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(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 3.
Organiser une forme d’intéressement entre différentes entreprises et différents salariés afin de s’unir, d’assembler les énergies et de s’« associer », pour reprendre une formule employée par le général de Gaulle dans son discours aux mineurs de Saint-Étienne, voilà qui me paraît constituer une pièce maîtresse de la réforme que nous examinons aujourd’hui. Se concerter, d’après le Petit Larousse, madame Comparini, ce n’est pas autre chose que « s’entendre pour agir ensemble ».
Nous devons poursuivre nos réflexions, mais les dispositifs existants ne constituent-ils pas déjà une réponse à ces interrogations ?
Le groupe Eiffage, constructeur du viaduc de Millau, sixième major européen de la construction, est, depuis 1986, le pionnier de l’actionnariat salarié. M. Roverato, son président-directeur général, a montré un enthousiasme impressionnant lors de son audition. L’intéressement et la participation représentent dans ce groupe près de deux fois le montant des dividendes distribués aux actionnaires, soit 55 millions d’euros contre 30 millions d’euros.
Prenons l’exemple de Valeo. C’est un groupe qui marche : avec 5,5 % d’augmentation de son chiffre d’affaires, il s’apprête à faire de nouvelles acquisitions à travers le monde. Mais, dans le même temps, il ferme son site d’Abbeville, dans la circonscription de votre ami Joël Hart. Il se trouve que Valeo pratique l’intéressement, je le sais bien, car j’y ai travaillé avant d’être licencié – par un ministre du travail. En fait, j’étais un propriétaire sans droits. Et contrairement à ce que je croyais naïvement, on est loin des primes financières et de la participation à la marche de l’entreprise.
Cette année, à Abbeville, non seulement il n’y a pas eu de prime d’intéressement, si peu élevée soit-elle pour des salariés payés au SMIC, mais a été décidé un plan de licenciement de deux cent cinquante salariés pour cause de rentabilité trop faible – on sait ce qu’on peut faire avec des jeux d’écriture. Aucune annonce n’a été faite au comité d’entreprise, c’est par la presse, avant que le comité de groupe ne se réunisse, que les salariés en ont appris l’existence. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’ils puissent croire au bien-fondé de l’intéressement ?
Vous êtes de bonne foi, mais vous êtes en panne, permettez-moi de vous le dire. Vous êtes allés rechercher un modèle qui date et qui n’a jamais fait ses preuves, c’est le moins que l’on puisse dire. Allez parler aux salariés de Valeo-Abbeville d’intéressement, ils vous riront au nez. Ce qu’ils veulent, ce sont des augmentations de salaires pour lesquelles ils sont en négociation depuis deux ans.
Il vous manquait une grande ambition avec un soubassement philosophique. Vous avez cherché, vous n’avez pas trouvé et vous êtes revenu à l’idée du général de Gaulle. Mais le problème, c’est que même si elle est excellente dans son principe, elle n’a jamais été appliquée.
La lutte des classes, ce n’est pas nous qui l’organisons, ce sont les entreprises qui licencient qui la provoque, en privant les salariés de leurs droits à la participation. Ceux-ci ne vont pas se contenter de dire « amen ».
La lutte des classes est une réalité. La situation s’est encore aggravée depuis que le capital financier a remplacé le capital industriel, et vous l’avez démontré.
Il serait temps de nous proposer autre chose que la participation. Quand on innove, il faut penser avec son époque. Je ne suis pas un penseur, contrairement à vous qui êtes de grands savants, mais je sais une chose : vous n’avancerez pas tant que vous n’écouterez pas les salariés, les organisations syndicales et les comités d’entreprise.
Vous ne pouvez pas affirmer qu’un consensus s’est dégagé sur l’article 2 car l’intéressement de projet suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Les auditions auxquelles nous avons procédé montrent qu’il s’agit peut-être d’une piste, mais aussi d’une manière d’exclure certains salariés du bénéfice du dispositif.
Nous nous interrogeons, mais n’interprétez pas faussement nos interrogations.
Tout le monde connaît Eiffage, mais les poissons volants, comme on dit au cinéma, existent aussi et ils ne sont pourtant pas les plus répandus.
Nous pouvons discuter du texte d’un point de vue technique, mais si vous poursuivez sur ce ton, alors nous prendrons le temps nécessaire pour débattre au fond.
Vous avez raison, nous ne sommes pas certains que les dispositifs que nous prévoyons fonctionneront comme on peut l’imaginer. Mais les incertitudes ne doivent pas pour autant entraver la volonté qu’a la majorité de faire avancer les choses.
Je ne prétends pas qu’il y aurait un consensus, non plus d’ailleurs que M. Dubernard, mais je suis certain, en dehors de tout clivage politicien entre vous et nous, que nous avons tous en la matière de bonnes intentions. Seulement, nous ne les traduisons pas dans le texte de la même manière.
L’article 3 est intéressant à double titre car il permet d’abord de faire évoluer les conditions du dialogue social. Prévoir l’obligation de négociations pour les groupements d’employeurs constitue, sans nul doute, une évolution.
J’ajoute que les groupements d’employeurs me tiennent particulièrement à cœur car, voilà dix ans environ, je me suis battu ici – et M. Coussain s’en souvient – pour que la pluriactivité soit effective, comme le souhaitaient certaines associations de défense du développement économique de la montagne. Et l’on s’aperçoit aujourd’hui que ces groupements d’employeurs sont utiles dans d’autres domaines que ceux que nous avions prévus à l’époque.
Ensuite, l’article 3 étend l’application de l’intéressement. Le fait que l’on puisse prendre en compte les résultats des entreprises membres du groupement constitue également un progrès.
Enfin, monsieur Gremetz, peut-être n’avez-vous pas écouté ce que nous avons essayé de dire hier soir.
Je vous respecte, monsieur Gremetz, parce que vous vous êtes battu, en tant que syndicaliste, et que vous continuez à le faire. Vos convictions sont respectables et, même si je ne les partage pas, je sais que vous êtes sincère. Mais vous vous trompez. Je vous engage à nous rejoindre dans cette quête d’une meilleure organisation du dialogue social. Nous construisons une loi pour demain, pas pour hier.
Si vous estimez que la loi a été mal appliquée hier ou qu’elle est mauvaise aujourd’hui, acceptez de comprendre que ce que nous faisons vise à ce qu’elle soit mieux appliquée demain. La majorité a un véritable projet social, qui sera à son honneur et qui sera d’ailleurs un élément du débat pendant la campagne présidentielle.
Nous aimerions, monsieur Gremetz, que vous cessiez de regarder systématiquement dans le rétroviseur. Tournez-vous vers l’avenir. Quant à nous, nous sommes une majorité de progrès, et l’article 3 en témoigne. Voilà pourquoi je souhaite qu’il soit voté.
Deuxièmement, vous avez dit, monsieur Ollier, que la loi était mauvaise et qu’elle était mal appliquée, et vous avez raison. Vous avez également indiqué que vous aviez la volonté de préparer l’avenir. Soit, mais comment peut-on imaginer un intéressement, une participation véritable lorsque l’on remet en cause tous les droits des comités d’entreprise et des organisations syndicales ?
Je suis d’abord saisi d’un amendement n° 15.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Vous créez une obligation de négociation au niveau du groupement d’employeurs, mais que se passera-t-il s’il n’y a pas d’accord ? Les salariés qui bénéficient aujourd’hui de la protection de l’article L. 444-4 ne pourront plus l’invoquer. Nous ne comprenons pas cette régression. Nous considérons qu’il suffirait de supprimer l’alinéa 5 pour revenir au droit positif.
Pour l’ensemble de ces raisons, les services ministériels ne sont même pas parvenus à rédiger le décret d’application du dernier alinéa de l’article L. 444-4. Il serait donc pour le moins paradoxal de vouloir faire revivre un dispositif alors que le projet de loi apporte des solutions qui, elles, ont le mérite de pouvoir être appliquées.
Voilà pourquoi la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
La présente disposition reprend un amendement sénatorial concernant notamment les groupements dans le secteur agricole. En fait, il est inopérant puisque, par nature, le groupement ne réalise pas de résultats – ou alors il faudrait élaborer une espèce de système de tuyaux pour additionner la part des résultats revenant aux salariés du groupement. Or, comme nous l’avons dit, il faut simplifier, clarifier les choses.
La situation créant donc des inégalités, nous proposons de permettre une négociation dans le domaine de l’épargne salariale et de l’intéressement.
Monsieur Vidalies, je souhaite donc que vous retiriez l’amendement puisque nous voulons tous, vous comme nous, que les salariés membres d’un groupement puissent bénéficier de dispositions favorables.
Ensuite, il faut regarder les choses en face, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à externaliser une partie de leurs tâches. Et, si les groupements territoriaux ne posent pas de problème, il en va autrement des groupements de branche, le groupement n’étant qu’une des formes que revêt la sous-traitance.
Dans ces conditions, ne serait-il pas plus intéressant d’utiliser le plan d’épargne interentreprises, le PEI, que j’avais créé, et dont le rapport de M. Dubernard – page 88 – mentionne qu’il a progressé de 18 % dans les petites entreprises employant d’un à quarante-neuf salariés ? Pourquoi ne pas recourir à ce support ?
Votre argument contre l’amendement est bon, mais ce que vous proposez ne marchera pas mieux en raison de la discontinuité de l’activité d’un groupement.
Comment traiter les groupements d’employeurs compte tenu de l’objection de M. Balligand qui a parfaitement raison ? L’amendement n° 15 n’est certes pas satisfaisant, mais il faut veiller à ne pas continuer à exclure les salariés des groupements d’employeurs d’un dispositif qui doit en principe bénéficier à tous et dont je rappelle qu’il ne concerne que 8 millions de personnes sur 22 millions.
La question se pose non seulement pour les entreprises sous-traitantes mais aussi pour les filiales de groupes étrangers installées en France. Allez-vous maintenir deux catégories de salariés ? Parce que le sujet ne peut être discuté au niveau du groupe, ceux qui travaillent dans les filiales de groupes étrangers ne pourront toujours pas profiter du système ! Nous ne demandons pas que la loi française s’applique dans les autres pays, mais il faut qu’en France, les salariés soient traités de la même façon.
Vous devez répondre sur ce point, ce qui nous permettra d’aller plus vite ensuite.
Les dispositifs d’épargne salariale et d’intéressement étant, à nos yeux, applicables, nous ne pouvons pas suivre les auteurs de l’amendement. Encore une fois, la position du Gouvernement est dictée par un souci d’efficacité et de pragmatisme, et non par une approche diamétralement opposée sur le sujet.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Cet amendement est-il soutenu ?
Cet amendement, qui concerne la signature des accords d’intéressement dans les holdings, soulève donc une question bien réelle et il mérite notre attention. En effet, il simplifie les modalités d’ouverture de négociations dans les filiales.
Prenons un cas concret, celui de la Picardie. Plus d’un tiers des salariés qui y travaillent, soit 40 % environ, sont employés par des filiales de groupes : Dunlop, Valeo, etc. Comment négocier ? Les employeurs pourront mettre en avant leur appartenance à un groupe pour éviter d’appliquer le droit français. Il faut donc bien stipuler que les salariés français, et pas les autres, sont concernés. Sinon, vous maintenez une discrimination flagrante entre salariés sur le sol français.
Encore une fois, il n’y a pas que les holdings. Je suis favorable à cet amendement, mais élargissons le propos pour régler, une bonne fois pour toutes, tous les cas particuliers. Vous qui réclamez des textes clairs et lisibles, messieurs les présidents de commission, rappelons donc clairement le principe fondamental selon lequel le droit français doit s’appliquer à tous les salariés qui travaillent en France, indépendamment du statut de leur entreprise.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.
Ainsi, dans une telle situation, comme l’a d’ailleurs récemment admis la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2005 pour le dispositif de l’intéressement, il convient que la réserve spéciale de participation puisse être calculée en prenant en compte la moyenne des résultats d’un ou de plusieurs membres constituant le GIE.
Cet amendement élargirait la participation à de nombreuses entreprises. Il éviterait toute contestation ultérieure par l’administration fiscale ou par les URSSAF, et, par conséquent, une remise en cause des avantages en résultant pour les salariés.
Les services du ministère ont procédé à une évaluation et je me tourne vers vous, monsieur le ministre, pour en connaître le résultat.
Prenons l’exemple d’une chaîne de multiplexes : retenir le plus petit commun dénominateur entre ceux qui dégagent des bénéfices et ceux qui n’en dégagent pas conduirait à abaisser le niveau de la participation.
C’est pourquoi le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement n° 181.
En effet, le salarié est salarié du GIE et l’intéressement, qui est fondé sur les profits, va aux membres du GIE. Si nous voulons que le salarié du GIE profite de l’intéressement, alors même, je le répète, que l’organisme est transparent du point de vue des résultats, il faut bien trouver une solution !
Telle est la raison pour laquelle, je le répète, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement qui prend en compte les résultats négatifs, afin de maintenir, sur le fond, le dispositif tel qu’il est actuellement prévu.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
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Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 181.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
L'Assemblée nationale a adopté.
En revanche, si l’amendement était venu de moi, vous auriez voté contre : vous êtes borné !
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
L'objectif est louable en ce sens qu'il vise à favoriser l'implication des salariés dans ces dispositifs. Certes, nous sommes opposés à ces formes de participation financières en raison de l'utilisation qui en est faite : substitution au salaire ou alimentation de diverses formes de capitalisation en vue de la retraite. Toutefois, le principe de réalité s'impose et, puisque ces dispositifs existent – vous ne les avez pas inventés, puisque j’ai été moi-même actionnaire à la fin des années cinquante –, si nous continuons de penser qu’il faut les contenir, la loi doit s’imposer – c’est ce que nous ont dit les organisations syndicales – et il faut négocier en vue de les créer dans l’entreprise. L'exigence, prioritaire à nos yeux, d'augmenter les salaires ne nous empêche donc pas de faire des propositions sur l’évolution des dispositifs d'épargne salariale. Nous venons encore de le démontrer en prenant une position favorable à l’amendement n° 181 de M. Tian, qui appartient à la majorité.
En conséquence, ce n’est pas désarmer que chercher des outils permettant une meilleure utilisation de ces mécanismes. Il en est ainsi de la généralisation des comités de suivi des accords d’intéressement ou la création de comités de suivi des accords de participation : elles vont dans le bon sens puisqu’elles répondent à une attente des représentants des salariés impliqués dans ces dispositifs.
Toutefois, il faudrait aller plus loin. En effet, ces comités sont aujourd'hui relégués à un simple rôle d'information, notamment sur le contenu de l'accord instituant des règles d'intéressement ou de participation financière.
C'est ainsi que selon l'article L. 441-2 du code du travail, les accords d'intéressement « doivent instituer un système d'information du personnel et de vérification des modalités d'exécution de l'accord. Ils comportent notamment un préambule indiquant les motifs de l'accord ainsi que les raisons du choix des modalités de calcul de l'intéressement et des critères de répartition de ses produits ».
De même, la circulaire interministérielle du 3 janvier 1992 prévoit qu’« il est nécessaire que cette information soit effectuée de manière complète et régulière en adaptant la périodicité des communications aux représentants des salariés à celle retenue pour le calcul de l'intéressement ».
On ne peut, nous semble-t-il, se limiter à l'information : il faut donner aux salariés le pouvoir de participer réellement à la gestion de ces fonds. C’est ce à quoi, du reste, le président Dubernard nous a appelés : ce pouvoir ne doit pas être seulement financier, mais concerner également la gestion de l’entreprise. Nous sommes au pied du mur : les salariés doivent avoir un pouvoir de participation réelle à la gestion de ces fonds avant même d’obtenir un pouvoir de gestion des entreprises. Il faut donner aux représentants des salariés les moyens d'être concrètement présents dans les instances de gestion pour faire entendre la voix des intéressés en matière d'utilisation des fonds, des modalités de placement et de l'intérêt de ces placements.
Ces sommes, je le rappelle, appartiennent aux salariés : par leur détournement régulier, ces masses financières s’apparentent presque à un salaire différé. Il importe donc, dans un souci de transparence démocratique, que les salariés en soient pleinement maîtres.
C’est pourquoi nous ne comprenons pas, madame et monsieur les ministres, les motivations des amendements de M. Tian, lesquels visent, au contraire, à supprimer ces structures, dessaisissant ainsi les salariés de leurs droits. Ce sont eux qui paient, et d’autres gèrent ! Cela se pratique beaucoup en France : les payeurs ne sont pas les décideurs ! Ceux qui décident, ce sont les grands, tout en haut ! Nous sommes également défavorables à l’amendement du rapporteur visant à rendre facultative cette généralisation des comités de suivi. Qui peut, dans cette assemblée, être opposé à la généralisation des comités de suivi, alors que la transparence exige que ceux qui paient sachent comment leur argent sera utilisé ? Ils doivent notamment savoir si cet argent ira alimenter des placements financiers ou sera investi dans le développement de l’entreprise.
Nous nous opposerons donc à ces amendements et proposerons au contraire d’aller dans le sens d'une plus grande implication des représentants des salariés dans la gestion des plans d'épargne, leur contrôle et leur suivi.
Monsieur le président Dubernard, je vous le rappelle, vous avez parlé de grande innovation. Or une innovation qui consiste à retenir du salaire différé sans que les salariés aient leur mot à dire sur sa gestion ou son placement, cela n’a rien d’une révolution copernicienne mais constitue plutôt une régression !
La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, si cet amendement tend à supprimer l’article 4, c’est que, comme l’a souhaité le Gouvernement, il faut un effet « turbo » : les accords signés ne concernant aujourd'hui que 8 millions de salariés, ils doivent être multipliés.
Or, si le système actuel fonctionne – du moins est-ce l’avis général –, pourquoi prévoir des rigidités supplémentaires venant entraver les entreprises ?
Quel est l'avis de la commission sur l’amendement en discussion ?
La commission a rejeté cet amendement. L’article 5 comporte en effet un enjeu essentiel pour le texte et pour les principes que nous défendons. Avec les comités de suivi, c’est la dimension sociale de la participation qui est mise en avant, autrement dit l’association des salariés aux discussions sur la mise en œuvre de la participation financière dans leur entreprise. Ce point est donc très important.
Il est essentiel de pouvoir s’assurer que les salariés soient réellement associés à la vérification des conditions de mise en œuvre des accords de participation ou d’intéressement – question que nous allons examiner ultérieurement. Si le principe de structures de suivi semble acquis – il paraît d’ailleurs difficilement contestable –, les auditions menées en commission ont montré combien sa mise en œuvre se pouvait se révéler délicate. Des réticences multiples sont apparues. Que n’avons-nous entendu, en effet, sur cet article ? Trop lourd et trop complexe pour les uns, insuffisant pour les autres, le dispositif proposé serait par ailleurs mal adapté selon ceux qui sont notamment soucieux d’éviter les redondances entre les rôles impartis aux comités de suivi, aux comités d’entreprise ou encore aux conseils de surveillance des fonds communs de placements d’entreprise.
Pour être franc, j’étais moi aussi perplexe, d’où ma compréhension pour la position de Dominique Tian. Reste cependant que les dispositions prévues par cet article sont trop importantes pour être purement et simplement supprimées. En effet, seule la moitié, environ, des entreprises assurent le suivi de leurs accords par la mise en place d’un comité ad hoc, et l’on peut regretter que l’autre moitié n’ait pas encore jugé nécessaire d’y avoir recours. En outre, seul les comités de suivi des accords d’intéressement sont prévus aujourd’hui par le code du travail.
Je suis convaincu que la contrainte n’est pas la solution, qu’il faut insister sur la dimension de concertation prévue par le texte. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des affaires culturelles l’amendement n° 84 rectifié, dont nous allons discuter ensuite, qui prévoit de rendre les comités de suivi applicables à l’ensemble des types d’accords – accords de participation, d’intéressement, règlements de plans d’épargne salariale – sans pour autant les rendre obligatoires.
Je rappelle qu’il existe aujourd’hui des comités de suivi des accords d’intéressement. Leur rôle consiste à vérifier les performances atteintes, qui ne sont d’ailleurs pas toutes financières, comme l’intéressement de projet, déjà évoqué. Ces comités servent aussi à vérifier les modes de calcul de primes. Or il n’existe aucun autre dispositif garantissant aux salariés le versement des primes d’intéressement. En ce qui concerne l’épargne salariale, le suivi est réalisé par les conseils de surveillances des FCPE.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 84 rectifié de la commission, qui étend, de manière facultative, la généralisation des comités de suivi aux accords de participation et aux règlements de plans d’épargne salariale. Cependant, afin qu’il n’y ait pas recul par rapport à la situation actuelle, le Gouvernement propose un sous-amendement n° 323, qui a pour objet de conserver les dispositifs en vigueur dans plus de la moitié des entreprises, les comités de suivi contribuant à stimuler l’esprit d’intéressement.
Quand on parle de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – nous y reviendrons lors de la discussion sur la loi de finances ou sur la loi de financement de la sécurité sociale –, quand on s’efforce d’anticiper les mutations économiques, il est important de prévoir des instances où les salariés puissent être informés des performances de l’entreprise, qu’il s’agisse des performances financières ou de celles à atteindre collectivement en matière de qualité ou de production.
Voilà pourquoi, monsieur Tian, si nous comprenons que trop de complexité puisse tuer cette dynamique, nous souhaitons que vous retiriez votre amendement au profit de celui, n° 84 rectifié, présenté par M. Dubernard, que le Gouvernement propose de sous-amender.
Je suis saisi d’un sous-amendement n° 323 du Gouvernement, à l’amendement n° 84 rectifié qui vient d’être défendu.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour défendre l’amendement n° 308, identique à l’amendement n° 84 rectifié.
Je suis heureux que M. Tian ait retiré son amendement au profit de celui de la commission, qui lui donne en grande partie satisfaction. En outre, la commission des affaires économiques est favorable au sous-amendement du Gouvernement.
J’ajoute que ces deux amendements identiques suppriment la possibilité pour un conseil de surveillance commun à plusieurs FCPE d’assurer le suivi des accords. Il s’agit, par ces amendements, d’apporter une certaine clarification en supprimant une confusion des genres. Chacun doit assumer sa responsabilité : d’une part, la gestion des fonds dans le cadre des FCPE, et, d’autre part, le suivi des accords dans les entreprises.
Je souhaite par ailleurs insister sur un point, sans citer, comme nous l’avons fait hier, les nombreux acteurs engagés depuis quarante ans dans le débat sur la participation. L’un des éléments essentiels de notre volonté de faire avancer cette idée de participation reste en effet la participation des salariés eux-mêmes à la mise en œuvre du projet. Celle-ci suppose une vraie information à la base et, j’insiste, une vraie « participation » des salariés au suivi des accords. Vous pourrez d’ailleurs mesurer, tout au long de l’examen du texte, notre souci commun avec le Gouvernement de faire œuvre de pédagogie pour faire évoluer les mentalités. On en trouve la trace ici comme on la retrouvera dans un chapitre que nous souhaitons ajouter au texte, relatif à la formation dans le cadre de l’entreprise. Nous constaterons alors, monsieur Gremetz, la nécessité de mettre en œuvre la formation professionnelle au service de l’actionnariat salarié, au service de l’intéressement et de la participation. En effet, l’absence de cet effort pédagogique peut expliquer certains blocages. Cet amendement traduit donc notre volonté.
(Le sous-amendement est adopté.)
La parole est à M. Gremetz pour défendre son sous-amendement.
Mon sous-amendement propose donc de remplacer les mots : « peuvent prévoir » par le mot : « prévoient », dans le texte de l’amendement n° 84 rectifié. Si mon sous-amendement était adopté, cet amendement se lirait ainsi : « L’accord d’intéressement prévu au chapitre Ier du présent titre, l’accord de participation prévu au chapitre II du même titre ou le règlement d’un plan d’épargne salariale prévu au chapitre III du même titre prévoient les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise ou une commission spécialisée créée par lui ou, à défaut, les délégués du personnel disposent des moyens d'information nécessaires sur les conditions d'application de cet accord ou de ce règlement. »
En écrivant « peuvent prévoir », on en reste à une disposition facultative, qui ne sera pas suivie d’effets. Dans ces conditions, aux bons soins de qui sera laissée la mise en place du comité de suivi de l’accord d’intéressement, de l’accord de participation ou du règlement d’un plan d’épargne salariale ? Aux bons soins de l’employeur en l’occurrence. Or, la loi parle de concertation, et MM. Dubernard et Ollier ne cessent de rappeler que la participation et l’intéressement ne sont pas seulement financiers. Puisque tout le monde est d’accord pour considérer que les salariés doivent participer à la gestion de leurs fonds, mon sous-amendement doit être adopté. Ce n’est peut-être pas le turbo évoqué par M. Tian, mais, sans l’adoption de mon sous-amendement, l’amendement n° 84 rectifié ne serait qu’une sorte de turbo pour faire marche arrière.
Nous devons faire preuve de pédagogie et rechercher le consensus au sein de l’entreprise si l’on veut que l’association capital-travail et que l’actionnariat salarié fonctionnent – et c’est notre intention. Pour cela, la manière dont on souhaite mettre en œuvre ces principes est essentielle.
C’est là que nous ne sommes pas d’accord : si les intentions sont communes, la méthode est différente. Pour nous, mieux vaut s’assurer que le dialogue sur le terrain peut aboutir, plutôt que d’imposer par la loi une contrainte excessive qui risque de faire ressurgir les mauvais réflexes et de se traduire par une mauvaise application de la loi. Nous privilégions la négociation et le débat dans l’entreprise, afin que cette ambition puisse être partagée et fasse l’objet d’un vrai consensus.
M. Tian, M. Joyandet, M. Dubernard, M. Auberger, M. Guillaume, tous l’ont dit : nous sommes d’accord sur le fond mais, de grâce, allégeons les contraintes et faisons confiance aux hommes ! Notre amendement vise à instaurer cette souplesse en évitant les contraintes. Voilà pourquoi nous rejetons le sous-amendement de M. Gremetz.
« Peuvent, peuvent », dites-vous. Mais qui « peut » ? Jamais les salariés, toujours les employeurs ! Avouez que l’on n’est vraiment pas à égalité dans ce domaine !
Pour appuyer mon propos, je me trouve donc contraint de demander un scrutin public sur mon sous-amendement, monsieur le président. Que les choses soient fixées une bonne fois pour toutes ! Il faut cesser de parler de participation, de cogestion, d’autogestion, que sais-je encore… Dans un dialogue, il y a deux partenaires. Je sais que cela ne vous va pas, à droite : vous êtes pour les patrons de droit divin. Voilà pourquoi vous ne voulez pas que les salariés disposent de leur argent. C’est, je le sais, la position du MEDEF. Ce scrutin public mettra en évidence la distance qui sépare vos discours de vos actes.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
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Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 328 .
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 24
Nombre de suffrages exprimés 24
Majorité absolue 13
Pour l’adoption 5
Contre 19
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
Dans cet esprit, nous proposons par cet amendement de poursuivre un double objectif : il est proposé d’abord que les conseils de surveillance soient obligatoirement composés majoritairement de représentants des salariés. L’épargne salariale ne relève pas, j’en suis d’accord, du paritarisme : les fonds épargnés déposés sur le FCPE appartiennent aux salariés, non aux employeurs.
Ensuite, les FCPE sont fréquemment des fonds « multi-entreprises », souscrits par les salariés de plusieurs entreprises, en particulier dans le cas des PME. La législation actuelle impose que l’ensemble des entreprises adhérentes soient représentées au conseil de surveillance du fonds.
Je dois m’interrompre, monsieur le ministre, car il est un peu désagréable de voir, à chacune de mes interventions, le conseiller qui est derrière vous se mettre à vous parler. Un peu de politesse et de respect à l’égard de la représentation nationale ne nuirait pas !
Pour un fonds collectant l’épargne d’une centaine d’entreprises, comme c’est souvent le cas, le conseil de surveillance est composé d’au moins deux cents membres : une sorte d’assemblée générale d’une section de l’UMP, pour donner un ordre de grandeur ! Pour résoudre ce problème, il est proposé que les conseils de surveillance des fonds « multi-entreprises » soient désignés sur la base des règles de représentativité du code du travail, de manière à permettre de former des conseils de taille limitée, qui ne ressemblent pas à des assemblées générales d’où rien ne peut sortir. Les conseils de surveillance seraient ainsi désignés par les organisations syndicales et patronales représentatives.
M. le président de la commission des affaires sociales, en l'occurrence rapporteur de ce projet de loi, a longuement et fort justement insisté, lors de la présentation du texte en commission, sur cette dimension de la participation des salariés à la gestion de l'entreprise, notamment à la gestion des fonds de placement commun. Je ne doute pas de votre bonne foi, monsieur Dubernard : vous reconnaîtrez, je le sais, que cet amendement répond parfaitement à votre préoccupation. Il serait tout naturel que vous nous suiviez sur ce sujet. Si tel n’était pas le cas, démonstration serait faite, une nouvelle fois, de la politique du grand écart de la majorité, entre ses déclarations et ses véritables intentions, entre l’ambition affichée et la concrétisation par les actes.
Comme les auditions de la commission l’ont démontré, l’attente est forte chez les organisations syndicales, et même de la part du Conseil supérieur de la participation. Une véritable participation suppose que les salariés soient informés et puissent peser sur les décisions. Quoi de plus naturel, puisque ce sont eux qui payent ? Cela n’a rien de révolutionnaire : c’est une affaire de transparence et de démocratie.
Tel est le sens de cet amendement, dont je ne doute pas qu’il fera plaisir tant à M. Dubernard qu’à M. Ollier qui a proclamé : « Vive la participation ! Vive la troisième voie ! Vive l’association capital-travail ! » En l’état du texte, on paye et l’employeur décide tout seul. Nous proposons, nous, que cela se fasse de façon concertée. Se concerter, nous a dit M. le président de la commission des affaires sociales, c’est se consulter et décider ensemble. Je ne vous propose rien d’autre. Convenez, monsieur Dubernard, que vraiment Maxime va dans le bon sens ! (Sourires.)
D’abord, votre amendement tend à modifier le deuxième alinéa de l’article L. 214-39 du code monétaire et financier, lequel fait lui-même l’objet d’une nouvelle rédaction à l’article 13 du projet de loi. C’est à cet article qu’il eût été préférable de proposer une telle modification.
Ensuite, si cet amendement était adopté, les conseils de surveillance seraient composés en majorité des représentants de l’entreprise. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Si nous vous suivions, le compromis de représentation, qui est actuellement de 50 % de salariés actionnaires et 50 % de représentants des entreprises et des syndicats représentatifs du personnel, irait vers un autre équilibre, avec 50 % de managers de l’entreprise et 50 % seulement des salariés !
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
J’attire en outre l’attention de M. le ministre, qui en est certainement le plus au fait, sur la conjoncture de baisse du chômage, due en particulier à la pyramide des âges et aux départs massifs à la retraite. À chaque période de baisse du chômage, les grandes entreprises exercent une pression pour prendre les salariés des PME. Cela leur est d’autant plus facile que le différentiel en salaire direct et différé – intéressement et participation – est important. Avec le papy boum, il est évident que les meilleurs employés des PME se verront démarchés, du jour au lendemain, pour aller dans les grandes entreprises. Il faut donc instaurer un peu plus d’égalité en diffusant la participation. C’est encore une raison pour lever le seuil de cinquante salariés.
Enfin, passer par la loi et la contrainte, c’est nier le dialogue social auquel le ministre travaille.
Pour l’ensemble de ces raisons, il ne me paraît pas raisonnable d’envisager de légiférer aujourd’hui sur cette question.
Selon le dernier rapport du Conseil supérieur de la participation, qui concerne les années 2003-2004, la participation financière continue à progresser en France, notamment grâce à l’ouverture aux salariés des petites entreprises de l’accès au plan d’épargne entreprise. Il reste toutefois que la moitié des salariés ayant accès à un tel mécanisme de participation financière travaillent dans des entreprises de mille salariés et plus, alors qu’ils ne représentent que le quart de l’ensemble des salariés.
En outre, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’emploi a montré, dans une étude parue il y a quelques jours à peine, que « dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l’épargne salariale ne progresse plus, après plusieurs années de développement dues au succès des plans d’épargne interentreprises ».
La présente réforme prend ce thème au sérieux et le projet de loi me semble offrir de multiples solutions équilibrées pour favoriser la participation dans les petites entreprises : l’article 5 conduit les branches à négocier des régimes de participation dans les trois ans suivant la publication de la loi ; l’article 8 contribue à sécuriser les accords de participation au regard des contrôles administratifs et des contrôles URSSAF, véritables épées de Damoclès qui constituent un obstacle psychologique au développement de la participation ; l’article 13 contient de nombreuses mesures favorisant le développement des plans d’épargne interentreprises ; l’article 14 offre aux entreprises non cotées de nouvelles possibilités d’organiser leurs liquidités. Enfin, avec Patrick Ollier, nous avons déposé, au nom des deux commissions, un amendement destiné à promouvoir la participation dans les petites entreprises en ouvrant la possibilité à l’employeur de la mettre en œuvre de manière unilatérale. Cette panoplie offerte par le présent texte me paraît à même de répondre aux préoccupations des auteurs des amendements avant l’article 5, qui ont été rejetés par la commission.
Nous sommes conscients aussi de la nécessité, soulignée sur tous les bancs, de rendre les PME attractives. Le travail que nous faisons sur les grilles salariales porte d’ailleurs essentiellement sur les petites et moyennes entreprises. Les grandes entreprises en effet, grâce aux accords d’entreprises, se situent en général au-dessus de la moyenne. Le comité de suivi de la négociation, que j’ai évoqué plusieurs fois, aura également un rôle à jouer dans l’attractivité.
Nous souhaitons, en l’état actuel des choses, nous en tenir au dispositif équilibré résultant de la nécessité d’induire plus fortement une volonté de simplification pour les petites et moyennes entreprises. Le Conseil supérieur de la participation devra, d’une part, suivre, dans son rapport annuel, l’évolution de la participation dans les petites et moyennes entreprises – et pas simplement au travers de colonnes annuelles de statistiques – et, d’autre part, constater si le caractère obligatoire des négociations de branches et d’accords de branches a été respecté dans le délai de trois ans.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à l’amendement.
Vous savez que je n’exagère pas. En effet, toutes les entreprises de moins de cinquante salariés ne sont pas concernées. Et pourtant, ce sont elles qui créent de l’emploi et se développent.
Et comment allez-vous expliquer aux agents de la fonction publique qu’ils sont laissés à l’écart ? Sont-ils des pestiférés ?
Va-t-on s’installer dans une société où les salariés ne sont pas traités de la même façon parce qu’ils ont le bonheur, ou le malheur, de travailler dans des petites et moyennes entreprises de moins de cinquante salariés – et cela représente des millions de personnes – ou parce qu’ils ont le « privilège » de travailler dans la fonction publique – « les privilégiés de la fonction publique », comme on les appelle en général à la télévision.
Je me souviens, monsieur le Garrec, de nos discussions lors de l’examen de la première loi sur les 35 heures. Nous avions décidé, compte tenu des difficultés d’application pour les petites et moyennes entreprises, de leur laisser deux ans pour s’adapter et réfléchir.
Si nous n’agissons pas ainsi, cela signifiera que nous ne faisons pas preuve d’une volonté politique suffisante pour que tous les salariés soient traités de la même façon. Va-t-on laisser de l’autre côté de la route les agents de la fonction publique ? On ne peut pas parler de leur situation particulière : ils n’ont même pas d’intéressement. Pourtant, c’est le général de Gaulle qui voulait l’intéressement, la participation. Ces millions de fonctionnaires, qui remplissent des fonctions très importantes, à part quelques privilégiés tout en haut de l’affiche, n’ont rien. C’est une discrimination insupportable.
Nous allons devoir saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que nous venons de mettre en place.
Si l’on se dirige vers l’obligation, il y a un risque, compte tenu de la complexité du système en place, que cela ait des effets négatifs sur l’emploi, car une contrainte supplémentaire risquera d’entraîner les très petites et moyennes entreprises à réduire le nombre de leurs salariés, voire à supprimer tous les postes.
Il faut s’en tenir à un système facultatif de participation des salariés aux résultats, au moins pour les TPE.
N’oublions pas non plus que nous votons des tombereaux de lois qui ne sont pas appliquées – vous le rappeliez tout à l’heure, monsieur Gremetz – faute d’être applicables aux entreprises de petite taille.
Nous devons garder présent à l’esprit la nécessité d’un égal traitement de tous les salariés. Toutefois, il faut réserver un traitement particulier aux PME-PMI, non seulement pour la participation, l’intéressement, mais aussi pour l’innovation et le commerce extérieur. Les petites entreprises ne peuvent pas tout faire. Il faut essayer d’apprivoiser – comme le dit Saint-Exupéry – de donner envie au chef d’entreprise et à son personnel d’adopter des dispositifs de modernisation, plutôt qu’imposer des dispositifs qu’ils ne suivront pas.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
Cet amendement rejoint également la position défendue par M. Joyandet en commission des finances, lorsqu’il a présenté une disposition dérogatoire pour essayer de remédier aux problèmes des TPE.
Par cet amendement, il s’agit de retirer du dispositif les entreprises de moins de dix salariés. Toutefois, pour celles employant entre dix et cinquante personnes, c’est autre chose : il faut permettre aux salariés des PME d’avoir accès à la participation. La question centrale est celle de la diffusion du dispositif de participation dans les PME, ainsi que l’ont rappelé MM. les rapporteurs et M. le ministre.
Sans entrer dans le débat sur le temps de travail, nous avons bien été obligés de traiter différemment les salariés des PME et les autres. J’ai lu un ouvrage écrit par un ancien ministre, que connaît bien M. Le Garrec, qui reconnaissait qu’il y avait bien là un problème d’adaptation. Ce souci d’adaptation est d’autant plus essentiel que c’est dans les PME que se développe l’emploi. Paradoxalement, et aussi bizarre que cela puisse paraître, un même texte n’apporte pas la même protection à tous – c’est même le contraire : le fossé s’élargit !
Depuis deux ans et demi que je suis à la tête de ce ministère, je suis frappé par l’iniquité de situation des salariés selon la taille de l’entreprise.
Comment se fait-il qu’un salarié sur deux ne puisse voter aux élections prud’homales – l’ABC de la démocratie ? Cela dépend de la taille de l’entreprise.
Dans ces conditions, on ne peut dire que tous les salariés sont logés à la même enseigne.
On ne peut donc dire que le code du travail s’applique de la même façon dans les petites et moyennes entreprises, car il existe des seuils. Vous généralisez trop, monsieur le ministre délégué. Que l’on n’ait pas suffisamment pris en compte la réalité de chaque entreprise – pas seulement sa taille, mais aussi son secteur d’activité –, j’en conviens.
Les salariés et les dirigeants de PME ont des idées, monsieur le ministre délégué. Il faudrait les écouter. Nombre de dirigeants de petites et moyennes entreprises attendent autre chose qu’une loi sur l’intéressement. Ils savent qu’ils doivent augmenter les salaires et les primes pour éviter que leurs meilleurs ouvriers professionnels ne partent.
L’intéressement et la participation auraient plus de sens dans les petites et moyennes entreprises que dans les grandes, lesquelles, de toute façon, ne tiennent pas compte des modifications qui sont intervenues.
En tant qu’ancien délégué du personnel chez Valeo, à Amiens, je sais comment les choses se passent. À l’époque, la situation était relativement simple car les résultats de la société ne présentaient pas de difficultés majeures. Mais maintenant que le groupe est multinational, c’est différent, la situation est beaucoup plus complexe car les grands groupes multinationaux refusent de faire la transparence sur leurs résultats. Dans les petites entreprises, c’est plus facile.
Quant au problème soulevé par Mme Comparini, je pense que lorsqu’une loi est votée, elle doit s’appliquer à tous les salariés,…
Enfin, quel exemple donne l’État ? Il fait voter une loi sur l’intéressement et la participation, en décidant d’emblée de ne pas l’appliquer à ses agents ! Où est la morale ? Que devient l’enthousiasme exprimé par M. Dubernard et M. Ollier ? Si l’État ne donne pas l’exemple, il n’y aucun effet stimulant !
(L'amendement n'est pas adopté.)
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)
Cet amendement de la commission des affaires culturelles est de nature rédactionnelle.
Le Gouvernement y est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 85.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Cela nous renvoie au long débat que nous avons eu sur la loi Fillon relative la démocratie sociale, lorsque des amendements de dernière minute avaient bouleversé des principes reconnus du droit social tel que le principe de faveur et celui de la hiérarchie des normes. Cet amendement vise à en corriger les effets. L’adopter reviendrait à protéger l’intérêt des salariés.
Dans ces conditions, l’amendement n’est pas utile et j’en souhaite le retrait.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement n° 86 fait l’objet du sous-amendement n° 324.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 86.
L’article 5 est donc très important, et l’amendement n° 86 vise à en assurer la bonne application. Nous nous sommes inspirés du mécanisme établi par la loi du 23 mars 2006 sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui permet, en l’absence d’initiative patronale, l’ouverture automatique de négociations de branche à la demande d’une organisation syndicale représentative.
J’y insiste, une chose est d’ouvrir des droits nouveaux par la loi ; une autre est de veiller de près à leur mise en œuvre. C’est tout l’objet de cet amendement.
M. Dubernard, avec la commission des affaires sociales, moi-même, avec la commission des affaires économiques, et les membres de la majorité qui ont participé à l’examen de ce texte avons le souci d’aller au-delà des textes de loi actuels et de mettre pleinement en œuvre le principe de la participation, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Les formules proposées sont multiples. Et, ne nous le cachons pas, il y a débat. Toutefois, nous espérons parvenir à un accord après cette discussion. Il existe, en effet, plusieurs instruments de participation : l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié et la participation à la gestion de l’entreprise.
Comme le président Dubernard l’a démontré, nous nous sommes donc fortement interrogés sur ce point. Suite aux discussions que nous avons pu avoir lors des auditions, nous avons renoncé à rendre ce choix obligatoire.
Les amendements que nous proposons démontrent donc que le débat a eu lieu et qu’il y a consensus sur l’article 5 : l’accord de branche est la bonne formule. Mais nous avons estimé qu’il fallait aller plus loin. Si, comme cela peut arriver, il n’y a pas d’accord, il faut que l’on puisse enclencher le processus. C’est l’objet des amendements nos 86 et 4 : la négociation doit s’engager dans les quinze jours qui suivent la demande d’une organisation syndicale.
Nous avons proposé une commission mixte. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’y êtes guère favorable. Avec Jean-Michel Dubernard, nous ne verrions pas d’inconvénient à y renoncer, parce que cela alourdit le système. Mais conservons au moins la première partie des amendements.
L’amendement n° 264, qui sera appelé ultérieurement, répond, quant à lui, aux préoccupations de MM. Guillaume et Joyandet. Nous sommes dans une logique de participation et non dans une logique de prime attribuée aux salariés.
Nous avons, vous le constatez, essayé d’élargir le système sans contrainte, de donner de la souplesse et de permettre à chacun – organisations syndicales et chefs d’entreprise –de prendre l’initiative de faire avancer les choses.
En revanche, s’agissant du fonctionnement des commissions mixtes, le Gouvernement souhaite conserver le dispositif actuel qui permet leur mise en place à l’initiative d’un des partenaires sociaux, en cas de défaillance. Plus de 100 commissions mixtes fonctionnent aujourd’hui à la demande d’un des partenaires sociaux. L’obligation de réponse se fait sous les quinze jours. Dans le secteur du spectacle vivant, les commissions mixtes revoient le droit conventionnel : il s’agit de passer de quarante-trois accords à huit conventions collectives.
Ces commissions mixtes se réunissent parfois sous l’autorité du ministre lui-même ou du directeur général du travail. J’ai eu l’occasion, il y a moins de trois semaines, d’en présider une et de m’adresser à ceux qui actuellement poursuivent les négociations salariales. D’excellents résultats ont été obtenus en matière de salaire dans le secteur de la chimie, et je ne désespère pas que, dans les jours qui viennent, la raison l’emporte, au travers du dialogue, dans celui de l’hôtellerie-restauration. L’initiative des partenaires sociaux est essentielle, car elle permet d’avancer vers un accord.
Par ce sous-amendement n° 324, je vous propose donc de supprimer l’alinéa 3 de ces amendements. J’ai d’ailleurs cru comprendre qu’au vu de la pratique, M. Dubernard et M. Ollier y étaient favorables.
Je suis d’accord avec la démarche proposée selon laquelle, à défaut d’initiative de la partie patronale, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation représentative. Afin d’éviter toute ambiguïté, je souhaite donc simplement savoir s’il s’agit d’une organisation représentative au sens de la loi – à savoir l’une des cinq confédérations –, et non simplement des seules organisations syndicales de l’entreprise.
Par exemple, lorsque les petites entreprises n’ont pas d’organisation syndicale, la demande peut-elle émaner d’une union syndicale au niveau de la ville ? Il est essentiel de le savoir.
Les amendements me semblent intéressants, car ils s’efforcent de répondre à la remarque, que je partage, de M. Larcher sur l’aggravation des inégalités entre les petites et les grandes entreprises.
Cela nous conduira – et je sais que, là aussi, M. Larcher serait d’accord – à réfléchir aux relations entre le donneur d’ordres et la petite entreprise. En effet, les inégalités s’accentuent dans ce domaine. Si la situation n’est pas nouvelle, elle s’aggrave considérablement. Voyez l’exemple d’Airbus. Qui va trinquer ? Les petites, voire les moyennes entreprises !
Ces amendements sont une initiative intéressante, puisqu’ils permettent au moins de poser le problème s’agissant de la participation et de l’intéressement. Il ne faut pas pour autant mélanger intéressement, participation et participation à la gestion de l’entreprise. M. Ollier a justement fait la distinction, et je le rejoins en cela. Je regrette qu’hier, alors que nous posions ce type de question, nous nous soyons fait traiter de « vulgates marxistes » ou d’archaïques !
(Le sous-amendement est adopté.)
(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le défendre.
Ce conseil, institué par la loi de juillet 1994, a déjà plusieurs missions : observer les conditions de mise en œuvre de la participation, contribuer à sa connaissance statistique, rassembler l’ensemble des informations disponibles sur les modalités d’application de la participation dans les entreprises et les mettre à la disposition des salariés et des entreprises qui en font la demande, apporter son concours aux initiatives prises dans les entreprises pour développer la participation à la gestion et la participation financière des salariés, formuler des recommandations de nature à favoriser le développement de la participation et renforcer les moyens d’une meilleure connaissance des pratiques de participation.
Il établit en outre, voyez comme il est important, un rapport annuel sur l’intéressement, la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, les plans d’épargne d’entreprise et les négociations salariales dans les entreprises ayant conclu des accords d’intéressement. Vous voyez qu’on ne sépare pas salaires et intéressement !
Il convient donc de compléter ses prérogatives et d’enrichir son rapport d’une nouvelle étude : celle de l’utilisation de la participation financière comme élément de substitution à la rémunération.
Nous l’avons dit, le risque avec ces mécanismes est de transformer le salaire en prime, en action ou en participation, plus aléatoire et moins pérenne et, surtout, plus dangereuse.
Les analyses statistiques en témoignent, alors que le pouvoir d’achat des salaires a diminué de 0,5 % au deuxième trimestre, poursuivant la dégringolade observée depuis cinq ans, entre 5 et 7,5 %, les formes de participation et d’intéressement ont, elles, augmenté de 8,3 %.
Il y a bien un phénomène de vases communicants, et nous en avons détaillé les raisons. La participation financière n’est pas pérenne, à la différence d’une augmentation des salaires, ce qui permet de flexibiliser les revenus. La fiscalité est plus avantageuse en matière de participation, surtout pour les hauts revenus, que celle appliquée aux salaires, pourtant plus légitime et au service de l’intérêt général. Enfin, l’augmentation de salaires peut concerner tous les salariés. Or la participation financière comme l’intéressement n’en concernent qu’à peine 50 %.
Il faut donc avoir un regard lucide sur ces pratiques, et il nous semble que le Conseil supérieur de la participation peut l’avoir.
L’article 5 lui assigne déjà une nouvelle mission puisque, à partir de la promulgation de la loi, ce conseil sera chargé de suivre la mise en œuvre de la nouvelle négociation de branche.
Nous proposons, à notre tour, d’élargir ses missions sur ce point précis de l’utilisation de la participation financière, son impact sur l’évolution des salaires et, surtout, le caractère de substitution ou non au salaire.
Cela dit, je sais bien que « cause toujours », comme on dit chez moi. Pour vous, ce projet est formidable et n’a pas lieu d’être amendé. Il y a les grands seigneurs, qui décident. Nous, nous parlons pour le Journal officiel, pour la mémoire collective. Quand nous serons morts, on verra que nous l’avions bien dit. Malheureusement, certains parlaient d’autre chose, M. le ministre avec M. Dubernard, M. Ollier avec M. Joyandet. S’ils avaient écouté, ils auraient peut-être fait moins de bêtises et seraient toujours au pouvoir.
Je ne reviens pas sur la gentillesse remarquable dont fait preuve M. Gremetz vis-à-vis d’un conseil dont il jugeait hier la composition particulièrement inique, mais je crois sérieusement que l’amendement est satisfait.
Au moment où nous sommes engagés dans un dialogue avec les partenaires sociaux pour savoir comment formaliser une procédure de dialogue social, il serait tout de même assez étonnant, après vous avoir entendu hier, monsieur Gremetz, critiquer la composition non paritaire du Conseil supérieur de la participation, de donner en quelque sorte à ce dernier des compétences de la Commission nationale de la négociation collective.
Voilà pourquoi je pense que nous devons en rester aux missions qu’évoquaient il y a un instant les présidents des commissions. C’est à la Commission nationale de la négociation collective et à sa sous-commission sur les salaires, où est respecté le principe paritaire et où le Gouvernement est présent, d’assurer le suivi du salaire et la non-substitution.
Le Conseil supérieur de la participation, dans sa séance du 25 avril, dont j’ai remis les minutes au président Dubernard, insiste d’ailleurs bien sur la non confusion des genres entre salaires et notamment dispositifs de participation.
Le Gouvernement ne peut donc être favorable à cet amendement.
M. Gremetz a posé une question. Qui peut demander l’ouverture d’une négociation au sein de l’entreprise s’il n’y a pas de délégué syndical ? J’aurais voulu qu’on nous dise exactement ce qu’est l’organisation représentative au sens de l’article L.132-2 du présent code pour être bien sûr de ce que j’ai voté. S’il y a un délégué syndical, les choses sont claires. S’il n’y en a pas, la négociation ne peut pas s’ouvrir, sauf si le chef d’entreprise le demande.
Je m’étonne que vous ne fassiez pas confiance aux organisations représentatives pour éviter cela.
Vous auriez pu d’ailleurs, pour défendre votre thèse, prendre l’exemple de ce qui s’est passé à Air France. Il y a un certain nombre d’années, les pilotes ont fait grève pour obtenir une augmentation de leurs salaires et bloqué l’ensemble de la flotte. Les négociations avaient du mal à aboutir parce que la société n’était pas dans une situation financière telle qu’elle pouvait augmenter les salaires à concurrence de ce qui était demandé. Une négociation s’est engagée avec les organisations syndicales représentatives pour trouver une solution, et il a été décidé qu’on n’augmenterait pas les salaires à hauteur de ce qui était demandé mais qu’on compenserait en distribuant des actions d’Air France aux pilotes. Ce sont les centrales syndicales qui ont négocié avec le représentant patronal.
Vous ne voulez pas obliger les entreprises de moins de cinquante salariés à adopter des dispositifs d’épargne salariale, mais les y inciter. Comment voulez-vous inciter ces entreprises s’il n’y a pas de syndicat ? S’il n’y a pas ouverture des négociations par la direction, qui va agir ?
Quant au Conseil supérieur de la participation, monsieur le ministre, même si je pourrais souhaiter que sa composition soit un peu plus démocratique, je ne remets pas en cause son travail. Je dis simplement qu’il ne faut pas s’y référer, comme on a eu tendance à le faire dès le départ. Car lorsqu’il a été consulté, qui s’est exprimé ? Il ne faut pas oublier que les organisations syndicales n’étaient pas d’accord. Donc, ce ne peut pas être une autorité, même morale. Il réalise des travaux, il a des missions, et c’est bien ainsi.
Par ailleurs, je vous rappelle que le Conseil supérieur de la participation établit en outre un rapport annuel sur l’intéressement, la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, les plans d’épargne d’entreprise et sur les négociations salariales dans les entreprises ayant conclu des accords d’intéressement. Est-ce ou non les missions que vous lui avez fixées ? C’est pourquoi nous proposons de lui confier une étude pour savoir si l’intéressement se substitue au salaire ou s’il s’y ajoute. Ce n’est pas trop demander, cela figure dans la mission du Conseil supérieur de la participation.
Je ne vous tends aucun piège. Je prends en compte tous les travaux, même s’ils sont pluralistes. La composition des conseils supérieurs – qu’ils soient d’orientation des retraites, de l’emploi ou de la formation – est diverse : il est normal que des opinions différentes s’expriment.
S’il n’y a pas d’accord de branche, il faut savoir s’il y a un délégué syndical dans l’entreprise. S’il y en a un, c’est très simple, les négociations peuvent s’ouvrir. Sinon, on laisse la liberté de négocier, entreprise par entreprise.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le soutenir.
Nous pensons qu’il est important de donner cette opportunité au chef d’entreprise. Vous savez que nous avons voulu éliminer la contrainte et faire en sorte que l’initiative parte, s’il en a envie, du chef d’entreprise. Ce qui, tout naturellement, s’il le fait – et il sera incité à le faire – conduira ensuite l’entreprise à conclure un accord de participation. La négociation suivra. Cet amendement laisse l’initiative à l’employeur. C’est le principe de la participation, avec un système de blocage, sur lequel je ne reviendrai pas.
Si le Gouvernement est favorable à cet amendement, il lui faudra lever le gage.
La solution qui est proposée par les présidents de commission a le mérite de répondre à cet enjeu, tout en permettant de faire un premier pas vers la participation, avec des avantages, mais aussi des contraintes que nous avons évoquées hier : un intérêt financier un peu inférieur pour l’entreprise. C’est donc, nous semble-t-il, une excellente porte d’entrée vers la participation.
Par conséquent, le Gouvernement est favorable à l’amendement et il lève le gage.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement et je pense que la commission des finances l’aurait été si elle avait eu à l’examiner. L’absence de participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés touche tout de même 6 millions de salariés. L’amendement va donc dans le bon sens puisqu’il lève une des complications auxquelles les petites entreprises ont bien du mal à faire face, alors que dans les grandes entreprises les choses sont naturelles.
Je vais bien évidemment voter cet amendement. Je suis même prêt à le cosigner, mais je crains qu’il ne fasse que mettre le doigt sur le problème, qu’il concrétise en quelque sorte les difficultés que nous rencontrons pour faire entrer la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sans régler grand-chose, et que nous fassions le constat, dans la foulée, que cela ne marchera toujours pas.
Comment encourager un chef d’entreprise de moins de cinquante salariés, comme d’ailleurs les salariés, en lui disant qu’il faut entrer dans un processus pluriannuel, que cet intéressement doit être bloqué sur une période de cinq ans, que, pour le calculer, il faut appliquer une formule à rallonge et que, si l’on veut y déroger, il faut un système plus avantageux, ce qui implique que cette fameuse formule soit préalablement calculée ? On entre donc dans le processus de la négociation salariale qui n’existe pas dans les PMI-PME.
Si l’on veut étendre le système de la participation et de l’intéressement tel qu’il existe aux entreprises de moins de cinquante salariés et si l’on veut que cela fonctionne, il faut le rendre obligatoire. Comme il n’en est pas question, tout système un peu hybride ne marchera pas, c’est ma conviction.
On aurait donc intérêt, comme on le fait pour un certain nombre d’autres sujets, à élaborer un dispositif de substitution, que je n’appelle pas volontairement un dispositif de participation. C’est là où j’anticipe sur l’amendement n° 43, adopté par la commission des finances et qui ne viendra qu’après l’article 6, qui propose un dispositif très simple, permettant au chef d’entreprise, à la fin de l’année, lorsqu’il aura fait des bénéfices, d’en distribuer une partie à ses salariés, lesquels pourront bénéficier de cette exonération sociale – pas fiscale – au même titre que ceux qui travaillent dans les grandes entreprises.
On nous oppose le coût de la mesure ou le risque de substitution de l’intéressement au salaire. Mais ce n’est pas dans les TPE, avec 500 ou 600 euros par an et par tête de pipe, qu’il peut y avoir substitution !
D’autre part, en ce qui concerne l’argument du coût, je m’inscris en faux. Vous avez l’air de dire qu’il n’y a pas de coût si l’argent est bloqué pendant cinq ans – l’État lève les gages et on compense – mais qu’il y en a un s’il est libre tout de suite. Mais c’est dans les grandes entreprises que l’on discute, au moment de l’embauche, d’une manière globale, du salaire, de l’intéressement, et de la participation. C’est là que se crée le transfert entre le salaire, la participation et les primes.
Vous ouvrez aussi le robinet de la compensation. Irez-vous donc dire au salarié d’une PME, qui gagne 1,2 ou 1,3 fois le SMIC, qu’à la fin de l’année on retranchera 300 ou 400 euros de son salaire officiel, soumis aux charges, pour lui donner en échange 400 euros de primes ?
Voilà ce que vivent les gens dans les TPE et les entreprises de moins de cinquante salariés !
C’est ce qui justifie l’amendement proposé par la commission des finances, que nous examinerons après l’article 6 – raison pour laquelle je ne m’étendrai pas ici sur ce sujet.
Je voterai, bien évidemment, l’amendement n° 264, qui vise à alléger une contrainte supplémentaire et à créer un effet d’appel. Je souhaite qu’en retour les autres commissions et le Gouvernement soient attentifs à la démarche de la commission des finances, étant entendu que nous sommes ouverts à la discussion : puisque le seuil de 6 000 euros est trop élevé, il va de soi qu’on peut le baisser. Tout est négociable.
Sur le plan des principes, il me semble souhaitable qu’un chef d’entreprise de moins de cinquante salariés qui souhaite partager les dividendes puisse le faire au même titre que dans les grandes entreprises, mais avec un dispositif très simple, qui ne soit pas pluriannuel, ne soit pas soumis à la négociation et n’implique pas une formule de calcul alambiquée.
Enfin, bien que je ne sois pas devenu socialiste, ni communiste, ni – le terme est plus juste – collectiviste, je trouve choquant que ces petites entreprises ne bénéficient pas d’une participation qui soit exonérée de charges. Après tout, ces entreprises ont des actionnaires. Est-il acceptable que l’actionnaire qu’on voit une fois par an lorsqu’il vient toucher son chèque de dividendes après l’assemblée générale du mois de juin puisse se contenter de mettre ce chèque à la banque sans qu’on prélève de charges sociales, tandis que le salarié qui travaille toute l’année dans l’entreprise voit le montant de son chèque amputé de 22 % et que ce même chèque coûte 40 % de plus à son employeur ?
Si j’approuve l’ amendement n° 264, qui va dans le sens de ce que je souhaite, il me semble aussi, au vu de tous les articles du code du travail auxquels il se réfère, que les conditions seront sans doute difficiles à réunir pour les petites et moyennes entreprises, dont certaines reculeront vraisemblablement devant tant de complications.
Je voterai donc cet amendement, qui est un premier pas dans le bon sens, mais, je le répète, j’attends avec intérêt le débat que nous aurons sur l’amendement présenté par le rapporteur de la commission des finances.
Aujourd’hui se dessinent deux propositions. L’une, que nous jugeons très dangereuse, est celle de la commission des finances, que nous examinerons tout à l’heure. Elle porte en elle un danger de confusion entre le salaire et la participation. L’autre proposition, qui est celle de cet amendement n° 264, peut être décrite comme une participation octroyée.
Le fond du débat est de savoir pourquoi vous écartez tout autre mécanisme permettant d’aboutir à des accords par la négociation, au motif qu’il n’y aurait pas dans l’entreprise les interlocuteurs nécessaires. Le problème n’est pas nouveau en droit du travail, et nous avons tout intérêt à lui apporter une réponse qui nous servira de fil rouge pour orienter nos décisions. De fait, il existe plusieurs solutions.
Il peut s’agir, tout d’abord, du mandatement. Pourquoi, en effet, ne pas reprendre les dispositions, déjà utilisées à l’occasion des 35 heures et dans d’autres circonstances, qui prévoient qu’un syndicaliste mandaté par l’une des organisations représentatives puisse mener la négociation dans l’entreprise et, ainsi, nouer le dialogue social ?
On peut aussi recourir à la représentation syndicale territorialisée dans les petites entreprises – les « délégués de site ».
Reste enfin, quand on ne peut recourir à ces mécanismes, le procédé plus traditionnel qui consiste à faire remonter la négociation au niveau de la branche professionnelle.
Chacune de ces solutions a son intérêt, mais il faut privilégier la souplesse, et sans doute le mandatement ou le recours au délégué de site – appelons-le « délégué territorialisé » – sont-ils les mécanismes qui en offrent le plus, car ils évitent de renvoyer à l’accord de branche tout en restant dans le cadre de la négociation.
L’amendement n° 264 écarte le principe selon lequel l’accord doit être le fruit d’un dialogue. La participation est octroyée, ce qui change la nature du processus et n’est pas acceptable.
Si donc l’amendement de la commission des finances nous inquiète, l’amendement n° 264 ne nous rassure guère, car il nous semble fermer des pistes qui auraient mérité d’être explorées dans le sens d’un élargissement du processus aux petites entreprises et de procédures souples de négociation, comme le mandatement. Examiner de telles mesures aurait pourtant signifié aux salariés des petites entreprises qu’on s’efforçait de leur appliquer le même traitement qu’aux autres.
Au demeurant, ne soyons pas naïfs ! Chacun aura compris que l’amendement de M. Joyandet examiné en commission des finances ne fait pas l’unanimité et que certains – le Gouvernement, le président de la commission ou le rapporteur – allument des contre-feux en proposant cet amendement n° 264.
Monsieur le ministre, j’appelle aussi votre attention sur le fait que l’amendement de M. Dubernard et celui de M. Joyandet procèdent tous deux de la même idée : la participation sera octroyée…
On peut certes arguer que les entreprises de moins de cinquante salariés n’ont pas de comité d’entreprise, et donc généralement pas de section syndicale, et que par conséquent le dialogue social n’est pas possible. Cela n’est cependant pas tout à fait vrai.
Il n’est pas inutile d’évoquer ici le plan d’épargne interentreprises, ou PEI, dont j’ai proposé jadis la création avec Jean-Baptiste de Foucauld et qui est maintenant inscrit dans la loi. Nous sommes au cœur du sujet avec ce plan qui a connu une augmentation de 18 % en 2003-2004 pour les PME de moins de cinquante salariés, et dont M. Dubernard lui-même souligne le succès dans son rapport. En effet, lorsque, pour respecter l’homogénéité des salaires dans un même bassin d’emploi, le plan d’épargne interentreprises est territorialisé, il est négocié par mandatement territorial. Ce mécanisme permet de dialoguer avec des représentants mandatés par les organisations syndicales et connaissant le tissu local et les salaires moyens, et d’éviter ainsi des interlocuteurs extérieurs au bassin d’emploi et appliquant des références très différentes en matière salariale.
On peut aussi négocier le PEI au niveau de la branche, et vous avez fort justement rappelé, monsieur le ministre, que cela s’est fait par exemple pour le bâtiment et les travaux publics ou pour la coiffure, et qu’il s’agit même là d’un des meilleurs accords en matière de plans d’épargne interentreprises. Même ces petits patrons, pourtant réputés parfois pour être assez durs, ont négocié.
Monsieur le ministre, vous qui êtes attaché au dialogue social, ne vous émancipez pas d’une méthode reposant sur la négociation de la participation et de l’intéressement avec les salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise.
Ces amendements de M. Dubernard et de M. Ollier participent d’une philosophie entièrement opposée, qui conduit à une participation octroyée et à des systèmes qui ne sont nullement négociés. Or les organisations syndicales ont considérablement avancé dans ces domaines au cours des dernières années. Ainsi, la CGT, la CFDT, la CFTC et la CGC ont mis en place, dans le cadre de l’Observatoire de l’épargne salariale, des formations destinées à leurs salariés qui siègent dans les fonds communs de placement. Il est en effet nécessaire aujourd’hui, dans l’action syndicale, d’être en mesure non pas, certes, de gérer ces fonds, mais d’exercer un regard critique sur leur fonctionnement.
Ne cassez donc pas cette méthode partenariale qui associe l’entreprise et le monde syndical. Il faut éviter de tels amendements qui détournent de la discussion, de la négociation salariale entre le chef d’entreprise, dont la tendance historique était d’octroyer la participation, et les organisations syndicales, qui veulent discuter de ces questions.
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175, 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :
Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;
Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;
Avis, n° 3340 de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton