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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 4 mai 2006

206e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Immigration et intégration

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée nationale a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 3.

Article 3

M. le président. Sur l’article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, cette nuit, qui fut longue et difficile, nous avons entendu tout et son contraire. Nos collègues de l’opposition ont notamment affirmé que le nombre d’étrangers dans notre pays n’augmentait pas depuis la fin des années soixante-dix. Ils oublient de dire qu’ils ont régularisé des dizaines de milliers d’étrangers et procédé à des naturalisations.

Si l’on reproche souvent aux politiques de manquer de bon sens, monsieur le ministre, vous donnez ici la preuve du contraire : l’article 3 n’est rien d’autre que du bon sens. Si les étrangers ont des droits, ils ont aussi des devoirs. Que serait un pays dont les ressortissants seraient protégés, aidés par l’État, sans obligation en retour ? Une anarchie !

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. En effet, ce serait stupide !

M. Richard Mallié. Inutile de remonter jusqu’au pacte civil de Rousseau pour comprendre que le vivre ensemble est assorti de droits, mais aussi de devoirs. Ce principe de bon sens vaut encore plus lorsqu’il s’agit des ressortissants étrangers que nous accueillons.

Il est légitime que les ressortissants étrangers et les Français soient traités de la même manière. Un contrat doit être respecté : si le titulaire d’une carte de séjour ne respecte plus les conditions qui ont été exigées pour son obtention, le contrat doit être rompu et la carte de séjour peut lui être retirée.

Accueillir les étrangers qui souhaitent lier leur destin à la France et leur donner les chances de s’intégrer est juste et légitime, mais renvoyer chez eux ceux qui la bafouent l’est tout autant, à condition que cela soit fait avec humanité. C’est exactement ce que prévoit le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Polémiquer sur le nombre des immigrés présents en France est inutile : tous les chiffres cités par le ministre et le rapporteur, qui, d’ailleurs, sont sensiblement les mêmes qu’en 2003, démontrent que la proportion d’immigrés vivant dans notre pays n’a que peu évolué. Régularisé ou non, un étranger reste un étranger. Seules les naturalisations permettraient de faire baisser les flux, mais leur nombre est peu significatif par rapport à l’ensemble des étrangers concernés. Toute polémique est donc inutile.

M. Christian Decocq. C’est imprécis !

M. Bernard Roman. Les chiffres figurent dans le rapport, monsieur Decocq !

M. Jérôme Rivière. Lesquels ?

M. Bernard Roman. Les chiffres étaient à peu près identiques dans le rapport du projet de loi présenté en 2003. M. Mariani évaluait alors le nombre d’immigrés non régularisés entre 200 000 et 400 000, fourchette que, pour ma part, je trouve un peu sous-estimée, mais qui est semblable à celle que nous avions retenue en 1998. Cette polémique inutile démontre qu’il s’agit bien d’un texte d’affichage, notamment avec son article 3, particulièrement inopérant.

De quoi s’agit-il ? De légiférer sur les conditions du retrait de la carte de séjour temporaire, dès lors qu’une des raisons qui avaient justifié son attribution disparaît. La belle affaire ! Cette proposition n’est pas crédible, notamment parce que la carte de séjour temporaire est de courte durée – un an en général, au mieux trois dans des cas tout à fait exceptionnels.

L’administration règle parfaitement cette question dans le cadre des demandes de renouvellement. Il serait d’ailleurs utile, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de connaître les statistiques et de savoir combien de renouvellements sont accordés à tort par l’administration. Dans la mesure où chaque demande de renouvellement de la carte entraîne un examen approfondi du respect des conditions dans lesquelles celle-ci avait été attribuée, à quoi sert-il de légiférer aujourd’hui ?

Je vais vous démontrer le caractère inique de cette mesure.

Monsieur le rapporteur, vous avez reconnu en commission des lois, comme le ministre, qu’il fallait amender ce texte. Si le contrat de travail d’un salarié qui dispose d’une carte de séjour cesse, l’une des conditions d’obtention de la carte n’est plus remplie. Faut-il pour autant lui retirer sa carte sur-le-champ ? Tout cela montre que cette disposition « à la hache » ne procède que d’une volonté d’affichage.

Prenons un autre exemple : une femme maltraitée souhaite quitter son mari, mais elle ne dispose que d’une carte de séjour délivrée au titre de la vie privée et familiale. Pensez-vous qu’elle ira jusqu’au bout si elle sait que, le lendemain même, l’administration pourra lui retirer son titre de séjour ?

Les conséquences de cette disposition pourraient être dramatiques pour un certain nombre d’hommes et de femmes. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste défendra un amendement visant à supprimer l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Nous nous trouvons dans le même état d’esprit que Bernard Roman. Nous souhaitons que l’article 3 soit supprimé, car il est inutile et n’a aucun sens. En effet, la plupart des cartes de séjour étant attribuées pour un an, les conditions de leur renouvellement sont vérifiées chaque année. De plus, en droit administratif, le retrait – lié à la fraude ou à la menace pour l’ordre public – abroge les droits de la personne de manière rétroactive : on considère alors qu’il n’y a jamais eu régularisation.

Notre groupe soutiendra donc des amendements tendant à assouplir cet article.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Il me paraît nécessaire de rectifier quelques chiffres et de mettre fin aux fantasmes que cultive la majorité quant au nombre d’immigrés dans notre pays.

Selon l’INSEE, qui a publié en 2005 un volume de près de cent cinquante pages consacré aux immigrés, la population immigrée est définie en fonction d’un double critère de nationalité et de lieu de naissance. Reprenant la définition adoptée par le Haut Conseil à l’intégration en 1991, l’INSEE indique : « La population immigrée est composée des personnes qui résident en France et qui sont nées étrangères dans un pays étranger. Le fait d’être né étranger dans un pays étranger constituant une caractéristique invariable, un individu continue de faire partie de la population immigrée, même si sa nationalité change. »

Selon l’INSEE, les immigrés représentent 7,4 % de la population totale, et cette proportion est constante depuis le recensement de 1975. En 1999, un tiers des immigrés sont de nationalité française. Il faut donc cesser de faire croire à une invasion ! Il s’agit des immigrés en situation plutôt régulière…

M. Jérôme Rivière. Naturellement, puisque, les autres, nous ne les connaissons pas !

M. René Dosière. Certes, monsieur Rivière, mais les statisticiens de l’INSEE sont également capables de mesurer une partie – faible, je vous le concède – de l’immigration irrégulière.

En ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière, les estimations, citées par le ministre lui-même, vont de 200 000 à 400 000 personnes, soit 0,5 % de la population métropolitaine, estimée aujourd’hui à 60 millions d’habitants.

Regardons ce qui se passe à l’étranger : sur ce point, le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’immigration irrégulière cite quelques chiffres intéressants. Aux Pays-Bas, les immigrés en situation irrégulière représentent 1,1 % de la population, et leur nombre est deux fois plus élevé qu’en France ; en Suisse, où ils représentent 1,2 % de la population, il est trois fois plus élevé. Dans d’autres pays, qui pourtant ont mené des campagnes de régularisations importantes, leur nombre est plus élevé qu’en France : en Espagne, il est trois fois plus élevé ; en Italie, deux fois plus ; au Portugal, près de quatre fois plus ; en Grèce, où ils représentent 3,4 % de la population, les immigrés en situation irrégulière sont sept fois plus nombreux qu’en France !

M. Jérôme Rivière. Voilà pourquoi il ne faut pas régulariser !

M. René Dosière. Non ! Cela signifie qu’en dépit de la régularisation d’un certain nombre d’irréguliers, il en reste encore dans ces pays beaucoup plus que chez nous !

M. Christian Vanneste. C’est l’appel d’air que nous dénonçons !

M. René Dosière. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tout simplement que nous ne sommes pas, en matière d’immigration, dans une situation extraordinaire, particulière, mais plutôt en dessous de ce qui se passe dans les autres pays européens. Or dans les autres pays européens, on ne s’amuse pas à jouer avec les immigrés, à attiser les peurs, la xénophobie – sauf les partis de droite extrême. Mais vous, c’est ce que vous êtes en train de faire.

Voilà la réalité de ce projet dont vous savez d’ailleurs parfaitement qu’il ne sera pas applicable parce que le ministre ne sera même plus là pour prendre les décrets nécessaires ! Celui-ci n’arrête pas de nous annoncer son envie de quitter le Gouvernement pour envisager autre chose, tout en nous déclarant, lors de son discours hier, que lui seul était capable de s’occuper des problèmes de l’immigration et que tous ses prédécesseurs avaient été des incapables !

Par conséquent, ce projet de loi n’est qu’un texte d’affichage. Cessez donc de dire des contrevérités !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 154, 253 et 271, tendant à supprimer l’article 3.

Les amendements nos 154 et 253 ne sont pas défendus.

La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 271.

M. Bernard Roman. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il s’agit de supprimer l’article 3 qui est inutile. À l’appui de mon intervention d’il y a quelques minutes, je voudrais simplement dire que, finalement, la logique est la même que celle que nous avons évoquée hier soir sur le visa de long séjour. Cet article conduira d’une manière inéluctable à ce qu’un certain nombre de personnes bénéficiaires d’un titre de séjour se le voient retiré, quelquefois dans le plus strict arbitraire, sans avoir la capacité de se défendre. Il ne s’agira pas de décisions de justice, mais systématiquement de décisions émanant des préfets et donc de nature administrative. De plus, cet article gonflera d’une manière inéluctable le nombre des personnes qui, en France, ne disposeront plus d’un titre de séjour, mais, y ayant des liens familiaux, seront protégées de l’expulsion par la Convention européenne des droits de l’homme, notamment par son article 8.

Cet article constitue donc, une nouvelle fois, une mesure qui conduira à gonfler l’immigration illégale dans notre pays. Voilà pourquoi je propose à l’Assemblée d’adopter cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 271.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur Dosière, très sympathiquement, j’admire votre précision sur les chiffres des clandestins.

M. René Dosière. Entre 200 000 et 400 000, avouez que ce n’est pas très précis ! C’est ce que dit le ministre !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vais reprendre votre démonstration, que je ne suis pas loin de partager.En effet, s’il n’y a pas un afflux énorme, pas une augmentation énorme,…

M. Patrick Braouezec. C’est bien de le reconnaître !

M. Thierry Mariani, rapporteur. …c’est peut-être aussi parce que, depuis 1997, notre pays n’a plus fait de régularisation.

Ce que je crains à chaque fois qu’on annonce des régularisations ou qu’on fait des régularisations, c’est justement que cette vague ait tendance à arriver.

Depuis dix ans, la France ne procède plus à des régularisations. Chez nos voisins, l’augmentation est très nette.

M. René Dosière. Mais vous allez en fabriquer !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Quant à l’amendement n° 271 de M. Roman, la carte de séjour temporaire étant une décision créatrice de droits, conformément aux principes du droit administratif, elle ne peut être retirée par l’administration, une fois le délai de recours contentieux expiré, que sur la base d’une disposition législative ou réglementaire, et vous le savez.

D’ailleurs, l’article 5 du décret du 30 juin 1946 modifié précise les circonstances dans lesquelles doivent ou peuvent être retirés les titres de séjour. Parmi les motifs permettant le retrait d’un titre de séjour figure le fait que son titulaire cesse de remplir les conditions. L’article 3 du projet de loi donne donc tout simplement une base législative à une règle qui existe déjà.

Il est vrai aussi qu’il en fait un principe et non plus une simple possibilité. Il est en effet logique de retirer un acte lorsque les éléments qui ont motivé la décision de cet acte ont disparu. Cependant, il est vrai qu’une application stricte de ce principe posait un problème spécifique – nous en avons discuté en commission – pour les salariés privés d’emploi, ce qui a motivé le dépôt d’un amendement et enlève à mon avis, monsieur Roman, beaucoup de pertinence aux critiques contre cet article une fois l’amendement adopté.

M. Bernard Roman. Pas pour les femmes battues !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 271.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Dosière, vous parlez de chiffres. La France a délivré en 2005 environ 165 000 titres de séjour, et j’en ai le détail : 82 000 pour des motifs familiaux, 12 500 pour des motifs professionnels, 40 000 à des étudiants. Autant il est normal que ces titres soient délivrés lorsque les conditions y donnant droit sont réunies, autant il est normal que ces titres soient retirés lorsque les conditions ne sont plus remplies.

Ce principe, je vous le rappelle parce qu’on l’a un peu oublié, a été affirmé dès 1946 pour les cartes de séjour par un décret qui, c’est vrai, a été un peu perdu de vue depuis lors. C’est donc un principe tout à fait conforme aux principes généraux du droit administratif. Il était nécessaire de le réaffirmer dans la loi, et c’est ce que nous faisons dans cet article.

Je précise en outre que le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que la carte ne soit pas retirée aux salariés en cas de rupture de leur contrat de travail. C’était l’objet d’un certain nombre de demandes, notamment des évêques de France, monsieur Braouezec, et votre collègue Jean-Pierre Brard y a fait très souvent référence depuis le début du débat. Nous y donnerons satisfaction par un amendement n° 41 de M. Mariani.

Nous sommes bien évidemment défavorables à l’amendement de suppression parce qu’il nous paraît important de réaffirmer dans la loi ces principes généraux du droit administratif.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec le respect des principes généraux du droit, mais je voudrais faire remarquer que cet article ne va pas simplifier les choses parce qu’il s’applique à la nouvelle carte que vous allez créer, la carte « compétences et talents » dont nous reparlerons à l’article 12. Or il y a un problème : à quel moment les conditions ayant permis d’obtenir la carte « compétences et talents » ne seront-elles plus remplies ?

S’agissant des critères d’attribution de cette carte, je citerai votre rapport, monsieur le rapporteur : « Le public visé est constitué des personnes “susceptible[s] de participer, du fait de [leurs] compétences et de [leurs] talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont [ils ont] la nationalité” ». Vous écrivez d’ailleurs tout de suite après : « Cette définition volontairement large permet de ne se fermer à aucune forme d’excellence, que celle-ci soit d’ordre économique (cadres dirigeants des grandes entreprises, par exemple), universitaire, culturelle, sportive…» Nous voyons bien la population qui peut être concernée par cette définition.

Le fait d’être titulaire de cette carte permet de faire venir les familles, les femmes et les enfants, qui bénéficieront, dans des conditions un peu dérogatoires, mais automatiquement, d’un titre de séjour d’une année renouvelable au titre de la vie privée et familiale. Or il faut bien avoir cela en tête pour dire à quel moment et selon quels motifs vous allez retirer cette carte « compétences et talents ».

Vous ajoutez plus loin que « cette disposition permettrait de retirer le titre de séjour d’une personne venue en France dans le cadre d’un projet précis et qui, une fois arrivée en France, pratiquerait de tout autres activités ».

Prenons le cas d’un sportif africain de très haut niveau, un tennisman, par exemple. Il vient en France, on l’accueille et bénéficie de cette disposition, mais voilà qu’il arrête le tennis et entreprend de chanter. Il devient donc chanteur. Allez-vous lui retirer sa carte « compétences et talents » parce qu’il était venu comme tennisman et qu’il est désormais chanteur ? Vous écrivez en effet : « Il s’agit ainsi d’éviter un détournement de cette procédure dont le régime sera très favorable pour les personnes qui en bénéficieront ». Mais justement, d’un côté, vous êtes très large et peu précis sur les critères et, de l’autre, vous dites qu’on pourra retirer la carte !

Pour ma part, je pense que vous n’allez pas pouvoir la retirer aussi simplement. Par ailleurs, comme toutes ces personnes auront obtenu l’autorisation de faire venir leurs familles et leurs enfants, là aussi, en cas de retrait de la carte, vous aurez fabriqué un certain nombre de nouveaux clandestins parce que ces personnes installées, vivant en France, resteront sur notre sol.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’un amendement très important car, comme l’a dit M. le ministre, il prend en compte les critiques qui nous ont été adressées notamment par les responsables des Églises, mais aussi par les députés de l’opposition comme de la majorité qui s’étaient rendu compte qu’il y avait là un problème possible.

M. Patrick Braouezec. C’est un amendement œcuménique !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !

L’objectif de cet amendement est de rassurer ceux qui craignaient que cet article n’entraîne l’obligation de retirer le titre de séjour aux étrangers venus en France pour travailler et qui ont perdu leur emploi. En effet, la rupture de leur contrat de travail aurait pu être considérée comme la disparition d’une des conditions qui étaient nécessaires à la délivrance du titre de séjour. Cet amendement dit donc très clairement que cela ne sera pas le cas.

Concrètement, un travailleur étranger au chômage ne sera pas obligé de partir et pourra se maintenir en France pendant la durée de validité de sa carte pour trouver un autre emploi, c’est-à-dire, en clair, jusqu’à la fin de sa carte d’un an.

Rappelons par ailleurs que l’article R. 341-3-1 du code du travail précise que la validité de l’autorisation de travail d’un étranger au chômage, au moment du renouvellement de son titre de séjour, est automatiquement prolongée d’un an.

Dès lors, mes chers collègues, parlez d’immigration jetable, comme certains le font, relève ou d’une totale incompréhension du texte ou de la mauvaise foi.

M. Christian Vanneste. C’est la seconde explication qui est la bonne !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il n’entrait nullement dans les intentions du Gouvernement de retirer leur carte de séjour aux travailleurs étrangers perdant leur emploi. Ce serait évidemment inéquitable. Il faut leur donner la possibilité, dans ce cas, de retrouver un travail et de l’exercer pendant la durée de validité de leur carte de séjour avant un éventuel renouvellement.

Par conséquent, le Gouvernement est évidemment, comme je l’ai dit tout à l’heure, tout à fait favorable à l’amendement du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Certaines choses avancent puisque, comme vous le dites, monsieur le rapporteur, vous avez tenu compte des avis non seulement des Églises de France, mais aussi des collectifs d’association et des nôtres sur les bancs de l’opposition, puisque nous avions mis le doigt sur quelque chose qui faisait effectivement du migrant un travailleur jetable. Il y a d’autres dispositions sur lesquelles nous reviendrons dans le débat, qui sont du même ordre, qui procèdent du même état d’esprit et qui continuent à nous faire dire que, dans cette loi, vous considérez le migrant comme étant jetable.

Nous constatons donc certaines avancées. Je rappelle qu’hier, tard dans la nuit, vous avez aussi pris en considération un amendement, là aussi de bon sens, relatif à la délivrance d’un visa de long séjour pour des personnes en situation irrégulière, mais mariées à un ressortissant français.

Toutefois, nous sommes encore loin du compte. Ce projet de loi prévoit pour les migrants des conditions plus que difficiles, je dirai même inhumaines, en tout cas en contradiction avec un certain nombre de textes européens et internationaux, conditions qui bafouent un certain nombre de droits, de droits humains de ces personnes. Nous continuons donc à affirmer que votre projet de loi fabrique une immigration jetable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous ne pouvons que nous féliciter de voir le Gouvernement reculer sous la pression non seulement des églises, mais aussi des 461 associations et partis politiques réunis dans le collectif « Uni(e)s contre une immigration jetable ». Nous avons eu raison de nous mobiliser pour alerter l’opinion publique et attirer l’attention − comme nous l’avons fait hier soir et ce matin encore − sur ce qui n’est qu’un bricolage idéologique.

M. Bernard Schreiner. Il a le sens de la mesure !

M. Noël Mamère. Toutefois, il ne faut pas se méprendre : les légers reculs que vous acceptez sous la pression des représentants du peuple de l’opposition ne sont que des aménagements qui ne changent rien à l’économie ni à l’idéologie de votre projet.

M. Bernard Schreiner. Il faut être tordu, quand même ! Quelle mauvaise foi !

M. Noël Mamère. Ce qui charpente votre projet, c’est cette notion d’immigration utile − ou utilitaire − inspirée par les principes du libéralisme que professe le pouvoir actuel.

Aussi, nous ne pouvons nous contenter de ce léger recul. Certes, nous voterons l’amendement présenté par le rapporteur, mais nous continuerons jusqu’au bout − jusqu’au dernier article − le combat contre un projet de loi qui, après la loi de 2003, renforce encore le caractère coercitif et insupportable de la politique d’immigration du Gouvernement et n’est, répétons-le, qu’un texte électoraliste…

Mme Arlette Franco. Et vous, monsieur Mamère, que faites-vous ?

M. Noël Mamère. …destiné à braconner sur les terres de l’extrême droite à la veille d’une élection présidentielle,…

M. Jérôme Rivière. Délire obsessionnel !

M. Richard Mallié. C’est un psychopathe !

M. Noël Mamère. …un texte d’affichage, de communication, qui n’a même pas attendu que tous les décrets de la loi de 2003 soient promulgués et que son impact soit évalué, et qui veut faire croire au bon peuple de France que l’immigration est le problème numéro 1, alors que, depuis hier, nous avons démontré à plusieurs reprises, statistiques à l’appui, que le nombre d’immigrés n’a pas augmenté depuis dix ans.

M. Jérôme Rivière. Écoutez ce que disent les Français !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 486.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement précise qu’on ne pourra retirer la carte de séjour temporaire et la carte de séjour « compétences et talents » à un travailleur migrant qu’« en cas de fraude dûment constatée par une décision de justice ». Ne pas introduire cette précision reviendrait à donner tout pouvoir à l’employeur et à laisser le travailleur sans défense face à l’arbitraire.

On doit préférer une décision de justice constatant la fraude à une appréciation quelconque de qui que ce soit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’est pas bon de confondre une décision administrative − en l’occurrence le retrait des titres de séjour − avec une décision judiciaire. En outre, il ne saurait y avoir d’arbitraire dans cette procédure, dans la mesure où c’est le tribunal administratif qui tranchera et qu’on ne peut alors pas parler d’arbitraire : il s’agira d’une décision de justice.

M. Bernard Roman. Il tranchera pour le recours, pas pour la décision !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, la justice n’a pas à se prononcer sur les conditions légales de délivrance ou de retrait d’une carte de séjour : il s’agit d’une mesure purement administrative qui, certes, est contrôlée par un juge administratif, mais n’est pas décidée par un juge judiciaire.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je souhaiterais abonder dans le sens de l’amendement de M. Braouezec.

Une décision administrative est, par définition, entachée du risque d’arbitraire. Du reste, la commission des lois n’a-t-elle pas décidé de permettre que des décisions administratives, normalement insusceptibles de recours, puissent être réexaminées par un tribunal administratif ? Mais, parallèlement à cette démarche, un décret est en préparation qui prévoit que l’ensemble du contentieux lié au droit des immigrés va sortir du champ de la décision collégiale des tribunaux administratifs pour ne plus relever que du juge administratif. Or les juges administratifs ne sont pas des juges ordinaires, comme ceux des tribunaux, mais des fonctionnaires exerçant des fonctions de juge : ils sont donc très dépendants de leur hiérarchie.

M. Jérôme Rivière. Les juges apprécieront !

M. Bernard Roman. Dès lors qu’ils seront seuls à statuer sur les recours, ils le feront avec, en toile de fond, les objectifs quantitatifs fixés par le ministre,…

M. Bernard Schreiner. C’est un procès d’intention !

M. Bernard Roman. …déclinés par département et donc par ressort de tribunal administratif. Nous risquons donc bien là d’être confrontés à l’arbitraire le plus total.

L’amendement de M. Braouezec est plus qu’utile : il faut que le retrait des titres de séjour soit l’objet d’une décision de justice et ne soit pas laissé à l’arbitraire administratif.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 486.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 487.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement concerne un problème marginal, mais réel : certains employeurs pourraient prendre quelques libertés et profiter des difficultés rencontrées par des personnes qui se voient retirer leur carte avant la date d’expiration pour demander le remboursement des charges salariales. Nous proposons donc de compléter l’article 3 par un alinéa ainsi rédigé : « Le retrait de la carte de séjour temporaire et de la carte “compétences et talents” ne peut ouvrir le droit pour l’employeur à demander le remboursement des sommes perçues ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. Le cas évoqué nous paraît très théorique…

M. Patrick Braouezec. Théorique ? Non, mais marginal.

M. Thierry Mariani, rapporteur. …et marginal. La probabilité que cela se produise est quasi nulle.

M. Patrick Braouezec. Mieux vaut le préciser !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 487.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié par l’amendement n° 41.

(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. L’article 4 est particulièrement important, qu’il s’agisse du fond du projet de loi, dont nous dénonçons à la fois l’architecture et les finalités profondes, ou de son objet, le contrat d’accueil et d’intégration.

Le groupe socialiste a répété qu’il n’avait rien contre ce principe, dans la mesure où un contrat engage les deux parties. Nous entendons cependant demander que soient prévus divers rendez-vous − de formation linguistique et, plus généralement, de formation citoyenne ou civique − qui fourniront à une personne souhaitant s’établir durablement en France les moyens de s’intégrer au mieux. Cette personne et sa famille ont en effet besoin d’un contrat et de dispositifs témoignant d’une volonté et leur signifiant qu’on ne se contente pas de les accueillir, mais qu’on souhaite le faire au mieux. Cela suppose que nous ayons, au préalable, une discussion aussi large et consensuelle que possible, pour définir le contenu du contrat d’accueil et d’intégration, ce que l’on est en droit d’attendre de l’immigré qui souhaite s’installer durablement en France, qui a peut-être vocation à devenir un jour Français, et ce qu’il a, pour sa part, le droit d’attendre de notre pays.

Il me semble qu’il ne faut pas considérer cette procédure comme un impératif, mais lui donner la valeur d’un échange. Or une première dérive consiste à faire du contrat d’accueil et d’intégration une condition sine qua non, avec signature et respect des engagements pris, une clause administrative, un papier supplémentaire à fournir pour qui veut être intégré dans notre pays. Nous concevons parfaitement l’utilité d’un tel contrat, mais sommes extrêmement gênés, sur le plan des principes, qu’il devienne une argutie administrative de plus. C’est en cela que nous dénonçons l’état d’esprit qui préside à ce texte et qui prévoit que, si l’on ne respecte pas telle ou telle clause, si l’on n’est pas assidu au cours de la formation, si l’on ne réussit pas un examen, la sanction tombera et l’on se verra refuser le droit de rester dans notre pays. Il est fort déplaisant de penser que ce contrat sera vécu comme une contrainte supplémentaire, voire comme une humiliation.

C’est d’autant plus vrai que, nous l’avons bien vu en commission ou lorsque nous en avons discuté entre nous, nous allons nous heurter à des impossibilités. Ainsi, le contrat d’accueil et d’intégration prévoit une formation linguistique. Or, vous l’avez reconnu, monsieur Mariani, et je vous en remercie, il est de plus en plus difficile, passé un certain âge − soixante ou soixante-cinq ans −, de bien apprendre une langue : ce sont nos artères cérébrales qui se montrent récalcitrantes.

M. Christian Decocq. Il n’y a pas que les artères cérébrales !

M. Serge Blisko. C’est d’autant plus difficile lorsqu’on est issu d’une culture orale et qu’on n’a pu bénéficier, dans sa jeunesse, d’une alphabétisation dans une langue écrite. Cet exemple de bon sens montre les limites du contrat, mais d’autres clauses − médicales, par exemple − sont tout aussi contestables.

Allez-vous exiger d’une mère de famille nombreuse, surchargée de travail et de responsabilités, qu’elle ait une connaissance parfaite du français ? Évidemment, il faut faire le maximum pour qu’elle le parle aussi bien que possible et puisse effectuer des démarches administratives. Mais n’en faisons pas une condition sine qua non assortie d’une sanction si la mère de famille n’obtient pas la moyenne à l’examen.

M. le président. Monsieur Blisko, pouvez-vous conclure ?

M. Serge Blisko. On a l’impression d’être dans un système étroitement scolaire, en tout cas dans ce que nous n’aimions pas du système scolaire d’autrefois : la sanction doit tenir compte des particularités individuelles.

Ce que nous récusons, ce n’est donc pas le principe d’un contrat d’accueil et d’intégration, mais le fait qu’il puisse être assorti d’une telle sanction.

M. le président. Monsieur Blisko, il vous faut conclure.

M. Serge Blisko. J’en termine, monsieur le président, avec un deuxième point, qui ne relève pas du domaine de la loi. Serait-il possible, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que nous ayons, ici même, une discussion sur le contenu précis du contrat d’accueil et d’intégration, au-delà de la formation linguistique, sur les moyens matériels et sur les outils qui sont mis à sa disposition ? Vous nous dites que le dispositif monte progressivement en charge, mais l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations a mis en place depuis peu de temps ce qui a été baptisé − d’un mot surprenant, tiré du vocabulaire de la logistique et du tri − des « plateformes ». Cela explique d’ailleurs notre mécontentement lorsque nous avons vu que vous présentiez un nouveau projet de loi deux ans à peine après le vote du précédent et alors que l’ANAEM avait à peine un an d’existence. On nous propose de généraliser le système, alors même que l’ANAEM est incapable de fournir un bilan de ces plateformes, de ces programmes et de ces référentiels − ce qui est bien normal puisqu’elle est encore en rodage −…

M. le président. Monsieur Blisko…

M. Serge Blisko. …et que nous sommes dans l’impossibilité d’en discuter en connaissance de cause, avec les professionnels de la linguistique, de l’intégration et du français langue étrangère.

M. le président. La parole est à M. Christian Decocq.

M. Christian Decocq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nombre des inscrits sur l’article 4 montre que l’importance du fond n’a échappé à aucun des députés présents. M. Blisko n’a-t-il pas d’ailleurs commencé son propos en soulignant combien la décision que nous allions prendre était importante ?

Avant que nous ne parlions du contenu de l’article, j’oserai interpeller mon collègue Bernard Roman : oui, il s’agit d’un formidable texte d’affichage. Mais pas n’importe lequel. Depuis des années, la France hésite – peut-être même depuis l’ordonnance de 1945. Depuis des années, notre pays se laisse ballotter au gré des conjonctures politiques et économiques sans savoir anticiper les changements du monde. Peut-être n’a-t-il pas voulu voir ses propres changements. Peut-être la société française elle-même n’a-t-elle pas voulu voir que le pays changeait, parce qu’elle veut conserver l’illusion de rester fidèle à un modèle républicain – mais un modèle de plus en plus théorique qui protège de moins en moins les uns et les autres, ni la nation ni les migrants.

On a fait semblant de croire à l’efficacité de la suppression de l’immigration de main-d’œuvre en 1974, mais on n’a pas su mesurer dans le même temps l’extraordinaire bouleversement culturel provoqué par le regroupement familial. On a trop tardé à prendre conscience des discriminations frappant les jeunes issus de l’immigration, mais on s’est choqué, souvent à juste titre, des signes de leur révolte, de la Marseillaise sifflée jusqu’aux récents événements survenus dans les banlieues, que l’on estimait d’ailleurs, avec un brin de condescendance, réservés aux pays anglo-saxons et à leurs communautés ethniques, comme si, imbus de notre pacte républicain, nous aurions été à l’abri de ces dérives.

En vérité, le pays sait tout cela, mais il ne peut pas répondre à une question qu’on ne lui a jamais posée : quelle immigration voulons-nous ? Depuis trop d’années, l’immigration est vécue comme une contrainte. Nous avons perdu l’initiative d’une politique d’immigration. La conséquence est le développement des discriminations au sein même de notre société d’accueil.

C’est sans doute – et c’est pourquoi j’ai voulu m’inscrire sur cet article – le plus grand mérite du projet de loi que de mettre fin à cette hésitation. Enfin, notre pays fait un choix : celui de l’intégration, et pas du communautarisme ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Serge Blisko. J’aimerais en être aussi sûr que vous !

M. Christian Decocq. Il était temps, car la France n’en finissait pas d’hésiter entre deux pratiques – je n’ose pas dire deux traditions – : l’une, proche de la pratique américaine, qui accorde les mêmes droits civiques à tous les citoyens et accepte qu’ils s’organisent librement dans la sphère privée, en choisissant leur lieu de vie, leurs codes sociaux, c’est-à-dire en communauté, et l’autre souhaitant, en plus d’une égalité de droits civiques, que tous se mêlent et soient solidaires, sans se soucier de leurs origines. Mais plus on souhaite cette mixité, plus les arrivants et leurs descendants doivent adopter les usages de la société d’accueil, ce qui signifie pour eux un changement de repères, synonyme d’efforts réels de leur part, mais c’est le prix à payer, même s’il n’est pas toujours facile à assumer.

Telle est justement la plus-value qu’apporte votre projet, monsieur le ministre, que de faire le choix équilibré de cette dernière pratique, en proposant un cahier des charges clair définissant les conditions auxquelles les candidats à l’immigration peuvent séjourner dans notre pays et, pour certains, être reconnus comme Français – culturellement et pas seulement juridiquement. Ce faisant, il leur offre un autre choix que le repli communautaire.

Voilà un choix politique, une véritable volonté, celle, ainsi que cela a été souligné hier après-midi, de l’intégration contractuelle. L’instrument en est ce que nous allons maintenant examiner, à savoir le contrat d’accueil et d’intégration, fondé sur le respect des valeurs républicaines, en particulier du droit des femmes, et sur la connaissance de la langue française.

Voilà un bel affichage, au bon sens du terme.

M. Patrick Delnatte. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon moi également cet article constitue un élément essentiel du projet de loi. Il est même incroyable que, depuis des décennies, on accueille des étrangers sur notre territoire sans que personne, une fois les formalités administratives accomplies, ne se soucie de ce qu’ils deviennent ! Il est vrai qu’initialement la France ne voyait en eux qu’une main-d’œuvre de passage. Elle n’a pas imaginé, au cours des années soixante et soixante-dix puis en 1974, lorsque l’on a transformé l’ordonnance de 1945, que ces gens allaient s’installer et, accessoirement, avoir des enfants – qu’on a d’ailleurs malheureusement concentrés et progressivement ghettoïsés dans des quartiers.

C’est donc bien une bonne chose que cet article, mais, je tiens à le souligner car trop de fantasmes subsistent encore en la matière parmi nos concitoyens, ne sont pas seulement concernés des étrangers d’immigration récente ou extra-européenne : y compris dans des milieux issus d’une immigration européenne relativement ancienne, je rencontre encore aujourd’hui des femmes originaires du Portugal voire de l’Italie qui ne parlent toujours pas un mot de français après quarante ou cinquante ans de présence sur notre territoire !

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. La situation est invraisemblable, et c’est pourquoi l’Assemblée pourrait, sur ce point, faire preuve d’unanimité puisque, pour une fois, la France va réellement se soucier de donner aux étrangers qui viennent sur son territoire les moyens de s’intégrer.

Cela dit, je tiens à faire part de mon désaccord avec M. Blisko, car, s’il y a contrat, il y a engagement des deux parties. Or refuser la possibilité, si le nouvel arrivant ne respecte pas son contrat, de lui retirer son titre de séjour, reviendrait à n’obliger à quelque chose que la France, et pas le ressortissant étranger que nous avons accueilli. J’entends bien, encore que cela ne soit pas prévu de façon automatique dans l’article, que ce n’est pas parce que quelqu’un ne va pas réussir un examen qu’on lui retirera son titre de séjour. Cependant, tout va en l’occurrence dépendre du décret d’application, et c’est pourquoi j’ai souhaité prendre la parole afin d’interpeller le ministre sur ce point.

Si quelqu’un fait trop de fautes de grammaire ou, comme l’évoquait, par exemple, le rapporteur en commission, manque d’assiduité – les formations organisées lui étant inaccessibles au moment où elles sont organisées –, il ne faut pas pour autant que son titre de séjour puisse lui être retiré. C’est donc bien au niveau du décret d’application que, monsieur le ministre, tout va se jouer, et cela – comme c’est malheureusement souvent le cas dans la tradition française, qui me paraîtrait devoir être réformée – sans information du Parlement. Ne serait-ce pas, le jour où ce décret s’apprête à être pris, une belle occasion, monsieur le président de la commission des lois, d’entendre le ministre chargé de la question et nos avis ?

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. On le sait : une fois le contrat adopté, nous ne verrons plus rien : c’est l’administration qui décidera des modalités.

Je vous présenterai à cet égard trois demandes, monsieur le ministre.

À l’excellente initiative de notre rapporteur, la commission a adopté un amendement – j’imagine que l’Assemblée la suivra – relatif à l’information sur la vie en France. Monsieur le ministre, il me paraît essentiel de permettre aux parents qui arrivent sur notre territoire de connaître leurs obligations et leurs droits vis-à-vis de leurs enfants. Rien n’est plus dramatique que de voir des enfants devenir les intermédiaires entre leurs parents et la société et qui disent ce qui est permis ou non à leurs parents, dépossédant ainsi ces derniers de toute forme d’autorité. La formation civique ne prévoyait pas une telle information. Celle-ci peut être comprise dans l’information sur la vie en France, parce que l’on n’élève pas les enfants selon les mêmes règles et au même âge à Bamako, à Séoul ou à Tokyo. Il est nécessaire que tous les parents soient informés.

Nous développons dans nos communes des lieux d’écoute pour les parents. Cette information pourrait être l’occasion d’envisager la mise en place d’un moyen d’écoute, fût-il téléphonique, pour les parents qui se poseraient des questions, plutôt que de laisser comme aujourd’hui, ce qui est une bonne chose sur le plan humain, mais pas pour la République, des parents s’organiser au sein d’associations pour expliquer aux originaires du même pays qu’eux, ce qu’ils doivent faire.

Ma deuxième demande, monsieur le ministre, porte sur le refus du renouvellement du titre de séjour en cas de non-respect manifeste par l’étranger de ses obligations. Je souhaiterais, sans que cela puisse être pour autant considéré comme un transfert de compétence, que dans ce seul cas le maire puisse être consulté.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. On a évoqué en commission le cas où quelqu’un ne pourrait pas suivre les formations qui se tiendraient, par exemple, le samedi matin parce qu'il travaillerait à ce moment-là ou parce qu’il aurait des problèmes de garde d’enfant. Toutes ces personnes, nous les suivons avec l’aide des services sociaux. Il faut donc, parce que l’on sait comment l’administration peut fonctionner, que les maires puissent appeler son attention sur des problèmes familiaux spécifiques. Sinon, les dossiers arriveront dans les permanences des parlementaires, et c’est nous, chers collègues, qui devrons nous en occuper, alors que le maire est mieux placé. C’est lui qui peut dire que telle personne ne pose pas de problème particulier et intervenir pour que l’administration ne lui retire pas sa carte de séjour.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’insuffisance des moyens de formation en français langue étrangère dans l’éducation nationale.

M. Serge Blisko. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Aucune formation spécifique n’existe pour les enseignants. La mise en place du contrat d’accueil et d’intégration suppose un énorme effort dans ce domaine, avec des enseignants formés en français langue étrangère,...

M. Serge Blisko. Une méthode !

M. Jean-Christophe Lagarde. ...une méthode, des objectifs et, surtout, des moyens.

M. Serge Blisko. Dont des moyens d’évaluation.

M. Jean-Christophe Lagarde. Imaginez le nombre de postes nécessaires pour le seul département de la Seine-Saint-Denis !

M. le président. Mes chers collègues, je demande à chacun de faire preuve de concision. Les inscrits sur cet article sont en effet nombreux.

M. Bernard Roman. C’est un article essentiel, monsieur le président !

M. Serge Blisko. Il porte sur un point central !

M. le président. Je ne dénie pas à chacun le droit de s’exprimer, mes chers collègues.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, je souhaite, à l’occasion de l’examen de l’article 4, évoquer un problème qui n’a pas encore été envisagé dans toute sa gravité depuis le début de la discussion, celui du retentissement sur la santé de l’aggravation de la précarité à laquelle va concourir le texte.

Nous vivons tous déjà en tant qu’élus locaux les conséquences de la précarité sur la santé – et je rejoins M. Lagarde sur l’importance qu’il y aurait, notamment en matière de respect des contrats d’accueil et d’intégration, à consulter les services municipaux et les maires. Récemment, j’ai obtenu la régularisation d’une famille dont un enfant était scolarisé dans le collège de ma commune. J’avais vécu auparavant leur angoisse et leurs problèmes psychologiques, notamment la dépression qu’avait connue la mère. Ce sont les acteurs de terrain, et non pas une administration éloignée et quelque peu anonyme, qui peuvent apprécier les exigences préalables à l’intégration que vous aggravez avec cet article 4.

Si ce texte est appliqué, il aggravera les conséquences de l’irrégularité du séjour sur la vie des personnes concernées et augmentera le nombre des irréguliers. Ces conséquences portent tant sur la santé physique que sur la santé mentale : les conditions de vie et de travail précaire sont pathogènes.

L’exclusion des sans-papiers de la protection sociale les condamne à une précarité sociale. Le travail sans titre de séjour est synonyme de conditions de travail et de salaire dégradées, voire dangereuses, l’exposition aux risques, l’absence de prévention, la manipulation de produits toxiques, la négligence parfois de l’encadrement, favorisant les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les hébergements précaires ou insalubres dans lesquels vivent les sans-papiers participent à une surexposition aux problèmes de santé. La survie au quotidien rend en effet beaucoup plus difficile les pratiques prophylactiques et le recours à la médecine des premiers soins. J’entendais à cet égard ce matin à la télévision une information selon laquelle une personne, pourtant suivie par les services sociaux, avait accouché dans la rue hier soir...

M. Christian Vanneste. À Lille !

M. Gérard Bapt. ...à Lille, en effet. Alors qu’elle n’était même pas sans papiers, on ne peut qu’imaginer les difficiles conditions des gens qui, eux, sont en situation irrégulière !

Vous soulignez que cela s’est passé à Lille : n’accusez pas un maire en particulier ! Les élus locaux que nous sommes sont certes responsables dans ces situations. Mais celles-ci sont plus facilement traitées dans les villes petites ou moyennes que dans les grandes, comme à Paris, où les problèmes de proximité exigent de nombreux moyens.

L’accès au dispositif de santé a été restreint, notamment avec la réforme de l’AME, ce qui a aggravé cette surexposition. Une grande partie des irréguliers est exclue en réalité du système de santé par méconnaissance des dispositifs et du fait de la complexité du droit et des procédures. Étant irréguliers, ils pensent qu’ils n’ont droit à aucun accès aux soins, y compris en urgence.

Il leur est difficile d’obtenir une domiciliation, les centres communaux d’action sociale, dont c’est la mission, refusant souvent d’enregistrer les demandes.

Ils ont du mal à fournir les justificatifs nécessaires pour établir une ancienneté de résidence de plus de trois mois ouvrant droit à l’AME.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas bien l’AME ?

M. Gérard Bapt. Ajoutons à cela des délais d’instruction et une absence d’admission immédiate qui entraînent des situations de refus de soins, soins qui pourraient pourtant permettre de prévenir les urgences et d’éviter une aggravation des problèmes de santé, et le renvoi à la clandestinité. La circulaire du 21 février 2006 mentionne, parmi les lieux où peuvent être menées des interpellations, les lieux de santé, les hôpitaux. Connaîtrons-nous un jour, en France, la honte de voir une personne en situation irrégulière interpellée dans une consultation hospitalière, voire dans un bloc opératoire ?

Voilà pourquoi, monsieur le président – vous qui êtes sensible aux problèmes de santé publique –, nous considérons que cette dimension doit être introduite dans le débat. De nombreuses inquiétudes naissent chez tous les acteurs de terrain, les associations notamment de médecins qui œuvrent pour essayer de défendre au mieux la santé de toutes les personnes précarisées, pas seulement celles en situation irrégulière.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président, je souhaite répondre à M. Blisko.

J’aime beaucoup M. Blisko, parce qu’il a des convictions fortes qu’il défend avec beaucoup de sincérité, mais je dois dire que son intervention à l’instant m’a profondément déçu.

Nous pouvons avoir des opinions différentes, mais, dans le fond, nous sommes tous attachés à l’idéal républicain. Or vos propos, monsieur Blisko, sont en total décalage avec ce qui, pour moi, est fondateur de l’idéal républicain, c'est-à-dire la notion de contrat. Précisément, nous avons la chance d’examiner un texte qui, justement, souligne l’importance du contrat.

Je ferai trois remarques.

D’abord, vous dites que l’immigration est un fait. Justement, le fait ne fait pas le droit.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. Christian Vanneste. Et savez-vous qui a dit cela ? Jean-Jacques Rousseau !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Très bien !

M. Christian Vanneste. Ensuite, vous définissez la liberté comme l’absence de contraintes. Mais la liberté républicaine, ce n’est pas l’absence de contraintes. La liberté républicaine, c’est le fait d’assumer sa volonté et ses choix. Ce n’est pas le fait de ne pas devoir apprendre la langue d’un pays. Mon Dieu, quelle contrainte ! Tous les pays sont amenés à exiger que ceux qui viennent vivre chez eux subissent cette contrainte.

Enfin, il ne faudrait pas de sanctions, cela nous rappellerait l’école. Eh bien, moi, je suis fier de l’école républicaine dans laquelle j’ai été scolarisé, une école où il y avait des sanctions, positives, c'est-à-dire des récompenses, et également négatives, c'est-à-dire des punitions. Nous avons été formés ainsi, et j’estime que nous avons été bien formés.

M. Patrick Braouezec. On ne mettait pas les gens hors du pays pour autant !

M. Christian Vanneste. Je me suis davantage reconnu dans les propos qu’a tenus M. Dray hier en s’exprimant sur la contractualisation, et il a eu raison.

Je voudrais vous faire une confidence. Il se trouve que l’homme de droite que je suis a toujours eu une très grande vénération pour Rousseau. Je considère en effet que Rousseau est le penseur de la société moderne, c'est-à-dire une société où l’homme ne subit pas ce qu’il est, ne subit pas le fait, mais où l’homme choisit et accomplit des actes de volonté. Eh bien, le contrat, c’est cela, c’est un accord de volonté. L’immigration que nous vous proposons est précisément fondée sur l’accord des volontés : il s’agit d’une véritable immigration républicaine.

Vous êtes complètement passé à côté de cette idée, monsieur Blisko, et sincèrement, je vous le reproche. Parce que, dans le fond, quand on y réfléchit bien, qu’est-ce que la liberté républicaine – c’est Rousseau qui l’a définie, encore une fois – sinon l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite à soi-même ?

Mme Arlette Franco. Très bien !

M. Christian Vanneste. Cela signifie que, lorsque l’on veut quelque chose, il faut en accepter les conséquences. Je veux venir en France ? Cela implique que je veuille obéir à la loi française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela implique que je veuille parler la langue française, que je veuille connaître les valeurs françaises. C’est tout ce que nous demandons. À partir de là, on a le droit de vivre en France et peut-être, un jour, le droit de devenir Français. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Vous vous doutez bien, mes chers collègues, monsieur le ministre, que mon intervention ne ressemblera pas à celle de M. Vanneste. Je souhaite répondre à l’un de ses collègues des bancs de droite qui est intervenu tout à l’heure pour nous expliquer que cette loi était faite pour éviter le communautarisme.

Il me semble que le ministre de l’intérieur avait, lors des événements de novembre, demandé aux imams de jouer un rôle de modérateur et que les jeunes des banlieues ont fait une sorte de bras d’honneur aux imams comme au ministre de l’intérieur, ce en quoi ils ont eu bien raison. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Joël Hart. Ben voyons ! C’est de l’incitation à la violence !

M. Noël Mamère. Cette révolte n’avait en effet rien à voir avec l’islam, rien à voir avec la religion qu’ils peuvent éventuellement pratiquer.

M. Jacques Myard. Il faut être aveugle !

M. Noël Mamère. Elle était liée aux conditions sociales de discrimination et d’injustice dont ces jeunes sont victimes à cause de leur couleur de peau, ou de leur prénom, ces jeunes étant considérés comme des étrangers de l’intérieur.

Cessez de nous expliquer que vous rédigez des lois répressives, aussi répressives que celle de 1937, pour éviter le communautarisme,…

M. Jacques Myard. Oh !

M. Noël Mamère. …alors même que le ministre de l’intérieur confessionnalise les rapports sociaux et instrumentalise la question de la religion dans la sphère publique.

Le problème, c’est que l’on ne veut pas reconnaître que la France est une société multiculturelle. On n’arrête pas d’entendre des Vanneste et d’autres nous expliquer que la République doit tout uniformiser.

M. Christian Vanneste. Ai-je dit cela ?

M. Noël Mamère. C’est refuser de reconnaître la réalité de notre pays, qui est précisément riche de sa diversité multiculturelle.

M. Jacques Myard. Quel manipulateur !

M. Noël Mamère. Mais l’article 4 que nous examinons en ce moment fait partie d’un ensemble, et l’article 5, qui viendra en discussion tout à l’heure, ajoute encore quelques obstacles à l’intégration des étrangers dans notre pays puisqu’il demande à l’étranger de déclarer son choix personnel pour la République.

Mme Arlette Franco. Oui ! Et alors ?

M. Noël Mamère. Ce qu’on nous propose, avec ce contrat d’accueil et d’intégration, c’est, en réalité, le maquillage d’une disposition policière de plus pour empêcher les immigrants de bien s’intégrer.

M. Jacques Myard. C’est pitoyable !

Mme Arlette Franco. Minable !

M. Noël Mamère. Vous nous parlez d’intégration alors que votre texte vise à une sorte d’immigration utilitaire et jetable et que votre volonté est de refuser l’intégration des étrangers et même d’obliger certains d’entre eux à aller chercher leur visa de long séjour dans leur pays d’origine, dans les conditions que l’on connaît.

Mme Arlette Franco. Mais enfin, qu’est-ce qu’il raconte ?

M. Noël Mamère. Ce contrat d’accueil et d’intégration, il ne faut pas se laisser leurrer par les bonnes intentions affichées, n’est que le renforcement d’une loi que vous avez déjà fait voter au Parlement, la loi de novembre 2003. Or cette loi a notamment remis en cause un principe qui existait depuis 1984, celui de l’intégration automatique, après dix ans de résidence dans ce pays. Depuis ce tournant très important de la loi de 2003, le fait d’obtenir une carte de résident après dix ans dans le pays est considéré comme une sorte de récompense. Aujourd’hui, avec la loi que vous nous présentez, vous remettez en cause ce droit.

M. Jacques Myard. L’automatisme n’est pas une volonté !

M. Noël Mamère. Donc, loin d’améliorer la situation des étrangers dans notre pays, ce contrat d’accueil et d’intégration n’est qu’un leurre, un alibi, qui vise à dissimuler les dispositions policières qui s’accumulent dans votre projet.

Je remarque enfin, pour respecter le temps qui m’est imparti, qu’une nouvelle fois le projet de loi renvoie à des décrets en Conseil d’État. Certes, nous commençons à avoir l’habitude, depuis que vous êtes au pouvoir, que l’on nous soumette des lois en urgence, des lois dont le flou est la vertu première et qui renvoient à des décrets d’application en Conseil d’État.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas le seul gouvernement à procéder ainsi, malheureusement. C’est une pratique répandue !

M. Noël Mamère. Mais nous ne pouvons pas accepter ce principe selon lequel la représentation nationale, c'est-à-dire le Parlement, serait privée d’un réel contrôle sur le contenu des lois qu’on lui soumet.

Une fois de plus, l’arbitraire reviendra non seulement aux préfets, mais également aux maires, nous le verrons à l’article 5. Or je ne suis pas d’accord avec mes collègues, qu’ils soient de droite ou de gauche, pour renforcer ainsi les pouvoirs du maire sur des questions aussi importantes.

M. Jacques Myard. Même à Bègles ?

M. Noël Mamère. Pas plus à Bègles qu’ailleurs. Cher Jacques Myard, il n’y aura pas de police municipale à Bègles tant que je serai maire de cette commune parce que je pense que l’ordre public fait partie des fonctions régaliennes de l’État.

M. Jacques Myard. Là, je suis d’accord !

M. Noël Mamère. Les maires ne sont pas des shérifs, pas plus pour assurer l’ordre public qu’ils ne doivent l’être pour décider de qui a le droit de s’intégrer dans ce pays. Les pouvoirs qui sont accordés aux maires et aux préfets avec ce texte, c'est-à-dire l’arbitraire et le discrétionnaire, sont exorbitants. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Nous invoquons tous plus ou moins, mais le fond est commun, les grands principes favorables à l’intégration dans notre société laïque, laquelle est, il faut le reconnaître, et je suis d’accord avec M. Mamère, d’ores et déjà une société multiethnique et multiculturelle.

M. Jacques Myard. Multiethnique, oui, multiculturelle, non !

M. Jérôme Lambert. Mais là n’est pas le fond de la question.

M. Jacques Myard. Si !

M. Jérôme Lambert. Ce qui pose problème, c’est que les dispositions de l’article 4 ne précisent pas les critères à retenir alors que les sanctions sont renforcées jusqu’à devenir gravissimes, puisque, en cas de difficultés d’intégration, on peut aller jusqu’à renvoyer chez elles des personnes étrangères.

M. Jacques Myard. Et alors ?

M. Jérôme Lambert. Ce qui me paraît grave, c’est qu’on ne tienne pas compte de la réalité. Aucune garantie n’est en fait apportée à ceux qui éprouveront de réelles difficultés, même s’ils font preuve de la meilleure volonté. Ce sera le règne de l’arbitraire, d’autres l’ont dit avant moi. On nous affirme que le préfet tiendra compte des circonstances, mais qui nous le garantit ?

Je prendrai un exemple concret. Notre pays manque d’ouvriers agricoles.

M. Serge Blisko. C’est exact !

M. Jérôme Lambert. Tant et si bien que nous permettons à des ressortissants des pays de l’Est, récemment adhérents de l’Union européenne, de venir en France pour travailler dans ce secteur-là. Et c’est bien.

La commune de Montrollet, dans un des deux cantons de Confolens, se situe à peu près à vingt-cinq kilomètres de Confolens. Une famille d’ouvriers agricoles qui arrive dans cette commune, avec peut-être des difficultés de langue et de connaissance de la société française, n’a aucun moyen de transport pour aller à Confolens, si ce n’est peut-être la mobylette du chef de famille. Et à Confolens, il y a un autobus le matin pour aller à Angoulême, un autobus le soir pour en revenir. Cela prend la journée et ce n’est pas évident. Le monde agricole a besoin de main-d’œuvre, a besoin d’intégrer des personnes d’origine étrangère, mais comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’une famille étrangère puisse remplir les critères d’intégration ? Quand bien même il y aurait un centre de formation ou d’éducation dans chaque canton, l’accès ne serait pas toujours évident.

Je suis favorable à des mesures facilitant l’intégration, à une offre d’intégration, à des moyens pour l’intégration, mais je vous mets en garde contre des sanctions arbitraires.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Avant d’aborder le contenu de l’article 4, je voudrais réagir à certains propos qui ont été tenus de l’autre côté de cet hémicycle.

Quand M. Vanneste affirme qu’il faut obéir à la loi française, personne ne dit le contraire, mais ne demandons pas plus aux étrangers, quelle que soit d’ailleurs leur situation, qu’aux Français.

M. Serge Blisko. L’égalité !

M. Christian Vanneste. Les droits des citoyens ne sont pas uniquement les droits de l’homme !

M. Patrick Braouezec. Il faut que tout le monde obéisse à la loi française et que les sanctions soient adaptées, et j’y reviendrai.

Obéir aux principes républicains, personne non plus dans cet hémicycle ne songerait à remettre en cause ce principe. En revanche, obéir aux « valeurs françaises », j’avoue que je ne sais pas ce que cela veut dire. Je connais des valeurs universelles, mais je ne connais pas les valeurs françaises. Je connais des principes républicains, je connais la loi française, mais je ne vois pas en quoi la France aurait des valeurs spécifiques.

M. Jacques Myard. La spécificité française n’existe pas ?

M. Patrick Braouezec. Ma deuxième remarque concernera les propos qui ont été tenus sur le communautarisme. J’ai souvent l’impression que, sur les bancs de droite de cette assemblée, on a tendance à confondre communauté et communautarisme.

Bon nombre de personnes vivant sur ce territoire se retrouvent régulièrement en communauté. Ces communautés sont utiles à la fabrication d’une identité personnelle et collective. Je vous invite à venir découvrir, aux confins d’Aubervilliers et de Saint-Denis, le patronage espagnol où, tous les week-ends, se retrouve l’ensemble de la communauté espagnole d’Île-de-France, qu’on ne peut soupçonner d’être communautariste ou de se replier sur elle-même.

M. Jacques Myard. On est d’accord ! Les communautaristes, ce sont ceux qui veulent l’application de la loi personnelle !

M. Patrick Braouezec. De nombreux présidents d’associations, d’origine étrangère, sont parfaitement intégrés dans notre société – c’est aussi le cas de certains dans cet hémicycle – et pourraient témoigner à la fois de leur attachement aux valeurs culturelles de leur pays d’origine et à leur communauté et de leur respect des lois françaises et des principes républicains.

Mais revenons à la question qui nous est posée avec le contrat prévu à l’article 4. Personne ne peut nier qu’il est utile, nécessaire et positif pour les intéressés de recevoir une formation civique et linguistique. C’est d’ailleurs à mes yeux une garantie de liberté qui permet aux personnes de ne pas être assujetties ou dépendantes des autres.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est une chance pour elles !

M. Patrick Braouezec. Là où je ne suis pas d’accord avec cet article, c’est qu’il conditionne la présence sur le territoire à la réussite à des examens, selon des modalités que la loi renvoie à un décret.

M. Jacques Myard. Encore heureux !

M. Patrick Braouezec. J’ai été pendant vingt ans instituteur, un instituteur exigeant, pratiquant un système de sanctions adaptées, qui tenaient compte des situations individuelles.

M. Christian Vanneste. Moi aussi !

M. Patrick Braouezec. Or, le système que l’on nous propose est un système où les sanctions sont lourdes, puisque les personnes qui n’auraient pas acquis, au terme de leur formation, le minimum requis, se verraient empêchées de demeurer sur notre territoire.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est caricatural !

M. Patrick Braouezec. M. Lagarde disait tout à l’heure qu’il connaissait des personnes d’un certain âge, espagnoles, portugaises, yougoslaves, maghrébines, africaines, italiennes qui sont en France depuis des années, complètement intégrées à notre société, et qui jouent un rôle économique, culturel, social important sans pour autant maîtriser notre langue, qu’elles ne savent ni lire ni écrire.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Mais si !

M. Jacques Myard. Prouvez le ! C’est la différence avec les États-Unis : ces gens connaissent le français !

M. Christian Vanneste. Vous voulez nous faire croire qu’ils regardent la télévision et écoutent la radio sans rien comprendre ?

M. Patrick Braouezec. Vous en connaissez tous ! Sont-ils de mauvais citoyens pour autant ? Il n’y a là aucun jugement de valeur, et ces personnes qui contribuent au développement de notre pays sont largement respectables.

Je ne peux donc accepter cet article qui renvoie à un décret l’application des sanctions qu’encourent les personnes qui n’auraient pas assimilé le minimum requis. Que l’offre de formation soit une possibilité offerte aux personnes immigrantes est une bonne chose ; que cette formation soit sanctionnée n’est pas acceptable.

M. Jacques Myard. L’idéologie est mauvaise conseillère, monsieur Braouezec !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, dernier orateur inscrit sur l’article 4.

M. Jacques Myard. L’article 4 est essentiel et doit nous donner l’occasion de remettre les choses en perspective. C’est la première fois que l’on nous présente un projet de loi qui se veut global et qui essaie de s’adapter aux réalités, notamment internationales. Nous devons en effet avoir conscience que nous ne sommes pas à la fin de l’immigration, mais au tout début.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Absolument !

M. Jacques Myard. Je rappellerai quelques chiffres qui illustrent la rupture démographique entre le Nord et le Sud. En 1950, l’Afrique comptait 250 millions d’habitants ; aujourd’hui, elle en compte quatre fois plus et pèse un milliard d’habitants. Toutes les projections, notamment les projections onusiennes, estiment que la population africaine sera dans trente ans comprise entre 1,5 milliard et 1,65 milliard d’individus. Et cette fourchette tient malheureusement compte des problèmes sanitaires.

Dans ces conditions, nier la pression démographique, c’est faire preuve d’un aveuglement idéologique coupable. Nous devons absolument l’intégrer dans nos réflexions. Cela étant, nous travaillons sur la peau humaine, comme disait Catherine II, et notre politique doit rester centrée autour de cet humanisme que nous avons à cœur de défendre.

Le phénomène est complexe est implique que nous prenions en compte trois obligations. La première, c’est la maîtrise des frontières. La loi de 2003 constitue à ce titre un progrès indéniable. Aujourd’hui, en effet, nous sommes plus sévères, parce que des mesures d’affichage sont nécessaires.

M. Patrick Braouezec. C’est une loi d’affichage !

M. Jacques Myard. N’oublions jamais que des mesures de régularisations massives ont abouti à créer un effet d’appel. Or, nous avons des obligations envers ces populations à qui nous faisons miroiter le rêve de pouvoir vivre en Europe et en France, et nous sommes coupables si nous ne les respectons pas. C’est la raison pour laquelle les régularisations massives sont une faute politique et une marque d’irresponsabilité à l’égard de ces populations immigrantes.

La suppression de la régularisation automatique, tout comme la simplification des procédures d’éloignement, la lutte contre les mariages de complaisance, le contrôle des regroupements familiaux sont donc des mesures qui vont dans le bon sens – ne nous voilons pas la face, en effet, devant les nombreuses fraudes qu’elles visent à empêcher.

Je regrette cependant que le projet n’aborde pas la dimension européenne du problème. La coopération européenne et l’échange d’informations sont certes nécessaires, mais il faut avoir le courage d’admettre que le service Schengen de centralisation informatique est devenu une usine à gaz totalement impossible à gérer et qu’il est temps aujourd’hui de revenir à des coopérations bilatérales et multibilatérales. J’aurais donc aimé que le projet de loi remette en cause ce système ou, à tout le moins, le revisite.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il lit la note du Quai-d’Orsay ! Il ne sait faire que ça !

M. Bernard Roman. Vous diminuez les budgets européens !

M. Jacques Myard. Mais revenons à l’article 4, qui touche à la question centrale des conditions d’intégration.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah ! Il était temps !

M. Jacques Myard. Il a toujours existé en France – la formule apparaît d’ailleurs sous la plume d’un ministre des affaires étrangères citant le Président Mitterrand – une volonté de « vouloir vivre ensemble ». Ce « vouloir vivre ensemble », nous devons, comme le rappelait tout à l’heure M. Vanneste en citant Rousseau, le mettre en œuvre et le défendre – c’est notre seconde obligation.

Il existe bien des valeurs françaises, mais aussi des principes universels, et je m’étonne que, au pays de la laïcité, personne n’évoque certaines pratiques religieuses attentatoires à la dignité des femmes. Traiter la femme comme un objet me semble une preuve visible de non-intégration et du refus de « vouloir vivre ensemble » en France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je me félicite donc que l’on mette en place un contrat d’accueil et d’intégration assorti de sanctions. Cela va dans le bon sens et je défendrai un amendement portant article additionnel après l’article 26 et visant à rendre ces sanctions effectives.

Mme Muguette Jacquaint. La laïcité ne respecte pas non plus toujours les femmes !

M. Jacques Myard. J’en arrive à la troisième obligation, celle du codéveloppement. Les socialistes sont comme les Anglais, qui parlent toujours d’honneur. Ils parlent du codéveloppement, mais c’est pour eux un mot sans contenu : sous le gouvernement Jospin, l’aide publique aux pays du tiers monde a baissé de plus de dix points.

M. Bernard Roman. C’est faux ! Vous dites n’importe quoi ! Vous êtes un manipulateur !

M. Jacques Myard. C’est exact, monsieur Roman. Relisez les statistiques et balayez devant votre porte !

J’avais sur cette question déposé un amendement qui est malheureusement tombé sous le coup de l’article 40. Il mettait en place un plan d’épargne retour, sur le modèle du plan d’épargne logement, afin de cofinancer des micro-entreprises. Je souhaiterais que le Gouvernement le reprenne et qu’on puisse en discuter, car il permettrait de créer des liens entre le Nord et le Sud. Il ne s’agit pas d’un retour forcé mais d’un retour économique formalisé par une sorte de contrat synallagmatique entre les deux bords de la Méditerranée.

M. le président. Monsieur Myard, veuillez conclure, s’il vous plaît.

M. Jacques Myard. J’en terminerai, pour répondre à ceux qui poussent des cris d’orfraie à propos des droits de l’homme et qui jouent la vertu offensée aux mains pleines, en citant un homme de gauche : « Les droits de l’homme, nous sommes tous pour, mais ce n’est pas une explication du monde. » Cette phrase est de Max Gallo.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de trois amendements, nos 155, 272 et 488, visant à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 155.

M. Noël Mamère. Nous avons déjà expliqué assez largement ce que nous pensions de l’article 4, mais je me dois de réagir à ce que vient de développer devant nous notre collègue Jacques Myard. Je voudrais lui rappeler qu’il n’y a pas de politique de codéveloppement dans notre pays. Les engagements qui avaient été pris par le Président de la République n’ont pas été tenus et le gouvernement qu’il soutient a réduit la part du développement dans le budget national.

M. Bernard Roman. Et très largement !

M. Noël Mamère. Regardons de plus près ce qu’est la politique de la France vis-à-vis des pays du Sud et en particulier de l’Afrique. Peut-on dire aujourd’hui que la France-Afrique a disparu, lorsque l’on voit le Président de la République saluer la victoire, dans les conditions que l’on sait, du fils du dictateur Eyadéma au Togo ?

M. Serge Blisko. L’assassin Eyadéma !

M. Noël Mamère. Peut-on parler d’une politique de codéveloppement lorsque l’on voit le même Président de la République saluer la victoire de M. Omar Bongo au Gabon, dans les conditions que l’on connaît, et que les armées françaises aident au Tchad un dictateur, M. Idriss Déby, qui s’impose par la force, la violence et les meurtres ?

Non, il n’y a pas de politique de codéveloppement dans ce pays, sinon celles menées par quelques régions, quelques communautés de communes et d’agglomération, ou par des immigrés qui vivent dans notre pays. Faut-il vous rappeler une nouvelle fois que les étrangers maliens qui vivent chez nous apportent trois fois plus à leur pays d’origine que l’aide de la France au Mali ?

Cessez donc, monsieur Myard, de dire que ce que vous proposez va dans le sens de ce que nous proposons. Non, vous soutenez un projet de loi qui va à l’encontre de la générosité ! Arrêtez de nous seriner les droits de l’homme…

M. Christian Vanneste. …et du citoyen, que vous ignorez dans les faits !

M. Noël Mamère. Oui, les droits de l’homme sont universels ; non, il n’y a pas de valeurs françaises, monsieur Vanneste : il n’y a, comme l’a souligné M. Braouezec, que des valeurs universelles ! Ce sont ces valeurs universelles de respect, de dignité humaine, confirmées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par la Convention européenne des droits de l’homme, qui doivent nous guider. Les droits de l’homme ne sont pas à géométrie variable selon l’alternance politique dans ce pays : ils sont inoxydables !

M. Christian Vanneste. Que faites-vous du préambule de la Constitution ?

M. Jacques Myard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard pour un rappel au règlement.

M. Jacques Myard. M. Mamère vient de nous fournir une belle illustration d’un interventionnisme désuet. Il y a eu des élections, dans les conditions que l’on sait, certes. Mais, si l’on suit sa logique, il aurait fallu intervenir au Togo et au Gabon !

Quant à l’aide au développement, vous pouvez plaider coupable si l’on en croit les chiffres. En effet, lorsque j’étais au cabinet du ministre de la coopération, il y a vingt ans, l’aide au développement se montait à 0,57 % du PIB. Lorsque M. Jospin a quitté ses fonctions de Premier ministre, nous étions redescendus à 0,32 % et nous sommes aujourd’hui remontés au-delà de 0,40 %.

Alors, mesdames et messieurs de gauche, balayez devant votre porte !

M. Bernard Roman. Mais le périmètre a changé !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray. M. Myard a parlé du fameux interventionnisme de la France. C’est vrai qu’il existe une divergence fondamentale entre nous. Elle est contenue dans les propos qu’a tenus le Président de la République, il y a quelques années, au cours d’une visite en Côte d’Ivoire. Il avait alors expliqué que le modèle démocratique n’était pas forcément un modèle universel, que les pays africains n’étaient pas forcément amenés à connaître le même modèle de développement que nous et qu’ils pouvaient se passer de la démocratie.

M. Serge Blisko. Quelle honte !

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai ! C’est une caricature ! C’est nul !

M. Julien Dray. C’est une déclaration qu’il a faite lors d’une visite à celui que l’on appelait « Papa Houphouët », à savoir Houphouët-Boigny, à l’époque Président de la Côte d’Ivoire. Rien d’étonnant à cela puisque la politique africaine de la France, dans la continuité du parti gaulliste, a toujours consisté à soutenir des régimes corrompus qui étaient en contradiction totale avec les valeurs de la démocratie. Or, sans démocratie, il n’y a pas de développement possible, car c’est la corruption généralisée !

M. Jacques Myard. N’importe quoi !

M. Julien Dray. C’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais mené une politique de co-développement. Tant que vous continuerez à soutenir des régimes dictatoriaux,…

M. Jacques Myard. Des mots ! Des mots !

M. Julien Dray. …les peuples d’Afrique continueront à souffrir, car l’aide au développement est détournée !

M. Jacques Myard. C’est le discours de Bush !

M. Julien Dray. Allez donc faire la guerre en Irak !

M. le président. Je vous en prie ! Un peu de calme !

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Après un long débat sur l’article 4, M. Mamère a défendu son amendement n° 155. Le Gouvernement souhaite que nous revenions à la discussion de cet amendement de suppression, et des deux suivants, qui sont identiques. Toutefois, avant d’en venir au fond, je voudrais apporter des réponses à certaines contrevérités qui ont été assenées, s’agissant notamment de l’aide publique au développement. Le Gouvernement ne peut pas laisser dire n’importe quoi dans cet hémicycle.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous avons des références précises. C’est en 1994 que l’aide publique au développement a été la plus forte avec 0,62 % du produit national brut…

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et en 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, qu’elle a été la plus basse avec seulement 0,31 %.

M. Jacques Myard. C’est exact !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. En 2005, elle représentait 0,47 % du PNB. Voilà quelle est la réalité des chiffres !

M. Bernard Roman. Le périmètre n’est pas le même, monsieur le ministre ! Vous le savez !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Par ailleurs, je voudrais revenir sur les propos particulièrement choquants que M. Mamère a tenus sur l’appel à la modération lancé par le ministre de l’intérieur aux imams durant la crise des banlieues, en novembre 2005. Selon lui, les jeunes n’auraient écouté ni l’appel du ministre de l’intérieur ni celui des imams.

M. Julien Dray. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je tiens à préciser les choses et à dire que le ministre d’État…

M. Julien Dray. Il était paniqué !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …s’adressait alors à tous ceux qui participent au respect du pacte républicain dans notre pays,…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non ! La religion relève de la sphère privée !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …les responsables religieux quels qu’ils soient, y compris les imams, les membres des associations, les responsables institutionnels et les élus locaux. Je veux d’ailleurs rendre hommage à tous ceux qui ont répondu à cet appel, parmi lesquels certains imams qui participent au pacte républicain et au respect des règles civiques de notre pays et ont lancé un appel aux familles dans les cités. Les Français attendaient fermeté et justice,…

M. Patrick Braouezec. Ils n’ont eu que la fermeté ! La justice, ils l’attendent encore !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et si les lois de la République l’ont emporté sur les lois des bandes, si nous sommes venus à bout de la crise des banlieues en novembre 2005, c’est aussi grâce à eux.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, je comprends très bien que vous tentiez de disculper le ministre de l’intérieur, puisque vous êtes son ministre délégué.

M. Jacques Myard. Vous êtes l’incarnation de la mauvaise foi !

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Noël Mamère. Mais quelle est la réalité ? Vous dites une contrevérité en prétendant que vous avez résolu le problème des banlieues. Vous n’avez rien résolu du tout ! Vous avez simplement déclaré l’état d’urgence, triste et douloureuse référence à la guerre d’Algérie. Mais, comme on le voit aujourd’hui reportage après reportage, déclaration après déclaration des jeunes qui vivent dans les banlieues, rien n’a changé ! Les mesures policières ont été renforcées et les humiliations se sont accrues, mais rien n’a été fait pour l’accompagnement social, pour ceux qui ont des difficultés scolaires. Vous êtes bien placé pour le savoir puisque votre gouvernement a réduit de manière drastique les subventions accordées aux associations qui permettent à des jeunes de familles en difficulté de rester accrochés à notre communauté de destin.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, serait-il possible de revenir à la discussion des amendements ?

M. Noël Mamère. Vous n’avez rien fait dans les banlieues. Cela n’est pas en posant le couvercle sur la marmite que l’on résout les problèmes ! Les braises couvent toujours dans les banlieues.

Par ailleurs, je pourrais citer certaines déclarations du ministre de l’intérieur qui confond les questions sociales et les questions religieuses. Je le répète : le ministre de l’intérieur de ce gouvernement est un apprenti sorcier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il a contribué à mettre le feu dans les banlieues en prononçant les mots que l’on sait et que je ne répèterai pas ici et il ouvre la porte au communautarisme en confessionnalisant les rapports sociaux. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter. C’est la raison pour laquelle je tenais à faire ce rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. On ne peut pas continuer comme ça ! Un rappel au règlement, cela obéit à des règles !

M. Julien Dray. M. le ministre a tenus certains propos qui nécessitent un rappel au règlement de ma part. Je comprends que vous soyez fatigué, monsieur le président de la commission, nous le sommes aussi, mais je vais répondre. Dans ces cas-là, il vaut d’ailleurs mieux ne pas s’énerver, car c’est une perte de temps supplémentaire !

Monsieur le ministre, la crise des banlieues n’est pas derrière nous.

M. Jacques Myard. Ça c’est vrai ! Personne n’a dit le contraire !

M. Julien Dray. Certes, les caméras se sont éloignées et cela ne fait plus la une de l’actualité, mais nous vivons encore cette crise tous les jours et, en ce moment, tous les soirs. Or, dans certaines cités, vous avez déserté le combat. Vous avez laissé les élus locaux et les associations se débrouiller seuls, en première ligne,…

M. Serge Blisko. Dans ces quartiers, il n’y a plus de services publics !

M. Julien Dray. …créant ainsi un véritable désarroi chez ceux qui combattent au quotidien. Nous attendons toujours les 100 millions d’euros que le Gouvernement avait promis pour réparer les dégâts des émeutes, et la reconquête du territoire qui avait été annoncée. Dans la plupart des cas, vous vous contentez de disposer des forces autour des cités et vous laissez la violence s’installer dans les quartiers. Pour ce qui est de la crise des banlieues, vous n’avez donc rien résolu. D’ailleurs, dans les mois à venir, lorsque se présenteront des échéances importantes, nous ferons le bilan de votre politique en matière de lutte contre l’insécurité et il sera désastreux, parce que la vérité c’est que vous avez sécurisé les beaux quartiers et délaissé les quartiers où s’exerce la violence. Vous avez abandonné les quartiers en difficulté ! Nous pouvons le démontrer. C’est un bilan d’échec total malgré les gesticulations médiatiques, qui, d’ailleurs, se font plus rares ces derniers temps, parce que chaque visite du ministre de l’intérieur provoque d’énormes tensions. Nous n’avons donc plus de telles visites, de la même manière d’ailleurs que nous n’assistons plus à ces formidables descentes des GIR qui devaient donner lieu à des coordinations exceptionnelles et à une lutte formidable !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dray !

M. Julien Dray. S’agissant de l’appel lancé par M. Sarkozy aux communautés religieuses, nous savons bien que, si le calme est revenu, c’est parce que les élus locaux et les associations ont fait le travail, pas parce que les imams ou quelque communauté religieuse sont montés en première ligne. C’est grâce à cette formidable solidarité qui s’est instaurée dans les communes entre les associations, les habitants des quartiers, que nous avons réussi à rattraper une situation désastreuse dont le point de départ était les déclarations du ministre de l’intérieur.

Ensuite, il va falloir débattre de la manière dont vous avez essayé d’organiser l’islam en France avec le Conseil des Français musulmans de France et du pacte secret que le ministre de l’intérieur a passé avec une organisation qui posait d’énormes problèmes par rapport au pacte laïque. Le bilan est encore une fois désastreux. Il est d’ailleurs aujourd’hui dénoncé par toute une série de responsables du Conseil des Français musulmans de France qui ont démissionné.

M. le président. Monsieur Dray, ce n’est pas le sujet !

M. Julien Dray. Comme vous voulez sous-traiter la gestion des problèmes aux communautés, vous êtes amenés à pactiser avec certaines associations qui ne comprennent pas bien la réalité du pacte républicain.

Je vais donner un dernier exemple de la vision communautariste qui est la vôtre. Dans un amendement, vous faites une énorme concession à ce communautarisme : vous voulez mettre en place un contrat d’intégration qui soit signé dans la langue compréhensible par celui qui le signe. Nous aurons donc un document officiel de la République qui justifiera le multilinguisme.

M. le président. Monsieur Dray, je vous demande de conclure !

M. Julien Dray. C’est révélateur de votre état d’esprit. Vous êtes bien dans une vision communautariste de la société. Je rappelle qu’au Canada, la formation à la langue est délivrée en amont, dans les consulats, et que le contrat est signé dans la langue du pays d’accueil !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 272.

M. Bernard Roman. Cet amendement vise à supprimer l’article 4. Revenons en quelques mots sur ce contrat d’accueil et d’intégration qui a été présenté dans un contexte erroné, sinon falsifié, notamment par M. Decocq. L’intention peut être louable et l’expression de la volonté d’une immigration maîtrisée compréhensible. Reste que ce contrat ne s’appliquera qu’à ceux qui solliciteront l’accueil dans notre pays, et non aux 200 000 à 400 000 immigrés illégaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, vous allez gonfler le nombre des clandestins puisque vous faites de ce contrat une condition de l’attribution d’un titre de séjour.

En outre, j’ai du mal à comprendre que l’on réintroduise dans un texte – en moins bien – ce contrat d’accueil et d’intégration qui existe ailleurs – en mieux. La loi de cohésion sociale de M. Borloo, que nous avons votée, crée et définit ce contrat en précisant les droits et les obligations des deux parties : de l’intéressé, d’une part, avec un contrat global et un contrat particulier, et de l’État, d’autre part, ce qui manque singulièrement dans votre projet de loi.

Les divisions au sein du Gouvernement sont-elles si importantes que M. Sarkozy ne puisse pas se satisfaire d’une mesure législative qui a été votée par presque toute l’Assemblée nationale et qui a mis en place un contrat d’accueil et d’intégration dans lequel, contrairement à celui que vous proposez, l’État assume des engagements précis ? En effet, dans le premier cas, il s’agit d’un vrai contrat entre les étrangers et un État, tous deux soumis à des droits et des obligations.

Les divisions gouvernementales contraignent-elles à créer un nouveau contrat, promis à devenir, dans l’arbitraire le plus total, une condition de renouvellement du titre de séjour, selon des critères dont nous ne pouvons débattre puisqu’ils seront définis par décret ? Ce n’est pas acceptable.

C’est pourquoi nous demandons, par l’amendement n° 272, la suppression de l’article 4.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 488.

M. Patrick Braouezec. Avant de défendre cet amendement de suppression, vous me permettrez de revenir un instant – ce que je n’ai pas voulu faire plus tôt pour ne pas ralentir le débat – sur ce que nos collègues de la majorité ont appelé la « révolte des banlieues ».

Ce qui s’est passé en octobre et en novembre, ainsi qu’à d’autres moments encore, et qui risque malheureusement de se répéter puisqu’aucun problème n’est réglé, n’est pas une crise des banlieues, mais la manifestation d’une crise beaucoup plus grave : une crise de l’État et des institutions, ainsi qu’une crise sociale profonde qui se manifeste là où ses conséquences sont les plus graves.

M. Franck Gilard. C’est une crise identitaire, qui résulte de notre politique d’immigration.

M. Patrick Braouezec. Ce ne sont pas les banlieues qui se sont enflammées, mais les quartiers populaires. Au cours d’un débat récent, nous avons, Étienne Pinte et moi-même, comparé nos deux villes. Nous nous sommes aperçus que plus de choses avaient brûlé à Versailles qu’à Saint-Denis. Ce ne sont donc pas les banlieues qui s’enflamment, mais les quartiers populaires des villes dont la population est en souffrance. En parlant de crise des banlieues, on feint de croire que c’est à cause d’elles que notre société va mal, alors que c’est le contraire. Autant dire que l’on prend les causes pour les conséquences.

J’en viens à l’article 4, dont nous demandons la suppression. Tout d’abord, comme les deux orateurs précédents l’ont rappelé, cet article est très flou. On ignore en effet le contenu du contrat qui sera passé entre une personne étrangère arrivant sur notre territoire et l’État. On n’en connaît d’autant moins les conséquences que celles-ci sont assujetties à un décret d’application. En outre, je suis surpris, monsieur le ministre, que nul n’ait fait valoir que cette mesure risquait de tomber sous le coup de l’article 40.

M. Jérôme Rivière. Voilà une nouvelle manière de concevoir l’article 40 !

M. Claude Goasguen. Le Gouvernement ne se l’applique pas à lui-même, monsieur Braouezec !

M. Patrick Braouezec. Autant que je sache, toutes ces mesures auront un coût – ou alors, elles ne sont qu’habillage et poudre aux yeux. La formation dont nous parlons aura un coût. Qui couvrira ces dépenses ? Voilà pourquoi je parle de l’article 40.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est une très bonne question.

M. Patrick Braouezec. Merci, monsieur le ministre. Je vois que vous la comprenez mieux que certains députés de la majorité, qui, depuis que nous en discutons, ne comprennent rien à ce texte de loi.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Moi, je vous écoute, monsieur Braouezec.

M. Claude Goasguen. L’article 40 ne peut pas être invoqué ici ! (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Revenez à votre amendement, monsieur Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Pour terminer, si ces messieurs de la majorité, qui vocifèrent, veulent bien me laisser parler…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il y a aussi des femmes qui siègent !

M. Patrick Braouezec. Elles ne vocifèrent pas, elles. C’est ce qui fait toute la différence entre un homme de droite et une femme de droite.

M. Jacques Myard. Sexiste !

M. Claude Goasguen. C’est tout simplement que les femmes de droite ne vous écoutent pas ! (Sourires.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’aimerais savoir comment seront financées les mesures prévues à l’article 4 et quel sera le contenu du décret, qui, pour l’instant, reste dans le flou. Enfin, pour revenir à l’essentiel, je rappelle que les sanctions sont inappropriées : on ne peut assujettir l’obtention d’un titre de séjour à la réussite à un concours ou à un examen validant un apprentissage. Il n’y a pas de commune mesure entre l’une et l’autre, même si, sur le fond, la proposition est bonne.

Faisons en sorte que tout le monde puisse disposer d’une formation civique et linguistique qui le rende indépendant et libre. Mais n’y assujettissons pas l’obtention d’un titre de séjour.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Julien Dray. Répondez sur la question de la langue !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vais vous répondre.

Il s’agit d’un des articles clés du projet de loi, ce qui explique pourquoi nous en discutons depuis près d’une heure. Je rappelle le titre du texte : Immigration et intégration. L’article 4 est justement une des bases du lien que nous voulons créer désormais entre ces deux notions. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

D’où venons-nous ? Je rappelle que, avant 2003, il n’y avait aucun texte en matière d’intégration. Je ne fais de procès à personne, puisque nous en sommes tous responsables, gauche et droite confondues, mais Nicolas Sarkozy l’a rappelé avant-hier en séance : ces questions relevaient alors de la politique de la ville. On refaisait les façades. On soutenait les associations de quartiers. On arrangeait les stades. Mais on ne s’occupait pas individuellement des personnes.

La loi de novembre 2003 que nous avons votée a créé le contrat d’accueil et d’intégration. Certains pensent qu’il est prématuré d’envisager une autre étape. Nous disposons cependant d’un bilan d’action, puisque le contrat d’accueil et d’intégration a été mis en place il y a deux ans.

Pour répondre aux questions qui m’ont été posées, je signale que, en juin prochain, il ne restera à régler, à cet égard, que le cas de la Haute-Corse et de la Corse du Sud, ce qui concerne 400 bénéficiaires potentiels dans le premier cas et 300 dans le second. Notre collègue Alain Marsaud a également appelé mon attention sur la région Limousin, qui n’est pas la plus touchée par ces problèmes, puisqu’on n’y compte que 750 bénéficiaires potentiels. Reste le cas des DOM. À ces exceptions près, en juin, les plateformes de mise en place des contrats d’accueil et d’intégration seront présentes sur quasiment tout le territoire.

Quand on fait le bilan de ces contrats, on constate qu’il s’agit a priori d’un grand succès. Plus de 90 % des immigrants les signent.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout le monde a compris qu’il s’agissait d’une formalité sympathique.

Que proposons-nous aujourd’hui ? De transformer une formalité nécessaire en une ardente obligation. C’est important tant pour la collectivité nationale que pour l’immigré. M. Braouezec l’a reconnu lui-même : la maîtrise de la langue apporte une forme de liberté.

M. Patrick Braouezec. Bien sûr !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Certes, cette modification n’ira pas sans contrainte. M. Lambert a indiqué qu’il ne peut pas y avoir de cours de français dans chaque village de sa circonscription, pas plus qu’ailleurs, du reste. Les personnes concernées devront prendre leur mobylette pour se rendre au chef-lieu de canton, comme elles le font, je le sais, dans ma circonscription du Vaucluse. Mais cela vaut la peine de consentir un effort pendant quelques mois pour apprendre la langue.

M. Jacques Myard. Et pour sortir du ghetto !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Loin de moi l’idée de polémiquer sur les émeutes de novembre dernier, mais je pense que, si l’on avait intégré la première génération d’émigrés, la deuxième et la troisième, qui sont, nous le savons tous, composées de Français, n’auraient pas causé les problèmes que nous avons connus.

M. Patrick Braouezec. En l’espèce, il ne s’agit pas d’un problème d’intégration !

M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Vanneste l’a rappelé : l’article 4 du projet de loi crée un contrat instituant des obligations de part et d’autre. Les amendements qui vont venir en discussion proposent d’établir un suivi pour que chacun puisse s’approprier notre langue.

Quant au fameux DILF, le diplôme initial de langue française, qui va être exigé, et sur lequel M. Dray m’a interrogé,…

M. Julien Dray. Non, ce n’est pas ce que je vous ai demandé.

M. Thierry Mariani, rapporteur. …il ne s’agit pas d’une agrégation de grammaire ! Les compétences exigées à l’oral consistent simplement à comprendre une annonce publique, une indication simple, des instructions simples, une information chiffrée, ainsi que l’heure, ou à demander ou donner un prix, à présenter des personnes, à décrire des lieux, à exprimer un besoin, à indiquer la nature d’un problème de santé et à demander un rendez-vous. À l’écrit, il s’agira d’identifier la signalétique, de comprendre des instructions simples, des informations de base ou des informations chiffrées, de recopier une adresse ou un numéro de téléphone, de noter un numéro, un prix ou une date et de compléter un formulaire ou de laisser un message simple.

Voilà ce qu’on exigera pour l’obtention du DILF. Comme l’indique le formulaire qui le présente : « Avec la langue que l’on s’approprie, c’est la culture et les valeurs citoyennes du pays d’accueil que l’on fait siennes. » C’est aussi une certaine liberté que l’on acquiert. Il ne s’agit pas de demander aux immigrés un diplôme de très haut niveau, mais seulement une base.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Braouezec, vous nous reprochez d’instaurer une sanction disproportionnée en refusant un titre de séjour à quelqu’un qui n’apprend pas notre langue. Mais ce n’est pas créer une sanction que de refuser un titre de résident de longue durée à une personne. Celle-ci aura encore cinq ans pour apprendre à demander l’heure, à noter un prix et à comprendre une question. Ce laps de temps devrait être largement suffisant.

M. Jérôme Rivière. Les personnes concernées prouveront ainsi leur volonté d’intégration.

M. Jacques Myard. Sinon, qu’elles s’en aillent !

M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Roman craint que cette mesure ne crée une nouvelle condition nécessaire à la légalisation des illégaux. Peut-être la loi va-t-elle changer sur ce point. Nous y reviendrons. Mais, après dix ans de présence sur le territoire, les résidents illégaux devraient normalement remplir depuis longtemps les conditions du DILF et se débrouiller en français.

Enfin, il est un point sur lequel je suis en total désaccord avec M. Blisko, auquel je le dis très cordialement, et sur lequel je partage l’opinion de M. Lagarde. Nous avons prévu une exception pour les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans. Nous y reviendrons.

Mme Muguette Jacquaint. Tout de même !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mais, pour la mère de famille qui élève quatre enfants, le DILF me paraît indispensable, ne serait-ce que pour qu’elle puisse suivre leurs études ou remplir les formalités d’orientation. Dans son cas, même si le diplôme est difficile à obtenir, c’est lui rendre service et aider à l’intégration de ses enfants que de la pousser à apprendre le français.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est absolument nécessaire !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pardon d’avoir été un peu long. Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis négatif sur ces trois amendements de suppression de l’article 4.

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous sommes au cœur du dispositif instauré par ce texte. Le rapporteur l’a rappelé : longtemps, les politiques d’intégration de notre pays n’ont visé qu’à apporter des réponses aux problèmes matériels. Elles consistaient à prévoir des équipements publics – sportifs, culturels ou sociaux – ou à aider le tissu associatif. Autant de bonnes intentions relayées grâce aux moyens consacrés aux aides et à l’accompagnement social au cours des vingt dernières années.

Aujourd’hui, il s’agit de prendre enfin en considération la place des étrangers dans notre pays pour leur donner toute leur dignité et leur assurer une parfaite intégration. C’est la première fois, mesdames et messieurs les députés, qu’est présenté devant le Parlement un texte associant des dispositions relatives à l’immigration à une vraie politique d’intégration.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cela ne s’était jamais vu. L’opposition est hostile au contrat d’accueil et d’intégration, puisque les trois amendements en discussion proposent sa suppression. Dont acte. Il se trouve que nous le jugeons nécessaire, parce qu’il ne peut pas y avoir d’immigration durable, acceptée par les Français et bénéfique aux migrants, sans intégration réussie.

Pour réussir l’intégration, la première à chose à faire est de construire un véritable parcours d’intégration cohérent, assorti d’outils adaptés. Or j’ai le sentiment que nous ne nous sommes pas compris, car la manière dont vous avez défendu vos amendements laisse penser que vous confondez le point de départ et le point d’arrivée.

Encore une fois, il s’agit de proposer un véritable parcours d’intégration.

M. Julien Dray. Un parcours du combattant !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’étranger admis pour la première fois au séjour en France – c’est-à-dire celui qui vient de recevoir sa carte de séjour temporaire d’un an – signera un contrat comportant des engagements mutuels. Certes, monsieur Roman, un tel contrat existe déjà, mais il était jusqu’à présent symbolique et facultatif. Le projet de loi le rend obligatoire sans le modifier, même s’il apporte quelques précisions.

Dans le cadre de ce contrat, l’État s’engage à assurer au migrant une formation linguistique, à l’orienter dans ses démarches pour obtenir un emploi et à l’aider à s’adapter à la société française. Quant au migrant, il s’engage vis-à-vis de la société qui l’accueille à apprendre la langue française et à respecter les lois et les valeurs de la République. M. Braouezec a indiqué tout à l’heure qu’il ne pouvait pas admettre que l’on exige une adhésion aux valeurs de la France.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jérôme Lambert. Il a demandé quelles étaient ces valeurs : ce n’est pas la même chose !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Permettez-moi de dire dans cet hémicycle qu’il est essentiel que les lois et les valeurs de la République soient respectées, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. C’est une valeur universelle !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Lagarde s’est interrogé sur la date de parution et sur le contenu du décret d’application. En ce qui concerne son contenu, celui-ci est largement précisé par les dispositions du projet de loi et il le sera encore par des amendements, car nous voulons que le Parlement lui-même apporte le plus de précisions possible dans la loi avant que le décret ne soit publié. J’ajoute que, le moment venu, la commission des lois sera consultée sur les mesures visant à compléter les dispositions législatives.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Si, à cette occasion, vous proposez que l’on recueille l’avis des maires, monsieur Lagarde, je n’y verrai que des avantages.

Enfin, je prends l’engagement, au nom du ministre d’État, que le décret d’application sera pris dès début septembre. Le calendrier est donc fixé.

M. Julien Dray. Mais ce ne sera plus le même ministre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je veux dire à MM. Mamère, Braouezec et Roman que ce contrat n’est pas que du papier, car nous y consacrons des moyens. Je suis d’ailleurs surpris que M. Braouezec ait évoqué l’article 40 de la Constitution à ce propos, car le parlementaire très expérimenté qu’il est sait parfaitement que cet article concerne uniquement les amendements d’origine parlementaire. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Il s’est pris les pieds dans le tapis idéologique !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Or, en l’occurrence, il s’agit d’une disposition du texte proposé par le Gouvernement. L’article 40 ne s’applique donc pas.

Mme Jacqueline Fraysse. La mesure a tout de même un coût !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je précise en outre – puisque M. Mamère estimait que cette mesure était un alibi et qu’elle était dépourvue de moyens –…

M. Julien Dray. C’est la vérité. De toute façon, vous ne serez bientôt plus là !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. … que le Gouvernement a consacré au contrat d’accueil et d’intégration sous sa forme actuelle 30 millions d’euros en 2004, 49 millions en 2005…

M. Julien Dray. On ne les a jamais vus !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. … et que 51 millions d’euros ont été inscrits en faveur du contrat dans la loi de finances pour 2006. Compte tenu de cette montée en charge évidente, il me paraît difficile de qualifier cette mesure d’alibi.

Comme tout contrat, le contrat d’accueil et d’intégration devra être respecté. Lorsque l’étranger, après cinq ans de séjour en France, demandera à obtenir une carte de résident de dix ans, il devra désormais prouver – c’est tout de même la moindre des choses – qu’il est capable de s’intégrer.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est normal !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est à cette occasion que le respect du contrat sera apprécié.

J’ai le sentiment que vous ne voulez pas de ce parcours d’intégration.

M. Jacques Myard. Il les gêne !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je me contenterai de relever deux arguments qui figurent dans l’exposé sommaire des trois amendements de suppression.

Premier argument : le contrat d’accueil et d’intégration existant déjà, il ne serait pas nécessaire de l’améliorer. Nous pensons le contraire. Vous estimez également qu’il ne devrait pas être rendu obligatoire, au motif qu’une telle obligation administrative serait humiliante pour l’étranger et contre-performante pour la France. Est-ce humiliant de suivre des cours de français quand on ne parle pas notre langue ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Au contraire !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Est-ce humiliant de suivre des cours de présentation de nos institutions ?

M. Julien Dray. Cela nous fait peur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est ce que pense le parti socialiste, et il faut que les Français le sachent !

M. Julien Dray. Je vis en banlieue, moi, pas sur la Riviera !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Second argument : le contrat d’accueil et d’intégration serait, selon le parti socialiste, un outil de « tri sélectif ». Là, je suis effrayé !

M. Christian Vanneste. C’est l’inconscient qui se réveille !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Permettez-moi de vous dire que je suis particulièrement choqué que vous utilisiez des arguments que l’on a souvent entendus dans la bouche de M. Le Pen !

La France, je le dis très clairement, n’est pas une terre en jachère. Si l’on décide de venir dans notre pays et d’y demeurer, on respecte ses règles, son histoire, sa culture, ses traditions. On accepte de figurer à visage découvert sur une photo d’identité et l’on accepte que son épouse puisse être soignée par n’importe quel médecin, car telles sont les règles de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est pourquoi nous proposons un contrat d’accueil et d’intégration. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voterai contre les amendements de suppression.

Le débat me paraissait intéressant, mais il a dérivé, mettant cependant en lumière un problème important, celui du co-développement, sur lequel je souhaite revenir quelques instants. L’absence de développement, la misère dramatique des populations qui vivent dans des pays relativement proches des nôtres est la première cause de l’immigration. L’immigré est victime de cette misère. Or, comme le disait M. Mamère, depuis la décolonisation, la France n’a jamais mené de politique de développement en direction de ces pays. Certes, les crédits de l’aide au développement ont augmenté, mais nul ne sait où va cet argent.

M. Jacques Myard. Oh !

M. Jean-Christophe Lagarde. Les réactions de M. Myard étaient sans doute beaucoup moins vives lorsque François Mitterrand était Président de la République. Malgré les discours que celui-ci a tenus sur la démocratie, l’Afrique n’a guère progressé dans cette voie.

M. Jacques Myard. Allez donner des leçons ailleurs !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il serait souhaitable que nous ayons l’intelligence d’autres pays tels que les États-Unis, qui, lorsqu’ils se sont aperçus qu’il n’était pas efficace d’entretenir des dictatures en Amérique latine, ont préféré favoriser la mutation démocratique. Je ne crois pas que, sous le règne de François Mitterrand – je ne dis pas : du parti socialiste – ou sous le règne actuel, on ait accompli de réels progrès dans ce domaine. Ce serait pourtant nécessaire, car nous aurions peut-être moins besoin de légiférer si l’on pouvait vivre plus heureux en Afrique notamment.

J’en viens au débat sur le contrat d’accueil et d’intégration. Selon M. Braouezec, j’aurais soutenu l’idée selon laquelle des personnes ne parlant toujours pas français après quarante de présence sur notre sol étaient pourtant parfaitement intégrées. Elles le sont peut-être au sens du respect de la vie collective,…

M. Patrick Braouezec. Et de leur apport à la société !

M. Jean-Christophe Lagarde. … mais elles ne peuvent pas être autonomes. Or, l’autonomie est le but même de l’intégration – il est d’ailleurs anormal que l’on ne s’en soit pas soucié plus tôt, pour les Portugais ou les Italiens par exemple. J’ajoute que cet impératif d’autonomie vaut aussi et peut-être surtout pour les femmes issues d’une immigration récente.

Par ailleurs, M. Mamère et M. Braouezec ont évoqué l’absence de valeurs françaises. Je crois au contraire que si la France a toujours prétendu à l’universalité, elle n’est pas parvenue à transmettre au monde toutes ses valeurs. Je pense notamment à la laïcité (« Ce n’est pas une valeur française ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui n’est pas une valeur universelle puisqu’elle n’est pas reconnue dans la plupart des pays qui nous entourent, notamment au sein de l’Union européenne. Il s’agit d’une valeur spécifiquement française, que certains pays n’accepteraient pas de se voir imposer.

M. Patrick Braouezec. La France n’est tout de même pas le seul État laïque !

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, comment accepter que le non-respect d’un contrat ne puisse pas être sanctionné ? Par nature, un contrat est un accord entre deux parties et, si l’une d’entre elles ne le respecte pas, ce manquement doit pouvoir emporter des conséquences. De même, monsieur Roman, que tout le monde se jettera sur le titre de séjour « étudiant » si l’on supprime un certain nombre de possibilités d’obtenir un autre titre de séjour, personne ne fera l’effort de respecter ses engagements si aucune sanction n’est prévue.

Ce contrat est une chance. Bien entendu, il faudra étudier la manière dont la mesure est appliquée, et c’est pourquoi je propose qu’une commission soit chargée de l’évaluer dans cinq ans. Mais, en l’absence de sanctions, même la personne qui vit des difficultés sociales importantes ne fera pas l’effort de respecter ses engagements. Or, il est nécessaire, pour elle comme pour nous, qu’elle le fasse.

M. le président. Mes chers collègues, je ne doute pas de l’importance de cet article, qui est au cœur du projet de loi. Néanmoins, sept ou huit orateurs sont inscrits pour répondre à la commission et au Gouvernement. Pour éviter de devoir appliquer la règle selon laquelle seuls deux orateurs – un pour et un contre – s’expriment sur chaque amendement, je vous demanderai à tous de faire un effort de concision. Je souhaite que le débat ait lieu, mais ne m’obligez pas à appliquer le règlement de façon drastique.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Sur l’article 4, nous sommes presque à fronts renversés, car s’il est des députés qui ne devraient pas être hostiles à ce contrat, ce sont bien ceux de l’opposition !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !

M. Claude Goasguen. Lorsque la première vague d’immigration s’est installée en France dans les années cinquante et soixante, le système libéral de l’époque – le même que celui actuellement en vigueur aux États-Unis, où il pose d’ailleurs problème, comme on l’a vu avec les immigrants de langue espagnole – n’a fait qu’enregistrer les travailleurs sans leur donner la moindre source d’information, le moindre élément d’intégration, et ceux-ci se sont parfaitement comportés.

Les problèmes n’ont commencé qu’avec la deuxième génération, lorsque les enfants des premiers immigrants, confrontés à des problèmes liés à leur nationalité, se sont trouvés face à des parents eux-mêmes dépourvus de toute formation initiale. Comment des partis de gauche peuvent-ils oublier l’éducation populaire et la scolarité obligatoire et en venir à considérer que la formation est susceptible de constituer un handicap ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Jaurès doit se retourner dans sa tombe !

M. Claude Goasguen. Avec ce genre de raisonnement, on n’aurait jamais institué l’école obligatoire. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Heureusement que nous sommes les hussards de la République !

M. Claude Goasguen. C’est la même philosophie qui est la base du contrat d’intégration, qui se fonde sur la formation aux valeurs de la République et à la langue, et des principes ayant conduit – par l’intermédiaire des partis qui sont aujourd’hui les vôtres – à l’éducation obligatoire.

M. Jacques Myard. Ils se sont « mamérisés » !

M. Claude Goasguen. Comment la gauche peut-elle ainsi rejoindre les positions des ultralibéraux américains ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse. Arrêtez ces caricatures !

M. Claude Goasguen. Le problème majeur qui se pose aujourd’hui aux États-Unis vient du fait qu’il y a là-bas douze millions d’immigrés hispanophones qui ne parlent pas l’anglais.

M. Patrick Braouezec. Ce sont les limites de l’ultralibéralisme !

M. Claude Goasguen. Aujourd’hui, les Américains se rendent compte qu’ils auraient peut-être dû faire un effort en matière de formation et d’intégration, plutôt que de jouer la carte communautaire, qui, elle, n’impose pas le contrat d’intégration.

Franchement, je crois que nous avons là un très bon article,…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait ! C’est le meilleur !

M. Claude Goasguen. …un article républicain, qui constitue un grand progrès.

Lorsque la question s’est posée avec la loi Chevènement, monsieur Dray, le gouvernement de gauche avait jugé que les documents officiels devaient être rédigés en plusieurs langues. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai participé aux débats d’alors et je me souviens très bien de votre position. Permettez-moi donc de sourire quand vous venez nous dire que la signature du contrat par les immigrants ne peut se faire qu’à la condition que ceux-ci maîtrisent la langue de leur pays d’accueil ! Vous ne pouvez pas refuser de voter cet article, à moins de renier ce que vous représentez, ou souhaitez représenter,…

M. Julien Dray. Mais c’est un contrat !

M. Claude Goasguen. …et, dans ces conditions, votre amendement de suppression me paraît tout à fait incongru. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. En réponse à une interrogation que j’avais exprimée, notre rapporteur Thierry Mariani a indiqué qu’il ne voyait pas de difficulté à ce que les immigrés vivant en zone rurale aient à se rendre jusqu’à leur chef-lieu de canton pour participer à des actions de formation linguistique et civique.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et alors ?

M. Jérôme Lambert. Si l’on admet ce principe, il faut en tirer une conclusion : cette loi, pour être applicable, nécessitera un centre de formation par canton. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans ces conditions, on peut douter de sa mise en place effective.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est incroyable !

M. Jérôme Lambert. Oui à l’intégration et à la formation, mes chers collègues, mais non à l’arbitraire d’une sanction administrative !

Mme Marie-Jo Zimmermann. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Franck Gilard. Écoutons ce que le fondateur de SOS Racisme a à nous dire !

M. Julien Dray. Nous avons en effet déjà eu ce débat en ce qui concerne les formulaires administratifs, qui peuvent très bien être rédigés en plusieurs langues, mais nous ne sommes pas dans le même cas de figure puisqu’il s’agit selon vous, avec ce contrat, d’un acte fondateur d’intégration : or, un contrat républicain doit être écrit dans la langue de la République, et ce n’est pas ce que vous proposez.

M. Jacques Myard. Mais c’est au début ! C’est pour les primo-arrivants !

M. Julien Dray. Ce que je vous demande, c’est d’assumer le fait que vous avez choisi d’abandonner le modèle républicain qui est le nôtre pour basculer dans le modèle communautariste. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) M. Sarkozy l’assume, et c’est son droit. Mais si vous voulez faire comme lui, dites-le, que les choses soient claires ! (Mêmes mouvements.)

Lors des débats de 1998, j’avais évoqué dans un amendement la nécessité d’instituer un acte symbolique, fondateur, d’adhésion à la communauté républicaine.

M. Claude Goasguen. C’est très bien, je suis d’accord avec cela !

M. Julien Dray. J’avais proposé qu’ait lieu tous les ans, le 14 juillet, une cérémonie qui ne soit pas uniquement destinée aux populations d’origine étrangère, mais ouverte à toute la communauté nationale,…

M. Claude Goasguen. À tout le monde, absolument !

M. Jacques Myard. On y aurait chanté la Marseillaise ?

M. Julien Dray. …c’est-à-dire à la fois aux jeunes accédant à la majorité citoyenne et à ceux qui, naturalisés dans l’année, intègrent la communauté française. Cette cérémonie aurait constitué un acte symbolique, fondateur, de l’adhésion ou de la participation à la communauté républicaine. Cette proposition a été repoussée des deux côtés de l’hémicycle…

M. Claude Goasguen. Moi, je l’avais votée !

M. Julien Dray. …au motif que certains y voyaient une humiliante « génuflexion devant la République ». Mais nous n’étions pas, à ce moment-là, dans une logique de tri (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) puisque cet amendement visait justement à mettre tout le monde sur le même plan dans une démarche collective, ce qui n’est pas le cas de ce que vous proposez aujourd’hui.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas incompatible !

M. Julien Dray. Enfin, si vous aviez vraiment la volonté de préparer à l’intégration dans le cadre d’une démarche contractuelle, vous auriez organisé la formation à la langue, aux lois et aux fondamentaux de la République dans le cadre des consulats.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et qui paye ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas aux consulats de le faire !

M. Julien Dray. Madame, évitez de m’interrompre, alors que vous venez d’arriver !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est extraordinaire ! J’étais là avant vous !

M. Julien Dray. Si vous l’aviez fait, disais-je, nous aurions pu voir dans votre proposition une démarche positive. Au lieu de cela, il est simplement prévu de mettre en place une sorte de séance de rattrapage pour les immigrés se trouvant déjà sur le territoire.

M. Patrick Delnatte. Vous faites référence au système hollandais !

M. Julien Dray. En fait – et je prends date –, ce contrat ne sera pas appliqué. Cela ne marchera pas.

M. Claude Goasguen. Vous voulez rallonger le délai de délivrance des visas !

M. Julien Dray. Vous avez besoin d’afficher cette mesure pour masquer l’échec de votre politique d’intégration,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. De la vôtre !

M. Julien Dray. …et vous irez pour cela sur les plateaux de télévision en essayant de faire passer votre contrat d’intégration pour un acte fondateur. La vérité, c’est que vous n’avez rien fait lors des années qui viennent de s’écouler ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et vous ?

M. Julien Dray. Vous avez communautarisé, ghettoïsé…

M. Jacques Myard. C’est vous ! C’est la gauche caviar !

M. Julien Dray. …et vous cherchez maintenant à vous rassurer avec ce contrat.

En toute logique, au bout de cinq ans, vous ferez passer une sorte d’examen…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et alors ?

M. Julien Dray. …pour déterminer si la personne est bien intégrée ou pas. Et comme vous n’aurez aucun moyen de le vérifier, cela donnera lieu à nouveau à des décisions arbitraires, qui auront pour effet de provoquer une immigration clandestine.

En résumé, voilà la réalité de votre projet : échec et production d’immigrés clandestins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen. Vous ne croyez pas que vous forcez un peu le trait ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne pense pas qu’une espèce d’allégeance un peu cérémonieuse à la République comme celle que nous propose M. Dray soit vraiment souhaitable, mais il faut reconnaître qu’elle présenterait au moins l’avantage de mettre tout le monde sur un pied d’égalité – contrairement au système proposé par le Gouvernement, qui présente un caractère discriminatoire – et qu’elle mériterait à ce titre d’être étudiée.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je crois qu’il convient de faire attention à certains propos. Je suis tout à fait d’accord avec vous quand vous affirmez que toute personne vivant sur le territoire français doit accepter les valeurs et les principes de notre République. Je ne le suis plus, en revanche, quand vous venez à évoquer les traditions françaises, auxquelles, selon moi, les personnes étrangères ne sont pas obligées d’adhérer.

M. Claude Goasguen. Le Front populaire, c’est une tradition !

M. Patrick Braouezec. D’ailleurs, à quelles traditions françaises faites-vous référence ? D’une région à l’autre, les traditions ne sont pas les mêmes. Les traditions basques, bretonnes, alsaciennes, ou celles de votre beau pays, monsieur le ministre, sont toutes différentes. Et l’étranger devrait s’adapter à ces traditions, passer du fest-noz au gâteau landais ?

M. Claude Goasguen. Ah ! ce ne serait pas mal !

M. Patrick Braouezec. Soyons sérieux ! Si je dis cela, c’est parce qu’on sent bien que des dérapages sont possibles.

M. Christian Vanneste. C’est seulement dans votre esprit qu’il y a des dérapages !

M. Patrick Braouezec. On parle d’abord des valeurs, des principes de notre République, et finalement on demande non plus une intégration, mais une assimilation. Ce sont deux notions tout à fait différentes.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quelle incroyable mauvaise foi !

M. Patrick Braouezec. Je pense que deux philosophies s’affrontent dans cet hémicycle :…

Mme Marie-Jo Zimmermann. La bonne et la mauvaise !

M. Patrick Braouezec. …l’une selon laquelle on doit faire confiance – sans angélisme – aux hommes ; l’autre qui consiste à ne pas leur faire confiance et à toujours agir comme s’ils étaient suspects a priori.

M. Louis Guédon. Voyez Jean-Jacques Rousseau ! Il a fait ses preuves !

M. Patrick Braouezec. M. Lagarde disait tout à l’heure qu’il faut obliger les personnes à apprendre. Mais elles ont spontanément envie d’apprendre si on les met dans de bonnes conditions pour cela !

M. Claude Goasguen. Bien sûr ! Et c’est ce que nous faisons !

M. Patrick Braouezec. Les conditions dans lesquelles la formation civique et linguistique sera donnée restent très floues. Le sera-t-elle sur le temps de travail, donc soumise au bon vouloir de l’employeur ? Si elle a lieu en dehors du temps de travail, comment la mère de famille nombreuse fera-t-elle pour la suivre ?

Je m’étonne que sur les bancs de droite on se soit réclamé de Rousseau par deux fois au moins – par la bouche de M. Vanneste et celle de M. Myard – car le premier principe de ce philosophe n’est-il pas le suivant : l’homme est naturellement bon, c’est la société qui le rend mauvais ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. Relisez Rousseau ! Manifestement, vous le connaissez mal ! C’est précisément le contrat social qui fonde la bonne société !

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je ne suis pas d’accord avec M. Dray en ce qui concerne la traduction des contrats d’intégration. À l’Office français des réfugiés et des apatrides, où je représente l'Assemblée nationale, les migrants qui demandent le droit d’asile disposent de traducteurs afin de les aider à exposer leur situation, que ce soit devant l’OFPRA ou devant la commission de recours. Aujourd’hui, même si c’est regrettable, on ne peut que traduire ces contrats dans la langue d’origine des immigrants, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté dans l’engagement que prendra l’étranger qui sera admis sur le territoire national.

En revanche, et je suis d’accord avec M. Dray sur ce point, il faudrait disposer d’un système comparable à celui du Canada, où les démarches ont lieu en amont, dans les consulats : dans quatre-vingt-dix États à travers le monde, des administrations dépendant des consulats du pays d’accueil interrogent les étrangers candidats. Le contrat d’intégration est ainsi conclu non pas à l’arrivée, mais au départ.

Sans compter qu’au Canada, les intéressés doivent faire face à une difficulté supplémentaire, celle de devoir apprendre deux langues : non seulement l’anglais, mais aussi le français !

Donc la traduction du contrat est une bonne chose dans le système actuel. Mais il serait préférable – et j’interpelle là le Gouvernement – que les CAI soient organisés en amont, c’est-à-dire dans le pays d’origine, et non pas à l’arrivée sur notre territoire.

S’agissant du financement de l’apprentissage des langues, je ne sais pas comment vous faites dans vos communes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Dans la mienne, cela fait dix ans que j’ai mis en place des ateliers d’appréhension des langues étrangères.

M. Patrick Braouezec. Nous ne vous avons pas attendu pour y penser !

M. Étienne Pinte. Des centaines d’hommes et de femmes, de quarante-cinq nationalités différentes, viennent dans ces ateliers qui fonctionnent quotidiennement. Cela n’a rien d’humiliant. Nous avons même été plus loin pour les plus âgés en prévoyant des ateliers d’écriture et de lecture. Lors d’une visite récente dans l’un de ces centres, j’ai ainsi rencontré une Algérienne de soixante ans que je connais depuis longtemps et qui parle français aussi bien que moi mais qui ne sait pas l’écrire.

M. Patrick Braouezec. C’est le problème que nous avons soulevé !

M. Étienne Pinte. S’agissant par ailleurs de codéveloppement et de démocratie, lorsque le Président de la République s’est rendu en Côte d’Ivoire, voilà quelques années, il n’a pas parlé d’incompatibilité. Il a seulement fait observer que les niveaux de développement en matière démocratique ne pouvaient pas être comparables au nôtre et que l’évolution serait progressive. Il ne saurait donc être question, sous peine de ne rien faire en matière de codéveloppement, d’attendre qu’un niveau comparable au nôtre soit atteint.

Comme moi, vous devez être nombreux, d’ailleurs, à avoir défini des programmes de codéveloppement avec un certain nombre de pays africains.

M. Patrick Braouezec. Programmes qu’on a élaborés avec la population concernée !

M. Étienne Pinte. Bien sûr ! Pour notre part, nous n’avons pas attendu par exemple que le Mali atteigne un niveau démocratique semblable au nôtre pour faire du codéveloppement intercommunal.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Nous sommes d’accord sur la formation, notamment linguistique, et sur le principe du contrat, à condition que celui-ci soit équilibré. Nous refusons cependant que le contrat fixe des conditions pour la délivrance ultérieure des titres de séjour et ouvre ainsi la porte à l’arbitraire.

À cet égard, l’utilisation de la langue peut être redoutable. Tous les enseignants savent en effet que cette dernière est un outil de tri sélectif extrêmement efficace au cours de la scolarité et qui, ensuite, structure en partie la société. C’est d’abord vrai pour les Français eux-mêmes. Rappelons-le, on estime à 20 % le pourcentage de Français illettrés, c’est-à-dire rencontrant des difficultés pour se débrouiller notamment à l’écrit, y compris avec les documents administratifs. On va donc demander aux immigrés beaucoup plus que ce qu’on est capable d’obtenir des Français. En tout état de cause, on ne peut pas dire que l’illettré français, que vous ne pouvez pas expulser, n’est pas intégré. Il sera simplement en difficulté pour accomplir certains actes de la vie courante, comme certains immigrés qui parlent très bien français mais ne savent pas l’écrire.

Vous allez cependant demander aux immigrés un double effort : ils devront être bilingues à l’oral (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et devront bien se débrouiller à l’écrit, chose que nous ne réussissons pas à obtenir de tous les Français.

Mme Marie-Jo Zimmermann. On marche sur la tête !

M. Philippe Tourtelier. Concrètement, cela signifie qu’il sera extrêmement facile, au terme des cinq ans, de dire que l’immigré a échoué. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous allez ainsi disposer d’une arme qui vous permettra de choisir arbitrairement ceux que vous voudrez renvoyer chez eux.

M. Vanneste nous a expliqué qu’un contrat, c’était la rencontre de deux volontés. Oui, mais à condition que cela se fasse dans la liberté et de façon équilibrée. Or le contrat n’est pas équilibré puisque l’émigrant migre par obligation, et non pas par plaisir. Nous demandons donc la suppression de cet article qui prévoit un contrat léonin.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce débat me stupéfie ! La Délégation aux droits des femmes, que je préside, a rendu un rapport au mois de novembre dernier dont les recommandations ont été approuvées par tous ses membres, toutes tendances politiques confondues. Et la première de ces recommandations prévoyait précisément l’apprentissage de la langue française.

La ministre marocaine chargée des Marocains établis à l’étranger, que j’ai rencontrée à l’occasion d’une mission dans ce pays, a par ailleurs émis le vœu que la France donne la possibilité d’apprendre notre langue à tous ses compatriotes désireux de s’installer ici.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous sommes d’accord !

M. Patrick Braouezec. Personne ne dit le contraire !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est une question de respect de la personne. Dès lors qu’on accepte une personne sur son sol, on doit lui apprendre la langue qu’on y parle. C’est la meilleure façon pour elle de s’intégrer, et non pas de s’assimiler, monsieur Braouezec.

M. Patrick Braouezec. L’assimilation, c’est la tradition et non pas la langue !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je suis choquée de vous entendre dire que des gens présents chez nous depuis vingt ans mais ne sachant pas parler français sont intégrés.

M. Patrick Braouezec. Je n’ai jamais dit cela ! Vous ne m’avez pas écouté !

Mme Marie-Jo Zimmermann. J’ai écouté attentivement vos propos et je suis choquée par votre manque de respect. Lorsqu’on veut intégrer une personne, on commence par lui apprendre la langue du pays dans lequel elle arrive.

M. Patrick Braouezec. Personne n’a dit le contraire ! Inutile de vous étendre sur ce point !

Mme Marie-Jo Zimmermann. La mère pourra ainsi suivre la scolarité de ses enfants et comprendre les propos des enseignants.

M. Julien Dray. C’est dans nos communes qu’on alphabétise, pas dans les vôtres !

Mme Marie-Jo Zimmermann. L’article 4 est fondamental.

M. Julien Dray. Inutile et abstrait !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il permettra à tous ceux qu’on accueille sur notre sol de s’intégrer réellement dans notre pays. Je ne comprends pas que vous puissiez demander la suppression de cet article.

M. Patrick Braouezec. Ça, c’est sûr, vous n’avez rien compris !

Mme Marie-Jo Zimmermann. L’apprentissage de la langue est une des bases de la dignité de la personne.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 155, 272 et 488.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 42.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Actuellement, le contrat d’accueil et d’intégration est proposé aux primo-arrivants de plus de dix-huit ans. Or, lors de ma visite à la plate-forme d’accueil de l’ANEM à Marseille, mon attention avait été appelée sur la situation des jeunes âgés de seize à dix-huit ans arrivant pour la première fois en France. La confrontation avec une nouvelle culture à l’adolescence pose en effet d’incontestables difficultés d’adaptation. L’obligation scolaire étant fixée à seize ans en France, il fallait trouver une solution pour les jeunes étrangers arrivés dans notre pays après cet âge mais n’ayant pas encore dix-huit ans. Cet amendement vise à prévoir de les soumettre, dès seize ans, au parcours d’intégration, tout particulièrement s’ils maîtrisent mal la langue française.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement remercie le rapporteur pour cette excellente idée. Nous voulons en effet généraliser le CAI. En proposant donc ce contrat dès l’âge de seize ans aux jeunes étrangers arrivant sur notre sol, nous ne ferons qu’anticiper le parcours d’intégration. Ils pourront ainsi bénéficier de la formation linguistique et civique sans attendre leur majorité.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 43 deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le CAI, lancé en 2003, sera généralisé au cours de l’année 2006. Il est conçu comme un outil permettant à tous les primo-arrivants d’acquérir les moyens de s’intégrer, et donc de satisfaire les conditions d’intégration pour obtenir la carte de résident. Or certains étrangers n’ayant pas eu l’occasion de signer un CAI vont néanmoins devoir montrer qu’ils remplissent lesdites conditions. Cet amendement vise précisément à permettre à ces personnes de bénéficier des formations associées au CAI. Il s’agit d’une sorte de rattrapage pour couvrir la période de transition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui introduit une précision utile.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le rapporteur, il s’agit bien d’une possibilité, et non pas d’une obligation.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le projet de loi prévoit que le CAI est signé dans la langue de l’étranger. Certes, cette version est nécessaire. Mais le contrat doit être formellement conclu en français. M. Dray a évoqué cette question : voilà qui devrait apaiser ses craintes.

M. Bernard Roman. Cela lui donne raison !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous ne donnons pas raison à M. Dray, nous avions simplement les mêmes préoccupations.

M. Bernard Roman. En tout cas, ce n’était pas prévu dans le texte initial du Gouvernement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui, il faut que le contrat soit signé en français. Mais il faut aussi qu’il soit accompagné d’une version comprise par l’étranger. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 475.

La parole est à M. Bernard Roman, pour le défendre.

M. Bernard Roman. Je considère qu’il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 475.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 362.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Le texte prévoit que la formation civique dont bénéficiera l’étranger comportera une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est une très bonne chose et ce principe d’égalité mériterait d’ailleurs d’être approfondi dans notre propre pays… M. Brard propose d’ajouter à ces valeurs la laïcité, qui n’est d’ailleurs pas, comme je l’ai entendu dire, strictement française.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement qui a été tardivement déposé. À titre personnel, j’y suis défavorable. Sur le fond, je suis d’accord, bien sûr. Mais nous ne pouvons pas énumérer toutes les valeurs de la République. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, vous avez réfuté tout à l’heure le principe des valeurs.

M. Patrick Braouezec. Non, j’ai parlé des traditions !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Quoi que vous en pensiez, monsieur Braouezec, je suis très attentif à vos propos et j’ai bien noté qu’il y a eu deux épisodes : un sur les valeurs et un sur les traditions. Nous sommes, quant à nous, autant attachés aux unes qu’aux autres. Pour nous, c’est la moindre des choses que les cérémonies patriotiques, par exemple, qui font partie de nos traditions, soient respectées par les étrangers.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Patrick Braouezec. Ce sont des commémorations, pas des traditions !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. S’agissant de la laïcité, valeur que, je l’espère, nous avons tous en commun, je vous rappelle que le principe de laïcité est inscrit dans la loi française. Il n’est donc pas nécessaire de la faire figurer parmi les valeurs de la République. Je vous propose en conséquence de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Certains parmi vous ont affirmé tout à l’heure qu’il y avait des « valeurs françaises », que je considère pour ma part comme universelles. M. Lagarde a même indiqué qu’à ses yeux, il en existait une spécifiquement française : la laïcité. Son point de vue est contestable, car d’autres États ont assis leur démocratie sur ce principe de laïcité. Il est vrai néanmoins que la France fait partie de ces rares nations.

M. Christian Vanneste. Et la République, ce n’est pas une valeur française ?

M. Patrick Braouezec. Non, puisqu’elle est commune à de nombreux pays !

M. Christian Vanneste. La Grande-Bretagne n’est pas une république !

M. Jérôme Rivière. Ce n’est pas une valeur commune à l’Union européenne !

M. Patrick Braouezec. Je ne vois pas pourquoi vous refusez que l’on ajoute la laïcité aux valeurs de la République mentionnées à l’article 4. Il me semblerait utile qu’à la liberté, l’égalité et la fraternité, qui, elles, sont inscrites aux frontons de nos édifices républicains, on puisse ajouter la laïcité.

M. François Loncle. On sait bien pourquoi vous n’en voulez pas ! Pour ne pas gêner l’UOIF !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Que la France ait des valeurs spécifiques, on peut en convenir. Que M. Braouezec souhaite les voir devenir universelles, c’est autre chose ! En tout cas, ce n’est pas un constat que l’on peut faire aujourd’hui.

La formation civique proposée dans le texte comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs, non pas françaises, mais de la République. La laïcité est une institution française. D’ailleurs, le chef de l’État l’a citée, sous les applaudissements de la gauche, comme un des piliers de la République, pour contester le souhait du ministre de l’intérieur de la toiletter. Je n’aurai, pour ma part, aucune difficulté à voter cet amendement, mais je pense qu’il introduit une redondance.

M. Serge Blisko. Dans certains domaines, nous aimons les redondances !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 362.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 45 et 1.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 45.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je laisse à M. Vanneste, qui avait déposé un amendement identique, le soin de le défendre.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je remercie M. le rapporteur de me permettre de m’exprimer.

Cet amendement témoigne de l’importance du débat que nous venons d’avoir. Il tend à transformer le test de langue française de simple possibilité en obligation, illustrant ainsi parfaitement ce qu’est un contrat : un accord de volontés, dans lequel chacun doit vouloir les conséquences de ce qu’il veut. Si une personne veut vivre en France, elle doit acquérir une capacité dans la langue française. Ce n’est absolument pas un contrat léonin, qui donne tous les avantages à une partie et laisse tous les inconvénients à l’autre. Considéreriez-vous l’apprentissage de la langue française comme un inconvénient ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je pense, au contraire, que donner la possibilité aux étrangers d’apprendre le français, c’est leur rendre service !

D’ailleurs, nous n’inventons rien, d’autres pays européens ont mis en place une telle obligation : en Allemagne, c’est un stage de 630 heures avec apprentissage de la langue ; au Danemark, c’est un programme de trois ans avec des cours de danois ; aux Pays-Bas, l’obligation d’assiduité au stage d’intégration va prochainement être transformée en obligation de résultat à l’examen.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas encore le cas !

M. Christian Vanneste. Vous voyez bien que cela ressemble au dispositif proposé. La Grande-Bretagne envisage même d’aller plus loin que nous en ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable, bien évidemment. Je précise, en présence de ma collègue Catherine Vautrin, qui vient de nous rejoindre et qui suit de près les formations du contrat d’accueil et d’intégration, que, dans le cadre de l’expérimentation que nous menons depuis 2003, 40 % seulement des personnes inscrites à la formation linguistique la suivent vraiment.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Rendre obligatoire le passage d’un test en fin de cycle, c’est à la fois donner la possibilité d’obtenir un diplôme et inciter fortement à suivre cette formation. Il va de soi que cette obligation ne concernera pas les étrangers qui ont été jugés suffisamment francophones au moment de signer le CAI.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas l’objet de l’amendement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Cessez ces procès d’intention, qui voudraient faire croire que nous sommes contre l’apprentissage du français par les immigrés ! C’est totalement absurde !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous l’avez assez dit !

M. Philippe Tourtelier. Nous sommes pour la formation linguistique des immigrés comme des Français, mais nous sommes contre l’utilisation de la langue comme critère de tri sélectif dans la délivrance des papiers. Or c’est le sens de votre amendement.

M. Christian Vanneste. C’est inacceptable !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce sont des propos irrespectueux !

M. Philippe Tourtelier. Transposé aux Français, il reviendrait à les classifier en plus ou moins bons Français selon leurs résultats scolaires.

M. Jérôme Rivière. Invraisemblable !

M. Philippe Tourtelier. À la différence près que, si leurs résultats ne sont pas satisfaisants, vous pourrez expulser les immigrés !

M. Jérôme Rivière. Le fait de résider sur notre territoire n’est pas un droit !

M. Philippe Tourtelier. Nous refusons l’arbitraire que vous introduisez avec cet amendement.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Procès d’intention !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. La vertu du pédagogue est de répéter son propos tant qu’il n’a pas été compris. Nul ici n’a dit qu’il était contre la formation civique et linguistique de toute personne vivant sur le territoire, qu’elle soit française ou non.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Nous ne devons pas parler la même langue !

M. Patrick Braouezec. Nul n’a dit que toute personne résidant sur le territoire ne devait pas respecter les lois républicaines et les valeurs de notre État républicain – encore faut-il s’entendre sur ces valeurs.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Alors, votez l’article !

M. Patrick Braouezec. En revanche, je conteste que l’on puisse demander le respect de traditions, énumérées par le ministre dans une liste à la Prévert. Rien ne justifie qu’on demande à qui que ce soit de se fondre…

M. Jérôme Rivière. De respecter !

M. Patrick Braouezec. …dans toutes les traditions françaises. C’est un choix qui est du domaine des libertés et de la vie privée. Quant aux fêtes nationales, elles relèvent de la commémoration, ce qui est encore autre chose.

Je ne comprends pas pourquoi M. le ministre prend pour argument le taux de suivi de la formation. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans l’amendement. Le Gouvernement avait opté pour une rédaction que je trouvais très prudente : « La formation linguistique peut être sanctionnée par un titre ou un diplôme. » L’amendement propose de substituer, avec les mots : « est sanctionnée », une obligation à une possibilité. J’aimerais connaître le coût de cette mesure !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le ministre l’a déjà donné !

M. Patrick Braouezec. Que sera le nouveau titre ou diplôme ? Est-ce encore un point qui sera défini par décret ? Quelles seront les conséquences pour l’étranger si, malgré un suivi assidu de la formation, il échoue au test ? Qui procèdera à l’évaluation et à la sanction ? Quel flou ! La rédaction du Gouvernement était prudente, mais l’amendement crée, s’agissant de ce diplôme ou titre – un certificat aurait d’ailleurs été préférable –, des obligations que vous serez incapables de tenir. Cette mesure restera d’habillage et ne répondra pas à nos obligations en matière de formation civique et linguistique.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour une courte intervention.

M. Serge Blisko. Pour qu’elle soit courte, il faudrait que M. Vanneste se retienne de nous aiguillonner. Avez-vous remarqué comme il provoque chez nous…

M. Patrick Braouezec. Une crise d’urticaire !

M. Serge Blisko. …une floraison de doigts levés pour contrer ses arguments ? (Sourires.) Son talent de provocateur nous oblige à monter au créneau.

M. Braouezec a dénoncé à juste raison l’introduction d’un mécanisme extrêmement coercitif, dont la loi ne dit pas quelle est la sanction. Dans le système scolaire, il existe une session de rattrapage au mois de septembre pour ceux qui ont raté leur examen en juin. En faut-il une pour le DILF, qui porte sur des notions de base ? Avant d’en décider, il aurait fallu laisser le temps à l’ANAEM de procéder à une évaluation du travail très intéressant qu’elle mène depuis un an sur les tests de français. Je rappelle que le français est une langue plus compliquée pour certains publics que pour d’autres. Ceux qui sont déjà parfaitement éduqués dans d’autres langues l’appréhenderont plus facilement que ceux qui sont peu alphabétisés dans leur culture d’origine. On ne peut pas menacer les gens d’une sanction totalement floue en cas d’échec. Quelle sera-t-elle ? Une deuxième session de formation ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui !

M. Serge Blisko. Un enseignement plus poussé, plus progressif ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Oui !

M. Patrick Braouezec. Vous dites oui, mais vous êtes incapables de dire comment cela va se passer !

M. Serge Blisko. Des cours particuliers ? Une réflexion sur les causes de leur échec ? Qui décidera s’ils pourront recommencer leur formation pour atteindre le niveau du DILF ? Pourquoi n’éclaircit-on pas les raisons – manque de moyens, manque de temps, manque de volonté – qui font que 60 % des personnes décrochent ? Vous voyez que nous nous posons beaucoup de questions, auxquelles l’amendement ne répond absolument pas.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 45 et 1.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 46.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement tend à souligner l’importance de la journée de formation à la vie pratique, « Vivre en France », proposée dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration, au même titre que les volets formation civique et linguistique de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 360.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. M. le ministre me rappelait en aparté que j’étais absent lorsqu’il a expliqué le financement des dispositions de l’article 4. Mais, même hors de l’hémicycle, je l’ai entendu !

Il me paraît utile de préciser que toutes ces formations et prestations seront dispensées gratuitement, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté et qu’on ne puisse pas demander aux étrangers de participer à leur financement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement est tout à fait inutile : la formation est déjà gratuite et le restera. D’ailleurs, monsieur Braouezec, si tel n’était pas le cas, votre amendement aurait été frappé d’irrecevabilité pour création de charge nouvelle. Le fait qu’il soit recevable est la preuve de la gratuité.

M. Serge Blisko. C’est spécieux !

M. Patrick Braouezec. Acceptez-le !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. (« Il faut l’accepter ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 360.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 406.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est une conséquence de l’amendement n° 42.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 458.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil du précédent mais répond d’une certaine manière aux objections présentées par M. Blisko. Il repose toujours sur l’idée qu’un contrat doit comporter des obligations, l’une de celles-ci étant de suivre les stages d’intégration.

Remarquez qu’il n’y a pas d’obligation de résultat, seulement de moyens. Il n’est pas demandé à l’étranger d’avoir acquis un certain niveau, mais simplement d’avoir suivi les stages avec assiduité. Et encore est-il précisé – et c’est en cela que cet amendement me paraît parfaitement équilibré – qu’il faudra tenir compte de la situation réelle de l’étranger et, notamment, prévoir des aménagements d’horaires pour ceux ayant des obligations professionnelles.

Notre amendement va moins loin que certaines dispositions existant dans d’autres pays, comme en Allemagne, par exemple, où il est spécifié que le non-respect de l’obligation pour les étrangers de suivre les cours peut être sanctionné par un non-renouvellement du titre de séjour.

Notre proposition repose sur l’idée qu’un contrat constitue une reconnaissance de la dignité de celui qui le signe. Il est libre, et nous lui donnons les moyens d’exercer cette liberté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je demanderai à M. Vanneste de retirer son amendement au profit de l’amendement n° 47.

M. Vanneste prévoit l’automaticité du retrait en cas de non-respect des dispositions relatives à la formation. Or les manquements aux cours peuvent être dus à un accident ou à une longue maladie.

Deuxièmement, le parcours de formation étant d’une durée de cinq ans, une sanction automatique dès la première année nous semble un peu dure.

Dans l’amendement n° 47, on retrouve la même idée que dans l’amendement n° 458, mais il est proposé un jugement au cas par cas tenant compte des difficultés éventuelles de chaque étranger. La sanction n’est pas automatique, mais « il peut être tenu compte du non-respect manifeste par l’étranger des stipulations du contrat d’accueil et d’intégration » – ce qui fait toute la différence.

M. le président. Qu’en pensez-vous, monsieur Vanneste ?

M. Christian Vanneste. En accord avec les co- signataires de l’amendement, je retire celui-ci. Nous sommes sensibles aux arguments de M. le rapporteur. L’amendement de la commission respecte parfaitement l’esprit du nôtre, tout en tenant compte, comme je l’avais moi-même souhaité, du contexte humain et social.

M. le président. L’amendement n° 458 est retiré.

M. Patrick Braouezec. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Je ne peux vous la donner, monsieur Braouezec, sur un amendement retiré. À moins que vous ne souhaitiez le reprendre… (Sourires.)

Je suis saisi d’un amendement n° 47.

Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements, nos 476 et 477.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 47.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je l’ai implicitement défendu.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir les sous-amendements nos 476 et 477.

M. Serge Blisko. Par rapport au brûlot qui vient d’être retiré, l’amendement de M. Mariani paraît relever du bon sens et du réalisme.

Je me pose d’ailleurs des questions sur une telle rigidité…

M. Christian Vanneste. Cela s’appelle de la rigueur !

M. Serge Blisko. …qui, à chaque fois que quelqu’un fait une faute, réclame, sans même entendre la personne concernée, une sanction ou une exclusion.

Je n’aimerais pas, monsieur Vanneste, être élève dans votre classe si la sanction y est automatique. C’est un système inhumain, qui fait abstraction des droits de la défense et de toute l’évolution de notre droit qui tend à donner à toute personne la possibilité au moins de s’expliquer.

Il n’y a plus que quelques surveillants généraux de pension d’une émission de télévision pour clouer le bec de leurs interlocuteurs d’un « je ne veux pas le savoir ! ». Même à l’armée, ce style militaire a disparu au profit d’une explication, à défaut d’une adhésion, de la sanction.

Par les sous-amendements nos 476 et 477, nous essayons de moduler l’amendement n° 47 afin que, même s’il se présente comme étant un peu plus rationnel et plus équilibré que celui qui vient d’être retiré, nous sortions un peu du système de défiance et de sanction aveugle et automatique qu’il tend à instaurer.

Je vous trouve un peu rigide et dur pour un rousseauiste, monsieur Vanneste.

M. Christian Vanneste. Relisez Rousseau ! Vous verrez qu’il était bien plus rigide que moi.

M. Serge Blisko. Ce n’est pas l’impression qu’il me donnait dans le Contrat social ! Il n’y a que le père Fouettard qui puisse être plus dur que vous !

M. Christian Vanneste. Il y défend la peine de mort, ne l’oubliez pas !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ils n’ont pas été examinés par la commission. À titre personnel, je suis dévaforable au sous-amendement n° 477 et favorable au sous-amendement n° 476.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement n’est pas favorable au sous-amendement n° 477. Au-delà des problèmes de rédaction qu’il pose, l’évaluation vers laquelle vous voulez nous orienter serait très difficile à réaliser. Je vous demande donc, monsieur Blisko, de le retirer.

Sur le sous-amendement n° 476, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. Il ne nous pose pas de difficulté majeure.

M. Serge Blisko. Je retire le sous-amendement n° 477.

M. le président. Le sous-amendement n° 477 est retiré.

Je vais donner la parole à M. Jérôme Rivière, qui propose de modifier la rédaction de l’amendement 47 en remplaçant les mots : « il peut être tenu compte du non-respect », par les mots : « il sera tenu compte du non-respect ». Je fais cependant remarquer que, les sous-amendements nos 476 et 477 portant sur la partie située juste après ce corps de phrase, le débat pourrait être biaisé.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Jérôme Rivière. Si nous avons accepté de répondre au souci du rapporteur de ne pas sanctionner des étrangers manifestement dans l’impossibilité de suivre les cours prévus dans le contrat, nous souhaitons malgré tout qu’il soit tenu compte de façon formelle du non-respect manifeste par certains immigrés de leurs obligations. C’est pourquoi, au lieu des mots : « il peut être tenu compte », expression qui, finalement, laisserait la possibilité de ne pas tenir compte d’un non-respect manifeste des obligations contractuelles, nous demandons qu’il soit écrit : « il sera tenu compte du non-respect manifeste ». Sinon, nous ouvrons une possibilité de ne pas respecter un engagement contractuel.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas la même chose !

M. le président. Cela ne ferait que complexifier le débat, monsieur Rivière, en modifiant la rédaction et le sens de l’amendement n° 47. Je propose donc d’en rester à la rédaction actuelle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous ne m’avez pas demandé l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 47, monsieur le président. Cela me donne l’occasion de répondre à M. Rivière.

Le souhait qu’il exprimait avec M. Vanneste dans l’amendement qui vient d’être retiré me paraît parfaitement satisfait par l’amendement n° 47 de la commission,…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …puisque le préfet sera habilité à juger les situations au cas par cas. Les critères que vous évoquez seront donc forcément pris en compte lors de l’examen de chaque cas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je m’étais permis, monsieur le président, de vous demander la parole après le retrait de l’amendement n° 458. Vous ne me l’avez, bien évidemment, pas donnée, mais il m’était difficile, vous le comprendrez, de reprendre l’amendement de M. Vanneste…

Néanmoins, il me paraîtrait utile d’intégrer dans l’amendement de la commission la seconde phrase de l’amendement n° 458, à savoir : « Des aménagements d’horaires sont prévus pour les étrangers ayant des obligations professionnelles. » Cela répond d’ailleurs à une des interrogations dont je vous ai fait part tout à l’heure et à laquelle je n’ai pas eu de réponse sur les conditions de formation des personnes qui ont des obligations professionnelles.

Finalement, l’amendement de M. Mariani n’étant pas tout à fait identique à celui de M. Vanneste, je souhaiterais que la phrase que j’ai citée puisse y figurer.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement a été retiré. On ne va pas revenir en arrière !

M. Jérôme Rivière. Vous ne pouvez pas retenir ce sous-amendement alors que vous n’avez pas retenu le mien, monsieur le président !

M. le président. Il n’est pas d’usage, mesdames, messieurs, de rediscuter d’un amendement retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 476.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47, modifié par le sous-amendement n° 476.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 48.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le succès du contrat d’accueil et d’intégration rénové exigera qu’un effort tout particulier soit consacré à la validation et au suivi des stipulations du contrat. En effet, le CAI sera un élément essentiel permettant de vérifier l’intégration dans la société française. L’effectivité de la mise en œuvre de la condition d’intégration reposera donc largement sur le caractère substantiel et contraignant du CAI.

Rendre la signature du CAI obligatoire et en faire un élément dans l’appréciation de la condition d’intégration sont deux avancées majeures du présent projet de loi. Mais ces avancées risquent de ne pas produire leurs effets si nous ne donnons pas les moyens d’un suivi réel.

L’amendement n° 48 a pour but de préciser ce qui devra être prévu dans ce domaine dans le décret d’application. Il importera notamment de remettre au signataire un document lui permettant de faire la preuve de son assiduité aux formations.

Enfin, monsieur Blisko, je tiens à votre disposition le rapport de l’ANAEM, l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, qui dresse un premier bilan des plateformes d’intégration pour 2005.

M. Patrick Braouezec. Je vous l’emprunte quelques instants, monsieur le rapporteur, pour y jeter un coup d’œil !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que le décret précise les éléments souhaités par le rapporteur. J’en profite pour dire qu’il s’engage à le publier très rapidement. Par ailleurs, j’estime utile qu’il fasse l’objet d’un suivi sous la forme d’un livret d’intégration qui sera remis aux signataires.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je profite de la présence de Mme Vautrin au banc du Gouvernement pour lui poser une question.

Dans un article du Monde du 26 avril…

M. Jacques Myard. Quelles mauvaises lectures vous avez ! Nous pensions que vous ne lisiez que la Bible !

M. Serge Blisko. Je sais bien que c’est une lecture douloureuse pour certains, mais le sujet était moins aigu…

Il y était question d’un rapport sur le bilan des CAI expérimentaux, remis à Mme Vautrin. Est-ce celui dont M. Mariani vient de parler et que M. Braouezec vient d’emprunter ? J’aimerais comprendre pourquoi nous ne l’avons pas eu avant cette discussion.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous trouvez déjà des éléments dans mon rapport, aux pages 62 et 63 !

M. Serge Blisko. Mais le rapport dont il était question dans Le Monde est-il celui que vous nous avez montré !

M. le président. Il semble bien que ce soit le cas.

Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, inscrit sur l’article 5.

M. Bernard Roman. Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité vient de nous rejoindre et je l’en remercie. Il me semble utile que certains éléments du rapport qui vient de lui être remis soient précisés. Nous passons d’une logique de potentialités du contrat d’intégration à l’obligation du contrat d’intégration, de la logique d’incitation républicaine – c’est ainsi que nous l’appelons – à celle de la sanction en cas de non-respect.

Ce rapport remis à Mme Vautrin ne nous a pas été communiqué. Ce n’était pas obligatoire. Mais, à partir du moment où le contrat d’accueil et d’intégration était au cœur du dispositif qui nous est présenté, nous aurions dû avoir connaissance d’un certain nombre d’éléments.

Le rapport semble préciser deux points.

Premièrement, aujourd’hui, tout ce qui est fait en matière de contrat d’accueil et d’intégration répond d’abord à la logique du chiffre. L’ensemble des aspects qualitatifs, dont on nous vante les mérites – l’apprentissage de la langue, la connaissance des institutions de la République –, passent au second plan. En pratique, la priorité affichée est de convoquer un grand nombre de personnes à des rendez-vous d’une demi-journée. L’objectif est de leur faire signer leur contrat à la fin de la réunion, pour obtenir leur titre de séjour.

Deuxièmement, le rapport indique : « Alors que le projet de loi du ministre de l’intérieur fait de la condition d’intégration un préalable à la demande d’un titre de séjour, la présidente met en garde contre les risques qu’il y a à établir un lien direct entre le contrat d’accueil et la réglementation des étrangers. Le présenter comme une condition qui vient contingenter le droit de séjour, c’est passer à côté de sa finalité première : l’intégration. Cela donne l’impression à l’étranger qu’il est contraint de signer pour assurer la durée de son séjour en France, et non pour être aidé dans ses premiers pas, pour lui permettre de vivre bien en France et pour prévenir d’éventuelles difficultés ou discriminations. »

Madame la ministre, ce rapport aurait dû être porté à la connaissance des parlementaires au moment où il leur est demandé de faire de ce contrat d’accueil et d’intégration la pièce maîtresse de la nouvelle politique qui nous est proposée aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je voudrais répondre, car je crains qu’il n’y ait confusion entre deux rapports.

Le rapport de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations – l’ANAEM –, qui vient d’être remis, dresse le bilan de l’expérimentation qui a été faite. Aujourd’hui, 135 000 personnes ont signé le contrat d’accueil et d’intégration. Ce dernier permet au quart des primo-arrivants qui ne parle pas notre langue d’avoir accès aux cours de français. En effet, 25 % de ces personnes ne maîtrisent absolument pas le français.

Le second rapport auquel a fait allusion M. Roman est une analyse de Mme Gaye Petek au titre du Haut conseil à l’intégration. On trouve dans ce rapport quelques suggestions sur l’évolution du contrat d’accueil et d’intégration, qui n’a que deux ans d’existence. Il est donc en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, neuf personnes sur dix arrivant en France signent ce contrat. C’est un point important. Cela prouve l’intérêt qu’elles trouvent à cet accueil. Je rappelle qu’avant 2002, rien n’était prévu.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Sangatte !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. L’État français était dans une situation d’indifférence vis-à-vis du nouvel arrivant. Ce contrat d’accueil et d’intégration met en place un bilan sanitaire, social et linguistique. Cela permet de faire le point et d’envisager des actions d’accompagnement.

Il vous a été proposé, à l’article 4 comme à l’article 5, de tirer les conséquences de cette expérimentation positive, mettant en place cet accueil. Mme Zimmermann, présidente de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes, évoquait la situation des femmes. En effet, dans le cadre des plates-formes, sur dix personnes qui ne parlent pas notre langue, sept sont des femmes. Nous sommes tous conscients de cette difficulté. L’idée de ce contrat est de garantir un parcours de réussite à chaque primo-arrivant, parce que celui-ci a capacité à vivre dans notre pays et à parler notre langue. Ce sera possible grâce à un investissement humain et financier de l’État. C’est l’objet de ce rapport.

Les remarques de Mme Petek, dont nous connaissons l’implication sur l’accompagnement des femmes, et notamment celles de la communauté turque, visent à faire avancer les choses. Ce sont bien évidemment des éléments qui, chemin faisant, pourront être pris en compte.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 273 et 489, visant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Serge Blisko, pour défendre l’amendement n° 273.

M. Serge Blisko. Le débat ne nous a pas permis d’avancer. Il a permis de montrer que, de votre côté, un certain nombre de présupposés n’avaient toujours pas été levés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous ne parvenons pas à comprendre – ou nous comprenons malheureusement trop bien – le lien entre l’acceptation du contrat d’accueil et d’intégration, son suivi sérieux et l’obtention d’une carte de résident en France. Il nous semble incongru, et même dangereux, de lier ces deux notions.

Pour nous, le fait fondateur de l’intégration, lorsque l’étranger a obtenu – bien évidemment dans le respect de nos lois et de nos réglementations – sa carte de résident, est de commencer à travailler, d’envoyer ses enfants à l’école, de prendre contact avec la vie sociale et la vie professionnelle. Nous savons aussi que l’absence de vie sociale, liée à l’enfermement des femmes – je suis d’accord avec les propos tenus par Mme Vautrin –, est un obstacle fondamental à la bonne intégration. Il en va de même des problèmes liés à l’emploi, au chômage et à l’absence de formation.

Nous entendons – je suis navré d’avoir à le dire –, selon les ministres, des discours aux tonalités différentes.

Mme Vautrin, dont on connaît l’implication, nous a indiqué qu’elle voulait œuvrer pour l’intégration des femmes immigrées, qui sont les plus défavorisées puisqu’elles sont coupées des circuits d’intégration du point de vue linguistique, culturel et économique. Il faut donc veiller sur celles qui sont le plus fragiles.

Mais nous avons entendu, hier, M. Sarkozy dire approximativement : « Nous saurons renvoyer ou mettre en cause l’homme qui n’aura pas admis que sa femme suive un contrat d’intégration. » Cette phrase paraissait intéressante pour les femmes, mais elle ne figure pas dans le texte. Nous sommes habitués à ces exercices de durcissement du langage.

M. le président. Je vous prie de conclure.

M. Serge Blisko. Nous sommes tous d’accord pour protéger ces femmes, faire en sorte qu’elles puissent aussi se délivrer de l’homme qui les maintient sous sa tutelle. Le fait pour une femme de ne pouvoir conclure ce contrat constitue un indice d’enfermement, de coupure avec la société française.

M. Sarkozy semble oublier – c’est ennuyeux – le côté social. Il aurait pu proposer une enquête sociale, un rapport du maire – dont M. Lagarde semble si friand. Je pense, comme M. Mamère, qu’il ne faut pas entraîner les maires sur ce terrain.

Je suis opposé à l’automaticité de la sanction dès le constat d’un manquement au contrat d’accueil et d’intégration.

Madame la ministre, compte tenu des indications que vous nous avez fournies, je pense qu’il est préférable de retravailler sur ces questions essentielles en vue de la bonne intégration et du respect du pacte républicain.

Je propose donc la suppression de l’article 5.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 489.

M. Patrick Braouezec. Je partirai des conclusions de M. Blisko.

Nous n’avons étudié que trois articles depuis un certain nombre d’heures. Nous nous sommes aperçus que nous étions souvent dans le flou, l’arbitraire, et que l’on avait du mal à définir les contours de ce projet de loi.

Je n’avais pas véritablement conscience que l’Assemblée était passée à l’examen de l’article 5, qui atteint des sommets. Il me semblait que nous devions auparavant examiner un amendement n° 483 de M. Jego, portant article additionnel après l’article 4, qui prévoyait un diplôme objectif opposable à l’issue de la formation

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Jego n’était pas là pour le défendre !

M. Patrick Braouezec. C’est dommage ! Il aurait permis de préciser le deuxième alinéa de l’article 5, qui indique : « Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ses principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans les conditions définies par décret en Conseil d’État. »

Tout cela reste flou.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité et M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Non !

M. Patrick Braouezec. Dans l’article 4, vous évoquez un diplôme ou un titre, mais on en ignore le contenu. On ne sait pas sur quels critères seront jugés ces étrangers. Est-ce que ce sera un certificat d’études, un certificat d’aptitude, un brevet des collèges, un baccalauréat ? On connaît le contenu de ces diplômes ou des titres universitaires. Là, il s’agit d’un objet non identifié. Vous nous proposez un OVNI législatif !

L’amendement n° 483 de M. Jego précisait que le contrat d’accueil et d’intégration était validé par un diplôme opposable aux tiers. L’étranger détenteur de ce diplôme pouvait penser que, à partir du moment où il avait été considéré comme « apte à la République », on ne pouvait plus rien faire contre lui en ce qui concerne l’obtention du titre de séjour.

M. Jérôme Rivière. Vous donnez plus de droits aux étrangers qu’aux Français !

M. Patrick Braouezec. Confier au maire l’appréciation de la condition d’intégration risque de faire basculer dans l’arbitraire le plus total.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous prenez, en tant que maire, des mesures arbitraires ? Je ne peux pas le croire !

M. Patrick Braouezec. L’article 5 indique que l’autorité administrative « peut saisir pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside ». Les cas dans lesquels ils seraient saisis ne sont pas précisés. Les maires ne sont même pas cocontractants, puisque le contrat est passé entre l’État et la personne. C’est vraiment l’arbitraire le plus total.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable !

M. Patrick Braouezec. Vous pourriez au moins nous donner des explications à ce refus.

M. le président. Je ne peux obliger le Gouvernement à en donner.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 273 et 489.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration.

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)