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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 2 mars 2006

157e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

recherche

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de programme pour la recherche (nos 2784 rectifié, 2888).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 133 portant article additionnel avant l’article 4.

Avant l’article 4

M. le président. Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avant de vous donner la parole pour soutenir l’amendement n° 133, je tiens à rappeler que, si j’ai attendu quelques instants que l’opposition soit présente avant de déclarer ouverte la séance, j’ai tout récemment procédé de même pour la majorité,…

M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !

M. le président. …au début d’une séance du soir – où d’ailleurs vous n’étiez pas présent –, afin que les votes puissent se dérouler sans ambiguïté. Le président s’efforce de rester impartial, comme c’est son devoir.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales rapporteur. Je tiens à saluer votre impartialité, monsieur le président.

L’amendement n° 133, adopté par la commission, est rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 133.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

Article 4

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.

La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. L’article 4 traite de l’évaluation de la recherche. Il s’agit là d’un vrai problème, à tel point que, durant les deux ans qu’a duré la préparation de cette loi, on n’a cessé d’en parler tout en remettant son traitement à plus tard – lorsque la programmation des moyens aurait été réalisée et les autres questions étudiées.

Une agence nationale d’évaluation a été créée, dont le Sénat a élargi le champ à l’enseignement supérieur et aux universités – d’où son nouveau nom d’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, ou AERES. Plus que son nom, ce qui importe est ce qu’elle va faire.

L’évaluation de la recherche doit porter sur les structures, les équipes et les personnes. Avant qu’un décret en Conseil d’État ne précise l’organisation et le fonctionnement de cette grande agence nationale d’évaluation, une réflexion s’impose. Mon intervention s’inscrit dans une telle réflexion, afin de participer à la rédaction de ces textes réglementaires, tant il est vrai que la loi n’est bonne que lorsqu’elle n’est pas trop bavarde.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d’avoir fait une loi qui ne soit pas bavarde,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et qui entend le rester ! (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. …mais qui nous oblige à prendre la parole pour vous dire comment nous envisageons le fonctionnement de cette agence nationale d’évaluation.

Toute structure – et cela ne vaut pas que pour la recherche – a besoin d’évaluation et, en général, la demande d’elle-même. Les organismes de recherche et les universités pourraient répondre eux-mêmes à cette demande, l’agence nationale d’évaluation se contentant d’en fixer les contours et de donner des indications, sous peine de devenir une véritable usine à gaz.

Les équipes, en revanche, devront être évaluées avec des mesures reproductibles, applicables quel que soit l’organisme auquel elles sont rattachées. Cela suppose évidemment des visites sur site permettant d’entendre les équipes, visites qui seront certes organisées par la structure concernée, mais feront intervenir, par l’intermédiaire de l’Agence nationale d’évaluation, des experts indépendants et objectifs issus d’autres structures, d’autres pays et d’autres disciplines – compte tenu du caractère souvent multidisciplinaire des équipes de recherche. Ce rôle de coordination qui revient à l’Agence nationale d’évaluation devra être bien défini.

Le troisième problème, qui est aussi le plus important – et le plus épineux, comme nous le savons tous pour avoir dirigé des chercheurs ou à cause des gens avec qui nous travaillons – est l’évaluation des personnes. L’évaluation de gens qui exerceront le même métier pendant trente ou trente-cinq ans doit connaître des épisodes successifs.

D’abord, on peut avoir affaire aussi bien à un jeune docteur épatant qui a déjà publié deux ou trois articles internationaux qu’à un chercheur plus économe de sa signature. Certains chercheurs ont une signature facile, voire des accointances avec des directeurs de recherche qui peuvent se traduire par une épreuve scientifique un peu « gonflée », exagérée. La production qu’ils exhibent n’est pas nécessairement à la hauteur de celle de grands chercheurs plus économes de leur signature, qui peuvent ne signer que tous les cinq ou six ans, lorsqu’ils sont certains d’entrer dans l’histoire – c’est parfois le cas des mathématiciens qui finissent, comme nous venons d’en avoir un bel exemple, par se voir décerner la médaille Fields. Selon les disciplines et les structures, l’évaluation des personnes devra donc recourir à des méthodes très différentes.

Ces remarques valent cependant pour la période initiale, car les chercheurs évoluent. Nous qui connaissons bien les milieux de la recherche, nous connaissons tous des chercheurs qui ont été épatants à trente ans, ont commencé à décliner à quarante, ont connu l’andropause scientifique à cinquante et dont on se demandait, lorsqu’ils atteignaient soixante ans, ce qu’ils faisaient encore dans la recherche.

M. Pierre Cohen. C’est terrible, de dire ça ! (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Il n’est pas honteux de le dire. Dans notre pays, où la recherche était protégée, on pouvait en faire très bien… ou moins bien.

Il faut donc pouvoir suivre dans le temps l’évaluation des personnes. L’Agence devra établir des référentiels auxquels nous adhérerons tous – chercheurs, structures et équipes –, afin qu’il soit possible d’expliquer à un chercheur qui, à quarante-cinq ans, serait lassé de faire de la recherche – ce qui est compréhensible –, qu’il est moins productif qu’il ne l’a été et qu’il faut peut-être revoir sa fiche de poste. Peut-être ce chercheur sera-t-il plus à son aise dans l’enseignement. Peut-être sera-t-il un très bon doyen,…

M. Pierre Cohen. Un très bon député ?

M. Pierre-Louis Fagniez. …ou un très bon président d’université. Certains, en effet, deviennent même députés. (Sourires.) Toujours est-il que ces chercheurs ne seront plus en charge de recherches dont ils ne sont plus capables.

En résumé, l’Agence doit embrasser cet énorme ensemble que représentent les structures, les équipes et les personnes. Il est évident que si les décrets ne sont pas très clairs, elle ne remplira pas sa tâche. Je vous engage donc, monsieur le ministre, à vous entourer de tous les concours pour la rédaction de ces décrets, afin que les trois situations – structures, équipes et personnes – soient traitées au mieux par cette agence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. J’ai écouté attentivement M. Fagniez évoquer un sujet qui n’est pas lié très directement à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur : l’évolution des carrières des enseignants chercheurs. Nous avons des propositions à formuler dans ce domaine, si du moins Bercy suit le ministre de la recherche et permet de moduler les tâches des enseignants chercheurs en fonction du déroulement de leur carrière.

Monsieur le ministre, le contenu de ce projet de loi – qu’il relève de la loi ou d’un décret – me paraît assez complexe et je souhaiterais, avant d’examiner les amendements à l’article 4, vous demander comment vous évaluez le système d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur en France. Votre réponse nous indiquera, en effet, quelles sont vos intentions quant aux décrets…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce n’est pas une thématique !

M. Alain Claeys. …– dont l’enjeu est important, comme l’a souligné M. Fagniez.

L’objectif que nous devons atteindre est l’harmonisation de l’évaluation de notre système de recherche et d’enseignement supérieur – qu’il s’agisse des personnes, des laboratoires ou des organismes. Si nous devons progresser, sous une autre législature – et, éventuellement, un autre gouvernement –, sur les universités, la contrepartie sera une évaluation forte et acceptée par tous. Nous sommes d’accord pour que l’évaluation s’ouvre à des scientifiques étrangers, mais il faut définir quelques principes.

D’abord, nous sommes d’accord pour affirmer que l’évaluation des scientifiques doit être réalisée essentiellement par leurs pairs.

Le second principe, c’est, pour ne pas faire de bureaucratie, d’essayer de sauvegarder ce qui marche. Il existe, au niveau des organismes, des évaluations qui se déroulent dans de bonnes conditions. L’AERES, pour ses évaluations, devra se reposer sur ces structures qui fonctionnent bien.

Reste – et ce seront les deux missions essentielles de l’agence – l’évaluation des organismes, y compris de l’Agence nationale de la recherche, et celle des laboratoires universitaires et des enseignants-chercheurs.

Au nom du groupe socialiste, j’ai plusieurs questions à vous poser, monsieur le ministre. Premièrement, quel jugement portez-vous sur l’évaluation aujourd’hui ? Autrement dit, quelles sont les choses qui marchent bien et celles qui doivent être rectifiées ? Deuxièmement, est-ce que vous entendez garder les structures d’évaluation, en particulier celles qui fonctionnent aujourd’hui au niveau des organismes de recherche ? Troisièmement, comment entendez-vous au niveau des universités monter en pression l’évaluation, laquelle sera demain un élément essentiel d’une meilleure autonomie des universités ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je serai très bref parce que je crois qu’Alain Claeys vient de parfaitement résumer la problématique de l’évaluation. Je vais juste poser trois questions complémentaires, monsieur le ministre. Comment comptez-vous prendre en compte la composante européenne dans l’évaluation des établissements et des organismes publics, c’est-à-dire comment aujourd’hui fait-on l’Europe ? Nous avons un programme-cadre de recherche et de développement scientifique européen, dont notre collègue Garrigue a parlé plusieurs fois hier – il n’est pas ici cet après-midi, mais je crois que c’est un sujet qui lui tient à coeur. Comment donc parvenir à organiser au niveau européen l’évaluation au moins des organismes, sinon des laboratoires ?

Pour nous, l’agence d’évaluation de la recherche doit être légitime vis-à-vis de la communauté scientifique. Comme Alain Claeys vient de le dire, elle doit donc pouvoir s’enrichir de toute l’expérience qui a été acquise par le CNU dans les universités et par le comité national du CNRS. Il est donc pour cela important que, dans l’agence d’évaluation de la recherche, il y ait des membres qui possèdent cette expérience. Vous engagez-vous à les y faire siéger ? L’évaluation est importante. On est globalement d’accord sur un système d’évaluation au niveau national, mais comment allez-vous coordonner tout cela ?

Une dernière question subsidiaire : comment ferez-vous pour que ce ne soit pas un empilement de structures nouvelles, une strate de plus, et que cela fonctionne sans lourdeur bureaucratique excessive ? Car si on veut parvenir à être très fort en recherche, il faut que, demain, nos chercheurs passent plus de temps dans leur laboratoire que dans des instances d’évaluation.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je voudrais profiter de mon intervention sur l’article pour tordre le cou à un lieu commun qui est parfaitement injuste. Nous savons, depuis un certain nombre d’années, que toute politique publique doit être évaluée. Nous savons aussi que c’est extrêmement compliqué, et on a des difficultés – dans d’autres domaines que je suis, en particulier celui de la politique de la ville, on ne peut plus envisager des subventions, des projets, sans intégrer dans la définition du projet son mode d’évaluation. Or, d’habitude, quand on entend parler des scientifiques, on a toujours l’impression que l’argent est jeté par les fenêtres, qu’il y a un gâchis.

M. Pierre-Louis Fagniez. Oh !

M. Pierre Cohen. Je ne parle pas de ce que pensent les gens qui connaissent le sujet, mais de lieux communs. Pourtant, depuis de nombreuses années, la recherche est certainement la politique publique où les moyens d’évaluation, qui existent depuis longtemps, sont les mieux utilisés.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est vrai.

M. Pierre Cohen. Il y a certes des sujets d’interrogation et de critique. Mais nous sommes d’accord, dans ce projet de loi, avec l’idée d’étendre l’évaluation à toute la recherche, parce que, dans les organismes, c’est extrêmement bien fait, assez régulier, et que ceux-ci y consacrent énormément de moyens. La question d’Alain Claeys sur la manière dont vous voyez cette évaluation est importante pour savoir quelles seront les directives de l’agence et quelle évaluation vous prévoyez.

Mais les universitaires sont évalués à l’embauche et lors de la modification de leur grade. Ceux qui ne travaillent pas dans les organismes de recherche ne sont donc pas évalués tout au long de leur carrière. À cet égard, un élargissement de l’évaluation est extrêmement nécessaire. Il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord, c’est que l’ensemble des organismes et des universités, même l’Agence nationale de la recherche, doivent être évalués. Si l’AERES a une mission, c’est d’évaluer ce qui ne peut l’être par les organismes eux-mêmes parce que l’on peut difficilement être à la fois juge et partie. Il y a donc à travers ce projet de loi un échelon supérieur d’évaluation qui est extrêmement nécessaire et qui me semble pertinent.

Je crois qu’il y a accord pour reconnaître que, dans la plupart des organismes, l’évaluation des personnels est relativement bien faite. Comme il y a dans chaque organisme une méthodologie différente, l’Agence nationale d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur aura donc pour objet de définir une méthodologie applicable à l’ensemble des organismes et des universités, même si les dispositions prévues sembleront parfois revêtir un caractère inquisitorial. Il pourrait d’ailleurs y avoir un dispositif permettant un dialogue beaucoup plus souple entre les organismes et l’agence d’évaluation.

Le point sur lequel je ne suis pas d’accord – et je crois avoir compris que la commission des affaires culturelles avait proposé un amendement qui abondait dans mon sens –, c’est sur le rôle de l’AERES par rapport aux équipes et aux laboratoires, qui sont tout de même étroitement liés à l’évaluation des personnels. Cela demande un gigantesque travail et énormément de compétences pour arriver à un niveau fin d’évaluation des équipes. Là où une telle évaluation n’existe pas, en particulier dans les universités qui ne collaborent pas avec le CNRS, il serait juste d’élaborer une méthodologie qui les obligerait à la mettre en place rapidement. Mais au jour d’aujourd’hui, comment comptez-vous appliquer une méthodologie qui ne soit pas redondante avec ce qui existe déjà ? S’il y a des choses qui ne plaisent pas sur la façon dont le CNRS, l’INRA, l’INSERM évaluent leurs équipes ou leurs laboratoires, on peut négocier avec eux la méthodologie à appliquer. Mais je ne crois pas que les moyens qui seraient donnés à l’agence pour évaluer les équipes et les laboratoires au même niveau de finesse que les organismes puissent être opérationnels immédiatement et répondre à l’objet de l’agence en termes d’efficacité.

Je terminerai par une petite pique, monsieur le ministre : pourquoi le texte entre-t-il soudain dans le détail de la composition du conseil d'administration, alors que vous avez affirmé toute la matinée que de telles dispositions relevaient du domaine réglementaire ?

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le ministre, la qualité de l'évaluation des personnes et des unités des principaux établissements publics scientifiques et technologiques constitue l'un des points forts de la recherche dans notre pays.

Pour être juste et efficace, l'évaluation doit effectuée par des pairs, de façon collégiale, indépendante, transparente – évaluateurs, critères, résultat de l'évaluation – à intervalles réguliers, au niveau national, avec une référence internationale ; elle doit être indépendante par rapport aux organes de décision, se fonder sur les disciplines, à l'échelle nationale ; elle doit intégrer l'ensemble des missions des personnels concernés, y compris l'enseignement, en tenant compte de la spécificité des établissements d'enseignement supérieur ; elle doit se traduire par des conséquences concrètes pour la carrière des personnels ; elle doit porter conjointement sur les individus et sur les structures de recherche auxquelles ils appartiennent ; elle doit dépendre de structures représentatives et légitimes du point de vue de la communauté scientifique, ce qui requiert une majorité d'élus.

Cela suppose que le rôle des instances actuelles d'évaluation des personnels – CNU, CONRS notamment – et leur mode de désignation soient réaffirmés explicitement. Cela suppose également que la volonté justifiée de faire converger les pratiques d'évaluation se fasse par la confrontation des points de vue au sein des instances compétentes et ne se réduise pas à des procédures hyper-normatives et automatiques favorisant les critères bibliométriques, et que les comités de visite des unités désignés ou accrédités par les commissions spécialisées comprennent au minimum deux membres des instances d'évaluation des personnes concernées – ce qui devrait être la règle. Cela suppose enfin que la composition du conseil de l'AERES et des commissions spécialisées respecte les équilibres thématiques et la répartition entre membres élus et nommés des instances proposantes, et que le président du conseil de l'AERES soit élu par ses pairs. L'AERES doit avoir non seulement pour mission de superviser l'évaluation des établissements, des unités et des personnes, mais l'ensemble des instances liées à la recherche. Nous défendrons donc, monsieur le président, des amendements allant dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je voudrais rappeler les modifications que le Sénat a apportées au texte initial.

C’est le Sénat qui a étendu l'évaluation des activités de recherche à l'enseignement supérieur, ce qui est un progrès et a beaucoup de sens. Cela conforte notre volonté, sur presque tous les bancs, de rapprocher enseignement supérieur et organismes.

Mais le texte du Sénat ne convenait pas tout à fait aux membres de la commission parce que nous voulions que les missions de l’AERES soient clarifiées. Sa première mission, c’est d’évaluer la recherche et l’enseignement supérieur. Comment va-t-elle la conduire ? La question a été posée par mon collègue Pierre-Louis Fagniez, qui a parlé d’« usine à gaz ». C’est la question que nous, membres de la commission, nous sommes posée à plusieurs reprises. D’où la décision que nous avions prise d’adopter une série d’amendements très simples proposant, premièrement, que l’agence définisse les procédures d’évaluation et accrédite les procédures déjà en place, rejoignant en cela la transversalité des évaluations que souhaite ardemment M. Alain Claeys, et, deuxièmement, qu’elle ait la possibilité d’évaluer sur place quand elle aurait l’impression que l’évaluation est insuffisante ou inexistante. Il est vrai que certains mots employés dans ces amendements n’avaient pas grand sens au point de vue législatif. Aussi, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l’esprit de coopération dont vous-même et votre équipe avez fait preuve puisque nous avons réussi, après moult échanges, à trouver un équilibre qui correspond exactement à une définition exacte de ce que sera l’évaluation dans ce système.

Enfin, je voudrais dire à quel point la commission est attachée au pool européen d’experts évaluateurs : vous nous avez répondu sur ce point, monsieur le ministre, lors de la discussion générale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les débats de cet après-midi commencent sous les meilleurs auspices, puisque, à l’exception signalée de M. Brunhes, qui a une vision très personnelle de l’évaluation, nous sommes assez largement d’accord sur la conception de cette dernière.

L’évaluation existe dans la plupart de nos organismes de recherche et elle est généralement de qualité. On y consacre du temps – parfois trop, peut-être – et elle repose sur le principe largement admis, en France comme ailleurs, du jugement par les pairs. Il n’est évidemment pas question d’y revenir.

Mais là où le bât blesse dans notre pays, c’est que le principe de la généralité de l’évaluation connaît tout de même des exceptions. Or, comme M. Cohen l’a très justement rappelé, une politique publique de recherche exige une telle évaluation. Celle-ci est même d’autant plus nécessaire que le profane a du mal à apprécier l’efficacité de l’action publique dans des disciplines complexes et peu accessibles pour lui.

L’homogénéisation est, pour d’évidentes raisons, tout aussi nécessaire. Une vision d’ensemble de la recherche française exige un cadre unique, permettant une même évaluation pour des équipes qui travaillent sur des champs thématiques comparables dans des organismes différents – comme c’est le cas, par exemple, dans les sciences du vivant, avec l’INSERM, le CNRS, le CEA ou encore l’INRA, sans parler des laboratoires universitaires. Une telle diversité rend indispensable l’homogénéité de l’évaluation qui manque actuellement à notre système.

Une réforme est donc nécessaire, qui ne vise certes pas à remettre en cause l’évaluation telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée dans les différents organismes, mais au contraire s’appuie sur elle. Il n’est question que de lui donner des règles et des principes communs et d’offrir à l’État – soit le Gouvernement mais aussi le Parlement – la possibilité d’avoir une vision homogène de l’efficacité de la recherche française.

Plusieurs députés ont insisté sur l’ouverture internationale et notamment européenne. L’évaluation ne peut en effet rester franco-française, et ce d’autant moins que, dans certaines disciplines, le nombre de spécialistes est trop restreint pour garantir son impartialité. L’idée avancée par le président Dubernard d’une sorte de banque de données commune aux principaux pays européens et comportant, par discipline, une liste d’experts susceptibles d’intervenir dans l’évaluation me paraît à cet égard particulièrement féconde : le Gouvernement la reprend donc à son compte.

Quant à l’exigence de légitimité de l’Agence de l’évaluation, il faut bien sûr que cette dernière, par la qualité de ses travaux et des choix judicieux dans la composition de ses commissions, s’impose comme étant totalement impartiale. Il faut enfin que ses procédures et ses travaux soient rendus publics : elle gagnera par cette transparence la confiance de tous.

On a aussi évoqué l’évaluation des personnes. Je ne crois pas, pour aller dans le sens du texte qui vous est soumis, qu’une agence nationale puisse assumer cette mission qui suppose une relative proximité. Aussi avons-nous préféré laisser les différents organismes s’en charger, dans le respect des règles statutaires attachées à chaque catégorie de personnel : le Gouvernement, je veux insister sur ce point, n’a nullement l’intention de changer ces règles statutaires.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il fallait en effet le préciser.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’Agence devra néanmoins s’assurer de la qualité des procédures d’évaluation : c’est le sens du texte qui vous est soumis.

J’ajoute que la plupart des chercheurs sont infiniment attachés à la qualité de leurs travaux : plus significative nous apparaît l’évaluation de ceux de l’équipe de recherche.

Doit-on par ailleurs donner à l’Agence la possibilité d’aller constater par elle-même la qualité des travaux des équipes de recherche ? À cette question sensible, je pense profondément que l’on doit répondre par l’affirmative. Une agence qui se bornerait à agréer des procédures dans tel ou tel organisme se priverait des moyens d’apprécier la bonne conduite de l’évaluation, ainsi que de la possibilité d’établir des comparaisons. Notre système étant hétérogène et les champs thématiques parfois similaires, l’Agence doit avoir compétence pour apprécier – fût-ce de façon exceptionnelle –, par la constitution d’un comité de visite ad hoc, le travail des équipes, faute de quoi elle « planera » sur l’évaluation de la recherche française, sans pouvoir s’enquérir concrètement de la qualité des travaux. Si vous me passez cette métaphore audacieuse, l’AERES doit être un peu comme un hélicoptère, capable de survoler de grandes étendues comme de descendre voir les choses de plus près.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est la technique des rapaces ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les réflexions générales que je voulais vous proposer. Je constate en tout cas que nous avons, quant aux principes, des visions assez proches.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 4.

Je suis saisi d’un amendement n° 134.

Il s’agit, monsieur le rapporteur, d’un amendement de cohérence.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. En effet, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 135.

Cet amendement est rédactionnel, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. En effet !

M. le président. Le Gouvernement y est-il favorable ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 136, dont l’adoption, monsieur Brunhes, ferait tomber l’amendement n° 88.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 136.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification du code de la recherche, qui vise aussi à souligner la nécessité de mettre en place une évaluation conforme aux meilleures pratiques internationales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 88 tombe.

Je suis saisi de deux amendements, nos 305 et 90, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Claeys, pour défendre l’amendement n° 305.

M. Alain Claeys. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour défendre l’amendement n° 90.

M. Jacques Brunhes. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 305.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 137 et 306.

La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes très favorables au partage du savoir scientifique avec la société – et l’on peut, à ce titre, être inquiet sur les sommes actuellement consacrées dans le budget – mais ce critère n’a rien à voir avec l’évaluation. Aussi cet amendement propose-t-il la suppression de l’alinéa 4 de l’article 4.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Par égard pour la Haute Assemblée qui a introduit cet alinéa, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 137 et 306.

(Ces amendement sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

L’amendement n° 232 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 89.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le soutenir.

M. Jacques Brunhes. L'adossement de l'ensemble des formations délivrées par les établissements d'enseignement supérieur est une caractéristique importante d'un enseignement par et pour la recherche. Il s'agit également d'un élément qui garantit la qualité des formations supérieures et qui doit donc être pris en compte dans les procédures d'évaluation. C’est pourquoi nous proposons d’écrire : « Pour ce qui concerne les établissements d’enseignement supérieur, la qualité de l’adossement de l’ensemble des formations à la recherche sera pris en compte. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 138.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement vise à garantir la transparence de l’évaluation. La publicité des procédures et des résultats ne constituant pas un gage suffisant à cet égard, la commission des affaires culturelles souhaite que le nom des évaluateurs soit rendu public, comme c’est le cas dans certains grands pays, notamment aux États-Unis.

Je puis en témoigner pour en avoir fait l’expérience : lorsque vous connaissez les quelques personnes qui siègent dans les comités et qui ont refusé votre projet, vous pouvez leur demander ce qui a motivé leur refus pour essayer de faire mieux la fois suivante.

Actuellement, vous ne savez pas qui a évalué votre projet, si ce n’est tel ou tel comité. Vous ne connaissez que les conclusions, sans savoir qui les a émises, et comment on y a abouti. J’ajoute qu’il n’est pas rare que certains projets se retrouvent, quelques mois plus tard, entre les mains d’évaluateurs qui s’en sont inspirés !

M. Jacques Brunhes. Ce n’est pas bien !

M. Pierre-Louis Fagniez. Mais cela arrive !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous sommes à un de ces moments rares, mais toujours intenses, où le Gouvernement ne partage pas l’opinion du président de la commission ! (Sourires.)

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est ce qui fait la richesse du débat !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je n’ai pas l’expérience de M. Dubernard, n’ayant jamais, pour ma part, été scientifiquement évalué. Aussi ne puis-je pas dire si, pour celui qui est évalué, la règle de l’anonymat est positive ou non.

Ce que je peux affirmer, en revanche, parce que nous l’avons vérifié encore récemment, c’est que l’anonymat est la règle en Grande-Bretagne et en Allemagne, mais aussi pour les procédures européennes. J’ajoute qu’elle paraît également s’imposer assez généralement en France.

Une certaine uniformité dans les procédures me paraît nécessaire si nous voulons accroître nos échanges au niveau européen. En effet, trop de différences dans les pratiques nuiraient à d’éventuels échanges d’experts et d’évaluateurs.

Par conséquent, au nom de cette volonté européenne, et d’une opinion très largement partagée, et même si je respecte l’opinion personnelle du président Dubernard, je ne peux être que très défavorable à cet amendement. Mais c’est donc pour des raisons institutionnelles.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Même si je comprends bien ce que nous explique M. le ministre, je reste néanmoins très désireux de voir cette évaluation de projets – je parle bien de projets – réalisée dans les meilleures conditions, en toute transparence.

Aussi suis-je très étonné qu’un homme tel que vous, monsieur le ministre, …

M. Pierre-Louis Fagniez. Si libéral !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. …qui avez toujours été ouvert à l’innovation, refusiez un amendement visant à la transparence.

Et ce n’est pas parce que d’autres agences européennes procèdent d’une autre manière qu’il faut renoncer à les faire évoluer ! L’Europe existe, avec des systèmes différents du nôtre, mais nous ne sommes pas obligés de les harmoniser par le bas ! Nous pouvons faire avancer la notion de transparence. Ce peut être à notre initiative.

Si vous portiez ce message au niveau européen, monsieur le ministre, vous feriez progresser les choses !

M. Pierre-Louis Fagniez. La transparence à la française !

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Je suis très favorable à l’amendement de la commission. La transparence est un impératif dans le domaine scientifique, tant pour l’évaluation que pour les publications collectives – le sujet n’a pas beaucoup de rapport avec le présent débat, mais il me vient à l’esprit – pour lesquelles il serait bon que l’on sache qui a fait quoi !

Que le nom des évaluateurs soit connu ne me choque donc pas, surtout si l’on peut faire évoluer ainsi certaines traditions au niveau européen.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 138.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 139.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement devrait ramener la sérénité et l’harmonie entre le Gouvernement et la commission. En effet, il va dans le sens souhaité par M. le ministre, en ajoutant une phrase qui renforce la dimension européenne et internationale de l’évaluation, puisque les équipes chargées de l’évaluation compteront obligatoirement des experts communautaires et internationaux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 101.

Je fais observer que l’adoption de cet amendement ferait tomber tous les amendements jusqu’à la fin de l’alinéa 6.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Adoption peu probable !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l’amendement n° 101.

M. Jacques Brunhes. Tout le monde s’accorde sur l’importance de l’évaluation. Encore faut-il qu’elle soit suivie de remarques constructives et de propositions de solutions.

L’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est réalisée, en France, par une multiplicité d’organismes qui coexistent. Certains remplissent des fonctions nécessaires et s’y sont bien adaptés. D’autres apparaissent redondants ou trop peu en prise avec les réalités de l’activité qu’ils sont censés évaluer.

Pour la recherche, il faut garder un système national d’évaluation, et le renforcer. Les chercheurs doivent être évalués par leurs pairs et les évaluateurs élus, l’élection jouant le rôle d’un système d’évaluation des évaluateurs.

Dans leur propre intérêt, les universités doivent faire évaluer leurs activités de recherche par cet organisme d’évaluation national, seul à même d’effectuer des comparaisons pouvant révéler si la recherche menée est ou n’est pas à la pointe dans son domaine. L’évaluation nationale ne doit pas pour autant viser à « élaguer » tout ce qui n’est pas d’excellence.

Lors des états généraux de la recherche à Grenoble, trois principes ont été posés : premièrement, toutes les équipes universitaires doivent être évaluées par une même instance ; deuxièmement, il est nécessaire d’étendre l’évaluation et le suivi à toutes les activités des personnels ; troisièmement, les personnels et les équipes dans lesquelles ils travaillent doivent évaluer ensemble leurs activités de recherche.

Le projet de loi tend à faire procéder à l’évaluation, du sommet. Si l’évaluation redescend, c’est en découplant l’évaluation des équipes et celle des personnes. L’amendement n° 101 vise précisément à renverser cette logique. Il faut explorer ce qui existe et qui fonctionne, le comité national d’évaluation de la recherche, par exemple, pour prendre en compte cette évaluation des équipes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 140.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 93.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le soutenir.

M. Jacques Brunhes. La nécessité d’un débat contradictoire pour assurer la qualité de l’évaluation et la crédibilité des avis rendus auprès de la communauté scientifique exige que ses représentants soient largement et réellement impliqués dans les décisions de toutes les instances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 307.

La parole est à M. Alain Claeys, pour le défendre.

M. Alain Claeys. L’amendement n° 307 est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, qui est très proche du précédent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 307.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 308.

La parole est à M. Alain Claeys, pour le défendre.

M. Alain Claeys. L’amendement n° 308 est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 308.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 369.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’amendement n° 369 vise à bien préciser que l’agence d’évaluation concerne l’ensemble des catégories d’établissements mentionnés dans le code de la recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 369.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 142.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je retire l’amendement n° 142 au profit de l’amendement n° 370 deuxième rectification du Gouvernement, dont la rédaction me paraît meilleure.

M. le président. L’amendement n° 142 est retiré.

M. Pierre Cohen. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 142 est repris par M. Cohen.

Vous avez la parole, pour le défendre, mon cher collègue.

M. Pierre Cohen. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet puisque nous présenterons un amendement qui traduira une divergence entre nous. Nous sommes d’accord sur la nécessité de l’évaluation et sur les critères, ainsi que sur la mission de l’agence pour l’évaluation des organismes et des universités. Et nous sommes d’accord pour que les personnels soient évalués par les organismes, par souci de proximité, certes, mais aussi parce qu’un dispositif existe et qu’il fonctionne bien.

C’est à propos de l’évaluation des équipes que nous divergeons. J’avais cru comprendre en commission que, là où elles existent, on s’appuierait sur les évaluations des laboratoires et des équipes, pour garder la cohérence avec l’évaluation des personnes. Évaluer les personnes représente un travail énorme ; une fois qu’il est fait, on peut considérer que l’évaluation d’une équipe est déjà bien avancée.

Or, le projet de loi confie à l’Agence l’évaluation non seulement des organismes et des universités mais aussi des équipes et des laboratoires, ne laissant aux organismes que celle des personnels.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Mais non !

M. Pierre Cohen. C’est pourtant ce que je comprends, pour ma part !

Il nous semble que l’Agence doit se contenter de donner une méthodologie, de fixer un cadre, et laisser le soin aux organismes d’évaluer les équipes et les laboratoires, à moins que cette évaluation ne soit pas faite, ou qu’elle soit mal faite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 142, repris par M. Cohen ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous avons abordé cette question au début de l’examen de l’article. Naturellement, je l’ai déjà dit, il faut utiliser les mécanismes d’évaluation qui existent déjà dans nos organismes de recherche. Pour assurer la cohérence entre les évaluations d’organismes divers – et leur donner une certaine homogénéité –, qui portent souvent sur des champs thématiques semblables, il est nécessaire que l’Agence puisse envoyer, occasionnellement, un comité de visite qui s’assure que l’on parle bien de la même chose, car les systèmes d’évaluation, par définition, ne sont pas les mêmes. Il est donc nécessaire qu’elle puisse « aller voir », non seulement que les évaluations se déroulent bien, mais aussi qu’elles se déroulent de la même manière, avec les mêmes référentiels dans des organismes différents.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas ce qui est écrit dans la loi !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Elle ne le fera pas systématiquement. Ce serait du gaspillage, et elle n’en aurait d’ailleurs pas les moyens. Nous ne souhaitons que lui en réserver la possibilité.

Après en avoir discuté avec le président de la commission, nous avons estimé une nouvelle rédaction préférable pour atteindre cet objectif. C’est tout ce dont il s’agit !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je me suis peut-être mal exprimé. Étant moi-même l’auteur de l’amendement n° 142, je peux difficilement l’accabler de mes critiques. Je ne l’ai retiré que pour des raisons rédactionnelles.

Je ne reviens pas sur le premier alinéa, relatif à l’accréditation des procédures d’évaluation. Le deuxième, quant à lui, entraîne pour l’Agence le droit de valider une évaluation sur le terrain.

M. Pierre Cohen. Cela ne figurait pas dans le projet de loi.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Dans l’amendement n° 370 deuxième rectification, que nous allons examiner, la rédaction est la suivante : « Elle conduit ces évaluations soit directement, soit en s’appuyant sur les établissements et organismes dont elle aura accrédité les procédures. » La logique est plus belle, on comprend exactement quel sera le rôle de l’Agence, un rôle qui restait imprécis dans le texte issu du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les deux amendements prétendent exprimer la même chose. Pourtant, la rédaction de la commission est plus claire, car elle fixe un critère législatif. De son côté, la rédaction du Gouvernement n’oblige nullement l’Agence à s’appuyer sur les établissements et organismes, même dans les cas où l’évaluation est jugée suffisante. Nous pourrions accepter vos propos, monsieur le ministre, mais ils ne correspondent pas à ce qui est dit dans le texte.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Mais si !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous sommes d’accord pour une évaluation stratégique des organismes et des universités. Sur ce point, il n’y a pas de divergences entre nous. S’agissant des personnels et des unités, il existe déjà des systèmes d’évaluation. Nous souhaitons qu’ils s’appliquent à toutes les activités, y compris dans le domaine de la recherche universitaire. C’est aussi ce que vous affirmez, mais cela ne figure pas dans le texte. La carrière d’un enseignant du supérieur ne se limite pas à la recherche et à l’enseignement. Il peut également contribuer à la diffusion de la culture scientifique et technique, gérer des établissements, agir en matière de coopération ou sur le plan international. Or l’évaluation de ces activités n’est pas prévue.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous parlons de la recherche !

M. Jean-Yves Le Déaut. De la recherche et de l’enseignement supérieur : les deux sont contenus dans le titre de l’Agence.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce sont deux choses différentes !

M. Jean-Yves Le Déaut. Par ailleurs, il faut des critères fiables et liés à la politique de gestion des ressources humaines, c’est-à-dire une traduction dans les carrières, ainsi qu’une certaine périodicité. De plus, les ITA, les ingénieurs, techniciens et administratifs, dont on parle peu dans cette loi, doivent être également évalués.

Mme Anne-Marie Comparini. C’est juste.

M. Jean-Yves Le Déaut. Enfin, il faut que le processus soit transparent.

Toutes ces notions, il est vrai, apparaissent dans votre discours, monsieur le ministre. Mais les projets sont rédigés par des technocrates, et comme il est difficile pour les parlementaires de les amender, on n’y retrouve pas toujours la teneur de leurs propos, ni, d’ailleurs, de ceux des ministres. On remarque que les contentieux portent souvent sur des éléments dont on a parlé en séance, mais qui ne figurent pas dans le texte final. Pour cette raison, je préfère l’amendement de la commission à celui du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Personnellement, je n’ai rien contre les technocrates. Mais je soupçonne qu’en refusant l’amendement du rapporteur, le ministre souhaite s’assurer une marge de liberté. Or nous ne pouvons accepter cela, car les choses claires s’énoncent simplement. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur doit pouvoir harmoniser l’ensemble du dispositif, mais, une fois cette étape franchie, elle doit s’appuyer sur les systèmes d’évaluation. Reconnaissez, monsieur le ministre, que l’amendement du rapporteur est à cet égard beaucoup plus clair. Il exprime plus simplement votre pensée, laquelle est limpide dans vos propos, mais moins dans votre amendement. Vous avez une arrière-pensée : vous voulez conserver une marge de liberté dont nous ne pouvons pas apprécier l’importance, car elle se manifestera dans les décrets d’application, à un moment où le Parlement ne pourra plus intervenir. C’est pourquoi nous soutenons l’amendement du rapporteur, plus précis.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il est vrai que ce sont des technocrates qui rédigent la plupart des projets de loi : ils sont d’ailleurs payés pour le faire. Il se trouve que dans ce cas particulier – et sans prétendre avoir tout écrit – j’ai surveillé les choses d’assez près, et il m’est même arrivé de prendre la plume.

M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. J’assume donc totalement la rédaction.

Laissez-moi vous faire part de mon expérience personnelle, même si elle n’est pas celle du brillant chercheur qu’est Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Votre expérience de technocrate est, elle, remarquable ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ancien magistrat de la Cour des comptes, j’ai l’habitude du contrôle, qui est assez proche de l’évaluation. Dans ce domaine, il arrive que l’on accepte des audits ou des inspections internes, car ils ont généralement la réputation d’être solides et sérieux. Mais il est parfois nécessaire d’aller voir sur place pour parvenir à une appréciation plus juste. C’est, notamment, le seul moyen de faire des comparaisons.

Si elle se borne à accréditer des évaluations internes, l’Agence ne saura jamais si ces dernières sont en phase. Certes, les critères peuvent être comparables, mais pas la pratique.

En outre, la rédaction de l’amendement n° 142 comprend une expression qui me gêne. L’Agence évalue directement les unités de recherche lorsque leur évaluation est inexistante ou insuffisante, mais elle ne le fait pas seulement dans ces situations, plutôt désagréables. Lorsque des organismes mènent des recherches dans un même champ disciplinaire, il est indispensable qu’elle puisse procéder à des comparaisons, ce qu’elle ne pourra faire que si elle se rend sur place. Son appréciation sera biaisée si elle se fonde exclusivement sur les évaluations internes des organismes. Par conséquent, même si l’évaluation est suffisante, il est nécessaire, pour établir des référentiels communs et juger si l’évaluation est aussi rigoureuse et objective d’un organisme à l’autre, d’aller voir sur place, de façon ponctuelle. Je maintiens qu’il faut laisser à l’Agence cette souplesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 142, repris par M. Cohen.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 211.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le défendre.

Mme Anne-Marie Comparini. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 211.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 370 deuxième rectification.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je me suis déjà largement exprimé sur ce point, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Quant à moi, je l’ai largement commenté.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je comprends bien que l’Agence doit pouvoir évaluer directement les équipes, même quand les procédures existent et sont suffisantes, afin d’établir des comparaisons entre les méthodes et de vérifier s’il y a convergence ou redondance. Mais, même si on juge sincères les propos du ministre, …

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Quel procès d’intention !

M. Pierre Cohen…il manque au moins, à l’amendement du Gouvernement, la première partie de l’amendement n° 142.

Lorsque l’Agence est chargée d’évaluer les établissements, elle n’a pas besoin de mettre au point des critères destinés à rendre cette évaluation homogène. Mais il n’en est pas de même pour l’évaluation des personnels, confiée aux établissements eux-mêmes. Dans ce domaine, si l’intention est de ne rien changer à l’existant, il manque la première partie du texte de l’amendement n° 142, qui prévoit que l’Agence se donne des critères d’évaluation mais qu’elle n’intervient pas lorsque celle-ci est convenablement effectuée et qu’une comparaison des méthodes n’est pas nécessaire. En l’absence de cette disposition, la deuxième section de l’Agence, chargée de l’évaluation des unités de recherche, effectuera le même travail que la première, à qui est confiée l’évaluation des organismes de recherche. Je peux donc comprendre les propos du ministre, mais il importe que le texte y soit conforme.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le ministre, vous indiquez que l’AERES peut s’appuyer sur les instances d’évaluation existantes « lorsqu’elle le juge pertinent ». Mais que signifie cette « pertinence » d’un point de vue juridique ?

M. Jean-Yves Le Déaut. La question est pertinente ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je note que cette phrase figure dans l’exposé des motifs, et non dans le texte lui-même.

M. Jacques Brunhes. Ce n’est pas une réponse !

M. le président. Monsieur Brunhes, vous savez pertinemment que le Gouvernement est libre de sa parole.

M. Jacques Brunhes. Dans ce cas, je souhaite poser une question au président de la commission : dans quels cas l’Agence conduira-t-elle les évaluations directement plutôt que de s’appuyer sur les établissements ? Cela doit être précisé !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je maintiens mes propos : l’amendement du Gouvernement reprend exactement ce que nous souhaitions exprimer à travers l’amendement n° 142. Lisez-le : il apporte des réponses à toutes les questions que nous avons évoquées en commission.

M. Pierre Cohen. Où est-il précisé que l’Agence devra accréditer « les procédures d’évaluation des activités de recherche conduites par les unités de recherche des établissements » ? Où ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Dans l’amendement : « Elle conduit ces évaluations soit directement, soit en s’appuyant sur les établissements et organismes selon des procédures qu’elle aura accréditées. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, vous ne pouvez prendre la parole que si la présidence vous y autorise.

Avant de mettre aux voix l’amendement, j’indique qu’il faut lire à la fin de la phrase « qu’elle a accréditées », et non « qu’elle aura accréditées ».

Je mets aux voix l’amendement n° 370 deuxième rectification, compte tenu de cette correction.

(L’amendement, ainsi corrigé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 371 rectifié.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cet amendement, tout à fait formel, vise à identifier clairement la mission de l’AERES relative à l’évaluation des formations et des diplômes en la distinguant de la mission d’évaluation d’ensemble des missions des établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission l’a adopté, et j’avais d’ailleurs retiré l’amendement n° 141 à son profit.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 371 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 143 rectifié, dont l’adoption ferait tomber les amendements nos 309 et 94.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 143.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement tend à mieux préciser l’évaluation des personnels. L’Agence est chargée d’accréditer les procédures d’évaluation des personnels.

MM. Claeys et Le Déaut l’ont précisé, l’objectif de l’Agence est, en effet, de parvenir à une harmonisation des procédures d’évaluation. C’est par le biais de telles méthodes que cet objectif sera atteint.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je ne peux ni me dire réservé ni m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

L’évaluation des personnels doit rester du ressort de l’organisme. Nous comptons une grande diversité d’organismes à statut différent. Nous ne parviendrions pas, même si nous le voulions, à tous les harmoniser. L’intérêt d’établir des comparaisons n’est d’ailleurs pas le même que pour les équipes des laboratoires. Comparer deux personnes servant dans des établissements différents aurait-il un sens ? Ce n’est pas, ici, le sujet. Que l’Agence, qui évalue les équipes, donne son avis sur les procédures d’évaluation des personnes est assez logique, mais aller jusqu’à une accréditation formelle de ces procédures dépasse notre conception du rôle de l’Agence.

Telle est l’explication de cette divergence avec la commission.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Je m’immisce très discrètement dans ce débat.

Nous débattons du contrôle des structures et de l’évaluation des résultats de l’enseignement supérieur. Je me permettrai donc d’exprimer l’inquiétude des petites universités et notamment de celles du Littoral et de l’Artois situées dans le Nord-Pas-de-Calais. Ces petites universités, dotées d’unités de recherche de petite taille, s’inquiètent quant à leur représentation auprès de l’Agence pour la recherche. Plus elles sont petites et plus leurs inquiétudes sont légitimes. Les moyens dévolus à l’Agence risquent, en effet, de favoriser les grandes universités composées d’importantes unités de recherche. Selon l’état-major, cette crainte est liée à la problématique des moyens financiers qui seront, semble-t-il, drainés par l’Agence. Est-il exact que les bonus « qualité recherche » versés jusqu’à présent par les ministères aux universités seront désormais intégrés dans l’Agence ? Contrairement aux grandes universités, les petites craignent de ne pouvoir, quant à elles, obtenir de moyens financiers, faute d’être en mesure de répondre aux appels à projets. Or ces petites unités peuvent être des réservoirs d’excellence tant dans le domaine de la formation que de la recherche. Cela permettra, de plus, d’irriguer leur territoire. Il convient donc de veiller à ne pas les étouffer.

Il est de notre devoir de relayer leurs inquiétudes. Si elles ne sont pas justifiées, vous devez l’expliquer clairement dans cet hémicycle, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le député Léonce Deprez, nous sommes décidément le pays des inquiétudes ! À chaque nouveauté, on commence par s’inquiéter. En réalité, l’Agence d’évaluation sera, à mon avis, un instrument extrêmement utile aux universités récentes qui n’ont pas encore réussi à se faire un nom. Leurs équipes, souvent mal connues, ne bénéficient pas de dotations du CNRS, parce qu’il s’écoule toujours un certain nombre d’années avant leur reconnaissance. Elles disposent de peu d’unités mixtes et de peu de moyens complémentaires à ceux alloués par l’État.

L’évaluation impartiale, générale et comparative sera une chance pour les petites universités. En effet, et j’en suis comme vous convaincu, il existe dans ces universités des équipes de grande valeur. Elles ne sont pas les plus nombreuses, mais elles comptent des personnalités éminentes qui ont l’enthousiasme des pionniers et la qualité de ceux qui doivent faire leurs preuves. Je suis certain que les équipes de recherche des petites universités gagneront à la généralisation de l’évaluation à condition qu’elles le méritent. Je tiens donc à vous rassurer en la matière.

Nous l’expliquons maintenant depuis plusieurs heures, nous avons besoin de grands centres universitaires de recherche à visibilité internationale. Nous n’allons pas refaire les discours que nous avons tenus les uns et les autres. Nous devons reconnaître la valeur des petites unités d’enseignement supérieur et de recherche, nécessaires au maillage du territoire. Elles sont un atout pour l’égalité des chances. Certaines d’entre elles atteignent dans leur discipline l’excellence que nous souhaitons pour l’ensemble des universités françaises.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 143 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 309 et 94 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 215.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. Je le retire, un amendement très proche ayant été adopté tout à l’heure à l’initiative du président Dubernard.

M. le président. L’amendement n° 215 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 144.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Mme Comparini aurait pu défendre cet amendement qui tend à préciser que la qualité de la recherche doit primer. Ainsi, le but premier de l’Agence doit-il être de mettre en place des procédures d’évaluation de « qualité ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 144.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 212.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le défendre.

Mme Anne-Marie Comparini. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 212.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 95 et 310.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l’amendement n° 95.

M. Jacques Brunhes. Il s’agit, par le présent amendement, de donner à l’Agence d’évaluation et de la recherche l’indépendance affirmée plus haut, en cassant la chaîne de l’autorité descendante.

M. le président. Cette explication vaut-elle pour l’amendement n° 310 ?

M. Pierre Cohen. Tout à fait, monsieur le président !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 95 et 310.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 64, 91 et 311, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Claude Birraux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour soutenir l’amendement n° 64.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il s’agit de permettre aux représentants des doctorants et post-doctorants de prendre part au conseil de l’Agence d’évaluation. Leur participation nous paraît indispensable à l’évaluation des formations et des établissements d’enseignement supérieur.

Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de la déclaration de Bologne dans laquelle les ministres de l’éducation de vingt-neuf pays européens ont fixé une série d’objectifs dont le développement d’instruments communs permettant une meilleure évaluation de la qualité de l’enseignement et la participation des étudiants à cette évaluation. Je me plais encore à citer l’exemple du groupe d’Édimbourg qui a accompli un travail de comparaison remarquable entre les systèmes d’évaluation français et britannique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour soutenir l’amendement n° 91.

M. Jacques Brunhes. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’excellent propos de notre collègue Birraux.

Des standards internationaux exigent la participation des étudiants et des processus à l’évaluation des formations et des établissements.

Cela justifie naturellement ces amendements quasi communs.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l’amendement n° 311.

M. Pierre Cohen. Même si l’amendement de M. Birraux est cosigné par M. Jean-Yves Le Déaut et même si son esprit est identique, il présente l’inconvénient de mentionner les représentants des doctorants. Nous préférons, quant à nous, l’appellation beaucoup plus large d’«étudiants de l’école doctorale ».

De plus, les post-doctorants ne relèvent pas de la même problématique. Ce sont des docteurs appelés à devenir des professionnels de la recherche. Nous sommes donc extrêmement réservés quant à l’amendement n° 64, ne le considérant a priori pas adéquat. Nous lui préférons donc notre amendement n° 311, qui correspond davantage à l’état d’esprit de l’ensemble des étudiants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. L’avis de la commission se résume très simplement. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur n’évalue pas les doctorants. Pourquoi ces étudiants en formation feraient-ils partie du conseil ?

M. Alain Claeys. Nous ne sommes pas d’accord avec vous !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Évitons de faire des usines à gaz ! Pourquoi ne pas ajouter à la liste quatre, cinq, voire six autres types de personnels dont la présence serait tout aussi justifiée que celle des doctorants ?

La commission est défavorable aux deux autres amendements pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Personne ne niera combien la présence des doctorants et des post-doctorants est essentielle dans les équipes de recherche. Nous avons tous le plus grand respect pour leur apport à l’élaboration de la connaissance scientifique.

Nous ne parlons pas, dans cet article, du conseil d’administration de l’université, au sein duquel, et c’est normal, les différentes catégories intéressées – dont les étudiants – sont représentées, mais d’une instance d’évaluation. Celle-ci doit être constituée de personnes susceptibles de juger leurs pairs, donc de scientifiques qui ont atteint, dans leur discipline, un certain degré de notoriété.

Une commission scientifique d’évaluation comprend généralement des scientifiques chevronnés, c’est un usage international. De plus, par définition, un doctorant est dans cette position de manière très temporaire et n’a pas le temps de se faire une idée du travail et des procédures.

Franchement, autant nous sommes partisans d’une telle représentation dans d’autres organes qui ont d’autres responsabilités, autant elle nous paraît inadaptée dans une instance d’évaluation, et je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, je pense que vous faites une erreur. Les doctorants ne seront évidemment pas les forces vives de l’évaluation menée par l’agence, mais nous ne parlons pas de ça, à moins que l’évaluation de l’ensemble des organismes ne soit faite par les vingt-six membres du conseil d’administration, ce qui n’est pas le cas.

On a vu ce matin le peu d’estime que vous aviez pour les doctorants.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Qui augmente les allocations de recherche ?

M. Pierre Cohen. Le conseil d’administration aura à discuter de la politique d’évaluation et non pas à faire l’évaluation, ce qui est totalement différent. La capacité scientifique des doctorants n’est pas à remettre en cause. Il me semble qu’avec leur regard, ils peuvent donner des orientations et participer à la politique d’évaluation au même titre qu’un certain nombre de personnes qui ne seront pas de hautes sommités scientifiques mais qui auront le droit de dire comment on évalue. Il serait dommage de ne pas avoir deux représentants des écoles doctorales.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. J’avoue mal comprendre votre position, monsieur le ministre. Dans l’espace européen de l’enseignement supérieur, connu sous le nom de processus de Bologne, on exige la participation des étudiants à des processus d’évaluation des formations et des établissements.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce n’est pas la même chose !

M. Jacques Brunhes. La France est donc à l’écart des standards internationaux et en particulier européens. Cela me paraît totalement anormal.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 311.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 145.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer la dimension communautaire et internationale de la composition des conseils d’administration de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et, en même temps, leur légitimité scientifique.

Je crois que ces deux éléments sont de nature à renforcer la crédibilité de l’agence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Excellent amendement ! Nous y sommes favorables.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 145.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En application de l’article 95, alinéa 5, du règlement, l’amendement n° 146 est réservé jusqu’après l’amendement n° 150.

Je suis saisi de deux amendements, n°s 1 et 147, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Puisque l’on cherche à améliorer la performance des méthodes d’évaluation, on pourrait être davantage pluridisciplinaire et pluriculturel et faire entrer des gens du monde de la recherche privée, qui ont en général des méthodologies d’évaluation un petit peu plus exhaustives, plus proches de ce qui se fait à l’international. Il y a dans les entreprises toute une culture du bilan d’évaluation annuel, de la réalisation par objectifs. Je suis un ancien fonctionnaire et je me souviens de la notation annuelle. Tout cela est très perfectible. Il est bon de brasser un petit peu les cultures des hommes, donc les expériences. L’AERES ne peut pas se priver de l’expérience de certains directeurs de recherche dans le privé. Nous suggérons donc qu’il y ait un esprit de parité.

M. Dubernard ayant surenchéri dans l’autre sens, nous allons en discuter et je souhaite que nous adoptions une solution équilibrée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 147 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement de M. Fourgous. Il y a effectivement une logique à faire entrer une autre culture d’évaluation, mais pas aussi massivement.

La solution de facilité aurait été d’augmenter le nombre de membres du conseil d’administration et de personnalités qualifiées. Après en avoir longuement discuté, après avoir réfléchi et évoqué la question avec M. Claude Birraux, qui connaît bien, puisqu’il en est le vice-président, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être un moyen de laisser l’Assemblée nationale être présente, par l’intermédiaire de l’Office, au sein du conseil d’administration de l’Agence, ce que nous souhaitons tous car cela reconnaît la prééminence du Parlement dans ce domaine. Le fait qu’il y ait deux parlementaires pouvait poser un problème puisque nous ne voulions pas trop augmenter le nombre de membres du conseil d’administration. Si le président de l’Office, qui est alternativement un sénateur ou un député, représente le Parlement au sein de la commission, un poste est libéré et peut aller à une personnalité qualifiée. Le nombre de personnalités qualifiées passant à neuf, un tiers d’entre elles, c’est-à-dire trois de ces personnalités qualifiées, pourraient venir de la recherche privée. Ce seraient bien entendu des chercheurs, de qualité, pour que la crédibilité de l’agence reste entière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je ne suis pas très favorable à ce que la loi précise trop les règles de composition, mais, en l’occurrence, je préfère l’amendement présenté par M. Dubernard, qui est moins rigoureux que celui de M. Fourgous.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne sais pas ce que diront mes collègues de l’opposition et Mme Comparini, mais je crois qu’il faut se battre contre ces deux amendements.

L’amendement qui nous est proposé par M. Dubernard vise tout simplement à nuancer ou à moraliser un petit peu celui qui est présenté par M. Fourgous, qui consiste à entériner une chose dont nous sommes victimes aujourd’hui, c’est-à-dire le mélange entre recherche académique et recherche appliquée. On veut par exemple nous faire croire que des innovations sont des recherches. Je pense en particulier à ce que font des sociétés transnationales américaines ou françaises sur les disséminations volontaires d’OGM.

Si je devais vous inciter à la précaution, je vous conseillerais de lire la une du journal Le Monde de cet après-midi. Il s’agit des OGM. On apprend qu’il a fallu qu’une association internationale, les Amis de la terre, aille chercher le panel d’experts désigné par l’OMC. On nous a raconté depuis huit jours à coups de titres de presse et de reportages à la télévision que l’OMC condamnait l’Europe pour l’application du principe de précaution et pour le moratoire qu’elle a fait appliquer jusqu’en 2004. Comme l’opacité règne, il a fallu beaucoup de travail pour aller chercher les résultats du panel d’experts. Loin de condamner l’Europe, il considère que, s’il y avait des conditions scientifiques nouvelles prouvant l’éventuel impact des OGM sur la santé, il était juste d’appliquer le moratoire.

Nous devons donc être très attentifs à ne pas mélanger ce qui est de l’ordre de la recherche fondamentale et académique et ce qui est de l’ordre de la recherche privée. Les intérêts privés sont déjà trop présents dans la recherche. On nous dit ainsi que l’INRA est un organisme public, mais chacun sait que, vu la grande misère de ces organismes, une grande partie de leurs recherches sont financées par des conventions passées avec des entreprises privées. Où est l’indépendance de l’INRA, où est sa vocation publique ? Évitons donc de mettre le loup dans la bergerie et laissons le conseil d’administration à des experts.

M. Dubernard propose que le conseil ne comprenne que le président de l’Office d’évaluation, qui sera une fois un sénateur et une fois un député, ce qui va permettre de libérer un peu de place pour des privés. Pourquoi pas des doctorants ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Tout simplement parce que cette agence pourra être conduite à évaluer des structures privées dans le cadre de coopérations avec les organismes publics.

Trois sur vingt-quatre, c’est-à-dire un huitième des membres du conseil d’administration, viendront de la recherche privée, on ne les fait pas rentrer en masse. La recherche privée a quelquefois du sens. Il y a même des domaines où elle est prédominante. Je ne parle pas des OGM, mais la recherche pharmaceutique, par exemple, est presque entièrement privée. Les chercheurs qui travaillent dans ces laboratoires sont des gens compétents, dont on peut saluer le travail, et qui sont capables d’évaluer ou de participer à l’évaluation d’autres structures qui relèvent aussi du privé.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Je voterai l’amendement du président Dubernard. J’ai par ailleurs déposé un amendement prévoyant que les techniciens et ingénieurs sont représentés dans les structures d’évaluation. Je ne l’ai pas fait pour qu’il y ait toutes les catégories, mais on ne doit pas négliger la recherche industrielle, et les techniciens et ingénieurs y participent fortement. Leur regard est important. Or ils sont peu présents dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur Dubernard, je n’ai jamais mis en cause l’honnêteté des scientifiques qui travaillent dans des entreprises privées, mais, s’il est un secteur dans lequel le contrôleur est aussi le contrôlé, ce sont bien les laboratoires pharmaceutiques. Faudrait-il citer ici, mais l’inventaire à la Prévert serait très long, les médicaments mis sur le marché dont on s’est aperçu quelques années plus tard qu’ils avaient un impact néfaste sur la santé ? Il a fallu des expertises indépendantes et des contre-expertises indépendantes, souvent d’ailleurs menées par des associations, contre des gens ayant de très gros moyens, pour apporter la preuve que nous sommes dans une situation de monopole, d’opacité, de grande propagande et de grand conditionnement.

Pour convaincre Mme Comparini que nous commettons peut-être une erreur, je rappelle que nous célébrerons au mois d’avril le triste anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. Souvenons-nous des propos du patron du Service central de protection contre les rayonnements ionisants de l’époque, affirmant qu’il n’y avait aucun risque et que le nuage radioactif n’avait pratiquement pas franchi les frontières de la France, et traînant devant les tribunaux ceux qui osaient affirmer qu’il s’agissait de contrevérités. Et de grands professeurs de médecine, comme le professeur Tubiana, ont conforté ce personnage en nous expliquant que le nucléaire n’était pas dangereux et que Tchernobyl n’avait aucune influence.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Ça suffit !

M. Noël Mamère. Non ! Que ce soit dans le secteur public ou privé, lorsqu’il y a confusion entre le contrôleur et le contrôle, rien ne peut fonctionner. Notre devoir de législateur est de mettre en place tous les outils nécessaires à l’indépendance de l’expertise.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Personne ne nie l’intérêt et la qualité de la recherche privée. Au contraire, dans la discussion générale, nous avons tous dit qu’il était nécessaire de l’amplifier. Je crains toutefois qu’à l’avenir, les entreprises ne se désintéressent de la recherche fondamentale et ne se comportent comme on fait son marché sur les étagères, c’est-à-dire en profitant de la mondialisation pour aller chercher le savoir là où il existe et en le finançant lorsqu’elles en ont besoin. Il est donc important que les entreprises privées développent la recherche en leur sein.

Certes, le fait d’avoir huit personnes qualifiées permettra au Gouvernement de nommer quelqu’un qui, par ses compétences et sa neutralité, sera à la hauteur de sa tâche.

Je suis néanmoins scandalisé que les doctorants ne soient pas représentés dans le conseil d’administration alors qu’ils jouent un rôle fondamental. Même si l’estimation est difficile, on sait très bien qu’une part très importante de la recherche publique repose sur le travail des doctorants. Pourtant, vous refusez qu’ils participent à la politique d’évaluation et vous faites obligation à des personnes, peut-être très compétentes mais dont on peut parfois douter de la légitimité, de parler de l’évaluation d’une manière générale. Que la loi le permette si la personnalité s’impose certes, mais l’instituer en tant que tel me semble extrêmement grave.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Il faut soutenir l’amendement présenté par le président Dubernard, car c’est la recherche qu’il faut stimuler avec des fonds publics en direction du secteur public comme du secteur privé.

Nous sommes au début d’un nouveau siècle. Il faut à tout prix créer une synergie, et je pense que l’amendement du Gouvernement répond à l’intérêt de la France alors que nous sommes engagés dans la compétition mondiale. Il faut rassembler les énergies, notamment celle des chercheurs.

J’ajoute qu’il faudra veiller à ce que les membres du conseil soient représentatifs de toutes les générations. C’est très important pour que l’on puisse tirer profit de l’expérience des uns et du dynamisme des autres, mais dans un esprit de compétition. Il ne faut pas opposer les deux formes de recherche, mais renforcer la France dans l’évolution économique internationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je serai bref parce que M. Léonce Deprez vient de dire ce que je souhaitais préciser concernant l’analyse de cet amendement et l’utilisation des fonds publics pour faire de la recherche privée.

Monsieur Mamère, vous utilisez toujours les mêmes mots et les mêmes exemples. Je pourrais quant à moi citer des milliers d’exemples – les médicaments qui ont éradiqué la tuberculose, les vaccins… – qui vous montreraient les progrès réalisés par la recherche privée dans l’intérêt de l’espèce humaine.

M. Noël Mamère. Le progrès se contrôle !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Le principe de précaution est-il, oui ou non, inscrit dans la Constitution ? Nous avons beaucoup parlé au début de ce débat, mais vous n’étiez pas là,…

M. Noël Mamère. Si, j’étais là !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. …de la nécessité d’intégrer, à côté du principe de précaution, le principe de progrès, sous peine de retomber dans une forme d’obscurantisme. Attention à l’obscurantisme ! Il nous ramène là où vous voudriez que nous soyons !

M. Noël Mamère. Je demande la parole.

M. le président. Non, monsieur Mamère ! L’Assemblée est suffisamment éclairée.

M. Noël Mamère. Je ne peux pas, quelles que soient les qualités de M. Dubernard, laisser dire…

M. le président. Monsieur Mamère, vous n’avez pas la parole. Vous interviendrez à l’occasion d’amendements ultérieurs.

M. Noël Mamère. Je ne peux pas laisser dire à M. Dubernard que le principe de précaution, c’est de l’obscurantisme ! À la demande du président de la République, nous avons inscrit ce principe dans la Constitution !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. C’est ce que j’ai dit !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Mamère !

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur Mamère, nombre de personnes travaillant dans le secteur privé souffrent lorsqu’on les soupçonne de manquer d’intégrité morale, d’intelligence ou d’indépendance.

M. Noël Mamère. Apprenti sorcier !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. J’ai travaillé dans le privé et dans le public. J’ai eu affaire à des jurys très indépendants dans le secteur privé. De grâce, ne laissons pas glisser ce débat.

M. Jacques Brunhes. Ne glissez pas vous-même !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. D’autant que les deux tiers des Français travaillent dans les entreprises privées ! Ce n’est tout de même pas l’enfer !

M. Alain Claeys. Personne ne le dit !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Vous ne l’avez pas dit, mais attention à d’éventuels glissements, parce que les gens sont très blessés d’entendre la représentation nationale se laisser aller à de telles images.

M. Pierre Cohen. Nous avons dit le contraire !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il y aurait beaucoup à dire sur M. Ralph Nader et les déclarations d’intégrité scientifique concernant le nucléaire aux États-Unis. C’est un grand débat. Ce sont des mondes que vous ou certains de vos collègues connaissez bien.

Quoi qu’il en soit, je me rallie à l’amendement n° 147 et je retire l’amendement n° 1. Nous parlons de trois personnes sur vingt-quatre : on peut laisser entrer au conseil d’administration des scientifiques qui ont participé à la direction de la recherche privée. D’autant que les directeurs de recherche du secteur privé ont également des postes dans le secteur public. Cela a été mon cas il y a très longtemps. Ce mur n’existe pas, ne le recréons pas ici. Mais je crois que vous l’avez tous compris. Ce serait là un petit signe culturel très simple qui aiderait à l’élaboration de cette structure.

M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Lorsque l’on n’a plus rien à dire ou que l’on veut défendre des amendements un peu sur la crête, ou assez flous, on accuse les écologistes, que je représente ici, d’être obscurantistes. Il faut arrêter ce procès en sorcellerie. Monsieur Dubernard, je pourrais vous faire le même procès en tant qu’homme de l’art dans l’exercice de vos fonctions : n’êtes-vous pas un apprenti sorcier lorsque vous faites des greffes de visage ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Vos propos sont à la limite du fait personnel.

M. Noël Mamère. Il faut arrêter ce genre de procès. Nous avons débattu du principe de précaution en Congrès à Versailles. Nous l’avons inscrit dans la Constitution.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Nous sommes d’accord.

M. Noël Mamère. Le principe de précaution ce n’est pas ouvrir un parapluie. Il n’est qu’à voir la politique menée par ce Gouvernement en matière de protection contre la grippe aviaire pour se rendre compte que le principe de précaution relève davantage du principe du parapluie que des dispositions politiques et sanitaires nécessaires pour lutter contre cette pandémie.

Comme je l’ai dit au début de cette discussion à laquelle je participais – et votre vue, monsieur Dubernard, de la composition de cet hémicycle est plutôt sélective –, des experts, des chercheurs ou des sociétés privées, qui visent d’abord à réaliser des profits, ne doivent pas imposer à des sociétés démocratiques des choix techniques essentiels. C’est de ce juste équilibre entre le risque et l’avantage pour la société que l’on doit débattre. C’est à la représentation nationale, par le biais des outils démocratiques qu’elle a mis en œuvre, de le faire après un débat, une confrontation, un échange, une réfutation. Et c’est au nom de la nécessité sociale, et non de la nécessité du marché, que l’on doit faire ces choix.

Les progrès doivent être contrôlés. Tous les progrès techniques n’entraînent pas forcément des progrès humains. Jacques Ellul, philosophe méconnu en France mais célèbre aux États-Unis depuis cinquante ans pour avoir été traduit par Huxley, l’écrivait de manière prémonitoire en 1953 dans La technique ou l’enjeu du siècle. Le progrès technique peut même se retourner contre le progrès humain lorsqu’il n’est pas contrôlé démocratiquement.

C’est ça notre boulot de législateur. Arrêtez vos procès en sorcellerie, vos procès en obscurantisme ! Nous sommes ici pour faire progresser l’État de droit, et, tout comme vous, les écologistes que nous sommes, même minoritaires, incarnent une part de la souveraineté nationale. À ce titre, vous ne me ferez pas taire.

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 147.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 343 et 97, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour défendre l’amendement n° 343.

M. Pierre Cohen. L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour défendre l’amendement n° 97.

M. Jacques Brunhes. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 343.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 388, 148 rectifié et 214, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 148 rectifié et 214 sont identiques.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 388.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cet amendement tend à faire entrer les représentants des ingénieurs dans la composition du conseil d’administration de l’Agence. Ce souhait que ne soit pas ignoré l’apport des ingénieurs dans la recherche française a été exprimé à plusieurs reprises. Je pense qu’il devrait recueillir une assez large approbation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 388 et soutenir l’amendement n° 148 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis favorable, ce qui me conduit à retirer l’amendement n° 148 rectifié.

M. le président. Vous souhaitez que cet amendement adopté par la commission soit retiré, monsieur le rapporteur, mais je dois donner la parole à son auteur, Mme Anne-Marie Comparini.

Vous avez la parole, madame.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le ministre, je suis sensible, comme l’ensemble de mes collègues, à cette présence des ingénieurs dans le conseil d’administration. Mais vos explications très précises sur l’agence d’évaluation, comme les travaux en séance plénière sur ce que doit être une évaluation moderne, ont montré que la recherche est un travail d’équipe, une œuvre collective. C’est parce que ce travail d’équipe contribue à la recherche industrielle qu’il ne faut pas, me semble-t-il, négliger le travail des techniciens de laboratoire, qui, avec les ingénieurs, aident à la préparation des « manips ». C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Votre attitude est quelque peu étonnante, monsieur Dubernard : vous ne pouvez pas retirer à titre personnel un amendement de la commission au profit d’un amendement du Gouvernement qui est beaucoup plus restrictif.

Vous avez raison, monsieur le ministre, de prévoir la représentation des ingénieurs dans la composition du conseil d’administration ; mais pourquoi ne pas permettre également la participation de techniciens et d’ingénieurs administratifs ? En effet, la confiance dans la société scientifique suppose que tous ses acteurs soient largement et réellement représentés.

Il n’y a donc aucune raison qu’on ne retienne pas l’amendement de la commission.

M. Pierre Cohen. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je veux d’abord vous demander de m’excuser, madame Comparini, de n’avoir pas compris que cet amendement reprenait le vôtre ainsi que celui de M. Dutoit, qui avaient été tous deux adoptés par la commission. C’est pourquoi je m’étais permis de me prononcer en faveur de celui du Gouvernement. J’ai bien précisé cependant que je m’exprimais à titre personnel, et que cet amendement n’avait pas été examiné par la commission.

M. le président. Vous êtes d’autant plus excusable, monsieur le président, que le Gouvernement avait, comme il en a le droit, déposé son amendement après la réunion de la commission.

M. Pierre Cohen. On reconnaît la technique du gouvernement actuel !

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 388, présenté par le Gouvernement, qui n’a pas été examiné en commission, mais qui fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur…

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, j’ai une petite question !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je vous ferai remarquer, monsieur le président, que si cet amendement est adopté, les deux autres tombent. Vous devriez mettre d’abord aux voix les amendements les plus éloignés du texte du projet de loi, c’est-à-dire celui de la commission et de Mme Comparini, ainsi que l’amendement n° 96 de M. Dutoit.

M. Jean-Pierre Soisson. Laissez le président présider !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. C’est au président de présider !

M. le président. Je reconnais bien là, monsieur Brunhes, l’expérience du parlementaire chevronné ! Mais si vous avez raison sur le fond, vous n’avez pas raison sur la forme, qui me contraint à mettre d’abord aux voix l’amendement n° 388.

Je mets aux voix l'amendement n° 388.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 148 rectifié et 214 tombent.

Il en est de même des amendements nos 96 et 98.

M. Pierre Cohen. Vous excluez les ingénieurs et les techniciens !

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Brunhes. Mon rappel porte sur une question de procédure.

Il est une règle absolue, même si on la conteste en l’espèce sous prétexte de problèmes de dépôt d’amendements : quand des amendements sont en discussion commune, on doit faire voter d’abord les amendements les plus éloignés du texte en discussion, jusqu’à l’amendement le plus proche. Sinon il suffirait au Gouvernement de présenter au dernier moment un amendement introduisant une rectification insignifiante pour faire tomber un amendement substantiel.

Voyez la situation complètement bancale dans laquelle nous sommes, monsieur le président : un amendement a été voté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, approuvé non seulement par Mme Comparini, mais par tous les groupes de cette assemblée, et cet amendement passe à l’as ! Il n’est même pas mis aux voix !

Je regrette que ces deux amendements tombent à cause de ce que je pense être une erreur de procédure : il ne fallait pas mettre aux voix l’amendement du Gouvernement avant les autres.

M. Pierre Cohen. Il a raison !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. De toute façon, le vote est acquis !

M. le président. On m’indique, monsieur Brunhes, qu’il n’y a pas eu d’erreur de procédure.

M. Jacques Brunhes. C’est le « plateau » qui vous dit ça !

M. le président. Non, c’est le règlement

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Respectez les fonctionnaires de cette maison !

M. le président. Permettez-moi, monsieur le député, de vous rappeler le texte de l’article 100, alinéa 4, du règlement : « Lorsqu'ils viennent en concurrence,… » – c’est le cas ici – « …les amendements sont mis en discussion dans l'ordre ci-après : amendements de suppression et ensuite les autres amendements en commençant par ceux qui s'écartent le plus du texte proposé… »

M. Jacques Brunhes. C’est ce que j’ai dit !

M. le président. « …et dans l'ordre où ils s'y opposent, s'y intercalent ou s'y ajoutent. » Il se trouve que dans l’ordre du texte, l’amendement du Gouvernement vient avant les deux autres amendements.

M. Pierre Cohen. Mais non !

M. Jacques Brunhes. C’est une interprétation !

M. Jean-Pierre Soisson. C’est voté, monsieur Brunhes !

M. le président. Au demeurant, mes chers collègues, s’agissant d’une discussion commune, vous avez eu la possibilité de présenter vos amendements. S’il y avait un scrutin public, je comprendrais qu’il y ait matière à discussion.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas la question !

M. le président. Même si l’amendement du Gouvernement a fait tomber les autres dès lors qu’il a été adopté, le résultat aurait été le même si nous avions pu voter sur les amendements nos 148 rectifié et 214 après les explications que vous auriez pu fournir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Cohen. Mais non !

M. le président. Vous voulez reprendre la parole, monsieur Brunhes ?

M. Jacques Brunhes. Sans vouloir passer trois heures là-dessus, cette procédure me semble tout à fait anormale. Si ces amendements sont de nature différente, il n’y a pas de discussion commune, et après l’amendement du Gouvernement, on peut examiner les deux amendements identiques. Mais vous avez jugé – et c’était peut-être une erreur du « plateau » – ou de je ne sais qui – que ces trois amendements devaient faire l’objet d’une discussion commune. Le règlement vous faisait obligation dans ce cas de mettre d’abord aux voix l’amendement qui était le plus éloigné du texte en discussion. C’est la procédure qui est de règle dans ce cas, et si le « plateau » interprète autrement le règlement, le « plateau » se trompe !

M. Pierre Cohen. M. Brunhes a raison !

M. le président. L’incident est clos.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 150.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement met en cohérence le texte de l’article avec les amendements déjà adoptés portant sur le nombre des membres du conseil d’administration et l’équilibre entre ces différents membres. Il confirme la présence du président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et libère une place supplémentaire au sein du conseil pour une personnalité qualifiée, que nous proposerons par l’amendement n° 146.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement est adopté.)

M. Pierre Cohen. Je souhaitais m’exprimer sur cet amendement, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Cohen, l’Assemblée s’est prononcée, sans qu’il soit nécessaire de préciser la composition du vote, dès lors qu’il n’y a pas de scrutin public. Même si vous êtes opposé à cet amendement, le résultat ne sera pas différent puisque vous êtes minoritaire.

M. Pierre Cohen. J’ai quand même le droit de m’exprimer avant qu’on passe au vote.

M. le président. Attendez que le président vous donne la parole avant de la prendre !

Nous en revenons à l’amendement n° 146, précédemment réservé.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Il a été défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je suis favorable à cet amendement.

M. le président. Maintenant vous avez la parole, monsieur Cohen.

M. Pierre Cohen. Eh bien, je m’exprimerai sur l’amendement précédent !

M. le président. Votre parole est libre, monsieur le député.

M. Pierre Cohen. Encore heureux que nous ayons le droit de parler dans cette assemblée !

L’amendement que nous venons de voter constitue un recul par rapport à la position du Sénat, qui prévoyait la présence de deux parlementaires au sein du conseil d’administration de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Vous venez de réduire ce nombre à un, qui sera obligatoirement le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il est quand même regrettable que l’Assemblée nationale restreigne la représentation des parlementaires au sein de cette agence proposée par le Sénat !

M. Noël Mamère. C’est une place de plus pour le privé !

M. Pierre Cohen. Et cela alors que les ingénieurs et les techniciens n’y sont pas représentés !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est du psittacisme !

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. nous avons eu le même débat ce matin à propos de la possibilité d’associer le Parlement aux travaux du Haut Conseil de la science et de la technologie. Je trouve choquant, monsieur Dubernard – si vous voulez bien me prêter un moment d’attention – que l’Office parlementaire ait si peu d’importance à vos yeux.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Je n’ai jamais dit ça !

M. Alain Claeys. Cet office a su gagner en crédibilité par la qualité de ses travaux et du conseil scientifique dont il s’est entouré, et je trouve que c’est une erreur de réduire l’influence de cette structure dans la future agence. C’est pourquoi je souhaiterais qu’on puisse au cours de nos débats revenir sur cette disposition. Étant donné ce que devra être le fonctionnement de cette agence, il est légitime que l’Assemblée nationale et le Sénat soient tous deux représentés au sein de son conseil d’administration. Cela me paraît de bon sens.

Il ne faut pas négliger la portée symbolique d’une telle disposition. Il n’est plus acceptable aujourd’hui que le Parlement soit tenu à l’écart des choix scientifiques, comme cela a été la règle pendant trop longtemps, et on souhaite désormais qu’il puisse en débattre. Il est maladroit dans ces conditions de réduire la représentation des parlementaires au sein de l’AERES.

Si la procédure le permet, monsieur le président, je souhaiterais qu’on revienne sur cette mauvaise disposition.

M. le président. Le Gouvernement a toujours la possibilité de demander une seconde délibération.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce n’est pas mon intention !

M. le président. Je ne fais que répondre à M. Claeys. Le Gouvernement reste naturellement libre d’utiliser ou non cette procédure !

Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 213.

La parole est à M. Christian Blanc, pour le défendre.

M. Christian Blanc. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 99 et 344.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour défendre l’amendement n° 99.

M. Jacques Brunhes. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour défendre l’amendement n° 344.

M. Alain Claeys. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Ces amendements ont été acceptés par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 99 et 344.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 100 et 345.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour défendre l’amendement n° 100.

M. Jacques Brunhes. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour défendre l’amendement n° 345.

M. Alain Claeys. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission les a rejetés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 100 et 345.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 151.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Il s’agit là encore de renforcer la dimension européenne et internationale de la future AERES.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Malgré quelques réserves d’ordre techniques, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. J’aimerais qu’on me dise le sens de la formule « une part significative » sur le plan juridique. Vous qui avez, monsieur le président, assisté aux vœux du Président de la République en tant que membre du bureau de l’Assemblée, vous savez qu’il a reproché à la loi d’être bavarde et souhaité qu’on vote des lois claires et précises. Et voilà qu’on nous propose de voter une disposition qui parle d’une « part significative » : quelle est la traduction juridique d’une telle formule ?

M. Jean-Pierre Soisson. Demandez-le donc à M. Brard, qui a fait voter des textes de cette nature !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. On peut effectivement supprimer le mot « significative ».

M. Noël Mamère. Faisons comme Hemingway, supprimons les épithètes !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. L’essentiel pour nous est de souligner la nécessité de cette dimension européenne.

M. le président. Vous supprimez donc le mot « significative », monsieur Dubernard ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. J’accepte en effet cette modification, pour donner satisfaction à M. Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Cela n’a pas plus de sens de parler d’« une part » tout simplement !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. On ne va pas refaire le débat sur l’Europe, au cours duquel vous vous êtes illustré, monsieur Brunhes !

M. Jacques Brunhes. Et 55 % des Français avec moi, monsieur Dubernard !

M. le président. Le terme « significative » est donc supprimé au deuxième alinéa de l’amendement n° 151.

Je mets aux voix l'amendement n° 151, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 152.

Avant de donner la parole au rapporteur pour le soutenir, je signale que l’adoption de cet amendement ferait tomber les huit amendements suivants, jusqu’au n° 374 inclus.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 152.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission propose de supprimer les alinéas 24 à 26 introduits par le Sénat, considérant qu’ils risquent de figer les structures dans la loi et de compliquer leur modification si, d’aventure, l’architecture prévue ne répondait qu’imparfaitement aux missions de l’AERES. Cette nouvelle structure va se mettre en place, elle a une crédibilité, mais certains dysfonctionnements peuvent apparaître, et elle aura certainement besoin de souplesse au moment de fixer ses règles de fonctionnement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Gouvernement pensait à l’origine que l’organisation en sections relevait du pouvoir réglementaire. Le Sénat a été d’un avis différent et a introduit dans le texte, par voie d’amendement, trois alinéas sur les sections. Tout en comprenant et même en approuvant la démarche de la commission de l’Assemblée, je m’en remets, par égard pour le Sénat, à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean-Pierre Soisson. Nous sommes là dans le domaine réglementaire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission culturelles, rapporteur. Tout à fait !

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas vrai !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Les trois aliénas en question ne relèvent pas du domaine réglementaire ; ils permettent de préciser comment l’Agence d’évaluation est organisée, surtout par rapport à ses missions.

S’agissant des trois missions de l’Agence d’évaluation, pour les organismes, pour les équipes ou pour les personnels, il est dit d’une manière générale que l’agence est responsable, mais quand vous lisez les alinéas qui expliquent ce que doit faire telle ou telle section, vous apprenez par exemple que la section de l’évaluation des établissements est de la responsabilité de l’Agence. Même si nous ne sommes pas d’accord – on l’a vu tout à l’heure dans le débat sur l’amendement qui n’a pas été accepté –, il a été admis que la section de l’évaluation des unités de recherche était également de la responsabilité de l’Agence, en dépit des propos du ministre sur un possible abandon. Cette responsabilité existe également pour la section de l’évaluation des équipes. En revanche – et cela montre bien qu’il y a des différences dans la définition des missions –, le texte dit que « la section des procédures d’évaluation des personnels prépare les avis de l’agence sur les procédures d’évaluation mises en œuvre dans les établissements ». En clair, si, pour les deux premières sections, c’est la responsabilité de l’agence qui est engagée, pour la troisième, la section n’a qu’un avis à donner sur les procédures.

Même si nous aurions préféré aller un peu plus loin sur les équipes, le texte a le mérite d’éclaircir très précisément les missions de l’agence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je voudrais intervenir non sur le plan politique, mais seulement sur le plan technique.

On peut critiquer la répartition faite par la Constitution entre les articles 34 et 37, nous avons souvent tous été d’accord, à des périodes différentes, pour éviter la dérive que représente l’extension du pouvoir réglementaire. Mais il faut bien admettre que la composition de l’agence relève totalement du domaine réglementaire. Vous pouvez reprendre les différentes missions, et je vous ai écouté avec attention, mais le pouvoir réglementaire n’intervient pas en dehors des orientations que lui fixe la loi. Les missions peuvent être définies par la loi ; ensuite, le pouvoir réglementaire doit tenir compte des missions et des orientations définies par la loi.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Absolument !

M. Pierre Cohen. Non, c’est faux !

M. Jean-Pierre Soisson. Là, vous êtes dans une extension du pouvoir législatif qui est tout à fait contraire à la Constitution.

M. Pierre Cohen. Non, ce n’est pas vrai. C’est le seul endroit où cela peut être dit.

M. Jean-Pierre Soisson. Comme disait Sarrien : « quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites », ou quand les limites sont franchies, il n’y a plus de bornes. Franchement, là, nous tombons dans un « magma législatif » que vous regretterez un jour.

M. Pierre Cohen. Mais non !

M. le président. À titre exceptionnel, monsieur Garrigue, je vais vous donner la parole. Puis, nous passerons au vote. Mais je tiens à informer à nouveau l’Assemblée que l’adoption de cet amendement ferait tomber les amendements suivants jusqu’au n° 374 inclus. Nous ne sommes pas dans une simple discussion entre le réglementaire et le législatif.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je partage complètement ce que vient de dire Jean-Pierre Soisson. Il faut que l’Assemblée arrête de réglementer à la place du Gouvernement et des administrations, à la place de l’exécutif.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Mais oui !

M. Daniel Garrigue. Ce n’est pas notre rôle.

De toute façon, quand bien même les alinéas seraient maintenus, le Gouvernement pourrait toujours, si par exemple la nécessité se faisait sentir d’une réorganisation de l’agence pour s’adapter à une évolution des objectifs, modifier ces dispositions. Il suffirait qu’il soumette un décret au Conseil d’État.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Absolument !

M. Daniel Garrigue. Je ne vois donc vraiment pas l’intérêt d’adopter ce genre de dispositions.

M. Pierre Cohen. À ce compte-là, ce n’est pas la peine de parler.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 152, qui a été adopté par la commission, et sur lequel le Gouvernement a un avis mitigé, n’est-ce pas, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je m’en suis remis à la sagesse de l’Assemblée parce que le Sénat l’avait adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement est adopté.)

M. Pierre Cohen. La loi crée des sections et on ne sait même pas ce qu’elles doivent faire !

M. Daniel Garrigue. Non, nous les supprimons !

M. le président. En conséquence, les amendements nos 372, 233, 346, 192, 193, 373, 194 et 374 tombent.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 153.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 153.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 154 et 234 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 154.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Cet amendement reprend celui de M. Lasbordes, sur lequel la commission a émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour défendre l’amendement n° 234 rectifié.

M. Pierre Lasbordes. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 154 et 234 rectifié.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 155.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Il s’agit d’un amendement visant à supprimer des détails qui n’ont pas beaucoup d’importance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 155.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 156.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 156.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 380, portant article additionnel après l’article 4.

Cet amendement, qui est de cohérence, fait l’objet d’un sous-amendement n° 389.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir ce sous-amendement.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce sous-amendement tend à compléter l’amendement par les mots « et au contrôle ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 389.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 380, modifié par le sous-amendement n° 389.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. Sur l’article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. En réalité, mon intervention portera sur l’amendement portant article additionnel après l’article 5, qui vise à autoriser la ratification de l’accord de Londres, lequel rendrait les brevets en langue anglaise ou allemande directement applicables sur le territoire national.

Cet article additionnel pose de nombreux problèmes, et d’abord un problème constitutionnel relatif à la procédure de ratification d’un accord international, quelle que soit sa forme, solennelle ou simplifiée.

Je rappelle qu’au titre de l’article 53 de la Constitution – il faut le dire avec force – les accords ou traités internationaux, dès lors qu’ils touchent aux finances de l’État ou portent sur le champ de l’article 34 de la Constitution, sont ratifiés non par une loi ordinaire, mais par une loi d’autorisation, ce qui suppose l’égalité entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Cela ne serait pas le cas pour cette disposition introduite par amendement, en raison de la procédure d’urgence.

En outre, aux termes de l’article 85 de notre règlement, tout projet de loi, y compris de ratification, doit être soumis à la commission compétente, en l’occurrence la commission des affaires étrangères. Or, celle-ci n’a pas été saisie et son président a d’ailleurs écrit au président de l’Assemblée nationale à ce propos.

Sur le plan constitutionnel, il se pose donc de sérieux problèmes.

Mais allons plus loin. Un brevet n’est ni un acte privé ni un contrat. C’est un acte qui, une fois délivré, crée un monopole. Il donne en effet à une entreprise la possibilité d’exploiter une invention, pour une vingtaine d’années en général. C’est donc un acte quasi public qui a force de loi. De ce fait, il doit être rédigé en langue française. En acceptant que des brevets en langue anglaise ou en langue allemande soient opposables directement en France, on viole l’article 2 de la Constitution, pour ne pas parler de l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539. C’est donner un avantage très sérieux à une langue étrangère.

Venons-en aux prétendus avantages de la ratification de l’accord de Londres.

On nous dit que le dépôt de brevet auprès de l’office européen de Munich coûte cher. N’exagérons pas ! Pour un marché de 315 millions d’habitants, le coût est en moyenne de 17 000 euros, dont 6 000 à 7 000 euros pour la traduction, soit en moyenne 23 euros par page, ce qui n’est pas une dépense extraordinaire. On nous dit aussi que les PME françaises profiteront de ce que les brevets en langue française seront directement applicables dans les États parties, l’Allemagne et l’Angleterre. Mais en général, quand on dépose un brevet à l’office de Munich, c’est pour qu’il s’applique plus largement, y compris aux États-Unis. Pour ce faire, l’entreprise française devra de toute façon assumer la traduction en anglais, et aussi en allemand, car l’Autriche, qui est un appendice de l’Allemagne, n’a pas signé cet accord et refuse l’application directe de brevets en langue française sur son territoire. L’avantage annoncé est donc bien fallacieux.

À l’inverse, les Américains auront un avantage immense. En effet, tous leurs brevets – ils sont nombreux – seront directement applicables en France sans traduction par le biais du PCT, le fameux traité de coopération en matière de brevets. Ce sera un immense avantage pour les multinationales non seulement américaines d’ailleurs, mais aussi japonaises et chinoises. C’est un marché de dupes ! Il en ira de même pour d’autres langues, l’allemand notamment. Nos entreprises vont se trouver face à un Funkspiel de brevets (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), un excès d’informations dans une langue à laquelle elles n’auront pas accès. Les entreprises américaines ont ainsi pour tactique de déposer des brevets qui n’apportent rien, à charge pour le concurrent de le prouver. Dès lors, les entreprises françaises qui voudront déposer un bon brevet devront faire traduire les mauvais. On est en train de renverser la charge du dépôt de brevet au détriment des entreprises françaises.

Il est donc contraire à la Constitution, à nos intérêts économiques, à la diffusion de la science et de la langue françaises que d’accepter un tel marché de dupes.

Telles sont les raisons pour lesquelles il faut repousser l’amendement portant article additionnel après l’article 5.

M. le président. Chacun aura bien compris que le débat porte moins sur l’article 5 que sur l’article additionnel après l’article 5. Nous pourrons donc aller un peu plus vite lors de la présentation de ce dernier.

La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce débat est très important et il est dommage qu’il soit organisé à la sauvette à propos d’un amendement portant article additionnel.

L’accord de Londres a été signé il y a un certain temps, mais n’est toujours pas ratifié. Le ratifier serait mettre en cause les intérêts de notre pays.

D’abord, sur le plan économique, c’est une fausse bonne idée. En réalité, après une telle ratification, l’immense majorité de nos PME sera dans une situation beaucoup difficile qu’avant. Il ne s’agit que de faire plaisir à quelques grandes entreprises qui ont déjà entériné la disparition de notre langue dans leur mode de fonctionnement. En revanche, comme l’a dit Jacques Myard, les PME qui n’ont pas les services pour cela, devront payer des frais de traduction pour savoir où en est la recherche brevetée dans leur domaine. Les plus grandes entreprises multinationales n’ont plus à faire cet effort et reportent la charge sur les PME. Une fois de plus, dans notre pays, on favorise les intérêts de quelques-uns au détriment des autres. Ce n’est donc pas seulement une question de principe, s’agissant de notre langue : c’est aussi une question d’efficacité économique.

Ensuite, sur le plan juridique, il est inimaginable qu’un texte rédigé en langue étrangère puisse avoir force de loi en France. Notre Constitution place le français au cœur de la citoyenneté et de l’identité nationales. De plus, l’accord romprait l’égalité entre les citoyens devant la loi, car certains seraient pénalisés parce qu’ils ne maîtrisent pas l’anglais, ce qui ne serait pas admissible. Les entreprises seraient conduites à recruter des salariés parlant couramment anglais et travaillant dans cette langue. Sera-t-on plus efficace ? Certaines multinationales qui avaient imposé l’anglais comme langue de travail en sont revenues.

Enfin, comment demander aux Québécois, aux Africains de parler français, comment faire de grands discours sur la francophonie si nous sommes prêts à saborder notre langue dans le domaine économique et scientifique ? Une telle contradiction ne nous honore pas et elle provoquerait une réaction en chaîne.

L’Italie, l’Espagne, l’Autriche ont bien compris que ratifier l’accord de Londres serait contraire à leurs intérêts. Pourquoi la France, par un réflexe d’auto-colonisation acquis depuis longtemps dans certains milieux, accepterait-elle de s’avouer vaincue tout de suite et d’abandonner la pratique du français dans sa vie économique et scientifique ?

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Je précise que je m’exprime à titre personnel, car mon groupe a une position assez défavorable à l’amendement dont il est question.

Pour moi, le moment est venu de ratifier l’accord de Londres signé par le gouvernement de Lionel Jospin. Je ne m’appesantirai pas sur les aspects constitutionnels et juridiques, et je ne sais pas si nous avons ici le cadre adapté pour procéder à cette ratification. Mais je reviendrai sur les autres arguments, fort intéressants, de M. Myard, et j’aborderai deux sujets différents.

L’attitude des États-Unis, que M. Myard a évoquée à la fin de son intervention, n’a rien à voir avec l’accord de Londres. Une entreprise qui veut déposer un brevet doit présenter des revendications et, si celles-ci sont acceptées, une description. Jusqu’à une date récente, les brevets ne posaient pas problème : ils favorisaient la diffusion de l’innovation et constituaient un élément positif en matière de propriété intellectuelle. Or, j’en conviens, nous constatons depuis quelques années une dérive des notions de brevet et de propriété intellectuelle dans le secteur du vivant et des logiciels. Le phénomène est particulièrement sensible aux États-Unis, où l’on dépose des brevets de plus en plus larges, ce qui signifie qu’on fait breveter non plus l’innovation, mais la connaissance. On l’a observé quand, après la description du génome, certaines entreprises américaines ont déposé des brevets de manière extrêmement large.

Le débat a déjà eu lieu dans l’hémicycle à propos de la directive européenne sur la brevetabilité du vivant. En 2001, nous étions tous d’accord pour émettre des réserves et nous avons formulé le même vœu de manière unanime. Mais, au cours de la deuxième lecture de la loi sur la bioéthique, le gouvernement français a considéré qu’il fallait malgré tout transposer la directive. Pour ma part, j’émets toujours les mêmes réserves en raison de la dérive constatée en matière de brevet.

Vous avez raison, monsieur Myard : la tactique actuelle des Américains vise à faire parler non la loi, mais les juges. Ils formulent en effet des revendications larges et ouvrent un contentieux dans le cadre duquel la justice est amenée à trancher. Je rejoins par conséquent votre analyse, mais reconnaissez que cette question n’a rien à voir avec l’accord de Londres !

M. Jacques Myard. Si !

M. Alain Claeys. Je vous donne d’autant plus volontiers raison en la matière que j’en ai discuté avec le président de l’Office européen des brevets, Alain Pompidou, qui a mis en place un groupe de travail sur l’élargissement des brevets à la connaissance. Il y a en effet un véritable débat à ce sujet. Une discussion a d’ailleurs eu lieu à l’Assemblée à propos du vivant et au Parlement européen à propos des logiciels. Michel Rocard en a été un des principaux intervenants.

M. Jacques Myard. Mais la situation a beaucoup changé !

M. Alain Claeys. J’en viens à l’accord de Londres, mais je rappelle au préalable à ceux qui ne sont pas familiers de ces sujets que l’espace de l’Office européen des brevets est plus large que celui de l’Union européenne, puisque des pays qui n’appartiennent pas à celle-ci relèvent de l’Office européen des brevets.

Aujourd’hui, quand une petite entreprise dépose un brevet – avec la double phase de revendication et, en cas d’acceptation, de description –, elle est contrainte, pour qu’il soit pris en compte dans les pays relevant de l’espace de l’Office européen des brevets, d’en assurer la traduction dans la langue nationale du pays.

M. Jacques Myard. En effet.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et cela restera vrai, quoi qu’il arrive !

M. Alain Claeys. Si nous ratifions l’accord de Londres du 30 juin 2001, étant donné que trois langues – le français, l’anglais et l’allemand – sont reconnues dans le cadre de l’Office européen des brevets, la même entreprise française pourra, une fois ses revendications acceptées, diffuser son brevet en français dans tous les pays qui relèvent de l’Office européen des brevets.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Alain Claeys. Le président nous ayant demandé d’être brefs, je ne prolongerai pas mon intervention. Tout le monde aura compris pourquoi je suis favorable à la ratification de l’accord de Londres.

M. Jacques Myard. L’exposé est très incomplet !

M. Alain Claeys. Je maintiens cependant que le premier problème, qui n’a rien à voir avec l’accord de Londres, se pose réellement. Si favorable que je sois aux brevets destinés à diffuser l’innovation, je constate moi aussi qu’ils dérivent vers la connaissance et risquent de devenir, au nom de la propriété intellectuelle, des rentes de situation qui empêcheraient la diffusion de l’innovation, au-delà même des problèmes éthiques que pose une telle situation.

Enfin, il y a deux manières de défendre la francophonie. La première consiste évidemment…

M. Jacques Myard. …à apprendre l’anglais ?

M. Alain Claeys. …à reconstituer des lignes Maginot.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Apprendre l’anglais ? Je préfère encore la ligne Maginot !

M. Alain Claeys. Monsieur Myard, j’ai écouté vos propos ; je vous demande de respecter les miens.

La seconde manière de défendre la francophonie, que je préfère pour ma part, consiste à faire une guerre de mouvement. À mon sens, l’accord de Londres nous permettra de diffuser beaucoup plus largement des revendications et des descriptions en français.

M. Jacques Myard. Vous vous trompez !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je voudrais faire part de la surprise que j’ai éprouvée en entendant M. Claeys. Il ne s’agit pas de je ne sais quelle ligne Maginot, mais de l’intérêt national. Notre langue serait-elle exclusivement réservée à la culture ?

M. Jacques Myard. Bien sûr que non !

M. Jacques Brunhes. N’a-t-elle pas aussi des vertus en tant que langue scientifique et économique, voire en tant que langue politique et diplomatique ?

M. Jacques Myard. Le gaulliste et le communiste vont se rejoindre !

M. Jacques Brunhes. Régulièrement, les membres du Bureau de l’Assemblée nationale et ceux du Bundestag sont invités à des réunions annuelles. Nous avons tous reçu, mes chers collègues, une lettre du président du Bundestag, cosignée par celui de l’Assemblée nationale et nous demandant, quand nous intervenons, que ce soit oralement ou par écrit, de le faire dans notre langue nationale, y compris quand nous nous rendons à l’étranger.

M. Jacques Myard. En effet !

M. Jacques Brunhes. Si notre président a intenté une telle démarche sur le plan politique et diplomatique, c’est bien qu’il y a un problème. Je siège depuis vingt-sept ans au sein d’organismes consacrés à la francophonie. La disparition progressive du français, qui est indéniable, commence par celle du français comme langue scientifique. On nous assure que nos chercheurs sont obligés aujourd’hui de s’exprimer en anglais. Des colloques internationaux organisés en France se déroulent exclusivement en anglais. Le CNRS publie en anglais. Il s’agit d’un problème de fond, qui touche à l’essence même de notre nation : sa langue.

Sur la question des brevets, qui pose le problème du français comme la langue économique, je ne partage absolument pas l’opinion de M. Claeys. Notre langue est un atout économique qui n’a pas de prix et qui ne saurait être marchandé. Y renoncer au profit de brevets d’invention rédigés dans une langue étrangère reviendrait à se démunir.

M. Jacques Myard et M. Nicolas Dupont-Aignan. Bravo !

M. Jacques Brunhes. Le problème de fond qui se pose est celui de l’existence de notre langue en dehors des cercles culturels ou littéraires. Oui, celle-ci a des atouts scientifiques, techniques et économiques. Ratifier l’accord de Londres – je le dis très sereinement à M. Claeys –, c’est accepter la structuration de la pensée par des mots nouveaux, exclusivement tirés du lexique anglo-saxon. (M. Claeys sourit.)

Mais oui, cher collègue ! Chacun a été confronté à cet ersatz d’anglais qui se parle partout et qu’on a appelé le globish. Je vous renvoie à un ouvrage récent paru sur la question, qui se trouve dans de nombreuses bibliothèques. Il suffit d’apprendre cinq cents mots pour parler le globish ! Or user d’un faux anglais dans le domaine scientifique – alors que l’on pourrait employer un vrai français, méritant une traduction et permettant d’aller au bout de la réflexion, ce que souhaitent tous ceux qui déposent des brevets – présente un très grand risque. Accepter l’accord de Londres revient, qu’on le veuille ou non, à faire de l’anglais la langue du travail et du droit pour les brevets étrangers non traduits.

M. Jacques Myard. C’est exact !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bien sûr !

M. Alain Claeys. Et cela revient à accélérer, qu’on le veuille ou non, la disparition progressive du français dans les brevets, dans la recherche, si extraordinaire qu’elle soit, et dans toutes les innovations possibles. J’aurai l’occasion d’y revenir.

J’ai lu, sous la plume de M. Fourgous, que la ratification de l’accord de Londres allait permettre de développer le français. Notre collègue aura bien du mal à le démontrer non seulement à tous ceux qui sont présents dans l’hémicycle, mais à tous les professionnels de la traduction et à tous ceux qui s’intéressent à la vie économique et scientifique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Comme M. Claeys, je m’exprimerai à titre personnel sur ce sujet compliqué dont nous ne pensions pas débattre à l’occasion de l’examen d’une loi sur la recherche.

M. le président. Malgré l’importance du sujet, monsieur Le Déaut, je vous demanderai, ainsi qu’aux autres orateurs, de respecter votre temps de parole.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cinq minutes me suffiront, monsieur le président.

Tout d’abord, il ne faut pas confondre l’étendue des brevets et l’accord de Londres. Au passage, je constate que les orateurs défavorables à cet accord n’étaient pas dans l’hémicycle quand nous avons discuté du brevet dans le domaine des sciences de la vie et de la génétique. Par ailleurs, lors du débat sur la protection des inventions biotechnologiques, en novembre 2004, nous n’étions guère plus de quatre ou cinq. De plus, nos collègues absents alors ne protestent pas face à l’idée que l’on n’ait pas ratifié l’accord de 1961 sur le certificat des obtentions végétales, ce qui pénalise plus lourdement l’industrie française, notamment agro-alimentaire, que le droit en matière de brevets.

Comme Alain Claeys, je considère qu’il est essentiel de limiter les revendications d’un certain nombre de pays. Dans le domaine du gène, on peut s’en tenir au principe « un gène, une fonction ». Il faut en effet éviter qu’un brevet puisse limiter la recherche dans un domaine, à l’heure où certaines grandes sociétés internationales voudraient utiliser le brevet à cette fin. Il en va de même dans le domaine de l’intelligence logicielle ou du droit du logiciel.

Par ailleurs, je ne crois pas que l’on puisse soutenir – malgré ce que j’ai lu – que la ratification de l’accord de Londres constituerait une atteinte à la francophonie. Elle nous aidera au contraire à maintenir la position technologique de l’Europe et la situation du français comme l’une des trois langues de l’Office européen des brevets.

M. Jacques Myard. Le problème n’est pas là !

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le président, si je suis interrompu constamment par M. Myard, il me sera difficile de respecter mon temps de parole.

M. le président. Ne cherchez pas de prétexte, monsieur Le Déaut. Poursuivez !

M. Jacques Myard. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Yves Le Déaut. Aujourd’hui, chacun peut déposer un brevet en anglais, en allemand ou en français, mais il doit, on l’a dit, assumer les frais d’une traduction dans une autre langue. S’il est ratifié, l’accord de Londres mettra fin à l’obligation de payer une traduction dès lors que le brevet aura été déposé dans une de ces trois langues.

M. Jacques Myard. Vous nous proposez un marché de dupes !

M. Jean-Yves Le Déaut. Cela signifie que l’on pourra continuer à déposer un brevet en français sans avoir à acquitter en plus, comme on le fait aujourd’hui, la somme de 14 000 euros.

M. Jacques Myard. C’est faux ! La traduction ne revient qu’à 23 euros par page !

M. Jean-Yves Le Déaut. Alors qu’un brevet américain revient à 8 000 euros, un brevet européen coûte 22 000 euros du fait de cette difficulté.

M. Jacques Myard. C’est de la désinformation patente !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est évident que cette différence de coût explique – et M. Myard en sera sans doute d’accord – que 45 % des 200 000 brevets déposés à l’Office européen des brevets sont américains, alors que nous, nous ne déposons nos brevets ni en Europe ni aux États-Unis.

Enfin, si l’on défend une « ligne Maginot », on risque d’être mis en minorité et de voir le comité des vingt-cinq de l’OEB revenir, lors de la prochaine réunion, sur les trois langues officielles. Alors, le dépôt ne se fera plus que dans une langue et le français ne sera plus du tout utilisé.

M. Jacques Myard. Vous me décevez, monsieur Le Déaut !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ceux qui, aujourd’hui, défendent mordicus notre langue se retrouveront, demain, battus à plate couture.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est du défaitisme !

M. Jean-Yves Le Déaut. Comme Alain Claeys et d’autres, j’ai participé à tous les débats sur la propriété intellectuelle et je suis aussi patriote que vous, monsieur Myard.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas le problème !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous pouvons faire en sorte que le français reste l’une des trois langues de l’OEB. Pour cela, l’accord de Londres, signé par le gouvernement de Lionel Jospin,…

M. Jacques Myard. Dans son dos !

M. Jean-Yves Le Déaut. …doit être ratifié.

M. le président. La parole est à M. Christian Blanc.

M. Christian Blanc. Je m’exprimerai à titre personnel.

Il est curieux que ce débat très important ait lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la recherche, mais il nous faut saisir l’occasion qui nous est ainsi offerte.

Je dois dire que je suis surpris par certains arguments, car le déclin du français dans le monde, nous le constatons, nous le regrettons, et ses causes sont connues : elles tiennent à l’influence de plus en plus limitée de notre pays dans les domaines économique, technologique et scientifique – perte d’influence que d’aucuns pourraient appeler un déclin relatif. Je comprendrais mieux que ce débat sur la francophonie ait lieu lorsque l’on discute de la diminution du nombre des lycées français à l’étranger.

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. Christian Blanc. Les inventeurs, les scientifiques et les chercheurs – qui, je l’espère, sont nombreux à nous écouter actuellement grâce aux moyens de la technologie moderne – doivent être profondément inquiets des arguments avancés par certains d’entre vous, chers collègues. Laissez à quelqu’un qui connaît l’économie réelle et ses difficultés le soin de vous dire ce qu’attendent les chercheurs, les start-up, les entreprises innovantes : ils veulent sortir du parcours extrêmement pénalisant pour eux qu’est le dépôt de brevet.

M. Jean Le Garrec. Exactement !

M. Christian Blanc. Lorsqu’un saut technologique se produit et que vous voulez déposer un brevet, mieux vaut être riche. Vous y parviendrez peut-être en France, si vous y consacrez vos économies, mais, ne serait-ce qu’au niveau européen, ce sera très compliqué. Et s’il s’agit d’une invention très forte, vous ne trouverez pas, y compris auprès des banques, les moyens de déposer votre brevet aux États-Unis ou en Asie. C’est ainsi que de très nombreux chercheurs sont pillés, notamment par des Américains ou des Asiatiques qui, disposant de moyens logistiques beaucoup plus importants, peuvent imposer ce qu’ils présentent comme leur découverte. Quant à vous, vous n’avez aucune chance de vous développer sur le marché mondial.

Le dépôt de brevet accroche de véritables semelles de plomb aux pieds des chercheurs et des inventeurs. Savez-vous, par exemple, que le coût d’une recherche d’antériorité – qui permet de vérifier qu’une invention est brevetable – effectuée par l’INPI est quatre fois inférieur à celui de l’OEB ?

Nous sommes peu nombreux en séance et la décision que nous allons prendre est grave. Aussi, je vous en conjure, faisons le pari de l’accompagnement de ces hommes et de ces femmes qui représentent la richesse de demain. Il faut les aider. Si vous ne le faites pas, vous jouez contre nos intérêts, que pourtant vous défendez, notamment ceux de la langue française. Car, comme cela vient d’être excellemment dit, ne pas autoriser la ratification de l’accord de Londres, c’est se condamner à voir, dans les cinq ans qui viennent, l’anglais universel s’imposer, y compris en France.

M. Jacques Myard et M. Nicolas Dupont-Aignan. Au contraire !

M. Christian Blanc. C’est ce que vous croyez, chers collègues, mais sachez que, actuellement, dans les conseils d’administration des grands groupes français, on parle anglais.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et vous en êtes fier ?

M. Christian Blanc. Pas du tout !

M. Jacques Myard. Renault est revenu au français !

M. Christian Blanc. Qui est en retard, vous ou moi ?

M. Jacques Myard. Vous !

M. Christian Blanc. Eh bien, je vous fais le pari que, dans cinq ans, vous serez ridicules !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je voudrais dire à nos collègues de l’UMP « souverainistes » que, s’ils voulaient réellement défendre le rayonnement de la France, ils auraient participé à nos débats dès le début de l’examen du projet de loi, car, de ce point de vue, les moyens de la recherche sont certainement plus importants que la disposition dont nous sommes en train de discuter.

M. Jacques Myard. C’est une attaque personnelle, mais je n’y répondrai pas !

M. Pierre Cohen. S’agissant de l’amendement, je suis assez troublé. A priori, je partage plutôt la position de mon groupe, mais j’estime que certains arguments méritent que l’on y prête attention.

Tout d’abord, je suis évidemment sensible à la perte de vitesse du français dans la culture technologique. Cette évolution n’est pas anodine, même si elle n’est pas déterminante au regard de la nécessité d’aller de l’avant sur le plan économique. Dans un certain nombre d’organismes français – je ne parle pas des colloques internationaux –, on parle anglais. L’influence de la langue anglaise dépasse donc largement le problème culturel, et je le regrette, car la technologie et la recherche sont des enjeux importants dans la guerre économique.

Ce qui me trouble également – et je l’avais dit à Christian Pierret, qui avait négocié l’accord de Londres au nom du gouvernement Jospin –, c’est l’argument selon lequel l’obligation de traduire le brevet représenterait un obstacle financier pour les entreprises, en particulier pour les PME-PMI, alors que – et c’est l’argument d’Alain Claeys – le fait d’autoriser le dépôt d’un brevet rédigé exclusivement en français favoriserait, par sa diffusion, le rayonnement de la France. En effet, s’il est possible de déposer un brevet dans une seule langue, les entreprises, même françaises, risquent de privilégier l’anglais.

J’ai bien entendu vos arguments, monsieur Blanc – nous sommes d’ailleurs d’accord sur plusieurs points concernant la recherche. Si des études me démontrent que cette mesure est la meilleure manière de mener l’offensive en faveur du français tout en réduisant le coût pour les entreprises, je serai le premier à l’approuver.

En définitive, une telle mesure mérite mieux qu’un amendement au projet de loi sur la recherche. J’appellerai donc à voter contre cet amendement.

M. Jean Le Garrec. Remarquable !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je m’exprimerai également à titre personnel, car je n’ai pas pu consulter les membres de mon groupe. (Sourires.)

En la matière, il est facile de faire de la démagogie ou des amalgames en prétendant vouloir protéger le français. En réalité, il existe trois niveaux de discussion.

Tout d’abord, le recul de la francophonie – M. Blanc a parlé de la fermeture des lycées français à l’étranger, mais on pourrait également évoquer la fermeture des Alliances françaises et d’autres lieux dans lesquels rayonne la culture française –, le recul de la francophonie, disais-je, n’a rien à voir avec le sujet dont nous débattons aujourd’hui. Force est de constater que notre langue a perdu de son influence dans un certain nombre de domaines, y compris dans celui de la culture, comme le disait Jacques Brunhes.

Il est de fait que, dans le mouvement de massification économique et technique qui a eu lieu, la France a perdu la bataille de la langue. L’anglais, plus facile à apprendre, semble également mieux adapté à la culture scientifique que le français, jugé sophistiqué et plus naturellement voué à la culture artistique.

M. Jacques Myard. Oh !

M. Noël Mamère. Sur le plan historique, il faut se souvenir que les accords Truman prévoyaient des contreparties en échange de l’aide accordée à la France, notamment l’obligation pour notre pays de diffuser des films américains, donc de langue anglaise.

M. Jacques Myard. Il a raison, c’était inadmissible !

M. Noël Mamère. Personne n’y a rien trouvé à redire à l’époque. Aujourd’hui, nous devons assumer cet héritage, et nous n’allons pas refaire le monde même si nous constatons une dérive.

Quant à l’extension des brevets en matière de connaissance et de sciences du vivant, si nous avons toujours été, du côté gauche de cet hémicycle, de farouches défenseurs de la connaissance et des sciences du vivant, nous n’entendons pas pour autant permettre à de grandes sociétés transnationales de breveter tout et n’importe quoi. Cela vaut aussi bien pour les logiciels – nous avons défendu le logiciel libre et nous aurons à nouveau l’occasion de le faire la semaine prochaine lorsque la question des droits d’auteur reviendra à l’ordre du jour – que pour le vivant : nous combattrons toujours ceux qui prétendent inventer et breveter des gènes, que ce soit dans le règne végétal ou animal, a fortiori pour l’humain.

Enfin, en ce qui concerne l’Office européen des brevets, je considère que la ratification de l’accord de Londres ne s’inscrit pas dans un mouvement de recul de la langue française, mais bien au contraire, comme l’ont expliqué Alain Claeys et Christian Blanc, que c’est le moyen de maintenir le français comme langue d’expression des brevets d’invention.

Le français est l’une des trois langues de l’OEB, ce qui lui permet, à ce titre, de rayonner bien au-delà de l’Union européenne, et la ratification de l’accord de Londres permettra que cela continue.

Notre collègue Jean-Yves Le Déaut s’est livré tout à l’heure à un calcul sur le coût d’un dépôt de brevet à l’INPI et à l’OEB : ce dépôt revient beaucoup plus cher lorsqu’il est effectué à l’OEB.

Mais la traduction en français des brevets que l’on considère comme importants coûterait environ 200 millions d’euros…

M. Jacques Myard. Quoi ?

M. Noël Mamère. …ou un peu moins, ce qui ne représenterait pas une somme énorme pour un gouvernement.

J’ai lu avec intérêt un article qui m’a été envoyé par le président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle. J’ai d’ailleurs constaté à cette occasion que sa carte de visite est en français au recto et en anglais au verso.

M. Jacques Myard. Et alors ?

M. Noël Mamère. Cet article était signé Claude Allègre – Claude Hagège, voulais-je dire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais ma confusion peut s’expliquer par le fait que tous les deux sont assez maximalistes dans leurs domaines respectifs, le premier étant un vrai scientiste sur la question des OGM, le second un ardent partisan de la défense et illustration de la langue française.

Si l’on peut adhérer à certains combats menés par M. Hagège pour la défense du français, en revanche, l’article qu’il a publié avant-hier dans Le Monde me paraît relever d’un combat d’arrière-garde.

M. Jacques Myard. Let’s speak english !

M. Noël Mamère. Je ne suis pas étonné que cet article vous ait plu, monsieur Myard, puisque votre dernière intervention en était une paraphrase pure et simple.

Cette manière de souverainisme par la langue me semble devoir être combattu car le français mérite mieux que cela.

M. Jacques Myard. Même les fœtus vont devoir se mettre à l’anglais !

M. Noël Mamère. M. Cohen a sans doute raison : cet amendement déposé tard le soir lors d’un débat devant la Haute assemblée n’a peut-être pas sa place dans un tel texte. Il vaudrait mieux le retirer pour en débattre ultérieurement, en prenant le temps, comme l’a dit M. Myard, de l’examiner d’abord en commission des affaires étrangères, celle-ci n’ayant pas été saisie de la question.

J’ajoute que nous aurions préféré avoir à nos côtés les souverainistes de service…

M. le président. Monsieur Mamère, il faut conclure !

M. Noël Mamère. …pour défendre l’euro constant, l’allocation s’élevant à 1,5 fois le SMIC pour les chercheurs et une bonne qualité de la recherche, plutôt que de les voir livrer bataille pour des idées d’un autre siècle.

M. Jacques Myard. Parole d’expert !

M. le président. Mes chers collègues, faites l’effort de vous écouter les uns les autres, afin que nous puissions aller plus vite lorsque nous aborderons réellement la discussion sur l’amendement n° 2.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Nombreux sont ceux parmi nous, monsieur Myard, qui participent à ce débat depuis mardi…

M. Jacques Myard. Ce n’est pas moi qui ai proposé cet article additionnel !

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur Myard, je vous ai écouté parler…

M. le président. Monsieur Myard, laissez parler Mme Comparini !

M. Jacques Myard. Elle n’a rien à dire !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre et poursuivez, madame Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Si nous sommes là depuis mardi après-midi, disais-je, pour parler de la recherche, de l’université et de toute cette matière grise qui diffuse dans nos entreprises, c’est bien parce que nous croyons au génie de notre peuple.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini. Nous défendons l’économie du savoir comme on doit le faire au xxie siècle…

M. Jacques Myard et M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est-à-dire en anglais ?

Mme Anne-Marie Comparini. Sur toutes les thématiques dont nous avons à connaître, le groupe dont je fais partie pose sans relâche les mêmes questions. Quid des PME-PMI dans notre économie ? Comment présenter des lois qui ne soient pas uniquement destinées aux grands groupes ? Comment rapprocher les PME-PMI des centres de recherche, des universitaires de grand talent pour que notre tissu industriel soit en phase avec le monde d’aujourd’hui ?

Les propos de M. Blanc et de M. Claeys m’ont particulièrement intéressée, car il vient un moment où il faut savoir dépasser l’agitation superficielle pour se mettre à rechercher les causes objectives du faible nombre des brevets français – notamment dans les sciences du vivant -, qui touche au premier chef les PME-PMI.

Souvent, à l'occasion de nos débats, surgit un dossier essentiel qui mériterait un traitement spécifique. Pourquoi, lorsqu’il se présente un travail de cette ampleur, qu’il conviendrait de traiter en profondeur, ne demanderions-nous pas tous ensemble au président de l'Assemblée nationale de créer rapidement une mission à ce sujet ?

Nous pourrions par exemple nous appuyer sur les travaux du comité créé par M. Pompidou. J’ai le sentiment, et sans doute est-ce celui d’une grande partie des membres de mon groupe, qu’il serait bon de traiter cette affaire importante pour notre pays autrement qu’en l’abordant de façon indirecte un jeudi soir à dix-huit heures trente.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. J’ai eu l’occasion de suivre de près les différents textes qui se sont succédé pour défendre la langue française et je fais partie de ceux qui, profondément attachés à la place de notre langue, ont l’ambition de défendre celle-ci dans tous les domaines où il est possible de le faire.

Pour autant, nous ne pouvons fermer les yeux sur les réalités du monde dans lequel nous vivons et il est évident que, si nous perdons progressivement notre dynamisme, notre capacité d’innover, d’exporter non seulement nos produits, mais aussi nos inventions, nos idées, une défense uniquement « territoriale » de notre langue finira inévitablement par se retourner contre nous.

Le système actuel est extrêmement coûteux pour les PME…

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Daniel Garrigue. …alors que celui qui est proposé correspond aux réalités du monde actuel. C’est un système qui a l’avantage de la simplicité, de la réactivité, et qui permettra à nos entreprises, y compris aux PME, de pouvoir valoriser leurs efforts d’innovation et de recherche alors qu’elles ont les pires difficultés à le faire aujourd’hui.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Daniel Garrigue. Cessons de nous voiler la face : dans la plupart des congrès scientifiques, qu’on le veuille ou non, c’est malheureusement l’anglais qui est utilisé.

M. Jacques Myard. C’est intolérable !

M. Daniel Garrigue. Faire preuve d’hypocrisie en prétendant nier la réalité ne sert pas les intérêts de la France. Le réalisme commande d’adopter l’amendement proposé par M. Fourgous…

M. Jacques Myard. Mais oui, c’est ça !

M. Daniel Garrigue. …car il vaut mieux accepter certaines concessions qui nous permettent de rester présents, plutôt que de nous enfermer dans un pré carré au risque que le monde entier finisse par nous oublier.

M. Jacques Myard. C’est à pleurer que d’entendre de pareilles âneries !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. J’avoue ne pas avoir suivi l’intégralité du débat, mais je suis tout de même très surpris de la procédure suivie.

J’ai été à deux reprises rapporteur de la commission des lois devant cette assemblée et l’on m’avait alors expliqué, monsieur le président, qu’il était interdit de proposer la ratification d’un traité international par voie d’amendement.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est une manœuvre !

M. Thierry Mariani. À l’époque, on m’avait fait retirer l’amendement par lequel je proposais la ratification d’un traité de transfèrement. Ce qui était interdit hier serait-il permis aujourd’hui ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est une manœuvre !

M. Thierry Mariani. Le cas échéant, ce qui est aujourd’hui permis devant la commission des affaires sociales ou la commission des finances doit désormais l’être devant les autres commissions, car celles-ci doivent toutes appliquer les mêmes règles. Il convient de faire connaître cette nouvelle possibilité offerte aux députés de proposer par un simple amendement la ratification d’un traité international. À ma connaissance, cela n’a encore jamais été fait.

Deuxièmement, je voudrais simplement dire que je partage la position de mes collègues Jacques Myard et Nicolas Dupont-Aignan et que, quitte à être ringard, monsieur Mamère, j’utilise une carte de visite bilingue quand je voyage à l’étranger.

Je ne vois pas comment les PME françaises pourraient continuer à défendre leur compétitivité avec un tel texte. C’est pourquoi je voterai contre l’amendement n° 2.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 157.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. En effet !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et le Gouvernement y est favorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 157.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié par l’amendement n° 157.

(L’article, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2, portant article additionnel après l’article 5.

Chacun ayant pu s’exprimer sur cet amendement, je proposerai à M. Fourgous de le soutenir, pendant cinq minutes. La commission des affaires culturelles et le Gouvernement donneront ensuite leur avis et nous passerons au vote.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Chers collègues, un brevet c’est la transformation de l’intelligence de nos chercheurs. C’est donc un élément important pour la croissance à laquelle concourent trois facteurs : le capital, le travail et l’intelligence. En l’occurrence, il s’agit d’alléger les contraintes qui pèsent sur nos chercheurs.

La France, grand pays, ne se situe pourtant qu’au neuvième rang européen en termes de dépôts de brevets par million d’habitants. (M. Fourgous montre un graphique.) Puisque l’on parle d’innovation, il est d’ailleurs dommage que nous ne disposions pas des moyens de faire un power point, comme c’est le cas dans de nombreuses assemblées. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Combien de personnes ici savent en quoi consiste le dépôt d’un brevet ? Moi, qui suis un ancien ingénieur du CNRS, j’ai monté mon entreprise et j’en ai déposé plusieurs. Je connais bien le parcours. Certains redoutent que cette disposition ne favorise les multinationales, mais c’est l’inverse qui va se produire. Ce sont précisément les petites entreprises qui se trouvent aujourd’hui pénalisées faute de moyens, car il faut au moins 15 000 euros et parfois même jusqu’à 100 000 euros pour être protégé dans tous les pays. Et comme on dépose en général un brevet au début de son activité, vous imaginez la difficulté que cela représente !

En outre, les grands défenseurs de la langue française – encore que nous tous, ici, souhaitions défendre notre langue – n’ont pas tout compris. Dans notre pays, et cela en est même fascinant, on s’en tient toujours aux principes. Ces grands défenseurs se sont donc exprimés au nom des principes et, ce faisant, ils ont laissé entendre que les autres n’auraient pas, quant à eux, de principes. Eh bien, il faut être attentif à cet aspect des choses et bien avoir à l’esprit que, d’une façon générale, tout le monde a des principes !

Donc, au-delà des principes, revenons-en aux faits. Comme il est plus coûteux de traduire du français que de l’anglais en slovène, les chercheurs déposent leur brevet en anglais pour faire des économies – ces pratiques ont été multipliées par quinze. Du reste, 40 % de nos chercheurs ne peuvent pas déposer de brevet auprès de l’OEB. J’ai été de ceux-là et j’ai donc dû recourir à d’autres moyens.

Alors qu’un vrai problème se pose, j’ai été surpris d’entendre des arguments sans grand rapport avec le sujet qui nous occupe. Savez-vous, par exemple, dans combien de cas on est amené à lire le contenu d’un brevet ? Dans 2 % des cas seulement. Que viennent faire les discours souverainistes dans ce cadre ? Je respecte beaucoup les souverainistes et chacun a besoin d’avoir un positionnement…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce n’est pas le problème !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Mais je ne vois pas ce qui justifie leur intervention ici. Le problème aujourd’hui est très concret : seuls 7 % des brevets déposés auprès de l’OEB le sont par des chercheurs français. Je sais qu’en France on préfère les déclarations incantatoires, mais il est bon de temps en temps d’en revenir à la réalité. Deux chercheurs m’ont encore appelé ce matin pour insister sur l’importance du problème.

Mes chers collègues, nous sommes élus par le peuple et nous nous devons d’être à son écoute, au-delà des différents jeux de positionnement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certains ont prétendu aussi que l’accord serait une mauvaise chose pour les dirigeants de PME. Je trouve un peu fort de café d’instrumentaliser ainsi ces personnes…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Oh !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. …qui sont les premiers à nous demander de faire voter l’accord. J’ai même reçu plusieurs lettres du président de la CGPME. Vous avez bel et bien dit, monsieur Dupont-Aignan, que cet accord constituait une menace pour les petites et moyennes entreprises. C’est à se demander si vous avez rencontré les gens auxquels vous vous référez. Moi, je les connais. Et je ne parle pas pour être élu. Ce n’est pas mon problème car je n’ai pas besoin de la vie politique pour vivre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Marty. Cela suffit !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je respecte tout le monde, mais je considère qu’il faut se concentrer sur la croissance et les réalités qui préoccupent nos chercheurs.

Sur le problème de la constitutionnalité de la procédure, le professeur Drago, interrogé sur le sujet, a rappelé que l’article 53 de la Constitution prévoit que les traités ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Je comprends donc mal certains des arguments qui ont été avancés. Par ailleurs, l’article 39 de la Constitution précise que l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et au Sénat !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Le Sénat fait partie du Parlement, monsieur Dupont-Aignan !

Puisque la Constitution ne l’interdit pas expressément, rien n’empêche donc un amendement d’origine parlementaire d’autoriser la ratification d’un accord international, comme en témoigne d’ailleurs la coutume constitutionnelle : en 2003, avec le projet de loi relatif à la chasse et l’amendement de Charles de Courson et, en 2004, avec le projet de loi sur la santé publique, qui a permis de ratifier la convention cadre de l’OMS.

Mes chers collègues, le sujet est trop grave pour qu’on ne le traite pas comme il le mérite. Cet amendement a fait l’objet d’une très large mobilisation, et il a été voté à l’unanimité par la commission des finances et par la commission des affaires sociales.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mais il n’a pas été soumis à la commission des affaires étrangères !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Que se passera-t-il si nous ne le votons pas à présent ?

M. Jean-Pierre Soisson. Rien !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Les autres pays signataires qui attendent depuis cinq ans que la France se décide vont finalement en revenir à la rédaction initiale du texte. Il faut rappeler en effet qu’alors que la majorité de nos partenaires européens souhaitaient l’adoption d’une langue unique, l’anglais, notre pays avait obtenu que le français demeure, au même titre que l’allemand et l’anglais, la langue officielle de l’OEB. Nous risquons donc aussi de perdre sur le terrain de la défense de la langue française, à laquelle nous tenons tous.

L’enjeu est suffisamment important pour que nous pensions d’abord aux chercheurs et au développement de nos petites entreprises, qui attendent qu’on règle enfin le problème une bonne fois pour toutes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission saisie au fond ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. La commission des affaires culturelles a accepté cet amendement à l’unanimité.

À titre personnel, je partage tout à fait les arguments qui ont été avancés par le rapporteur pour avis de la commission des finances et par plusieurs intervenants sur tous les bancs, et notamment par M. Garrigue, qui connaît bien la Délégation européenne.

Des interrogations subsistent cependant. D’abord, nous n’avons aucune certitude sur la constitutionnalité de cet amendement. Ensuite, la commission des affaires étrangères n’a pas été saisie – M. Balladur et M. de Charette m’en ont parlé à plusieurs reprises. Enfin, le débat s’est éloigné de l’analyse objective pour prendre une tournure passionnelle et nous ne disposons pas de tous les éléments nécessaires.

À l’évidence, il faut donc un autre débat sur ce thème, qui relève, dans un premier temps, de la commission des affaires étrangères. M. Balladur est prêt à le lancer. C’est pourquoi je suggère à M. Fourgous de retirer son amendement, qu’il a présenté avec talent et dont nous sommes nombreux à reconnaître le bien-fondé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cet amendement pose des problèmes de fond qui sont loin de faire l’unanimité dans cette enceinte ni même au sein des groupes représentés ici. Il soulève d’abord un sérieux problème de constitutionnalité.

L’article 52 de la Constitution dispose que le Président de la République négocie et ratifie les traités : il s’agit donc d’un pouvoir qui lui est propre. L’article 53 précise pour sa part que les traités ne peuvent être ratifiés qu’en vertu d’une loi. Le Président de la République ratifie donc quand il est autorisé à le faire par la loi, et donc par le Parlement. Selon un principe général du droit, qui s’applique en droit constitutionnel, on ne peut donner une autorisation qu’à une personne l’ayant demandée. Aussi, le juge constitutionnel, à propos non pas de la ratification, mais du pouvoir de prendre des ordonnances, a jugé que le Parlement ne pouvait pas, par la voie d’un amendement, donner une autorisation au Gouvernement si celui-ci ne l’avait pas demandé.

M. Thierry Mariani. Absolument !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Par définition, une initiative parlementaire ne peut que contrevenir à ce principe.

M. Alain Marty. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. En l’occurrence, nul ne peut nier que nous sommes dans le cadre d’une initiative parlementaire.

Par ailleurs, nous sommes là sur le terrain sensible, et ô combien important, de la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Parlement. Cette autorisation de ratifier serait donc, en tout état de cause, une sorte de mandat quasi impératif donné au Président de la République, ce qui viendrait enfreindre sa liberté d’exercer les pouvoirs qui lui sont reconnus par notre Constitution.

Notre analyse est très claire : le Parlement ne peut pas, par la voie d’un amendement, donner au Gouvernement l’autorisation de ratifier un accord. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous demande donc, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer cet amendement qui, s’il était adopté, constituerait une violation grave de notre loi constitutionnelle. Si vous n’acceptez pas de le retirer, je me prononcerai contre son adoption. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je vous précise, monsieur le ministre, que le seul pouvoir reconnu par la Constitution au Parlement en matière de traités et d’accords internationaux est celui d’en autoriser – ou d’en refuser – la ratification ou l’approbation.

M. Jacques Myard. Il faut qu’elle soit demandée !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je reconnais que le sujet est complexe et qu’il fait l’objet de différentes interprétations, mais nous avons demandé leur avis à différents experts.

M. le président. Monsieur Fourgous, il ne s’agit pas de relancer le débat. Je vous demande simplement de nous dire si vous acceptez de retirer l’amendement !

M. Jacques Myard et M. Léonce Deprez. Vous devez le retirer !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je vous en prie, mes chers collègues, cette question est très importante pour notre croissance !

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous prendrez votre décision ultérieurement, mais en attendant, je vais donner la parole à plusieurs orateurs, qui me l’ont demandée.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. Je vais donc suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ayant reçu du président Accoyer, avec qui je viens de m’entretenir, l’assurance que l’on continuerait à progresser sur ce dossier pour le régler, je retire l’amendement n° 2.

M. Jean-Pierre Soisson. Merci !

M. Charles Cova. Merci pour votre sagesse !

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour un rappel au règlement.

M. Alain Claeys. Je n’ai pas du tout envie de polémiquer, mais nous avons eu un débat sérieux pendant une heure et demie et – faut-il le rappeler ? – l’amendement proposé par le rapporteur pour avis de la commission des finances avait été adopté à l’unanimité par cette commission des affaires sociales et par la commission des affaires sociales.

M. Jean-Louis Idiart. Nous ne sommes pas du bétail !

M. Jacques Myard. C’est dans l’hémicycle que nous votons la loi !

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, je suis étonné des arguments que vous utilisez. Nous pouvions les uns et les autres attendre que vous puissiez vous prononcer sur le fond de cet accord de Londres, signé par la France, en l’occurrence par Lionel Jospin en accord avec le Président de la République.

Vous avez évoqué un argument constitutionnel. Je voudrais que la présidence de l’Assemblée puisse le vérifier et examiner l’avis du Conseil constitutionnel sur ce sujet précis. Je vous rappellerai un fait assez récent, monsieur le ministre : la transposition d’une directive européenne concernant la brevetabilité du vivant. Cette transposition a eu lieu dans le cadre de la loi sur la bioéthique à partir d’un amendement d’une parlementaire, Mme Pécresse. Je pense donc que votre argument ne tient pas.

Sur le fond, il est vrai que c’est un sujet important et j’ai exprimé mon opinion tout à l’heure. Je pense que la représentation nationale, à un moment où l’on parle de la recherche, doit aborder deux sujets.

D’abord, en quoi aujourd’hui la propriété intellectuelle, par le brevet, est un élément important pour le développement de l’innovation et de nos entreprises, et en quoi la propriété intellectuelle, par le brevet, peut être un frein à l’innovation et au développement de nos entreprises si ce brevet est détourné pour venir protéger des connaissances et donc empêcher l’innovation ? C’est le premier sujet sur lequel notre assemblée doit travailler et réfléchir.

Le second sujet concerne l’accord de Londres. L’Office européen des brevets est une réalité ; il est présidé par un Français, Alain Pompidou. Je pense, à titre personnel, que cet accord permet à une petite entreprise française, ou à un laboratoire français, à la fois de poser ses revendications, mais aussi de pouvoir ensuite expliquer son brevet plus facilement. Je crois que c’est une chance pour la France, pour nos chercheurs et, au bout du compte, une chance également pour le développement de la francophonie.

Nous aurons – y compris dans notre groupe, j’ai eu l’honnêteté de vous le dire et Pierre Cohen l’a parfaitement résumé – à nouveau ce débat. Mais je pense que nous avons perdu une heure et demie sur un véritable sujet qui concerne notre recherche et les chercheurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, et M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances, applaudissent également.)

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels avant l’article 6.

Avant l’article 6

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 158 et 249.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 158 et 249.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 348.

La parole est à M. Alain Claeys, pour le défendre.

M. Alain Claeys. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Repoussé !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 348.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 347.

La parole est à M. Alain Claeys, pour le défendre.

M. Alain Claeys. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Elle a accepté l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 347.

(L’amendement est adopté.)

Article 6

M. le président. Sur l’article 6, je suis saisi de deux amendements, nos 250 et 37, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour défendre l’amendement n° 250.

M. Pierre Lasbordes. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 37.

M. Noël Mamère. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Repoussés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée pour ce qui concerne l’amendement n° 250, dont il préfère la rédaction, et est défavorable à l’amendement n° 37.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 250.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 37 tombe.

M. Noël Mamère. J’aurais dû mieux le défendre !

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié par l’amendement n° 250.

(L’article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 251, portant article additionnel après l’article 6.

La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour défendre cet amendement.

M. Pierre Lasbordes. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur. Rejeté !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 251.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 6 bis

M. le président. L’article 6 bis ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 6 bis est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, n° 2784 rectifié :

Rapport, n° 2888, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2879, de M. Claude Birraux, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2837, de M. Jean-Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)