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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 21 juin 2006

249e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Des excuses !

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

débat démocratique

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qu’il s’excuse !

M. Jean-Pierre Brard. Cela commence mal !

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, j’ai la conviction, j’en suis sûr partagée, que dans cet hémicycle, malgré les engagements politiques différents, chacun d’entre nous est animé par l’amour de son pays et par la recherche de l’intérêt général au service de l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Dans le respect !

M. Jacques Desallangre. Au service du Medef !

M. Jean Leonetti. Dans ce grand lieu de la démocratie, mes chers collègues ne me démentiront pas, les débats sont, tour à tour, animés, vivants, respectueux…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. Jérôme Lambert. Pas toujours !

M. Jean Leonetti. …et apaisés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ils doivent être vivants, parce que la démocratie sans passion et sans contradiction n’est pas envisageable. Ils doivent être apaisés, parce qu’il n’y a pas de démocratie sans valeurs et sans respect de l’autre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement a permis de restaurer la sécurité publique.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. Daniel Vaillant. Ce n’est pas vrai !

M. Jean Leonetti. Il a remis sur ses rails la cohésion sociale.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. Jean Leonetti. Il a enregistré sur le plan économique des résultats très encourageants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avec une baisse significative du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Provocation !

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, (« Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste) alors que nous approchons d’échéances électorales majeures pour notre pays, comment poursuivre une action de manière sereine, apaisée, mais déterminée (« En démissionnant ! » sur les bancs du groupe socialiste), pour faire de cette période une année utile pour la France et pour tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Alain Néri. Des excuses !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Démission !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Permettez-moi, au début de cette séance, de me tourner vers vous, monsieur Hollande.

M. Jean-Pierre Brard. Mea culpa !

M. le Premier ministre. J’ai dénoncé hier une attitude. En aucun cas, je n’ai voulu me livrer à des attaques personnelles, que je condamne. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Si certains mots vous ont personnellement blessé, je le regrette et je les retire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Mea maxima culpa !

M. le Premier ministre. Dans une démocratie, chacun, majorité et opposition, a bien sûr sa place et son rôle à jouer, dans l’écoute mutuelle, dans le dialogue, dans le respect. Mais pour que nous puissions avancer dans la voie d’une démocratie apaisée, monsieur Hollande, il nous faut tirer les leçons des dernières années et des derniers mois.

M. Bruno Le Roux et M. Patrick Roy. Comme pour l’affaire Clearstream !

M. le Premier ministre. Combien de jeux stériles, combien de provocations inutiles (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), combien de sous-entendus qui portent la rumeur !

M. Jacques Desallangre. Dans votre propre camp, hélas !

M. Christian Bataille. Il faut le dire aux juges d’instruction ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. Vous en conviendrez, monsieur Hollande, je n’ai pas été épargné par les attaques personnelles, par la calomnie et par le mensonge.

À notre majorité et à Jean Leonetti, je veux dire que nous avons accompli un travail considérable en quatre ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Un travail de démolition, oui !

M. le Premier ministre. Avec Jean-Pierre Raffarin, nous avons engagé la réforme des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons réformé l’assurance maladie. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Nous avons lancé une politique du logement ambitieuse.

M. Patrick Roy. Avec des stock-options !

M. le Premier ministre. Aujourd’hui, dans la voie tracée par le Président de la République, sous l’impulsion de la majorité et du Gouvernement, le chômage baisse, la croissance repart, les comptes publics se redressent.

M. Alain Néri. Et les RMIstes augmentent !

M. le Premier ministre. Il s’agit maintenant pour le Gouvernement de se concentrer sur les priorités de son action,…

M. Jean Glavany. Il n’a plus de majorité !

M. le Premier ministre. …de continuer à répondre aux attentes et aux préoccupations des Français en matière de sécurité, d’emploi, d’éducation, de solidarité, en préparant l’avenir. Le Gouvernement sera à la tâche…

M. Alain Néri. Ite, missa est !

M. le Premier ministre. …pour poursuivre le travail engagé.

M. Bruno Le Roux. Partez !

M. le Premier ministre. Il le sera dans le souci de la concertation et du rassemblement.

Nous pouvons être fiers de ce que nous réalisons. Défendons nos valeurs et nos convictions ; soyons au rendez-vous de l’action et du résultat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bruno Le Roux. Partez !

EADS

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, nous prenons acte de votre déclaration et de vos excuses. Vous y étiez obligé, car accuser François Hollande, chef de l’opposition, de lâcheté, c’était commettre la plus grave injure à l’encontre d’un homme public (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Lucien Degauchy. Il n’y a que la vérité qui blesse !

M. Jean-Marc Ayrault. …c’était insulter tous les députés socialistes, toute l’opposition, et c’était aussi, d’une certaine façon, outrager le Parlement tout entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certes, monsieur le Premier ministre, au sein de cette assemblée, nous nous affrontons souvent et sans complaisance. C’est la dure loi de la démocratie parlementaire, mais le respect des personnes est une règle qui s’impose à tous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il n’y a pas, dans cet hémicycle, des courageux et des lâches, il n’y a que des députés élus qui ont eu le courage d’affronter le suffrage universel ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. N’oublions pas que nous sommes ici par la volonté du peuple.

M. Lucien Degauchy. Gare aux baïonnettes !

M. Jean-Marc Ayrault. Bien au-delà de nous, c’est le peuple français que nous devons respecter parce que nous le représentons, ici, à l’Assemblée nationale.

Monsieur le Premier ministre, je vous pose à nouveau la question qu’avait formulée, hier, François Hollande sur EADS. Maintenez-vous votre confiance à son PDG incriminé dans la crise ? Vous avez annoncé, hier, un changement de pacte d’actionnaires au sein d’EADS : est-ce une remise en cause des accords franco-allemands ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je vous remercie de m’avoir reposé la question avec un peu plus de sérénité que ce ne fut le cas hier. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis très heureux d’y répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

EADS est une grande entreprise dont les Français sont fiers…

M. Paul Giacobbi. Pas trop en ce moment !

M. le Premier ministre. …et ils ont raison. EADS et Airbus, ce sont des dizaines de milliers d’emplois en France pour tous nos compatriotes. C’est un pari technologique que nous avons gagné ensemble. C’est une ambition européenne que nous avons portée avec tous nos partenaires. C’est pourquoi le Gouvernement est décidé à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’EADS sécurise ses délais de production et fournisse ses clients dans les meilleures conditions. Il y a des décisions urgentes à prendre. Elles seront prises. Thierry Breton les prépare en liaison avec les partenaires français et européens de l’entreprise.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas rassurant !

M. le Premier ministre. Vous le voyez : en matière économique, énergétique et industrielle, nous sommes au rendez-vous de la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et Forgeard ?

M. Bruno Le Roux. Vous n’avez pas répondu à la question !

M. le président. Monsieur Le Roux, écoutez l’appel de M. Ayrault au calme, à la tranquillité et à la sérénité !

chirurgiens

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. Ma question, qui pourrait s’intituler « La France sans chirurgiens ? », s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités. Il y a tout juste un an, monsieur le ministre, je vous interrogeais avec Olivier Jardé sur votre détermination à faire signer par l’UNCAM l’accord du 24 août 2004, pris les yeux dans les yeux par votre prédécesseur, et qui engage le ministre de la santé et les chirurgiens. Vous m’aviez alors clairement assuré que la parole donnée serait tenue.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le 24 juillet, la France risque de se retrouver sans blocs opératoires. Depuis le 2 mai, les anesthésistes-réanimateurs déposent par message des préavis de grève répétés. En fait, aucun problème de l’assurance professionnelle n’étant réglé, nous pouvons estimer que 500 accoucheurs cesseront leur activité en fin d’année.

Le point 9 de l’accord du 24 août 2004, qui porte sur l’ouverture d’un secteur optionnel, concerne 1 000 des 4 000 chirurgiens. Actuellement, un chirurgien viscéral gagne moins qu’un médecin généraliste. À l’heure où l’on évoque une réforme de la chirurgie, en faveur de laquelle notre collègue Jacques Domergue dépense une énergie sans mesure, il est nécessaire que la parole de l’État soit respectée. Or, vous le savez, M. Van Roekeghem, actuel directeur général de l’UNCAM, était directeur de cabinet de M. Douste-Blazy, lorsque l’accord a été signé le 24 août 2004.

Voici les questions que je vous pose au nom du groupe UDF. L’avenir de la chirurgie sera-t-il assuré ? Ferez-vous respecter cet accord et, si oui, à quelle échéance ? Dans quelle mesure agirez-vous ? Les chirurgiens attendent une réponse concrète ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, je ne veux pas d’une France sans chirurgiens, mais il ne s’agit pas seulement de le déclamer, il faut aussi se donner les moyens de respecter les accords signés. Je vous confirme que les points qui n’étaient pas encore réglés au moment où Olivier Jardé et vous m’avez posé la question ont été abordés depuis. Vous savez que les actes des chirurgiens du secteur 1, ceux qui pratiquent des tarifs pris en charge par l’assurance maladie, ont aussi été réévalués.

Vous me posez la question de la responsabilité civile professionnelle. Vous savez que le sujet est loin d’être simple. Discourir est aisé, rechercher des solutions est plus compliqué ! Chacun devra prendre ses responsabilités : les parlementaires sont-ils prêts à écrêter le niveau d’indemnisation ? Cette question ne doit pas être taboue et j’aimerais avoir votre contribution.

J’en viens au fameux point 9. Il faut aller au bout du raisonnement. Soyons clairs : respecter l’esprit du point 9 signifie faire passer 1 000 chirurgiens en secteur 2 et donc les autoriser à pratiquer des honoraires libres. Or vous ne pouvez pas aujourd’hui me garantir que l’égalité d’accès aux soins pour les Français sera assurée, alors que c’est ce qui m’intéresse.

J’ai une autre proposition à faire, même si elle ne relève pas totalement de l’État et du ministre de la santé que je suis, parce qu’elle engage aussi l’assurance maladie et les organismes complémentaires. Ce serait de mettre en place un secteur optionnel qui intéresserait à la fois des chirurgiens du secteur 1 et des chirurgiens du secteur 2, pour offrir davantage de garanties aux Français et leur donner la possibilité d’être mieux remboursés que ce n’est le cas aujourd’hui.

J’ai réuni tous les acteurs autour de la table au mois de février. Cela prend plus de temps que je ne le souhaiterais, parce qu’il y a eu aussi des élections professionnelles. J’en ai encore parlé hier à un syndicat de médecins. Je les rencontre tous en ce moment. Je suis déterminé à avancer. J’aimerais bien que cette volonté soit partagée par tous les acteurs que vous avez cités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

SMIC ET SALAIRES DES GRANDS PATRONS

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le Premier ministre, une échéance fondamentale approche, qui concerne plus de trois millions de nos concitoyens, une échéance qui détermine la vie quotidienne de près de 17 % de la population active de notre pays. Cette échéance, c’est le 1er juillet, date de la revalorisation annuelle du SMIC.

Il y a encore en France plus de trois millions de personnes qui vivent avec moins de 1 000 euros par mois pour un travail à temps plein, et quelques centaines de milliers de femmes et d’hommes survivent avec encore moins en raison d’un emploi à temps partiel. Les salariés les plus modestes sont concernés par ce qui devrait être un plancher commun de rémunération mais, à ce jour, plus de soixante branches professionnelles restent hors la loi avec des minima salariaux inférieurs au SMIC.

Ces rémunérations sont injustes dans un pays riche comme le nôtre. Il faut en conséquence, dès demain, porter le SMIC à 1 500 euros. (« Plus ! 2 000 ! 3 000 ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela vous paraît impossible et vous préféreriez 1 500 euros en 2012 ? Soyez raisonnables. Ce serait hypocrite car cela ne représente qu’une augmentation de 3 % par an, c’est-à-dire 1 % de plus que l’inflation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela vous semble irréaliste au regard de la capacité de notre économie et de nos entreprises ? Mais nos grandes entreprises ont vu leurs profits augmenter de 33 % en 2005, et les 9 milliards de cette mesure seraient facilement absorbables par l’économie française.

Il n’y aurait pas assez d’argent pour les smicards alors que, dans le même temps, les grands patrons se gavent de stock-options, de « golden hello », de parachutes dorés ?

Quelques chiffres : M. de Castries, PDG d’Axa, a touché 47 millions d’euros en 2005, soit 2 600 années de SMIC à 1 500 euros. M. Arnault, PDG de LVMH, 91 millions d’euros : 5 000 années de SMIC à 1 500 euros. En 2006, M. Zacharias, PDG de Vinci, a touché 173 millions d’euros : 9 000 années de SMIC à 1 500 euros.

M. Lucien Degauchy. Démagogie populiste !

M. Jacques Desallangre. À côté, les 5,5 millions d’euros de M. Noël Forgeard sont une misère, mais il a vendu ses titres à la veille d’une culbute du cours, sans savoir, bien sûr, que, le lendemain, il allait annoncer quelque chose de catastrophique pour l’entreprise qu’il dirige… Ça améliore !

La réponse est donc simple : oui, l’économie française peut dès demain supporter un SMIC à 1 500 euros.

Après la réponse, voici la question, monsieur le Premier ministre : allez-vous profiter de la revalorisation du 1er juillet pour porter le SMIC de 1 217 à 1 500 euros et pousser le patronat à partager son pactole indécent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La priorité du Gouvernement, monsieur le député, c’est l’augmentation du pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En quatre ans, la revalorisation du SMIC a représenté plus d’un mois de salaire supplémentaire. Bien sûr, on essaie toujours de faire plus.

Vous avez parlé des entreprises et de leurs directions. Même si je mesure l’émotion derrière vos propos, partagée par un certain nombre de nos compatriotes, même si je ne partage pas les propos que vous avez tenus, je voudrais replacer votre question sous l’angle de la responsabilité.

Premièrement, la responsabilité de l’entreprise, c’est de servir ses clients, ses salariés et, après, ses actionnaires : dans cet ordre.

Deuxièmement, la responsabilité suppose la transparence. Dans la loi sur la modernisation de l’économie, qui a été adoptée par votre assemblée il y a un an, j’ai souhaité que la transparence la plus totale soit faite sur la rémunération des actionnaires et des dirigeants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Troisièmement, la responsabilité suppose le contrôle. C’est la responsabilité des conseils d’administration de prendre les mesures qu’il convient lorsque, comme on l’a vu dernièrement, il y a des excès.

Quatrièmement, responsabilité et participation. Un vote des actionnaires en assemblée générale est désormais obligatoire lorsqu’une rémunération lie le dirigeant à l’entreprise par le biais d’une convention ou d’une convention réglementée.

Cinquièmement, responsabilité et partage. Ce sera dans le cadre de la loi sur la participation que je présenterai prochainement avec Gérard Larcher et qui sera, je l’espère bientôt votée au sein de cet hémicycle, afin que tout le monde puisse bénéficier d’actions, les salariés comme les autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Partagez le salaire de Forgeard !

installation des jeunes agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, pour le groupe UMP.

M. Marc Bernier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, s’il est un sujet qui préoccupe l’ensemble des élus ruraux, c’est bien la reprise des exploitations agricoles et les difficultés récurrentes auxquelles les jeunes sont confrontés pour s’installer.

L’agriculture française doit faire face à de profondes mutations, principalement liées aux négociations de l’OMC mais aussi à l’application de la réforme de la PAC. Dans ce nouveau contexte économique et social, l’exploitation a vocation à se transformer en une entreprise agricole et rurale, créatrice d’activité et d’emplois, ayant des débouchés économiques durables. En conséquence, il semble indispensable d’adapter le parcours de formation et les outils de reprise d’exploitation destinés aux jeunes qui s’orientent vers ce secteur.

La loi d’orientation agricole votée au sein de cette assemblée a apporté un certain nombre de réponses à cet égard, afin d’aider les jeunes agriculteurs à s’installer. C’est une première étape qu’il faut saluer.

Les jeunes agriculteurs demandent que le Gouvernement poursuive cette démarche destinée à les accompagner au début de leur carrière, étant donné que les difficultés ne viendront pas du manque de cédants mais plutôt des capitaux à mobiliser pour la reprise.

Lors du dernier congrès national des jeunes agriculteurs, vous avez exprimé à ces futurs chefs d’entreprises agricoles l’attachement de toute la nation à cette activité économique indissociable de notre pays. Pouvez-vous rappeler aux représentants de la nation quelles actions votre ministère a engagées et envisage de mettre en œuvre pour accompagner les jeunes dans leur installation afin que l’agriculture française puisse réussir dans la compétition mondiale et que la France reste fidèle à sa vocation agricole ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, je vous remercie tout d’abord pour l’excellent travail que vous avez réalisé dans le cadre du rapport sur l’entreprise agricole que vous avez remis au Premier ministre.

Avec Christian Estrosi, nous avons proposé hier au Premier ministre une liste de pôles d’excellence rurale sur tous les territoires du pays. C’est une manière de rendre nos campagnes vivantes, mais elles ne seront vivantes, bien sûr, que s’il existe des agriculteurs et si des jeunes s’installent, comme les jeunes agriculteurs l’ont rappelé à leur congrès des Sables-d’Olonne auquel vous faites allusion.

Dans la loi d’orientation agricole, votée par plusieurs groupes de cette assemblée, nous avons pris des mesures sur le bail cessible, sur le fonds agricole et sur le crédit-transmission. Nous avons fait en sorte, avec Jean-François Copé, que l’instruction fiscale concernant ce crédit soit publiée il y a quelques jours, de sorte que la mesure est maintenant applicable sur le terrain.

Vous savez que la dotation jeune agriculteur est maintenant versée en une seule fois et nous sommes en train d’étudier avec Jean-François Copé la possibilité qu’elle soit défiscalisée l’année où elle est versée. Nous avons également baissé les prêts bonifiés pour nous rapprocher des réalités du marché. Nous avons supprimé toute une série de contrôles, réduit la durée d’engagement du chef d’exploitation, adapté le parcours d’installation, et nous travaillons avec les jeunes sur la validation de l’expérience.

Nous avons besoin, pour nourrir les Français, pour nos exportations, pour nos industries de biocarburants et pour la chimie verte, d’une agriculture de qualité reconnue au niveau international. Pour ce faire, il nous faut des jeunes. Je pense que toutes ces mesures vont dans la bonne direction. Nous en proposerons d’autres à la majorité dans les semaines et les mois à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

DÉLÉGATIONS DE COMPÉTENCE
AUX COLLECTIVITÉS POUR LA CONSTRUCTION
DE LOGEMENTS CONVENTIONNÉS

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Monsieur le ministre, en 2004, la loi relative aux libertés et responsabilités locales donnait aux agglomérations et aux départements la possibilité d’assumer une plus grande responsabilité dans la mise en œuvre de la politique du logement, en finançant directement les opérations de logement social en lieu et place de l’État. On encourageait ainsi une certaine forme de décentralisation de cette politique.

Un an plus tard, la loi relative à la cohésion sociale a défini dans son volet logement des objectifs ambitieux de relance de la construction, tant dans le parc public que dans le parc privé, en faisant des délégations de compétence l’un des instruments de sa mise en œuvre.

Nombreux sont les élus prêts à prendre aujourd’hui davantage de responsabilités dans le domaine de l’habitat, qui souhaitent que l’État accompagne leurs démarches financièrement et techniquement.

Presque un an et demi après l’engagement du plan de cohésion sociale et des premières délégations de compétence, pourriez-vous dire quel est l’état des lieux et quelles sont les perspectives pour l’année à venir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, par ailleurs président du Conseil national de l’habitat, dans la bataille cruciale pour offrir un toit à chaque Français, le Gouvernement et le Parlement ont fixé un objectif, le doublement de la production de logements, tous parcs confondus, et le triplement des logements sociaux.

À cette heure, 538 000 permis de construire ont été déposés. C’est presque un doublement de la production générale de notre pays en cinq ans. En matière de logement social, le doublement est acquis et nous visons maintenant le triplement pour toutes les catégories de logements sociaux et dans toutes les agglomérations.

Pour aller plus vite, un certain nombre d’agglomérations ont souhaité avoir la compétence de la construction de logements conventionnés. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, on a dit : chiche ! Les délégations de compétence sont accordées, mais sur la base d’un contrat qui impose de faire au moins aussi bien, au niveau local, que ce qui est prévu par le plan de cohésion sociale au niveau national.

Seize délégations ont été signées en 2005, quatre-vingt-deux en 2006, qui couvrent plus de 50 % de la population de notre pays. Je dois dire que les villes, agglomérations ou départements qui ont demandé la délégation de compétence ont tous au moins respecté les engagements pris par contrat.

Il y a donc une action de proximité par les agglomérations qui définissent leurs programmes, et un engagement de solidarité nationale : ça, c’est le travail du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

fonds de réserve des retraites

M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.

Mme Martine David. Monsieur le Premier ministre, M. Ayrault vous a posé deux questions. Faut-il que vous soyez gêné pour ne pas dire la vérité sur EADS, l’avenir de son PDG et le pacte d’actionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin créait le Fonds de réserve des retraites. (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cet outil devait permettre de constituer une épargne collective afin de sécuriser notre système de retraite par répartition. Initialement doté de 7 milliards d’euros, son abondement avait atteint près de 13 milliards en 2002. Depuis, quelques subsides y ont certes été versés, mais par obligation. En réalité, délaissant cet efficace levier de financement, votre majorité a préféré imposer une réforme augmentant la durée de cotisation et générant des reculs sociaux significatifs. Cette précarisation a touché les retraités, dont le niveau de pension n’est plus garanti, mais également les salariés, pour lesquels la retraite à soixante ans à taux plein est devenue un objectif lointain.

Parallèlement, victime d’une imprévoyance coupable, le Fonds de réserve est tombé en déshérence. Ainsi, l’objectif d’une épargne de plus de 150 milliards d’euros d’ici à 2020 a été complètement abandonné.

Dans ce contexte, comment ne pas craindre que vous renonciez totalement à préserver la retraite par répartition au détriment de toute solidarité ?

M. Bernard Accoyer. Quel culot !

Mme Martine David. Comment expliquer l’anonymat dans lequel vous avez plongé ce fonds, sinon par votre volonté de le démanteler alors que ses ressources constituent le meilleur moyen de faire face aux déséquilibres démographiques entre actifs et retraités ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, je vous demande de dire la vérité aux Français ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quelles sont vos intentions à l’égard du Fonds de réserve des retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, je crois avoir compris quelle était votre vérité, permettez-moi d’en exposer une autre.

En 1999, la question des retraites pouvait être traitée de deux manières : soit en prenant à bras-le-corps ce problème et en menant une réforme indispensable, soit en multipliant des rapports très vite enterrés et en mettant en place un Fonds de réserve des retraites qui n’avait vocation à intervenir qu’en 2020 et certainement pas en 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Maintenant, puisque vous m’en donnez l’occasion, je vais moi aussi tout vous dire : le Fonds de réserve des retraites est aujourd’hui abondé à hauteur de 27 milliards d’euros, mais il devrait en compter 35 milliards. Savez-vous pourquoi ils n’y sont pas ? Parce qu’en 2000, vous avez détourné les fonds du FSV - le Fonds de solidarité vieillesse - pour financer les 35 heures ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vrai, et vous le savez très bien ! Vous avez préféré, pour financer l’APA et les 35 heures, priver le Fonds de réserve des retraites de cet argent dont nous avions besoin. Nous, nous continuons, année après année, à augmenter ce fonds de 2,5 milliards d’euros.

J’irai même plus loin : aujourd’hui le seul projet du parti socialiste, c’est d’abroger la réforme des retraites.

Mme Martine David et M. Julien Dray. Oui !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Si tel est le cas, les Français doivent savoir si vous voulez remettre en cause l’équité entre public et privé en remettant en cause le principe qui veut que l’on cotise le même nombre d’années dans les deux secteurs. Vous devez le leur dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous avez également oublié un autre sujet, madame David : la justice sociale. Elle doit être au rendez-vous de cette réforme. Nous avons permis aux Français qui ont travaillé dès l’âge de quatorze, quinze ou seize ans, de partir à la retraite avant l’âge de soixante ans. (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.) Si vous abrogez la réforme des retraites, je n’ose imaginer que vous remettrez au travail les 300 000 personnes qui sont déjà parties en retraite, mais qu’allez-vous faire pour les 200 000 qui ont prévu de partir dans les années qui viennent ? Allez-vous remettre en cause leurs droits ? Si tel était le cas, ce serait un scandale. (Acclamations et applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

encadrement des élèves

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Colot, pour le groupe UMP.

Mme Geneviève Colot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Avec plus de 1,2 million d’emplois et 80 milliards d’euros, votre budget, monsieur le ministre, est de très loin le premier de la nation. La rentrée scolaire 2007 va connaître une baisse des effectifs de 30 000 élèves, spécialement dans les collèges et les lycées. Vous prévoyez une baisse du nombre d’emplois de 0,6 %, soit 7 000 postes, essentiellement dans le secondaire.

En revanche, votre ministère prévoit une augmentation du personnel enseignant dans le primaire, dont les effectifs sont en hausse. Des postes seront aussi créés dans les secteurs prioritaires, comme l’enseignement supérieur et la recherche.

Monsieur le ministre, les parents d’élèves et leurs fédérations sont néanmoins inquiets pour l’encadrement des enfants. Pouvez-vous les rassurer ? Pouvez-vous également nous indiquer comment vous conciliez la gestion rigoureuse des finances publiques avec la qualité de l’enseignement et l’encadrement des jeunes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, la France est le pays qui dépense le plus sur la planète pour l’éducation et l’enseignement scolaire. Et parce que l’éducation nationale est une priorité, il convient que chaque euro soit dépensé avec le plus grand soin. Mais, vous avez raison, la qualité de l’éducation n’est pas seulement une question de moyens, c’est aussi une question de méthode. La majorité a voulu définir le socle commun de connaissances et de compétences : c’est fait ! Elle a voulu que tous les élèves handicapés soient désormais accueillis : c’est fait !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’éducation prioritaire devait être relancée : c’est fait !

M. Patrick Roy. Non ! Justice pour les ZEP !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. En cas d’absences de courte durée, il fallait assurer les remplacements : c’est fait !

Dès septembre 2006, la note de vie scolaire sera mise en place et l’apprentissage de la lecture sera renforcé grâce à des méthodes comprises par tous les enfants : ce sera fait à la rentrée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant aux moyens, madame Colot, ils sont aussi au rendez-vous. Il y a des gisements considérables. En raison de la réforme des retraites, des enseignants partent un peu plus tard. Des rapports de la Cour des comptes, de l’inspection des finances, de l’inspection générale de l’éducation nationale montrent en outre que l’on dénombre aujourd’hui 28 000 décharges d’équivalents temps plein, datant pour certaines de 1950. Certaines sont de nature réglementaire, d’autres non. Nous allons engager la concertation pour vérifier s’il est possible de mobiliser davantage de professeurs devant les élèves.

Enfin, en 2007, le taux d’encadrement sera égal à celui de 2006 avec un professeur des écoles pour moins de dix-neuf élèves dans le primaire et le nombre d’élèves par classes dans le secondaire sera, en moyenne, égal ou inférieur à vingt-quatre.

Oui, il faut concilier l’aspect budgétaire et la qualité de l’enseignement. Si nous voulons une éducation nationale plus efficace, nous ne voulons pas non plus laisser davantage de dettes à cette génération que nous voulons éduquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Justice pour les ZEP !

simplifications admiNistratives pour les PME

M. le président. La parole est à Mme Patricia Burckhart-Vandevelde, pour le groupe UMP.

Mme Patricia Burckhart-Vandevelde. Ma question s’adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

La complexité des formalités administratives pénalise trop souvent petites et moyennes entreprises, et distrait inutilement leurs dirigeants de leurs fonctions de chef d’entreprise. Dans certains cas, les relations entre administrations et entreprises restent conflictuelles et ne permettent pas l’émergence d’un dialogue constructif. La simplification administrative doit donc être une action permanente des gouvernements au bénéfice des entreprises et particulièrement des PME.

Le gouvernement a, depuis 2002, conduit plusieurs actions successives de simplification pour toutes les étapes de la vie de l’entreprise. En septembre dernier était notamment lancé le chèque emploi TPE qui simplifie radicalement les formalités d’embauche et qui a connu depuis un vif succès.

Monsieur le ministre, la semaine dernière, lors de l’inauguration de « Planète PME », vous avez présenté votre nouveau plan de simplification en faveur des PME. Pouvez-vous nous en décrire la philosophie et les principales mesures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Madame la députée, je vous remercie de rappeler, à l’occasion de la première question que vous posez dans cet hémicycle, les efforts que nous déployons pour simplifier la vie de ceux qui entreprennent. Il est vrai que si nous avons tant fait pour simplifier, c’est que d’autres avant nous avaient beaucoup fait pour compliquer la tâche des artisans, des commerçants, des patrons de PME, des professions libérales, qui se battent bien souvent contre des formalités inutiles.

À la demande du Premier ministre, avec Thierry Breton, Xavier Bertrand, Jean-François Copé et Philippe Bas, nous allons relancer une nouvelle vague de simplifications que peut-être d’autres propositions parlementaires pourront encore enrichir. Elles répondent à quatre principes.

D’abord, nous avons voulu sécuriser la vie des entrepreneurs en généralisant le rescrit social et fiscal, lequel permet à une entreprise d’interroger l’administration et d’obtenir d’elle une réponse qui lui sera opposable.

Ensuite, nous nous attachons à réduire les formalités. Beaucoup d’entreprises sont assaillies de demandes d’informations répétitives des administrations. Désormais, nous posons le principe que toute information donnée à une administration est réputée acquise pour toutes les autres.

Par ailleurs, nous généralisons le guichet unique pour les prélèvements sociaux et fiscaux. Avant le début du mois de juillet sera créé en France – c’est la première initiative en ce domaine depuis quarante ans – le régime social des indépendants, ce qui constitue une grande réforme de la sécurité sociale.

Enfin, la création d’entreprises est encore simplifiée. Au reste, et c’est encore une bonne nouvelle de ce mois de juin, la création d’entreprises a augmenté de 7 % en mai 2006 par rapport à mai 2005.

Les entrepreneurs n’ont pas besoin d’aides ; ils ont besoin d’air : nous nous apprêtons à leur en donner davantage ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Délais de délivrance
des passeports sécurisés

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour le groupe socialiste.

M. Claude Bartolone. J’appelle l’attention du Gouvernement sur les difficultés que connaissent de nombreuses préfectures confrontées au manque de personnel…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Merci, les 35 heures !

M. Claude Bartolone. …et sur le mauvais service rendu de ce fait à beaucoup de nos concitoyens.

À la veille des départs en vacances, je prendrai l’exemple de l’attribution des passeports électroniques et des cartes nationales d’identité, car les conditions de leur délivrance créent des inégalités entre nos concitoyens.

En Seine-Saint-Denis, il faut actuellement six semaines pour obtenir un passeport électronique alors qu’il n’en faut que trois à Paris. Il faut attendre neuf semaines pour obtenir une carte nationale d’identité contre dix jours dans le département d’à côté. Faute de personnel, on a supprimé les guichets d’obtention rapide du passeport et la délivrance accélérée pour motifs professionnels, alors que ces deux services sont maintenus dans de nombreuses préfectures.

Monsieur le Premier ministre, nombre de nos concitoyens ont aujourd’hui le sentiment qu’en fonction du département où ils habitent, ils sont traités différemment.

J’ajouterai que les conditions de délivrance de ce passeport électronique sont devenues draconiennes, ce qui amène certains dossiers à être rejetés. On a vu, il y a dix jours, la photo d’un nouveau-né d’une semaine être refusée parce qu’il fermait les yeux ! (Sourires.)

Que compte faire le Gouvernement pour permettre aux personnels de ces préfectures d’offrir, dans de bonnes conditions, un service public de qualité aux habitants de nos départements ?

Enfin, permettez-moi de demander si nous aurons un jour la chance de voir le Premier ministre et le ministre de l’intérieur siéger ensemble au banc du Gouvernement pour répondre à nos questions d’actualité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. L’important c’est la réponse !

La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je peux vous rassurer, monsieur Bartolone : le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy,…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est-il ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.… a donné toutes les instructions et pris toutes les mesures nécessaires pour que les passeports biométriques soient désormais délivrés sur l’ensemble du territoire national, ...

M. Albert Facon. Encore heureux !

M. Patrick Roy. Ça fait quatre ans qu’il est là ! Qu’a-t-il fait ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et ce sont 18 000 titres qui sont produits chaque jour. Nous sommes en passe de réduire à huit jours la durée moyenne de délivrance, qui est actuellement de quinze jours.

Il est vrai, monsieur Bartolone, qu’en cette veille de vacances, où les demandes sont beaucoup plus nombreuses, leur traitement est plus complexe qu’à l’ordinaire et les délais sont un peu plus longs dans certains départements, comme la Seine-Saint-Denis. Mais la préfecture a renforcé ses équipes pour faire face à cet accroissement de la demande ; elle communique chaque jour à la mairie la liste des dossiers qui ont été transmis à l’Imprimerie nationale.

S’il y a effectivement une différence entre Paris et le reste du territoire, c’est qu’à Paris, les services de la préfecture sont présents dans les mairies, alors qu’ailleurs, ce sont les mairies qui, pour faciliter les démarches de nos concitoyens, reçoivent les dossiers et les transmettent ensuite aux préfectures.

Cependant, je précise qu’en cas d’urgence, il est possible de déposer directement sa demande en préfecture ou en sous-préfecture, et d’obtenir un passeport – non sécurisé, certes – en moins de vingt-quatre heures. Cela vaut aussi pour la Seine-Saint-Denis.

Si la délivrance des passeports biométriques rencontre actuellement des difficultés, monsieur Bartolone, …

M. Alain Néri. Enfin la question !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …c’est parce que nous avons passé un accord bilatéral avec les États-Unis (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui vise à faciliter et à sécuriser les déplacements des Français dans ce pays et à assurer la fiabilité des passeports,...

Plusieurs députés du groupe socialiste. N’importe quoi !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …car les dangers liés aux flux migratoires entre la France et les États-Unis ou d’autres pays sont une réalité.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est avec l’Imprimerie nationale que vous avez eu des problèmes !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Grâce à cet accord, nous assurons désormais, à nos concitoyens comme aux citoyens américains, une véritable sécurité de ces flux migratoires.

Si vous voulez que cela aille plus vite, monsieur Bartolone, je vous fais une suggestion : vous n’avez qu’à voter le projet de loi relatif à l’immigration et l’intégration, et nous libérerons des fonctionnaires pour délivrer les passeports. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Le brave homme !

sécurité des ascenseurs

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany, pour le groupe UMP.

M. Patrick Balkany. Je voudrais tout de suite rassurer M. Bartolone : dans les Hauts-de-Seine, les passeports, ça marche très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. Surtout les vrais-faux passeports !

M. Patrick Roy. Pour aller aux Bahamas !

M. Patrick Balkany. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement… (« Schuller ! Schuller ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. On veut un passeport ! On veut aussi aller aux Bahamas !

M. le président. Arrêtez ! C’était de l’humour.

M. Jean-Pierre Brard. Pas besoin de passeport pour aller à Fleury !

M. Patrick Balkany. Dimanche dernier, à Levallois, onze personnes ont été blessées dans la chute d’une cabine d’ascenseur d’un immeuble HLM du secteur privé.

M. Jean-Pierre Brard. Combien dans la chute de la maison Pasqua ?

M. Patrick Balkany. Je sais que cela n’intéresse pas les socialistes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si ! Les renvois d’ascenseur de l’OPAC, ça nous intéresse !

M. Patrick Balkany. Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd, et c’est un miracle que cette chute de quinze étages n’ait pas fait de mort.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et Pasqua ?

M. Patrick Balkany. Afin de prévenir de tels drames, dus à la vétusté et au manque d’entretien des ascenseurs dans les immeubles d’habitation collective, et particulièrement dans les logements sociaux,…

M. Albert Facon. Vous ne savez même pas ce que c’est !

M. Patrick Balkany.… le Gouvernement a fait voter au printemps 2003 une loi sur la sécurité des ascenseurs, et je vous en remercie, monsieur de Robien. Il s’agissait alors de sécuriser l’usage des cabines en renforçant les mesures d’entretien et de mise aux normes du parc existant.

L’application de ces dispositions ne semble pas poser de problèmes dans les immeubles privés. Dans l’habitat social, elle est efficacement assurée par les offices HLM municipaux et départementaux. C’est ainsi que les 87 ascenseurs qui dépendent de l’office municipal de Levallois ont été entièrement remis aux normes en vigueur.

En revanche, certains bailleurs sociaux privés tardent à mettre en œuvre ce dispositif, et préfèrent attendre le dernier moment, c’est-à-dire 2008, pour démarrer leur programme de travaux, mettant ainsi en danger leurs locataires. Cela n’est pas acceptable, monsieur le ministre. La crise du logement social n’est pas seulement due à une pénurie de logements.

M. le président. Pouvez-vous poser votre question, s’il vous plaît ?

M. Patrick Balkany. Je pensais, monsieur le président, que la sécurité de nos concitoyens n’était pas un sujet sans intérêt.

M. Jean-Pierre Brard. L’honnête homme !

M. le président. Certes, monsieur Balkany, mais chacun a le même temps de parole.

M. Patrick Balkany. Je termine, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Au quotidien, cette crise procède également de graves carences en matière d’entretien et de sécurité des grands ensembles.

M. le président. Posez votre question !

M. Patrick Balkany. Aussi, monsieur le ministre, je m’interroge sur l’opportunité de maintenir l’agrément délivré aux sociétés privées d’HLM qui délaissent, parfois volontairement…

M. le président. Merci, monsieur le député.

M. Patrick Balkany. …et de façon chronique, leur mission essentielle, qui est l’entretien, la rénovation et la sécurisation de tout ou partie de leur patrimoine.

M. le président. Merci…

M. Patrick Balkany. Mais je sais que cela n’intéresse pas le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Cela m’intéresse, monsieur Balkany, mais le règlement s’applique à tout le monde, même à vous et surtout à vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous, quand même !

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, je partage votre émotion face à l’accident qui a eu lieu dans un immeuble HLM de votre ville.

Nous avons connu il y a quatre ans une terrible série d’accidents d’ascenseurs – Gilles de Robien s’en souvient – provoquant notamment la mort du petit Fetih, neuf ans, après une chute dans la cage d’un ascenseur qui avait connu quinze incidents les deux mois précédents. Aujourd’hui encore, il suffit d’aller dans nos quartiers pour constater l’état de délabrement de certains logements sociaux : les douilles qui pendent, les fils électriques et les câbles à haute tension sans protection, les tuyaux de gaz à moitié percés !

Cette situation inacceptable a motivé le lancement d’un vaste programme de rénovation urbaine d’un montant de près de 35 milliards d’euros, et plus particulièrement la loi visant à améliorer la sécurité des ascenseurs, dont vous avez à juste titre attribué l’initiative à Gilles de Robien.

L’inspection générale du logement social a été saisie et elle fait le point de la situation, organisme par organisme. Toutes les sociétés d’HLM devront s’être assurées, avant la fin de l’année, du bon état de leurs installations et avoir pris les mesures d’entretien nécessaires.

L’enjeu fondamental aux yeux de notre majorité, monsieur Balkany, c’est bien la rénovation de l’ensemble de nos quartiers et du patrimoine social dans toutes ses acceptions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dimension sociale de la mondialisation

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Sermier. Ma question s’adresse à M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

L’économie et la situation de l’emploi dans notre pays s’améliorent, le chômage baisse depuis un an. Cependant, nos compatriotes restent anxieux. Ils considèrent que ce nouveau contexte économique, même s’il leur permet de trouver ou de retrouver plus facilement un emploi, reste instable et précaire.

M. Patrick Roy. Ils ont raison !

M. Jean-Marie Sermier. Ils constatent en effet que la pérennité des entreprises est toujours menacée par la concurrence extérieure. Ils ont le sentiment que la logique de cette concurrence induit une réduction des garanties salariales, ne leur laissant le choix qu’entre risquer de perdre son emploi ou se résigner à un emploi moins qualifié.

Nous savons que l’ouverture des marchés européens et mondiaux peut être bénéfique en termes de production de richesses. Mais pour que celles-ci profitent à tous, ne faut-il pas des règles sociales minimales communes à tous les pays engagés dans ces échanges et sur ces marchés ? Il faut que cesse la course au moins-disant social.

Monsieur le ministre, quelle est l’action de votre ministère en ce domaine, et comment compte-t-il favoriser la construction d’une vraie Europe sociale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Même si, monsieur le député, l’ouverture des marchés peut et doit être créatrice de richesses, nos concitoyens ont le sentiment que l’absence de règles sociales minimales fausse le jeu de la concurrence et que cette concurrence déloyale tire notre modèle social vers le bas.

En novembre 2004, le Président de la République a rappelé devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies la nécessité de concilier la mondialisation et ses conséquences avec un projet mondial de fixation de règles sociales minimales.

En ce qui concerne la construction de l’Europe sociale, le Gouvernement, sous l’impulsion du Premier ministre, défend des positions très fermes. Nous avons ainsi milité avec l’Espagne et la Belgique, entre autres, pour que soit inscrite dans le projet de directive sur le temps de travail la fixation d’une durée maximale de travail qui exclue la possibilité de dérogations généralisées.

Nous avons également, à la suite de la crise Hewlett Packard, contribué à la mise en place par le dernier Conseil européen du « fonds antichoc », dont nous avons débattu hier les conditions avec les partenaires sociaux.

Sur le plan mondial, la situation progresse grâce aux travaux de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, instituée par cette grande institution qu’est l’Organisation internationale du travail. La France joue en la matière un rôle de premier plan. Au nom du gouvernement français, j’ai ainsi demandé, le 5 juin, une interdiction mondiale de l’amiante.

M. Jean-Pierre Brard. Pour quel résultat ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le 14 juin, l’OIT votait enfin la résolution portant interdiction de l’utilisation d’amiante dans le monde.

La convention du travail maritime adoptée en février par la Conférence internationale du travail, sous présidence française, impose la mise en place de règles minimales s’appliquant à tous les pavillons et à tous les marins du monde.

Enfin, le Gouvernement vient de passer avec le Bureau international du travail une convention aux termes de laquelle 17 millions d’euros sont consacrés à la lutte contre le travail des enfants dans le monde.

Telle est concrètement, monsieur le député, l’action du Gouvernement et de la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

maintien des services publics

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé la suppression de 19 000 postes de fonctionnaires.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Gérard Charasse. Vous parlez à la France comme EADS parle à ses actionnaires, en réduisant le travail à un coût et le fonctionnaire à un déficit. À vous voir à la manœuvre, les Français constatent que vous allez faire payer au service public une partie des 3 milliards d’allègements fiscaux accordés l’année dernière aux hauts revenus, allégements que vous aviez annoncés avant même que le Parlement n’en débatte.

Tout le monde n’habite pas rue de Varenne ou dans les banlieues argentées : il y a en France des villes, des villages et des territoires qui sont irrigués et structurés par le service public. Vichy, agglomération de 70 000 habitants de ma circonscription, est la seule de cette importance qui ne soit pas encore directement reliée aux grands axes routiers. Croyez-vous, au moment où dix années d’un travail acharné vont peut-être trouver leur aboutissement en cette matière, qu’on n’y ait plus besoin de fonctionnaires de l’équipement ? Croyez-vous qu’on puisse s’y passer d’investissements ferroviaires ? Croyez-vous que c’est en y appauvrissant l’offre en matière d’enseignement, de service postal, d’énergie, de santé publique, qu’on laissera à ce territoire, qui mérite de vivre autant que les autres, la moindre chance d’attirer les entreprises et de se développer ?

Votre décision, monsieur le Premier ministre, ne porte pas seulement un rude coup à ceux qui servent la République, elle envoie un signal détestable aux acteurs locaux des territoires en mutation, pour lesquels l’offre de services publics est vitale. Ces territoires savent d’expérience que le travail n’est pas seulement un coût, mais aussi un investissement.

Ma question sera simple, monsieur le Premier ministre : quelles compensations allez-vous offrir à ces territoires que votre décision laisse à l’abandon ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Charasse, les contrevérités n’ont jamais résolu les problèmes des Français. Si 15 000 des 80 000 fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés dans le prochain budget, ce ne sera en aucun cas aux dépens des territoires fragiles : ceux-là ont au contraire besoin qu’on leur apporte un meilleur service public, grâce à une réorganisation et une modernisation véritables.

C’est dans cet objectif que le Premier ministre signera, après-demain, la charte des services publics en milieu rural et que le Gouvernement s’engage dans la modernisation des services au public.

M. Augustin Bonrepaux. Et alors ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Votre projet d’aménagement du territoire était fondé sur des schémas nationaux qui ne tenaient pas compte de la réalité spécifique de chaque territoire, selon qu’il appartient au littoral, à la montagne, au monde rural ou au monde urbain. Notre gouvernement agit tout autrement : nous veillons à réunir autour de la table tous les opérateurs de services publics, les grands ministères, la SNCF, EDF, GDF, l’ANPE, l’UNEDIC et l’ensemble des services sociaux et des grands organismes concernés.

C’est ainsi que nous instaurons un délai minimum d’information des élus de deux ans avant toute fermeture de classe. Nous proposons une véritable réorganisation de l’offre de services (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui répond à ce qu’attendent l’ensemble de nos concitoyens.

D’ailleurs, monsieur Charasse, vous avez déjà obtenu pour 2006 deux plates-formes polyvalentes d’accès aux services sur les huit que vous avez sollicitées. Vous avez également reçu une réponse positive à votre demande relative à un schéma d’implantation de l’éducation nationale sur trois ans. Enfin, la création d’un pôle d’excellence rural pour la communauté de communes du Bourbonnais vous donne satisfaction avec quinze emplois créés. De quoi vous plaignez-vous ?

M. Jean Auclair. On se le demande !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pendant que vous polémiquez, monsieur Charasse, nous agissons ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Éric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Situation au Proche-Orient

Déclaration du Gouvernement
et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter, et tout particulièrement de remercier M. le président de la commission des affaires étrangères, pour avoir demandé et obtenu l'organisation de ce débat qui nous offre l'occasion de réfléchir ensemble à la situation au Proche-Orient.

Le conflit israélo-palestinien est l'un des conflits les plus anciens et les plus douloureux de l'histoire contemporaine. Depuis soixante ans, sur cette terre, nous voyons les périodes de répit alterner avec de nouvelles escalades de la violence, dont les populations, de part et d'autre, sont toujours les premières victimes. Personne ici n'a oublié les guerres israélo-arabes, le cortège des réfugiés palestiniens, l'occupation des Territoires en 1967, la survenue de l'Intifada puis celle enfin, plus récente, des attentats suicides. Face à une situation qui paraît aujourd'hui inextricable, chacun de nous connaît les questions en suspens. Quel statut pour Jérusalem ? Quels droits pour les réfugiés palestiniens, qui représentent plus de quatre millions de personnes ? Quelles frontières pour l'État d'Israël ? Et quel horizon tracer pour la création d'un véritable État palestinien ?

Bien sûr, la France et la communauté internationale sont plus que jamais résolues à agir pour aboutir à un règlement juste et équitable du conflit israélo-palestinien. Faire prévaloir l'espoir de paix, nous le savons, c'est avant tout faire progresser l'objectif de deux États viables et vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Il s'agit là d'un impératif majeur, tant les implications stratégiques de ce conflit, qu'elles soient politiques, culturelles, économiques ou encore religieuses, dépassent largement le cadre régional dans lequel il s'inscrit.

Mais si le conflit israélo-palestinien est l'un des plus anciens, c'est aussi, bien évidemment, nous en avons tous conscience, parce qu'il est l'un des plus complexes et des plus difficiles à résoudre. Toutes les tentatives de résolution de ce conflit ont reposé sur deux démarches parallèles : la première consiste à définir les bases d'un accord qui soient acceptables par l'ensemble des parties ; la seconde vise à établir un processus de restauration de la confiance qui, de part et d'autre, permette enfin la mise en œuvre durable et effective de cet accord.

Sur le premier point, disons-le franchement : la dynamique lancée à partir d'Oslo a porté ses fruits.

Nous savons aujourd'hui quels sont les contours d'un accord définitif : les accords d'Oslo de 1993 et de 1995, tout comme ceux de Wye Plantation en 1998 en ont fourni les bases ; les négociations menées à Camp David en l'an 2000 puis à Taba en 2001 ont permis de préciser le contenu d'un accord final. Quant à la feuille de route adoptée par le Quartet en 2003, elle définit clairement les étapes successives de la négociation.

Sur le fond, nous savons donc de quoi la paix sera faite, ou pourrait l'être. Il n'en reste pas moins qu'aucun accord ne saurait aboutir sans la volonté politique pleinement assumée et exprimée par les deux parties. Nous savons que la paix ne se construira ni dans la violence, ni dans l'exclusion. L'esprit de responsabilité demeure la seule voie vers la paix, mais cette exigence-là appartiendra toujours, en dernier ressort, aux seuls Israéliens et aux seuls Palestiniens.

L'immense majorité d'entre eux n'aspirent d'ailleurs à rien d'autre qu'à vivre ensemble dans cette région du monde. Ils peuvent compter pour cela sur le soutien de la communauté internationale dont l'implication à ce jour ne s'est jamais démentie. C'est vrai tout particulièrement de la France et de l'Union européenne : toutes deux n'ont pas ménagé leurs efforts, depuis près de trente ans, pour favoriser les tentatives de réconciliation dans une région où elles sont fortement impliquées sur le plan politique mais aussi sur les plans économique et stratégique.

Mais au-delà de l'histoire récente, la situation actuelle présente de nouveaux défis, étant donné la victoire du Hamas aux élections législatives et la tentation unilatéraliste de certains en Israël, notamment depuis le désengagement de Gaza. Dans ce contexte difficile, la France et l'Union européenne ne sont pas démunies. Bien au contraire, leurs liens anciens avec la région font qu'elles disposent aujourd'hui d'une capacité de proposition et d'action spécifique. Ce sont ces marges de manoeuvre qu'il importe aujourd'hui d'utiliser et de mieux valoriser.

Je souhaite vous exposer plus en détail la situation actuelle et les initiatives que nous pouvons mettre en œuvre au service d'une sortie de crise. Permettez-moi néanmoins, au préalable, de vous rappeler les données de base qui expliquent la position spécifique de la France et de l'Union européenne sur ce conflit stratégique.

La France, et c'est le premier élément que je veux souligner devant vous, entretient des liens historiques et politiques étroits aussi bien avec les Israéliens qu'avec les Palestiniens. Sans doute le devons-nous, pour partie, au fait que notre pays est en Europe celui qui a la plus grande communauté juive ainsi que la plus forte communauté arabo-musulmane.

Il demeure que, concernant le conflit israélo-palestinien, notre position est claire et bien connue. Nous considérons que sa résolution est la clé de la stabilité au Proche-Orient et que cette résolution ne peut s'accomplir qu'à deux conditions : en garantissant le droit à la sécurité d'Israël, droit que nous devons toujours avoir à l’esprit, et en reconnaissant aux Palestiniens leur droit légitime à l'autodétermination.

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Après la signature des accords d'Oslo, la France n'a jamais cessé d'œuvrer en faveur de la création d'un État palestinien viable et vivant en paix aux côtés d'Israël. C’est elle qui avait préconisé la création de cet État devant la Knesset dès 1982. Vingt ans plus tard, en juillet 2002, la France a aussi été à l'origine de l'adoption par le Conseil européen de Séville d'une déclaration qui reconnaît le droit des Palestiniens à édifier un État dans les frontières de 1967.

Par ailleurs, notre pays est attaché à une position légaliste sur ce conflit, et nous plaidons pour qu'il soit inscrit dans le cadre des résolutions pertinentes des Nations unies. En effet, les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale forment un véritable corpus politique et juridique qui permet de dégager les contours d'un règlement du conflit. Je pense tout d'abord aux résolutions de portée générale les plus importantes : la résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée en 1947, qui définit le « plan de partage » de la Palestine mandataire ; la résolution 242 du Conseil de sécurité, adoptée le 22 novembre 1967 à la suite de la guerre des six jours ; la résolution 1515 du Conseil de sécurité, adoptée le 19 novembre 2003, qui approuve la feuille de route du Quartet et demande aux parties de coopérer à sa mise en œuvre pour parvenir à un règlement définitif du conflit.

Au-delà de la France, l'Union européenne joue un rôle spécifique considérable à l'égard du conflit israélo-palestinien, étant donné l'importance de ses liens avec cette région du monde. L'Union européenne est en effet le premier partenaire commercial d'Israël, loin devant les États-Unis, et le premier investisseur en Israël. Sa contribution aux actions de coopération, essentiellement dans les Territoires palestiniens, est considérable. Sur le seul plan financier, l'Union est ainsi le premier contributeur avec 280 millions d'euros pour la seule année 2004.

Sur le plan politique, l'apport de l'Union européenne à la région est tout aussi remarquable, comme en témoignent la continuité et la cohérence de ses prises de position depuis la déclaration de Venise en 1980 jusqu’à celle de Berlin en 1999. Cette unité européenne n'a d'ailleurs pas été affaiblie avec l'élargissement de l'Europe, bien au contraire. La plupart des grandes initiatives marquantes de ces dernières années sont d'origine européenne. C'est aux Européens que l'on doit, pour l'essentiel, l'initiative d'instituer un Quartet et de mettre en œuvre la feuille de route. C’est l'Union qui a joué un rôle majeur au service des réformes palestiniennes et du bon déroulement des dernières élections dans les Territoires. C'est enfin l’Union qui réfléchit aujourd'hui à la mise en place d'un mécanisme d'aide internationale capable de porter assistance à la population palestinienne.

Aujourd'hui, l'Union européenne est guidée par deux objectifs d’égale importance : traduire dans la réalité des faits la création d'un État palestinien viable et démocratique ; assurer la sécurité d'Israël. Ces deux objectifs conduisent l’Union à souhaiter et promouvoir le développement de ses relations aussi bien avec Israël qu'avec l'autorité palestinienne et à fournir une aide humanitaire dans les Territoires palestiniens.

Sur le plan stratégique, enfin, les Européens ont développé des instruments spécifiques : le partenariat euro-méditerranéen lancé à Barcelone en 1995 ; la politique européenne de « nouveau voisinage », lancée dans le cadre de l'élargissement, qui a permis la conclusion d'accords d'association renforcés avec Israël en 2000 comme avec les Territoires palestiniens en 1997. Quant au « plan Solana », adopté par le Conseil européen du 5 novembre 2004, il prévoit des actions concrètes de l'Union dans quatre domaines : la sécurité, les réformes de l'Autorité palestinienne, les élections et la reconstruction économique.

Tout cela explique que l'Union ait apporté son soutien au bon déroulement des élections palestiniennes en 2005, ainsi qu'aux réformes engagées pour le renforcement de l'État de droit et au sein de l'administration. L'Union a aussi récemment déployé sur le terrain deux missions dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, l'une de soutien à la réforme de la police civile palestinienne, l'autre d'assistance au contrôle de la frontière à Rafah.

L'ensemble de ces actions menées par la France, l'Union européenne et la communauté internationale ont permis de nouvelles avancées sur le terrain. En témoignent les accords d'Oslo ; les négociations de Camp David et de Taba, où la paix semblait si proche ; l'adoption, bien évidemment, de la feuille de route, qui reste à ce jour le seul plan de paix international reconnu par les deux parties ; enfin, à l'été 2005, le désengagement israélien de la bande de Gaza.

Mais aussi importantes soient-elles, ces avancées n'ont pas suffi, à ce jour, pour mener le processus de paix à son terme. Le conflit israélo-palestinien est de nouveau dans l'impasse après la victoire du Hamas aux élections législatives du 25 janvier et la formation d'un nouveau gouvernement palestinien, sans oublier la tentation de l'unilatéralisme qui apparaît aujourd'hui en Israël, notamment depuis le désengagement de la bande de Gaza.

Quels sont les enjeux et les perspectives de la situation actuelle ? Comment sortir de la crise ?

Le fait est que, cinq mois après la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes, la situation actuelle est très préoccupante. La violence est devenue quasi-quotidienne. Dans les Territoires palestiniens, le gouvernement dirigé par le Hamas campe toujours sur une position de refus des principes du Quartet, à savoir la renonciation à la violence, la reconnaissance de l'État d'Israël et la reconnaissance des accords passés entre Israël et l’OLP.

Cette position d'intransigeance est regrettable. Elle est néfaste. Elle est pour partie la cause, sur le terrain, de nouvelles tensions interpalestiniennes qui menacent de déboucher sur l'atomisation de fait des Territoires et le délitement des institutions palestiniennes. Certes, un début de dialogue national a pu s'instaurer entre les différentes parties palestiniennes. Mais l'issue de ce dialogue en cours dans les Territoires reste totalement incertaine. Quant au projet de référendum proposé par le Président Mahmoud Abbas pour sortir de la crise, s'il peut enrayer cette évolution, il peut aussi, malheureusement, l'accélérer.

De son côté, Israël a marqué son souhait de donner sa chance à la négociation. Mais l'utilisation répétée de tirs d'artillerie lourde en direction de zones habitées, avec son cortège de victimes civiles palestiniennes, la poursuite de la colonisation, en particulier autour de Jérusalem, l'achèvement programmé de la barrière de sécurité sur un tracé jugé illégal par la communauté internationale continuent de nourrir, inéluctablement, les tensions sur le terrain.

Conséquence de cette double dérive : le manque de confiance entre les parties est aujourd'hui tel que l'hypothèse d'une négociation paraît problématique, du moins à court terme. L'unilatéralisme continue de progresser dans les esprits, en Israël comme du côté palestinien. Il s'agit là, mesdames et messieurs les députés, d'une position dangereuse, …

Mme Paulette Guinchard. Tout à fait !

M. le ministre des affaires étrangères. …tant elle fait le lit de possibles violences futures, au Proche-Orient mais aussi en dehors, y compris sur le territoire européen.

Dans ce contexte aussi sensible que difficile, la communauté internationale a naturellement le devoir d'agir, en assumant une double responsabilité.

La première est d'enrayer l'effondrement de l'Autorité palestinienne et l'aggravation de la situation humanitaire dans les Territoires. Le Président de la République l'a clairement exprimé : l'aide internationale doit parvenir au peuple palestinien, pour des raisons non seulement humanitaires, mais aussi, tout simplement, de justice. Nous nous devions donc d'agir de manière urgente pour empêcher une crise grave dans les Territoires, d'autant plus que la communauté internationale, et non le Hamas, en aurait été jugée première responsable.

Comme je l'ai déjà indiqué, un mécanisme temporaire d'assistance a donc été défini par l'Union européenne, permettant à la communauté internationale de reprendre des financements nécessaires dans les Territoires. Ce mécanisme a recueilli l'agrément du Quartet et le Conseil européen des 15 et 16 juin a donné son accord au déblocage par l'Union d'un paquet financier d'une centaine de millions d'euros, montrant ainsi l'implication et la détermination des Européens. Ce paquet permettra de reverser aux Palestiniens trois types d'aides : des fournitures de base pour la santé et l'éducation, un approvisionnement en énergie, et enfin un « filet de protection sociale » pour les plus pauvres, sous la forme de paiements directs à des Palestiniens dans le besoin. Je me réjouis que l’Union européenne ait permis au Quartet de prendre cette décision, en particulier pour le paiement de fonctionnaires dans le domaine hospitalier, afin que les médecins, les infirmières et les aides-soignantes puissent soigner les Palestiniens.

La mise en place de ce mécanisme répond à des considérations à la fois stratégiques, économiques et morales. Si nous voulons relancer le processus de paix et promouvoir la création d'un État palestinien, les structures de l'Autorité palestinienne doivent être préservées. Nous devons aussi continuer de soutenir une population dépendante de l'assistance internationale. Enfin, il importe d'agir de manière à ne pas exacerber les tensions et afin de préserver les partisans d'une ligne modérée au sein de la population palestinienne.

Je tiens en revanche à le souligner : tout cela n'induit en aucune manière une inflexion de notre position politique vis-à-vis du Hamas et du gouvernement de l'Autorité palestinienne. Celui-ci doit et devra adhérer aux trois principes posés par le Quartet. Ces principes ne sont pas négociables.

Seconde responsabilité de la communauté internationale : favoriser une relance à la fois efficace et réaliste du processus de paix. Nous sommes aujourd'hui devant un double défi, constitué par l'absence totale de confiance entre les parties, mais aussi par la tentation unilatéraliste qui prévaut des deux côtés.

Dans ce contexte difficile, l'Union européenne détient pourtant une capacité d'action spécifique de par ses liens anciens dans la région. Elle doit aujourd'hui mieux les valoriser.

Cette marge de manœuvre suppose de maintenir une approche équilibrée et dynamique de la situation. L'Union doit redire clairement son refus du terrorisme. Elle doit également manifester son refus de tout unilatéralisme et souligner son attachement à la négociation comme seul mode de règlement de ce conflit. La visite du Premier ministre Ehud Olmert les 14 et 15 juin à Paris a été pour nous l'occasion de lui rappeler ces principes.

Naturellement, il n'existe pas de solution unique à la crise actuelle. Mais nous avons un impératif : ramener les parties autour de la table de négociation. L'organisation d'une conférence internationale sur le statut final des Territoires palestiniens pourrait être un moyen de relancer le dialogue. La France et l'Union européenne doivent être prêtes à promouvoir une telle initiative, qui offrirait un nouvel horizon politique aux Palestiniens et à Israël. Il faut en effet trouver une sortie à la crise actuelle, et nous entendons naturellement nous mobiliser à cette fin avec nos partenaires au sein de l'Union.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, aujourd'hui plus que jamais, notre pays a le devoir, avec l'Union européenne, de redoubler d'efforts pour faire avancer la stabilité et la paix au Proche-Orient. Il y va de notre responsabilité, et c'est la vocation même de notre pays d'aider à trouver le chemin de l'avenir dans cette région du monde, trop longtemps meurtrie par tant de violence et de haine. Il appartient à la France de ne pas baisser les bras et de faire vivre l'espoir face à ce qui reste, pour nous tous, le défi majeur de la vie internationale. À nous de faire entendre notre voix et celle de l'Europe ; à nous de tenir notre rang sur la scène internationale pour faire prévaloir les valeurs de dialogue et de respect que nous défendons en permanence et qui sont indispensables si nous voulons mettre fin à ce trop long conflit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dialogue et paix sont les deux maîtres mots qui reviennent sans cesse, depuis tant d'années, quand il est question du Proche-Orient. Ces mots, les députés du groupe UMP les font leurs, parce qu'ils ont toujours guidé l'action de la France, celle du Président de la République, Jacques Chirac, dans cette région du monde si attachante, cette terre de vieille civilisation, cette terre de racines religieuses et de passion, cette terre qui connaît encore, et depuis si longtemps, tant d’affrontements, tant de drames.

Depuis de longues années, la France agit, entreprend en faveur de la paix au Proche-Orient. Une paix qui passe par l'émergence de deux États vivant côte à côte dans le respect de la dignité de chacun et dans la sécurité.

La France, amie du peuple palestinien et du peuple d'Israël, souhaite que le premier puisse rapidement concrétiser son aspiration légitime à la création d'un État souverain et que le second trouve enfin la sécurité à laquelle il a légitimement droit.

Nous sommes tous convaincus, sur l'ensemble de ces bancs, que rien de durable ne peut se construire sur la violence, que seuls le dialogue et la négociation permettront de progresser vers la paix.

La France, par la voix du Président de la République, a toujours appuyé les efforts accomplis depuis les accords d'Oslo pour aboutir à une solution négociée, la seule durable. Pour cela, notre pays soutient activement les efforts du Quartette, qui rassemble l'Union européenne, les États-Unis, la Russie et les Nations unies, afin de promouvoir une solution équilibrée et réaliste, dans le cadre de la « feuille de route » pour la paix au Proche Orient, du 30 avril 2003.

Quelle est aujourd'hui la situation dans la région et quel constat pouvons-nous en tirer par rapport aux principes qui guident l'action de la France au Proche-Orient ?

Dans un contexte d'extrême fragilité et d'incertitudes, la question qui reste posée, monsieur le ministre, est celle des espoirs de paix. Or une paix juste et durable dans cette région ne pourra pas être imposée par l'une ou l'autre des parties. Nous ne croyons pas, en effet, que le déploiement d'initiatives unilatérales, de part et d'autre, soit réellement la meilleure solution pour faire progresser le dialogue. La communauté internationale doit se réimpliquer fortement ; elle a le devoir d'agir.

Agir en premier lieu pour la population : c'est ce qui a été décidé le 18 juin dernier pour que l'aide internationale continue de parvenir dans les Territoires palestiniens afin de prévenir une nouvelle aggravation de la crise sociale.

Agir également, et surtout, en faveur d'un objectif, celui de la relance du processus de paix.

La démocratie s'est exprimée à plusieurs reprises depuis le début de l'année dans les Territoires palestiniens et en Israël. Le succès du Hamas aux élections législatives du 25 janvier dans les Territoires palestiniens et la constitution d'un nouveau gouvernement homogène sous sa direction ont, évidemment, changé la donne régionale. Le Hamas a choisi de prendre part au processus démocratique. Il doit en tirer toutes les conséquences ; en particulier il doit poursuivre la transition vers l'action politique, il doit s'engager dans un processus de renonciation à la violence et il doit accepter les préalables posés par la communauté internationale à la reprise des négociations.

Le choix du nouveau gouvernement palestinien de dénoncer le plan d'aide financière élaboré par l'Union européenne est particulièrement regrettable. Cette attitude est d'autant plus regrettable, à nos yeux, que le Président de la République française a beaucoup plaidé pour la mise en œuvre d’un mécanisme permettant de répondre aux besoins impérieux des populations des Territoires palestiniens, non seulement pour des raisons humanitaires, mais aussi, tout simplement, pour des raisons de justice.

Ce choix du gouvernement palestinien ne témoigne pas d'une réelle volonté d'adhérer aux trois principes fixés par le Quartette : la renonciation à la violence, la reconnaissance de l'État d'Israël et la reconnaissance des engagements internationaux souscrits par l'Autorité palestinienne. Nous le déplorons, alors même que le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en visite officielle à Paris, il y a quelques jours seulement, a réaffirmé qu'il était disposé, sur la base du respect de ces trois principes, à faire « tous les efforts » pour favoriser une reprise des négociations.

Le Président Jacques CHIRAC l'a rappelé, à l'occasion de son entretien avec Ehud Olmert : une solution prévoyant deux États vivant en paix côte à côte « suppose une reprise des négociations entre Israël et l'Autorité palestinienne ».

Lors de sa visite en France, en avril dernier, le Président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a lui-même déclaré qu’« une solution négociée avec Israël, sur la base de la feuille de route, est le meilleur moyen pour parvenir à une paix durable ».

Le référendum annoncé par le Président Mahmoud Abbas pour le 26 juillet prochain, qui doit porter sur la reconnaissance implicite de l'État d'Israël, pourrait constituer un premier pas vers une sortie de la crise. Mais, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, il peut aussi l'accélérer, du fait des tensions interpalestiniennes et de l'appel au boycott de cette consultation par le Hamas.

Des élections législatives ont également eu lieu, le 28 mars 2006, en Israël. Elles ont permis au peuple israélien de manifester son aspiration à trouver une solution au conflit. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous entretenons avec l'État hébreu, depuis sa fondation, des relations d'amitié. S'agissant du processus de paix, ces relations se sont constamment appuyées sur une position équilibrée, qui se manifeste par une action résolue en faveur d'une solution juste et durable au conflit.

Aujourd'hui, dans le contexte difficile que nous connaissons, l'Union européenne détient une capacité d'action particulière, spécifique, de par ses liens anciens dans la région. C'est cela qui doit être valorisé.

Naturellement, il n'existe pas de solution unique à la crise que traverse actuellement le Proche-Orient. Mais il n'y a pas non plus de solution en dehors d'un accord, qui ne peut venir qu'après le dialogue. Dans ce domaine, nous devons à la vérité de reconnaître qu'il y a eu des avancées, mais aussi, hélas, des reculs.

L'organisation d'une Conférence internationale sur le statut final des Territoires palestiniens serait de nature à rouvrir le dialogue. Nous souhaitons que la France et l'Union européenne puissent promouvoir l'organisation de cette conférence.

Avec le Président de la République, les députés UMP forment le vœu que les parties en cause sauront entendre la voix du désir de paix, afin que des propositions conformes aux vœux de la communauté internationale puissent être adoptées.

Mes chers collègues, je ne terminerai pas mon propos sans évoquer le problème du nucléaire iranien, car l'attitude de l'Iran est également une source d'inquiétude vive pour la région, comme pour l'ensemble de la communauté internationale. La délégation de la commission des affaires étrangères de notre assemblée, conduite par son président, M. Édouard Balladur, qui s'est rendue en Israël au début de ce mois, a pu le constater.

Vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre Balladur, avoir retiré de votre déplacement le sentiment que la question de l'Iran était aujourd'hui la première priorité du gouvernement israélien. C'est effectivement un problème majeur en raison de l'importance stratégique de ses enjeux.

La France ne remet pas en cause le droit légitime de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, dès lors que ce pays respecte ses engagements en matière de non-prolifération et qu’il donne, à cet égard, des garanties objectives du caractère pacifique de son programme. Or l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, a constaté que des activités nucléaires avaient été menées dans la dissimulation, en violation, par l'Iran, de ses engagements internationaux. Par conséquent, la France a cherché, avec ses partenaires européens, à résoudre ce problème par la voie de la négociation. Cette démarche a débouché sur l'accord de Paris du 20 novembre 2004 concernant la suspension des activités de conversion et d'enrichissement de l’uranium. Les Européens ont alors proposé à l'Iran un vaste programme de coopération comprenant notamment une aide au nucléaire civil.

Les décisions des dirigeants iraniens, en août 2005 puis en janvier 2006, de reprendre unilatéralement les activités sensibles, à l’encontre des résolutions unanimes de l'Agence internationale de l'énergie atomique, ont interrompu ce processus. Nous le regrettons tous.

Après avoir été saisi par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA, le Conseil de sécurité a demandé, à son tour à l'Iran de suspendre les activités sensibles de production de matières fissiles.

Dans les deux cas, la communauté internationale a œuvré dans le consensus, et les décisions du Conseil de sécurité ont été prises à l'unanimité. C'est donc bien par une solution élaborée dans le cadre des Nations unies que nous devons trouver une issue positive à ce problème.

Les députés du groupe UMP font confiance au Président de la République, grâce à son expérience et à son autorité sur la scène internationale, ainsi qu’au Gouvernement pour agir en ce sens en faveur de la paix au Proche Orient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste.

M. François Loncle. Qu’il est difficile décidément, mes chers collègues, d’obtenir un débat sur les questions cruciales de politique internationale, sur la situation du Proche-Orient, sur le conflit israélo-palestinien, tant est faible le pouvoir d’initiative que laissent nos actuelles institutions au parlement français. Il a fallu pendant plusieurs mois l’insistance des groupes d’opposition, les démarches pressantes du président Jean-Marc Ayrault…

M. René Couanau. On en voit le résultat : deux députés socialistes en séance !

M. le président. M. Loncle représente son groupe, mes chers collègues.

M. François Loncle. …puis une lettre du président Balladur au Gouvernement pour que celui-ci finisse par consentir à une communication et à un débat.

Notre demande est d’autant plus légitime que notre assemblée, en particulier la commission des affaires étrangères, s’est considérablement investie dans le dossier du Proche-Orient. Pendant cette législature et la législature précédente, nous avons multiplié les auditions, les déplacements, les missions et les rapports d’information, ainsi que les propositions – comme celles, récentes, de MM. de Charette et Philip au nom de la mission qui était la nôtre – propositions qui ont été communiquées, monsieur le ministre, au Quai d’Orsay.

Et puis, nous sommes nombreux à le constater, les questions de la guerre et de la paix, la situation du monde, la fracture Nord-Sud, le terrorisme, ses causes et ses conséquences préoccupent au plus haut point un nombre croissant de nos compatriotes.

Qui pourrait s'en étonner ? Il y a, bien sûr, l'histoire commune, l'histoire vécue – vous y faisiez allusion – entre la France, Israël et la Palestine, les liens familiaux et amicaux à l'origine de nombreux échanges et jumelages. Il y a aussi l'inquiétude grandissante, la lassitude, parfois la désespérance, face à la durée et à l'aggravation du conflit. Au-delà d'Israël et de la Palestine, c'est toute une région qui est dangereusement instable, confrontée à des contradictions politiques, religieuses, culturelles, aux risques de dérives nationalistes, à diverses formes d'intégrisme et à la militarisation.

Notre propre avenir, celui de la France et de l'Europe, exige une mobilisation active et continue des gouvernements, des forces politiques et de l'opinion publique pour aboutir au dialogue entre les parties opposées, à l'établissement de compromis et, si possible, à la paix.

Nous ne vivons pas, en France et en Europe, dans une sorte de bulle isolée du reste du monde. Gagner la paix en Israël et en Palestine, c'est aussi contribuer à l'apaisement des tensions dans toute cette région du Proche et du Moyen-Orient. Lors de sa récente audition devant la commission des affaires étrangères de notre assemblée, la nouvelle déléguée générale de Palestine en France, Mme Hind Khoury, rappelait qu'après plus d'un demi-siècle de conflit et plus de douze ans de processus – chaotique – de paix, les Palestiniens demeurent sous occupation, expulsés et réfugiés ; leur vie quotidienne est insupportable et leurs aspirations à l'indépendance sont bafouées. Ils attendent toujours l'application des quatre-vingt-huit résolutions de l'ONU qui les concernent, la proclamation, la viabilité de leur État et la reconnaissance de leurs droits légitimes.

J'ajoute qu'Israël et son peuple vivent toujours dans l'insécurité, dans un environnement de tension – accrue sous l’effet de la pression iranienne – et sous la menace permanente d'attentats terroristes.

D'un côté, une situation dégradée et dégradante, une incompréhension qui persiste, un climat de violence qui perdure. De l'autre, une réponse de ce que l'on peine à appeler la communauté internationale, qui n'est plus depuis longtemps à la hauteur des événements et des objectifs qu’elle s'est fixés, et sur lesquels nous semblons pourtant d'accord.

Or le temps presse. Au Proche-Orient comme ailleurs, le monde bouge, propose, exige et parfois menace. Quelles sont les réactions, les réponses et les initiatives de la France ? En quelques mois, la dynamique de paix a été bousculée. Les acteurs historiques israélien et palestinien ne sont plus là : Yasser Arafat est mort, Ariel Sharon est entré dans un coma prolongé et les partis au pouvoir ne sont plus les mêmes. Le Hamas gouverne à Ramallah, tandis qu'à Jérusalem, c'est Kadima – « En avant ! » en français – qui dirige le gouvernement de coalition de M. Olmert.

Les changements d'hommes et de partis politiques ont durci les contradictions. Les nouveaux dirigeants d'Israël paraissent privilégier les solutions unilatérales. La construction du mur qui, de fait, inclut des territoires palestiniens, se poursuit. Un désengagement de la Cisjordanie, supposant le démantèlement de colonies, semble en préparation. Mais d'autres territoires palestiniens font au contraire l'objet d'un renforcement de la colonisation, notamment autour de Jérusalem. Les bombardements de responsables du Hamas ont été confirmés ; ils tuent aussi, hélas, des passants, parfois des enfants. Le Hamas, qui a gagné les élections palestiniennes le 25 janvier dernier, est une organisation radicale. Il est majoritaire au Parlement. Il gouverne, mais il n'a jamais reconnu l'existence de l'État d'Israël. Il a légitimé le recours au terrorisme comme arme politique. Il refuse tout dialogue avec les autorités israéliennes.

La situation est on ne peut plus inquiétante. Les avancées d'Oslo et de Madrid, conquises en 1991 par des hommes politiques courageux et responsables, avaient eu un effet d'entraînement. Israël et la Jordanie avaient signé un traité de paix en 1994. Tout cela est aujourd'hui oublié. Yitzhak Rabin a été assassiné… D’autres Palestiniens et Israéliens ont bien tenté de démontrer que la paix et les accords étaient possibles : un ancien ministre israélien, Yossi Beilin, et un ancien ministre palestinien, Yasser Abed Rabbo, ont présenté le 1er décembre 2003, en Suisse, l'intéressant processus de Genève, qui aurait dû être la base d'un travail commun. Mais, au contraire, une sorte de machine infernale fait voler en éclats l’espoir de paix, ou du moins ce qu'il en reste. Le Premier ministre israélien se dit favorable à la paix, mais il refuse de dialoguer avec un gouvernement palestinien dirigé par le Hamas.

L'Autorité palestinienne est, quant à elle, bicéphale. Son président, Mahmoud Abbas, élu en 2005, a une double légitimité, palestinienne et internationale, Il se dit prêt au dialogue, à tout moment. C'est un modéré, porteur de rationalité politique. Mais il s'interroge sur ce qu'il appelle le « terrorisme d'État » israélien qui déstabilise sa politique, ses initiatives et, en fin de compte, son autorité. Si l'on veut aider à la recherche d'une solution négociée, il convient de consolider cette autorité.

Comment rétablir confiance et dialogue ? Comment recréer les conditions propices à une sortie de crise ? Comment éviter les solutions de force unilatérales qui ne sont jamais acceptées ? La communauté internationale doit assumer pleinement la responsabilité qui est historiquement la sienne au Proche-Orient. La France, le Royaume-Uni, l'Union européenne, la Russie, les États-Unis, les États de la région et les Nations unies doivent aider les uns et les autres à se parler.

Pour être écouté, monsieur le ministre, le Quatuor doit être ferme et équitable. Au terme de « Quartet » – que vous avez utilisé tout à l’heure – je préfère en effet celui de « Quatuor ». C’est aujourd’hui la fête de la musique et, vous le savez sans doute, on utilise le mot « quatuor » pour la musique classique, celui de « quartet » pour le jazz, la musique improvisée.

Pour être écouté, le Quatuor doit être ferme et équitable. Or on ne peut à la fois encourager les Palestiniens à organiser des élections démocratiques et en contester le résultat parce qu'il n'est pas conforme à ce qui était espéré. On ne peut pas suspendre le financement de la fonction publique palestinienne – hospitaliers, enseignants et policiers – et dire que l'aide à la population est maintenue. On ne peut pas condamner les attentats palestiniens et rester silencieux face aux bavures répétées, provoquées par les actions militaires d'Israël, à Gaza par exemple. On ne peut pas, enfin, reprocher aux Palestiniens d'avoir voté pour le Hamas si l'on n'empêche pas l'installation de nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie. Quels sont les risques accentués de cette cacophonie politique et de ces incohérences ? Ils tiennent en trois mots : le chaos, le terrorisme et la guerre. Est-ce cela que veut la communauté internationale ? Est-ce cela que veut la France ? Allons-nous assister, les bras croisés, à la montée des tensions interpalestiniennes, à la reprise des attentats par le Hamas, à la poursuite des bombardements par l'armée israélienne ? Au risque d'une connexion entre les différentes crises du Proche et du Moyen-Orient ?

La recherche d'une solution au Proche-Orient, qui soit en mesure de briser les enchaînements tragiques d'un drame politique et humain qui affecte deux peuples amis, ne se fera pas sans une médiation internationale. Cette médiation doit être reconnue et acceptée par les deux parties. Au-delà de l'analyse et des communiqués, elle suppose résolution et initiatives. Initiatives tous azimuts en direction de nos amis européens, comme de nos alliés américains et des partenaires du Quatuor. Autant d'attitudes urgentes, pour la paix comme pour la France, que nous attendons avec impatience.

Quelles sont, monsieur le ministre, au-delà des déclarations d'intention et des regrets périodiquement exprimés, aux uns et aux autres, les propositions concrètes de la France ? Vous en avez énuméré quelques-unes, mais nous en attendons davantage. On sait que vous êtes hostile à toute forme de règlement unilatéral. On sait que vous recherchez la solution, très délicate, qui permettrait d'aider les Palestiniens en ignorant leurs autorités élues. On sait tout cela. Et on sait que tous ces discours et réflexions, aussi nécessaires soient-ils, n’ont pas d’effet sur une réalité qui nécessite d'être prise à bras-le-corps.

Ayons sans cesse à l'esprit ce qu'avait dit, le 4 mars 1982, le premier Président de la République française qui ait visité Israël, François Mitterrand. De son discours admirable, pas un mot – hélas ! – ne pourrait être modifié : « La France est du petit nombre des pays qui, par leur position, leur poids historique, leurs amitiés, leurs intérêts, ont de longue date été désignés comme les interlocuteurs traditionnels des peuples du Proche-Orient. Appelée en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à examiner les causes et la nature des conflits qui les opposent, la France se sent aussi comptable avec la paix. »

L'intérêt de la France, de l'Europe et de l'Occident est-il de figer la situation et de favoriser l'extension du fondamentalisme dans le monde arabo-musulman ? Les socialistes rappellent constamment les trois changements fondamentaux qui devraient s'imposer à tous : que les Palestiniens renoncent à la violence armée et au terrorisme ; qu'Israël accepte de négocier – et de négocier sur tout ; que les États-Unis reconnaissent avec leurs partenaires que le conflit israélo-palestinien pèse d'un poids excessif sur la politique internationale, que les éléments de sa solution sont connus et qu'il convient de les mettre en œuvre.

Prendrez-vous, monsieur le ministre, des initiatives nouvelles, dès que vous constaterez un blocage, une impasse, une dégradation ? Cesserez-vous de faire le constat, comme nous, que le Quatuor est trop souvent considéré comme un duo américano-israélien, voire un solo américain ? Vous opposerez-vous vraiment à un traitement unilatéral du conflit israélo-palestinien ? Profiterez-vous de la prochaine présidence finlandaise pour formuler des propositions nouvelles et inciter nos vingt-quatre partenaires à prendre plus d'initiatives politiques et à manifester davantage leur volonté de peser sur l'évolution de cette partie du monde ? Utiliserez-vous nos relations avec les pays arabes de la région pour inciter leurs dirigeants à s'impliquer davantage et avec responsabilité dans la recherche de solutions équitables, tant il est vrai que le soutien apporté à la cause palestinienne par les États de la zone relève parfois plus de l'obligation diplomatique ou de l'alibi que de la conviction profonde ? Mettrez-vous enfin tout en œuvre, au-delà des discours, pour faire bouger les lignes, briser une fois pour toutes les tentations de l’immobilisme et de la résignation ?

Mes chers collègues, n'oublions jamais qu'au Proche-Orient comme ailleurs, la paix, la liberté, la justice ne se traitent pas par délégation, encore moins par procuration. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une semaine après la visite à Paris – et ici même à l'Assemblée nationale – de M. Ehoud Olmert, Premier ministre israélien, quelques semaines après la venue du président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, un an après celle de l'ancien Premier ministre israélien, M. Ariel Sharon, vers qui vont mes pensées, et deux ans après la visite d'État du Président israélien, M. Moshe Katsav, nous voilà réunis dans cette enceinte pour débattre du Proche-Orient.

Il s'agit d'un dossier international pas comme les autres. Il faut, pour s'en convaincre, comparer la taille réduite de cette région et la surface considérable que la presse internationale consacre aux événements qui s'y produisent. Et chacun sait bien que tout ce qui se passe au Proche-Orient nous concerne, et concerne le monde.

Je veux donc me féliciter de voir s'ouvrir ce débat au Parlement cet après-midi, car les députés ont le devoir de s'exprimer sur ce sujet. Cet échange est d'autant plus utile qu'il intervient à une période importante pour le Proche-Orient.

L'été dernier, l'évacuation de Gaza par Israël avait fait naître un espoir, celui de pouvoir relancer le processus de paix. Telle était, en effet, la volonté affichée par Ariel Sharon, mais aussi par Mahmoud Abbas. Malheureusement, les élections organisées dans les Territoires palestiniens ont donné la majorité absolue au Hamas, mouvement reconnu comme organisation terroriste par l'Union européenne. Bien sûr, les urnes ont parlé, mais il faut avoir conscience que les idées développées par le Hamas ne sont pas majoritaires dans l'opinion palestinienne. Le résultat des élections tient à deux facteurs. Il s’agit d’abord d’un vote sanction contre la corruption qui sévit dans les Territoires palestiniens, contre un pouvoir incapable de régler les problèmes rencontrés par le peuple palestinien. Ensuite, le mode de scrutin à un tour a bénéficié au Hamas, parti uni, alors que le Fatah était divisé. Reste que le Fatah de Mahmoud Abbas est majoritaire en nombre de voix, tandis que le Hamas l’est en sièges.

Il ne faut pas oublier ces deux facteurs car ils permettent de mieux comprendre la complexité de la situation qui prévaut dans les Territoires palestiniens et à conforter la position du président de l'Autorité palestinienne, élu au suffrage universel avec 63 % des voix, et qui bénéficie donc d'une légitimité incontestable.

Alors, s'il n'est pas question de remettre en cause les élections au Conseil législatif palestinien, il convient en revanche d'adresser aux nouveaux élus notre exigence de paix. À cet égard, les propositions exprimées par la France me paraissent correspondre tout à fait aux attentes de la communauté internationale, de l'État d'Israël et de l'Autorité palestinienne. Elles se résument en trois points : reconnaissance de l'État d'Israël, condamnation de la violence, reconnaissance des accords internationaux. Malheureusement, à ce jour, le Hamas refuse de faire siennes ces propositions, ce qui représente un frein à la relance du processus de paix.

Pour sa part, le groupe UDF considère le respect de ces trois principes comme un préalable sans lequel il n'est pas possible d'engager un quelconque dialogue avec les autorités gouvernementales palestiniennes. Selon nous, la France et l’Europe doivent rester fermes sur cette question, à Paris, à Bruxelles ou dans toutes les instances où nous siégeons. Lors de la dernière session de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Strasbourg, des initiatives avaient été prises, notamment par la Russie, pour tenter d'inviter, de façon permanente, les parlementaires palestiniens à participer aux débats relatifs au Proche-Orient. Même si elle pouvait être inspirée par un sentiment généreux, et en particulier par la volonté de renouer le dialogue, je juge cette proposition dangereuse. On ne saurait en effet accorder une respectabilité internationale à des représentants qui refuseraient la paix, nieraient la signature de leur autorité représentative donnée sous les auspices de la communauté internationale et prôneraient la violence et la destruction d'Israël. C'est pourquoi nous avons multiplié nos efforts pour empêcher que cette initiative aille à son terme. Ce n'était pas une opération punitive dirigée contre les Palestiniens, mais plutôt une invitation à infléchir leur position.

Car il n'y a pas d'issue dans la radicalisation. Il n'est, pour s'en convaincre, que de constater les tensions extrêmes qui opposent les Palestiniens les uns contre les autres. Il faut donc encourager les initiatives prises par Mahmoud Abbas, qui appelle à la concorde palestinienne et au retour à la table de négociation. La rencontre qui aura lieu demain entre Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas, à l'initiative du Roi de Jordanie Abdallah II, est de bon augure. Mais il faut aller plus loin. Ce n'est pas le Président de l'Autorité palestinienne qu'il faut convaincre de la nécessité de dialoguer avec Israël et d'avancer vers la recherche d'une paix durable, mais le gouvernement palestinien et ceux qui le soutiennent. Mahmoud Abbas essaie de convaincre ce gouvernement de la nécessité de reconnaître Israël, d'abandonner la violence et de reconnaître les accords d'Oslo. Souhaitons-lui le succès dans cette entreprise difficile.

Dans le cas où il n'y parviendrait pas par la négociation, il envisage l'organisation, le 26 juillet prochain, d'un référendum destiné à faire valider cette position par le peuple. C'est a priori une idée assez largement soutenue par l'opinion publique palestinienne, mais de là à recueillir une majorité de oui, il y a une part d'inconnu qui ne saurait être ignorée. Il en va en effet de l'opinion publique palestinienne comme de celle de tous les peuples. Nous-mêmes, l'an dernier, alors que les Français sont favorables à l'Europe, avons donné une majorité négative à un référendum, faisant ainsi capoter un projet de Constitution initié par notre pays. Dans le cas du référendum palestinien, l'enjeu est d'importance et ne concerne pas seulement le retour à des relations acceptables entre Israéliens et Palestiniens. C’est aussi une question de politique intérieure : si le oui l’emportait, cela pourrait être interprété comme une victoire de Mahmoud Abbas, tandis qu’une majorité de non signifierait le succès de la ligne du refus, c'est-à-dire de la frange dure du Hamas. Et dans une telle campagne référendaire, tous les arguments auront du poids. C'est pourquoi le résultat ne peut en aucun cas être écrit à l'avance. Il faut convaincre les uns et les autres que seul le oui représente une issue à la crise actuelle, que sa victoire serait celle des Palestiniens, qu’elle ouvrirait la voie à un avenir prometteur. Il n'y aurait alors que des gagnants.

Il faut donc, à mon sens, montrer notre volonté de favoriser le retour à une situation normale sans fléchir sur nos exigences de paix et de respect des engagements pris précédemment. Il faut que le peuple palestinien comprenne que l'Europe et la France ne sont pas des adversaires mais des amis, qui se porteront garants des progrès à réaliser pour la création d'un État palestinien. Mais il faut aussi que chacun accepte les règles du jeu fixées par la communauté internationale. La France a été longtemps absente, en termes d'influence, dans la résolution du conflit du Proche-Orient. Par notre histoire, nous nous trouvons proches à la fois des pays arabes et de l'État d'Israël. À ce titre, nous devrions pouvoir compter parmi les acteurs principaux dans l'élaboration du processus de paix. Tel n'a pas été le cas pendant de trop longues années. Et pourtant la France est à la fois l'amie des pays arabes et l'amie des Israéliens. D'ailleurs, ici même, à l'Assemblée nationale, les groupes d'amitié avec les pays arabes et avec Israël comptent parmi les plus nombreux et les plus actifs. Ceci traduit donc bien l'état des relations entre nos peuples. Malheureusement, depuis une quarantaine d'années, la France a perdu la confiance d'Israël, en raison de positions souvent déséquilibrées qui ont fait douter les Israéliens de notre objectivité.

Cette situation est heureusement en train de s'améliorer depuis quelques années. La création de la Fondation France-Israël va contribuer fortement à ce rapprochement. Il serait souhaitable de prendre également des initiatives pour permettre à Israël d'intégrer le club des pays francophones. En effet, outre le fait qu'il s'agit d'un pays comptant près de 600 000 personnes parlant notre langue, ce serait un excellent moyen d'organiser des rencontres constructives avec les pays arabes francophones. La francophonie au service de la paix et du dialogue israélo-arabe, voilà un programme noble et ambitieux.

Le réchauffement des relations entre Paris et Jérusalem devient enfin une réalité, et je m'en félicite. Il était temps, car cet éloignement était préjudiciable non seulement à la relation bilatérale franco-israélienne et à la recherche d'une paix durable, mais aussi à l'influence de la France dans cette région du monde. Cette perte d'influence a profité à d'autres, aux États-unis par exemple, qui ont su trouver un positionnement plus équilibré et jouer un rôle d'arbitre. Or je persiste à croire que ce rôle incombait naturellement à la France. D'abord en raison des liens historiques qui nous lient au Proche-Orient. Ensuite parce que nous sommes des Méditerranéens, et que cette appartenance nous unit plus qu'elle ne nous sépare. Enfin parce que la France compte la première communauté juive d'Europe, ainsi que la première communauté musulmane d'Europe. Tout cela nous met en situation de favoriser le dialogue et la recherche de la paix. En outre, ses positions sur l'Irak, sur la Syrie et sur l'Iran donnent de la France l'image d'un pays responsable qui recherche des solutions justes au regard des peuples, des droits de l'homme et du droit international. C'est pourquoi j'espère que le temps du retour de la diplomatie française au Proche-Orient s'annonce enfin.

Il y aussi une raison positive à notre action dans cette région meurtrie : nous sommes là pour témoigner que la guerre et la haine ne sont pas des fatalités, que l’on ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis d'hier. Rappelons-nous ce qu'était la relation franco-allemande : pour des générations entières, nos deux peuples étaient des ennemis destinés à se faire la guerre. Or la France et l'Allemagne se sont battues pour des frontières qui n'existent plus : aujourd'hui, franchir le Rhin à Strasbourg, ce n'est plus franchir une frontière, mais simplement rendre visite à des amis. Pour notre génération, la relation franco-allemande est devenue exemplaire d'amitié et de confiance. Elle est même le pilier de la construction européenne. Cette expérience doit pouvoir s'inscrire en lettres d'espoir dans le futur du Proche-Orient. Une telle approche peut encore paraître utopique, mais je pense qu'elle pourra être un jour une réalité.

Une certitude doit être exprimée pour bien comprendre la situation et imaginer des solutions : ni les Israéliens ni les Palestiniens n'ont vocation à quitter cette région. Il faut donc trouver les moyens de permettre la vie ensemble. La guerre n'est pas une fin en soi. Seule la paix doit pouvoir guider les pas de dirigeants responsables et qui oeuvrent pour le bien de leurs peuples. Imaginons que la paix soit possible et qu’une relation de confiance puisse enfin s'établir entre Israéliens et Palestiniens : alors, les cauchemars d'aujourd'hui pourraient laisser la place à une vie paisible, et même prospère, entre deux peuples qui se connaissent et qui auront intérêt à se respecter. L'intérêt des uns et des autres est de lutter contre l'intolérance, contre le terrorisme, pour le progrès – qui passe par la démocratie et par le droit. Il y a encore un long chemin à parcourir, mais ce chemin est exclusif de tout autre. C'est pourquoi il faut encourager de toutes nos forces les initiatives de bonne volonté qui pourront nous amener vers cet objectif.

Je connais bien Israël et son peuple. Je puis affirmer du haut de cette tribune qu'il n'existe pas dans ce pays de camp de la guerre et de camp de la paix. Les Israéliens sont des hommes et des femmes qui aspirent à vivre en paix dans un pays où la sécurité sera enfin assurée. Je me suis rendu souvent en Israël, notamment dans les périodes les plus difficiles où sévissait l'Intifada. C'était notamment le cas en mars 2002 où, en l'espace de quatre jours, des attentats meurtriers ont fait une centaine de victimes. Imaginez-vous, dans les rues de Jérusalem, tremblant au passage d'un autobus ou refusant d'aller vous désaltérer à la terrasse d'un café ! Il y a quelques semaines, une Niçoise se trouvait à Tel-Aviv pour rendre visite à ses enfants. Elle s'appelait Marcelle Cohen et était bien connue dans ma ville pour sa bonté et sa générosité. Elle fut emportée par un attentat terroriste aveugle. Sa disparition, qui a meurtri notre ville, est venue rappeler que derrière les statistiques se cachent des centaines de drames personnels et de familles endeuillées. Je tiens à rappeler ces drames et à m'incliner devant ces victimes innocentes, pour affirmer haut et fort qu'aucun combat, aucune cause ne peut justifier de tels actes.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est vrai pour tout le monde !

M. Rudy Salles. Du côté palestinien, le peuple aspire également à une vie paisible dans un État indépendant. Encore faut-il que ses dirigeants en aient l'ambition et la volonté. Arafat aurait pu être le premier chef de l'État palestinien, tant les conditions étaient favorables. Il n'a pas su en saisir l'opportunité. (Murmures sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Son peuple en a souffert, il en souffre encore. Mahmoud Abbas a, quant à lui, toujours combattu la violence et accepté de dialoguer avec les Israéliens pour avancer dans la voie de la paix. Il convient de lui donner les moyens de réussir. La partie est difficile. C'est parce qu'elle est difficile que nous devons répondre présent.

La position de la France vis-à-vis du Proche-Orient est attendue. Elle doit être juste, équilibrée, et insuffler le supplément d'âme et de confiance qui font tant défaut dans cette région. Cette position ne doit pas être la position d'un Gouvernement ou d'une majorité. Elle doit être la position de la France, patrie des droits de l'homme, puissance diplomatique majeure, qui n'aurait jamais dû s'effacer au Proche-Orient. Le groupe UDF veut espérer que des femmes et des hommes de bonne volonté sauront tracer la voie de la paix dans une région qui a trop connu le sang et les larmes. Il appelle la France à assumer ses responsabilités avec le sens de l'objectivité. Et puisque nous sommes convaincus que la paix est au bout du chemin, essayons de faire en sorte que le chemin restant soit le plus court possible, et qu'ainsi la vie triomphe rapidement de la mort. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Claude Sandrier. Tout cela n’est pas très objectif !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « combien de temps le monde acceptera-t-il cette tragédie qui broie des vies et des peuples, qui nuit au développement et à la stabilité d’une région par ailleurs essentielle pour la sécurité de tous ?

« Il est indispensable que la communauté internationale assume ses responsabilités. Qu’elle constate les résultats désastreux de son inaction et s’affranchisse de ses fausses prudences. Qu’elle dise enfin et sans ambages que le terrorisme et la négation de l’autre sont condamnables et doivent être dénoncés et combattus sans faiblesse, mais que l’occupation, la colonisation, sont inacceptables et doivent cesser. Qu’elle refuse enfin la politique des préalables, qui fait le jeu toujours des extrémistes et des terroristes.

« Les termes d’un règlement juste et durable sont connus. Il faut maintenant avancer. Car la paix est possible. Le monde ne peut plus attendre le bon vouloir des uns ou des autres.

« Pour y parvenir, nous devons encourager, voire imposer la reprise d’un processus de négociation entre les parties. Pour donner toutes ses chances à la paix, une présence internationale est indispensable. La France et l’Europe sont prêtes à y contribuer. ».

C’est ainsi que s’exprimait le Président de la République française, Jacques Chirac, devant la Conférence des ambassadeurs, en août 2004.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Hervé de Charette. C’est un bon président !

M. Jean-Claude Lefort. Mais c’était en août 2004, et les questions actuelles ne se posaient pas. Ces paroles étaient justes et fortes, mais elles n’ont pas connu le moindre commencement d’application.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Nous sommes face à un chaos. La communauté internationale a pris parti : le parti de l’unilatéralisme mortifère des autorités israéliennes, qu’elle a assorti de sanctions terribles et inadmissibles contre le peuple palestinien.

Désormais, c’est l’occupé qui est devenu le coupable. Et on le frappe. L’occupant refuse toujours clairement le droit international, il veut imposer une politique unilatérale, et c’est l’occupant qui est encensé. Ainsi, George W. Bush considère que le plan Olmert est « audacieux » et encourage vivement à le mettre en œuvre – et il n’est pas seul. Ainsi la commissaire Benita Ferrero-Waldner vient-elle tout juste de déclarer, au nom de l’Union européenne, que le plan de M. Olmert constituait « un pas en avant très courageux ».

La lecture des événements douloureux que connaît le Proche-Orient est tragiquement inversée. Les conséquences sont désormais présentées comme les causes. Ainsi la victoire du Hamas, obtenue au terme d’élections parfaitement démocratiques, est-elle présentée comme la cause de la crise actuelle, alors que c’est le contraire qui est vrai : c’est la crise, c’est le conflit sanglant, qui dure depuis quarante ans, qui est à l’origine de ce résultat.

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. Jean-Claude Lefort. C’est le terrorisme, condamné par tous ici, qui est présenté comme la cause des événements actuels, alors que c’est l’occupation israélienne qui est la cause du terrorisme, lequel – malheureusement – ne date pas d’hier.

Cette inversion des termes porte en elle de très lourdes conséquences – des conséquences humaines, sociales, institutionnelles et politiques – pouvant, de toute évidence, conduire à aggraver encore le redoutable chaos qui règne dans les Territoires palestiniens, chaos qui ne débouchera jamais sur la paix et la sécurité pour ces deux peuples. Et la communauté internationale, dont c’est pourtant le rôle de maintenir ou de rétablir la paix, selon le chapitre VII de la Charte des Nations unies, ne fait rien – ou plutôt si : elle pousse, sans états d’âme, dans cette voie meurtrière.

Je prendrai deux exemples d’actualité pour appuyer cette affirmation. Parlons tout d’abord de la suppression de l’aide aux Palestiniens. Cette suppression, qui a été votée par la France au Conseil « affaires étrangères », en avril dernier, est, nous dit-on, aujourd’hui annulée. Pourquoi la décision de suspendre cette aide a-t-elle été prise ? Parce que le peuple palestinien a voté, certes démocratiquement, mais il n’a pas voté comme il fallait ! A ce titre, on devrait supprimer toute aide à un grand nombre de pays arabes voisins, sans compter les Émirats et autres royaumes… mais cela n’est venu à l’idée de personne. Curieux !

Mais surtout, contrairement à ce qui a été affirmé, l’aide européenne n’est pas rétablie dans sa totalité. Loin s’en faut ! Il en manque la moitié, notamment ce qu’on appelle l’aide directe, et l’aide bilatérale est toujours suspendue. Le manque est proche de 350 millions d’euros ! Et les fonctionnaires palestiniens, qui font vivre plus d’un million de personnes, ne sont donc toujours pas payés.

Quant à l’argent des droits de douane, qui appartient en propre aux Palestiniens – et qui représente 50 millions de dollars par mois – les autorités d’Israël refusent purement et simplement de le verser dans le mécanisme mis au point et accepté par le Quartet. Cette fois, c’est du vol pur et simple, mais personne ne parle, et encore moins ne fait quoi que ce soit !

C’est la première et ferme exigence qu’il convient de faire entendre depuis cette tribune : il faut que l’Union européenne verse son aide, directe et indirecte, au peuple palestinien, et que soient reversées les aides bilatérales, en particulier celle de la France, qui n’a besoin d’aucun feu vert pour cela. Notre pays doit montrer l’exemple, sous peine de participer à ce que l’on peut qualifier de « non assistance à peuple en danger » et de perdre encore un peu de son crédit dans la région !

Deuxième exemple d’actualité : on pose trois conditions au Hamas pour reprendre des relations avec lui. Notons tout d’abord que le Président Mahmoud Abbas s’y emploie avec intelligence et constance, en prenant comme base le « plan des prisonniers ». On devrait s’en réjouir, mais les autorités israéliennes le tournent en dérision !

Cela dit, les trois conditions qui sont posées – à savoir la reconnaissance d’Israël, la fin du terrorisme, l’acceptation des accords d’Oslo – sont légitimes. Mais pourquoi ne pose-t-on pas les mêmes au gouvernement israélien ?

M. Olmert, avec un mur honteux, condamné par la Cour internationale de justice, veut annexer plus de 50 % de la Cisjordanie. Il ne reconnaît donc pas le droit à l’existence d’un État palestinien dans les frontières de 1967 ! Et que dit la communauté internationale ? Rien ! Ou plutôt si : c’est « audacieux », dit M. Bush, c’est « un premier pas », dit l’Europe !

M. Olmert annexe totalement Jérusalem. Et que dit la communauté internationale ? Rien ! Ou plutôt si : deux entreprises françaises participent à l’opération, alors que notre État a le devoir de faire respecter le droit international par ses ressortissants, en particulier les conventions de Genève !

M. Olmert procède à des exécutions extrajudiciaires et à des bombardements de civils, notamment à Gaza comme on l’a vu récemment. Et que dit la communauté internationale devant ce terrorisme d’État et ces crimes de guerre ? Elle fait parfois part de son émotion, elle appelle à la retenue, mais elle ne dit rien ! Après les massacres de la plage de Gaza, j’ai demandé que la France exige la mise en place à l’ONU d’une commission d’enquête internationale, mais je n’ai rien obtenu ! Pour l’assassinat de Rafic Hariri, comme dans bien d’autres cas, une commission d’enquête avait été mise en place très rapidement. Mais là, non ! On ne fait que « déplorer » ce massacre, selon un communiqué du Quai d’Orsay. La politique française a décidément changé d’orientation au Proche-Orient !

M. Didier Julia. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lefort. M. Olmert indique sa volonté de procéder à un désengagement unilatéral et limité. C’est en contradiction totale avec les accords d’Oslo, qui donnaient la primauté à la négociation bilatérale. Il en va de même pour l’opération menée à Jéricho, qui se trouve en territoire palestinien, et pour son refus absolu d’accorder la souveraineté aérienne, territoriale et maritime à Gaza, qui est aussi un territoire palestinien. Et que dit la communauté internationale ? Rien ! Ou plutôt si : l’Europe se refuse à mettre en œuvre l’article 2 de l’accord d’association qui la lie à Israël et qui pourrait être invoqué, du fait notamment du non-versement des sommes palestiniennes. Pire encore, de nouveaux accords avec Israël ont récemment été signés au Luxembourg !

Je pourrais continuer mais, sur ce premier point, je formulerai trois demandes expresses.

Premièrement, je demande fermement que l’Union européenne rende public le rapport de ses diplomates et de ses chefs de poste à Jérusalem et à Ramallah, et qu’elle suive leurs recommandations. En effet, pourquoi ne pas rendre public ce rapport ?

Deuxièmement, je demande l’application pleine et entière de tous les considérants contenus dans l’accord d’association Europe-Israël. Je vous rappelle que, dans cet accord d’association, il ne s’agit pas d’aide mais de relations commerciales privilégiées.

Troisièmement, les conditions posées au Hamas sont légitimes, mais elles doivent être posées à l’identique à M. Olmert.

M. Didier Julia. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lefort. Les deux parties doivent se soumettre aux mêmes conditions. La France pourrait prendre une initiative en ce sens, avec tout pays ou groupe de pays qui serait disposé à le faire.

Enfin, tout cela ne doit ni nous éloigner ni nous écarter de la solution politique, qui passe par un accord de paix conforme au droit et à la justice.

L’histoire tragique de cette partie du monde met en évidence deux aspects. Tout d’abord, dire ou laisser croire que la solution politique passe uniquement par les deux protagonistes, c’est, qu’on le veuille ou non, vouloir que le conflit perdure.

Mme Paulette Guinchard. C’est évident !

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. Jean-Claude Lefort. Sans intervention extérieure, pas de solution, pas d’issue pour chacun des deux peuples !

Par ailleurs, il est évident qu’en rester à des accords partiels – intérimaires ou autres – c’est aussi, à coup sûr, placer la paix entre des mains hostiles.

Les conditionnalités réciproques – et non plus unilatérales – évoquées plus haut étant remplies, l’heure est à l’organisation et à la négociation d’un accord global. Or cet accord global était à deux doigts d’être conclu à Taba !

M. Jean-Claude SandrierCela, c’est sérieux !

M. Jean-Claude Lefort. En vérité, monsieur le ministre, l’histoire le montre, il faut commencer par les fins.

Si nous ne négligeons pas les accords d’Oslo ni la « feuille de route », force est de constater que cette dernière est dépassée. Au terme du processus qu’elle préconisait, et pour lequel rien n’a été fait, un État palestinien devait voir le jour fin 2005.

La communauté internationale ne peut se cramponner à un texte dont les objectifs n’ont pas été atteints. Il faut qu’elle en rediscute. C’est pourquoi nous demandons l’organisation d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, avec tous les pays concernés, pour déboucher enfin sur un plan global de paix. Et qu’on ne nous dise pas, pour nous amener à nous résigner ou, pire encore, à nous aligner, que les États-Unis opposeront leur veto. Il existe à l’ONU une jurisprudence constante depuis 1950 : en cas de blocage durable et constaté du Conseil de sécurité, on peut en appeler à l’assemblée générale. Cette procédure a été utilisée dix fois depuis 1950.

Il n'est donc pas exact ni conforme au droit d'affirmer que le veto américain est insurmontable. Il faut, certes, qu'une volonté politique s'affirme. Ardemment et instamment, nous vous le demandons.

Nous vous demandons que notre pays soit la pointe avancée de la recherche indispensable pour les deux peuples de la paix au Proche-Orient. Loin d'isoler la France, une telle politique lui vaudrait des soutiens accrus dans le monde. Il faut nous écouter et nous suivre, monsieur le ministre, car que vaudrait ce débat s'il ne débouchait sur rien ? Nous vous avons dit clairement notre mécontentement de la politique française et européenne, mais aussi notre croyance positive si la France s'engage dans un autre chemin : le chemin qui mène, enfin, à la paix. Ainsi, les choses deviendront possibles. Bref, monsieur le ministre, nous vous demandons tout simplement que la France redevienne et reste la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Proche-Orient est une région du monde qui a, pour la France et pour l'Europe, une importance vitale : elle est géographiquement proche, unie à nous par des liens anciens de civilisation et de culture, avec une population de plus en plus nombreuse et des richesses énergétiques immenses dont l'Europe ne peut se passer.

Depuis 1945, jamais le Proche-Orient n'a connu la paix. Il a été le théâtre de conflits innombrables, entre les pays arabes et occidentaux, entre les pays arabes eux-mêmes, entre Arabes et Persans, entre les Israéliens et tous leurs voisins. Ces conflits ont pris un tour de plus en plus passionnel en raison des souvenirs du passé, du poids de l'histoire et des rancœurs qu'elle a fait naître, de l'importance croissante du fondamentalisme religieux, d'une méfiance et d'une hostilité envers l'Occident – soyons-en conscients – devenues une donnée de base et comme un réflexe conditionné de l'opinion publique dans cette région du monde.

Si nous avons à en débattre aujourd'hui – outre le fait que nous l’avons demandé avec insistance, monsieur le ministre, et que vous vous êtes employé à nous donner satisfaction, ce dont je vous remercie –, c'est parce que l'existence d'Israël, ses frontières et sa sécurité sont menacées par certains de ses voisins, parce que l'équilibre dans la région, déjà tellement instable, a été perturbé par l'intervention américaine en Irak et par l’arrivée au pouvoir en Iran d'un président qui n'hésite pas à recourir aux propos les plus menaçants, équilibre perturbé aussi par la victoire du Hamas dans les Territoires palestiniens. Vieux seulement de quelques années, comme il paraît déjà hors du temps le plan américain du Grand Moyen-Orient, dont personne ne pense plus qu'il puisse apporter une solution – les Américains ne s’y réfèrent d’ailleurs plus du tout ! Fondé sur le parallèle entre monde musulman et bloc soviétique, il visait à démocratiser des pays dont il négligeait la diversité politique, sociale et économique, et dont il présupposait, sans fondement certain, qu'ils aspiraient tous à la démocratie telle que nous-mêmes la concevons. Surtout, ce plan ne tenait aucun compte de la méfiance que toute initiative américaine suscite parmi les populations de la région et il reposait sur un modèle occidental qui n'était pas nécessairement applicable directement aux sociétés de ces pays.

Nous devons, nous Français, poursuivre dans cette région du monde deux objectifs. En premier lieu, mener une politique équilibrée, tenant un compte équitable des intérêts des uns et des autres et de leurs exigences légitimes en matière de sécurité et de prospérité. En second lieu, affirmer l'influence de l'Union européenne, car si la France, avec ses seuls moyens, est en mesure de peser sur les événements, mais pas suffisamment, elle le peut bien plus en incitant l'Union européenne à intervenir davantage, à vouloir davantage, pour avoir davantage de poids.

Mes chers collègues, je n'ai nulle intention d'évoquer tous les problèmes que nous avons devant nous au Proche-Orient, notamment la situation de l'Irak ou celle de la Syrie. Je me limiterai à deux questions : la paix entre Israël et les Palestiniens et la solution du problème redoutable que pose la volonté affichée par l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Les deux questions sont liées. En effet, Israël a la volonté et les moyens de se défendre contre la menace iranienne ; la mission que j'ai conduite en Israël il y a une quinzaine de jours et les propos que nous a tenus M. Olmert, le Premier ministre israélien, nous en ont convaincus.

La solution de chacune de ces deux questions dépend de la solution qui sera apportée à l'autre : nous devons avoir la volonté de dissiper ces deux risques de tension et de déséquilibre et d’œuvrer pour la paix.

Je commencerai par la question iranienne.

La fermeté de la communauté internationale vis-à-vis de l'Iran est parfaitement justifiée et ne doit pas se relâcher. Si la volonté iranienne de produire de l'énergie d'origine nucléaire à des fins civiles est légitime, il ne saurait être question de laisser Téhéran développer un programme nucléaire militaire pour se doter d'armes nucléaires.

Si Téhéran devait arriver à ses fins, les risques de prolifération seraient considérables. D'autres grands États de la région, comme la Turquie, l'Arabie Saoudite ou l'Égypte, ne manqueraient pas de se référer à l’exemple iranien pour revendiquer le statut de puissance nucléaire.

M. le ministre des affaires étrangères. C’est sûr.

M. le président de la commission. Face à ces périls, la communauté internationale se doit de poursuivre ses efforts de dialogue avec l'Iran et, en même temps, d'accentuer sa pression sur les acteurs du conflit israélo-palestinien. Je le répète : les deux problèmes sont liés. Et la France doit faire entendre sa voix, comme le déclarait le président Accoyer. Certes, elle participe, par l'intermédiaire de l'Union européenne, aux travaux du Quartette – ou Quatuor : je redoute la censure de M. Loncle –…

Mme Paulette Guinchard. Ils sont quatre !

M. le président de la commission. …et elle a joué un rôle de premier plan dans les négociations avec l'Iran. Elle a raison de travailler en bonne intelligence avec ses partenaires européens et américains, sans renoncer pour autant à faire connaître ses vues propres.

Mais si la solution du problème nucléaire iranien constitue une priorité vitale et immédiate, celle du conflit israélo-palestinien, depuis si longtemps principal nœud de tension au Proche-Orient, est la condition nécessaire à toute évolution positive dans la région. Or, depuis plusieurs années – je ne referai pas l’historique de tous les efforts accomplis depuis maintenant un demi-siècle –, le dialogue entre Israéliens et Palestiniens est rompu. La communauté internationale doit avoir comme premier objectif de le renouer et de restaurer progressivement la confiance.

Prenant acte de cette absence de dialogue, Israël a choisi d'agir de manière unilatérale : il s'est retiré de Gaza et envisage désormais le démantèlement de dizaines de colonies de Cisjordanie, mais après avoir essayé pendant quelque temps de négocier avec les Palestiniens, il est décidé à fixer par lui-même, seul si besoin est, ses frontières. Certes, le retrait de Gaza doit être porté au crédit de l'État hébreu et la perspective du démantèlement de certaines colonies en Cisjordanie, représentant à peu près 80 000 à 100 000 habitants, va dans le bon sens, mais un règlement unilatéral ne saurait conduire à une paix durable.

Mme Paulette Guinchard. Tout à fait.

M. le président de la commission. Israël ne peut dessiner seul ses frontières, surtout si, comme la barrière de sécurité en cours de construction le prévoit, elles ne suivent pas la ligne d'armistice de 1949, dite « ligne verte ». Par ailleurs, l'État hébreu doit reverser à l'Autorité palestinienne les taxes et droits de douane qu'il lui doit et accepter de reprendre durablement le dialogue.

Dans le même temps, les Palestiniens doivent retrouver une capacité de négociation que – soyons lucides – la victoire du Hamas aux élections législatives leur a fait perdre. Si le « dialogue national » en cours depuis quelques jours semble avoir quelque chance de succès, il pourrait ouvrir la voie à la constitution d'un gouvernement de coalition qui aurait la légitimité nécessaire à la reprise du dialogue avec Israël.

Je le dis comme je le pense : le retour à la table de négociation est bien trop urgent et indispensable pour rester mécaniquement soumis au respect immédiat des trois conditions actuellement imposées par le Quartette au Hamas : la reconnaissance d'Israël, la cessation des attaques contre Israël et le respect des accords conclus entre l'Autorité palestinienne et l'État juif. Des délais sont nécessaires pour atteindre ces objectifs, souhaitables, certes, mais ces objectifs ne pourront être atteints que si chacun fait un effort vers l'autre.

La France peut, si elle en a la volonté – et elle l’a – exercer une influence positive tant sur les Palestiniens que sur Israël. Auprès des premiers, elle doit plaider pour l'arrêt des violences et aider l'Autorité palestinienne à lutter contre la corruption ainsi qu’à améliorer la transparence de sa gestion. Quant aux relations de la France avec l'État hébreu, elles se sont améliorées ces dernières années, notamment grâce à notre position sur le dossier du nucléaire iranien, dont on nous a dit à plusieurs reprises combien elle était appréciée, et grâce à notre fermeté dans la lutte contre les actes antisémites sur notre sol. Nous pouvons nous appuyer sur ces relations amicales pour faire prendre conscience à Israël de l'inefficacité, dans le long terme, de toute action unilatérale. Sans nier les résultats positifs immédiats de la construction de la barrière en termes de sécurité, la France doit plaider en faveur de la reprise du dialogue pour une fixation négociée et une reconnaissance mutuelle des frontières d'Israël.

Israël n'a aucun intérêt à figer durablement sa position dans une politique d'unilatéralisme qui se fonde sur le fait accompli.

Mme Paulette Guinchard. Tout à fait.

M. le président de la commission. Permettez-moi de le rappeler, mes chers collègues : depuis des dizaines d'années, le Proche-Orient vit sous l'empire du fait accompli ;…

M. Léonce Deprez. Absolument !

M. le président de la commission. …il n'est pas pour autant parvenu à établir la paix et la sécurité. Seul le dialogue le pourra, à condition que chacune des parties accepte aussi de faire des concessions territoriales. Israël sera nécessairement amené à restituer des territoires si la construction de la barrière de sécurité devait conduire à placer sous son autorité directe 10 % environ du territoire de la Cisjordanie. Soyons-en conscients.

Mme Paulette Guinchard. Tout à fait !

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. le président de la commission. Inversement, l’Autorité palestinienne devra prendre acte des extensions, notamment autour de Jérusalem, de grands blocs de colonies.

Israël a intérêt à la paix, à une paix durable, donc à une paix juste, à une paix qui soit acceptée par tous. Il la cherche depuis un demi-siècle et a aujourd’hui l’occasion de la trouver. C’est la conclusion à laquelle était déjà parvenue la mission conduite, il y a un an, par M. Hervé de Charette, ancien ministre des affaires étrangères et vice-président de notre commission, laquelle avait adopté son rapport à l’unanimité.

M. Léonce Deprez. C’est vrai !

M. le président de la commission. En ce qui concerne l’Iran, je demeure confiant dans le dialogue entamé par les trois pays de l’Union européenne, rejoints par les États-Unis, la Russie et la Chine. Je souhaite que ce dialogue réussisse, mais je souhaite aussi qu’on réfléchisse dès maintenant à ce que peut être l’avenir du traité de non-prolifération nucléaire…

M. Hervé de Charette. Très bien !

M. le président de la commission. …auquel les uns adhèrent, dont les autres s’émancipent − unilatéralement −, et que d’autres encore n’ont jamais signé, pour ne pas être obligés de le respecter. La paix du monde en dépendra, et je considère que, avec la lutte contre le terrorisme, la révision ou l’actualisation − j’ignore quel est le terme le plus approprié − de ce traité de non-prolifération est le défi le plus dangereux que nous ayons à relever.

Mes chers collègues, nous sommes dans une époque de transition où tout est possible, le pire et le meilleur. Les évolutions positives de ces derniers jours, qui ne doivent pas cacher la persistance de la violence, ont été rendues possibles par la poursuite du dialogue. Lui seul permettra de trouver une solution satisfaisante au conflit qui oppose les Israéliens aux Palestiniens, les Iraniens à la communauté internationale. Lui seul me semble en mesure de conduire à une solution équilibrée de la crise nucléaire iranienne. C’est l’action que mène le Gouvernement de notre pays, à votre instigation, monsieur le ministre. J’approuve cette action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d’abord vous remercier pour la qualité de vos interventions et pour la tenue de cette discussion, dont je retiens plusieurs points.

Je note d’abord une très large convergence de vues sur la situation au Proche-Orient. Cela n’est pas nouveau et conforte notre action à l’égard de ce très délicat dossier. Il est intéressant de constater que, du parti communiste à l’UMP, les différents courants se rejoignent sur l’essentiel des positions, ce qui n’empêche naturellement pas l’expression des divergences. Je l’ai parfaitement compris et j’y reviendrai.

Chacun l’a dit, la France et, au-delà, l’Europe se doivent d’être ambitieuses, et il est nécessaire que notre pays joue un rôle de plus en plus important en faveur de la paix, pour le bénéfice des Israéliens et des Palestiniens. La majorité d’entre vous soutient la ligne du Gouvernement, qui consiste à se montrer ferme à l’égard du Hamas, pour l’encourager à choisir la voie de la négociation plutôt que celle de la confrontation. Nous sommes d’accord pour encourager l’action du Président de l’Autorité palestinienne, et vous partagez notre souci de venir en aide au peuple palestinien dans la très grave situation qu’il connaît depuis plusieurs semaines. Cet appui est important au moment où nous lançons la mise en œuvre d’un mécanisme européen d’aide qui permettra d’éviter les accusations de financement du mouvement Hamas, inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes. Le défi à relever est considérable : il y va de la crédibilité de l’Union européenne. C’est dire si votre soutien est nécessaire.

Quant à Israël, nous reconnaissons tous la nécessité de faire primer la négociation sur les rapports de force, comme vient de le dire avec vigueur le président de la commission. Nous rejetons la perspective d’un retrait unilatéral de la Cisjordanie, qui ne résoudrait rien.

Monsieur le président Accoyer, nous soutenons l’organisation d’une conférence internationale pour réactualiser la feuille de route, dont M. Lefort a également parlé. Celle-ci est obsolète depuis 2003, mais elle est la seule initiative agréée par les parties, Israël et Territoires palestiniens. Il faut maintenant définir un calendrier crédible : c’est la seule initiative qui permettrait d’instaurer ce nouvel horizon qui, pour l’instant, fait défaut.

Comme M. le Premier ministre Édouard Balladur, vous avez évoqué l’Iran. Il est vrai que l’on ne peut pas aborder la question israélo-palestinienne sans évoquer la question iranienne, tant l’inquiétude est vive à ce sujet dans la région. Il faut d’abord, vous l’avez dit, affirmer notre volonté de régler le problème de la crise de prolifération nucléaire iranienne dans le cadre multilatéral.

Les quinze derniers jours ont été marqués par trois dates majeures. Le 31 mai, par une évolution historique, les Américains se sont déclarés prêts à venir négocier avec les Iraniens, aux côtés des Européens, pour rechercher une solution à la crise. Le 1er juin, à Vienne, les Européens − les Allemands, les Britanniques et nous-mêmes − se sont retrouvés, associés aux Russes, aux Chinois et aux Américains, pour proposer aux Iraniens un paquet ambitieux : il s’agissait de leur reconnaître le droit de mener une politique électronucléaire civile à des fins pacifiques et de passer des accords commerciaux. Enfin, le 6 juin, M. Javier Solana a communiqué ces propositions à Téhéran, au nom de l’Union européenne, des Russes, des Chinois et des Américains − ce qui est important pour marquer la place de l’Union européenne sur le plan politique. Nous ne connaissons pas encore le résultat de cette démarche et n’avons pas reçu de réponse. Nous demandons à Téhéran de nous la donner le plus vite possible, car il s’agit de rétablir la confiance. Nous avons tous été choqués par les déclarations du Président iranien, M. Ahmadinejad, sur Israël, et j’ai été le premier ministre des affaires étrangères occidental à le dire haut et fort. La balle est maintenant dans le camp de l’Iran. C’est à lui de faire le bon choix.

Monsieur Loncle, j’ai bien noté votre appel à une plus grande mobilisation de la communauté internationale autour d’une détermination réaffirmée et d’un esprit d’initiative. Si je peux partager votre souhait de parler de Quatuor, plutôt que de Quartet, j’ai surtout envie de répondre à la question du duo et du solo. Vous avez raison, il y a là un risque réel. Lorsque l’Union européenne est présente à Rafah, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, elle adopte une position politique…

Mme Paulette Guinchard. Très bon exemple !

M. le ministre des affaires étrangères. …et fait un premier pas, aux côtés des Américains, mais pas avec eux. Vous avez tout à fait raison de dire qu’il faut profiter de la présidence finlandaise pour affirmer le rôle politique de l’Union européenne et demander aux Vingt-cinq de partager cet esprit. M. Édouard Balladur l’a également dit. Il faut que notre politique étrangère soit beaucoup plus ambitieuse en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

Cependant, il ne faut pas sous-estimer le rôle de notre pays dans la région. C’est la France qui a plaidé et qui a travaillé avec les services de la Commission européenne pour que soit trouvée une solution au problème de l’aide au peuple palestinien. C’est la France, il y a quelques jours, qui a invité le Conseil européen à confier un mandat à Javier Solana pour faire avancer le processus de paix au Proche-Orient. Bien évidemment, il reste beaucoup à faire, à l’échelon national comme au sein de l’Union européenne, mais ne doutez pas, monsieur Loncle, de la détermination du Gouvernement à avancer et à agir dans ce dossier difficile.

Comme vous-même et M. Lefort l’avez dit, il est parfois dommage, lorsqu’on parle du conflit israélo-palestinien, de ne pas entendre certains chefs d’État arabes, en particulier ceux des pays du Golfe, s’exprimer sur le développement économique.

Mme Paulette Guinchard. Tout à fait !

M. le ministre des affaires étrangères. Mais nous avons, les uns et les autres, peu parlé du développement économique de Gaza. Sans perspectives de croissance, d’espoir et de travail pour les jeunes Palestiniens, nous serons en permanence dans le chaos sécuritaire. Les pays du Golfe doivent également réfléchir à ce sujet majeur.

Quelles initiatives la France a-t-elle prises ? Elle a encouragé toutes les parties et toutes les institutions à engager le dialogue : je l’ai dit à Mahmoud Abbas comme à Ehoud Olmert, lors de mes deux visites en Israël et dans les Territoires palestiniens, ces six derniers mois, et lors de leurs passages à Paris. Nous avons été les premiers à poser les conditions du dialogue avec le Hamas, au nom du refus de la violence. Nous avons, je l’ai dit, mis en place l’aide aux Palestiniens. Nous avons également été les premiers à plaider pour la réactualisation de la feuille de route. Enfin, nous avons été les premiers à considérer qu’il fallait aider le président Mahmoud Abbas − l’Autorité palestinienne ayant été, durant les dix dernières années, la grande avancée institutionnelle de la région −, alors que certains se contentent d’attendre une aggravation de la crise pour chasser le Hamas du gouvernement. C’est une erreur politique, nous l’avons dit dans toutes les enceintes.

Monsieur Salles, nous ne nous résignons pas à la violence. Nous œuvrons inlassablement pour que le Proche-Orient retrouve le calme et la paix. Nous le faisons pour le dossier israélo-palestinien. Nous l’avons fait pour le Liban − je salue l’action qui fut celle de M. de Charette, lorsqu’il était ministre des affaires étrangères − et vous n’ignorez pas que nous avons obtenu le départ des troupes syriennes, présentes dans le pays depuis près de trente ans. Nous le faisons pour l’Iran, où, M. Édouard Balladur le rappelait, nos propositions continuent à nourrir les discussions. Nous l’avons fait pour l’Irak, également, où nous avions anticipé les désastreuses conséquences d’une intervention extérieure − je vous remercie d’ailleurs de l’appréciation que vous avez formulée sur l’action diplomatique de la France. Nous défendons ces actions à New York, à Bruxelles, à Paris et dans tous les États de la région.

M. Salles s’est interrogé sur l’adhésion d’Israël, en tant qu’observateur ou membre associé, à l’organisation de la francophonie. Cette demande se heurte toujours à l’exigence d’unanimité, mais la France la soutient et entend le faire savoir. Quoi qu’il en soit, le rapprochement d’Israël du réseau francophone se confirme. Ainsi, l’université de Tel-Aviv a adhéré, en décembre dernier, à l’Agence universitaire de la francophonie.

Monsieur Lefort, l’aide européenne aux Palestiniens aura été supérieure en mai 2006 à ce qu’elle était en mai 2005. Après que les États membres lui ont donné leur accord, le 20 juin, la Commission a indiqué que nous allions doter de 100 millions d’euros, par le biais de la Banque mondiale, le nouveau mécanisme décidé par le Quatuor. La France est à l’origine de ce mécanisme, puisque c’est le président Chirac qui en a parlé au président Abbas il y a quelques semaines, à Paris. Sachez par ailleurs que nous n’avons jamais interrompu l’assistance bilatérale. Je me réjouis comme vous des documents communs signés par les prisonniers du Hamas et de l’OLP : c’est une voie d’espoir, car rien n’est pire que la violence inter-palestinienne, qui, tôt ou tard, déboucherait sur l’atomisation des Territoires palestiniens.

Monsieur Lefort, nous sommes nous aussi favorables à l’organisation d’une conférence internationale et je vous remercie de l’avoir souligné. Mais nous ne reconnaissons pas l’acquisition des territoires par la force, qu’il s’agisse de Jérusalem ou des autres territoires occupés. C’est une position que nous maintenons depuis 1967 : nous n’en avons pas changé.

En ce qui concerne le tramway, il s’agit d’entreprises privées auxquelles nous avons fait part des observations des autorités palestiniennes.

Nous allons par ailleurs demander une réactualisation du rapport que les chefs de poste à Jérusalem ont rédigé il y a un an, avant les élections législatives israéliennes et palestiniennes qui créent un nouveau contexte.

Nous souhaitons une solution définitive, incluant toutes les composantes : statut des réfugiés, territoires et Jérusalem. Tel devrait être l’objet de la réactualisation de la feuille de route que nous appelons de nos vœux.

Enfin, monsieur Édouard Balladur, vous avez abordé à juste titre l’élément clef de la position de la France, qui est le caractère équitable de notre politique. Vous avez rappelé le rôle de l’Union européenne et évoqué les relations entre Israël et la France, qui auront rarement été aussi amicales, comme le prouve la récente création d’une fondation.

Israël, avez-vous dit, a intérêt à une paix durable. Deux États doivent cohabiter en paix et en sécurité. Il nous faut en effet reconnaître le droit d’Israël à vivre en sécurité.

Enfin, comme vous, monsieur le Premier ministre, je terminerai en évoquant le traité de non-prolifération nucléaire. Eu égard à leur développement et à leur croissance, et ne serait-ce que pour des raisons climatiques ou environnementales, les nouveaux pays émergents − l’Inde, le Brésil ou la Chine − ont droit au nucléaire,…

M. Jean-Claude Lefort. À la bombe ?

M. le ministre des affaires étrangères. …mais à des fins civiles et pacifiques. Il est donc évident que nous devons réactualiser le traité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, soyez assurés que notre pays continuera de faire prévaloir le droit sur les armes. Il ne se résignera pas à accepter le cercle vicieux de la violence.

La France entend poursuivre ses efforts en vue d’un règlement juste et durable de la question palestinienne, qui comprend l’édification d’un État palestinien vivant côte à côte, en paix et en sécurité, avec Israël.

Telle est notre ambition pour que la France reste la France. Nous avons besoin de votre appui pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

règlement définitif du budget de 2005

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (nos 3109, 3155).

Nous commençons par le débat sur l’administration générale de l’État.

administration générale de l’état

M. le président. Dans le débat sur les crédits de l’administration générale de l’État, la parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui regroupe aujourd'hui 2,2 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 0,83 % du budget de l'État, revêt une importance particulière.

Premièrement, elle couvre 16 % des crédits du ministère de l'intérieur. Deuxièmement, elle finance ses fonctions « support », au travers de son troisième programme, relatif à la conduite et au pilotage des politiques de l'intérieur. Troisièmement, elle a en charge la gestion de l'ensemble du réseau des préfectures, cœur de l'administration déconcentrée de l'État, dans le cadre de son premier programme « Administration territoriale ». Enfin, elle comporte les crédits concernant la vie politique, cultuelle et associative, finançant notamment les partis et les campagnes électorales.

L'année 2005 a été une période de transition pour l'ensemble du budget de l'État, la loi de finances initiale pour 2005 étant la dernière votée selon les règles de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et la première préfigurée en mode LOLF, avec les avant-projets de performances des programmes ayant accompagné le projet de loi.

Mais cette phase transitoire s'est particulièrement fait sentir s'agissant de cette mission. En effet, contrairement à d'autres missions qui reprennent le périmètre des anciennes sections budgétaires, celle-ci est quasiment une création ex nihilo. Il en résulte des problèmes de transposition budgétaire et comptable entre l'ancienne et la nouvelle présentation.

Pour avoir le maximum d'éléments en vue d'apprécier comment s'est précisément passée cette année de transition et la capacité du ministère à s'orienter vers la performance, j’ai interrogé le ministère de l'intérieur sous la forme d'un questionnaire. II convient de relever la parfaite réactivité des services, qui ont globalement répondu dans les délais, en l'occurrence très courts, et le plus souvent de manière précise.

Il ressort de l'examen des comptes et des réponses apportées à votre rapporteur spécial trois constats principaux :

Premièrement, le budget de 2005 a, dans l'ensemble, été exécuté conformément à la LFI.

Deuxièmement, il s'est par ailleurs progressivement orienté vers la recherche de la performance, à l'appui des objectifs et indicateurs figurant dans l'avant-PAP ;

Troisièmement, la gestion est corollairement devenue plus efficiente, en phase avec les grands chantiers de modernisation de l'État.

Premièrement, une exécution budgétaire globalement conforme.

II est deux manières d'apprécier l'exécution budgétaire en 2005 : selon le mode classique de l'ordonnance organique de 1959 – cadre dans lequel la LFI a été votée – ou selon celui de la LOLF – cadre dans lequel elle a été préfigurée.

En premier lieu, l'exécution selon les règles de l'ordonnance de 1959.

Les principaux mouvements de crédits sont expliqués dans le rapport. Il résulte de l'ensemble de ces mouvements que les crédits disponibles se sont élevés à 1 920,9 millions d'euros de crédits de paiement, soit 83,9 % des crédits ouverts en LFI. Mais cet écart est largement imputable au transfert des crédits de pension, pour 532,8 millions d'euros. Si l'on fait abstraction de ce transfert, les crédits ont été au contraire abondés de 164,2 millions d'euros, soit un accroissement de 7,1 %, lié principalement au montant des reports, pour 106,8 millions d'euros, et de l'avance sur décret, pour 85,8 millions d'euros. Quant aux gels et dégels de crédits, ils sont d'un montant relativement limité, à peine 1,3 % des crédits pour les gels, et se compensent, 29,5 millions d'euros de gels et 27,8 millions d'euros de dégels.

Les crédits dépensés s'élèvent, pour leur part, à 1 947,4 millions d'euros, soit 26,5 millions d'euros de plus que les crédits disponibles et un taux de consommation de 101,4 %. Au-delà de quelques problèmes méthodologiques évoqués dans le rapport, cela est lié aux dépenses du chapitre évaluatif 37-91 – Frais de contentieux et réparations civiles –, pour lequel l'exécution est de 136,3 millions d'euros contre 81,8 millions d'euros votés en LFI et LFR.

En effet, hors chapitre 37-91, le taux de consommation s'établit à 98,5 %. La sous-évaluation des dépenses de ce chapitre constitue donc l'un des principaux problèmes de l'exécution du budget de 2005, qui s'avère pour l'essentiel globalement conforme à la loi de finances initiale.

En second lieu, la présentation en mode LOLF.

Le rapport restitue en mode LOLF l'exécution du budget sous forme de tableaux, présentation par programme et action, ainsi que par titre et catégorie.

Cette transposition permet de faire ressortir l'importance respective des trois programmes de la mission en exécution : « Administration territoriale », pour 1 205,2 millions d'euros, soit 61,9 % des crédits ; « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », pour 444,5 millions d'euros, soit 22,8 % du budget ; « Vie politique, cultuelle et associative », pour 297,7 millions d'euros, soit 15,3 % du budget.

Sans surprise, on observe une forte diminution des crédits de paiement sur le premier programme, entre ceux inscrits en LFI et ceux dépensés dans la réalité, en raison du transfert des crédits de pensions. II en est également ainsi pour le troisième programme, pour la même raison, mais dans une proportion moindre, liée à la sous-évaluation des frais de contentieux. Le deuxième programme présente au contraire un net accroissement, 124 millions d'euros, par rapport aux crédits votés en LFI. Il tient essentiellement aux ouvertures de crédits par décret d'avance et aux reports prévus pour le financement des élections de 2004 et le référendum sur la Constitution européenne de 2005.

Si les taux de consommation des crédits de paiement des premier et deuxième programmes s'élèvent respectivement à 99,9 % et 98,6 %, celui du troisième atteint 107,7 %, en raison toujours de la sous-évaluation en LFI des frais de contentieux.

Ces données prendront tout leur sens par comparaison avec l'exécution budgétaire de cette année. Quant à l'évolution par rapport à 2004, que j’avais demandée au ministère, elle n'a pu être établie pour des raisons méthodologiques, aucun système d'information ne permettant, selon les services, d'opérer une répartition fiable des crédits entre programmes pour 2004. Et ce d'autant plus que l'extension de l'expérimentation de la globalisation des crédits des préfectures invaliderait toutes les clés de conversion relatives aux chapitres concernés.

Deuxièmement, un budget progressivement axé sur la performance.

Alors que l'avant-PAP ne comportait pas d'objectifs et d'indicateurs chiffrés, un chiffrage a été intégré, non seulement dans le PAP pour 2006, mais aussi parfois pour l'exécution du budget de 2005. En outre, l'évolution des indicateurs témoigne de plusieurs améliorations dans chacun des trois programmes de la mission.

D’abord, le programme « Administration territoriale ».

La globalisation des crédits de fonctionnement et de rémunération des préfectures, initiée depuis 2000, s'est accompagnée de la mise en place d'un contrôle de gestion, contrepartie de la liberté de gestion nouvelle donnée aux responsables. Elle a donné lieu à la fixation d'objectifs nationaux dès 2003, qui a accéléré l'adhésion des préfectures à la culture de la performance. Au vu des résultats connus de 2005, les objectifs ont globalement été atteints, mais beaucoup d'indicateurs restent encore à renseigner, sept sur douze.

Ensuite, le programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Le suivi des indicateurs pour ce programme, qui sont proportionnellement mieux renseignés, révèle deux améliorations : le raccourcissement du délai d'envoi du décret de répartition de l'aide publique aux partis politiques et la baisse du coût des élections par électeur inscrit.

Enfin, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Ce programme révèle lui aussi un nombre encore trop important d'indicateurs non renseignés, mais atteste certains bons résultats, s'agissant notamment des objectifs 3 et 4.

Dans l'ensemble, les efforts du ministère pour intégrer la culture de la performance issue de la LOLF sont satisfaisants. Mais ils devront être poursuivis pour assurer une pleine mise en œuvre de celle-ci. Les informations relatives aux indicateurs devront notamment être enrichies et comporter des valeurs-cibles pluriannuelles, afin que ceux-ci soient complets et fiables dans le prochain rapport annuel de performances qui devrait accompagner le projet de loi de règlement pour 2006.

Troisièmement, une gestion plus efficiente.

L'efficience de la gestion des crédits correspondant à la mission a été améliorée. D'une part, en raison de la globalisation des crédits des préfectures qui, en permettant aux préfets d'optimiser la dépense, a préfiguré la fongibilité des crédits permise par la LOLF. D'autre part, du fait de la mise en œuvre de la LOLF, qui ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives de progrès pour les années à venir.

Premier point, les gains tirés de la globalisation des crédits des préfectures.

La globalisation des crédits a eu trois effets principaux détaillés dans le rapport : une transformation progressive de la structure d'emplois des préfectures, au profit des emplois de catégorie A et B ; des marges de manœuvre dégagées sur les crédits de rémunération, en raison principalement d'une vacance d'emplois subie et de redéploiements en fonction des priorités locales ; des performances des préfectures significativement améliorées en 2005, délais plus courts pour la délivrance des titres, réduction des coûts, hausse de la productivité.

Deuxième point, les premiers fruits de la LOLF.

Les résultats sont multiples s'agissant des premier et troisième programmes, mais structurellement limités pour le deuxième, qui correspond à un secteur très réglementé offrant peu de marges de manœuvre.

Pour le premier programme, « Administration territoriale », outre les effets liés à la globalisation des crédits des préfectures, l'optimisation de l'emploi des crédits s'est exprimée en 2005 à travers une fongibilité accrue entre les crédits de personnel et de fonctionnement. Les montants transférés en gestion au niveau local par les préfectures au titre de la fongibilité se sont élevés à 0,35 million d'euros des crédits de fonctionnement vers les crédits de personnel et 12,2 millions d'euros des crédits de personnel vers le fonctionnement.

Avec la fongibilité, une approche plus stratégique s'est mise en place dans les préfectures, impliquant la refonte des organigrammes avec la création d'une direction unique des moyens et de la logistique regroupant les fonctions budgétaires et celles de ressources humaines.

Une méthode de comparaison de l'activité de chacune des préfectures et de leurs moyens de fonctionnement a été mise en place, fondée sur deux outils économétriques – ARCADE pour les personnels et ESTIDOT pour la dotation de fonctionnement – qui permettent de tendre vers une optimisation géographique des ressources du chapitre.

Pour le deuxième programme, « Vie politique, cultuelle et associative », l'exécution dépend de paramètres sur lesquels le ministère de l'intérieur n'a que peu de moyens d'action : les critères d'attribution de l'aide publique aux partis politiques, 25 % des dépenses de 2005, sont déterminés par la loi ; le coût des élections dépend du mode de scrutin, du nombre de candidats, notamment de ceux qui peuvent atteindre les seuils fixés par la loi pour bénéficier du remboursement de leurs dépenses électorales ; les dépenses relatives aux cultes sont, pour l'essentiel, des dépenses de rémunération des personnels des cultes concordataires.

Le seul axe d'amélioration sur lequel le ministère peut travailler, et sur lequel il travaille, est donc celui de l'optimisation de l'organisation matérielle des élections.

Pour le troisième programme, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », l'effort a particulièrement porté sur une meilleure organisation de la fonction « achats », se traduisant par des actions de mutualisation de certaines prestations. Il en est ainsi de l'organisation des déplacements des fonctionnaires en mission, qui a été confiée après appel d'offres à un voyagiste, Carlson Wagonlit.

Par ailleurs, une action de rationalisation des achats a été engagée en 2005 : quatre pôles se répartissent désormais l'essentiel des achats des services centraux et déconcentrés du ministère : la direction des systèmes d'information et de communication pour la téléphonie et l'informatique ; la direction de la défense et de la sécurité civiles pour les moyens aériens ; la direction de l'administration de la police nationale pour l'ensemble des équipements spécifiques à la police, les véhicules et le carburant ; la direction de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières pour le mobilier, le matériel de bureau, la reprographie et la fonction voyagiste.

Ces pôles passent, chacun dans leur domaine, des marchés centralisés que les services concernés peuvent mobiliser pour s'approvisionner dans le cadre de leur budget ou de droits de tirage dans le cas de la police.

Troisième point, des perspectives prometteuses, qu'il conviendra d'élargir.

Les réformes entreprises par le ministère devraient conduire à terme à réaliser des économies structurelles, selon les cinq orientations détaillées dans le rapport.

Premièrement, une rationalisation de l'organisation du ministère. La création du secrétariat général en janvier 2004 a déjà permis de regrouper des services et de réaliser des économies de structures. Des expérimentations en termes de mutualisation des moyens et des coûts permettront sans doute d'aller encore un peu plus loin.

Deuxièmement, une adéquation des effectifs par rapport aux besoins. L'année 2005 a vu la formalisation d'un plan pluriannuel de gestion prévisionnelle des ressources humaines, articulé autour d'un vaste mouvement de requalification des personnels et de réformes statutaires constituées notamment par la fusion des corps administratifs.

Troisièmement, une optimisation des conditions d'achat. Cette optimisation repose sur une mise en concurrence des fournisseurs ou prestataires de services. Le nouveau marché de téléphonie fixe passé en 2003 avait déjà permis de réaliser une économie de 20 % sur la facture annuelle du ministère. Le développement de la téléphonie sur Internet devrait notamment permettre d'aller plus loin dans la réduction de ce poste de dépense.

Quatrièmement, le développement des systèmes d'information. Dans les préfectures, en plus des gains de productivité réalisés et pérennisés dans le cadre de la globalisation de leurs crédits, la mise en œuvre de la directive nationale d'orientation, grâce en particulier aux retombées des projets INES – pour identité nationale électronique sécurisée – et SIV – système d'immatriculation des véhicules –, devrait se traduire par des économies substantielles. Les gains potentiels nets de ces mesures restent cependant à chiffrer avec précision.

Cinquièmement, l'évolution des process. Elle est le corollaire des actions entreprises en matière d'économies structurelles. Il en est notamment ainsi des simplifications découlant de la réduction du nombre de corps, qui devrait se traduire par un allégement de la gestion quotidienne et la réduction du nombre d'instances paritaires. La dématérialisation de certains actes de gestion, telle la gestion des frais de mission au sein du ministère, constitue également une piste de rationalisation de l'emploi des crédits.

En conclusion, cette mission offre, on le voit, une bonne illustration de l'assimilation de la culture de la performance par les services administratifs, même si – comme c’est logique dans cette période de transition – l'effort doit naturellement être poursuivi et étendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, premier orateur inscrit.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas nécessaire de revenir sur les données de l'exécution 2005 proprement dites. Mon excellent collègue rapporteur spécial, Jean-Pierre Gorges, l’a fait de manière complète, à la fois dans son rapport écrit et dans son rapport oral.

J'avais insisté, dans mon avis sur le projet de loi de finances initiale pour 2006, sur le caractère exemplaire de la modernisation du ministère de l’intérieur, à la fois dans ses structures et dans le cadre de la préparation de la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Canepa, secrétaire général du ministère de l’intérieur, que je remercie pour le travail que nous avons effectué en commission des lois, avait eu l’occasion de mettre l’accent devant l’ensemble des préfets sur une partie de mon rapport et je tiens à lui redire que je salue en effet la tâche accomplie par le ministère de l’intérieur et le Trésor public. Avec Michel Thénault et Paul Mourier, nous avons pu constater les évolutions accomplies.

De ce point de vue, 2005 a constitué une année charnière, La modernisation a concerné non seulement le ministère lui-même et les préfectures, mais également les services de l'État dans la région, désormais mieux organisés autour du préfet de région. Cette modernisation est d'autant plus remarquable qu'elle a trouvé des prolongements au niveau départemental avec la mise en œuvre de la réforme de l'administration départementale de l'État, la RADE.

Je souhaiterais, après avoir longuement abordé la question de la réforme des services régionaux l'an passé, insister sur cette réforme départementale qui, si elle se fait de manière relativement discrète, n'en constitue pas moins un changement profond de culture, au diapason des bouleversements induits par l'application de la LOLF.

Dans la réforme de 1992, le département avait été désigné comme l'unité administrative de droit commun, comme l'échelon déconcentré de principe pour la mise en œuvre des politiques nationales et communautaires. Par une circulaire en date du 16 novembre 2004, le Premier ministre a ainsi engagé une réforme de l'administration départementale de l'État. Ce texte est venu consacrer une idée directrice : l'administration de l'État n'est pas la même dans chaque département, il faut rendre possible des adaptations, au cas par cas, de l'organisation des services départementaux de l'État.

À l'issue d'une consultation de l'ensemble des préfets de département et en vue de répondre aux trois objectifs de renforcement de l'unité d'action de l'État, de lisibilité pour les usagers et de rationalisation de l'organisation, des projets de réforme de l'administration départementale ont été transmis au ministère de l'intérieur. De nombreuses propositions ont été jugées conformes aux textes en vigueur et peuvent être mises en application. D'autres méritaient une analyse complémentaire voire, le cas échéant, une modification des textes en vigueur, C'est pourquoi, par une circulaire en date du 28 juillet 2005 relative à la mise en œuvre des propositions de RADE, le Premier ministre a annoncé qu'elles feraient l'objet de recommandations et d'expérimentations.

Les dispositions d'application immédiate s'appuient sur des dispositifs juridiques existants, qu'il s'agisse des pôles de compétences, des missions interservices – les MIS –, des guichets uniques et de toutes les propositions visant à clarifier les modalités d'exercice des missions de l'État dans le département.

Ainsi est encouragée la formule du guichet unique en matière d'ingénierie publique, afin que celles des DDAF et des DDE qui ne feraient pas l'objet de fusions puissent coordonner au mieux cette compétence technique proposée aux collectivités territoriales. Les deux tiers des projets ont proposé des mutualisations de moyens, dans le domaine des politiques d'achat par exemple. Les formules des pôles de compétence ou des MIS se révèlent particulièrement adaptées à la conduite de politiques transversales exigeant une coopération technique entre les services, telles que les politiques de l'eau, de la sécurité sanitaire des aliments, de la sécurité routière ou de la cohésion sociale.

De manière prudente, l'expérimentation de délégation interservices – DIS – est subordonnée en revanche à l'existence d'un consensus local des chefs de service concernés et à l'absence d'un ordonnancement secondaire. Ce type de structure mobilise, pour une mission circonscrite, des compétences ou des éléments de services identifiés au préalable. Elle place ces services pour l'exercice de cette mission sous l'autorité fonctionnelle d'un chef de service désigné par le préfet.

Pour aller plus loin, des études complémentaires doivent être entreprises. Ainsi en est-il des DIS comportant une délégation d'ordonnancement secondaire et des mutualisations de moyens dans les domaines de l'immobilier, des achats ou de la gestion des personnels. Dans chacun de ces trois domaines des travaux de concertation ont été entrepris.

Plusieurs préfets ont proposé de réformer l'administration selon des modalités d'intégration plus poussées. Des projets de fusion, de rattachement d'une partie de service à un autre ou de réorganisation des services de l'État au sein d'une entité unique ont été élaborés, en particulier entre les DDE et les DDAF, entre les inspections du travail au niveau départemental ou encore entre les services départementaux de l'architecture et du patrimoine et les DDE.

En conséquence, une mission a été confiée au comité des secrétaires généraux des ministères pour qu'il procède à une analyse approfondie de ces propositions afin de permettre, dans un premier temps, d'en sélectionner un certain nombre à mettre en œuvre à titre expérimental. Des préfets seront auditionnés pour présenter dans le détail leur projet.

Une circulaire du Premier ministre adressée aux préfets en date du 2 janvier 2006, relative à la mise en œuvre des propositions de réforme de l'administration départementale de l'État, est venue confirmer ces orientations. Ainsi, des directions départementales uniques réunissant DDE et DDA sont créées à titre expérimental dans les départements de l'Ariège, de l'Aube, du Cher, du Loir-et-Cher, du Lot, des Yvelines, du Territoire de Belfort et du Val-d'Oise. Les préfets des départements concernés ont dû recevoir des instructions du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, du ministre de l’agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable pour préparer ces fusions, dans le cadre du décret du 29 avril 2004. De surcroît a été acté le principe d'un rapprochement, à titre expérimental, de la nouvelle direction départementale issue de cette fusion et du SDAP dans le département du Val-d'Oise. Ce rapprochement, exclusif de toute fusion, devrait se traduire en particulier par une mutualisation des moyens et des fonctions logistiques.

Est également expérimenté le rapprochement dès 2006 de l'inspection du travail du régime général et de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole, dans les départements de la Dordogne et du Pas-de-Calais. Elle devrait conduire à la création, au sein des directions départementales du travail et de la formation professionnelle, de sections agricoles regroupant les services départementaux de l'inspection du travail agricole, sections placées sous l'autorité du ministre chargé de l'agriculture pour l'activité correspondante. Le dispositif sera évalué en 2007, en vue de son adaptation et de son extension éventuelle.

De manière plus ambitieuse, sera expérimentée, dans le département du Lot, une réorganisation progressive des services. D'ici à 2009, les services déconcentrés de l'État placés sous l'autorité du préfet ainsi que certaines des directions de la préfecture seront rattachés à trois directions générales de nature opérationnelle et à une direction générale de soutien : la direction générale des territoires, la direction générale des populations, la direction générale de la sécurité, la direction générale des ressources humaines et de la logistique. Le projet d'organisation des services de l'État vise donc à réduire la dispersion des services déconcentrés qui, à l'heure actuelle, sont trente-deux à intervenir à un titre ou à un autre au sein du département.

Par ailleurs, la circulaire prévoit d'encourager la création de six DIS dans le domaine des six politiques interministérielles que sont la police de l'eau, la prévention des risques naturels, mais aussi, de manière inédite, la cohésion sociale, la sécurité routière, la communication des services de l'État et la formation et la documentation au sein des services de l'État.

En sus d'une politique active destinée à encourager la mobilité des agents, la circulaire prône une mutualisation accrue des moyens. Cette mutualisation doit concerner à la fois l'immobilier, les achats et approvisionnements et la logistique.

Par exemple, les projets immobiliers concernant la réorganisation de plusieurs services de l'État en lien avec la réforme de l'administration départementale de l'État seront examinés en 2006 par un groupe d'experts désignés par le comité des secrétaires généraux des ministères. Les projets qui permettront de réduire les dépenses de l'État et d'accroître l'efficacité de son action pourront donner lieu à un retour financier au profit de l'échelon déconcentré. Le service des domaines a été érigé en conseil des services de l'État en matière immobilière, conformément aux annonces faites par le ministre chargé des finances lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006.

En matière d'achats publics, les préfets sont encouragés à optimiser les achats courants de micro-informatique, de véhicules ou encore de fournitures au bon échelon territorial. Devront être privilégiés les marchés nationaux chaque fois que cela est possible. À défaut, une mutualisation aussi large que possible entre les services départementaux devra être organisée.

Pour développer l'analyse des coûts et la prise en compte des coûts complets au sein de l'administration, le secours des dispositifs prévus à l'article 17 de la LOLF, c'est-à-dire le rétablissement des crédits et la cession sur provision, ainsi que la délégation de gestion sont promus. A été créé un réseau de référents – fonctionnaires formés aux questions de logistique ou contrôleurs de gestion des services déconcentrés – qui exercent une mission plus large de suivi des crédits et de la performance et dont chaque service déconcentré devra se doter avant la fin de l'année 2006. Ce réseau examinera toutes les pistes de mutualisation et diffusera les bonnes pratiques au sein des différents services.

Pour les chefs de service qui ne sont pas placés sous l'autorité du préfet, à savoir les chefs de juridiction et les chefs des services placés sous l'autorité du garde des sceaux ainsi que les directeurs des services départementaux de l'éducation, le Premier ministre recommande qu'ils soient systématiquement associés aux projets locaux susceptibles de les intéresser.

L'expérimentation doit constituer une marche pour la réforme et non seulement une caution. Une révolution est à l'œuvre dans les services déconcentrés tandis que l'esprit de la LOLF irrigue peu à peu l'ensemble des administrations. La discussion du projet de loi de finances pour 2007, qui permettra de faire le point sur les premiers mois d'application complète de la loi organique, fera sans doute apparaître certaines difficultés. Il n'est ainsi pas impossible que les systèmes d'information ne soient pas encore parfaitement au point. Nous devrons jeter un regard bienveillant mais cependant vigilant sur ces premiers pas de notre révolution budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, mon intervention concerne les actions 02 et 04 du programme 108 « Administration territoriale », qui représentent 789 millions d’euros sur 1,6 milliard d’euros de crédits de paiement et dont la réalisation est proche des 99 %. Mon propos portera essentiellement sur l’articulation entre la démarche LOLF de chacun des programmes et une vision transversale des décisions à prendre en matière de choix informatiques.

Rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », je me suis particulièrement penché, au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », sur l'action « Garantie de l'identité et de la nationalité, délivrance des titres ». Cette action traite à titre principal des fonctions relatives à la garantie de l'identité des personnes physiques, c'est-à-dire des passeports, cartes d'identité et cartes grises.

Si – comme M. Claude Bartolone l’a indiqué il y a quelques instants lors des questions au Gouvernement – les indicateurs relatifs à l'efficience d'une action permettent de juger de ses résultats dans un ministère par rapport aux moyens mis en œuvre, ils cachent de nombreuses diversités. S’ils permettent d'analyser les délais moyens de délivrance, de traitement, il convient d'analyser les choix politiques des systèmes d'information, qui ne peuvent être laissés aux seuls experts informatiques.

La LOLF est certes un progrès mais elle nécessite une vision interministérielle d'une administration en réseau et non en silo. En effet, l'administration électronique nécessite une vision d'ensemble qui conduise à un pilotage interministériel après une réflexion politique sur une véritable transversalité des problématiques communes entre les administrations et les techniques informatiques indissociables de l'effort global de transformation de l'État. Par ailleurs, si le e-government est comparable au e-business, une administration de services n'est pas une entreprise et n'a pas les mêmes problèmes de fidélisation du « client ». L'administration doit plus chercher à se faire « oublier » du citoyen dans la transparence, en garantissant ses libertés.

Lors de la rédaction d'un rapport au précédent gouvernement sur l'administration électronique, j'ai constaté que, dans le cadre de ses fonctions régaliennes, l'État mettait en place trois cartes électroniques pour le citoyen : une carte nationale d'identité, une carte sociale – Vitale – et un identifiant fiscal aux coûts non négligeables.

On apprend dans le PAP 2006 qu’un passeport classique a un prix unitaire de 4,50 euros, soit environ 15,5 millions d’euros pour 3,4 millions de pièces délivrées. Un passeport électronique coûterait entre 15,99 euros et 19 euros, une carte d’identité 0,25 euro, sachant qu’il en est délivré environ 5,4 millions par an.

Des investissements sont par ailleurs engagés dès 2006 et pour les années à venir dans le cadre du projet INES – Identité nationale électronique sécurisée – qui vise à simplifier et à sécuriser la procédure de délivrance du passeport et de la carte d’identité. Dans le cadre de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », dont je suis le rapporteur, la sécurité de la télé-déclaration est assurée par un certificat d’identification électronique. Ce certificat est délivré gratuitement par les services de la DGI et coûte 0,63 euro pièce, hors taxes, sachant qu’il peut être délivré trois fois par an et par contribuable. Ce certificat peut être renouvelé quand le contribuable le perd, change d’ordinateur ou de navigateur. La dépense totale ne m’est pas connue, mais elle dépasse en 2005 les 2,3 millions d’euros pour 3,7 millions de télé-déclarants.

En effet, le dispositif retenu par le Minéfi était, en utilisant un système de clés publiques et privées, d’installer le certificat sur l’ordinateur du contribuable et, depuis la nouvelle version de l’application Adonis, le certificat du contribuable est situé dans le magasin de certificats du navigateur employé par l’utilisateur. Toutefois, comme l’indiquent les rapporteurs de l’audit de modernisation sur la télé-déclaration de l’impôt sur le revenu, la sécurité des certifications pourrait être significativement améliorée en l’implantant – je cite un extrait de cet audit de modernisation – « sur une des cartes électroniques dont devraient être dotés les Français dans les années à venir, telles que les cartes Vitale de nouvelle génération, des cartes de vie quotidienne délivrées par les collectivités locales ou la carte d’identité électronique ». Ainsi les rapporteurs de l’audit ont-ils recommandé d’étudier les possibilités d’implantation des cartes TELIR sur un support indépendant de l’ordinateur de l’usager – carte d’identité électronique, carte de vie ou autre.

L’importance des révocations de certificats d’identification fiscale électronique et donc du coût pour la collectivité incitent à prendre des mesures correctives immédiates – incitation à conserver le mot de passe et faciliter le transfert d’un ordinateur à un autre – et à lancer immédiatement une réflexion, dans un cadre mutualisé, en liaison avec les travaux de l’Agence pour le développement de l’administration électronique. La mutualisation étant une priorité, il paraît urgent, monsieur le ministre, de réfléchir à la simplification des identifiants utilisés dans les relations entre l’administration et les citoyens, ainsi peut être que pour des achats sur internet grâce à la signature électronique, sachant que cela contribuerait également à lutter contre l’usurpation d’identité, la fraude, coûteuse pour la collectivité, qu’elle soit fiscale, qu’elle concerne les prestations sociales – santé, Assedic, RMI – ou qu’elle soit liée à des identités falsifiées.

Jean-Pierre Brard, dans un rapport d’information sur la fraude et l’évasion fiscale, notait que la simplification du système d’identification se heurte à de fortes réticences de la CNIL.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Thierry Carcenac. Une intervention directe du législateur semble nécessaire dans un domaine sensible afin d’adapter les textes réglementaires aux évolutions technologiques.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Thierry Carcenac. Il faudrait tendre vers une CNIL plus forte, plus souple et, peut être, bénéficiant de relais locaux.

En ce qui concerne le pilotage des politiques gouvernementales, le rapporteur spécial de la mission, notamment sur le programme « Administration territoriale » recouvrant l’ensemble des missions des préfectures et sous-préfectures, nous présente un satisfecit de la gestion 2005 en soulignant que le budget s’est progressivement orienté vers la recherche de la performance en s’appuyant sur des indicateurs et des objectifs, rendant ainsi la gestion plus efficiente. Efficiente certes, mais plus efficace ? Je tiens à rappeler le contenu des auditions qui ont eu lieu au sein de notre commission des finances et du rapport d’information « Du débat parlementaire aux services déconcentrés de l’État : les conditions de réussite de la LOLF », qui vient de sortir.

Au-delà des résultats strictement comptables et des progrès, parmi lesquels est inclus l’exercice de la fongibilité, les préfets auditionnés nous ont fait part de leurs interrogations et ont décrit certains risques pouvant nuire à la modernisation de l’État et à la maîtrise de la dépense.

Le premier concerne le degré de déconcentration. S’il n’existe pas de niveau intermédiaire responsable de la programmation, le niveau local exécute ce qui a été décidé au niveau central. Ce phénomène a déjà trouvé son appellation : « les crédits fléchés ». Il est indiqué, dans le rapport, que ceux-ci doivent être prohibés.

Le deuxième risque est lié au mouvement accéléré de création d’agences et d’opérateurs de l’État qui, échappant au budget de l’État, exécutent la dépense selon des modes qui peuvent échapper à l’évaluation de la performance.

Le troisième tient à la création d’une nouvelle chaîne de responsabilité entre le responsable de programme et le responsable de BOP. Les préfets de région ne disposant plus du pouvoir de programmation des crédits, leurs relations avec cette nouvelle chaîne de responsabilité sont floues.

Enfin, la lente mise en place opérationnelle des nouveaux systèmes d’information – échec du Palier 2006 – marginalise le préfet dans la mise en œuvre de la LOLF. Il lui est ainsi difficile de garder un œil informé sur les dépenses des services déconcentrés de l’État. Cette situation peut nuire à la recherche d’une coordination entre les BOP et les niveaux géographiques de responsabilité. Aussi, contrairement au bilan que présente notre rapporteur spécial, l’action « Pilotage territorial des politiques gouvernementales », non mesurée par un indicateur, pourrait ne pas être assurée dans son intégralité.

Telles sont les quelques observations que m’inspire ce débat sur le règlement définitif du budget 2005 sur l’administration générale de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de règlement du budget de 2005 est la dernière à être examinée dans le cadre de l’ordonnance de 1959. Pourtant, dès cette année, par anticipation de la mise en œuvre de la LOLF, la commission des finances a souhaité que l’examen d’une mission et de deux programmes permette de préfigurer l’évolution attendue, qui fera de l’examen de la loi de règlement un moment de la vérification des résultats de la politique mise en œuvre au regard des objectifs fixés et des moyens financiers comme humains qui sont affectés par le vote de la loi de finances.

Ce travail qui, dans l’esprit même de la loi organique, s’inscrit dans le renforcement du contrôle parlementaire, notre commission souhaite qu’il soit accompli en pleine collaboration avec les autres commissions de l’Assemblée et notamment avec les rapporteurs pour avis. À cet égard, je salue la présence de notre collègue Morel-A-L’Huissier. Même si l’exercice est, en cette année de transition, forcément imparfait, je regrette que la commission des lois ne se soit pas davantage investie dans la démarche et n’ait pas saisi l’occasion qui nous était donnée.

La mission « Administration générale et territoriale de l’État » est composée de trois programmes, dont deux seulement – « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » – ont de réelles significations en matière de capacité de pilotage puisque le programme « Vie politique, cultuelle et associative » consiste essentiellement en des versements de fonds et de rémunération dont la loi fixe les règles sans laisser de marges de manœuvre au gestionnaire. S’agissant de cette mission, je tiens à saluer la qualité des relations établies et des réponses apportées par le secrétaire général du ministère de l’intérieur, qui en assume la responsabilité.

S’agissant du programme « Administration territoriale », la MILOLF a suivi la démarche de globalisation des crédits des préfectures, dont nous avons pu apprécier l’efficacité dans le cadre des expérimentations de la LOLF conduites au cours des derniers exercices. Le passage à la LOLF n’a pas remis en cause les principaux acquis de la globalisation. Il semble cependant, si l’on en croit les auditions auxquelles nous avons procédé et les entretiens que nous avons eus lors de quatre déplacements dans les régions, que des rigidités soient apparues dans la mise en œuvre de la fongibilité asymétrique qui est l’un des acquis de la réforme. Je souhaite, monsieur le ministre, connaître les solutions que vous souhaiteriez voir mises en œuvre pour lever ces rigidités et poursuivre la démarche de performance. Nous pourrions travailler dans ce sens ensemble pour envisager les adaptations nécessaires.

S’agissant de la mesure des résultats, je souhaite connaître la capacité de votre ministère à renseigner l’ensemble des indicateurs pour la loi de finances 2007. À ce propos, je rappelais hier que « trop d’indicateurs tuent les indicateurs », pour paraphraser une formule connue. Or, si les objectifs et les indicateurs associés existent depuis de nombreuses années au niveau du ministère de l’intérieur, le programme « Administration territoriale » doit également intégrer les indicateurs LOLF. Comment comptez-vous réussir cette harmonisation sans céder à une forme de « bureaucratisation des indicateurs » ? Les déplacements de la MILOLF nous ont permis également de mesurer la crainte qui existait sur le terrain à ce sujet.

Ces mêmes déplacements nous ont permis de mesurer l’effort accompli pour harmoniser les priorités des programmes avec les PASER et PASED. Néanmoins, la définition des BOP à enjeux, qui était l’une des priorités affichées, n’a pas été effectuée de manière systématique dans l’ensemble des préfectures de région et n’a pas toujours permis d’établir cette coordination, souvent parce que les PASER préexistaient à la LOLF. Il conviendra, à l’avenir, de relever ce défi pour avoir une meilleure harmonisation et mettre en phase les premiers et les seconds.

Si la MILOLF s’est retrouvée dans plusieurs observations formulées par la Cour des comptes sur la mise en œuvre de la LOLF pour ce programme, nous divergeons avec la Cour, ce qui devrait vous satisfaire, monsieur le ministre, sur un point relativement central, à savoir celui de la remontée des BOP de ce programme du niveau départemental au niveau régional, considérant qu’il s’agit sans doute pratiquement des seuls BOP pour lesquels le niveau départemental soit pertinent, ne serait-ce que pour permettre aux préfets de département de continuer à exercer les missions qui leur sont dévolues.

J’en viens au programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». À ce programme, qui est le programme support du ministère, ont été intégrés les crédits de contentieux gérés par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Cette évolution constitue un élément perturbateur dans la mesure où ces crédits, qui étaient évaluatifs, sont entrés dans un cadre limitatif. De surcroît, ces crédits correspondent à des dépenses très souvent gérées au niveau déconcentré. Le montant inscrit dans la loi de finances 2005 a été dépassé de 57 millions, ce qui n’est pas négligeable, pour atteindre 136,6 millions, cependant que nous avions déjà un dépassement de 40 millions d’euros l’an dernier. Il apparaît donc nécessaire de s’interroger à la fois sur les moyens de réduire cette dépense et sur le niveau d’inscription en loi de finances initiale pour respecter le principe de sincérité budgétaire.

Il conviendrait aussi, dans ce même programme, de rationaliser le découpage des unités opérationnelles pour chacun des BOP, la mise en œuvre d’une comptabilité analytique n’imposant nullement de retenir un dispositif aussi complexe que celui qui a été choisi, même s’il est vrai que le ministère de l’intérieur souffre, comme les autres, des faiblesses du système NDL « Palier 2006 », ce qui rend souhaitable l’accélération du programme Chorus, comme nous l’avons dit à M. le ministre délégué au budget.

Monsieur le ministre, puisque le temps me manque pour évoquer d’autres sujets – M. le président me rappellerait à l’ordre –, je tiens à terminer cette intervention en saluant la mobilisation du corps préfectoral et du personnel des préfectures sous votre autorité et celle du ministre d’État en faveur de la réussite de la LOLF au niveau déconcentré. Je veux dire à ce personnel toute la gratitude de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bouvard, le président ne vous rappelle jamais à l’ordre en raison de votre très grande compétence !

Et puisque l’on parle de compétence, la parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Je suis très heureux de me livrer à cet exercice de présentation de l’exécution du budget 2005 du ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire pour la partie qui correspond à la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Je remercie sincèrement Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial, pour son travail très complet et remarquablement pédagogique. J’insiste sur ce point car, comme vous l’avez signalé, monsieur Bouvard, l’exercice auquel votre assemblée a souhaité se livrer est en quelque sorte un échauffement, une répétition avant les prochaines lois de règlement qui permettront d’examiner dans le détail la manière dont les ministères auront rempli les objectifs de performance fixés par la loi de finances.

Notre séance est donc riche de promesses d’amélioration de la gestion publique, puisque nous allons débattre de la pertinence et de l’efficacité d’une politique de l’État. Mais, si j’ai parlé d’échauffement, c’est que l’exercice ne prendra vraiment son sens que dans un an, à l’occasion de l’examen de la loi de règlement pour 2006.

Comme vous l’avez signalé, monsieur le rapporteur, le budget pour 2005 était simplement préfiguré en mode LOLF. Il nous manque donc une grande partie, voire l’essentiel, des outils nécessaires pour procéder à son examen complet, en particulier sur la performance et l’analyse des coûts.

Toutefois, je vous remercie d’avoir choisi la mission « Administration générale et territoriale de l’État », non seulement parce qu’elle nous apporte de précieux enseignements sur l’utilisation des crédits, la mise en œuvre de la LOLF et la modernisation de l’État, mais aussi parce qu’elle touche très directement et personnellement tous les Français, qu’il s’agisse de la présence de l’administration sur le territoire, de l’organisation de la vie démocratique ou encore des libertés religieuse et d’association.

Pour ce qui est des crédits, à dire vrai, vous avez indiqué l’essentiel. Le taux de consommation en est très satisfaisant. La mission AGTE est parvenue à préserver ses moyens d’action tout en contribuant de façon équitable à la couverture des dépenses imprévues de l’État.

Les préfectures, en particulier, auront bénéficié d’au moins 99,8 % de la dotation pour 2005 initialement prévue. Mais, après avoir rappelé ce chiffre, je m’empresse d’ajouter que la forte consommation des crédits ne va pas toujours de pair avec l’optimisation de la dépense publique.

Si les préfectures y sont parvenues, c’est parce qu’elles ont été les précurseurs d’une gestion construite selon les principes de la LOLF. C’est ainsi qu’elles ont pu dégager une marge de manœuvre de 17 millions d’euros en 2005. Vingt-cinq pour cent de ce total ont permis de mieux récompenser les mérites des agents et plus de 12 millions ont pu être affectés, dans le cadre de la fongibilité asymétrique, à d’indispensables dépenses de modernisation, afin d’améliorer l’accueil du public, l’aménagement mobilier ou encore les équipements informatiques.

Comme vous le savez, monsieur Bouvard, la fongibilité asymétrique est au premier rang des outils de la LOLF, après avoir été expérimentée dans les préfectures. Celles-ci, je le dis avec beaucoup de force, sont aujourd’hui attentives à ce que les modalités techniques, spécialement les outils informatiques, ne limitent pas les souplesses ouvertes par la loi organique. Nous y travaillons d’ailleurs très étroitement avec mon collègue chargé du budget, M. Jean-François Copé.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre un hommage sincère et appuyé aux personnels des préfectures, qui se sont fortement investis dans ce changement de culture – c’en est un –, ont su s’adapter, ouvrant ainsi la voie aux autres administrations, et ont vu leurs efforts justement récompensés.

Parallèlement à la globalisation des crédits, les préfectures ont expérimenté la démarche de performance, avec la fixation d’objectifs et d’indicateurs couvrant l’ensemble de leurs activités. Le contrôle de gestion est ainsi devenu pour elles un réflexe. Il s’est appuyé sur la mise en ligne d’un ambitieux infocentre, qui regroupe l’ensemble des indicateurs d’activité et permet à chaque préfecture, à chaque agent, de comparer ses performances avec celles de ses homologues.

Comme cela a été rappelé, ces indicateurs révèlent les progrès significatifs qui ont été accomplis, qu’il s’agisse des délais de délivrance des titres, de l’amélioration de la sécurité juridique des décisions prises, avec un recul du nombre de contentieux perdus, ou encore de la maîtrise des coûts de fournitures par agent.

Les indicateurs relatifs au contrôle de légalité ont également connu des évolutions qui répondent aux préoccupations du Parlement et du Gouvernement en prenant davantage en compte le rôle du conseil et en ciblant le contrôle sur les matières à fort enjeu. C’est un point qui fera désormais l’objet d’un suivi très attentif à l’occasion du volet performance du PAT, le programme « Administration territoriale ».

Monsieur Gorges, vous regrettez à juste titre, de même que M. Bouvard, que les indicateurs qui vous ont été fournis soient insuffisamment renseignés. Comme pour les deux autres programmes, ce défaut tient essentiellement au fait que les modifications de périmètre ne permettaient pas toujours, au moment de l’élaboration des documents pour 2006, de reconstituer les performances réalisées en 2005.

Depuis, ces données ont été reconstituées et elles vous seront présentées dans le projet annuel de performance pour 2007.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Quoi qu’il en soit, l’amélioration des performances des préfectures est sensible et s’accompagne incontestablement d’une hausse de la productivité par agent. Ce mouvement, nous en sommes convaincus, va s’accélérer, et c’est heureux, dans les années qui viennent, à la faveur des redéploiements entre missions qu’autorise la LOLF et des transformations d’emplois qui vont se produire, du fait de l’évolution de ces missions et de l’accélération des départs en retraite.

En effet, les préfectures restent engagées dans une démarche continue d’anticipation et de modernisation. Elles ont ainsi entrepris, dès 2005, de se réorganiser en profondeur pour tenir compte notamment de la diminution des fonctions de guichet qu’impliquent la production centralisée des titres, notamment des passeports électroniques, et le développement rapide des téléprocédures.

Je me contenterai de citer quelques chiffres. En 2005, près de 7 millions d’opérations relatives aux cartes grises ont ainsi été réalisées à distance, par des particuliers comme des professionnels. Près de 900 000 citoyens en ayant fait la demande ont en outre été avertis individuellement de la disponibilité de leur carte d’identité en mairie par un message laissé sur leur téléphone portable.

Ces évolutions très concrètes s’accompagnent d’un développement de missions requérant des agents plus qualifiés, qu’il s’agisse de sécurité, de cohésion sociale, de développement durable ou encore de conseil aux collectivités locales.

L’année 2005 a ainsi vu le lancement d’un plan pluriannuel visant à la requalification de 4 700 postes en cinq ans, qui se traduira logiquement par une diminution substantielle du nombre d’agents de catégorie C, au profit des catégories A et B. Le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux permettra d’autofinancer ces mesures et même de dégager des économies nettes. Les préfectures seront ainsi mieux à même de remplir leurs nouvelles missions et les perspectives de promotion offertes aux agents contribueront à renforcer leur motivation.

C’est également au sein de ce programme que sont menées les opérations immobilières intéressant les préfectures. De ce point de vue, l’année 2005 a été marquée par la poursuite d’opérations lourdes, comme le relogement d’une grande partie des services de la préfecture du Nord ou du Vaucluse, ou encore la restauration de l’Hôtel des intendants à Châlons-en-Champagne. D’importants travaux ont également porté sur des actions prioritaires, comme la modernisation de dix-neuf salles opérationnelles ou la mise en accessibilité de plusieurs préfectures. Ces initiatives se poursuivent naturellement en 2006.

Un mot enfin, nécessairement trop bref, sur la réforme territoriale de l’État, qui, comme l’a souligné M. Pierre Morel-A-L’Huissier, est en train de modifier en profondeur les modalités de l’action publique. Elle a été lancée en 2005 au niveau régional, avec le regroupement des services déconcentrés en huit pôles, auxquels sont associés les établissements publics et les agences de l’État. Cette évolution offre au préfet de nouveaux leviers pour assurer la cohésion et l’efficacité de l’action de l’État dans les régions.

S’agissant de la réforme départementale, qui vous tient à cœur, monsieur Morel-A-L’Huissier, vous l’avez très clairement présentée. Elle repose sur deux priorités : mieux coordonner les politiques relevant de plusieurs services par la création de pôles de compétences ou de guichets uniques, mais aussi mutualiser certaines fonctions transversales, en matière d’achats, de formation, d’action sociale ou de communication.

Une nouvelle étape a été franchie, vous l’avez dit, au début de 2006, avec la fusion expérimentale de certains services, notamment les DDE et les DDAF, et le lancement, par exemple dans le département du Lot, d’un ambitieux projet de regroupement des services autour de trois directions thématiques : sécurité, populations et territoires.

Enfin, comme vous le savez, deux décrets récents ont permis de simplifier et de fluidifier l’action de l’administration, en supprimant ou en fusionnant 130 commissions administratives départementales, sur les 200 qui étaient répertoriées.

Je me suis un peu écarté du seul bilan de l’année 2005, mais je tenais à vous montrer, et peut-être à vous convaincre, que l’amélioration de la performance ne se conçoit pas sans une démarche continue et progressive, fondée sur l’anticipation et la capacité d’innover.

Je serai plus bref sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Il est important en ceci qu’il regroupe trois domaines – les élections, les cultes et les associations –, qui ont pour point commun de donner une traduction concrète à des libertés fondamentales. Mais, comme l’a rappelé M. le rapporteur, le ministère de l’intérieur ne dispose que de peu de moyens d’action, qu’il s’agisse du coût des élections, du montant de l’aide publique aux partis ou des dépenses relatives aux cultes.

Pour veiller à l’amélioration de ses performances, nous contrôlons naturellement certains indicateurs comme les délais d’instruction des demandes de reconnaissance d’utilité publique ou encore les délais de versement des financements aux partis politiques. Mais ces éléments restent à améliorer, à moins de modifier les textes de manière radicale.

En réalité, le seul axe sur lequel le ministère peut travailler est celui de l’optimisation de l’organisation matérielle des élections. Soyez assurés que, pour toutes les raisons que vous imaginez, le ministère de l’intérieur est fortement mobilisé sur cette question, notamment dans la perspective des échéances de 2007 et 2008.

Je terminerai par le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », qui regroupe le fonctionnement de l’administration centrale et les tâches de soutien aux programmes opérationnels du ministère.

Vous avez rappelé à juste titre les efforts menés pour mutualiser la fonction « Achats ». C’est effectivement un point capital, puisque ce programme est d’abord orienté sur la qualité de services au profit d’usagers internes à l’administration.

Conformément à l’esprit de la LOLF, l’objectif du ministère est d’optimiser ce programme pour en réduire la taille et le coût, avec moins de moyens de soutien et plus d’activités opérationnelles. La mise en œuvre de cette stratégie s’est développée selon deux axes : la réforme des structures et le développement du contrôle de gestion.

La réforme de structures a été engagée avec la création du secrétariat général en 2004. Intégrant plusieurs directions à une structure unique, celui-ci est avant tout un pôle regroupant les fonctions horizontales du ministère et offrant un interlocuteur unique aux directions spécialisées. Il a également pour vocation de coordonner l’action des services et d’assurer leur évaluation. Parallèlement, il mène les réflexions relatives à l’évolution stratégique du ministère et met en œuvre sa politique de modernisation. Le secrétaire général a ainsi directement supervisé le passage à la LOLF au sein du ministère. À cet égard, M. Morel-A-L’Huissier a eu raison de saluer, en sa présence, l’engagement personnel de M. Daniel Canepa.

Les réformes de structure ont aussi conduit à adapter les directions aux impératifs de la LOLF, par exemple à travers l’élaboration d’un plan stratégique des systèmes d’information et de communication, ou la réorganisation de la direction des ressources humaines autour de nouvelles missions.

Vous vous êtes interrogé à juste titre, monsieur Bouvard, sur la carte des UO, les unités opérationnelles. C’est en effet un sujet important, puisque l’efficacité de l’action de l’État suppose que l’on mette fin à la tentation de flécher les crédits au niveau central. Votre préoccupation a d’ailleurs été exprimée également par M. Thierry Carcenac.

S’agissant du programme « Administration territoriale », les UO correspondent toutes au niveau de la gestion, qui est le département. Pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », il est évident que des améliorations sont possibles. Nous sommes prêts à le reconnaître. C’est d’ailleurs pour cette raison que le ministère de l’intérieur proposera pour 2007 une simplification de la cartographie des BOP et des UO. Enfin, pour les autres ministères, les secrétaires généraux travaillent actuellement à l’amélioration du dispositif pour permettre une gestion toujours plus déconcentrée des crédits.

Le développement du contrôle de gestion s’est traduit par la création d’un réseau de contrôleurs issus du secteur privé, chargés de favoriser l’analyse des activités et d’élaborer des tableaux de bord au sein des bureaux, sous-directions et directions. Un outil informatique a été élaboré par la DEPAFI pour assurer le suivi de ces indicateurs.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. En vue du projet de loi de finances pour 2007, le nombre des objectifs et indicateurs a d’ailleurs été volontairement réduit, afin de permettre tant une meilleure appropriation de la démarche de performance par les services qu’une meilleure lisibilité de la performance par les parlementaires.

Cinq objectifs sur six sont consacrés à l’évaluation de la qualité des prestations de services rendus par les directions. Toutes ces prestations sont inscrites dans une démarche d’optimisation des coûts, comme l’illustre la fonction « Achats ».

Vous avez enfin souligné, monsieur Gorges, l’impact qu’a eu sur ce programme la sous-évaluation des frais de contentieux. Comme vous le savez, une démarche volontariste a été engagée en 2006 pour tenter de maîtriser cette dépense avec un système de délégations globales encadrées. Trois priorités ont ainsi été données aux préfectures dans l’utilisation des crédits de contentieux : le paiement des condamnations de l’État par jugement, le financement des avocats constitués pour la défense de l’État et le règlement des transactions amiables afin d’obtenir autant que possible une baisse substantielle des sommes dues.

Monsieur Carcenac, un projet de loi relatif à la carte d’identité électronique a été récemment transmis au cabinet du Premier ministre. Cette carte aura, comme c’est le cas actuellement, un caractère non obligatoire, comportera des données biométriques protégées et permettra à ceux qui le souhaitent de recourir à la signature électronique. Ce dispositif permettra une mutualisation avec les passeports électroniques de deuxième génération, en particulier pour la prise des photos et des empreintes digitales.

En revanche, la mutualisation des applications de la carte nationale d’identité, de la carte Vitale et de la carte fiscale se heurte à un obstacle juridique, en raison des finalités évidemment différentes de ces titres. La loi « Informatique et libertés » de 1978 et l’interprétation qu’en donne la CNIL imposent qu’un traitement informatique ait une portée strictement limitée à son objet. La même remarque s’applique à la question de l’identifiant national unique, même si beaucoup de nos voisins – la Belgique, la Finlande, l’Italie et l’Espagne – ont franchi ce pas. Une telle évolution peut être séduisante en raison de la simplification et de l’économie qu’elle permettrait à terme, mais elle ne doit pas se faire au prix d’une menace potentielle sur les libertés publiques. Elle exige en tout cas une large concertation préalable avec les élus, les associations et les citoyens, et un travail législatif serein, auquel serait consacré le temps nécessaire.

Vous avez bien voulu souligner, monsieur le rapporteur, monsieur Morel-A-L’huissier, que la mission ACTE illustrait l’assimilation de la culture de la performance par les services administratifs. Vous me permettrez de saluer les personnels qui ont permis ce résultat.

La préfiguration de la LOLF, comme aujourd’hui sa mise en œuvre, exige du temps, de l’énergie et de la créativité. Les fonctionnaires du ministère de l’intérieur ont su faire preuve d’un sens de l’effort et du service public absolument remarquable. La volonté du ministre d’État, comme la mienne, est de poursuivre résolument dans cette voie, sous le signe de l’innovation, de la responsabilité et de la performance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3109, portant règlement définitif du budget de 2005 :

- débat sur les crédits de la ville et du logement ;

- examen des articles du projet de loi.

Rapport, n° 3155, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 3163, de M. Guy Teissier, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)