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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 8 février 2006

139e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Égalité des chances

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion après déclaration d’urgence du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).

M. Maxime Gremetz. Le quorum n’est toujours pas atteint ce matin !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Je proteste contre les conditions dans lesquelles se déroulent nos débats : elles ne cessent en effet d’empirer.

Il n’est pas d’usage que l’Assemblée siège le mercredi matin. Nous avons des réunions de commissions : celle des affaires culturelles et sociales, à laquelle j’appartiens, va auditionner M. Donnedieu de Vabres sur les questions relatives au droit d’auteur ; Alain Vidalies, qui intervient dans ce débat pour notre groupe, est retenu en commission des lois pour examiner un texte relatif aux successions.

Il est totalement inadmissible que le Gouvernement, dans sa précipitation, puisse ainsi modifier l’ordre du jour. Qu’a-t-il à craindre ? Le président a indiqué que nous pourrions poursuivre nos travaux jusqu’à dimanche.

Pourquoi donc, sinon pour rendre le travail de l’opposition plus difficile encore, nous obliger à venir le mercredi matin ?

Ce projet de loi relatif à l’égalité des chances nous a été transmis au dernier moment et l’ordre du jour a dû être bouleversé. On veut à présent nous obliger à débattre dans des conditions hautement suspectes, que je veux dénoncer solennellement malgré l’indifférence du Gouvernement. L’Assemblée nationale est il est vrai traitée, depuis quelques années, d’une façon qui n’honore ni nos institutions ni ceux qui en usent ainsi avec elles.

Je suis prêt à utiliser tous les moyens permis par la procédure pour que le Gouvernement nous laisse la possibilité de débattre dans des conditions convenables.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Je constate une fois de plus que nos questions restent sans réponses. De mémoire de député, je n’ai jamais vu chose aussi insensée et aussi osée, du point de vue démocratique, que cet amendement du Gouvernement. Ses trois pages et demie ont valeur de projet de loi : elles remettent en cause, et pour longtemps, l’ensemble du code du travail français. Et l’on voudrait les faire passer ainsi ?

Il y va de notre projet de société : ou bien la stabilité, la sécurité professionnelle, l’emploi et la formation, ou bien une société éclatée, dérégulée, sans droits et sans protections pour les salariés, comme vous le proposez à la suite du MEDEF.

Quant aux conditions du débat, malgré l’engagement du Premier ministre, les organisations syndicales n’ont appris que dans la presse – comme nous – que le CPE serait présenté sous la forme d’un amendement. Fait extraordinaire : de même que pour l’apprentissage junior, aucune consultation avec les organisations syndicales n’a eu lieu !

Non content de faire la sourde oreille, le Gouvernement accélère le pas : on réunit la commission le soir, en nous enjoignant de déposer les amendements avant 21 heures. Nous arrivons : pas de texte. M. Borloo vient avec ses collègues du Gouvernement pour nous parler du CPE mais ce dernier ne figure pas dans le projet de loi. M. Borloo considère sans doute qu’il s’agit d’une bagatelle ! Nous essayons de l’interroger : honteusement, il se sauve et prétend avoir autre chose à faire ! Il refuse donc de nous répondre sur le CPE. Nous avons sur la table un amendement de plusieurs pages – si ce n’est pas un cavalier, qu’est-ce que c’est ? – et on nous refuse la suspension de séance que nous demandions pour nous consulter. On ne peut pas discuter !

Et aujourd’hui, on continue dans la même voie : on ne peut pas déposer de sous-amendement pour améliorer cet amendement n° 3 rectifié sans se voir objecter que nous le rejetons ! Conclusion : on nous empêche d’abord de déposer des amendements et ensuite de discuter !

Sur le fond,…

Mme Valérie Pecresse. Chiche !

M. Maxime Gremetz. …nous posons des questions qui restent sans réponse. Dans ma longue carrière – ou plutôt vie : si le ministre du travail ne m’avait pas licencié, je ne serais jamais devenu député –, je n’ai vu gouvernement oser une chose pareille !

Si le Gouvernement veut ainsi expédier les débats et passer en force, c’est qu’il sait très bien que 58 % des Français sont opposés au CPE. Je le redis avec force au nom de mon groupe : c’est inadmissible !

Je ne comprendrais pas, monsieur le président, qu’emboîtant le pas au Gouvernement, le président de l’Assemblée nationale, qui entend redonner toute sa place au Parlement, laisse faire cela. J’en appelle donc à votre sagesse pour inviter le Gouvernement à répondre enfin aux vraies questions.

Exemple de question précise, monsieur le ministre : combien coûteront le CNE et le CPE en exonérations patronales ? Après avoir supprimé toutes les cotisations sociales, on dira encore que la sécurité sociale est en déficit. Il faudra alors dérembourser des médicaments, augmenter le forfait hospitalier, etc. Comme dirait votre ami Barroso, chers collègues de la majorité, les Français sont des malades imaginaires !

M. Jean Auclair. Il y en a qui ne sont pas imaginaires !

M. Maxime Gremetz. Cessons donc avec cette logique.

Monsieur le président, si le Gouvernement se refuse à répondre à nos questions, nous sommes déterminés à ne pas le laisser tenter un coup de force.

M. Jean Auclair. C’est vous qui le tentez !

M. Maxime Gremetz. Nous utiliserons à cet effet tous les moyens du règlement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour un rappel au règlement.

M. Francis Vercamer. Je voudrais rappeler mes collègues de l’opposition à la raison.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Francis Vercamer. Cela fait plusieurs jours qu’ils font de l’obstruction contre ce texte. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous préférons discuter sur le fond plutôt que sur la forme. Certes, celle-ci est condamnable. Mais expliquons à présent pourquoi nous désapprouvons le CPE.

Pour ma part, je ne désespère pas de convaincre mes collègue de l’UMP de voter les sous-amendements qui modifient l’amendement relatif au CPE, ou de revenir aux dispositions de l’actuel code du travail.

M. Maxime Gremetz. Vous savez bien qu’il ne le veulent pas ! Ils n’ont pas cette liberté !

Mme Christine Boutin. Nous l’avons, monsieur Gremetz !

M. Francis Vercamer. À l’UDF, nous sommes défavorables au CPE car nous estimons qu’il répond mal aux problèmes des jeunes victimes de discriminations ou sans qualification.

Il n’apporte pas davantage de solution aux nombreuses offres d’emplois non pourvues. Au cours des dix prochaines années, en raison des quelque 600 000 départs en retraite annuels, des millions d’emplois vont en effet être offerts sur le marché du travail.

Je ne parle pas de la précarité : je ne désespère pas sur ce point non plus de voir nos collègues de l’UMP voter pour les dispositions que nous proposerons afin de la combattre.

M. Maxime Gremetz. Votre foi est admirable !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Gremetz m’a demandé combien coûteraient nos mesures en faveur de l’emploi. La réponse est : rien !

M. Maxime Gremetz. Qui donc va payer ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Aucune exonération n’est spécifiquement liée au CNE ou au CPE. Les exonérations que nous avons prévues pour les chômeurs de plus de six mois s’étendent à tous les contrats. Je vous rassure donc, monsieur Gremetz : en votant le CPE avec la majorité, vous ne ferez aucun cadeau de plus au grand patronat !

M. Maxime Gremetz. Vous ne vous en tirerez pas aussi facilement !

Discussion des articles (suite)

Après l’article 3 (suite)

M. le président. Hier soir, le vote sur le sous-amendement n° 418 après l’article 3 a été reporté, en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 418.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 419.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Nous en sommes toujours à essayer de définir les contours du premier alinéa de cet amendement n° 3 rectifié du Gouvernement, qui, à lui seul, s’apparente à un projet de loi.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir répondu à certaines questions que nous vous avons posées au cours de la séance d’hier soir. Les employeurs peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche, un CPE : la notion de « nouvelle embauche » inclut donc toute embauche. Ainsi, une personne licenciée dans le cadre d’un CPE peut être remplacée par une autre personne à son tour embauchée avec le même contrat : cela a le mérite de la clarté. Cependant, il ne s’agit pas véritablement d’une « nouvelle embauche », puisque aucun nouveau poste n’aura été créé.

Hier soir vous nous avez expliqué – je parle sous votre contrôle – que les employeurs pouvaient faire appel au CPE autant qu’ils le souhaitaient, sans limitation.

J’espère que vous pourrez nous éclairer sur un dernier point : beaucoup de jeunes – dont certains manifestaient hier pour dénoncer votre projet – pensent encore que le contrat première embauche est le pied à l’étrier et qu’il représente leur premier contrat. De fait, le nom de « contrat première embauche » induit bien qu’il ne s’agit pas d’une deuxième ou d’une troisième embauche ! Si tel était le cas, nous serions face à un mensonge d’État. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et vous seriez d’une grande malhonnêteté.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Que de mots !

M. François Brottes. Ce serait en effet falsifier la langue française. Baptisez votre projet autrement si vous le voulez honnête : si un jeune signe plusieurs fois ce contrat, c’est que ce dernier ne mérite plus son nom ! Je vous demande, monsieur le ministre, de nous répondre avec une clarté absolue sur ce point. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement concerne les assistantes maternelles et M. Brottes n’en a pas dit un mot ! Je vous le dis amicalement : vous pourriez au moins suivre votre texte…

M. François Brottes. Ça suffit ! Nous parlons de choses sérieuses !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je précise à ce sujet, monsieur le président Warsmann, qu’en application d’un texte à l’origine duquel vous êtes, relatif aux assistantes maternelles, M. Philippe Bas, ministre compétent en la matière, viendra présenter un bilan à la fin du mois de février ou au début du mois de mars.

Avis défavorable sur le sous-amendement n° 419.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement a fait hier soir un aveu de taille, je le dis pour ceux de nos collègues qui n’étaient pas là.

M. Robert Lamy. Tout le monde était au courant !

M. Maxime Gremetz. Au courant de quoi ?

M. Robert Lamy. Des débats !

M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je suis moi aussi au courant qu’il pleut, par exemple !

Monsieur le ministre, vous avez dû admettre hier que le CPE était indéfiniment renouvelable. Si le jeune signe un nouveau CPE dans la même entreprise, un délai de trois mois est requis.

Par exemple, dans la zone industrielle d’Amiens, il peut accomplir un CPE chez Valeo. Au bout de deux mois, il est licencié ; il peut alors enchaîner sur un autre CPE chez Dunlop, puis encore un autre chez Carbone Lorraine, chez Plastic omnium, etc. Tous les deux mois, il peut être licencié et travailler dans ces conditions. Voilà les garanties que vous lui offrez ! Il s’agit, en fait, d’un véritable turn over : on fait valser les jeunes ! Et les moins jeunes aussi, d’ailleurs ! Car ils pourront être en CPE pendant des années ! C’est clair puisque M. le ministre l’a confirmé hier !

M. Alain Néri. Le CPE, c’est le contrat perpétuel d’exclusion !

M. Maxime Gremetz. La loi le prévoit ! Pas la loi, d’ailleurs, mais ce formidable amendement du Gouvernement ! Je le répète : le ministre l’a confirmé.

Cela signifie par conséquent que c’est un contrat journalier, puisque le jeune salarié peut recevoir chaque matin une lettre lui annonçant qu’il est licencié, sans motif, et puisqu’il n’a aucune possibilité de contester ce licenciement.

C’est bien dire que vous instituez la précarité généralisée. Et quand vous prétendez que le CPE est plus favorable aux jeunes que le CDD, vous mentez, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et je vous le démontrerai tout à l’heure, car j’ai les chiffres ! Dans ce domaine, en effet, il faut disposer des documents, car on ne peut pas dire n’importe quoi !

M. Robert Lamy. En effet !

M. Maxime Gremetz. Vous prétendez aussi que cela ne coûtera rien. C’est facile à faire croire quand on est seul face à l’opinion publique. Mais pas ici, pas à nous ! Pour nous, il est évident qu’il y aura un manque à gagner. Et la contradiction est patente, car c’est en créant des emplois qu’on fait rentrer de l’argent pour la sécurité sociale. Cette mesure qui ne prévoit aucune contrepartie en termes de créations d’emplois revient à faire encore des cadeaux. Et à qui ? Aux petites et moyennes entreprises ? Pas du tout, puisque, pour elles – moins de vingt salariés – c’est le CNE qu’on a prévu. Le CPE, lui, peut être utilisé dans toutes les entreprises, y compris celles qui figurent au CAC 40 et qui ont fait 57 milliards d’euros de profits. On va encore les faire bénéficier d’exonérations et, en plus, leur fournir des salariés sans défense, qui ne pourront faire grève ou revendiquer quoi que ce soit sans craindre de recevoir, dès le lendemain, leur lettre de licenciement !

On n’a jamais vu ça dans ce pays ! Il est vrai qu’on n’a jamais assisté à tant de régression sociale ! Vous marchez côte à côte avec Mme Parisot et vous frappez ensemble.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mme Parisot est contre le CPE !

M. Maxime Gremetz. Car ce que vous voulez, tous les deux, c’est que, demain, plus aucun contrat à durée indéterminée ne soit conclu. Et vous voulez flexibiliser et précariser l’emploi pour l’ensemble des salariés ! Car lorsqu’on est en situation précaire, on est moins apte à faire valoir ses droits et à faire respecter sa dignité. Voilà la vérité, monsieur le ministre !

Alors répondez-moi : à combien peut-on évaluer le manque à gagner en cotisations patronales, à cause des exonérations dont ces messieurs du CAC 40,…

M. Robert Lamy. Il est obsédé par le CAC 40 !

M. Maxime Gremetz. …ceux qui délocalisent aujourd’hui – Whirlpool et tant d’autres – vont bénéficier ? Quel est le manque à gagner à la fois pour l’État, pour la sécurité sociale et pour l’UNEDIC ?

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour répondre à la commission.

M. François Brottes. Oui, je vais répondre à la commission, ne pouvant le faire au ministre, puisqu’il n’a pas daigné répondre à mon interpellation, ce qui n’a pas manqué de troubler quelque peu nos collègues de l’UMP ! (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Pas du tout ! Nous ne sommes pas troublés !

M. François Brottes. Comment peut-on nous accuser de chercher à gagner du temps ou de tourner en rond,…

M. Maxime Gremetz. Ce sont les jeunes qui vont tourner en rond avec le CPE !

M. François Brottes. …comme vient de le faire le président de la commission dans sa brève apparition ? Pour nous, à présent, il s’agit d’exclure un certain nombre de professions du dispositif proposé, en l’occurrence les assistantes maternelles. Les sous-amendements à l’amendement du Gouvernement sont le seul moyen dont nous disposions pour traiter au fond de la question qui nous intéresse. Alors, qu’on ne nous reproche pas la méthode : nous n’en avons pas d’autre pour éclairer le texte de loi qu’on veut nous faire voter !

Mais revenons au premier alinéa de l’amendement. Laisser penser qu’un jeune peut, avec ce contrat, avoir une première embauche est un mensonge…

M. Maxime Gremetz. Un mensonge d’État !

M. François Brottes. …et constitue une grave malhonnêteté. Car si j’interprète bien votre absence de réponse, monsieur le ministre, on pourra signer plusieurs contrats première embauche au cours de sa vie. Les mots ont un sens dans la langue française, et une deuxième embauche n’est pas une première embauche !

M. Alain Néri. Arnaque !

M. François Brottes. Oui, c’est vraiment une arnaque !

M. Maxime Gremetz. Exactement !

M. François Brottes. Il n’y a pas d’autre mot, monsieur le ministre, à moins que vous ne démentiez, maintenant, que plusieurs contrats première embauche puissent être signés.

M. Alain Néri. C’est grave !

M. François Brottes. Il faut dire clairement aux jeunes que ce contrat première embauche est le seul auquel ils auront droit jusqu’à l’âge de vingt-six ans, que ce soit leur première, leur deuxième ou leur quinzième embauche !

M. Maurice Giro. Jusqu’à la retraite, pendant que vous y êtes !

M. François Brottes. C’est ça qui est scandaleux ! Alors, ne l’appelez plus « contrat première embauche » mais « contrat jeune », ou plutôt « contrat de précarité pour les jeunes » ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La loi s’écrit avec des mots qui ont un sens. L’appellation que vous avez choisie est inadmissible car vous savez pertinemment – à moins que vous ne me démentiez et c’est pour cela que je vous sollicite une fois de plus – que ce contrat première embauche pourra être signé plusieurs fois par le même jeune salarié.

M. Alain Néri. C’est donc bien un contrat perpétuel d’exclusion, monsieur Larcher !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. M. Gremetz sait bien qu’il a la possibilité de sous-amender, et il ne s’en prive pas ! Alors, puisqu’il regrette que le CPE ne soit possible que pour les grandes entreprises, libre à lui de présenter un sous-amendement qui l’étende à l’ensemble des entreprises ! (M. Maxime Gremetz proteste.)

Mais revenons au fond du problème. Vous dénoncez un « mensonge d’État »...

M. Maxime Gremetz. Non pas un mensonge d’État, car l’État est neutre, mais un mensonge du Gouvernement !

M. Alain Joyandet. …mais la vérité est que, même dans la situation la pire que vous évoquez, c’est-à-dire…

M. Maxime Gremetz. Quand les salariés tournent en permanence !

M. Alain Joyandet. Oui, j’ai compris, monsieur Gremetz ! Comme nous nous sommes couchés tôt hier soir, nous avons l’esprit clair ce matin !

Admettons donc, en envisageant concrètement le pire, qu’un jeune signe successivement plusieurs CPE chez différents employeurs…(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Brottes. Donc, vous admettez que c’est possible !

M. Maxime Gremetz. Enfin, un aveu !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Alors, dites-le clairement !

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Joyandet s’exprimer.

M. Alain Joyandet. Vous ne pouvez pas sans cesse rabâcher que nous mentons (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et nous empêcher de parler lorsque nous disons la vérité ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Ce que je veux dire, si toutefois je le peux, c’est que même dans le pire cas que vous imaginiez, la personne concernée sera dans une situation meilleure…(Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Laissez-moi donc continuer ! Elle sera en meilleure situation que tous ces jeunes qui enchaînent… (Mêmes mouvements) Je vais essayer d’être concret si vous me laissez m’exprimer… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Quand on aborde le débat au fond et qu’on regarde les choses concrètement, cela vous ennuie parce que cela démonte vos arguments, voilà la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Un jeune qui enchaîne quatre, cinq, voire six CDD de deux mois…

Mme Marylise Lebranchu. Ce n’est pas pareil !

M. Alain Joyandet. Mais si ! Puis-je développer mes arguments sans être sans cesse interrompu ?

M. Maxime Gremetz. Alors, ne dites pas trop de bêtises ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Un peu de respect, mes chers collègues !

Monsieur Joyandet, vous avez la parole, achevez votre intervention !

M. Alain Joyandet. Monsieur Gremetz…

M. le président. Monsieur Joyandet, vous ne débattez pas qu’avec M. Gremetz : adressez-vous à l’ensemble de l’Assemblée.

M. Alain Joyandet. Je voulais simplement dire à M. Gremetz que si l’on établissait un palmarès des bêtises proférées par les députés, il ne serait pas très loin du podium ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Sans doute parce que je suis plus présent que vous !

M. Alain Joyandet. Que vous ayez davantage parlé que moi dans ce débat, c’est possible, mais que vous ayez été plus présent, ce n’est pas sûr !

Si je peux aller au bout, monsieur le président…

M. le président. Allez-y donc !

M. Maxime Gremetz. Il a du mal : il ne sait plus par quel bout le prendre !

M. Alain Joyandet. Vous, je sais quel bout vous tenez et je préfère vous laisser à votre place !

M. le président. Achevez votre propos, monsieur Joyandet !

M. Alain Joyandet. À choisir, disais-je, je préférerais être dans la peau d’un jeune qui va éventuellement enchaîner deux CPE que de celui qui va enchaîner deux CDD ou deux intérims,…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah ! Bravo !

M. Alain Joyandet. …ne serait-ce que parce qu’un jeune en CPE aura déjà droit, au bout de quatre mois, aux indemnités de chômage, ce qui n’est pas le cas pour les autres contrats !

Deuxième argument : il aura accès au logement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. Alain Joyandet. Troisième argument : il aura accès au financement (« Mensonges ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) car il s’agit d’un contrat à durée indéterminée, qui sera reconnu comme tel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Cohen. Là est le leurre !

M. Alain Joyandet. Les avantages que je viens d’énumérer, est-ce vrai ou faux ? (Mêmes mouvements.)

C’est la vérité et c’est bien ce qui vous embête !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 419.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance pour consulter mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures cinquante-cinq, est reprise à dix heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 420.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Monsieur le ministre, hier, vous avez fait l’éloge du CPE en nous indiquant les nouvelles garanties qui y sont assorties : les motifs de licenciement, par exemple, seront soumis au contrôle du juge. Or, dans cette procédure, le salarié ne pourra pas bénéficier de l’entretien préalable qui, je le rappelle, protège le salarié. Certes, tous les patrons ne se comportent pas comme des sagouins envers leurs salariés, mais il est malheureusement prouvé, dans certains cas, que le code du travail est une nécessaire protection pour les salariés. Le patron, n’ayant pas à invoquer les motifs de licenciement, pourra dire à un salarié : « Pour diverses raisons, vous ne me plaisez plus. Aussi, circulez, il n’y a rien à voir ! » Quel contrôle le juge pourra-t-il exercer ?

Vous affirmez que les garanties nouvelles permettront de mieux lutter contre les discriminations. Mais le fait que le patron n’ait plus à invoquer de motif de licenciement ne constitue-t-il pas un risque de dérive, en lui permettant justement de dissimuler un motif discriminatoire ?

C’est pour nous une raison supplémentaire de dire que ce contrat, très mal ficelé, n’a rien à voir avec ce que vous prétendez et que ces garanties nouvelles dont vous vous réclamez ne sont qu’une nouvelle source de précarité pour les salariés, notamment les jeunes.

Enfin, en réponse aux questions de François Brottes, certain député, qui semble plus courageux que le Gouvernement, vient d’avouer que les CPE pourraient être enchaînés.

M. Alain Joyandet. Et alors ?

M. Philippe Vuilque. C’est précisément ce qui nous inquiète, car ce n’est plus alors une « première embauche ». Comme l’a dit M. Brottes, cette expression signifie, pour un jeune, une première embauche qui débouchera sur une embauche définitive. François Brottes a parlé d’« arnaque ». Je reprends le terme, car ces nouvelles garanties ne sont que des leurres. En tout cas, nous préférerions que ce soit vous, monsieur le ministre, qui répondiez à nos questions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

Pour la réponse, je vous renvoie à la page 30 du compte rendu analytique de la séance d’hier après-midi.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. La langue française est suffisamment riche pour que chaque mot ait un sens précis. Monsieur le ministre, nous vous posons des questions claires et précises et nous attendons des réponses claires et précises. Vous nous parlez de première embauche : comme vient de le rappeler excellemment M. Vuilque, il y a première embauche la première fois que le jeune signe un contrat, ce qui signifie que le contrat suivant est définitif.

M. Alain Joyandet. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Néri. Monsieur Joyandet, je vous remercie de cet aveu. Nous attendons que M. le ministre ait le courage de dire à la représentation nationale qu’il s’agit d’un contrat perpétuel de première embauche.

C’est un retour au XIXe siècle,…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pourquoi pas au XVIIIe siècle, pendant que vous y êtes !

M. Alain Néri. …à l’époque où l’on convoquait les ouvriers le matin pour travailler la journée, tout en disant : « Demain il n’y aura peut-être pas de travail : aussi on vous licenciera. Mais vous reviendrez après-demain ! » Avec votre système, cela redeviendra possible, puisqu’il s’agira toujours de la première embauche. Vous rétablissez une précarité oubliée depuis longtemps dans notre pays.

Monsieur le ministre, il faut jouer franc-jeu : les jeunes doivent savoir à quelle sauce vous allez les manger ! Ils seront de nouveau taillables et corvéables à merci, comme aux temps des maîtres de forges, ce qui, d’ailleurs, ne nous étonne pas. Ayez le courage de le reconnaître !

Vous vous plaignez de l’absence d’esprit et de culture d’entreprise, vous n’avez à la bouche que ce mot : « entreprise » !

M. Jean Auclair. Et alors ?

M. Alain Néri. Quand la droite s’exprime, elle ne parle jamais des employés ! Mais il n’y a pas d’entreprise sans les salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cela vaut dans les deux sens !

M. Alain Néri. Seulement, vous allez toujours dans le même sens : vous parlez de bénéfices pour l’entreprise, mais jamais pour les salariés. C’est ce qui nous différencie !

M. Ghislain Bray. Vous marchez sur la tête !

M. Jean Auclair. Vous n’avez vraiment rien compris !

M. Alain Néri. Mais, aujourd’hui, les masques tombent.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Laissez donc tomber le vôtre, et parlons vraiment !

M. Alain Néri. Nous posons des questions précises, qui demeurent sans réponses. Vous qui parlez toujours de la culture d’entreprise, comment voulez-vous qu’un jeune qui sait qu’à tout moment il peut être licencié sans motif se sente vraiment partie prenante ?

Mme Nadine Morano. N’importe quoi !

M. Maxime Gremetz. Nos collègues de la majorité ne savent plus quoi dire ! Ils se demandent quel accueil leur sera réservé dans leur circonscription !

M. le président. Laissez M. Néri conclure, mes chers collègues !

M. Philippe Vitel. Et ce jeune, où est-il aujourd’hui ?

M. Alain Néri. Nous en voyons malheureusement beaucoup dans nos permanences !

Monsieur le ministre, vous souhaitez que le débat s’accélère. Si vous aviez le courage de dire que le contrat première embauche est en réalité un contrat perpétuel d’exclusion, nous saurions où nous en sommes et les choses pourraient aller plus vite. M. Joyandet vient de lever le voile. Alors, monsieur le ministre, ayez le courage de confirmer ses propos !

M. Philippe Vitel. Ils ne savent plus quoi dire !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je vais essayer de démontrer à nos amis de l’UMP…

M. Jean Auclair. Dites plutôt « nos ennemis » !

M. Francis Vercamer. …que le contrat première embauche n’est pas la réponse adaptée au problème actuel.

Je prends pour exemple la rupture de contrat non motivée. Selon l’article 4 de la convention 158 de l’OIT, que la France a signée en 1982, un travailleur ne doit pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Francis Vercamer. L’article 2 indique que les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas l’ancienneté requise, à condition que celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable, n’ont pas à avoir un licenciement motivé. Cela signifie que, lorsque la période d’essai est raisonnable, on n’est pas obligé de motiver un licenciement. Que se passera-t-il lorsque l’entreprise rompra un CPE, après une période raisonnable que la Cour de cassation, je le rappelle, estime à trois mois ? Le salarié ira devant le juge pour contester son licenciement en invoquant la convention 158.

Constatant que le licenciement n’est pas motivé, le juge va requalifier le CPE en CDI et décider qu’il y a rupture abusive. Pensez-vous qu’il soit du rôle du législateur de laisser les entreprises dans une incertitude juridique permanente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Ce ne peut être qu’un frein pour l’emploi !

Voilà pourquoi le CPE n’est pas, selon nous, une bonne réponse. J’ai tenté de vous en convaincre en prenant le point de vue de l’employeur, mais je pourrais tout aussi bien adopter celui du salarié. Croyez-vous, en effet, qu’un jeune, licencié sans motif au bout d’un an, pourra considérer que la société française a répondu à ses attentes ? Il se retrouvera sur le carreau sans même savoir pourquoi !

Les raisons de notre opposition au CPE n’ont donc rien de dogmatique, mais sont d’ordre pratique. J’ai en effet montré qu’il entraînerait une incertitude juridique pour les entreprises, et je reviendrai tout à l’heure, monsieur le président, sur les raisons pour lesquelles il ne constitue pas non plus une bonne réponse du point de vue des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Vous soulevez, monsieur Vercamer, la question du délai raisonnable, que j’ai abordée lors de la présentation de l’amendement. Laissez-moi vous lire un extrait de la décision du Conseil d’État en date du 19 octobre 2005, relative à la prise en compte de la convention internationale du travail n° 158 et de la charte sociale européenne : « Considérant, en second lieu, qu’en vertu des stipulations du b) du paragraphe 2 de l’article 2 [de la convention n° 158], les États parties peuvent exclure certains travailleurs du champ d’application de tout ou partie des dispositions de cette convention,… »

Mme Marylise Lebranchu. Et voilà !

M. Maxime Gremetz. C’est bien ce que vous faites !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. « …notamment ceux n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ; que l’annexe à la charte sociale européenne ouvre aux États parties la même possibilité de dérogation ; … »

M. Maxime Gremetz. Il fallait voter non !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. « …qu’en l’espèce, eu égard au but en vue duquel cette dérogation a été édictée […] ». À ce sujet, je vous rappelle, à vous qui n’avez que le mot « licenciement » à la bouche, que notre préoccupation, c’est l’embauche, l’emploi, la réduction du chômage ! Je poursuis ma citation : « Eu égard au but en vue duquel cette dérogation a été édictée et à la circonstance que le "contrat nouvelles embauches" est un contrat à durée indéterminée, la période de deux ans pendant laquelle est écartée l’application des dispositions de droit commun relatives à la procédure de licenciement et aux motifs pouvant le justifier peut être regardée comme raisonnable, au sens de ces stipulations. »

M. Maxime Gremetz. Quel aveu !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Par ailleurs, lorsque M. Néri raconte que l’on pourra embaucher le matin et licencier le soir, il montre qu’il n’a pas lu l’amendement, puisque celui-ci prévoit un préavis de deux, voire de quatre semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaite également répondre à une question récurrente, évoquée par M. Joyandet : est-ce qu’un jeune peut bénéficier de plusieurs contrats première embauche ? Je vous renvoie sur ce point à l’alinéa 6 de l’amendement n° 3 rectifié : si nous avons prévu de prendre en compte la durée des CDD et des contrats d’intérim dans le calcul de la période de consolidation, c’est bien parce qu’il est possible de signer d’autres contrats. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le CPE n’est donc pas nécessairement le premier contrat de travail signé par le jeune concerné, mais c’est celui qui doit enfin lui offrir une insertion durable et la fin du parcours de la galère. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je vous renvoie aux propos que j’ai tenus lors de la séance d’hier après-midi – page 30, lignes 1 à 14 du compte rendu analytique – et, pour les compléter, je précise que le juge peut être saisi pour abus de droit.

Ces quelques réponses devraient, mesdames, messieurs les députés, vous éclairer sur de nombreux points et permettre d’éviter les répétitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. C’est laborieux !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Chez moi, en Picardie, on dit de quelqu’un comme vous qu’il est empatouillé : enfoncé dans la glaise, sans parvenir à en sortir. Devant chacune de vos tentatives, un obstacle se dresse, et vos contradictions sont flagrantes.

J’ai sous les yeux un journal.

M. Jean Auclair. Charlie-Hebdo ?

M. Maxime Gremetz. Non, Les Échos. Constatant que vous ne le lisez jamais, je suis bien obligé de l’apporter et de vous en faire la lecture. Sous le titre « De nouvelles mesures dérogatoires introduites discrètement », un tableau montre que les pays où l’on « flexibilise » le plus et où les contraintes sont les plus faibles ne sont pas, contrairement à ce qui est prétendu, ceux qui créent le plus d’emplois. Quand vous affirmez que le CPE va permettre de créer plus d’emplois, c’est donc faux ! Les comparaisons internationales, et surtout européennes, le montrent.

Par ailleurs, vous avez dit hier, monsieur le ministre – et le texte de l’amendement le confirme –, que l’on ne peut pas renouveler un contrat première embauche dans la même entreprise sans attendre trois mois. Mais on peut très bien, comme je l’ai déjà dit, passer d’une entreprise à l’autre, aller de Valeo à Carbone Lorraine, puis revenir chez Valeo avant de passer un contrat chez Galia, etc. C’est la réalité.

J’ajoute, monsieur le ministre, si vous daignez m’écouter…

M. le président. Nous vous écoutons, monsieur Gremetz ; veuillez poursuivre.

M. Maxime Gremetz. Le ministre ne m’écoute pas, lui. Or c’est à lui que je pose ma question.

Vous affirmez qu’il n’y aura aucun manque à gagner pour l’État. Mais que vont coûter les exonérations de charges patronales liées au CPE ? Aujourd’hui, les allégements, dont M. Seguin a dit tout le mal qu’il en pensait, vont jusqu’à 1,8 SMIC et représentent 23 milliards. Quelle aubaine ! Or les CNE et les CPE vont donner lieu, pendant trois ans, à une exonération totale des cotisations patronales. Et cet argent ne manquerait pas à l’État ? Même les entreprises multinationales du CAC 40, qui ont gagné 57 milliards d’euros en 2004, y auront droit si elles ont recours à des CPE. Comme si elles avaient besoin de ça pour embaucher ! Quel cadeau royal !

Pour M. Joyandet – et le ministre a dit la même chose –, un CPE vaut mieux qu’un CDD. Mais si un jeune enchaîne plusieurs CDD de suite, le juge peut les requalifier en CDI. Une organisation syndicale peut même exercer l’action en justice au nom du salarié, en vertu de l’article L. 122-3-16 du code du travail. Tandis qu’un nouveau CPE, signé trois mois après la rupture du premier par l’employeur, ne pourra donner lieu à aucun recours. Pas de CDI, pas d’emploi stable ! Les CPE pourront se succéder sans motif, sans recours, sans contrôle : un jeune pourra en signer trois de suite, en étant chaque fois licencié au bout de deux ans. Et, après vingt-six ans, il pourra passer au CNE. Cela fait beaucoup d’années de précarité !

Vous avez peut-être vu à la télévision le cas de cette femme qui, après un intérim et un CDD de deux ans, avait signé un CNE, alors qu’elle était déjà employée dans l’entreprise. Un mois après, elle a été licenciée ! Ce n’est pas moi qui l’invente : toutes les télévisions publiques l’ont montré !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Maxime Gremetz. En définitive, le Gouvernement veut précariser l’ensemble des emplois et remettre en cause le CDI. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. Vous n’allez pas proposer de CPE à vos assistants parlementaires ?

M. Maxime Gremetz. Ce sont vos seuls arguments ? Des hurlements ? Moi, au moins, j’apporte une démonstration.

M. Jean Auclair. Vous pourrez aussi leur décerner la médaille du parti !

M. Maxime Gremetz. Vous seriez moins à l’aise si on organisait un débat public sur le CPE dans votre circonscription ! Depuis le début de ce débat, vous n’avez pas dit un mot ! Juste quelques hurlements de temps en temps !

M. Jean Auclair. Contrairement à vous, je ne licencie personne !

M. le président. La parole est à M. Maurice Giro.

M. Maurice Giro. Je suis navré de voir le peu de considération que manifeste l’opposition envers les petites et moyennes entreprises. Qui crée l’emploi dans ce pays ? Les artisans, les commerçants, les PME. Des femmes et des hommes qui investissent, qui prennent d’énormes risques, …

M. Maxime Gremetz. Quel rapport ?

M. Maurice Giro. …qui s’impliquent au point de ne pas savoir ce que sont les 35 heures ! Et vous imaginez que ces gens vont embaucher et former des jeunes pour ensuite les mettre dehors ?

M. Philippe Vitel. Pour la gauche, les chefs d’entreprise ne sont que des esclavagistes !

M. Maurice Giro. Il est scandaleux de méconnaître à ce point les réalités de l’entreprise française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 420.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 421.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Quelles que soient nos préférences cinématographiques, nous pouvons considérer qu’un des films ayant marqué leur temps était L’Aveu, de Costa-Gavras. Si on devait tourner une suite, M. Borloo et M. Larcher figureraient en bonne place dans la distribution ! Nous avons eu hier l’aveu implicite que le contrat première embauche préparait bien un contrat unique pour l’ensemble des salariés, lesquels « bénéficieraient » – puisque tel est le langage employé par le Gouvernement – d’une période de précarité de deux ans, en remplacement des garanties que leur apporte aujourd’hui le CDI. Le Gouvernement n’a pas démenti ; qui ne dit mot consent. Le CPE est donc bien une première forme de contrat pour précariser l’embauche. Aujourd’hui, second aveu : il s’agit d’un contrat perpétuel de première embauche, puisque les CPE pourront se succéder.

Il y a donc abus de langage, mais surtout tromperie – François Brottes parlait même d’arnaque – à l’égard des jeunes. Le raisonnement de M. Joyandet et du Gouvernement, qui s’exprime par son silence, consiste à dire qu’un CPE, après tout, c’est mieux que rien. Si l’on peut admettre qu’un député tienne de tels propos, le Gouvernement doit éprouver plus de mal à faire une présentation aussi misérabiliste de sa politique ! Il n’a pas réussi à améliorer la situation de l’emploi, et notamment de l’emploi des jeunes ; en ce domaine, son bilan depuis quatre ans, en dépit du léger tassement dans les statistiques dont il se glorifie, est loin d’être satisfaisant. Et comme rien ne marche, il essaye le CPE. Son seul argument est celui-ci : tentons quelque chose, ce sera peut-être mieux que ce qui existe aujourd’hui.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce ne peut être que mieux !

M. Gaëtan Gorce. Mais ce n’est pas le cas. L’aveu de M. le ministre le montre, on est simplement en train d’inventer une autre forme de précarité après les CDD et l’intérim : les CPE successifs. La carrière des jeunes pourra n’être constituée que de CPE.

M. le rapporteur considère que les CDI signés par les jeunes peuvent être interrompus au bout de deux ou trois mois et que les périodes d’essai ne sont finalement pas assez longues. Allongeons donc la période d’essai de deux ans, dit-il, alors qu’il conviendrait plutôt de chercher à résoudre la question de fond – la perte d’un emploi, dans le cadre d’un CDI, après quelques semaines – et de s’interroger sur l’adaptation des formations en alternance ; j’ai indiqué sur ce point, hier, que les crédits pour les développer étaient insuffisants et que vous préfériez prolonger la précarité dans laquelle se trouvent les jeunes. Dire que vos arguments sont pitoyables serait excessif : ils traduisent néanmoins l’état de déréliction dans lequel vous vous trouvez face à la politique de l’emploi. Faute de pouvoir apporter une solution, vous diminuez la protection des salariés. Nous dénonçons cette politique du « c’est mieux que rien », pour reprendre les propos de M. Joyandet, politique qui manque vraiment d’ambition.

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, j’ajouterai, si vous me le permettez, que le ministre a également reconnu qu’un jeune pouvait signer plusieurs contrats de ce type et qu’une même entreprise était en mesure de pourvoir un même emploi par une succession de CPE. Non seulement le jeune ne bénéficiera pas d’une insertion professionnelle, puisqu’il pourra être licencié et accumuler les CPE, mais ce contrat ne créera pas d’emplois, ce qui devrait pourtant être son objectif. Cela ne représente pas pour autant un problème pour le Gouvernement.

J’en arrive à ma conclusion, monsieur le président.

Les déclarations de M. Borloo, qui nous a abandonnés hier dans la soirée et ce matin, m’ont frappé. En effet, il a prétendu – et un de nos collègues vient de reprendre ses propos – que nous ne faisions pas vraiment confiance aux entreprises.

M. Philippe Vitel. Non, et c’est grave !

M. Gaëtan Gorce. Nous connaissons naturellement tous dans nos circonscriptions des employeurs qui se battent pour leur entreprise et pour l’emploi.

M. Maxime Gremetz. Il faut les y aider !

M. Gaëtan Gorce. On ne les rencontre pas seulement dans les circonscriptions de droite. Nos amis doivent d’ailleurs comprendre que la France se partage également entre la droite et la gauche et qu’il en va de même des entreprises. Pourquoi nous proposez-vous alors un contrat fondé sur la réduction des protections limitant la possibilité de licencier ?

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Gaëtan Gorce. Pensez-vous ainsi convaincre les employeurs d’embaucher, alors que vous prétendez qu’ils n’embauchent pas pour licencier, mais parce qu’ils sont attachés à l’avenir de leurs salariés et de leur entreprise ? Vous ne pouvez pas sortir de cette contradiction. C’est pourquoi nous ne cesserons de vous interroger pour faire éclater la vérité sur la nature exacte de ce contrat.

Après avoir entendu votre réponse, monsieur le ministre, je reviendrai sur vos propos quant à la convention de l’OIT.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. Michel Vergnier. Le ministre ne répond pas à M. Gorce ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, contre l’amendement.

M. Jean-Pierre Soisson. Je ferai quelques observations de nature juridique.

J’ai entendu évoquer la jurisprudence de la Cour de cassation ainsi que la Charte communautaire des droits sociaux des travailleurs européens.

M. Gaëtan Gorce. On va y revenir !

M. Jean-Pierre Soisson. J’ai présidé le Conseil des ministres des affaires sociales européen qui l’a élaborée en 1989. Le débat qui nous réunit aujourd’hui s’est également déroulé dans de nombreux pays européens. Il s’agit en effet de savoir si une plus grande flexibilité du travail est compatible avec le respect de cette charte. Des juristes européens se sont prononcés et la Cour de justice a été consultée. La réponse a été positive. Je tiens à insister sur ce point parce que nous ne sommes pas les seuls à évoquer la possibilité d’une plus grande flexibilité du travail…

M. Maxime Gremetz. Oh là là ! Vous avez de ces modèles !

M. Jean-Pierre Soisson. …pour régler le problème de l’emploi des jeunes. Je précise calmement à Gaëtan Gorce et à Alain Vidalies, qui était là hier soir,…

M. Gaëtan Gorce. Il est en commission, ce matin, le pauvre !

M. Jean-Pierre Soisson. …que nous avons eu ce débat. La Cour et la Commission ont tranché…

M. Maxime Gremetz. Elles peuvent se tromper ! La preuve !

M. Jean-Pierre Soisson. …et l’option que nous présente aujourd’hui le Gouvernement va dans ce sens.

Je suis de plus sensible à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. J’appelle, là encore, votre attention sur les dernières évolutions et les récents arrêts rendus par la chambre sociale, depuis ces trois derniers mois et, notamment, depuis la nomination du nouveau président. Ces arrêts, qui tiennent naturellement compte des textes législatifs récents, témoignent d’une profonde évolution concernant les conditions du licenciement, la gestion prévisionnelle des effectifs et l’attitude des chefs d’entreprise. La jurisprudence de la Cour de cassation et l’interprétation de la charte ne sont pas contraires à l’orientation que nous propose aujourd’hui le Gouvernement.

M. Maxime Gremetz. Oh !

Mme Janine Jambu. Et alors ?

M. Jean-Pierre Soisson. Je me place uniquement sur le plan du droit. Je vous ai écoutés hier les uns et les autres, mais j’ai considéré que mes anciennes fonctions ne me permettaient pas d’intervenir.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Jean-Pierre Soisson. On peut développer des arguments de nature politique tendant à contester les chiffres donnés par le Gouvernement, mais les piliers juridiques que sont la jurisprudence de la Cour de cassation et l’application de la charte ne sont pas contraires à la mesure que l’Assemblée peut voter aujourd’hui.

Le Gouvernement recherche finalement des moyens nouveaux pour régler ce problème lancinant.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Jean-Pierre Soisson. Les moyens anciens n’ont porté de fruits à aucune époque ; je peux d’autant plus l’affirmer que j’ai été ministre du travail pendant trois ans.

M. Maxime Gremetz. Cela ne donne pas un label, au contraire !

M. Jean-Pierre Soisson. On ne peut donc reprocher au Gouvernement de rechercher de nouvelles solutions, allant dans le sens d’une plus grande flexibilité, dès lors que les cadres juridique, national et européen, le permettent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 421, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Si vous êtes si sûr, monsieur le ministre, qu’une période d’essai de deux ans constitue une durée raisonnable, pourquoi avez-vous inventé le concept de « période de consolidation » ? Il vous suffisait d’écrire que la période d’essai pouvait atteindre deux ans. La première version du CNE évoquait cette notion. Pourquoi avez-vous à l’époque reculé ? La jurisprudence est constante sur ce point : la période d’essai doit être proportionnée aux fonctions du salarié. Par exemple, la jurisprudence déclarait à une époque qu’un délai de six mois était hors de proportion avec le temps nécessaire pour tester une sténodactylographe. Il est sûr qu’il n’en existe plus beaucoup de nos jours dans les entreprises. Il est en conséquence impossible de fixer une période d’essai de deux ans pour tous les postes. Vous vous trouvez donc dans l’obligation d’inventer une notion : celle de « période de consolidation ». Si l’on établit une comparaison avec les autres pays, la Grande-Bretagne, en 2000, a réduit de moitié la durée de la période d’essai parce que cela déstabilisait les entreprises et les salariés.

À vous entendre, vous et M. Joyandet, les CDD sont plus favorables. Ce n’est pas vrai et j’en suis désolée.

M. Alain Joyandet. Si, c’est vrai !

Mme Martine Billard. Votre argument selon lequel le CPE favoriserait l’accès des jeunes au logement fait rire tout le monde, sauf les jeunes qui y croient encore ! C’est scandaleux !

M. Maxime Gremetz. Vous mentez, messieurs, et cela se retournera contre vous !

Mme Martine Billard. Rien, dans ce texte de loi, n’évoque cette question, si ce n’est que les jeunes seront informés par l’entreprise. Une telle disposition ne doit même pas figurer dans la loi puisqu’elle relève du domaine réglementaire. Préciser cela dans la loi n’est que la preuve que l’on se moque du monde. C’est, de plus, contraire au principe de séparation de la loi et du règlement. Vous auriez pu améliorer les CDD en précisant qu’en cas de contrat conclu pour une durée inférieure à six mois, le salarié aurait droit à une allocation de solidarité. Celle que vous créez dure deux mois et s’élève à 492 euros mensuels. C’est fantastique ! Ne faites pas non plus croire aux jeunes salariés qu’ils recevront une allocation chômage jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi : c’est faux ! C’est uniquement après quatre mois en CPE qu’ils auront droit à ces 492 euros, et ce pendant deux mois ! Il suffisait d’introduire cette disposition dans le CDD ! Donc vos arguments ne tiennent pas la route ! M. Soisson est au moins honnête lorsqu’il parle de flexibilité de l’emploi !

Enfin, une petite entreprise peut aujourd’hui licencier très facilement un salarié en deux mois. Arrêtez avec ce mythe selon lequel un employeur ne pourrait pas licencier ! Le salarié peut toujours essayer de saisir les prud’hommes !

M. Maxime Gremetz. Il sera licencié quand même !

Mme Martine Billard. À Paris, il devra attendre trois ans ! Donc les contraintes ne sont pas telles qu’elles empêchent les entreprises de licencier.

Si on place côte à côte les textes du MEDEF et vos textes de loi, on ne peut que constater que vous ne faites que répondre aux attentes du MEDEF depuis 2002 !

Mme Martine David. Le MEDEF n’a qu’à commander, le Gouvernement s’exécute !

Mme Martine Billard. Le MEDEF ne fait que demander – et cela remonte à avant 2002 – que le patronat puisse licencier du jour au lendemain, sans se justifier. Vous introduisez aujourd’hui cette mesure dans un texte de loi. Assumez vos actes au lieu d’inventer des notions mirobolantes comme le contrat de première embauche !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, même si, comme je le pense, vous êtes de bonne foi, vous ne m’avez pas convaincu quant à la levée de l’incertitude juridique pesant sur l’entreprise. Je sais que la jurisprudence évolue chaque année, en général en faveur de la protection du salarié, ce qui est normal. Il est donc bien évident qu’elle aura tendance à condamner l’entreprise lorsque le licenciement ou la rupture ne sera pas motivé.

Il est vrai que l’entreprise a besoin de flexibilité. Je ne combats pas cette affirmation. Je ne suis ni communiste ni socialiste, je suis UDF.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes un homme libre, pas un godillot !

M. Francis Vercamer. Je suis favorable à la flexibilité, à condition que ce ne soit pas au détriment de la sécurité du salarié. Il serait en conséquence préférable d’éviter d’empiler les contrats les uns sur les autres et de compliquer le code du travail ! J’admets, monsieur Soisson, que vous avez certainement accompli du bon travail quand vous étiez ministre, mais entre cette époque et aujourd’hui, le code du travail a été multiplié par trois ou quatre ! Les petites et moyennes entreprises particulièrement ne s’y reconnaissent plus ! Selon Jean-Philippe Cotis, économiste en chef de l’OCDE : « Les CDI sont trop rigides en raison du coût élevé des licenciements et des incertitudes liées au recours devant les tribunaux. » Je considère, quant à moi, que le CPE ne fait pas disparaître un tel risque. M. Cotis estime en outre que « cet empilement de contrats spécifiques ne va pas dans le sens de la simplification. » C’est exactement ce que nous affirmons depuis le début du débat. C’est pourquoi nous sommes opposés à ce type de contrat. Si l’on veut développer la flexibilité, prenons-nous par la main, examinons les procédures de licenciement et simplifions-les afin qu’elles soient moins compliquées et moins incompréhensibles pour l’entreprise, tout en garantissant leurs droits aux salariés.

M. Maxime Gremetz. Il a raison !

M. Francis Vercamer. Agir ainsi serait préférable à la création d’un contrat par amendement qui, tout en prétendant simplifier le code du travail, le complique.

Si l’on veut de la flexibilité dans l’entreprise, et que ce soit accepté par tous, il faut le faire par le dialogue social.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 421.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est ouvert.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 422.

La parole est à M. Gaétan Gorce, pour le défendre.

M. Gaëtan Gorce. Respecter nos engagements internationaux a de l’importance, mais, au-delà, il y a l’obligation normale qu’il n’y ait pas de rupture d’un contrat sans motif, motif connu du salarié, qu’il peut ensuite contester.

Une telle exigence découle directement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nous l’avons démontré dans l’exception d’irrecevabilité et nous l’évoquerons lorsque nous saisirons le Conseil des dispositions que vous nous présentez. Comme il l’a dit notamment dans sa décision sur le PACS, il exige que la partie la plus faible soit protégée, ce qui suppose la communication des motifs. Le Gouvernement nous a répondu que le PACS n’était pas un contrat de travail mais un contrat civil et qu’on ne pouvait pas, par extension, considérer que cette jurisprudence était applicable en l’occurrence. Nous vérifierons.

La convention 158 de l’OIT exige elle aussi, pour des raisons évidentes, que les motifs soient communiqués aux salariés concernés. Cette convention, la France peut y déroger, et M. Soisson a rappelé les dérogations qu’il avait négociées lorsqu’il était ministre d’un gouvernement qui avait obtenu, c’est vrai, de meilleurs résultats sur l’emploi que celui que nous combattons aujourd’hui. Une dérogation est effectivement possible dès lors que la période pendant laquelle elle est pratiquée est raisonnable.

Le Conseil d’État a jugé, s’agissant du CNE, qu’une période de deux ans pouvait être considérée comme raisonnable, mais c’est une question d’appréciation et l’on peut se demander si le Conseil constitutionnel aura la même puisqu’il n’a pas été amené à se prononcer sur ce point lorsqu’il a été saisi du projet de loi d’habilitation.

La Cour de cassation a tendance à considérer qu’un délai raisonnable n’excède jamais quelques mois, un, deux, trois mois, jamais plus. J’ai là les différentes jurisprudences auxquelles M. Soisson a fait allusion, qui concernaient des périodes d’essai, trois mois au maximum pour un coursier, ce qui est à peine raisonnable. Elle a jugé déraisonnable une période de six mois pour un chargé de mission et de trois mois pour un cadre supérieur. Avec une période de deux ans pour les jeunes, vous êtes donc très largement au-delà du raisonnable d’un point de vue social mais aussi, probablement, d’un point de vue juridique.

À supposer même que le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur ce point ou considère que la période est raisonnable, l’employeur risque toujours un contentieux devant le juge judiciaire.

Finalement, monsieur le ministre, même si l’on s’appuie sur une dérogation justifiée par la juridiction française, est-il normal de priver un salarié des motifs de son licenciement pendant une période de deux ans ?

Il y a l’abus de droit, dites-vous, et l’on pourra effectivement avoir communication des motifs en saisissant le juge, mais c’est le salarié qui aura la charge de la preuve, ce qui change tout. C’est la salariée qui devra démontrer qu’elle a été licenciée parce qu’elle était enceinte, c’est le salarié qui devra démontrer qu’il a été licencié parce qu’il était syndicaliste ou pour toute une série d’autres mauvaises raisons dont il devra administrer la preuve.

En renversant ainsi la charge de la preuve, vous mettez le salarié dans une situation impossible, d’autant plus qu’on peut se demander s’il ne doit pas y avoir obligation de présenter un motif au moment où la décision est prise, et pas postérieurement, car que signifie une telle obligation si on ne connaît le motif que bien après la décision, et même une fois la procédure engagée ?

Vous n’apportez donc de sécurité ni au salarié, naturellement, ni même à l’employeur, ce que j’avais souligné dans l’exception d’irrecevabilité.

Ce sont toutes les raisons qui nous conduiront à contester vos propositions auprès du Conseil constitutionnel. J’aimerais d’ailleurs que vous nous apportiez des réponses plus précises que celles que vous avez données, parce que nous les contestons point par point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, contre le sous-amendement.

M. Alain Joyandet. C’est contre le sous-amendement précédent que je voulais m’exprimer, monsieur le président, mais vous ne m’avez pas donné la parole.

Monsieur Gremetz, vous comparez des choses qui ne sont absolument pas comparables. Quand vous dites que des CDD successifs sont requalifiés en CDI, il faut simplement préciser que c’est dans le cadre de la même entreprise. Comparer une succession de CDD dans la même entreprise avec une succession de CPE dans des entreprises différentes, vous conviendrez avec moi que c’est tout sauf de la bonne foi. C’était votre argument essentiel, il ne tient absolument pas, et je voulais éclairer l’Assemblée avant le vote du sous-amendement précédent.

On entend parler de mensonge. Encore faut-il avoir des arguments cohérents. Je soutiens que plusieurs CPE dans des entreprises différentes, c’est beaucoup mieux pour un jeune que plusieurs CDD dans des entreprises différentes. Je voulais simplement rétablir la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je vous remercie de nous répondre, monsieur Joyandet, ce que ne fait pas le Gouvernement.

Un jeune en CDD sait pour combien de temps il est dans l’entreprise. Il va chercher du travail, participer à des entretiens d’embauche, et il est très rare que son employeur s’y oppose. On sait donc où on va, avec un certain nombre de droits en plus, je n’y reviens pas. Cela peut se produire deux fois.

Le jeune qui signe son premier, son deuxième ou son troisième CPE, puisque, contrairement à M. Larcher, vous venez de nous expliquer que c’était possible, ne pourra pas, lui, chercher du travail, puisque c’est un contrat de même nature que le CDI avec une période d’essai de deux ans. L’employeur qui ne veut pas dire au jeune pour combien de temps il est là va-t-il lui permettre de continuer à chercher du travail, éventuellement d’aller à des entretiens ? Bien sûr que non. Le jeune en CPE risque donc d’être licencié sans avoir continué à chercher du travail. Or le premier préavis, c’est deux semaines. Deux semaines pour avaler le fait qu’on vient de perdre son emploi, ce qui n’est pas simple, pour chercher du travail, se rendre à des entretiens et être réembauché, ce n’est pas beaucoup. Reconnaissez donc qu’un jeune en CDD a une marge de manœuvre pour préparer la sortie alors qu’un jeune en CPE n’en a pas. Ne levez pas les yeux au ciel, madame Pécresse, vous n’avez peut-être pas vécu ça…

Mme Valérie Pecresse. Un CDD dure un mois en moyenne !

Mme Marylise Lebranchu. J’aimerais que vous le démontriez car nous n’avons trouvé ça nulle part.

Imaginez un jeune qui sort d’un contrat d’apprentissage ou d’alternance et qui signe un premier CPE à dix-neuf ans, un deuxième à vingt ans, un troisième à vingt et un ans, un quatrième à vingt-deux ans, un cinquième à vingt-quatre ans. Trouvez-vous que c’est une situation confortable ? Pensez-vous qu’il puisse prévoir quelque chose ? Non puisqu’il n’est jamais prévenu, au sens juridique du terme, du moment où il va quitter l’entreprise. C’est donc la précarité pour lui, y compris intellectuelle et morale.

Je voudrais donc que vous regardiez ça de près et que le contrat première embauche, ce soit une fois et une seule fois, et pour les jeunes qui n’ont pas de qualification, pas pour ceux qui en ont une.

Je crois que certains d’entre vous sont de bonne foi…

M. Maxime Gremetz. Oh !

Mme Marylise Lebranchu. …mais ne se rendent pas compte (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ou ne veulent pas se rendre compte que le contrat première embauche entraîne une précarité, y compris morale, pour le jeune.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous n’avez jamais mis les pieds dans une entreprise !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre du travail, un jeune pourra-t-il enchaîner cinq contrats première embauche au début de sa vie professionnelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il serait intéressant de le savoir.

M. Patrick Ollier. C’est un point de vue partisan et doctrinaire !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur Ollier, vous n’étiez pas là cette nuit, laissez-nous respirer un peu ce matin. Dès que vous êtes là, vous intervenez comme un grand chef de la défense et des armées.

M. Patrick Ollier. Je m’inspire de votre manière d’agir !

M. Maxime Gremetz. Vous n’intervenez pas en tant que président de commission, vous êtes un collègue parmi d’autres. Alors, arrêtez. Le garde-à-vous, ça ne marche pas ici, chez vous sans doute, mais pas chez moi.

Mme Martine David. Il aime bien le garde-à-vous !

M. Maxime Gremetz. Il adore !

Je vous rappelle, puisque vous n’étiez pas là…

M. Patrick Ollier. Je ne vous ai pas vu hier après-midi !

M. Maxime Gremetz. J’étais là. Demandez à M. Mariton, nous étions ensemble, à parler et à travailler.

M. Patrick Ollier. À parler surtout !

M. Maxime Gremetz. Je vais donc me répéter, ce qui vaut mieux que de se contredire, comme le fait le Gouvernement.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Maxime Gremetz. En l’occurrence, je m’interroge sur l’efficacité du CPE en termes de créations d’emplois.

Aujourd’hui, si une entreprise veut embaucher un jeune, elle peut le faire en CDD, en CDI ou en intérim. Si elle doit le licencier, ce n’est vraiment pas coûteux pour elle car le jeune n’est pas là depuis longtemps. C’est donc le seul fait de pouvoir licencier sans motif et quand ça vous arrange qui est essentiel. Cette analyse n’est pas de moi mais de Jacques Freyssinet, président du conseil scientifique du centre d’études pour l’emploi. Peut-être qu’il n’y connaît rien, peut-être qu’il est payé pour rien, mais c’est un spécialiste et, moi, je l’écoute un petit peu.

Il y a le débat polémique, politicien. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Moi, je travaille sérieusement. J’ai même lu une déclaration de Mme Parisot ce matin dans Les Échos. Qui l’a vue ? Personne ! Vous vous rendez compte : ils ne lisent même pas Les Échos alors que c’est le journal économique le plus sérieux ! Je comprends que vous soyez embêtés quand on parle sérieusement !

« Du côté de l’ANDCP, association réunissant les responsables de ressources humaines, le scepticisme prime. Qu’est-ce qui fera que ça consolidera l’expérience des jeunes ? Qu’est-ce qui fera que ça créera de l’emploi ? s’interroge Daniel Croquette, secrétaire général de l’ANDCP. »

Du côté des entreprises sérieuses, soucieuses d’avoir des salariés qualifiés et stables, pour réaliser le maximum de productivité, on est aussi très inquiet. « Chef économiste chez Standard & Poor’s à Londres, Jean-Michel Six » – dont je rappelle qu’il est Français – « est très critique sur le CPE : Alors que les investissements des entreprises en France sont déjà atones, principalement en raison du manque de demande interne, cette mesure n’est pas de nature à créer une incitation à investir pour les entreprises. Une entreprise ne va pas, en effet, investir, que ce soit en matière de formation ou de carrière, en une personne susceptible de la quitter dans les deux ans. Alors que le nouvel entrant fera souvent une tâche inférieure à ses qualifications, il risque donc de ne pas acquérir une meilleure formation. Cette déqualification rejaillit sur les investissements en général, qui là aussi feront défaut, puisque au lieu de consentir des investissements en capital, les entreprises pourront s’appuyer à la place sur du travail pas cher. Cette mesure est dangereuse à terme. »

Je me suis placé du point de vue des salariés et de celui de l’efficacité des entreprises. Mais vous ne prenez en compte qu’un terme : les entreprises, non pas celles qui sont sérieuses, qui veulent investir, produire, se doter de salariés bien payés et bien formés pour produire mieux et innover, mais celles que défend Mme Parisot.

Voyez Les Échos de ce matin – il faut toujours faire une lecture quotidienne de la presse, mais peut-être n’avez-vous pas eu le temps monsieur Larcher ? C’est bien dommage parce que vous auriez pu y lire que Mme Parisot craint désormais que le CPE « se retourne contre les jeunes. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle estime en effet que le CNE est tellement bon qu’on n’a pas besoin du CPE et qu’il faut simplement étendre le CNE à tous les salariés. Voilà la réalité !

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Pour le Medef, le CNE est le meilleur contrat possible, et ce n’est pas la peine d’en rajouter avec le CPE.

Mme Valérie Pecresse. C’est la preuve que nous ne dépendons pas des positions du Medef !

M. le président. Merci de conclure.

M. Maxime Gremetz. L’objectif du Medef est clair : ce qu’il veut c’est la généralisation du contrat nouvelle embauche, en mettant en cause tous les droits du travail, toutes les garanties des salariés.

M. Patrick Ollier. Provocateur !

M. Maxime Gremetz. Voilà ce que veut Mme Parisot. Voilà la différence avec les petites et moyennes entreprises. Le Medef vous dit : « À moi les exonérations de cotisations patronales et laissez-moi licencier quand je le veux ! »

M. Patrick Ollier. Vous êtes vraiment un provocateur !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Mme des Esgaulx a prétendu que je n’avais jamais mis les pieds dans une entreprise et M. Ollier a ajouté que j’étais dogmatique et doctrinaire.

J’indique à ces collègues que j’ai travaillé dans le secteur privé. Que faut-il leur apporter ? Mes contrats de travail ? Mes feuilles de paie ? Mes relevés d’Assedic ?

Mme Martine David. Mme des Esgaulx dit toujours des choses désagréables, discourtoises !

Mme Marylise Lebranchu. Je ne supporte pas ce genre d’allusions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J’ai travaillé à plusieurs reprises dans une entreprise privée. Je suis actuellement députée et, si je ne l’étais plus, je retournerais encore dans l’entreprise privée.

Mme Martine David. Il faut que ces choses soient dites !

Mme Marylise Lebranchu. D’ailleurs, je suis restée en contact avec mes anciens collègues et je peux vous dire que, s’agissant du CPE, ils se demandent s’il ne va pas se produire la même chose qu’aujourd’hui avec les stages.

Un salarié de plus vingt-six ans qui ne peut pas avoir un contrat de qualification doit aujourd’hui se réinscrire à l’université pour bénéficier d’une convention de stage. Qu’adviendra-t-il d’un jeune atteignant l’âge de vingt-sept ans après avoir enchaîné des CPE ? Ne va-t-il pas voir passer devant lui un jeune de moins de vingt-six ans, après avoir enchaîné deux ou trois CPE, et se retrouver encore en difficulté ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

À l’intérieur des entreprises dans lesquelles j’ai travaillé, ce type de question est posé et le CPE n’est pas considéré comme une panacée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Descamps. Et ce discours-là ne serait pas dogmatique ?

M. Alain Néri. Pas du tout : c’est le témoignage vécu de quelqu’un qui connaît bien l’entreprise !

M. le président. La parole est à M. le ministre

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Tout à l’heure, Mme Lebranchu a souhaité savoir très exactement quelle était la part des CDD dans le total des embauches et leur durée moyenne. Je vais lui donner les statistiques de la DARES pour l’année 2004. Nous n’avons pas encore les chiffres consolidés pour l’année 2005.

M. Maxime Gremetz. Nous allons pouvoir vérifier que nous avons les mêmes !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Dans les établissements de plus de cinquante salariés, les CDD de moins d’un mois représentent 50,4 %.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. … et les CDD de zéro à trois mois 84 % du total.

Mme Marylise Lebranchu. C’est dramatique !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous avons prévu d’ouvrir le bénéfice de la convention de reclassement personnalisée à tous les jeunes, et cela figure dans le texte. Naturellement, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale la semaine dernière, l’accompagnement personnalisé du jeune, notamment dans son parcours de consolidation vers l’emploi,…

M. Maxime Gremetz. Un parcours du combattant !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …est assuré mensuellement par le service public pour l’emploi.

M. Bernard Roman. C’est la moindre des choses !

M. Maxime Gremetz. Vous avez été généreux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce n’est pas simplement la moindre des choses, cela n’existait pas avant. Et c’est ce gouvernement qui le met en place.

M. André Schneider. Très bien : c’est ce qu’il fallait dire !

Mme Martine Billard. Ce n’est pas un parcours d’obstacles, c’est une nécessité !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, le débat n’est pas de savoir si le CDD est un bon ou un mauvais contrat. Le Gouvernement, par une pirouette, essaye de se sortir de ce débat, en nous expliquant que le CPE est une réponse à la précarité, laquelle se caractérise – nous l’avons suffisamment dénoncé – par l’enchaînement des CDD et des missions d’intérim. La question est de savoir comment répondre à cela. Si on nous dit qu’à une forme de précarité, il faut répondre par une autre forme de précarité, nous ne pouvons pas être d’accord.

Comment pouvez-vous affirmer, et il va falloir le démontrer autrement que par des affirmations générales, que le fait de proposer aux jeunes un CPE, dit à durée indéterminée, mais précédé d’une période de deux ans, au cours de laquelle on peut licencier le jeune – certes, au bout d’un mois, avec un délai de quinze jours ou d’un mois, mais pendant le premier mois sans aucune garantie – serait préférable à un CDD ?

Très sincèrement j’ai trouvé l’argument avancé hier par M. Borloo, selon lequel nous défendrions la précarité, surfait, exagéré, enfin inadmissible ! C’est vous qui la justifiez en mettant en place une nouvelle forme de précarité que nous contestons.

M. Jérôme Lambert. Ils l’organisent, même !

M. Gaëtan Gorce. Démontrez-nous que cette période de deux ans sera plus favorable aux jeunes que l’enchaînement des CDD ou de l’intérim !

Vous noircissez à dessein la situation en ajoutant que, puisque la gauche ne veut pas du CPE, c’est que la précarité n’est pas si grande et que la situation n’est pas si dramatique. C’est un argument de sophiste. La réalité, selon vos chiffres ou ceux de l’INSEE, c’est que 58 % des jeunes entrés dans la vie active sont en CDI pendant quatre trimestres successifs. Certes, c’est beaucoup moins que les salariés plus âgés, pour lesquels on atteint des chiffres de plus de 75 %, mais cela concerne quand même plus de la moitié des jeunes ! Faut-il les condamner au CPE ? Pourquoi ne mettez-vous pas en place une mesure ciblée sur les jeunes qui sont dans ces parcours précaires ? Pourquoi ne privilégiez-vous pas l’accompagnement de ces jeunes vers des emplois plus stables ? Pourquoi ne privilégiez-vous pas les actions qui favorisent la formation de ces jeunes, puisque, comme vous le dites vous-mêmes, le déficit de formation est la cause première du chômage et des difficultés d’insertion ?

Il est vrai que, pour ceux qui ont réussi un diplôme, la difficulté à s’insérer est réelle, mais c’est lié pour une part à la situation économique de notre pays, dans laquelle vous avez aussi votre responsabilité. Il ne faut pas enfermer ce débat dans celui du traitement social.

Les jeunes diplômés retrouvent très vite du travail et dans de meilleures conditions quand la situation économique est plus favorable et la création d’emplois plus forte.

M. Bernard Roman. Bien sûr !

M. Gaëtan Gorce. C’est de cela également qu’il faudrait débattre, et pas seulement des outils, comme si nous n’avions d’autre solution que de choisir entre différentes formes de précarité.

L’argument de M. Borloo selon lequel nous préférerions l’intérim et le CDD, c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité –par respect pour cette ville dont je suis le maire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. En ce qui vous concerne, c’est l’hôpital qui se moque de la clinique !

M. Maxime Gremetz. Vous êtes un piètre ambulancier !

M. Alain Joyandet. Vous nous accusez de faire de la précarité et d’établir des comparaisons qui ne sont pas bonnes entre le CDD et le CPE.

Je ne vois pas bien où vous voulez en venir. Nous sommes quasiment tous d’accord sur le constat que toutes les recettes qui ont été utilisées ont échoué.

M. Maxime Gremetz. Vous vous répétez !

M. Alain Joyandet. La seule conclusion que vous en tirez pour l’instant, c’est que, comme rien ne marche, il ne faut rien faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je suis d’accord avec M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas possible !

M. Alain Joyandet. Oui, monsieur Gremetz, cela m’arrive ! Je pense que, de temps en temps, il faut se répéter et être redondant.

M. Maxime Gremetz. Je ne suis pas redondant : je cite des spécialistes que personne, pas même le ministre, n’a lus !

M. Alain Joyandet. Qu’avez-vous fait quand vous avez essayé de faire quelque chose pour les jeunes ? Vous avez inventé, ce que personne d’autre n’a osé faire, un contrat à durée déterminée de cinq ans avec obligation de licenciement au bout des cinq ans, sans couverture ASSEDIC ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai ! Vous n’avez pas honte ?

M. Bernard Roman. N’importe quoi !

M. Alain Joyandet. Et c’est parce que nous sommes revenus au Gouvernement que ces jeunes ont eu le droit aux ASSEDIC. C’est nous qui l’avons fait ; ce n’est pas vous !

M. Maxime Gremetz. Vous devriez avoir honte de mentir aussi effrontément !

M. Alain Joyandet. Que cherchez-vous ? Depuis des semaines, la seule chose que nous entendons c’est : cela ne va pas, il ne faut rien faire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les champions toutes catégories du CDD, c’est vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 422.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous siégeons depuis neuf heures trente, mais chacun sait que les groupes parlementaires se réunissent le mercredi matin. C’est le cas du groupe socialiste. Notre réunion de bureau a lieu maintenant et à onze heures trente se tiendra la réunion plénière.

Je vous demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe jusqu’à midi. Nous souhaitons notamment faire le point sur la suite de nos travaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et voilà ! Il est plus important de se réunir entre socialistes que de s’occuper de l’emploi des jeunes ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. M. Ayrault a seul la parole.

M. Jean-Marc Ayrault. Je remercie Mme des Esgaulx d’avoir dit tout haut ce que la majorité pense : l’Assemblée nationale doit se taire et accepter tout ce que l’on dicte. (« Godillots ! Godillots ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Au fond ce qui vous arrangerait c’est de n’avoir même pas à siéger, parce que cela vous impatiente, et que le Gouvernement continue, comme il l’a fait, à légiférer par ordonnances. Voilà votre conception de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est ça la démocratie ?

M. Jean-Marc Ayrault. Notre conception n’est pas la même. Les groupes parlementaires font partie intégrante de l’Assemblée nationale et leurs conditions de travail doivent être pleinement respectées.

Monsieur le président, je réitère donc ma demande d’une suspension de séance à partir de onze heures trente, pour réunir mon groupe, et que les autres fassent de même s’ils le souhaitent. Si l’UMP ne débat pas, c’est son problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Permettez-moi simplement, sans intervenir sur le fond du débat, de dire franchement à M. Joyandet : heureusement que le ridicule ne tue plus ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce que nous entendons depuis quatre ans dans nos circonscriptions c’est : « quel dommage d’avoir supprimé les emplois-jeunes » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour les jeunes eux-mêmes, mais aussi pour les associations qui en avaient bien besoin ; elles avaient trouvé un nouveau souffle, notamment dans les quartiers les plus difficiles.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Franchement, vous avez fait une très grosse faute politique. Vous avez beau dire le contraire, ce n’est pas près d’être oublié.

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous devriez le méditer !

Monsieur le président, j’attends votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Ayrault, j’ai pris note de votre demande de suspension de séance. La séance sera suspendue à onze heures trente et je demande à chacun de faire le maximum pour que le débat se déroule bien.

Sur le sous-amendement précédent, j’ai autorisé sept interventions et le débat a donc bien eu lieu. Je vous remercie de m’aider en ne multipliant pas les rappels au règlement. L’Assemblée s’honore lorsque chacun peut s’exprimer sur le fond. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. On prend note de vos progrès !

Mme Martine David. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’ai bien noté, monsieur le président, que vous laissiez le débat s’installer, et je vous en remercie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). Quand c’est bien, j’en prends acte ; quand ce n’est pas bien, je le dis.

M. le président. Je vous en remercie, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ne suis pas un godillot, qui n’est là que pour lever le doigt !

Je m’associe à la demande de suspension de séance qui vient d’être formulée, car nous devons, nous aussi, réunir notre groupe. M. Bocquet nous attend à onze heures trente, pour que nous avisions de la suite des événements, notamment de l’éventualité d’une demande de quorum. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci de conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Attendez, je veux encore poser une question au Gouvernement ! Étant donné les propos tenus par M. Joyandet, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous faire connaître le contenu du contrat emploi-jeune. Nous pourrons ainsi vérifier s’il est vrai, comme je l’ai entendu dix fois ici, que ce contrat comporte une obligation de licencier à son terme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut que les services du ministre nous précisent ce point. Il ne suffit pas de répéter cent fois des mensonges pour que ce soit la vérité.

M. Patrick Ollier.. C’est la vérité.

M. Maxime Gremetz. Je vous prie, monsieur le ministre, de nous rendre ce service.

M. le président. Merci, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. C’est au ministre que je m’adresse.

M. le président. Votre demande est très claire, et tout le monde l’a enregistrée.

M. Bernard Roman. Ce serait bien qu’on ait une réponse !

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 423.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Il est vraiment très difficile de poursuivre ce débat sur la base d’informations erronées et d’analyses juridiques approximatives. On peut certes débattre des emplois-jeunes, mais on ne saurait accepter les affirmations péremptoires de M. Joyandet, porte-parole du groupe de l’UMP, selon lesquelles les emplois-jeunes étaient des emplois précaires débouchant obligatoirement sur un licenciement.

M. Alain Joyandet. C’est le cas !

M. Alain Vidalies. Alors, citez-nous l’article du code du travail auquel vous faites référence. Nous sommes la représentation nationale, et vous n’êtes pas dans une arrière-cour en train de faire campagne !

M. Alain Néri. Nous ne sommes pas sur les marchés !

M. Maxime Gremetz. On ne fait pas n’importe quoi !

M. Alain Vidalies. Je veux bien vous donner quelques pistes, comme l’article L. 322-4-18 du code du travail : vous verrez que la loi française infirme vos affirmations.

Vous citez, monsieur le ministre, les statistiques concernant les CDD. Il y a quand même une légère différence entre CPE et CDD ; ainsi, on ne peut avoir recours au CDD que dans des circonstances particulières expressément prévues par la loi et pour lesquelles il a été conçu.

M. Julien Dray. Il faut le justifier !

M. Alain Vidalies. Il peut être utilisé pour remplacer un salarié absent, malade ou en formation. On peut également y avoir recours pour les emplois saisonniers. Ce sont là des conditions spécifiques, objectivement définies et dont chacun admet la nécessité.

Or votre analyse statistique englobe sans distinction ces cas particuliers, ce qui vous permet de dire que 50 % de ces contrats durent moins d’un mois puisque vous y incluez les remplacements de salariés malades ou en formation pour quelques jours, ainsi que les emplois saisonniers de quelques semaines.

M. Maxime Gremetz. Exactement !

M. Alain Vidalies. On ne peut pas continuer de débattre sérieusement sur ces bases, monsieur le ministre : il faut comparer ce qui est comparable. Vous devez prendre comme terme de comparaison le nombre de CDD passés pour faire face à un surcroît d’activité, qui constitue le troisième cas où ce type de contrat est autorisé – comme l’est l’intérim. Cette comparaison nous réserverait des surprises, et démontrerait la nécessité de reprendre sur d’autres bases un débat qui est beaucoup plus compliqué. vous le savez fort bien vous-même, puisque vous êtes contraint à de tels tours de passe-passe.

Il y a une réalité statistique, que vous dissimulez à tout le monde, mais dont vous êtes obligé de tenir compte : l’instauration du CNE a été vécue comme un appel d’air extraordinaire par les entreprises qui recherchent une flexibilité maximale, quoi que vous en disiez, et a provoqué un transfert de l’intérim vers le CNE. Bien que vous dissimuliez ces statistiques, les entreprises de travail temporaire sont en train de prendre conscience que vous avez introduit une telle flexibilité dans le droit du travail que leur marché s’est considérablement rétréci. C’est la raison pour laquelle – nous y reviendrons dans les jours et les semaines à venir – vous proposez en contrepartie d’élargir les cas où le recours à l’intérim est autorisé. Vous le faites par le biais d’un amendement « sauvage » présenté en deuxième lecture du projet de loi relatif à l’égalité salariale, que nous comptons attaquer devant le Conseil constitutionnel. Cet amendement vise à autoriser l’intérim dans n’importe quel cas.

Telle est la réalité de votre politique et du débat qui est en train de s’organiser dans ce pays.

J’ajoute, à l’adresse de ceux qui n’ont pas assisté à nos débats d’hier, que vous avez fini par reconnaître, après le rapporteur, qui est plus objectif, qu’il sera possible de faire se succéder sur le même poste, sans aucune limitation, des jeunes salariés engagés dans le cadre de CPE. Telle a été la réponse du Gouvernement hier.

M. Julien Dray et M. Maxime Gremetz. L’aveu !

M. Alain Vidalies. Vous avez également reconnu qu’un jeune pourrait accumuler un nombre illimité de CPE jusqu’à l’âge de vingt-six ans.

M. Maxime Gremetz. Eh oui !Vous êtes encerclé !

M. Alain Vidalies. Voilà ce que le Gouvernement a finalement reconnu, alors qu’il avait refusé de répondre sur ces points précis pendant les questions d’actualité.

Alors que le Gouvernement a reconnu ces points,…

Plusieurs députés du groupe socialiste. L’aveu !

M. Maxime Gremetz. On se croirait chez Costa Gavras !

M. Alain Vidalies. …il est surprenant de voir qu’on continue sur les bancs de l’UMP à donner une autre interprétation de ce qui sera de la loi française.

M. Alain Néri. Il faut assumer !

M. Alain Vidalies. Effectivement, il faut assumer. Cette réponse éclaire singulièrement toutes les critiques que nous adressons à ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Accordez vos violons !

M. Maxime Gremetz. Vous êtes tout nus !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Maxime Gremetz. Qu’en pense notre jeune et brillant rapporteur ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Gremetz…

M. Alain Néri. Ne faites pas la sourde oreille, monsieur Hénart. Méfiez-vous du syndrome Devaquet !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je prends soin de mon ouïe et de ma vue, monsieur Néri, et je me préserve du syndrome Devaquet. Je vous remercie de vous préoccuper de ma santé, et je souhaite que vous puissiez continuer de la sorte jusqu’à la fin de la législature.

Le sujet du contenu du contrat « nouveaux services - emplois-jeunes », s’il n’est pas celui du sous-amendement, a cependant un intérêt évident. Il s’agit effectivement d’un contrat à durée déterminée, de cinq ans, mais qui, vous le savez aussi bien que moi, peut être interrompu à chaque date anniversaire.

M. Maxime Gremetz. Non.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Si, c’est le cas. C’est à tout le moins ce qui est prévu par le code du travail, puisque telle était la question. Le code est tout aussi clair en ce qui concerne le droit à formation, qui n’est pas prévu dans le cadre des emplois-jeunes. De même, quand ces emplois relèvent des services de l’État, ce qui est le cas de la majorité des emplois-jeunes, ces contrats ne prévoient pas d’assurance-chômage, à la différence des CDD, qui peuvent par définition être suivis de périodes d’indemnisation.

Il s’agit somme toute d’un dispositif juridique assez classique utilisé par tous les gouvernements, qui inventent des variantes de CDD, plus ou moins bien accompagnés, notamment d’une formation, et plus ou moins bien indemnisés au moment de l’inévitable période de chômage. Au-delà, il faut analyser la réalité chiffrée. Je voudrais pour ma part rappeler à l’Assemblée trois séries de chiffres, pour qu’elle puisse réfléchir à l’utilité de ce dispositif.

La durée moyenne d’un emploi-jeune était a priori de cinq ans.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Attendez !

M. le président. Laissez M. le rapporteur s’exprimer.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vous demande d’avoir la courtoisie de m’écouter, comme j’ai eu celle de ne pas vous interrompre.

La durée moyenne des emplois-jeunes n’a pourtant pas été de soixante mois, mais de vingt-huit mois environ. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Si vous n’avez pas besoin d’éclaircissements, pourquoi avoir posé des questions en présentant ce sous-amendement ? Retirez dans ce cas les points d’interrogation, et contentez-vous d’asséner vos assertions. Nous prendrons notre mal en patience, et nous profiterons des réunions du groupe socialiste pour nous détendre.

M. Alain Néri. Vous en avez bien besoin !

M. le président. Un peu de respect, je vous prie !

M. Laurent Hénart, rapporteur. La durée moyenne de séjour dans l’emploi a donc été de vingt-huit mois. Soit l’interruption était le fait du jeune, mais on ne comprend pas pourquoi on quitterait des emplois si géniaux ; soit elle était le fait de l’employeur. Je vous invite à étudier les motifs d’interruption, notamment dans le secteur associatif : la rupture n’est pas seulement le fait du salarié, elle peut aussi être le fait de l’employeur. Ces contrats ont donc bien consacré une forme de précarité, selon le bon vouloir de l’employeur.

Mon deuxième chiffre concerne les publics visés par les emplois-jeunes. Vous avez très justement rappelé, monsieur Gorce, que toute politique publique en faveur de l’emploi des jeunes devait s’adresser en priorité aux publics peu qualifiés. Je rappelle à ce propos que, depuis une dizaine d’années, notre pays ne dépasse pas la proportion de 60 % de bacheliers et de 30 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans une même classe d’âge.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Si ! 62 % à 63 % sont diplômés du baccalauréat et 30 % de l’enseignement supérieur.

M. Maxime Gremetz. Alors, la Picardie n’est pas en France !

M. Laurent Hénart, rapporteur. C’est une statistique nationale, un palier où nous sommes depuis une décennie. Vous n’avez qu’à consulter les états annuels de l’éducation nationale. Il est quand même possible d’être d’accord sur des faits objectifs.

M. Maxime Gremetz. La Picardie est hors concours ! Nous sommes toujours originaux !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Or 90 % des bénéficiaires des emplois-jeunes étaient bacheliers, et près de 50 % diplômés de l’enseignement supérieur. Cela signifie qu’en inventant cet outil vous avez été à l’encontre de ce qui vous semble à vous-mêmes une bonne politique pour les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Votre politique s’adressait en réalité aux plus qualifiés.

En 2000-2001, période de forte croissance, comme vous l’avez reconnu vous-même, monsieur Gorce, les plus diplômés pouvaient trouver naturellement un emploi. Vous les avez détournés du marché du travail réel pour les orienter vers ces CDD, qui constituaient pour eux une forme d’enfermement, réduisant ainsi leurs chances d’embauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Troisièmement, enfin, ce contrat comportait un dispositif de pérennisation.

M. Maxime Gremetz. Vous voyez bien !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Attendez !

M. Maxime Gremetz. M. Joyandet avait dit que le licenciement était obligatoire !

M. le président. Laissez M. le rapporteur finir. Je vous rappelle, mes chers collègues, que j’ai accepté de suspendre la séance à la demande du groupe socialiste. Nous devons avoir fini d’examiner ce sous-amendement à onze heures et demie.

M. Maxime Gremetz. Je me laisse emporter par ma passion pour les jeunes !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Monsieur Gremetz, vous écouter est un réel plaisir, et essayer de vous répondre un bien plus grand encore. Encore faut-il que vous me le permettiez !

M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur le rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur. En dépit de ce fameux dispositif de pérennisation qui, en réalité, fonctionnait essentiellement dans le secteur associatif, et jamais pour les emplois d’État, le taux de rupture a été de 70 %. Cela signifie que dans 70 % des cas, vous n’avez pas réussi à transformer ces emplois-jeunes en emplois pérennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Mais non !

Mme Martine David. C'est faux !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Il faut parfois savoir accepter modestement ses limites.

En ce qui concerne les emplois-jeunes dans les services de l’État, et non plus dans le secteur associatif, le taux de chômage à la sortie est de 76 %.

M. Alain Joyandet. CQFD !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Et vous prétendez qu’ils partaient parce qu’ils avaient trouvé mieux ailleurs !

M. Richard Cazenave. Qui sont les menteurs ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Regardez donc enfin la réalité en face : toute votre politique ne s’est intéressée qu’aux plus qualifiés, elle les a sortis du marché de l’emploi en période de forte croissance…

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est vous qui les avez licenciés !

M. Laurent Hénart, rapporteur. …et surtout elle n’a pas empêché la France de connaître, dans les douze derniers mois du gouvernement de Lionel Jospin, en dépit d’un nombre record d’emplois-jeunes, la plus forte augmentation du chômage des 16-25 ans depuis mai 1981, puisqu’elle a atteint 16 %.

Mais rien de tout cela ne saurait ébranler vos certitudes ; rien ne saurait vous engager à explorer d’autres voies ou à imaginer d’autres recettes.

Quant au fond, la commission a bien évidemment repoussé le sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 423 ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable, et nous reprenons totalement à notre compte l’exposé remarquable de M. le rapporteur.

M. le président. Soyez rapide, madame Billard : vous connaissez nos contraintes.

Mme Martine Billard. Je serai brève, monsieur le président, mais je pense que ce débat mérite d’être poursuivi cet après-midi.

M. le président. N’ayez crainte !

Mme Martine Billard. La question de l’emploi dans le secteur associatif est très intéressante. Je me souviens que M. Fillon, à l’époque où il était en charge du travail, nous expliquait que l’emploi était créé soit par le secteur marchand, soit par le secteur public. Quant au secteur associatif, il ne s’y est jamais intéressé.

M. Richard Cazenave. Ce n’est pas vrai !

Mme Martine Billard. Mais si !

Il s’agit de savoir comment permettre aux associations de créer de l’emploi. Cette question est d’autant plus cruciale que l’État et les collectivités publiques se déchargent de plus en plus sur le secteur associatif de leurs responsabilités, que ce soit en matière sociale et environnementale ou dans le domaine éducatif et sportif.

M. Maurice Giro. Où prenez-vous l’argent ?

Mme Martine Billard. Plutôt que d’octroyer des aides, soit directes, soit sous la forme d’exonérations de cotisations ou d’impôts à toutes les entreprises sans distinction, sans considération de leur forme, du nombre de salariés qu’elles emploient ou de leurs bénéfices, on ferait mieux de cibler ces aides sur le secteur associatif : une telle politique, non seulement serait utile pour l’emploi, mais permettrait également de satisfaire les besoins sociaux, environnementaux, sportifs et culturels du pays. Si vous ne voulez pas faire ce choix, c’est par pure idéologie.

Vous n’avez pas tort de rappeler, monsieur le rapporteur, qu’aucune formation n’était prévue au départ pour les emplois-jeunes : je me souviens d’avoir moi-même critiqué ce point. Mais les contrats « jeune en entreprise » que vous avez créés en 2002 ne prévoyaient pas non plus de formation : celle-ci a été insérée par la suite. Vous n’avez pas su tirer le bilan des erreurs des autres, puisque, tout en disant que ce n’était pas bien, vous avez continué dans la même voie en 2002. Qu’on soit à gauche ou à droite, il faut tenir compte du bilan de l’existant. Votre obstination est invraisemblable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Regardez dans vos mairies, chers collègues, combien vous avez créé d’emplois-jeunes. À Amiens, plus de trois cents l’ont été par M. de Robien, qui n’est pourtant pas particulièrement un homme de gauche.

On en a aussi gardé beaucoup – certes pas à Amiens, où on en a liquidé deux cents, mais par exemple à Montreuil où, sur 150 emplois-jeunes, six seulement n’ont pas été pérennisés.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. M. le rapporteur a justement rappelé les erreurs du parti socialiste dans le recours aux emplois-jeunes, mais cette analyse peut malheureusement être transposée au CPE. Aujourd’hui, en effet, les jeunes les plus touchés par le chômage sont ceux qui viennent des quartiers, discriminés à l’emploi, ou ceux qui sont peu formés, et la création du CPE ne leur apportera pas de solution. En effet, de même que 42 % des personnes qui devaient être embauchées en CDI le sont au titre du CNE, 42 % des jeunes qui devaient être embauchés en CDI seront embauchés en CPE. Ceux qui, en revanche, n’ont pas de travail aujourd’hui n’en auront pas davantage demain car, à moins d’un accompagnement social lourd, ils ne seront pas plus adaptés à l’emploi demain qu’ils ne le sont aujourd’hui.

M. Maxime Gremetz. Il a raison !

M. le président. Monsieur Vercamer, je vous rappelle que nous devons suspendre la séance à la demande du groupe socialiste.

M. Francis Vercamer. Je tiens encore à rappeler à mon collègue de l’UMP qu’une entreprise connaît parfois, malheureusement, des difficultés économiques qui se traduisent par des difficultés sociales. Le CPE sera la variable d’ajustement de l’emploi dans l’entreprise : quand l’entreprise aura des difficultés, tous les jeunes seront licenciés. Est-ce ce que nous voulons pour les jeunes ?

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 423.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. Mon intervention se fonde sur l’article 58 du règlement.

Nos collègues socialistes parlent beaucoup des Français et des jeunes. De fait, représentants des Français – tout comme nous, d’ailleurs –, ils s’expriment en leur nom. Mais les Français eux-mêmes se sont prononcés : à titre d’avis et de conseil, je vous rappelle, chers collègues, que la grande manifestation que vous avez organisée hier avec d’autres, et qui devait être une sanction du CPE, a été un échec retentissant. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Sûrement pas, et ce n’est pas fini !

M. Patrick Ollier. Quand on organise une manifestation qui doit être un avertissement solennel au Gouvernement et que 150 000 Français descendent dans la rue, cela s’appelle un échec.

Chers collègues socialistes, qui allez vous réunir dans quelques instants, je souhaite que vous mettiez à profit cet échec et teniez compte de l’avis que les Français ont exprimé hier dans la rue. J’espère qu’en revenant tout à l’heure en séance vous afficherez moins d’arrogance envers le CPE et cesserez les manœuvres d’obstruction que vous avez engagées, afin que nous puissions reprendre librement le cours du débat et, enfin, voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Je remercie le président Ollier, car nous avons bien compris son appel pour les prochaines manifestations : si les manifestants avaient été encore plus nombreux, le Gouvernement et l’UMP étaient prêts à reculer ! Encore quelques efforts, donc, et nous obtiendrons satisfaction.

M. Maxime Gremetz. Le combat continue !

M. le président. Je vais maintenant faire droit à la demande du président Ayrault en suspendant la séance jusqu’à midi.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à midi.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un sous-amendement no 424.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. À plusieurs reprises, il a été dit que le groupe socialiste aurait une attitude surprenante en s’opposant à ce nouveau contrat de travail et par là même en valorisant ou en défendant d’autres contrats préexistants, notamment le contrat à durée déterminée. Ce débat mérite d’être repris, parce que la grande différence entre le contrat à durée déterminée et ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, c’est que le recours au CDD est bien encadré et limité aux cas prévus par le code du travail, alors que le CPE s’appliquera toutes activités et toutes entreprises confondues.

Le contrat à durée déterminée n’est pas pour nous le nec plus ultra, mais une nécessité dans l’organisation de la vie économique. Évidemment, ce n’est pas une belle référence. Mais ce qui embellit le CDD, c’est l’horreur du CPE ! Vous ne pouvez donc pas nous retourner l’argument. Certes, il est évident que le CDD a ses limites, mais votre CPE, lui, présente tellement d’inconvénients et de difficultés que la comparaison est vite faite.

Tout d’abord, quand on est dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, on en connaît le terme dans la plupart des cas. On ne peut pas être remercié du jour au lendemain. Les conditions de résiliation unilatérale sont extrêmement draconiennes, car même des motifs qui justifieraient la rupture d’un contrat à durée indéterminée ne sont pas recevables pour rompre un contrat à durée déterminée. Seule la faute grave permet de rompre celui-ci. Lorsqu’un contrat à durée déterminée est rompu et que cette décision est jugée illégitime par le conseil des prud’hommes, la sanction est très importante : c’est le paiement de l’ensemble des salaires qu’aurait perçus le salarié concerné s’il avait travaillé jusqu’à la fin de son contrat. Autrement dit, si un salarié a un contrat à durée déterminée d’un an et qu’il est renvoyé au bout de deux mois pour un motif qui n’est pas une faute grave, l’employeur devra lui verser l’ensemble des salaires auxquels il aurait eu droit, c’est-à-dire les dix mois de salaire restants.

Par conséquent, ceux qui prétendent que le CDD serait moins protecteur que le CPE poursuivent le travail de désinformation engagé depuis le commencement de nos débats. Dans le CPE, il n’y a strictement aucun droit et, surtout, le licenciement est permis sans aucune motivation. On pourra dorénavant dans ce pays être licencié sans savoir pourquoi. C’est là que se situe le cœur de la régression sociale que vous nous proposez.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. On nous dit qu’il y a trop de précarité chez les jeunes et que le CPE va la diminuer. On nous dit aussi qu’il est possible de faire plusieurs CDD dans la même entreprise alors que ce sera impossible avec le CPE. Mais si, ce sera possible après une pause de trois mois, ce qui permettra aux entreprises qui ferment l’été (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) d’utiliser cette pause pour licencier et réembaucher ensuite.

M. Lionnel Luca. Une entreprise qui ferme trois mois, c’est rare ! On n’est pas à l’éducation nationale !

M. Pierre-Louis Fagniez. Cela prouve votre méconnaissance de l’entreprise, madame Billard !

Mme Martine Billard. Par ailleurs, si le CDD est d’un mois, le salarié connaît sa durée et sait ce qui l’attend, alors que le CPE inférieur à un mois ne donne aucun droit. Pendant un mois, le jeune pourra être licencié du jour au lendemain puisque le préavis pour rupture de contrat ne prendra effet qu’à partir d’un mois de présence dans l’entreprise. En fait, dans cette soi-disant période de consolidation, on se rend compte qu’a été réintroduite une période d’essai : c’est le premier mois. Et, entre un et six mois, il y aura un préavis de quinze jours, ce qui restera moins intéressant qu’un CDD de six mois. Au lieu d’améliorer le CDD,…

M. Maurice Giro. Ce n’est pas un CDD, mais un CDI !

Mme Martine Billard. …au lieu de donner des garanties supplémentaires, vous créez un autre contrat, encore plus précaire, et qui ne sera plus intéressant que le CDD que dans quelques cas exceptionnels.

Et qu’en est-il de l’intérim ? Dans l’industrie automobile, notamment, de très nombreux postes sont ainsi pourvus. Il y a même des ateliers chez Renault où les intérimaires sont plus nombreux que les salariés en poste fixe. Le taux d’intérim à Renault-Flins ou dans d’autres entreprises du secteur atteint 30 à 40 %. D’ailleurs, ce sont souvent des jeunes qui occupent ces postes. En créant le CPE, vous risquez – c’est un choix – de fragiliser le secteur de l’intérim. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo. Madame Billard, ça ne devrait pas vous déranger : vous avez passé votre temps à combattre l’intérim !

M. Daniel Mach. L’intérim, ce n’est sûrement pas mieux que le CPE !

Mme Martine Billard. Pour les jeunes, ça se vaut puisqu’ils n’auront pas plus de protection. Quant aux entreprises d’intérim, ce qui leur adviendra n’est pas le plus important. À la sortie, ce qui compte, c’est de savoir si vous aurez créé de l’emploi ou pas. Or rien ne prouve que vous allez en créer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous risquez simplement de refaire ce que vous faites constamment depuis quatre ans, c’est-à-dire de provoquer un phénomène de vases communicants : on diminue le chômage indemnisé et on augmente les allocataires du RMI ; de même on alimentera le CPE par transfert d’autres formes d’emploi.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

Mme Martine Billard. Autre problème : croyez-vous que les jeunes sous CPE vont pouvoir se syndiquer ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Certainement pas ! Sinon ce serait la lettre de licenciement le lendemain !

M. Daniel Mach. C’est un problème ?

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Daniel Mach. Le syndicalisme crée de l’emploi, c’est sûr !

Mme Martine Billard. Vous n’osez pas dire tout haut ce que vous pensez : pour vous, tant mieux s’il y a moins de syndicalisation ! Mais comme vous n’osez pas le montrer, vous essayez de trouver une formule efficace et discrète.

M. Maxime Gremetz. Les godillots sont juste là pour voter et pour interrompre !

Mme Martine Billard. Je me souviens d’un débat dans cet hémicycle avec M. le ministre du travail, qui nous expliquait que le problème en France, c’est que les syndicats ne sont pas assez puissants. Il faudrait qu’ils soient plus forts pour que l’on puisse mieux contractualiser. Or avec le CPE, la jeunesse ne pourra plus se syndiquer. Le commerce et la restauration par exemple, qui sont les principales activités de ma circonscription, embauchent en particulier des jeunes, dont beaucoup se syndiquent, car il y a là bien des luttes à mener sur les conditions de salaire et de travail. Dorénavant, ces entreprises seront tranquilles, et ce ne sont pas toutes de petites entreprises : je pense aux chaînes comme McDo, Pizza Hut, Virgin, qui ne sont vraiment pas à plaindre. Celles-là vont pouvoir profiter à plein de votre dispositif : embauche facile de jeunes en CPE et plus de risque de luttes. En embauchant des jeunes en CPE, elles n'auront même plus besoin de demander au ministère du travail les autorisations de licencier des délégués que leur aura refusées l'inspection du travail. Car le ministère donne constamment son accord pour le licenciement des délégués syndicaux de Virgin ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’ai demandé au ministre le texte de la loi sur les emplois-jeunes, suite aux affirmations de M. Joyandet. Je constate que celui-ci est parti parce qu’il sait que, quand je promets quelque chose, je tiens parole. Courage, fuyons ! Il affirme des choses, et il se sauve. Mais il a au moins, lui, le mérite de parler. Même s’il dit des bêtises. Alors que vous, ses collègues, vous ne parlez pas, vous vous contentez d’interrompre et de voter ce que veut le Gouvernement.

M. le président. Monsieur Gremetz, venez-en à votre propos.

M. Maxime Gremetz. J’y viens, monsieur le président. Puisque le ministère ne m’a pas fourni les dispositions de la loi emplois-jeunes, je me les suis procurées. S’agissant donc des affirmations de M. Joyandet – c’est pas la joie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Daniel Mach. Minable !

M. le président. Monsieur Gremetz, un peu de respect pour vos collègues.

M. Maxime Gremetz. J’ai sous les yeux le texte de cette loi, que vous pouvez tous vous procurer. Que dit-elle en particulier ? Je rappelle qu’elle fait correspondre de nouveaux emplois à de nouveaux services : « Lorsqu’elles [les conventions] sont conclues par des personnes morales de droit privé, elles ne peuvent s’appliquer qu’à des activités non assurées jusqu’alors par celles-ci. » Il ne s’agissait donc pas de substituer des emplois à d’autres emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maurice Giro. Cette disposition n’a jamais été appliquée !

M. Maxime Gremetz. Tout dépend de la manière dont on agit. M. de Robien, lui, s’est très bien comporté, puisqu’il est même passé par une association sportive pour créer cent emplois-jeunes de plus. Mais je vous rappelle les dispositions de l’article L. 322-4-18 du code du travail : « Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article L. 432-4-1, les institutions représentatives du personnel, lorsqu’elles existent, et les comités techniques paritaires sont informés sur les conventions conclues en application du présent article et saisis annuellement d’un rapport sur leur exécution. »

Il ne s’agit pas d’embaucher Pierre, Paul ou Jacques, mais de créer un emploi-jeune qui correspond à tel service et auquel on peut se porter candidat. Il faut donc des conventions répondant à certains principes. Les collectivités ne perçoivent pas d’argent si elles ne créent pas d’emplois. En outre, les aides ne peuvent être accordées lorsque l’embauche est en rapport avec la fin du contrat de travail d’un salarié, quel qu’en soit le motif. Cette mesure est évidemment contraignante. Enfin, je vous rappelle, monsieur le ministre, que le contrat de travail comporte une période d’essai d’un mois renouvelable une fois. Elle ne peut donc pas dépasser deux mois.

Je poursuis : « Sans préjudice de l’application du premier alinéa de l’article L. 122-3-8, [les contrats] peuvent être rompus à l’expiration de chacune des périodes annuelles de leur exécution à l’initiative du salarié, moyennant le respect d’un préavis de deux semaines, ou de l’employeur, s’il justifie d’une cause réelle et sérieuse. » En somme, le salarié peut contester son renvoi éventuel, puisque le patron doit le justifier, comme le droit du travail le prévoit aujourd’hui pour tout licenciement.

Or, à présent, monsieur le ministre, que prévoyez-vous ? Moyennant une simple lettre, qu’il est impossible de contester, l’employé peut se retrouver du jour au lendemain à la porte sans aucune garantie. Voilà la réalité.

Je n’ai pas trouvé de clause de pérennisation pour les emplois-jeunes, et pour cause. Nous l’avons rappelé, il s’agit d’un contrat de cinq ans renouvelable chaque année. Mais si l’employeur ne veut pas le renouveler, il doit prouver que c’est pour une « cause réelle et sérieuse ». Le licenciement peut donc être contesté.

Nous avons bien compris le processus. Au sein des nouveaux services qui ont été créés et qui n’existaient pas dans les collectivités ou au sein d’autres services relevant des associations, des emplois ont été créés, qui ne se sont pas substitués à d’autres. Le dispositif a donc permis d’embaucher des jeunes à des emplois stables et durables, qui, pour l’essentiel, ont été pérennisés. Et, lorsqu’ils l’ont été dans un nouveau service, le dispositif a été abandonné.

Visiblement, monsieur le rapporteur, vous ne connaissez pas ce texte. Je vous le ferai donc parvenir, car les chiffres que vous citez doivent prendre tous ces aspects en considération.

Au reste, nous avons souvent souligné que ce dispositif présentait un grave défaut : il n’avait pas prévu de formation pour les emplois-jeunes.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 424.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le soutenir le sous-amendement n° 425.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous voilà contraints de travailler par le biais d’un amendement sur ce sujet majeur qu’est l’emploi. Je ne reviens pas sur cette méthode, mais je pense que nos jeunes de moins de vingt-six ans seraient en droit d’attendre mieux de la part du Gouvernement.

Quoi qu’il en soit, il est un mot qu’on entend peu dans ce débat, comme chaque fois que nous parlons d’emploi : le mot « croissance ». C’est la croissance qui crée des emplois. Or la seule aubaine que le Gouvernement cherche à donner aux entreprises, c’est l’autorisation de licencier au pied levé. Nous l’avions dit lorsque nous débattions du CNE. Notre collègue Philippe Vuilque a cité hier l’exemple très concret d’une femme en CNE qui devait se faire opérer et qui a été licenciée début janvier, alors qu’elle avait elle-même repoussé la date de son opération. C’est le genre de cas que nous voyons sans arrêt dans nos permanences. C’est pourquoi il aurait été bon que nous dispositions de chiffres plus précis pour engager le débat.

Nous avons vu, cependant, que les premiers CNE représentent une aubaine pour les petites entreprises puisqu’ils remplacent l’intérim. Pourquoi, en effet, passer par une entreprise d’intérim qui va coûter un peu plus cher ? Dans un commerce, domaine que je connais bien pour y avoir travaillé trente ans et que Mme Billard connaît aussi, étant donné sa circonscription, on embauche quelqu’un en octobre ou en novembre, avant les fêtes, quand on a besoin de personnel, pour le licencier début janvier, en période de baisse du chiffre d’affaires. Je l’ai longuement expliqué en commission. Dès lors qu’on n’a plus besoin du salarié, on le jette – pardonnez-moi l’expression – sans aucun motif.

Avec le CPE, le Gouvernement recourt au même type de dispositif sans même attendre de voir ce qu’a produit le CNE. Aujourd’hui, ce sont les jeunes qui en sont victimes.

Au reste, comme M. Vidalies l’a rappelé à juste titre, nous ne sommes pas fous du CDD.

M. Maxime Gremetz. Ah, non alors ! Moi, je voulais même le supprimer !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Mais au moins, avec un CDD, l’employé sait à quoi il s’engage. Avec le CPE, il ne le sait pas. Il signe un contrat qui le soumet au bon vouloir de l’entrepreneur. Dans une entreprise moyenne de vingt-cinq ou trente salariés, qui connaît une baisse ou une montée de son chiffre d’affaires – car c’est cela, la vie de l’entreprise –, il n’y aura qu’à licencier sans motif quand le travail manquera.

Quant au syndicalisme, j’ai entendu M. Borloo se plaindre cette semaine, sur une radio bien connue, que nous manquions, en France, de relais syndicaux. Mais si l’on veut travailler intelligemment avec les syndicats, comme le proposait Mme Billard il y a un instant, ce n’est pas en privant les jeunes de toute participation citoyenne à la vie de l’entreprise. Car le syndicalisme ne vise pas simplement à défendre le salarié. Il lui apprend aussi à connaître la manière dont fonctionne une entreprise. Il faudrait y songer.

La logique du Gouvernement depuis quatre ans consiste à offrir une aubaine aux entreprises en cassant le droit du travail. Il leur en donne toujours plus. Vous vous souvenez, monsieur Larcher, que j’étais présente, l’an dernier, lorsque nous débattions du texte qui a remis en cause la loi sur les 35 heures et qui, soit dit en passant, n’a pas créé d’emplois. Quoi qu’il en soit, vous donnez toujours plus aux entreprises et toujours moins aux salariés. Ceux-ci, malheureusement, ne comptent pas, à vos yeux. Quand il s’agit de jeunes, je trouve que leur avenir est bien noir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 425 ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je voudrais revenir à la déclaration de M. Gremetz, dont je salue l’indépendance d’esprit quand il remarque que les emplois-jeunes ne comportaient pas de formation.

M. Patrick Lemasle. Si !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je vous invite à relire cette loi, monsieur Lemasle. M. Gremetz, lui, se souvient très bien du texte qui a été voté par l’Assemblée nationale.

M. Maxime Gremetz. Je l’ai en main, et je peux même le distribuer !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Par rapport aux protections liées au contrat à durée déterminée, qui vient d’être évoqué, ce texte comportait deux entorses majeures, encore inédites, au code du travail. La première était que, dans le cadre d’un CDD, il prévoyait la possibilité d’un licenciement.

M. Alain Joyandet. Oui !

M. Laurent Hénart, rapporteur. C’était la première fois que la loi prévoyait la possibilité de licencier dans le cadre d’un CDD, puisque le principe du CDD consistait précisément à rendre le licenciement impossible.

M. Maxime Gremetz. Encore fallait-il une « cause réelle et sérieuse » !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Deuxièmement, puisque M. Gremetz n’a pas trouvé le montant de l’indemnité, je lui indique qu’elle était plafonnée à dix-huit mois. Cela veut dire que l’employé pouvait travailler cinquante-neuf mois et se voir indemnisé seulement pour dix-huit. Voilà la deuxième entorse au principe du CDD où, normalement, l’ancienneté est pleinement prise en compte dans l’indemnité de précarité.

M. Maxime Gremetz. Mais ce que vous dites ne vaudrait que pour un CDD de cinq ans !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Pour en revenir au sous-amendement n° 425, la commission l’a repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avis défavorable à ce sous-amendement qui tend à exclure les organismes de droit privé. Il est bon de le rappeler, puisque c’est de cela que nous sommes censés parler.

Quant à l’effet d’aubaine dont parle Mme Hoffman-Rispal, je ne comprends pas de quoi il s’agit puisque le CNE est plus exigeant pour les TPE que le recours à l’intérim. Qu’elle me pardonne, mais je songe à l’intérêt du salarié. Que fait-elle de l’accompagnement personnalisé et des équipes des CRP ?

Pour le recours à l’intérim dans le secteur automobile, Mme Billard a cité le chiffre de 40 %. Les chiffres consolidés s’élèvent en moyenne à 10,7 %. Arrêtons donc d’agiter des chiffres marqués par l’approximation : 10,7 %, ce n’est pas 40 % !

Mme Martine Billard. Le chiffre que j’ai cité concerne l’usine Renault à Flins !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Enfin, M. Gremetz m’a demandé où l’on pouvait trouver le texte sur le contrat emploi-jeunes, mais il l’a entre les mains ! Je le renvoie à l’article L. 322-4-18 du code du travail et, puisqu’il l’a cité tout à l’heure, je ne crois pas utile de lui en adresser une copie.

M. Maxime Gremetz. Il faudrait que nos collègues de la majorité l’aient eux aussi en main !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, puisque vous avez ouvert le code du travail à l’article L. 322-4-18, peut-être pourriez-vous le passer au rapporteur. Cela lui éviterait de répéter que le contrat emploi-jeunes est un contrat à durée déterminée. Il lui suffira de relire l’article pour s’assurer que ce contrat était soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. Le texte est clair sur ce point.

Mme Janine Jambu. Les deux interprétations sont possibles !

M. Alain Vidalies. Mais il y a plus intéressant, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur. Alors que le débat est difficile, vous nous assénez des vérités d’évidence appuyées par des statistiques sorties de nulle part et dépourvues de référence. Vous n’avez fait marche arrière qu’hier soir, monsieur Larcher, parce que nous avons produit l’ensemble des rapports que vous-même aviez demandés.

Il y a quelques minutes, avant la suspension, nous avons essuyé une attaque en règle contre les emplois-jeunes et le rapporteur, soutenu par l’UMP, a lancé une formule définitive : 60 % des titulaires d’emplois-jeunes auraient été licenciés. Bref, il s’agirait d’un fiasco terrible. Je vous renvoie par conséquent aux statistiques de vos propres services, monsieur le ministre. Une étude de la DARES, publiée sous votre responsabilité – Premières synthèses, n° 20.1, de mai 2004 – établit un bilan des nouveaux services emplois-jeunes à la fin de 2003. On y lit que 70 % des jeunes trouvent un emploi immédiatement après leur sortie du dispositif.

M. Jean Glavany. D’habitude, pourtant, M. Larcher, c’est M. Darès !

M. Alain Vidalies. Voilà ce que disent les statistiques publiées par vos propres services.

M. Maxime Gremetz. Comment le Gouvernement peut-il mentir à ce point ? Quand on atteint un tel degré de mensonge, le débat n’est plus possible !

M. Alain Vidalies. On ne saurait avoir un débat politique sérieux dans de telles conditions. On peut formuler des critiques justes en s’interrogeant par exemple sur le dispositif de formation pour les emplois-jeunes ou sur le public qui en a bénéficié. La discussion est ouverte. Mais le Gouvernement ne peut pas brandir des chiffres faux, que contestent ses propres services. S’il s’avance sur ce terrain-là, il faudra reprendre l’ensemble du débat, avec tous les rapports dont nous disposons qui établissent le bilan des emplois-jeunes. Je tiens à sa disposition plusieurs fiches à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Maxime Gremetz. À entendre le Premier ministre, c’était nous qui mentions ! Le voilà pris maintenant en flagrant délit de mensonge !

M. Pierre Cardo. Monsieur Gremetz, laissez-moi parler : ne faites pas ce que vous reprochez aux autres ! Sur les emplois-jeunes, je voudrais apporter une précision qui ne relève pas des statistiques, mais du vécu et de faits constatés dans les conseils généraux. Au cours du débat sur la loi Aubry qui a créé ces emplois, nous avions défini enfin, pour la première fois en France, la notion d’utilité sociale. Mais le texte comprenait tout de même un certain nombre d’erreurs de raisonnement. Je le rappelle, car j’ai participé à tous les débats. Au reste, je n’ai pas voté contre ce dispositif, contrairement à certains de mes collègues.

M. Maxime Gremetz. En effet !

M. Pierre Cardo. Je me suis abstenu, parce que je jugeais important que l’on reconnaisse la notion d’utilité sociale, même s’il était dommage qu’on ne l’envisage que pour les jeunes, en omettant le cas des adultes, ce qui nous a longtemps posé problème.

De plus, on pouvait craindre un effet d’écrémage comparable à celui que nous avions observé pour les CES. J’en parle en connaissance de cause, puisque je présidais le groupe de travail du Conseil national de lutte contre l’exclusion qui se consacrait à l’étude de ces problèmes. Cet écrémage a eu lieu. Les employeurs publics que nous sommes ont bénéficié d’une aubaine, puisque les mêmes hommes politiques, qui avaient voté la loi, l’ont ensuite exploitée.

M. Patrick Lemasle. À droite, peut-être ! Mais les conseils généraux de gauche, eux, ont pérennisé les emplois !

M. Pierre Cardo. Les employeurs, qu’il s’agisse d’associations ou de collectivités territoriales, ont constaté que cela coûtait moins cher de prendre un emploi-jeune sur un poste qu’ils prétendaient créer.

M. Patrick Lemasle. C’est vous qui avez utilisé cet effet d’aubaine !

M. Pierre Cardo. Non, je ne l’ai pas fait personnellement, mais bien des élus, même à gauche, ne s’en sont pas privés, ce qui n’est pas normal. C’est pourquoi reprocher au CPE un effet d’aubaine quand on sait tout ce qui a été fait à l’époque avec les emplois-jeunes relève du procès d’intention.

Personne n’a trouvé de réponse au chômage. Les emplois-jeunes ont été une expérience intéressante. Le Gouvernement est revenu sur ce dispositif et tente une autre expérience dans le secteur privé. Or, pas plus que lors de la création des emplois-jeunes, on ne peut préjuger d’un éventuel effet d’aubaine.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 425.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 115 et 159, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 115.

Mme Martine Billard. Ce sous-amendement a pour objet de modifier l’intitulé du contrat de « première » embauche qui, comme cela a déjà été démontré, est trompeur. En effet, il sous-entend que ce contrat est destiné à la première embauche des travailleurs âgés de moins de vingt-six ans. Or le sixième alinéa de l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement mentionne les différents contrats de travail conclus avant le CPE. Il y a donc là, monsieur le ministre, une contradiction dans les termes que le bon usage du français n’autorise pas. Puisqu’il me semble important de faire preuve de rigueur dans l’écriture des textes de loi, je vous suggère de modifier l’intitulé de ce contrat, même si vous n’acceptez pas celui que je vous propose.

M. Cardo a évoqué l’emploi dans le secteur associatif. À l’époque, la notion d’utilité sociale avait été introduite dans le dispositif des emplois-jeunes et l’on pourrait d’ailleurs y ajouter aujourd’hui celle d’utilité environnementale. En tout état de cause, le financement des associations étant en diminution depuis quatre ans, ce n’est pas dans ce secteur que l’on parviendra à créer de l’emploi.

Tout à l’heure, le rapporteur a indiqué que les emplois-jeunes avaient créé un effet d’aubaine en bénéficiant surtout aux titulaires d’un bac et d’un bac + 2, alors qu’ils étaient initialement destinés aux jeunes non qualifiés. Or cette critique peut également être adressée au contrat jeune en entreprise, créé en 2002. Nous en avions débattu à l’époque, puisque je me souviens d’avoir déposé un amendement afin de supprimer la possibilité pour les jeunes titulaires d’un CAP ou d’un BEP d’avoir accès à un tel contrat, celui-ci étant destiné aux jeunes non qualifiés. Vous avez évidemment maintenu cette possibilité et, aujourd’hui, on s’aperçoit que l’immense majorité des titulaires de contrats jeune en entreprise ont un CAP ou un BEP, qui sont de véritables diplômes, reconnus comme tels par les conventions collectives.

Nous rencontrerons les mêmes difficultés tant que nous n’affronterons pas le problème du parcours de formation des jeunes. On peut inventer tous les contrats que l’on veut, tant que l’on n’aura pas réglé cette question, on ne fera jamais que défavoriser une catégorie de salariés au profit d’une autre. J’en veux pour preuve le témoignage de ce jeune, âgé de vingt-cinq ans, qui se destine au métier de régisseur de son. Pour financer ses études, il a travaillé trois ans dans la restauration – on ne pourra pas lui reprocher d’être feignant ! Depuis dix-huit mois, suivant scrupuleusement les conseils des diverses administrations, il a monté plusieurs dossiers pour des formations certifiantes, qualifiantes et rémunérées. Il a ainsi été admis avec onze autres élèves – sur trois cents candidats – dans un institut de formation du cinéma, mais les Assedic lui ont répondu : « Nous ne finançons aucune formation ne validant aucun stage dans l’audiovisuel. » Au RMI, ne pouvant se former dans ce secteur, il a donc suivi les conseils de l’ANPE qui, compte tenu de son expérience dans la restauration, lui a suggéré de s’orienter vers la cuisine, qui est un métier en tension. Il demande donc un stage pour obtenir une qualification dans ce secteur, mais on lui répond cette fois qu’il a un excellent CV dans le domaine de la musique et du son et qu’il n’a rien à faire dans un CAP cuisine. Il s’oriente donc à nouveau vers les métiers du son et se voit proposer une formation par le CENASA, mais il a son bac et cette formation est réservée aux non-bacheliers…

Tant que l’on ne s’emparera pas de ces problèmes et que l’on ne résoudra pas ces contradictions, on pourra inventer tout ce que l’on voudra, cela ne servira à rien. Actuellement, par exemple, l’ANPE ne propose même pas de stages de formation à l’informatique aux demandeurs d’emploi qui ne savent pas se servir d’un micro-ordinateur.

M. Maurice Giro. Voyez les maisons de l’emploi !

Mme Martine Billard. C’est à eux de se débrouiller, mais comment font-ils s’ils sont au RMI ? Tant qu’on ne supprimera pas ces freins au retour à l’emploi, vous pourrez inventer tous les dispositifs que vous vous voudrez, les mêmes salariés, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, continueront à être exclus de l’emploi.

M. Pierre Cardo. Que font les collectivités locales, notamment les régions ?

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 159.

M. Alain Vidalies. S’agissant des emplois-jeunes, j’ai déjà eu l’occasion d’apporter une rectification en faisant référence aux statistiques de la DARES, qui contredisent M. le rapporteur et M. le ministre. Le rapporteur a ajouté, continuant ainsi de nous asséner de faux chiffres comme il le fait depuis deux jours, que beaucoup de jeunes inclus dans le dispositif des emplois-jeunes avaient été licenciés, notamment par les associations – cela figure au procès-verbal –, ce qui expliquait la moindre durée de ces contrats. Il s’agit là d’une interprétation qui n’est pas très correcte car, si le chiffre cité a quelque réalité, il aurait fallu lire la suite du document.

Tout d’abord, le dernier bilan dressé par vos services précise que, interrogés sur l’efficacité de cette mesure, huit jeunes sur dix sortis du programme estiment avoir acquis des compétences professionnelles et que la durée du contrat et la formation professionnelle reçue sont les principaux déterminants de cette professionnalisation.

S’agissant des associations, une étude de la DARES éclaire singulièrement le chiffre que vous avez osé citer tout à l’heure. Selon cette étude, 10 % des jeunes embauchés par les associations et fondations au premier trimestre 1998 sont sortis du dispositif au cours des douze mois suivants. Ils étaient 30 % en 2001. Vous nous avez expliqué cette progression par une accélération des licenciements. Or l’explication technique donnée par vos services est la suivante. « Un peu plus faibles pour les jeunes salariés des collectivités locales et des établissements publics, ces ruptures ont progressé à un rythme comparable. Cette progression peut s’expliquer en partie par le raccourcissement de l’horizon du contrat. Les jeunes entrés dès le début du programme bénéficiaient tous de cinq années de contrat, alors qu’une partie de ceux entrés plus tard restaient sur des postes déjà occupés auparavant. »

L’augmentation du nombre des sorties est donc mathématique. En effet, la durée des contrats était de cinq ans, en vertu des agréments passés avec les associations. Or un certain nombre de jeunes ont quitté le dispositif parce qu’ils avaient trouvé un emploi. Ceux qui les ont remplacés ont donc évidemment fait moins de cinq ans. Et le Gouvernement interprète ce phénomène en affirmant, à l’Assemblée nationale, qu’il y a eu 30 % de licenciements ! Je vous laisse juge de la qualité de notre débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 115 et 159 ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je souhaiterais que l’on ait un débat sérieux. Je suis désolé que des ministres et un rapporteur citent des chiffres et des faits complètement faux. Il suffit de se reporter aux documents pour s’en apercevoir, et ceux-ci devraient d’ailleurs être annexés à vos déclarations. Si vous ne prenez même pas au sérieux la représentation nationale, on peut s’interroger sur la manière dont vous considérez les salariés et notre peuple. J’ai participé à de nombreux débats très vifs, mais je n’ai jamais assisté à de tels comportements.

Un autre document vous donnera à réfléchir. Il s’agit des derniers chiffres de l’INSEE concernant la Picardie.

M. Maurice Giro. Ça va mal, là-bas !

M. Maxime Gremetz. Écoutez-moi ! Lorsque je parle du chômage, je n’évoque pas seulement des statistiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je parle de gens qui souffrent, qui n’ont accès ni au crédit ni au logement. (Mêmes mouvements.)

Mme Valérie Pecresse. Nous, nous agissons !

M. Maxime Gremetz. Vous vous en moquez, vous, madame Pecresse, puisque vous êtes patronne.

Mme Valérie Pecresse. C’est vous qui êtes patron, monsieur Gremetz !

M. Patrick Ollier. Et vous avez licencié !

M. Maxime Gremetz. Pensez au moins à ces gens, au lieu de les mépriser ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier. Vos salariés vous ont fait un procès, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Ne vous gênez pas, mon général ! J’ai les mains propres et la conscience tranquille ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, revenez à votre propos, s’il vous plaît.

M. Maxime Gremetz. Dès que l’on parle de patrons, ils voient rouge.

Mme Valérie Pecresse. Je suis juge, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Peut-être est-ce la couleur de votre écharpe qui les énerve, madame Pecresse.

M. le président. Monsieur Gremetz, revenez à votre propos.

M. Maxime Gremetz. Je ne m’en suis pris à personne, monsieur le président. Je n’ai fait que parler des Picards, qui sont visés par ce document. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier. Gremetz, mauvais patron !

M. Maxime Gremetz. Vous ne m’empêcherez pas de parler, mais moi, je vous en empêcherai. Vous ne voulez rien savoir de ce document, car il contredit vos délires.

M. Patrick Ollier. Gremetz, mauvais patron !

M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’espère que vous ne mettrez pas en cause l’INSEE, même si vous n’hésitez pas à critiquer la DARES parce que vous n’avez pas d’autres arguments. Contrairement à ce que disait… Comment il s’appelle déjà ?… Je n’arrive pas à retrouver son nom… Le petit frisé, là… Ah, oui ! M. Borloo !

M. le président. Un peu de respect.

M. Maxime Gremetz. J’ai traité M. Borloo de menteur, parce qu’il affirme que le chômage baisse dans toutes les régions, alors que ce n’est pas vrai. Vous lirez dans ce document de l’INSEE que la Picardie est la région où le taux de précarité est le plus élevé et celle où le pouvoir d’achat des salaires est le plus faible. Dans ces conditions, nous ne devrions pas avoir de chômage. Or notre taux de chômage est également parmi les plus élevés, puisqu’il est de 12 %. Autrement dit, votre théorie selon laquelle pour créer de l’emploi, il faut précariser et mal payer les salariés, excusez-moi, mais nous l’avons expérimentée en Picardie et on sait ce que ça donne !

M. Patrick Ollier. C’est pour cela que vos salariés vous ont assigné aux prud’hommes !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je voudrais juste apporter quelques précisions à M. Vidalies. Premièrement, sur la teneur de mes propos, je suis parti du constat que, malgré une durée ouverte de soixante mois de travail en emploi-jeune, la durée effective moyenne travaillée était de vingt-huit mois. Je n’ai pas indiqué combien il y avait de licenciements et de démissions volontaires. Lorsque vous avez dit, monsieur Vidalies, que ces jeunes partaient pour faire autre chose, j’ai simplement confirmé en précisant qu’il y avait eu aussi des licenciements.

M. Patrick Lemasle. Très peu !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Ce qu’il me paraît important de souligner, c’est que la création des emplois-jeunes a été l’occasion de permettre, pour la première et d’ailleurs la seule fois, la rupture du CDD pour cause réelle et sérieuse. Quand vous invoquez le caractère extrêmement protecteur des emplois-jeunes, pour ma part je n’oublie pas qu’ils ont été la cause d’une sérieuse entaille à la législation du travail.

Deuxièmement, vous évoquez le taux de chômage en sortie de contrat. J’ai consulté les études effectuées sur plusieurs années consécutives, selon lesquelles 67 % à 71 % des jeunes sortant des emplois-jeunes avaient retrouvé un emploi. Ainsi, le taux de chômage en sortie d’emploi-jeune, que l’on obtient par déduction du taux d’emploi que je viens de citer, n’était guère différent du taux de chômage constaté chez les 16-25 ans, taux compris entre 22 % et 23 %. C’est très préoccupant, car les bénéficiaires d’emplois-jeunes en sortaient forts de plusieurs années d’expérience professionnelle. À défaut d’intérêt pratique, l’intérêt théorique des emplois-jeunes aurait été, nous dit-on, de permettre à ses bénéficiaires de connaître un taux de chômage en sortie de dispositif beaucoup plus faible que celui constaté sur le marché du travail. L’expérience professionnelle acquise par ces jeunes, l’accompagnement de formation dont ils bénéficiaient auraient amélioré leur profil à l’embauche et leurs performances, donc accru leur protection. En réalité, on constate que les jeunes ayant occupé un emploi-jeune pendant plusieurs années ont connu ensuite presque le même taux de chômage que les autres, ce qui est un peu court pour un programme qui a coûté 20 milliards d’euros.

M. Daniel Mach. Eh oui ! Cela n’a servi à rien !

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany.

M. Jean Glavany. Je voudrais d’abord répondre à M. Cardo au sujet des effets d’aubaine, notamment ceux suscités par les emplois-jeunes dans les collectivités locales et la fonction publique territoriale. Certes, cela a dû exister. Mais comme le disait M. Borloo hier lors des questions d’actualité, en nous reprochant un insupportable procès d’intention, on ne peut sérieusement prétendre qu’un employeur qui recrute n’a qu’une idée en tête : licencier le plus vite possible. Avec le sens de la formule qu’on lui connaît, M. Borloo soulignait que cela reviendrait à se marier en pensant déjà au divorce.

Il faut bien reconnaître que de tels comportements existent, mais nous ne vous faisons pas ce procès d’intention. Je le répète, tous les chefs d’entreprise n’agissent pas ainsi. De même, tous les maires et les présidents de collectivités locales n’ont pas profité d’effets d’aubaine. Certains se sont même engagés à pérenniser tous les emplois-jeunes qu’ils avaient embauchés, ce qu’ils ont fait. D’autres, au contraire, qui se trouvent plutôt sur d’autres bancs de l’hémicycle, les ont jetés au bout de cinq ans.

M. Daniel Mach. L’éducation nationale !

M. Jean Glavany. Chaque dispositif doit être examiné avec attention et, pour ma part, je parle de ce que je constate sur le terrain. Dans mon département, je peux vous dire quelles sont les collectivités qui ont pérennisé et celles qui ne l’ont pas fait, et il me semble qu’il y a une différence politique entre les deux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. C’est faux !

M. Jean Glavany. J’en viens au deuxième point que je souhaite aborder et sur lequel, en l’absence de M. Borloo, j’interrogerai M. Larcher. Il y a quelques mois, le ministre de l’emploi a commandé un rapport sur l’insertion professionnelle des jeunes à une éminente personnalité, M. Proglio, président du groupe Veolia Environnement, un homme très respectable, qui mène au sein du groupe qu’il dirige une politique sociale à laquelle nous n’avons rien à redire. M. Proglio est également un ami personnel du Président de la République – ce qui n’est pas une honte (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) mais prouve simplement qu’il n’est pas un dangereux gauchiste. M. Proglio a constitué un groupe de travail composé de chefs d’entreprises – grandes et petites –, de syndicalistes, d’économistes et de représentants de l’Association des directeurs des ressources humaines, qui ont travaillé pendant deux ou trois mois à la rédaction du rapport demandé. Bizarrement, les conclusions de ce rapport n’ont jamais été publiées, on les garde sous le coude. Une rumeur commence à courir, monsieur le ministre, selon laquelle ces conclusions préconiseraient de faire exactement l’inverse du CPE.

M. Alain Vidalies. Exactement !

M. Maxime Gremetz. Voilà pourquoi vous nous les cachez !

M. Jean Glavany. Le rapport proposerait de verser aux entreprises un bonus proportionnel au nombre d’embauches sous CDI qu’elles effectueraient. Cette proposition concrète, je ne sais pas pourquoi le ministre Borloo ne veut pas la rendre publique. Cette rumeur est-elle fondée, monsieur Larcher ? Nous aimerions beaucoup le savoir. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. À l’évidence, elle l’est !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 115.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 159.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Depuis le début de cette discussion, nous n’avons eu de cesse de demander les documents sur lesquels le Gouvernement appuie ses raisonnements et de lui faire remarquer que divers rapports venaient contredire ses propres analyses. Mes collègues n’ont pas manqué de les utiliser, mais l’information que vient de nous donner Jean Glavany à cet égard est particulièrement importante.

Pour essayer de vous donner bonne conscience, vous faites le procès des emplois-jeunes – que vous avez fini par détruire – en les traitant d’emplois précaires.

M. Pierre Cohen. Vous les traitez par le mépris !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais comparez-les plutôt aux contrats d’avenir et aux contrats d’accompagnement à l’emploi, ce serait plus honnête. Surtout, cela permettrait de constater que la comparaison est largement en faveur des emplois-jeunes.

Pourquoi, monsieur le ministre, ce rapport commandé par le Gouvernement n’a-t-il pas été publié ? Est-ce parce que ses conclusions vous gênent ?

M. Maxime Gremetz. Il est explosif !

M. Jean-Marc Ayrault. Est-ce parce que vous avez besoin de temps pour qu’il soit réécrit à votre convenance ? Pour la bonne information de notre assemblée, nous avons besoin d’être éclairés sur ce point. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous réfugier dans le silence, comme vous le faites à chaque fois que l’on vous pose une question embarrassante !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je répondrai tout à l’heure.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Joyandet. Monsieur Ayrault, plutôt que de comparer les emplois-jeunes aux contrats d’avenir, il serait plus logique de comparer les contrats d’avenir aux anciens CES, qui s’adressaient exactement à la même population. À mon sens, les comparer avec les emplois-jeunes est soit une erreur, soit une marque de mauvaise foi.

J’en viens à mon rappel au règlement, relatif au déroulement de nos travaux. Je veux, au nom du groupe UMP, constater que nous travaillons actuellement au rythme de trois amendements à l’heure. Rien que sur le titre Ier, il nous reste 137 amendements à examiner, ce qui nous demandera encore 46 heures de travail au train où nous allons.

M. Maxime Gremetz. C’est normal ! C’est tellement important !

M. Alain Joyandet. Certes, il est normal et utile d’avoir ce débat, au demeurant très intéressant, sur les sous-amendements, mais à partir du moment où chaque argument est systématiquement répété à de multiples reprises, cela ressemble de plus en plus à de l’obstruction.

M. Maxime Gremetz. C’est le président qui préside !

M. Alain Joyandet. Mon groupe est pour le débat, aussi long soit-il, mais pas pour l’obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Je considère pour ma part que ce débat est d’une importance fondamentale pour l’avenir. Si, après le référendum du 29 mai, après la crise dans les quartiers – pas les banlieues – où se cumulent les plus grandes difficultés, le CPE est tout ce que vous avez à proposer, croyez-moi, la société française va connaître des difficultés très sérieuses.

N’oubliez pas que le Gouvernement a tout fait pour nous empêcher d’avoir ce débat. Pas de discussion avec les organisations syndicales, pas de consultation du Comité d’orientation de l’emploi, le texte nous arrive comme ça… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, chacun peut s’exprimer largement au cours de la discussion,…

M. Maxime Gremetz. Dans un vrai débat, les arguments de chacun sont pris en compte ! Vous êtes en difficulté à l’UMP, et je vous comprends…

M. le président. …laissez le débat se poursuivre, je vous prie !

M. Maxime Gremetz. Ne nous accusez pas, monsieur Joyandet, de ralentir le débat : au contraire, nous avançons à grands pas et nous sommes en train d’encercler le Gouvernement !

M. le président. Nous sommes encore loin de l’excès de vitesse !

La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir, en présentation commune, les sous-amendements nos 116 et 117.

Mme Martine Billard. Mais ce sont deux sous-amendements différents, monsieur le président ! Je souhaite les présenter séparément.

M. le président. Madame Billard, les services de l’Assemblée considèrent que les sous-amendements nos 116 et 117 peuvent faire l’objet d’une présentation commune. Vous indiquez d’ailleurs vous-même dans l’exposé sommaire que le sous-amendement n° 117 est de repli.

Mme Martine Billard. En son troisième alinéa, l’amendement n° 3 du Gouvernement précise que le CPE « ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l’article L.122-1-1 du code du travail », ledit article énumérant les cas où un contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée. Ainsi, le Gouvernement a prévu que le CPE pourrait remplacer tous les emplois qu’il est possible d’occuper en CDD, sauf les emplois saisonniers, mentionnés au 3°. Il sera donc possible d’utiliser un CPE pour remplacer un salarié en cas d’absence, de passage provisoire à temps partiel ou de suspension du contrat de travail, ou encore pour faire face à l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Il y a là une contradiction, puisqu’il nous avait été expliqué que le CPE était nécessaire pour vérifier que le jeune était bien à sa place dans le poste où il avait été embauché. Si tel est le cas, il n’y a pas de raison de permettre qu’un jeune soit embauché pour remplacer un salarié absent, qui reprendra son poste dès la fin – prévue dès le départ – de son arrêt maladie.

M. Jean Le Garrec. Argument irréfutable !

Mme Martine Billard. De même, si un salarié passe à temps partiel, il faut embaucher un autre salarié sur le temps partiel libéré. Certes, ce n’est pas la panacée, parce qu’une personne employée à un temps partiel et rémunérée sur la base du SMIC aura toujours du mal à finir le mois, mais cela ne justifie pas un CPE.

Le sous-amendement n° 116 précise donc que les emplois se prêtant à l’embauche en CDD ne sont pas ouverts aux CPE, au lieu de s’en tenir à la seule exclusion des emplois à caractère saisonnier. Ou alors, il suffisait de supprimer le CDD dans le code du travail et de le remplacer par le CPE, puisque c’est ce que vous êtes en train de faire avec le troisième alinéa de votre amendement. Cela va devenir vraiment incompréhensible pour les employeurs.

M. Jean-Pierre Soisson. Pour l’heure, c’est moi qui n’y comprends rien !

M. Alain Vidalies. Allons, monsieur Soisson, c’est vous qui avez rédigé cet article du code en 1990, lorsque vous étiez ministre du travail !

Mme Martine Billard. Si vous n’y comprenez rien, c’est que vous connaissez mal le code du travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’article L. 122-1-1 stipule que le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée…

M. Jean-Pierre Soisson. Je crois connaître le code du travail, madame. Simplement, je ne comprends rien à votre galimatias !

Mme Martine Billard. Je cite le code tel qu’il est rédigé depuis 1990 :

« Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants :

« 1° Remplacement d’un salarié en cas d’absence, de passage provisoire à temps partiel… ;

« 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

« 3° Emplois à caractère saisonnier… »

Le code est très clair. Si donc vous ne comprenez rien, monsieur Soisson, c’est que cela relève d’un problème d’audition.

M. le président. Nous allons maintenant entendre l’avis de la commission sur les deux sous-amendements…

Mme Martine Billard. Dans ce cas, je présente d’emblée le second.

Le sous-amendement n° 117 tend, quant à lui, à n’interdire le recours au CPE que pour le remplacement d’un salarié malade. Si je peux admettre que le Gouvernement ou la majorité aient imaginé au départ que le recours au CPE permettrait de répondre à un accroissement temporaire de l’activité d’une entreprise, je n’arrive toujours pas à comprendre, même en me mettant dans la peau d’un militant UMP, comment un CPE pourrait avoir vocation à remplacer un salarié en arrêt maladie. Il n’en était pas question, du reste, lorsque vous avez exposé les raisons qui vous ont conduits à créer le CPE. Il est clair en tout cas qu’avec une telle disposition, vous allez engendrer de la précarité puisque le jeune recruté dans ce cadre se retrouvera à la porte une fois l’arrêt maladie terminé. Eh oui, monsieur Soisson, je n’invente rien !

Par ailleurs, il n’est nullement précisé dans votre amendement si le CPE pourra être exercé à temps partiel. Si tel est le cas, la précarité s’en trouvera encore accrue puisque le jeune cumulera deux handicaps : le temps partiel et le fait de pouvoir être licencié dans le premier mois, à tout moment, ensuite avec un préavis de quinze jours, puis, au bout de six mois, avec un préavis d’un mois. Où est l’avantage par rapport à un CDI ? Il aurait mieux valu maintenir le CDI, cela aurait permis aux jeunes de se projeter dans l’avenir, ce qui est la moindre des choses. Pourquoi faudrait-il attendre d’avoir vingt-huit ans pour commencer à penser à s’installer et à fonder une famille ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable aux deux sous-amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame Billard, il est clairement établi que le CPE ne peut pourvoir à un emploi saisonnier.

Mme Martine Billard. Oui, c’est tout ! C’est la seule interdiction !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. S’agissant de la question qui m’a été posée précédemment, le ministère du travail et de l’emploi a effectivement demandé à Henri Proglio d’animer un groupe de travail et de rendre un rapport sur la situation des diplômés de l’université, à partir de l’enquête Génération 2 001. Celle-ci a établi en effet que les formations professionnelles permettent un accès plus facile et plus durable à l’emploi que les filières plus générales. En 2 001, le taux de chômage des titulaires d’un bac pro après trois ans de sortie du système de formation était de 11 % ; pour les bac + 1 et bac + 2 non diplômés, il était de 18 %, pour ensuite diminuer de plus de moitié. Ces chiffres doivent nous amener à réfléchir et à envisager une meilleure orientation.

Ce rapport fera l’objet d’un échange dans les huit jours à venir. Le Premier ministre souhaite en effet que, pour la rentrée prochaine, nous mettions en place de nouvelles modalités en la matière. Il faudra prévoir une orientation très tôt, dès le collège, mais aussi tout au long de la formation, notamment à l’université, pour éviter ces échecs programmés qui résultent de formations ne débouchant pas sur des emplois réels.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Accepter de telles formations, c’est d’une certaine façon tromper les jeunes. C’est précisément ce que nous ne voulons pas.

M. Pierre-Louis Fagniez. Exactement !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Voilà pourquoi il ne suffit pas d’agiter un rapport. Ce qui compte surtout, c’est d’être en mesure, demain, de mieux informer les jeunes et de mieux les orienter. L’orientation est en effet au cœur du contrat de confiance que nous devons signer avec les générations de l’avenir. Cet aspect est essentiel, du collège jusqu’à l’université. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je me demande si beaucoup de parlements au monde fonctionnent comme le nôtre. Je note en effet que le Gouvernement de la République dispose de documents dont nous n’avons pas connaissance.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous n’avons pas encore ce rapport !

M. Alain Vidalies. Le ministère a mobilisé des fonds publics pour demander à un groupe de chefs d’entreprise et de directeurs des ressources humaines de mener une réflexion sur un point qui est au cœur de notre débat. Et alors que nous avons commencé nos travaux voilà maintenant une dizaine de jours, nous n’avons appris l’existence de ce rapport qu’à la suite d’une indiscrétion.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mais non !

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement s’apprêtait à laisser le débat se dérouler sans faire référence à ses conclusions et sans donner aucune explication. Je ne suis pas sûr que la démocratie s’exerce ainsi dans de nombreux pays !

S’agissant des sous-amendements de Mme Billard, M. Soisson, qui a protesté bruyamment, devrait manifester plus d’égards pour les dispositions que nous essayons de protéger. Il me semble en effet, monsieur Soisson, que vous étiez ministre du travail lorsque la loi du 12 juillet 1990 a été adoptée.

M. Maxime Gremetz. M. Soisson ne savait pas qu’il avait pris de bonnes initiatives lorsqu’il était ministre !

M. Alain Vidalies. J’étais, quant à moi, le rapporteur du texte en question. Vous devriez faire observer à vos amis d’aujourd’hui que ces mesures, qui sont dans le code du travail – article L.122-1-1 – depuis 1990 et qui n’ont pratiquement pas été modifiées, ce qui atteste de leur valeur, étaient le fruit d’un accord interprofessionnel. Ce dernier était différent du projet de loi d’origine mais nous avions accepté de le reprendre dans le code du travail. Ce fut un des grands moments de la négociation sociale dans notre pays.

Nous devrions donc faire référence à ce texte pour le protéger. En tout état de cause, la question posée par Mme Billard est incontournable. Quelle est en effet la cohérence de votre argumentation lorsque vous permettez que le CPE entre dans le champ d’application d’un certain nombre de cas aujourd’hui réservés soit au CDD, soit à l’intérim ? Il n’y en a aucune. Vous comprendrez donc que nous souhaitions poursuivre le débat sur ce point.

M. le Président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Pour avancer dans le débat, puisque tel est mon objectif (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il faut de la rigueur, de la précision, et avoir connaissance des documents sur lesquels on s’appuie pour travailler.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il nous fait une rechute !

M. Maxime Gremetz. La majorité peut se contenter de ce que lui dit le Gouvernement. Mais nous, nous n’acceptons pas ces méthodes parce que nous nous préoccupons de l’emploi dans notre pays et de l’avenir de notre jeunesse. Chacun devrait d’ailleurs avoir ce souci.

S’agissant des rapports commandés par le Gouvernement, les choses doivent être claires : il doit les communiquer à tout le monde, à moins, bien sûr, qu’il ne décide de publier que ceux qui vont dans son sens. Concernant le rapport Proglio,…

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il n’a même pas été remis !

M. Maxime Gremetz. …il semble bien que la gêne du Gouvernement tienne au fait que ses conclusions sont de nature à faire exploser le CPE en plein vol ! Déjà sur les emplois-jeunes, il n’avait pas voulu nous communiquer les résultats de son étude. Mais ce rapport-là, monsieur le ministre, il faut avoir le courage de le présenter à la représentation nationale. Ce n’est pas la propriété exclusive du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je remercie Alain Vidalies de son intervention. J’en confirme la teneur et l’utilité puisqu’elle m’a enfin permis de comprendre le propos de Mme Billard. Le présent débat est aussi utile que passionnant et l’opposition devrait se réjouir que le Gouvernement entende donner suite aux rapports qu’elle demande. Opposition et majorité remplissent leur rôle. Et nos discussions permettent d’aller sereinement vers la conclusion de nos travaux.

M. Maxime Gremetz. On voit à ce genre de propos qu’il a été ministre !

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je suis ravi d’intervenir après M. Soisson. Nous avons tous perçu la gêne de notre talentueux jeune rapporteur…

M. Maxime Gremetz. Il est promis à un bel avenir !

M. Jean Le Garrec. …et du ministre. Voilà à quoi on aboutit lorsqu’on croit pouvoir se passer de concertation avec les organisations syndicales et d’évaluation des dispositions proposées.

M. Alain Vidalies. Exactement !

M. Jean Le Garrec. Ce projet de loi abrite en effet des « loups » juridiques énormes et les remarquables sous-amendements de Martine Billard en débusquent quelques-uns.

M. Jean-Pierre Soisson. Alors n’en rajoutez pas !

M. Jean Le Garrec. La référence à l’excellent article L. 122-1-1 est fondamentale puisque seul le 3° relatif aux emplois saisonniers est explicitement exclu du champ du CPE. Les autres alinéas restent dans le cadre alors qu’il s’agit de missions provisoires qui n’ont pas vocation, si nous avons bien compris l’esprit de votre projet, à être remplies par le titulaire d’un CPE. C’est un problème de code du travail.

Vous êtes parfaitement au fait de ces questions, monsieur Soisson. Vous vous rappelez sans doute que la vérité surgit souvent à la faveur de la nuit. À l’occasion d’un précédent débat, vous aviez ainsi déclaré que l’objectif du Gouvernement était d’aller vers l’individualisation des rapports entre le salarié et l’entreprise, en faisant progressivement sauter toutes les garanties intermédiaires, y compris celles que procurent les organisations syndicales. Cela figure au Journal officiel, mon cher collègue.

Aujourd’hui, vous démontrez une nouvelle fois que tel est bien votre objectif. Alors au moins, ne nous reprochez pas de vouloir aller jusqu’au bout du débat pour mettre en évidence la véritable logique de ce texte !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n°116.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n°117.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :

Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)