Patrick Roy. C’est de la provocation !

M. le Premier ministre. …par respect pour vous, par respect pour l’Assemblée nationale, par respect pour tous les Français, je ne me placerai pas sur le même registre que vous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. C’est pour cela que vous n’avez jamais été élu !

M. le Premier ministre. Derrière votre question, se trouve une question qui nous concerne tous.

M. Jean Glavany. Allez voir les électeurs !

M. le Premier ministre. Face au chômage des jeunes, avons-nous tout tenté ?

Cela fait vingt ans qu’ils attendent des solutions et qu’ils espèrent des résultats. (« Quatre ans ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Tous les jeunes que j’ai rencontrés au cours des derniers mois attendent des décisions. Ils veulent que cela change.

M. François Hollande. Ils veulent changer de gouvernement !

M. le Premier ministre. Ils veulent que les choses bougent. Car pour des centaines de milliers d’entre eux, la précarité, c’est aujourd’hui.

M. François Hollande. C’est vous qui l’avez créée !

M. le Premier ministre. C’est le chômage. C’est l’enchaînement des CDD (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.), des missions d’intérim et des périodes d’inactivité (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.), ce sont les discriminations (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.), c’est l’absence de perspective (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.) et, souvent, l’impossibilité d’avoir des projets avant l’âge de trente ans ! (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. On se croirait dans une classe de maternelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La maternelle, c’est mieux que ça, monsieur le président !

M. le Premier ministre. Cela, monsieur le président Ayrault, ni vous, ni moi, ni aucun des Français ne peut l’accepter.

Ce n’est pas une querelle d’idéologie – et je regrette vos paroles.

Ce n’est pas un problème de droite ou de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.), mais une source d’inquiétude pour tous les Français (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), les plus jeunes de nos compatriotes, mais aussi leurs parents, leurs grands-parents. Cette inquiétude mine toute notre société.

Évidemment, j’écoute. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un député du groupe socialiste. Le MEDEF !

M. Michel Lefait. J’écoute ceux qui manifestent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.), mais j’écoute aussi ceux qui ne manifestent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’écoute ceux qui désespèrent de pouvoir trouver un emploi stable, tous ceux qui s’inquiètent pour leur avenir.

M. François Hollande. Et ils ont raison de s’inquiéter !

M. Christian Paul. Agissez maintenant !

M. le Premier ministre. Alors, on a le choix, monsieur le président Ayrault. On peut encore remettre les décisions à plus tard. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), se réfugier dans l’immobilisme et faire croire aux Français que la sécurité, c’est ne pas changer, c’est le statu quo !

M. François Hollande. La sécurité, c’est ne pas casser, ne pas reculer !

M. Maxime Gremetz. Oui, ce n’est pas reculer !

M. le Premier ministre. Mais la vérité, c’est que la sécurité dans l’emploi pour les Français…

M. François Hollande. Ce n’est pas vous !

M. le Premier ministre. …passe par des changements. Des changements justes.

M. François Hollande. De gouvernement !

Mme Martine David. Pas par la précarité !

M. le Premier ministre. Des changements adaptés aux réalités de l’emploi d’aujourd’hui. Des changements qui permettent de répondre concrètement…

M. Jean Glavany. Des changements de politique !

M. le Premier ministre. …aux problèmes auxquels sont confrontés tous les jours les jeunes français.

La sécurité, ce n’est pas faire croire qu’on pourra proposer à chacun un emploi à vie dans la même entreprise.

M. François Hollande. On sait !

M. le Premier ministre. La sécurité, c’est bâtir un véritable parcours professionnel qui offre à chacun des garanties et des protections à toutes les étapes de la vie,…

Mme Martine David. Ça commence mal avec vous !

M. le Premier ministre. …depuis les premiers stages jusqu’à la retraite. La sécurité, c’est avancer, comme le font tous les autres pays en Europe : l’Allemagne, les pays du Nord ou encore l’Espagne.

M. François Hollande. Rien à voir avec ce que vous mettez en place.

M. le Premier ministre. C’est même essayer de faire mieux : offrir plus de garanties, plus d’opportunités !

Aujourd’hui, monsieur le président Ayrault, je le dis ici avec gravité, nous avons tous, les uns et les autres, rendez-vous avec l’emploi. Le Gouvernement a obtenu de premiers résultats. Nous voulons plus pour notre pays. Vous pouvez compter sur ma détermination, celle de tout le Gouvernement, celle de toute la majorité pour défendre les intérêts des Françaises et des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat de première embauche

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Nicolas Perruchot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'emploi.

Monsieur le ministre, le débat sur le contrat première embauche est bien mal engagé. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

D'un côté, le Gouvernement veut passer en force à l'Assemblée, en piétinant une fois de plus les droits du Parlement. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le CPE est arrivé par voie d'amendement, sans consultation du Conseil d'État, sans négociation préalable avec les partenaires sociaux (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), sans examen approfondi en commission. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je vous en prie !

M. Nicolas Perruchot. Le débat a été avancé de quinze jours, l'urgence a été déclarée, et l'on nous parle aujourd’hui du 49-3 !

D'un autre côté, le parti socialiste n'a rien trouvé d'autre, pour tenter de refaire son unité, que l'obstruction parlementaire et le ralentissement excessif des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Et bien sûr, s'il est fait recours au 49-3, il y aura dépôt d'une motion de censure. L'UDF ne se reconnaît pas dans ce ping-pong ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous voulons que l'Assemblée puisse débattre sereinement, avec le temps nécessaire, de ce sujet majeur qu'est l'emploi des jeunes. Nous estimons que le CPE est une mauvaise idée, qu’il va accroître la précarité sans répondre à la vraie cause du chômage des jeunes qui est l'absence de formation. Mais au moins débattons-en !

L'UDF a formulé plusieurs propositions sur le CPE afin d'en limiter les effets négatifs : éviter les recours successifs à ce type de contrat entre un même employeur et un même salarié ; limiter à six mois au lieu de deux ans la durée du préavis de licenciement sans motif ; ou encore préciser le motif de la rupture dans la lettre de licenciement.

Monsieur le ministre de l’emploi, laisserez-vous à l'Assemblée le temps nécessaire pour débattre au fond du CPE et de cette question importante qu’est l'emploi des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Perruchot, la réponse est oui.

À cette heure-ci, nous avons déjà tenu vingt-deux heures de débats – intéressants, approfondis – qui nous ont permis d’examiner au fond deux articles seulement d’un projet de loi qui est, comme vous le savez, vaste.

Que je sache, les débats reprendront tout à l’heure, se poursuivront jusqu’au dîner, puis cette nuit, continueront demain, la nuit suivante, puis le surlendemain, et la nuit d’après ! Nous irons au bout des questions !

Je tiens d’ailleurs à vous remercier parce que, sur l’apprentissage, l’UDF a apporté un soutien clair à ce texte !

Sur d’autres sujets, j’ai constaté qu’en six ou sept ans, l’UDF avait évolué puisqu’elle soutenait naguère le CIP, alors qu’elle se montre plus circonspecte aujourd’hui sur le CPE ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais au-delà, la seule question qui vaille est la suivante : nous sommes tous d’accord sur un point, le problème de la professionnalisation. Le contrat de professionnalisation, le contrat de découverte des métiers, le contrat d’apprentissage deuxième année, le développement de l’apprentissage, les contrats d’avenir avec formation et nos emplois jeunes à nous qui, eux, ont une formation !

Alors, bien sûr, ce n’est pas facile ! Il serait tellement plus facile de ne rien faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tellement plus facile de ne pas risquer de s’exposer aux amalgames, aux pancartes ou aux anathèmes ! Simplement, comme le Premier ministre, l’a rappelé, nous n’acceptons pas cette situation. Alors, tous ensemble, on y va ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, les jeunes, les étudiants et les salariés de notre pays qui manifestent aujourd’hui dans 150 villes ne sont pas dupes.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Quelques-uns !

M. Alain Bocquet. Deux Français sur trois approuvent cette mobilisation contre le CPE. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ils ne croient pas à votre prétendu progrès social.

Où est le progrès social quand un jeune peut se faire licencier à tout moment, sans justification, deux ans durant ?

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et qui a créé le CDD de cinq ans ?

M. Alain Bocquet. Où est le progrès social quand ce jeune salarié est à la merci du grand patronat de droit divin (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui veut imposer le travail sous-payé et la docilité ?

M. Lucien Degauchy. Et quand il n’y a pas de travail, vous proposez quoi ?

M. Alain Bocquet. Est-ce un progrès que de recourir au chantage au chômage pour faire de l’exception − le sous-emploi et les travailleurs pauvres − la nouvelle règle ?

Les entreprises abusent déjà de l’intérim, du travail saisonnier, des CDD, des stages et autres petits boulots…

M. Richard Mallié. Comme les emplois-jeunes ?

M. Alain Bocquet. …pour conjuguer flexibilité et précarité ; c’est à présent cette précarité que vous voulez pérenniser et institutionnaliser.

Avec le CNE pour les salariés et, demain, le CDD senior, la boucle sera bouclée.

M. Richard Mallié. Sortez de la préhistoire !

M. Alain Bocquet. À la vérité, monsieur le Premier ministre, votre bataille n’est pas celle de l’emploi. Votre action est guidée par les profits de la bourse, du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et des actionnaires du CAC 40 qui ont touché 30 milliards d’euros en 2005, avec une hausse de 50 % des dividendes versés. On le voit, l’argent ne manque pas si l’on veut assurer à notre jeunesse un autre avenir que la galère que vous leur offrez. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le Premier ministre, retirez le CPE. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Après tout, ce n’est rien d’autre qu’une « Combine pour éjecter ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce que veulent les jeunes et les étudiants, c’est une véritable sécurité-emploi-formation, c’est pouvoir remplacer les départs massifs à la retraite pour les dix ans qui viennent et que les stages abusifs soient requalifiés en emplois durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Bocquet, je vous remercie de cette question que vous avez formulée avec un grand sens de la nuance. (Sourires.)

Je viens de répondre au président Ayrault en parlant de l’état d’esprit qui est celui du Gouvernement et de toute la majorité, de notre sérénité, de notre volonté d’écoute et, en même temps, de notre détermination. Je voudrais à présent rappeler le sens de ce que le Gouvernement propose pour les jeunes Françaises et les jeunes Français.

M. Patrick Roy. La précarité !

M. le Premier ministre. Une fois encore, nous voulons leur offrir plus de chances sur le marché du travail et plus de sécurité dans l’emploi. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut se poser cette question : pourquoi, aujourd’hui, les jeunes Français ne trouvent-il pas de travail ?

M. François Hollande. À cause de votre politique !

M. le Premier ministre. C’est d’abord parce qu’on leur demande l’impossible : avoir autant d’expérience à vingt ans que l’on peut en avoir à quarante. C’est ensuite parce que les entreprises ne leur font pas suffisamment confiance et qu’elles n’ont pas toujours les instruments à leur disposition pour embaucher plus facilement. C’est enfin parce que les jeunes Françaises et des jeunes Français ne connaissent pas assez le monde de l’entreprise et ne maîtrisent pas toujours assez un métier. (« Bavardage ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous voulons répondre à chacune de ces difficultés avec beaucoup de pragmatisme et sans idéologie.

M. François Hollande. Mais si, avec de l’idéologie !

M. le Premier ministre. Nous voulons d’abord développer les formations en alternance, parce qu’elles garantissent un débouché, un accès rapide à l’emploi. Nous voulons ensuite donner de la valeur aux stages, et nous le faisons en rémunérant les stages…

M. François Hollande. À la fin du troisième mois !

M. le Premier ministre. …dès la fin du troisième mois, et en les intégrant dans le cursus universitaire et professionnel. Cela, vous le savez, n’existe pas et n’existait pas. Aucun d’entre vous n’en a jamais fait la proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, nous voulons proposer un nouveau contrat de travail à durée indéterminée. (« À durée précaire ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous n’avez jamais proposé que des contrats à durée déterminée.

M. Richard Mallié. Les emplois-jeunes !

M. le Premier ministre. Ce nouveau contrat mettra le pied à l’étrier à tous les jeunes et leur offrira des garanties nouvelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : la formation, l’accès au crédit, l’accès au logement, l’indemnisation du chômage. Vous ne l’avez jamais proposé, vous n’y avez jamais pensé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous le voyez, monsieur le président Bocquet, aujourd’hui, pour trop de jeunes Françaises et de jeunes Français, l’emploi, c’est…

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est un fiasco !

M. le Premier ministre. …un parcours d’obstacles. Ce que nous leur proposons, c’est…

M. Jean Glavany. C’est un obstacle de plus !

M. le Premier ministre. …au contraire un véritable parcours d’embauche. C’est cela qui nous motive, c’est cela qui nous mobilise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Contrat d’Apprentissage junior

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. L’emploi, particulièrement l’emploi des jeunes, est la priorité de notre majorité.

M. François Hollande. Eh bien dites donc ! Elle n’est pas efficace, la majorité !

M. Hervé Mariton. Les solutions sont multiples. Le CPE en est une.

M. Patrick Roy. Elle est nulle !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas la seule. Nous souhaitons le développement d’une autre solution importante, l’apprentissage.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes déjà des apprentis sorciers !

M. Hervé Mariton. Nos compatriotes sont prêts à voir les choses bouger, pourvu qu’elles le fassent vraiment et utilement. Ils ont accueilli la proposition de l’apprentissage junior avec un a priori favorable.

M. Christian Paul. C’est faux !

M. Hervé Mariton. Mais, aujourd’hui, les jeunes et leurs parents demandent davantage de précisions : ils veulent savoir si l’apprentissage junior est vraiment un mieux pour les jeunes. Si la solution vaut d’être mise en œuvre − comme nous le pensons −, ils veulent également savoir quand elle sera appliquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Apprenti sorcier !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Mariton, le premier objectif de l’éducation de la République, c’est la transmission des savoirs.

M. Jean-Pierre Brard. M. de Robien nous tourne le dos !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je réponds à M. Mariton, messieurs les députés, et il est difficile de regarder tout le monde en même temps !

Le deuxième objectif est la formation à la citoyenneté, au comportement citoyen. Enfin, il faut s’occuper de l’insertion professionnelle durable et stable. Nous pensons que la formation en alternance est une voie d’excellence pour permettre à des jeunes de s’insérer professionnellement, à leur manière, avec leur caractère, avec leurs aptitudes. Certains jeunes de quatorze ou quinze ans ont du mal à suivre les voies de l’enseignement général. Si, à travers des stages divers et variés, on leur présente des entreprises dès qu’ils ont quatorze ans, ils pourront, à partir de quinze ans, bénéficier d’un contrat d’apprentissage qui leur permettra de conserver un collège de référence…

M. André Chassaigne. C’est impossible !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …et d’y revenir jusqu’à leurs seize ans. Dans tous les cas de figure, ils acquerront un socle commun de connaissances et seront suivis par une équipe pédagogique jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd’hui, 350 000 personnes sont en apprentissage. Un an après la fin de la période d’apprentissage, 80 % ont un contrat à durée indéterminée. C’est pourquoi nous voulons développer l’apprentissage junior, avec ce dispositif prévoyant des stages dès quatorze ans et le contrat d’apprentissage à quinze ans. Nous sommes persuadés que, avec le renouveau de la croissance économique, avec le CNE, avec le CPE, avec l’apprentissage junior, nous allons relever le défi de la lutte contre la précarité, contre le chômage, notamment celui des jeunes. Nous allons mettre ce système en place dès la rentrée de septembre 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Lutte contre les violences urbaines

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’UMP.

M. Alain Suguenot. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre d’État, à l’automne dernier, notre pays a connu une flambée de violence qui a marqué nos concitoyens, non seulement ceux qui en ont été victimes, mais également la France entière qui a pu s’interroger sur le coût de ces événements pour la collectivité.

Cette situation a attiré l’attention sur la nécessité de trouver des solutions d’avenir pour des quartiers entiers de nos villes et pour leurs habitants, qui ont eu l’impression d’être exclus de notre modèle social.

Monsieur le ministre, vous avez pris la mesure de ces événements…

M. Jean-Pierre Brard. En soufflant sur les braises !

M. Alain Suguenot. …en mettant en place les mesures nécessaires pour ramener le calme et restaurer l’État républicain.

M. Jean-Pierre Brard. Le couvre-feu !

M. Alain Suguenot. Le premier devoir de l’État est en effet d’assurer la sécurité de nos concitoyens. Vous avez pris les mesures nécessaires. Pouvez-vous nous indiquer aujourd’hui quels sont les moyens qui ont été mis en place pour assurer la sécurité, éviter le renouvellement de tels événements et rassurer les Françaises et les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, à la suite des événements inadmissibles qui se sont déroulés dans un certain nombre de quartiers…

M. Jean-Pierre Brard. À Neuilly ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …je voudrais d’abord − et je suis sûr que chacun, sur tous les bancs de cette assemblée, le fera avec moi − rendre hommage à la police et à la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Tous les pays démocratiques ont connu des violences urbaines. Je veux rappeler que, en vingt-cinq nuits de violences urbaines, il n’y a pas eu de morts, ni chez les émeutiers ni parmi les forces de l’ordre.

M. Bernard Roman. Il y en a eu avant !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous le devons à la maîtrise et au sang-froid des policiers et des gendarmes. Je crois que chacun peut leur rendre hommage. On voit ce que la République a à gagner à avoir des femmes et des hommes de cette qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Deuxième élément : 5 200 interpellations ont eu lieu, et il eût été parfaitement inadmissible que des suites judiciaires ne soient pas engagées. Il faut que chacun le comprenne : ceux qui brûlent des voitures, ceux qui se livrent au trafic de drogue, ceux qui terrorisent les gens dans les quartiers ou dans les trains auront systématiquement à rendre des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ainsi, depuis le mois de novembre, rien dans les quartiers dits à difficulté, 230 opérations ont été menées par la police et la gendarmerie. Elles ont entraîné 876 interpellations et 208 mises sous dépôt. L’impunité, c’est désormais terminé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.

Il est trop facile de laisser croire que seuls les problèmes sociaux expliquent les émeutes qu’a connues notre pays. Ce qui est en question, c’est l’impunité d’un certain nombre d’individus qui croient pouvoir s’exonérer des conséquences de la loi républicaine. Cette période est révolue. La police et la gendarmerie auront l’occasion, comme récemment à la Cité des 4 000 à La Courneuve, de multiplier ce genre d’opérations. Ce que nos concitoyens les plus modestes attendent de nous, ce sont des résultats. Je le dis à la majorité : ces résultats, nous sommes en train de les obtenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

volontariat international en entreprise

M. le président. La parole est à M. René André, pour le groupe de l’UMP.

M. René André. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

Madame la ministre, l’emploi, notamment celui des jeunes, est au cœur de l’action gouvernementale. Vous avez fait de l’exportation le moteur essentiel du développement de nos entreprises, notamment des PME, mais aussi un véritable gisement d’emplois pour les jeunes.

Aujourd’hui, plus de 3 500 de ces jeunes sont à l’étranger au titre du volontariat international en entreprise, le VIE. Motivés, parlant plusieurs langues, ils œuvrent quotidiennement au succès de la France et de nos entreprises.

Vous avez fait des VIE un élément moteur du développement des PME à l’international et avez notamment prévu, dans le cadre de votre programme Cap Export, des facilités fiscales concernant le financement des volontaires internationaux en entreprises par le crédit d’impôt export.

Aujourd’hui, cette formule rencontre un vrai succès, encore trop limité par rapport au potentiel des entreprises exportatrices. Nous le savons, il existe un nombre important d’entreprises pouvant embaucher des jeunes très bien formés, motivés, et qui souhaitent travailler à l’étranger en qualité de VIE.

Comment inscrivez-vous les VIE dans l’action engagée par le Gouvernement pour développer l’emploi des jeunes ? Que comptez-vous faire pour convaincre ces entreprises, et en particulier les PME, de s’assurer les services de ces jeunes qui souhaitent travailler temporairement à l’étranger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.

M. Patrick Roy. CPE provocation ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Je vous remercie, monsieur André, de votre question qui me permet de solliciter votre aide à tous pour engager nos jeunes à se rendre à l’étranger.

Le volontariat international en entreprise à l’étranger est à cet égard une formule excellente : elle est efficace pour les jeunes, auxquels elle permet d’acquérir à l’étranger une première expérience professionnelle, et elle est souple pour les entreprises, auxquelles elle permet, sans obligation d’embauche, de recruter pour six à vingt-quatre mois des jeunes motivés,...

M. Jean-Pierre Brard. Et pas cher !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. ...dont 70 % sont ensuite embauchés sous contrat à durée indéterminée.

Dans le cadre de notre politique en faveur de la formation des jeunes dans des emplois dédiés à l’exportation, nous avons décidé, pour encourager le mouvement, d’inclure, à compter du 1er janvier 2006, la rémunération des volontaires internationaux en entreprise dans l’assiette du crédit impôt export dont peuvent bénéficier les PME. Celles-ci devraient donc avoir encore plus recours au volontariat international en entreprise, autrefois dénommé VSNE.

Nous avons toutes les raisons de penser que l’augmentation de 30 % des VIE en 2005 sera encore au rendez-vous en 2006, et qu’elle sera même encore plus forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord revenir sur votre réponse à Jean-marc Ayrault. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. C’était une très bonne réponse !

M. Éric Besson. Vous dites que depuis vingt ans, nous avons tous échoué. Or lorsque la gauche est arrivée aux affaires en 1997, 25 % des jeunes, soit un sur quatre, étaient au chômage ; en mai 2002, ils étaient moins d’un sur cinq au chômage – 17 % exactement : c’était encore trop, mais c’était beaucoup mieux ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aujourd’hui, ils sont 23 % au chômage, soit de nouveau un jeune sur quatre !

N’en déplaise à votre majorité, ne dites donc pas que depuis vingt ans, nous avons tous échoué. Dites plutôt que depuis quatre ans, vous avez lourdement échoué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je voudrais aussi vous rappeler cette recommandation fameuse de Jacques Rueff : « Soyez libéral, soyez socialiste, mais ne soyez pas menteur ». (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Avec le CPE, vous avez fait un choix très libéral, et c’est votre droit. Vous estimez que le droit du travail est un obstacle à l’embauche ; nous estimons, nous, qu’on ne construit pas la prospérité sur la précarité.

M. Richard Mallié. Les emplois-jeunes, c’était quoi ?

M. Éric Besson. Selon vous, pour qu’un entrepreneur embauche un jeune, il faut qu’il puisse pendant deux ans le licencier sans motif ; selon nous, il faut que les carnets de commande de l’entreprise soient pleins et que le jeune soit bien formé.

L’écran de fumée se dissipe : les jeunes ont compris que le CPE est un contrat très précaire, plus précaire que le contrat à durée déterminée.

M. François Grosdidier. Moins que les emplois-jeunes qui ne pouvaient durer que cinq ans !

M. Éric Besson. Ils ont compris qu’en dépit de vos affirmations, monsieur le Premier ministre, ils n’auront accès ni au logement, ni au crédit. C’est pourquoi ils protestent. Vous avez le droit d’être libéral, mais ne soyez pas menteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier. C’est scandaleux !

M. le président. Il faut quand même faire attention aux termes que l’on utilise...

La parole est à M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Vous savez, monsieur Besson, la vérité parle d’elle-même : lorsque le taux de chômage était à 8,6 %, celui des jeunes était malheureusement deux fois supérieur !

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce taux d’hier est celui d’aujourd’hui. Plutôt que de promettre des contrats sans formation à des jeunes, qui ont, à la sortie, conduit au chômage 70 % des aides-éducateurs par exemple, nous avons décidé d’insérer les jeunes dans le monde du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le pire des mensonges, c’est de tromper les jeunes, en leur faisant croire que de CDD en CDD, d’intérim en intérim, on construit son parcours professionnel ! Les menteurs, où sont-ils, monsieur Besson ? Ici, où là ? (M. le ministre se tourne vers la gauche de l’hémicycle.) Ils sont ici ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quand on emploie certains mots, il ne faut pas s’étonner des réactions !

programme nucléaire iranien

M. le président. La parole est à M. Jacques Bobe, pour le groupe de l’UMP.

M. Jacques Bobe. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Jean Glavany. Ça intéresse qui aujourd’hui ?

M. Jacques Bobe. Monsieur le ministre, la communauté internationale, et notamment la France, est préoccupée depuis quelques mois par la volonté manifestée par l’Iran de reprendre ses activités liées à l’enrichissement de l’uranium et, par conséquent, à l’arme nucléaire.

À la suite de la demande de l’Agence internationale de l’énergie atomique, elle a appelé à l’arrêt définitif de toutes les activités nucléaires iraniennes à des fins militaires. L’Union européenne, qui s’est fortement impliquée dans ce dossier, a souligné à plusieurs reprises son attachement à une solution diplomatique.

Or, tout récemment, Téhéran a demandé à l’Agence de retirer avant la fin de la semaine prochaine ses caméras de surveillance et ses scellés des sites nucléaires iraniens. De même, l’Iran a décidé de réduire de façon importante le nombre et le type des inspections pouvant être effectuées par les experts de l’Agence, et qu’il autorisait jusqu’alors.

Le conseil des gouverneurs de l’AIEA s’est réuni samedi dernier afin de décider, en raison de ces récentes évolutions, des suites à donner au dossier nucléaire iranien.

Pouvez-vous faire le point de la situation, indiquer quelles décisions ont été arrêtées et nous préciser la position de la France sur ce problème majeur pour l’humanité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, en 2002 la communauté internationale découvrait un programme nucléaire iranien clandestin. Malgré les accords de Paris signés par les Européens et les Iraniens en novembre 2004, qui disaient clairement qu’il fallait suspendre les activités nucléaires sensibles en Iran, les autorités iraniennes ont décidé, de manière unilatérale, de revenir sur cet accord et de reprendre des activités de conversion de l’uranium en août 2005, et surtout, voilà quelques semaines, des activités d’enrichissement de l’uranium à l’usine de Natanz.

Nous ne pouvions pas laisser faire les Iraniens sans réagir. Aussi avons-nous, avec les Britanniques et les Allemands, proposé une session extraordinaire du conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui a eu lieu le 2 février.

Nous sommes satisfaits que notre proposition de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies ait été adoptée par la communauté internationale dans un large consensus, non seulement avec les Américains, mais aussi avec les Russes et les Chinois. C’est un message ferme et uni que la communauté internationale adresse ainsi à l’Iran.

Je regrette la réponse des autorités iraniennes, qui doivent saisir l’occasion pour suspendre toute activité nucléaire sensible, condition de la reprise de négociations.

C’est maintenant au conseil de sécurité des Nations unies de préciser, dans les prochaines semaines, de quelle manière il faut réagir pour résoudre cette grave crise qui touche à la prolifération nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

hausse de la fiscalité régionale

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l’UMP.

Mme Chantal Brunel. Mes chers collègues, 30 % d’augmentation des impôts franciliens en 2006 : (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) voilà ce que l’exécutif régional de gauche d’Île-de-France vient de voter, après une augmentation de 24 % en 2005 (Mêmes mouvements), soit une hausse cumulée de 60 % en deux ans ! (Huées sur les mêmes bancs.)

La taxe professionnelle progresse, pour sa part, de 25 % cette année, soit, après plus de 35 % en 2005, une augmentation de près de 70 % en effet cumulé sur deux ans également ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette hausse massive et inacceptable de la fiscalité sur les entreprises constitue un véritable obstacle à l’investissement et à l’emploi. Elle intervient alors que, pour la première fois depuis plusieurs années, le taux de chômage en Île-de-France dépasse la moyenne nationale.

Faut-il rappeler que l’emploi est la première préoccupation des Français et du Gouvernement ? « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Or, le matraquage fiscal est à l’œuvre : hausse de 24 % pour la taxe foncière et de 38 % pour la carte grise !

Ces augmentations d’impôt vont peser lourdement sur le budget des Franciliens alors que, dans le même temps, les frais de réception de la région augmentent de 160 %, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), les charges immobilières de 41 % et les frais de communication de 12,5 %.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est scandaleux !

Mme Chantal Brunel. J’arrête là cette triste énumération pour vous demander, monsieur le ministre du budget, d’éclairer les contribuables franciliens, durement traités par l’exécutif régional de gauche (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste), dont les dirigeants se défaussent derrière les conséquences de la décentralisation : l’État a-t-il véritablement une part de responsabilité dans cette hausse intolérable de la fiscalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame Brunel, je partage votre consternation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons, l’année dernière, dénoncé à plusieurs reprises le délire de l’explosion des impôts régionaux : plus 70 % en Languedoc-Roussillon, plus 60 % en PACA, plus 30 % en Île-de-France !

Naïvement, je croyais que les démonstrations méthodiques que nous faisions pour montrer que l’État, chèque après chèque, compensait les transferts (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), permettraient peut-être de s’arrêter là : comprendrait-on enfin que les augmentations des impôts régionaux se traduisent directement en déductions sur la feuille de paye des Français, et que la hausse de la taxe professionnelle fait fuir les entreprises ?

Je me félicite d’ailleurs tous les jours, devant cette augmentation de 25 % en Île-de-France, que, malgré les hurlements de la gauche, nous ayons plafonné la taxe professionnelle, afin qu’aucune entreprise ne paye plus de 3,5 % de la valeur ajoutée.

Pourtant, en dépit de ces démonstrations, c’est reparti pour la gloire : les impôts régionaux explosent à nouveau !

M. Michel Delebarre et M. Christian Bataille. Vous avez été battu par le suffrage universel !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour une fois, ne pourrait-on partager collectivement la responsabilité de la baisse de la dépense publique et des impôts ? L’économie est en effet la même pour tous : elle concerne les mêmes Français, la même croissance et surtout l’emploi.

C’est d’abord à cela que la conférence des finances publiques convoquée par le Premier ministre doit servir : tout mettre sur la table, oublier quelques minutes les étiquettes politiques et penser à la France !

Plusieurs députés socialistes. C’est honteux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Méditez donc cette formule que prononça jadis un sage devant l’Assemblée alors que, ministre des finances, il présentait le budget : « Il est temps que les collectivités locales poursuivent leur effort de modération de la fiscalité. » Ce sage s’appelle Laurent Fabius ! (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et l’UMP ont le droit d’autoriser à nouveau le travail de nuit pour les apprentis à partir de quinze ans, comme en 1897 (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais il faut assumer.

Votre Gouvernement et l’UMP ont le droit d’élargir considérablement les conditions de recours à l’intérim, mais il faut assumer et non faire voter au Sénat un amendement à la sauvette, en deuxième lecture, sur un autre texte.

Votre Gouvernement et l’UMP ont le droit de choisir pour tous les jeunes de moins de vingt-six ans la précarité et le licenciement sans motif, comme en 1920, mais il faut assumer.

M. François Grosdidier. Les emplois-jeunes, c’était cinq ans !

M. Alain Vidalies. Or vous avez sciemment organisé la confusion sur ce débat, en écartant toute négociation avec les organisations syndicales et en bafouant les droits du Parlement par le choix d’un simple amendement pour porter cette réforme majeure.

Lorsque vous avez créé le contrat nouvelles embauches, vous vous étiez engagé à ne pas l’étendre à toutes les entreprises. Quelques semaines plus tard, vous avez fait exactement le contraire.

M. François Grosdidier. Parce que ça marche !

M. Alain Vidalies. Aujourd’hui, les Français doivent s’attendre à la généralisation à tous les salariés de tous les âges et dans toutes les entreprises de ce contrat comprenant une clause de précarité obligatoire de deux ans.

Monsieur le Premier ministre, il est temps de dire la vérité aux Français et je vous pose deux questions précises sur le texte qui viendra en discussion immédiatement après cette séance de questions :

Pouvez-vous confirmer que, jusqu’à l’âge de vingt-six ans, un jeune pourra être recruté par plusieurs employeurs successifs, toujours en contrat première embauche et sans limitation du nombre de contrats ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Grosdidier. Il aura du travail !

M. Alain Vidalies. Pouvez-vous confirmer qu’un employeur, après avoir licencié un jeune sans motif, pourra en recruter un autre sur le même poste de travail et ainsi de suite, sans limitation ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Bref, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer qu’il ne s’agit pas d’un contrat à durée indéterminée mais d’un contrat à licenciement permanent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Merci, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Les Français ont compris que vous leur donnez rendez-vous non avec l’emploi mais avec la précarité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il est temps de mettre fin à une communication qui frise le mensonge d’État.

M. le président. Merci, monsieur Vidalies, nous avons compris la question.

M. Alain Vidalies. Il est temps d’engager le véritable débat démocratique auquel les Français et les jeunes ont droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, certains de vos amis sont moins manichéens que vous.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. J’ai ainsi lu avec beaucoup d’intérêt un excellent article de Jean-Marie Bockel, sénateur socialiste de Mulhouse, dans lequel il dit que ce contrat ne vaut peut-être pas tous les éloges qu’on en fait mais qu’il ne mérite surtout pas toutes les critiques que vous lui adressez.

M. Jean Glavany. Répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant à Bernard Kouchner, il vous a dit à peu près la même chose sur les ondes.

M. Jean Glavany. Répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais je vois que ça vous dérange. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

En réalité, monsieur Vidalies, vous avez une vue manichéenne des choses.

M. Jean Glavany. Répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous considérez qu’un entrepreneur qui recrute n’a qu’une idée et une seule : se séparer des ressources humaines qu’il a recrutées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Comme si c’était son objectif ! Comme si, lorsque l’on se marie, on n’avait qu’une idée en tête : les conditions du divorce. Mais, la vie, ce n’est pas ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) D’ailleurs, le divorce à l’amiable n’a pas réduit la beauté de l’amour et de l’engagement.

M. Paul Quilès. Répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Vidalies, c’est le respect des ressources humaines qui fait l’entreprise.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Un entrepreneur ne peut pas continuer à gérer des ressources humaines s’il ne se comporte pas convenablement à leur égard.

La vraie question, c’est le contrat de confiance qui est passé entre le jeune adulte, qui n’a pas d’expérience, et une entreprise. C’est cette question-là qui vous embarrasse. (« Non ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C’est à cette question-là que nous essayons de répondre.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je comprends que des voix discordantes s’élèvent à gauche : certains d’entre vous savent bien en effet que le CPE, le CNE, le contrat d’apprentissage, le contrat de professionnalisation, le CDD – que vous êtes en train de déifier – et l’intérim sont des voies diverses pour accéder au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n’avez pas répondu à la question !

Égalité des chances

M. le président. La parole est à M. André Flajolet, pour le groupe de l’UMP.

M. André Flajolet. Monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, le projet de loi sur l’égalité des chances dont nous débattons actuellement revêt une importance capitale pour notre société, pour l’emploi et, surtout, pour l’avenir de nos jeunes. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, 57 522 jeunes, soit 27,9 % de leur classe d’âge, sont en situation d’exclusion permanente.

Dans la continuité du plan de cohésion sociale et de la politique menée par le Gouvernement en faveur de tous nos concitoyens pour lutter contre le sentiment d’inutilité qu’ils éprouvent, ce projet de loi apporte de nouvelles mesures : pour l’emploi, grâce notamment à la redynamisation des zones franches ou à l’apprentissage à quatorze ans ; pour la lutte contre les discriminations, grâce au renforcement des moyens de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ; ou bien pour un meilleur accès à l’éducation et à la formation.

La semaine dernière, le Premier ministre a affirmé que l’année 2006 serait l’année de l’égalité des chances et il a appelé à la mobilisation générale avec pour objectif « de faire de l’égalité des chances une réalité pour tous avec deux leviers : l’emploi et l’éducation ».

Dans ce sens, monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, vous avez présenté lors du dernier conseil des ministres un plan d’action pour l’année de l’égalité des chances, rompant ainsi avec les slogans et caricatures habituels, démonstration vient d’en être faite encore aujourd’hui, de ceux qui n’ont rien à proposer de concret. Pouvez-vous informer la représentation nationale des principaux axes de ce programme d’action et des mesures concrètes qui seront prises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Monsieur le député, le Premier ministre a souhaité que l’année 2006 soit celle de l’égalité des chances et il m’a chargé de porter cette grande cause nationale.

L’année 2006 sera une année utile pour l’égalité, pour la justice, pour la diversité. Que, cette année, les Français voient la différence, telle est l’ambition du Gouvernement !

La politique d’égalité des chances passe d’abord par l’emploi. C’est la priorité absolue du Gouvernement.

Mme Martine David. Avec le CPE !

M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. D’abord, je veillerai à ce que trois types d’actions soient menées en faveur de la diversité et aient des effets visibles et rapides dans les quartiers défavorisés.

Premièrement, les demandeurs d’emploi devront être systématiquement accueillis et accompagnés par des actions de placement personnalisées. Ce sera notamment le cas pour plus de 6 000 diplômés issus des quartiers défavorisés.

Deuxièmement, nous agirons en direction des entreprises, dont plus de 400 ont déjà signé la charte de la diversité, pour qu’elles envoient un signe de confiance fort à tous les jeunes, notamment à ceux qui renoncent à se présenter à une offre d’embauche, par peur des humiliations.

Troisièmement, la fonction publique devra se montrer exemplaire en diversifiant les profils de recrutement. Cette diversité doit aussi être visible, en 2006, à la radio et à la télévision. Aux termes du projet de loi pour l’égalité des chances, elles seront tenues de rendre compte de leurs efforts en la matière devant le CSA.

Ensuite, en matière de lutte contre les discriminations, vous le savez, de nouveaux moyens d’action très importants et décisifs sont accordés à la HALDE. Pour combattre l’exclusion en matière de stages, le dispositif Objectif stages sera étendu dans les ZEP, en liaison avec le ministre de l’éducation nationale, à toute l’année 2006. Un service civil volontaire est par ailleurs instauré, qui permettra à des jeunes sans qualification ou sans repère de remettre un pied à l’étrier pour retrouver un emploi.

Mme Claude Greff et Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. L’urgence, c’est d’abord d’aller chercher la diversité parce que celle-ci ne vient pas naturellement. L’urgence, c’est faire de la place à tous, dans une France qui donne à tous les oubliés de l’égalité des chances des raisons d’espérer.

M. le président. Merci, monsieur Begag.

M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Je termine, monsieur le président.

Je vais organiser, avec un collectif d’associations présidé par l’écrivain Daniel Picouly, des actions marquantes, avec France Télévisions notamment.

Cela fait vingt ans que la société civile attend de telles mesures. On peut en être fier. Qui sera gagnant ? Les valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

départ en retraite anticipé

M. le président. La parole est à Mme Liliane Vaginay, pour le groupe de l’UMP.

Mme Liliane Vaginay. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, notre majorité adoptait, le 21 août 2003, le projet de loi portant réforme des retraites. Ce projet de loi, issu du dialogue social, sécurisait dans le long terme l’avenir et le financement de notre système de retraite. Voulue par le Gouvernement, soutenue par la majorité, la réforme a permis notamment de mettre en œuvre un dispositif de départ anticipé à la retraite au bénéfice des assurés ayant débuté une activité professionnelle très jeune, dès l’âge de quatorze ans, et ceci tout en préservant leur niveau de vie alors qu’ils devaient, jusque-là, attendre soixante ans pour pouvoir y prétendre.

Ce dispositif a été instauré le 1er janvier 2004. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, deux ans après sa mise en place, quel bilan vous pouvez tirer de son application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, la réforme des retraites était indispensable pour conserver l’un des pans importants de notre protection sociale, tout en le modernisant. Grâce à cette réforme, nous avons sauvegardé notre système de retraite, qui veut que les actifs cotisent pour les retraités.

Nous avons demandé, c’est vrai, des efforts aux uns et aux autres, notamment pour assurer l’équité dans la durée de cotisations. Nous avons également voulu répondre, enfin, à la demande de celles et ceux qui avaient commencé à travailler très jeunes, à quatorze, quinze ou seize ans, et qui voulaient partir avant soixante ans. Cela faisait des années qu’ils recevaient une réponse négative.

Le dispositif que vous avez voté permet notamment à ces personnes de partir à la retraite à cinquante-sept, cinquante-huit ou cinquante-neuf ans. Au mois de mars, près de 250 000 personnes seront parties à la retraite avant l’âge de soixante ans. Cette mesure, qui rend hommage à la valeur du travail, sera devenue réalité pour 250 000 Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je précise que, comme cela avait été souhaité lors du vote de la loi, les personnes concernées, qui ont donc commencé à travailler très jeunes et qui ont eu une carrière longue, de quarante-trois années, ont occupé des métiers pénibles pendant une longue partie de leur carrière, dans la construction et l’industrie par exemple, plus spécialement dans la métallurgie.

La réforme des retraites était une réforme indispensable. C’était aussi une réforme de justice sociale. Vous l’avez voulue. Ces Français peuvent en profiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Égalité des chances

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).

Jeudi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 3.

Rappels au règlement

M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Au moment où nous reprenons nos travaux sur le projet de loi dit « d’égalité des chances », je souhaite revenir sur les conditions d’achèvement de nos débats dans la nuit de jeudi à vendredi. Le Gouvernement s’est encore distingué dans sa quête de refondation sociale, chère à ses amis du MEDEF, en autorisant le travail de nuit des apprentis âgés de quinze ans.

L’article 1er – et c’est très grave – autorisera pour ces jeunes le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés, ce qui constitue à nos yeux une régression que la majorité qui vous soutient espérait faire passer secrètement et nuitamment. C’était sans compter avec notre mobilisation et notre vigilance.

Certes, le travail de nuit ne fait l’objet d’aucune mention particulière dans la partie du projet de loi consacrée à la refonte de l’apprentissage. Selon le dispositif proposé par le Gouvernement, la possibilité d’intégrer une classe de préapprentissage dès l’âge de 14 ans inscrite à l’article 1er du texte se double d’une nouvelle rédaction de l’article L. 337-3 du code de l’éducation. Celle-ci autorise désormais l’apprenti junior à conclure un contrat d’apprentissage de droit commun à partir de l’âge de quinze ans au lieu de seize actuellement. Cet abaissement de l’âge légal est confirmé dans le code du travail, grâce à l’aménagement nécessaire de l’article L. 117-3 qui prévoyait jusqu’alors que nul ne pouvait être engagé en qualité d’apprenti s’il n’était âgé de seize ans au moins. Ceci pour le travail en conditions normales, c'est-à-dire de jour.

Cette évolution constitue un important recul, puisqu’elle généralise ce qui était une dérogation, en faisant de l’apprentissage une voie d’orientation massive, notamment pour les jeunes en échec scolaire.

Mais la phase la plus régressive du projet se révèle à la lecture de la réglementation actuelle du travail de nuit, qui s’appliquera de fait aux nouveaux jeunes apprentis. De manière générale, travailler la nuit est interdit pour les mineurs, selon l’article L. 221-3 du code du travail, même si des dérogations existent dans certains secteurs – notamment la boulangerie. Or, un décret du 13 janvier dernier a étendu la possibilité du travail de nuit des mineurs à de nombreux autres secteurs, ce qui suscite notre inquiétude et nos protestations. Il convient d’après nous de revenir, comme pour le CPE, sur cette disposition régressive imposant, le cas échéant, à des jeunes mineurs âgés de quinze ans de travailler la nuit, le samedi et le dimanche.

Tel était l’objet de mon rappel au règlement, fait au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Je souhaite faire un rappel au règlement sur les droits du Parlement.

Lors des questions au Gouvernement, le Premier ministre s’est montré sensible aux critiques concernant l’exercice des droits du Parlement. Je regrette cependant son absence tout au long de ce débat.

M. Christian Paul. Comme d’habitude !

M. Jean-Marc Ayrault. En effet, sa présence, surtout pour un projet qui semble lui tenir à cœur, aurait permis d’aller au fond d’un débat que nous ne pouvons pas avoir avec lui.

M. Christian Paul. Il est pourtant le principal intéressé !

M. Jean-Marc Ayrault. Il est parfaitement légitime qu’il s’exprime à la télévision et réponde aux questions des journalistes. Tout comme il est légitime qu’il réponde aux questions au Gouvernement, même si, comme le veut la règle, elles ne permettent pas la poursuite du dialogue.

Or le travail parlementaire consiste à étudier les projets ligne par ligne, article par article, pour aller au fond des choses, comme nous l’avons fait la semaine dernière. C’est ainsi que nous avons pu vous faire dire, monsieur le ministre délégué à l’emploi, que le travail de nuit des apprentis de moins de quinze ans serait désormais autorisé. Il nous a fallu faire preuve d’insistance pour obtenir de vous une réponse claire : oui ou non. Le rapporteur a dit oui : les jeunes apprentis de moins de quinze ans pourront travailler la nuit et le week-end, servant dans certaines circonstances de variable d’ajustement, ce qui est inacceptable !

Nous aimerions, dans ces conditions, jouer pleinement notre rôle, celui qui consiste à amender un texte du Gouvernement, droit fondamental des députés. Or aujourd’hui, ce droit est totalement limité par la méthode qu’a choisie le Gouvernement, et qui consiste à ajouter par voie d’amendement à un texte sur l’égalité des chances adopté en conseil des ministres les fameuses dispositions concernant le contrat première embauche.

S’il s’agit bien d’un amendement du point de vue constitutionnel, ces dispositions s’expriment dans un texte de trois pages, qui reprend d’ailleurs globalement le texte de l’ordonnance créant le contrat nouvelle embauche et sur laquelle le Parlement n’a pas eu non plus la possibilité de s’exprimer.

L’article 98, alinéa 4, du règlement de l’Assemblée nationale indique que les amendements ne sont recevables que s’ils portent sur un seul article et que les contre-projets sont présentés sous forme d’amendements, article par article, au texte en discussion.

Mais s’agissant d’un amendement du Gouvernement – ce qui est le cas pour le contrat première embauche – il nous est interdit de l’amender, même s’il fait trois pages. Seule nous est laissée la possibilité de sous-amender. Or, le même article du règlement de l’Assemblée nationale précise que les sous-amendements ne sont recevables que dans la mesure où ils ne contredisent pas le sens de l’amendement.

Le seul pouvoir qui nous est accordé est donc le droit de nous taire, ce que nous ne pouvons accepter.

M. Christian Paul. C’est une mascarade !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous souhaitons donc que soit rendus à l’Assemblée nationale les pouvoirs légitimes qu’elle peut revendiquer. Nous demandons que l’urgence soit levée sur ce texte afin de faire correctement notre travail.

Sinon, que se passera-t-il ? Après l’examen de la recevabilité de chaque amendement, censé améliorer le texte à la marge, le texte partira au Sénat.

M. Christian Paul. Il n’est pas améliorable !

M. Jean-Marc Ayrault. Puisque vous avez déclaré l’urgence, il n’y aura pas de deuxième lecture, plus de possibilité pour les députés de l’amender : il n’y aura plus que la commission mixte paritaire.

Nous dénonçons de telles méthodes, y compris l’utilisation éventuelle de l’article 49-3. Nous dénonçons aussi, ce qui est plus grave, le fait que le Gouvernement ne réponde pas à nos questions. Aux interrogations précises formulées par mon collègue Alain Vidalies, le ministre des Affaires sociales n’a opposé que son ironie et une pirouette politicienne. Dans ces conditions, nous reposerons la question et, comme au sujet des apprentis, vous finirez bien, monsieur le ministre, par dire la vérité.

J’attends donc une réponse précise : le Gouvernement est-il prêt à changer de méthode pour redonner à l’Assemblée nationale le pouvoir d’amender le contrat première embauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Joyandet. S’il est une chose que l’on ne peut laisser dire au président Ayrault, c’est que le Premier ministre fuit le débat !

M. Christian Paul. La preuve ! Il n’est pas là !

M. Alain Joyandet. Il lui a répondu tout à l’heure personnellement avec beaucoup de respect, ce qui n’a pas vraiment été l’attitude de M. Ayrault lorsqu’il a posé sa question, mais l’usage veut que les textes soient défendus ici par les ministres en charge du domaine concerné.

S’agissant de l’apprentissage, vous parlez beaucoup du travail de nuit, mais évidemment pas de notre intention de mettre les jeunes en contact avec l’entreprise beaucoup plus tôt. Pour nourrir notre réflexion, je tiens à rappeler que, dans les années 70, 75 000 jeunes étaient en préapprentissage et qu’il y avait beaucoup moins de chômage chez les jeunes qu’aujourd’hui.

M. Jean Glavany. Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Alain Joyandet. Je ne sais pas s’il y avait un rapport de cause à effet, mais je souhaitais porter ce chiffre à votre connaissance. Quant au Premier ministre, tout le monde voit bien ici qu’il conduit le débat et qu’il ne se cache pas.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Je veux simplement faire remarquer à notre collègue président du groupe socialiste qu’il est difficile de dire que le Gouvernement ne veut pas discuter : cela fait déjà vingt-deux heures que nous débattons (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et la discussion se poursuivra cette nuit, demain, après-demain et vendredi, samedi, dimanche s’il le faut !

M. Christian Paul. Vous ne tenez pas la distance !

M. Marc Laffineur. Il y a urgence à résorber le chômage des jeunes.

M. Jean-Marc Ayrault et M. Christian Paul. Qu’avez-vous fait depuis quatre ans ?

M. Marc Laffineur. Vous n’avez jamais traité le problème !

M. Alain Néri. Et les emplois-jeunes que vous avez supprimés ?

M. Marc Laffineur. Nous, nous ne voulons pas faire des emplois-jeunes ; nous voulons donner un véritable emploi aux jeunes et sommes pressés de faire en sorte qu’ils n’aient plus le sentiment de précarité qu’ils ont actuellement en enchaînant des CDD de très courte durée.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous êtes pressés d’en finir !

M. Marc Laffineur. Il ne faut pas polémiquer sur un sujet aussi grave. Cela fait longtemps que vous auriez dû avoir des idées pour diminuer le chômage des jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Un peu de respect !

M. Georges Mothron. Les idées de la gauche, c’était du camouflage !

M. Marc Laffineur. A l’inverse de vous, nous ne pensons pas que les entreprises sont les ennemies des jeunes, au contraire. Il faut faire en sorte qu’ils y soient employés et, pour cela, nous avons besoin des chefs d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Au nom du groupe UDF, je voudrais m’élever contre les méthodes qui sont utilisées. Nous avons, d’un côté de l’hémicycle, ceux qui bafouent le Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et, de l’autre, ceux qui pratiquent une obstruction systématique. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Bérengère Poletti. Heureusement que l’UDF existe !

M. Francis Vercamer. Je proteste contre ces pratiques qui, depuis vingt-deux heures, nous ont empêchés d’examiner plus de deux articles de ce projet de loi. Nous n’avons pas pu nous exprimer correctement sur l’égalité des chances, qui est tout de même le point principal de ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, ce n’est pas parce que M. Vercamer occupe une position centrale qu’il n’a pas le droit de s’exprimer !

Mme Élisabeth Guigou. Vous êtes partial !

M. le président. Poursuivez, monsieur Vercamer !

M. Francis Vercamer. Je ne reviendrai pas sur la méthode à la hussarde qui a été utilisée : un texte concernant l’égalité des chances sur lequel est déclarée l’urgence, dont l’examen a été avancé de quinze jours et dans lequel le Gouvernement veut introduire un amendement qui a tout d’un cavalier législatif, car le contrat première embauche est tout sauf de l’égalité !

M. Christian Paul. Enfin, M. Vercamer revient à lui !

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est en tout cas une très bonne idée !

M. Francis Vercamer. De plus, on bafoue le dialogue social. Pourtant, François Fillon, qui est quand même l’un des cadres de l’UMP, s’était engagé à ouvrir le dialogue social avec les partenaires sociaux pour tout texte concernant l’emploi.

M. Jean Glavany et M. Christian Paul. Tartuffe !

M. Francis Vercamer. De l’autre côté de l’hémicycle, on pratique depuis vingt-deux heures une obstruction systématique en soutenant des amendements divers et variés qui ne concernent parfois même pas le texte. Je souhaite, monsieur le président, que notre débat redevienne serein …

M. Patrick Ollier. C’est vraiment parler pour ne rien dire !

M. Francis Vercamer. …pour que nous puissions enfin travailler sur l’égalité des chances et modifier le texte créant le contrat première embauche en supprimant son caractère précaire,…

M. Christian Paul. Ça va être difficile !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Dans ce cas, le CPE ne servirait plus à rien ! Je me demande si le groupe UDF n’est pas, lui aussi, atteint par la précarité !

M. Francis Vercamer. …tout en redonnant à nos jeunes de l’ambition et en leur assurant un avenir dans notre société. J’appelle donc l’ensemble de mes collègues à un peu plus de raison !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je souhaite apporter quelques éclaircissements, notamment sur les points soulevés par le président du groupe des député-e-s communistes et indépendants.

S’agissant du travail des apprentis à partir de quinze ans, je rappelle que nous sommes dans le cadre de l’article L. 211-1 du code du travail qui prévoit la possibilité, pour un jeune de moins de seize ans, de signer un contrat d’apprentissage…

M. Christian Paul. C’est rarissime !

M. Yves Durand. A titre dérogatoire !

M. Laurent Hénart, rapporteur. …tout en restant sous le contrôle de l’éducation nationale. Le dispositif qui vous est proposé maintient ce contrôle de l’éducation nationale.

M. Christian Paul. Il encourage le travail de nuit des apprentis !

M. Laurent Hénart, rapporteur. De ce point de vue, il est donc respectueux de l’article L. 211-1 que nous ne retouchons d’ailleurs pas dans ce projet de loi. Je voudrais souligner aussi l’incidence pratique de l’apprentissage junior. En effet, l’équipe pédagogique suivra le jeune jusqu’à ce qu’il ait seize ans, même s’il signe un contrat d’apprentissage à quinze ans. C’est un progrès par rapport à l’ancien système, où l’éducation nationale s’en remettait au CFA.

M. Christian Paul. De quels moyens disposera l’équipe pédagogique ? Nous ne le savons toujours pas !

M. Laurent Hénart, rapporteur. S’agissant du travail de nuit, nous sommes dans le cadre de l’article L. 213-7 du code du travail dont le libellé était très général jusqu’à la loi de 2005. Certes, il posait le principe de l’interdiction du travail de nuit pour les mineurs, mais des dérogations étaient prévues pour les établissements à nature commerciale, catégorie dont de nombreuses entreprises peuvent se réclamer, et pour les entreprises de spectacle. Les boulangers eurent droit à un décret, l’hôtellerie et la restauration à rien – il fallait naviguer entre des circulaires et des jugements ! Surtout, le travail de nuit des apprentis a été confirmé en 2001. A cet époque, la majorité de gauche a habilité le Gouvernement à transposer par ordonnance, dans le droit français, une directive européenne de 1994…

Mme Muguette Jacquaint. Parlons-en ! Nous avons dénoncé le processus à l’époque !

M. Laurent Hénart, rapporteur. …relative à la protection des travailleurs mineurs. Cette ordonnance, signée par M. Jospin et par Mme Guigou, a transcrit l’article en question avec ses vides, ses imprécisions, et n’a rien changé en matière de protection contre le travail de nuit.

M. Christian Paul. Il n’y avait pas d’apprentis de quatorze ans !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Le premier vrai changement a été celui opéré par la loi de 2005 qui renvoie à un décret le soin de déterminer, de manière limitative, les secteurs d’activité concernés – boulangerie, pâtisserie, hôtellerie, restauration, spectacles et courses hippiques – et de fixer des plafonds et des planchers pour interdire qu’un mineur fasse un service de nuit en entier par exemple. Prenons le cas de l’hôtellerie ou de la restauration, si on demande au jeune de rester le soir après vingt-deux heures, il ne dépassera pas vingt-trois heures trente. Dans une boulangerie, on peut lui demander de venir travailler le pain avant six heures du matin, mais pas avant quatre heures. C’est un plus que l’on doit au dispositif de 2005.

Vous avez parlé, à juste titre, d’abus. Or, en rendant obligatoire la présence du maître d’apprentissage, le nouveau dispositif limitera encore les abus. Cela permettra d’éviter qu’un entrepreneur individuel fasse travailler l’apprenti la nuit à sa place ! Voilà ce que je souhaitais dire à propos du travail de nuit, car on pose aujourd’hui des questions qui n’ont pas été évoquées quand il s’est agi d’habiliter le gouvernement Jospin à confirmer notre droit positif sur le travail des mineurs. Aucun des arguments mentionnés n’a été utilisé.

M. Christian Paul. Il n’était pas question d’apprentis de quatorze et quinze ans !

M. Alain Bocquet. Nous avions signalé le problème !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vous en donne acte et je vous en félicite ! Le groupe socialiste a été moins loquace sur le sujet. En fait, la légalisation du dispositif qu’il critique aujourd’hui et qui renverrait selon lui au XIXe siècle date de cette ordonnance de 2001.

M. Christian Paul. Ce n’est pas sérieux !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Et l’ordonnance, en matière de respect du Parlement, c’est un heureux exemple de réussite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Vous ne m’avez pas convaincu ! Nous parlons d’enfants de quatorze ans !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je répondrai successivement au président Bocquet et au président Ayrault.

Il est bon à ce moment du débat, après l’adoption des deux premiers articles, de faire le point. Sur le fond, les conditions d’accès à l’apprentissage sont définies à l’article L. 117-3 du code du travail. Quant aux dispositions relatives au travail de nuit des mineurs, elles ont été fixées par l’ordonnance du 28 février 2001 que Mme Guigou connaît bien. Comme l’a rappelé le rapporteur, le décret du 13 janvier 2006 a limité les dérogations possibles à un nombre réduit de secteurs d’activité et de tranches horaires et il a rendu obligatoire la présence effective du maître d’apprentissage. Des dérogations existaient auparavant pour les secteurs de la boulangerie, de l’hôtellerie, de la restauration et de la pâtisserie, dont M. le rapporteur a dressé la liste. S’agissant des horaires, en aucun cas, sauf travaux d’urgence, ces dérogations ne peuvent porter sur la plage horaire allant de minuit à quatre heures du matin. Quant à l’âge, ces dérogations ne concernent pas les apprentis de moins de seize ans. Seul le secteur du spectacle peut y prétendre dans des conditions assurant la protection des enfants. Je souhaitais faire cette mise au point pour que tout cela soit très clair.

Monsieur le président Ayrault, le Premier ministre souhaite que le débat ait lieu sur le fond et il l’a rappelé. D’ailleurs, la conférence des présidents a décidé de prévoir le temps nécessaire pour cela. Naturellement, le Gouvernement entend répondre à toutes les questions et débattre avec l’Assemblée nationale, comme elle le fera ensuite avec le Sénat. Cela étant, dois-je vous rappeler que lorsque la semaine dernière, Azouz Begag, Catherine Vautrin, Philippe Bas et moi-même nous sommes succédé à la tribune pour répondre aux motions de procédure, vous nous avez reproché de prendre trop de temps !

M. Jean Leonetti. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Alors, pardonnez-moi, mais l’on ne peut avoir un langage le mercredi et un autre le mardi suivant ! Je répète que le Gouvernement est à la disposition de l’Assemblée nationale et entend poursuivre le débat, en évitant toutefois que certaines pratiques procédurales ne viennent entraver notre discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Décidément, le Gouvernement répond systématiquement à côté, comme l’a fait M. Borloo tout à l’heure. La semaine dernière, nous avons dû demander de multiples suspensions de séance pour obtenir le résumé des documents d’expertise que vous aviez mentionnés à plusieurs reprises. Je pense notamment aux documents de la DARES et du CEREQ que nous avons finalement obtenus, mais très tardivement. Maintenant, nous vous posons des questions et vous ne répondez pas. Vous dites que vous voulez débattre, dialoguer, échanger, mais vous n’avez fait que répondre la semaine dernière aux orateurs de la discussion générale, ce qui était bien la moindre des choses, d’autant que les ministres ont en fait tous plus ou moins répété la même chose.

Aujourd’hui, je vous ai posé une question très claire, monsieur le ministre délégué à l’emploi, et vous vous êtes bien gardé d’y répondre : le Gouvernement accepte-t-il de revoir sa méthode pour redonner à l’Assemblée nationale le droit d’amender les dispositions relatives au CPE, qui n’apparaissent plus désormais que dans un amendement ? Je vous ai posé une question précise. Je vous demande de me répondre par oui ou par non. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Le débat, ce n’est jamais oui ou non !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, si je n’obtiens pas de réponse, je demanderai une suspension de séance.

M. Christian Paul. Bien entendu !

M. Jean-Marc Ayrault. Je rappelle au Gouvernement que j’attends une réponse par oui ou par non. Il va de soi que, s’il le souhaite, il peut légitimement répondre non !

M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Laurent Fabius. Dans son intervention, M. le ministre de l’emploi nous a demandé de nous en tenir au problème de fond et il a eu raison de le faire. Je vais donc lui poser la question qui, pour moi, est vraiment la question de fond. (« Il s’agit du plan B ? » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. La question de M. Ayrault ne comptait donc pas ?

M. Dominique Tian. Seul M. Fabius pose la véritable question de fond. Merci pour les autres ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Laurent Fabius. Il y a quelques mois, est apparu le CNE, dont la majorité et l’opposition ont fait une analyse différente. La première a considéré qu’il s’agissait d’une mesure nécessaire pour relancer l’emploi dans les petites entreprises. Pour la seconde, il s’agissait d’une disposition aggravant la précarité de tous leurs salariés. À l’époque, je me souviens que des membres importants du Gouvernement, peut-être même le Premier ministre, s’étaient engagés – je souligne le terme – à ne pas étendre ce dispositif à d’autres catégories de salariés avant d’en avoir évalué les effets.

M. Christian Paul. Un mensonge de plus !

M. Jean Glavany. Bah ! Les promesses n’engagent que ceux qui les entendent !

M. Laurent Fabius. Telle était la première étape. La majorité et l’opposition connaissent aujourd’hui la même divergence sur le texte dont nous discutons. La première considère qu’il faut changer les procédures afin de favoriser l’emploi des jeunes de moins de vingt-six ans. La seconde pense que le projet de loi risque d’aggraver la précarité et que, en mettant en place le CPE, le Gouvernement fait ce qu’il s’était engagé à ne pas faire.

C’est sur cette question de fond que nous nous divergeons, chers collègues de la majorité. (« N’importe quoi ! Ce n’est pas le problème ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous considérez qu’il faut changer les procédures pour favoriser l’emploi et, nous, que ce n’est pas en le précarisant qu’on va le relancer. (« Non ! Ce n’est pas la question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Ce sont des formules qui n’intéressent que le microcosme !

M. Laurent Fabius. C’est tout ce qui nous oppose. D’où ma question aux ministres ici présents. Leur réponse n’allongera pas le débat, puisque, comme à la question de M. Ayrault, il leur suffira de répondre par oui ou par non.

Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle, pouvez-vous vous engager devant l’Assemblée nationale à ne pas appliquer demain à la totalité des entreprises et des salariés le mécanisme du CNE, que vous étendez maintenant au CPE ?

Nous pensons pour notre part – mais vous pouvez nous dire le contraire – que celui-ci représente la deuxième étape d’un processus qui devrait vous permettre, puisque c’est finalement votre objectif, de précariser de la même manière tous les salariés de toutes les entreprises. (« C’est un procès d’intention ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Répondez-nous. Il vous suffit de prononcer un mot de trois lettres qui n’allongera pas le débat.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Décidément, monsieur Fabius, vous ne souhaitez pas la discussion !

M. Laurent Fabius. Le Gouvernement s’engage-t-il à ne pas appliquer le processus à la totalité des salariés et des entreprises ? S’il ne répond pas, nous comprendrons, compte tenu du précédent que constitue le CNE, devenu aujourd’hui CPE, que non seulement le Gouvernement a pour objectif de précariser les jeunes, mais qu’il a même, dans un troisième temps, celui de précariser tous les salariés.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et vous ? Quel était votre objectif pour les jeunes ? Qu’avez-vous fait pour eux ?

M. Laurent Fabius. Il ne s’agit, monsieur le ministre Borloo, monsieur le ministre Larcher, que de dire oui ou non. Si vous n’acceptez pas de prendre cet engagement, cela signifie que tous les salariés de France sont menacés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président Ayrault et monsieur le Premier ministre Fabius, vous avez raison de poser cette question.

M. Alain Néri. Alors, répondez !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons dit que nous évaluerions le CNE et nous allons le faire.

M. Christian Paul. Comment vous croire ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est avant de présenter le CPE qu’il fallait le faire !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons également annoncé que nous examinerions avec les partenaires sociaux le problème des seniors. Pardon de le rappeler : la vie continue indépendamment du rythme du parti socialiste. Hier soir, Gérard Larcher était en concertation sur le problème des contrats seniors, qui posent de véritables difficultés.

M. Christian Paul. Nous, nous en connaissons avec le Gouvernement !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La concertation continue donc. Par ailleurs, nous attendons un mandat de discussion de la part du Premier ministre afin que, dans le cadre de l’évaluation du CNE, nous puissions examiner avec les partenaires sociaux non un contrat unique, mais tous les contrats de travail. Tous les dispositifs mis en place doivent en effet être étudiés avec les partenaires sociaux qui sont ouverts à la concertation. Notre objectif, aux termes de notre lettre de mission, est d’y voir clair dès le mois de juin.

M. Gaëtan Gorce. C’est donc oui ! Vous allez généraliser le CNE !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Par conséquent, notre réponse n’est pas oui. Ce qui vous ennuie, c’est que le Premier ministre a déjà indiqué, le 16 janvier, ce qu’il en était.

M. Jean Glavany. Vous êtes incapable de répondre par oui ou non !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ainsi, monsieur Fabius, le Premier ministre vous a donné sa feuille de route. Nous entamerons une évaluation du CNE quand nous aurons terminé la concertation sur le CDD junior.

M. Christian Paul. Vous n’avez pas l’air convaincu !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous examinerons ensuite l’ensemble des contrats de travail en vue de sécuriser les parcours professionnels. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

J’ai lu la motion de synthèse du Mans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La sécurisation des parcours professionnels, que vous appelez de vos vœux, nous sommes justement en train de la mettre en place.

La CRP fonctionne. Le contrat de transition professionnelle va être expérimenté. Contrat de travail et entrée dans l’entreprise forment un tout, pour les jeunes comme pour les moins jeunes. Que cela vous plaise ou non, je ne peux que vous renvoyer à la déclaration faite le 16 janvier par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Élisabeth Guigou. Vous semblez bien embarrassé !

M. Jean Glavany. Ce sont là des propos dignes d’un camelot à la Tapie !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. M. le ministre de l’emploi a répondu à M. Fabius, mais j’avais moi aussi posé une question.

Monsieur le ministre, tout le monde l’a compris : vous préparez encore d’autres coups. Vous avez écouté les propos de M. Fabius, qui a rappelé ce que nous n’avons pas cessé de dire : après le CNE, le Premier ministre s’était engagé à ne prendre aucune autre mesure avant que ce processus ait été évalué. À présent, le Gouvernement crée le CPE en arguant que l’évaluation du CNE viendra plus tard. Franchement, comment ne pas être inquiet ? Comment ne pas voir, pour peu qu’on ait un peu de bon sens, que le Gouvernement prépare la généralisation de la précarité ?

M. François Lamy. Bientôt le troisième cercle !

M. Bernard Roman. M. le ministre Larcher vient de le confirmer !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne vous faisons aucun procès d’intention, monsieur le ministre. Mais vous vous engagez à procéder à une évaluation du CNE et vous ne la faites pas. Au contraire, vous élargissez son dispositif au CPE en prétendant que l’évaluation viendra plus tard et que vous allez discuter avec les partenaires sociaux. Mais que vous disent les syndicats de salariés, qui sont en ce moment dans la rue ? (« Il n’y en a pas beaucoup dans la rue ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils ne vous font pas confiance. Ils ont eu le sentiment ou plutôt la conviction de s’être fait flouer.

Je vous renouvelle ma question, messieurs les ministres, puisque vous n’avez répondu ni l’un ni l’autre. Allons-nous pouvoir, oui ou non, amender le CPE ? Pourquoi ne répondez-vous pas ? Je ne demande pas des arguties, mais une réponse simple : oui ou non.

En tout état de cause, monsieur le président, je demande une suspension de séance d’une demi-heure.

M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Laurent Fabius. La réponse de M. Borloo est éclairante. Il nous explique en effet qu’un engagement a été pris et il annonce qu’il y aura concertation et évaluation. Mais voilà que le Gouvernement veut faire passer le CPE sans procéder ni à l’une ni à l’autre.

Pourtant, messieurs les ministres, vous étiez tenu à la concertation non seulement par les engagements du Premier ministre, mais par une loi qui porte le nom d’un de vos prédécesseurs.

M. Jean Glavany. C’est « Fillon le débat » !

M. Laurent Fabius. Cette loi de la République prévoit qu’il ne sera plus possible de légiférer sur des questions sociales sans dialogue social au préalable. Qu’on y soit favorable ou non, tout le monde conviendra qu’il s’agit d’une loi majeure. Or, pour le CPE, il n’y a eu aucune concertation et tous les syndicats, même les plus modérés, considèrent que c’est inadmissible.

Par ailleurs, vous nous annoncez une évaluation, comme vous l’aviez fait quand, à propos du CNE, nous avions évoqué l’éventualité d’un CPE. Il ne peut y avoir de nouvelle législation sociale sans évaluation, nous avait-on promis. Moyennant quoi vous déclenchez le CPE sans concertation ni évaluation. Les choses sont donc assez simples. Dites-nous si, oui ou non, le régime du CNE et du CPE sera étendu à l’ensemble des salariés.

Nous attendons seulement une réponse claire. Rien de plus simple. Réfléchissez à ces questions, puisque vous êtes des spécialistes. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez certainement une vision de la société française et de l’emploi, puisque vous avez déjà fait une loi qui a bouleversé le droit du travail.

M. Jean Glavany. Ils s’en moquent, de la loi !

M. Laurent Fabius. Vous en faites à présent une deuxième dans des conditions extrêmement cavalière vis-à-vis du Parlement, comme l’a excellemment rappelé le président Ayrault. Et aujourd’hui, alors que les jeunes et les salariés s’interrogent, et que les personnes plus âgées, inquiètes pour leurs enfants et leurs petits-enfants, se demandent si ce dispositif les concerne, vous ne pouvez pas leur répondre ?

Nous sommes persuadés que cette précarisation, mauvaise à notre sens, vous voulez l’étendre à la totalité des salariés. Si ce n’est pas le cas, dites-le nous. Ou alors, cela signifiera que c’est bien l’idée que vous avez en tête. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, je remarque qu’il est difficile de s’exprimer dans cet hémicycle quand on est une femme. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les femmes ont pourtant des choses à dire sur la précarité, ne serait-ce que parce qu’elles en sont les premières victimes.

Sur le constat de départ, monsieur le ministre de l’emploi, nous pouvons tomber d’accord. Les jeunes sont voués à la précarité, aux jobs et aux petits boulots. Ils ne peuvent pas construire d’avenir. Vous avez vous-même prononcé un jour le mot dans notre hémicycle : ils en ont marre.

Cela dit, que nous propose-t-on avec le CPE ? Qu’on le veuille ou non, il s’agit bien d’institutionnaliser la précarité. Tout à l’heure, au cours de la séance de questions d’actualité, vous avez répondu à un de mes collègues que nous étions méfiants à l’égard des employeurs qui allaient embaucher des jeunes. Comment pouvions-nous prétendre qu’ils allaient embaucher pour licencier ? Mais si vous êtes sûr que les employeurs ne veulent pas licencier, monsieur le ministre, le CPE n’a pas lieu d’être ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Ce qui est inquiétant, c’est que, aujourd’hui, on le prend en exemple pour les jeunes, qui, c’est vrai, sont touchés au premier chef par la précarité. Mais à quoi tend une telle mesure, sinon à étendre la précarité à l’ensemble des salariés ? J’ai eu vent d’un texte qui va permettre aux femmes de cumuler un RMI et un CDD. Voilà encore une nouvelle forme de précarité. Autrement dit, on l’institutionnalise aujourd’hui à grande échelle. Ne prétendez pas qu’il ne faut pas en discuter ! Il y a urgence, en effet, mais il faut débattre en apportant des réponses concrètes, non pour augmenter la précarité, mais pour donner aux jeunes, comme ils le demandent, un travail bien payé et durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, la discussion prend un tour un peu bizarre. L’opposition demande au Gouvernement de débattre de son projet. Mais, depuis des dizaines d’heures, nous n’avançons pas.

M. Christian Paul. C’est très exagéré ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Joyandet. L’obstruction continue aujourd’hui. La cerise sur le gâteau, c’est que le président Ayrault et le Premier ministre Fabius demandent à présent que le débat s’engage sur un texte qui n’existe pas.

M. Alain Bocquet et Mme Muguette Jacquaint. Si, il existe !

M. Alain Joyandet. Nos collègues socialistes évoquent en effet les intentions futures du Gouvernement, qui viseraient à étendre le CPE à tous les salariés ? (« Que le Gouvernement réponde donc aux questions qu’on lui pose ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. Ses intentions sont connues : il n’y a qu’à lire la presse !

M. Alain Joyandet. Venons-en le plus rapidement possible à la discussion de fond sur le CPE, puisque nous sommes là pour cela – et non pour débattre avec le Gouvernement de textes qui ne sont pas encore écrits.

En cours de discussion, nous tenterons de démontrer que le CPE n’est pas la précarité – l’opposition n’a que ce mot à la bouche –, mais au contraire un remède contre la précarité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) De grâce, engageons le débat de fond et échangeons des arguments ! Nous verrons !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Je vais faire droit à la demande du président Ayrault.

La séance est suspendue pour un quart d’heure.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Cet après-midi, des questions très précises ont été posées au Gouvernement. Lors des questions d’actualité, mon ami Alain Vidalies l’a interrogé sur deux points, mais M. Borloo s’est abrité derrière une grande déclaration d’amour et la force de ses sentiments pour éviter de nous apporter une réponse juridique concrète. Nous aimons les sentiments mais, dans cet hémicycle, nous préférons le droit et nous voulons obtenir des réponses précises qui ne viennent pas uniquement du cœur mais aussi, si possible, de la raison.

Quant à la question de Laurent Fabius et de Jean-Marc Ayrault, elle était si simple qu’elle appelait une réponse limpide : avez-vous l’intention de poursuivre dans la direction que vous avez empruntée avec le CNE et le CPE ? Dès lors que vous êtes convaincus, contrairement à ce que vous avez répondu tout à l’heure, que c’est bien en réduisant les protections et en remettant en cause les procédures que vous créerez de l’emploi, on peut imaginer que vous n’avez pas l’intention de vous arrêter en si bon chemin. Nous souhaiterions donc que vous nous confirmiez cette logique, que votre réponse nous a en partie laissés soupçonner tout à l’heure. Oui, vous voulez étendre ces dispositifs à tous les salariés, de tous âges, dans toutes les entreprises. Or cela change complètement la perspective de notre débat. En effet, nous discutions d’un texte relatif à la politique de l’emploi des jeunes – sur lequel nous avions déjà bien des réserves à exprimer –, et nous voilà en train de débattre d’une refonte de notre code du travail qui menace l’ensemble des salariés.

Le groupe socialiste souhaiterait donc une explication moins emberlificotée que celle que le ministre des affaires sociales nous a donnée tout à l’heure. Nous comprenons bien qu’une réflexion comme celle qu’il a conduite – malheureusement à l’écart des partenaires sociaux – ne puisse s’exposer sans effort mais, comme nous voulons le soutenir dans cet effort, nous lui donnons une nouvelle chance de s’exprimer devant l’Assemblée et de nous dire quelle est la réalité de sa politique. Votre intention est-elle d’étendre ces dispositifs à l’ensemble des salariés ou souhaitez-vous, au contraire, arrêter là les frais ? Dans le second cas, pourquoi ne pas commencer avec le CPE ?

Discussion des articles (Suite)

Article 3

M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques, nos 264, 265, 266, 267, 268, 270 et 271, tendant à supprimer l’article 3.

M. Philippe Vuilque et M. Gaëtan Gorce. Pourquoi le Gouvernement ne répond-t-il pas à la question ?

M. le président. Le Gouvernement a le choix de prendre ou non la parole.

La parole est à M. Yves Durand, pour soutenir l’amendement n° 264.

M. Yves Durand. Si l’adage selon lequel « qui ne dit mot consent » est juste, la réponse du Gouvernement à nos questions est oui. Une question a été posée au Gouvernement avant et après la suspension de séance. Notre débat ne peut décemment se poursuivre sans qu’une réponse nous soit apportée. Je demande donc une nouvelle fois au Gouvernement de nous répondre, avant que nous ne passions à la discussion des amendements.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 265.

M. Christian Paul. Plusieurs questions ont été posées au Gouvernement, qui s’obstine manifestement à ne pas répondre. Pour ma part, je souhaiterais revenir sur le travail de nuit des apprentis car, en dépit de vos dénégations, monsieur le ministre, et de celles du rapporteur, nous persistons à penser que, jeudi dernier, au cœur de la nuit, vous avez conduit la majorité à adopter non seulement la fin de l’obligation scolaire jusqu’à seize ans, mais aussi le travail de nuit pour les apprentis. En effet, cette question ne se posait pas dans les mêmes termes lorsqu’il y avait obligation scolaire jusqu’à seize ans, ce qui n’est plus le cas.

MM. Borloo, Larcher et de Villepin font d’ailleurs preuve d’une grande constance en la matière, puisqu’ils ont signé un décret, daté du 13 janvier 2006 – il est trop récent pour que l’amnésie vous excuse –…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Oh !

M. Christian Paul. …relatif au travail de nuit des jeunes travailleurs et apprentis de moins de dix-huit ans. Ce décret aurait dû vous alerter, monsieur le président de la commission, si vous remplissiez votre mission, car il ne fixe pas d’âge minimum pour ces dérogations. Il ouvre donc une brèche pour le travail de nuit des apprentis de moins de seize ans et il serait tout à votre honneur de lever cette atroce ambiguïté concernant le travail des enfants dans le cadre de l’élargissement de l’apprentissage aux mineurs de moins de seize ans.

Encore une fois, les conditions que vous avez fixées dans le projet de loi et le décret du 13 janvier 2006 nous donnent à penser qu’une brèche a été ouverte et nous souhaiterions que vous leviez cette ambiguïté autrement qu’en utilisant des artifices de langage.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 266.

M. Yves Durand. Je ne comprends pas…

M. le président. Cher collègue, douze amendements identiques tendant à supprimer l’article 3 ont été déposés et je me dois, conformément au règlement, de donner la parole à chacun des signataires présents. Ensuite, la commission et le Gouvernement répondront.

La parole est donc à M. Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 266.

M. Yves Durand. Mais je n’ai pas défendu mon amendement ! (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Si, monsieur Durand.

M. Yves Durand. Non, j’ai rappelé qu’une question avait été posée au Gouvernement !

M. le président. Je vous donnerai la parole pour répondre à la commission.

Monsieur Vidalies, vous avez la parole.

M. Alain Vidalies. À ce stade du débat, il faudrait que le Gouvernement nous explique exactement ce qu’il veut faire, car il est très difficile de poursuivre la discussion sans connaître ses intentions pour l’avenir ni les justifications du texte qui nous est présenté.

Vous pouvez vous douter, monsieur le ministre, que nous reviendrons longuement et en détail sur la question que je vous ai posée, jusqu’à ce que vous y ayez répondu précisément. Néanmoins, je ne regrette pas de vous avoir entendu tout à l’heure, car s’il est une argumentation qui justifie l’arrêt immédiat du débat sur le CPE, c’est bien celle que vous avez développée lors des questions d’actualité. En effet, vous nous avez reproché de soupçonner les employeurs de toujours vouloir licencier, alors que leur logique serait de garder leurs employés. Mais qui nous explique qu’il faut faciliter le licenciement pour favoriser l’embauche, vous ou nous ? Vous ne pouvez pas à la fois nous soumettre ce texte et nous opposer un tel argument. Si l’on reprend mot pour mot l’argumentation que vous avez développée cet après-midi, il n’y manque que la conclusion : le Gouvernement retire son texte. Ce débat ne peut se poursuivre si vous utilisez des arguments à géométrie variable.

M. Jean-Marc Roubaud. Quelle mauvaise foi !

M. Alain Vidalies. Par ailleurs, nous vous avons demandé ce qu’allait devenir le CPE. Les engagements que vous aviez pris lors de la création du CNE, qui ne devait concerner que les petites entreprises en raison de leur situation particulière, sont en totale contradiction avec ce que vous nous dites aujourd’hui, d’autant que vous n’avez pas consulté les partenaires sociaux. Nous sommes donc en droit de nous demander si vous n’allez pas faire de ce contrat, qui comporte la possibilité de licencier à tout moment pendant deux ans, le droit commun des contrats de travail. Nous attendons que vous nous apportiez une réponse négative, pour reprendre notre discussion dans le cadre que vous aviez fixé. Or vous êtes dans l’impossibilité de nous donner une telle réponse. Nous sommes donc face à un gouvernement qui admet la possibilité d’étendre ce contrat dérogatoire à tous les salariés, alors qu’il a jusqu’à présent tenu un discours différent, que tous les Français ont compris le contraire et que les partenaires sociaux souhaitent se saisir de cette question.

Dès lors, nous ne pouvons pas raisonnablement poursuivre ce débat si vous ne prenez pas un engagement précis sur les perspectives et, surtout, le cadre dans lequel nous nous situons. Parlons-nous uniquement de l’emploi des jeunes ou bien de la généralisation de la précarité à l’ensemble du code du travail ? C’est une question majeure.

M. Jean-Marc Roubaud. Quelle mauvaise foi !

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour soutenir l’amendement n° 267.

M. Alain Néri. Je vois, monsieur Borloo, que vous vous concentrez pour trouver la réponse à la question que nous vous posons. C’est, il est vrai, une question de fond. D’abord, parce que l’amendement que vous avez déposé au nom du Gouvernement, qui fait trois pages et remet fondamentalement en cause le code du travail, est un peu plus qu’un simple amendement. Du reste, vous êtes parfaitement conscient que cet amendement aura pour effet de démanteler le code du travail et de supprimer les CDI. C’est à l’enterrement des CDI et du code du travail que nous assistons !

M. René Couanau. Il n’y a pas grand monde à cet enterrement !

M. Alain Néri. Le plus grave, monsieur le ministre, est que vous osiez intituler ce texte « projet de loi pour l’égalité des chances ». Mais si elle existait, l’égalité des chances, nous ne serions pas là ! C’est plutôt une politique d’égalisation des chances qu’il conviendrait de mettre en œuvre. Tout au contraire, avec votre amendement créant le CPE, vous revenez sur un droit fondamental, celui de l’égalité des droits de tous les enfants de ce pays. En effet, en instituant l’apprentissage dès quatorze ans, vous remettez en cause la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette remise en cause ne concerne pas tous les enfants de France, mais les plus défavorisés, ceux appartenant aux familles les plus modestes et qui ont de ce fait des difficultés à trouver leur chemin dans l’éducation. Chacun sait, en effet, que le niveau de vie d’une famille conditionne très largement le niveau intellectuel et culturel, donc le niveau d’instruction des enfants qui en sont issus.

Messieurs les ministres, si vous êtes comme nous attachés à l’égalité des droits inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme – « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » – et constituant à ce titre l’un des fondements de notre république, alors vous devez retirer ce texte inique, ce texte injuste. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Si le Gouvernement est sourd, on peut espérer que notre rapporteur Laurent Hénart, plus jeune, jouit de meilleures facultés auditives, et qu’il demandera, lui, le retrait de ce texte.

M. Michel Vergnier. Il est libre, maintenant qu’il n’est plus au Gouvernement ! Qu’il parle !

M. Alain Néri. Sans être trop cruel, je voudrais vous mettre en garde, mon cher collègue. En cet instant, je pense à un jeune ministre, qui semblait lui aussi promis à un bel avenir : il s’appelait Devaquet, et l’on sait où sa surdité l’a conduit.

Mme Nadine Morano. Nous, nous l’avons soutenu, Alain Devaquet !

M. Alain Néri. Ne prenez pas le même chemin, monsieur Hénart, rendez service à la jeunesse et à la République en faisant en sorte que ce texte soit retiré !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour soutenir l’amendement n° 268.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, il me semble qu’une assemblée parlementaire comme la nôtre est en droit d’attendre du Gouvernement des réponses claires aux questions qu’elle lui pose. Comme l’a dit Gaëtan Gorce, l’absence de réponse de votre part laisse penser que vous confirmez ce que nous craignons. En tout état de cause, nous ne pouvons tolérer plus longtemps cette attitude. Il faut assumer vos responsabilités, messieurs les ministres !

Selon la note d’information n° 06.03 publiée la semaine dernière par le ministère de l’éducation nationale, intitulée « Prospective emploi-formation à l’horizon 2015 », les jeunes, qui connaissent actuellement un taux de chômage record, ne devraient profiter que partiellement de l’explosion du nombre de départs à la retraite au cours de la prochaine décennie. La situation des jeunes qui veulent s’insérer sur le marché du travail restera donc difficile, en dépit de la baisse du chômage prévue par les économistes. Pour s’en sortir, ceux-ci auront de ce fait intérêt à développer leur qualification. En 2015, la proportion de jeunes qui seront recrutés avec un niveau supérieur au bac passerait de 42 à 46 %. Il y a donc, dans ce domaine, un défi à relever en pleine cohérence avec l’objectif consistant à conduire 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur. Quatre domaines professionnels vont tirer l’essentiel des créations d’emplois : l’informatique, le commerce, la santé et les services à la personne. À l’inverse, l’électricité, la banque, les assurances et le BTP devraient commencer à détruire des emplois ou continuer à créer peu d’emplois.

C’est bien la preuve qu’il convient de mettre fin au plus vite aux inégalités scolaires : chaque jeune doit avoir une chance d’accéder à un diplôme, afin de pouvoir espérer s’en sortir dans la vie. Avec cette étude émanant du ministère de l’éducation, vous démontrez vous-même, messieurs les ministres, qu’il est indispensable de retirer ce texte. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l’amendement n° 270.

M. Gaëtan Gorce. Je n’ai pas entendu très distinctement la réponse du Gouvernement à la question posée par Laurent Fabius, puis par d’autres, quant à l’extension à l’ensemble des salariés de l’expérimentation du CNE puis du CPE, mais je n’ai pas non plus entendu de démenti de l’interprétation que j’avais pu faire, ce qui laisse penser que la réponse est oui.

Monsieur le ministre, votre silence me fait penser à Cyrano parlant pour Christian et s’adressant à Roxane au pied du balcon : « Je vais vous les jeter en touffe sans les mettre en bouquet… » Répondez-nous, pas seulement pour la mémoire d’Edmond Rostand, pas seulement pour votre majorité, qui a besoin de savoir ce qu’elle va voter, mais pour les salariés de notre pays, pour les Français qui s’interrogent ! Considérez-vous que la réponse aux défis auxquels nous sommes confrontés est la réduction des protections, et que les expérimentations hasardeuses auxquelles il est actuellement procédé doivent s’appliquer à l’ensemble des salariés ?

Faites preuve d’un peu de panache, monsieur le ministre, et répondez-nous clairement !

M. Alain Néri. Et à la fin de l’envoi, je touche !

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour soutenir l’amendement n° 271.

M. Michel Charzat. Monsieur le président, messieurs les ministres, je crois que le silence du Gouvernement est un aveu : la détermination qui lui permettrait de nous éclairer lui fait défaut. Indirectement informés de ses intentions véritables, nous sommes amenés à débattre dans des conditions très contestables d’un texte de loi qui va bouleverser le code du travail…

M. Jean-Marc Roubaud. Il faut l’espérer !

M. Michel Charzat. …et, plus généralement, les relations sociales dans notre pays. J’estime qu’il est particulièrement grave de lancer un tel signal en direction de la jeunesse et, dans le même temps, de jouer avec les peurs de la population en brandissant le spectre de l’insécurité et en dénonçant sans cesse la délinquance juvénile ou je ne sais quelle menace que ferait planer une partie de la population des quartiers.

M. Éric Raoult. N’exagérez pas !

M. Michel Charzat. L’article 3 et l’amendement du Gouvernement après l’article 3 me paraissent irresponsables dans la mesure où ils vont avoir pour conséquence de fragiliser le projet de vie des jeunes du fait de la remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans, donc des chances pour ces jeunes de s’assurer un emploi durable, un emploi digne. Priver ainsi les jeunes de moins de vingt-six ans de perspectives d’insertion véritable dans la société revient en quelque sorte à les marginaliser et à les exclure de la communauté des citoyens de plein exercice. Comment refonder la cohésion sociale et assurer l’adhésion des jeunes générations à nos valeurs si nous leur offrons la précarité comme seul horizon ? La jeunesse, au lieu d’être une promesse, devient une condition subie au sein d’une société malthusienne qui a peur d’accueillir, de promouvoir et de reconnaître ceux qui entrent dans la vie. C’est pourquoi il me semble que la sagesse et le bon sens commandent que vous retiriez votre funeste amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Funeste est le terme qui convient !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il y a d’autres amendements de suppression ! Ils n’ont pas été défendus !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle une subtilité de la technique parlementaire qui semble vous avoir échappé : on ne peut reprendre un amendement présenté par un seul député. Seul un amendement déposé par un groupe peut être repris. Je vous renvoie au secrétariat général de votre groupe, qui pourra vous confirmer ce point du règlement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Néri, de vous préoccuper de ma santé et de mes facultés de perception. Je vous rassure, j’ai bonne ouïe et bon œil, ce qui m’a d’ailleurs permis de trouver un chiffre qui intéressera sans doute M. Paul. Il y avait en 2001 – année de l’ordonnance qui a légalisé le travail de nuit des mineurs – 25 814 apprentis de quinze ans dans notre pays, ce qui montre bien que le problème du travail de nuit des mineurs se posait déjà à cette époque.

Quant à l’article 3, je rappelle qu’il a pour objet d’étendre le crédit d’impôt aux apprentis juniors, ce qui permettra à ceux-ci de trouver facilement un employeur. La commission l’a évidemment approuvé, et donc repoussé les amendements de suppression.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Comme vient de le dire notre rapporteur, l’article 3 complète les articles 1 et 2 en introduisant deux mesures fiscales au bénéfice des entreprises qui s’investissent à chaque étape du dispositif d’apprentissage junior. Dois-je rappeler d’ailleurs qu’à l’occasion de nos débats, un certain nombre d’amendements sont venus enrichir le texte sur l’apprentissage junior ?

Ainsi, un amendement a été adopté à l’initiative du rapporteur sur la désignation d’un tuteur au sein de l’équipe pédagogique ; un amendement défendu par le rapporteur et M. Vercamer précise que le retour au collège peut se faire dans le collège d’origine ; un amendement de M. Christ prévoit que ce retour s’effectue à l’issue de chaque période de formation composant le projet pédagogique ; enfin, un amendement de M. Paul précise que la gratification accordée à l’occasion des stages est d’ordre financier et ne peut être constituée par des avantages en nature. Nous sommes donc naturellement défavorables aux amendements de suppression de l’article 3.

Mais je voudrais aussi répondre à M. Paul de manière précise…

M. Christian Paul. Enfin ! Cela aura tout de même pris huit jours !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …sur l’objet même des articles 1 et 2 et de l’amendement du Gouvernement créant le CPE.

Monsieur Paul, je vous renvoie au dernier alinéa de l’article L. 213-7 du code du travail introduit par la loi du 26 juillet 2005, parue au Journal officiel du 27 juillet 2005. Le décret ne peut évidemment déroger à cette loi. Voici ce que prévoit cet alinéa : « Il ne peut être accordé de dérogation pour l’emploi des mineurs de moins de seize ans que s’il s’agit de ceux mentionnés au premier alinéa de l’article L. 211-6 » – c’est le secteur du spectacle. Nous avons naturellement donné à la direction des relations du travail des instructions afin que la loi et le décret soient appliqués, étant entendu que la loi passe avant le décret. Cette précision devrait être de nature à vous rassurer, monsieur le député.

Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Huit jours pour entendre cela : cela valait la peine d’attendre, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Nous demandons la suppression de l’article 3 car tous les arguments que vous présentez, dans ce domaine-là comme dans les autres, ne sont que leurres, messieurs les ministres. Comment pouvez-vous prétendre faire croire à « l’apprenti junior » ou à ses parents que le retour au collège sera possible, compte tenu des conditions de travail que vous allez lui imposer, notamment la nuit ? M. le rapporteur nous a expliqué que la disposition en la matière existait déjà. Certes. Mais à titre dérogatoire. Avec ce texte, vous allez faire de l’exception la règle. Et c’est là tout le problème.

Ainsi que M. Vidalies vous l’a demandé dans sa question, tout à l’heure, assumez vos choix. Reconnaissez qu’un élève qui aura quitté le collège à quatorze ans et qu’on aura engagé dans la voie de l’apprentissage ne retournera jamais au collège. Cela montre bien, quoi que vous en disiez, que votre texte remet en cause le principe de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans.

Quant au suivi par l’équipe pédagogique, comment ceux qui connaissent le monde de l’éducation nationale pourraient-ils croire un seul instant qu’un élève ne poursuivant plus sa scolarité au collège va être suivi ? Par quel membre de l’équipe pédagogique ? À partir de quels moyens ? Dans quel cadre ? Compte tenu des circonstances, cet élève sera obligatoirement perdu de vue.

Tout cela n’est que leurre et artifice visant à faire croire que votre dispositif ne remet pas en cause la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. Mais tel n’est pas le cas. À l’heure où nous affirmons tous que, pour s’adapter à l’évolution future du monde du travail, les jeunes devront être qualifiés et avoir suivi une bonne formation générale, vous allez extraire les plus en difficulté du système scolaire.

L’article 3 est donc un mauvais article. Il concourt à l’inégalité des chances et non pas à l’égalité des chances, que vous prétendez vouloir favoriser. Tous les arguments que vous avancez ne sont que leurres. Contrairement à ce qu’a dit le Premier ministre, ce dispositif ne constitue en aucune manière un « progrès ».

Messieurs les ministres, vous avez décidé de revenir en arrière en matière éducative. Vous avez décidé de revenir sur l’obligation scolaire jusqu’à seize ans. Alors, reconnaissez-le et assumez-en la responsabilité !

M. René Couanau. Nous le disons !

Mme Christine Boutin. Nous l’assumons !

M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Laurent Fabius. Messieurs les ministres, je veux revenir sur un point que j’ai du mal à comprendre. Les dispositions dont il est question ici ont un trait commun : elles sont spécifiques aux jeunes. On pourrait commencer par relever un paradoxe puisque ce texte est intitulé projet de loi pour l’égalité des chances et que vous introduisez en fait une rupture d’égalité dans le droit du travail.

Au-delà de ce paradoxe, une série de mesures dérogatoires visent, selon le Gouvernement et la majorité, à aider les jeunes. Mais, compte tenu de cette logique, messieurs les ministres, comment pouvez-vous envisager dans le même temps que ces dispositions s’appliqueront dans une période ultérieure à tous les salariés ? Je comprends mal. Certes, vous nous dites que vous déciderez le moment venu. Mais si vous étendez ce dispositif, que nous condamnons, à la totalité des salariés, la seule justification de votre texte – prendre des mesures spécifiques en faveur des jeunes – tombe. Et il ne reste plus rien !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Laurent Fabius. Nous sommes là au cœur du problème. Que vous le vouliez ou non, vous introduisez ici des précarités nouvelles que vous souhaiterez ensuite étendre à la totalité des salariés. Ces dispositions ne seront donc efficaces ni pour les jeunes, car elles ne seront pas spécifiques, ni pour l’ensemble des salariés puisqu’il y aura recul du droit. Or ce n’est pas en faisant reculer le droit des salariés qu’on va favoriser l’emploi en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. On nous parle d’apprentis juniors. Mais n’est-il pas plutôt question ici d’apprentis sorciers ? (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) On se perd en tout cas en conjectures : le Premier ministre est-il ingénu ou cynique ?

M. Christian Paul. Ingénu, sûrement pas !

M. Jean-Pierre Brard. La semaine dernière, nous avons entendu un propos sidérant. Il émanait de quelqu’un qui, manifestement, ne voit le réel qu’avec des lunettes roses – que nul ne voit là une illusion ironique à mes collègues du groupe socialiste – ou à la longue-vue, ce qui est le cas le plus probable. Il est vrai que, lorsqu’on a toujours habité les beaux quartiers, il n’est pas facile de voir au-delà du périphérique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La semaine dernière, le Premier ministre a donc dit que, lors de la période de consolidation du CPE – soit deux ans, de précarité absolue –, un jeune pourra, dès la fin du premier mois, suivre un stage en langues vivantes.

M. Christian Paul. C’est ça la formation Quai d’Orsay !

M. Jean-Pierre Brard. Imaginez-vous vraiment que ce jeune qui galère depuis trois ou quatre ans et qui, enfin, grâce à la mansuétude du Premier ministre, va retrouver un travail assorti d’une période consolidation, n’attendait que ce geste de bonté pour se découvrir un intérêt soudain pour les langues vivantes ? C’est ce genre de propos qui donne un petit doute sur la connaissance du réel de M. de Villepin.

M. Christian Paul. Il connaît seulement le Quai d’Orsay !

M. Jean-Pierre Brard. Semaine après semaine, le Premier ministre, plein de bonne volonté, essaie, non pas de découvrir le réel, tâche bien trop ardue, mais de l’imaginer. Cet après midi, dans sa réponse à Jean-Marc Ayrault ou à Alain Bocquet – peu importe, c’est la même chose (Rires sur les bancs du groupe socialiste) puisque, à gauche, ils préparent les projets pour demain –, il nous a ainsi expliqué que les jeunes restaient attachés à un établissement scolaire. En l’entendant, j’ai eu le sentiment qu’ils y étaient rattachés comme, pour le recensement, les mariniers d’Argenteuil sont rattachés à Argenteuil, ou, chez moi, les gens du voyage à Montreuil. Ce rattachement n’est donc qu’un alibi.

En réalité, vous déscolarisez définitivement ces enfants car vous livrez, pieds et poings liés, démunis qu’ils sont, au marché du travail. Toutes les dispositions de ce texte ne sont que des étapes vers la précarisation totale et la destruction définitive du code du travail que vous souhaitez engager.

Mme Christine Boutin. Nous n’avons rien compris à ce propos !

M. le président. Sur le vote des amendements identiques, je suis saisi, par le groupe des député-e-s communistes et républicains, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. S’agissant du rattachement à l’établissement scolaire, samedi dernier, des enseignants de collège de ma circonscription ont soulevé la question de la responsabilité. Alors que les communes rurales sont nombreuses dans cette région et qu’un jeune devra parfois parcourir vingt, trente ou cinquante kilomètres pour s’initier à différents métiers, ils s’interrogent sur les modalités de ces déplacements. Un établissement scolaire ne peut, en effet, laisser un jeune de quatorze ans assumer seul un tel type de déplacement – M. Couanau en sait quelque chose. Qui sera censé l’accompagner dans sa découverte des métiers ? C’est une question de droit. Il s’agit ici de la protection des enfants. Or le texte ne prévoit rien en la matière. La disposition est donc inapplicable en l’état, compte tenu de l’ensemble des règlements de l’éducation nationale.

Dans l’hypothèse où l’on aura trouvé quelqu’un – le chef d’établissement, sans doute – pour conduire le jeune dans ces différents stages, imaginons que ce dernier ait un CAP à dix-sept ans, un premier CPE jusqu’à dix-neuf ans, puis un autre et ainsi de suite jusqu’à ses vingt-cinq ans. Est-il possible qu’un même jeune enchaîne cinq CPE successifs ?

Et si vous me répondez qu’on ne pourra pas le réembaucher en CPE, peut-on imaginer que l’entreprise qui l’aura licencié recrute en CPE un autre jeune à peine reçu à son CAP ? Des jeunes peuvent-ils se succéder en CPE dans les entreprises ? Jean-Marc Ayrault a déjà soulevé cette question mais nous n’avons pas obtenu de réponse. L’apprentissage à quatorze ans va accroître la précarité. Certains jeunes vont ainsi passer dix ans de leur vie – ou presque – en CPE. Combien de fois les entreprises pourront-elles se les passer ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDF n’est pas opposé à l’apprentissage junior. Comme l’a rappelé tout à l’heure le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le groupe UDF a été favorable aux articles précédents, dont celui-ci est la suite logique. Il ne votera donc pas les amendements de suppression, n’étant pas opposé à l’égalité des chances ni à l’ensemble de ce texte. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Nous ne comprenons plus très bien !

M. Francis Vercamer. Néanmoins, il désapprouve certaines de ses dispositions, notamment la principale, amenée par voie d’amendement et que le Gouvernement a imposée à la hussarde, à savoir le CPE, que l’on pourrait appeler « contrat de précarisation extrême ». (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le CPE, avec sa période d’essai de deux ans, place les jeunes dans une situation de grande précarité, et c’est pourquoi le groupe UDF y est opposé.

M. Jérôme Rivière. Qu’est-ce qui est préférable : deux ans d’essai ou deux ans de chômage ?

M. Francis Vercamer. Il est naturellement favorable à tout dispositif qui permettrait aux jeunes d’entrer dans le monde du travail en leur apportant la formation et la spécialisation nécessaires pour répondre aux offres du marché de l’emploi. Nous présenterons donc, après l’article 3, des amendements tendant à modifier certains aspects du dispositif du CPE. Je vous rappelle que la période d’essai de deux ans n’est pas conforme aux dispositions de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, qui énonce qu’une période d’essai doit être « raisonnable ». Est-ce qu’une période de deux ans est raisonnable ? Je ne le pense pas, et c’est pourquoi nous vous présenterons des amendements destinés à la réduire.

Le CPE est censé donner aux jeunes un « coup de pouce » pour entrer dans la vie active. Permettra-t-il aux entreprises dont un certain nombre d’emplois ne sont pas pourvus de trouver des jeunes ayant la formation adaptée ? Certainement pas : ce n’est pas une période d’essai qui rendra les jeunes mieux adaptés aux emplois proposés. Aujourd’hui, des centaines de milliers d’offres d’emploi ne sont pas satisfaites. Est-ce que le CPE va résoudre ce problème ? Nous ne le pensons pas, et c’est pour cette raison que nous sommes opposés à ce type de contrat.

Mme Christine Boutin. Vous préférez que l’on ne fasse rien !

M. Francis Vercamer. Nous préférons un accompagnement spécifique pour les jeunes. Certes, il faut prévoir une période d’essai pour permettre aux jeunes de tester plusieurs filières, mais elle doit être d’une durée raisonnable : trois mois, ce que la Cour de cassation estime raisonnable, éventuellement six mois, mais certainement pas deux ans ! Nous sommes donc opposés au CPE.

Nous sommes également opposés à la méthode utilisée, sans dialogue social et par voie d’amendement, pour instaurer un nouveau contrat de travail. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ajouter un contrat de travail à tous ceux qui existent complique le code du travail, ce qui laisse les employeurs désarmés, surtout dans les très petites entreprises.

Je crains que la jurisprudence ne fasse de nombreuses victimes parmi les petites entreprises, qui ne sont pas capables de se défendre et de maîtriser la complexité croissante du droit du travail.

Mme Christine Boutin. Cassandre !

M. Francis Vercamer. Je vous donne rendez-vous dans quelques années !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Pour ma part, je voterai les amendements de suppression de nos collègues socialistes. Il est impressionnant de constater que le budget de l’État finance de plus en plus les entreprises, à coup d’exonérations et d’incitations fiscales et sociales. Son objectif principal est de financer les entreprises ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nadine Morano. Avec vous, il finançait les emplois-jeunes ?

M. Jean Auclair. Qui crée l’emploi : l’État ou les entreprises ?

Mme Martine Billard. Pourtant, les dividendes ne cessent d’augmenter. Il faudrait peut-être s’interroger sur les choix budgétaires !

En ce qui concerne l’apprentissage, notre collègue Joyandet regrettait tout à l’heure les années soixante-dix, quand on était apprenti à quatorze ans et qu’il n’y avait pas de chômage. Mais il y a trente-cinq ans, c’est toute la société qui ne connaissait pas le chômage. On pouvait dire « zut » à un employeur et aller frapper chez un autre ! On ne peut pas faire de comparaison, car cela n’a rien à voir avec ce qui se passe aujourd’hui. J’ajoute que la plupart des grandes entreprises avaient leur propre centre d’apprentissage : c’était le cas chez Renault et chez Michelin. L’apprenti qui entrait en apprentissage savait qu’il travaillerait dans l’usine à la fin de celui-ci, et avec un contrat à durée indéterminée !

J’en reviens à votre CPE. Vous avez reproché à la gauche et au gouvernement précédent de répartir l’emploi entre les salariés par la réduction du temps de travail.

M. Jean Auclair. Nous avions raison !

Mme Martine Billard. Mais vous, que faites-vous ? Vous ne créez pas d’emplois, vous organisez la rotation des salariés sur les mêmes postes de travail.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Votre CPE est un contrat de rotation !

Mme Nadine Morano. N’importe quoi !

Mme Martine Billard. Comme l’a démontré notre collègue Lebranchu, plusieurs CPE pourront être cumulés puisqu’il sera possible à un jeune de signer un dernier CPE la veille de ses vingt-six ans, ce qui le mènera jusqu’à vingt-huit ans. S’il a commencé à quatorze ans avec un contrat d’apprentissage, il aura vécu quatorze ans dans l’incertitude ! Et c’est un contrat prétendument destiné à lutter contre les dix ans d’incertitude que traverse la jeunesse d’aujourd’hui…

En réalité, vous morcelez complètement le contrat de travail. Messieurs les ministres, allez au bout de votre logique : vous avez créé le CNE parce qu’il y avait un problème d’emploi dans les petites entreprises. Sans en attendre le bilan, vous créez le CPE parce qu’il y a un problème pour les jeunes. Et vous allez créer un contrat senior pour les personnes plus âgées. Mais vous oubliez certaines catégories ! Les jeunes femmes ont un taux de chômage plus élevé de trois points que celui des hommes : allez-vous créer un contrat de travail pour les jeunes femmes ? Les femmes âgées de trente-cinq à quarante-neuf ans sont aussi plus souvent au chômage que les hommes : allez-vous créer un contrat de travail pour elles ? Et comme le taux de chômage est plus élevé dans certaines zones de notre territoire, allez-vous créer des contrats de travail par région ?

M. Bernard Roman. Très juste !

Mme Martine Billard. Franchement, votre argumentation ne tient pas, et tout le monde sait très bien que votre objectif, à terme, est bien de casser le contrat de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Madame Billard, tout ce que nous avons fait, les uns et les autres, depuis trente ans, n’est pas forcément bien.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. On n’avait pas les Verts !

M. Alain Joyandet. Un certain nombre de choses qui existaient il y a trente ans étaient bonnes, et pourtant nous nous en sommes éloignés. Je n’ai pas le sentiment d’être ringard en rappelant que le travail manuel, par exemple, était une bonne chose.

Mais revenons à l’apprentissage. La majorité répond à votre attente et assume ses choix. Oui, nous sommes pour l’apprentissage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Oui, nous voulons avancer l’âge auquel nos enfants ont un contact avec l’entreprise.

M. Jérôme Lambert. Ce n’est pas de l’apprentissage !

M. Christian Paul. Et pourquoi pas à douze ans ?

M. Alain Joyandet. Oui, nous approuvons ce texte qui prévoit un accompagnement pédagogique des jeunes…

M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !

M. Alain Joyandet. …et des passerelles pour ceux qui souhaitent revenir dans l’enseignement général. Oui, nous assumons nos choix parce que nous pensons qu’ils sont bons pour la jeunesse, bons pour notre pays, et c’est avec enthousiasme que nous voterons ces dispositions – et bien sûr contre les amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je voudrais répondre en partie à Mme Lebranchu, qui a posé une question importante à propos des transports. Je laisse de côté le CPE, dont nous aurons l’occasion de débattre ultérieurement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous avons tout notre temps !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. L’article 3 nous renvoie aux deux précédents articles et à la notion de responsabilité. Nous avons évoqué la semaine dernière le code de l’éducation et, au travers de l’équipe pédagogique, la responsabilité partagée du CFA, du lycée professionnel ou même du collège. Pour éviter de grands déplacements, on peut envisager que le collège soit le lieu d’accueil du parcours d’orientation au métier. Dans ce cas, ce sont les dispositions de l’éducation nationale concernant les stages qui s’appliquent. Sur le sujet précis des déplacements, madame Lebranchu, dont je conçois qu’il puisse inquiéter les enseignants, mon collègue Gilles de Robien et moi-même souhaitons vous apporter une réponse plus précise avant la fin du débat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En attendant, je vous renvoie au code de l’éducation. Je vous répondrai sur ce sujet important, et pas seulement pour vous être agréable et vous permettre de vivre en harmonie sur votre territoire.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 264, 265, 266, 267, 268, 270 et 271.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je suis saisi d’un amendement n° 178.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement de Rodolphe Thomas vise à accorder un crédit d’impôt de 2 200 euros à une entreprise pour l’embauche d’un apprenti domicilié en zone urbaine sensible ou en zone d’éducation prioritaire, zones particulièrement concernées par l’égalité des chances. Il s’agit d’inciter les jeunes à choisir la voie de l’apprentissage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je rappelle à M. Vercamer que la loi de programmation pour la cohésion sociale fait bénéficier les jeunes des zones urbaines sensibles du contrat d’insertion dans la vie sociale qui donne droit à ce crédit d’impôt majoré.

Votre amendement me paraissant satisfait, je vous demande de le retirer, faute de quoi la commission préférera qu’il soit rejeté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Même avis.

M. Francis Vercamer. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 178 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends !

M. le président. L’amendement n° 178 est repris.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande un scrutin public sur cet amendement. Et je précise que je voterai contre ! (Rires.)

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 178, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………….

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 178.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le soutenir.

M. Jérôme Rivière. Après ce long débat sur la suppression de l’article 3, je voudrais dire combien je suis fier d’appartenir à cette majorité. Celle d’hier avait dévalorisé le travail par la loi sur les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous, nous disons que le travail est une valeur essentielle, et c’est avec enthousiasme que nous voterons l’article 3.

Par cet amendement, je voudrais revenir sur les mesures fiscales et appeler l’attention du Gouvernement sur d’autres dispositifs efficaces pour mieux intégrer les jeunes dans le monde du travail, comme les stages en entreprise, qui sont un véritable tremplin entre la scolarité et l’emploi.

Il y a quelques mois, alors que Laurent Hénart siégeait sur les bancs du Gouvernement, notre collègue Marc Le Fur faisait adopter par notre assemblée un amendement similaire qui visait à exonérer du revenu imposable du foyer des parents, jusqu’à deux SMIC, les revenus salariés des étudiants de seize à vingt et un ans. Je me demandais alors si ces limites d’âge ne risquaient pas de pénaliser les étudiants qui poursuivent des études au-delà de vingt et un ans. Je souhaite donc que le seuil d’âge ne joue plus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Une réponse à une question écrite de 1996 clarifie le problème : l’exonération de la rémunération de ces stages est déjà prévue lorsque ceux-ci font partie de la scolarité. C’est donc par souci d’économie législative que la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, la situation a été éclaircie en 1996. Cet amendement étant satisfait, nous en suggérons le retrait.

M. Jérôme Rivière. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 23 est retiré.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il est repris !

M. le président. Par qui ?

M. Alain Vidalies. Par moi !

M. le président. L’amendement n° 23 est donc repris par M. Vidalies.

Cet amendement ayant déjà été défendu, je vais…

M. François Brottes. Il faut d’abord que nous répondions à la commission, monsieur le président !

M. le président. Ce n’est pas vous qui présidez, monsieur Brottes. C’est fort dommage, j’en conviens, mais c’est ainsi ! (Sourires.)

Avant de mettre cet amendement aux voix, je vais donner la parole à M. Alain Vidalies, pour répondre à la commission, puis à M. Jean-Pierre Brard, pour répondre au Gouvernement.

Vous avez la parole, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Bien évidemment, le groupe socialiste votera contre cet amendement.

M. Patrick Ollier. Alors pourquoi le reprenez-vous ?

M. Alain Vidalies. Je voudrais répondre aux propos quelque peu abrupts de M. Rivière sur l’action des uns et des autres et sur leur rapport au travail. Nous parlons ici de l’apprentissage, mon cher collègue, et essayons de déterminer si aujourd’hui, en 2006, c’est une bonne réponse à la question du chômage des jeunes.

Notons d’abord que le Gouvernement a justifié l’apprentissage junior plus par la crise des banlieues et par les troubles qu’elle a provoqués dans les établissements et les communes que par des considérations relatives à l’emploi.

Notons ensuite que les études qu’il a commandées avant de présenter ce texte sont intéressantes, car elles permettent de savoir si l’apprentissage est un outil performant. On se fonde alors, non pas sur des appréciations purement idéologiques, mais sur des résultats. Ainsi, une étude portant sur 700 000 jeunes, soit toute une génération, a mesuré les parcours effectués trois ans après leur sortie de l’école en 2001, notamment dans la filière de l’apprentissage. Avant de lancer des verdicts aussi définitifs, mon cher collègue, vous auriez dû prendre connaissance de celui de l’organisme qui a réalisé cette étude pour le Gouvernement et l’a remise à la fin de 2004 : « La poursuite des études par la voie scolaire, indique le CEREQ, protège toujours mieux du chômage qu’une orientation précoce vers un centre de formation d’apprentis. » Voilà qui devrait vous amener à nuancer quelque peu votre approche et à vous garder de concepts idéologiques qui, pour le coup, remontent au moins à trente-cinq ans !

M. Jérôme Rivière. Je maintiens que vous n’aimez pas le travail !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Mme Boutin a reproché à la partie gauche de l’hémicycle d’être « archéo ». Pour ma part, je trouve qu’il vaut mieux être « archéo » que fossile ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Briand. Que c’est mauvais !

M. Jean-Pierre Brard. Il va de soi que nous voterons contre l’amendement de M. Rivière. Reste qu’il est important pour l’opinion que soit démonté le jeu de rôle auquel se livrent certains députés de l’UMP et le Gouvernement : de ce point de vue, il s’agit d’un amendement un peu sordide, dont l’objet est de faire illusion. Vous faites semblant de proposer de défiscaliser quelques centaines d’euros dont vous savez qu’ils sont déjà exonérés, et dans le même temps votre gouvernement réserve ses largesses aux plus fortunés, monsieur Rivière : rappelons que, au titre de l’impôt sur le revenu de cette année fiscale, les 14 000 foyers les plus riches du pays se verront gratifiés d’une remise de 18 000 euros en moyenne. Feindre de porter quelque attention à l’assiette de lentilles que vous servez aux foyers modestes, alors que vous dédiez tout votre temps au service des privilégiés…

M. Jérôme Rivière. Les gens modestes, vous ne les connaissez pas !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut avoir un sacré culot pour oser dire cela au maire de Montreuil, mon cher collègue ! Vous êtes bien dans la lignée de Premier ministre : vous parlez de ce que vous ne connaissez pas. La misère, la pauvreté, vous ne les connaissez que de façon intellectuelle – si tant est qu’il y ait beaucoup d’intellect là-dedans ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Rivière. Venez à Nice, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Votre comportement est provocateur, mon cher collègue : vous faites mine de vous intéresser aux plus modestes pour leur faire oublier vos turpitudes, vous qui passez votre temps à remplir les coffres des privilégiés ! Nous sommes là pour arracher votre masque ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On voit bien le sens de votre amendement : après quelques rodomontades fort aimables du rapporteur et du ministre, vous consentîtes immédiatement à le retirer, parce que vous n’êtes là que pour jouer la comédie. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Auclair. Comédien toi-même !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Sur le vote de l'article 3, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………….

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 3.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté.

Rappels au règlement

M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Nous allons maintenant aborder un point essentiel du texte, le CPE. Comme nous le répétons depuis une semaine, cette mesure arrive dans la discussion d’une manière à la fois inopportune et inopinée, par le truchement d’un amendement gouvernemental. Le débat va s’ouvrir en l’absence du Premier ministre, qui n’a jamais daigné être présent,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’a pas à être présent !

M. Yves Durand. …préférant les plateaux de télévision à « l’endroit où vit la démocratie », comme il est dit dans le petit film que l’on montre aux enfants des écoles en visite à l’Assemblée. C’est donc ici, dans ce lieu où vit la démocratie, que nous n’aurons pas le plaisir de voir le Premier ministre défendre un texte qu’il dit pourtant fondamental !

Lors de la séance des questions au Gouvernement puis dans un rappel au règlement, le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, a posé deux questions.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Où est-il maintenant ?

M. Jean-Jacques Descamps. Il est parti ! Il ne reste plus que les porte-serviettes !

M. Jean Auclair. Et Hollande, il est où ?

M. Denis Jacquat. Il surveille sa femme !

M. Yves Durand. D’abord, le CPE est-il une étape vers une généralisation de ce type de contrat à l’ensemble des salariés ? Je crains que la non-réponse de tout à l’heure ne vaille confirmation. Cela dit, nous attendons toujours une réponse claire du Gouvernement.

De plus, la méthode adoptée par le Gouvernement nous prive d’une vraie discussion sur ce point essentiel, puisque le règlement de notre assemblée interdit que les sous-amendements contredisent l’amendement sur lequel ils portent. C’est un débat piégé dès le départ. Après avoir déposé cet amendement, après avoir bousculé le calendrier parlementaire pour imposer cette discussion à un moment qu’il aura lui-même choisi, après avoir déclaré l’urgence, le Gouvernement nous impose, sur ce point essentiel, un débat tronqué. D’où la deuxième question : le Gouvernement est-il prêt à retirer cet amendement et à revenir ultérieurement devant l’Assemblée afin que nous puissions avoir à ce sujet un débat conforme aux exigences de la démocratie, c'est-à-dire sur un texte que l’opposition a la possibilité d’amender.

Faute de réponse précise à ces deux questions, je demanderai, au nom du groupe, socialiste une suspension d’une demi-heure.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous en arrivons au premier article additionnel proposé par le Gouvernement. Il a été présenté en commission,…

M. Gaëtan Gorce. Furtivement !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et non pas directement en séance, comme ce fut le cas pour un texte jugé fondateur par la précédente majorité : la loi de modernisation sociale. Soixante et un articles furent alors introduits au cours du débat, dont certains en deuxième délibération ! Il convenait, je crois, de rafraîchir la mémoire de tous les membres de cette assemblée.

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. De plus, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 janvier dernier, a rappelé qu’est autorisé tout amendement qui a un lien avec l’objet du texte déposé par le Gouvernement. Le titre Ier étant libellé « Mesures en faveur de l’éducation, de l’emploi et du développement économique » et ayant trait, en particulier, à l’emploi des jeunes, les trois amendements proposés par le Gouvernement sont bien à leur place.

Il n’était d’ailleurs pas besoin de se référer à un précédent célèbre et à l’autorité du Conseil constitutionnel : l’opposition s’apprêtant à soutenir cent dix sous-amendements, il va sans dire qu’un débat approfondi pourra avoir lieu et que nous y passerons le temps nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Que le Gouvernement ne réponde pas à notre question ne nous surprend pas. Nous connaissons déjà la réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir. Alors pourquoi la poser !

M. Philippe Vuilque. Vous n’osez pas dire qu’avec vos contrats, c’est la disparition à terme des CDD et des CDI qui se prépare. Car telle est la philosophie du Gouvernement !

Un exemple valant mieux qu’un long discours, j’en citerai un qui concerne le CNE, mais qui sera tout aussi valable demain s’agissant du CPE. Dans ma circonscription, une jeune femme de vingt-neuf ans a signé un contrat nouvelle embauche le 2 novembre 2005 avec un groupement d’employeurs de la pointe de Givet pour travailler dans une supérette. Devant subir une intervention chirurgicale à la mi-décembre, elle en a prévenu son employeur, certificat médical à l’appui, mais l’a repoussée au 10 janvier pour accomplir sa mission durant les fêtes de fin d’année. Or, dès le 3 janvier, elle recevait une lettre mettant fin à son contrat sans autre explication.

M. François Brottes. Et voilà !

M. Philippe Vuilque. Demain, un salarié en CPE qui aura une absence de courte durée pour maladie pourra très bien connaître le même traitement. Vous hochez la tête, monsieur le ministre ? Expliquez-moi pourquoi ce qui a été possible dans le cadre du CNE ne le sera pas avec le CPE ! Cela m’intéresse beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je ne peux que constater, une fois de plus, que je n’ai obtenu qu’une réponse vague à la seconde question que j’ai posée et aucune à la première. Je maintiens donc ma demande de suspension de séance.

M. le président. Elle est de droit mais auparavant, je vais donner la parole à deux orateurs qui l’avaient demandée.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je m’étonne de la méthode employée par le Gouvernement depuis le début du débat pour faire passer le CPE. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Introduire un contrat de travail supplémentaire, qui donne moins de droits que la législation actuelle, dans un texte sur l’égalité des chances me paraît déjà pour le moins curieux. Mais pourquoi le placer dans la section 1, qui traite de la formation d’apprenti junior et du contrat de professionnalisation, plutôt que dans la section 2, qui concerne l’emploi des jeunes ? En commission, le rapporteur m’a indiqué qu’il devait s’agir d’une erreur. Constatant qu’elle n’a pas été corrigée, je m’interroge. Pourquoi le Gouvernement considère-t-il le CPE comme un contrat de professionnalisation, alors qu’il affirme que c’est un contrat dédié aux jeunes ? Certes, l’apprentissage concerne les jeunes, mais l’idée n’est pas la même.

Par ailleurs, donner la possibilité de licencier dans les deux premières années sans motivation, c’est bafouer les droits du salarié, notamment le droit de se défendre. Il me paraît normal qu’il puisse connaître la raison de son licenciement, au moins pour en tirer une leçon et se corriger dans l’avenir. Outre donc que ce contrat est précaire, il est extrêmement dangereux sur le plan juridique, pour l’entreprise comme pour le salarié.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, avant la suspension de séance, qui va certainement permettre au Gouvernement de réfléchir, laissez-moi vous dire que vous n’êtes vraiment pas fraternels avec nos collègues de l’UDF. (Sourires.) Voyez comme ils sont à la peine ! Ils essaient de trouver une issue pour habiller leur renoncement. Aidez-les à surmonter leur schizophrénie ! Sur le fond, il ne fait aucun doute qu’ils sont d’accord avec vous, d’ailleurs toutes leurs pratiques en témoignent. Mais ils voudraient donner le change vis-à-vis de l’opinion,…

M. Yves Nicolin. Très juste !

M. Jean-Pierre Brard. …qui souffre tant de votre politique et regarde vers d’autres rivages politiques, y compris à droite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aidez-les, messieurs les ministres, à garder leur masque ! Tendez-leur la main !

Je vois, monsieur Larcher, que vous consultez M. Borloo, qui est plus habile que vous à donner le change, même si vous-même êtes déjà très bon. (Sourires.) Il est vrai qu’il est passé maître dans l’art de faire prendre des vessies pour des lanternes,…

M. Yves Nicolin. Et la lumière jaillit !

M. Jean-Pierre Brard. …notamment en matière de logement. J’en ai un exemple dans ma ville.

M. Charles Cova. Ce n’est pas le sujet ! Nous sommes là pour parler du CPE !

M. Jean-Pierre Brard. Le sujet, c’est l’égalité des chances. Et à propos d’égalité des chances, savez-vous ce que font les gens de la société immobilière ICADE, qui dépend de la Caisse des dépôts ? Ils viennent de décider d’augmenter les loyers de pauvres gens, qui sont là depuis des dizaines d’années, de cent à trois cents euros. Donnant raison aux locataires, le tribunal les a condamnés à limiter l’augmentation des loyers à cinquante euros sur six ans. Et savez-vous ce que font ces gens qui dépendent de vous, monsieur Borloo ? Ils osent faire appel pour casser la résistance de ces braves gens, qui n’ont que trois francs six sous pour joindre les deux bouts à la fin du mois !

M. René Couanau. C’est terrible !

M. Charles Cova. Vous nous faites pleurer !

M. Jean-Pierre Brard. Voyez-vous, monsieur Larcher, pour l’instant, M. Borloo réussit à tromper les braves gens, alors que vous n’avez pas réussi à convaincre l’UDF.

M. René Couanau. C’est poignant !

M. Charles Cova. C’est du Zola !

Mme Muguette Jacquaint. Malheureusement, cela existe encore !

M. Jean-Pierre Brard. Zola, c’est vous ! Vous êtes si impitoyables avec les pauvres gens que vous êtes en train de le ressusciter au quotidien !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Comme l’a indiqué Yves Durand, nous allons entrer dans le vif du sujet, à savoir le contrat première embauche.

Si je fais un rappel au règlement, c’est pour dénoncer les conséquences que va avoir sur le débat la façon dont le Gouvernement a choisi de l’envisager. Jean-Marc Ayrault a déjà soulevé le problème mais cela doit être rappelé avec solennité parce qu’il n’est pas impossible que le Gouvernement nous accuse, pendant toute la discussion, d’être tentés de faire de l’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Allons donc ! Cela se saurait !

M. Gaëtan Gorce. Or il faut bien voir que les conditions dans lesquelles le Gouvernement a choisi d’organiser le débat vont rendre extrêmement difficile l’expression normale de l’opposition, et c’est ce que je tenais à souligner.

D’abord, comme il s’agit d’un amendement portant article additionnel, aucun orateur ne peut parler sur l’article pour exprimer la philosophie générale de son groupe par rapport à celui-ci.

M. Pierre Cohen. C’est scandaleux !

M. Gaëtan Gorce. Ensuite, nous sommes condamnés à ne défendre que des sous-amendements. Cela signifie, comme l’a rappelé Jean-Marc Ayrault, que notre droit d’amendement est extrêmement contraint et limité, contrairement aux dispositions prévues dans la Constitution.

Qui plus est, nos sous-amendements ne doivent pas contredire le sens même de l’amendement du Gouvernement. Or, c’est justement ce sens que nous contestons. Nous ne sommes pas d’accord avec la philosophie de l’amendement ni avec ses dispositions générales. Or, nous aurons les plus grandes difficultés à exprimer notre désaccord.

C’est la raison pour laquelle je souhaite, au moment où va s’engager cette discussion importante – et je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de le faire –, indiquer l’état d’esprit de l’opposition à ce sujet ainsi que les questions qu’elle posera au Gouvernement. En effet, il ne faudrait pas que le fond du débat soit noyé dans un ensemble de dispositions techniques sans aucuns points de repère.

Et, de points de repère, j’en vois au moins trois autour desquels nous proposerons d’organiser la discussion par le biais des sous-amendements que nous défendrons.

Le premier point de repère est, naturellement, la politique de l’emploi qui sous-tend les propositions que vous faites. Nous devons d’abord en dresser le bilan pour juger de son efficacité et apprécier la pertinence de créer un nouveau dispositif.

La question à laquelle nous vous demanderons de répondre est la suivante : est-il vrai, monsieur le ministre, que la politique budgétaire menée depuis 2002 en matière d’emploi a contribué à détruire, entre cette date et 2005, un peu plus de 160 000 emplois dont auraient pu et dû bénéficier les jeunes de ce pays ?

M. Jean-Pierre Gorges. Et les 35 heures !

M. Gaëtan Gorce. Nous tenons nos chiffres à votre disposition et aimerions connaître les vôtres car – et je ne le dis pas sans tristesse mais en toute sérénité –, lorsque nous faisons le total, qu’il s’agisse des contrats aidés, des contrats en alternance et des emplois-jeunes, nous arrivons au chiffre de 160 000 emplois dont auraient dû bénéficier les jeunes de ce pays. Et je ne suis pas sûr que vous puissiez vous rattraper avec les CPE.

Cela permet, en tout cas, de relativiser l’argument du Premier ministre quand il nous a accusés d’immobilisme. Vous, vous avez été actifs… pour supprimer les emplois destinés aux jeunes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas vrai !

Mme Martine David. Si, c’est vrai !

M. Gaëtan Gorce. Nous vous le prouverons au cours du débat, avec des documents et des tableaux de la DARES et du ministère du travail à l’appui ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Les emplois-jeunes ont disparu d’eux-mêmes !

M. Gaëtan Gorce. Je vois que mes propos vous irritent. Je touche à un point sensible.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout : nous rétablissons la vérité que vous passez votre temps à travestir !

M. Gaëtan Gorce. Cela vous ennuie que l’on vous contredise, mais c’est le principe même de cette assemblée.

M. Guy Geoffroy. Autant pour vous !

M. Gaëtan Gorce. Vous savez, depuis quatre ans que nous sommes dans l’opposition, nous en avons pris l’habitude.

M. Charles Cova. C’est dur l’opposition ! Et vous y serez encore longtemps !

M. Gaëtan Gorce. Deuxième point de repère : vous dites que le CPE est un CDI et qu’il est mieux qu’un CDD. Nous démontrerons le contraire. Et nous serons intéressés d’avoir vos réponses, point par point. Nous montrerons que sur les procédures, les motifs, l’indemnisation, c’est indiscutablement moins qu’un CDI et beaucoup moins bien qu’un CDD. Vous inventez un contrat de travail du troisième type qui, s’il doit être classé à partir des avantages que le salarié peut en attendre, se place manifestement au dernier rang. Nous espérons que vos réponses seront plus précises que celles apportées cet après-midi à notre collègue Alain Vidalies. Il vous rappellera les deux questions posées, ce qui vous permettra de mieux qualifier la nature du contrat que vous nous présentez.

Le CPE est pire qu’un CDD et beaucoup moins bien qu’un CDI. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Troisième point de repère : les dispositifs que vous présentez, par leur généralité, ne prennent pas en compte la situation réelle et concrète des jeunes. Nous le démontrerons, comme nous démontrerons que vous avez supprimé plus de 160 000 emplois pour les jeunes, comme nous démontrerons qu’il s’agit d’un contrat précaire moins favorable qu’un CDD, comme nous démontrerons que la mesure que vous prônez s’appliquera à un ensemble de jeunes qui bénéficient aujourd’hui de contrats à durée indéterminée et que vous allez précariser. C’est la réalité qui sortira des propositions que vous nous présentez.

Voilà les trois points sur lesquels, messieurs les ministres, nous vous lançons un peu le défi du débat, puisque le Premier ministre l’a refusé et s’est dérobé. Comme le rappelait un de mes collègues, la vie démocratique est dans cet hémicycle, mais ce n’est manifestement pas ainsi que le Premier ministre le conçoit. Il est trop facile de lancer des anathèmes et des contrevérités, il faut venir s’en expliquer ici.

Messieurs les ministres, nous n’accepterons pas de subterfuges, de phrases tarabiscotées,…

M. Guy Geoffroy. Vous êtes un expert !

M. Gaëtan Gorce. …de dispositions comme celles que vous avez tenté de nous proposer tout à l’heure.

le Gouvernement a, par son silence, reconnu la portée et l’importance de ce débat, puisqu’il n’a pas démenti que les dispositions dont nous étions amenés à débattre préparaient une modification en profondeur du code du travail…

Mme Martine David. Tout à fait !

M. Gaëtan Gorce. …et des contrats de travail qui s’appliqueront à l’ensemble des salariés.

Mme Martine David. C’est évident !

M. Gaëtan Gorce. Cela justifie que nous ayons, sur les trois points que j’ai indiqués des réponses précises et circonstanciées. Nous ne quitterons pas cet hémicycle tant que nous ne les aurons pas obtenues. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Si nous ne les avons pas, les Français pourront alors juger de la réalité de la politique proposée et des contrats qui nous sont présentés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous entrons là dans le débat important et si attendu de l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement. Je vais donc exposer l’organisation de nos débats, de façon que les choses soient claires.

Je lèverai la séance à vingt heures, ce qui laisse une heure de débat. Je donnerai la parole à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas un amendement, mais un projet de loi dans un projet de loi !

M. le président. Je demanderai ensuite l’avis de la commission.

Étant donné qu’il s’agit d’un amendement important créant un article nouveau, si certains veulent s’exprimer, je leur donnerai la parole.

Puis nous aborderons – si nous en avons le temps –, l’examen des sous-amendements. Ceux-ci seront défendus, et je demanderai à chaque fois l’avis de la commission et celui du Gouvernement. Enfin, ces sous-amendements seront mis aux voix.

La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le président, j’ai parfaitement entendu votre proposition. Loin de moi l’idée de me substituer, de quelque manière que ce soit, à vous pour présider la séance. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir indiqué la façon dont se dérouleront nos débats.

Mais peut-être aurait-il été judicieux que le Gouvernement présente son vaste amendement, qui est un projet de loi à lui seul, en trois temps, puisqu’il comporte trois parties distinctes. Cela aurait été plus clair pour nos débats. Certes, ces points sont liés, mais à vouloir parler de tout en même temps, on ne s’y retrouvera plus.

J’essaie d’être aussi constructif que vous, monsieur le président, même si j’ai beaucoup de mal à le faire, étant donné que je ne possède pas votre compétence en ce domaine.

M. le président. Monseigneur est trop bon ! (Sourires.)

Monsieur Brottes, vous êtes fort sympathique, mais la Constitution prévoit que le Gouvernement s’exprime autant de fois qu’il le veut, et comme il le souhaite. Il ne m’appartient donc pas d’ordonnancer les interventions du Gouvernement.

M. Christian Paul. Le Gouvernement aurait pu accepter notre proposition.

M. le président. Vous savez parfaitement, monsieur Paul, pour avoir été membre d’un gouvernement, qu’un amendement doit être présenté et défendu intégralement, faute de quoi les sous-amendements ne peuvent pas ensuite être soutenus.

La parole est à Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Je souscris à l’idée proposée par mes collègues. Lorsqu’on lit l’amendement – qui est plus un projet dans un projet de loi qu’un amendement –…

M. Jean-Pierre Brard. Absolument !

Mme Muguette Jacquaint. …et lorsqu’on considère le I, le II, le III, on se dit qu’il aurait été bon que les ministres présentent leur « projet de loi ». Cela étant, il est évident que nous interviendrons sur tous les chapitres.

M. le président. Avant que ne s’engage le débat sur l’amendement n° 3 rectifié, je vous indique, monsieur Brottes, pour être tout à fait complet dans ma réponse, que vous pourrez défendre votre position à chaque paragraphe de l’amendement, puisque des sous-amendements ont été déposés à chaque paragraphe.

Reprise de la discussion

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3 rectifié, portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à M. le ministre délégué, pour le soutenir.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mesdames, messieurs les députés, je souhaite rappeler que l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement, à travers ses trois parties, forme un tout équilibré.

Mme Jacquaint l’a rappelé, le constat sur l’emploi des jeunes peut être partagé et correspond à une réalité qui est celle du vécu quotidien des jeunes.

Mme Muguette Jacquaint. C’est sûr !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Premièrement, on constate que le taux de chômage atteint 22,7 % à la fin 2005 pour les jeunes de moins de vingt-six ans. C’est l’un des plus élevés d’Europe, systématiquement plus de deux fois supérieur au taux de chômage global, alors que dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et l’Espagne, qui n’a pas encore totalement parcouru le chemin, l’écart s’est rétréci, ou est nettement moins marqué.

Deuxièmement, on constate une expérience presque inévitable du chômage pour les jeunes au cours des trois années qui suivent leur sortie du système éducatif.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous acceptez ça !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La moitié des jeunes connaîtront le chômage. Pour 30 % d’entre eux, cela durera plus de six mois.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle perspective enthousiasmante !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Troisièmement – et lorsque nous regardons dans le rétroviseur, nous voyons que la situation d’hier était comparable –,…

M. Jean-Pierre Brard. Il y a toujours eu des riches et il y en aura toujours !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …le parcours d’insertion professionnelle demeure chaotique. Je le répète : aujourd’hui, 70 % des jeunes entrent dans l’emploi par le CDD, dont la moitié durent moins d’un mois, ou l’intérim pour des périodes de quinze jours en moyenne.

Quatrièmement, on constate la faiblesse de la protection sociale contre le chômage : plus de 55 % des jeunes inscrits à l’ANPE ne reçoivent pas d’allocation au titre du régime d’assurance chômage, parce qu’ils n’ont pas eu les six mois de travail nécessaires pour commencer à accumuler des droits.

Pour les jeunes, la réalité d’hier et d’aujourd’hui s’appelle précarité. Une précarité qui entraîne des difficultés personnelles, qui suscite une peur de l’avenir, qui nourrit une perte de confiance à l’égard de notre société. Voilà pourquoi l’inaction était impossible et pourquoi il nous faut agir maintenant.

D’autres pays européens ont ouvert la voie. Leurs exemples prouvent qu’il est possible d’agir pour rompre avec cette fatalité,…

Mme Martine David. Agir certes, mais pas n’importe comment !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …qu’il est possible de donner une réelle chance aux jeunes.

M. Maxime Gremetz. Blair !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est ce que nous avons décidé de faire, par des mesures concrètes, pragmatiques, adaptées à la réalité.

Nous avons, en effet, commencé à mettre en place un certain nombre de mesures nouvelles grâce auxquelles des points peuvent être marqués :

Le renforcement de l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi – j’aurai l’occasion d’y revenir au cours du débat, car cela fait bien partie des engagements du Gouvernement ;

Le contrat jeune en entreprise – nous l’enrichirons à l’occasion de ces débats ;

Le développement de la formation par alternance, au-delà de l’apprentissage junior. Nous nous fixons des objectifs exigeants, notamment pour les grandes entreprises : 1 % des effectifs salariés en formation par alternance fin 2006, 2 % fin 2007, 3 % fin 2008, contre 0,8 % en moyenne aujourd’hui. Notre objectif est de multiplier au minimum par quatre les effectifs en formation par alternance.

M. Laurent Fabius nous parlait tout à l’heure de notre « philosophie ». Notre philosophie, c’est sans doute de mieux protéger les personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je voudrais rappeler ce qui s’est construit en ce domaine depuis un certain nombre de mois :…

Mme Martine David. Vous ne manquez pas de toupet !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …le droit individuel à la formation, que le Premier ministre nous a demandé de mettre en place d’ici au mois de juin, notamment pour les 60 000 jeunes qui seront sortis du système scolaire sans aucune qualification ;…

M. Patrick Roy. Vous n’avez pas le droit de mentir !

M. Maxime Gremetz. Vingt heures par an !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. … l’accompagnement personnalisé, que j’ai évoqué il y a un instant et auquel M. Borloo a fait référence cet après-midi ; la convention de reclassement personnalisée ; la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, pour prévoir à l’avance le contrat de transition professionnelle, que nous allons expérimenter.

M. Maxime Gremetz. On peut même licencier !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Voilà bien des éléments qui prouvent que la protection des personnes et la sécurisation des parcours correspondent bien à notre préoccupation.

Je voudrais y ajouter – mais nous y reviendrons – la préoccupation de l’accès au logement pour les jeunes.

Le projet de loi que nous avons commencé à examiner la semaine dernière propose une approche et des outils nouveaux.

Le contrat première embauche permettra aux jeunes d’entrer immédiatement dans l’emploi à durée indéterminée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. C’est faux !

M. Maxime Gremetz. Et d’en sortir encore plus vite !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je l’ai dit, seule une minorité de jeunes a aujourd’hui cette possibilité.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le contrat première embauche traduit un nouvel équilibre entre souplesse et sécurité. Il offre des garanties nouvelles : un droit individuel à la formation, mobilisable dès la fin du premier mois, au lieu d’une année pour les autres contrats ; une indemnité de cessation de contrat de 8 % totalement exonérée de charges salariales ; une allocation de chômage pendant deux mois à partir du quatrième mois ; l’intégration des périodes de stages ainsi que des périodes passées au titre de n’importe quel contrat de travail dans l’entreprise durant la période de consolidation de deux ans ; une information systématique sur le dispositif Locapass, financé par le 1 % logement, offrant une garantie de loyer et un étalement de caution pour un accès plus facile à un logement autonome.

Sur ce dernier aspect, qui nous semble à Jean-Louis Borloo et à moi-même particulièrement important, je voudrais vous indiquer que des discussions sont actuellement en cours entre l’État et les partenaires sociaux gestionnaires du « 1 % logement ».

M. Maxime Gremetz. Il est temps !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous étudions en particulier la possibilité d'une extension de la garantie Locapass. Nous souhaiterions, en effet, que cette garantie puisse jouer sur toute la durée du bail – et non sur les trois premières années seulement – et que le nombre de mensualités prises en charge soit augmenté de dix-huit à vingt-quatre.

Voilà, concrètement, comment nous sécurisons l’accès au logement des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Roy. Arrêtez de mentir !

M. Christian Paul. C’est bidon !

M. Guy Geoffroy. Non, ce n’est pas bidon ! Vous, vous n’avez rien fait quand vous étiez au pouvoir !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’en arrive aux principes du contrat première embauche. Les jeunes seront rémunérés comme pour tout contrat de travail, à hauteur des salaires conventionnels.

M. Maxime Gremetz. Quelle bonté ! Ils vont être payés !

M. Jean-Pierre Brard. Avec un élastique !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Les conditions de travail et le salaire du salarié embauché sous CPE seront les mêmes que pour tout autre salarié de l'entreprise : aucune discrimination, aucune différenciation ne sera faite à son endroit.

M. Maxime Gremetz. Faux !

Mme Martine David. Le pire, c’est qu’il y croit !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Un jeune ne pourra pas être licencié à tout moment et dans n'importe quelles conditions.

M. Maxime Gremetz. Mensonge !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Tout d'abord, il y a un préavis obligatoire qui croît avec l'ancienneté : deux semaines entre un et six mois, un mois au-delà. En outre, les indemnités de rupture sont supérieures au droit commun du CDI.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Enfin, il est clair qu'aucune rupture ne saurait reposer sur un motif discrétionnaire…

M. Philippe Vuilque. Comment le prouver ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …tel que l'activité, l'appartenance syndicale, le sexe, l'origine, la santé, la conviction religieuse ou la grossesse.

Mme Martine Billard. Et les délégués syndicaux chez Virgin ?

M. Philippe Vuilque. Le salarié ne sera pas assisté !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il fallait être clair sur ce point.

M. Maxime Gremetz. C’est très clair en effet !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. D'ailleurs, l'expérience du CNE est déjà intéressante : 5 % seulement des contrats qui ont été conclus depuis le mois d'août ont été rompus par l'employeur. Il faut donc cesser, comme le rappelait Jean-Louis Borloo, d'avoir une vision cynique de la relation de travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. En matière de cynisme, vous vous y entendez ! Vous êtes orfèvre en la matière !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Lorsque l'employeur embauche, il investit dans un jeune, il parie sur son avenir. En même temps, il faut avoir un ordre public social pour fournir les protections nécessaires.

Le contrat première embauche n'est pas un contrat précaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. Le Canard enchaîné a écrit que vous n’y croyez pas ! C’est d’ailleurs pour cela que vous lisez un papier !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La précarité, c'est alterner sans cesse stages, CDD et périodes de chômage. La précarité, c'est se retrouver au chômage sans indemnité, c'est repartir à zéro à chaque étape. La précarité, c'est ne pas avoir droit à la formation. La précarité, c'est de galérer pendant des années et des années avant de pouvoir se stabiliser dans l'emploi.

M. Maxime Gremetz. Vous ne croyez pas à ce que vous dites !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Plusieurs orateurs, notamment M. Gorce dans son exception d'irrecevabilité et M. Vidalies, ont mis en doute la conformité du CPE aux règles fondamentales de notre droit et aux engagements internationaux de la France.

M. Maxime Gremetz. Le CPE est illégal !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je souhaite à nouveau répondre précisément à chacun des points qu’ils ont évoqués.

Je rappelle à titre liminaire qu'aussi bien le Conseil constitutionnel, le 22 juillet 2005, que le Conseil d'État, le 19 octobre 2005, ont écarté de semblables critiques à propos du contrat nouvelles embauches, dont l'équilibre est similaire.

On évoque d’abord une discrimination. Ce contrat vise à prendre en compte la situation particulière des jeunes, que l'on a trop longtemps négligée. Cela se traduit par l’intégration des périodes de stages, par le droit à la formation, par l’indemnisation du chômage ou par des dispositions facilitant l’accès au logement.

Le but du CPE est clair : favoriser les jeunes afin de les amener vers le CDI de droit commun tout en assurant la protection de leurs droits pendant la période de consolidation de deux ans.

Il n'y a pas là rupture du principe d'égalité au détriment des jeunes,…

M. Maxime Gremetz. Mais si !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …mais, au contraire, définition d'une mesure claire visant à mettre fin à une situation de précarité objective et inacceptable. C'est cette précarité qui relève de la discrimination, et c'est contre elle que nous entendons lutter en instituant le CPE !

Rappelons, si besoin en était, que le Conseil constitutionnel, fidèle à une jurisprudence constante, a admis la constitutionnalité de mesures spécifiques en matière d'emploi des jeunes de moins de vingt-six ans dans sa décision du 22 juillet 2005.

Et c'est justement pour ne pas créer de nouvelles discriminations à l'intérieur d'une classe d'âge que seul le critère d'âge a été pris en compte : quels que soient leurs parcours professionnels et leurs diplômes, les jeunes sont globalement en situation de précarité, la situation de la France étant, de ce point de vue, très spécifique par rapport à celle de ses voisins européens.

M. Alain Vidalies. Cela se discute !

Mme Martine David. Vous allez aggraver les choses, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. On évoque ensuite la possibilité de licenciement discrétionnaire. Je le répète, le CPE est un contrat de travail à durée indéterminée, régi pour l'essentiel par le droit commun.

M. Philippe Vuilque. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Certes, le CPE déroge au droit commun pendant sa période de consolidation sur deux points : d’une part, l'absence d'exigence de motivation de la lettre de licenciement et, d’autre part, l'absence d'exigence d'une cause réelle et sérieuse.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Bien évidemment, le projet n'a pas voulu déroger à l'existence d'un contrôle juridictionnel de la rupture, ni aux principes de notre ordre public social qui interdisent le licenciement discriminatoire.

M. Maxime Gremetz. Il n’y aucune possibilité de contestation !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Par conséquent, il faut bien mesurer la portée exacte de ces dérogations. Elles portent sur les motifs du licenciement et sur sa cause réelle et sérieuse.

M. Maxime Gremetz. On sent bien que vous ne croyez pas à ce que vous dites.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Pendant deux ans, les motifs n'ont pas à être explicitement indiqués dans la lettre de licenciement – sauf sanction disciplinaire – et sont plus larges que ce qu'autorise le droit commun.

M. Maxime Gremetz. Vous lisez un papier, et vous n’y croyez même pas !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cette question a été au centre des débats contentieux au Conseil d'État à propos de l'ordonnance relative au CNE et de sa compatibilité avec la convention n° 138 de l’Organisation internationale du travail. Le Conseil d'État a jugé que le contrat nouvelles embauches était conforme à cette convention dès lors qu'il entrait dans le champ des dérogations autorisées par l'article 2 de celle-ci, la période de consolidation de deux ans devant être regardée comme « raisonnable » au sens de ce dernier article.

Il en résulte que le licenciement n'est pas subordonné à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse au sens où l'entend la jurisprudence, ni à l'exigence d'un motif valable au sens de la convention de l’Organisation internationale du travail.

Pour autant, et c'est là l'essentiel, la rupture du CNE n'est pas discrétionnaire : elle peut être soumise au contrôle du juge, qui devra vérifier, d'une part, l'absence d'abus de droit…

M. Maxime Gremetz et M. François Brottes. Il n’y a pas de droit : il ne peut donc pas y avoir d’abus de droit !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et, d'autre part, le fait que le motif du licenciement ne repose pas sur une cause illicite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Dans une telle hypothèse, il appartiendrait au juge de censurer le licenciement et d'accorder les indemnités au titre du préjudice subi. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas dans un champ qui se situe en dehors du contrôle du juge,…

M. Maxime Gremetz. Vous êtes dans un champ de mines !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …mais dans un domaine où le contrôle de ce dernier sera différent. Cette solution s'impose aussi pour le CPE.

Vous avez également évoqué la décision du Conseil constitutionnel de 1999 sur le PACS. Mais ceux qui y font référence sont des juristes suffisamment avertis pour ne pas ignorer que cette décision était propre au contrat civil si particulier que constitue le PACS. En aucun cas, l'on ne saurait déduire de cette décision un principe général d'ordre constitutionnel, qui exigerait une obligation de motivation et d'information en cas de rupture de contrat. Le Conseil d'État lui-même, dans son arrêt concernant le contrat nouvelles embauches, a refusé de donner une portée et une interprétation trop larges de la décision de 1999.

M. Alain Vidalies. C’est tout ce qu’il a trouvé comme argument ! C’est faible !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. On ne peut que le suivre sur ce point.

Enfin, et c’est primordial, ces dérogations s'accompagnent de contreparties qui sont autant de droits nouveaux en faveur du jeune salarié (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) en matière de préavis, d'indemnités de rupture, d'indemnisation du chômage, d'accompagnement vers l'emploi et d'accès au logement.

Le CPE ne se comprend, en effet, que si l'on y voit, non un contrat de travail au rabais, mais un contrat de travail…

M. Maxime Gremetz. Sans droits !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …reposant sur un nouvel équilibre, qui implique des droits nouveaux pour le jeune salarié et les entreprises.

C'est ce nouvel équilibre qui doit inciter les entreprises à embaucher des jeunes non plus avec des contrats précaires habituels, mais dans un cadre constituant une passerelle vers le CDI de droit commun.

À ceux qui émettaient des doutes,…

M. Maxime Gremetz. Et qui en émettent toujours !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …je dis, notamment à M. Brard qui évoque parfois des livres anciens que certains qualifient de saints, que je n’ai pas les doutes de Pierre.

M. Michel Piron et M. Guy Geoffroy. Plutôt de Thomas !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je veux que le taux de chômage des jeunes ne soit plus, mois après mois, 2, 2 fois plus élevé que le taux moyen de chômage dans mon pays. Et j’ai une autre ambition que de voir 70 % des jeunes commencer leur vie professionnelle avec des CDD soudainement béatifiés à l’occasion de nos débats, alors que le CDD est un contrat précaire.

Le Gouvernement n’a qu’un seul objectif : faciliter l’entrée des jeunes dans un véritable parcours professionnel, de leur faciliter la route vers l’emploi, de leur donner une chance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De même, au pôle de cohésion sociale, nous nous préoccupons aussi des seniors, car leur situation n’est pas acceptable. Est-il normal que dans un pays comme la France, on n’ait de chances qu’entre vingt-six ans et cinquante ans ? Avant vingt-six ans, on galère. Après cinquante ans,…

M. Daniel Paul. On galère toujours ! Avec de bas salaires !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …on est une variable d’ajustement dans les plans de sauvegarde de l’emploi. Nous avons décidé de mettre fin à cette double et dramatique particularité de notre pays par le biais du tutorat, de l’accompagnement, des dispositifs que nous sommes en train de construire avec les partenaires sociaux. Les jeunes comme les seniors sont une chance pour notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Vous êtes bien mal placé pour parler des partenaires sociaux !

Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Je veux réitérer les questions auxquelles je n’ai pas eu de réponse. Monsieur le ministre, votre plaidoyer,…

M. Guy Geoffroy. Excellent !

M. Jean-Marc Ayrault. …quelque peu lyrique dans sa conclusion, aurait pu nous faire sourire, si la question n’était pas si grave.

Le chômage des jeunes, en particulier de ceux qui sortent du système scolaire sans aucune qualification, est en effet une question grave.

Loin de mobiliser votre imagination, votre énergie et les moyens nécessaires pour résoudre cette question, vous mobilisez ceux-ci pour modifier profondément le code du travail en créant un nouveau contrat de travail concernant tous les jeunes, qu’ils soient qualifiés ou non, avec une période d’essai de deux ans.

Je sais que ma question vous dérange, messieurs les ministres. Mais prenez-vous vraiment la mesure de ce que vous faites par le biais d’un amendement de trois pages ? En fait, vous voulez profondément modifier le code du travail : la mise en œuvre d’une période d’essai de deux ans, ce n’est, en effet, pas rien ! Des centaines de milliers de jeunes arrivant sur le marché du travail seront concernés par cette « rupture », pour reprendre un mot cher aux présidentiables de la majorité, engagés, sur le dos des salariés, et en particulier de la jeunesse, dans une compétition de plus en plus caricaturale entre le Premier ministre et le président de l’UMP ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Cela vous va bien de dire cela ! Parlez-nous plutôt de Ségolène, François et les autres !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez décidé de déposer un amendement gouvernemental à votre projet dit « égalité des chances ». Dans ces conditions, les pouvoirs du Parlement – je ne parle même pas de ceux de l’opposition – sont extrêmement limités.

M. Franck Gilard. Il a le pouvoir de voter !

M. Jean-Marc Ayrault. Lorsqu’il s’agit d’un projet de loi ou d’un article, il y a une discussion générale. Mais lorsqu’il s’agit d’un sous-amendement, aucune discussion de ce type n’est permise. Cet amendement, même s’il fait trois pages, ne peut qu’être sous-amendé. Or l’article 98, alinéa 4, du règlement précise que « Les sous-amendements ne sont recevables que dans la mesure où ils ne contredisent pas le sens de l’amendement ». Où est le respect des droits du Parlement ? Je vous le demande.

Pourtant, vous savez bien que sur ce sujet, il existe un débat de fond, qui prend une véritable ampleur (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), pas seulement dans notre assemblée mais dans le pays tout entier, car les Français sont en train de découvrir la réalité de ce que vous voulez faire.

Monsieur le président, vous qui connaissez bien le règlement de notre assemblée, vous savez bien que si le Gouvernement le veut, il peut faire voter cet amendement en quelques instants. La preuve vient d’en être faite : des amendements ont été adoptés ou rejetés après quelques interventions, l’avis de la commission, celui du Gouvernement, une réponse au Gouvernement et une autre à la commission.

Vous voulez modifier en profondeur le code du travail par le biais d’un amendement et en limitant les pouvoirs de la représentation nationale ! Nous, opposition, ne pouvons accepter ce coup de force anti-constitutionnel ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Devant cette grave atteinte à nos principes, je comprends que vous essayez de monter le ton. Vous voulez nous donner un cours de morale en disant : « Nous, nous occupons de la détresse de la jeunesse ! ».

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais, messieurs les ministres, venez-vous de prendre vos fonctions ? Mesdames, messieurs de la majorité, venez-vous d’être élus par le peuple français ?

M. Patrick Roy. Quatre ans !

M. Jean-Marc Ayrault. Cela fait quatre ans que vous êtes là : est-ce que vous auriez découvert aujourd’hui le problème de la précarité, du chômage et de la sous-qualification de la jeunesse ? Bien sûr que non !

Mme Nadine Morano. C’est le premier texte qui s’y attaque !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne vous ferons pas ce procès. En revanche, vous n’hésitez pas à vous asseoir sur vos propres principes. C’est bien votre majorité qui a approuvé ici la loi Fillon sur le dialogue social, qui exigeait qu’avant toute modification du code du travail, il y ait une concertation préalable avec les représentants du monde du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Non seulement vous oubliez les lois que vous avez votées, mais vous oubliez les principes mêmes de la vie démocratique dans notre pays. Ce qui se passe ce soir est grave, et vous devez en assumer les conséquences.

Acceptez-vous, messieurs les ministres – et je le demande à nouveau solennellement –, qu’il y ait une véritable discussion générale sur l’amendement comme s’il s’agissait d’un article de loi ?

Acceptez-vous qu’il soit soumis à un examen paragraphe par paragraphe, puisque nous ne pouvons évoquer globalement les sujets graves dont il est question ?

Acceptez-vous que nous amendions ce texte au lieu de nous limiter à des sous-amendements, qui, par principe, nous enferment dans une logique inacceptable d’approbation de votre texte, que nous ne pouvons que corriger à la marge ?

Sur ces trois questions, je demande une réponse claire de la part des ministres qui siègent sur les bancs du Gouvernement : oui ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Ayrault, j’ai indiqué tout à l’heure que l’amendement sera mis en discussion, que la commission donnera ensuite son avis et que nous examinerons après les sous-amendements, aucun sous-amendement n’ayant été déclaré irrecevable.

Mme Muguette Jacquaint. Encore heureux !

M. le président. De fait, le texte de l’amendement sera examiné paragraphe par paragraphe, cet examen permettant d’organiser le débat séquence par séquence.

En outre, j’ai dit, mais vous n’étiez pas là, que je laisserai la discussion se faire comme une discussion générale. C’est d’ailleurs la stricte application de l’article 95, alinéa 2, de notre règlement. Voilà pourquoi j’ai précisé que la séance ne serait pas levée avant vingt heures.

Vous avez la parole, monsieur Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, vous mettez beaucoup de bonne volonté dans l’exercice de votre présidence. Et cette tâche est difficile pour quiconque occupe cette fonction. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je n’exprime pas là un point de vue partisan, mais je dresse un simple constat, mes chers collègues.

Mais, franchement, mesdames, messieurs de la majorité, pensez-vous que c’est une affaire banale dont traite cet amendement ?

Monsieur Borloo, pour vous montrer toute la gravité de votre proposition et les arrière-pensées qu’elle recèle, je citerai les propos que vous avez tenus cet après-midi même dans un esprit polémique – car il vous arrive de vous emporter : « C’est bizarre, mesdames et messieurs les députés de l’UDF, vous étiez naguère pour le CIP et maintenant vous êtes contre le CPE ». Voilà bien la preuve que vos intentions n’ont pas changé depuis. Et vous croyez que nous allons accepter de réformer le code du travail dans ces conditions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Le doigt dans le pot de confiture !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous demandons des garanties, des garanties démocratiques. Nous attendons vos réponses à nos questions, que nous n’aurons de cesse de reposer, tant qu’il n’y sera pas répondu !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah non, pas lui !

M. Alain Joyandet. De rappel au règlement en rappel au règlement, de proposition sur l’organisation des débats en proposition, nous ne pouvons que constater que la gauche qui prétend vouloir débattre ne débat pas et retarde sans cesse les discussions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Depuis mardi dernier, nous n’avons examiné que trois articles : la gauche fait tout pour que nous ne parvenions pas au débat de fond !

Certes, il s’agit d’un amendement, qui n’est effectivement pas un article, et vous ne pouvez pas l’amender, mes chers collègues de l’opposition. Mais sur les articles précédents, notamment celui consacré à l’apprentissage, vous n’avez déposé en tout et pour tout que douze amendements… tous tendant à la suppression de l’article ! Alors il vous reste à faire une chose facile : voter contre l’amendement.

Enfin, je dois dire que j’en ai assez des leçons de morale que vous nous donnez sans cesse. Vous nous parlez de précarité, mais qu’avez-vous fait ? Vous nous parlez de modification majeure du code du travail, mais qu’avez-vous fait ? La gauche a osé inventer il y a quelques années le contrat à durée déterminée de cinq ans, avec assurance d’être licencié sans préavis, sans motifs et sans indemnités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Mensonge !

M. Alain Joyandet. Pire encore, les collectivités socialistes ne se sont pas privées de l’utiliser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Et nous, qu’avons-nous fait lorsque nous sommes devenus majoritaires ? Nous avons pris les dispositions nécessaires pour que les personnes relevant de ce CDD puissent au moins bénéficier des Assedic après leur licenciement. Je rappelle que, à l’époque, beaucoup ont parlé de la modification du code du travail que représentait ce CDD de cinq ans.

Avec le CPE, les jeunes seront embauchés en CDI au bout de deux ans, auront droit à des indemnités à partir de quatre mois de travail, ainsi qu’à un logement et à un accompagnement.

Les jeunes sur lesquels vous vous apitoyez maintenant, voilà ce que vous leur avez fait. Alors, de grâce, arrêtez avec vos leçons de morale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Joyandet, les décibels et les mouvements de menton ne valent jamais argument.

M. Guy Geoffroy. Cette remarque peut s’appliquer à vous !

M. Jean-Pierre Brard. Si vous en avez assez, pourquoi rester parmi nous ? Si vous voulez faire une sortie discrète, empruntez donc la porte juste derrière vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Larcher, vous avez fait des références bibliques tout à l’heure mais je doute que vos lettres soient bien fondées. Sur ce sujet, je vous suggère de solliciter l’aide de notre collègue, M. Piron, qui pourra vous donner des conseils éclairés. Ce n’est pas Pierre…

M. Michel Piron. Oui, plutôt Saint-Thomas, mais ce n’est pas dramatique.

M. Jean-Pierre Brard. …mais Judas que vous auriez dû citer car vous trahissez les espoirs de notre jeunesse. Vous ne tenez pas compte de la souffrance, du mal-être, de la désespérance, du scepticisme que vous provoquez chez elle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous, monsieur Accoyer, ne vous en déplaise, nous nous battons pied à pied. Nous sommes pugnaces, parce que nous sommes soutenus dans notre combat par la défense de l’intérêt général et parce que nous portons les espoirs de la jeunesse que vous voulez humilier et briser. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vos cris ne sont que l’hommage du vice à la vertu. Nous arracherons vos masques et nous révélerons à l’opinion ce que vous êtes en train de faire.

Votre entreprise de démolition, vous vous y consacrez avec un acharnement systématique, non pas trente-cinq heures par semaine mais trente-cinq par jour. Vous avez cassé le système de retraite, la sécurité sociale, le logement, le droit du travail, les libertés avec les lois Sarkozy. Et nous sommes justement là pour nous opposer à cela.

Grâce aux assurances données par le président, nous ne subirons peut-être pas la loi d’airain que le Gouvernement voulait nous imposer en nous traitant comme des ânes qui n’auraient eu droit, en déposant des sous-amendements, que de faire un signe de tête pour dire oui ou non.

Monsieur le ministre, vous proposez aux jeunes de passer de stage en stage, de stage en petit boulot. Bref, c’est la précarité organisée jusqu’à l’âge de vingt-neuf ans moins un jour. Et, après le CNE et le CPE, le Premier ministre rêve désormais du contrat unique.

Vous avez mis en cause les emplois-jeunes. Eh bien, sur les 140 emplois-jeunes de ma bonne ville de Montreuil, nous en avons conservé 135. Nous les avons formés et nous leur avons donné un sas de cinq ans pour entrer dans la vie, pour s’y organiser, pour y prendre pied. Or vous, vous voulez des jeunes taillables et corvéables à merci, qui renoncent à se défendre parce qu’ils ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête et le bâton patronal dans le dos. Voilà ce que vous êtes en train de construire !

M. Bernard Accoyer. Arrêtez le maniaque de Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Pour aller vers le terme de mon propos (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Guy Geoffroy. Enfin une bonne nouvelle !

M. Jean-Pierre Brard. …je dirai que vous avez déposé ce projet en urgence, à l’esbroufe, avant les congés scolaires, parce que vous considérez certainement que l’habilité vaut politique. Eh bien non, l’habilité arrive vite à ses limites ! Vous vous y mettez à deux, messieurs les ministres, pour essayer de tenir tête à la pugnacité de l’opposition. Mais ni deux ministres, ni le Premier ministre avec toute sa ruse n’arriveront à cacher aux jeunes de notre pays la réalité de leurs intentions.

Aujourd’hui, le mouvement social a démarré. Croyez-vous que les vacances scolaires arrêteront la montée de la colère ? Il est vrai que nous aurons beaucoup à faire pour reconstruire ce que vous avez démoli avec un tel acharnement.

M. Guy Geoffroy. Quel cinéma !

M. Jean-Pierre Brard. Mais, monsieur Accoyer, ne vous en déplaise, nous y parviendrons d’autant mieux que nous nous appuierons sur le mouvement social dont nous avons vocation ici à être les porte-voix puisque vous ne voulez pas l’entendre, tandis que vous n’êtes que des fondés de pouvoir des privilégiés et que vous méprisez et piétinez ceux qui sont porteurs de l’avenir de notre pays ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Franck Gilard. De tels propos sont inacceptables !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je veux d’abord rappeler à M. Joyandet qu’il n’y a pas de préavis dans un CDD, puisque sa nature même est d’être à durée déterminée.

M. Alain Joyandet. Je le sais !

Mme Martine Billard. En ce qui concerne la méthode de travail, le président nous a dit que tous les sous-amendements ont été déclarés recevables. Soit. Mais je rappelle que la commission des affaires culturelles n’a appris que le lundi, en fin de journée, qu’elle devait examiner ce texte, plus l’amendement du Gouvernement, le mardi après-midi. Avouez qu’on fait mieux en termes de conditions de travail ! Si bien que peu d’amendements ont pu être examinés en commission, à part ceux de la commission et quelques-uns du groupe communiste. Finalement, presque tous les amendements, qu’on n’avait pas eu le temps de préparer, ont dû être discutés au titre de l’article 88.

Ensuite, on s’attendait à ce qu’un bilan soit dressé sur le CNE. À ce propos, je rappelle que nous sommes toujours dans le cadre des ordonnances, et il faudra donc en discuter de nouveau à l’Assemblée. En fait, on a le sentiment que, tous les six mois, on fait un débat sur le contrat de travail.

On justifie tout cela par le chômage des jeunes. Je rappelle qu’il a augmenté de 4 % de 2002 à 2004. Or, que je sache, à cette époque la gauche n’était pas au pouvoir. De décembre 2004 à décembre 2005, il a stagné. Pourtant, dans le même temps, vous en avez inventé des dispositifs ! L’un des premiers, « le contrat jeune en entreprise », destiné aux jeunes de seize à vingt-six ans, devait résoudre la question du chômage des jeunes. Visiblement, il n’a pas réglé grand-chose !

M. Bernard Accoyer. Il a permis d’embaucher 300 000 jeunes dans le secteur industriel ! Ce n’est pas mal !

Mme Martine Billard. Monsieur Accoyer, pour savoir si la situation de l’emploi s’améliore, il ne suffit pas de savoir combien d’embauches a engendré un tel dispositif. Encore faut-il connaître le nombre de ruptures de contrat. Et c’est le solde qui est intéressant.

M. Bernard Accoyer. Le solde est de 250 000 !

Mme Martine Billard. Vous pouvez toujours multiplier les embauches ! Ce que vous avez organisé, et c’est la même chose avec le CPE, c’est la rotation sur les mêmes postes de travail, sans en créer.

M. Borloo nous a dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas créer de nouvelles discriminations entre les jeunes qui entrent dans l’emploi et ceux qui n’y entrent pas – la différence se faisant sur le diplôme plutôt que sur l’expérience ; c’est d’ailleurs une spécificité française qui ne date pas d’aujourd’hui. Nous pensions que cela signifiait qu’il fallait que tous les jeunes aient accès à un emploi stable. Non, il s’agit de les rendre tous précaires !

M. Bernard Accoyer. C’est ce qu’on appelle de l’amalgame, de la caricature !

Mme Martine Billard. Non. Si vous êtes allé en entreprise, vous savez…

M. Maxime Gremetz. Ils ne savent pas !

Mme Martine Billard. …qu’en attendant d’être embauché, vous êtes en situation précaire. Pour les cadres même, on renouvelle presque systématiquement la période d’essai. Pendant ce temps, vous êtes obligé de vous tenir à carreau.

Avec le CPE, vous mettez les jeunes dans un sas, mais ils n’ont aucune garantie de passer la seconde porte.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Dans ce débat, l’on ne peut pas dissocier le fond et la forme, c’est-à-dire la procédure.

La question que nous avons à débattre aujourd’hui est importante et nous devons pouvoir procéder à un examen complet. Or, comme l’a rappelé Jean-Marc Ayrault, les conditions qui ont été réunies pour permettre ce débat ne sont pas satisfaisantes d’un point de vue social, et vous ne pouvez le contester.

Jean-Marc Ayrault a rappelé tout à l’heure l’engagement solennel que vous aviez pris en matière de dialogue social – et je sais que ce rappel suscite à chaque fois de votre part des réactions assez vives, mais rien ne vous obligeait à voter le texte en question…

M. Bernard Accoyer. Tout cela a déjà été dit !

M. Gaëtan Gorce. Mais je le répète parce que vous avez tendance à l’oublier, monsieur Accoyer ! Vous particulièrement !

Dans la loi sur le dialogue social, vous aviez pris l’engagement solennel de ne jamais légiférer sur un domaine relatif au droit du travail sans concerter les partenaires sociaux, le législateur ne pouvant intervenir qu’en cas de constat d’échec de la négociation. Vous faisiez d’ailleurs référence à la procédure européenne qui fonctionne de cette manière. Mais en n’agissant pas ainsi, vous jetez une ombre sur le débat qui se déroule dans cette assemblée, parce que nous sommes privés du débat social qui aurait dû normalement précéder le débat parlementaire.

Et si j’évoque cela, ce n’est pas pour souligner à nouveau vos contradictions. En arrivant dans cette assemblée, nous aurions pu penser que nous avions à discuter d’un texte qui avait été solidement charpenté grâce à cette négociation, ou par son échec dont vous auriez courageusement pris acte. Or vous venez devant cette assemblée avec le même souci de contourner la discussion parlementaire.

Monsieur Accoyer, vous qui êtes président d’un groupe parlementaire, et monsieur Dubernard, vous qui êtes président de la commission des affaires culturelles, comment pouvez-vous vous satisfaire d’une procédure qui consiste, après avoir ignoré les syndicats, à ne pas avoir soumis les amendements importants à l’avis du Conseil d’État ni à un examen sérieux en commission ? Le rapporteur, qui est pourtant sérieux et dont chacun loue la compétence, même si je ne partage pas ses convictions,…

M. Bernard Accoyer. Comme il est compétent, il approuve la mesure !

M. Gaëtan Gorce. …ne consacre que deux pages au CPE, qui est pourtant l’axe de la politique du Gouvernement.

Et voilà que maintenant, alors que nous avons à débattre de vingt-huit articles sur l’égalité des chances en plus de cet amendement, on nous dit déjà que le débat est trop long ! La semaine dernière, nous avons débattu d’un sujet qui n’était pas mince, celui de l’apprentissage et de la baisse de l’âge de l’obligation scolaire. Nous commençons à discuter du CPE, et M. Joyandet considère que c’est déjà trop. C’est la même philosophie que celle qui sous-tend le CPE : du jour au lendemain, vous êtes éjecté de l’entreprise, du jour au lendemain, le débat dans cet hémicycle doit cesser.

Or, nous voulons un débat de fond sur ces questions, parce que vous remettez profondément en question le droit du travail. Vous les jugez utiles ; vous le démontrerez. Nous estimons qu’elles sont dangereuses et inefficaces. Mais on ne peut s’en tenir à des caricatures comme celles que j’ai entendues sur les emplois-jeunes.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes un expert !

M. Gaëtan Gorce. Vous en êtes un vous aussi, et je l’ai vérifié plus d’une fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire). Votre intolérance n’a d’égale que les coups de canif que vous portez au code du travail avec une inconscience absolument remarquable !

S’agissant donc des motifs, vous nous dites qu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée. Mais ce qui caractérise un tel contrat, c’est que les conditions de rupture sont encadrées et qu’on ne peut pas licencier sans référence à une cause réelle et sérieuse, ce qui d’ailleurs était valable pour les emplois-jeunes. Voilà une grande différence par rapport à l’argumentation de M. Joyandet tout à l’heure.

Or, ce sont des motifs que vous écartez ici. Autrement dit, c’est le jeune qui, en cas de contestation, devra lui-même apporter des preuves au juge. Le déséquilibre est flagrant. Nous ne sommes plus dans un CDI, mais dans un nouveau contrat de caractère précaire, et nous démontrerons qu’il est effectivement moins favorable qu’un CDD.

Nous demandons donc à discuter du CPE dans le détail, compte tenu des enjeux. Je m’en suis tenu à la question du motif de licenciement, mais j’aurais aussi bien pu parler de la procédure, de la durée d’indemnisation ou de son montant, ou encore de la constitutionnalité du dispositif. Nous voulons discuter le CPE paragraphe par paragraphe. Du reste, si le Gouvernement accepte que nous présentions des sous-amendements modifiant le sens de son amendement, nous allons en rédiger très vite de nouveaux. Jusqu’à présent, nous avons respecté à la lettre notre règlement qui nous empêche de contester le sens de la proposition faite dans un amendement. S’il en va autrement, nous allons réclamer que le licenciement soit justifié par un motif, comme le prévoit le code du travail. Au moins la discussion aura-t-elle lieu sur ces sujets fondamentaux.

M. Alain Vidalies. C’est lumineux !

M. Gaëtan Gorce. Le président Ayrault l’a demandé.

M. Marc Laffineur. C’est de l’obstruction systématique !

M. Gaëtan Gorce. Au risque de mécontenter mon propre groupe, je vais conclure pour ne pas impatienter mes collègues du groupe UMP qui ont tendance à perdre leur sang-froid dès que le débat s’engage.

M. Alain Joyandet. Ce n’est pas le débat !

M. Gaëtan Gorce. Il n’y a eu de débat ni avec les partenaires sociaux, ni avec le Conseil d’État, ni devant la commission. Nous voulons donc, et c’est un minimum, un débat dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je reviendrai non sur la forme, dont on a beaucoup parlé, mais sur le fond.

M. Larcher nous a cité les chiffres alarmants du nombre de demandeurs d’emploi chez les jeunes. La situation est grave mais il faut l’analyser de près. Quels sont ceux qui sont frappés par le chômage ? Les jeunes non qualifiés et ceux qui subissent des discriminations. Ce sont donc sur ces deux catégories que l’effort doit porter parce que le jeune bien formé, qui sort d’une école de bonne réputation, a beaucoup moins de problèmes à trouver du travail. Le contrat première embauche répond-il à leurs besoins ?

Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr que non !

M. Francis Vercamer. Compte tenu de la pyramide des âges, des personnes qualifiées vont quitter les entreprises et leurs postes seront mis sur le marché du travail. Le CPE permettra-t-il aux jeunes non qualifiés et aux victimes de discrimination de les obtenir ? À mon avis, non. On nous fait valoir que le CPE permettra à ses titulaires, par le biais du droit individuel à la formation, d’accéder à la formation. Mais vingt heures par an suffiront-elles à qualifier un jeune et à lui permettre de remplacer quelqu’un de formé et d’expérimenté ?

M. Maxime Gremetz. Bien sûr que non ! Cela représente trois jours par an !

M. Francis Vercamer. Le droit individuel à la formation n’est donc pas suffisant et il faut une formation lourde.

La période d’essai de deux ans pendant laquelle le jeune peut être licencié sans motif est-elle justifiée ? Du point de vue de l’employeur, sûrement – encore que ce ne soit pas certain sur le plan juridique. Mais est-ce honorable pour un jeune ? Considérez-vous comme formatrice l’expérience d’être mis à la porte sans même savoir pourquoi ?

M. Maxime Gremetz. Il ne pourra même pas contester !

M. Francis Vercamer. Si l’on veut former les jeunes et leur donner confiance dans la société, il faut au moins leur expliquer pourquoi le contrat est rompu.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Francis Vercamer. Par ailleurs, la convention n° 158 de l’OIT citée par M. Larcher précise que la période d’essai, pendant laquelle la motivation n’est pas obligatoire, doit être « raisonnable ». Un délai de deux ans peut-il être considéré comme tel ? À mon avis, non. Je rappelle que la Cour de cassation a fixé le délai raisonnable à trois mois. On peut penser qu’au-delà, il faudra motiver. Les entreprises qui ne le feront pas courront un risque. Il y aura en tout cas toute une période d’insécurité juridique grave durant laquelle elles ne sauront pas s’il faut motiver ou non, le temps que la jurisprudence soit établie.

En outre, le CPE vient s’ajouter à tous les contrats précédents. Comme le soulignait Mme Billard, il en sort un tous les six mois, avec pour conséquence une moindre lisibilité du code du travail. L’entreprise ne sait plus à quel Saint se vouer. Croyez-vous franchement que, avec un tel manque de lisibilité, ceux qui recrutent dans les mairies ou dans les entreprises soient enclins à embaucher ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est pourquoi nous voulons un contrat unique !

M. Francis Vercamer. Non seulement le contrat première embauche n’apportera pas de réponse aux jeunes exclus du marché du travail, faute de qualification ou en raison de discriminations, qu’il laissera sur le pavé, mais il empêchera, tout comme le CNE d’ailleurs, ceux qui trouvent un travail de bénéficier d’un CDI.

M. Bernard Accoyer. Pour eux, il y a les contrats jeunes en entreprise ! Il faut suivre !

M. Francis Vercamer. On n’agirait pas autrement pour aggraver la fracture sociale et signer l’arrêt de mort du CDI ! Oui, le CPE, c’est la mort du CDI !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’ai l’impression que les brillants ministres du Gouvernement ne nous croient pas, parce que nous ne sommes pas des spécialistes, parce que nous ne sommes pas des gens superintelligents. J’ai donc cherché des avis de spécialistes de l’emploi…

Mme Sylvia Bassot. À Moscou ?

M. Maxime Gremetz. …pour m’éviter de dire des bêtises. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Un éclair de lucidité !

M. Maxime Gremetz. Vous serez sans doute plus sensibles à une argumentation développée par des experts, qui s’expriment non dans L’Humanité…

M. Lucien Degauchy. Mais dans La Pravda !

M. Maxime Gremetz. …mais dans La Tribune d’aujourd’hui.

« Je m’interroge sur l’efficacité du CPE en termes de création d’emplois. Aujourd’hui, si une entreprise veut embaucher un jeune, elle peut le faire en CDD, en CDI ou en intérim. Et si elle doit le licencier, ce n’est pas vraiment coûteux pour elle car le jeune n’est pas là depuis longtemps. C’est donc le seul fait de pouvoir licencier sans motif qui change. » Telle est l’analyse de Jacques Freyssinet, président du conseil scientifique du Centre d’études pour l’emploi.

M. Lucien Degauchy. Tout le monde peut se tromper !

M. Maxime Gremetz. Traitez-le d’idiot pendant que vous y êtes ! C’est votre droit. Quant à moi, je préfère me renseigner et approfondir.

Du côté de l’ANDCP, l’Association nationale des dirigeants et cadres de la fonction personnel, Daniel Croquette, son secrétaire général, s’interroge : « Qu’est-ce qui fera que ça consolidera l'expérience des jeunes ? Qu’est-ce qui fera que ça créera de l’emploi ? » De telles réflexions devraient vous faire réfléchir !

De son côté, Jean-Michel Six, chef économiste chez Standard & Poor’s à Londres, déclare : « Alors que les investissements des entreprises en France sont déjà atones, principalement en raison du manque de demande interne, cette mesure n’est pas de nature à créer une incitation à investir pour les entreprises. Une entreprise ne va pas, en effet, investir, que ce soit en matière de formation ou de carrière, en une personne susceptible de la quitter au bout de deux ans. Alors que le nouvel entrant fera souvent une tâche inférieure à ses qualifications, il risque donc en plus de ne pas acquérir une meilleure formation. Cette déqualification rejaillira sur les investissements en général qui, là aussi, feront défaut, puisque, au lieu de consentir des investissements en capital, les entreprises pourront s’appuyer à la place sur du travail pas cher. Cette mesure est dangereuse à terme. »

Ces trois témoignages parus dans ce quotidien économique sont éclairants.

M. Franck Gilard. Il y a un bon article dans le Figaro de ce matin !

M. Maxime Gremetz. En vérité, par préjugé idéologique, vous recherchez ni l’intérêt des salariés, ni celui à long terme des entreprises.

On omet également de dire que l’État va encore donner de l’argent aux entreprises en accordant des exonérations de cotisations patronales dont le président de la Cour des comptes, M. Séguin, dénonce les effets d’aubaine sans réelle portée sur la création d’emplois.

En un mot, avec ce gouvernement, le MEDEF vole de victoire en victoire, comme le déclare Mme Parisot, qui est redoutablement intelligente et efficace. Il vient d’imposer le CNE, mais ce n’est pas suffisant. Il faut l’élargir à l’ensemble des salariés, et pas seulement aux entreprises de moins de vingt salariés.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je suis tombé par hasard sur le témoignage d’une femme qui avait été deux ans en CDD. On lui a proposé un CNE qu’elle a accepté. Un mois après, elle était licenciée !

À terme, vous voulez qu’il n’y ait plus de CDI et plus de législation sociale ! C’est pourquoi vous avez usé de tous les moyens pour esquiver le débat, avec les organisations syndicales d’abord, devant la commission des affaires sociales ensuite, et ici même enfin avec le fameux amendement du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi.

M. Christian Paul. Enfin !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je me demande si, l’emballement aidant, l’abus de rhétorique ne conduit pas les députés de l’opposition sur des rivages qu’ils ne souhaitaient pas aborder. Je m’interroge en effet sur cette adoration soudaine de la gauche pour la précarité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Mais non !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Aujourd’hui, 80 % des adultes de moins de vingt-six ans sont au chômage, en intérim, en stage ou en CDD !

M. Maxime Gremetz. Vous multipliez la précarité par 1 000 ! Ce que vous proposez, c’est le contrat journalier !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Car telle est la vérité. Je comprends votre désarroi, qui est triple. Tout d’abord, vous découvrez une situation – la précarité des jeunes – à laquelle vous aviez fini par vous habituer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gaëtan Gorce. C’est faux !

M. Maxime Gremetz. Les gens compétents que j’ai cités ne sont pas de votre avis !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Sous la majorité précédente – dois-je le rappeler –, 600 000 contrats précaires publics étaient occupés de façon permanente par de jeunes, voire de moins jeunes Français. De surcroît, les CES et les CEC n’étaient, à l’époque, assortis d’aucuns droits sociaux : ils ont été rétablis récemment. À l’époque, ces contrats ne servaient qu’à faire patienter les jeunes. Ça, c’était de la vraie précarité.

Mme Muguette Jacquaint et M. Maxime Gremetz. Certainement pas !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais votre désarroi relève également de votre refus d’accepter les évolutions de vos camarades socialistes et sociaux-démocrates européens, qui, loin de s’engager sur vos traces, se dirigent à la fois vers plus de sécurité et plus de flexibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. Vous savez parfaitement que les syndicats allemands n’auraient jamais accepté ce que vous proposez ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) A quel parti faites-vous allusion ? Vous ne savez même pas de quoi vous parlez !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Enfin, votre désarroi est tel que vous voulez absolument ranger ces deux années de consolidation sous une autre catégorie que la leur. Mais la réalité n’est pas ce que vous prétendez ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Mesdames et messieurs, je suis au regret de vous dire que les deux années de consolidation ne sont pas deux années de période d’essai. Si vous affirmez le contraire, c’est que vous ignorez ce qu’est une période d’essai.

Monsieur le président Ayrault, une période d’essai, par définition, n’est assortie d’aucune obligation de préavis et ne donne droit à aucune indemnité de rupture, à aucun droit à la formation ni au Locapass. Voilà toute la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La véritable question, ce n’est donc pas l’instauration d’une nouvelle période d’essai, c’est l’introduction, ou mieux l’invention d’une période de consolidation dans deux cas particuliers, la toute petite entreprise et le jeune adulte de moins de vingt-six ans dans le cadre de ses premières expériences – car il ne sera pas concerné par le CPE s’il a déjà effectué un contrat d’apprentissage, un long contrat de professionnalisation ou un ou deux CDD dans la même entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C’est faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, vous n’avez pas la parole ! Laissez M. le ministre s’exprimer !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pour résumer, votre désarroi provient de votre incapacité à imaginer qu’on puisse faire progresser les pratiques et le droit.

M. Maxime Gremetz. Qu’est-ce que vous en savez ? Vous n’avez jamais mis les pieds dans une entreprise !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président Ayrault, on peut discuter des heures et des heures des amendements ou de la forme du débat. La réalité de ce texte,…

M. Maxime Gremetz. C’est qu’il est mauvais !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …c’est de répondre à une question toute simple : comment faciliter, en France, pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, l’accès à l’apprentissage ou à la professionnalisation ? C’est la raison pour laquelle les exonérations sociales ne sont prévues que pour les jeunes au chômage depuis plus de six mois : il s’agit d’éviter tout effet d’aubaine. Mais ce que nous voulons, c’est permettre aux jeunes de faire le pari de l’entreprise et à l’entreprise de parier sur les jeunes !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! Vous avez tout faux !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ces préoccupations, je le conçois aisément, sortent de votre champ habituel de pensée : elles vous désarçonnent.

Mme Hélène Mignon et Mme Marylise Lebranchu. Oh non !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Elles sont, pour vous, difficiles à intégrer ! Mais, en réalité, cette logique représentera une avancée du droit social, et non un recul ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Comme l’avait titré Le Monde, dès le 17 janvier dernier, à l’annonce du CPE : « Chiche ! » Eh bien, essayons ! A-t-on le droit, en effet, de ne pas essayer une nouvelle voie ? Elle ne sera pas la voie unique. Il sera toujours possible aux jeunes d’accéder directement à des CDI. Et il y aura encore vos CDD adorés, vos intérims adorés, vos stages adorés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Marylise Lebranchu. Vous n’avez pas le droit de dire cela !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais, en plus, il y aura le CPE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre de l’emploi, je suis pour un débat le plus franc possible. Mais, de grâce, répondez aux questions que nous vous posons ! Ne répondez pas en maniant l’invective ou la caricature !

M. Maxime Gremetz. Comment pourrait-il faire autrement ?

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez évoqué les partis sociaux-démocrates ou socialistes européens : croyez-vous que ces partis, en Suède, au Danemark ou en Allemagne, ou encore que les organisations syndicales de ces mêmes pays auraient accepté le quart de ce que vous proposez ? Vous savez bien que non !

Plusieurs députés de l’Union pour un mouvement populaire. Et la Grande-Bretagne ?

M. Jean-Marc Ayrault. Nous vous la laissons : la conception du parti travailliste n’est pas la nôtre et nous assumons notre différence avec Tony Blair. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Pourtant, Ségolène est plutôt d’accord avec lui ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Borloo, pourquoi refusez-vous de répondre à nos questions, qui sont pourtant des questions de fond ?

M. Lucien Degauchy. Parce que vous posez des questions idiotes !

M. Jean-Marc Ayrault. Selon vous, il est grand temps de passer au vote du texte car il faut agir vite contre la précarité des jeunes, et nous ferions, nous, preuve d’immobilisme ! Ce procès d’intention est inacceptable ! Quand nous vous posons des questions sur un amendement gouvernemental de trois pages et que nous vous demandons des garanties, vous ne nous répondez pas !

M. Lucien Degauchy. Posez des questions intelligentes, le ministre vous répondra !

M. Jean-Marc Ayrault. Quand nous vous demandons pourquoi vous vous asseyez sur la loi Fillon, que vous-même avez fait adopter, vous ne nous répondez pas. Je le répète : il s’agit pourtant de questions essentielles qui ne relèvent pas de la tactique politicienne. Je constate, de nouveau, et alors que la séance va être levée, que vous vous êtes de nouveau dérobé. Ce soir, monsieur le ministre, nous vous poserons les mêmes questions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président Ayrault, il y a exactement sept jours, ici même, question préalable et renvoi en commission ont été défendus. Ces motions ont donné lieu à un débat approfondi. Or, ce soir, j’ai l’impression de me retrouver à mardi dernier ! Il est temps, enfin, de passer au texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :

Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)