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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 4 octobre 2006

2e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions devraient, en principe, être réservées à des thèmes européens. Nous verrons ce qu’il en est.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

situation d’eads

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Françoise Imbert, s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

L’entreprise EADS, véritable défi européen, a su, en un temps record, mobiliser toutes les compétences, de l’État aux collectivités territoriales, des industriels aux ingénieurs et techniciens. Alors qu’au début de l’été, le départ de l’ancien coprésident Noël Forgeard, dans des circonstances douteuses, était déjà lié aux retards dans la production de l’A 380, un nouveau délai a été annoncé hier. Cette situation est inquiétante pour l’entreprise, ses salariés et ses sous-traitants, mais aussi pour l’économie française et pour l’avenir de l’industrie aéronautique européenne, un secteur qui représente, en Midi-Pyrénées, 66 000 emplois directs et indirects.

L’attitude d’EADS est paradoxale : aux retards de production, elle répond par un plan d’économie et la réduction des effectifs, alors qu’elle devait investir davantage afin d’augmenter ses capacités de production pour mieux honorer ses engagements.

Non, monsieur le ministre, on ne peut pas affirmer, comme vous le faites au nom de l’État actionnaire, que le plan d’EADS pour Airbus est crédible et réaliste. Airbus a de nombreux défis à relever, comme l’A 380 ou l’A 350. La compétition avec Boeing, très serrée, n’est pas seulement industrielle, financière et commerciale, mais aussi politique. Dans cette bataille, l’État doit intervenir, car il y va de la défense d’une stratégie industrielle européenne.

M. le président. Monsieur Cohen, veuillez poser votre question.

M. Pierre Cohen. J’y viens, monsieur le président.

Il y va aussi de l’intérêt des salariés, par le maintien des savoir-faire et la création d’emplois.

Monsieur le ministre, comprendrez-vous un jour que vous n’êtes plus dans un conseil d’administration mais dans un gouvernement ?

M. Alain Néri. Jamais !

M. Pierre Cohen. Que comptez-vous faire pour défendre Airbus et son avenir ?

M. Alain Néri. Rien !

M. Pierre Cohen. Que préconisez-vous pour éviter des coupes claires dans les effectifs et la détérioration des conditions de travail des sous-traitants ? Enfin, comment rétablir l’image de l’un de nos fleurons économiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Quelle est la nature des difficultés que connaît aujourd’hui Airbus ? Elles ne sont pas liées, il est important de le souligner, à la conception de l’A 380, qui est un excellent avion.

M. Guy Teissier. Remarquable !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Les essais sont positifs et les délais de certification seront respectés.

La difficulté est d’ordre industriel, et plus précisément, liée à l’organisation de la production. Comme vous l’avez rappelé, le conseil d’administration d’EADS, qui s’est réuni hier, a annoncé un nouveau délai d’un an pour la livraison de l’A 380, qui s’ajoute à celui déjà révélé en juin. Il faut bien comprendre que ce retard a un coût très important : il entraîne à la fois une réduction des recettes et une augmentation des dépenses. Pour le compenser, il est donc nécessaire qu’EADS et sa filiale Airbus mettent en place un plan de compétitivité.

Dès lors, quel doit être le rôle de l’État ? Celui-ci accompagne le développement technologique et la recherche, en particulier à travers le pôle de compétitivité de Toulouse.

M. Patrick Lemasle. Et l’emploi ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Par ailleurs, il examinera attentivement les propositions qui seront faites par EADS et Airbus. Enfin, il doit prendre en compte les intérêts des territoires concernés – la région de Toulouse bien sûr, mais pas seulement, car un des aspects remarquables de l’industrie aéronautique française est qu’elle emploie un très grand nombre de sous-traitants extraordinairement compétents, souvent leaders mondiaux dans leur créneau. Nous devons préserver cette richesse.

Je fais confiance à la nouvelle direction d’EADS pour faire face à la situation. Je rencontrerai dans les tout prochains jours les représentants des sous-traitants afin d’examiner avec eux les conditions dans lesquelles nous pourrions les aider à passer cette période difficile.

Bien entendu, monsieur le député, nous mènerons ces discussions en étroite concertation avec les élus locaux les plus concernés, dont vous-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

transposition d’une directive européenne
sur les ogm

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, il semble que vous ayez décidé de déposséder le Parlement de deux de ses droits les plus fondamentaux, débattre et voter, en refusant d’inscrire à l’ordre du jour de l’actuelle session la transposition de la directive européenne sur les OGM, qui date pourtant du 12 avril 2001. Une telle décision est inquiétante et dangereuse.

M. Maxime Gremetz. C'est vrai !

M. Philippe Folliot. Inquiétante, car elle est le signe d’un mépris envers la représentation nationale, et plus particulièrement envers le travail de fond réalisé par la mission d’information sur les enjeux et les essais des organismes génétiquement modifiés, dont j’ai été le vice-président. Le rapport de cette mission, animée par Jean-Yves Le Déaut, son président, et par Christian Ménard, son rapporteur, a été qualifié d’équilibré et de sérieux. Il devrait servir de base pour une discussion législative contradictoire et approfondie, concernant plus particulièrement les soixante propositions qu’il expose, et qui ont été jugées constructives et raisonnables.

Cette décision est aussi dangereuse, car ce débat est confisqué par les multinationales, pour lesquelles les profits priment sur toute autre considération,…

M. Gérard Charasse. C’est vrai !

M. Philippe Folliot. …et par des groupuscules de « faucheurs volontaires » qui méprisent la loi et l’ordre public.

La question des OGM est une question de fond qui mérite courage et responsabilité et doit être abordée autrement que par l’amalgame, les peurs et la violence. Pour le groupe UDF, un débat parlementaire serait à même d’éclairer nos concitoyens sur des enjeux majeurs pour l’avenir.

Quand les débats n’ont pas lieu au Parlement, ils dégénèrent en affrontements dans la rue – ou dans les champs, en l’occurrence. C’est l’anarchie qui progresse au détriment de la démocratie.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, allez-vous permettre à la représentation nationale de débattre enfin sur ce sujet, et quand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Noël Mamère, M. Yves Cochet et M. Gérard Charasse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le sujet que vous évoquez, monsieur le député, peut appeler deux attitudes extrêmes également condamnables. La première consiste à refuser toute recherche, tout progrès, tous travaux dans ce domaine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Cochet et M. Noël Mamère. Ce n’est pas la question !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Notre pays est une grande puissance agricole, et l’un des leaders en matière de recherche agronomique. Dans ce domaine, l’INRA, le CNRS, nos universités figurent au premier plan mondial. Il serait donc inconséquent d’abandonner toute recherche et toute expérimentation sur les OGM.

M. Yves Cochet et M. Noël Mamère. Nous ne parlons pas de cela !

M. Maxime Gremetz. C’est une caricature !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Deuxième attitude à condamner : celle du laisser-faire absolu, qui ferait fi de toute préoccupation d’ordre environnemental ou concernant la santé humaine. C’est la raison pour laquelle, monsieur le député, le Gouvernement, au printemps dernier, à la suite de deux missions, l’une conduite au Sénat, l’autre à l’Assemblée, a décidé de déposer un projet de loi. Ce texte a été largement débattu…

M. Yves Cochet, M. Noël Mamère et plusieurs députés du groupe socialiste. Où ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …au Sénat. Le débat, riche et fructueux, a permis de l’améliorer. Naturellement, l'Assemblée nationale en sera saisie.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quand ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est nécessaire, s’agissant d’une véritable question de société, d’un enjeu majeur. Dès que le calendrier le permettra (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ce texte viendra devant vous, comme le veut la Constitution, pour être examiné, amendé peut-être et, nous l’espérons, adopté. Il y va de l’intérêt de l’ensemble de nos concitoyens comme de ceux de l’agriculture et de la recherche françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

directives européennes
et services publics

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Tout au long du débat sur GDF, nous avons adressé au Gouvernement une demande précise : surseoir à l’ouverture totale du marché de l’énergie et renoncer à la privatisation de GDF. Cette demande s’appuyait sur un constat, celui des risques que les directives d’ouverture à la concurrence font peser sur l’avenir de nos services publics, sur l’égalité d’accès à ces services et sur les tarifs. Ce qui est vrai pour le gaz et l’électricité l’est pour l’ensemble de nos services publics. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains.)

La Commission européenne va proposer, le 18 octobre, de franchir une ultime étape dans la libéralisation du marché postal en ouvrant, dès 2009, la distribution du courrier à la concurrence. Cette directive signifie la fin du service postal universel, cette mission de service public qui contraint les opérateurs à distribuer le courrier six jours sur sept sur tout le territoire et au même tarif. Neuf opérateurs, dont La Poste, ont appelé l’Union européenne à faire preuve de prudence dans ses choix. Mais qu’en est-il de la position du gouvernement français ? La négociation de cette directive devrait être pour lui l’occasion de faire entendre enfin la voix de la France, de défendre et de promouvoir une conception exigeante des services publics à l’échelle européenne.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. André Chassaigne. Mais, dans les faits, c’est la voie inverse que vous privilégiez, comme le montre la privatisation de GDF, qu’aucune directive n’impose. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Vous vous faites les promoteurs des conceptions libérales les plus intransigeantes.

Allez-vous enfin vous opposer clairement au démantèlement des services publics ?

Allez-vous enfin entendre le message émis le 29 mai 2005 par la majorité de nos concitoyens, qui refusent une construction européenne synonyme d’aggravation des injustices sociales et des fractures territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, la constance de votre intérêt pour la négociation de la directive sur les services n’a d’égale que celle du Gouvernement. Comme à chaque fois que le groupe communiste m’interroge sur le sujet, …

M. André Chassaigne. On ne nous répond jamais !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. …je vous rappellerai volontiers la bonne nouvelle déjà annoncée dans cet hémicycle au mois de février, puis le 1er mars, et enfin le 30 mai : c’est un bon texte qui se trouve désormais sur la table, et il n’a heureusement plus rien à voir avec la proposition initiale. Le projet de directive sur les services respecte la dimension sociale de l’Union européenne, protège les services publics et permettra le développement d’un secteur générateur d’emplois.

Ce bon texte a été adopté au mois de février à une très large majorité du Parlement européen, puis, au mois de mai, par les vingt-cinq États membres, par consensus. Nous espérons voir le Parlement européen l’adopter en seconde lecture en novembre.

Je vous remercie de me donner l’occasion de montrer que le Gouvernement a fait changer les choses dans le bon sens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Vous plaisantez !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Je n’ai qu’un regret, celui que vous n’ayez pas défendu avec nous l’Europe sociale, au Parlement européen, en février dernier, et que nous ayons réussi sans vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

politique européenne
de l’immigration

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nadine Morano. Ma question s’adresse à Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Albert Facon. On appelle les petits copains ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô, allô !

Mme Nadine Morano. Responsabilité, humanité, transparence : telle est la méthode que vous avez utilisée en matière d’immigration. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) À votre initiative, deux lois ont été adoptées par le Parlement, l’une pour maîtriser les flux, l’autre pour définir les modalités d’une immigration choisie. Pour la majorité, en effet, immigration ne doit plus être synonyme de désespoir et de précarité, mais bien d’intégration.

Vous vous êtes rendu vous-même au Sénégal pour signer un accord, car vous souhaitez que cette immigration choisie soit concertée avec les pays d’origine et leur soit expliquée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais la politique d’immigration a aussi une dimension européenne du fait de l’existence de l’espace Schenghen. Les politiques d’immigration de nos voisins ont, nous le savons, une incidence sur celle de la France.

Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous dire quelles mesures ont été envisagées lors de la rencontre des ministres de l’intérieur des huit pays du sud de l’Europe qui s’est tenue à Madrid voici quelques jours ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Vous étiez au Sénégal, madame ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Madame la députée, je vous remercie de cette excellente question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) sur un sujet qui exige que nous redoublions nos efforts…

M. Maxime Gremetz. Vous avez une réponse de retard, monsieur le ministre. Expliquez-vous sur les « 70 % » !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. ...parce qu’il s’agit de la misère et de la détresse de malheureux qui meurent dans des conditions inadmissibles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Depuis le début de l’année, 25 000 jeunes Africains sont arrivés aux Canaries dans des conditions souvent effroyables, qui mériteraient, mesdames et messieurs de l’opposition, un peu plus de dignité de votre part ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. Bravo pour la dignité !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces images doivent tous nous interpeller et nous faire réfléchir aux actions que nous devons mener.

Une réunion très importante s’est effectivement tenue à Madrid où nous avons dû, d’entrée, lever certains malentendus. L’Europe, c’est d’abord l’espace Schengen. Lorsqu’un pays délivre un visa, ce dernier permet d’entrer non seulement sur son propre territoire,…

M. Henri Emmanuelli. On le sait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …mais également sur celui des autres.

M. Henri Emmanuelli. C’est la faute des autres !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Alors que l’Espagne appelait à la solidarité, ce que je peux parfaitement comprendre, j’ai fait valoir que celle-ci ne peut s’exercer si l’on n’a pas été associé à la prise de décision. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Vous donnez encore des leçons, monsieur le ministre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En décidant de régulariser 500 000 clandestins, l’Espagne nous exposait au risque que ceux-ci arrivent en France puisque nos deux pays font partie de l’espace Schengen. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J’ai donc estimé que la décision des Espagnols n’était pas, à ce moment-là, opportune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Donneur de leçons !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il ne s’agissait d’ailleurs pas de donner de leçon à qui que ce soit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais de faire partager aux Espagnols l’expérience si malheureuse que nous avons vécue avec la régularisation massive ordonnée en 1997 par le gouvernement socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui a conduit au quadruplement des demandes d’asile politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai le plaisir d’informer la représentation nationale qu’à la suite de la demande de la France, les huit pays rassemblés à Madrid, y compris l’Espagne de M. Zapatero (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),

M. Maxime Gremetz. Zapatero s’est couché !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …ont fait deux observations, qui, je l’espère, feront réfléchir le parti socialiste français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Tout d’abord, l’Espagne a décidé de renoncer à toute mesure de régularisation massive (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), confirmant, madame Morano, la stratégie que j’ai adoptée à Cachan. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. Vous faites peur à vos propres amis !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Enfin, l’Espagne a demandé à la France d’organiser des rapatriements groupés de clandestins, M. Zapatero m’ayant, en effet, indiqué que, lorsque les étrangers ne possédaient pas de papiers en Espagne, ils étaient reconduits chez eux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est exactement la politique de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Apprentissage de la lecture

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’UMP.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le ministre, le 6 septembre dernier, jour de la rentrée, vous avez rappelé les mesures mises en œuvre pour assurer la réussite des douze millions d’élèves accueillis dans nos établissements scolaires. Parmi celles-ci, figurent les nouvelles dispositions à même de favoriser l’apprentissage de la lecture (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) par le décodage et l’identification des mots, méthode qui conduit rapidement l’enfant à l’autonomie face à des écrits simples. Malheureusement, force est de constater aujourd’hui que de nombreux enseignants sont récalcitrants face à cette décision ministérielle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) pourtant ô combien justifiée et attendue de longue date. Les parents de ces petits élèves insistent, en revanche, pour que la circulaire du 3 janvier 2006, qui précise les conditions d’un apprentissage sûr et rapide de la lecture, et l’arrêté du 24 mars 2006 modifiant les programmes en conséquence soient respectés et prennent immédiatement effet dans toutes les classes de cours préparatoire du territoire national.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. C’est nul !

M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre, cette situation inacceptable génère au sein de nos écoles primaires nombre de conflits entre parents et enseignants, au détriment, bien sûr, de nos enfants, qui n’ont pas à subir les conséquences de cette mauvaise volonté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C’est honteux !

M. Philippe Vitel. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation nationale des décisions et des éventuelles sanctions que vous allez être amené à prendre pour que vos orientations soient désormais respectées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. On voit que vous n’avez plus beaucoup de temps à rester ici ! Vous dites n’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Vitel, l’apprentissage de la lecture, vous le savez, est la première clé de la réussite scolaire et de l’apprentissage du socle commun de connaissances et de compétences que le Parlement a voté. Il commence dès le cours préparatoire…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Avant !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …par le déchiffrage des syllabes, pour faire le lien entre les lettres et les sons, permettant ainsi au plus grand nombre d’apprendre à lire dans les meilleures conditions possibles. C’est cela la règle de l’école de la République. Il y faut beaucoup de pédagogie et de persuasion. J’ai donc fait éditer une plaquette à 350 000 exemplaires pour les maîtres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ainsi qu’un DVD permettant d’écouter l’avis des scientifiques sur ce sujet. Je saisis toutes les occasions de sensibiliser les recteurs, que je rencontre une fois par mois, ainsi que les inspecteurs, qui étaient hier 2 000 lors de notre réunion à la Sorbonne. Mais je sais qu’il y a des résistances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. Vive la résistance !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La plupart sont dues à une méconnaissance, à une mauvaise information, voire parfois à une désinformation. J’ai donc confié une mission à l’Inspection générale, dont je ferai le meilleur usage, parce que nous avons un devoir impérieux. Selon un récent sondage SOFRES (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), 63 % des enseignants et 82 % des parents approuvent cette réforme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur Vitel, je vous le dis très clairement : un maître d’école est responsable dans sa classe. La liberté pédagogique – c’est la loi – s’exerce dans le cadre des textes officiels. La fonction d’enseignant n’est pas une profession libérale ou indépendante, c’est une fonction publique, au service d’une mission éminente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

statistiques de la délinquance

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe UMP.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),

M. Albert Facon. C’est l’école des fans !

M. Thierry Mariani. …chers collègues, une fois de plus, certains tentent d’expliquer la délinquance, et notamment les violences commises contre les personnes, comme un phénomène inéluctable dans nos sociétés modernes, contre lequel personne ne pourrait agir. Il faudrait donc, si l’on en croit ces personnes, renoncer à faire respecter la loi et se résigner à la violence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Une fois de plus, les mêmes caricaturent les résultats de notre majorité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Henri Emmanuelli. Plus 30 % de violences contre les personnes !

M. Thierry Mariani. …pour mieux faire oublier leur impuissance, leur échec et leur démission face à la montée de l’insécurité quand ils étaient au pouvoir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Depuis 2002, monsieur le ministre d’État, grâce à votre volonté et à votre action, notre majorité a prouvé qu’il était possible de lutter efficacement contre la délinquance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Allez-y ! Continuez ! Le Pen se frotte les mains !

M. Thierry Mariani. Une fois de plus, nos collègues de l’opposition ignorent la réalité vécue par les Français. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous avez perdu la mémoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous pouvons et nous devons agir contre la délinquance !

Au-delà des débats idéologiques et philosophiques, disons la vérité aux Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Lefait. Vous avez eu cinq ans !

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre d’État, quels sont aujourd’hui les chiffres objectifs de la lutte contre la délinquance en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Quelles mesures le ministre a-t-il prises à La Courneuve ? Aucune !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, les choses sont très simples, car il existe un appareil statistique qui n’a pas changé depuis le lendemain de la guerre.

M. Patrick Lemasle. Il n’est pas juste !

M. Albert Facon. Il est bricolé !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’il n’était pas juste, il ne fallait pas vous gêner pour le changer lorsque vous étiez aux responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais il ne doit pas être si mauvais puisque le gouvernement de Lionel Jospin n’y a pas touché ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que disent les chiffres ? La majorité a connu, depuis 2002, deux ministres de l’intérieur : Dominique de Villepin et moi-même. Depuis cette date, il y a eu un million de victimes en moins par rapport à la précédente période. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. Les agressions contre les personnes ont augmenté de plus de 30 % !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces chiffres sont incontestables. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ils émanent d’un appareil statistique que nous n’avons pas inventé et qui n’a pas été modifié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mieux encore, en septembre, en zone de police, la délinquance générale a reculé de près de 5 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. On va en parler !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Entre 1998 et 2002, les violences contre les personnes – je le précise pour rafraîchir les mémoires et pour être sûr qu’il n’y ait aucune ambiguïté – avaient augmenté, en France, de 42 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Entre 2002 et 2005, elles ont augmenté de 12 %. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Pour la première fois, au mois de septembre de cette année, elles ont diminué. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Voyez-vous, messieurs, il y a ceux qui parlent…

M. Julien Dray. Et ceux qui vous jugent !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et restent impuissants devant une montée de la violence présentée comme inexorable et ceux qui considèrent que l’on peut agir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous pensons que l’on peut faire davantage, mais, en comparant les bilans, nous n’avons vraiment pas à nous inquiéter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Insécurité dans le département
de Seine-Saint-Denis

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, hier, vous vous défaussiez sur le maire de Cachan de vos responsabilités dans l’évacuation mal préparée du squat d’un bâtiment de l’État. Hier, nous avons aussi rappelé, comme toutes ces dernières semaines, le reniement de votre parole et de votre engagement pris dans cet hémicycle selon lequel il n’y aurait pas de privatisation de Gaz de France. Il y a quelques minutes encore, vous vous défaussiez sur les Espagnols. Vous vous défaussez encore…

M. Maxime Gremetz. Même sur le Premier ministre !

M. Bruno Le Roux. …lorsque vous accusez les juges de Bobigny, alors qu’une note de vos propres services, au moins aussi incontestable que les chiffres que vous nous citez, vous a informé de l’échec de votre politique de sécurité.

En Seine-Saint-Denis, le préfet et tous les élus locaux vous ont alerté depuis plusieurs mois sur l’escalade de la violence qui s’exerce chaque jour à l’encontre de nos concitoyens. Les fonctionnaires de police sont eux-mêmes de plus en plus souvent victimes d’agressions. Les effectifs et les moyens accordés à la police dans les quartiers les plus difficiles n’ont pas progressé, ils sont même en baisse.

M. François Hollande. Écoutez, monsieur Sarkozy !

M. Bruno Le Roux. Vous avez, de plus, démantelé, la police de proximité. Vos annonces précipitées, à grand renfort médiatique, se sont révélées sans lendemain.

Monsieur Sarkozy, votre ministère est aujourd’hui un ministère de la parole et de la mise en cause systématique des autres. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette attitude ne facilite pas le travail des représentants de la République : fonctionnaires, policiers et élus locaux que nous souhaitons saluer ici avec respect et solennité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Votre parole, parce qu’elle sème la tempête sans apporter la moindre réponse, met en difficulté ceux qui, au jour le jour, essaient de trouver des solutions concrètes.

À part vous défausser sur vos collègues, monsieur le ministre, qu’avez-vous fait dans ce ministère ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Rien !

M. Bruno Le Roux. Votre irresponsabilité fragilise la République.

Ma question est donc simple. Ne pensez-vous pas que cette note du préfet est très révélatrice ? Elle est propre à vous faire prendre conscience de l’échec de votre politique – il est patent – et des difficultés que votre attitude engendre pour tous, y compris pour vos propres services. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Tout d’abord, monsieur Le Roux, en contestant les résultats que j’ai présentés, vous mettez en cause le travail et les résultats remarquables de 150 000 policiers et de 120 000 gendarmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) À quoi sert-il de saluer avec respect des policiers et des gendarmes dont, par ailleurs, vous bafouez les résultats obtenus sur le terrain ?

Vous voulez que nous parlions de la Seine-Saint-Denis, parlons-en. Les chiffres sont éloquents. De 1998 à 2002, et je mets quiconque au défi de contester ces résultats, la délinquance a augmenté de 22 %. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De 2002 à 2005, elle a baissé de 5 % (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et vous osez m’interroger sur ce que nous avons fait, Dominique de Villepin et moi. Si, avec une baisse de 5 %, nous n’avons pas assez travaillé, que dire du travail de votre ami Daniel Vaillant, avec 22 % d’augmentation ?

Dans votre propre commune, Épinay, la délinquance a reculé de 5,56 % depuis 2002. Vous pourriez au moins avoir la dignité et l’honnêteté de rendre hommage aux policiers de votre département et de votre commune.

M. Maxime Gremetz. Et La Courneuve ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Enfin, je ne comprends pas la polémique. Si vous estimez, contre toute analyse, que la délinquance a augmenté en Seine-Saint-Denis, j’aimerais qu’on m’explique pourquoi le nombre de mineurs et de délinquants déférés et mis en prison a diminué de 15 %. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Quelle curieuse position que de dire qu’il y a une explosion de la violence et de la délinquance dans son département et de soutenir les magistrats sans s’étonner que le nombre de mises sous écrou diminue de 15 % !

Décidément, monsieur Le Roux, je vous aime beaucoup, j’ai du respect pour votre fonction, mais, franchement, la sécurité… Changez de spécialité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Pipeau !

passeport mobilité

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe UMP.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ma question s’adresse au ministre de l’outre-mer, M. François Baroin.

Monsieur le ministre, le passeport mobilité mis en place en 2002 pose problème dans son fonctionnement. Cette mesure, qui est l’un des engagements du Président de la République, permet aux jeunes résidant en outre-mer de bénéficier de billets d’avion pour poursuivre leurs études ou formations dans une filière saturée ou inexistante dans leurs régions d’origine. L’égalité des chances entre les jeunes ultra-marins et ceux de la métropole en matière d’accès à la formation et à l’emploi a été ainsi renforcée.

Aujourd’hui, 800 parents d’étudiants guadeloupéens ayant fait l’avance des frais de voyage s’inquiètent du non-remboursement du billet. Pourtant, les députés de la majorité avaient obtenu en 2003 que les CROUS, avec lesquels votre ministère a passé une convention, paient directement les titres de transport aux compagnies aériennes, d’autant plus que la formule précédente pénalisait les étudiants issus de familles modestes.

Les CROUS ne peuvent plus assurer leur mission, faute de financements. Pourriez-vous donc préciser aux familles les mesures que vous entendez prendre afin que ces difficultés passagères soient résolues dans les meilleurs délais ? Le passeport mobilité est en effet l’un des volets pragmatiques de la continuité territoriale, à laquelle notre majorité a donné du sens et du contenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Le passeport mobilité était un engagement du Président de la République. Il vise, comme vous l’avez dit, madame la députée, à favoriser le déplacement des étudiants qui veulent poursuivre une formation initiale ou professionnelle, grâce au remboursement d’un aller et retour soit en métropole soit dans une autre collectivité d’outre-mer. Cet engagement a été voulu par la majorité, voté dans le cadre de la loi d’orientation pour l’outre-mer et ainsi acté.

Aujourd’hui, il est victime de son succès. En quatre ans, 60 000 passeports mobilité ont été financés, et la demande a augmenté de plus de 40 % en un an. Cela montre la pertinence de cet engagement présidentiel et du choix de la majorité parlementaire.

Les crédits budgétaires étaient insuffisants. J’ai donné des instructions pour que, dès la fin de la semaine prochaine, des crédits supplémentaires soient adressés aux CROUS, au vice-rectorat et à l’agence nationale des travailleurs d’outre-mer. Il appartiendra aux familles de se retourner vers les opérateurs pour se faire rembourser. Dans l’esprit de la continuité territoriale mais aussi de l’égalité des chances, les engagements présidentiels et ceux de la majorité pour l’outre-mer seront intégralement respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

budget pour 2007

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe UMP.

M. Camille de Rocca Serra. Ma question s’adresse à Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

Monsieur le ministre, le rapport Pébereau sur la dette a souligné l’urgente nécessité de résorber la dette afin de ne pas faire peser sur les générations futures un poids financier excessif.

Dans cet esprit, le budget que vous avez présenté marque la volonté de la majorité d’emprunter résolument le chemin du retour progressif à l’équilibre.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est un peu tard !

M. Camille de Rocca Serra. C’est une décision historique dans un pays qui s’était habitué à dépenser toujours plus. L’engagement pris par le Premier ministre en janvier dernier lors de la conférence des finances publiques est ainsi pleinement tenu. J’ajoute qu’avec le nouveau cadre budgétaire que constitue la LOLF, la performance est désormais au cœur du pilotage des politiques publiques.

Aussi, pouvez-vous revenir sur les axes majeurs d’un budget pour 2007, placé sous le signe d’un meilleur service aux citoyens au meilleur coût ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, le projet de loi de finances qu’avec Thierry Breton nous allons soumettre à votre assemblée va nous permettre d’avoir un débat, au sens noble du terme, sur le plan politique.

Dans ce projet, nous présentons une dépense de l’État en baisse, de même que les impôts, le déficit et la dette (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), tout en veillant à tout orienter en faveur du pouvoir d’achat des Français et à financer la totalité des engagements pris par le Premier ministre devant les Français, en matière d’éducation, de sécurité, de justice, de défense et d’emploi.

M. Henri Emmanuelli. Et la TIPP ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si on y arrive, c’est tout simplement en luttant contre les gaspillages et en modernisant l’État, notamment grâce aux audits.

Ce qui est très intéressant, c’est que l’opposition est assez silencieuse. Depuis deux jours, elle n’a pas posé une seule question. C’est dire combien elle est sans doute elle aussi presque subjuguée ! (Sourires.)

Lorsque j’ai entendu M. Migaud expliquer que c’était finalement un budget virtuel, je me suis dit alors que, si, par malheur, il devait y avoir une alternance dans quelques mois, on changerait tout ça. La dépense augmenterait, les impôts augmenteraient, les déficits augmenteraient. La gauche quoi !

Il y aura donc à l’automne un débat politique très intéressant sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Quel niveau !

usine stora-enso de corbehem

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le Premier ministre, votre majorité a voté hier la privatisation de Gaz de France et le désengagement de l’État dans le secteur énergétique. Dans le même temps, sur le site de Corbehem, commune de la deuxième circonscription du Pas-de-Calais, les salariés du groupe papetier Stora-Enso montrent la voie d’une nouvelle démocratie sociale.

En effet, face à la décision du groupe finlandais Stora-Enso, leader mondial sur le marché de l’industrie papetière, de fermer deux lignes de production et de supprimer 500 emplois directs, à côté des 1 000 emplois de Metaleurop et des 435 emplois de Sollac sur le site de Biache, les salariés, soutenus par le front républicain des élus et par les citoyens du territoire, ont construit un projet alternatif de fabrication de sacs en papier à base de chanvre.

La qualité du projet a convaincu un repreneur, et un accord a été signé avec le groupe Stora-Enso devant les pouvoirs publics en préfecture du Pas-de-Calais le 8 septembre.

Face aux plans sociaux et aux licenciements boursiers, c’est un projet exemplaire de réindustrialisation d’un site et de sauvegarde de l’emploi sur un territoire. S’il ne pouvait se réaliser – et l’inquiétude est majeure quand, aujourd’hui, le groupe Stora-Enso a remis en cause les clauses de cet accord –, ce serait une claque humaine, sociale et économique pour les hommes et femmes de ce territoire, mais aussi pour toutes celles et ceux qui se battent pour l’emploi.

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré lors de votre arrivée à Matignon vouloir gagner la bataille de l’emploi. L’accord bloque sur le coût des machines : un expert indépendant les a estimées à 3,8 millions, les porteurs du projet en proposent 6 et le groupe Stora-Enso en exige 9,5.

M. Albert Facon. Patron voyou !

Mme Catherine Génisson. Ma question est donc très simple : quelle est l’action du Gouvernement sur ce projet ô combien emblématique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame la députée, le Gouvernement partage votre préoccupation pour les 736 salariés du site de Corbehem Stora-Enso.

En octobre 2005, quand Stora-Enso a pris la décision d’arrêter deux des trois machines de production de papier, s’est développée, avec le soutien de l’État et du Gouvernement, avec les salariés et avec, à l’époque, l’entreprise Stora-Enso, une proposition alternative. Nous avons conduit les études de marché et les tests techniques, qui ont permis à Green Recovery et à une association de salariés, « Les géants du papier solidaire », de faire, le 8 septembre, une proposition de reprise. Il y a maintenant débat autour de la valeur de reprise des machines.

Le ministre d’État, en tant que ministre de l’aménagement du territoire, conduit un certain nombre de réunions en liaison avec le ministère du travail et saisit le président de Stora-Enso, M. Härmälä. Jean-Louis Borloo et moi-même contactons notre collègue ministre du travail finlandaise, Mme Filatov, en l’occurrence présidente du Conseil des ministres de l’emploi de l’Union européenne, parce que l’État finlandais possède 15 % du capital de Stora-Enso.

Le Premier ministre, jeudi dernier, nous donne l’instruction d’aller au bout et, hier, Stora-Enso claque la porte. Nous n’acceptons pas. Je vous proposerai, madame Génisson, ainsi qu’au sénateur M. Vanlerenberghe, d’aller rencontrer M. Härmälä pour que nous sortions de cette espèce de jeu de double duperie qui se ferait sur le dos des salariés, de l’activité économique et du secteur de Corbehem. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)

maladie d’alzheimer

M. le président. La parole est à Mme Cécile Gallez, pour le groupe UMP.

Mme Cécile Gallez. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le 21 septembre dernier, à Nice, lors de la journée mondiale sur la maladie d’Alzheimer, vous déclariez cette affection grande cause nationale pour 2007. Le plan Alzheimer 2004-2007 a déjà permis de mobiliser pouvoirs publics et médecins, et les mesures nouvelles que vous avez récemment annoncées – aide accrue aux familles et création de 5 000 places par an pendant cinq ans dans les maisons de retraite médicalisées – ont été particulièrement bien accueillies par les familles et les associations engagées dans la lutte contre cette maladie, qui, je le rappelle, touche 185 000 personnes par an et connaît une progression inexorable, avec des charges financières croissantes tant pour les familles que pour la sécurité sociale, c’est-à-dire pour la société tout entière.

Nous espérons tous qu’un réel effort sera également engagé dans le sens de l’information des malades et de leurs familles, numéro vert par exemple, ainsi que pour la formation des personnels de santé.

Je veux aujourd’hui insister davantage sur le problème de la recherche. Tous les spécialistes en gériatrie le déplorent, la recherche sur la maladie d’Alzheimer est encore insuffisante. Il n’existe actuellement aucun traitement curatif et, pourtant, les pistes sont nombreuses. Un vaccin entre autres, aux effets secondaires encore trop nocifs pour qu’il soit utilisé, a fait naître de nombreux espoirs.

Vous avez certes, en mai 2006, lancé un plan national sur le cerveau en général et les maladies du système nerveux. Mais puisque vous avez décidé de faire de la maladie d’Alzheimer une grande cause nationale, ne pourrait-on, comme pour le cancer, prévoir un programme de recherche spécifique pour cette maladie, qui accélérerait sans aucun doute la mise au point de traitements tant curatifs que préventifs ? Il y a urgence, tant sur le plan humain que financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la députée, vous avez été l’auteur d’un remarquable rapport consacré à la maladie d’Alzheimer dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, et je sais donc que vous connaissez cette question mieux que personne.

C’est un sujet sur lequel l’unité doit se faire, au nom de la solidarité nationale, car il devient de dimension nationale. Si le Premier ministre a en effet décidé, le 21 septembre dernier, de faire de la lutte contre la maladie d’Alzheimer une grande cause nationale en 2007, c’est qu’il s’agit bien d’une tragédie humaine dont la dimension est aujourd’hui considérable. Il faut bien sûr penser d’abord aux malades, qui, en perdant leur mémoire, perdent aussi leur identité et se perdent eux-mêmes, en ayant conscience de se perdre.

Il faut penser également aux familles qui, jusqu’à dix-huit heures par jour, se tiennent au chevet des malades et sont en grande difficulté lorsqu’elles ne reçoivent pas suffisamment d’aide.

Les chiffres sont particulièrement édifiants. On dénombre déjà 850 000 cas de malades d’Alzheimer en France et plus de 220 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

À cette tragédie humaine, il fallait apporter des réponses. Avec Xavier Bertrand et François Goulard, nous avons commencé par développer la recherche afin de faire face au retard qui s’était accumulé et que nous sommes en train de rattraper depuis quatre ans. Développer la recherche contre la maladie d’Alzheimer, c’est naturellement développer les neurosciences. Nous avons mis en place des centres régionaux de recherche, et nous avons confié au professeur Glowinski une mission dédiée aux neurosciences et à la maladie d’Alzheimer.

Outre la recherche, une lutte efficace contre cette maladie suppose des mesures de détection précoce que nous avons décidées. Enfin, il faut pouvoir offrir aux familles un droit au répit, notamment en multipliant les places d’accueil de jour au cours des cinq prochaines années et en renforçant les effectifs des personnels. Dans cinq ans, grâce à l’effort que nous avons engagé, il y aura un professionnel par malade d’Alzheimer dans nos institutions de retraite. Ces actions sont rendues possibles grâce à la journée de solidarité et aux économies que nous réalisons sur les dépenses d’assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

FNADT

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe UMP.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Ma question s’adresse à M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, comme je l’ai déjà indiqué à M. le Premier ministre, à M. le ministre d’État ainsi qu’à vous-même, le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire est essentiel en ce qu’il contribue à l’aménagement et surtout au développement de nos territoires.

Ainsi, en milieu rural, il est partie prenante et intégrante des contrats de pays, au même titre que les collectivités territoriales qui s’y investissent. Malheureusement, un fort décalage entre crédits de paiement et autorisations d’engagement empêche le lancement de bon nombre de projets.

Par un décret d’avance du 1er août 2006, 24 millions d’euros en crédits de paiement ont été ouverts au bénéfice du FNADT, ce qui améliore la situation, mais ne permet pas pour l’instant d’aller aussi loin qu’il est souhaitable dans l’engagement d’opérations nouvelles, pourtant programmées.

Aussi, je souhaiterais savoir ce qui peut être fait, monsieur le ministre, à la fois en termes de crédits de paiement et d’autorisations d’engagement pour que les opérations auxquelles tiennent les maires et les présidents d’EPCI puissent être lancées et menées à bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire constitue, pour mon ministère, un outil essentiel pour réduire la fracture entre les territoires.

M. Augustin Bonrepaux. Il est vide !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ces fonds sont affectés par le Premier ministre, sur proposition du ministre de l’intérieur et de moi-même (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), non seulement pour des projets de développement de territoires, mais également pour répondre aux besoins de territoires sinistrés, comme les territoires miniers du nord ou de l’est de notre pays.

Depuis seize mois, nous avons proposé, avec Nicolas Sarkozy, que ces crédits soient systématiquement consacrés à des projets de développement économique et social créateurs d’emplois, à l’amélioration de l’attractivité et de la compétitivité des territoires, à la création de richesses, à des projets de services à la personne, de services publics et de services au public,…

M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …en faveur des contrats de pays et des pôles d’excellence rurale notamment.

Y a-t-il suffisamment de crédits disponibles en cette année 2006 ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y en a pas !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La réponse est oui. Au mois d’août dernier, comme vous l’avez rappelé, ce sont 24 millions d’euros de crédits de paiement qui ont été débloqués.

M. Albert Facon. On ne les voit pas !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Premier ministre a annoncé, il y a quelques jours, que 100 millions d’euros supplémentaires seraient inscrits en loi de finances rectificative.

Je remercie également Jean-François Copé, qui débloquera un certain nombre d’autorisations d’engagement, conformément à notre demande, afin que nous puissions, non seulement répondre aux projets en cours, mais lancer de nouveaux projets d’ici à la fin de l’année 2006. J’ajoute que le budget de l’aménagement du territoire, dans le cadre de la loi de finances pour 2007, disposera de crédits importants permettant d’amplifier ces politiques au service de nos territoires.

À travers vous, monsieur le député, ce sont des centaines de maires qui se sont exprimés. Nous savons combien ils font preuve de volontarisme afin de réduire la fracture territoriale et de permettre aux solidarités de s’exprimer. Je leur rends hommage et je les assure que nous relèverons les défis dans lesquels nous nous sommes engagés à travers le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

nomination d’un nouveau secrétaire
de l’Assemblée nationale

Mme la présidente. M. le président de l’Assemblée nationale a été informé par Mme Marie-Françoise Clergeau qu’elle se démettait de ses fonctions de secrétaire de l’Assemblée nationale à compter de ce jour.

M. le président du groupe socialiste a fait savoir qu’elle serait remplacée, à compter de cette même date, par Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

participation et actionnariat salarié

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié (nos 3175, 3337, 3339).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Madame la présidente, madame la ministre déléguée au commerce extérieur, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, chers collègues, il faut, au moment d’aborder l’examen du projet de loi sur le développement de la participation, rappeler, comme les ministres l’ont fait hier, qu’elle n’est pas une idée neuve. Imaginé au milieu du xixe siècle, l’actionnariat salarié est apparu comme une réponse à la "question sociale" née de l’essor de la société industrielle. Il n’est cependant devenu une réalité que dans le cadre de la politique de participation voulue par le général de Gaulle.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, saisie pour avis. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Comparini. Aujourd’hui, la France est en avance en ce domaine puisqu’une entreprise française cotée sur trois a des actionnaires salariés. Mais, en dépit des avancées législatives des vingt dernières années, ce grand projet reste inachevé et le dispositif n’est pas accessible à tous. Cela explique que l’écart se creuse entre la moitié des salariés français, qui peuvent détenir des actions de leur entreprise, et ceux qui, en raison de la taille, du statut ou du secteur d’activité de leur entreprise, ne le peuvent pas. Maints travaux, et récemment encore le rapport de nos collègues François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain, soulignent la nécessité d’encourager la participation et de l’étendre à toutes les entreprises.

Le texte législatif soumis à notre examen s’inspire de ce double constat. Pour ma part, je retiendrai qu’il incite les petites et moyennes entreprises à recourir à l’actionnariat salarié. Il généralise le principe de l’épargne salariale, en l’étendant aux entreprises de moins de cinquante salariés, au conjoint-collaborateur ou aux entreprises situées en zone franche. Cette importante avancée permettra aux salariés des PME, notamment aux plus modestes, de se constituer une retraite par l’épargne et de bénéficier d’une répartition plus juste des fruits de la croissance.

Consciente cependant de la spécificité des PME, dont les moyens ne sont pas ceux des grandes entreprises, j’aurai soin, au cours de nos débats, de ne soutenir que des dispositions équitables et d’une mise en œuvre aisée, qui permettent à tous d’accéder à la participation sans entraver le bon fonctionnement des petites entreprises. Notre groupe tenait à affirmer avant tout la nécessité de cet équilibre, souvent prônée par vous, monsieur le président de la commission des affaires économiques. Il arrive trop souvent en effet que nous votions des textes inapplicables par les PME, quand ils ne les oublient pas. Celui d’aujourd’hui est porteur de tant d’espoirs qu’il importe de trouver la bonne voie.

Je retiendrai aussi que ce texte veut responsabiliser tous les acteurs de l’entreprise, ce qui va dans le sens d’une gestion saine et transparente. De ce point de vue, je m’interroge sur l’opportunité de réduire la durée de blocage des actions. C’est prendre le risque de transformer l’actionnariat en un simple outil de modulation du pouvoir d’achat, alors qu’il est plus que cela : il est une manière de reconnaître la juste place du travail dans notre système socio-économique. Ce débat ancien a déjà été tranché d’une façon juste, puisque des possibilités dérogatoires de déblocage anticipé ont été prévues ; mais des études récentes concluent à la nécessité d’assouplir cette liste. Pourriez-vous, madame et monsieur les ministres, nous préciser si vous prévoyez de tels assouplissements, dont je suppose qu’ils emprunteraient la voie réglementaire ?

S’agissant des conditions d’une gestion transparente, comment de pas évoquer l’opportunité d’un encadrement des stock-options distribuées aux dirigeants d’entreprises. Les événements de ces derniers mois ont montré les dérives d’un « capitalisme irrespectueux des hommes. »

M. Alain Bocquet. Il l’est par nature !

Mme Anne-Marie Comparini. Il ne faut pas renouveler ces erreurs. Nous aurions certes préféré une réflexion d’ensemble, mais à défaut nous considérons que la proposition de M. Balladur est un bon début.

En matière enfin de participation des salariés à la gestion des entreprises, qui est souvent le « parent pauvre » de la participation, je salue l’obligation de représentation des salariés actionnaires dans les conseils d’administration et les directoires dès lors que ceux-ci possèdent plus de 3 % du capital de l’entreprise. Une réelle association du capital et du travail suppose en effet que les salariés soient consultés sur les décisions qui concernent l’entreprise, de même que la démocratie suppose qu’on consulte les citoyens.

J’en viens maintenant aux mesures sociales et fiscales présentes dans ce texte, alors qu’elles n’ont pas de rapport avec la participation. La décision de la commission des affaires économiques de les supprimer me paraît sage. En effet, l’hétérogénéité des mesures rassemblées dans ce texte nuit à la clarté des propositions en faveur de la participation. Chacun sur ces bancs reconnaît que la participation est un grand projet qui se suffit à lui-même, et ne saurait être une disposition noyée dans un texte fourre-tout.

En outre, à l’heure de la réforme du dialogue social, et alors que le Président de la République a lui-même rappelé la nécessité d’une association plus étroite des partenaires sociaux à toute modification des règles du droit du travail, il est curieux qu’on nous propose des mesures sociales dont les partenaires sociaux n’ont pas été saisis. Sans préjuger du fond, on doit souligner que ce point de méthode révèle l’ambiguïté du Gouvernement en matière de dialogue social. Le Gouvernement serait donc bien inspiré d’accepter la proposition que lui adresse la représentation nationale par le biais de la commission des affaires économiques.

Toutes ces mesures sociales méritent d’ailleurs une réflexion plus approfondie. Prenons l’exemple du prêt de personnel. Pour le groupe UDF, la prudence commande de n’envisager cette facilité qu’à titre expérimental et en la limitant au contexte spécifique des pôles de compétitivité, où des synergies entre l’entreprise et la recherche peuvent la justifier. Le groupe sera donc attentif à ce que les salariés concernés aient toutes les garanties quant à la suite de leur parcours professionnel.

Notre groupe attend également des précisions réelles sur les garanties accordées aux bénéficiaires du congé de mobilité. Ce dispositif est intéressant en ce qu’il permet d’anticiper un reclassement éventuel par une réorientation professionnelle. Mais certains pourraient arguer du fait qu’il se termine par une rupture d’un commun accord du contrat de travail pour l’assimiler à un nouveau mode de rupture amiable du contrat de travail, et nous souhaiterions que le Gouvernement lève les inquiétudes à ce sujet.

Quant à la suppression programmée, d’ici à 2010, de la contribution Delalande, on sait qu’elle fait débat, les uns voyant dans ce dispositif un frein à l’embauche, les autres une garantie contre le licenciement de salariés âgés. Les conclusions d’une enquête menée par l’INSEE en 2004 lui attribuent une incidence négative sur l’embauche des salariés de moins de cinquante ans. Il faut donc en sortir et prendre à bras-le-corps la question de l’emploi des seniors : chacun sait qu’il ne suffira pas de supprimer la contribution Delalande pour élever leur taux d’activité, qui est l’un des plus faibles d’Europe depuis une bonne vingtaine d’années.

J’ajouterai que nous sommes attentifs aux inquiétudes exprimées par les conseillers prud’homaux quant aux conditions d’exercice et d’indemnisation de leurs activités. Ils craignent que le temps, prévu par décret, pour la préparation des audiences, les audiences elles-mêmes et la rédaction des jugements, ne soit trop restreint. Nous souhaitons qu’il soit tenu compte de l’avis des conseillers prud’homaux, de manière que ceux-ci exercent leur fonction dans les conditions nécessaires à l’équilibre et la sérénité de leur jugement.

Le groupe s’interroge également sur l’opportunité de l’introduction des clubs de foot en bourse. Il partage le souci de permettre aux clubs de faire jeu égal avec les autres clubs européens.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les supporters lyonnais y sont favorables !

Mme Anne-Marie Comparini. Je suis lyonnaise, monsieur le rapporteur, et je ne l’oublie pas !

En outre, la Commission a, en 2004, mis en demeure la France de respecter le droit européen en supprimant l’interdiction faite aux clubs professionnels français d’avoir accès à l’appel public à l’épargne. Mais on ne doit pas pour autant négliger le risque qu’il ferait courir aux petits porteurs, dans un pays qui, à la différence de l’Italie, de l’Espagne ou du Portugal, n’a pas de culture l’actionnariat sportif. Nous déplorons donc la précipitation qui préside à l’examen de cette disposition, qui aurait mérité une réflexion d’ensemble, sur le sujet notamment des garanties qu’on aurait pu apporter aux petits porteurs et aux autres clubs de football de notre pays.

Ma dernière remarque a trait au dispositif du « chèque transport ». Soyons clairs : le groupe UDF ne nie pas la forte inquiétude suscitée chez nos concitoyens par l’accroissement de la part des dépenses de transport dans leur budget ; mais il juge que le « chèque transport » n’est qu’un cadeau préélectoral. Il ne fait que masquer la question de fond, qui est celle de la stagnation du pouvoir d’achat des bas salaires et des salaires moyens. Il faudra bien un jour avoir le courage d’ouvrir ce débat essentiel.

L’UDF s’inquiète aussi des difficultés d’application du chèque transport pour le salarié, pour l’employeur et pour les réseaux de transport, notamment en province. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous rechercherez des dispositifs simples, comme celui qui est en vigueur en Île-de-France.

Pour conclure, nous avons des réserves sérieuses sur les dispositions sociales, qui n’ont rien à faire avec les dispositions sur la participation, que nous soutenons car leur objectif est de permettre à tous les salariés, en particulier ceux des sociétés non cotées ou de petite taille, d’accéder à une forme ou une autre de la participation. Cette triple forme de participation est à nos yeux un facteur important du partage des bénéfices et du dialogue social et un instrument qui peut accompagner le développement durable des entreprises plutôt que les logiques financières de court terme.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, disons-le d’entrée : ce projet de loi sur la participation ne répond pas aux attentes des millions de salariés qui réclament une juste revalorisation de leur salaire.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il contribue au pouvoir d’achat !

M. Alain Bocquet. Confrontés à un effritement de leur pouvoir d’achat, les ouvriers, les employés et les cadres de ce pays, qu’ils relèvent du secteur privé ou de la fonction publique, ne demandent pas la distribution de primes aléatoires à la tête du client, mais une meilleure rétribution de leur travail – pérenne, statutaire et conventionnelle.

Ce que vous proposez, ce sont des dividendes incertains qui exonèrent le patronat de ses contributions sociales. Ce que veulent les salariés, c’est du salaire, avec les droits inaliénables à la retraite et à la protection sociale qui y sont rattachés par le biais des cotisations.

Cette requête n’a rien d’utopique au vu des gains de productivité réalisés régulièrement par les entreprises et des profits colossaux accumulés par les groupes. Quand les sociétés du CAC 40 engrangent 50 milliards d’euros de bénéfice net au cours du premier semestre, avec des progressions fulgurantes qui atteignent 23 % de hausse du résultat chez BNP-Paribas ou 33 % chez Sanofi-Aventis, le salaire de base ne progresse que de 0,5 % entre avril et juin. C’est à cette spoliation du monde du travail et de la création qu’il faut mettre un terme.

L’augmentation immédiate du SMIC à 1 500 euros, que proposent les député-e-s communistes et républicains, représenterait une première mesure réaliste et incitative, touchant directement la moitié des salariés qui – faut-il le rappeler ? – perçoivent aujourd’hui moins de 1 455 euros net par mois.

Avec ce texte, vous ne vous attaquez pas à la plaie des bas salaires, des temps partiels contraints et des jobs précaires qui contraignent près d’un million de personnes ayant travaillé plus de six mois dans l’année à vivre dans la pauvreté malgré leur activité. Depuis vingt ans, 10 points de PIB, soit 160 milliards d’euros, ont été transférés des salaires aux revenus financiers, tandis que la part consacrée aux investissements n’a pas progressé. Ce transfert pèse sur la croissance en bridant la consommation des ménages, freine les créations d’emplois de qualité et alimente le déficit de la protection sociale.

Votre gouvernement joue du trompe-l’œil en invoquant la thématique du pouvoir d’achat pour présenter un dispositif qui vise essentiellement à renforcer la diffusion de l’épargne salariale et qui fait briller le vieux miroir aux alouettes de l’actionnariat salarié. En conséquence, vous allez accroître le transfert que je viens de dénoncer.

Vous prétendez réconcilier le travail et le capital, selon une formule éculée reprise par M. Borloo.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Éculée ?

M. Alain Bocquet. Ce sont là de vieilles lunes ressassées depuis cinquante ans. Qui peut croire que le versement d’un hypothétique dividende du travail modifiera le quotidien, par exemple, des employées de caisse de la grande distribution, dont le salaire moyen est de 600 euros par mois ?

J’ai reçu ce matin une délégation, à laquelle participaient tous les syndicats, du comité d’entreprise de Ford Bordeaux, entreprise qui a connu au début de l’année un plan social prévoyant 500 suppressions d’emplois. Les syndicats m’ont indiqué que, dans cette entreprise où les salariés subiront 31 jours de chômage technique entre septembre et décembre, il est impossible de puiser dans le fonds de participation mis en place. Force est de constater que, si j’en crois les informations qui m’ont été données, des jours sombres s’annoncent pour cette entreprise.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous parlez de GSK ?

M. Alain Bocquet. GSK est une autre affaire. Il est ici question de Ford.

Votre projet, qui consiste à soumettre toujours plus la rémunération du labeur et de la création aux exigences de la rentabilité financière du capital, n’a rien de moderne et d’émancipateur.

Mais il est vrai que depuis que l’UMP a pris les rênes du pouvoir,…

M. Jacques Godfrain. Nous ne les avons pas prises ! C’est le peuple qui nous les a confiées.

M. Alain Bocquet. …ce sont les marchés boursiers qui font la morale et la politique. Allégement d’impôt sur la fortune pour les PDG actionnaires, démission totale de l’État dans le raid de Mittal sur Arcelor, privatisations en cascade,…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas le sujet !

M. Alain Bocquet. …dont le dernier épisode est le bradage organisé de l’entreprise publique GDF au seul profit de quelques gros actionnaires de Suez, à commencer par l’affairiste belge Albert Frère : votre majorité ne recule devant rien pour consolider le mur de l’argent.

Les dispositions qui figurent dans votre texte ne feront d’ailleurs que drainer toujours plus de ressources vers les placements spéculatifs au détriment des salaires, des dépenses socialement utiles, des investissements dans l’innovation, la formation et la recherche-développement. Soulignons qu’en France, le poids des actifs financiers en actions et en titres d’OPCVM est passé de 1 650 milliards d’euros en 1995 à 5 900 milliards d’euros en 2005, ce qui représente un patrimoine désormais supérieur à celui détenu par exemple en logements dans notre pays.

Devant le mécontentement suscité par le scandale des stock-options pharaoniques, vous allez voler au secours d’un système inique en concoctant, avec l’aval du MEDEF, un toilettage cosmétique pérennisant ce régime de faveur réservé à une poignée de dirigeants d’entreprise. Actuellement, les quarante PDG des sociétés de l’indice CAC 40, qui ont perçu en moyenne 2,5 millions d’euros de rémunération en 2005, possèdent un pactole de stock-options d’une valeur potentielle de 700 millions d’euros. Non seulement vos mesurettes ne touchent pas à ces petits arrangements entre riches, mais elles les légitiment.

Pour faire bonne figure, vous prétendez améliorer la gouvernance des entreprises en offrant plus de place aux actionnaires salariés. Vous vous targuez de rénover le dialogue social, mais vous renvoyez au second plan les élus des salariés et leurs syndicats pour ne favoriser que les associations d’actionnaires. Vous en appelez à la participation, mais sans vous soucier de la discrimination dont sont victimes au quotidien les délégués syndicaux et les représentants des salariés. Selon une étude de la DARES, 13 400 d’entre eux ont été évincés de leur entreprise suite à un licenciement pour motif économique en 2003.

Vous répondiez tout à l’heure, monsieur le ministre, à Mme Génisson à propos de la situation de l’entreprise Stora-Enso. J’étais samedi avec les manifestants en compagnie des élus, dont Mme Génisson. Il est pitoyable que, dans notre pays, un groupe financier qui veut fermer une entreprise de 750 salariés puisse faire la loi et se permette de claquer la porte au nez des salariés et de leurs représentants, des élus régionaux, départementaux et locaux et des ministres qui travaillent sur ce dossier, que vous avez cités.

Je ne reprendrai pas la formule une formule qui a fait date à propos de Michelin, et dont on a vu les conséquences, selon laquelle le politique ne peut pas tout.

M. Jacques Godfrain. Vous citez de bons auteurs !

M. Alain Bocquet. Je n’en espère pas moins, monsieur le ministre, que, dans le cas que je viens d’évoquer, le Gouvernement de la France saura se faire respecter face à des gens qui ont bénéficié naguère, et pour de montants colossaux des fonds publics. Quelles que soient nos opinions, nous devons en effet faire respecter la République française par ces groupes internationaux. J’espère donc, en l’espèce, que le Gouvernement obtiendra que les propositions formulées par les organisations syndicales soient prises sérieusement en compte.

Face aux pressions de la finance sur l’emploi et les salaires, il est temps d’assurer une meilleure représentation des salariés et de leurs organisations syndicales dans tous les conseils d’administration et de surveillance, et de leur confier une place majoritaire dans les conseils de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise, les fameux FCPE, qui gèrent l’épargne salariale.

Derrière le vernis suave des mots, votre projet est purement réactionnaire et prévoit, en marge de son objet principal, des entailles supplémentaires au code du travail, comme la suppression de la contribution Delalande mise en place pour pénaliser les licenciements des seniors, la légalisation du marchandage de main-d’œuvre dans les pôles de compétitivité ou la remise en cause de l’activité des conseillers prud’homaux.

À contre-courant de cette frénésie de libéralisme inégalitaire, notre pays et notre peuple aspirent à une véritable démocratie salariale, reposant sur un droit d’ingérence des travailleurs et de leurs organisations dans les affaires de l’entreprise pour défendre les salaires et les investissements utiles et pour faire prévaloir une sécurité d’emploi et de formation. Nous ne nous contenterons pas de combattre votre texte : nous allons défendre, par une série d’amendements et de contre-propositions, cette vision novatrice et progressiste.

Il s’agit pour nous de donner la priorité aux accords salariaux, validés selon le principe majoritaire, sur les différentes formules de revenus complémentaires. Si nous revendiquons l’abrogation du CNE et la suppression des mécanismes de stock-options, nous souhaitons, dans le même temps, doter les représentants élus des personnels de nouvelles capacités d’intervention, par exemple en attribuant au comité d’entreprise une « action de préférence » ouvrant droit à un veto sur les opérations stratégiques de l’entreprise, en créant un recours suspensif pour faire prévaloir des alternatives aux licenciements collectifs, ou encore en instaurant une responsabilité juridique de la société donneuse d’ordre en cas de difficultés économiques supportées par sa filiale ou son sous-traitant.

Toutes ces dispositions ont le mérite de pouvoir être étendues à l’échelle de l’Union européenne, en consolidant notamment la législation sur les comités de groupe européens et les obligations d’information et de consultation des salariés. Ce serait là un outil précieux dans l’action que doit conduire la France pour une réorientation de la construction européenne vers plus de justice sociale.

C’est en suivant cette voie, monsieur le ministre, que l’on permettra aux salariés de maîtriser leur avenir et d’accroître leur liberté de choix dans une économie transformée où l’argent ne sera plus une fin instrumentalisée par quelques privilégiés, mais un moyen d’épanouissement des hommes et des femmes.

Au contraire, le chemin que vous imposez aux salariés les rend plus dépendants en soumettant leur patrimoine et leur rémunération aux aléas des marchés financiers. Cette dérive ne fait pas l’unanimité chez les experts de l’entreprise. René Ricol, ancien président de la Fédération mondiale des experts-comptables, lançait récemment ce cri d’alarme : « Arrêtons de faire des marchés la référence unique et indiscutable » et soulignait, avec plus de courage et de lucidité qu’on ne le fait dans les rangs de l’UMP, que « la Bourse n’est pas la vie ».

Après toutes ces remarques, vous comprendrez que les député-e-s communistes et républicains ne cautionneront pas la réponse tronquée que vous apportez aux attentes du monde du travail et de la création.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP mesure à sa juste valeur le niveau de l’enjeu de ce texte et la solennité de ce débat. Bien sûr, une très grande partie de ses députés, et d’autres au-delà des frontières politiques traditionnelles, ont puisé dans la pensée et l’action du général de Gaulle au XXsiècle, dans l’encyclique Rerum Novarum de la fin du XIXe siècle, et auparavant dans la gestion sociale de Riquet, ingénieur du canal du Midi et grand bâtisseur du XVIIIe siècle, la force de leurs convictions pour faire échapper l’entreprise aux luttes stériles des classes, pour donner aux salariés la juste place qui leur revient, pour valoriser le goût des responsabilités chez ceux qui les dirigent.

Ce texte, dont nous avons commencé le débat hier, est le fruit d’une volonté affirmée – et nous les en remercions – du Premier ministre et de son gouvernement d’apporter une vision d’ensemble sur la question fondamentale de la place de l’homme dans toutes les entreprises, comme cela était déjà la préoccupation des gouvernements de Michel Debré en 1959, de Georges Pompidou en 1967, plus tard de ceux de Jacques Chaban-Delmas, de Jacques Chirac et d’Édouard Balladur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Voilà en effet bientôt quinze ans, à l’époque orateur du groupe RPR, je m’étais vu confier un rapport sur cette grande cause économique et sociale.

Il y a quelques mois, avec mon collègue, que j’ai plaisir à saluer en raison de sa grande compétence et de son acharnement au travail, François Cornut-Gentille, nous nous sommes attelés à refixer les enjeux et à déterminer les moyens de parvenir à un texte qui soit bien sûr pour partie comptable et financier, mais surtout humaniste et profondément social en matière de dialogue.

Tout ce travail accompli pendant tant de décennies est aussi le résultat de réflexions très approfondies de M. Tessier, au nom de la CFTC, devant le Conseil économique et social il y a plus de vingt ans, de nombreux auteurs et responsables d’associations ou de syndicats, parmi lesquels je voudrais citer M. Claude Cambus pour la CGC, MM. Repeczky, Dechartre, Mothié et Massié ; mais je me garderai d’omettre M. de Foucauld et M. Balligand, lors de la présentation du texte dit Fabius, sur lequel le groupe RPR s’était abstenu à ma demande afin de montrer son ouverture totale sur ce sujet. À ce propos, je voudrais revenir un instant sur ce que nous avons entendu hier de la part d’un orateur socialiste, par ailleurs très estimable personnellement, M. Le Garrec. Il nous a expliqué, avec une certaine véhémence, son souhait de revenir à la France d’avant.

M. Jean Le Garrec. Pas du tout !

M. Michel Charzat. C’est bien mal le connaître, monsieur Godfrain !

M. Jacques Godfrain. Il y a là tout le programme du parti socialiste pour les prochaines échéances. Entendre qu’il suffirait de dépoussiérer la loi de 1946 sur les comités d’entreprise, c’est très indigent et très court. J’en attendais beaucoup plus de vous, monsieur Le Garrec, vous qui connaissez pourtant bien ce sujet.

M. Jean Le Garrec. Je n’ai pas dit que ça !

M. Jacques Godfrain. Mais le reste est pire ! Alors, je préfère ne citer que ce qui est acceptable.

M. Jean Le Garrec. J’ai parlé des représentants des salariés dans les conseils d’administration ! Je vous en prie : ne caricaturez pas mes propos !

M. Jacques Godfrain. Je ne caricature rien. Je regrette beaucoup que vous ayez été à l’image d’un programme qui est quelque part archaïque.

M. Guy Geoffroy. Il l’est partout !

M. Jacques Godfrain. Je tiens également à citer quelques-uns de ceux et de celles qui, sous la Ve République, ont apporté leur pierre à ce bel édifice : René Capitant, Louis Vallon, Marcel Loichot et, plus récemment Serge Dassault, Christine Boutin et le sénateur Chérioux. Qu’il me soit également permis de dire que la loi Giraud sur la participation, voulue par le Premier ministre Édouard Balladur, prévoyait la création du Conseil supérieur de la participation, dont les réflexions et les orientations ont beaucoup apporté à notre rapport. À ce propos, je regrette que, dans l’esprit de notre collègue Maxime Gremetz, une instance dans laquelle il n’y a pas de conflit, dans laquelle il n’y a pas de violence verbale, soit une instance dénaturée. Le Conseil économique et social a apporté beaucoup à ce débat, les rapports qu’il y a eu en interne ont été de très grande qualité ; et croyez bien que le progrès social ne vient pas exclusivement du conflit.

Je ne pourrais non plus oublier combien d’entreprises, sans attendre les signaux politiques des divers gouvernements ou majorités des trente dernières années, ont institué d’elles-mêmes la participation, l’intéressement, l’actionnariat salarié. On en connaît bien les heureux résultats, y compris pour ces entreprises : Radio Technique il y a quarante ans, Auchan, Eiffage ; combien d’OPA hostiles ont tourné court grâce à la mobilisation des actionnaires salariés, comme par exemple chez Bouygues, à la Société Générale, ou récemment chez Eiffage.

Demain, une fois la loi votée, et mise rapidement en application comme nous l’espérons puisque les budgets des entreprises sont établis avant juin, nous devrons être vigilants sur des points essentiels pour sa bonne compréhension : tout d’abord, que les caisses sociales ne voient pas dans l’application de la participation et de l’intéressement une manière occulte de contourner les textes sur les charges sociales, et les garanties que vous nous avez apportées dès le début, monsieur Larcher, sont pour nous très importantes ; ensuite, que nul ne confonde le couple participation-intéressement avec salaire et pouvoir d’achat, point si important que nous redirons dans la discussion qu’à la politique salariale on ne pourra substituer l’épargne salariale comme le craignait M. Charzat en commission ;…

M. Jean-Pierre Balligand. C’est juste !

M. Jacques Godfrain. …enfin, que la période que le Gouvernement a fort heureusement retenue comme délai minimum de déblocage soit de cinq ans – non de trois ans comme il a été malencontreusement dit –, ce qui est un bon terme car il correspond aux décisions fortes des familles, en matière immobilière par exemple.

Nos interventions sur ce texte s’inscriront dans la volonté de revenir toujours à l’essentiel, de donner force et légitimité à cette idée dont la concrétisation ne pourra se faire que par la force de la loi votée et par la diffusion, auprès des salariés eux-mêmes, de la traduction tangible de l’ouverture de ce véritable droit au patrimoine que sera le livret d’épargne participation, cher à mon collègue Cornut-Gentille et à moi-même ; à ce titre, nous présenterons un amendement sur ce dispositif.

Mes chers collègues, les jours à venir vont permettre à l’Assemblée nationale d’apporter au droit fondamental de notre pays en matière de relations humaines et sociales un élément très important. Nous allons prendre en compte les vrais problèmes de notre société, celle dont le général de Gaulle disait en juin 1968, comme il l’avait déjà prédit en pleine guerre en 1942, « société, donc, dans laquelle tout ce qui est d’ordre matériel, les conditions de travail, l’existence ménagère, les déplacements, l’information, tout cela qui n’avait pas bougé depuis l’Antiquité change maintenant de plus en plus rapidement et de plus en plus complètement », et d’ajouter que « cela implique que soit attribuée de par la loi, à chacun, une part de ce que l’affaire gagne et de ce qu’elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés de la marche de l’entreprise et puissent par ses représentants qu’ils auront nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions ». Prémonitoire chez de Gaulle, moderne pour vous, monsieur le ministre, il y a là une conjonction des propos, à près de trente-cinq ans d’intervalle, qui aujourd’hui ne peut que nous toucher.

Prémonitoire était l’homme du 18 juin devant la profonde crise de société qui marquera les esprits si longtemps, mais prémonitoire aussi était Léon XIII, au XIXe siècle, qui affirmait : « Il ne pourrait y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. » Le mot « participation » commençait ainsi une grande aventure humaine puisqu’au milieu du capitalisme triomphant et des prémices du marxisme les plus violents, on pouvait lire dans l’encyclique : « Si l’on stimule l’industrieuse activité du peuple par la perspective de la propriété, l’on verra se combler peu à peu l’abîme qui sépare l’opulence de la misère. »

C’est à cela, chers collègues, que nous allons nous attacher pour montrer que les parlementaires représentent d’abord la défense et la promotion du bien commun et de l’intérêt général, et ne sont pas, comme l’a malheureusement titré un hebdomadaire récemment, des « représentants de groupes de pression ».

M. Jean-Pierre Balligand. Il faut l’espérer !

M. Jacques Godfrain. Il ne s’agit de rien d’autre que d’offrir la possibilité à chaque être humain de répondre à l’une des premières lois de son espèce : l’espérance comblée de pouvoir laisser davantage en quittant cette planète qu’il n’a trouvé en arrivant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le successeur de Jean-Baptiste André Godin, qui a inventé le familistère, c’est-à-dire un phalanstère, et appliqué une utopie réaliste – les poêles Godin, sans doute les plus beaux du monde, existent toujours ! Il a été mon prédécesseur, y compris à l’Assemblée nationale, et a inventé l’association du capital et du travail dans ce pays, contre notamment les thèses de Friedrich Engels, lequel est venu dans le Palais social que Godin a construit pour les ouvriers en leur donnant, bien entendu, l’usine et le capital. C’est pourquoi je voudrais rappeler ce qu’il écrivait, dans Solution sociale, en 1871 : « Il est temps de se demander si ceux qui créent la richesse n’ont aucun droit aux bienfaits et aux splendeurs qu’elle procure, et si, ce droit reconnu, il n’en résulte pas pour tous le devoir d’employer davantage la richesse au profit des populations qui la produisent. » Il a essayé de trouver un compromis entre le capital et le travail.

Le texte dont nous abordons aujourd’hui l’examen, ô combien de fois promis et retardé, touche à un domaine que, par la force de choses, je connais bien. Je voudrais rendre hommage à Jean-Baptiste de Foucauld, qui, avec moi, en 2000, avait commis un rapport pour le Premier ministre sur « l’épargne salariale au cœur du contrat social ». Ce rapport a abouti un an plus tard au projet de loi sur l’épargne salariale, un texte dont tout le monde s’accorde à reconnaître – je remercie pour cela notre collègue Jacques Godfrain – qu’il a plutôt enrichi le paysage de l’épargne longue dans notre pays sans détruire ce qui avait été conçu auparavant. Ce même sujet, la majorité UMP a curieusement refusé de l’aborder franchement jusqu’ici, préférant légiférer en catimini. En effet, plusieurs dispositions qui entamaient largement le domaine de l’épargne salariale ont déjà été prises – dans la loi Fillon portant réforme des retraites, en 2003, dans la loi Sarkozy relative au soutien à la consommation et à l’investissement, en 2004, dans la loi Breton pour la confiance et la modernisation de l’économie, en 2005 –, mais toujours de manière subreptice et jamais au grand jour.

Nous sommes donc censés aujourd’hui avoir entre les mains le projet de loi que les salariés, les entreprises et le Parlement attendaient, un texte que j’imaginais être à la hauteur, monsieur le ministre, du quarantième anniversaire de la participation que nous allons célébrer, je l’espère, l’année prochaine.

Le résultat est pour le moins décevant. Mais revenons un moment à la chronologie.

Le 12 avril 2005, nos collègues François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain se voient confier par Jean-Pierre Raffarin une mission sur le développement de la participation. Le 29 septembre 2005, leur rapport est remis à Dominique de Villepin. Le texte, bien construit sans être révolutionnaire, propose des aménagements marginaux, dans le sillage de la loi relative à l’épargne salariale : pas de fusion entre participation et intéressement, maintien du seuil des cinquante salariés, maintien d’un accord collectif, réforme des bases de calcul de la participation.

En décembre 2005, Dominique de Villepin évoque la nécessité de renforcer la participation des salariés pour fournir aux entreprises cotées le moyen de se défendre vis-à-vis d’OPA hostiles. Le 16 mars 2006, un avant-projet de loi est présenté, sur le fondement d’objectifs hautement ambitieux : on veut « contribuer à une rénovation en profondeur des règles qui encadrent la participation et l’intéressement », « permettre aux salariés de bénéficier davantage des fruits de la croissance de leur entreprise » ; « mieux associer les salariés à la marche de leur société et à sa gouvernance ».

Le Gouvernement comptait donc sur ce débat pour apporter une réponse aux problèmes de pouvoir d’achat et mettre en place un instrument du « patriotisme économique » cher au Premier ministre. Force est de constater que le contrat n’est pas rempli : nous avons sous les yeux un texte fourre-tout, assemblage hétéroclite de diverses dispositions d’ordre économique et social. Ce qui devait être le nerf de la guerre – la participation et l’actionnariat salarié, comme l’avaient préconisé nos collègues Cornut-Gentille et Godfrain dans leur rapport – se trouve réduit à la portion congrue : deux titres seulement sur six et vingt et un articles sur quarante-huit !

Quant au contenu, plusieurs fois remanié et amendé, source de convoitises voire de tensions entre les ministres de tutelle, le résultat est faible au regard du temps passé.

Certes, tout n’est pas à écarter dans ce texte – je le dis par respect pour le travail de mes collègues et pour les arbitrages rendus, car les choses, semble-t-il, ne furent pas simples entre le ministère du travail et celui de l’économie et des finances. Certaines dispositions apportent quelques avancées, mais, honnêtement, l’ensemble reste en deçà des enjeux véritables.

Des ambiguïtés ont été levées, ce dont je remercie certains collègues de la majorité. Vous n’êtes pas tombés dans l’écueil de la fusion entre la participation et l’intéressement, conformément aux conclusions du rapport. La participation, dans son esprit d’origine, est une implication prévisible et de long terme des salariés dans les orientations de l’entreprise et dans son financement. L’intéressement, au contraire, est l’un des supports fondamentaux du dialogue social, à travers le bénéfice immédiat de résultats financiers par nature aléatoires. L’ensemble des organisations syndicales demeurent attachées à cette dichotomie qui est le reflet d’une histoire. À l’occasion du projet de loi relatif à l’épargne salariale, dont je fus le rapporteur, j’avais ainsi négocié avec la CGT, laquelle participe désormais comme les autres organisations – CFDT, CFTC et CGC – à la gestion sur l’épargne salariale.

Deuxièmement, vous n’avez pas cédé non plus – une fois n’est pas coutume ! – à la tentation des déblocages anticipés :…

M. Jacques Godfrain. En effet !

M. Jean-Pierre Balligand. …cette manœuvre, dont vous-mêmes et vos prédécesseurs avez déjà abusé, dessert les ménages les plus faibles. Elle a des effets contreproductifs sur la consommation et nuit à la bonne marche des entreprises. On l’a vu avec la loi Sarkozy de 2004, ce sont surtout les salariés les plus faibles qui ont demandé ces libérations anticipées, alors que ce sont eux qui ont le plus besoin d’épargne longue pour compenser une faible retraite.

M. Jean Le Garrec. Exactement !

M. Jean-Pierre Balligand. Soyons responsables : ne sacrifions pas la vie des salariés et un dispositif de participation inscrit dans notre histoire sur l’autel de considérations économiques et politiques de court terme.

Vous avez également renoncé à fixer des seuils de salaires pour le calcul des primes individuelles d’intéressement et à rendre rétroactive l’affectation obligatoire de la participation dans un plan d’épargne d’entreprise, et vous avez étendu la notion de dividende du travail à la participation, en plus de l’intéressement.

Je mets également à votre actif – vous voyez que je m’applique à équilibrer mon propos ! – la définition d’un intéressement de projet, qui va dans le bon sens s’il permet d’associer financièrement aux résultats les salariés des entreprises sous-traitantes – un vrai problème de notre temps.

Hélas, outre le fait qu’aucun grand article ne vient soutenir votre dispositif, les insuffisances sont nombreuses. Tout d’abord, vous limitez aux seuls salariés actionnaires des sociétés cotées la possibilité de participer au conseil d’administration, en la refusant aux salariés en tant que tels.

Je voudrais m’arrêter brièvement sur ce point. J’ai entendu le discours gaullien, presque gaulliste – j’espère que ce n’est pas une insulte pour vous ! – de M. Larcher hier.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Pourquoi une insulte ?

M. Jean-Pierre Balligand. On dirait que c’en est une pour certains si l’on en croit les convictions qu’ils affichent ! Mais foin de polémiques ! Les professeurs d’économie Michel Aglietta et Antoine Rebérioux – qui essaient de définir des moyens de régulation du capitalisme, et que l’on ne saurait donc taxer de marxisme – ont publié un ouvrage que chacun devrait étudier de près, où il apparaît que les salariés, parfois aux côtés du manager, sont désormais les seuls, dans une entreprise, à envisager le moyen et le long terme.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, nous sommes passés d’un capitalisme patrimonial à un capitalisme financier, où les fonds de pension et autres fonds institutionnels exigent une rentabilité immédiate. Ce ne sont pas les modifications comptables relatives aux bilans trimestriels, imposées par les Anglo-saxons au terme d’une mauvaise négociation, qui favorisent les perspective à moyen terme, sans parler du long terme. On préfère désormais céder des actifs plutôt que d’investir à long terme : des emplois sont ainsi supprimés dans des secteurs dont la rentabilité n’est pas immédiate.

Lorsque Saint-Gobain est devenue une entreprise privée, M. Beffa – qui n’est pourtant pas, lui non plus, un dangereux révolutionnaire – a conservé dans le conseil d’administration les salariés non actionnaires, précisément parce qu’ils sont des administrateurs au sens plein du terme et qu’ils représentent une garantie pour la stratégie à moyen terme.

M. Jean Le Garrec. Très juste !

M. Jean-Pierre Balligand. Nos sociétés capitalistes ne pourront donc pas faire l’économie d’une réflexion sur la place des salariés dans l’entreprise.

M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Or, vous refusez de leur ouvrir les portes des conseils d’administration, faisant montre à leur égard d’une méfiance d’un autre âge. Si vous vouliez moraliser le capitalisme, vous commenceriez par changer les conseils d’administration. Sur ce plan, soit dit entre nous, vous manquez singulièrement d’audace.

M. Jean Le Garrec. Nous y voilà !

M. Jean-Pierre Balligand. Vous entendez également développer la distribution d’actions gratuites aux salariés. Le salarié actionnaire semble être devenu l’alpha et l’oméga de votre prétendu « patriotisme économique ». C’est confondre les rôles et ignorer le risque inhérent à l’actionnariat. À vous entendre, on dirait que la volatilité des marchés boursiers ou la perte de valeur actionnariale sont des vues de l’esprit ! Vous ne pouvez pas faire comme si le temps du travail et celui du capital étaient les mêmes, comme si entreprises cotées et non cotées, PME et multinationales, offraient la même transparence ou le même système d’évaluation. C’est pourquoi, après mûre réflexion, avec Jean-Baptiste de Foucault, nous avons écarté l’actionnariat direct, pour protéger en particulier les salariés des PME.

L’expérience montre par ailleurs que la distribution d’actions gratuites ne sert que les intérêts d’une frange bien spécifique des salariés : elle constitue un complément ou un substitut des stock-options pour les cadres dirigeants et un outil de fidélisation pour les cadres clefs ou à haut potentiel.

De plus, à en croire le baromètre 2006 de l’épargne salariale – réalisé par Altedia et BNP-Paribas –, seuls 8 % des salariés opteraient pour des actions gratuites si l’entreprise devait distribuer une part plus importante de ses profits, loin derrière l’intéressement – 27 % –, la participation – 26 % – ou tout simplement le salaire – 20 %.

Votre objectif sous-jacent d’un actionnariat salarié à 10 % du capital des entreprises est un vœu pieux qui ne reflète pas une bonne connaissance de celles-ci. Une seule société, Bouygues, dépasse aujourd’hui ce seuil, avec 11,5 % du capital, devant Vinci à 9 % – encore les salariés étaient-ils à l’origine de la création de ces entreprises. Dans ce cas, le noyau dur d’actionnaires est un plus, car, associé à un investisseur institutionnel – la Caisse des dépôts, par exemple –, il donne la capacité de résister à une OPA hostile. Mais comment faire lorsque la valeur nominale de l’action est très élevée, comme c’est le cas de celle de Danone ? On ne peut pas mettre tous les salariés et toutes les entreprises sur le même plan. Aussi, faire croire aux salariés et aux entreprises que devenir actionnaire est un moyen de protection est inexact et illusoire.

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Descamps. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Balligand. De nombreuses questions demeurent ainsi sans réponse dans ce texte, à commencer par celle, lancinante, des risques de substitution entre épargne salariale et épargne dédiée à la retraite, ou, comme l’a rappelé Jacques Godfrain, entre salaire direct et salaire indirect. Vous allez même, confusion ultime, jusqu’à proposer de relier le compte épargne temps au PERCO.

Deuxième problème : la concentration des dispositifs sur les salariés d’ores et déjà les plus protégés et les plus aisés. L’INSEE vient de montrer qu’en 2003, 10 % des salariés recevaient 26 % des salaires, mais 40 % de l’épargne salariale.

Troisième point : la nécessité d’une impulsion substantielle en direction des PME. Là encore, les chiffres de l’INSEE donnent la mesure des inégalités : 62 % du personnel des entreprises de plus de 500 salariés bénéficient d’un dispositif d’épargne salariale, contre 35 % dans les entreprises de 50 à 99 salariés et 8 % dans celles de 10 à 49 salariés. Le seul moyen de rétablir un semblant d’équilibre, c’est de diminuer le seuil légal de 50 salariés : comment, autrement, ambitionner la « participation pour tous » ?

Quatrième difficulté : l’augmentation globale des risques pesant sur les salariés dès lors que l’on ouvre la politique de placements en actions de l’entreprise. Transformer les salariés en actionnaires n’est pas, je le répète, un geste anodin, et je regrette que vous puissiez feindre de l’ignorer.

Tout cela n’est donc pas à la hauteur de ce qui se passe dans l’entreprise et, plus largement, dans nos économies. Quel est le vrai problème auquel nous devons – et vous deviez – répondre ? Une dérive sans précédent du capitalisme, que nous dénonçons à cette tribune depuis de nombreuses années et que de nombreux praticiens et théoriciens de la vie économique et financière dénoncent eux-mêmes : Claude Bébéar, Jean Peyrelevade, Joseph Stiglitz, Anton Brender, Michel Aglietta, Olivier Pastré, Patrick Artus – pour ne citer qu’eux.

Le capitalisme donne aujourd’hui l’image d’une planète affolée : mouvements capitalistiques qui s’accélèrent – OPA géantes et hostiles, fusions-acquisitions, LBO – ; rémunérations faramineuses des PDG et avantages aussi nombreux qu’indécents – primes, actions gratuites, stock-options, « golden parachutes », « retraites chapeau » – ; assemblées générales d’actionnaires ayant perdu toute utilité face aux road shows ; et enfin basculement généralisé vers le court terme. « Nous sommes passés à un capitalisme où les dirigeants sont payés pour accroître la richesse des actionnaires », estime Patrick Artus, coauteur du livre Le Capitalisme est en train de s’autodétruire.

Mme la présidente. Monsieur Balligand, veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Balligand. J’en termine, madame la présidente.

Il faut au contraire renouer le fil entre l’entreprise et les citoyens, restaurer la confiance entre les dirigeants d’entreprise et les salariés. Il faut redonner un rôle et un sens à l’assemblée générale des actionnaires, à l’image de ce qui se passe même aux États-Unis. Il faut mettre un terme à la tyrannie du court terme, qui est la logique même de la spéculation. J’irai même plus loin en disant qu’il faut, en quelque sorte, sauver les sociétés de leurs propres actionnaires, sans lesquels la recherche de résultats à deux chiffres, la quête sans fin du plus lucratif ou la déconsidération des problématiques sociales ne seraient pas aussi prégnantes.

On me répond qu’il n’y a pas de place pour les questions de gouvernance dans ce texte, alors même qu’on a pu y insérer des dispositions, nombreuses, sur le droit du travail ou les clubs de football !

Des travaux ont pourtant été menés depuis la loi de sécurité financière de 2003, réponse déjà timorée aux errements du capitalisme : la mission Clément sur les rémunérations des dirigeants, les idées avancées par Philippe Marini au Sénat ou encore une proposition de loi socialiste « relative au renforcement de la responsabilité individuelle des dirigeants et mandataires sociaux dans les sociétés anonymes ainsi qu’à la transparence et au contrôle de leur rémunération dans les sociétés cotées », autant de perches tendues et d’occasions non saisies de mettre un terme aux abus.

Notre collègue François Guillaume, auteur d’un récent rapport d’information, rapporte quelques chiffres éloquents : les gains du patron de Vinci, Antoine Zacharias, s’élèveraient à 173 millions d’euros ; le PDG d’Exxon Mobil a perçu entre 1993 et 2005 près de 145 000 dollars par jour ; enfin, toujours aux États-Unis, les rémunérations des dirigeants d’entreprises sont passées de quarante fois à cent soixante-dix fois le salaire moyen entre 1970 et 2005 !

S’agissant des stock-options – car c’est surtout de cela qu’il s’agit –, un tel niveau de dévoiement doit nous interpeller sur tous les bancs de cette assemblée !

Mme la présidente. Je vous demande vraiment de conclure, monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Mes chers collègues, vous avez le choix des armes. Si vous voulez moraliser cette affaire, il faut conditionner les stock-options à l’existence préalable ou concomitante d’un accord d’intéressement dans l’entreprise, accepter de soumettre les plus-values à un prélèvement social qui alimente le Fonds de réserve pour les retraites et consentir à supprimer devant ces mêmes plus-values le bouclier fiscal que vous avez abusivement instauré.

Si vous étiez de véritables défenseurs de la participation, vous décideriez – c’est ici une suggestion plus personnelle que je vous fais – que les mandataires sociaux rétrocèdent la moitié de leurs plus-values pour alimenter la réserve spéciale de participation. Ce serait une manière éminemment équitable de partager avec l’ensemble des salariés les fruits de la création de valeur dans les sociétés.

Vous aviez en tout état de cause une occasion unique de donner un coup de pied dans la fourmilière : l’histoire retiendra que vous ne l’avez pas fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en septembre dernier, nous remettions, Jacques Godfrain et moi-même, un rapport au Premier ministre intitulé La Participation pour tous. Ce rapport ne contenait pas de grandes propositions législatives, il faisait plutôt un constat et manifestait un souci.

Le constat d’abord. La participation n’est pas le « machin » obsolète décrit par certains. Certes, la participation a été suggérée par le général de Gaulle dès 1947 et introduite dans notre droit social en 1967 ; elle appartient déjà à l’histoire. Mais force est de constater son actualité. En 2006, jamais le nombre de salariés bénéficiant d’un dispositif d’épargne salariale n’a été aussi élevé, et nul ne conteste que le dispositif est aussi favorable à l’épanouissement du salarié qu’à celui de l’entreprise.

La participation reste donc une idée neuve dans une économie moderne. Cela ne signifie pas qu’il faille faire preuve d’un conservatisme béat. Les relations sociales ont évolué depuis 1967 ; les entreprises ont un rythme économique et financier très différent ; l’internationalisation de nos sociétés est sans commune mesure avec celle des les années soixante. Le droit de la participation doit être modernisé.

Ce qui m’amène au souci exprimé dans le rapport écrit avec Jacques Godfrain. Par une volonté de simplification, par une approche strictement financière mais aussi par méconnaissance du sujet, certains, y compris dans la majorité, appelaient à une grande réforme juridique de la participation.

M. Jean-Pierre Balligand. Que c’est bien dit ! Il finira au Quai d’Orsay !

M. François Cornut-Gentille. Cette grande réforme, si elle avait été menée à son terme, aurait marqué l’avènement du grand soir de la participation. On parlait alors de fusionner intéressement et participation, de supprimer le blocage des sommes versées, bref de remettre à plat un dispositif qui marche.

En m’exprimant aujourd’hui devant vous, je témoigne de mon soutien plein et entier à ce projet de loi qui modernise et consolide la participation sans la démolir. La première qualité de ce texte est de réaffirmer les grands principes de la participation : la distinction entre participation et intéressement, le blocage de la participation à cinq ans, l’obligation faite aux entreprises de plus de 50 salariés de mettre en place un dispositif de participation.

Le texte améliore en outre le cadre juridique de la participation, en adoptant notamment des mesures sur la représentation des salariés actionnaires. Certes, ces mesures auraient pu être prises par voie réglementaire, mais certaines résistances se sont fait jour, qui justifient l’option législative.

Loin d’être une rupture, ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de précédents textes adoptés par différentes majorités. Il convient en effet de souligner ce point essentiel : la participation et l’épargne salariale ne sont pas, ou plutôt ne sont plus, un sujet de discorde entre la droite et la gauche.

Je souhaite rappeler ici les deux étapes majeures qui ont permis ce consensus. C’est d’abord l’important travail réalisé par mon collègue Jacques Godfrain en 1993, qui aboutit notamment à la création du Conseil supérieur de la participation. Aujourd’hui présidé par Franck Borotra, ce conseil réunit autour de la table syndicats de salariés, organisations patronales, actionnaires salariés et administration. Citons également la contribution décisive de notre collègue Jean-Pierre Balligand pour la diffusion de la participation ; la loi de 2001, qui a repris nombre de ses propositions, constitue une réelle avancée – syndicats et organisations patronales sont unanimes sur ce point. J’évoquerai enfin la création des PERCO en 2003.

Aujourd’hui, nous affinons encore le dispositif. Sous l’impulsion déterminée du président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, et avec l’engagement du rapporteur de ce projet de loi, Jean-Michel Dubernard, la participation avance. Si je me réfère aux quelques propositions émises dans le rapport La Participation pour tous, je ne peux qu’être satisfait du projet qui nous est proposé.

Nos débats permettront néanmoins de préciser certains aspects. Je pense notamment à la formule de calcul de la réserve spéciale de participation. Toute modification me semble périlleuse car aucune formule ne sera totalement satisfaisante pour toutes les entreprises. Il est préférable de mieux sécuriser les accords dérogatoires négociés dans les entreprises et tous favorables aux salariés : déroger à la formule ne signifie pas frauder, comme le pensent trop souvent les services de contrôle des administrations ou des URSSAF. Si l’on veut éviter une paralysie du système, il faut adresser un signe fort à destination de ces chefs d’entreprise qui sont convaincus des bienfaits de la participation pour leur société et leurs salariés mais expriment leur crainte des contrôles de l’URSSAF.

Dans notre rapport, Jacques Godfrain et moi-même proposions de créer un centre national de la participation, sorte de guichet unique d’information et de validation des accords de participation. Je crois que l’idée ne doit pas être abandonnée.

Je présenterai au cours de nos débats un amendement relatif au livret d’épargne salarial. En principe, ce livret existe déjà. Nous le devons à notre collègue Jean-Pierre Balligand. Mais, pour des raisons que la raison ignore, le ministre de l’économie de l’époque en a considérablement restreint la portée. Je vous proposerai donc de donner à ce livret d’épargne salariale sa véritable fonction informative. Que chaque salarié puisse disposer de ce document dès son entrée dans l’entreprise, et non uniquement au moment où il la quitte, est une mesure de bon sens et de popularisation. Je suis intimement convaincu qu’en créant la demande, ce livret, remis à chaque salarié, permettra à la participation de franchir un nouveau seuil.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. François Cornut-Gentille. La participation est une idée généreuse qui a su rassembler, depuis quelques années, l’ensemble des formations politiques. Elle fait l’objet d’un véritable consensus non seulement politique mais aussi syndical. Il nous faut préserver cet état d’esprit.

C’est avec cette ambition qu’au seuil de ce débat, je vous invite à éviter deux écueils. Celui, d’abord, qui consisterait à adopter une approche strictement financière de la participation. Certes, elle est pour les salariés les plus modestes leur seule épargne et leur permet d’accéder à la propriété ou de financer les événements heureux et malheureux de la vie. Les cas de déblocages anticipés, qui mériteraient d’être toilettés, sont là pour nous rappeler l’utilité de la participation.

Pourtant, en ne retenant que le seul aspect financier de la participation, on risque de privilégier des mesures de gestion qui ne profiteront qu’à un petit nombre. N’oublions donc pas que la participation, c’est aussi une association des salariés à la vie de leur entreprise, une meilleure compréhension des contraintes économiques qui pèsent sur les sociétés. La participation crée un nouveau climat social.

Le deuxième écueil à éviter est de vouloir trop légiférer. La participation incite au dialogue social dans l’entreprise, pour sa mise en place d’abord, sa mise en œuvre ensuite. Si la loi précise trop d’éléments, si les partenaires sociaux se voient enfermer dans un cadre juridique trop précis, à quoi bon négocier ? Légiférer à l’excès, c’est aller à l’encontre même des objectifs de la participation. Tâchons de nous en souvenir au cours de nos débats.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il faut surtout inciter.

M. François Cornut-Gentille. En un mot, la participation, c’est davantage un état d’esprit qu’une réglementation, davantage un projet de société qu’un pourcentage de pouvoir d’achat. Désormais, la participation nous rassemble par-delà les clivages. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à respecter les équilibres qui rendent possible ce consensus. Ne cherchons pas à faire un coup politicien, mais sachons faire progresser ensemble un projet politique aussi favorable aux salariés qu’aux entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur le développement de la participation et de l’actionnariat salarié comporte un titre III pudiquement intitulé « Dispositions relatives au droit du travail » et qui rassemble une série de mesures dont l’objectif n’est autre que de remettre en cause les droits collectifs des salariés et de fragiliser le contrat de travail.

C’est un véritable coup fourré auquel se livre le Gouvernement, qui ose, dans le même temps, alimenter sa communication en affichant un projet d’amélioration du dialogue social !

Après le CNE imposé par voie d’ordonnance, après le CPE adopté au 49-3, avant d’être finalement abandonné face à la mobilisation de la jeunesse, nous sommes de nouveau confrontés à une tentative de passage en force pour remettre en cause certaines dispositions essentielles du code du travail et proposer de nouveaux cadres juridiques, systématiquement défavorables aux salariés. Le Gouvernement a choisi cette fois la tactique de la quasi-clandestinité pour imposer ses projets malgré l’opposition de toutes les organisations syndicales.

Que viennent faire ces dispositions dans un projet sur la participation et l’intéressement ? Comment le Gouvernement peut-il prétendre nous proposer dans quelques semaines un projet de loi qui réserverait aux partenaires sociaux un temps de négociation avant toute modification législative du code du travail et faire aujourd’hui exactement le contraire ?

M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. Alain Vidalies. Les modifications majeures que le Gouvernement veut imposer n’ont fait l’objet d’aucune négociation préalable et constituent une agression contre l’idée même de dialogue social.

Il est vrai que vous êtes coutumiers du fait. Il suffit de rappeler qu’après avoir inscrit et voté le principe de la négociation préalable dans la loi Fillon, vous avez immédiatement ignoré vos propres engagements pour imposer le CNE et tenter d’imposer le CPE. Vous êtes, pour violation du dialogue social, en situation de récidive aggravée, qui justifiera une peine sévère, c’est-à-dire une sanction politique, une sanction électorale.

J’observe que la gravité de la situation et le détournement de l’objet du projet de loi a même heurté une partie de la majorité, qui, à l’initiative du rapporteur, a adopté en commission des amendements supprimant certains de ces articles inacceptables.

Je constate malgré tout qu’aucun des ministres qui sont intervenus ne nous a rassurés sur le sort qui sera fait à ces amendements de suppression. Le Gouvernement n’a pas su nous indiquer si le débat serait recentré sur le vrai sujet ni s’il renoncerait, conformément à nos attentes, aux articles incriminés.

J'espère, mesdames, messieurs de la majorité, que vous prendrez conscience d’avoir dépassé les limites et que les votes en commission ne seront pas, à l'issue de nos débats, à ranger au rayon des velléités.

Sous l'appellation trompeuse de « sécurisation des parcours professionnels », le Gouvernement nous propose de légaliser, dans certaines circonstances, le prêt de main-d'œuvre et de créer un congé de mobilité dont la principale caractéristique est d'inventer une nouvelle forme de rupture du contrat de travail.

Depuis 2002, nous sommes plus habitués, dans cet hémicycle, à débattre sur la création de nouveaux délits ou de l'aggravation des sanctions pénales qu’à voter des textes destinés à exclure certaines pratiques du champ de la sanction pénale. C'est pourtant ce que vous nous proposez avec l'expérimentation du prêt de personnel entre entreprises dans le périmètre des pôles de compétitivité. Il s'agit tout simplement d'éviter que ne soient sanctionnés les délits de marchandage et de prêt illicite de main-d'œuvre, réprimés à l'article L. 152-3 du code du travail. Certes, il s'agit d'une mesure réservée aux pôles de compétitivité et limitée dans le temps jusqu'au 31 décembre 2010, mais le Gouvernement la présentant lui-même comme une expérimentation, il faut s’attendre à une généralisation. Nous débattrons, lors de l'examen des articles et des amendements, de toutes les incertitudes qui pèsent sur la situation des salariés mis à disposition, notamment au moment du retour dans l'entreprise « prêteuse ».

J'insiste en outre sur les dispositions de l'article 16, qui précise que les salariés mis à disposition ne seront pas décomptés dans les effectifs de l'entreprise d'accueil. C'est décidément une constante, pour ce gouvernement, d'exclure systématiquement le maximum de salariés du calcul des effectifs requis pour la mise en place des institutions représentatives du personnel !

Toujours sous le label de la sécurisation des parcours professionnels, le Gouvernement propose la création d'un étrange « congé de mobilité ». Comment comprendre cette initiative dès lors que, manifestement, ce congé de mobilité aura pour principale conséquence d'éviter les congés de reclassement initiés suite à l'accord sur la gestion prévisionnelle des emplois ? Le champ d'application des deux dispositions est le même – à savoir les entreprises de plus de 1 000 salariés –, mais le coût pour l'entreprise sera moindre et, surtout, les droits des salariés fragilisés.

La différence majeure avec les dispositifs existants – congés de reclassement ou contrats de transition professionnelle –, qui sont des alternatives à une rupture du contrat, devenue quasiment inéluctable en raison des difficultés économiques de l'entreprise, c’est que, pour les congés de mobilité, aucune circonstance précise n'est évoquée, les critères d'éligibilité étant renvoyés à l'accord collectif.

Le cadre juridique proposé pour ce congé de mobilité constitue en réalité un nouveau moyen de rupture du contrat de travail qui, à la fin du congé, est réputé rompu « d'un commun accord ».

M. Michel Charzat. Exactement !

M. Alain Vidalies. Quid des droits du salarié à l'indemnisation chômage à l'issue de son congé s'il n'a pas retrouvé un emploi ? Le projet de loi n'apporte aucune réponse, alors que le risque de refus d'indemnisation est majeur, s'agissant de la rupture d'un contrat de travail « d'un commun accord », ce qui, en l’état actuel des règles, n’ouvre pas droit à l’indemnisation par l’UNEDIC.

En résumé, ce congé de mobilité apparaît en retrait par rapport au dispositif existant et il ne sécurise en rien le parcours professionnel, puisqu'en acceptant ce congé le salarié prend tout simplement le risque de se retrouver sans emploi et, peut-être, sans indemnisation chômage !

L'article 25 du projet de loi propose de créer un nouveau cas de recours à l'intérim. Parmi les mesures avancées par le Premier ministre dans sa conférence de presse du 17 janvier 2006, le plat de résistance était le CPE. Vous connaissez la suite de l'histoire… Mais une autre mesure, passée quasiment inaperçue, figurait dans ce plan : la possibilité donnée à une entreprise de recruter en contrat d'intérim un salarié qui ne dispose par ailleurs que d'un contrat à temps partiel. L'idée, reprise dans l'article 25, est présentée sous le sceau de l'évidence et pratiquement comme une bonne action en faveur de ces salariés. Il s'agit en réalité d'une modification essentielle des règles régissant le code du travail.

À ce jour en effet, les recours aux contrats à durée déterminée et aux missions d'intérim sont des exceptions limitativement prévues par la loi, à savoir, pour l'essentiel, le remplacement d'un salarié malade ou en formation, le surcroît temporaire d'activité ou certains travaux saisonniers. Tous ces cas de recours reposent sur une situation particulière de l'entreprise. Or, l'article 25 justifie le recours à l'intérim, non plus en raison de la situation de l'entreprise, mais de celle du salarié.

Il faut bien comprendre qu'avec ce système une entreprise qui ne peut aujourd'hui recruter en intérim parce qu'elle ne se trouve dans aucun des cas prévus par la loi, pourra le faire demain, au seul motif que le salarié a par ailleurs un contrat à temps partiel. Je précise qu'aujourd’hui, dans le droit positif, rien n'empêche cette entreprise de recruter ce même salarié dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et à temps partiel. Le changement des principes mêmes du recours à l'intérim va évidemment ouvrir une brèche qui justifiera ensuite le recours à l'intérim pour d'autres salariés en raison de leur situation particulière – les jeunes, les salariés âgés, les handicapés.

Il va sans dire qu’un tel bouleversement n'a jamais été négocié, ni même évoqué, avec les partenaires sociaux. Le Gouvernement a, d'ailleurs, déjà essayé de faire passer ce texte en catimini au Sénat par le biais d’un amendement à la loi sur l'égalité salariale. En reprenant ce texte aujourd'hui, malgré la censure du Conseil constitutionnel certes pour des raisons de forme, vous marquez une nouvelle fois votre volonté de généraliser la précarité du contrat de travail.

L'article 27 supprime la contribution Delalande à compter du 1er janvier 2006, ainsi que pour tous les salariés embauchés après la publication de la présente loi. Le groupe socialiste n'est pas favorable à cette suppression. C'est une pétition de principe que d'affirmer que l'existence de cette contribution empêche le recrutement des salariés de plus de quarante-cinq ans.

M. Guy Geoffroy. Mais non ! C’est le cas !

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas avéré ! Au départ, c’est le raisonnement inverse qui avait conduit au vote de la contribution Delalande – je rappelle que M. Delalande siégeait sur les bancs de la droite. Il avait été amené à mettre en place cette contribution pour éviter qu’en cas de difficultés économiques l’entreprise ne renvoie en priorité les salariés âgés …

M. Guy Geoffroy. Les temps changent !

M. Alain Vidalies. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, dès lors qu’une entreprise connaîtra des difficultés, les salariés âgés partiront en priorité. C’est regrettable, mais c’est comme cela que cela se passe dans notre pays. Supprimer la contribution Delalande est donc contraire à l’objectif partagé du développement de l’emploi des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – « Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

M. Alain Vidalies. L’article 30 a pour objectif d’organiser le contrôle du temps passé par les conseillers salariés à leurs activités prud’homales. Vous le savez, monsieur le ministre, ce projet rencontre l’hostilité des organisations syndicales. Elles relèvent à juste titre que le projet de décret soumis au Conseil supérieur de la prud’homie impose une approche exclusivement comptable et budgétaire qui ne tient aucun compte de la diversité et de la complexité des contentieux. Cette initiative est particulièrement inopportune, car elle risque d’altérer les conditions de fonctionnement d’une juridiction paritaire à laquelle nos concitoyens sont très attachés, qu’il s’agisse des entreprises ou des organisations syndicales.

L’article 32, qui exclut du calcul des effectifs les salariés intervenant dans l’entreprise en exécution d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service, est uniquement destiné à contrer une décision inverse de la chambre sociale de la Cour de cassation. Autrement dit, la chambre sociale de la Cour de Cassation a récemment rendu une décision. Celle-ci n’ayant pas eu l’heur de plaire à certains dirigeants du MEDEF, vous proposez une loi pour réfuter l’interprétation faite par le juge. Cela devait être dit clairement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas la Cour de cassation qui fait la loi, mais le Parlement !

M. Jacques Godfrain. C’est la dignité du Parlement que de voter la loi !

M. Alain Vidalies. C’est une véritable provocation que d’inclure une disposition limitant la prise en compte du salarié dans les effectifs dans un projet relatif à la participation des salariés à la vie de l’entreprise. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut vous reconnaître une certaine constance dans l’effort tendant à entraver la mise en place des institutions représentatives du personnel !

M. Jean Le Garrec. En effet !

M. Alain Vidalies. Après les salariés de moins de vingt-six ans, vient maintenant le tour de ceux qui travaillent dans une entreprise sous-traitante et de ceux qui sont mis à disposition dans le cadre d’un prêt de main-d’œuvre légalisé, prévu à l’article 22 du projet de loi.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. Guy Geoffroy. Caricature !

M. Alain Vidalies. Caricature, vraiment ? C’est bien vous qui avez exclu les moins de vingt-six ans et qui voulez exclure du calcul des effectifs les salariés mis à disposition dans le cadre d’un prêt de main-d’oeuvre ! Et cela, au détour d’un texte traitant de la participation !

Il y a loin des principes à la réalité, et les discours entendus hier sur le rôle des salariés dans l’entreprise résonnent comme autant de vœux pieux, étant entendu qu’en la matière vous êtes des croyants non pratiquants !

M. Jean Le Garrec. L’expression est plaisante !

M. Alain Vidalies. Vous avez ajouté à ce texte des dispositions relatives à la création d’un chèque-transport. Compte tenu de l’augmentation du prix des carburants, le groupe socialiste vous a demandé plusieurs fois, en vain, de rétablir le mécanisme de la TIPP flottante, lequel a l’immense avantage de bénéficier à tous les Français et à tous les salariés.

M. Philippe Auberger et M. Jacques Godfrain. Cela n’a rien à voir !

M. Alain Vidalies. Ce chèque-transport apparaît au contraire comme une mesurette puisqu’il n’a aucun caractère obligatoire, et il va, une nouvelle fois, creuser le fossé entre la situation des salariés des grandes entreprises et ceux des petites et moyennes entreprises.

M. Jean Le Garrec. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Probablement conscients des dégâts, dans l’opinion publique, d’un bilan qui marquera une période noire de notre histoire sociale (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous tentez manifestement, en cette fin de législature, de vous redonner un petit vernis social. Mais le naturel reprend vite le dessus ! Que les mesures que vous proposez soient adoptées maintenant ou réinsérées plus tard dans un autre support législatif, plus discret, ne change rien à l’affaire : nous ne sommes pas d’accord sur le fond.

Nous avons manifestement deux conceptions différentes des droits des salariés dans l’entreprise. Nous avons manifestement deux conceptions différentes du dialogue social. Ainsi, nos concitoyens pourront en toute connaissance de cause effectuer leur choix, au printemps prochain, sur le modèle social qu’ils veulent pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. C’est ringard !

M. Jean Le Garrec. Évidemment, dès qu’on utilise le mot « social », on vous traite de ringard : quel argument !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, imprégnée d’une vulgate marxiste véhiculée par la gauche et l’extrême gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Jean-Louis Idiart. Voilà quelqu’un qui n’est jamais sorti de son 7e arrondissement !

Mme Martine Aurillac. …où Marx, à supposer que sa pensée n’ait pas évolué, ne reconnaîtrait même pas ses idées, la France a beaucoup de peine à envisager les relations entre le capital et le travail autrement qu’en termes d’affrontement.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme Martine Aurillac. Notre histoire sociale, endeuillée de violences extrêmes au cours du XIXe siècle et inscrite dans nos gènes par la mémoire collective des origines de la République, reste marquée par la féroce répression des journées de juin 1848 et de la Commune.

La France n’est pas spontanément prête à voir l’entreprise pour ce qu’elle est, une association de fait entre le capital et le travail, ni à donner un cadre juridique à cette association. La Mitbestimmung de l’Allemagne d’Adenauer n’est pas devenue naturellement cogestion en France, malgré quelques visionnaires, Louis Armand ou Edmond Maire, qui en dessinaient les grandes lignes du temps de la IVe République.

Ce fut de Gaulle, revenu au pouvoir après une longue traversée du désert, période de méditation sur les archaïques divisions françaises, qu’il ne supportait pas, qui apporta la première solution constructive aux relations entre le capital et le travail…

M. Jean Le Garrec. Et le Conseil national de la Résistance ? Vous l’oubliez !

Mme Martine Aurillac. …à travers un symbole fort : l’ordonnance du 7 janvier 1959 sur la participation qui, toutefois, restait facultative. Presque huit ans plus tard, toujours signée par de Gaulle, l’ordonnance du 17 août 1967 a rendu la participation obligatoire, du moins dans les grandes entreprises.

M. Jean Le Garrec. Quelle falsification de l’Histoire !

Mme Martine Aurillac. Cette réforme de base, appliquée assez largement par les entreprises, a permis le développement progressif de la participation, de l’actionnariat salarié et de l’intéressement – ce qui n’est pas la même chose, les salariés étant également bénéficiaires, même quand ils ne sont pas actionnaires, des bons résultats de leur entreprise.

L’extension était toutefois nécessaire, notamment aux PME. De plus, la participation aux résultats et au capital est indissociable de la participation aux décisions et au fonctionnement de l’entreprise. La vigilance de nos collègues qui se sont fait une spécialité de la participation dans ses trois composantes, aux résultats, aux décisions et au capital – je pense notamment à Jacques Godfrain, aux rapporteurs Jean-Michel Dubernard et Patrick Ollier, à François Cornut-Gentille ou à François Guillaume, auteur d’un rapport sur les disparités européennes –, ainsi que les réflexions menées au sein du Conseil supérieur de la participation ont largement accompagné cette progression.

Le temps est venu d’aller plus avant, d’inscrire une nouvelle étape, pour la fierté de notre majorité, dans une longue histoire où figurent en bonne place les lois de 1986 et 1994. Et votre mérite, madame, monsieur les ministres, est de l’avoir élaborée dans une concertation exemplaire.

Je retiendrai plus particulièrement certaines dispositions auxquelles nos commissions ont largement contribué : la création d’un dividende du travail, sur la base d’un dialogue annuel et de la négociation, sous forme de supplément de participation ou d’intéressement ; le maintien du blocage de l’épargne sur cinq ans ; le mécanisme d’accords par branche sécurisés qui permettrait l’extension de l’actionnariat à toutes les entreprises, y compris celles de moins de cinquante salariés, qui doit absolument être encouragée par des dispositions incitatives ; l’amélioration de la participation au capital et à la gestion de l’entreprise ; la rénovation du livret d’épargne salariale, PER et PERCO ; la sécurisation des parcours professionnels, ainsi que l’intégration du plan pour les seniors.

Par ailleurs, nos commissions ont encore apporté leur pierre à l’édifice en éliminant quelques articles superfétatoires et en adoptant les deux amendements du président Balladur, l’un visant à la consolidation de la place légitime des administrateurs salariés dans les sociétés privatisées, l’autre proposant pour les dirigeants un meilleur encadrement de la levée de leurs options par le conseil d’administration ou de surveillance.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Très bien !

Mme Martine Aurillac. Par ailleurs, les commissions ont insisté à juste titre sur l’aspect avant tout humain de ce texte, qui porte un vrai projet de société, où tout le monde finalement peut être gagnant, tant il est vrai qu’il est urgent de retrouver une confiance collective pour avancer ensemble.

M. Guy Geoffroy. Très juste !

Mme Martine Aurillac. Reste le seuil de 3 %, dont il faut peut-être débattre encore, et la gestion de la fonction publique et des sociétés nationales dont il faudra bien se préoccuper un jour.

Le projet du Gouvernement, que l’agitation préélectorale ne paralyse nullement, permet ainsi de renforcer le dialogue social en même temps que la solidité et la compétitivité de nos entreprises.

Il rappelle aussi, et c’est essentiel, que la valeur du travail et de la réussite, que semble découvrir bien tardivement une candidate socialiste à la fonction présidentielle,...

M. Guy Geoffroy. Est-elle vraiment socialiste ?

M. Jean-Louis Idiart. Parlez d’elle, c’est excellent !

Mme Martine Aurillac. …ne peut se dissocier du sens que chacun donne à sa tâche et de la dignité de celui qui l’exerce.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Très bien !

Mme Martine Aurillac. Parce que ce texte emblématique et consensuel concerne tous les salariés, parce qu’il donne une véritable lisibilité et un contenu concret à ce qui restait souvent jusqu’alors, reconnaissons-le, un beau concept, parce qu’il est à nos yeux une valeur qui repose sur la confiance et la responsabilité, il répond dans l’ensemble d’une façon claire, pragmatique et mesurée, à nos attentes. C’est pourquoi je voterai très volontiers ce texte de progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi en discussion revêt une grande importance pour tous ceux qui, comme moi, et ils sont nombreux sur les bancs de notre assemblée, se revendiquent du gaullisme social cher aux fondateurs de la Ve République et illustré, il y a quarante ans, par des parlementaires aussi prestigieux que René Capitant ou Louis Vallon, dont les noms ont déjà été cités.

Outil de dialogue entre salariés et dirigeants d’entreprise, sorte de troisième voie entre l’économie étatiste et le libéralisme sauvage, la participation a désormais droit de cité, comme en témoignent les quelque six millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de plus de cinquante personnes, actuellement concernés par ce système.

Quant à l’intéressement, qui permet aux salariés de bénéficier des fruits de la croissance, il concerne aujourd’hui 3,8 millions de salariés dans notre pays. Au total, près de 9 millions de Français ont bénéficié de ce dispositif en 2005, contre 8,5 millions en 2004. Le versement moyen par salarié au titre des différents dispositifs atteignait 1 834 euros en 2003 et dépasse aujourd’hui 2 000 euros. À ceux qui en douteraient, la participation, cela marche !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Arlette Grosskost. Nombre de pays démocratiques, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, ont depuis longtemps mis au point des systèmes de participation dont l’objectif est de placer l’homme au centre de l’entreprise. C’est ce que conforte et rappelle avec justesse le projet de loi.

Je souligne avec force que la participation doit s’inviter davantage dans les PME et les TPE, authentique tissu économique de notre pays, qui recèlent un gisement essentiel en matière de création d’emploi. Pourtant, seulement 7 % des entreprises de moins de cinquante salariés associent ceux-ci aux résultats. Ce pourcentage est évidemment beaucoup trop faible, quand on sait que, en 2005, des dizaines de milliers d’emplois ont été créés dans les PME et les TPE, si pleines de vitalité et dont la capacité d’innover ne peut être contestée. Pourquoi leurs salariés seraient-ils oubliés ? Pourquoi seraient-ils exclus des fruits de la croissance ? Répondre à ces deux questions permettra d’instaurer une authentique culture d’entreprise.

Il faut néanmoins apporter un bémol : le dispositif de participation doit être le fruit d’un dialogue social et non une mesure impérative.

Je salue les mesures qui répondent intelligemment aux attentes et aux préoccupations légitimes des salariés, notamment une meilleure prise en charge de leurs frais de transport, qui facilitera leur mobilité professionnelle, ou encore la reconnaissance de leur expérience. Car c’est aussi cela, la participation : un partenariat à l’intérieur de l’entreprise entre dirigeants et salariés, qui se mobilisent pour concilier efficacité économique et justice sociale. En effet, l’entreprise est une société non seulement de capital, mais aussi de personnes, dans laquelle interviennent, avec des responsabilités spécifiques, ceux qui fournissent le travail nécessaire à son activité et ceux qui collaborent par leur travail.

La création du CESU, le chèque emploi service universel, participe – sans jeu de mots ! – de cette philosophie. Il répond en effet à trois objectifs : fidéliser les salariés en facilitant leur vie quotidienne, optimiser leur temps de travail et offrir aux employeurs la possibilité d’améliorer leur politique sociale tout en bénéficiant d’avantages sociaux.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Arlette Grosskost. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui préfigure d’une certaine façon l’entreprise de demain : une entreprise dans laquelle les mots « profit », « travail », « effort » et, en cas de difficulté économique conjoncturelle, « sacrifice » ne seraient plus des mots tabous et qui rangera définitivement au magasin des accessoires l’idéologie des 35 heures, dont on connaît les résultats catastrophiques.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très juste !

Mme Arlette Grosskost. C’est à dessein que je parle d’idéologie, car promouvoir la participation, c’est dépasser les clivages idéologiques…

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme Arlette Grosskost. …en privilégiant la réussite collective sur le plan social, économique ou financier, et en laissant le moins possible de nos concitoyens sur le bord du chemin.

Le général de Gaulle, visionnaire s’il en fut, ne pensait pas autre chose en écrivant dans ses Mémoires que « la participation est une brèche dans le mur qui sépare les classes. » La promouvoir, c’est aussi, je le répète, redonner ses lettres de noblesse, comme l’a rappelé Mme Aurillac, à la valeur travail, condition indispensable pour que notre économie retrouve une croissance satisfaisante. Tous les indicateurs en témoignent : nous sommes sur la bonne voie.

Enfin, promouvoir la participation, c’est faire acte de patriotisme économique.

Toutefois, avant de conclure, je tenais à soulever un problème qui m’interpelle particulièrement et qui n’a rien d’anodin. Certaines actions gratuites distribuées aux salariés et versées dans un PEE suivent, à ce titre, le sort de toutes les actions du PEE. Mais, si l’entreprise est un jour en difficulté, voire liquidée, les salariés doivent-ils constater la disparition partielle ou totale de la valeur patrimoniale de leurs actions, qui constitue le fruit même d’une partie de leur travail ? Qu’en est-il d’une participation qui risque de disparaître, alors que, dans l’esprit des salariés, c’est à l’évidence une créance qu’ils sont en droit de toucher à terme ?

Il convient – j’y insiste – que les salariés actionnaires, à l’instar des autres actionnaires et des chefs d’entreprise, aient pleinement conscience du risque capitalistique qu’ils ont pris et qu’ils y soient sensibilisés. De la même façon, il convient d’attirer l’attention des salariés actionnaires, qui intégreraient la gouvernance de l’entreprise via les conseils d’administration ou les conseils de surveillance, sur la nature même de leur participation aux actes de gestion et donc aux responsabilités qui en découlent sur le plan tant civil que pénal.

Vous l’avez compris, je suis favorable au développement de la participation sous toutes les formes abordées par le projet de loi. Mais ses principes, les mêmes pour tous, doivent être bien compris de chacun et abordés pleinement par le dialogue social.

Pour terminer, je formulerai un souhait, encore qu’il soit explicite dans ce projet de loi : que la participation redevienne une idée neuve, généreuse, comprise à la fois par ses acteurs bénéficiaires et par le grand public. Je souhaite ainsi que ce texte marque le coup d’envoi d’un rendez-vous qui fera retrouver à notre pays croissance, compétitivité, emploi, rayonnement international et qui marquera surtout le retour à une vraie culture d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous abordons constitue le trait d’union entre l’exigence de cohésion sociale, à laquelle nous sommes attachés, et celle de compétitivité économique. C’est donc d’un véritable projet de société que nous discutons. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Depuis le milieu du XIXe siècle, l’actionnariat salarié est apparu comme une réponse à la question sociale née avec l’essor de la société industrielle. Conçu par des théoriciens, expérimenté par des chefs d’entreprise, concrétisé par le législateur, il n’est toutefois devenu une réalité vivante que dans le cadre de la politique de la participation voulue par le général de Gaulle. Clé de voûte de la société de demain, selon l’expression de ce dernier, la participation peut prendre trois formes : participation aux résultats, au capital ou à la gestion de l’entreprise. C’est ce que M. Larcher appelle l’enracinement du salarié.

Certes, l’actionnariat des salariés est longtemps resté le parent pauvre de la participation à la française mais, selon l’excellent rapport de notre collègue François Guillaume, la France compte aujourd’hui parmi les meilleurs élèves de l’Union européenne.

Le projet de loi, résultat d’une longue concertation faisant suite notamment aux travaux de M. Godfrain et M. Cornut-Gentille – qu’il faut féliciter – apporte une vraie réponse aux fractures de la société, comme le disait récemment Jean-Pierre Raffarin. Il s’inscrit dans la politique de l’emploi que mène le Gouvernement et qui porte actuellement ses fruits. Aujourd’hui, c’est une ambition supplémentaire qui nous est proposée, une ambition pour tous car, ainsi que le souligne le rapport, la participation présente des avantages à la fois pour les salariés et pour les entreprises.

Comme le dit Patrick Ollier de manière admirable, l’homme est au cœur de l’entreprise. Nous devons faire en sorte que le projet de loi contribue à revaloriser le pouvoir d’achat. Les ménages, en particulier modestes, savent que la participation leur permet de se constituer un capital, pour accéder à la propriété, par exemple. Un milliard d’euros d’épargne salariale sont ainsi utilisés chaque année pour l’acquisition d’une résidence principale ou la constitution d’un complément de retraite.

Votre texte nous paraît complet et pragmatique, car il entame une rénovation en profondeur des règles qui encadrent la participation et l’intéressement. Il permet aux salariés de bénéficier davantage des fruits de la croissance, grâce aux différentes formes d’actionnariat salarié. Je rappelle que 39,7 milliards d’euros sont déjà investis par les salariés en titres d’entreprises.

Autre objectif important du texte : la participation des salariés à la vie de l’entreprise. Cela passe par un dialogue social interne dynamique et fondé sur des rapports de confiance. Leur représentation aux conseils d’administration ou de surveillance est une exigence, mais je sais que la barre des 3 % du capital fait l’objet d’un débat. Il s’agit en tout cas de concilier les intérêts de l’entreprise, des salariés et des actionnaires.

Ce texte vise à étendre l’utilisation encore peu répandue de la participation, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Mais il faut que le dispositif soit souple pour les entreprises de moins de cinquante salariés et que les branches négocient des accords sur étagère, afin que cette mesure incitative puisse s’appliquer dans le respect des spécificités des entreprises. N’en doutons pas, l’esprit de la participation ne peut être limitatif. Il convient de sensibiliser le plus grand nombre d’acteurs – chefs d’entreprise, salariés – en les accompagnant dans leur démarche. La participation doit avant tout être un vecteur de motivation et Jean-Michel Dubernard a eu raison de mettre l’accent sur la nécessité d’approfondir l’association des salariés à la vie de leur entreprise.

La participation au fonctionnement de l’entreprise est fondamentale, en raison des valeurs de respect et de considération pour les personnels et les collaborateurs dont elle est porteuse.

La participation aux résultats est un autre axe du projet de loi, car il est logique que le salarié qui fait l’effort de s’adapter aux besoins de l’entreprise en recueille les fruits.

Enfin, le texte concerne la reprise d’entreprises par les salariés eux-mêmes. En effet, la défense de nos entreprises et, plus largement, de notre potentiel économique et industriel face aux OPA qui pourraient lui être hostiles est une nécessité. C’est tout l’objet de ce qu’il convient d’appeler le patriotisme économique.

En conclusion, je dirai que le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié est novateur et positif, dans la mesure où il tend à renforcer le dialogue social, à mieux associer les salariés à la marche de leur entreprise, à mobiliser l’épargne collective pour les entreprises et à moderniser la participation et l’actionnariat salarié.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Bernard Perrut. La philosophie de ce projet est avant tout économique, mais elle est aussi sociale, financière et culturelle. Participer signifie « prendre part à ». Il ne s’agit ni d’opposer les Français entre eux, ni d’opposer libéralisme et collectivisme mais, au contraire, de retrouver cette troisième voie, chère au général de Gaulle, qui demeure une idée moderne.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Perrut.

M. Bernard Perrut. Je conclurai par deux citations, madame la présidente. La première sera de Mirabeau, qui écrivait : « Réprouver les capitalistes comme inutiles à la société, c’est s’emporter follement contre les instruments même du travail. » La seconde sera de Patrick Ollier (Sourires) : « Il s’agit d’associer le travail et le capital. C’est un projet de société. » J’ajouterai que ce projet est porteur d’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. Espérons que M. Ollier ne finira pas comme Mirabeau !

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur l’article 44, cavalièrement inséré dans ce projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié, puisqu’il vise à autoriser les sociétés sportives professionnelles à accéder au marché boursier.

Catastrophique pour l’éthique sportive, ce texte est le fruit d’un lobbying pugnace et revendiqué, ce qui ne rehausse, loin s’en faut, ni le prestige de l’action parlementaire ni celui du Gouvernement. Il marque en outre une reculade du ministre des sports, des sportifs et de la vie associative. M. Lamour, champion amateur de grande renommée, n’a en effet jamais cessé de clamer son opposition à l’entrée des clubs sportifs en bourse, vieille revendication de quelques places fortes du football français adeptes du « toujours plus », qui estiment que, pour rivaliser avec les grands clubs européens, il suffit d’obtenir des avantages du ministre de tutelle.

Ainsi, la loi du 1er août 2003 a permis l’association des organisations à but lucratif aux pouvoirs fédéraux et la cession des droits télé aux clubs. Puis la proposition de loi du 15 décembre 2004 a permis que 30 % des salaires des joueurs professionnels échappent aux charges sociales au titre d’un « droit à l’image collectif ». Il me revient également en mémoire une réunion, organisée au ministère des sports le 31 janvier dernier, pour la remise d’un rapport sur le sport professionnel, qui rassemblait toutes les personnalités des fédérations et ligues des sports collectifs : le foot, le rugby, le basket-ball et le handball. Le débat était surréaliste, à la limite du cynisme, sur le thème : « Supprimez-nous toutes ces charges qui nous empêchent de faire du business avec nos malheureux millionnaires et dégagez-nous la piste des bénéfices. Et que ça saute ! » J’avais honte pour eux, les imaginant face à leurs supporters fauchés, mais passionnés au point de contracter des emprunts pour payer leurs abonnements et peut-être, demain, pour acheter des actions de leur club, en rêvant secrètement de plus-values aléatoires.

La conclusion de ces dérives ultra-libérales et indécentes au regard du modèle sportif, c’est cet article 44. Une digue de plus s’effondre sous les coups de boutoir des marchands. Je ne mets en cause ni la lucidité du ministre Lamour ni son honnêteté intellectuelle et sportive, mais je lui reproche de ne pas avoir engagé un bras de fer avec les instances européennes qui, aiguillonnées par nos dirigeants sportifs de corbeille, ont mis deux fois – les 1er avril 2004 et 14 décembre 2005 – la France en demeure d’autoriser la cotation des clubs en bourse.

Il fallait s’opposer à Bruxelles au nom de l’éthique sportive et des aspirations profondes du peuple français concernant l’Europe, tout en rappelant l’expérience malheureuse des clubs européens de football dans ce domaine. Il ne fallait céder ni à l’Europe, qui se trompe de combat, ni à la pression des prétendants français au mirage boursier. Cette affaire me rappelle cette scène de Pagnol, dans le port de Marseille, quand Escartefigue demande au moussaillon chargé de faire traverser le port aux clients : « Ils sont combien ? » et que celui-ci lui répond : « Ils sont un ! » Tout le monde sait de qui il s’agit, n’est-ce pas, monsieur le président Dubernard ? D’aucuns prétendent que d’autres grands clubs seraient intéressés par cette aventure. Les pauvres ! Il faudrait d’abord qu’ils comblent, dans leur budget, des trous aussi grands que l’île de Guam ou que celui de la sécurité sociale !

On pourrait nous rétorquer que nul n’est obligé de faire ce que l’article 44 vise à autoriser. Mais l’esprit de responsabilité, qui devrait être celui du Parlement et du Gouvernement, exigeait que l’on contraigne les divers pouvoirs en charge de ce dossier à passer préalablement par des étapes nombreuses et périlleuses. Il faudrait tout d’abord purger tous les tuyaux malodorants qui relient actuellement les clubs, les dirigeants, les joueurs et les agents aux commissions occultes, aux rétro-commissions, aux comptes secrets et aux paradis fiscaux, et qui valent à certains de figurer à la rubrique des « faits divers », d’être placés en garde à vue ou de se défendre dans les prétoires. Il faudra du temps, de la sueur et des larmes, du courage et de la volonté politique pour nettoyer les écuries d’Augias !

Il convient de mettre sur le compte soit de l’autodérision, soit de l’inconscience, ce commentaire inénarrable de l’Union professionnelle des clubs français de football : « L’accès en bourse représente un pas de plus vers la transparence des finances et la qualité de la gouvernance des clubs. » On frémit, quand on sait toutes les combines qui existent dans ces sociétés, quand on apprend que près de la moitié des sociétés sportives de football préfèrent payer des amendes plutôt que d’ouvrir leurs comptes et quand on connaît les procès passés et en cours. De grâce, un peu de pudeur !

Le ministre Lamour avait promis que ce texte, présenté malgré lui, comporterait des garde-fous, notamment en ce qui concerne les stades – et vous savez à qui je pense, monsieur Dubernard. C’eût été un moindre mal et une épine de moins dans le pied des contribuables locaux. Mais où sont passés les garde-fous ? Mystère !

Qu’en est-il des clubs de football européens cotés en bourse ? En Angleterre, les sept clubs concernés n’ont pas augmenté la valeur de leur action. En Allemagne, le seul club de Dortmund a vu sa cote divisée par six, faisant reculer le Bayern de Munich et le Herta Berlin. En Italie, ce fut un fiasco pour les trois clubs cotés à la bourse de Milan – le Lazio de Rome, l’AS Roma et la Juventus de Turin – dont le cours des actions s’est effondré, entraînant la ruine des porteurs et la mise en examen de soixante personnages importants du football italien. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que le Parlement italien avait autorisé la cotation malgré les réticences de l’autorité boursière, qui avait souligné l’ampleur des risques pour les investisseurs.

Jamais la Commission n’aurait dû contraindre la France à foncer dans cette impasse. L’initiative des eurodéputés, qui ont décidé de légiférer sur l’avenir du sport professionnel, notamment en matière d’harmonisation des statuts des agents et des pratiques en général, en apportera probablement la preuve. Leur position rejoint d’ailleurs celle du groupe socialiste, qui a déposé une proposition de résolution pour la création d’une commission d’enquête sur les conditions des transferts des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs. On attend la fumée blanche ! Faudra-t-il attendre que la France connaisse les mêmes maux que l’Italie ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le PSG et l’OM, ce n’est pas mal non plus !

M. Henri Nayrou. Je ne parle bien sûr ni de la finale de la Coupe du monde ni du coup de tête de Zidane, mais du coup de poker du ballon dans la corbeille. Mêler la bourse au sport est un vrai marché de dupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous écoutant hier soir, messieurs les présidents et rapporteurs, et sentant planer sur vous l’ombre portée du général de Gaulle, je me suis souvenu du grand débat des années soixante – j’étais alors jeune ingénieur inscrit à la CGC – sur l’association capital-travail qu’avait préconisée René Capitant. Cette idée m’avait paru à première vue séduisante mais pleine d’ambiguïté, et je n’ai pas changé d’avis.

L’amélioration des relations sociales, réelle depuis quarante ans, n’est pas due à idée selon laquelle on peut confondre les intérêts des salariés et ceux des actionnaires, intérêts qui sont par nature différents et qui ne peuvent se rapprocher que par la négociation.

Cette négociation au niveau de l’entreprise et de la branche d’activité est devenue la règle entre les syndicats de salariés et les chefs d’entreprise, qui jouent chacun leur rôle dans un pays qui a, semble-t-il, fini par accepter l’économie de marché et le capitalisme libéral. Certes, le mot « libéral » est difficilement accepté par certains de mes amis, je le sais – sans parler de mes adversaires, naturellement –, peut-être même par le Président de la République, pour qui j’ai cependant beaucoup de respect.

Le partage de la valeur ajoutée des entreprises entre ceux qui y travaillent et ceux qui y apportent leur argent sera toujours un problème majeur de notre société. Il n’y a pas de miracle : les salariés souhaiteront toujours des salaires plus élevés tandis que les actionnaires miseront sur un retour sur investissement durable et conséquent. Tout l’art du manager et du patron de PME est de trouver l’équilibre entre ces aspirations afin de motiver l’une et l’autre. Tout l’art du législateur est de veiller au respect de l’égalité des chances entre ces deux parties dans la négociation et de s’assurer de la transparence des négociations. Bien entendu, la limite de toutes les formes d’intéressement, d’épargne, de motivation, des dirigeants comme des salariés, est la capacité de l’entreprise à rester compétitive dans son domaine d’activité. C’est au manager de l’entreprise ou au patron de PME d’apprécier cette situation, et pas au législateur, sinon pour y inclure d’éventuelles incitations fiscales.

De nombreuses mesures visant à motiver les salariés ont été prises depuis quarante ans : l’intéressement, la participation aux résultats, le développement de l’actionnariat populaire, les plans d’épargne en entreprise. J’y ajoute ce qui est souvent oublié : les chèques restaurant, les chèques vacances, et les nouveaux CESU. Avec son projet de loi, le Gouvernement a le mérite de faire un pas de plus dans cette direction en élargissant l’intéressement aux PME et en proposant de nouveaux outils aux entreprises pour mieux faire participer encore les salariés à la vie de leur entreprise. Cette loi va dans le bon sens car, dans sa rédaction actuelle – j’insiste sur cette précision –, elle reste dans l’esprit du volontariat et de l’amélioration du dialogue social.

Le président Ollier, hier soir, a rappelé l’importance des mots. Une grande confusion règne souvent, en effet, quand on parle de « participation », d’« intéressement », ou d’« actionnariat salarié ». S’il s’agit de décisions négociées, d’attribution de primes sur résultats, de distribution d’actions aux salariés à des conditions privilégiées, je n’y vois rien à redire. Il en va tout autrement s’il s’agit d’obliger les entreprises, en particulier les PME, à répartir leurs profits de façon systématique entre salariés et actionnaires, ou de créer un corps constitué d’« actionnaires salariés », c’est-à-dire d’en venir à une sorte de cogestion. Je suis très opposé à cette idée – que je qualifierai amicalement de farfelue – de « dividende du travail », qui pourrait être systématiquement accolée à celle de dividende des actionnaires. Car la principale rémunération du travail, c’est le salaire et les primes qui l’accompagnent : le salaire différé ou non, épargné dans un PERCO ou non, augmenté ou non grâce à un intéressement ou une participation, mais le salaire. Le dividende, lui, représente la part des résultats que l’actionnaire, salarié ou non, reçoit en rémunération de son risque après avoir décidé ce qu’il convenait de laisser à l’entreprise pour lui permettre d’assurer son développement. Ce sont deux choses bien distinctes. L’introduction de la notion de « dividende du travail » créera, notamment en raison de l’homonymie que celle-ci présente, une confusion inévitable dans l’esprit des salariés qui ne manqueront pas de réclamer, chaque fois qu’il y aura un dividende pour les actionnaires, l’attribution de ce qu’ils tiendront très vite comme un droit.

Pour conclure, permettez-moi, messieurs les présidents de commission, de freiner amicalement votre enthousiasme sur le mythe de l’association capital-travail, en laquelle vous voyez la condition de toute paix sociale et d’équilibre entre dirigisme et libéralisme.

M. Jean-Pierre Balligand. Nous y voilà ! Libéralisme et marxisme !

M. Jean-Jacques Descamps. Le capital et le travail sont les deux principales composantes d’une entreprise qui marche. Ils ont chacun leur rôle à jouer. Respectons-les tous les deux, associons-les par la négociation mais, de grâce, ne les confondons pas obligatoirement dans la gouvernance de l’entreprise !

Je tenais à vous faire part, madame le ministre, monsieur le ministre, de ces quelques réflexions que je crois de bon sens. De mon point de vue, votre projet de loi est un texte équilibré et rassembleur. Il a fait l’objet d’une négociation préalable avec les partenaires sociaux, ce dont je vous félicite, mais je souhaite vivement que ses dispositions relatives à l’intéressement et à la participation soient conservées en l’état. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Balligand. Le minimum minimorum ! Je comprends que Vallon et Capitant aient eu tant de mal à présenter la participation !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s’accorde à reconnaître l’importance financière, sociale et, plus encore, politique, de la participation et du développement de l’actionnariat salarié. Il s’agit d’abord de l’un des moyens susceptibles d’atténuer, sinon de supprimer la coupure entre les détenteurs du capital et les salariés de l’entreprise. Surtout, il s’agit de permettre aux salariés de participer aux résultats financiers ainsi qu’au capital des entreprises – ce qui constitue un élément stabilisateur du capital et de cohésion au sein de l’entreprise, comme on a pu le vérifier lors de certaines offres publiques d’achat. C’est également permettre aux salariés une participation à la décision, notamment à la prise de risque, au choix des perspectives d’avenir, notamment pour assurer la pérennité de l’entreprise, ce qui constitue l’amorce d’un dialogue social important.

Le nombre de bénéficiaires de la participation et de l’intéressement est loin d’être négligeable : 8,5 millions de salariés sont concernés et près de 13 milliards d’euros ont été distribués durant l’année 2004. La participation et l’intéressement constituent d’ailleurs souvent la seule épargne financière d’un certain nombre de ménages.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Exactement !

M. Philippe Auberger. Cependant, il y a encore des progrès à faire : les entreprises de plus de cinquante salariés doivent appliquer correctement le minimum de leurs obligations et, si possible, aller nettement au-delà, tandis que les plus petites entreprises doivent développer les accords et obtenir une extension effective, ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle.

Le texte qui nous est soumis apporte un certain nombre d’avancées significatives. Ainsi, en introduisant la notion de dividende du travail, il permet d’effectuer le partage des fruits de la croissance selon des critères pérennes et, en généralisant certaines formules dérogatoires, d’assurer un supplément d’intéressement moyennant certaines contraintes, notamment en ce qui concerne la disponibilité des sommes attribuées.

D’autre part, il crée une nouvelle forme d’intéressement dite « intéressement de projet », destinée notamment aux filiales d’un même groupe, ce qui est important pour la cohésion du groupe. Il prévoit également l’institution d’un comité de suivi des accords d’intéressement, qui ne peut que favoriser l’amélioration du dialogue social, souhaitée par tous. Grâce à ce texte, les accords de branche seront développés dans les secteurs disparates ; les accords auront plus de poids vis-à-vis de l’administration et des organismes de recouvrement des cotisations sociales ; l’épargne salariée sera sécurisée dans le cadre des plans d’épargne en entreprise.

Le projet de loi comporte deux mesures particulièrement importantes.

Il s’agit, d’une part, du développement des actions gratuites attribuées aux salariés, pouvant être placées dans un plan d’épargne d’entreprise, assorties d’un certain nombre d’avantages, notamment financiers, si elles sont indisponibles pendant cinq ans, et pouvant faciliter la transmission ou la reprise de l’entreprise par les salariés dans le cadre des fonds communs de placement.

Il s’agit, d’autre part, de l’association des salariés à la marche des entreprises par le renforcement de la représentation des actionnaires salariés dans les organes de décision des entreprises cotées, dès lors que ceux-ci possèdent plus de 3 % du capital.

J’ai néanmoins quelques regrets.

Premièrement, les vingt et un articles du texte accroissent la complexité du système de l’intéressement et de la participation, ce qui peut avoir un effet répulsif sur certaines petites et moyennes entreprises. Certes, on espère beaucoup des accords de branche, mais il y a là un risque sérieux d’accroître la coupure entre les salariés des grandes entreprises, qui ont forcément accès à ce type d’intéressement ou de participation, et les salariés des petites et moyennes entreprises, qui n’y ont pas ou peu accès. Dans ces conditions, et puisque le Gouvernement propose de différencier davantage les entreprises de moins de vingt salariés en matière d’allégement des cotisations sociales, il serait peut-être opportun de réfléchir, éventuellement dans le cadre de la prochaine législature, à rendre la participation obligatoire aux entreprises à partir de vingt salariés.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est ce que je souhaite !

M. Philippe Auberger. Et je vous approuve tout à fait !

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Auberger !

M. Philippe Auberger. En ce qui concerne les grandes entreprises, il convient à mon avis de mettre encore plus l’accent sur la diffusion du capital. Les entreprises pourraient par exemple être obligées de réserver une partie de chaque augmentation de capital à leurs salariés, avec la décote d’usage. On pourrait aussi leur demander d’élaborer un plan de développement de l’actionnariat pour parvenir, en quelques années, aux 3 % qui déclenchent l’accès des salariés actionnaires aux conseils d’administration et de surveillance.

Enfin, mon dernier regret est de voir des dispositions si importantes noyées dans la masse d’un projet de loi qui comporte trop d’articles, ce qui atténuera leur effet. Je pense toutefois que mes préoccupations pourront être satisfaites ultérieurement. Le groupe UMP approuve votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, vous avez rappelé l’historique de la participation et la détermination de son illustre promoteur, le général de Gaulle, convaincu que le dialogue social devait progressivement se substituer aux comportements d’autorité – par là même conflictuels – qui marquaient les relations entre le patronat représentant le capital et les salariés, apporteurs de travail, au sein des entreprises. C’est ainsi qu’est né ce concept de participation, dont plusieurs orateurs ont signalé les étapes dans le temps, toutes à l’initiative du général de Gaulle et de ceux qui se recommandent encore de lui.

Je n’y reviendrai pas et m’attacherai plutôt à tirer quelques leçons de la comparaison que j’ai pu présenter à la délégation pour l’Union européenne de notre assemblée, entre trois types de participation qui existent à l’étranger et qui répondent à des philosophies et à des objectifs différents : le système britannique dont la logique est strictement financière, son objet étant de fidéliser les salariés par la distribution d’avantages financiers en actions – de la seule entreprise dans laquelle ils travaillent ; le système allemand qui, à l’inverse, est fondé sur la cogestion, requérant la présence quasi paritaire des représentants des salariés au conseil d’administration dans les plus grandes entreprises ; le système américain, qui repose sur l’acquisition volontaire par les salariés, grâce à divers dispositifs avantageux, d’actions ou d’obligations des sociétés de leur choix dont le profit alimentera un régime de retraite par capitalisation pour faire face à la grave insuffisance des pensions du régime par répartition.

Le système français est plus complet car il comporte deux volets : la participation aux résultats financiers, mais aussi à la marche de l’entreprise par la présence – cas néanmoins trop rare – de représentants du personnel au sein du conseil d’administration avec voix délibérative.

Compte tenu de la mondialisation croissante et de la diversité des situations dans l’Union européenne et à l’extérieur, on comprendra la difficulté des grands groupes internationaux implantés dans divers pays d’avoir une approche globale, homogène et équitable de la participation au profit de tous leurs salariés.

Aussi estimons-nous nécessaire qu’au moins dans l’Union européenne la Commission, en dépit de ses réticences manifestes, use de son droit d’initiative pour mettre en place un cadre juridique communautaire de négociation transnationale et qu’elle propose un modèle homogène des exonérations fiscales et sociales d’incitation à la distribution d’actions aux salariés et de stock-options aux mandataires sociaux. Ce serait déjà un bel effort de clarification et un début d’harmonisation communautaire.

Mon deuxième sujet de préoccupation porte sur le décalage croissant entre les progrès de l’intéressement des salariés aux résultats de l’entreprise et la quasi-stagnation constatée de leur participation aux conseils d’administration.

Si les réticences à l’entrée de salariés dans les instances de décision des entreprises – celles du patronat par prudence et celles, par principe, de certaines centrales syndicales ouvrières – sont connues, il faut signaler tout de même que la diversification actuelle des placements des plans d’épargne enlève de la justification à la participation des salariés aux organes de décision. Je m’explique : lorsqu’un salarié place uniquement ses économies dans les actions ou obligations de son entreprise – comme en Grande-Bretagne –, son épargne au titre de son PEE contribue au financement de cette entreprise. Il est alors fondé en tant qu’apporteur d’industrie et de capital à réclamer un droit de regard sur la stratégie et la gestion de son entreprise. C’est moins évident lorsqu’il diversifie – certes par mesure de sécurité – ses placements dans un PEI ou un PERCO car le lien capital-travail s’atténue du fait de cette diversification et on s’éloigne alors de la philosophie gaulliste de la participation pour se rapprocher des placements classiques sécurisés proposés par les banques.

Je terminerai ce tour d’horizon comparatif rapide en signalant que, si les abus sur les stock-options ont précédé aux États-Unis ceux que nous déplorons en France, le reflux de leur usage y est aussi plus précoce. En effet, l’argument du dirigeant exceptionnel dont le talent incomparable mériterait plus que les honneurs est contrebattu par le résultat d’une étude démontrant que, si le PDG de la deux cent cinquantième entreprise américaine devait remplacer celui de la première, il en résulterait pour celle-ci une perte de valeur de 0,014 %. Ce n’est donc pas significatif. Aussi est-il temps d’encadrer, faute de pouvoir les supprimer, les options d’achat et autres rémunérations additionnelles aux appellations allusives – parachute en or, retraite-chapeau...– et en premier lieu de leur retirer les avantages fiscaux qui y sont attachés. Il importe cependant de traiter différemment les patrons créateurs de leur entreprise et répondant sur leurs biens propres des éventuelles dettes de leur société car le vrai risque doit être pris en considération.

Au cours du débat, toutes ces dérives ont été largement évoquées. Il ne faudrait pas cependant qu’elles occultent l’essentiel : la participation, et notamment celle qui s’attache à la représentation des salariés aux conseils d’administration des entreprises car, pour l’instant, on est plus associé au sein de celle-ci en raison de ce que l’on a qu’en raison de ce que l’on est, le poids des participants aux décisions étant mesuré uniquement à l’argent risqué, à l’aune du capital détenu.

Merci, madame la ministre, monsieur le ministre, de bien vouloir tenir compte de ces observations lors de l’examen des amendements que j’ai déposés sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le chèque-transport.

Par lettre rectificative du 21 septembre dernier, des dispositions nouvelles relatives au chèque-transport ont en effet été introduites dans le texte que nous examinons. L’ajout des articles 45 et 46 dans le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié était censé faire écho aux annonces du Premier ministre sur le pouvoir d’achat des Français.

Il est vrai que le pouvoir d’achat a été particulièrement entamé par la hausse du prix de l’essence. Le super sans plomb est ainsi passé de 1 euro le litre en juin 2002 à 1,23 euro à ce jour. Le diesel, quant à lui, a connu une augmentation plus spectaculaire encore. Ces hausses ont lourdement pénalisé les ménages. Mais elles n’épargnent pas davantage les entreprises. Elles portent atteinte également au pouvoir d’achat des ménages qui se chauffent au fioul domestique et qui ont vu leur budget de chauffage augmenter de 80 % en quatre ans.

Voici ce que l’INSEE avait constaté dès décembre 2005 : « Devant l’impossibilité pour les ménages de réduire massivement et rapidement leur consommation d’énergie, tant pour le chauffage que pour leurs déplacements, la hausse des prix à la consommation des produits pétroliers s’était instantanément traduite par un surcroît de dépenses proche de 100 euros en 2004 et de 200 euros en 2005 en moyenne pour chaque ménage. »

Face à cette évolution pourtant constante, vous n’avez pas, jusqu’à ce jour, pris les mesures que les Français attendaient. Vous avez d’abord nié la hausse continue des prix. En 2005, vous avez persisté dans l’établissement de vos prévisions sur la base d’un cours du baril à 36,50 dollars, quand la moyenne en aura été de 54,41 dollars !

Mais surtout, vous avez supprimé un dispositif qui avait fait ses preuves et qui permettait de rendre aux ménages, et plus généralement aux Français, le surplus de recettes de TVA ou de TIPP engrangé mécaniquement par l’État du fait de la hausse des cours.

M. Philippe Auberger. Ce dispositif n’a jamais été appliqué !

M. Maxime Bono. Ce dispositif, dit de la TIPP flottante, permettait pourtant d’éviter que l’État ne s’enrichisse au détriment des consommateurs !

M. Xavier de Roux. Vous n’avez pas beaucoup de preuves !

M. Maxime Bono. Je vous avoue ne pas comprendre cette obstination à refuser ce mécanisme. Dès 2002, vous avez tout simplement refusé de mettre en œuvre le dispositif alors que la loi en prévoyait une application automatique. Le Conseil d’État, en 2003, a d’ailleurs condamné cette attitude. Mais vous aviez entre-temps, par la loi de finances rectificative pour 2002, purement et simplement supprimé la TIPP flottante que nous n’avons depuis lors cessé de vous demander de réactiver. Nous avons même, sur ce sujet, déposé une proposition de loi, enregistrée à la présidence de l’Assemblée le 13 juin 2006.

Aujourd’hui, vous nous présentez un projet de chèque-transport destiné, dites-vous, à répondre aux préoccupations des Français. De quoi s’agit-il ?

L’article 45 crée un titre spécial de paiement nominatif que tout employeur peut préfinancer au profit de ses salariés pour le paiement des dépenses liées au déplacement entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Cet article prévoit que les salariés peuvent présenter les chèques-transport auprès des entreprises de transport public. Et, si leur lieu de travail est situé en dehors des périmètres de transports urbains, ou si l’utilisation de leur véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d’horaires particuliers de travail, ils peuvent présenter les chèques-transport auprès des distributeurs de carburants au détail.

Ce dispositif s’inspire en fait du modèle des titres restaurants. Il s’agit d’un chèque au profit des salariés, financé par l’employeur, sans incidence sur le budget de l’État à l’exception de l’exonération fiscale accordée sur cet avantage en nature. Cela n’est pas une mauvaise mesure en soi. Mais à vouloir courir trop de lièvres à la fois, à vouloir en même temps soutenir le pouvoir d’achat et favoriser les transferts modaux au profit du transport collectif, vous finissez par passer à côté de l’un et l’autre de ces deux objectifs.

Car à vrai dire, il ne s’agira pas d’une mesure de soutien au pouvoir d’achat des ménages : 100 euros par an sont très loin de compenser l’amputation actuelle du pouvoir d’achat. En outre, ce chèque ne profitera qu’aux seuls salariés, puisque toutes les autres catégories de Français, pourtant elles aussi soumises aux déplacements quotidiens, en sont exclues. Je pense bien sûr aux artisans, commerçants et professions libérales. Et encore, s’agissant des salariés, il ne profitera qu’à une fraction d’entre eux, selon le bon vouloir de leur entreprise, puisqu’il n’est que facultatif.

Monsieur le ministre, madame la ministre, nous le répétons, si vous voulez gommer, au moins partiellement, pour le consommateur, l’effet de la hausse des prix du baril, le dispositif de la TIPP flottante est facile à réactiver.

Il ne s’agit pas davantage d’une mesure favorable à la promotion des transports collectifs. En effet, dès lors qu’elle s’applique sans grande distinction au trajet domicile-travail, cette nouvelle disposition ne peut être regardée comme une réelle incitation à un changement d’habitudes. Certes, l’aide au véhicule individuel est en principe limitée. Mais la marge d’appréciation est telle qu’il sera bien difficile à l’employeur d’inciter à l’usage du transport collectif et à l’abandon de la voiture particulière.

Mettre à la disposition des automobilistes un chèque carburant en dehors des périmètres de transport urbain, c’est ignorer les efforts considérables déployés par les collectivités locales. Je pense en particulier aux régions qui ont mis en place des liaisons TER rapides, confortables, efficaces et qui ont remporté en 2005, de véritables succès en termes de fréquentation.

Pouvez-vous d’ailleurs nous confirmer que ce chèque- transport sera applicable aux transports départementaux et régionaux souvent à la limite de l’interurbain et du péri-urbain ? Et surtout nous garantir que les recettes du dispositif ne mettront pas en cause l’intégralité du versement transport tel qu’il existe aujourd’hui ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chèque-transport pouvait être une bonne idée. Mais celui que vous nous proposez aujourd’hui est une fausse bonne idée. Il eût été bien plus efficace de cibler un dispositif de chèque-transport au seul profit des modes alternatifs à la voiture particulière, aux fins de favoriser le transfert modal, et de réactiver pour tout le monde la TIPP flottante, seule à même d’atténuer les effets néfastes de la hausse du prix des carburants sur le pouvoir d’achat des ménages.

Vous comprendrez que nous déplorions le choix que vous avez fait et dans lequel j’ai cru comprendre que vous persévéreriez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réalité, c’est Léonce Deprez, député du Pas-de-Calais et maire du Touquet qui devait prendre la parole. Mais il a dû rejoindre en toute urgence sa circonscription. Il m’a donc demandé de reprendre à cette tribune l’intervention qu’il avait préparée et dont je partage tout à fait l’esprit.

Je vais donc citer Léonce Deprez :

« En entendant trois personnalités, aussi différentes que Jean-Louis Borloo, Thierry Breton, Gérard Larcher, présenter au nom du Gouvernement le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié, nous avons été nombreux à penser qu’il s’agissait là d’un sujet révélateur de l’esprit dans lequel nous devons entamer ce nouveau siècle, ainsi que d’un sujet capable de rassembler les Français, et donc les élus de la Nation.

« Sensible, comme Jean-Michel Dubernard, comme Patrick Ollier, comme mes collègues Jacques Godfrain, François Cornut-Gentille, Alain Joyandet, à la grande idée de la participation lancée par le général de Gaulle, et reprise par Édouard Balladur, avec intelligence et ténacité, j’avais tenu, il y a vingt ans, dès ma première année d’élu à l’Assemblée nationale, à susciter une prise de conscience de l’importance historique de cet autre “grand appel ”du général de Gaulle.

« Et en publiant un livre intitulé Le Partenariat pour faire gagner la France et les Français, j’avais développé toutes les raisons que nous avions de défendre, et même avec un certain enthousiasme, cette idée-force mobilisatrice : rassembler les Français pour gagner la compétition économique. D’autant que cette idée-force en entraînait une autre. Il s’agissait, à partir de nos entreprises et au sein de toutes les entreprises, de faire de la France une France de partenaires.

« C’était sans doute l’expérience que la vie sportive m’avait apportée s’agissant notamment de l’esprit de compétition et de l’esprit d’équipe, qui m’avait conduit dans ce livre à tenter de faire comprendre que, sans union des forces, il n’y a pas de possibilité de victoires. C’est vrai dans la vie des entreprises, comme dans la vie d’une commune.

« Ayant ressenti, comme dirigeant d’une PME, autant que comme président national de la jeune chambre économique française, l’obligation d’associer le travail au capital, la formation à l’économie, les énergies de tous les équipiers d’une entreprise pour rendre la France compétitive, je pensais intensément que la liberté était le chemin de la victoire. Et d’abord, la liberté d’entreprendre. Mais je pensais aussi, lorsqu’il s’agissait de vaincre le désert français, qu’il fallait sur ce chemin de la liberté associer tous les acteurs de la vie des entreprises et les intéresser aux fruits de la victoire pour leur donner l’envie d’avoir envie de gagner les matches de la vie économique. Je suis sûr que nous sommes très nombreux sur les bancs de cette assemblée à le penser toujours et de plus en plus.

« Plus que jamais, en ce début de nouveau siècle où la compétition à laquelle sont soumises toutes les entreprises est plus dure encore qu’il y a vingt ans, je dis, avec ceux qui ont préparé ce projet de loi : franchissons cette nouvelle étape pour mieux associer les salariés à la marche de leur entreprise ! Renforçons la dynamique de la participation dans ses trois composantes : participation à la définition des objectifs et des moyens pour les atteindre, participation aux résultats et participation au capital. 

« Expliquons, nous, élus de la Nation, que l’entreprise, quelle que soit sa dimension, est une communauté de travail et que tous – les dirigeants qui apportent la créativité et la gestion, les actionnaires leur capital, les salariés leur savoir-faire – doivent vivre en partenaires et réaliser la synergie sans laquelle il ne peut y avoir de richesses produites et de partage du fruit de ces richesses. Rappelons-nous le sens du mot synergie en grec : syn – avec – et ergon – travail.

« Expliquons que renforcer la participation au capital et l’intéressement aux résultats permet d’améliorer la productivité des entreprises et leur compétitivité, et ainsi le pouvoir d’achat des Français.

« Expliquons que le dialogue social et la cohésion sociale, conditions d’un bon climat de vie pour tous les Français, commencent dans l’entreprise, de la plus petite à la plus grande.

« Expliquons que partager avec les salariés une partie des bénéfices de l’entreprise, c’est reconnaître que leurs efforts sont indispensables au succès et faire œuvre de justice. C’est, enfin, améliorer la défense du capital des entreprises françaises face aux risques d’OPA hostiles.

« Ajoutons que, si les 8 millions de salariés qui bénéficient de la participation et de l’intéressement sont 16 millions demain, comme nous pouvons l’ambitionner, la France se retrouvera parmi les champions du monde du dynamisme économique et de la justice sociale, »…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jacques Remiller. …« un dynamisme économique et une justice sociale qui doivent nécessairement devenir les ambitions primordiales de nos États-nations et de notre Union européenne en ce XXIe siècle.

« Il y a des projets de loi qui doivent, dans une même ambition nationale et sociale, rendre aux Français confiance en leur avenir.

« Saisissons la chance, en cette fin d’année 2006, de le démontrer à la Nation et aux Français ».

Je partage naturellement l’esprit de ce texte de Léonce Deprez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la propriété est un droit. Le droit de posséder est un moyen d’expression, de perpétuation, de solidarité, une source d’authentique liberté. L’exercice de ce droit est nécessaire au développement personnel. Le travail est le mode naturel d’acquisition qui permet à chacun d’assurer son existence et de réaliser ses ambitions.

Sans motivation, il n’y a pas d’esprit d’entreprise. Or, c’est lui qui assure la croissance économique et l’augmentation du niveau de vie. C’est pourquoi le salarié doit être associé aux résultats de son entreprise.

La participation est le trait d’union entre cohésion sociale et compétitivité économique. L’accroissement de la richesse au sein de l’entreprise doit se concrétiser par une répartition de celle-ci entre tous ceux, actionnaires et salariés, qui ont contribué à sa création.

Le salarié doit pouvoir détenir des actions pour être propriétaire d’une part du capital de l’entreprise, dès lors que l’accroissement des actifs a atteint un objectif préalablement fixé. Il s’agit bien là d’un partage de la richesse issue des efforts de tous les acteurs de l’entreprise.

C’est ce dernier point qu’il convient de promouvoir, avec le souci d’ouvrir un large dialogue entre tous les partenaires concernés. Le texte qui nous est proposé illustre une méthode de ce qui pourrait être l’expression d’un nouveau dialogue.

Toute espèce de progrès passe par la remise en cause de schémas de pensée et de valeurs touchant au travail, à la formation, au déroulement des carrières, au statut des individus dans l’ordre social.

L’adaptation constante à l’économie mondialisée exige de tous des efforts. Face à cela, nous devons encourager la participation effective des salariés, tant pour l’enrichissement, l’expansion ou le développement de l’entreprise que pour la réflexion préalable à toute prise de décision.

La participation des salariés correspond à un véritable droit individuel, qui peut être envisagé sous de nouvelles formes. Celles-ci doivent être définies au sein de chaque entreprise, dans un cadre général souple associant les partenaires sociaux ou les représentants du personnel pour les plus petites entreprises.

Le salarié ne doit pas être un étranger dans son entreprise, mais un agent actif du développement et des performances de celle-ci. Cette forme de participation innovante est un facteur décisif d’évolution et de justice sociale, un mode de répartition de la richesse plus équitable, et un puissant facteur de relance des négociations contractuelles entre employeurs et salariés.

L’État doit promouvoir différentes formes de participation : l’intéressement aux bénéfices, la participation au capital par l’actionnariat salarié. Son rôle est également d’étendre la participation aux entreprises de moins de cinquante salariés, tout en veillant à ce que la loi s’applique dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

La participation devrait s’appliquer à toutes les entreprises, des plus grandes aux plus petites. Pourtant, les mécanismes de la participation financière ne sont que trop peu implantés dans les petites structures.

La participation est un outil qui permet de motiver les salariés, fiers d’être associés à l’entreprise. Elle développe le respect et la considération. Elle doit être réaliste, efficace, vivante et toujours adaptée à la sociologie de l’organisation. Pratiquée par les différents acteurs de l’entreprise, elle doit être cohérente et tenir compte des us et coutumes de celle-ci. Elle doit aussi être conforme au discours, et c’est pourquoi son impact et sa dynamique doivent être mesurés régulièrement.

La participation est une solution d’avenir. Il importe de définir et de construire une société qui associe efficacité économique et respect des hommes.

La participation est une voie idéale pour instaurer de nouveaux rapports au sein de l’entreprise, entre les actionnaires et les salariés qui participent à son développement.

Les acteurs de l’entreprise sont les principaux vecteurs des mutations de son activité. Ils sont porteurs du projet collectif et le devenir de l’entreprise ne repose plus uniquement sur les porteurs de parts sociales. Toutes les composantes de l’entreprise constituent une entité, qui dispose d’un patrimoine propre.

Ce texte et sa promotion par le Gouvernement et le Parlement doivent avoir une dimension incitative. C’est l’esprit de la participation qu’il faut développer. Attention à ne point trop légiférer ! D’ailleurs, en tant que membre de la commission des affaires sociales, je suis ravi que celle-ci ait décidé de simplifier et d’alléger le projet de loi.

En donnant à chacun de ses acteurs sa juste part d’enrichissement et de responsabilité, l’entreprise participative se construit comme un ensemble cohérent. Il faut casser l’antagonisme entre salaire et travail, et dividende et capital, puisque chaque acteur de l’entreprise devient un véritable associé.

Je le répète, la participation est une solution d’avenir, pour peu que l’on y croie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, comment parler en ce lieu du développement de la participation et de l’actionnariat salarié sans évoquer celui qui, en véritable visionnaire, osait dans les années soixante revoir les relations dans l’entreprise ? Le général de Gaulle, l’homme du 18 juin et de la décolonisation, fut aussi l’homme de la participation, concept qui à l’époque marqua une étape importante dans les relations entre les salariés et l’entreprise.

En instaurant le principe de la participation, au début d’un siècle qui fut marqué par les combats que menèrent les salariés pour sortir d’une relation de stricte subordination, le général de Gaulle a bouleversé les mentalités. Avant ce qui fut une véritable révolution, l’entreprise, associée exclusivement au patron, était le lieu clos du travail, et seuls les rapports de force permettaient aux salariés d’obtenir des avancées sociales. C’était le temps du conflit, de la lutte des classes. Avec le concept de la participation, l’entreprise est devenue le lieu où le lien social permet aux employés et aux employeurs de partager des intérêts communs. La création de richesses est partagée entre le légitime dividende financier versé à l’actionnaire et le non moins légitime dividende du travail versé aux salariés.

Le salarié a trouvé sa véritable place dans l’entreprise, dont le cœur est devenu plus humain.

C’est bien une nouvelle vision des rapports sociaux que nous a offert la participation dans les années soixante. Pour autant, et en dépit de cette attractivité, la participation est aujourd’hui encore trop méconnue et trop peu appliquée. Bien des salariés en ignorent les dispositifs : seuls 8,7 % des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés en bénéficient, et 35 % des entreprises de plus de cinquante salariés ne respectent pas l’obligation légale. En définitive, un grand nombre de salariés sont exclus de la participation.

Il était donc nécessaire, madame la ministre, monsieur le ministre, après l’étape des années soixante, que vous relanciez une nouvelle dynamique, qui s’impose d’autant plus que les réalités de la globalisation et de la mondialisation, associées à l’ouverture des marchés, risquent de nous entraîner sur la pente de la seule logique financière. Une dynamique à laquelle la gauche même ne peut pas se soustraire, après son amère expérience de 1981-1983, qui l’a amenée à accepter la réalité de l’économie de marché.

Chers collègues de l’opposition, puisque vous ne niez plus que l’entreprise privée est le lieu légitime des relations du travail, vous pouvez donc nous rejoindre sur le thème de la participation. Sans contester la logique de la concurrence et de la performance, la participation nous propose la culture du réformisme social et du dialogue social, pour le bien-être de l’homme et une meilleure compétitivité de l’entreprise, dans laquelle on aura su pacifier les relations sociales.

Telle est notre vision de la participation et telles sont les améliorations concrètes et efficaces que devra apporter ce texte.

Avec la participation, les salariés améliorent leur pouvoir d’achat et se constituent un capital.

Avec la participation et l’épargne salariale, les entreprises françaises s’assurent un financement avantageux et stable. C’est du gagnant-gagnant. Avec l’actionnariat salarié et une meilleure représentation des salariés actionnaires au sein des conseils d’administration, les salariés sont mieux associés à la stratégie de l’entreprise, qui y gagne en cohésion et en compétitivité.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Tout le monde y gagne !

M. Robert Lecou. C’est cette philosophie d’un meilleur partage de la richesse créée qui doit nous amener à supprimer, ou à défaut à moraliser le système des stock-options, aujourd’hui considéré comme un abus insupportable qui déconsidère l’entreprise dans la mesure où il est uniquement destiné aux managers.

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. Robert Lecou. Puisse cette loi nous permettre d’aller dans le bon sens en remettant l’homme au cœur de l’entreprise, en remettant l’entreprise au cœur de la société.

À une époque où le désenchantement souvent nous gagne, où les enjeux environnementaux sont énormes, où les crispations et la déshumanisation nous inquiètent, cette loi peut apporter un souffle nouveau. Aussi devons-nous lui donner du souffle et la compléter. C’est ce que vous faites, monsieur le ministre délégué à l’emploi, puisque vous préparez un texte sur l’amélioration du dialogue social.

L’humanité a évolué par des soubresauts, mais aussi par la réforme. La participation est une véritable réforme révolutionnaire – une réforme parce qu’elle se fait dans le consensus et le dialogue, révolutionnaire parce qu’elle bouleverse des schémas de pensée souvent manichéens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, l’article 44 du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié instaure la possibilité pour les clubs de football d’être cotés en bourse.

M. Philippe Auberger. Encore ?

M. Alain Néri. Si cet article était adopté, le football, et demain d’autres sports, dépendraient directement du secteur marchand.

Les clubs professionnels deviendraient des entreprises. Ils en adopteraient les méthodes en matière de sélection, de hiérarchie, de rendement, et la terminologie – recettes, retour sur investissement. Nous devons nous poser la question : les clubs sportifs ont-ils leur place en bourse ? L’article 44 a-t-il sa place dans ce projet de loi ?

En autorisant la cotation des clubs de football en bourse, le ministre des sports Jean-François Lamour – dont je regrette l’absence ce soir – admet donc implicitement que le sport professionnel relève essentiellement d’une logique marchande. Il oublie totalement les liens étroits qui unissent le sport amateur et le sport professionnel, et l’apport important des collectivités publiques.

Plus grave, le ministre des sports renie les propos qu’il a tenus en 2003 lorsque, fervent et ardent adversaire de la cotation des clubs français en bourse, il énonçait clairement que bourse et football n’avaient pas grand-chose à faire ensemble !

M. Gaëtan Gorce. Très juste !

M. Alain Néri. Il cède ainsi à la pression du milieu du football, en particulier de l’Olympique lyonnais et de son président, M. Aulas, qui revendique ce droit depuis plusieurs années, étant le seul club français à en avoir les moyens et l’ambition.

Pour beaucoup, la cotation en bourse n’est pas une priorité. J’ajoute que les actions risquent d’être trop chères par rapport aux risques encourus. Un club de sport professionnel n’est pas un objet d’investissement boursier comme les autres. L’incertitude est le propre du sport, et le marché n’aime pas l’incertitude.

On est amené à constater plusieurs évidences.

La cotation des clubs en bourse en Europe est un fiasco.

La plupart des clubs de football cotés en bourse connaissent des déboires financiers et restent très endettés.

La majorité des clubs de football français connaissent des difficultés financières et sont très fortement endettés.

En Angleterre, aucun des sept clubs cotés en bourse, que ce soient Arsenal, Aston Villa, Charlton, Manchester City, Newcastle, Tottenham et Watford, n’ont vu leur valeur augmenter, bien au contraire.

En Allemagne, un seul club est aujourd’hui coté en bourse : Dortmund. Ce club affichait une santé tout à fait acceptable avant son entrée en bourse. Depuis son entrée en bourse, en 2000, il a vu son action divisée par six, ce qui a fragilisé sa situation.

Quant à l’Italie, elle a beau avoir gagné la Coupe du monde, la santé des clubs italiens n’est pas florissante ! Les actions des trois clubs cotés à la bourse de Milan – Lazio Rome, AS Rome et Juventus de Turin – se sont effondrées, ruinant des supporters transformés en actionnaires.

La cotation ne rime pas forcément avec la transparence. 

Encore une fois, l’Italie n’est sûrement pas l’exemple à suivre. En effet, aujourd’hui, une soixantaine de personnes du milieu du football, dont des responsables très importants, ont été mises en examen pour « association de malfaiteurs ». La preuve est faite que l’introduction en bourse ne rime pas toujours avec transparence financière, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire !

Le circuit de l’argent à l’intérieur des clubs de football manque pour le moins de transparence. Les sommes consacrées aux salaires et aux « transferts de joueurs » sont colossales. Certains clubs réputés de Grande-Bretagne sont même sortis de la bourse, mais pour mieux tomber dans les mains de milliardaires aux capitaux douteux !

M. Xavier de Roux. C’est vrai !

M. Alain Néri. Peut-on faire courir ce risque à nos clubs français ?

Avec l’introduction en bourse des grands clubs, le fossé entre les grands et les petits clubs va se creuser encore plus. M. le ministre des sports ne déclarait-il pas dans une interview au journal L’Équipe du 21 septembre dernier, au sujet de la cotation en bourse : « Ce n’est pas mon problème. Les dirigeants du football doivent quand même assumer quelques responsabilités. On ne peut pas à la fois faire du lobbying, promouvoir la bourse et se plaindre d’un championnat à deux vitesses » ? Jean-François Lamour avait raison !

M. Gaëtan Gorce. Absolument !

M. Alain Néri. En outre, ne soyons pas naïfs : quand les performances du club baissent, les actions baissent aussi, ouvrant la tentation aux matches truqués, comme l’exemple italien l’a montré, ou aux paris truqués, comme en Belgique, bafouant l’éthique sportive.

Aussi, monsieur Jean-Michel Dubernard, je me tourne vers vous qui êtes président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée,…

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je devine…

M. Alain Néri. …pour réitérer ma demande : mettons à l’ordre du jour de nos débats la proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs.

M. Gaëtan Gorce et M. Alain Vidalies. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce n’est pas possible, il y a au moins quinze affaires en cours !

M. Alain Néri. D’ailleurs, lorsque je dis « agents sportifs », le terme « sportifs » est de trop !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Néri.

M. Alain Néri. Oui, madame la présidente.

En conclusion, ce qui me paraît le plus urgent, ce n’est pas la cotation en bourse, mais la mise en place de cette commission d’enquête, monsieur le président Dubernard. Parce que nous sommes attachés à un véritable service public du sport, associant étroitement les interventions de l’État, des collectivités locales et territoriales et le mouvement associatif, afin de garantir l’égal accès à des pratiques adaptées aux capacités et aux aspirations de tous, nous sommes opposés à la cotation en bourse de toute activité éducative, sociale, culturelle et sportive.

Au nom des députés du groupe socialiste, je demande donc le retrait de l’article 44 du projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.

Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le président, monsieur, madame les ministres, mes chers collègues, ce texte portant développement de la participation et de l’actionnariat salarié poursuit une œuvre législative dont les présidents Jean-Michel Dubernard et Patrick Ollier ont rappelé l’enracinement historique. Il veut ouvrir les dispositifs existants pour proposer aux Français un lien moderne avec leur entreprise, un lien cohérent avec les nouveaux enjeux économiques de notre pays.

Je mettrai, pour ma part, l’accent sur trois axes forts de ce texte.

Le projet de loi que nous allons examiner doit jouer un rôle déterminant dans l’effort de cohésion sociale engagé depuis 2002 par notre pays. En renforçant, par une vision plus offensive, mieux comprise, mieux partagée, les conditions de la participation, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié, ce texte y contribue dès son premier article, qui permet d’instaurer un dividende du travail. Et je veux dire avec beaucoup d’amitié à mon collègue Jean-Jacques Descamps que de très nombreux salariés dans notre pays portent souvent avec l’actionnaire le risque de l’entreprise.

L’article 1er permet aux entreprises qui le souhaitent d’attribuer un complément d’intéressement, ce qui renforcera pour les salariés la lisibilité de la dimension collective de la performance dans l’entreprise. Pour cette raison, l’investissement de projet, porté par l’article 2, constitue une innovation particulièrement prometteuse, une innovation qui permettra d’associer d’autres acteurs au sein de l’entreprise, de mieux associer les acteurs dans une vision concrète et mesurable qui fera sens, de convaincre les dirigeants d’entreprise qu’il s’agit réellement, en cette matière, de stratégie d’entreprise. Par l’investissement de projet, gageons que l’intéressement ne restera pas de la seule responsabilité des gestionnaires, mais qu’il deviendra un enjeu stratégique des dirigeants, car il s’agit bien de développer la croissance interne de l’entreprise dans toute l’acception du terme, en particulier de valoriser la performance collective et plus seulement la somme des performances individuelles.

Les socialistes, mes chers collègues, ont cru, ou ont voulu faire croire aux Français, qu’en partageant le temps, on créerait le travail. Pour créer le travail, nous le savons, il faut créer la croissance. L’accroissement de la productivité né de la réduction du travail a caché, un temps, le besoin d’investissement des entreprises. Faire appel, par la participation et l’actionnariat salarié, à une capacité d’investissement complémentaire est décidément un enjeu clé pour l’entreprise, petite et moyenne. Grâce aux dispositions prévoyant de faciliter pour les entreprises l’attribution d’actions gratuites dans le cadre de plans mondiaux, ce texte apporte une capacité d’équilibrage de la mobilité des capitaux.

Madame la ministre, vous avez un jour évoqué comme alternative, ou plutôt comme nuance à l’idée de patriotisme économique, l’idée d’identité économique. Enraciner une entreprise dans son bassin économique, dans sa région, dans son pays passe par le supplément d’âme que donne la participation à l’entreprise. C’est une des vertus de ce texte.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Marie-Anne Montchamp. Et c’est pourquoi, mes chers collègues, je le soutiendrai résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de saluer le travail réalisé par nos collègues Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille, qui ont permis d’avancer sur ce dossier.

Je fais partie des parlementaires qui, en revanche, sont surpris de voir figurer dans ce texte la cotation des clubs de football : ce projet de loi soulève des enjeux si considérables que cela me semble totalement inapproprié. D’autant plus qu’il nous est souvent reproché, à nous parlementaires, d’utiliser des « cavaliers ». Que vient faire cet article dans le projet, qu’il pollue d’une certaine façon ?

Chaque Français passe un tiers de sa vie dans l’entreprise. Ne faut-il donc pas faire en sorte que ce temps passé enrichisse humainement, comme financièrement, la personne, son entourage et l’entreprise ? Que chacun en sorte gagnant !

L’époque de l’entreprise vue uniquement comme un moyen de production est révolue. Il faut désormais repenser l’entreprise comme un lieu de vie et donc, par incidence, l’organisation du travail – je dirai plutôt : l’organisation de l’activité salariée, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Une vraie révolution doit s’engager. Une révolution économique et sociale.

Pour moi, la participation doit être conjuguée avec les notions de flexibilité et de sécurisation des parcours professionnels.

La volatilité des carnets de commande et le caractère capricieux de la demande imposent la flexibilité des contrats. Elle induit la fin des CDI. Pourquoi ne pas avoir le courage de dire à nos compatriotes qu’il vaut mieux, aujourd’hui, avoir un CDD bien négocié plutôt qu’un CDI assorti d’un licenciement sec ?

À côté de cette flexibilité nécessaire, il faut prévoir la sécurisation des parcours professionnels pour les salariés, surtout pendant les périodes de chômage. Il faut passer de la protection des contrats à celle de la personne. Et le chemin que nous avons pris au cours de cette mandature en donnant à la personne un droit à la formation me semble être un beau début.

Flexibilité des contrats, sécurité des personnes et, enfin, troisième axe, la participation.

La participation des salariés à l’entreprise est une révolution sociétale et sociale. Elle soulève des enjeux considérables, bouscule les idées reçues, nous pousse à réorganiser le monde économique.

La participation dans les prises de décisions de l’entreprise, dans le capital ou dans les résultats implique, de fait, le salarié dans la vie, la survie, les développements de l’entreprise. Mais plus que cela, la participation rend compte d’une réconciliation des salariés avec la direction, mettant fin à la lutte des classes, que nous avons tant critiquée.

La participation rend compte aussi de la reconnaissance en tant que personne du salarié qui, chaque jour, apporte, par son travail et son intelligence, davantage de richesses à l’entreprise. La participation rend compte de ce travail, reconnaît la personne plus qu’un simple salaire.

La participation rend compte également d’un véritable contre-pouvoir des salariés. Le temps des scandales dans le privé et le public, des gabegies dans les entreprises et des distributions scandaleuses de stock-options à quelques dirigeants que l’on peut qualifier de « malhonnêtes » et d’« incompétents » est terminé. La nécessité de réels contre-pouvoirs s’impose. Ces contre-pouvoirs sont prévus dans nos institutions – même si l’on peut en discuter –, mais il faudrait les rendre effectifs dans l’entreprise.

Les enjeux philosophiques, humains et sociétaux que soulève ce projet de loi sont évidents. Je dirai même que, d’une certaine façon, monsieur le ministre, nous restons un peu sur notre faim avec ce projet.

Depuis la « nouvelle société » de Jacques Chaban-Delmas, nous parlons de la participation sans véritablement oser franchir le pas. Ce projet de loi ajoute sa petite touche. J’aurais souhaité que nous allions beaucoup plus loin pour définir, à l’aube du xxie siècle, les nouvelles relations entre la personne et le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier de Roux.

M. Xavier de Roux. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au développement de la participation et de l’actionnariat salarié, soumis aujourd’hui à notre examen, est un texte important et attendu. L’intérêt que notre assemblée porte à ce débat − comme en atteste la présence de trois rapporteurs, parmi lesquels deux présidents de commissions permanentes − est, me semble-t-il, à la hauteur des enjeux. Pour ma part, mon seul regret est que la commission des lois n’ait pu se saisir pour avis du texte, alors que certaines dispositions l’auraient amplement justifié.

Je ne reviendrai pas sur les nombreuses mesures très utiles que comporte le projet du Gouvernement. Comme beaucoup dans notre hémicycle, je considère que la participation et l’actionnariat salarié contribuent au « contrat social interne de l’entreprise », en associant plus étroitement les personnels aux fruits de leur travail.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Xavier de Roux. Je souhaiterais focaliser mon intervention sur un sujet qui, quoique connexe à notre débat, fera sans doute l’objet d’échanges : je veux parler de l’encadrement des options de souscription ou d’achat d’actions, plus connues sous le vocable anglo-saxon de stock-options.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. Xavier de Roux. Notre collègue Édouard Balladur a en effet déposé un amendement important qui reprend, pour partie, une disposition qu’il avait faite en juin dernier, sous la forme d’une proposition de loi cosignée par plus de cent soixante-dix députés de la majorité. Il me semble utile de saisir l’occasion de cette discussion générale pour faire œuvre de pédagogie sur ce sujet particulier, qui figure depuis longtemps au cœur des préoccupations de la commission des lois.

Parce qu’elles touchent, de fait, à la rémunération de catégories sociales parmi les plus aisées, les options de souscription ou d’achat d’actions sont régulièrement remises en cause. Il est vrai que la complexité technique de la question − dans ses volets juridique et fiscal notamment − nourrit toutes sortes de fantasmes nuisibles à ce qui devrait être, avant tout, un instrument de motivation des salariés, en théorie susceptible de bénéficier à leur ensemble sans distinction.

Les plans d’options de souscription ou d’achat d’actions ont été introduits dans notre droit il y a bien longtemps, par une loi de 1970. Concrètement, il s’agit d’une forme mixte d’intéressement et de participation au capital, dans laquelle l’entreprise consent à son personnel le droit d’acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées, lui offrant ainsi l’occasion de réaliser une plus-value.

Les plans d’options peuvent porter soit sur des droits de souscription, soit sur l’achat d’actions, et sont régis par les articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce. La société attribue au bénéficiaire le droit, pendant une période donnée, de se porter acquéreur d’un certain nombre de titres à un prix déterminé. Ce prix, qui ne peut être inférieur à 80 % de la moyenne des cours cotés aux vingt dernières séances de bourse, reste fixe pendant toute la période durant laquelle l’option est ouverte. Ensuite, le bénéficiaire peut choisir de lever l’option qui lui a été attribuée. Sa démarche se trouve alors dictée par le niveau du cours ou de la valeur des actions. Si ceux-ci ont progressé, le bénéficiaire obtient une plus-value et décaisse le prix qu’il doit payer.

Ces plans d’options de souscription et d’achat d’actions présentent un caractère fortement incitatif à la fois pour les grandes sociétés du CAC 40 et pour les petites sociétés, pour les start-up qui ont besoin de rémunérer, d’une façon particulière et fondée sur le futur, des dirigeants qui, très souvent, ne peuvent pas être payés par une société qui démarre.

Tels sont les grands principes. Ces mécanismes ne sont pas exempts de risques de détournement, qui ont d’ailleurs entaché leur légitimité, en raison de modalités discrétionnaires d’attribution. Trop souvent, en effet, les conseils d’administration choisissent les principaux cadres ou les mandataires sociaux qui, par leurs fonctions, sont souvent détenteurs d’informations de nature à entretenir, sans doute à tort, un désagréable climat de suspicion. Les contestations qu’ont entraînées quelques opérations s’expliquent par la qualité d’initié qui était celle de certaines personnalités.

L’amendement d’Édouard Balladur a précisément pour objet de mieux encadrer le rôle des conseils d’administration dans l’attribution de ces droits de souscription, en décidant et en publiant les conditions dans lesquelles ils seront ouverts. Il indique clairement que les autorités des marchés pourront apprécier et fixer des règles de marché sur l’attribution de ces bons de souscription. Il marque donc un progrès important et pourrait mettre un point final à des discussions interminables, en inscrivant ce débat pour la troisième fois dans une loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, pour commencer, saluer le travail qu’ont accompli nos collègues François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain lors de la préparation du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié − même si elle n’a rien d’original, cette pensée vient du fond du cœur. Ce texte a été élaboré en étroite concertation avec le Conseil supérieur de la participation et n’a donc pas été imposé, ce qui, en droit social, est important.

Depuis les modifications apportées en 1967 au code du travail, le système a prouvé une certaine efficacité : 9 millions de salariés en bénéficient, ce qui représente plus de 69 milliards d’épargne salariale. Il doit être modernisé, mais sans faire l’objet de transformations trop profondes. En effet, je le rappelle, ce sera la quinzième fois en quinze ans que les règles de l’épargne salariale seront modifiées. Certes, le présent texte est bon et apporte une heureuse modification, mais les entreprises ont du mal à comprendre ces perpétuels bouleversements, qui leur posent bien des difficultés d’interprétation dans leurs rapports avec l’administration fiscale et, surtout, avec l’URSSAF. Le système de la participation est souvent jugé trop complexe et peu facile à comprendre, tant par les salariés que par les chefs d’entreprise. Ceux-ci craignent en outre que de nouveaux textes ne viennent remettre en cause ou modifier le dispositif.

Je m’interroge, pour ma part, sur l’article 4, qui alourdit les obligations pesant sur les entreprises en matière de comité de suivi, alors que le système actuel me paraît suffisant. Mais je m’interroge plus encore sur l’article 6, qui prévoit de modifier très substantiellement la base de calcul de la réserve spéciale de participation – la RSP −, le bénéfice ne tenant plus compte des déficits antérieurs reportables. Il faudra peut-être revenir sur ce sujet qui me paraît très important et à propos duquel j’ai déposé un amendement.

Cette complexité est l’une des raisons de la faiblesse des accords de participation, notamment dans les petites et moyennes entreprises de moins de cinquante salariés − la moitié des accords concernant des entreprises de plus de mille salariés −, qui aggrave les disparités de revenus entre ceux qui travaillent pour une grande société et ceux qui sont employés par une petite entreprise. Ce serait commettre une erreur que d’imposer à ces PME, par le biais d’accords de branche obligatoires dans les trois ans, des règles conçues pour les grandes sociétés. La liberté de négociation doit être préservée et privilégiée. Si les entreprises, comme les mentalités, ont beaucoup changé depuis 1947, les syndicats, malheureusement, n’ont guère évolué, et les syndicats français sont assez peu représentatifs des salariés du privé.

Mme Martine Billard. Et le MEDEF ? Il a changé ?

M. Dominique Tian. La liberté est nécessaire à l’entreprise. On oublie trop que le chef d’entreprise obéit à une logique : il a le souci de recruter des éléments de qualité et de garder les meilleurs. La difficulté de recrutement est souvent un obstacle sérieux : les chefs d’entreprise veulent que leurs salariés soient concernés par la vie de l’entreprise. S’ils sont souvent d’accord pour leur rendre des comptes et jouer la transparence, ils ont également besoin d’exercer leurs responsabilités : on connaît la solitude du chef d’entreprise lorsqu’il a une décision à prendre, mais c’est à lui seul qu’il incombe d’en assumer certaines. Toute la subtilité de la gouvernance d’entreprise est là.

Le texte est sage, faisant prévaloir le bon sens, et il ne faut surtout pas l’alourdir. Il va dans le sens du progrès social et d’une appropriation intellectuelle de l’entreprise, d’une meilleure compréhension de la marche de cette entreprise. La participation est autant une affaire de pratique qu’une question de droit. N’oublions jamais que plusieurs millions de salariés sont encore exclus de ce système. Le texte qui nous est soumis va débloquer de nombreuses situations et c’est pourquoi je le voterai bien volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, monsieur le ministre, les échéances électorales approchant et vos tentatives de faire croire que les salaires ont augmenté de manière significative ayant échoué, nous avons droit, avec ce texte, à un hymne à l’entreprise réconciliée. À vous entendre, ce texte serait la mesure sociale du siècle, un projet de société à lui tout seul. Il y a pourtant une différence capitale entre les actionnaires et les travailleurs : les premiers veulent toujours plus de rentabilité pour leurs valeurs mobilières − ce qui implique, souvent, des licenciements et des délocalisations −, tandis que les seconds veulent garder leur travail. Combien de sociétés voient leur valeur en bourse flamber à l’annonce d’un plan de licenciement ?

Vous ne pouvez non plus faire oublier la stagnation des salaires de ces dernières années.

M. Guy Geoffroy. La faute en est aux 35 heures !

Mme Martine Billard. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 1998 et 2004, les salaires annuels moyens en France, dans les secteurs privé et semi-public, n’ont augmenté que de 0,6 % par an. Derrière cette moyenne, certaines professions ont même vu leur salaire net baisser. La véritable priorité sociale, c’est donc l’augmentation de la part fixe du revenu, à savoir les salaires ; c’est la lutte contre les temps partiels imposés qui voient de plus en plus de nos concitoyens, notamment des femmes, travailler mais vivre en dessous du seuil de pauvreté.

L’INSEE vient de publier une étude qui montre que l’épargne salariale aggrave les écarts de revenus, car ce dispositif est encore plus inégalement réparti que les salaires. Si 60 % des salariés du privé n’en bénéficient pas, 10 % de ceux qui en bénéficient reçoivent 40 % des sommes. Cette répartition est encore plus inégalitaire que pour les salaires, puisque 10 % des salariés reçoivent 26 % des salaires.

Les dispositifs d'intéressement favorisent les salariés des grandes entreprises et de certains secteurs, comme les milieux financiers, à la différence d'autres tels que l'industrie manufacturière, l'hôtellerie ou la restauration. Ils aggravent également les inégalités de revenus entre cadres et ouvriers et entre hommes et femmes puisque ces dernières travaillent majoritairement dans les secteurs et entreprises ne disposant pas de tels dispositifs. Comme « réconciliation entre le capital et le travail », on fait mieux !

Un autre sondage récent effectué auprès des salariés concernés par l'intéressement a montré que ceux-ci n'ont nullement l'impression d'avoir leur mot à dire sur la gestion et la conduite de leur entreprise, et je crains que cette loi n'y change pas grand-chose. La législation en vigueur comprend déjà des dispositions incitatives sur la participation et l'intéressement qui n'ont pas porté leurs fruits. Comment croire que ce nouveau texte pourrait changer la donne ?

L'actionnariat fait courir aux salariés le risque de pertes importantes, car, les actions étant bloquées, ils ne peuvent pas les revendre au meilleur moment contrairement aux autres actionnaires.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Décidément, vous n’avez rien compris !

Mme Martine Billard. Nous en avons eu de nombreux exemples avec l'aventure d'Eurotunnel ou les déconvenues à France Télécom et chez Vivendi.

Sans oublier qu’avec le phénomène des délocalisations fiscales massives observé ces dernières années,...

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Vive la lutte des classes ! C’est incroyable !

Mme Martine Billard. ...certaines entreprises se délocalisant par exemple en Suisse pour ne pas payer d’impôts, les dispositifs d'intéressement seront de plus en plus réduits à la portion congrue.

Il est douteux que les retombées, dont ils bénéficient, des résultats de l'entreprise enthousiasment les salariés, même s’ils sont bien évidemment toujours contents de pouvoir toucher ce qui est versé. Il serait d’ailleurs intéressant de comparer ces retombées aux montants distribués aux hauts salariés au titre des stocks-options et des autres nouveaux dispositifs ! Les simples salariés ne sont pas traités sur un pied d'égalité avec les cadres supérieurs et encore moins avec les dirigeants. Les femmes sont, quant à elles, une fois de plus, les grandes perdantes : 85 % des stock-options profitent aux hommes contre 15 % aux femmes.

Sur cette question des stocks-options, quelle déception ! Même la timide proposition de loi faite par notre collègue Édouard Balladur est amputée de son dispositif principal, à savoir l'interdiction de vendre les stocks-options pendant la durée du mandat des bénéficiaires au sein de l'entreprise. Une partie ne sera pas négociable, mais c'est le conseil d'administration ou l'assemblée générale qui fixeront eux-mêmes leurs propres règles. On a déjà vu ce que cela pouvait donner dans certaines entreprises.

Alors que les inégalités ont eu tendance à s'accentuer ces dernières années dans notre pays entre catégories sociales et entre couches sociales, que l'égalité salariale entre les femmes et les hommes progresse peu, rien dans ce projet de loi ne propose de remédier à cet état de fait. Oui, il est difficile de s'enthousiasmer pour les beaux discours sur les intérêts communs entre salariés et actionnaires, sur la réponse aux attentes sociales, sur le « turbo de cohésion sociale et de dynamisme économique », selon la formule de M. Borloo et de M. Breton ! Nous avons bien plutôt l'impression d'une trappe à inégalités !

Quant au titre III du projet de loi, madame et monsieur les ministres, de nombreux cavaliers législatifs ont été ajoutés. Un certain nombre seront, semble-t-il, supprimés.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. À la demande des commissions !

Mme Martine Billard. Nous manquons d’informations sur ce que le Gouvernement allait ou non accepter. Y aurait-il une gêne sur la question du devenir de ces articles, madame et monsieur les ministres ? Pourtant, même le président de la commission des affaires sociales, M. Dubernard, a évoqué le caractère inhumain du cumul d’un emploi à temps partiel avec l’intérim !

Ce gouvernement est décidément incorrigible. Comme pour le CPE, vous cherchez à passer en catimini et bien évidemment sans concertation avec les syndicats. Même si ces mesures sont retirées, je ne doute malheureusement pas qu’elles reviendront par la fenêtre d’une manière ou d’une autre.

J’en terminerai par le dispositif relatif au chèque-transport – ou l’art de faire semblant d’agir ! Le prix du pétrole, et donc des carburants automobiles, a augmenté et il continuera d’ailleurs car les réserves sont en voie de diminution. La rareté créant la cherté, les hausses sont inéluctables. Face à cette situation, il y a plusieurs façons d’agir : investir massivement dans les transports publics, obliger les entreprises à mettre en place des dispositifs de ramassage – comme cela existait dans les décennies précédentes – ou promouvoir le covoiturage.

Que propose finalement ce texte sinon une aumône facultative que les entreprises pourront faire à leurs salariés ? Les élections approchent et les promesses sans espoir de concrétisation se ramassent à la pelle !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Philippe Auberger. Enfin des paroles sages !

M. Jean-Pierre Balligand. Les vôtres ne l’étaient donc pas ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, j’essaierai de répondre de la manière la plus synthétique possible aux questions qui ont été posées par les uns et par les autres, sachant que cette réponse sera enrichie par Mme Christine Lagarde, qui vous entretiendra des aspects plus spécifiquement financiers du projet, puisque ceux-ci relèvent du ministère de l’économie et des finances.

Je tiens d’abord à remercier les deux présidents et rapporteurs. Le binôme qu’ils ont formé en s’appuyant sur le travail de leurs commissions respectives donne toute sa force à la discussion, mais aussi à ce texte.

Celui-ci ne se limite pas, comme l’a souligné M. François Cornut-Gentille, à un ensemble de mesures financières ou techniques. Il est porteur d’un projet de société en traçant certaines lignes d’espérance. Par là même, madame Boutin, il contribue à l’émergence de nouvelles relations entre les salariés et leur entreprise, et, finalement, entre les hommes eux-mêmes, dans une perspective de cohésion sociale.

Parmi les différences que François Guillaume évoquait par rapport à d’autres pays qu’il a visités et dont son rapport fait état, figure cette voie spécifique choisie par notre pays depuis soixante années, puisant dans les références qu’évoquait Jacques Godfrain – la force de la synthèse effectuée par le général de Gaulle, qui, bien que remontant aux années 45, est toujours actuelle.

Les deux présidents et rapporteurs ont marqué le besoin de stabilité législative. Il est vrai que nous avons beaucoup légiféré sur ce sujet, monsieur Tian, depuis quinze ans. Nous avons sans doute trop légiféré, faute de constater un rassemblement suffisamment consensuel autour des valeurs de la participation. Je dois pourtant relever, pour avoir largement débattu au cours des six derniers mois avec les membres du Conseil supérieur de la participation, dont le vice-président est Franck Borotra, que la participation est une idée qui avance.

À ce besoin de stabilité, vous avez également, messieurs les présidents et rapporteurs, souligné le besoin de simplicité, mais aussi de renforcement des lieux de dialogue, sans oublier l’ouverture à d’autres secteurs que le seul secteur privé marchand de la réflexion sur la participation, c’est-à-dire à l’intérieur de la fonction publique qu’elle soit d’État, territoriale ou hospitalière.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Tout à fait.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce texte est une pierre marquante, une étape dans la construction d’un soubassement nouveau pour la société de participation que nous souhaitons.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est peut-être un peu prétentieux !

M. Guy Geoffroy. Non ! C’est ambitieux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Cornut-Gentille a évoqué un état d’esprit tandis que Jacques Godfrain puisait dans les valeurs d’une encyclique le nécessaire respect des hommes, quelle que soit leur situation dans l’entreprise, qu’ils soient les porteurs du capital, les patrons, comme l’on disait – du mot pater : « père » – ou simplement les salariés, qui partagent le même chemin.

Le livret d’épargne salariale qu’ils proposent donne à la participation une dimension qui permet de ne pas la considérer comme une mesure financière ou comme un simple dispositif transitoire, mais bien comme quelque chose qui s’enracine. Nous savons tous combien le livret d’épargne a fait naître, notamment au XIXe puis au XXe siècle, un certain sentiment de responsabilité individuelle et collective.

Revenons à la genèse du projet de loi. Au sentiment de complexité du dispositif, s’ajoutaient beaucoup d’interrogations : quel est le bon équilibre entre la participation et l’intéressement ? La durée de cinq années est-elle adaptée ?

Les tentations de modification, madame Comparini, n’ont pas manqué, y compris au cours de cette législature.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n’est pas faux.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est le sens de l’intervention très ouverte du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, devant le Conseil économique et social au printemps 2005. Traçant alors certaines pistes, il confia à deux parlementaires, Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille, une mission afin de faire le point.

Pourquoi, par ailleurs, la participation ne se diffuse-t-elle pas dans les très petites, et les petites et moyennes entreprises, comme l’ont demandé M. Philippe Auberger, Mme Arlette Grosskost et M. Bernard Perrut.

Mme Christine Boutin. C’est une vraie question.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il est vrai que la participation est quelque chose de compliqué et de peu sûr, et les dispositifs de sécurisation tels qu’ils sont proposés dans le rapport de François Cornut-Gentille et de Jacques Godfrain constituent à cet égard un élément de réponse pour faciliter la diffusion de la participation à l’intérieur des petites et moyennes entreprises. Combien de fois des accords au sein de ces dernières ont dû évoluer – il faut le dire – au gré des URSSAF, dont les attitudes ne sont pas toujours les mêmes selon les territoires ? Telle est la réalité sur le terrain.

M. Dominique Tian. En effet.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Balligand, le problème des PME n’a pas été traité en 2000.

M. Jean-Pierre Balligand. Si !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Vous aviez alors lancé dans votre rapport une réflexion sur la fusion entre participation et intéressement.

M. Jean-Pierre Balligand. Non !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Si ! Et le propre d’un rapport étant d’ouvrir un certain nombre de réflexions, nous avons voulu savoir où celles-ci en étaient. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut comprendre ce texte : il est le résultat de réflexions, lancées notamment depuis le printemps 2005, qui nous ont conduits à préconiser une incitation – M. Auberger aurait souhaité une obligation – à la participation pour les PME, une mission particulière étant confiée au Conseil supérieur de la participation : celle, après trois années, de dresser un bilan et de proposer des dispositifs au cas où l’incitation ne suffirait pour permettre une vraie diffusion de la participation.

Madame Billard, la « trappe à inégalités », elle est entre les huit millions de salariés des plus grandes entreprises qui bénéficient de la participation et les huit millions de salariés des petites et moyennes entreprises qui ne peuvent en profiter !

Mme Martine Billard. C’est bien ce que j’ai dit.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Notre apport est justement de réduire cette trappe à inégalités en procédant par l’incitation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ai entendu à plusieurs reprises, notamment M. le président Bocquet, parler d’une substitution de la participation au salaire. C’est un sujet que j’ai déjà évoqué au début de la discussion. Il faut à cet égard comparer ce qui est comparable. En 2000, les dispositifs de participation ont crû parallèlement aux salaires : ils représentaient 6 % de la masse salariale – M. Jean-Pierre Balligand s’en souviendra. Aujourd’hui, le pourcentage est le même. Il n’y a donc pas eu de substitution.

Que la question des salaires soit posée, je le comprends. C’est un sujet sur lequel nous travaillons d’ailleurs depuis dix-huit mois. Du fait, je l’ai rappelé, du dispositif de convergence des SMIC et de la modération salariale induite par les 35 heures, nous nous sommes trouvés confrontés à un processus de tassement des grilles. Déjà, pour 138 des 154 plus grandes branches d’activité de plus de 5 000 salariés, nous avons apporté des réponses. Dans deux semaines, nous mettrons en place un comité de suivi à la direction générale du travail afin d’accompagner les partenaires sociaux, car c’est d’abord de leur responsabilité, de façon que les revenus intermédiaires – ceux qui ne bénéficient pas du dispositif de la prime pour l’emploi, mais qui se trouvent assujettis à la fiscalité et qui ont donc moins d’avantages parallèles – ne subissent pas un tassement face à de nouveaux modes de consommation, car telle est pour eux la réalité.

De ce point de vue, le dividende ne change rien. Il permet – je reprends un terme de votre rapport, monsieur Balligand.– une flexibilité à la hausse. C’est un outil de partage des profits exceptionnels. Quel que soit le nom qu’on lui donne, nous sommes bien dans un dispositif qui doit nous permettre de partager les profits exceptionnels. Il ne faut donc pas, monsieur Auberger, voir le dividende comme une nouvelle couche qui viendrait se rajouter à la complexité existante, mais comme une possibilité d’utiliser les profits exceptionnels, quand il y en a.

J’ai bien noté également la proposition qui a été faite de réserver une partie des augmentations du capital aux salariés. Nous avons privilégié l’incitation plutôt que la contrainte. C’est sans doute une première étape. Peut-être qu’à terme une part de l’augmentation du capital pourra être réservée systématiquement aux salariés.

Mme Christine Boutin. Oui.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cette piste intéressante a d’ailleurs fait débat à l’intérieur du Conseil supérieur de la participation. Mais, comme dans tout débat, il faut bien finir par trancher et trouver le point d’équilibre. En tous les cas, je crois que votre réflexion va dans le sens de ce que nous souhaitons faire.

Nous avons également voulu répondre à la question de la complexité par la diffusion des bonnes pratiques.

Le Conseil supérieur de la participation a désormais une nouvelle mission, le repérage des bonnes pratiques, qui fera l’objet, dans son rapport annuel, d’un vade-mecum qui s’ajoutera aux négociations de branche dans les petites et moyennes entreprises. Ce qui a été possible pour la branche de la coiffure ne devrait quand même pas être impossible dans un certain nombre d’entreprises du secteur de la métallurgie ou d’autres.

Mme Christine Boutin. Bien sûr !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je voudrais répondre à M. le rapporteur sur son souhait de recentrer le texte autour de la participation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Vidalies. Ah !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement donnera un avis favorable aux amendements de suppression en ce sens.

Mme Christine Boutin et M. Guy Geoffroy. Ce serait bien !

M. Jacques Godfrain. Assurément !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Vidalies, qui a posé une question sur le sujet, comprendra que je me sois adressé au rapporteur.

M. Alain Vidalies. Je ne comprends pas mais je vous pardonne.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ai choisi cet instant de notre discussion pour l’annoncer car il me semblait important de permettre à chacun de s’exprimer sur l’ensemble du texte tel qu’il avait été proposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela permettait de ne pas amputer le débat démocratique de cette assemblée.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C’est l’ensemble de la commission qui s’est exprimée, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’en profite pour répondre à quelques questions complémentaires qui ont été évoquées et qui ne pourront pas faire l’objet de débat ultérieurement.

S’agissant, monsieur Néri, des clubs de foot,...

M. Maxime Gremetz. C’est un dispositif honteux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …je préfère, même si, je le sais bien, la participation est au cœur du sujet et que la participation sportive a son importance, laisser à M. Lamour le soin de présenter lui-même le dispositif.

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison.

Mme Christine Boutin. S’il ose.

M. Maxime Gremetz. Il faudra qu’il nous explique pourquoi il a changé d’avis.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mon tempérament de rugbyman ne m’a pas permis, monsieur Nayrou, d’aller au bout de la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Les avis changent beaucoup.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le débat sur les stocks-options, utile et même nécessaire pour la transparence, est également un sujet assez éloigné de la participation stricto sensu. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir et je ne doute pas que Mme Lagarde et M. Breton vous apporteront les éclairages nécessaires.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Ils vont nous expliquer.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je voudrais, mesdames et messieurs les députés, aborder les questions qui relèvent plus particulièrement de mon ministère et qui concernent notamment l’évolution du code du travail.

M. Philippe Auberger. Oui, redevenons sérieux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Sur des sujets aussi importants que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les pôles de compétitivité ou encore les prud’hommes, vous pensez bien que nous avons eu des réunions bilatérales avec l’ensemble des partenaires sociaux.

Les pôles de compétitivité sont l’un des outils qui permettent de lutter contre les délocalisations.

M. Maxime Gremetz. Ah bon ? Ça ne se voit pas !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il faut un peu de patience, monsieur Gremetz.

M. Guy Geoffroy. Il ne sait pas ce que c’est !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le brassage des hommes et des femmes et des échanges dans les pôles de compétitivité me paraît constituer un outil. Mais expérimentation ne veut pas dire généralisation. Je vous rappelle que le principe d’expérimentation défini par Claude Bernard permet d’en tirer des enseignements et ensuite de généraliser ou non. Le principe expérimental, mon cher maître Vidalies, n’est pas un principe juridique, mais d’abord un principe biologique.

M. Maxime Gremetz. Le CPE, c’était biologique ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. L’enseignement que j’ai reçu dans une excellente école, sous la houlette d’un inspecteur général, me permet de vous le confirmer.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Quant au congé de mobilité, ce n’est pas une régression pour les salariés, au contraire. Leurs garanties sont en effet renforcées puisqu’on se place de façon systématique dans le cadre d’un accord avec les partenaires sociaux. Notre souhait est de préparer les hommes et les femmes à la mobilité professionnelle et d’éviter, grâce à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à des alternatives aux plans de sauvegarde de l’emploi, qu’ils connaissent d’abord les drames d’un plan de licenciement puis, ensuite, les difficultés liées au reclassement.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Par exemple, dans la région Île-de-France, une entreprise qui fabriquait des écrans de télévision a été reprise avec ses salariés, dans le cadre d’une action conduite avec la région, l’État et les OPCA. La préparation des hommes et des femmes à cette forme de mobilité a permis de passer d’une industrie verrière autour du téléviseur à une industrie verrière autour du secteur automobile.

Pour assurer une sécurisation des parcours professionnels, il faut parfois savoir sortir des schémas. La construction de parcours ne passe pas forcément par une succession de drames.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Philippe Auberger. C’est la conception humaine !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il nous reste encore beaucoup à faire sur ce sujet.

La sécurisation des parcours, dont nous aurons l’occasion de parler très bientôt au plan européen, ce n’est pas qu’une addition de flexibilités : c’est une contrepartie de dispositifs de flexibilité – Mme Boutin évoquait tout à l’heure la notion de contrats. Il importe que nous puissions parler de tous ces sujets avec les partenaires sociaux sans tabou.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous aurons l’occasion de débattre un peu plus tard de la question des prud’hommes, pour répondre à la demande du rapporteur.

M. Philippe Auberger. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mais, ceux qui connaissent ce dossier le savent, le débat a plutôt porté sur les montants et les horaires.

M. Maxime Gremetz. Ah oui ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’en viens à la contribution Delalande, qui a été évoquée. Cette contribution partait d’une excellente intention.

M. Guy Geoffroy. À l’époque, en effet !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il fallait protéger les personnes de plus de quarante-cinq ans du rôle de variable d’ajustement. Nous avons longtemps cru qu’un senior qui partait était remplacé par un jeune.

M. Philippe Auberger. C’était un peu idyllique !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous sommes arrivés à un des taux d’activité les plus bas des seniors, moins de 37 % à un moment. Avec les partenaires sociaux, nous avons, à partir du texte sur les retraites qui permettait de sauver le système par répartition,…

M. Guy Geoffroy. Il était temps !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …construit une négociation sur un certain nombre de dispositifs pour voir comment maintenir dans l’emploi, comment faire revenir vers l’emploi, considérer qu’il n’est pas besoin d’attendre d’avoir cinquante ans pour pouvoir bénéficier, par exemple au travers de la formation tout au long de la vie, d’une nouvelle formation, ou pour s’apercevoir qu’un homme ou une femme qui a occupé un poste de travail difficile est usé.

Pour construire ce parcours, nous proposons le plan seniors. Les dispositifs qui l’accompagnent permettront, à terme, de jouer contre l’effet d’éviction d’un certain nombre de seniors dans le cadre d’accords collectifs, de cumuler emploi et retraite, d’aménager des fins de carrière, d’envisager des tutorats. La contribution Delalande, qui partait d’une excellente intention, a eu paradoxalement un effet d’éviction des seniors : on n’embauchait plus à partir d’un certain âge de peur d’avoir à payer la taxe Delalande.

M. Maxime Gremetz. Supprimez-la et on pourra licencier les seniors sans payer !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Bono et d’autres orateurs ont abordé la question du chèque-transport. C’est un point important qui a fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.

M. Maxime Gremetz. Vous parlez d’une concertation : ils ne sont pas d’accord et vous le faites quand même !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Cette concertation a permis plusieurs avancées.

D’abord, pour la première fois, les horaires décalés pourront être pris en compte, notamment dans les secteurs ayant un réseau de transports collectifs.

Ensuite, l’intervention du comité d’entreprise pour la prise en charge, partielle ou totale, des salariés sera sécurisée.

Enfin, nous allons plus loin que la loi SRU de 2000, qui donnait la possibilité de participer à un versement-transport pour les salariés, mais seulement dans les secteurs de transports collectifs, sans prévoir l’outil qu’est le chèque-transport. Nous réduisons l’inégalité entre ceux qui ont un secteur couvert par un PTU et ceux qui n’ont pas de réseau de transports collectifs.

Ce chèque-transport n’est pas un substitut au salaire, il prend en compte le coût du transport, le coût de la mobilité et c’est sans doute, là aussi, un premier pas.

M. Bocquet a évoqué la situation de Ford. Aujourd’hui même, une réunion s’est tenue avec les ministères de l’économie et des finances, de l’industrie, du travail et de l’emploi, l’intersyndicale de Ford et le président de l’association des maires de Gironde, M. Gérard César. Un premier bilan de la situation et des perspectives pour 2007 et 2008 a été établi : quelle est la pérennité du site dans un moment dépressif pour les équipementiers automobiles ? Le Premier ministre a demandé à Jean-Louis Borloo et à moi-même de préparer un plan équipementier automobile.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est plus que nécessaire.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous devons examiner dans quelles conditions ce plan doit et peut être géré. C’est à la fois une urgence et une réalité.

M. Maxime Gremetz. Valeo va très mal !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mais, comme nous établissons un plan fonderie, nous pensons qu’une gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des perspectives est la meilleure réponse. C’est celle que nous souhaitons apporter. François Loos et moi-même rencontrerons le président de Ford avant le prochain comité du groupe de Ford Europe.

Tels sont les éléments que je souhaitais vous apporter.

Nous reviendrons tout au long du texte sur le livret d’épargne dont a parlé Martine Aurillac, sur le réformisme social qui est un état d’esprit, comme l’a dit M. Lecou, ou sur les dispositifs de simplification que M. Tian a évoqués.

M. Balligand évoquait son phalanstère. Mme Boutin et moi-même avons aussi le nôtre, qui porte le nom de Sébastien Faure, un des créateurs du phalanstère, dans une ville qui ne nous est pas totalement étrangère, Rambouillet. (Sourires.)

Mme Christine Boutin. Absolument.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Certes, cher président Dubernard, cher président Ollier, l’utopie doit avoir sa place dans la notion de participation, mais la pensée du général de Gaulle est le contraire de l’utopie. Elle est le pragmatisme sur le terrain, elle n’est pas le rêve d’une communauté isolée, comme l’avait imaginé le phalanstère. Les valeurs du gaullisme sont bien des valeurs de rassemblement, dans le travail comme autour des valeurs de la Nation. C’est ce que les distingue sans aucun doute de la pensée des phalanstères. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. C’est Fourier qui a créé les phalanstères, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, nous n’allons pas ouvrir un débat sur les phalanstères !

M. Maxime Gremetz. Puisque nous avons terminé la discussion générale, je voudrais, monsieur le ministre, que vous répondiez à ma demande pour éclairer l’Assemblée. Vous m’avez « filé » des chiffres (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

Vous préférez peut-être que je vous parle à la « bobo » ?

Quant à moi, j’ai cité trois études : celle de la Banque de France, dont vous avez contesté les chiffres, celle de l’INSEE, qui vient de paraître, et celle du CERC, c’est-à-dire le document de la DARES, dont vous avez aussi contesté les chiffres …

M. Jacques Godfrain. Ce n’est pas le sujet !

M. Maxime Gremetz. …en prétendant que le licenciement des délégués avait diminué cette année.

M. Philippe Auberger et M. Jacques Godfrain. C’est hors sujet !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, notre discussion doit être sérieuse. Travaillons sur les chiffres donnés par des études qui sont officielles !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je ne pense pas que cela soit vraiment un rappel au règlement. De toute façon, M. le ministre a dit qu’il répondrait, au cours de la discussion, aux questions qui lui seraient posées.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas une question : il s’agit de documents !

Mme la présidente. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175, 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :

Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 3340, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)