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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 1er mars 2006

155e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

recherche

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de programme pour la recherche (nos 2784 rectifié, 2888).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 2 A.

Article 2 A

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez, inscrit sur l’article 2 A.

M. Pierre-Louis Fagniez. Sur cet article 2 A, de nombreux amendements tendent à décliner le principe du Haut conseil de la science et de la technologie. Cette instance, rappelons-le, est placée aux côtés du Président de la République. Cela posé, il y a plusieurs façons de voir les choses. On peut s’y prendre comme on le fait habituellement pour tout conseil ou organisme national, indépendant ou non : en définir les missions, en préciser les membres, demander un rapport. Mais nous sommes dans un cas très particulier. Le Sénat a voulu que la loi crée le Haut conseil et que celui-ci aide le Président de la République à prendre les grandes orientations en matière de recherche. Devons-nous aller au-delà son intention ? Certains soutiendront qu’il faut tout contrôler, y compris le Président de la République. Pour ma part, je pense qu’il faut laisser toute liberté au Président, qui doit pouvoir s’entourer de qui il veut.

Prenons deux exemples. Le général de Gaulle disposait d’une telle instance, qu’il avait choisie lui-même et qui a donné à la recherche les grandes impulsions dont nous vivons encore aujourd’hui. Il n’a pas été besoin d’en définir les contours et les missions, ni de réclamer des rapports. Par ailleurs, à M. Hollande, qui ne cesse de nous demander de nous référer au États-Unis, on peut signaler que le président Bush – mais c’était déjà le cas du président Clinton – est entouré d’un conseil, actuellement composé de six personnes, qui lui prodigue ses avis pour organiser la rechercher.

Je propose de ne pas aller plus loin. En revanche, nous devons saisir l’occasion pour donner à la recherche une importance telle que tous les candidats à la présidence de la République seront obligés de prendre position à ce sujet. S’il existe un Haut conseil, on aura tout loisir de leur demander de qui ils vont s’entourer, et pour mener quelle action. Nous ferons ainsi de la recherche un grand enjeu des élections présidentielles. Rien que pour cela, je souhaiterais que l’on s’en tienne à ce texte, car c’est s’arrêter à un sommet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Pierre-Louis Fagniez a bien exprimé le sentiment de la majorité des membres de la commission. J’ajouterai seulement que ce Haut conseil de la science et de la technologie s’inspire directement du « comité des sages » qui chapeautait la DGRST, lors de la mise en place par le général de Gaulle de ces structures qui ont donné un élan très fort à notre recherche. Cette instance est la clé de voûte du dispositif de recherche, qu’elle unifie par le haut.

Comme l’a dit Pierre-Louis Fagniez, le fait d’être placé directement auprès du Président de la République confère au Haut conseil un caractère particulier. La commission a néanmoins souhaité qu’une publication résume ses travaux une fois par an, et qu’il soit précisé que son champ de compétences intègre la dimension européenne ainsi que la question des transferts de technologie.

Le Sénat avait préparé une série d’amendements très techniques, qui tendaient par exemple à préciser le nombre des membres du Haut conseil et entraient très loin dans les détails. Ces dispositions devant plutôt être fixée par des décrets du Président de la République, les amendements ont finalement été retirés.

Pour moi, la création de cette instance est un retour en arrière chargé de sens : on perçoit bien qu’un tel éclairage manque actuellement. Il est essentiel de fixer des orientations, et telle sera la mission du Haut conseil.

M. le président. Souhaitez-vous intervenir sur l’article, monsieur Cohen ?

M. Pierre Cohen. Oui, monsieur le président : cela nous permettra de gagner du temps lors de l’examen des amendements.

M. le président. La parole est donc à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Les débats sur les enjeux scientifiques sont d’autant plus nécessaires que l’on a pu observer chez nos concitoyens un certain trouble, voire une remise en cause, vis-à-vis de la science. Les problèmes liés au sida, au sang contaminé ou à l’ESB les ont amenés à se poser des questions. Ils se demandent si les scientifiques sont toujours neutres et pensent parfois que leurs avis sont sujets à caution au vu des enjeux économiques : c’est ce que l’on constate encore dans le débat sur les OGM, où l’organisation de la production agricole est tributaire de décisions hautement scientifiques. J’ai eu aussi l’occasion de dire à maintes reprises combien il est nécessaire d’organiser la culture scientifique et technique dans notre pays.

Si la création d’une instance au plus haut niveau de l’État semble en effet importante, pourquoi la placer seulement auprès du Président de la République et du Gouvernement ? L’organisation de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est déjà en rupture totale avec les principes démocratiques qui régissent les organismes scientifiques, dont les conseils d’administration comportent toujours une bonne part de membres élus : dans le cas de l’agence, ces membres seront nommés. Le Haut conseil sera composé de personnalités importantes et ses travaux auront une portée considérable pour l’ensemble de la société. Ce serait bien le moins qu’il s’élargisse vers le Parlement.

Certes, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques joue un rôle extraordinaire. Depuis des années, il ouvre des champs nouveaux, initie des débats et donne des orientations importantes. Mais il a aussi ses limites. Lors de la préparation de nos débats sur ce texte, il a mené une réflexion, procédé à des auditions, travaillé avec des scientifiques, mais il ne permet pas d’avoir un débat régulier sur les enjeux scientifiques ou sur la politique de la recherche. Et quand bien même ce serait le cas, il ne pourrait s’appuyer que sur des rapports remis par des parlementaires.

Je regrette que le texte comporte une vision aussi étriquée de problèmes qui touchent à la société entière et devraient être débattus par tous les citoyens. Pourquoi, je le répète, réserver les résultats des travaux du Haut conseil au Président de la République et au Gouvernement ?

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 2 A.

Je suis saisi d’un amendement n° 115.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement quasi rédactionnel tend à introduire un titre dans le code de la recherche.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 342.

La parole est à M. Alain Claeys, pour le soutenir.

M. Alain Claeys. Comme Pierre Cohen, je crois qu’il est important que le Parlement soit associé à la réflexion du Haut conseil. L’agence de biomédecine, par exemple, créée lors de la révision des lois de bioéthique, rend chaque année un rapport tant à l’exécutif qu’au Parlement. Il faudrait qu’il en soit de même pour le Haut conseil. Nous l’avons vu en discutant de l’article 1er : c’est dans ce dialogue singulier entre l’exécutif et le Parlement que nous parvenons à faire avancer les choses. En matière de recherche, le Parlement doit être saisi des orientations la nation et éclairé par cette instance. L’État stratège n’en sera que plus efficace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable. Le Président de la République, garant du fonctionnement des institutions, est le plus haut personnage de l’État. Le Haut conseil aura un poids bien plus grand s’il est placé auprès de lui : il est inutile de détailler toutes les structures qui peuvent être intéressées par ses travaux !

M. Pierre Cohen. Dans ce cas, le texte ne devrait pas mentionner le Gouvernement !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Laissez-moi terminer, monsieur Cohen !

S’agissant de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, vous pouvez bien faire la moue : il n’empêche que cette instance existe et a une action significative. Ce n’est pas à moi que vous ferez dire le contraire : j’en ai été membre et l’ai complété par l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, qui nous apporte beaucoup d’informations.

Enfin, un amendement n° 119 de la commission précise que le Haut conseil devra publier un rapport annuel, qui sera évidemment à la disposition de tous les parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je partage totalement le point de vue du président de la commission. J’ajoute que le Haut conseil ne peut pas être une autorité indépendante au sens juridique du terme puisqu’il donne des avis mais ne rend pas de décisions.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. C’est bien ainsi que nous l’avions compris. Mais pour répondre à M. Dubernard, si, au travers du Président de la République, ce sont toutes les autorités qui sont concernées implicitement, il n’est pas utile de mentionner le Gouvernement.

Par ailleurs, j’ai clairement affirmé tout le bien que je pensais de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques. Pour y participer autant que mes disponibilités le permettent, je peux garantir la qualité du travail qui y est effectué, tant au niveau des rapports que des auditions, au point même que de nombreux chercheurs le sollicitent sur certaines de leurs interrogations. Vous ne pouvez donc pas me reprocher de faire la moindre critique à l’office.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je l’espère bien !

M. Pierre Cohen. Le problème n’est pas là. Ce n’est que ponctuellement, par exemple à propos de la grippe aviaire, que les parlementaires sont conduits, dans le cadre de cet office ou d’une mission d’information, à procéder à des auditions et à produire un rapport. Ce n’est pas ainsi que je conçois le débat régulier sur des enjeux scientifiques. De mon point de vue, le Haut conseil, qui est composé des plus hautes sommités scientifiques, devrait pouvoir lancer en toute indépendance un débat et le soumettre au Parlement, qui s’en saisirait à son tour pour éventuellement élaborer des propositions de loi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Il faut veiller au respect du principe de la séparation des pouvoirs. Dans ce cadre, le Président de la République et le Gouvernement peuvent s’appuyer sur certaines institutions…

M. Pierre-Louis Fagniez. Bien sûr !

M. Daniel Garrigue. …tandis que, de son côté, le Parlement dispose d’autres moyens d’information, qu’il peut encore développer. Bien entendu les avis du Haut conseil pourront éventuellement être adressés au Parlement, mais la démocratie suppose un minimum de sources contradictoires.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je ne suis pas persuadé que l’étanchéité entre le Parlement et le Gouvernement soit aussi totale que le dit notre collègue puisque l’une des missions du premier consiste à contrôler l’action du second.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il ne s’agit pas du Gouvernement !

M. François Brottes. Monsieur le ministre, les décrets d’application permettront-il à une commission de notre assemblée de consulter tout rapport ou tout avis du Haut conseil ? Les fruits de sa réflexion pourront-ils être accessibles en toute transparence aux parlementaires ? Si tel était le cas, notre amendement pourrait trouver une forme de réponse.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Je suis très attaché à la séparation des pouvoirs, mais je ne crois pas qu’elle soit très efficace pour faire avancer la science et la recherche. Je rejoins ce que disait Christian Blanc cet après-midi : les structures, c’est une chose, mais la réflexion collective que doivent mener l’exécutif et le législatif doit se faire par des allers et retours. Ce serait justement à la Haute autorité d’imprimer ce mouvement, en éclairant le Président de la République, certes, mais aussi le Gouvernement et le législateur. Tel est le sens de notre amendement, que les décrets d’application satisferont, je l’espère, en précisant les choses. L’avenir de la recherche et des universités ne dépend pas que de données quantitatives. Sur les orientations stratégiques, le Parlement doit pouvoir bénéficier de l’éclairage d’une telle Haute autorité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Bien sûr, les avis du Haut conseil seront, par principe, publics. Du reste, un amendement de la commission le précisera ultérieurement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 342.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de codification, n° 116, de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27 de M. Mamère.

M. Alain Claeys. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.

M. Daniel Garrigue. Il s’agit d’un prototype d’amendement, qui est un peu court pour parler de l’Europe. Je souhaiterais surtout que mon amendement n° 40 puisse faire l’objet d’une discussion commune avec le n° 118 de la commission, car si l’objet est le même, certaines nuances méritent d’être discutées.

M. le président. Rassurez-vous, ce sera le cas.

M. Daniel Garrigue. Je retire donc l’amendement n° 41.

M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 117.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, les transferts de technologie prennent une dimension particulière, qu’il convient de mentionner.

M. Alain Claeys. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 117.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28, de M. Mamère.

M. Alain Claeys. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 270, 118 et 40, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Charzat, pour soutenir l’amendement n° 270.

M. Michel Charzat. Dans son discours introductif à l’examen du projet de loi par le Sénat, le 16 décembre dernier, M. de Robien a plaidé pour que la France participe plus activement à la construction de la recherche européenne. Il a affirmé que le pacte pour la recherche préparait nos structures à établir de meilleurs partenariats au sein de l’Europe. Ces déclarations, que j’approuve, paraissent surprenantes aujourd’hui, dans la mesure où la dimension européenne est la grande absente du projet de loi. Il est pourtant évident que la recherche nationale ne peut se développer hors du contexte européen, sans une politique active de coopération avec nos partenaires étrangers. La recherche franco-française n’a pas d’avenir, mais, monsieur le ministre, vous semblez ne pas vouloir le comprendre.

Cet amendement tend donc à rappeler, au moment où nous nous interrogeons sur les modalités d’instauration et de fonctionnement d’un organisme que vous souhaitez voir conseiller le Président de la République et le Gouvernement, que l’Europe existe bien. Le Haut conseil de la science et de la technologie devrait, selon nous, intégrer dans ses préconisations les objectifs fixés par le Conseil européen de Barcelone et s’assurer que les recommandations de la Commission européenne sont bien observées. Je pense notamment à celles qui préconisent l’ouverture de négociations avec les partenaires sociaux publics et privés en vue de définir les améliorations à apporter au système de recherche, ainsi que la concertation sur les modalités de suivi de la mise en place de ces réformes.

Les multiples structures et agences que vous voulez créer ne doivent pas omettre la perspective européenne, qui s’impose vraiment en matière de recherche. Tel est l’objet de cet amendement, que la représentation nationale devrait adopter à l’unanimité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n° 40.

M. Daniel Garrigue. Nous avons tous le souci de faire le lien, dans le projet de loi, entre la recherche nationale et la recherche européenne, qui se développent aujourd’hui selon des procédures, des instruments et des finalités séparés. Le Haut conseil paraît incontestablement le mieux placé pour établir ce lien.

Chacun pense certainement que son amendement est le meilleur. Le mien est certes perfectible, mais il a deux avantages. D’abord, à la différence de celui de la commission, il ne place pas la politique de recherche française en situation de subordination par rapport à l’Europe, comme si le cadre européen nous était imposé une fois pour toutes. Il se situe plus en amont, en donnant pour mission au Haut conseil de présenter des analyses, des conseils ou des propositions avant que les discussions aient lieu à l’échelle de l’Europe. Il jouerait ainsi vraiment un rôle de conseil auprès du Président de la République et du Gouvernement avant les Conseils européens ou les conseils des ministres européens de la recherche.

L’autre avantage de mon amendement est de ne pas se limiter uniquement à l’Europe. Nous n’avons pas vocation à nous enfermer dans la seule recherche européenne. Le souci d’excellence peut nous conduire à rechercher aussi, dans certains domaines, des coopérations avec les Américains, les Japonais, les Chinois, les Russes ou les Indiens. Il me semble donc important de viser aussi les coopérations internationales. Bien sûr, pour nous l’Europe est centrale pour la compétition entre puissances. Mais l’enjeu d’excellence doit nous conduire à rechercher des coopérations plus larges.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 118 et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 270 et 40.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Tout le monde est d’accord pour que le Haut conseil prenne en compte la dimension européenne. Estimant la rédaction de l’amendement n° 118 plus satisfaisante que celle du n° 270, la commission avait adopté le premier à l’unanimité. L’amendement de M. Garrigue étant arrivé ultérieurement, nous l’avons considéré comme satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous avons le même objectif de mettre la politique de recherche nationale en cohérence avec la politique européenne de recherche, tout en conservant une influence sur la définition de cette politique européenne. Placé auprès du Président de la République, le Haut conseil sera un organe administratif que sa nature ne prédisposera pas à émettre des avis – éventuellement critiques – sur la politique européenne. Ce serait, du reste, assez délicat. Si critiques il devait y avoir, ce serait, le cas échéant, au Gouvernement de les exprimer. La rédaction de la commission semble, à cet égard, la mieux adaptée. Je suis donc défavorable aux amendements nos 40 et 270 et favorable à l’amendement n° 118.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Les propos du ministre appellent quelques commentaires.

Dans notre esprit, le Haut conseil avait vocation à réunir des sommités pour débattre des enjeux scientifiques. Mais, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, s’il formule des critiques sur la politique de la recherche européenne, il jouerait un rôle qui n’est pas le sien car il n’a pas à débattre de politique.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Tout à fait !

M. Pierre Cohen. Cela étant, s’il estime que le PCRD ne met pas suffisamment l’accent sur tel ou tel domaine scientifique, ce n’est pas critiquer la politique européenne. Au vu de ce qui est nécessaire pour l’évolution de la société, compte tenu de ses connaissances d’un domaine scientifique et des prévisions à long terme, il peut mettre l’accent sur un déficit européen comme français et estimer que des efforts sont à faire dans ce domaine et qu’il faut améliorer nos connaissances afin de pouvoir faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

J’estime que le Haut conseil doit avoir un regard eurocompatible, pour reprendre l’expression du président de la commission.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je persiste à défendre mon amendement, pour trois raisons.

Premièrement, l’Europe n’est pas une vache sacrée. C’est nous, et nous sommes pleinement partie prenante.

Deuxièmement, du fait des liens de plus en plus forts entre la recherche nationale et la recherche européenne, demander au Haut conseil de ne s’occuper que de la première sans formuler d’avis sur la seconde serait le rendre invalide. Je considère que le Gouvernement et le Président de la République ont vraiment besoin d’une appréciation scientifique. Cela me paraît d’autant plus nécessaire quand on voit le nombre d’instruments mis en place dans le cadre du septième PCRD.

Troisièmement, j’insiste à nouveau sur l’importance des coopérations internationales. S’il est nécessaire de définir une masse critique en matière de recherche, il est vital que nous puissions continuer à développer dans certains domaines, comme nous l’avons toujours fait, des coopérations internationales plus larges, dans un souci d’excellence. Et le Haut conseil doit pouvoir donner son appréciation scientifique sur ces dernières.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 40 tombe.

Je suis saisi de trois amendements, nos 119 rectifié, 201 et 272, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 119 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement, qui a été annoncé par le ministre, vise, tout d’abord, à renforcer la transparence des travaux du Haut conseil en posant le principe de la publication d’un rapport annuel.

Sur une suggestion de M. Claeys qui a paru satisfaisante aux membres de la commission, nous proposons également que le Haut conseil puisse consulter le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 201.

Mme Anne-Marie Comparini. Il y a un élément dans mon amendement qui montre que, comme M. Garrigue et mes collègues du groupe socialiste – les travaux parlementaires ont été fructueux –, nous avons une autre vision du Haut conseil.

Pour nous, il était une haute autorité indépendante destinée à éclairer les décisions de l’exécutif, comme il se doit dans une démocratie moderne. C’est ce qui explique que, dans un amendement, je précisais sa composition et la désignation de son président.

Si le rapport du Haut conseil doit bien évidemment être remis au Président de la République et au Parlement, nous considérons qu’il doit également être rendu public. Dans ce domaine peut-être encore plus que dans d’autres, il est important que les Français s’approprient les démarches que la science entreprend pour le développement de l’économie et de la société.

C’est pourquoi, dans l’amendement n° 201, il est ajouté au nombre des destinataires du rapport annuel, outre le Président de la République et le Parlement, les citoyens.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour défendre l’amendement n° 272.

M. Alain Claeys. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 201 et 272, car ils sont satisfaits par l’amendement n° 119 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Pour les mêmes raisons que le président de la commission, j’émets un avis défavorable aux amendements nos 201 et 272 parce qu’ils seront satisfaits par l’adoption de l’amendement n° 119 rectifié.

Cependant, je propose, sur l’amendement de la commission, un sous-amendement ayant un double objet.

Premièrement, je demande la suppression du deuxième alinéa, c’est-à-dire la consultation du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Ce comité a, comme tout organe de cette nature, une procédure de saisine qu’il importe de respecter. Évitons que les conseils ne se saisissent les uns les autres. Ce mode de travail ne me paraît pas très rationnel.

Deuxièmement, je souhaiterais que soient ajoutés au premier alinéa les mots : « dans le respect des dispositions de la loi du 17 juillet 1978. »

Pourquoi ? Parce que le Haut conseil peut être saisi de questions d’intérêt national et, notamment de défense nationale. La référence à la loi du 17 juillet 1978 nous garantit qu’il n’y aura pas d’infraction au principe général du respect du secret qui s’attache aux questions d’intérêt général et notamment de défense nationale.

Je pense que nous pouvons tous être d’accord sur ce point car il répond à l’intérêt commun de tous les gouvernements et également de tous les parlementaires.

M. le président. Je me permets de faire remarquer qu’il paraît normal que la Haute autorité respecte la loi. Quant à la nécessité de le préciser, je vous en laisse juge.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous écrivons la loi !

M. le président. Oui, mais la loi existe déjà et elle s’applique à tout le monde.

Monsieur le président de la commission, acceptez-vous de modifier votre amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Les explications du ministre m’ont convaincu. Je suis d’accord avec ses deux suggestions.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. La deuxième suggestion n’est peut-être pas nécessaire, je suis d’accord avec vous, monsieur le président. Mais je n’y suis pas hostile.

Par contre, il me paraît souhaitable que le Haut conseil puisse être éclairé par le comité consultatif national d’éthique, et ce pour une raison simple. Cela a fait l’objet d’un débat en commission. Ce n’est pas que je veuille faire valoir à tous les coups le principe de précaution mais cette haute autorité auprès du Président de la République doit avoir les moyens, sur un certain nombre de sujets – et je pense particulièrement aux sciences de la vie – de consulter le comité consultatif national d’éthique pour être éclairé. Je ne vois pas en quoi cela pose des problèmes.

Le Président de la République et le Gouvernement eux-mêmes font appel au comité consultatif national d’éthique. Que le Haut conseil puisse le faire ne me choque pas. Au contraire. Cela me paraît de nature à clarifier les choses.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite faire un rappel au règlement sur la démarche du Gouvernement. Peut-il réellement défendre un sous-amendement qui va à l’encontre de l’amendement lui-même ? Aurait-il des privilèges par rapport aux parlementaires ?

Je vous pose la question, monsieur le président, parce que je considère que vous êtes le mieux placé pour nous répondre.

M. le président. Le débat parlementaire autorise les sous-amendements.

J’ai simplement fait remarquer à M. le ministre que la seconde partie du sous-amendement me paraissait superflu étant donné que les dispositions de la loi sont normatives et que la loi du 17 juillet 1978 s’appliquera également aux membres du Haut conseil. Maintenant l’Assemblée est souveraine.

Monsieur le rapporteur, êtes-vous d’accord pour rectifier votre amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. Il devient donc l’amendement n° 119, deuxième rectification.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 201 et 272 tombent.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je demande une brève suspension de séance, monsieur le président.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de trois amendements, nos 59 rectifié, 200 et 367, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour défendre l’amendement n° 59 rectifié.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Cet amendement vise à confier au Haut conseil de la science et de la technologie une certaine autonomie par la possibilité de l’autosaisine et lui impose, en contrepartie, une obligation de transparence.

Sans cette autonomie et cette transparence, il risquerait de jouer un rôle de simple caution de décision politique prise d’avance, ce qui serait préjudiciable à sa crédibilité.

Enfin l’amendement inclut l’ensemble des pouvoirs publics, dont le Parlement, parmi les destinataires des travaux du Haut conseil.

Je reviendrai d’un mot sur les propos que j’ai tenus en conclusion du rapport présenté au nom de la commission des affaires économiques. J’ai participé, il y a quelques semaines, à un forum régional sur la recherche qui se tenait à Grenoble et j’ai retenu les propos de l’ancien président de l’Académie des technologies, Jean-Claude Lehmann : « Il faut que s’organise une certaine connivence entre tous les acteurs de la recherche. »

Pour organiser cette connivence et faire circuler cette information, il faut publier les travaux du Haut conseil et lui donner la possibilité de s’autosaisir de toutes les questions qu’il estime relever de sa compétence. Cela ne me semble en rien porter préjudice aux prérogatives de l’exécutif, pas même de l’exécutif suprême, de vouloir que le Haut conseil puisse décider tout seul.

Nous voudrions être sûrs – je ne voudrais pas être par avance désagréable, ni trivial – qu’il pourra se saisir à tout moment et qu’il ne se contentera pas de deux réunions statutaires par an.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour défendre l’amendement n° 200.

Mme Anne-Marie Comparini. La philosophie de liberté qui nous a animés est de même nature. Si ce Haut conseil est vraiment la structure qui va éclairer le Président de la République, puis le Gouvernement et le Parlement, il doit pouvoir décider en toute liberté des sujets qu’il souhaite évoquer, traiter et qu’il estime relever de sa compétence.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour défendre l’amendement n° 367.

M. Pierre Cohen. L’amendement n° 367 rejoint dans son esprit celui que vient de défendre M. Birraux.

Mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons souhaité que le Parlement soit, comme le Président de la République et le Gouvernement, destinataire des travaux de ce Haut conseil.

Et, a minima, si le Parlement n’était pas saisi, il aurait, grâce au rapport annuel et à la publication des travaux, la possibilité d’en débattre, soit au sein de l’Office, soit au moment des débats budgétaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. Vous préférez l’opacité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Nous avions initialement prévu la création de ce Haut conseil par décret. Le Sénat a souhaité que le principe de l’existence de ce conseil et sa mission, définie dans ses grandes lignes, figurent dans la loi. Nous l’avons accepté.

Nous avons également débattu du principe de publicité, qui peut être considéré comme un principe assez général.

M. Pierre Cohen. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous entrons là dans des règles de procédure concernant son fonctionnement…

M. Pierre Cohen. Non !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …et nous sommes manifestement dans le domaine réglementaire.

M. François Brottes, M. Pierre Cohen et M. Alain Claeys. Non !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cela me paraît incontestable au vu de l’article 34 de la Constitution.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pas vous !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Birraux, le décret prévoira ce droit d’initiative du Haut conseil. Et les modalités de fonctionnement de ce dernier seront fixées par voie réglementaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. L’avis défavorable de la commission ne doit pas être interprété comme une opposition au principe d’autosaisine. Je suis d’accord avec M. le ministre sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Ne négligeons pas les symboles. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous contenter de dire que le Haut conseil devait être créé par décret et que, pour faire plaisir au Sénat, vous avez accepté d’inscrire sa création dans le projet de loi.

Monsieur le ministre, si vous n’autorisez pas l’autosaisine, le Haut conseil ne sera qu’un cabinet du Président de la République, et cette institution sera dépourvue de sens.

Vous avez, monsieur le ministre, utilisé à plusieurs reprises des termes évoquant votre volonté de « respiration » de la recherche, d’« ouverture », de « liberté ». Il est donc incompréhensible que vous refusiez, par principe, cet amendement de bon sens.

Notre proposition s’inscrit simplement dans le cadre d’une démocratie qui « respire » normalement et qui s’approprie des sujets aussi importants que la recherche, en cohérence avec l’exécutif et la société.

Je vous demande de revoir votre position, qui me semble très étriquée par rapport aux enjeux de la recherche et à ce mot de « liberté » que vous avez utilisé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il me semblait qu’on pourrait examiner assez vite la création de ce Haut conseil de la science et de la technologie et qu’il serait possible à cet égard de parvenir à un accord.

Cet amendement résulte d’un consensus des états généraux de Grenoble. C’est – je regrette de le dire au président de la commission des affaires culturelles – un texte de compromis élaboré par la commission des affaires économiques, qui suit avec la même légitimité les questions de recherche et qui l’a adopté à l’unanimité.

Si, sur un texte de loi, on veut arriver non à un affrontement camp contre camp – ce qui a été le cas sur les crédits, les budgets, la programmation pluriannuelle – mais essayer de faire œuvre utile, il faut à un moment donné, savoir faire preuve de souplesse.

Vous opposez, monsieur le ministre, l’article 34 de la Constitution, à des gens qui, pour beaucoup d’entre eux, comptent nombre d’années de vie parlementaire et vous prétendez que la possibilité pour le Haut conseil de se saisir d’un certain nombre de sujets stratégiques et essentiels pour l’avenir relèverait du domaine réglementaire ! Les bras m’en tombent !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Relisez donc l’article 34 de la Constitution !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il n’est pas possible de dire au Parlement, qui fait œuvre législative sous l’autorité de M. Birraux, président de l’Office parlementaire et personnalité scientifique reconnue :…

M. Philippe Cochet. C’est un grand homme !

M. Jean-Yves Le Déaut. …« Circulez, il n’y a rien à voir ! Il n’y a pas d’autosaisine ! On dira au Haut conseil ce qu’il faut faire. Il ne sert qu’au Président de la République et qu’au Gouvernement. Il ne peut pas se saisir de questions stratégiques, de recherche, dans notre pays. »

Je vous demande, comme vous avez su le faire tout à l’heure de vous ressaisir,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. De m’autosaisir, pendant que vous y êtes ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. …pour que l’on puisse voter cet amendement et suivre M. Birraux, qui a été très ferme dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. J’ai l’impression que le ministre a besoin de réfléchir et que nous allons donc devoir recourir à une méthode qui a porté ses fruits tout à l’heure ! (Sourires.)

M. le président. Je vous vois venir ! Ne préjugez pas de ce qui est bon pour le ministre !

M. Pierre Cohen. S’agit-il seulement de créer une instance de conseillers scientifiques au service du Président de la République ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est extrêmement grave ! Je demande donc une suspension de séance pour que le ministre se reprenne.

M. le président. Je vous accorde deux minutes de suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-neuf, est reprise à vingt-deux heures trente et une.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite proposer un sous-amendement à l’amendement n° 59 rectifié car j’ai cru comprendre, monsieur le président, que vous autorisiez le dépôt de sous-amendements.

M. le président. À la condition qu’ils ne contredisent pas l’amendement.

M. François Brottes. Après avoir entendu l’argumentation de M. le ministre, je propose de supprimer la deuxième phrase de l’amendement : « Il publie ses travaux. »

En effet, l’amendement n° 119 rectifié de M. Dubernard renvoie déjà à un rapport du Haut conseil qui fera état de ses travaux. Il n’est donc pas nécessaire – mon collègue Birraux en sera d’accord – de le préciser deux fois dans le même article.

Le ministre ayant sans nul doute retrouvé la voie de la sagesse, consentira peut-être à admettre que les scientifiques qui siégeront dans ce Haut conseil ne sont pas seulement des membres d’un cabinet secret, mais aussi des scientifiques de renom, qui ont la capacité de s’autosaisir, et que cela relève de la loi et non du règlement.

M. le président. Acceptez-vous, monsieur Birraux, ce sous-amendement, qui portera le numéro 386 ?

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Non, monsieur le président. Les deux parties de mon amendement sont liées, je ne souhaite donc pas modifier son texte.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 386.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n°59 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 200 et 367 tombent.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut. Le président Birraux est reconnu !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 271, 199, 29 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Claeys, pour défendre l’amendement n° 271.

M. Alain Claeys. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 199.

Mme Anne-Marie Comparini. Nos débats ont révélé l’incompréhension qui règne autour du Haut conseil de la science et de la technologie dont la création est proposée dans ce projet de loi.

Pendant que mes collègues s’exprimaient sur l’amendement de M. Birraux, que je me félicite du reste d’avoir soutenu, je relisais l’exposé des motifs du projet dans lequel le Gouvernement affirme vouloir solenniser l’existence du Haut conseil, tant son rôle pour éclairer les grands choix en matière de recherche sera important et tant il s’intègre bien dans la modernisation de notre système national. Alors, autant aller au bout de la démarche. S’il s’agit de répondre à l’absence de pilotage de la recherche française et de retrouver comme le disait notre collègue Birraux une connivence avec le monde scientifique – ce que j’ai appelé hier dans mon intervention générale « l’indépendance qui restaure la confiance » – il relève bien du Parlement de fixer la composition et le mode de désignation des membres du Haut conseil.

Nos discussions sur les amendements Garrigue et Birraux n’ont fait que renforcer ma conviction sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 29. Je vous suggère de défendre en même temps votre amendement n° 30, mon cher collègue.

M. Noël Mamère. L’amendement n° 29 tend à ouvrir la porte du Haut conseil à des membres qui ne sont pas issus de la communauté scientifique – ce que du reste prévoyait le texte initial – mais dont le regard sur le monde ou sur les attentes de la société nous semble nécessaire et utile à la prise de décision. Il serait dommage de se priver du point de vue de personnalités qui portent des regards aiguisés sur les enjeux scientifiques.

Nous devrions aussi associer les « demandeurs de recherche » c’est-à-dire des représentants de consommateurs ou de malades par exemple dont le long parcours militant ou de questionnement a fini par leur conférer un savoir spécialisé et généraliste tout à la fois, à un niveau surprenant. Qu’il s’agisse de santé ou d’innovations technologiques pouvant avoir des conséquences sur l’environnement et la santé – je pense en particulier aux OGM – les acteurs de la société civile doivent pouvoir dire leur mot et participer à l’élaboration des politiques publiques. C’est ce que certains d’entre nous appellent la démocratie participative, car dans ces secteurs, règnent l’opacité et le secret plutôt que la transparence.

Je crois me souvenir que l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques avait, il y a quelques années, sous la houlette de Jean-Yves Le Déaut, organisé une conférence des citoyens, à l’image de celle qui existe dans d’autres démocraties – au Danemark par exemple depuis 1989. Hélas, nous ne nous inspirons pas de ces méthodes, sauf pour tordre le cou aux préconisations des citoyens qui avaient, par exemple, demandé un moratoire sur les OGM.

Quand il s’agit de choix techniques qui engagent l’avenir d’une société – et c’est le cas du texte que nous examinons – ce n’est pas aux laboratoires pharmaceutiques, aux experts et aux chercheurs de décider à notre place : c’est à la société, selon les nécessités sociales et non celles du marché, d’évaluer les risques qu’elle court en fonction des avantages que lui apporte telle ou telle technique. C’est la raison pour laquelle nous réclamons avec force la participation de personnalités ou de consommateurs.

Le Gouvernement ne se risque pas à définir précisément le Haut conseil et renvoie sa composition à un décret. Nous estimons – mes collègues du groupe socialiste, de l’UDF et, je l’espère, de l’UMP partageront cet avis – que trop souvent notre assemblée est ainsi « enjambée » : il suffit de se souvenir de l’article 49-3 que l’on nous a imposé pour l’adoption du CPE et de la bataille que nous avons dû livrer tout à l’heure pour que le Gouvernement accepte d’écouter la représentation nationale, unanime, en retenant le calcul en euros constants.

Il revient bien au Parlement de définir le cadre et l’esprit qui doivent présider à l’élaboration de ce décret même si nous regrettons que trop de lois de circonstance qui sont présentées par cette majorité renvoient aux décrets au mépris de la représentation nationale et fassent de notre assemblée une armée des ombres.

L’amendement n° 30 vise donc à insister sur la diversité des disciplines et des parcours représentés au sein du Haut conseil et sur la nécessité que ses membres soient réellement actifs et engagés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatre amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Premièrement, monsieur Mamère, nous sommes, nous aussi, des représentants du peuple. Deuxièmement, certains détails relèvent du domaine réglementaire et ne doivent pas figurer dans la loi !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il est incontestable que ces amendements relèvent du domaine réglementaire. Si nous suivions M. Mamère, je crains que ce Haut conseil n’ait plus de scientifique que le nom. Préciser la composition du Haut conseil dans la loi ne serait pas conforme à la Constitution. Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble des amendements.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous ne disons pas qu’il ne faut pas de scientifiques au Haut conseil, mais simplement que les choix qui engagent l’avenir de la société ne doivent pas être réservés à eux seuls.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre de la recherche, les avis émis par l’Académie des sciences affirmant que l’amiante est bon pour la santé ?

Faut-il vous rappeler l’avis émis par l’Académie de médecine qui s’est prononcée contre le principe de précaution, que le Président de la République a « constitutionnalisé » en réunissant sénateurs et députés à Versailles pour faire inscrire dans la Constitution que nous avions droit à un environnement sain ?

Faut-il vous rappeler que les juges des tribunaux d’Orléans et de Versailles ont relaxé les faucheurs d’OGM au motif qu’ils avaient appliqué ce principe de précaution, devenu principe constitutionnel ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. N’oublions pas non plus le principe de progrès !

M. Noël Mamère. Ne laissons pas aux seuls scientifiques, aux seuls experts et aux seuls chercheurs le soin de décider de notre avenir !

M. le président. La parole est à Christian Blanc.

M. Christian Blanc. Pour aller dans le sens de l’amendement de Mme Comparini, je crois que ce serait un signe fort que d’indiquer que le caractère discrétionnaire des nominations n’est plus la règle. En outre, ce serait un message compris par le monde de la recherche. Je ne suis pas suffisamment expert pour dire si cela relève du domaine règlementaire, mais je pense que le Parlement pourrait prendre position à ce sujet et considérer que c’est de sa compétence. Il appartiendra au Conseil d’État de vérifier la validité d’une telle décision.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Vous voulez dire au Conseil constitutionnel !

M. Christian Blanc. Oui, mais le Conseil d’État intervient avant.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il s’est déjà prononcé à ce sujet !

M. Christian Blanc. Je l’apprends.

Par ailleurs, monsieur le président de la commission, j’aimerais revenir sur les propos que vous avez tenus lors de l’examen de l’article 1er. Dans votre style si caractéristique, vous m’avez accusé d’être en dehors de la réalité, ce qui, je vous l’avoue, est un peu nouveau pour moi. Il se trouve que j’ai procédé à des vérifications et j’ai le grand plaisir de vous dire que mes affirmations étaient exactes. En matière de recherche et développement, le LETI de Grenoble et le MIT ont déposé un nombre équivalent de brevets en 2005. De 1998 à 2004, il y a eu 1 031 brevets émanant du MIT et 893 du LETI. Il s’agit donc d’une tendance lourde.

Vous comprendrez dès lors mon étonnement, étonnement amusé et inquiet, quand je constate que les pilotes de ce projet de loi ignorent cette réalité française et ne se posent même pas la question de savoir pourquoi un site de recherche comme celui-ci est capable d’une telle performance. Il eût été pourtant utile de s’interroger de façon moins rigide sur ce qui aujourd’hui est à l’origine du foisonnement de la recherche, dans toutes les disciplines.

Pour terminer, je soulignerai que le LETI est aujourd’hui au premier rang mondial, par millions de dollars investis dans la recherche.

Chers collègues, quand on s’attaque à un problème comme celui dont nous débattons aujourd’hui, il serait utile d’avoir ces éléments en tête.

M. François Brottes. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre, soit le Haut conseil ne sert strictement à rien : sans mission définie, dénué de crédibilité, il n’est écouté par personne, et on peut effectivement y nommer qui on veut, quand on veut, comme on veut, ce qui entraînera très vite sa disparition ; soit on considère qu’il a un rôle extrêmement important : d’une part en rendant lisibles pour le citoyen les résultats de la recherche scientifique mais aussi ses enjeux, grâce à des regards croisés ; d’autre part, en éclairant le choix de ceux qui, tant au Parlement qu’au Gouvernement, ont des décisions à prendre. Et alors, il faudra faire figurer dans la loi au moins les catégories de personnes qui doivent y être nommées.

Dès lors, vous pourriez, à l’occasion d’une suspension de séance, faire une synthèse des différentes propositions faites dans les amendements pour que notre assemblée soit bien au fait du rôle que jouera cette instance. Je vous rappelle que les enjeux scientifiques et techniques, dont il est si souvent question, sont des enjeux majeurs de notre société. Il s’agit d’une cause nationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Monsieur Blanc, croyez bien que je m’empresserai de vérifier à mon tour ce qu’il en est des brevets. C’est mal connaître le MIT que d’affirmer que les deux structures déposent autant de brevets, et je le dis sans mépris pour le LETI. Je pense que les chiffres que vous avez cités valent pour un domaine bien précis, sans doute la microélectronique.

Par ailleurs, vous avez insinué que je ne connaissais pas très bien le système.

M. Christian Blanc. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Pardonnez-moi, mais je connais un peu l’enseignement supérieur et la recherche. Pour votre part, vous n’avez que rarement assisté aux réunions de commission pendant lesquelles nous avons procédé aux diverses auditions. Vous n’avez donc pas la même connaissance de ce milieu que les députés qui y ont participé, comme Mme Comparini.

Enfin, cet après-midi, ce que je me suis permis de vous dire, c’est qu’il valait mieux avancer à pas rapides et sûrs, plutôt que de faire des sauts de libellule, en dehors de la réalité.

M. Christian Blanc. Vous recommencez !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Face au silence pesant du Gouvernement, je soulignerai, monsieur le ministre, qu’il est de tradition dans cet hémicycle que le Gouvernement dise au moins comment il envisage la composition d’un organisme quand il renvoie celle-ci au domaine réglementaire. Au minimum, il faut que nos débats servent à préciser ce qui figurera dans le décret.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 199.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 58.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le soutenir.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je ne suis pas devin mais je crois déjà savoir quelle sera la position du Gouvernement. (Sourires.)

Mon amendement, plus modeste, dit simplement que la composition du Haut conseil doit tenir compte de la diversité des disciplines et des institutions de la recherche française. Des contacts que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a eus avec les scientifiques sur le terrain, j’ai retenu ceci : la science est de plus en plus pluridisciplinaire. C’est cette alchimie alliant des disciplines qui ne vont a priori pas ensemble qui permet de la faire progresser. Il faudrait donc que le Haut conseil puisse bénéficier de telles fécondations croisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis défavorable. Comme je l’ai déjà dit à M. Birraux, cet amendement est d’ordre réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. J’aimerais revenir un court instant sur le débat que nous venons d’avoir. À l’origine, nous avons envisagé de renvoyer à un décret la création du Haut conseil, conformément à l’avis du Conseil d’État. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Mais on s’en fout du Conseil d’État !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. N’oubliez pas qu’il nous faut respecter les juridictions, quelles qu’elles soient !

Le Sénat a souhaité inscrire dans la loi le principe de la création de cette instance, mais c’est au règlement qu’il appartiendra d’en fixer la composition et les règles de fonctionnement.

Il est évident que nous y nommerons des personnalités dont personne ne pourra contester la légitimité et la compétence. Si nous y nommions des scientifiques de troisième zone, l’autorité du Haut conseil en serait bien sûr immédiatement affectée. Nous veillerons à exaucer le souhait de Claude Birraux. Il y aura des équilibres délicats à établir entre différentes disciplines et institutions de recherche, auquel s’ajoutera un équilibre entre hommes et femmes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 31.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. L’adoption de cet amendement ne devrait pas poser problème puisqu’il vise à ce que le Haut conseil respecte la parité entre hommes et femmes, conformément aux réalités sociologiques de notre pays et à la nécessité d’accorder en France une place importante aux femmes dans les processus de décision publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cet amendement est satisfait par l’article 21 bis, introduit par le Sénat, qui pose un principe général de représentation équilibrée entre hommes et femmes pour toutes les nominations dans les comités, conseils et organes de direction.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère. Non, car, sans jouer sur les mots, j’aimerais savoir quelle différence le ministre fait entre représentation équilibrée et représentation paritaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Dans une instance où il y a à trouver de nombreux équilibres, entre disciplines et organismes de recherche notamment, il peut se faire qu’il y ait une répartition 60-40 en faveur d’un genre ou d’un autre. C’est inévitable et l’expression de « représentation équilibrée » est aujourd’hui très largement adoptée dans nos textes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 120 et 202.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 202.

Mme Anne-Marie Comparini. Nous avons souligné la nécessité d’associer les citoyens français à toutes les démarches concernant la science, qui à la fois fascine et fait peur. Les débats que nous venons d’avoir sur le Haut conseil me renforce dans l’idée qu’il serait utile que, dans les différentes instances concernées, un spécialiste assure le dialogue avec la société mais surtout le partage de l’information sur les stratégies scientifiques. Je propose donc dans cet amendement, repris par la commission, de confier ce rôle au Conseil supérieur de la recherche et de la technologie pour tout ce qui concerne les choix arrêtés par le Haut conseil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La mise en place du Haut Conseil de la science et de la technologie impose de revoir les missions du CSRT afin qu’il joue le rôle d’interface entre la société et la science.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, qui est maintenu malgré la création du Haut Conseil de la science et de la technologie, avait été institué par voie réglementaire. Juridiquement, il serait assez curieux, voire contestable, de modifier un décret par la loi.

M. Jean-Yves Le Déaut. Et l’ANR ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements, même si l’objectif de leurs auteurs rejoint tout à fait celui du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Monsieur le président, après avoir entendu une explication juridique aussi claire et brillante, je retire l’amendement n° 120.

M. le président. L’amendement n° 120 est retiré.

Madame Comparini, maintenez-vous l’amendement n° 202 ?

Mme Anne-Marie Comparini. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, nous n’y comprenons plus rien.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est dommage !

M. Alain Claeys. Je souscris à l’objectif de Mme Comparini que je croyais partagé par le rapporteur avant qu’il se rallie à l’explication juridique du ministre.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Parce qu’elle est claire !

M. Alain Claeys. Cet amendement montre la nécessité pour le Haut conseil de servir de relais auprès de nos concitoyens. Le rapporteur nous a certes dit que le Parlement pouvait tenir ce rôle en tant qu’incarnation de la démocratie représentative, mais il a reconnu aussi, juste avant de retirer son amendement, que le Conseil supérieur pouvait remplir cette fonction d’interface entre le Haut conseil et nos concitoyens. Il préfère donc assurément la démocratie participative à la démocratie représentative !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Mais non ! Le ministre nous a donné un argument technique !

M. Alain Claeys. Après une heure et demie de débat, je sais maintenant que la complexité que nous avions évoquée hier se traduit parfaitement à travers les structures que vous essayez de définir. Vous nous avez expliqué hier qu’il fallait simplifier les procédures, donner plus de liberté, plus de souplesse et de lisibilité. Or, ce soir, personne n’est capable de définir quel est le rôle respectif du Haut Conseil et du Conseil supérieur ni de savoir ce qui relève du décret, de la loi et des avis du Conseil d’État. Ceux qui liront le compte rendu de nos débats demain auront beaucoup de difficultés à y voir clair.

M. le président. Il est surtout difficile de faire respecter l’article 34 de la Constitution !

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Tout cela est en effet fort compliqué. Je ne comprends pas bien le revirement du président de la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je répète qu’il a une raison technique !

M. Pierre Cohen. Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie a pour rôle de donner un avis sur toutes les lois et les budgets qui le concernent. Du reste, les parlementaires peuvent se servir de cet avis.

Là, on se retrouve avec un Conseil supérieur qui devient un relais auprès de la société, ce que vous avez refusé tout à l’heure pour le Haut conseil. En fait, si j’ai bien compris, le Haut conseil débat mais ne publie rien.

M. Alain Claeys. Exactement !

M. Pierre Cohen. Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie profitera de ces débats pour engager à son tour un débat avec la société. À la limite, pourquoi pas ? Mais que le Parlement ait au moins le droit d’intervenir.

Vous êtes en train de faire du Haut conseil un cabinet obscur de scientifiques. D’ailleurs, vous aurez du mal à les convaincre d’y participer, car ils deviendront des conseillers scientifiques du Président de la République. Ils devraient, au contraire, avoir pour ambition de créer un débat sur les enjeux scientifiques, qui serve non seulement au Président de la République, au Gouvernement, mais aussi au Parlement, au Conseil supérieur et à l’Agence – qui n’a même pas de conseil scientifique ni la possibilité de débattre ou de décider des orientations en matière de recherche.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. À ce point du débat, nous avons besoin d’être éclairés sur l’articulation entre le Haut conseil, l’Agence et le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie. J’aimerais que le ministre nous dise précisément où l’État stratège définit ses orientations.

Nous avons une Agence qui n’a pas de conseil scientifique et un Haut conseil qui est à la seule disposition du Président de la République.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Et du Gouvernement.

M. Alain Claeys. En effet.

Mme Comparini essaie de trouver une articulation entre le Haut conseil et le Conseil supérieur. Où se situe la représentation nationale dans ces choix scientifiques ? Quelle articulation y a-t-il entre le Haut conseil et l’Agence ?

M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous répondre ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous nous sommes déjà largement exprimés les uns et les autres lors de la discussion générale, et je suppose que vous en avez aussi débattu en commission.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’article 2 A, que vous allez adopter dans quelques instants, définit les missions du Haut Conseil de la science et de la technologie. Il est chargé d’éclairer les pouvoirs publics sur les grandes orientations en matière de politique de recherche. Quant au Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, sa mission, qui n’est pas du même ordre, est définie par les textes et elle ne sera pas affectée par l’adoption de ce projet. Il se prononce, par exemple, sur les textes relatifs à la recherche et son avis n’est pas requis sur les grandes orientations.

S’agissant de l’ANR, contrairement à certaines personnalités, et notamment le rapporteur du Conseil économique et social, nous ne pensons pas qu’elle doive constituer une sorte d’autorité scientifique nouvelle au sein de notre appareil de recherche. Ceux qui parlent d’empilement n’ont pas bien analysé le projet de loi.

M. Alain Claeys. Quelle articulation y a-t-il entre le Haut conseil et l’Agence ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’ANR est une agence de gestion des procédures, chargée de lancer des appels à projets,…

M. Pierre Cohen. Sur quelles bases ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …d’analyser les réponses des équipes, d’effectuer des choix et de gérer l’affectation des crédits. Quant aux orientations, elles sont prises par l’État, des commissions scientifiques écrivant les projets en fonction des thèmes retenus.

M. Pierre Cohen. Voilà qui est clair !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est l’État qui est le lieu de la synthèse ; il ne peut pas y en avoir d’autre. C’est lui qui choisit les grands thèmes de recherche et décline les priorités. Il faut assurer une cohérence entre les organismes, les universités, l’agence de gestion des procédures. Il serait absurde que l’INRA ou l’INSERM, par exemple, mènent une politique différente de celle de l’ANR. C’est pourquoi il faut un lieu de synthèse, et c’est la nouvelle direction générale de la recherche et de l’innovation qui la fera. Chaque année, elle organisera des conférences scientifiques réunissant les représentants des grands organismes scientifiques – en matière agronomique, il pourra s’agir de l’INRA – et des secteurs économiques concernés pour la recherche finalisée. À partir des grandes orientations données par le Haut conseil, elle définira des thématiques plus précises, déclinées à leur tour par les organismes, comme c’est le cas aujourd’hui, ou au sein de l’ANR, qui n’a pas à avoir de politique scientifique autonome.

Actuellement, les organismes sont soumis à la tutelle de l’État et la politique scientifique qu’ils mettent en œuvre est approuvée par leur conseil d’administration et par l’État. Nous avons là un nouvel outil, un outil d’appel à projets, l’ANR, qui doit être coordonné avec les politiques mises en œuvre par les grands organismes.

M. Pierre Cohen. C’est la fin de la liberté de la recherche !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cette architecture n’a rien d’extraordinaire. Elle est tout à fait conforme à ce qui se fait dans tous les grands pays scientifiques. Je conteste l’idée selon laquelle la détermination des priorités serait du ressort de la communauté scientifique. Si celle-ci est pleinement responsable des recherches qu’elle conduit, les priorités sont du ressort du Gouvernement. Il appartient au pouvoir démocratiquement désigné de faire des choix. L’année dernière, par exemple, nous avons décidé de mettre l’accent sur les maladies émergentes. De la même manière, lorsque nous avons fait le choix, qui se décline dans un certain nombre de grandes politiques scientifiques, de définir comme priorité la politique de l’énergie, cela s’est traduit dans le nucléaire par l’EPR, la quatrième génération de réacteurs, la recherche sur les biocarburants ou encore sur la pile à combustible. Qui d’autre que le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, peut faire des choix de cette nature ?

M. Noël Mamère. Et le débat public ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il est impossible de confier de tels choix à la communauté scientifique, qui ne peut se prononcer que sur la recherche qui est de son ressort, et non sur des choix de société. Des considérations économiques, géostratégiques, voire environnementales peuvent conditionner ces choix, mais ils restent de la responsabilité et de l’honneur du politique.

Voilà notre conception des choses. Elle est claire et j’ajoute que les pays qui ont une politique de recherche pratiquent de la même façon. Mais, bien sûr, vous avez le droit de penser différemment.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je tiens à remercier M. le ministre même s’il n’a pas répondu à Alain Claeys sur le Haut conseil. En quelques minutes, toutes nos inquiétudes se sont transformées en certitudes ! Dorénavant, nous allons discuter pied à pied, pour démontrer que ce que vous mettez en place correspond à ce que nous craignions de pire.

Le haut conseil sera complètement inféodé au Président de la République et au Gouvernement. Celui-ci, et c’est une première, donnera ensuite les grandes orientations à l’agence nationale de la recherche, laquelle n’a ni conseil scientifique, ni membres élus.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Vous n’avez pas compris !

M. Pierre Cohen. Au fur et à mesure des arbitrages budgétaires, l’agence acquerra une surface financière telle qu’elle déséquilibrera les organismes de recherche et les universités. Ayant la main sur les appels à projet, elle amènera l’ensemble des scientifiques à se positionner. À l’exception de quelques projets « blancs », tout le reste sera dicté par les orientations du Gouvernement. Après ça, monsieur le président Dubernard, allez dire que les chercheurs seront libres ! Il s’agira d’une véritable inféodation.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. N’importe quoi !

M. Pierre Cohen. Vous avez été très clair et très transparent. Nous allons, le compte rendu analytique à la main, décortiquer vos propos car tout ce que vous avez dit est extrêmement grave pour l’avenir de la recherche française.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. De toute façon, vos décorticages iront toujours dans le même sens !

M. Pierre Cohen. La recherche sera couchée !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Plutôt que de nous éclairer sur l’application du principe de transparence en matière de recherche, vous n’avez réussi, avec votre intervention, monsieur le ministre, qu’à nous embrouiller.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Pourtant, elle a éclairé M. Cohen !

M. Noël Mamère. Vous nous avez expliqué comment le projet de loi organise l’opacité au lieu de la transparence et de la participation des représentants du peuple ainsi que des forces vives de la société.

Pardonnez-moi l’expression, mais je tombe, sinon de l’armoire qui fait défaut ici, du moins de mon banc de député en vous entendant déclarer que c’est au Gouvernement de décider des choix en matière de recherche. N’y a-t-il pas un Parlement qui devrait débattre des grandes orientations ? A-t-on véritablement débattu ici des choix sur l’énergie ? Qui a décidé de fait de l’EPR en plein débat public et tordu le cou à l’initiative qui avait été prise par l’un de vos amis politiques lorsqu’il était au Gouvernement ? Ainsi, 3 milliards d’euros ont été engagés pour un process industriel qui date de 1991 et qui nous est présenté comme moderne.

Qui a décidé le programme ITER, qui représentera 30 milliards d’euros sur dix ans, alors que nous savons que la lutte contre l’effet de serre doit s’appuyer sur l’efficacité énergétique, les économies d’énergie et les énergies renouvelables ? Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre de la recherche, qu’en matière d’énergie verte, l’Allemagne produit 18 000 mégawatts et la France 200 ? Nous sommes très en retard. Nous avons pris des engagements devant l’Europe et, si nous continuons à ce rythme, il nous faudra quarante ans pour les tenir.

Que dire quand votre gouvernement donne des autorisations de dissémination volontaire d’OGM – non pas dans le cadre de recherche car il s’agit d’innovations – en contradiction avec des directives européennes qui datent de 2001 ? Vous prenez le risque, dans le projet de loi sur les OGM que vous allez nous présenter, de maintenir le secret industriel quant à leurs effets sur la santé. Non seulement vous êtes inféodés – le mot est juste – aux grands semenciers internationaux, mais vous allez donner toute liberté aux chercheurs de devenir des apprentis sorciers, sans aucun contrôle de la société !

Votre projet de loi organise l’opacité et fait l’impasse sur la représentation nationale et la société. Est-ce souhaitable, monsieur le ministre, quand on mesure les menaces que sont les maladies émergentes telles que la grippe aviaire ? Comment pouvez-vous répéter qu’il n’y a pas de danger alors que la question essentielle est non pas de savoir si la mutation du virus aura lieu mais quand l’espèce humaine sera atteinte ? A-t-on mis en place des politiques de recherche et de prévention,...

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Oui, justement !

M. Noël Mamère. ...des politiques sanitaires qui ont été débattues dans cette assemblée ? Bien évidemment, non ! Faut-il revenir sur l’amiante ou les pesticides ? Qu’avez-vous fait ? En a-t-on débattu ici même ?

Ce n’est pas au Gouvernement de décider en nos lieu et place. Il exerce le pouvoir exécutif. En vertu de la séparation des pouvoirs, mise en œuvre par la Révolution française et définie bien avant par Montesquieu, c’est au législatif, aux représentants du peuple, de trancher et de débattre avec le peuple et la société des choix qui engagent l’avenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2B

M. le président. À l’article 2B, je suis saisi d’un amendement n° 121 rectifié de la commission. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 2B est ainsi rédigé.

Avant l’article 2

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels avant l’article 2.

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 32.

M. Noël Mamère. Cet amendement propose d’organiser un débat national tous les cinq ans, en vue de définir les outils et les priorités de la politique nationale de recherche et d’innovation.

Même si le projet de loi est voté, nous ne serons pas quittes parce que notre vote ne vaudra pas solde de tout compte. La LOLF organise certes des rendez-vous réguliers, mais la stratégie de recherche ne saurait se résumer à l’exécution du budget. Il faut donc un débat régulier au Parlement car la représentation nationale a le devoir et l’obligation de se saisir de ces questions, ne serait-ce que pour donner des impulsions nouvelles.

Je signale au passage qu’un tel amendement, s’il était adopté, permettrait d’éviter d’être confronté brutalement à des crises, comme celles que nous avons connues récemment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement, tout simplement parce que le législateur ne peut pas imposer l’organisation d’un débat en séance publique. Je vous renvoie, monsieur Mamère, à la décision n° 2003-484 du Conseil constitutionnel du 20 novembre 2003. Autrement dit, cet amendement est anticonstitutionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable, également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l’amendement n° 74.

M. Frédéric Dutoit. L’ANR a été créée sous forme de groupement d’intérêt public en février 2005, le Gouvernement ayant l’intention de la transformer en EPIC. Or un EPIC peut devenir employeur, ce que nous ne voulons pas. Les syndicats, comme les états généraux, refusent de doter l’ANR de telles sommes, ce qui impliquerait la création massive de CDD et, à terme, la fin du CNRS et des autres établissements publics à caractère scientifique et technologique en tant qu’organismes de recherche. Ils ne pourraient plus avoir de politique scientifique propre et se transformeraient en agences de main-d’œuvre pour des programmes décidés en dehors d’eux.

L’ANR pourrait se limiter à initier des programmes de coopération entre organismes de recherche et universités. Tel était d’ailleurs le rôle du comité de financement des programmes scientifiques prévu pour les états généraux.

Nous demandons donc que le budget de l’ANR soit plafonné à 700 millions d’euros en 2010 et que les crédits de base des laboratoires via les organismes et les universités soient augmentés.

Ensuite, l’ANR doit être dotée d’un conseil scientifique représentatif de la communauté scientifique et organisée de façon à intervenir en complément des organismes ou des établissements d’enseignement supérieur et à favoriser leur coopération.

Enfin, il faut freiner le développement accéléré des contrats à durée déterminée, les contrats précaires risquant de dissuader les étudiants de s’orienter vers un doctorat, ce qui aggraverait la crise.

En somme, cet amendement vise à accorder plus de pouvoir et une meilleure représentativité à l’ANR, et je ne doute pas qu’il sera adopté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable car l’amendement est d’ordre réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président. Nous abordons l’examen de l’article 2 sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. Je veux revenir rapidement sur les PRES, messieurs les ministres, qui constituent, de mon point de vue, l’un des éléments centraux du texte. Ils vont véritablement élargir les possibilités de coopération entre l’université et tous ceux avec qui elle aurait dû travailler depuis longtemps.

Le paysage de la recherche en France est ce qu’il est, comme l’a rappelé M. Blanc, et l’université n’a pas la place qu’elle a dans d’autres pays. On ne peut pas gommer le passé et supprimer Polytechnique, l’École normale supérieure, le CNRS, l’INSERM et l’INRA pour faire comme ailleurs où l’université est au centre du dispositif et où les quelques organismes de recherche sont des agences de moyens. Après y avoir longuement réfléchi et participé à toutes les auditions, je suis convaincu que nous ne sommes pas mûrs pour une réforme de cette ampleur. Je comprends donc M. Blanc quand il explique que nous ne pouvons pas réformer en même temps la recherche et l’université parce que nous sommes tributaires de notre histoire.

Dans un tel contexte, le pôle de recherche et d’enseignement supérieur ouvre la porte à la coopération pour donner à l’université la place qu’elle devrait avoir dans la recherche.

Vous avez bien voulu, monsieur le ministre délégué à la recherche, répondre aux questions que je vous ai posées et qui m’ont été suggérées par des chercheurs très intéressés par les PRES. Les échos ont tous été favorables, d’autant que l’idée d’origine remonte aux états généraux. Néanmoins, des inquiétudes subsistaient quant au statut juridique des PRES, notamment parmi les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel qui feront partie des fondateurs. Par exemple, le Collège de France a peur de voir son identité se dissoudre et son image internationale disparaître s’il s’associe au sein d’un EPCS avec Ulm, Paris VI, deux laboratoires de l’INSERM et le CNRS, comme me l’a expliqué son administrateur M. Glowinski. Je l’ai rassuré en lui disant que je demanderai dans l’hémicycle s’il était possible, comme pour les pôles de compétitivité, de se passer de la nouvelle structure de l’EPCS et de se contenter du statut d’association de la loi de 1901 qui permet toutes les coopérations.

Maintenant que vous m’avez répondu par l’affirmative, je vais aller un peu plus loin et vous demander si, en n’adoptant pas les structures ad hoc que sont l’EPCS surtout et la fondation de coopération scientifique, le PRES pourra disposer des mêmes avantages, en particulier des mêmes moyens alloués par l’État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les PRES posent une question majeure. Nous y sommes favorables au même titre que les états généraux de la recherche de Grenoble, où l’idée selon laquelle notre système universitaire est à la fois trop cloisonné et trop émietté a été largement reconnue.

Si les PRES, qui ouvrent la voie à la pluridisciplinarité et au regroupement des forces sur des zones géographiques précises, atteignent leur objectif en incitant les universités et les grandes écoles à travailler ensemble, ils permettront le développement de la recherche et de l’université françaises. Malheureusement, une autre notion apparaît dans le texte à côté de celle des PRES : non plus celle des campus, mais celle des réseaux d’excellence.

M. Christian Blanc. Des réseaux thématiques.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est la même chose.

Ces réseaux thématiques n’ont pas pour objectif de tirer vers le haut des centres de recherche partageant des compétences de niveau national, mais de soutenir, en leur allouant des crédits très importants, trois ou quatre pôles français – à l’exemple de l’Institut d’économie de Paris –, sans chercher par ailleurs à regrouper ce qui se fait de meilleur au plan national dans tel ou tel domaine.

Il s’agit d’un dévoiement de la notion initiale de PRES qui, au contraire, devait permettre d’utiliser la totalité du potentiel scientifique national, en reliant, dans le cadre d’un réseau national, des centres de recherche de niveau modeste à d’autres universités ayant atteint dans un domaine précis un niveau d’excellence. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à revenir sur la notion de réseau thématique telle que vous l’avez définie dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Messieurs les ministres, les PRES et les réseaux thématiques forment la deuxième grande partie du projet de loi.

Je suis, dans cet hémicycle, de ceux qui ont réfléchi depuis plusieurs années à la question des universités. Longtemps, j’ai pensé que, le problème central des universités étant celui de leur gouvernance, il se posait en termes de présidence ou de conseil d’administration. Ces dernières années, nous avons d’ailleurs vu fleurir de nombreuses propositions, relatives notamment au renouvellement du mandat présidentiel en vue d’assurer une meilleure coordination des plans votés par les universités.

Cependant en y réfléchissant de plus près, comment ne pas s’apercevoir que le problème de fond de nos universités est beaucoup plus simple : nous oublions trop souvent que le supérieur, en France, repose sur une logique facultaire et que nos universités sont très récentes. C’est donc sur le rapport entre les universités et leurs structures – les UFR, pour faire simple – qu’il convient de s’interroger préalablement. En effet, tant que nous n’aurons pas réglé les questions qui regardent le budget global, l’immobilier, l’évaluation de la masse salariale, la valorisation de la recherche ou la mutualisation des ressources, nous ne pourrons pas résoudre le problème de la recherche au sein des universités et celui de leur gouvernance.

Les PRES, qui ont été proposés à l’origine par la conférence des présidents d’université, et repris par le collectif « Sauvons la recherche », ont pour objectif de corriger les dérives suscitées par la politique, quelque peu anarchique, de création d’universités par une véritable politique de sites. Nous souscrivons à un tel objectif, mais comment ne pas craindre pour l’efficacité des PRES si ceux qui auront vocation à les susciter n’ont pas les moyens de leur politique ? Que pèseront en effet, au sein des PRES, les universités par rapport aux organismes de recherche et aux grandes écoles si elles ne disposent pas des outils leur permettant de maîtriser et de développer toutes leurs composantes ?

Les PRES posent donc deux questions centrales, relatives au mode de gouvernance et à leurs moyens financiers. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si les universités, aujourd'hui, pourront négocier dans le cadre des plans quadriennaux des lignes budgétaires visant à favoriser la coopération entre elles ? Cette possibilité ne figure pas dans la loi, mais là encore, chacun sait que ce sont les flux financiers qui décideront de l’efficacité des structures que vous nous proposez.

Par ailleurs, après la notion de campus, nous avons vu émerger celle de PRES thématiques, puis de réseaux thématiques. Nous y sommes hostiles pour une raison simple : la mise en place des réseaux thématiques, avant toute réforme des universités, comporte le risque de faire émerger des pôles d’excellence au détriment de certaines universités qui verront leurs ressources financières s’assécher et finiront par être démantelées. Sans vouloir vous faire un procès d’intention, monsieur le ministre, je tiens à ajouter que la gouvernance des réseaux thématiques pose de graves problèmes par rapport aux structures existantes.

Je souhaite, pour conclure, vous poser quelques questions.

Aujourd'hui, quelles sont les réformes qui, selon vous, paraissent nécessaires pour permettre à l’université d’acquérir une réelle autonomie par rapport aux organismes qui la composent ? Sur quels leviers agir en priorité : les contrats passés avec l’État, l’évaluation, le budget global, d’autres encore ? Quel mode de gouvernance préconisez-vous pour les PRES et quelle place donnez-vous aux structures de décision existant au sein de chacune des universités ? Pourquoi, enfin, avoir inventé les réseaux thématiques qui font courir un risque réel à nos universités qui ne sont toujours pas réformées, alors que les PRES suffisaient à favoriser les regroupements de compétences ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je soutiens, moi aussi, d’autant plus le concept de pôles de recherche et d’enseignement du supérieur, issu de la conférence des présidents d’université, qu’il a fait l’objet, aux états généraux de Grenoble, d’un consensus qui a confirmé la nécessité qu’il y avait d’engager parallèlement un débat sur la réforme des universités. Plusieurs universitaires l’ont fait remarquer : on ne peut s’attaquer à la question de la recherche sans remettre à plat celle des universités.

Comme M. Fagniez l’a rappelé, quels que soient par ailleurs nos points de vue, si, tous, à un moment donné, nous avons pensé que le débat sur la recherche devait avoir pour objectif de faire muter les organismes de recherche en agences de moyens, néanmoins chacun s’est rendu à l’évidence que les universités, aujourd'hui, ne sont pas prêtes à assumer l’intégralité de la recherche française.

Les PRES ayant vocation à assurer la bonne articulation entre les politiques scientifiques nationales, qui sont menées au sein de différents organismes, et des politiques de recherche régionales, conduites notamment au sein des universités, l’utilité d’une instance de coopération entre organismes et universités paraît nécessaire dans des agglomérations qui comptent trois ou quatre universités, afin d’assurer des missions essentielles : mutualisation des moyens, coordination des programmes scientifiques en vue d’éviter les doublons entre organismes de recherche et universités, dynamiques interdisciplinaires qui font trop souvent défaut. Tout cela va dans le bon sens.

En revanche, nous refusons la confusion des genres qui préside à l’article 2. Derrière la notion de PRES qui, je le répète, fait l’objet d’un consensus, vous abritez un concept qui vous tarabuste depuis longtemps : il y avait eu déjà, avant les campus, les universités technologiques, et maintenant ce sont les réseaux thématiques. Le tout procède d’une même logique : susciter la création de quelques organismes qui, grâce à leur notoriété ou à leur valeur intrinsèque, puissent figurer dans les fameux classements de Shanghai à une meilleure place que celle où nous figurons aujourd'hui.

Le pire, c’est qu’en cherchant à créer ces quelques pôles d’excellence – la question de M. Fagniez est de ce point de vue très importante –, vous risquez d’y concentrer tous les moyens. L’articulation entre ces réseaux thématiques et les pôles de compétitivité apparaît clairement : ils risquent de concentrer l’ensemble des moyens – défiscalisation, emplois scientifiques, appels d’offres de l’ANR – autour de quelques thèmes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la CPU, qui est à l’origine des PRES, s’est toujours opposée aux campus et s’est montrée très réservée sur les réseaux thématiques.

Nous souhaitons d’autant plus obtenir des précisions en la matière, que M. Dubernard a clairement indiqué que, selon lui, le réseau thématique est une forme dépourvue de toute réalité territoriale…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je n’ai pas dit cela. J’ai dit que l’approche n’était pas « forcément » territoriale. Il y a une nuance.

M. Pierre Cohen. …et constituée sur un thème. Le réseau thématique aurait pour objectif de regrouper l’ensemble des bonnes volontés souhaitant atteindre l’excellence dans un domaine précis. Or les réseaux thématiques existent déjà, mais de manière informelle. Ce qui est grave à nos yeux, et ce sur quoi nous nous battrons, ce n’est pas tant que vous donniez la possibilité à ces réseaux de se constituer en GIP – cela me paraît même légitime –, ou que vous ayez créé une nouvelle instance, les établissements publics de coopération scientifique, auxquels nous sommes également favorables, mais que vous donniez la possibilité à une coordination d’établissements publics – universités ou organismes de recherche – de fonctionner sous le régime de la fondation.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Vous n’êtes pas épris de liberté !

M. Pierre Cohen. Nous engagerons sur le sujet un débat très vigoureux. En effet, il existe déjà en France quatre fondations de recherche. Vous pouvez chercher à les multiplier, comme Mme Haigneré a tenté de le faire, mais nous nous opposons à votre projet de permettre à une coordination d’établissements publics de se constituer en fondation, car cette orientation est manifestement contraire à l’histoire de la recherche scientifique française, telle qu’elle s’est développée au sein des organismes de recherche ou de nos universités.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Hervé Novelli. Je souhaite traiter de la coopération des acteurs de recherche.

On ne peut pas ne pas parler – certains de nos collègues l’ont déjà fait – du rôle majeur que doivent jouer les universités en matière de recherche. Or le moins que l’on puisse dire est que la situation n’est pas satisfaisante. Dans les classements internationaux, les universités françaises ne font pas la course en tête, comme cela a été rappelé dans la discussion générale. En effet, selon le classement de l'université de Shanghaï, on ne trouve que quatre universités françaises sur les cent premières mondiales. Dans le classement du Times, le premier établissement français est vingt-septième et il s’agit de l’École polytechnique. Dans les cinquante premiers établissements, seuls deux sont Français.

Il convient dès lors de regarder ailleurs, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour voir ce qui se passe chez nos voisins. Or les universités britanniques, allemandes, suédoises et celles des anciens pays de l’Est, gèrent leurs budgets et recrutent leurs personnels de façon indépendante.

Comment pourrait-on procéder pour qu’en France nos universités acquièrent cette liberté, cette indépendance qui réussit si bien ailleurs ? Sans doute faudrait-il, dans un premier temps, renforcer les responsabilités des agents comptables et des chefs des services financiers des universités.

Il conviendrait en effet que les universités puissent affecter librement leurs ressources propres en matière de redevances de brevets, de recettes de formation continue, de recettes des contrats de recherche. Si l’on veut des universités plus performantes, plus audacieuses, n’hésitant pas à se lancer dans l’innovation, il faut non seulement leur en donner les moyens administratifs, je viens de le dire, mais aussi leur offrir plus de souplesse dans l’organisation des emplois.

Cette souplesse doit s'accompagner d'une plus grande responsabilisation des équipes de recherche : il faut créer des outils d'évaluation décentralisés, mais aussi un système d'incitations à l'innovation avec des possibilités accrues de coopération avec les entreprises. Créer des chaires cofinancées par l'université et des partenaires extérieurs faciliterait le recrutement des professeurs les plus compétents.

Enfin, une efficacité accrue suppose l'instauration d'une nouvelle gouvernance au sein des établissements d’enseignement supérieur. Il faut reconnaître que les conseils d’administration doivent être plus représentatifs, plus resserrés et dotés de véritables pouvoirs de décisions. Les financeurs, l'État mais aussi les collectivités locales, les organismes extérieurs – entreprises ou fondations – devraient y compter des représentants. La communauté enseignante, en charge de la recherche, doit évidemment être représentée, mais l'apport de personnalités extérieures se révèle d’autant plus indispensable que, aujourd'hui, ces conseils d'administration sont pléthoriques et constituent avant tout des tribunes. Resserrés et dotés de véritables pouvoirs, ils doivent devenir de réels exécutifs.

Vous l’avez compris, messieurs les ministres, ces questions sur un sujet de première importance appellent des réponses très claires.

J’ai du reste déposé un amendement en ce sens à l’article n° 16. J’attends donc que vous me tranquillisiez car, j’insiste, il en va de l’avenir de nos universités, mais aussi de celui de la recherche. Il y a une attente, il ne faut pas la décevoir.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. M. Novelli a posé une question très intéressante, d’ailleurs très souvent abordée lorsque nous rencontrons des universitaires, des présidents d’université, mais aussi lors des réunions de la conférence des présidents d’université. Ce sujet est envisagé avec plus de simplicité et quelquefois plus d’audace qu’auparavant. Il nous passionne également, et nous semble devoir être débattu dans la plus grande concertation possible. Du reste, la question que vous soulevez ne se prête pas à la discussion d’aujourd’hui, même si nous allons beaucoup parler des universités avec les PRES.

Je rappelle tout de même que les universités disposent déjà d’un degré d’autonomie et de liberté important, ne serait-ce qu’avec la globalisation des crédits pour la gestion, à quoi s’ajoutera désormais la possibilité pour elles de se regrouper au sein de pôles de recherche, de campus ou d’instituts dont nous verrons bien, in fine, comment ils s’appelleront.

En ce qui concerne la gouvernance, l’autonomie doit-elle être plus grande encore ? La question mérite d’être posée et débattue. Je suis pour ma part très ouvert sur le sujet et n’ai pas d’avis définitif ; François Goulard non plus d’ailleurs, me semble-t-il. Nous sommes donc prêts à en discuter avec les intéressés et avec vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre d’une véritable concertation, de façon que l’on n’impose pas une vérité. Certes, ce n’était pas votre volonté, monsieur Novelli, puisque vous avez choisi d’aborder ce thème de façon sérieuse.

Ce débat, nous l’entamerons le moment venu, mais nous ne ferons rien sans concertation. Nous verrons alors, dans cet esprit, comment avancer et prendre des décisions.

Je souhaitais donc vous rappeler, monsieur Novelli – mais vous l’avez compris –, que ce beau sujet n’entrait pas directement dans le cadre de nos débats ce soir. Je vous remercie d’avoir déposé un amendement à ce sujet et je vous saurais gré de le retirer, maintenant que je vous ai assuré de la volonté du Gouvernement de poursuivre avec les intéressés un dialogue dans la concertation la plus approfondie.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je tiens à répondre à M. Fagniez, qui a complété sa question d’hier soir, pour lui dire que, naturellement, dans le soutien que l’État apportera aux PRES, le statut peut compter, mais qu’il n’y a pas d’exclusive. En effet, si un PRES choisit un mode d’organisation associatif – ce qui devrait tout de même être l’exception –, il n’est pas exclu qu’il bénéficie d’un soutien de l’État. Reste que, dans les cas les plus répandus, ce choix sera évidemment celui d’un établissement public, surtout lorsque des universités seront impliquées.

Par ailleurs, dans le droit fil des propos de M. Gilles de Robien, j’indique à M. Hervé Novelli que les universités jouissent déjà d’espaces de liberté, par exemple en matière de recrutement des personnels enseignants et des enseignants-chercheurs dans la composition des jurys.

Vous avez aussi évoqué, monsieur Novelli, le renforcement du rôle de l’agent-comptable. Or, dans un système de comptabilité publique, je ne suis pas sûr que ce soit souhaitable. En revanche, en ce qui concerne le secrétaire général de l’université, nous proposons des dispositions précises visant à renforcer le poids et le niveau de l’administration de l’université. Quant aux ressources propres, comme les brevets, les contrats de recherche ou la formation continue, elles relèvent de décisions du conseil d’administration de l’université. Nous mesurons la dimension considérable du débat sur le conseil d’administration de l’université et sur la loi de 1984.

Vous savez, par ailleurs, que le juge constitutionnel a fixé des limites à la liberté du Parlement pour déterminer la composition des conseils d’administration. De surcroît, comme l’a souligné M. de Robien, la question du renforcement de l’autonomie des universités doit faire l’objet d’une concertation.

La conférence des présidents d’université est très ouverte aux discussions sur ces thèmes. Nous vous proposons de contribuer à cette réflexion sur un sujet ô combien important, et sur lequel nous avons tous la même ambition : celle d’avoir une université de grande qualité. Il faut insister sur le fait que l’université va bénéficier des dispositions de la loi sur la recherche. En effet, la recherche tire l’enseignement supérieur vers le haut et il est souhaitable qu’elle le fasse demain plus encore qu’aujourd’hui.

Tous les renforcements que nous proposons profiteront aux universités. Les créations d’emplois vont d’ailleurs majoritairement se réaliser à l’université, en particulier les emplois d’enseignant-chercheur. Nous allons donc dans le sens de l’excellence universitaire, point qui nous rassemble tous. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous entamons l’examen des amendements à l’article 2.

Je suis d’abord saisi de trois amendements, nos 203, 375 et 262, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 203.

Mme Anne-Marie Comparini. À la différence des auteurs des amendements suivants, ma demande de suppression des mots : « les réseaux thématiques de recherche avancée », ne signifie pas que je sois contre les regroupements par thématique.

Vous l’aurez constaté au cours de ce débat, mes collègues et moi-même nous sommes efforcés d’apporter lisibilité et simplicité à notre système de recherche. Or j’ai été convaincue par de hautes personnalités du monde académique et scientifique que la coexistence des PRES et des réseaux, nuit à l’efficacité et à la lisibilité du système. Ces personnalités se demandent pourquoi multiplier les structures quand une seule suffit.

Mon amendement signifie donc qu’on peut très bien avoir des PRES territoriaux et d’autres thématiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour soutenir l’amendement n° 375.

M. Pierre Lasbordes. Mon amendement a pour objet de clarifier les choses. Le Sénat, dans sa sagesse, avait souhaité remplacer le mot « campus » par l’expression « réseaux thématiques avancés ». Je crois que cette expression est également source de confusion avec des dispositifs existants comme les réseaux nationaux de recherche en technologie ou en télécommunications.

Je propose donc un mot qui me paraît plus simple : « institut ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 262.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. L’amendement que je présente intègre la notion de « centres thématiques de recherche et de soins », pour bien marquer que la recherche biomédicale, c’est-à-dire la recherche clinique ou encore la recherche réalisée sur l’homme vivant, est particulièrement en retard dans notre pays.

Pour renforcer cette recherche, montrer qu’elle existe et doit être bien mieux soutenue, les membres de la commission ont souhaité individualiser, au sein des réseaux thématiques de recherche avancée, des centres thématiques de recherche et de soins.

L’occasion m’est ainsi offerte de répondre à Mme Comparini en prenant un exemple très simple. La commission, madame, a rejeté votre amendement parce que le PRES, pour nous, a une vocation transversale au sein d’une université, ou de plusieurs universités dans un cadre géographique défini. Vous connaissez l’exemple extraordinaire du PRES de Lyon, qui se met en place actuellement et associe les trois universités lyonnaises.

Mme Anne-Marie Comparini. Vous en connaissez même la configuration !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Au sein de ce système très transversal, peuvent exister des éléments forts. Ainsi l’université de Harvard comporte une Business School, une Law School et une Medical School très connues, sans compter bien d’autres structures qui le sont moins, mais font partie d’un ensemble, d’une transversalité, où des structures plus fortes que d’autres peuvent émerger.

Ensuite, il y a la notion de réseau, localisé ou non. Je citerai deux exemples qui illustrent ce que je pense des centres thématiques de recherche et de soins.

Il existe, à Nantes, certains d’entre nous la connaissent peut-être, une équipe extraordinaire dans le domaine de la transplantation, qui associe un service d’urologie et de chirurgie de transplantation, un service de néphrologie et de médecine de transplantation, trois unités de l’INSERM, une unité du CNRS et une petite zone où trois à cinq jeunes entreprises, selon les périodes, se mettent en place. C’est un réseau local, mais au sein d’un PRES ou, tout au moins, de ce qui préfigure le PRES de Nantes.

Autre exemple, existe à Lyon, une structure dénommée IDEE, les deux « E » signifiant épilepsie de l’enfant, qui associe plusieurs services de soins à Lyon, Strasbourg et Paris, plusieurs unités INSERM et plusieurs unités CNRS, notamment des instituts de neurosciences, ainsi que – dommage que M. Blanc soit parti – le LETI. Ce réseau n’est donc pas localisé ; il peut même avoir des connexions internationales.

Il nous a semblé nécessaire qu’une certaine liberté – je répète ce mot – soit accordée aux chercheurs impliqués dans ces thèmes, pour qu’ils restent au sein du PRES tout en développant leur structure de façon indépendante, qu’elle soit locale ou générale.

La commission a repoussé l’amendement n° 203 de Mme Comparini. Elle a jugé que le mot « institut » proposé par M. Lasbordes dans l’amendement n° 375 pouvait prêter autant à confusion que les autres : entre l’institut Pasteur, l’institut Lumière à Lyon, l’institut de la mode, on ne sait plus très bien où l’on en est !

Je pense que le terme de « réseau », choisi par les sénateurs, après mûre réflexion, a beaucoup plus de sens. Ils l’ont substitué à « campus » pour répondre, précisément, à la question posée par Mme Comparini. Ayant examiné l’amendement n° 375 de M. Lasbordes en vertu de l’article 91 du règlement, la commission lui a donné un avis défavorable, lui préférant l’amendement n° 262, qu’elle a adopté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Comparini, notre recherche souffre de deux faiblesses : les pôles universitaires sont trop petits face à la mondialisation, et la masse critique n’est pas atteinte sur de grands thèmes, comme l’économie – c’est le plus connu –, les nanosciences ou les neurosciences, qui nécessitent des regroupements de compétences, lesquelles peuvent être très dispersées sur le territoire, et doivent donc être mises en synergie. Vous pensez qu’il pourrait exister des PRES territoriaux et des PRES thématiques. Pour les distinguer, il suffit de les nommer PRES lorsqu’ils sont territoriaux, et campus lorsqu’ils sont thématiques, mot que le Sénat a remplacé par « réseaux thématiques », et que l’on appellera peut-être différemment dans un instant.

Par conséquent, le Gouvernement n’est pas du tout favorable à la suppression des « réseaux thématiques de recherche avancée ». S’agissant de l’amendement de M. Lasbordes, il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée car il n’est pas opposé à l’idée de parler d’institut plutôt que de réseau. En tout état de cause, il est favorable à l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous soutenons la proposition de Mme Comparini de supprimer ces réseaux – ou instituts – thématiques car ils existaient déjà dans la notion de PRES. Nous partageons l’analyse selon laquelle le système universitaire est trop petit et trop émietté. Pouvoir regrouper des universités pour mener une action internationale, valoriser la recherche ou innover, nous semble une bonne chose.

Cependant, votre démarche n’est pas seulement thématique, monsieur le ministre, car vous créez un autre système, ce qui revient à consacrer, sans le dire, la séparation entre ce que vous appelleriez l’excellence, d’une part, et le tout-venant, d’autre part, donc entre des universités d’excellence et les universités du tout-venant. C’est dangereux.

Si, comme vous le suggériez, on regroupait, au niveau national, ce qu’il y a de meilleur, ce serait très positif, mais les PRES le permettent. Créer – c’était ce que prévoyait le projet initial – cinq ou six pôles d’excellence universitaire en France, et pas plus, reviendra à déconsidérer les autres universités, et, sans aucun doute, à leur faire perdre des financements.

Après avoir entendu les explications de M. Goulard, je ne peux qu’être très inquiet, puisque ce sera au ministère de prendre les décisions, surtout quand on sait comment ont été sélectionnés les pôles de compétitivité, c’est-à-dire sans transparence et par des experts dont on ignore comment ils ont travaillé. On peut se demander comment quelques personnes, soumises à des réseaux d’influence, pourraient décider de ce qui peut être considéré comme « excellent » ou du « tout-venant ».

Mes chers collègues de Limoges, de Poitiers, de Clermont-Ferrand ou de Dunkerque, je ne vois pas un bel avenir à vos universités, avec un tel système. Nous ne voulons pas faire tout partout, car il faut développer, c’est vrai, sur le territoire national, des pôles forts par secteurs. Néanmoins le système proposé aboutirait à une recentralisation globale de la recherche, qui offrirait de nouveaux postes dans la région parisienne, alors que l’on ne réserverait que peu de moyens au reste du territoire.

Je le répète : cela est dangereux. Et, comme Mme Comparini, je trouve que la notion de PRES permettait le regroupement thématique ; c’était suffisant.

Nous interviendrons ultérieurement pour nous opposer aux fondations et pour proposer la suppression du paragraphe correspondant.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Nous sommes tous d’accord pour la mise en commun, sur un territoire donné, de plusieurs universités et organismes, même si la formalisation juridique mérite quelques précisions. La structure créée aura la personnalité morale. Notre débat devra encore permettre de cerner les limites des pouvoirs entre cet établissement de coopération et les universités, mais, élus ayant l’expérience des communes et intercommunalités, nous savons que c’est en marchant que l’on avance.

Par conséquent, nous sommes favorables à cette évolution, d’autant que la communauté scientifique elle-même a le souci de donner plus de cohérence aux actions de diverses entités qui, parfois, se neutralisent, et de mieux les coordonner. Néanmoins, j’aimerais savoir ce que recouvre exactement le « réseau thématique ».

J’ai le sentiment que, pour l’aéronautique, par exemple,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Exemple choisi au hasard ! (Sourires.)

M. Pierre Cohen. …que je connais tout particulièrement, en effet, surtout avec la dynamique engendrée par le pôle de compétitivité, un certain nombre de laboratoires, qui ne constituent pas une entité existante, par exemple un laboratoire à l’intérieur d’une université, un département du CNRS, pourraient souhaiter travailler ensemble. Actuellement, ils peuvent se mettre en réseau, pour dégager des synergies, s’ils sont complémentaires, ce qui pourrait permettre d’atteindre, sur le plan européen, le niveau d’excellence.

Ce qui nous est proposé, c’est un peu plus que cela : non seulement, on souhaite qu’ils travaillent ensemble, mais on formalise ce regroupement, en leur donnant la possibilité de se structurer avec la personnalité morale. Aucune précision ne nous est fournie quant à l’entité elle-même et à son conseil d’administration. Pour les PRES, c’est simple : des représentants de chaque université constituent le conseil d’administration. Pour ces nouvelles structures, comprendront-ils le directeur du laboratoire ? Le responsable d’équipe ? Et sur la base de quel mandat ?

Pire, une telle structure, qui va incontestablement profiter d’une dynamique, d’une sorte de label d’excellence, surtout si elle bénéficie de défiscalisations et qu’on lui accorde des postes et des moyens, quel lien entretiendra-t-elle avec les organismes et les universités ?

Je suis, pour ma part, incapable d’imaginer comment cela va fonctionner, à moins que vous ne donniez à ces structures tous les moyens et tous les postes. Alors, comme l’a souligné Jean-Yves Le Déaut, on peut craindre que toutes les universités, et pas seulement celles de Limoges, Poitiers ou Dunkerque, ne reçoivent plus assez de financements et soient ainsi, très vite, réduites à néant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 375.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J’en viens à l’amendement n° 78.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques, nos 315 à 321

Les amendements n°s 318 et 319 ne sont pas défendus.

La parole est à M. Alain Claeys, pour soutenir l’amendement n° 315.

M. Alain Claeys. J’aurais souhaité que les ministres répondent à Jean-Yves Le Déaut et Pierre Cohen sur les réseaux thématiques. Il s’agit d’un sujet important qui concerne l’avenir et l’organisation de nos universités, en particulier les universités moyennes. En effet, les craintes exprimées par mes collègues me paraissent fondées, et il convient de rassurer.

Monsieur le ministre, je vous rappelle que la CPU, par la voix de son premier vice-président, s’est déclarée opposée aux réseaux thématiques, alors qu’elle est favorable aux PRES. Quel enseignement tirez-vous de vos différents échanges avec les présidents d’universités ?

L’amendement n° 315 tend à supprimer la référence aux fondations de coopération scientifique car elles ne sauraient être, selon nous, un instrument de gouvernance des pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Or cette disposition revient à réaliser, sans le dire, une réforme des universités. Nous ne sommes pas hostiles à ces fondations, à condition qu’elles ne soient qu’un réceptacle supplémentaire pour des soutiens financiers.

Messieurs les ministres, je vous pose donc deux questions simples.

Considérez-vous que les arguments développés par les présidents d’université – lesquels se sont, je crois, montrés très constructifs – à propos des réseaux thématiques sont sans fondement ? Si vous ne voulez pas répondre à cette question, transmettez-nous au moins les réponses que vous leur avez fournies.

Deuxièmement, quelles garanties pouvez-vous nous donner que la création de ces fondations ne remettra pas en cause la gouvernance des universités ?

Je souhaite des réponses précises à ces deux questions. Plutôt que de laisser le débat s’enliser pendant des heures, mieux vaudrait que nous connaissions, dès à présent, nos points de divergence sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l’amendement n° 316.

M. Pierre Cohen. Je regrette que nous n’ayons pas obtenu de réponse. La communauté scientifique et universitaire s’intéresse pourtant beaucoup à ce sujet. Les différentes unités de recherche – universités, laboratoires ou autre – qui envisagent de constituer un PRES dans un but de coopération ont besoin de savoir comment elles vont s’articuler en son sein. Cela pose déjà un problème lorsque les deux entités sont d’essence publique, même si, au moins, on sait que leur coopération donnera lieu à la constitution d’un établissement doté d’une personnalité morale de droit public. Que dire alors de la possibilité offerte, au mépris de toute l’histoire de l’université et de la recherche, de créer un PRES sous la forme d’une fondation ? Cela dépasse les limites de l’acceptable.

Mme Haigneré avait déjà tenté de créer des fondations autour de thèmes scientifiques, avec un succès limité, puisqu’il en existe seulement quatre à ma connaissance. Mais que vous ayez maintenant le culot idéologique – l’efficacité n’est en effet qu’un prétexte – de proposer une coopération sous la forme d’une fondation privée, susceptible d’aller à l’encontre des logiques des établissements universitaires, voilà qui est proprement ahurissant. Il est essentiel pour nous d’éviter cela.

Pour M. Dubernard, les universitaires sont suffisamment responsables pour qu’on leur permette de faire ce qu’ils veulent. Mais quelle sera la réaction d’un président d’université si un directeur de laboratoire se met à négocier une coopération…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce ne sera pas possible !

M. Pierre Cohen. Mais si ! Ou alors, dans le cas contraire, nous souhaitons une réponse.

M. Alain Claeys. Expliquez-vous !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. La réponse figure dans le texte ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 317.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je m’associe à mes collègues pour réclamer des explications.

L’alinéa 8 de l’article 2 prévoit bien qu’une fondation peut se transformer en un instrument de gouvernance. Or, pour nous, les fondations doivent rester des outils et ne pas devenir des structures supplémentaires. Dans le cas contraire, il suffirait à un établissement public de former un PRES ou un campus avec une fondation pour constituer un nouvel instrument et aboutir au démantèlement de l’université. Ce serait le cas, en particulier, si cet établissement était une grande école indépendante.

Votre objectif, initialement – et c’était aussi notre souhait –, était de regrouper des universités afin de les doter d’une taille critique suffisante.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce n’est pas le seul !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je crois savoir, par exemple, que l’Alsace aimerait constituer un PRES regroupant la totalité des établissements d’enseignement supérieur de la région. Cependant, dans le système que vous proposez, un établissement public – car il en faut un pour créer un PRES thématique – pourra s’associer avec une fondation pour créer un nouvel établissement, lequel deviendra un instrument de gouvernance et ne pourra être qu’une structure privée, entrant en compétition avec les structures publiques.

Un ministre issu de votre majorité, Charles Pasqua, avait créé, il y a quelques années, une université totalement privée : le pôle Léonard de Vinci. Avec votre système, ce sont des dizaines d’universités Pasqua qui vont pomper les crédits publics et polluer le paysage national, tout en fonctionnant mal. Le résultat sera l’inverse de ce que vous avez annoncé aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour défendre l’amendement n° 320.

M. Michel Charzat. La création des établissements de coopération scientifique induit déjà l’accroissement des inégalités territoriales, du fait de la polarisation du paysage français de la recherche qu’elle va générer. À moyens constants, comme vous nous le proposez – ou, plutôt, comme vous nous l’imposez –, les ressources financières, scientifiques et humaines vont se concentrer dans les zones d’excellence, au détriment des autres.

Au-delà de cet inconvénient, le mode de gouvernance que vous nous proposez pour les PRES est inacceptable. Alors qu’ils pourraient constituer de bons outils de structuration et de rééquilibrage des rapports entre les universités, les grandes écoles, les entreprises, les associations et les collectivités locales, les PRES, tels que vous les avez conçus, risquent de devenir des instruments de contournement de l’institution universitaire – comme vient de le souligner à juste titre mon collègue Jean-Yves Le Déaut –, voire de démantèlement du système public.

En effet, l’alinéa 8 de l’article 2 donne la possibilité aux PRES de s’organiser sous forme de fondation de coopération scientifique, c’est-à-dire de personne morale de droit privé. Il s’agit bien, monsieur le ministre, d’un coup supplémentaire porté à la recherche publique, déjà mise à mal par l’ensemble de votre projet de loi. Cet alinéa sous-entend que les organismes de recherche et les universités vont être mis au service du secteur privé ; que des chercheurs fonctionnaires, rémunérés par l’État, vont offrir leurs compétences et leurs talents à des organismes privés. Que les fondations apportent leur soutien financier, sous forme de mécénat, à des programmes de recherche, nous sommes d’accord ; mais qu’elles prennent le contrôle des PRES, c’est inacceptable !

Notre amendement vise donc à éviter de creuser le déséquilibre que vous organisez entre recherche publique et recherche privée. Quand allez-vous vous rendre compte, monsieur le ministre, qu’une recherche de qualité doit valoriser les institutions universitaires et non les démanteler ?

Pour toutes ces raisons, nous demandons avec force la suppression de la fin de l’alinéa 8 de l’article 2.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n° 321.

M. François Brottes. Chacun l’a compris, et ce n’est pas la première fois : dans cette discussion, le Gouvernement avance masqué.

Mes collègues ont parfaitement argumenté sur le fond. Sur la forme, il me semble que nous mettons la charrue avant les bœufs. Que la section 1 fixe les objectifs des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, on peut le comprendre. Mais qu’elle prévoie également avec quels outils et selon quelles méthodes ces objectifs seront mis en œuvre ne laisse pas d’étonner. En effet, ils n’existent pas encore, puisque nous n’en discuterons qu’à la section 2. Or plusieurs amendements ont été déposés sur cette partie.

Le Sénat n’a-t-il pas créé, à la section 3, un article nouveau du code de la recherche, l’article L. 344-15, pour donner la possibilité d’instituer des fondations d’utilité publique ? De même, d’autres dispositions pourraient s’ajouter au projet de loi. Et il faudrait, dès à présent, approuver le mode de fonctionnement des PRES ? Il aurait été de bonne méthode de reporter le vote sur cette partie de l’article, car, pour l’heure, nous naviguons à l’aveugle.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 315, 316, 317, 320 et 321, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Combien de fois les orateurs qui viennent de s’exprimer ont-ils fait référence aux exemples étrangers ? En Grande-Bretagne, dans les pays scandinaves, au Japon, aux États-Unis, les fondations jouent un rôle très important.

Il ne s’agit que d’offrir aux chercheurs une liberté nouvelle en matière de gestion et de financements, grâce au mécénat. S’ils ne souhaitent pas participer, nul ne les y obligera.

M. Pierre Cohen. Mais si !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Non ! Au contraire ! Ils ne participeront que s’ils le souhaitent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je souscris à ce que vient de dire le rapporteur. Pourquoi les exemples de pays qui réussissent en ayant recours à d’autres outils ne parviennent-ils pas à vous convaincre ? Il y a aussi de bonnes idées à prendre ailleurs.

L’esprit de ce texte, c’est d’abord la confiance. Or j’ai l’impression que vous ne faites pas confiance aux acteurs. Pourtant, la concertation a montré qu’eux font confiance au projet de loi, notamment à son article 2.

M. Pierre Cohen. Ils sont contre !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Laissons aux scientifiques le soin de décider selon quelles modalités ils veulent organiser les PRES : association, groupement d’intérêt public, nouvel établissement public. Ceux qui voudront établir une coopération plus structurée, plus forte, disposeront d’un nouvel outil, la fondation de coopération scientifique. Cela relèvera de leur choix.

Une telle fondation sera évidemment conforme à la loi de 1987 sur les fondations d’utilité publique, à ceci près que son capital pourra être à 100 % public.

Il s’agit donc d’un outil souple, réactif, nécessaire pour soutenir la comparaison avec d’autres pays.

Nous offrons aux scientifiques des outils de coopération personnalisables. Chaque établissement, avec les règles de gouvernance qui lui sont propres, décidera de participer ou non à la fondation et déterminera sa participation financière. On est donc loin du démantèlement : c’est simplement un acte de confiance envers les acteurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Décidément, c’est un dialogue de sourds : soit vous n’avez pas compris nos questions, soit vous ne voulez pas y répondre.

Nous ne sommes pas hostiles à ce que des fondations viennent financer des établissements publics et pratiquent le mécénat. Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’elles gouvernent.

Vous dites que, pour créer un PRES, il faut au moins un établissement public à caractère culturel, scientifique et professionnel. En France, il peut donc s’agir d’une école.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les exemples ne sont guère nombreux !

M. Jean-Yves Le Déaut. Peut-être, mais c’est possible.

Je veux bien que l’on regarde les États-Unis, monsieur Dubernard, puisque vous ne cessez de faire référence à Harvard ou au MIT. J’étais moi-même à Stanford il y a quinze jours.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Nous aurions pu y aller ensemble !

M. Jean-Yves Le Déaut. Certes, pourquoi ne pas nous inspirer des modèles qui donnent satisfaction ? Mais jamais une fondation n’a été un système de gouvernance et je n’ai à aucun moment constaté de démantèlement des universités. Il n’existe pas d’école indépendante aux États-Unis, au contraire ! Il n’y a aucun regroupement d’écoles, mais des regroupements de facultés et un système pluridisciplinaire ; et cela fonctionne. L’université a un véritable sens. Elle offre la possibilité de dispenser toutes les disciplines dans un même établissement. Or tel n’est pas l’objectif de cet article qui fait de la fondation un instrument de gouvernance. Cela n’existe dans aucun autre pays. Nous ne sommes pas hostiles à la fondation si elle finance l’université. Si vous voulez réformer le système universitaire français, rendez-le plus performant, plus lisible et moins émietté.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. À Harvard, cela marche !

M. Jean-Yves Le Déaut. Harvard est une université que plusieurs fondations soutiennent !

Répondez-nous : pouvez-vous nous assurer qu’il ne s’agira pas d’un démantèlement des parties les plus performantes d’une université, alors qu’il faudrait, au contraire, créer des regroupements très lisibles au niveau international afin de donner leur autonomie aux universités ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, nous n’avons jamais été contre les fondations.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Mais si, la preuve !

M. Pierre Cohen. Nous ne sommes pas hostiles au mécénat qui bénéficie à la recherche.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Mais vous êtes quand même contre !

M. Pierre Cohen. Non ! Ce texte serait-il alors mal rédigé ?

La CPU qui, jusqu’à maintenant, était relativement favorable à votre projet de loi, s’est prononcée contre cet article.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est écrit !

M. Pierre Cohen. Elle a été rejointe en cela par la majorité de la communauté scientifique.

Imposer une personnalité morale de coopération tend à prouver qu’il existe des blocages, des freins ou des impuissances dans les structures actuelles que sont les universités et les organismes. Leur donner une personnalité morale peut y remédier. Nous comprenons que l’on mette en commun des moyens pour favoriser des dynamiques scientifiques, jusqu’à présent émiettées, ou pour créer de l’interdisciplinarité, mais vous voulez mettre en place une structure de gouvernance de la science. Il serait complètement contraire à l’histoire de nos organismes et de nos universités de confier ce niveau de gouvernance à une structure privée. C’est plus grave que la privatisation de GDF en un week-end !

Vous devez, en conséquence, vous raviser et revenir sur votre position en supprimant cette notion de fondation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai bien compris ce que signifie le démantèlement.

Le conseil d’administration de l’université décidera. Voilà le verrou ! Point n’est besoin de grands discours pour comprendre que le conseil d’administration, système de gouvernance, décidera ou non de créer une fondation.

J’espère que cette réponse vous donnera enfin satisfaction.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le débat se déplace sur la gouvernance de l’université, question légitime.

Si la réforme de l’université était facile à faire, cela se saurait. Elle renvoie à la gouvernance, à de nouvelles ressources financières pour les universités. Un certain nombre de nos collègues posent de bonnes questions. En toute rigueur, ils ont raison. Toutefois à force de renvoyer une réforme très difficile à plus tard, on ne bouge pas.

Aujourd’hui, moi, je vis bien cet article 2. Il offre une boîte à outils ; il propose diverses formules pour remédier à l’une des faiblesses de la recherche française : le caractère embryonnaire du partenariat public-privé. Les PRES se situent dans le prolongement des états généraux de la recherche.

Nous avons eu un débat intéressant sur la coopération interservices. Elle existe aujourd’hui et, qu’on la nomme réseau ou institut, elle est souhaitable. Vous opposez alors la gouvernance d’université et les problèmes que cela sous-tendrait. Or il existe des motivations d’entreprises fiscales citoyennes. Ces fondations, à but non lucratif, peuvent apporter des ressources supplémentaires à notre université.

Vous ne voulez pas qu’il y ait gouvernance, mais comment voulez-vous qu’il n’y en ait pas, compte tenu de l’importance des montants en jeu ? Il y aura forcément gouvernance autonome. Certes, cette mesure peut être améliorée par des amendements, mais il s’agit d’un point essentiel du texte. Nous nous prononcerons, en conséquence, en faveur de cet article.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. La réponse du ministre éclaircit les choses.

Nous avons connu trois temps forts depuis le début de l’après-midi : premier temps fort, nous avons obtenu des explications du ministre sur les euros courants ou constants ; le deuxième temps fort a concerné notre divergence fondamentale autour de la Haute autorité et le débat sur le pilotage de la recherche en France ; le troisième temps fort intéresse les réseaux thématiques.

Il ne faut pas caricaturer nos positions. Nous sommes d’accord sur les PRES, même si nous nous interrogeons sur leur gouvernance. En revanche, nous sommes hostiles aux réseaux thématiques qui font courir un risque de démantèlement à l’université, risque que vous ne pouvez nier, dans la mesure où ils puiseront en elles leurs pôles d’excellence.

J’ai bien écouté votre raisonnement : à vous entendre, il n’y a pas de danger, car ce sont les conseils d’administration des universités qui décideront, mais, au bout du compte, monsieur le ministre, vous mettrez en place un nouveau moyen de gouvernance à travers une fondation. Nous sommes donc en désaccord avec vous, tout comme la conférence des présidents d’université.

En conséquence, nous demandons la suppression des réseaux thématiques et des fondations comme instruments de gouvernance, mais nous acceptons bien entendu les fondations comme moyens de collecte de fonds.

C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public sur ces amendements.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les cinq amendements identiques.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Nous en venons à l’amendement n° 273.

M. Pierre Cohen. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 273.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour défendre l’amendement n° 204.

Mme Anne-Marie Comparini. J’ai entendu les récents propos de mon collègue M. Novelli. Or l’amendement que je propose relève d’une autre démarche.

Vous vous en souvenez tous, un texte avait attiré notre attention. Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport sur la gestion de la recherche dans les universités, rendu public le 13 octobre 2005, propose que soient franchies « sans tarder des étapes préalables à l’octroi aux universités d’une autonomie de gestion accrue. » Nombre d’entre nous reconnaissent que cette gouvernance est la condition pour que les universités françaises jouent un rôle essentiel dans la définition du rayonnement de leur structure, et donc qu’elles soient reconnues au même titre que les universités européennes ou internationales.

J’entends bien le ministre. Je suis la première à considérer que ce genre d’étape suppose, en premier lieu, une concertation avec tous les acteurs des structures concernées, mais il faut savoir aujourd’hui lever les tabous. Je constate, en entendant M. Novelli entre autres, que l’on commence à y songer aujourd’hui.

Le texte que je propose reprend un élément de la proposition de loi de M. Couanau passée inaperçue, il y a trois ans. Nous mesurons la nécessité de réfléchir, étape après étape, à la manière de gérer nos établissements, d’autant plus que ces expérimentations peuvent servir à l’élaboration d’une future loi. Tel a été le cas pour l’expérimentation des TER dans les régions. Les auteurs du projet de loi tendant à généraliser l’octroi des TER à toutes les régions se sont alors appuyés sur les points forts et faibles mis en évidence par les six régions expérimentatrices.

Nous ne pouvons pas parler de la recherche sans évoquer les universités. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Comparini, la réponse que j’ai faite à M. Novelli s’applique bien sûr totalement à cet amendement qui soulève un vrai débat, mais il n’a rien à voir avec celui de ce soir et il doit être précédé d’une véritable concertation avec les intéressés.

N’oublions tout de même pas que les universités ont un certain degré d’autonomie, ne serait-ce que par la globalisation des crédits pour leur gestion. Aujourd’hui, nous leur apportons énormément d’oxygène. Ainsi, les plus entreprenantes prendront des initiatives qui iront dans le bon sens et renforceront la recherche française.

Le débat de ce soir doit être celui de la recherche, celui des PRES et des instituts ou des campus. Certes, la question posée par Mme Comparini est très intéressante, mais, je le répète, elle nécessite, au préalable une grande concertation.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je suis d’accord avec M. le ministre : il faut une concertation avec l’ensemble de la communauté universitaire et des acteurs sociaux sur un tel sujet. Le débat est en train de s’engager.

Madame Comparini, je ne suis pas d’accord avec votre amendement, car il nous ferait mettre le doigt dans une logique de décentralisation, donc de désengagement de l’État de ses missions de service public dans le domaine de l’éducation et de la formation.

L’enseignement supérieur doit se développer à partir d’un maillage territorial équilibré qui assure l’équité entre les étudiants et réduise les inégalités sociales. Cela doit se traduire par une coopération entre les universités, la compétition ne générant que l’éclatement du service public.

Une telle disposition, si elle était appliquée, mettrait en péril la qualité de la mission d’éducation et de formation supérieure, fondée sur l’accès aux savoirs, l’élévation des qualifications et la construction des savoirs par la recherche. Elle mettrait en concurrence les universités, sacrifierait les petites, jugées non viables. Elle favoriserait l’autofinancement par les contractualisations et les sujétions, transformant ainsi les laboratoires et les universités en prestataires de services pour les grands intérêts privés. Cet amendement aurait pour conséquence le désengagement financier de l’État, la remise en cause des règles de fonctionnement démocratique, dans une logique de déréglementation et de privatisation des services publics qui est déjà engagée.

Oui, l’université a besoin de se transformer pour relever le défi des qualifications et de la démocratisation, mais c’est d’un tout autre projet que les étudiants et le pays ont besoin.

Je voterai bien entendu contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 204.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements identiques, nos 75 et 274 à 280.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour défendre l’amendement n° 75.

M. Frédéric Dutoit. Cet article pose plusieurs problèmes.

Il introduit la notion de campus, sous le nom de « réseau thématique de recherche avancée ». Cette notion de campus a été introduite par un groupe de pression regroupant une poignée de mandarins, parmi lesquels un démissionnaire d’un institut de premier plan dont la réforme avait été refusée. Il défendait en effet une conception élitiste de la recherche, c’est-à-dire tout l’argent pour les meilleurs, et une accélération de la précarité. Cette option a été largement refusée par les états généraux.

La fondation de coopération scientifique est la forme juridique du réseau thématique. C’est un nouveau type de structure de droit privé, qui devrait bénéficier de financements très importants, 300 millions d’euros pour 2006, d’après ce que vous avez annoncé, monsieur le ministre. Ces fondations pourront récolter des fonds privés dans le cadre de la loi sur le mécénat, avec des avantages fiscaux.

Devant cette manne annoncée, les appétits se sont réveillés. Ainsi, un lobbyiste bien connu et patron de quelques start-up dans le domaine de la biologie a déjà lancé un projet d’institut européen de technologie destiné à devenir une vaste pompe à fric, dans le style de la fac Pasqua-Léonard de Vinci. Parmi les projets de campus, celui lancé à Strasbourg par un autre chercheur promet d’être un laboratoire social pour le démantèlement des statuts des personnels : CDD de cinq ans, etc.

Vous le voyez, nous sommes bien renseignés. Nous demandons donc la suppression de l’alinéa 9 de l’article 2.

M. le président. Les amendements nos 274 et 275 ne sont pas défendus.

La parole est à M. Pierre Cohen pour soutenir l’amendement n° 276.

M. Pierre Cohen. Nous avons dit tout le mal que nous pensions des réseaux thématiques tels qu’ils sont proposés. Il existe déjà des réseaux ou des collaborations qui permettent à des gens de l’ensemble du territoire de travailler ensemble sur un même sujet. Là, vous voulez aller plus loin et leur donner une personnalité morale.

Prenons une grande université, au hasard à Toulouse. L’université Paul Sabatier regroupe pratiquement toutes les disciplines. Avec les autres universités, des laboratoires du CNRS, l’INSA, l’INP, elle a envie de créer un PRES pour mettre en œuvre une collaboration territoriale. Une telle possibilité est très attendue. À l’intérieur de l’université, fonctionnent des équipes scientifiques, qui travaillent, par exemple, sur le vivant ou en informatique.

Certains sont organisés autour du génopole et peuvent avoir envie d’aller plus loin. S’ils veulent un réseau thématique, c’est l’université Paul Sabatier qui, avec l’INRA et l’INSERM par exemple, devra créer la structure, avec un conseil d’administration. En plus du PRES, elle aura à négocier au nom des sciences du vivant ou de l’informatique avec le LAAS. Elle va se retrouver dans cinq ou six structures, territoriales et thématiques. Ce n’est pas sérieux. Il est clair que vous allez totalement stériliser les dynamiques qui pourraient se constituer autour des PRES.

J’aimerais savoir ce qui va se passer dans ces cas-là. Personnellement, je suis très inquiet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 277.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous avons déjà connu des faits malheureux dans notre pays : les avions renifleurs, le centre mondial informatique, la fac Pasqua-Léonard de Vinci. Des milliards y ont été investis et de nombreux locaux demeurent vides. Une commission de l’Assemblée nationale devrait aller la visiter pour se rendre compte du scandale.

Avec ce texte, vous allez donner la possibilité de créer des entités qui n’auront de grandiose que l’imagination de leurs promoteurs. Vous avez déjà des dossiers pharaoniques sur votre bureau, monsieur le ministre. Les universités ne sont parfois même pas au courant. Tel est le cas pour un projet de 400 millions dans la circonscription de M. Lasbordes. On évoque le contrôle du Parlement, mais c’est exactement l’inverse.

Mon collègue a parlé de « pompe à fric ». L’argent ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval et vous nous avez expliqué dans la discussion budgétaire qu’il était rare. Or vous allez le disperser sur des projets qui ne seront pas évalués.

Nous défendons, nous, des PRES qui soient des réseaux d’excellence dans les grandes universités, qui tirent vers le haut de grands secteurs au niveau national. Je défends dans ma région des dossiers sur les matériaux innovants et les produits intelligents. L’un des promoteurs de l’équipe va recevoir un prix américain, le prix Gordon Mehl. Il sera le troisième français à l’obtenir depuis 1927. Alors que c’est du sérieux, du solide, nous n’aurons peut-être pas de crédits parce que vous en aurez donné à des dossiers bâtis sur du sable comme celui qu’avait mené M. Pasqua qui avait le pouvoir politique en 1995. Ce n’est pas sérieux.

M. le président. Les amendements nos 278 et 280 ne sont pas défendus.

La parole est à M. François Brottes, pour défendre l’amendement n° 279.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, il y a quelque chose que l’on apprend assez rapidement quand on est, je pense, en troisième année d’école maternelle : quand on fait une pile de cubes, il faut savoir s’arrêter, car, quand on met le cube de trop, la pile s’écroule.

En voulant le conforter, vous fragilisez l’ensemble. Les PRES sont effectivement considérés comme une bonne idée. La loi ne les enferme pas dans un territoire, et un PRES peut être un réseau interdisciplinaire. Pourquoi ajouter au nom de l’excellence un réseau thématique ?

L’excellence scientifique appartient à l’ensemble de la recherche et pas seulement à ceux qui auraient le don ou le loisir, voire le privilège de se constituer en réseau thématique. Ce serait extrêmement étriqué comme approche. Le danger de la logique de financement par projet, c’est que ne soient plus éligibles que les réseaux thématiques de recherche. Les crédits seront absorbés par ces entités et les autres n’auront plus que leurs yeux pour pleurer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission s’est déjà exprimée à plusieurs reprises sur cette question. Supprimer les réseaux thématiques de recherche avancée serait à l’évidence une grave erreur. Cela nous priverait de la liberté qui est nécessaire et qui permet aux structures de prendre un élan dans un cadre transversal. Cela existe partout et c’est indispensable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il peut y avoir à la fois des coopérations territoriales et des coopérations thématiques. Il est ainsi possible de se regrouper dans un PRES et de créer un réseau thématique sur les biosciences, par exemple, comme c’est le cas à Lyon. Nous donnons des outils, de nouvelles libertés aux acteurs et, je ne le répéterai jamais trop, nous leur faisons confiance. Il ne faut pas partir du principe qu’ils vont faire des bêtises avec des outils intelligents.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Quand on regarde autour de nous, on s’aperçoit que les choses se passent beaucoup en réseau. Rester sur une base purement territoriale ne permet pas de rechercher l’excellence. Il peut y avoir un lien entre les procédures d’appel à projet et le développement de ces réseaux, mais l’un des intérêts de cette procédure est de favoriser des démarches pluridisciplinaires qui ne seraient pas possibles autrement, en permettant à des acteurs de se regrouper sur des thèmes nouveaux. Cela permet justement de la réactivité, et les réseaux entrent dans cette logique.

Je vais ajouter une seconde raison, qui vaut aussi pour les fondations de coopération scientifique.

Les orateurs de l’opposition nous disent combien ils sont attachés à la recherche européenne et au développement des moyens du PCRD. Or on s’aperçoit que les grands organismes de recherche prennent une part importante au PCRD, notamment aux réseaux d’excellence et aux projets intégrés, davantage que les universités.

Si celles-ci rencontrent beaucoup plus de difficultés à entrer dans ces procédures c’est qu’elles ne disposent pas des outils qui leur permettraient d’y prendre pleinement leur place. Les réseaux thématiques présentent une certaine similitude avec les réseaux d’excellence : ils sont aussi une manière de favoriser la pénétration des universités dans les réseaux d’excellence, ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes. M. Le Déaut a mis en cause un « projet pharaonique » de ma circonscription quand il s’agit simplement d’un projet ambitieux. J’ai d’ailleurs sous les yeux le texte de présentation du projet qui indique que « les conversations se poursuivent de manière très positive avec le PRES UniverSud et Paris XI ». Si vos interlocuteurs de l’université de Paris XI ne sont pas au courant, en revanche, la direction de cette université l’est.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. L’intérêt de ce débat est d’obtenir quelques précisions. Nous avons toujours dit que nous étions favorables aux PRES, aux réseaux et à tout ce qui favorise la synergie entre équipes sur le plan national voire européen. Cela existe depuis très longtemps et nous n’avons pas attendu la loi pour les soutenir, mais vous le formalisez à travers une structure dotée d’une personnalité morale.

Imaginons demain des universités organisées autour de PRES et qui, sur des thématiques, seront dotées d’une personnalité morale. Que se passera-t-il, lors des appels à projets ou des attributions de postes, entre les structures territoriales et les réseaux thématiques organisées différemment au plan juridique ? Je n’arrive pas à voir la nécessité de structurer formellement ces réseaux thématiques pour établir une cohérence entre les différents organismes.

Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que ce sera aux conseils d’administration de décider. À un certain moment, en effet, cette antinomie va apparaître. Par exemple, les laboratoires des sciences du vivant d’une université auront envie d’aller très loin et très vite. La personnalité morale va tout faire pour disposer des moyens nécessaires et le PRES, pour la même entité, – sauf à être schizophrène – doit disposer des moyens pour les répartir sur l’ensemble des organismes.

Vous n’apportez pas de réponse et vous êtes en train de créer un imbroglio néfaste pour la recherche.

M. le président. Sur le vote de ces amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’entends dire, y compris sur les bancs du groupe socialiste, que les PRES ont une vocation territoriale. Mais ce n’est pas ce que je lis dans le texte. (M. Dubernard soupire.)

Pardon de vous faire soupirer !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. J’ai le droit de souffler ! (Sourires.)

M. François Brottes. Vous exprimez un agacement un peu gênant.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Dès l’instant que le texte n’impose pas de contraintes territoriales, on peut imaginer qu’un pôle se constitue – je parle d’un PRES – entre plusieurs entités appartenant à des territoires différents au plan national et pas forcément concentrés dans une seule région. Il ne faudrait pas que ceux qui sont en situation de donner l’agrément à ces constitutions de pôles, éclairés par nos débats, le refusent au motif que ces PRES ne sont pas regroupés sur un même territoire régional, d’où l’intérêt d’apporter cette précision.

En outre, s’agissant de la notion de réseaux, les organismes qui constitueront les PRES, tels qu’ils sont définis ici et tel que je les comprends, ne seront pas liés pour l’éternité. On peut imaginer qu’un PRES évolue, que plusieurs PRES se constituent ou qu’une même entité appartienne à des PRES différents dans la mesure où il existe des intérêts à agir en commun avec différents partenaires.

Cette intervention a pour objet d’éviter que l’on retienne de nos débats l’existence de contraintes, notamment territoriales, et je prie le président de la commission, rapporteur de m’excuser de l’avoir lassé par mon intervention.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos  75, 276, 277 et 279.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 122.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission, répond au souhait exprimé par Mme Camparini. Il vise à associer des entreprises, des collectivités territoriales, des associations ou d’autres partenaires aux réseaux thématiques de recherche avancée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cet amendement s’inscrit tout à fait dans l’esprit du projet de loi : avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. J’ai en effet été attentive à ce que l’on mentionne les collectivités territoriales, mais cet amendement ne peut remplacer la démarche, qu’avec Christian Philip, nous avons évoquée hier soir.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le ministre acquiesçait tout à l’heure : la constitution des PRES n’implique donc pas de contrainte de territorialisation dans un périmètre étroit ? Toutefois, comme cela a été demandé à plusieurs reprises, je souhaiterais une clarification afin que ceux qui auront à agir dans ce cadre ne soient pas contraints par des éléments qui apparaissent dans ce débat mais qui ne figurent pas dans le texte.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce qui comptera, monsieur Brottes, ce ne sera pas le périmètre – il n’y a pas de limitation – mais l’intensité de la coopération et la pertinence du projet.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 125.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement vise à permettre la mise en place des centres thématiques de recherche et de soins qui seront l’équivalent dans le domaine de la recherche biomédicale – la recherche clinique sur le vivant – des réseaux thématiques de recherche avancée qui peuvent, bien entendu, associer universités, centres hospitaliers et tous les autres partenaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour présenter l’amendement n° 228.

M. Pierre Lasbordes. Cet amendement vise à donner la possibilité aux acteurs de la recherche de créer ensemble un établissement public de coopération scientifique sans pour autant constituer un PRES. C’est une liberté que nous voulons offrir aux organismes de recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Avis favorable : cet amendement est tout à fait conforme à l’esprit du texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 228.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour soutenir l’amendement n° 46.

M. Pierre Lasbordes. C’est un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour défendre l’amendement n° 383.

M. Pierre Lasbordes. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 228 qui portait sur l’alinéa 12.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je ne comprends rien ! Si la commission émet un avis défavorable, c’est que M. Lasbordes a défendu son amendement devant elle. Mais aurait-il négocié avec le Gouvernement à l’insu de la commission ? Je voudrais savoir de quoi il s’agit.

Que signifie créer un établissement de coopération, sans créer de PRES ? Il y a sans doute derrière cela une idée sous-jacente, un intérêt particulier. À une heure et demie du matin, l’Assemblée vote des amendements sans qu’ils soient vraiment présentés. J’entends « défavorable », « favorable » mais le ministre ne dit rien. Nous travaillons mal !

M. le président. Nous allons demander à M. Lasbordes de s’expliquer.

M. Pierre Lasbordes. Monsieur Le Déaut, je trouve choquant que vous m’accusiez d’avoir négocié en douce avec le Gouvernement. J’ai défendu cet amendement en commission et il est vrai qu’il n’a pas été accepté par le président de la commission.

Il précise seulement que les organismes de recherche peuvent s’associer, créer ensemble un établissement de coopération scientifique sans pour autant constituer un PRES. Les amendements suivants – dont l’amendement n° 383 qui a été distribué avec la liasse, mais sans être agrafé avec les autres – sont des amendements de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je n’attaque pas M. Lasbordes, mais je ne comprends pas.

Une unité mixte de recherche, une association entre une université et le CNRS par exemple, n’implique pas nécessairement un PRES ; pourtant il y a bien une association entre deux structures. Cela existe donc déjà. Pourquoi un texte nouveau ?

M. Pierre Lasbordes. On doit être libre d’utiliser la structure juridique de l’EPCS.

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Pasqua, lui aussi, était libre de créer l’université Léonard de Vinci !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Pour quelle raison une université, des équipes de recherche ou des organismes choisiraient-ils directement la structure d’établissement public de coopération scientifique et non celle de PRES ? En principe, si j’en crois la loi, la clé d’entrée pour devenir un établissement public de coopération scientifique, c’est le PRES.

Pourquoi, par un amendement, ne pas réécrire complètement l’article ? Créons des PRES, des établissements publics, et laissons les gens choisir !

L’article, tel qu’il est rédigé, définit d’abord le PRES qui peut se décliner sous trois formes en fonction du volontariat des différents conseils d’administration. À cet égard, je rappelle que nous ne sommes favorables qu’à deux d’entre elles. Et voilà qu’un amendement casse complètement la logique : on ne peut plus décréter qu’on est pour les PRES, mais on a le droit de prendre directement un des moyens de coopération.

Ce n’est pas de la suspicion, mais je ne comprends pas pourquoi les organismes choisiraient la forme de la coopération et non celle du PRES.

M. le président. Je vous fais remarquer, monsieur Cohen, que la série d’amendements que nous avons commencé d’examiner depuis l’amendement n° 46 ne regroupe que des amendements de cohérence rendus nécessaires par l’adoption de l’amendement n° 228. Nous examinons l’amendement n° 383, et il nous restera à examiner deux autres amendements de cohérence, nos 384 et 385.

Je vous donne la parole, monsieur Cohen, pour une dernière intervention avant que nous passions au vote.

M. Pierre Cohen. M. Dubernard a pourtant émis un avis défavorable à ces amendements au nom de la commission !

Vous nous dites que l’Assemblée a déjà voté cet amendement : il semble que l’examen des amendements s’est quelque peu accéléré et que nous n’avons pas eu le temps de débattre de tous ces amendements ; mais peut-être n’avons-nous pas été assez réactifs. Il s’agit pourtant d’un élément important, qui dénature l’article tel qu’il avait été rédigé initialement.

C’est pourquoi, monsieur Dubernard, je voudrais que vous nous expliquiez pourquoi vous avez émis un avis défavorable à cet amendement. Sinon je demanderai une suspension de séance afin que nous prenions le temps de comprendre.

M. le président. Je crois, monsieur le député, que la question de fond a été tranchée par l’adoption de l’amendement n° 228.

Monsieur le président de la commission, souhaitez-vous intervenir ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Non.

M. le président. Étant donné que la suspension de séance est de droit, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le jeudi 2 mars 2006 à une heure quinze, est reprise à une heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour une dernière explication.

M. Jean-Yves Le Déaut. Mon intervention s’apparentera à un rappel au règlement.

J’ai profité de la suspension de la séance pour demander au président de la commission de m’expliquer son avis défavorable.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Celui de la commission !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce dernier m’a renvoyé au Gouvernement, qui m’a assuré que cet amendement donnait de la souplesse au dispositif sans altérer l’esprit de la loi.

J’ai finalement interrogé M. Lasbordes, auteur de l’amendement. Il m’a répondu que celui-ci visait à donner une plus grande souplesse, afin que des organismes de recherche puissent, s’ils le souhaitent, utiliser la structure juridique de l’EPCS pour s’associer.

Or l’article L. 344-1, tel qu’il est rédigé dans le projet de loi, dispose que « plusieurs établissements ou organismes de recherche ou d’enseignement supérieur et de recherche […] dont au moins un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel » – c’est la forme juridique dont nous venons de parler – peuvent créer un PRES. Cet article vise donc à faire de la présence d’une université une condition nécessaire pour créer un PRES. Or voilà que, au détour d’un amendement, on permet à des organismes de bénéficier du statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce qui rend inutile la présence d’une université.

On pourra donc désormais commencer par adopter le statut d’EPCS…

M. Pierre Lasbordes. Mais non, ce n’est pas ça !

M. le président. Monsieur Lasbordes, laissez monsieur Le Déaut terminer.

M. Jean-Yves Le Déaut. Si je me trompe, je ne demande qu’à être éclairé.

On pourrait donc demain, comme vous l’avez indiqué, monsieur Lasbordes, adopter le statut d’EPCS dans le but de créer un PRES en contournant les universités.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je répète que la commission a rejeté cet amendement pour la simple raison qu’il permet une telle association, même en l’absence d’université. Aux yeux des membres de la commission qui se sont exprimés sur ce point, cet amendement, en donnant aux organismes de recherche le moyen de se dissocier des universités, trahit l’esprit du texte, qui est au contraire de rapprocher les uns et les autres.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’ai donc bien levé un lièvre !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Telles sont les raisons qui m’ont poussé à rejeter cet amendement au nom de la commission.

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’amendement n° 228 a été adopté, et qu’il ne peut pas être question de revenir sur ce vote. En revanche le Gouvernement et la commission peuvent toujours demander une seconde délibération.

Je poursuis donc la séquence de vote des amendements nos 383 à 385, qui visent à mettre le texte en cohérence avec l’amendement adopté, après quoi je lèverai la séance.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je répète que c’est sur l’amendement n° 383 que j’avais demandé la parole.

Cela étant, nous ne sommes pas obligés de voter les amendements de cohérence, puisque nous sommes en désaccord avec l’amendement n° 228 qui a été adopté.

Comme M. Dubernard vient de nous l’expliquer, la mesure adoptée va à l’encontre de la logique initiale de l’article. Nous n’avons donc pas à voter la mise en cohérence : il reviendra au Gouvernement d’assurer la cohérence du texte à l’issue de l’examen des articles, ce qui nous permettra de reprendre cette discussion.

Voilà pourquoi la position du groupe socialiste est de voter contre cette mise en cohérence, afin qu’il puisse y avoir une seconde délibération.

M. le président. Je vais donc mettre successivement aux voix les amendements nos 383, 384 et 385.

(Les amendements nos 383, 384 et 385, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, n° 2784 rectifié :

Rapport, n° 2888, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2879, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2837, M. Jean-Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure vingt-cinq.)