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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du Mardi 16 mai 2006

220e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Décès d’un ancien député

M. le président. Mes chers collègues, au seuil de cette séance, j’ai une pensée pour André Labarrère, ancien député, ancien ministre chargé des relations avec le Parlement, qui nous a quittés ce matin.

insertion des jeunes dans l’emploi

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à l’insertion des jeunes dans l’emploi (nos 3066, 3079).

À dix heures, je suspendrai la séance dix minutes pour réunir la Conférence des présidents.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, permettez-moi à mon tour, au nom de mes collègues et du groupe socialiste, de m’associer à l’hommage que vous avez rendu brièvement − j’imagine cependant que nous aurons l’occasion d’y revenir − à notre ami et collègue André Labarrère. Il est triste d’avoir à commencer nos débats par la nouvelle de sa disparition, mais je vous remercie de nous l’avoir communiquée.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin pour évoquer la question de l’emploi et de l’insertion professionnelle durable des jeunes. Cependant, nous sommes à l’orée d’une journée qui constituera un moment important pour le Parlement et qui, à l’évidence, s’annonce difficile pour le Gouvernement. Les arguments justifiant la motion de censure à laquelle il va devoir faire face − et qui, déposée par le groupe socialiste, sera votée largement sur ces bancs, même si elle n’obtient sans doute pas la majorité − ne manquent pas et sont, notamment, liés à l’actualité politique : s’il fallait n’en retenir qu’un seul, ce pourrait être la manière calamiteuse dont a été géré le dossier du CPE.

Rappelons en quelques mots les conditions dans lesquelles cette affaire a été conduite : absence totale de concertation avec les partenaires sociaux qui ont été placés devant le fait accompli, alors que le nouveau contrat dérogeait aux règles fondamentales régissant les contrats de travail à durée indéterminée ; marche au canon à l’Assemblée nationale, le recours au 49-3 visant à étouffer un débat dont on a vu ensuite combien il eût été nécessaire, tant sur le plan juridique, compte tenu de l’insécurité qui entourait le CPE et entoure encore le CNE, que pour tenter de tuer dans l’œuf la protestation sociale qui pointait et qui a conduit le Gouvernement à retirer cette disposition dans des conditions dont ni le Président de la République, ni le Gouvernement, ni le Parlement ne peuvent tirer gloire. Notre démocratie en a été sérieusement secouée.

En ce qui nous concerne, nous abordons cette discussion avec le souci de mettre en œuvre les explications que nous avons développées au cours des débats qui se sont engagés depuis le début de l’année, de prolonger la sanction qui a été exprimée par l’opinion publique, par la jeunesse, par les organisations syndicales et, en définitive, par le Parlement et la majorité qui a dû retirer le CPE. Mais la sanction ne suffit pas : il faut, au-delà, proposer une alternative. C’est une question de confiance et d’espérance. Il faut montrer qu’une autre politique de l’emploi est possible, parce qu’elle est nécessaire, compte tenu de la situation dans laquelle les jeunes se trouvent face à l’emploi, et indispensable, si l’on veut que l’opinion ait bien le sentiment que la politique peut, par un choix clair, au terme d’un débat serein et sérieux, apporter des réponses à ses préoccupations. Le groupe socialiste a précisément eu pour souci d’offrir une alternative politique et sociale aux errements du Gouvernement et de sa majorité. Cette proposition de loi vise en quelque sorte à défendre une pré-motion de censure et à présenter aux Françaises et aux Français l’amorce d’un projet alternatif. Elle diffère radicalement de celles que vous avez pu défendre et de la méthode que vous avez suivie.

La méthode, en effet, est bien différente. Vous l’avez remarquée, nous avons, tout au long des semaines écoulées, préparé cette proposition avec patience, sérieux, circonspection, comme par contraste avec la précipitation qui vous a agités. Pour nous forger une conviction, nous avons reçu l’ensemble des organisations syndicales, nous avons pris soin d’écouter les syndicats de salariés comme les organisations patronales, nous avons prêté attention à ce qu’avaient à nous dire les organisations de jeunesse, nous avons reçu les spécialistes, les experts, celles et ceux qui travaillent de manière ouverte et objective sur ce sujet.

La différence de méthode ne porte pas seulement sur la manière dont nous avons élaboré notre texte, mais aussi sur la façon dont nous souhaitons que les propositions qu’il contient soient mises en œuvre. Nous avons choisi de vous prendre au mot. Dans l’exposé des motifs de la loi sur le dialogue social − bien injustement nommée −, vous disiez qu’il ne devrait pas y avoir d’intervention dans le domaine social et dans le droit du travail sans concertation préalable avec les syndicats. Ce qui, au fond, n’était pour vous qu’une phrase au détour d’un texte, nous avons voulu en faire un principe, l’inscrire dans la loi, dans le droit. Nous avons suggéré qu’il gouverne réellement, à l’avenir, l’intervention du Parlement et du politique dans le domaine social. Nous l’avons fait, d’une manière générale, à l’article 1er et, d’une manière concrète, avec les propositions qui vous sont soumises. Nous ne prétendons pas que le Parlement les arrête aujourd’hui par le biais de ce débat, mais qu’il fixe des objectifs, un cadre ouvert à la négociation, et que ce soient les partenaires sociaux, les pouvoirs publics − notamment les collectivités territoriales qui sont concernées par ces questions, en particulier les régions − et les organisations de jeunesse qui puissent en discuter et en débattre.

Nous avons une conviction que nous avons exprimée contre le CPE et que nous répétons aujourd’hui en faveur de notre proposition de loi : on ne résoudra la question du chômage − et, plus précisément, celui des jeunes − qu’en mobilisant tous les partenaires politiques, économiques et sociaux ; il est vain de vouloir agir contre eux, de vouloir réussir sans eux. Comment espérer favoriser l’insertion et l’embauche des jeunes si personne − ni les entreprises, ni les salariés à travers leurs représentants, ni les collectivités territoriales appelées à financer, ni tous les autres acteurs − n’est d’accord non seulement sur les objectifs, mais aussi sur la méthode et les moyens proposés.

Mais ce n’est pas seulement sur la méthode que nous différons radicalement de la majorité : c’est aussi sur le fond et sur les orientations. À la présentation caricaturale du chômage des jeunes que vous avez faite, nous avons voulu opposer une vision sérieuse, précise, concrète, la plus objective possible, s’appuyant sur des réalités et pas simplement sur des fantasmes − mais ceux-ci ont sans doute été utilisés pour instrumentaliser la question du chômage des jeunes au service d’une vraie volonté de déréglementation du contrat de travail.

Certes, le taux de chômage des jeunes est trop élevé dans notre pays, puisqu’il dépasse les 22 %. Depuis 2002, il a augmenté de manière significative, touchant nombre de jeunes qui sont en difficulté et en perte de confiance. Il excède de près de quatre points la moyenne de l’ensemble de l’Union et de près de cinq points celle des pays de la zone euro. C’est dire qu’il y a à faire. Il est d’ailleurs paradoxal que vous ayez pris prétexte de votre propre échec pour justifier les mesures qui étaient présentées. Toutefois, que le chômage soit trop important ne doit pas nous conduire à une lecture caricaturale ou grossière de la situation. Y a-t-il un ou des chômages des jeunes ? La réponse s’impose d’elle-même : le chômage varie selon le niveau de qualification, selon la nature du diplôme − quand diplôme il y a −, parfois selon le lieu de résidence et l’origine, indiscutablement selon le sexe, selon la spécialisation des jeunes.

À ces situations si diverses, vous avez voulu opposer une mesure unique si générale, si globale, si grossière, qu’elle ne pouvait pas fournir de solution concrète sans déstabiliser ceux qui trouvent du travail dans des délais convenables. Heureusement, un tiers des jeunes Français décrochent un CDI dès la première année et plus des deux tiers au bout de trois ans. Ainsi, la majorité d’entre eux − soit 80 % − sont insérés dans l’emploi au terme de ce délai de trois ans, et non pas, comme vous l’avez affirmé de manière incroyable et sans qu’on sache bien par quelles études statistiques vous étayiez cette information, au bout de onze ans. Trop nombreux sont encore ceux qui se trouvent dans une situation d’exclusion, notamment ces 16 à 17 % de jeunes non qualifiés qui sont tenus de manière régulière à l’écart de l’emploi. C’est sur cette réalité du chômage des jeunes – et non sur la vision caricaturale que vous avez présentée − qu’il faut s’appuyer si l’on veut bâtir un projet sérieux.

La deuxième différence majeure entre nos propositions, c’est la volonté politique qui s’y exprime. Alors que vos intentions sont floues et les moyens mobilisés très insuffisants, nous voulons au contraire exprimer une vraie volonté politique, considérant que la lutte contre le chômage et pour l’emploi − et d’abord pour l’emploi des jeunes − doit être une priorité, qu’il faut y consacrer des moyens. Je ne prendrai que quelques exemples. Quand on considère le total des emplois aidés qui ont été consacrés aux jeunes depuis 2002, on constate un déficit de près de 150 000 emplois au regard des moyens qui étaient mobilisés à la fin de 2001. Si l’on ajoute à cela l’écart entre les contrats de professionnalisation et les contrats de qualification et d’adaptation qui pouvaient exister, le déficit s’accroît encore de 80 000 emplois : ce sont 230 000 emplois au total qui manquent pour les jeunes, à cause des choix budgétaires que vous avez faits. De 2001 à 2005, la dépense publique pour l’emploi des jeunes est passée de près de 6 milliards d’euros à moins de 5 milliards : l’absence de volonté politique est patente et les discours ne sauraient tenir lieu de moyens.

Une dernière différence sépare radicalement nos propositions. Alors que vous préconisiez une mesure à caractère dérogatoire, discriminante à l’égard des jeunes, qui ne pouvaient plus être employés qu’à la condition de bénéficier, en matière de protection sociale et de droit du travail, d’avantages moins favorables que ceux dont jouissent l’ensemble des salariés, nous proposons, pour l’essentiel, de nous appuyer sur les dispositifs existants, mais en les renforçant, en les améliorant, car nous considérons que le CDI doit être l’axe même de toute réforme en la matière.

Ainsi, nous préconisons, de manière ferme et claire, plusieurs mesures. La première est une réforme de l’orientation professionnelle, menée sur une base régionale afin de prendre en compte la situation des bassins d’emplois, associant les branches professionnelles, les partenaires sociaux et, surtout, les régions, à qui vous avez dénié cette importante responsabilité.

Deuxièmement, nous souhaitons que soit reconnu un véritable droit universel à l’accompagnement, comportant un premier accueil, une évaluation, une pré-orientation et une première expérience professionnelle pour tous les jeunes, non seulement ceux qui sont en difficulté, mais tous ceux qui sont à la recherche d’un travail, quitte à en moduler l’application.

Troisièmement, nous considérons qu’il ne faut pas créer, comme vous le faites, de contrats gadgets, tels le CPE ou le CNE, mais qu’il faut s’appuyer sur le CDI, sur les contrats en alternance, d’apprentissage ou de professionnalisation, pour améliorer la formation des jeunes. Au-delà, il faut encourager l’adaptation au poste de travail des jeunes, qui doivent être embauchés prioritairement en CDI, en mobilisant les moyens de l’État, des collectivités publiques, des partenaires sociaux, pour soutenir les entreprises à raison des efforts qu’elles auront accomplis pour l’insertion.

Telle est la logique qui nous anime. Elle est totalement différente, sur la méthode comme sur le fond, de celle que vous avez tenté de privilégier.

Nous avons enfin estimé indispensable de remettre en cause les dispositions les plus critiquables qui figurent encore dans la loi dite d’égalité des chances, qu’il s’agisse de l’apprentissage junior, du travail de nuit imposé à ces jeunes apprentis ou, surtout, du contrat nouvelles embauches. Si la bataille contre le CPE a consisté à empêcher que les jeunes soient condamnés, pour la majorité d’entre eux, à des contrats précaires, la situation n’a en effet pas changé, au contraire, pour ceux qui sont embauchés dans les entreprises de moins de vingt salariés. Malgré l’abrogation du CPE, les deux tiers des CNE – ce petit frère jumeau du CPE – conclus dans les entreprises de moins de vingt salariés, concernent des jeunes de moins de vingt-cinq ans. C’est dire que le mal qui a été évité d’un côté est, malheureusement, en train d’apparaître de l’autre.

Nous aurions pu espérer – et ce sera ma conclusion – que ce débat, contrairement à ce qui a été fait pendant les derniers mois qui se sont écoulés, soit abordé avec sérieux et circonspection, avec le souci de trouver de vraies solutions, et qu’il ne soit pas confisqué, tel un apanage, par celles et ceux pour qui faire de la politique consiste à agiter leurs intentions et leurs ambitions devant les médias.

La jeunesse de ce pays mérite mieux que son instrumentalisation et celle de la politique de l’emploi. Nous aurions pu espérer un débat serein – peut-être l’aurons-nous finalement en partie ce matin – démontrant la volonté de tous sur ces bancs de chercher des solutions. Votre méthode et vos propositions ne l’ont pas permis.

Notre souci est que le débat que nous avons mené avec les partenaires sociaux et dont nous présentons les premières conclusions puisse continuer. C’est un acte de confiance envers le dialogue social et la jeunesse dont nous faisons preuve avec cette proposition de loi, première pierre d’un projet qui devra bien un jour prendre la suite du vôtre, car ce n’est certainement pas avec votre majorité que ce pays retrouvera confiance en l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Wauquiez. Nous connaissons maintenant votre véritable objectif !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, conscients de l’incompréhension qu’avait suscitée le contrat première embauche, convaincus que notre approche méritait, par un débat plus long, d’être amendée, nous avons proposé à nos concitoyens et soumis au Parlement il y a quelques semaines, avec Bernard Accoyer et Laurent Hénart, un dispositif consensuel sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise. Je tiens à en rappeler les lignes de force tant elles ont été déformées par la présentation que vient d’en faire M. Gaëtan Gorce.

M. Patrick Beaudouin. Elles ont été dévoyées !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J’en resterai pour ma part, mon cher collègue, à la notion de présentation « déformée »,...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est une question de point de vue !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...avec tout le respect que le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales porte à M. Gaëtan Gorce et au président – le whip, comme l’on dit ailleurs – du groupe socialiste.

Le texte que nous avons adopté renforce les incitations financières du contrat jeunes en entreprise qui, depuis sa mise en œuvre, a, je le rappelle – M. le ministre délégué à l’emploi pourra nous le confirmer – concerné 300 000 jeunes, et constitue un outil très efficace pour accéder à l’emploi durable. Nous souhaitons, en effet, augmenter le nombre des bénéficiaires de ces contrats.

Ce texte accroît également le soutien de l’État au contrat de professionnalisation, issu de l’accord national sur la formation tout au long de la vie signé par l’ensemble des partenaires sociaux. Avec un trois quarts-temps en entreprise et un quart-temps – au maximum – en formation, il permet d’accéder à une vraie qualification professionnelle. Nous avons fait en sorte, grâce à une prime de soutien à l’employeur, qu’il soit davantage utilisé en contrat à durée déterminée.

Par ailleurs, le texte développe les stages intensifs de professionnalisation, afin de pourvoir aux besoins des secteurs en tension et de permettre aux jeunes d’accéder rapidement à un emploi disponible et stable.

Enfin, nous avons renforcé l’accompagnement individualisé des jeunes au moyen du contrat d’insertion dans la vie sociale, qui a été conçu dans le cadre du plan de cohésion sociale et dont bénéficient 160 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans. Nous avons étendu le dispositif à un plus grand nombre de jeunes et décidé de le prolonger durant les premiers mois qui suivent la signature du contrat de travail afin d’éviter, au cours de la période d’essai, des ruptures de contrat fréquentes, souvent dues à une qualification faible ou trop récente.

Sur le front de l’emploi, que constatons-nous ? Nos analyses peuvent diverger, monsieur Gorce, mais il n’en reste pas moins que nous avons enregistré près de 200 000 chômeurs en moins ces derniers mois. Vous avez inversé la tendance, monsieur le ministre délégué à l’emploi.

La France a enregistré en mars la plus forte baisse du chômage depuis cinq ans. Toutes les populations en bénéficient puisque cette baisse a été de 6,4 % pour les jeunes, de 5,3 % pour les seniors, de 5,5 % pour les femmes et de 6,5 % pour les demandeurs d’emploi de longue durée – ce dernier pourcentage n’avait pas diminué depuis des décennies. Quant aux sorties du chômage pour reprise d’emploi, déclarées à l’ANPE, elles sont en hausse de 12,9 % sur un an, alors que les radiations administratives sont stables.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Tels sont les chiffres, ce qui ne laisse donc aucune place à une quelconque manipulation, comme certains ont pu le laisser entendre. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Près d’un demi-million de contrats nouvelles embauches ont été signés, soit de 40 000 à 80 000 créations nettes par an selon l’INSEE.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ces chiffres, il faut les garder à l’esprit si l’on veut être cohérent. Or j’entends certains réclamer l’abrogation du CNE, avant même d’avoir eu les résultats du bilan que nous dresserons en 2008 ! Je veux croire que le bon sens l’emportera.

On peut toujours dire, monsieur Vidalies, tout et son contraire, mais l’efficacité du dispositif n’en est pas moins réelle. C’est à ces 40 000 ou 80 000 personnes qui ont trouvé un emploi grâce au CNE qu’il nous faut penser en premier lieu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, le Gouvernement vient d’ouvrir trois nouveaux chantiers, parmi lesquels celui de la sécurisation des parcours professionnels – permettant à tous les salariés de disposer de filets de sécurité efficaces en cas de difficulté – et celui du renforcement des liens entre l’université et l’emploi.

En entrant à l’université, chacun a l’ambition de réussir aussi bien ou mieux que ses parents et de s’élever socialement – c’est ce qui s’appelle l’ascenseur républicain. J’ai été frappé de constater, lorsque le Premier ministre a lancé le grand débat à la Sorbonne – en présence du ministre de l’éducation nationale, M. de Robien, des ministres chargés de l’emploi, c’est-à-dire M. Borloo, vous-même, monsieur Larcher, et M. Goulard, et, bien entendu, de nombre d’entre nous – combien il répondait à un besoin de la part non seulement des étudiants, ce qui est bien normal, mais aussi des enseignants. Cette ambition républicaine ne doit pas être déçue, et nous devons tout faire pour qu’elle se réalise.

Comme l’a souhaité le Président de la République, et conformément aux vœux des présidents d’université, ce grand débat a été placé sous la houlette du recteur de l’académie de Limoges, Patrick Hetzel, qui, après s’être déplacé dans toutes les grandes villes universitaires de France pour animer des débats locaux, rendra un rapport d’étape dans deux ou trois mois avant de publier un rapport définitif plus tardivement.

Monsieur Gorce, je vous ai écouté avec intérêt, après avoir lu avec soin l’exposé des motifs de la proposition de loi que vous avez déposée avec vos collègues socialistes, dont les plus éminents d’entre eux. Permettez-moi d’en citer en vrac quelques extraits qui concernent le Gouvernement et la majorité en général.

Vous dénoncez une logique qui « s’inspire d’un libéralisme sans limite ». Sommes-nous vraiment, mes chers collègues de la majorité, des libéraux « sans limite » ?

M. Alain Vidalies. La réponse est oui !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. À titre personnel, je réponds « non » !

Vous relevez ensuite, monsieur le rapporteur, « une méthode dangereuse pour la cohésion nationale, les droits sociaux sont dénoncés comme autant d’avantages indus, ceux qui en bénéficient sont culpabilisés ». Comment peut-on écrire cela dans l’exposé des motifs d’un texte de loi ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous avez mis deux millions de personnes dans la rue !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous évoquez par ailleurs « le mépris de la droite pour les jeunes », des jeunes « abandonnés dès le début de la législature. » N’en jetez plus !

M. Alain Vidalies. Gaëtan Gorce est trop modéré ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce qui nous oppose au parti socialiste sur les questions économiques et sociales, c’est d’avoir fait un choix : celui de ne pas leurrer nos concitoyens et de leur dire quelques vérités. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La première est que la mondialisation, que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, n’est pas le fruit de la victoire de l’ultralibéralisme qui s’imposerait au monde. Elle est avant tout la conséquence des technologies modernes, des transports, des transmissions numériques. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en inquiète, elle est donc moins une idéologie qu’un fait. Notre adaptation à cette mondialisation est par conséquent incontournable et impérative. L’Europe était et restera notre atout majeur pour y procéder tout en préservant le modèle rhénan auquel nous sommes tous très attachés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il est donc désolant que, poussés par certains d’entre vous, les Français aient dit non à l’Europe lors du référendum sur la Constitution européenne. En les y incitant, vous avez amputé, pour le moins amoindri l’espoir que représente encore l’Europe pour les jeunes générations.

La deuxième vérité est qu’en matière d’emploi, nous sommes depuis des décennies dans le groupe des mauvais élèves européens – M. Gorce l’a rappelé. Nous payons les ravages de l’immobilisme,...

M. Laurent Wauquiez. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...et notamment le fait que la gauche française, contrairement aux autres grands partis de gauche européens, renâcle depuis des années à faire son aggiornamento. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Bapt. Un vrai européen !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Notre taux de chômage oscille autour de 12 % lorsque cela va mal, et de 9 % lorsque cela va mieux – je ne dis pas aujourd’hui que tout va bien, mais que cela va mieux. Soit l’on ne change rien, et le niveau du chômage restera dans cette fourchette, à savoir à un niveau élevé, soit l’on donne plus de souplesse aux entreprises et plus de sécurité aux salariés, et chacun retrouvera plus facilement un emploi. Faire croire qu’il existe une autre alternative est un mensonge.

La troisième vérité est que tout cela, les principaux dirigeants du parti socialiste le savent pertinemment. Voilà qui explique sans doute que ceux qui fustigent notre prétendu « libéralisme sans limite » – nous serions en effet tous des libéraux sans limite, mes chers collègues,...

M. Alain Néri. C’est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...y compris notre président, vers lequel je n’ose me tourner ! (Sourires) –...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non ! Pas lui ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ...décernent dans le même temps des satisfecit à M. Zapatero ou à M. Tony Blair, dont la politique outre-Manche effaroucherait probablement les plus ultralibéraux d’entre nous.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas faux.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Les Français sont attachés à leur modèle social et à leurs traditions. En même temps, ils ne veulent pas vivre à la traîne de l’évolution du monde.

Les Français sont attachés à leur modèle social et à leurs traditions, mais ils constatent que certaines de ses rigidités jouent à plein contre les jeunes générations.

M. Maxime Gremetz. Allons, allons !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Les Français sont attachés à leur modèle social et à leurs traditions, mais ils constatent que de plus en plus de leurs enfants sont privés de ses bienfaits et n’ont qu’une idée en tête : partir à l’étranger. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. À Coblence !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il y a des chiffres précis, et il ne s’agit pas que d’élèves des grandes écoles comme HEC ou l’ESSEC. Allez voir à Londres !

M. Alain Vidalies. Dans un quartier de Londres !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Dès votre arrivée à l’aéroport, vous comprendrez que ce ne sont pas les plus diplômés des enfants qui partent !

M. Gérard Bapt. Les « partis de l’étranger » ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cela m’inquiète.

Les Français sont attachés à leur modèle social et à leurs traditions, mais ils commencent à se rendre compte que ce modèle social est le pré carré d’une seule génération.

La gauche est-elle prête aujourd’hui à reconnaître que la flexibilité est nécessaire pour donner un emploi à tous ?

M. Laurent Wauquiez. Non !

M. Maxime Gremetz. C’est le libéralisme sans limite !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La gauche est-elle prête à travailler, dans l’intérêt général, à la mise en place des protections et des contreparties nécessaires à cette flexibilité ?

M. Maxime Gremetz. Et le MEDEF ?

M. Alain Néri. C’est pour cela que les Français ont refusé le CPE !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce sont des questions que je vous adresse, à vous, chers collègues socialistes, ainsi qu’à M. Ayrault, votre président, que je respecte.

Je conclurai par le mail que j’ai reçu au moment de la crise du CPE. Je l’ai déjà cité mais j’avoue qu’il m’a beaucoup intéressé.

M. Alain Néri. C’est le seul que vous ayez reçu !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « Les jeunes ont eu raison à bien des égards. Le CPE allongeait considérablement la période d'essai. Les jeunes avaient sans doute raison : quelques employeurs indélicats auraient pu abuser des facilités de rupture. »

M. Manuel Valls. Ce mail était signé « de Villepin » !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. «Mais ces mêmes employeurs ne les auraient jamais employés en CDI. »

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai ! Eux-mêmes disent le contraire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « Les jeunes ont-ils pourtant mené le bon combat ? Leur problème n'est pas la précarité allongée de telle ou telle autre période d'essai. Leur problème est triple :

« Ils auront 1 400 milliards d'euros à rembourser dès qu'ils auront à travailler. »

Merci, messieurs !

M. Alain Néri. Merci à vous !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Merci papa ! Depuis vingt-cinq ans, vous n’êtes pas pour rien dans cette situation.

M. Jean-Pierre Dufau. Et vous, qu’avez-vous fait depuis quatre ans ?

M. Alain Néri. Cela fait quatre ans que vous êtes aux manettes !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « Ils devront payer les retraites de ceux qui ont fait la majeure partie de cette dette et qui ont creusé le déficit budgétaire. »

M. Maxime Gremetz. Oh ! la la !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « Ils vont arriver dans une France dans laquelle restent quelques emplois et peu de travail. Tous les jours, de plus en plus de travail est exporté, vers des contrées où le droit du travail est plus souple que dans notre beau pays. »

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « C'est peut-être dégoûtant mais ils n'y pourront rien. »

Ces remarques méritent d’être gardées en mémoire parce qu’elles sont très pertinentes.

Au lieu de nous opposer sur des prises de position caricaturales…

M. Manuel Valls. Oui !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Oui, vous nous caricaturez, et je reconnais que nous vous caricaturons aussi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Au lieu de nous caricaturer mutuellement, nous devrions, dans un domaine comme celui-ci, essayer de trouver un consensus, un terrain d’entente, comme d’autres pays ont su le faire.

M. Alain Vidalies. Entamez des négociations avec les partenaires sociaux alors !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J’ai cité l’Angleterre, même si ce pays ne constitue pas un modèle formidable, j’ai cité l’Espagne et je pourrais citer l’Allemagne. Regardez ce qui se passe en Allemagne avec Mme Merkel : les deux grands partis, opposition et majorité, ont réussi à trouver un consensus dans bien des domaines, sur les retraites et l’assurance maladie, par exemple.

Et vous, que faites-vous ? Vous caricaturez les positions des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et vous profitez d’une niche du parti socialiste pour déposer un texte qui n’a qu’une ambition, une ambition purement politicienne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et cela, je vous le reproche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Nous en sommes vraiment attristés !

Mme Catherine Génisson. Et quand nous avons appelé à voter Chirac ? Ce n’était pas politicien, c’était l’honneur de la démocratie !

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, ainsi que je l’ai annoncé, je vais maintenant suspendre la séance pour réunir la Conférence des présidents.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je dois vous avouer que la lecture du rapport à l’appui de cette proposition de loi relative à l’insertion des jeunes dans l’emploi ainsi que l’écoute de la présentation qu’en a faite le rapporteur ont suscité chez moi des sentiments partagés.

Un sentiment d’espoir, tout d’abord, en constatant que la question de l’insertion professionnelle des jeunes est posée depuis quelques mois avec clarté et que cette question ne pourra plus être refermée et rangée sur l’étagère des engagements oubliés.

Un sentiment de satisfaction, ensuite, en observant que nous partageons le même objectif de lutte contre le chômage qui mine notre société, et plus particulièrement de lutte contre le chômage des jeunes. À cet égard, je remarque certains éléments de convergence entre nos deux analyses ; je pense, par exemple, à la volonté de renforcer les liens entre l’université et l’emploi ou à la nécessité d’améliorer le système d’orientation, deux directions dans lesquelles le Gouvernement travaille, est déterminé à avancer et a engagé un certain nombre de chantiers importants.

La question de la professionnalisation, que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur, me paraît tout aussi importante – j’aurai l’occasion d’y revenir.

Pour autant, je ne peux vous cacher un lourd sentiment de déception, voire d’affliction, face aux contrevérités que vous avez assenées, à vos accents parfois polémiques et inutiles, à l'immodestie de vos propos empreints de grandes certitudes, au renvoi aux mêmes vieilles recettes faciles mais qui ne résolvent rien – le rapport le démontre bien.

Sur un sujet aussi grave, un sujet qui constitue la première préoccupation des Français et qui concerne directement l'avenir de notre pays, nous avons un triple devoir. Un devoir de vérité d'abord, un devoir de modestie ensuite, et enfin un devoir de réalisme et d'honnêteté envers nos concitoyens, et plus particulièrement envers les plus jeunes d'entre eux.

Un devoir de vérité, d’abord. Je vous épargnerai le relevé des inexactitudes et des contrevérités que vous professez dès l'exposé des motifs. Permettez-moi simplement d'en citer une, particulièrement caricaturale. Vous affirmez que le chômage des jeunes n'a cessé de baisser sous la précédente législature. Sans doute oubliez-vous la dernière année du gouvernement de M. Lionel Jospin, au cours de laquelle, en dépit d'une politique massive d'emplois publics, vous n'avez pas résisté à l'affaiblissement de la conjoncture économique. Au cours de ces douze mois, entre mars 2001 et mars 2002, le chômage des jeunes a augmenté de 14,2 %. Face à ce record absolu, qui dépasse la hausse enregistrée pendant l'année de récession de 1993, plus de modestie dans les affirmations s’impose.

Un devoir de modestie et d'humilité, ensuite. Osons le dire, le chômage des jeunes est un véritable fléau. Et cela dure depuis plus de vingt-cinq ans, vingt-cinq ans que le chômage des jeunes est plus de deux fois supérieur au taux de chômage moyen, alors que, dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, l'écart entre les deux est faible. Il faut donc se garder de tout triomphalisme, y compris historique. Cela fait plus de vingt ans que les jeunes sont laissés à l'écart de l'emploi et qu'ils sont, comme les seniors, la variable d'ajustement d'un marché du travail qui ne réussit pas à les intégrer de façon satisfaisante. Voilà la vérité !

Un devoir de réalisme et d'honnêteté envers les Français, enfin. Nous avons une obligation morale d'agir et de réussir en évitant deux écueils. Le premier écueil – le président Jean-Michel Dubernard l’a rappelé –, c'est le conservatisme, le statu quo, que vous avez défendu il n'y a pas si longtemps dans cet hémicycle. Non, tout n'a pas été essayé. Nous n'avons pas encore tout tenté.

Le second écueil, c'est le recours aux mesures faciles et sans lendemain. Vous regrettez, monsieur le rapporteur, les emplois-jeunes. Puis-je vous rappeler en quoi a consisté ce programme ? 18 milliards d'euros pour financer des emplois à durée déterminée de cinq ans ! Des emplois souvent précaires, qui plus est à destination des jeunes les plus qualifiés, ainsi détournés d'un parcours en entreprise, peut être un peu plus exigeant et difficile, mais certainement plus riche en perspectives.

80 % des embauchés avaient obtenu le bac ; 40 % avaient dépassé le niveau bac + 2. Pour quel résultat ? Demandons-le aux aides éducateurs de l'éducation nationale, dont 72 % se sont retrouvés au chômage au sortir du dispositif.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous les avez aidés !

M. Pierre Cohen. Qui les a mis au chômage ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous avons la responsabilité de ne pas entretenir les illusions, de ne pas faire croire aux jeunes que nous pouvons leur assurer à la fin des études, quelles qu'elles soient, un emploi garanti à vie dans l'entreprise. C'est une responsabilité que, pour ma part, j'assume entièrement.

Et c'est là sans doute ce qui nous distingue. Non, contrairement à ce que vous voulez faire croire, monsieur le rapporteur, l'emploi ne se décrète pas. L'emploi, c'est avant tout la rencontre entre un employeur et un salarié qui s'engagent l'un et l'autre autour d’un objectif commun. Vous le déplorez peut-être, mais les entreprises n’ont pas d’obligation d'embauche !

Ce n'est pas en promettant des garanties illusoires que nous allons protéger les salariés. La meilleure protection est un cadre adapté qui incite les entreprises à multiplier les embauches.

M. Jean-Pierre Dufau. Comme le CNE et le CPE !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C'est la formation et la professionnalisation dans le cadre d'une gestion prévisionnelle de compétences, pour faciliter les évolutions de carrière. C'est enfin l’accompagnement et la protection de ceux qui entrent sur le marché du travail ou de ceux qui connaissent, à un moment ou un autre de leur parcours, une rupture.

Nous avons collectivement trop cherché à protéger les emplois, et pas suffisamment les personnes.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Si seulement nous pouvions nous en convaincre ! C’est en tout cas la logique qui anime l’action du Gouvernement dans sa priorité qui est la lutte contre le chômage. Et, en la matière, nous obtenons des résultats : le chômage diminue…

M. Alain Néri. Mais le nombre de RMIstes augmente !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Au mois de mars, nous avons enregistré la plus forte baisse depuis cinq ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Guy Geoffroy. Cela ne vous plaît pas, mais c’est vrai ! Il faut le dire !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …avec 30 000 chômeurs de moins, près de 200 000 depuis un an. Cette amélioration profite à toutes les catégories et plus particulièrement aux jeunes (« Allez donc le leur dire ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), dont le nombre d’inscrits à l’ANPE a diminué de 8,4 % sur un an.

L’emploi en entreprise progresse. Pour la première fois, à la fin de l’année dernière, le nombre de salariés en France a dépassé le cap des 16 millions.

M. Maxime Gremetz. Combien d’emplois précaires ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Toutes les statistiques confirment ce redressement. Quel que soit l’indicateur retenu – INSEE ou UNEDIC –, le nombre de salariés n’a jamais été aussi élevé.

M. Maxime Gremetz. Le nombre d’intérimaires non plus !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Entre le dernier trimestre de 2005 et le premier trimestre de 2006 – nous venons d’avoir les chiffres de l’INSEE et il me semblait important de les donner d’abord à la représentation nationale –, 50 700 emplois ont été créés dans le secteur salarié marchand, hors secteur des services à la personne et secteur médico-social, qui s’est redressé en cours d’année. C’est une accélération de la création d’emplois…

M. Alain Néri. Parlez-nous du nombre de RMIstes qui augmente !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et il faut remonter à 2001 pour observer une croissance similaire de l’emploi sur deux trimestres consécutifs. Qui ne se réjouirait pas d’une telle création d’emplois !

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai dans toutes les régions ! Et quelle est la durée des contrats ? Un mois ! Six mois !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. En outre, 15 000 emplois ont été créés au premier trimestre dans le secteur de la construction et des travaux publics. C’est la plus forte augmentation trimestrielle enregistrée dans ce secteur depuis les années soixante-dix.

M. Maxime Gremetz. Parlez-nous de la nature des emplois !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Sur un an, le secteur du bâtiment et des travaux publics aura créé très exactement 46 800 emplois. Dans le tertiaire, la progression de l’emploi se poursuit également, au rythme de 1 % par an.

S’agissant de l’évolution des rémunérations, j’ai eu l’occasion de faire le point la semaine dernière en réunissant la sous-commission de la négociation collective. L’enquête ACEMO de la DARES confirme la bonne tenue des salaires, y compris au premier trimestre de 2006. Sur un an – de mars 2005 à mars 2006 –, le salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés a progressé de 2,9 % ; le salaire horaire de base ouvrier a augmenté, quant à lui, de 3,2 %, soit un gain annuel du pouvoir d’achat de 1,8 %. Ce sont des chiffres d’autant plus importants que la Commission nationale de la négociation collective doit fixer, dans quelques semaines, le niveau du SMIC. Ces résultats sont la preuve que la mobilisation du Gouvernement porte ses fruits.

J’ajoute que 92 % des salariés recouvrant les grandes branches professionnelles ont vu leur salaire et leur grille révisés dans le cadre de négociations salariales conduites depuis une année. Le nombre de salariés hors du champ révisé est ainsi passé de 5 millions en mars 2005 à 950 000 aujourd’hui.

M. Alain Néri. Tout va très bien, madame la marquise !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. S’agissant de l’alternance, après une année 2005 record au cours de laquelle 255 000 jeunes sont entrés en apprentissage, le nombre de contrats d’apprentissage a enregistré une croissance de plus de 7 % au cours du premier trimestre de 2006 et celui des contrats de professionnalisation a augmenté de plus de 30 %.

Je pense au contrat jeunes en entreprise qui, depuis sa création en 2002, a permis à près de 300 000 jeunes peu ou pas qualifiés – car c’est pour eux que le problème est le plus important – d’être embauchés en entreprise en contrat à durée indéterminée. Ce dispositif, nous venons de l’étendre et de le renforcer avec la loi sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.

Je pense aussi à l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi par le service public de l’emploi. La convention tripartite – ANPE, UNEDIC, État –, signée le 5 mai dernier, est une étape essentielle pour une véritable sécurisation des parcours professionnels avec la mise en place de guichets uniques, du dossier unique du demandeur d’emploi, d’un système informatique enfin unifié, d’un accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi, de parcours différenciés en fonction de la situation de celui-ci.

Je pense encore au contrat d’insertion dans la vie sociale, mis en œuvre par les missions locales, grâce auquel plus de 180 000 jeunes en grande difficulté bénéficient d’un accompagnement renforcé et personnalisé.

Vous dites, monsieur le rapporteur, que « les socialistes restent opposés à l’ensemble de la loi pour l’égalité des chances ». Permettez-moi alors de vous rappeler les progrès que cette loi a apportés dans de nombreuses dimensions de l’insertion professionnelle des jeunes. Ils ne sont pas minces. Mon collègue Azouz Begag ne manquera pas d’évoquer l’aspect de cette loi relatif à la lutte contre la discrimination et à l’insertion des jeunes dans leur diversité.

M. Maxime Gremetz. Tu parles !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La loi pour l’égalité des chances propose, pour la première fois, l’encadrement des stages, avec l’exigence d’une convention et d’une rémunération au-delà de trois mois. Cet encadrement est précisé par la charte des stages étudiants en entreprise signée le 26 avril dernier. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que cette charte réaffirme la finalité pédagogique des stages en précisant qu’il ne saurait y avoir de stages en dehors d’un parcours pédagogique, qu’elle pose le principe d’un double encadrement par l’enseignant et un tuteur dans l’entreprise et, enfin, qu’elle insiste sur la nécessité d’en conduire l’évaluation. Y êtes-vous opposés ?

La loi pour l’égalité des chances, c’est aussi l’ouverture des classes préparatoires aux grandes écoles aux jeunes des zones d’éducation prioritaire. Y êtes-vous opposés ?

La loi pour l’égalité des chances, c’est également l’interdiction des enchères inversées, pour empêcher les employeurs de tirer les salaires vers le bas. Y êtes-vous opposés ?

M. Jean-Pierre Dufau. C’est le CNE !

M. Alain Néri. C’est aussi l’apprentissage à quatorze ans et la possibilité du travail de nuit dès quinze ans !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La loi pour l’égalité des chances, c’est en outre l’obligation pour les entreprises d’atteindre un objectif en termes de nombre de contrats de travail en alternance : 1 % en 2006, 2 % fin 2007, 3 % fin 2008. Cela représente plus de 150 000 postes supplémentaires qui seront ouverts à la formation en alternance des jeunes dans les grandes entreprises d’ici à trois ans. Y êtes-vous opposés ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Monsieur le ministre, puis-je vous interrompre ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l’autorisation de M. le ministre.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quel était le nombre de contrats en alternance signés au 31 décembre 2001 ? Cela permettrait d’utiles comparaisons avec le nombre de ceux signés au 31 décembre 2005 et donnerait toute son ampleur à votre raisonnement.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’aurai l’occasion de répondre à cette question au cours du débat, car c’est un sujet que nous suivons avec une attention particulière.

M. Alain Néri. Donc, vous ne savez pas !

M. le président. Cher collègue, laissez M. le ministre terminer son propos ! Il répondra à M. Gorce tout à l’heure.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Venons-en au contenu de la proposition de loi !

L’article 1er prévoit la saisine des partenaires sociaux avant l’élaboration de toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Je suis intimement convaincu que le dialogue social est indispensable tant à l’approfondissement de la démocratie sociale qu’au développement de la compétitivité.

M. Alain Vidalies. Nous allons en parler !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Dès 2001, j’ai indiqué dans la revue Commentaire ma conception selon laquelle les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux devaient être considérés comme complémentaires et non concurrents.

Je ne peux pas vous laissez dire que notre gouvernement agit « sans concertation, sans dialogue, sans capacité d’écoute ». Permettez-moi de vous rappeler quelques épisodes auxquels vous avez participé et que vous avez, semble-t-il, gommés de votre mémoire.

Je pense à cette « journée des dupes » d’octobre 1997, où vous avez convoqué les partenaires sociaux pour leur imposer la réduction autoritaire du temps de travail.

Je pense aux conditions dans lesquelles la convention d’assurance chômage de 2000 fut finalement arbitrée.

Je pense à la loi dite de modernisation sociale, dans laquelle vous avez choisi de bouleverser, par voie d’amendement, notre droit du licenciement économique, sans même en avertir les partenaires sociaux, avec le succès que l’on sait : il n’y a jamais eu plus de plans sociaux que dans les quelques mois qui ont suivi le vote de cette loi.

M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le ministre ! Revoyez vos notes !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. De toute évidence, nous n’avons pas la même conception du dialogue social et du rôle des partenaires sociaux. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je souhaite, pour ma part, que la négociation interprofessionnelle soit la plus active possible. Et nous nous y employons. En 2005, quatre importants accords ont pu être conclus : la convention de reclassement personnalisée, le télétravail, l’emploi des seniors et l’assurance chômage.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de négociations préalables à l’intervention du législateur.

S’agissant de l’emploi des seniors, nous avons saisi les partenaires sociaux pour qu’ils négocient. Ce qu’ils ont fait de manière fructueuse. Le Gouvernement a toujours indiqué que l’accord issu de ces négociations serait strictement transposé et qu’il serait complété par un plan d’action gouvernemental. Et ce plan, nous l’avons préparé dans la concertation avec un groupe de travail composé des partenaires sociaux et de parlementaires. Il sera présenté le 6 juin prochain. C’est ainsi que pourra avoir lieu la révolution culturelle indispensable concernant l’emploi des seniors dans l’entreprise.

Je voudrais aussi évoquer la réforme des licenciements économiques adoptée dans le cadre de la loi de cohésion sociale en janvier 2005. Je vous rappelle que le Gouvernement avait suspendu les dispositions de la loi de modernisation sociale et demandé aux partenaires sociaux de négocier un accord qu’il s’engageait à transposer.

Après de longs mois et onze réunions officielles, les négociations n’ont pu aboutir. Comme nous nous y étions engagés, le législateur a donc repris la main pour réformer notamment le droit du licenciement économique. Mais le travail considérable mené par les partenaires sociaux n’a pas été mis de côté. Nous nous en sommes largement inspirés pour élaborer la réforme. Il s’agit là d’un exemple important – ne l’oublions pas – pour les accords de méthode, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou ce qui allait devenir la convention de reclassement personnalisé, que j’ai évoquée à l’instant.

Certes, la situation n’est pas parfaite. Nous devons poursuivre notre réflexion pour améliorer le dialogue dans des délais compatibles avec ceux de l’action politique. Le rapport de M. Dominique-Jean Chertier, qui avait été commandé par le Premier ministre, permet d’avoir une base de travail.

M. Laurent Wauquiez. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le débat est ouvert. Une réflexion doit être engagée non seulement avec les partenaires sociaux, mais aussi avec vous, mesdames et messieurs les députés. Il est en effet important de débattre de l’agenda partagé des réformes et de la nécessité d’imposer ou non un temps réservé à la concertation dans la conduite des réformes. En tout état de cause, un débat doit être engagé et il me paraît prématuré de modifier les règles à ce stade.

J’en viens maintenant au deuxième article de la proposition de loi, qui vise à instaurer une Conférence nationale pour l’emploi et l’insertion professionnelle, avec pour objectif de formuler des propositions en faveur des jeunes.

L’idée, certainement empreinte de bonnes intentions, ne me paraît pas strictement nécessaire. En effet, il existe déjà un grand nombre de dispositifs d’insertion professionnelle des jeunes mis en œuvre par le service public de l’emploi, au premier rang duquel figurent l’ANPE et les missions locales.

Mme Patricia Adam. Ces dispositifs sont illisibles !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je peux évoquer les contrats d’alternance, les CIVIS, mais aussi les dispositifs spécifiques que nous avons mis en place et que nous renforçons dans les quartiers, ou encore les travaux en cours sur l’orientation, qui prévoient le développement des stages, la mise en place prochaine d’un portail de l’orientation et le renforcement de l’information donnée aux jeunes pendant leur scolarité sur les métiers et les filières.

Je voudrais également vous faire part de la préoccupation du pôle de cohésion sociale, en relation étroite avec d’autres ministères, notamment le ministère délégué à la promotion de l’égalité des chances ou celui de la défense. Nous rencontrons chaque année, au cours des journées d’appel de préparation à la défense, près de 700 000 jeunes, dont environ 10 % ont un niveau inférieur au niveau 5 bis et doivent par conséquent faire l’objet d’un suivi. Ils sont nombreux à n’être ni inscrits sur les fichiers de l’ANPE ni connus des missions locales. Au lendemain des violences qui ont secoué certains quartiers à l’automne dernier, un grand mouvement de rencontre avec ces jeunes dont le nom ne figurait nulle part, entrepris à la demande du Premier ministre, a suscité des milliers d’inscriptions.

Entre la JAPD et l’information du service public de l’emploi, notamment en direction des jeunes, il faut réussir à créer des passerelles, en sachant que, sur près de 70 000 jeunes qui connaissent de réelles difficultés d’insertion dans la vie sociale, faute d’une maîtrise de la lecture ou de l’écriture compréhensive, seuls 7 000 peuvent être orientés vers des missions locales ou des dispositifs d’accompagnement. Avec le ministère de la défense, nous avons le projet de mettre en place de manière progressive des passerelles dans un certain nombre de régions, afin que la JAPD soit aussi un moment d’orientation. Il faut en effet faire entrer les jeunes dans ces filets de sécurité que sont la connaissance de leur situation et le renforcement de leur accompagnement.

M. Laurent Wauquiez. Bien sûr !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Voilà un des dossiers sur lequel nous devons travailler ensemble, au-delà des idéologies ou des adresses à caractère uniquement politique. Ce sont en effet de vrais sujets sur lesquels nous devons progresser ensemble.

Dans le même temps, je tiens à affirmer que le Gouvernement est soucieux de nourrir, avec l’ensemble des acteurs concernés, un dialogue propice à l’émergence de nouvelles idées.

C’est dans cet esprit que le Premier ministre a installé, sur un autre registre, la commission Hetzel, afin de permettre un grand débat national sur les liens entre l’université et l’emploi. Trois thèmes seront privilégiés : l’orientation, l’information et l’insertion professionnelle ; la professionnalisation des études dans le cadre du LMD ; l’apprentissage et le développement de l’alternance dans l’enseignement supérieur, notamment à l’université. Ayons un chiffre en tête : pour 1,4 million d’étudiants à l’université, on compte seulement 10 000 formations en alternance.

Par ailleurs, je souhaite souligner le travail accompli avec les partenaires sociaux, les responsables des universités et les représentants des étudiants pour la rédaction de la charte des stages étudiants en entreprise, que je viens d’évoquer.

Enfin, je rappelle que le dialogue avec les régions est permanent, comme en témoigne la mise en place des conventions d’objectifs et de moyens dans l’ensemble des régions de métropole, ainsi qu’à la Réunion et, très bientôt, je l’espère, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane.

J’aborde maintenant l’article 3 de la proposition de loi, qui cible plus particulièrement les jeunes peu ou pas qualifiés.

Vous semblez supposer que ces jeunes auraient été abandonnés depuis le début de la législature. Or c’est tout le contraire.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. En tout cas, nous les avons retrouvés dans la rue !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Depuis 2004, les dispositions législatives et réglementaires en faveur de l’accès à l’emploi des jeunes en difficulté, ainsi que le niveau de financement relatif à ces programmes ont connu un grand développement.

Je veux parler du programme CIVIS, lancé l’année dernière, qui vient d’être renforcé par la loi relative à l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.

M. Jean-Pierre Dufau. Ne parlons pas des absents !

M. Maxime Gremetz. C’est interminable ! Pourquoi énumérer un à un tous les articles de la proposition de loi ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Contrairement à ce que vous avancez, monsieur le rapporteur, le dispositif CIVIS n’a pas conduit à la suppression des crédits du programme TRACE, qui le précédait, puisque le financement des 840 postes TRACE a été consolidé en 2005 et en 2006 à hauteur de 9,25 millions par exercice.

Mme Hélène Mignon. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. En outre, il faut ajouter les 2 000 nouveaux postes financés pour le déploiement du CIVIS à compter du printemps 2005, soit au total près de 3 000 postes supplémentaires dans les missions locales et les PAIO pour mieux accompagner les jeunes en difficulté vers l’emploi durable. Je profite de l’occasion pour remercier une fois encore le réseau des missions locales et les PAIO pour leur mobilisation dans la mise en œuvre du CIVIS, dont bénéficient aujourd’hui 180 000 jeunes qui, pour près de 50 % d’entre eux, sont peu ou pas qualifiés.

Mais nous avons voulu aller plus loin pour assurer leur insertion professionnelle. À ce titre, la mise en place, à compter du 1er juin prochain, du parcours d’accès à la vie active pour les jeunes en CIVIS va permettre de multiplier les solutions proposées.

À la demande de la présidente du Conseil national des missions locales, le décret d’application qui sortira dans quelques jours précisera que les jeunes d’un niveau 5 sans diplôme, c’est-à-dire, par exemple, ceux qui ont échoué dans l’obtention d’un CAP, bénéficieront automatiquement d’un suivi et d’un accompagnement renforcé, comme ceux des niveaux 5 bis et 6.

Pour faciliter leur insertion dans le parcours d’accès à la vie active, 40 000 jeunes supplémentaires seront accueillis dans le dispositif du SEJE, le soutien à l’emploi des jeunes en entreprise. Nous prévoyons aussi le développement de 30 000 contrats de professionnalisation en CDI, afin de placer 50 000 jeunes en formation professionnalisante dans des métiers connaissant des difficultés de recrutement.

Tels sont les principaux débouchés vers l’emploi dont bénéficieront, dans le cadre du parcours d’accès à la vie active en entreprise, 160 000 jeunes peu ou pas qualifiés, avec un accompagnement possible en entreprise d’une année. En 2006, l’effort de l’État se chiffre à 150 millions d’euros pour ces nouvelles mesures.

Vous le voyez, en matière d’accès à l’emploi, les jeunes en difficulté bénéficient d’une attention exceptionnelle des pouvoirs publics, y compris des collectivités locales, qui constituent des partenaires de première importance dans le cadre du programme PAC.

Monsieur le rapporteur, votre capacité à gommer les actions menées par le Gouvernement apparaît également à l’article 4 de la proposition de loi. Là encore, vous omettez l’importance que nous avons accordée, au sein de notre action, à la sécurisation des parcours professionnels.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Je lui accorde sa juste valeur !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Pour les salariés, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui fait suite à l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, a permis le renforcement de la sécurisation grâce à la rénovation du plan de formation, à la mise en place du droit individuel à la formation et à la création des périodes de professionnalisation visant à permettre aux salariés faiblement qualifiés l’acquisition d’une qualification reconnue.

Je vous invite également à observer les moyens mis en œuvre, avec des objectifs ambitieux, pour le développement de la VAE sous l’autorité d’un délégué interministériel, également délégué général à la formation professionnelle et à l’emploi. La VAE sera triplée au cours de l’année 2006.

La réforme du service public de l’emploi, le rapprochement entre l’ANPE et les ASSEDIC, que j’évoquais à l’instant, et la mise en place de l’accompagnement personnalisé sont autant d’éléments fondamentaux de la sécurisation du parcours des demandeurs d’emploi.

Pour les jeunes enfin, le développement sans précédent de l’alternance, de l’apprentissage et des contrats de professionnalisation n’est pas seulement un accélérateur de l’intégration professionnelle. Il leur donne véritablement l’assurance d’un titre ou d’une qualification professionnelle garants d’une entrée dans la vie professionnelle. Comme vous le savez, le contrat de professionnalisation a par ailleurs été renforcé dans le cadre de la récente loi pour l’entrée des jeunes dans la vie active.

J’en viens maintenant à l’article 5 de la proposition de loi, qui propose la suppression du contrat nouvelles embauches et renvoie à une négociation.

L’objectif poursuivi par le législateur en habilitant le Gouvernement à instituer ce contrat par voie d’ordonnance était, je vous le rappelle, d’inciter les petites entreprises à engager la décision de recruter pour consolider et développer leur activité.

Parce qu’elles sont particulièrement exposées aux fluctuations d’activité, elles hésitent souvent à accroître leurs effectifs. C’est particulièrement regrettable car les entreprises de moins de vingt salariés représentent 2,5 millions d’employeurs potentiels, soit un vivier d’emplois extrêmement important. Rappelons que 1,5 million d’entre elles n’ont pas de salariés.

Les chefs d’entreprise qui hésitent à embaucher craignent les incertitudes liées à l’évolution du marché et les difficultés juridiques et financières qu’entraînerait une rupture du contrat de travail, notamment au cours de la phase de consolidation.

Pour éviter de se trouver en difficulté, ils préfèrent recourir au contrat à durée déterminée – 72 % des embauches ont une durée moyenne de deux mois – ou au travail temporaire.

Le CNE répond à cette situation et, en dépit de vos critiques, il est une réussite. Aujourd'hui, nous approchons des 500 000 contrats nouvelles embauches signés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le CNE correspond à un véritable besoin des très petites entreprises. L'enquête réalisée par le réseau TPE révèle ainsi que 37 % des embauches n'auraient pas eu lieu sans le CNE. L'effet en créations nettes d'emploi est donc important.

J’ajoute que, conformément à ce que nous avons annoncé ici, une enquête sur l'utilisation du CNE est actuellement conduite par la DARES en partenariat avec l'ACOSS. Les premiers résultats devraient être disponibles en juin 2006. Ce travail éclairera l'évaluation qu'entend établir le Gouvernement, dans le cadre du Conseil d'orientation pour l'emploi, d'ici au 31 décembre 2008, sur les conditions de la mise en œuvre du CNE et ses effets sur l'emploi, dans des conditions définies par l'article 5 de l'ordonnance, qui prévoit notamment d’associer les partenaires sociaux.

S'agissant des contentieux, des précisions doivent, là aussi, être apportées. D'après la Chancellerie, il existait, au 31 mars 2006, 137 saisines de conseils de prud'hommes concernant le CNE. Lorsqu'il y a eu des abus, ceux-ci ont été sanctionnés. Nous l'avons toujours dit : le CNE n'est pas une zone de non-droit et tout comportement abusif doit être sanctionné. Le temps du bilan viendra, mais pourquoi casser un outil pour des motifs purement idéologiques, sans évaluation ni concertation avec les partenaires sociaux ? Pour ces raisons, le Gouvernement ne saurait revenir sur ce dispositif.

L'article 6 vise à supprimer la nouvelle formation d'apprentissage junior créée par la loi sur l'égalité des chances, ainsi que les dispositions récentes visant à mieux encadrer le travail de nuit, des dimanches et jours fériés des apprentis mineurs. Je me suis déjà longuement exprimé sur ces sujets devant vous.

M. Gérard Bapt. Oui, et vous recommencez aujourd’hui !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La pédagogie est aussi l’art de la répétition.

S'agissant de la formation d'apprenti junior, je tiens à rappeler très clairement qu'elle ne consiste pas à remettre en cause la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans,…

M. Yves Durand. Bien sûr que si !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …ni à abaisser à quatorze ans l'âge d'entrée en contrat d'apprentissage. C'est, au contraire, une nouvelle voie de formation, à l'égal de la filière classique, qui s'appuie dans un premier temps sur un parcours de découverte des métiers sous statut scolaire – avec l’acquisition du socle de connaissances –, puis sur un contrat d'apprentissage qui pourra être adapté, tant sur le plan pédagogique que sur la durée.

M. Yves Durand. C’est impossible !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Si vous aviez rencontré certains de ces apprentis, vous auriez compris que, pour eux, les CPPA sont une chance.

M. Alain Vidalies. Vous parlez depuis trois quarts d’heure. Il s’agit d’une séance d’initiative parlementaire : ce que fait le Gouvernement est inacceptable !

M. Gérard Bapt. C’est de l’obstruction !

M. Maxime Gremetz. On n’a jamais vu ça !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cette formation est une réponse supplémentaire (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Paul. Lamentable !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce qui est lamentable, c’est que 70 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme et sans avoir atteint le niveau 5 bis, comme on s’en aperçoit lors de la journée de préparation à la défense !

M. Christian Paul. Les bancs de la majorité sont vides !

M. Gérard Bapt. Il n’y a plus de majorité !

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement ne respecte pas l’opposition !

Mme Martine David. Laissez les députés s’exprimer ! C’est insensé !

M. le président. Je vous en prie !

Monsieur le ministre, veuillez terminer votre propos.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La formation d’apprenti junior est une réponse apportée par le système éducatif aux demandes de diversification des modes d'accès au socle de connaissances et de compétences.

Pour ceux qui douteraient encore de la visée pédagogique de l'apprentissage – et j’en vois qui en doutent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) –, je rappelle que le code du travail reconnaît très clairement ce principe, notamment dans son article L. 115-1, qui dispose que « l'apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la nation ».

Par ailleurs, je vous informe qu'un guide pédagogique de la formation d'apprenti junior a été préparé par des experts de l'éducation nationale et du ministère du travail. Ce guide, d'ores et déjà disponible sur le site Internet de la direction de l'enseignement scolaire, précise les conditions d'organisation de cette première année de découverte des métiers pour que celle-ci puisse constituer un vrai temps pédagogique basé sur une pédagogie innovante et un outil performant d'orientation vers un secteur ou un métier et l’acquisition du socle de connaissances.

(À ce moment, Mme Nathalie Gautier, députée de la sixième circonscription du Rhône, fait son entrée dans l’hémicycle, sous les applaudissements des députés du groupe socialiste.)

S'agissant du travail de nuit des apprentis mineurs, il me paraît important de rétablir la vérité, avec laquelle vous avez pris quelques distances, monsieur le rapporteur.

M. Alain Néri. Il va bientôt lire le Bottin mondain !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous rappelle que l'article 3 de l'ordonnance du 22 février 2001, signée par le Premier ministre d’alors, M. Jospin, et Mme Guigou, ouvrait aux apprentis de moins de dix-huit ans la possibilité de travailler de vingt-deux heures à six heures du matin dans tous les établissements commerciaux et de spectacles, sans restriction particulière.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est de l’obstruction ministérielle !

Mme Martine David. Les parlementaires ont-ils le droit de s’exprimer ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous avons encadré le travail de nuit des apprentis de plus de seize ans par la loi du 26 juillet 2005 et le décret du 13 janvier 2006 en introduisant trois restrictions importantes, que j’évoquerai plus tard.

Mme Martine David. Cette méthode est lamentable ! Concluez !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Enfin, l'article 7 aborde la question de la modulation des cotisations de sécurité sociale. Cette question renvoie à celle, plus générale, des modalités de financement de la protection sociale. Une réflexion d'ensemble est en cours : le Conseil d'orientation pour l'emploi aura l’occasion d’y revenir.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, quelques éléments d’analyse (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe socialiste) concernant les sept articles de cette proposition de loi. Celle-ci est l’occasion de rappeler un certain nombre d’engagements du Gouvernement et de sa majorité en faveur de l’emploi des jeunes, en particulier des moins qualifiés d’entre eux, défi que nous relevons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Monsieur le président, on ne peut qu’être indigné par l’attitude du Gouvernement qui, sur un sujet aussi important que l’emploi des jeunes et au cours d’une séance d’initiative parlementaire qui est l’une des rares possibilités pour les députés de s’exprimer, pratique une véritable obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J’ignore pourquoi le Gouvernement emploie des moyens aussi dérisoires. Est-ce parce que la majorité n’est pas majoritaire en nombre dans l’hémicycle ?

M. Gérard Bapt. Il n’y a plus de majorité !

M. Yves Durand. Le Gouvernement est-il parvenu à un tel point de désagrégation qu’il nous faille subir un discours qui ressemble davantage à une notice nécrologique qu’à de véritables propositions ?

Monsieur le président, j’émets au nom du groupe socialiste les plus vives protestations contre de telles méthodes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et je souhaite que les parlementaires puissent maintenant s’exprimer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, j’ai cru comprendre que M. Azouz Begag devait intervenir après M. Larcher.

Mme Martine David et M. Alain Néri. Ah non !

M. Jean-Marc Ayrault. L’ordre du jour de cette séance est réservé à l’initiative d’un groupe. Si le Gouvernement peut parler quand il le souhaite, je lui demande d’avoir la courtoisie de laisser se dérouler la discussion générale et de n’intervenir qu’au terme de celle-ci. Il ne s’agit pas de l’empêcher de s’exprimer, mais mes collègues socialistes apprécieraient ce geste.

M. le président. Monsieur le président Ayrault, je vais suspendre la séance quelques instants pour m’entretenir avec le Gouvernement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je remercie les ministres de leur compréhension.

Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Mme Martine David. M. Begag est courtois !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Vidalies.


M. Alain Vidalies
.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par vous faire part des observations que m’inspirent les interventions de M. le ministre et de M. le président Dubernard.

Vous avez cédé, monsieur le ministre, mais, à vous écouter ce matin et à entendre M. le président de la commission des affaires culturelles, on se rend compte que vous n’avez tiré aucune conséquence de la révolte des jeunes, soutenue par les salariés. Vous persistez à défendre le CNE – avançant pour cela des chiffres plutôt étonnants –, ce qui montre que vous en êtes restés à vos préjugés idéologiques : pour vous, c’est le démantèlement du code du travail qui crée de l’emploi. Nous avons là une vraie divergence politique.

Quand vous parlez d’une situation de l’emploi « réconfortante », c’est une véritable provocation pour l’élu aquitain que je suis, au lendemain de l’annonce par la SOGERMA de la fermeture de l’usine de Bordeaux, qui va entraîner la suppression de plus de 1 000 emplois directs et probablement de 3 000 emplois indirects. L’État actionnaire est resté silencieux, se bornant à prononcer quelques mots de compassion, et tout indique que l’UMP a d’autres préoccupations que le sort de la filiale d’EADS.

M. Jean-Pierre Dufau. Où est l’État et dans quelle situation se trouve-t-il ?

M. Alain Vidalies. Quelques jours avant le débat sur la proposition de loi du groupe socialiste sur l’insertion des jeunes dans l’emploi, la publication par l’INSEE des données sociales sur la société française a éclairé à nouveau la réalité de la situation.

Nous savons que les difficultés d’insertion professionnelle tiennent en grande partie au niveau de diplôme atteint. Pour un jeune sortant du système éducatif sans diplôme, la probabilité que son parcours professionnel soit dominé par le non-emploi est de 26 %, contre 2 % pour un jeune diplômé de l’enseignement supérieur.

M. Jean-Pierre Dufau. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Les études du CEREQ, Centre d’étude et de recherche sur les qualifications, montrent qu’une petite majorité de jeunes accèdent assez rapidement à un premier emploi. Ainsi, 58 % des jeunes ayant quitté le système éducatif en 1998 ont obtenu leur premier emploi en moins de trois mois. Ces chiffres recouvrent des disparités considérables, les jeunes les plus touchés étant ceux sans qualification.

Ces données étaient pour l’essentiel connues lors du débat sur le CPE, et dès le mois de janvier 2006, le groupe socialiste avait dénoncé le chiffre de 22 % de jeunes au chômage et celui de onze années nécessaires avant d’obtenir un contrat à durée indéterminée comme des « coups fourrés » statistiques destinés à camoufler le démantèlement du code du travail entrepris sur la base de considérations purement idéologiques. M. le ministre de l’emploi s’était permis à l’époque de railler très durement nos interventions en trompant durant plusieurs semaines, et en toute connaissance de cause, des commentateurs complaisants ou peu vigilants.

Il n’y avait rien de bon dans le CPE : ni le fond, ni la méthode. En matière de dialogue social, l’UMP et le Gouvernement sont des croyants non pratiquants. En existe-t-il un pire exemple que la création du contrat nouvelle embauche par voie d’ordonnance et celle du contrat première embauche sans aucune consultation des partenaires sociaux ? Voilà maintenant quatre ans que vous refusez, monsieur le ministre, de prendre les décrets d’application pour l’entrée en vigueur de l’accord sur l’action syndicale dans les entreprises artisanales. N’est-ce pas là un véritable scandale démocratique ?

M. Pierre Cohen. C’est vrai !

M. Alain Vidalies. Sur le fond, le maintien du contrat nouvelle embauche dans notre droit ne trouve aucune justification, sauf à vouloir pérenniser un droit du travail à deux vitesses. Nous proposons donc son abrogation. Comment justifier l’apprentissage junior à quatorze ans et le retour, pour certaines professions, au travail de nuit à quinze ans ? Ces dispositions doivent être abrogées.

Il convient, sur la forme, d’organiser un véritable dialogue social permanent sur l’emploi des jeunes et, sur le fond, de cibler nos actions en direction des jeunes les plus en difficulté.

On ne répond pas à une situation aussi disparate par une mesure générale qui fragilise tous les jeunes en situation d’emploi. Les 150 000 jeunes qui, chaque année, sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification méritent une attention particulière. Le plus étonnant est que la moitié, soit 75 000, parviennent jusqu’à l’année terminale de l’examen. Quand on connaît l’importance du diplôme pour l’insertion professionnelle, il me semble que les partenaires sociaux et le Gouvernement devraient s’emparer en urgence de cette situation.

Nous savons aussi que les jeunes paient un lourd tribut à l’explosion de la précarité, au moment où 73 % des contrats de travail signés sont des contrats à durée déterminée ou des missions d’intérim. Nous souhaitons que le contrat de travail à durée indéterminée reste la référence et que les aides publiques bénéficient aux entreprises qui s’inscriront dans cette démarche. De même, nous proposons une modulation des cotisations sociales visant à pénaliser les entreprises abusant du recours à l’intérim.

Enfin, messieurs les ministres, certains jeunes sont confrontés à une difficulté particulière, dont l’existence constitue une honte collective pour notre République. « Les origines nationales induisent un clivage important. Même à diplôme équivalent et avec une profession du père comparable, les jeunes issus de l’immigration maghrébine ont un risque bien plus élevé de rester à l’écart de l’emploi que les jeunes d’origine européenne. »

Mme Irène Tharin. Vous n’avez pas écouté le ministre !

M. Alain Vidalies. Cette terrible conclusion tirée des analyses statistiques de la société française nous renvoie à la révolte des banlieues de l’automne 2005.

Il s’agit aujourd’hui, au-delà de l’impasse que constituait le CPE, d’engager une véritable démarche qui donne à chaque jeune un réel espoir d’insertion professionnelle. Tel est l’objectif de la proposition de loi du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce matin aborde, chacun en convient, un sujet dont l’importance a été maintes fois soulignée : le chômage des jeunes.

Les difficultés des jeunes de moins de vingt-six ans à s’intégrer sur le marché du travail sont réelles. On sait en effet que le taux de chômage des jeunes est de 22,2 %, contre 9,6 % pour l’ensemble de la population.

On sait également que le taux de chômage atteint 40 % chez les jeunes sans qualification. Ils font partie de ceux qui, sur le marché de l’emploi, souffrent le plus de l’instabilité, voire de l’insécurité, des relations de travail entre l’employeur et le salarié. Recrutés le plus souvent sous contrats temporaires – CDD et intérim –, ils sont aussi les plus touchés par le chômage quand l’activité se dégrade. La précarité est ainsi deux fois plus importante pour les jeunes que pour l’ensemble des actifs.

De ce point de vue, la situation n’a fait que se dégrader depuis 2002, pour des raisons essentiellement liées à l’absence de dynamisme de la croissance.

Dans une étude de janvier 2006, l’INSEE soulignait ainsi que plus d’un quart des jeunes actifs en 2003 ont traversé une période sans emploi dans l’année qui a suivi, contre 17 % de l’ensemble des actifs.

Mais la situation préoccupante du chômage des jeunes n’est pas nouvelle, et, nonobstant quelques périodes de croissance plus soutenues, les difficultés d’accès des jeunes à l’emploi constituent un point d’achoppement auquel tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont été confrontés. Si aucune solution pleinement satisfaisante n’a pu être trouvée, c’est sans doute parce que le phénomène est complexe.

Le chômage des jeunes relève en effet de la combinaison de plusieurs facteurs, parmi lesquels on peut citer l’inadaptation de la formation au regard des besoins de l’entreprise, l’existence de « trappes à inactivité », l’insuffisante attractivité de filières professionnelles créatrices d’emploi mais malheureusement peu valorisantes, ainsi que le défaut de dynamisme de l’activité économique.

Cette situation n’est d’ailleurs pas spécifique aux jeunes, même s’ils en souffrent particulièrement. C’est la raison pour laquelle on ne peut que regretter une proposition de loi qui, une fois de plus, segmente la question du chômage endémique qui touche notre pays.

La question qui nous est posée est bien plutôt celle de la sécurisation du parcours d’insertion professionnelle du demandeur d’emploi, quel que soit son âge.

Le parcours du demandeur d’emploi, a fortiori lorsque celui-ci est jeune, doit être axé autour de nouveaux principes, de manière que, si l’insertion professionnelle s’avère chaotique au regard de la conjoncture, au moins une période sans emploi ne se traduise pas systématiquement par la précarité de la situation personnelle et l’absence de perspectives professionnelles nouvelles.

Les droits sociaux, en particulier, devraient être davantage attachés à la personne qu’à la seule situation de salarié, à l’instar des droits à la formation, à la validation des acquis de l’expérience et, pour ce qui concerne les jeunes, à l’orientation et au bilan de compétences et d’aptitudes.

Il s’agit de donner toutes les chances à chacune et à chacun de trouver un emploi en gardant à l’esprit que les jeunes de moins de trente ans connaissent des périodes de précarité de plus en plus durables. C’est la raison pour laquelle l’UDF défend la proposition d’un contrat emploi formation dont pourrait bénéficier chaque jeune sans qualification, avec une prise en charge de la formation par l’État.

L’obtention d’un diplôme ne garantit évidemment pas celle d’un emploi à durée indéterminée, ni celle d’un emploi correspondant pleinement à la formation reçue. Pour autant, le diplôme demeure un filet de sécurité contre le chômage, notamment de longue durée. C’est donc bien à la formation initiale ou continue, et quel que soit l’âge, qu’il nous faut accorder la priorité.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui ne répond manifestement pas à l’objectif qu’il se propose d’atteindre, celui de l’insertion des jeunes dans l’emploi, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord parce que le ton volontiers polémique des termes utilisés tend à démontrer que nous avons affaire à une proposition de loi de circonstance, qui répond davantage à un souci de querelle politicienne qu’à une véritable volonté de faire avancer concrètement l’accès à l’emploi pérenne.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous serez meilleurs cet après-midi ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. Ainsi, à l’attitude du Gouvernement, qui modifie la législation sans concertation, répond l’attitude de l’opposition, qui entend tout supprimer sans distinction. Nous assistons à la sempiternelle partie de ping-pong politique, répétitive et stérile, entre droite et gauche. Ce sont les salariés et les employeurs qui en pâtissent, obligés de s’accommoder d’une législation changeante et toujours plus complexe. Bien entendu, on ne s’attarde pas aux évaluations, qui seraient pourtant la seule garantie d’un diagnostic sérieux de l’efficacité des politiques de l’emploi en cours.

La proposition de loi pose comme préalable à toute modification du droit du travail le recours au dialogue social. Sur le principe, nous y sommes favorables. Le groupe UDF avait d’ailleurs déposé des amendements en ce sens à la proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active, mais aussi lors de l’examen de la loi sur la formation professionnelle et le dialogue social, afin de préciser dans le texte même de la loi que la négociation collective est une étape préalable incontournable à l’élaboration d’un projet de loi relatif au droit du travail.

Depuis sont parus deux excellents rapports consacrés à la modernisation du dialogue social, dont l’un, rédigé par Dominique-Jean Chertier, formule un ensemble complet de propositions concrètes parmi lesquelles on peut noter l’élaboration d’un agenda partagé des réformes entre l’État, les partenaires sociaux et les acteurs de la société civile, l’instauration d’une procédure de « temps réservé » à la concertation – voire à la négociation – dans le cadre d’une réforme législative du droit du travail qui laisse le temps aux partenaires de formuler leurs propositions, l’affirmation, enfin, d’un rôle accru pour un Conseil économique et social rénové.

Le groupe UDF estime qu’il s’agit de réformes d’ensemble, qu’il convient de prendre le temps d’accomplir, afin de ne pas rater une fois de plus le cap des réformes concertées indispensables à notre pays dans les années à venir.

Par ailleurs, je reste perplexe sur la conférence nationale pour l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes. D’une part, il serait plus judicieux que cette conférence s’ouvre à la question plus globale de l’accès à l’emploi ou du maintien dans l’emploi, quel que soit l’âge. D’autre part, il nous semble primordial qu’elle trouve sa traduction au niveau local. En effet, c’est au niveau local, à l’échelle du bassin d’emploi, et sous l’impulsion des maisons de l’emploi, que peut s’effectuer de la manière la plus fine et précise possible l’analyse des besoins des entreprises en main-d’œuvre et qualification, et l’élaboration d’une véritable gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences.

Nous nous étonnons encore qu'aucune place ne soit prévue pour l'expérimentation. Or, celle-ci est indispensable en matière d'accès à l'emploi et de sécurisation des parcours professionnels. Elle reste un moyen incontournable de tester des dispositifs nouveaux, avant d'en évaluer les effets pour décider de les généraliser ou non.

Enfin, nous constatons, non sans une réelle stupéfaction, que la question de la discrimination à l'embauche – pourtant régulièrement évoquée à cette tribune – et dans l'emploi est complètement passée sous silence. Or, c'est l'un des enseignements fondamentaux de l'édition 2006 des données sociales de l'INSEE, publiées la semaine dernière. Celle-ci démontre en effet, sur un plan statistique, toute la réalité des discriminations à l'embauche liées à l'origine ethnique.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est dans le rapport !

M. Francis Vercamer. Elle établit ainsi que la moitié des jeunes dont le père est originaire du Maghreb n'ont pas d’emploi stable cinq ans après la fin de leur formation contre un tiers pour ceux dont les parents sont nés en France. Et pour les filles originaires du Maghreb, les chiffres sont encore plus catastrophiques. L'insertion professionnelle des jeunes passe donc aussi par une action déterminée contre les discriminations ethniques à l'embauche. À cet égard, le rapport Fauroux avait apporté de nombreuses propositions.

Au regard de la faiblesse des propositions avancées par ce texte, on ne peut donc que regretter le parfum de « bataille rangée politique » qui l'entoure. On sent là l'opportunité, pour le groupe socialiste, de se donner le beau rôle à bon compte, sans prendre trop de risques. C’est la raison pour laquelle le groupe UDF ne juge pas opportun d'en poursuivre la discussion avec l'examen des articles.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est vous qui ne prenez pas trop de risques !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe socialiste nous propose aujourd'hui, dans le cadre de sa niche parlementaire, une proposition de loi en faveur de l'insertion des jeunes dans l'emploi. Cette initiative est la bienvenue. Dans le même registre, nous avions, quant à nous, déposé un texte pour répondre au défi du chômage des jeunes.

Cette initiative, reprenant les revendications fortes du mouvement social, est donc heureuse tant l'échec du Gouvernement dans sa « bataille pour l'emploi » est cuisant. La crise du CPE – relayée par l'actuelle remise en cause du CNE jusque dans les tribunaux, monsieur le ministre –, après l'expression de la révolte dans les quartiers populaires, et les spécificités du chômage des jeunes exigent en effet des mesures nouvelles. Celles-ci sont portées par les luttes de ces derniers mois. Car, contrairement à ce qui est souvent affirmé, la France veut bouger, son peuple est prêt. Il l'a démontré, à l’occasion du référendum du 29 mai et lors des grandes mobilisations contre le CPE, en exprimant une exigence forte : il faut que cela change vraiment !

Oui, notre pays peut être réformé et son modèle social rénové, mais à la condition que son évolution s'inscrive dans le cercle vertueux du progrès social et que sa rénovation s'intègre dans le processus historique d'amélioration des conditions sociales et salariales.

Notre pays et la majorité de nos concitoyens ne veulent pas, en revanche, d'une transformation qui fera vivre moins bien les futures générations. Ils ne veulent pas que les réformes entraînent la régression sociale, que la prétendue sauvegarde de notre modèle social soit prétexte à la déréglementation, à la casse des acquis sociaux, à la remise en cause permanente des protections sociales des travailleurs et à l’atomisation des règles sociales et du code du travail.

C'est à cela que se sont précisément évertués, depuis quatre ans, la majorité et les différents gouvernements qui se sont succédé. Quatre ans d'actions contre le monde du travail et le droit du travail : démolition des 35 heures, suppression du lundi de Pentecôte, diminution de la rémunération des heures supplémentaires et des astreintes, assouplissement des règles du licenciement économique, multiplication des contrats aidés précaires, et, en point d'orgue, le CNE et la tentative, avortée fort heureusement grâce à la mobilisation populaire, du CPE, qui est une atteinte sans précédent au CDI, lequel doit demeurer la norme.

Des alternatives à cette politique, marquée du sceau du MEDEF, existent pourtant. Je rappellerai simplement à ceux qui ont des doutes sur le rôle du MEDEF que, lorsque le ministre a voulu augmenter le nombre des inspecteurs du travail, Mme Parisot s’est empressée de protester considérant qu’ils « embêtaient » déjà trop les chefs d’entreprise. Ces inspecteurs sont pourtant bien peu nombreux… De vrais enjeux progressistes se posent. Le mouvement social et les luttes nous en ont donné le sens et la proposition qui nous est soumise en reprend les principaux aspects : insertion professionnelle durable des jeunes, sécurisation des parcours professionnels, résorption de l'emploi précaire, notamment. Dans votre longue intervention, monsieur le ministre, vous n’avez pas précisé le niveau qu’atteignait aujourd’hui l’emploi précaire, toutes formes confondues. Or nous devons connaître ce chiffre, qui ne cesse de progresser.

Il est temps que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics se saisissent de ces sujets et avancent, à partir de propositions concrètes, pour ne pas décevoir une fois de plus le peuple de notre pays. Car la question de l'emploi préoccupe toujours autant malgré les effets de manche et de communication du Premier ministre – les analyses d’opinion le prouvent.

Pour notre part, nous avons déjà formulé des propositions. Concernant l'insertion professionnelle des jeunes, nous avons, en mars dernier, présenté une proposition de loi sur la gestion prévisionnelle des départs à la retraite, et les conditions de remplacement par des embauches de jeunes en CDI. Il s’agissait aussi de lutter contre les stages déguisés en remplacement d'emploi stable, qui bafouent la loi.

Concernant la résorption de l'emploi précaire, nous avons défendu une proposition de loi, il y a deux ans, pour requalifier en CDI les contrats précaires non justifiés et en limiter le recours abusif.

Concernant la sécurisation des parcours professionnels, nous travaillons à la mise en œuvre technique et opérationnelle de la proposition que nous avons intitulée « de sécurité d’emploi et de formation ».

Cette sécurisation des parcours permettrait à ceux qui veulent travailler, soit d'occuper un emploi stable et correctement rémunéré, soit de suivre une formation rémunérée. Cela permettrait d'accéder ou de retourner à un meilleur emploi avec une promotion sociale qui accompagnerait le développement des capacités de chacun. Ce système favoriserait une mobilité choisie dans la sécurité de droits et de revenus relevés. Il permettrait aussi d'éradiquer le chômage, rendant possible le remplacement d'emplois obsolètes sans que cela ne fasse des salariés visés des chômeurs, comme c’est le cas aujourd’hui. La société pourrait maîtriser la révolution informationnelle avec un progrès continu du niveau culturel et de la situation sociale de toutes les populations.

Tous ces sujets, sur lesquels revient la proposition de loi de nos collègues socialistes, doivent être ouverts à la discussion, à la réflexion et à la négociation. Ce texte propose précisément de constituer une Conférence nationale pour l'emploi – article 2 – ou encore d’organiser une négociation sur la réforme de la cotisation sociale patronale en fonction de la norme d'emploi de l'entreprise et en particulier son niveau de recours à l'emploi précaire – article 7 –, ainsi qu’une négociation sur la transformation des CNE en contrat stable – article 5. Nous avons d’ailleurs déposé une proposition de loi allant dans ce sens à l'issue de l’abrogation de ce contrat.

Même si certains aspects des thèmes de négociations restent parfois imprécis et mériteraient d'être mieux ciblés, nous soutenons l’initiative de nos collègues socialistes. Nous proposerons quelques amendements pour améliorer encore cette proposition de loi notamment en ajoutant un thème relatif aux conditions de remplacement des départs à la retraite. En effet, 500 000 départs sont prévus chaque année d'ici à 2015 en raison du papy-boom. En conséquence, il convient de prévoir que des négociations auront lieu dans chaque entreprise. De même, nous reviendrons sur la question des stagiaires pour enrichir la concertation prévue par le texte en intégrant la notion de requalification du stage en contrat de travail lorsque celui-ci est justifié, et d'y adjoindre des droits sociaux connexes. Nous proposons également de transposer à la fonction publique une réglementation plus juste et plus respectueuse des droits des stagiaires. Enfin, au-delà de l'abrogation du CNE et de l'apprentissage junior – véritable régression historique ! – d’ores et déjà prévue, nous avons déposé un amendement visant à supprimer le dispositif de remplacement du CPE voté à la hâte en pleine crise, le mois dernier, et qui ne répond pas aux lourdes difficultés que rencontrent les jeunes en matière d'emploi.

Nous abordons l'examen de cette proposition de loi dans une démarche véritablement constructive. L'importance du sujet mérite en effet d'autres réponses que celles formulées par la majorité et qui ne sont guidées que par le libéralisme, non pas sans limite, monsieur Dubernard, mais sauvage – et c’est déjà beaucoup –…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cela revient au même !

M. Maxime Gremetz. …et le démantèlement de notre pacte social, d'autant que les tentatives engagées en la matière par le Premier ministre n'améliorent en rien la situation sociale de notre pays.

Nous voterons donc cette proposition de loi enrichie de nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin.

M. Patrick Beaudouin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en panne de propositions lors des débats sur la loi relative à l'égalité des chances, l'objectif du groupe socialiste est de témoigner, au travers de ce texte, de la réalité d'un prétendu contre-projet en matière d'emploi des jeunes. Pourtant, l'essentiel de cette proposition de loi se limite à la suppression de dispositifs qui ont fait la preuve de leur efficacité : suppression du contrat nouvelles embauches, suppression de mesures concernant l'apprentissage.

Cette proposition va donc à l’encontre de dispositions simples, pragmatiques et concrètes visant à favoriser la préparation des jeunes et leur insertion dans la vie professionnelle. Elle illustre votre passe-temps favori, chers collègues socialistes, détruire sans construire – geste politique quelque peu primaire –, et votre volonté de détricoter méthodiquement, avec une toujours apparente mais fausse générosité et un savoir-faire hors pair, tout ce qui a été créé pour relancer l'emploi.

J'évoquerai ici principalement l'intérêt majeur du CNE et de l'apprentissage, passant sur le succès du CIVIS, du dispositif SEJE, ou sur l'amélioration du contrat de professionnalisation, sur lesquels mes collègues reviendront.

Vous vous attaquez au CNE et aux 410 000 contrats de ce type qui ont été signés depuis septembre 2005, que vous balayez ainsi d'un revers de main méprisant. Le CNE, c'est d'abord une philosophie du dynamisme et non celle de vieilles recettes éculées. Il établit un contrat gagnant-gagnant en conjuguant incitation à se développer pour l'entreprise, et insertion durable dans l'entreprise et dans l'emploi pour le salarié.

Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les CNE représentent, depuis sept mois, près de 11 % de l’ensemble des intentions d’embauche des entreprises de moins de vingt salariés. Rien que dans mon département du Val-de-Marne, 10 000 CNE ont été signés ! De nombreux secteurs l’ont adopté : le BTP, l’industrie, le commerce et les services aux particuliers. Les enquêtes montrent qu’un tiers des embauches n’auraient pas eu lieu sans ce contrat : c’est bien la preuve qu’il crée de l’emploi !

Enfin, 56 % des embauches concernent des chômeurs ou des RMIstes et 40 % sortent d’un CDD ou d’un stage. La majorité a fait le choix moderne et audacieux de nouvelles voies d’expérimentation, au lieu de laisser le mal du chômage empirer.

M. Jean Leonetti. Très bien !

M. Patrick Beaudouin. Le CNE a déjà enclenché une dynamique : laissez l’expérimentation se poursuivre et attendez les évaluations prévues dans les mois à venir, avant de vouloir tout figer !

En réalité, c’est un tir de barrage que vous menez contre une politique de l’emploi qui porte ses fruits…

M. Jean-Pierre Dufau. Qui les perd !

M. Patrick Beaudouin. …avec 185 000 demandeurs d’emploi en moins depuis février 2005, soit une baisse sans précédent de 7,5 % sur la période. C’est un tir de barrage contre une politique de l’emploi qui s’appuie sur les entreprises, notamment en encourageant leur création – les chiffres parlent d’eux-mêmes : leur nombre est en hausse de 25 % sur la période 2003-2005 !

Outre le CNE, vous vous attaquez à l’apprentissage, que, visiblement, vous n’aimez pas plus que l’entreprise et l’artisanat, qui en ont pourtant le plus grand besoin.

M. Jean-Pierre Dufau. N’importe quoi !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Ce n’est pas très subtil !

M. Maxime Gremetz. Avez-vous été apprenti ? Moi si !

M. Patrick Beaudouin. Faut-il rappeler, monsieur Gremetz, que c’est l’entreprise qui crée la richesse que l’on peut redistribuer au nom de la solidarité ?

La dernière enquête établissant les besoins en main-d’œuvre pour 2006 fait état de difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs : bâtiment et travaux publics, entreprises de transport et de logistique, métiers de l’hôtellerie, de la santé ou des services à la personne – autant de branches auxquelles la formation en alternance et l’apprentissage sont particulièrement adaptés.

En outre, l’Assemblée des chambres de commerce a estimé qu’environ 500 000 entreprises seraient à reprendre d’ici dix ans, 900 000 d’ici quinze ans. La réforme de l’apprentissage que nous avons menée va permettre de répondre en partie à ce défi.

M. Jean-Pierre Dufau. Quel rapport ?

M. Maxime Gremetz. Quel lien y a-t-il ?

M. Patrick Beaudouin. Après une baisse de plus de 15 % entre 1997 et 2002, puis une quasi-stabilité en 2003, le nombre de reprises a augmenté depuis 2004. Pour un jeune, être chef d’entreprise peut répondre à une véritable ambition et être un puissant levier de motivation personnelle.

Je tiens à rappeler l’importance de l’apprentissage dans le dispositif d’aide à l’emploi des jeunes. Ce dispositif a été construit pas à pas, avec sagesse, dans le plan de cohésion sociale, la loi sur l’école, la loi en faveur des PME et celle sur l’égalité des chances.

M. Jean-Pierre Dufau. Avec le succès que l’on sait ! Êtes-vous amnésique ?

M. Patrick Beaudouin. Dès lors, l’apprentissage et la formation par alternance connaissent un essor sans précédent. Pour cela, la majorité est partie de deux principes.

M. Jean-Pierre Dufau. Et elle est arrivée où ?

M. Patrick Beaudouin. D’abord, l’apprentissage est un véritable volet de l’instruction publique : tous les jeunes n’ont pas vocation à remplir les bancs des universités, déjà bondés.

M. Maxime Gremetz. Vous réservez l’université aux plus riches ! En témoigne le nombre de fils d’ouvriers !

M. Patrick Beaudouin. Ensuite, l’apprentissage n’est pas une formation au rabais, différente par nature de la formation générale, mais une formation adaptée à un besoin, qui s’ouvre sur toutes les voies de l’enseignement, même les plus élevées. Il permet de solliciter l’intelligence de chacun et favorise la découverte de soi, sans imposer de carcan inadapté.

Les socialistes ont toujours considéré l’apprentissage comme une voie de garage. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Dufau. Absolument pas !

M. Patrick Beaudouin. Ils contribuent à sa dévalorisation en ravivant sa connotation négative, tant auprès des parents qu’auprès des jeunes et des formateurs de l’éducation nationale.

M. Maxime Gremetz. Il n’y a pas d’apprentis dans la majorité !

M. Patrick Beaudouin. Votre proposition de loi tente de donner un coup d’arrêt à des mesures qui portent leurs fruits en faveur de la jeunesse, alors que nous n’avons eu de cesse, par la concertation et le dialogue, de vouloir réconcilier les acteurs de l’apprentissage : jeunes, parents, entreprises, éducation nationale.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas ce que disent les associations d’artisans !

M. Patrick Beaudouin. Nos dispositifs visaient à requalifier, à revaloriser et à rehausser l’image de l’apprentissage, marchepied vers l’emploi et la réussite personnelle. Nous l’avons fait en renforçant l’attractivité de l’apprentissage auprès des jeunes et de leurs familles, notamment par le non-assujettissement à l’impôt des revenus de l’apprenti, l’aide au financement des frais de déplacement, d’hébergement ou d’acquisition d’outillage et d’équipement, mais aussi en incitant les entreprises à embaucher des apprentis, notamment avec l’instauration d’un crédit d’impôt pour celles qui recrutent un apprenti ou le renforcement du statut du maître d’apprentissage et du tuteur.

Depuis 2004, date à laquelle le Gouvernement s’est pleinement saisi de la question de l’apprentissage, celui-ci a connu un développement sans précédent, comme le montre la dernière étude de la DARES. L’année 2005 a été une année record, et, en 2006, les entrées en apprentissage ont continué de progresser – de 6,3 % pour ce trimestre par rapport au premier trimestre 2005. Fin mars 2006, on comptait ainsi 382 000 apprentis, contre 366 000 un an plus tôt !

J’ajoute que le financement de l’apprentissage a été très nettement amélioré : 186 millions d’euros supplémentaires y ont été consacrés en 2005 – pour un total de 1 605 millions d’euros – et 133 millions de plus en 2006, pour atteindre la somme de 1 738 millions d’euros, et ce au profit des régions. Ainsi, vingt-deux régions – en particulier celles que vous dirigez, messieurs – et la Réunion ont déjà signé des contrats d’objectifs et de moyens avec l’État en vue de la mise en place de cette réforme et de sa revalorisation.

M. Maxime Gremetz. Vous vous contredisez !

M. Patrick Beaudouin. Nous sommes donc loin des insuffisances budgétaires que vous nous reprochez !

Une nouvelle étape de la réforme est engagée en 2006, visant notamment à développer l’apprentissage dans les grandes entreprises : celles-ci verront leur taxe professionnelle augmenter si elles ne respectent pas des quotas minimums pour les apprentis. L’objectif de 500 000 apprentis en 2009 que s’est fixé le Gouvernement pourra donc être atteint.

Ce dernier entend aussi développer l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et mettre en place l’apprentissage junior. Dans votre proposition de loi, vous demandez l’abrogation des articles 2, 3, 4 de la loi pour l’égalité des chances au motif qu’ils « précariseraient la jeunesse ».

M. Jean-Pierre Dufau. Tout à fait !

M. Patrick Beaudouin. Mais l’apprentissage constitue une séquence de formation. Les apprentis préparent des diplômes contrôlés et agréés par l’éducation nationale, identiques à ceux préparés par la voie académique. Leur taux de succès est d’ailleurs le même, mais leur entrée dans l’emploi est facilitée, puisque neuf apprentis sur dix, après avoir obtenu un diplôme en apprentissage, trouvent un emploi. La loi sur l’égalité des chances maintient les limites d’âge légales antérieures : seize ans en droit commun, quinze ans de manière dérogatoire.

M. Maxime Gremetz. Alors là !

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Beaudouin. Lisez mieux ! L’apprentissage junior s’organise très simplement, par paliers et sous statut scolaire, sans exclure l’élève des savoirs indispensables que doit lui conférer l’éducation nationale.

M. Maxime Gremetz. Personne ne vous croit plus !

M. Patrick Beaudouin. La « découverte des métiers », l’une des mesures phares de la loi sur l’égalité des chances, vise à offrir de nouvelles opportunités aux jeunes dès quatorze ans désireux de s’orienter vers des formations en alternance par le biais de l’apprentissage,…

M. Jean-Pierre Dufau. Vous leur donnez surtout le droit de travailler la nuit !

M. Patrick Beaudouin. …et cela en deux phases : la première, baptisée « parcours d’initiation aux métiers », pour le jeune d’au moins quatorze ans et sous statut scolaire, et la seconde, baptisée « apprentissage junior confirmé », consistant en une véritable formation en apprentissage, dotée d’un système réversible permettant au jeune de revenir à tout moment au collège. Voilà la vérité sur l’horrible apprentissage junior ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Dufau. Qui le croit ?

M. Patrick Beaudouin. Vous nous accusez de ne pas aimer la jeunesse…

M. Jean-Pierre Dufau. C’est la jeunesse qui le dit !

M. Patrick Beaudouin. …mais ces mesures montrent au contraire que nous souhaitons considérer chaque jeune avec ses particularités, ses difficultés, son imaginaire propre, sans tout sacrifier au Dieu « collège unique » que vous voulez sanctuariser !

À l’UMP, nous sommes interpellés par le fait que si 80 % d’une classe d’âge a le baccalauréat, près de 45 % des élèves ne réussissent pas leur premier cycle universitaire et doivent alors repartir vers une qualification. Quelle perte de temps ! Nous pensons qu’il faut leur tendre la main en amont de cet échec potentiel en leur proposant la découverte d’un métier : c’est le rôle de l’apprentissage junior. Nous voulons que la jeunesse puisse appréhender le monde de l’entreprise sous l’angle de l’effort et du travail, naturellement, mais aussi sous l’angle porteur de l’initiative et de la liberté individuelles. Nous voulons qu’elle soit véritablement armée pour goûter à la réalité. Nous ne lui proposons pas une mythologie du grand soir et de l’emploi à vie vendue en kit !

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas le soir, c’est la nuit que les jeunes vont travailler !

M. Patrick Beaudouin. Enfin, vos attaques contre l’indispensable encadrement du travail de nuit pour les apprentis mineurs, contre les assouplissements à l’interdiction de travail le dimanche pour les mineurs dans certains secteurs, prouvent une nouvelle fois votre décrochage par rapport à la réalité du monde du travail, de l’entreprise et de l’artisanat. Vous avez pourtant pris les ordonnances sur ce sujet. Nous, nous avons su mettre fin au vide juridique que vous avez entretenu sur ces questions pendant des années, faisant un pas en avant, puis un pas en arrière.

M. Alain Vidalies. Vous étiez inscrit pour cinq minutes !

M. Patrick Beaudouin. En instaurant le CNE, marchepied efficace vers le monde des petites entreprises, en renforçant la formation par l’alternance, en revalorisant l’apprentissage, nous avons ouvert la voie pour des milliers de jeunes, non seulement à l’emploi et à l’intégration, mais aussi à l’esprit de responsabilité et de citoyenneté indispensable à la cohésion de notre pays. Et vous voulez purement et simplement fermer à la jeunesse cette voie d’avenir ? Nous refusons, et, en rejetant votre proposition de loi, nous affirmons la réalité de l’action du Gouvernement et de la majorité depuis quatre ans, action dont les chiffres attestent la réussite. Nous allons continuer dans cette voie, car c’est notre volonté politique.

M. Maxime Gremetz. Vive la révolution conservatrice !

M. Patrick Beaudouin. Vous avez un grand talent d’orateur, monsieur le rapporteur. Il est dommage que vous l’utilisiez aujourd’hui pour tenter de nous vendre la dernière production du parti socialiste, qui n’est qu’une illusion : « la marche immobile » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de ne pas avoir pour l’apprentissage junior la même admiration béate que l’orateur qui m’a précédé à cette tribune !

On ne peut préparer réellement l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle et, au-delà, dans la société sans tenir compte du message qu’ils nous ont collectivement adressé il y a quelques semaines et qui exprimait justement leur crainte de ne pas être insérés dans la vie professionnelle. La question que nous devons nous poser ensemble est celle de leur place dans la société. Cette insertion ne sera pas possible si l’État ne consent pas un effort considérable en faveur de la formation.

Regardons avec humilité et modestie vers les pays étrangers qui réussissent l’insertion des jeunes, qu’elle soit professionnelle, sociale ou citoyenne. Leur système de formation a toujours les mêmes caractéristiques : les jeunes entrent dans la vie active assez tard, après une longue scolarité, et bénéficient d’une véritable orientation, organisée au niveau national par le biais d’une sorte de service public, enfin cette orientation permet une amélioration générale du niveau de qualification.

C’est ce constat qui nous avait conduits à fixer un certain nombre d’objectifs au système national de formation, dont un que vous vous plaisez à railler pour mieux justifier la baisse considérable des moyens consacrés à l’éducation : celui d’amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat et au moins 50 % à un diplôme d’enseignement supérieur du niveau de la licence.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Cela n’a aucun sens !

M. Yves Durand. Si nous l’avions inscrit dans nos lois, c’est que seule la hausse générale des qualifications permettra une véritable insertion professionnelle et sociale.

Or cette marche, initiée dans les années quatre-vingt, s’essouffle aujourd’hui, et – je le dis très sincèrement – ce n’est pas seulement depuis que vous êtes au pouvoir. C’est une question que nous devons nous poser collectivement, mais le phénomène s’est tout de même considérablement accéléré depuis 2002. Aujourd’hui, le taux d’accession au baccalauréat et à un diplôme qualifiant de l’enseignement supérieur est en stagnation, voire en régression.

Face à cela, vous prônez, notamment dans la loi dite – à tort – « d’égalité des chances », des remèdes qui n’amélioreront pas le niveau des qualifications, comme l’apprentissage junior mis en avant par le ministre. Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, et quels que soient les textes officiels, l’apprentissage junior constitue bien une remise en cause de la scolarité à seize ans. Je vais tenter une nouvelle fois de vous le démontrer, en utilisant la même pédagogie de la répétition, et avec la même ténacité que vous.

La scolarité obligatoire jusqu’à seize ans a fait progresser considérablement le niveau des qualifications. Vous ne ferez croire à aucun enseignant, aucun parent, aucun élève qu’un jeune de quatrième ou de cinquième qui est en difficulté scolaire sera capable d’acquérir le socle commun de connaissances nécessaire à la fin de la scolarité obligatoire tout en effectuant un travail d’apprenti. Les horaires de l’apprentissage étant très lourds, un collégien suivant par ailleurs une scolarité normale ne pourra les assumer.

En fait, sans le dire – et c’est le grand reproche que nous vous adressons –, vous n’assumez pas votre politique. En les excluant du système scolaire, vous ne donnez pas à ces jeunes, qui en ont justement le plus besoin, les chances d’acquérir cette haute qualification.

Monsieur le ministre, nous ne nous prononçons pas contre l’apprentissage. Nous sommes favorables à la formation en alternance parce qu’elle est une chance, mais seulement dans la mesure où elle constitue une véritable filière d’excellence. Or vous en faites une filière de relégation en rétablissant un palier d’orientation précoce au niveau de la cinquième, à l’inverse de ce que pratiquent tous les pays qui réussissent en matière de formation et d’insertion professionnelle.

Malgré tous vos arguments, la réalité est là : une véritable régression scolaire ! Ce n’est pas ainsi que vous résoudrez le problème de l’insertion professionnelle, ni le véritable drame – contre lequel nous tous voulons lutter, mais pas avec les mêmes moyens –, de ces 150 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans qualification.

Au fond, comme dans plusieurs de vos lois, notamment celle sur l’avenir de l’école, vous considérez dès le départ que ces jeunes ne sont pas faits pour l’école, alors que le grand pari de l’école de la République est justement d’accueillir tous les jeunes !

M. Jean-Pierre Dufau. Eh oui !

M. Yves Durand. Nos jeunes n’ont pas besoin de moins d’école, mais, au contraire, de plus d’école, en tout cas d’une autre école !

Vous les excluez avec « l’apprentissage junior ». C’est une véritable évolution du système éducatif dès la petite enfance, à l’école élémentaire, au collège et au lycée qui doit prévaloir, afin que les amphithéâtres de l’enseignement supérieur ne soient pas bondés !

Dans les pays industrialisés qui réussissent, le taux de jeunes d’une génération qui suivent un enseignement supérieur atteint 75 %, lorsque nous atteignons péniblement les 40 % ! Il y a là un réel défi à relever !

La réussite des jeunes, la possibilité pour eux d’échapper à ce véritable massacre que constitue l’échec en premier cycle est possible grâce à une véritable évolution démocratique du système éducatif. Or vous l’avez repoussée, niée, et même reniée par vos différentes lois sur l’école.

Au fond, votre « apprentissage junior » n’est pas une invention, mais n’est que la dernière pierre au système que vous mettez en place : un système d’exclusion des plus faibles, des plus fragiles, l’école n’étant destinée, selon vous, qu’aux plus brillants et aux plus favorisés.

Notre conception est radicalement différente de la vôtre et sous-tend notre proposition de loi. Monsieur le ministre, votre longue réponse – qui ressemblait plus au testament d’un gouvernement aux abois qu’à de véritables propositions – démontre que vous n’avez ni le souffle, ni le dynamisme, ni surtout la volonté politique de préparer une véritable insertion des jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons décidé, avec mes collègues du groupe socialiste, de déposer cette proposition de loi et, malgré votre obstruction, en souhaitons la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le ministre Larcher, vous avez souligné la hausse des créations d’emploi au cours des derniers mois. Les faits parlent d'eux-mêmes : la bataille pour l'emploi commence à porter ses fruits et résulte de la détermination de l’ensemble de l’équipe gouvernementale, notamment de Jean-Louis Borloo et d’Azouz Begag.

Depuis février 2005, mes chers collègues, le chômage a diminué de 7,5 %, ce qui est considérable ! Le nombre de demandeurs d’emploi est revenu à son niveau le plus bas, celui d’octobre 2002.

Le chômage des jeunes est une préoccupation majeure et Laurent Hénart a excellemment plaidé pour cette cause lors de notre débat sur une proposition de loi dont il était le rapporteur. Mais, aujourd’hui, messieurs les représentants du parti socialiste, je suis surpris par certains propos relevés dans le rapport sur votre proposition de loi. En parlant de « mépris d’un gouvernement qui s’acharne à agir contre [les jeunes] », vous allez un peu loin ! De même, prétendre que ce gouvernement « n’a cessé de réduire les moyens consacrés » [à l’emploi des jeunes], notamment par la suppression des emplois-jeunes, est inadmissible, alors que vous vous étiez bien gardés d’en assurer la pérennité et d’en prévoir le prolongement en termes de formation pour les jeunes !

Ces accents polémiques sont d'autant plus regrettables que, sur le fond, nous pourrions être d’accord sur le constat que le chômage n’est pas une fatalité, sur la diversité que constituent les différentes formes de chômage des jeunes ou sur l’existence de discriminations à l’égard de ces derniers. Or vous voudriez aujourd’hui remettre en cause la loi pour l’égalité des chances qui s’attaque justement à ce type de problèmes !

M. Jean-Pierre Dufau. Elle s’y attaque mal !

M. Bernard Perrut. C’est difficilement compréhensible !

Vous entrez dans une stratégie purement politicienne, quand MM. les ministres et les députés UMP souhaitent, eux, faire preuve d’humilité et de confiance devant ce sujet important.

M. Jean-Pierre Dufau. Comme avec le CPE !

M. Bernard Perrut. Humilité, d’abord.

Aucun d’entre nous sur ces bancs ne peut prétendre décréter l’emploi, ni afficher des certitudes concernant l’avenir. Tout doit cependant être mis en œuvre, non seulement grâce à la politique de l’emploi en tant que telle, mais également à travers les mesures en direction de l’entreprise. Je pense aussi aux pôles de compétitivité et aux pôles d’excellence rurale. Tous éléments qui contribuent à créer des emplois, car c’est avant tout l’ensemble des entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, qui créent l’emploi en France.

Confiance, ensuite.

Les chiffres de l’emploi, il faut le répéter, sont encourageants et nous ne devons pas aborder ce débat avec pessimisme. Bien au contraire, nous devons refuser tout fatalisme. Comme Jean-Michel Dubernard l’a souligné, ne nous accrochons pas au statu quo, sachons oser. Engageons-nous sur des voies nouvelles pour faciliter l’emploi et conjuguer souplesse et sécurité grâce à un droit du travail moderne qui donne à chacun sa chance.

Nous mesurons la fragilité des jeunes que nous rencontrons dans nos villages, dans nos quartiers, mais aussi les difficultés que rencontrent leurs aînés, les seniors. À cet égard, messieurs les ministres, je salue votre annonce d’un plan en faveur des seniors, qui sera présenté le 6 juin prochain.

À ce bilan des chiffres de l’emploi, s’ajoute celui de l’apprentissage : 380 000 apprentis en 2006, soit une progression de 6,3 % sur le premier trimestre.

Notons également le travail de l’ANPE, qui a reçu près de 30 000 jeunes au cours des derniers mois, dont un certain nombre ont pu être guidés vers l’emploi.

Je tiens également à saluer le travail des PAIO et des missions locales grâce aux moyens renforcés que vous leur avez donnés, permettant d’accompagner ces jeunes, notamment dans le cadre du CIVIS – un CIVIS que nous avons ouvert aux jeunes beaucoup plus largement dans le cadre de la proposition de loi de Laurent Hénart.

170 000 jeunes ont déjà bénéficié du CIVIS. Nous pourrions également évoquer toutes celles et tous ceux qui ont bénéficié d’autres dispositions.

Dans son excellent rapport, Mme Tharin a raison d’évoquer également la nécessité d’une meilleure connaissance des besoins en emploi sur les différents territoires.

Monsieur Gorce, vous avez raison, le programme TRACE fut un excellent dispositif,…

M. Jean-Pierre Dufau. Absolument !

M. Bernard Perrut. …mais, si nous l’avons supprimé, c’est parce que nous l’avons remplacé par un mécanisme plus efficace : le CIVIS.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il y a moins de places !

M. Bernard Perrut. L’action du Gouvernement a produit des résultats, avec une baisse de 8,4 % du chômage des jeunes sur un an !

Il convient d’ajouter les 29 000 contrats de professionnalisation, les 170 000 contrats d’insertion dans la vie sociale…

M. Maxime Gremetz. Le ministre l’a déjà dit, n’en rajoutez pas !

M. Bernard Perrut. …et la nouvelle disposition prise par le Gouvernement, la « charte des stages », qui permet désormais d’encadrer et de rémunérer les stagiaires.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est du copié-collé ! Time, monsieur le président !

M. Bernard Perrut. Messieurs de la gauche, vous semblez ignorer toutes ces améliorations, comme les mesures prises pour favoriser les débouchés entre l’université et l’emploi. Une commission du débat national « université-emploi » vient d’être installée et travaillera aux niveaux à la fois des territoires, des départements et des régions, pour aboutir, au niveau national, sur des propositions de parcours et de réussite universitaires. Car l’essentiel n’est pas simplement d’entamer un cycle supérieur, encore faut-il savoir en sortir avec un emploi.

Davantage que d’insertion, nous devons parler aux jeunes de qualification professionnelle, point abordé par plusieurs d’entre nous. Sachons aider nos jeunes à devenir qualifiés, condition nécessaire à l’obtention d’un emploi.

Monsieur Gorce, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, votre proposition de loi se limite à la suppression de dispositions existantes.

Elle remet en cause le contrat nouvelles embauches,…

M. Jean-Pierre Dufau. Bien sûr !

M. Bernard Perrut. …ignorant les milliers de petits patrons qui ont déjà embauché par cette voie ! Vous voulez même, en quelque sorte, vous substituer au juge pour proclamer que, dès maintenant, ce contrat n’existe plus. Et vous oubliez que 410 000 contrats nouvelles embauches ont été signés, dont 100 000 à 150 000 correspondent à des créations nettes d’emploi !

Votre proposition de loi revient également sur l’apprentissage junior, alors que ce dispositif permettra aux jeunes, dès quatorze ans, de se familiariser avec les réalités économiques, puis, à quinze ans, de signer un contrat d’apprentissage !

De même, vous voulez remettre en cause les nouvelles dispositions sur le travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis !

M. Jean-Pierre Dufau. Bien sûr !

M. Bernard Perrut. Or les supprimer conduirait à un vide juridique et à un retour en arrière !

En conclusion, votre proposition de loi pose sans doute de bonnes questions, mais n’apporte pas de réponses nouvelles, se bornant à demander la suppression de ce qui existe. Elle fait table rase de bonnes mesures dont nous mesurons les effets. Si vous vouliez que nous discutions de votre texte, messieurs, encore faudrait-il que vous puissiez clarifier vos propositions, les rendre pertinentes et offensives.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est l’objet de cette discussion !

M. Bernard Perrut. Au cours des derniers mois, nous vous avons beaucoup entendus sur l’emploi et l’insertion des jeunes, mais votre texte comporte uniquement des propositions pauvres, voire inexistantes. Vous vous contentez de faire de la politique politicienne au mépris des jeunes et leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, personne ne peut accepter les difficultés injustes que connaissent les jeunes pour s'insérer dans l'emploi,…

M. Laurent Wauquiez. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Dufau. …en particulier – mais ce n’est pas exclusif – les 150 000 jeunes qui, chaque année, quittent le système scolaire sans diplôme ni qualification.

La proposition de loi du groupe socialiste dont nous débattons aujourd'hui apporte un cadre réaliste en réponse au problème posé. Je souhaite souligner la cohérence de cette proposition de loi ouverte, claire et adaptée, qui offre à la négociation toute sa place et qui définit nettement les objectifs.

La méthode ouverte retenue donne toute sa place au dialogue social. En ce sens, monsieur le ministre, elle est à l'opposé de la méthode autoritaire utilisée par le Gouvernement lors de l’instauration du CPE. C'est pourquoi inscrire dans la loi elle-même en son article 1er –et non dans l'exposé des motifs, comme le fait la loi du 4 mai 2004 – la nécessité de saisir les partenaires sociaux avant toute réforme législative du code du travail est une avancée démocratique considérable.

C'est aussi reconnaître que la lutte contre le chômage et la précarité constitue un combat prioritaire partagé. C'est un gage de cohésion sociale et citoyenne. Mais, au-delà de cette négociation préalable, c'est une méthode de travail. La création d'une Conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes associant les pouvoirs publics, les organisations professionnelles et les organisations syndicales étudiantes et lycéennes marque un engagement fondamental. D'autant que cette Conférence sera régulièrement saisie de l'évaluation des dispositifs mis en œuvre. Ceci souligne, si besoin était, la cohérence de la démarche qui responsabilise l'ensemble des partenaires dans la durée.

Notre proposition de loi est également claire dans ses objectifs. Tout d'abord, par ses articles 5 et 6, elle abroge les contrats CNE pris par ordonnance, les dispositions de la loi sur l'égalité des chances relatives à l'apprentissage junior et l'extension du travail de nuit pour les apprentis dès l'âge de quinze ans. En effet, ces décisions, contestées, n'ont jamais fait l'objet de négociations préalables.

Ensuite, cette proposition reconnaît à tout jeune, engagé ou s’engageant dans la vie active, des droits universels d'accueil, d'information et d'orientation afin de lui assurer une première expérience professionnelle.

L'affirmation de ces droits est une reconnaissance forte de notre volonté d'insertion des jeunes dans l'emploi, notamment des jeunes les plus en difficulté. Ce n'est pas pour autant que nous ignorons les problèmes liés à l’orientation, à la formation initiale – Yves Durand l’a rappelé – et à la formation professionnelle ; l’ensemble de ces problèmes devront aussi être traités avec les différents partenaires. C’est là un changement de méthode.

Bien sûr, les dispositifs à mettre en œuvre devront tenir compte des situations individuelles et des niveaux de formation de chaque jeune, car assurer à chaque jeune une démarche personnalisée est la meilleure garantie de réussite. Cela se pratique avec succès dans d'autres pays. Pourquoi pas en France ?

Notre objectif est de faire en sorte que le CDI soit la règle, le socle du droit du travail pour une insertion durable des jeunes dans les entreprises. Pourquoi le CDI ? Parce qu'il est le contrat normal qui garantit le droit des salariés et qu'il n'est pas incompatible avec la logique économique des entreprises.

Dans des cas précis – travail saisonnier, augmentation ponctuelle du plan de charge, etc. – le recours au CDD n'est pas à exclure. Mais celui-ci doit demeurer l'exception, car on a connu trop d'abus.

La base du contrat doit être le CDI ; inutile de compliquer à l'excès les choses et de multiplier les contrats. Les entreprises n'ont pas vocation à effectuer un travail administratif parfois absurde. Chacun sait que ce sont la croissance, le pouvoir d'achat et les parts de marchés qui stimulent les besoins des entreprises. Faut-il rappeler que l’on dénombrait 588 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans au chômage en juin 1997 et qu’ils étaient 388 600 en juin 2002 ? Durant cette même période, l’action du gouvernement Jospin a permis de créer deux millions d'emplois et de faire reculer le nombre de chômeurs de près d'un million.

Il n’est pas acceptable que 40 % de jeunes sans qualification soient au chômage : il faut prioritairement s'occuper d’eux. Le programme TRACE a été, en son temps, une démarche intéressante et réaliste. Il a été, hélas, abandonné par la majorité actuelle. L’objectif de cette proposition de loi est d'instaurer la relation la plus individualisée possible avec ces jeunes dans notre société, au quotidien, mais aussi entre chaque jeune salarié et l'employeur. Cette volonté implique une démarche partagée, fondée sur la négociation.

Cette proposition marque un progrès sensible qui permet d'aborder dans un esprit nouveau le délicat problème de l'insertion des jeunes dans l'emploi. Loin de nous l’idée de prétendre que c’est la panacée, mais c'est l'amorce d'un projet plus vaste, plus ambitieux : celui que les socialistes et la gauche auront à cœur de proposer au pays pour véritablement engager une politique forte pour l’emploi en général et celui des jeunes en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

(M. Maurice Leroy remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la bataille pour l'emploi n'est ni de gauche ni de droite. En matière économique, ce n’est pas l’idéologie qui doit primer, mais l'efficacité et le réalisme.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Bernard Depierre. Malgré une conjoncture économique difficile, une dette publique explosive, la politique que nous avons mise en œuvre depuis 2002 commence véritablement à porter ses fruits et à donner des résultats.

En onze mois, 181 000 demandeurs d'emploi ont trouvé ou retrouvé un emploi. Le taux de chômage est tombé de 10,2 % à 9,5 %, taux certes encore important, mais qui, grâce aux mesures que nous avons prises, reculera encore.

La baisse a été particulièrement significative en mars, y compris pour les jeunes puisque le taux de chômage des moins de vingt-six ans a diminué de trois points. Incontestablement, les signes de la reprise sont là : 229 000 entreprises nouvelles se sont créées en 2005, ce qui est un atout pour de nouveaux emplois.

Les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, recommencent à embaucher. En 2005, 142 000 emplois ont été créés dans le secteur privé. Pour cette année, l'INSEE table sur 200 000 nouvelles créations d'emplois et un taux de chômage sous la barre des 9 %. Le chèque emploi service universel créé en janvier dernier laisse, quant à lui, espérer 500 000 créations d'emplois de services à la personne dans les trois prochaines années. C’est un chiffre significatif.

Voilà une réalité qui, évidemment, ne plaît pas à certains qui préféreraient constater un échec.

Ces bons résultats découlent pour partie de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement, notamment de la création du contrat nouvelles embauches. Les chiffres sont là : 400 000 CNE ont été signés, dont plus de 30 % sont de vraies créations d'emploi. Le CNE est un type de CDI qui offre de réelles garanties d'insertion au sein de l'entreprise.

L'INSEE prévoit entre 40 000 et 80 000 emplois de plus chaque année avec le seul CNE. Et les quelque 40 000 à 80 000 chômeurs qui sortiront ainsi de la précarité ne s’en plaindront pas. Sortons des querelles politiciennes et osons rappeler les chiffres !

Toujours selon l'INSEE, le CNE a permis de faire reculer le taux de chômage d'environ 0,3 à 0,4 point.

La bataille pour l'emploi n'est pas une affaire d'idéologie. Or que propose le groupe socialiste ? Rien, sinon de tout abroger y compris ce qui fonctionne. Ceux qui souffrent du chômage n'ont que faire des arguments idéologiques et politiciens. Ce qui compte pour eux, c'est de trouver un emploi.

M. Richard Mallié. Tout à fait !

M. Bernard Depierre. Gardons en mémoire la leçon des emplois-jeunes créés par les socialistes, voies de garage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui n'étaient rien d'autres que des CDD de cinq ans sans perspective de formation ni d'intégration et qui ont laissé plus de 350 000 jeunes sur 500 000, sans rien, cinq ans après, avec une valeur professionnelle détériorée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Hélène Mignon. C’est faux ! Comment peut-on proférer de pareilles âneries ?

M. Laurent Wauquiez. C’est pourtant la stricte vérité !

M. Bernard Depierre. Notre logique, à droite, est bien différente.

Mme Danielle Bousquet. Ça, c’est vrai !

M. Bernard Depierre. Nous partons d'un constat simple ; celui que seule l'entreprise crée l'emploi durable et la richesse de notre pays.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Bernard Depierre. Nous avons lancé en 2003, les emplois-jeunes en entreprises – CDI avec deux ans d'exonération totale de charges sociales et de 50 % la troisième année – et les contrats de professionnalisation.

M. Laurent Wauquiez. Très juste !

M. Bernard Depierre. Avec ces deux dispositifs, 300 000 jeunes ont intégré l'entreprise et vont pouvoir s'y former et progresser socialement d’une façon durable.

La solution socialiste qui consiste à pénaliser toujours davantage les entreprises et à créer des emplois de fonctionnaires n’est pas la bonne.

La loi sur l'égalité des chances, que la gauche veut abroger, comporte des avancées significatives pour les jeunes. Je pense notamment à l'encadrement et à la rémunération des stages , à la lutte contre les discriminations, mais aussi à la relance de l'apprentissage, dont on sait qu'il est une voie efficace vers l'emploi…

M. Laurent Wauquiez. En effet !

M. Bernard Depierre. …puisque 80 % des jeunes apprentis trouvent un emploi à l’issue de leur apprentissage.

Il serait donc particulièrement irresponsable de supprimer des dispositifs qui fonctionnent pour les remplacer par d'hypothétiques réponses politiciennes. Pour notre part, nous récusons cette manière de faire !

Pourquoi remettre en cause une politique d'autant plus équilibrée qu'elle traite aussi les difficultés à la racine en mettant en place un véritable parcours d'emploi pour les jeunes, avec notamment un service public d'orientation plus efficace, une prise en compte nouvelle des stages, le développement de l'alternance et, à terme, la réforme annoncée de l'université ? Depuis septembre 2005, 80 000 jeunes ont été reçus par l'ANPE, sur lesquels 20 000 se sont vu proposer une formation de longue durée ou un emploi. Voilà des résultats qui prouvent qu'avec de la volonté et beaucoup de réalisme, il est possible d'agir sur le taux de chômage.

Casser cette cohérence, ce serait refuser aux milliers de chômeurs qui trouveront un emploi grâce au CNE ou au contrat jeunes en entreprise, la chance de s'insérer dans le monde du travail.

La bataille pour l'emploi porte ses fruits, poursuivons-la.

M. Maxime Gremetz. Tout le monde est mécontent, mais surtout ne changeons rien !

M. Bernard Depierre. Renforçons-là pour obtenir des résultats encore plus probants, pour offrir, à chaque Française et à chaque Français, un emploi durable et valorisant, mais aussi ce qui va avec : l'accès au crédit et un logement digne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Compte tenu de l’heure tardive, monsieur le président, je renonce à prendre la parole.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, par cette proposition de loi, le groupe socialiste veut contribuer à répondre à l'inquiétude de nos concitoyens, qui, déjà préoccupés hier de la persistance du chômage des jeunes, ne sont aujourd'hui que plus circonspects après l'épisode catastrophique du CPE.

Dans ces conditions, il revient aux parlementaires de la majorité de ne pas choisir d'interrompre ce débat au terme de la discussion générale et de laisser celui-ci se poursuivre afin que la confrontation démocratique de nos options et des vôtres puisse avoir lieu.

Ce texte vise, en premier lieu, à institutionnaliser le principe de la concertation et de la négociation entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux préalablement à toute réforme.

Cette exigence est d'autant plus nécessaire après les tentatives répétées de passage en force de votre Gouvernement sur plusieurs dossiers, dont le CPE n'est que le dernier en date. Nous y opposons aujourd'hui une autre conception de la démocratie sociale, comme corollaire de la démocratie représentative. Les partenaires sociaux ne s'y sont pas trompés et ont déjà amorcé le débat.

En proposant d'instituer pour tous les jeunes un droit universel à l'accès à la formation et au logement, clefs de l'entrée dans la vie active, assorti d'un parcours personnalisé et adapté à la situation de chacun d'entre eux, nous pensons particulièrement à ces 150 000 jeunes sans qualification qui demeurent les moins biens armés face au chômage. Nous n'oublions pas non plus ceux qui, malgré une qualification professionnelle et des diplômes, peinent à trouver du travail et à gagner leur autonomie.

Nous comprenons la légitime préoccupation des employeurs de recruter des salariés à même de répondre aux besoins de leur entreprise, ce qui les conduit à exiger d'eux une expérience professionnelle alors que leur formation est à peine achevée. C'est pourquoi nous devons accompagner l’entrée dans l'entreprise quand cela est nécessaire.

Notre proposition de loi vise à créer un système d'incitation au recrutement des jeunes qui devra favoriser des recrutements en CDI, afin de ne pas donner la prime à la précarité comme le fait le CNE – ce que vous refusez d’admettre. Nous savons aujourd'hui que 60 % des CNE signés concernent des jeunes. La précarité de ces contrats touche, comme toujours, les plus faibles : les jeunes, les femmes, les travailleurs sans qualifications.

Ce n’est pas la nature des contrats qui crée l’emploi, mais bien la croissance – toutes les organisations professionnelles et les partenaires sociaux le savent. Le rôle du Gouvernement est de soutenir cette croissance et d’y participer en redonnant confiance aux investisseurs, aux entreprises et en accompagnant cette montée en puissance, comme l’avait fait le gouvernement de Lionel Jospin, par le soutien à l’activité et à l’innovation.

Notre proposition de loi, élaborée après de nombreuses auditions et concertations, apparaît nécessaire à tous les partenaires sociaux, mais aussi aux collectivités territoriales, qui, sur le terrain, innovent et proposent des solutions empreintes de bon sens.

Le jeune doit pouvoir s’adresser à un service public de l’emploi unifié, avec une seule porte d’entrée. Dans cet espace, il trouvera, auprès d’un seul référent, l’accompagnement nécessaire, validé par un contrat engageant les deux parties sur l'ensemble des points à traiter qui le concernent : formation, logement, santé, mobilité, aides financières, garde d'enfants pour les jeunes mères et, si nécessaire, accompagnement dans l'entreprise par une cellule d'appui social à laquelle l'État et les collectivités territoriales participeraient chacun à hauteur de leurs compétences.

C'est par la continuité de l'action auprès d'un jeune l'engageant dans son parcours d'accès à la vie active que nous redonnerons crédibilité et force à l'action publique en facilitant les démarches des jeunes et des entreprises, et non en fragilisant le jeune dès son entrée dans l'entreprise. Des dispositifs de ce type sont déjà expérimentés dans certaines régions et départements : ils ont démontré leur efficacité et leur pertinence.

Alors, mes chers collègues, permettez que ces expériences se développent. Faisons confiance aux partenaires sociaux pour proposer des solutions dans nos régions et nos départements. Laissons l’initiative se créer. Provoquons des états généraux pour qu’ensemble nous apportions une réponse et redonnions confiance en l'avenir à notre jeunesse. La démocratie en sortira grandie et, au-delà de nos divergences sur la question, la priorité à l'emploi sera clairement affirmée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole au prochain orateur inscrit, je vais, étant donné l’heure, donner quelques précisions sur le déroulement de la discussion.

En accord avec le Gouvernement et le président Debré, je vais donner la parole à tous les orateurs inscrits dans la discussion générale. Je lèverai donc la séance après l’intervention de M. Laurent Wauquiez. Ainsi, le rapporteur, Gaëtan Gorce, et le ministre pourront-ils répondre jeudi aux orateurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais nous sommes là pour voter !

M. le président. Chers collègues, la Conférence des présidents a prévu que nos travaux se poursuivraient jeudi.

Il serait, de toute façon, impossible d’achever pour treize heures l’examen de ce texte.

M. Pierre Cohen. Le ministre a parlé près d’une heure !

M. Alain Néri. C’est inadmissible !

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je ne peux pas vous laisser dire que la Conférence des présidents ait pris cette décision. Elle a simplement pris acte du fait que les séances de mardi matin et jeudi matin sont des séances d’initiative parlementaire dont l’ordre du jour est fixé par notre groupe. Elle ne s’est pas occupée d’autre chose que de fixer la durée de la discussion générale. Ce matin encore, lors de la Conférence des présidents, le renvoi de la discussion de cette proposition de loi n’a pas du tout été évoqué.

Je note que M. Larcher s’est exprimé assez largement – mais c’est son droit – puisqu’il a parlé cinquante minutes. S’il avait pris un quart de moins, il aurait pu dire la même chose (Sourires) tout en nous permettant de voter avant treize heures.

Au nom du groupe socialiste, j’élève une protestation, car cela n’est pas digne.

M. Jacques Floch. C’est même inélégant !

M. Jean-Marc Ayrault. D’autant que nous attendions la réponse du ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je la donnerai jeudi !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est une décision regrettable, qui s’impose de fait, sans que la Conférence des présidents en ait eu l’initiative – je tiens à le redire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. M. Larcher s’est conduit comme un hypocrite ! C’est une honte !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en revenons à la discussion générale.

La parole est à M. Yves Boisseau.

M. Yves Boisseau. Si, depuis un an, la situation du chômage s’est nettement améliorée, le chômage des jeunes reste trop élevé.

Il en existe plusieurs types, à commencer par celui qui est lié au niveau de qualification. Le rapport cite un taux de 40 % pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification contre 10 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur.

Comment éviter que tant de jeunes ne se retrouvent ainsi sans qualification et sans chance de trouver un emploi ou plutôt un métier ?

L’industrie n’est plus, convenons-en, productrice nette d’emplois du fait de la forte augmentation de la productivité du travail, même si sa contribution au PIB est de l’ordre de 20 %. En revanche, les secteurs de l’artisanat, du commerce et des services proposent quantité d’offres non satisfaites. Je limiterai ici mon propos aux secteurs de l’artisanat et du commerce, qui comptent près de 2 millions de toutes petites entreprises, d’une à trois personnes.

Je n’ai rien trouvé dans la proposition de loi qui soit de nature à apporter une réponse à ces petits employeurs qui, bien souvent, souhaiteraient embaucher un employé ou un apprenti. Ceux d’entre nous qui visitent ces entreprises connaissent les demandes de leurs responsables : diminuer les charges et simplifier le code du travail. Notre majorité, à travers plusieurs lois, a pris des dispositions pour leur répondre. Pour votre part, vous vous contentez d’en proposer l’annulation, à commencer par celle du contrat nouvelles embauches, qui a déjà permis de recruter plusieurs dizaines de milliers de personnes supplémentaires.

Sur la formation professionnelle pour les métiers, que dit la présente proposition ? La discussion en commission a montré que vous continuez à miser essentiellement sur une formation académique dans les filières classiques. Pourtant, la préparation à un métier se fait à la fois par une formation théorique et par une expérience pratique, sous la forme d’apprentissages ou de stages. C’est pour répondre au constat que nombre d’élèves peu attirés par des études classiques peuvent trouver une nouvelle motivation en abordant du travail pratique dès quatorze ou quinze ans qu’a été créé l’apprentissage junior. Il vise à répondre au problème du taux de rupture important des contrats d’apprentissage. Il doit permettre aux jeunes concernés de découvrir certains métiers et de choisir une orientation en toute connaissance de cause.

Que demandent les jeunes ? Une profession, un revenu décent, de la considération. Je veux affirmer ici que les métiers de l’artisanat et les métiers manuels en général sont un bon moyen d’y accéder.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. Yves Boisseau. Ces grands professionnels de l’excellence que l’on trouve chez les maîtres d’art ou chez les meilleurs ouvriers de France, comment ont-ils commencé leur carrière ? Débutant très jeunes, ils ont été rapidement confrontés à l’expérience en atelier et ils n’en sont pas moins brillants aujourd’hui.

Nous touchons ici au problème si important de l’orientation. Je ne peux m’empêcher de reprendre à mon compte les propos cités dans le rapport de M. Gorce : « M. Pierre Boissier, directeur général de l’AFPA, tire les conséquences d'une observation concrète : “Il y a par exemple trop d'orientations sur le secrétariat. Le problème de l'orientation initiale dépend aussi de ce que le jeune a dans sa tête. La difficulté est d'apporter aux jeunes la connaissance des métiers. Ma préférence va à des stages courts de découverte du métier dans l'entreprise, des sessions plus professionnelles de découverte des métiers.” »

Le choix de l’apprentissage par une partie des jeunes n’exclut pas, bien sûr, la possibilité pour d’autres d’une formation aux métiers par la voie des lycées professionnels. Sur ce point, notre majorité vient de prendre une série de mesures relatives aux stages. Les principales sont l’encadrement obligatoire du stagiaire par un enseignant et un membre de l’entreprise d’accueil, la signature obligatoire d’une convention de stage, une indemnisation pour les stages d’une durée supérieure à trois mois.

Que propose sur ce sujet la présente proposition de loi ? L’ouverture d’une négociation sur l’organisation, la rémunération et le contrôle des stages en entreprise : autant de dispositions déjà prises par notre majorité.

Bref, cette proposition de loi ne répond pas aux questions posées par l’emploi des jeunes, s’agissant plus particulièrement des points que j’ai évoqués. Je ne la voterai donc pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin.

Mme Irène Tharin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l'emploi et de l'insertion des jeunes est une préoccupation que chacun partage, les jeunes en particulier. Aussi est-il de notre devoir et de notre responsabilité d'appréhender ce sujet sous trois aspects fondamentaux : raison, continuité et efficacité.

En effet, il est des sujets qui ne peuvent supporter la polémique. L' insertion des jeunes dans l'emploi en est un. Ce doit être une priorité nationale, qui mobilise chacun d’entre nous.

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que votre proposition se voulait être « un prolongement constructif du débat » afin de proposer des « mesures concrètes et alternatives». Je m'en réjouis, mais je ne peux que regretter les accents polémiques et contre-productifs de ce texte de circonstance.

On ne peut nier, comme vous le faites, l'action et la volonté du Gouvernement en ce domaine. Si le taux de chômage des jeunes est encore préoccupant, il a cependant connu une baisse de 8,4 % durant l'année écoulée, il est bon de le répéter. Cette baisse s'explique par un faisceau de mesures et de moyens donnés tant aux jeunes qu'aux entreprises : 300 000 jeunes ont conclu un CDI grâce au dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, le SEJE, qui, fort de son succès, a été étendu aux 170 000 contrats d'insertion dans la vie sociale – CIVIS – signés depuis 2005 ; 29 000 contrats de professionnalisation ont été conclus au bénéfice des jeunes de moins de vingt-six ans ; quant aux entrées en apprentissage, elles ont progressé de 6,3 % à l'issue du premier trimestre 2006, ce qui porte le nombre d'apprentis à 382 000.

Le Gouvernement ne méprise pas nos jeunes, bien au contraire. La preuve est faite qu'il met tout en œuvre pour leur donner un maximum de moyens d'accéder au monde du travail.

L'article 3 du texte qui nous est soumis aujourd'hui prévoit l'ouverture d'une négociation sur l'orientation, l'accueil, l'insertion et la formation des jeunes, avec l'ensemble des partenaires, sans préciser d’ailleurs lesquels. Or cette négociation a d'ores et déjà été engagée.

D'une part, un travail de réflexion a été mené de concert avec les organisations étudiantes et lycéennes, les syndicats et les employeurs. Ce travail a permis l'élaboration et la signature, le 26 avril dernier, de la charte des stages. Cette charte prévoit l'encadrement du stagiaire, prolonge les garanties offertes par la loi, impose la signature d'une convention de stage ainsi que l'indemnisation des stages d'une durée supérieure à trois mois. Voilà qui constitue une vraie reconnaissance du travail effectué par le stagiaire.

D'autre part, concernant l'orientation et la formation des jeunes, je rappelle que, le 25 avril dernier, le Premier ministre a installé la commission du débat national « Université - Emploi », présidée par le recteur Patrick Hetzel. Le travail a déjà commencé sur le terrain. Ainsi, dans l’académie de Besançon, plusieurs rencontres ont déjà eu lieu. Cette commission, composée d'universitaires et de représentants du monde économique, devra, dans le cadre de ses travaux, engager une réflexion sur l'orientation et la professionnalisation des formations universitaires. Elle devra également aborder la question de la coordination des dispositifs actuels d'orientation afin de mettre en cohérence leurs missions et de créer sur cette base un service public de l'orientation. Il convient en effet de s'appuyer sur les outils qui existent et qui sont disponibles pour revoir les missions de chacun, mieux répartir les rôles et mettre en cohérence les actions menées tant au niveau national qu'au niveau local.

Vous avez employé, monsieur le ministre, le terme de « passerelles », que j’apprécie tout particulièrement. Construisons des ponts, et non des murs !

En outre, dans la droite ligne du rapport que j'ai remis au Premier ministre à l'automne 2005, l'apprentissage doit être considéré comme une vraie chance d'accès au monde du travail pour les jeunes, tant dans leur approche de l'entreprise que dans les moyens et alternatives de formation qui en résultent.

Or, l'article 6 de votre proposition vise à abroger certaines des dispositions de la loi sur l'égalité des chances sans proposer, en contrepartie, un dispositif de substitution efficace.

L'apprentissage et l'alternance restent des systèmes performants de formation et d'accès à l'emploi. L'apprentissage mérite donc d'être valorisé et présenté comme une authentique orientation.

Quatre axes peuvent, à mon sens, favoriser le développement de l'apprentissage.

Il doit être proposé à tout jeune quittant un cycle de formation, que ce soit au collège ou au lycée ; il doit être développé dans l'enseignement supérieur ; il doit être également développé dans les grandes entreprises et répondre aux besoins et réalités du marché du travail au niveau local. Enfin, il doit permettre à tout jeune, dès l’âge de quatorze ans, d'effectuer un parcours de découverte des métiers afin de lui offrir les moyens d'une orientation réussie.

Il me semble qu’un certain mépris s’exprime sur certains bancs de cette assemblée à l’égard des jeunes qui choisissent l’apprentissage.

Ces propositions ont d'ores et déjà été retenues par le Gouvernement. Il est désormais nécessaire, dans cet esprit, d'ouvrir de larges concertations entre les partenaires sociaux, l'éducation nationale, les académies, les jeunes et les entreprises. Tous ces acteurs ont en effet un rôle fondamental à jouer dans l'orientation, première étape d'une bonne insertion professionnelle.

C'est en ce sens que la raison nous commande de ne pas nuire à ce débat sur l'insertion des jeunes par la polémique et le rejet de mesures qui s'avèrent apporter des réponses efficaces, qui comblent certains vides juridiques, notamment en ce qui concerne le travail de nuit et du dimanche des jeunes apprentis dans certains métiers dont la liste reste limitative. Certaines de ces réponses nécessiteront des améliorations et adaptations que seule l'expérimentation pourra mettre en exergue.

Votre proposition pose des interrogations nées d'un constat que personne ne remet en cause mais pour lequel vous n'apportez aucune réponse nouvelle ou concrète. J'ajoute que la continuité nous impose de ne pas nier ni rejeter, par principe, les mesures qui ont vocation à s'adapter à chaque situation, à chaque jeune.

Il me semble pertinent de parfaire les dispositifs mis en place mais aussi de mener des réflexions sur l'utilisation des outils dont nous disposons avant d'en créer de nouveaux, l’objectif étant de clarifier notre système d’orientation et de le rendre plus accessible et plus compréhensif. C'est pourquoi leur mise en place exige à la fois transparence et pédagogie.

Enfin, pour répondre à la question du chômage des jeunes, à celle de leur orientation et de leur insertion sociale, l’efficacité nous impose d'agir rapidement et concrètement, de manière adaptée, à la fois aux circonstances locales et économiques.

Mme Claude Darciaux. C’est exactement ce que nous proposons !

Mme Irène Tharin. Aussi, je considère que les réponses attendues ne peuvent pas être de nature législative.

Monsieur le ministre, les chiffres de l’emploi dans le secteur marchand que vous nous avez donnés doivent tous nous réjouir ici et je m’étonne que les bonnes nouvelles ne soient pas applaudies par chacun d’entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Le taux de chômage des jeunes nous interpelle tous, même si les chiffres couramment utilisés pour le désigner se veulent plus alarmants que la réalité. Ils sont de toute façon trop élevés. Mon collègue Gaëtan Gorce l’a déjà explicité tout à l’heure.

Reconnaissez, monsieur le ministre, que les décisions à l'emporte-pièce que vous avez prises, au seul prétexte qu'il fallait changer tout ce que le gouvernement de Lionel Jospin avait mis en place, n'ont pas été du meilleur effet pour l'emploi des jeunes.

Certes, le programme TRACE aurait pu être amélioré, mais il répondait à un besoin pour les jeunes en grande difficulté d'insertion et donnait des résultats intéressants. Vous pensez peut-être avoir mis en place le CIVIS pour le remplacer, mais il est difficile de connaître les chiffres qui s’y rapportent. Sont-ils si secrets ?

Mme Nathalie Gautier. Très bien !

M. Bernard Perrut. Ils existent !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous les ferai parvenir.

Mme Hélène Mignon. Merci, monsieur le ministre !

Je rappellerai aussi les emplois-jeunes, les contrats de qualification remplacés par des contrats de professionnalisation, en nombre moins important.

L’apprentissage, tel qu'il existe, permet à de nombreux jeunes d'accéder à l'emploi, et je pense qu’il n’existe pas de ligne de fracture entre nous sur ce point. En revanche, vous voulez nous faire croire que vous avez trouvé, avec l’apprentissage junior, la voie royale pour sortir de l'échec scolaire.

Or, les jeunes auxquels vous destinez ces mesures ne pourront, dans leur majorité, accéder au diplôme. La partie théorique du CAP ou du BEP ne sera pas à leur portée, du fait de leurs grandes difficultés scolaires. Nous ne pouvons alors que mettre leur espoir dans l'école de la deuxième chance, comme nous la trouvons dans certaines régions.

La lutte contre le chômage des jeunes suppose une politique adaptée à la diversité des situations de ces jeunes face à l'emploi, mais surtout pas des mesures générales et dérogatoires au code du travail.

Les jeunes sont l'avenir d'un pays, d'une société. Nous devons savoir leur faire confiance, mais nous devons aussi leur permettre d'affronter l'entrée dans la vie professionnelle dans de bonnes conditions. Les aider à s'orienter correctement, à se professionnaliser et à s'intégrer dans la vie active doit être l’une de nos priorités. Cela demande réflexion, concertation et volonté.

Notre proposition de loi ne doit pas être perçue de façon simpliste, comme une proposition de loi anti-CPE qui aurait pour but de continuer à agiter la vague. Elle est le fruit d'un travail de réflexion, succédant à une écoute attentive des différentes forces syndicales, des élus locaux et des associations, parmi lesquelles on compte la présence de nombreux jeunes.

Nous proposons de garantir le droit à une véritable orientation professionnelle et nous pensons qu’il est indispensable de réaffirmer le droit à la formation tout au long de la vie, soit pour progresser à l’intérieur de l'entreprise, soit pour pouvoir changer de secteur professionnel.

Tout jeune qui le demande doit pouvoir bénéficier d'un accueil individualisé, d'une information et d'une orientation en vue d'assurer son insertion professionnelle et sociale. Il doit ainsi lui être proposé un bilan de compétences et d'aptitudes, dans le but d'acquérir une première expérience professionnelle ou d'approfondir son expérience passée.

Dans certains cas, il faudra mettre en place des mesures de suivi, de soutien renforcé, d'adaptation, de formation, de nature à favoriser la conclusion pour chaque jeune d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat de professionnalisation à durée indéterminée.

Dans cette optique, nous proposons d'inscrire toutes ces actions dans un parcours pendant lequel le jeune pourra bénéficier d'un référent unique et, le cas échéant, d'un soutien financier en contrepartie de son obligation d'engagement et d'assiduité. Nous devons lui ouvrir des droits sociaux s'il n'est pas couvert par ailleurs. Cet accompagnement sera d’autant plus soutenu et long que le jeune sera éloigné de l'emploi. Tout ce dispositif sera négocié avec les partenaires sociaux et sa mise en œuvre discutée avec les régions.

Tous les jeunes veulent envisager un avenir professionnel sans que de mauvaises conditions de travail mettent en danger leur vie personnelle. Ils sont preneurs de stages, mais pas dans n’importe quelle condition. Ils ont besoin de s'insérer durablement dans la vie professionnelle pour mener à bien une vie familiale et sociale qui réponde à leurs aspirations.

Le groupe socialiste, soucieux de répondre à cette attente, vous propose de mettre en place un véritable plan d'action pour l’emploi des jeunes basé sur la réalité des besoins. Mais, pour être sûr d'aller jusqu'au bout de la démarche, d'avoir fait le point sur la nécessaire adaptation de nos systèmes de formation, le parti socialiste souhaite la création d'une conférence nationale pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes, pour leur réorientation et leur formation qualifiante, afin de leur permettre d'accéder à un emploi pérenne.

Cette négociation devra porter également sur les conditions d'organisation, de rémunération et de contrôle des stages en entreprise, comme je le disais tout à l’heure.

Nous voulons faire reculer la précarité pour tous nos concitoyens et, plus particulièrement, pour nos jeunes, afin qu’ils puissent vivre dignement.

La précarité n'est pas une fatalité, mais la crise est une réalité. Nous devons en sortir car nous savons que rien de durable ne se fera sans relance économique. L'un ne va pas sans l'autre.

La France a besoin d'une autre politique. Ce texte est une ébauche des propositions que le parti socialiste fera aux Français dans quelques mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart.

M. Laurent Hénart. Davantage qu’une proposition de loi, le groupe socialiste nous propose aujourd’hui une série de regrets de loi.

Le premier est d’avoir négligé pendant cinq ans le dialogue social. La crise du printemps dernier ne doit pas faire oublier ce qui s’est passé depuis 2002 : les grandes réformes conduites par le gouvernement de Lionel Jospin – les 35 heures, les emplois-jeunes – l’ont été sans concertation, à tel point que les emplois-jeunes promis dans le secteur marchand n’ont jamais vu le jour.

M. Yves Durand. On peut se demander pourquoi !

M. Laurent Hénart. La déclinaison des 35 heures branche par branche a été plus difficile que prévu et a amené le Gouvernement à accorder des exonérations de charges et des subventions plus importantes, au détriment des comptes publics.

En revanche, depuis 2002, des réformes ont fait l’objet de concertation avant d’être décidées. Je pense d’abord à la difficile réforme des retraites, à celle de la formation tout au long de la vie, au plan de cohésion sociale que M. Larcher connaît bien, au plan national de rénovation urbaine ou encore au contrat senior. Voilà autant de mesures qui sont le fruit d’un dialogue organisé, construit, d’une concertation patiemment conduite. Ainsi, une fois votée, la loi s’applique d’autant mieux que les partenaires y sont déjà sensibilisés.

Votre deuxième regret porte sur le travail de nuit, sujet récurrent. Vous regrettez d’avoir autorisé le Gouvernement à prendre des ordonnances en 2001 sur un sujet que vous jugez aujourd’hui sensible. Ainsi, vous aviez permis le travail de nuit dans les « établissements commerciaux et de spectacle », libellé vague, sans changer les décrets existants ni prévoir de décrets pour les professions non réglementées, bref sans cadre, ni aucune concertation avec les différentes professions. Aujourd’hui, vous êtes plus jusqu’au-boutistes qu’alors : l’encadrement profession par profession ne vous suffit pas, non plus que l’interdiction du service de nuit complète ou la présence obligatoire du maître de stage. Vous vous attaquez au spectacle vivant, seule profession à pouvoir faire travailler, de vingt-deux heures à minuit, des apprentis de quinze à seize ans.

Les emplois-jeunes sont l’objet de votre troisième regret.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et vous, vous n’avez pas de regrets sur le CPE ?

M. Laurent Hénart. Je suis surpris que vous n’ayez pas réintégré dans votre texte ce dispositif dont vous parlez souvent, à vous écouter remarquable et d’un excellent rapport qualité-prix. Auriez-vous fait le deuil de cette mesure, à peine quatre ans après votre départ du pouvoir ?

M. Yves Durand. Qu’auriez-vous dit si nous l’avions reprise ?

M. Laurent Hénart. S’agissant du niveau de qualification des jeunes et de la nature de leur formation, qui est au cœur de la question de l’insertion professionnelle et de l’emploi, je rejoins certains des propos de Mme Mignon et de M. Durand. Les engagements de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat et 50 % à celui de la licence sont ceux pris à Lisbonne, et ils nous lient tous. Ils étaient déjà ceux de Lionel Jospin, ministre de l’éducation, et ils ont été repris et étoffés dans la loi d’orientation sur l’école.

Nous visons donc ce but, mais nous devons admettre que nous n’y sommes pas encore parvenus. Le développement des formations en alternance peut nous permettre de dépasser le palier sur lequel nous nous trouvons depuis dix ou quinze ans. L’école de la deuxième chance dont fait état Mme Mignon en est une forme vitaminée et musclée.

Votre proposition de loi évoque la loi du 4 mai, le développement du dispositif des contrats de professionnalisation et prévoit une utilisation encore plus facile de cet outil. Nous devons tous nous efforcer de dépasser nos a priori. La majorité, pour sa part, doit admettre qu’il est possible de croiser études et pratique professionnelle.

Mais vous avez, vous aussi, un pas à faire. L’apprentissage junior n’a pas d’autre but que de préparer la signature d’un contrat d’apprentissage. Vous ne pouvez pas ignorer que le taux de rupture des contrats d’apprentissage dans notre pays est dramatique. Il s’agit d’un échec pour tout le monde – les jeunes, les familles, les enseignants en charge de l’orientation, puisque, à l’âge de quinze ans, il faut l’accord de l’éducation nationale et de l’inspection du travail avant de conclure un contrat d’apprentissage – que l’apprentissage junior est destiné à prévenir. Mais, pour des raisons dogmatiques, parce qu’il vous faut un angle d’attaque, vous refusez de nous aider à franchir une étape envisagée même sur vos propres bancs. M. Mélenchon, quand il était ministre, n’imaginait-il pas l’antichambre des lycées des métiers en s’interrogeant sur le retour à une alternance éducative pour les jeunes dans la tranche d’âge des collégiens ?

M. Yves Durand. Ce n’était pas cela !

M. Laurent Hénart. J’espère que, au-delà de vos regrets, qui ne font pas pour autant un projet, nous pourrons nous entendre pour passer d’un système de formation entièrement académique à un système qui fasse davantage appel à l’alternance, et parvenir, sinon à une majorité d’idées, du moins à un constat qui pourrait servir lors des prochaines échéances. Ce serait le meilleur service à rendre à notre jeunesse et c’est le cap qu’il nous faut franchir après vingt ans passés à conserver les méthodes pédagogiques de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, dernier orateur inscrit.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. Gaëtan Gorce nous présente aujourd’hui une proposition de loi relative à l’insertion des jeunes dans l’emploi. Personne ne peut contester l’utilité d’un tel débat et j’avoue, monsieur le rapporteur, avoir ouvert votre rapport avec un certain intérêt. Mais la curiosité a vite cédé le pas à la déception, tant votre ton est polémique, ce qui – pour être franc – ne m’a pas surpris. Votre rapport commence par un constat d’un simplisme caricatural :...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il est à l’aune de vos discours !

M. Laurent Wauquiez. ...à vous lire, de 1997 à 2002, tout était parfait, et, depuis, tout est à rejeter.

Je pourrais me contenter de vous objecter les chiffres récents qui révèlent une amélioration nette de l’emploi des vingt-trente ans. Mais vous passez surtout à côté de la question de fond, qui réside dans la responsabilité collective des choix qui ont été faits à leur égard par la société française depuis trente ans. Quelques chiffres pour illustrer ce qui est bien une tendance structurelle : en 1981, le taux d’inactivité des quinze-vingt-cinq ans était de 9 % ; en 1990 de 24 % ; en 2005 de 25 %. S’agissant de la rémunération moyenne de ceux qui accèdent à leur premier emploi, elle était de 20 % inférieure à celle d’un quinquagénaire en 1980, contre 40 % en 1990. Depuis, l’écart s’est maintenu. Ainsi, contrairement à ce que vous affirmez dans votre présentation, décidément très caricaturale, la jeunesse a vu sa situation empirer depuis le début des années quatre-vingt, et cette tendance structurelle mérite de notre part un effort plus consistant qu’une simple présentation politicienne.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il y a en tout cas de très jeunes donneurs de leçon dans cet hémicycle !

M. Laurent Wauquiez. Venons-en ensuite à vos propositions, monsieur Gorce.

La conférence nationale pour l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes que vous proposez relève-t-elle d’un article de loi ? Cela étant dit, l’idée est intéressante, mais elle est déjà en passe de se concrétiser puisque le Gouvernement a pris l’initiative d’une commission « université et emploi ».

Vous prônez ensuite l’abrogation du CNE, dont vous êtes libre de discuter l’efficacité. Mais quel jeu de tartuffe ! Ce contrat n’a rien à faire dans une proposition de loi portant sur l’insertion des jeunes puisqu’il ne les concerne pas spécifiquement. Il s’agit au mieux d’un cavalier législatif, que le Conseil constitutionnel censurerait sans le moindre état d’âme.

Quant à la suppression du travail de nuit des apprentis, Laurent Hénart a fort bien montré que vous en aviez fait un cheval de bataille médiatique commode. Hier, j’ai rencontré plusieurs apprentis en boulangerie-pâtisserie au CFA de Bains avec lesquels j’ai discuté. Leur constat avait le mérite du bon sens : faire le métier de boulanger-pâtissier implique de travailler en horaires décalés. Proposer un apprentissage à des jeunes sans les familiariser avec de tels rythmes de travail relève de l’hypocrisie. Notre loi n’a d’autre objectif que de mieux caler la formation sur la réalité professionnelle. Les professeurs que j’ai rencontrés avaient d’ailleurs bien du mal à comprendre comment vous pouviez en faire un sujet de débat.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Moi, c’est votre arrogance qui m’étonne !

M. Laurent Wauquiez. Et pour le reste, rien, ou pas grand-chose. Il y a d’ailleurs une grande absente dans votre proposition de loi, je veux parler d’EVA – pour « Entrée dans la vie active » –, un nouveau produit labellisé par Martine Aubry et mis en avant par le parti socialiste comme solution miracle au moment du CPE. Apparemment, EVA s’est évaporée... En fait, il s’agissait seulement d’un « RMI jeune » proposé aux étudiants avant même qu’ils aient eu l’occasion ou la possibilité de chercher un premier emploi.

M. Yves Durand. C’est faux. Vous n’avez rien compris !

M. Laurent Wauquiez. Mais je ne veux pas être prisonnier du ton polémique que vous avez choisi. C’est donc sur un terrain plus constructif que je préfère revenir.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il va vous falloir faire un effort !

M. Laurent Wauquiez. Quand on vous a en face de soi, certainement !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. L’arrogance est chez vous une seconde nature !

M. Laurent Wauquiez. Une mission sur les conditions de vie étudiante m’a été confiée et des propositions seront prochainement remises au Premier ministre. Je reviens sur trois points qui me semblent cruciaux, s’agissant de l’insertion des jeunes dans l’emploi.

Premièrement, monsieur Gorce, le financement des études qui, avec le défi de la mobilité étudiante, est devenu un problème. Partir étudier loin de sa famille est une gageure sachant qu’il faut trouver un logement, acheter le matériel d’étude indispensable et organiser sa vie au quotidien. En outre, notre dispositif d’aide, avec ses effets de seuil brutaux, laisse de côté toute une partie des enfants de la classe moyenne qui se voient privés de toute aide. C’est donc tout le système de bourse qu’il faut revoir, afin de le rendre plus équitable et plus adapté aux besoins des étudiants, bref, plus efficace. J’aurais été heureux d’entendre vos propositions sur ces questions.

Deuxièmement, l’orientation. Il faut avoir le courage de dire la vérité : on envoie aujourd’hui au massacre des étudiants qui sont orientés par défaut vers des filières dont on sait pertinemment qu’elles n’offrent aucun débouché professionnel.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Laurent Wauquiez. Le seul conseil qu’ils reçoivent est : « Faites des études les plus longues possible pour avoir plus de chances de trouver un emploi. » Or c’est faux puisque l’insertion est la meilleure au niveau BTS. Le rapport de M. Jean-Louis Walter du Conseil économique et social a pointé ces difficultés. Vous le citez d’ailleurs avec raison, mais vous n’en tirez pas de disposition opérationnelle. Notre collègue Irène Tharin, députée UMP du Doubs, a également fait un remarquable travail, mettant notamment en lumière la désaffection pour les filières scientifiques et ouvrant des pistes très concrètes. Ce sont ses recommandations qui ont inspiré le travail en cours sur la mise en place d’un service public de l’orientation.

Là encore, nous aurions été intéressés par des propositions constructives de votre part qui auraient permis, dans un esprit de dialogue, d’enrichir le travail actuel. Votre rapport évoque – et j’ai été intéressé – un droit universel à l’accueil et à l’orientation professionnelle. Mais derrière le poids des mots, je n’ai pas trouvé grand-chose de concret, sinon un paragraphe de sept lignes.

Troisièmement : la transition entre les études et le premier emploi. Je ne reviens pas sur l’apprentissage dont la question a été admirablement synthétisée par mon collègue Patrick Beaudoin et Laurent Hénart, et je préfère m’attarder sur le moment très délicat où les études sont achevées et où commence la recherche d’un emploi. L’ex-étudiant bascule du jour au lendemain dans le vide : toutes les bourses cessent d’être versées et rien n’existe de spécifique pour l’aider à rechercher un emploi. À aucun moment quelqu’un ne prend véritablement la peine de lui expliquer comment chercher un emploi. Pendant ses études, personne non plus n’aura fait cet effort d’explication.

C’est pourquoi il me semblerait utile de créer un permis vers l’emploi. À la fin de tout parcours scolaire ou étudiant, une formation de quinze jours serait dispensée afin d’apprendre à rédiger un CV, à se présenter à un entretien d’embauche, à se retrouver dans le maquis des offres d’emploi. Ce type de formation, qui est couramment dispensée dans les pays nordiques, notamment la Suède et l’Allemagne, devrait être expérimentée.

Enfin, le Gouvernement a annoncé – et cette initiative est essentielle – qu’il permettrait de prolonger pendant trois mois le versement des bourses, afin de soulager l’ex-étudiant dans la période délicate que constitue la recherche d’un premier emploi.

Il reste beaucoup à faire sur cette phase de transition, et, là encore, il aurait été intéressant de connaître vos propositions innovantes et d’en discuter avec vous. Vous parlez d’un droit universel à l’accompagnement et à une première expérience professionnelle, mais je n’ai pas réussi à faire la distinction avec votre droit universel à l’orientation. J’espère que notre débat permettra d’entrer davantage dans le détail.

Enfin, une dernière remarque sur les régions, dont vous n’ignorez pas qu’elles ont de grandes responsabilités en matière de formation. Au lieu d’une approche politicienne, vous auriez pu prêcher par l’exemple, profitant de ce que votre parti, monsieur Gorce, dirige plusieurs régions. Il reste beaucoup à faire, comme en témoignent deux exemples très brefs. En Auvergne, universités, IUFM et CFA ont proposé au président de région de mettre en place ce que vous préconisez : un observatoire des métiers. L’exécutif régional a décliné l’offre dédaigneusement en indiquant que le sujet ne l’intéressait pas. Je compte sur vous, monsieur Gorce, pour nous aider à convaincre le président de région. De même, pour la gestion des bourses – domaine dans lequel les régions ont des compétences importantes –, la région Poitou-Charentes est cette année la lanterne rouge avec un délai d’instruction des dossiers et de versement des bourses qui dépasse un an, ce qui conduit certains étudiants à renoncer à leurs projets.

Le sujet, monsieur Gorce, mérite mieux qu’un coup politique et qu’un jeu d’acteur. Vous savez faire des propositions innovantes et intéressantes. Cette génération qui est aussi la mienne était en droit d’attendre mieux de notre débat compte tenu des défis auxquels elle doit faire face. À nous de nous montrer collectivement à la hauteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion de la proposition de loi est renvoyée à jeudi matin, 18 mai.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion et vote sur la motion de censure, déposée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution par :

MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Roger-Gérard Schwartzenberg, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Paul Giacobbi, Joël Giraud, Simon Renucci, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2276 deuxième rectification, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques :

Rapport, n° 3070, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3068, de M. Philippe Rouault, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)