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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 10 octobre 2006

8e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Souhaits de bienvenueà une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Congrès des députés d’Espagne, conduite par le président du groupe d’amitié, M. Ìgnacio Gil Lázaro. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

AirbuS

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la société Airbus travers actuellement de très fortes turbulences, dont la cause essentielle est le retard pris par le programme A380, le problème étant encore accentué par le cours du change entre l’euro et le dollar.

Lors du comité central d’entreprise extraordinaire qui s’est tenu à Toulouse voici quelques jours, le président d’Airbus France a informé les représentants du personnel du nouveau calendrier de l’A380 et leur a annoncé le lancement d’un programme d’économies baptisé « Power 8 ». Cette réunion est très loin d’avoir levé les interrogations et les inquiétudes des salariés quant à l’avenir des sites industriels d’Airbus, notamment de ceux de Méaulte et de Nantes.

Si le président Jean-Marc Thomas les a partiellement rassurés hier en leur écrivant que la fermeture des établissements n’était pas à l’ordre du jour et ne faisait pas partie des réflexions en cours, aucun démenti n’a, en revanche, été apporté à une potentielle externalisation de sites. « Externalisation », vous le savez, est le mot pudique que l’on emploie pour évoquer des ventes d’actifs, des pertes de savoir-faire et de probables réductions d’effectifs.

Monsieur le ministre, l’État français est actionnaire à hauteur de 15 % d’EADS et a toujours soutenu l’industrie aéronautique française. Ma question sera donc claire et simple : quelles actions allez-vous entreprendre pour obtenir de la direction d’Airbus un engagement clair sur la pérennité de ces sites industriels au sein même de l’entité Airbus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur certains bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oui, monsieur le député, le Gouvernement et l’État joueront pleinement leur rôle derrière l’industrie aéronautique française, qu’il s’agisse d’Airbus, d’EADS ou de l’ensemble des sous-traitants.

Revenons plus précisément sur votre question – et sans doute aurai-je encore l’occasion de le faire tout à l’heure, car plusieurs d’entre vous, je crois, souhaitent encore m’interroger à ce sujet. Ces questions sont légitimes et j’y répondrai.

Je me suis entretenu tout à l’heure avec M. Louis Gallois, qui est aujourd’hui à Toulouse, pour lui demander quelles étaient précisément ses intentions, notamment à propos des sites de la Somme. Pour ces sites comme pour l’ensemble des autres, il m’a indiqué très clairement qu’il était hors de question de prendre quelque décision que ce soit avant d’engager une phase de discussions approfondies avec l’ensemble des parties prenantes. Pour ce qui est des élus, M. Gallois m’a informé qu’il avait demandé un rendez-vous avec M. de Robien, qui est parmi nous et peut le confirmer. Ce rendez-vous, auquel doivent participer le président du conseil général et celui du conseil régional, aura lieu dans les prochains jours.

Par ailleurs, l’ensemble des salariés et des sous-traitants seront également consultés, afin que l’on puisse prendre les décisions qui s’imposent. Ces décisions seront articulées autour du plan « Énergie 8 », que vous avez évoqué, et qui a été approuvé à l’unanimité par le conseil d’administration d’EADS.

M. Gallois, qui est depuis hier soir à la fois coprésident d’EADS et président-directeur général d’Airbus, tient désormais toutes les commandes en main. C’est ce que souhaitait depuis longtemps le gouvernement français : une chaîne de commandement unifiée devrait permettre de mettre en œuvre les programmes qui conviennent.

Le programme qui a été présenté est sérieux. Nous le soutenons et nous avons confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2007

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, malgré vos déclarations à propos du budget, rien n’a changé pour un salarié moyen, qui, pour 100 euros de baisse d’impôts, aura connu en cinq ans une augmentation de 200 euros de la CSG, sans compter les hausses des taxes d’habitation et d’enlèvement des ordures ménagères, auxquelles il faut encore ajouter toutes les hausses de prix.

L’essentiel de vos allègements fiscaux a bénéficié aux 10 % de Français les plus riches : vos 400 millions d’euros de cadeaux sur l’impôt sur la fortune correspondent aux besoins de financement des hôpitaux.

De plus, 5 milliards de recettes supplémentaires ont été dégagés cette année. Pour cela, les ménages ont accru leur endettement et puisé dans leur épargne. En fait, c’est par l’appauvrissement d’une majorité de nos concitoyens que vous voulez renflouer une partie de la dette aggravée par vos cadeaux aux plus riches. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Toute votre politique budgétaire se résume en un transfert des revenus du travail vers les rentiers et le capital. Vous prétendez désendetter l’État, mais vous ne dites jamais que l’endettement net de la France est inférieur à celui des pays de la zone euro et de tous les pays de l’OCDE. Vous ne parlez jamais de la masse considérable de ressources fiscales que vous ne voulez pas toucher : profits, dividendes, stock-options, plus-values boursières. Pourquoi cacher que les cadeaux fiscaux et exonérations de charges consentis depuis vingt ans, soit 450 milliards d’euros, qui d’ailleurs, selon la Cour des Comptes, n’ont pratiquement servi à rien pour l’emploi et le pouvoir d’achat, représentent la moitié de la dette publique ? Pourquoi ignorer que les actifs financiers en France représentent trois fois le PIB et que, taxés à 1 %, ils rapporteraient 35 milliards d’euros ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Voilà la vérité !

M. Jean-Claude Sandrier. La question que nous vous posons, monsieur le ministre de l’économie et des finances, et que nous reprenons dans une pétition nationale, est la suivante : pourquoi ne pas prélever sur cet argent qui « coule à flots », selon la formule d’un grand économiste français, pour favoriser l’emploi, le pouvoir d’achat et la protection sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Sandrier, je vous préfère quand vous ne lisez pas votre papier ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Si l’on examine ce budget dans le détail, on constate qu’il est d’abord au service de l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous augmentons en effet de 3 % – et M. Borloo s’en réjouit –…

M. Jacques Desallangre. C’est une référence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …l’ensemble des moyens consacrés à l’emploi, notamment le financement des baisses de charges.

Nous agissons aussi, bien sûr, pour la croissance. C’est ainsi que nous avons réformé la taxe professionnelle et accordé un gel de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises en croissance.

Surtout, ce budget est au service du pouvoir d’achat des familles modestes. Vous semblez oublier, monsieur Sandrier, que, dans le budget que nous présentons avec Thierry Breton, la prime pour l’emploi augmente tellement qu’elle représente un treizième mois pour ceux qui touchent le SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous semblez oublier aussi que, dans la réforme fiscale que nous présentons, la baisse de l’impôt sur le revenu profitera pour 80 % à ceux qui gagnent moins de 3 500 euros par mois.

Cette réforme de l’impôt sur le revenu fait d’ailleurs des émules, puisque le gouvernement italien met actuellement en œuvre des mesures pratiquement identiques. Or savez-vous qui est le ministre du budget en Italie ? Un ancien membre du parti communiste !

Allons, monsieur Sandrier, franchissez les Alpes ! Inspirez-vous de ce qui se fait de mieux à l’étranger, puis revenez nous aider à redresser la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

airbus

M. le président. La parole est à M. Jean Diébold, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Diébold. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, alors que l’A380 confirme en vol ses remarquables performances, la situation d’Airbus est préoccupante.

L’état de dégradation industrielle de l’A380, découvert brutalement, témoigne à la fois d’erreurs dans la chaîne de production et de carences dans la chaîne du management.

Dans l’urgence, un nouveau PDG, M. Streiff, a été désigné pour remettre le programme en ordre de marche. Considérant qu’il n’aurait pas les moyens de mener à bien son plan de sauvegarde, il a décidé de jeter l’éponge. L’arrivée de M. Gallois, qui bénéficie d’un important crédit de confiance dans l’ensemble du monde aéronautique, apparaît cependant très rassurante. Mais, pour réussir sa mission, il devra être soutenu, car le challenge est de taille : 6 milliards d’euros à rattraper, soit plus de la moitié du coût de développement estimé du futur A350, essentiel pour l’avenir de notre industrie, qui pourrait ainsi être retardé, sinon même remis en cause.

L’État français actionnaire d’EADS, doit, à l’instar de l’État allemand, apporter à Airbus un soutien politique sans faille. Il est primordial aussi qu’il lui apporte les aides financières nécessaires par des moyens autorisés tels que des avances remboursables et un soutien à la recherche et au développement.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la position et les intentions du Gouvernement sur le dossier particulièrement délicat d’Airbus, qui concerne, comme cela a déjà été dit, Toulouse et tous les sites de production d’Airbus France, ainsi que toutes les entreprises sous-traitantes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, pour ce qui concerne les sites de Haute-Garonne, et en particulier de la région de Toulouse, le président Gallois – qui, je l’ai déjà dit, rencontre aujourd’hui même à Toulouse les élus et les organisations syndicales et les rencontrera encore demain pour leur expliquer précisément la teneur de ce plan – m’a confirmé qu’aucune décision ne serait arrêtée avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et que les décisions prises le seraient au terme d’une étroite concertation.

Nous veillerons à garantir la compétitivité des sites, mais aussi à adopter un rythme acceptable et accepté par tous et à maintenir un équilibre. Airbus est en effet une formidable entreprise européenne, qui est notre bien commun, au-delà de tout clivage entre droite et gauche. C’est une entreprise dont, Français et Européens, nous sommes tous fiers.

Il faut donc nous rassembler autour de la cause de cette entreprise, comme l’ont fait son management et son conseil d’administration en proposant de mettre en place la direction unique que nous attendions depuis longtemps pour permettre à Airbus et EADS de rester la première entreprise mondiale dans le domaine de l’aéronautique.

Je le répète : aucune décision brutale ne sera prise et tout sera fait en concertation. Contrairement à ce que vous avez écrit, monsieur Ayrault, l’État ne s’abrite pas derrière le pacte d’actionnaires, mais il doit le respecter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L’État n’est pas actionnaire d’EADS, et encore moins d’Airbus : il est actionnaire de la SOGEAD, laquelle est actionnaire d’EADS, elle-même actionnaire d’Airbus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C’est ce qu’ont voulu M. Strauss-Kahn, qui a lancé ce processus, et M. Fabius, qui l’a ratifié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je ne les critique pas, mesdames, messieurs les députés : c’est une réalité. Nous gérons cet héritage dans l’intérêt de l’entreprise, dans l’intérêt de la France et dans l’intérêt de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

eads

M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste.

Mme Françoise Imbert. Monsieur le Premier ministre, l’entreprise EADS, dont on ne saurait douter qu’elle soit un fleuron de l’industrie aéronautique nationale et européenne, vient de nous faire part de difficultés nouvelles et importantes. Le pari technologique de l’A380 est gagné, mais des difficultés industrielles conduisent l’avionneur à prévoir d’importants retards de livraison. Cette situation inquiète les salariés de tous les sites français – Toulouse, Nantes, Saint-Nazaire, Méaulte –, les sous-traitants et les équipementiers. Aujourd’hui, on parle même de délocalisations.

Monsieur le Premier ministre, nous n’accepterons la fermeture ou la vente d’aucun site. Nous n’acceptons pas non plus les discours de certains dirigeants d’Airbus qui tentent d’expliquer que l’avenir de ce grand projet européen est d’être construit en zone dollar, et non dans la zone euro.

Je le répète : tous les salariés sont inquiets, et leur inquiétude est d’autant plus compréhensible que cette annonce arrive quelques mois après le préjudice provoqué par la vente d’actions et l’affaire des stock-options de M. Forgeard, dirigeant que votre gouvernement avait nommé.

Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité est engagée. L’État français, actionnaire de l’entreprise, va-t-il refuser ces délocalisations incompatibles avec le projet européen que représente Airbus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée, je voudrais tout d’abord vous dire, avec le plus grand sérieux et même avec gravité parce que c’est un sujet important, et sans esprit polémique – du reste, j’apprécie la teneur de votre question –, que nous avons rencontré hier, à quinze heures, M. le Premier ministre et moi-même, le président Louis Gallois. Nous avons eu une conversation approfondie avec lui sur cette question. Sachez que l’État, tout au long de cette crise qui est désormais, j’en suis convaincu, derrière nous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Maxime Gremetz. Et les licenciements ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …a assumé pleinement ses responsabilités dans le cadre du pacte actuel. Nous le respectons. C’est votre majorité qui l’a signé. Elle n’avait sans doute pas d’autre possibilité car il fallait réunir les industries aéronautiques britannique, espagnole, française, allemande ; c’était compliqué, je le reconnais. Il n’empêche qu’aujourd’hui le pacte tel qu’il est ne nous donne aucun droit de nomination, ni même de proposition.

Cela dit, dans cet environnement contraint, nous avons assumé toutes nos responsabilités. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous souhaitions depuis longtemps – votre majorité aussi du reste, je m’en souviens – avoir une ligne de management unique. Celle-ci a enfin été acceptée. C’est une très bonne nouvelle pour l’entreprise, pour ses salariés et pour ses clients. Un plan de réorganisation industrielle existe désormais. Il a été adopté à l’unanimité.

M. Maxime Gremetz. Tout va bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je vous confirme, madame la députée, qu’à travers ce pacte l’État jouera tout son rôle. Je tiens à vous dire que j’ai été moi-même, à la demande du Premier ministre, extrêmement présent…

M. François Liberti. Mais pas brillant !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …sur l’ensemble de ce dossier depuis l’origine de la crise.

M. Jacques Desallangre. On est rassurés !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. J’ai, à sa demande, indiqué que l’État français, contrairement aux deux autres actionnaires industriels, ne vendrait pas une action de la SOGEAD, ni donc d’Airbus et d’EADS. Pas une seule ! Car nous avons décidé de soutenir dans le long terme cette entreprise stratégique. La bonne nouvelle, c’est que ce plan est crédible et réaliste, et qu’il permettra à Airbus de maintenir son rang de leader mondial, aujourd’hui comme demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Corée du Nord : essai nucléaire

M. le président. La parole est à Loïc Bouvard.

M. Loïc Bouvard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, un événement gravissime s'est produit dans la nuit de dimanche à lundi : la Corée du Nord a fait exploser souterrainement une bombe nucléaire, au mépris de toutes les mises en garde qui lui avaient été lancées ! Certes, le 10 janvier 2003, dix ans après une première annonce de retrait, la Corée du Nord s'était retirée du traité de non-prolifération nucléaire. Et, voici un an et demi, elle a déclaré posséder cette arme. À de multiples reprises, la communauté internationale a tenté de mettre un frein à cette dérive, et le groupe des six – Chine, Japon, Corée du Sud, États-Unis, Russie et Union européenne – s'y est beaucoup employé ; hélas, sans succès !

Dès hier, les États-Unis ont demandé la réunion du Conseil de sécurité et proposé l'adoption de sanctions contre Pyongyang, notamment un embargo sur les livraisons d'armes, le gel d'avoirs financiers ou encore une inspection des navires se dirigeant vers les ports nord-coréens. Ce projet de résolution doit être examiné par les cinq membres du Conseil de sécurité et le Japon aujourd'hui même.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur cet événement majeur, nous dire quelles en sont les conséquences prévisibles dans le monde, notamment dans la région, et enfin nous préciser, dans ce nouveau contexte, quelles vont être les initiatives de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur Bouvard, comme vous venez de le dire, la Corée du Nord a annoncé qu’elle avait procédé hier à un tir nucléaire. Nous avons immédiatement condamné ce tir, comme d’ailleurs l’ensemble de la communauté internationale, y compris la Chine, parce que c’est une action d’une extrême gravité. Nous avons l’obligation de réagir au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous l’avez dit, les États-Unis ont proposé un projet de résolution. Au moment où je vous parle, le Conseil de sécurité prépare une résolution qui impose des sanctions à la Corée du Nord, sanctions qui portent notamment sur le programme des missiles balistiques, mais également sur le programme des armes de destruction massive. Nous souhaitons que cette résolution soit adoptée le plus vite possible.

Je rappelle qu’au mois de juillet dernier, à la suite de tirs de missiles nord-coréens, le Conseil de sécurité, sous présidence française, a voté la résolution 1695 qui impose à la Corée du Nord de suspendre toutes ses activités balistiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Les Nord-Coréens vous ont écouté ! Bravo !

biocarburants

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Monsieur le ministre, le réchauffement de la planète et la nécessité de limiter les rejets de gaz à effet de serre ainsi que la raréfaction et l’augmentation des coûts des énergies fossiles nous imposent une modification profonde de nos pratiques énergétiques. Parmi les réponses à apporter, les biocarburants sont apparus comme une solution qui, de surcroît, donne un nouveau débouché à l’agriculture.

C’est pourquoi, dès septembre 2004, Jean-Pierre Raffarin a lancé la première étape d’un plan biocarburants, qui prévoyait une production supplémentaire de 800 000 tonnes de biocarburants d’ici à 2007 et le lancement d’appels d’offres pour la construction de nouvelles usines.

Dans un second temps, l’actuel gouvernement a amplifié ce plan biocarburants en fixant un programme ambitieux puisqu’il avance à 2008, au lieu de 2010, l’objectif d’incorporation de 5,75 % de biocarburants dans les carburants fossiles, pour atteindre 7 % en 2010 et 10 % en 2015. Le Parlement a ensuite transcrit ce plan national dans la loi d’orientation agricole. Au total, les quantités de biocarburants défiscalisables vont être multipliées par cinq entre 2005 et 2013.

Vous venez, monsieur le ministre, de donner une nouvelle impulsion, particulièrement ambitieuse, sur la base d’un rapport d’Alain Prost, en soutenant le développement de l’E85, c’est-à-dire un carburant contenant 85 % d’éthanol. Hier, vous avez même inauguré, avec Dominique Bussereau et M. Desmarest, le patron de Total, la première pompe à biocarburant E85 à Paris.

M. Albert Facon. Il fait le plein, mais il ne connaît pas le prix !

M. Alain Gest. Pour que cette politique réponde aux espoirs qu’elle a fait naître, un certain nombre de conditions doivent être remplies, ce qui m’amène à vous poser trois questions, monsieur le ministre : Quels engagements ont pris les groupes pétroliers, notamment Total, quant au nombre de pompes E85 qu’ils vont implanter dans les mois qui viennent ?

M. Henri Emmanuelli. Aucun !

M. Alain Gest. Qu’en est-il de la volonté des constructeurs de produire des véhicules flex-fioul ? Enfin, comment comptez-vous garantir le tarif attractif de 80 centimes d’euro le litre d’E85 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, vous avez rappelé à juste titre que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, puis celui de Dominique de Villepin, ont pris le problème des biocarburants à bras-le-corps puisqu’ils ont décidé d’augmenter la part des biocarburants dans les carburants consommés. Je rappelle que l’objectif de 5,75 % d’incorporation, d’abord prévu pour 2010, sera dépassé en 2008, et nous l’avons fixé à 7 % pour 2010 et à 10 % pour 2015. Nous allons donc doubler la part des biocarburants entre 2005 et 2010. C’est un effort et une nécessité parce qu’en effet, monsieur le député, nous sommes désormais rentrés dans l’ère de l’après-pétrole. Il faut donc s’y préparer, pas uniquement avec une solution, mais avec de multiples solutions,…

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …y compris le diester, monsieur Dionis du Séjour, et le véhicule électrique, lesquelles nous permettront d’amener progressivement nos compatriotes à ce type d’énergies nouvelles et renouvelables.

En ce qui concerne l’E85, Dominique Bussereau et moi-même avons confié à Alain Prost, il y a quelques mois, une mission pour fédérer l’ensemble des acteurs, que ce soient les groupes pétroliers, les agriculteurs ou les constructeurs automobiles. M. Prost nous a remis les conclusions de sa mission. Le Premier ministre a pris la décision d’en reprendre les recommandations, à savoir : premièrement, faire en sorte que la filière démarre tout de suite ; deuxièmement, parvenir à ce que d’ici moins d’un an, c’est-à-dire au mois de juin ou au plus tard en septembre 2007, les constructeurs automobiles, en particulier les constructeurs français, mettent à disposition du grand public des véhicules flex – ils existent déjà ; troisièmement, que, d’ici à la fin de l’année prochaine, plus de 500 pompes proposant du bioéthanol soient disponibles sur l’ensemble du territoire national. Sur ces 500 pompes, le groupe Total s’est engagé à en fournir 250 sur son réseau, le reste l’étant par d’autres producteurs. Enfin, Renault nous a garanti qu’à l’horizon 2009 la moitié de ses véhicules à essence seraient flex. Oui, on peut dire que l’ère de l’énergie renouvelable, du bioéthanol, est arrivée.

En ce qui concerne les prix, le Premier ministre a décidé que la part des taxes que l’État percevrait sur la partie biocarburant, c’est-à-dire 85 %, serait réduite à zéro, ce qui permet d’assurer, toutes choses égales par ailleurs, un prix de 80 centimes d’euro par litre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jérôme Lambert. Qui va payer ?

vérité sur les comptes publics

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Pour le Gouvernement, tout va bien : les Français, la France vont beaucoup mieux.

M. François Hollande. Sauf Nicolas Sarkozy !

M. Didier Migaud. Quel décalage entre ce dont il parle et la réalité vécue, subie, par une immense majorité de nos concitoyens, qui voient au contraire leurs difficultés s’aggraver. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Didier Migaud. En fait, la vérité, mesdames, messieurs les ministres, c’est que nos comptes publics se sont dégradés depuis cinq ans. Et s’il y a aujourd’hui un petit peu plus de croissance, vos résultats sont moins bons que ceux de beaucoup de nos partenaires voisins, et nettement moins bons que ceux obtenus par le gouvernement sous la législature précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre du budget, vous qui êtes le porte-parole du Gouvernement, vous qui avez écrit un livre sur la langue de bois,…

M. Christian Paul. Un expert !

M. Didier Migaud. …prenant l’engagement solennel de ne plus la pratiquer, je vous propose de passer du discours à l’exercice pratique. Je vais donc vous poser cinq questions très précises, qui devraient vous permettre d’apporter des réponses tout aussi précises. Oui ou non, le niveau de la dette publique est-il aujourd’hui inférieur (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) à celui de juin 2002 (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) ? Oui ou non, le niveau de nos impôts, cotisations et taxes est-il aujourd’hui moins élevé qu’il ne l’était hier ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Oui ou non, le niveau de la dépense publique est-il aujourd’hui moins élevé qu’il ne l’était hier ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Oui ou non, le nombre de RMIstes est-il aujourd’hui moins élevé qu’hier ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Oui ou non, monsieur le ministre du budget, accepteriez-vous un débat contradictoire sur les comptes publics de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Ce sont des questions précises, je vous donne l’occasion de ne pas pratiquer la langue de bois et de répondre par oui ou par non. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Migaud, je suis rassuré (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) : ça fait trois semaines que Thierry Breton et moi avons présenté le budget pour l’année prochaine, et je me rends compte que vous venez de le lire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais là où j’ai une difficulté, c’est que j’ai le sentiment que vous ne l’avez pas très bien lu. Alors, monsieur Migaud, nous allons en parler. Et je vous réponds tout de suite :…

M. Augustin Bonrepaux. Par oui ou par non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …oui, commençons le débat contradictoire dès maintenant.

Faisons d’abord une petite comparaison – rien de tel pour se rassurer –…

M. Henri Emmanuelli. Répondez aux questions posées !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …entre le budget de 2007 et celui de 2002, le dernier présenté par M. Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons diminué le déficit de 15 milliards d’euros depuis le début de la législature et la dette de trois points en deux ans.

Quant aux impôts, monsieur Migaud, ceux de l’État vont baisser. Mais, je le reconnais, il reste le problème des impôts des régions, qui ont explosé. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce n’est pas ma faute : c’est plutôt vous que cela concerne !

Une phrase prononcée par Lionel Jospin à la tribune de cette assemblée, alors qu’il présentait le budget pour 2002, résume tout : « J’ai laissé légèrement dériver les comptes publics. » Quelle belle formule : « légèrement » !

L’audit réalisé par M. Bonnet et M. Nasse lorsque le nouveau gouvernement est arrivé aux affaires a révélé qu’entre les 35 heures, l’APA ou encore la CMU, les dépenses de l’État avaient été sous-estimées de 15 milliards ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous vous inquiétez de la dette, mais à l’époque, seulement un tiers de la cagnotte fiscale avait été consacré au désendettement, alors que nous y affectons, avec Thierry Breton, la totalité.

M. Jean-Marie Le Guen. Où est votre cagnotte ? Il n’y a que des dettes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je laisse le dernier mot à votre ami M. Fabius. Lors du débat sur le budget 2002, il avait répondu à Georges Tron, qui avait osé s’inquiéter de l’état des finances publiques : « Pour donner des leçons, il faut avoir des diplômes pour les dispenser. »

Je vous laisse méditer ce propos : il prouve qu’en matière d’arrogance, vous n’êtes pas les derniers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Assassinat d’Anna Politkovskaïa

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le Premier ministre, depuis des semaines et des mois, une femme vivait, fragile et dans la peur, au cœur de Moscou, car elle se savait menacée de mort. Samedi dernier, dans l’après-midi, Anna Politkovskaïa a été lâchement assassinée à son domicile.

Journaliste de talent et de conviction, elle a payé au prix de sa vie le courage de ses engagements au service des droits de l’homme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réaction officielle russe a été lente et réservée dans une circonstance aussi tragique. Il est vrai que, dans ses articles, cette correspondante de guerre n’hésitait pas à s’élever contre certaines dérives du pouvoir russe, notamment en ce qui concerne la guerre en Tchétchénie et la corruption des fonctionnaires.

M. Maxime Gremetz. Et Djibouti ?

M. Christian Kert. Sa mort est due au fait qu’elle voulait écrire l’honneur de la Russie, témoigner de la liberté de la presse, écrire l’histoire de tous ceux qui ont un jour osé élever la voix dans cet empire.

La France, qui peut légitimement s’honorer de porter face au monde une tradition de défense des droits de l’homme, se doit de faire part de son émotion et de sa colère. Cette émotion et cette colère, monsieur le Premier ministre, ne doivent pas s’émousser : depuis 1992, 42 journalistes sont morts en Russie. Nous avons entendu votre réaction immédiate à ce drame.

M. Guy Teissier. Un assassinat sauvage !

M. Christian Kert. Avez-vous depuis obtenu des informations que nous ignorerions sur les circonstances du meurtre ?

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

M. Christian Kert. De quelle façon entendez-vous faire part au président Poutine de l’émotion ressentie en France jusqu’au plus humble de nos concitoyens, quel que soit son univers politique ?

M. Maxime Gremetz. Ce crime est l’œuvre des conservateurs et des mafieux !

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie.

M. Christian Kert. Comment comptez-vous aider l’opinion internationale à peser de façon déterminante sur les autorités russes pour que la lumière soit réellement faite sur cet assassinat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je veux vous dire ma très grande émotion, une émotion que, je le sais, nous partageons tous, devant l’assassinat d’Anna Politkovskaïa. C’était une grande journaliste, engagée dans la défense des droits et des libertés. C’était aussi une conscience qui avait le courage de regarder la vérité en face, y compris en ce qui concerne le drame de la Tchétchénie.

Nous souhaitons que les autorités russes fassent toute la lumière, et le plus rapidement possible, sur cette assassinat, et que leurs auteurs en répondent devant la justice. Une enquête a été lancée. Elle doit aller jusqu’au bout. L’OSCE et le Conseil de l’Europe, dont la mission en matière de liberté de la presse et de défense des droits de l’homme est essentielle, apporteront bien sûr toute leur contribution. Je veux le dire clairement devant les représentants de la démocratie : la liberté de la presse ne se discute pas, ne se négocie pas. Elle est une condition fondamentale de la liberté publique, que la France contribuera à défendre partout, et auprès de tous ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Et Genestar à Paris-Match ?

M. le président. Monsieur Roman, un peu de dignité.

Interdiction de fumer dans les lieux publics

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, mercredi dernier, 5 octobre, la mission d'information sur l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif à laquelle j'ai participé a rendu son rapport, après de nombreuses auditions et un travail très solide et approfondi de notre rapporteur, Pierre Morange.

M. Maxime Gremetz. Intégristes !

Mme Martine Aurillac. Le Premier ministre et vous-même, en vous inspirant de nos conclusions, allez publier prochainement un décret pour franchir un nouveau pas dans la lutte contre l'abus de tabac, qui intervient, je le rappelle, dans un décès sur dix.

M. Maxime Gremetz. Et l’alcool ?

M. le président. Monsieur Gremetz, s’il vous plaît !

Mme Martine Aurillac. Il s'agit donc d'un enjeu majeur de santé publique, qu'il fallait concilier avec la liberté individuelle. Plusieurs de nos voisins européens s'y sont d’ailleurs attelés avec succès.

La réforme devrait comporter deux étapes. La première concernera, à partir du 1er février prochain, une interdiction générale, notamment pour les entreprises, qui doivent désormais, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2005, protéger leurs salariés du tabagisme passif. Un an plus tard, les cafés-tabacs, bars, restaurants, hôtels et discothèques devront à leur tour se conformer à cette interdiction. Il est normal de leur laisser un temps d’adaptation et de prévoir pour ces établissements des mesures d’accompagnement.

Mais il importe aussi, monsieur le ministre, d'engager une politique plus active pour aider les fumeurs et soutenir leur bonne volonté. Pourriez vous à cet égard nous détailler les mesures d'information, de prévention et de soins que vous envisagez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Notre rôle, madame la députée, est de protéger les non-fumeurs, tout en aidant les fumeurs qui le souhaitent à arrêter de fumer. La décision annoncée par M. le Premier ministre s’appuie sur les excellents travaux de la mission parlementaire, dont je veux saluer tous les membres, à commencer par M. Claude Évin, son président, et M. Pierre Morange, son rapporteur.

Au-delà de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, nous avons voulu mettre en place une politique de santé publique ambitieuse, afin d’aider les fumeurs à s’arrêter. Plusieurs directions ont ainsi été retenues.

En premier lieu, pour ce qui concerne les substituts nicotiniques – patchs, gommes ou médicaments –, l’État prendra en charge un forfait de 50 euros, correspondant au tiers du coût d’un traitement de trois mois. Le nombre de personnes ayant recours à ce traitement devrait ainsi passer de 600 000 à 1,2 million.

Par ailleurs, certains fumeurs ont besoin d’un soutien plus important. Arrêter de fumer est particulièrement difficile, aussi le nombre de consultations de tabacologie dans les établissements de santé passera-t-il de 500 à 1 000, ce qui permettra également de doubler le nombre de fumeurs pouvant en bénéficier.

Nous doublerons aussi le montant des subventions versées aux associations qui agissent contre les effets du tabagisme depuis des années. Elles pourront ainsi relayer notre action, sensibiliser et informer.

M. Maxime Gremetz. Remboursez intégralement les patchs !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Dès la rentrée de septembre 2007, en liaison avec le ministère de l’éducation nationale, nous pourrons ainsi mener des actions de sensibilisation dans les classes de sixième et de cinquième.

Nous accompagnerons bien sûr les différentes étapes de l’interdiction. Dès le 15 novembre, une campagne sur les effets du tabagisme passif – qui tue encore 6 000 personnes par an dans notre pays, soit plus de 13 personnes par jour – sera lancée. D’autres campagnes d’information et de sensibilisation suivront à partir du 1er janvier et du 1er février 2007.

Outre l’interdiction, le Gouvernement souhaite donc susciter un mouvement de société comparable à ce qui a été réalisé en matière de sécurité routière : sauver des vies, tel est le défi que nous devons relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous avez entendu, monsieur Santini ? (Sourires.)

situation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Monsieur le Premier ministre, mon collègue Didier Migaud a posé des questions très précises. Non seulement M. Copé, fidèle à son habitude, n’y a pas répondu, mais il a multiplié les contrevérités.

M. Jean-Marc Roubaud. Polémiques !

M. Éric Besson. Pourtant, les réponses existent : elles figurent dans le document que vous avez vous-même transmis aux députés. Puisque M. Copé n’a pas daigné répondre aux questions de M. Migaud, je vais le faire à sa place.

Oui, la dette a lourdement augmenté depuis que vous gouvernez la France : en pourcentage de la richesse nationale de 10 % et en volume de 170 milliards d'euros !

M. Bernard Roman. Voilà la réalité !

M. Éric Besson. Concrètement, cela signifie que chaque Français a vu sa dette augmenter de 2 700 euros depuis 2002.

Non, les impôts ne baissent pas, et les régions auxquelles vous transférez les charges, mais pas les recettes, n’y sont pas pour grand-chose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Certes, l'impôt sur le revenu, lui, baisse, mais de manière injuste, puisque 10 % des Français vont bénéficier de 63 % de la baisse de 2007.

M. Jean-Marc Roubaud. Démago !

M. Éric Besson. Certains impôts baissent, mais l'ensemble des impôts, taxes et cotisations – les prélèvements obligatoires – augmentent, alors que la très grande majorité des Français y sont soumis.

Oui, le nombre de RMIstes a augmenté de 300 000 depuis votre arrivée au pouvoir.

Dans un instant, M. Copé va encore esquiver et me répondre que nos chiffres sont faux, alors qu'ils émanent, je le répète, de son propre ministère. Je lui pose donc une nouvelle fois la question : le Gouvernement est-il prêt à accepter qu'un audit indépendant sur les finances publiques et les comptes sociaux soit réalisé non pas après les élections mais avant, pour que le grand débat de 2007 s'ouvre sur des chiffres incontestables et incontestés ? Acceptez-vous cet exercice de vérité et de démocratie ?

M. Georges Tron. Vous ne l’avez jamais fait !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Je vois, monsieur Besson, que vous souhaitez que je revienne en deuxième semaine. Recommençons donc.

Je voudrais premièrement rappeler que nous appliquons, comme l’exige la loi, la LOLF, rien que la LOLF, toute la LOLF, c'est-à-dire la constitution budgétaire, telle qu’elle a été adoptée à l’unanimité par votre assemblée.

M. Augustin Bonrepaux. Et la dette, rien que la dette !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le budget de l’État, c’est une maison de verre. Tout y figure clairement et je suis prêt à en débattre. Je souhaiterais d’ailleurs que la même transparence soit de mise pour les budgets des régions. Cela permettrait de montrer que vous avez fait exploser les impôts locaux dans les régions socialistes sans que les transferts de la décentralisation aient rien à y voir, puisque – vous le savez parfaitement – les régions ne sont pratiquement pas concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

En second lieu, je confirme que la dépense de l’État baisse, et je vous le démontrerai tout au long de la discussion budgétaire.

Mme Martine David. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous y avons beaucoup travaillé avec Thierry Breton, sur la base de l’engagement pris par le Premier ministre devant l’ensemble des Français, en luttant contre les gaspillages, en modernisant des fonctions essentielles comme les achats et l’immobilier, enfin, en développant internet, autant d’actions qui ont rendu la dépense publique plus efficace.

Troisièmement, vous réclamez un audit, monsieur Besson. C’est une bonne idée, mais M. Jospin, en 2001, n’avait pas, me semble-t-il, jugé utile de réaliser un audit de son bilan et de sa gestion. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour ce qui nous concerne, je vous invite à regarder d’un peu plus près ce que nous faisons : depuis un an, une centaine d’audits ont été lancés sur la gestion de l’État. Chacun peut les consulter sur internet et voir ainsi que nous avons tenu nos engagements.

M. François Hollande. Faites donc celui-là !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, puisque vous voulez parler de diminution de l’impôt, contrairement à ce que vous faites croire, 80 % de la baisse de l’impôt sur le revenu va profiter à ceux qui gagnent moins de 3 500 euros par mois. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. François Hollande. C’est faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La prime pour l'emploi constitue un treizième mois pour ceux qui gagnent le SMIC ou un peu plus. Ce genre de comparaison permet une plus juste perception des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Si vous le permettez, monsieur le ministre, j’ajouterai que le contrôle des finances publiques, c’est le rôle de l’Assemblée nationale et de sa commission des finances.

Pacte national pour l’environnement

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Ma question s'adresse à Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable.

Lors de sa conférence mensuelle la semaine dernière, le Premier ministre a pris un engagement fort en proposant aux Français un pacte national pour l'environnement. Vous le savez tous, mes chers collègues, le changement climatique constitue la plus grande menace du XXIe siècle. Il est donc nécessaire d'agir et d'agir vite. Nous avons chacune et chacun une responsabilité vis-à-vis des générations futures, comme l'a rappelé la mission d'information sur l'effet de serre à laquelle j'ai participé, mission présidée et rapportée par nos collègues Jean-Yves Le Déaut et Nathalie Kosciusko-Morizet. Demain soir, Al Gore, ancien vice-président des États-Unis, nous le dira certainement lors de la projection du film Une vérité qui dérange, et je remercie le président Debré de nous associer à sa rencontre.

Suivant les objectifs du plan Climat de 2004 et de la loi d'orientation pour l'énergie de 2005, et au-delà des mesures existantes ou de celles décidées récemment pour les biocarburants, le Premier ministre a annoncé un certain nombre de décisions concernant notamment le logement et la création d'un livret de développement durable.

Je souhaiterais, madame la ministre, que vous apportiez à la représentation nationale des informations complémentaires sur les différentes mesures que le Gouvernement compte mettre en place et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Vous avez raison, monsieur Poignant, de parler du changement climatique comme du sujet majeur de ce siècle. C’est pourquoi, en annonçant le pacte national pour l’environnement, le Premier ministre a décidé d’y associer l’ensemble des forces vives de la nation.

La France respecte aujourd’hui les engagements que lui impose le protocole de Kyoto et a accompli ces derniers mois de grands progrès en matière d’énergies renouvelables. Le Gouvernement souhaite néanmoins aller plus loin, comme l’a annoncé le Premier ministre. Nos efforts doivent notamment porter sur la réduction des émissions de CO2 dans les domaines du logement et du transport.

Il faut pour cela mobiliser chaque Français et lui permettre d’effectuer dans de bonnes conditions des travaux d’amélioration énergétique de son logement. Le CODEVI, vous l’avez dit, devient un livret de développement durable ; le plafond en sera relevé au 1er janvier 2007 passant de 4 500 euros à 6 000 euros. Cela permettra de financer des prêts écologiques aux particuliers, à hauteur de dix milliards d’euros, montant considérable qui devrait permettre des avancées significatives.

Il nous faut aussi être exemplaires dans le domaine du logement social. C’est pourquoi la Caisse des dépôts et consignations accordera un prêt bonifié aux logements sociaux dont la construction répondra à des normes de très haute qualité environnementale.

Ces mesures vont permettre de quadrupler le nombre de logements écologiques pour atteindre 20 % du nombre total de logements. Outre que c’est une bonne chose pour l’environnement, cela a aussi l’avantage pour les ménages modestes de faire diminuer sensiblement la facture énergétique.

En matière de transport, nous privilégions les solutions d’avenir en misant sur les biocarburants, la recherche et les aides au transport collectif.

J’ajoute que, comme cela a été annoncé, nous serons extrêmement vigilants quant à l’exemplarité des pratiques agricoles et aux normes de pollution locale de l’air, car nous avons à cœur de respecter les contraintes environnementales.

Enfin, nous allons lancer une concertation sur la mise en place d’une taxe sur l’utilisation du charbon, encore considéré comme une énergie non propre.

La réussite de ce plan et de ces actions passe par une modification de notre comportement au quotidien, et c’est ensemble que nous devons réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mesures d’accompagnement
en faveur des buralistes

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

Je souhaite aborder de nouveau la question de l’interdiction de fumer dans tous les établissements publics et voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes légitimes des buralistes. Elles sont particulièrement vives chez les buralistes gérants de bars, profession déjà malmenée par la hausse brutale du prix du tabac, en particulier dans les départements frontaliers, malgré un contrat d’avenir qui a été utile mais arrive à son terme.

M. le premier ministre a chargé l’un d’entre nous, Richard Mallié d’une mission qu’il mène en ce moment même dans les Pyrénées-Orientales avec la profession pour aboutir à des propositions concrètes.

Je souhaiterais donc que vous puissiez nous indiquer comment le Gouvernement compte apaiser les inquiétudes d’une profession d’autant plus respectable qu’elle est également un agent collecteur d’impôts pour le compte de l’État. Cette profession a aujourd’hui le sentiment d’être la cible d’une politique de santé publique au demeurant nécessaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Le Gouvernement est évidemment extrêmement attentif à la situation des buralistes, à la fois du fait des mesures qui viennent d’être annoncées par Dominique de Villepin mais aussi, plus généralement, parce que cette profession a naturellement besoin d’être accompagnée. Elle joue en effet un rôle essentiel sur l’ensemble du territoire national, qu’il s’agisse des créations d’emplois ou de la politique de proximité.

Il est tout à fait légitime que nous soutenions les buralistes, car le contrat qui nous lie à eux n’est pas seulement un contrat de gérance, c’est aussi un contrat moral !

La mission que conduit Richard Mallié avec talent va nous aider, Renaud Dutreil et moi-même, à redéfinir ce que sera le prochain contrat d’avenir. Cela étant, je tiens à rappeler que le Gouvernement a tenu ses engagements. Les 150 millions d’euros prévus pour accompagner les buralistes en difficulté ont été versés. Nous allons travailler à améliorer encore ces mesures d’accompagnement, en particulier pour les buralistes frontaliers.

Nous voulons, d’autre part, développer la diversification des activités. Nombre de buralistes remplissent des missions de service public, et ce qui fonctionne aujourd’hui pour La Poste pourra demain être envisagé pour les réseaux bancaires. Je teste en ce moment avec eux un nouveau dispositif de dématérialisation des amendes, et l’on peut encore imaginer d’autres activités.

Nous réfléchissons également à la rémunération de l’activité liée au tabac dans toutes ses composantes et luttons dans le même temps contre la contrebande. Nous avons détruit ce matin même d’importants stocks de cigarettes de contrebande. La lutte contre cette forme d’économie souterraine est aussi importante pour les services des douanes que la lutte contre le trafic de drogue ou contre les contrefaçons.

Tous ces sujets seront abordés avec le président de la confédération, M. Le Pape, que je vois régulièrement et que je rencontrerai de nouveau en fin de semaine.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

participation et actionnariat salarié

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié (nos 3175, 3337, 3339).

Jeudi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 212 portant article additionnel après l’article 20.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Ce matin, le Président de la République a précisé, devant le Conseil économique et social, que désormais, le Parlement ne serait plus amené à légiférer en matière sociale, notamment lorsqu’il s’agit de modifier le code du travail, sans une consultation préalable des partenaires sociaux. Il a indiqué qu’un délai serait réservé aux partenaires sociaux avant que les textes ne viennent en discussion à l’Assemblée.

Le Président de la République ayant annoncé ces principes – que nous approuvons –, nous ne comprendrions pas que le Gouvernement ne passe pas immédiatement à l’acte. Certes, nous souhaitions aller beaucoup plus loin, s’agissant notamment de la représentativité et de la validité des accords, mais cette approche est consensuelle, au moins sur la nécessité d’un temps de dialogue. Le Gouvernement irait à l’encontre des vœux du Président de la République s’il n’écartait pas dès maintenant de notre débat les dispositions qui n’ont pas été préalablement soumises aux partenaires sociaux. Le Président de la République a donné une orientation, en indiquant le message à adresser aux partenaires sociaux et à l’ensemble des Français. La presse se faisant largement l’écho de cette modification importante de nos pratiques, il serait pour le moins curieux qu’ici, dans le temple de la démocratie, nous ignorions totalement cette proposition jusqu’à ce que la loi soit modifiée. Si la parole publique a un sens, ce serait, me semble-t-il faire bien peu de cas, au plus haut niveau, de celle du Président de la République.

À ce stade, il appartient au Gouvernement de nous dire quelles conséquences il entend tirer des engagements du Président de la République, lesquels, même s’ils ne correspondent pas à notre vision de la démocratie sociale, peuvent emporter sur ce point l’adhésion de l’ensemble de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain. Je ferai pour ma part un vrai rappel au règlement. Je me demande en effet sur quel article de notre règlement se fonde notre collègue Vidalies pour évoquer la parole du Président de la République… Cela n’est pas prévu dans les textes !

M. Alain Vidalies. J’interroge simplement le Gouvernement.

M. Jacques Godfrain. Je pense qu’il s’agit d’une plaisanterie.

D’abord, j’ai rarement entendu un député socialiste s’appuyer sur la parole du Président de la République pour étayer ses propos. Saint Paul a suivi d’autres chemins, et ses révélations étaient autrement plus puissantes, monsieur Vidalies !

Ensuite, si vous aviez mieux écouté nos débats, vous sauriez que, durant la longue période de concertation que le Gouvernement a menée avant de proposer ce texte, le Conseil économique et social était entré en lice. Vous sauriez également que le rapport que nous avons rédigé avec François Cornut-Gentille fait largement écho aux travaux du Conseil économique et social, notamment au rapport Teissier, rédigé il y a vingt ans. On peut donc affirmer aujourd’hui que les travaux du Conseil économique et social ont été largement examinés avant d’élaborer ce texte.

M. Alain Vidalies. Pour nous, les partenaires sociaux ne se réduisent pas au seul CES !

M. Jacques Godfrain. Selon moi, votre argumentation relève plutôt de la supercherie !

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je partage le sentiment de M. Godfrain.

À sa place et dans son rôle, le Président de la République a annoncé des mesures que nos collègues de l’opposition, manifestement, estiment satisfaisantes. Et ils ont raison, puisqu’elles le sont ! Nous les attendions depuis longtemps et, si elles arrivent tardivement, c’est parce que nous avons mis du temps à arriver à ce consensus. Il faut donc s’interroger sur les causes de ce retard, sans lequel ces idées auraient été exprimées bien plus tôt. Un projet de loi va donc être élaboré – je parle sous le contrôle du ministre – et sera examiné par nos commissions. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler.

S’agissant du texte qui nous occupe aujourd’hui, je rappelle qu’il traite de la participation et que la commission a pris des décisions fortes en supprimant plusieurs articles dans les titres III et IV. Dans ces conditions, j’estime que nous pouvons poursuivre nos travaux en toute sérénité, et je salue une fois de plus l’initiative du Président de la République.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et M. Jacques Godfrain. Très bien !

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 20.

Après l’article 20

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 212.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 212 et 213, car ils sont complémentaires.

M. le président. Je vous en prie.

M. Gilles Carrez. L’amendement n° 212 vise à modifier le code de commerce en incluant dans le texte le cas de l’entreprise contrôlée par plusieurs organes centraux et en facilitant, dans ce cadre, la mise en place de dispositifs d’achat d’actions ou d’attribution d’actions gratuites. L’amendement n° 213 tend à modifier le code monétaire et financier en ouvrant la possibilité, pour un établissement de crédit, d’être affilié à plusieurs organes centraux en cas de contrôle conjoint.

En pratique, il s’agit de faciliter le rapprochement entre les caisses d’épargne et les banques populaires, via la création, par les organes centraux que sont la Caisse nationale des caisses d’épargne et la fédération des banques populaires, d’une structure détenue conjointement et à parité, qui s’appellera Natixis.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur Carrez, vous avez raison : cet excellent amendement constitue une avancée en comblant une lacune que n’avaient pas prévue les entreprises contrôlées par plusieurs organes centraux. Le Gouvernement et l’Assemblée feraient un geste positif en acceptant cet amendement. La commission des affaires économiques y est pour sa part favorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission saisie au fond ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable, car il s’agit de précisions extrêmement utiles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 212 et 213.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Le Gouvernement partage les préoccupations exprimées par M. Carrez. Il émet donc un avis favorable aux deux amendements et lève le gage sur l’amendement n° 212.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le groupe des députés communistes et républicains est contre ces amendements, pour des raisons que nous avons précédemment évoquées. Évidemment, la droite penche, une fois de plus, du côté de ceux qui possèdent et qui vont posséder encore un peu plus !

Le Gouvernement a levé le gage : il est donc prêt à faire des concessions. Celles-ci se multiplient en faveur de la droite, mais, de notre côté, nous ne voyons rien venir ! Après une vive discussion, j’ai cru comprendre qu’il fallait contenter tout le monde. Alors, un coup pour faire plaisir aux libéraux, le suivant pour contenter les gaullistes : le Gouvernement lève le gage et trouvera les moyens de payer. C’est un choix que vous avez fait au nom de l’unité apparente de l’UMP et des intérêts de quelques privilégiés, sur le dos de la majorité de nos concitoyens ! Mais personne ne s’étonnera de cette tentative de régler à l’amiable les graves dissensions internes de la majorité.

Nous voterons, je le répète, contre ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain. Le groupe UMP soutient ces amendements, qui tendent, monsieur Gremetz, à élargir le nombre des détenteurs d’actions et le champ de la participation…

M. Maxime Gremetz. Oh ! Votre élargissement, il est à géométrie variable !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous n’avez pas la parole ! Sachez écouter !

M. Jacques Godfrain. Je regrette, monsieur Gremetz, que vous soyez contre la détention d’actions par les salariés. En repoussant ces amendements, c’est, in fine, aux droits des salariés à avoir un patrimoine que l’on porterait atteinte.

M. Maxime Gremetz. Vous irez le leur expliquer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 341, deuxième rectification.

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, pour le soutenir.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. L’amendement n° 341, deuxième rectification, est cohérent avec l’amendement 340 rectifié du Gouvernement, adopté à l’article 20. Il vise à compléter le dernier alinéa de l’article L. 443-6 du code du travail par les phrases suivantes : « Toutefois, les actions peuvent être apportées à une société ou à un fonds commun de placement dont l’actif est exclusivement composé de titres de capital ou donnant accès au capital émis par l’entreprise ou par une entreprise qui lui est liée au sens du présent alinéa. Le délai de cinq ans mentionné ci-dessus reste applicable, pour la durée restant à courir à la date de l’apport, aux actions ou parts reçues en contrepartie de l’apport. »

Sous ces strictes conditions, les salariés investissent bien in fine sur des titres de capital ou donnant accès au capital de leur société ou d’une société qui lui est liée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 341, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Article 21

M. le président. Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

Après l’article 21

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 131 et 11.

La parole est à M. le rapporteur, pour les défendre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. M. Ollier s’exprimera sans doute également, car les deux commissions ont travaillé de façon complémentaire. La commission des affaires sociales, jugeant que la formation était le corollaire de l’information, a en effet repris à son compte les initiatives de la commission des affaires économiques.

Certes, un salarié qui participe est supposé être informé. Mais l’information n’est possible que s’il y a eu préalablement formation. Le juriste Alain Supiot a finement analysé cette réalité : « Contrairement aux idées reçues de la société de l’information et de la communication, informer et consulter ne consiste pas à transmettre un signal d’un émetteur vers un récepteur. Cela consiste plutôt, selon la formule aujourd’hui consacrée par le droit communautaire, à nouer un dialogue social, ce qui implique l’existence d’une langue commune. » La montée des droits d’information et de consultation du comité d’entreprise s’est donc accompagnée d’une progression parallèle des droits à la formation et à l’expertise. Pourquoi, dès lors, laisser l’épargne financière à l’écart de ce double mouvement ?

Il est vrai qu’un certain nombre d’entreprises expérimentent déjà le lien quotidien entre formation et information. L’audition de responsables de la société BioMérieux nous a ainsi permis de mesurer l’importance d’une communication permanente, à la fois écrite et orale, entre la direction générale, les partenaires sociaux et les salariés. Mme Comparini, que je vois opiner du chef, sera sans doute d’accord pour juger exemplaire l’action de cette entreprise lyonnaise.

Il faut favoriser de telles expériences, en particulier dans les plus petites entreprises, qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires. L’amendement n° 130, deuxième rectification, que nous examinerons dans un instant, institue un crédit d’impôt à cette fin. L’amendement n° 131 va dans le même sens en intégrant à la formation professionnelle générale les actions de formation relative à l’intéressement, à la participation et aux plans d’épargne salariale. Les salariés pourront notamment être formés à l’épargne salariale et à l’actionnariat salarié dans le cadre du droit individuel à la formation, le DIF.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 11.

M. Maxime Gremetz. Deux présidents pour dire la même chose ? Nous perdons du temps !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Comme l’a rappelé M. Dubernard, nos deux commissions ont travaillé ensemble et ses deux rapporteurs forment un binôme depuis le début. Ce projet traduit un acte de foi commun dans la participation, et nous le défendrons ensemble.

Ces deux amendements ont une portée stratégique, car ils doivent confirmer ce que nous avons construit depuis une semaine en matière de participation : élection au suffrage universel des représentants des actionnaires salariés, création du dividende du travail, développement de la participation dans les petites entreprises, ouverture de perspectives dans la fonction publique.

M. Maxime Gremetz. Ah ? Lesquelles ? Vous racontez des histoires !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Bref, le projet de participation, ce grand projet social cher au général de Gaulle, a – ne vous déplaise, monsieur Gremetz – avancé grâce à notre majorité. Cela montre que nous sommes du côté du progrès, et vous du côté du conservatisme.

M. Maxime Gremetz. Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Je rends hommage à M. Godfrain et à M. Cornut-Gentille : en insistant, dans leur rapport, sur la faible connaissance de l’épargne salariale dans les entreprises, ils ont été à l’origine de ces amendements. Un autre rapport, réalisé par BNP Paribas et Altedia, montre d’ailleurs qu’un tiers des salariés interrogés ignorent le sens de cette notion. Vouloir que les hommes deviennent des partenaires de l’entreprise, et non ses adversaires, voilà une belle ambition. Mais si les principaux intéressés ne sont pas formés aux dispositifs proposés, comment pourra-t-on y parvenir ?

J’avais déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l’économie, mais le Gouvernement n’avait alors pas jugé nécessaire de l’adopter, et avait renvoyé son examen à plus tard, ce qui m’avait laissé amer. Je connais les réticences de certaines administrations – pas nécessairement la vôtre, monsieur le ministre – à l’égard de cette disposition, mais, aujourd’hui, nous sommes déterminés, M. Dubernard et moi, à faire appel à la majorité pour que les salariés puissent enfin accéder, dans le cadre de la formation professionnelle, à une formation sur la participation et l’actionnariat salarié. Les avancées que nous avons réalisées la semaine dernière n’auraient en effet aucun sens si nous ne votions pas ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le dispositif que le Gouvernement vous soumet est conçu comme un outil puissant de dialogue au sein de l’entreprise, mais il est vrai que, s’il n’est pas assorti de mesures propres à former les salariés au rôle d’administrateur, et si des moyens ne sont pas débloqués à cette fin, on restera au milieu du chemin. Il est exact que, pendant un temps, des réticences se sont manifestées, mais, à présent, ni Bercy ni la rue de Grenelle ne formulent plus d’objection. Avis, donc, favorable aux deux amendements identiques, de même qu’à l’amendement n° 130, deuxième rectification.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. C’est une bonne nouvelle. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le droit individuel à la formation est un dispositif encore très récent, dont les résultats, si l’on en croit les premiers bilans, n’ont rien de mirobolant. Il a malheureusement un défaut que nous connaissons bien : ce sont toujours les mêmes catégories qui ont accès à la formation professionnelle, alors que l’objectif était d’en élargir l’accès, notamment aux employés, aux ouvriers et aux femmes. Je rappelle par ailleurs que ce droit ne porte que sur vingt heures par an, qu’il n’est pas transférable lorsque le salarié change d’entreprise, et que la direction ne peut pas en imposer le contenu – même si elle peut refuser certaines formations.

Dans ce contexte, on ne peut que s’interroger sur ce que vous souhaitez réellement. Vous prétendez vouloir que l’ensemble des salariés actionnaires bénéficient d’une formation sur l’intéressement, la participation et les plans d’épargne salariale. Mais si elle est assurée dans le cadre du DIF, cela signifie que seuls les salariés ayant fait une demande de formation spécifique pourront y accéder. Dès lors, votre grande ambition est réduite à néant. Pour que tous les salariés actionnaires se forment à ces questions, il faut que les chefs d’entreprise prennent leurs responsabilités et assurent, par exemple, une heure de formation par an – ce n’est pas cela qui risque de faire couler une PME. Mais vous ne pouvez pas, pour atteindre votre objectif, détourner un système de formation professionnelle dont nous savons à quel point il reste insuffisant, compte tenu du grand nombre de départs en retraite liés au papy boom et du défi que représente la concurrence internationale. Vingt heures, cumulables sur cinq ans, ce n’est pas grand-chose. Il serait abusif de détourner une partie de ce temps au profit de la formation sur la participation.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je vous ai connu meilleur. Votre réponse n’avait pas l’emphase habituelle, elle relevait plutôt du registre : « quand faut y aller, faut y aller », surtout si les présidents des deux commissions s’y mettent !

Pourtant, cette proposition est tout bonnement incroyable. Nous parlons des petites et moyennes entreprises, celles qui favorisent le moins la formation professionnelle, celles qui ont bien du mal, les chiffres le montrent, à permettre l’exercice du DIF. Nombreux sont d’ailleurs les salariés à qui on refuse une formation professionnelle. Avez-vous bien lu l’amendement ? Il a pour objet d’intégrer aux actions de formation entrant dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle – c'est-à-dire dans les vingt heures dont nous avons parlé –, les actions de formation à l’intéressement, à la participation et aux plans d’épargne salariale.

Tout le monde s’accorde pour dire qu’un droit à la formation de vingt heures est loin d’être suffisant. Dans ce domaine, nous connaissons un retard considérable. Et vous voulez consacrer une part de ce temps à l’épargne salariale ! Formidable, au moment où l’on parle tant de mieux produire pour répondre aux défis de la compétitivité !

On comprend bien qu’ainsi, ce ne sont pas les entreprises qui paieront, mais l’État et les salariés. Tout cela pour discuter d’actions bloquées ! (M. Godfrain proteste.) Monsieur Godfrain, vous êtes auteur d’un rapport sur le sujet, mais moi, j’ai une expérience personnelle de ce dont vous parlez. Je n’oppose pas l’un à l’autre, les deux sont nécessaires. Mais j’ai été actionnaire de l’entreprise dans laquelle je travaillais, et je peux vous expliquer comment les choses se passent : à la fin du mois, on m’annonçait qu’aucune prime d’intéressement ne serait versée parce que les résultats n’étaient pas bons. À quoi bon suivre une formation si c’est pour entendre cela ? Vous faites un superbe cadeau aux entreprises ! Comme l’a dit Mme Billard, il s’agit d’un détournement, le détournement du droit individuel à la formation, pour lequel nous nous sommes tant battus.

Si encore il était prévu une formation à la gestion de l’entreprise, on pourrait comprendre.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Cela en fait partie.

M. Maxime Gremetz. Tout au long de ce débat, nous avons défendu des amendements destinés à donner un corps, une réalité à la participation des salariés à la gestion des entreprises, par l’intermédiaire des comités d’entreprise, dont nous voulions renforcer les pouvoirs, et des organisations syndicales. Tous ont été rejetés. La gestion commune, la participation, tout cela fait de beaux discours, mais la réalité est tout autre. Ce détournement est un petit scandale parmi tant d’autres. Des fonds publics sont affectés à un objet qui n’était pas prévu initialement ; nous y reviendrons au moment d’examiner le budget du travail et des affaires sociales, car sa sincérité en sera affectée.

Monsieur le ministre, vous faites fausse route. N’écoutez pas les deux rapporteurs : ils savent donner des leçons de gaullisme, mais ils sont très mauvais lorsqu’il s’agit d’appliquer concrètement les notions de participation et de gestion par les employeurs, les salariés, les comités d’entreprise et les organisations syndicales. J’élève une vigoureuse protestation devant ce détournement de la loi.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cette séance est singulière. Dans un rappel au règlement en début de séance, j’ai demandé au Gouvernement quelles conséquences il entendait tirer des engagements du Président de la République en matière de concertation sociale. Le porte-parole de l’UMP m’a alors répondu – et cela figurera au Journal officiel –, que l’évocation d’un sujet devant le Conseil économique et social valait consultation des partenaires sociaux. C’est, mot pour mot, ce que vous m’avez affirmé tout à l’heure, monsieur Godfrain, à moins que vous ne vouliez rectifier vos propos. J’en prends acte et je pense que cela fera bondir tous les connaisseurs. Votre conception est en effet très particulière ! Puis M. Dubernard a fait son devoir en me répondant à son tour. Quant au Gouvernement, il est resté silencieux.

Nous arrivons maintenant à l’examen de cet amendement. Le droit individuel à la formation a été instauré – c’est un cas trop rare dans notre législation –, à la suite d’un accord interprofessionnel signé par toutes les organisations patronales et syndicales.

Mme Martine Billard. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. Y compris la CGT.

M. Maxime Gremetz. Surtout la CGT !

M. Alain Vidalies. Nous avons pris grand soin de ne pas le modifier et avons, par anticipation, tenu compte de l’accord entre les partenaires sociaux. Or que faites-vous aujourd’hui ? Non seulement vous remettez en cause ce qui n’a jamais été négocié, mais vous allez détourner, si je puis m’exprimer ainsi,…

M. Maxime Gremetz. Il y a en effet détournement !

M. Alain Vidalies. …une partie de ce droit à la formation pour les salariés – car tel est votre objectif –, dans le cadre de la participation et l’intéressement, sujet qui n’a jamais fait l’objet d’une négociation. La parole du Président de la République de ce matin est oubliée cet après-midi puisque vous décidez unilatéralement de modifier un texte qui, de surcroît, et c’est beaucoup plus grave, résulte lui-même d’un accord entre les partenaires sociaux. Il ne faut pas continuer à tenir des discours sur la négociation et les partenaires sociaux ! Qu’importe ce qui a été discuté par ailleurs, qu’importent les accords antérieurs, la majorité, c’est son bon vouloir, décide ! Elle ne se soucie même pas, et c’est singulier, des propos du Président de la République ! Ce n’est pas anodin !

Nous avons également remarqué votre manque d’enthousiasme, monsieur le ministre.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. Vous ne pouvez pas modifier le contenu du droit individuel à la formation sans laisser aux employeurs et aux salariés la possibilité d’en discuter préalablement ! C’est leur sujet. C’est eux qui ont élaboré ce droit nouveau. Aujourd’hui, vous leur adressez un très mauvais signal quant à votre conception de la démocratie sociale !

Mme Martine Billard. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain. Le terme « détournement » a été à plusieurs reprises totalement détourné de son véritable sens par Mme Billard et par M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

M. Jacques Godfrain. Il vient de l’être à nouveau. Je n’ai pas le sentiment de m’exprimer à l’heure actuelle au nom du groupe UMP, mais des salariés.

M. Maxime Gremetz. Non ! Arrêtez ! Parlez au nom de l’UMP !

M. Jacques Godfrain. Je vais vous dire pourquoi !

M. Maxime Gremetz. Au nom de quelle tendance de l’UMP parlez-vous ?

M. le président. Monsieur Gremetz, vous n’avez pas la parole !

M. Jacques Godfrain. Monsieur Gremetz, vous parlez de votre expérience de salarié actionnaire et de ce qui vous serait, semble-t-il, arrivé à l’époque. Ainsi, le capital que vous possédiez…

M. Maxime Gremetz. Pas le capital, les actions !

M. Jacques Godfrain. … aurait perdu de sa valeur et vous auriez été berné.

M. Maxime Gremetz. Oui !

M. Jacques Godfrain. Est-ce bien le sens de vos propos ?

M. Maxime Gremetz. Parfaitement !

M. Jacques Godfrain. Monsieur Gremetz, si on vous avait à l’époque proposé une formation sur la gestion de votre capital, l’auriez-vous refusée ? Le comité d’entreprise l’aurait-il refusé ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Votre colère prouve que j’ai raison !

M. Maxime Gremetz. Vous voulez rire ou quoi ?

M. Jacques Godfrain. Par un amendement précédent important, nous avons ouvert le livret d’épargne « participation », qui permettra dorénavant à tous les salariés de ce pays de connaître, mois après mois et en dehors de leur bulletin de salaire, le niveau de leur épargne.

M. Maxime Gremetz. Cela ne change rien !

M. Jacques Godfrain. Croyez-vous qu’ils recevront ce document de manière anodine ? Croyez-vous qu’ils regarderont les chiffres sans vouloir les comprendre ?

M. Jacques Desallangre et M. Maxime Gremetz. Ils pourront dire ce qu’ils veulent !

M. Jacques Godfrain. Les salariés de ce pays ont un droit au savoir que vous êtes en train de leur refuser ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Dernière remarque : la formation entre dans le processus de production pour l’améliorer et renforcer la compétitivité. Vous voulez en exclure la participation. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or elle fait partie d’un tout. Le salarié a parfaitement le droit d’être informé sur ce tout.

M. Maxime Gremetz. Qu’on en informe le comité d’entreprise !

M. Jacques Godfrain. Personne n’est dupe de votre fausse colère quant aux propositions du Président de la République. En réalité, ce qui vous chagrine aujourd’hui, c’est de ne pas avoir eu cette formidable idée à notre place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Je demande un scrutin public, pour que chacun se prononce clairement sur cet amendement !

M. le président. Sur le vote des amendements identiques, nos 131 et 11, je suis saisi par le groupe communiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Je ferai part, avec beaucoup de calme et de sérénité, de mon étonnement, lorsque je vous entends tenir ces propos, monsieur Gremetz. Je ne saurais imaginer, tel que je vous connais, que vous fassiez preuve de mauvaise volonté ! Cela signifie donc que vous ne connaissez pas le code du travail.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

M. Jacques Godfrain. Il vous manque un peu de formation !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. De même que M. Vidalies il y a un instant, vous confondez deux choses.

M. Maxime Gremetz. Il ne connaît peut-être pas non plus le code du travail, alors qu’il est juriste !

M. Patrick Ollier. rapporteur pour avis. La première, ce sont les fameuses vingt heures prévues par l’article L. 933-1 au titre du droit individuel à la formation, droit qui n’est en aucun cas remis en cause par ces amendements, car le salarié choisira librement…

M. Maxime Gremetz. C’est vingt heures par an !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Oui, c’est vingt heures par an !

M. Maxime Gremetz. Et encore !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Vous permettez que je vous réponde, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Le salarié choisit si l’entreprise le veut bien !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Le salarié choisira librement sa formation. Je ne voudrais pas que l’on s’en tienne à une mauvaise interprétation. Cet amendement, je le répète, ne remet en aucun cas en cause le libre arbitre du salarié au titre de la formation individuelle.

La seconde chose, c’est l’article L. 930-1 du code du travail relatif aux droits collectifs des salariés en matière de formation, aux termes duquel le chef d’entreprise et les partenaires sociaux négocient un plan de formation d’entreprise. Suite aux propositions de M. Godfrain, nous souhaitons introduire, par ces amendements, un élément supplémentaire de choix : chaque salarié pourra, comme il l’entend, être formé à l’actionnariat salarié, à la participation, et donc à la gestion de l’entreprise.

Je ne voudrais pas, chers collègues, que l’on se querelle…

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas une querelle !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. …sur un sujet qui ne le mérite pas. Il s’agit en effet simplement d’introduire, en respectant scrupuleusement les droits des salariés, un élément de formation supplémentaire, qui sera ou non choisi. Cette possibilité ne remet en aucun cas en cause quelque avantage que ce soit reconnu par le code du travail !

M. le président. La parole est à M. André Flajolet.

M. André Flajolet. L’expérience que je vis dans ma circonscription me permettra peut-être d’apporter quelques éclaircissements.

Deux lectures de cet amendement s’opposent totalement. Selon l’opposition, nous voudrions détruire le droit à la formation individuelle.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

M. André Flajolet. Nous souhaitons aujourd’hui dépasser cette contradiction et permettre au salarié, qui est aussi un être humain, d’accéder à l’ensemble des savoirs. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est essentiel. Pour illustrer mon propos, je citerai l’exemple d’une PME de ma circonscription dont les soixante-dix-huit salariés sont tous actionnaires et qui, tous les quinze jours, pendant deux heures, prennent connaissance ensemble des résultats de l’entreprise.

M. Maxime Gremetz. Où se trouve-t-elle ?

M. André Flajolet. Elle se situe dans ma circonscription !

M. Maxime Gremetz. De quelle entreprise s’agit-il ?

M. le président . Monsieur Gremetz, ce ne sont pas des méthodes ! Nous ne sommes pas dans un commissariat de police, mais à l’Assemblée nationale ! Ce n’est pas un interrogatoire. Contentez-vous de vous exprimer !

M. Maxime Gremetz. Cet exemple est si merveilleux ! J’ai le droit d’en savoir plus !

M. le président. Je vous en prie !

M. André Flajolet. Je poursuis sans m’occuper de comportements dignes du Guépéou !

Nous proposons un droit d’accès à tous les savoirs, techniques et intellectuels, y compris la connaissance de l’entreprise. C’est un bond qualitatif. Je comprends que vous ne le souhaitiez pas, monsieur Gremetz, puisqu’il va remettre en cause les comportements d’un certain nombre de groupes intermédiaires.

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président. Non, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Mais j’ai été mis en cause ! C’est une insulte !

M. le président. Je vais faire une mise au point. Monsieur Gremetz, si vous voulez que j’applique à la lettre l’article 98 du Règlement, continuez ainsi ! Cet article est clair. Il précise que, dans un débat sur un amendement, ne peuvent prendre la parole que le rapporteur, la commission, le Gouvernement et un orateur contre. J’ai donné la parole à tous les orateurs qui l’ont demandée, comme j’ai coutume de le faire. Mais il faudrait nous entendre sur un minimum « syndical », monsieur Gremetz (Rires) : tout le monde doit se respecter dans cet hémicycle, et ne pas parler en même temps depuis son banc, sinon, il n’y a plus de débat possible !

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix les amendements identiques, nos 131 et 11.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est ouvert.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je ferai trois observations rapides.

Premièrement, vous avez raison, madame Billard, l’utilisation du DIF, on le constate généralement, même si ce n’est pas vrai partout, a été surtout satisfaisante pour ceux qui étaient déjà habitués à la formation professionnelle. Les partenaires s’en inquiètent. Il faudra donc mener un travail supplémentaire. Je n’en conclus pas pour autant que les salariés français ne doivent pas être formés à la gestion des sociétés et aux fonctions d’administrateur !

Deuxième remarque, si les présidents des deux commissions en sont d’accord, je propose que l’on introduise, lors de la lecture de ce texte au Sénat, la « gestion d’entreprise » dans la définition de la formation professionnelle.

Enfin, je répondrai à l’inquiétude de M. Gremetz. Il est inexact d’affirmer que ce temps sera pris sur les vingt heures du DIF et que cela représente moins d’heures, puisque cela n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 900-2 du code du travail. En effet, il ne s’agit pas d’une formation d’ordre général, mais d’une formation professionnelle. En tout état de cause, nous respecterons la liberté de choix du salarié et du chef d’entreprise.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 130, deuxième rectification et 10, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour les soutenir.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Nous examinerons prochainement un amendement tendant à donner un titre à ce chapitre.

Il convient d’insister sur la méthode qui favorisera la formation dans le domaine de l’actionnariat salarié et de la participation.

Ces amendements instituent un crédit d’impôt. Je sais que cette formule peut susciter quelques réticences, mais je rappelle que nous y avons recouru, la semaine dernière, pour résoudre une difficulté. Nous pouvons adopter cette solution ici. Il s’agit de faire un effort important pour que progresse, dans les PME de moins de 250 salariés, la connaissance de la participation, de l’actionnariat salarié et de l’intéressement. M. Breton m’avait demandé de discuter à ce niveau du texte de cet amendement pour favoriser la participation et donner un moyen supplémentaire aux PME. Nous avons en effet décidé la semaine dernière d’élargir le principe : offrons maintenant aux PME les moyens de faire de l’information, de la pédagogie et de la formation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a accepté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Avec ces amendements, on pousse encore un peu plus ; c’est extraordinaire.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Oui, ne vous en déplaise !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, faites respecter l’orateur. Je suis seul à avoir la parole ! On ne prend pas comme ça la parole dans l’hémicycle sans l’avoir demandé au président. (Rires.) C’est ce qui vient d’être expliqué et j’ai compris la leçon.

Vous avez dit, messieurs les rapporteurs, à propos des amendements précédents, que le temps de cette formation ne s’imputait pas sur les vingt heures du droit individuel à la formation et que cela concernait surtout les petites entreprises. Vous citez ce que vous voulez du code du travail, mais savez-vous à partir de combien de salariés les entreprises sont obligées de présenter un plan de formation ? Vous savez très bien que les petites entreprises n’ont pas à en présenter. Si l’on a institué le droit individuel à la formation, c’est précisément parce qu’il y avait des plans de formation dans les grandes entreprises et pas dans les petites. Je m’en souviens, j’ai été à l’époque, avec Nicole Péry, l’un des promoteurs de cette mesure. Dans les petites entreprises, c’est donc bien sur les vingt heures que ce temps sera pris. Par ailleurs, regardez toutes les études, ce sont les gens les plus qualifiés qui profitent des formations, jamais les salariés situés à un bas niveau.

Vous permettez que l’on prenne sur les vingt heures, donc sur de l’argent public, pour discuter de l’actionnariat, et, en plus, on va donner des sous aux entreprises alors que ce sont elles qui devraient payer. Les petites entreprises, dites-vous, seront ainsi incitées à offrir à leurs salariés des actions de formation sur la vie économique et les dispositifs d’épargne salariale afin de renforcer la connaissance et l’attractivité de ces derniers. Vous êtes extraordinaires ! C’est dans ces entreprises qu’il y a le moins de formation, et, en mettant le seuil à 250 salariés, vous incluez des filiales de grands groupes. Franchement, c’est un cadeau royal que vous leur faites, et dont ne profiteront pas du tout les salariés.

Quant au code du travail, monsieur Ollier, il change beaucoup effectivement, mais je lis toutes les jurisprudences. Vos experts, souvent, sont en retard d’une jurisprudence, de plusieurs parfois, et vous dites des choses totalement dépassées. N’essayez pas de paraître plus que vous n’êtes. Vous êtes un excellent député, un excellent président.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Merci !

M. Maxime Gremetz. Vous avez fait des hautes études, c’est magnifique, mais, pour le code du travail, vous avez de gros efforts à faire. Il ne suffit pas de lire un petit texte qu’on vous a préparé, la réponse est toujours incomplète.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Quand il y a participation ou intéressement dans une entreprise, chaque salarié reçoit annuellement un relevé. Il a donc déjà une information, et c’est annuel puisque tout se calcule annuellement.

Quant à cet amendement, je voterai contre. Les Verts ne sont pas contre les aides aux entreprises, mais seulement si elles sont ciblées en fonction de leur comportement par rapport à l’environnement ou de leur comportement social.

En l’occurrence, le seul critère pour recevoir une aide, c’est d’être une petite ou moyenne entreprise, sans autre contrainte. Or un grand nombre de moyennes entreprises sont des filiales de grands groupes, y compris étrangers. Beaucoup d’entre eux organisent ce qu’on appelle la délocalisation fiscale, c’est-à-dire qu’ils se débrouillent pour transférer leurs sièges sociaux à l’étranger. C’est le cas, par exemple, pour toute la branche des détergents. Palmolive, Colgate, Henkel, ou L’Oréal, qui ne fait pas vraiment de détergents mais qui est dans la branche chimie, ont tous délocalisé leur siège social en Suisse et structuré leur groupe de manière à ne plus payer d’impôt sur les bénéfices en France. De nombreuses entreprises considèrent cela avec beaucoup d’intérêt et sont en train de suivre le même chemin.

Ces groupes ne paient donc déjà plus d’impôt, et on va en plus leur donner un crédit d’impôt pour la formation sur l’actionnariat. Il ne faut tout de même pas abuser !

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Réservons les aides publiques, qui sont les impôts de nos concitoyens, à des entreprises citoyennes, à des entreprises qui ne délocalisent pas, qui aident à l’aménagement du territoire et à l’emploi dans notre pays. Sinon, ce serait gaspiller l’argent public pour enrichir les actionnaires. On pourrait recentrer les aides publiques. Ce serait tout de même plus intéressant que cette énième proposition du genre.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le plan de formation dans l’entreprise relevait de la négociation entre les partenaires sociaux, et vous modifiez unilatéralement ce qui a été fixé par voie d’accord, même si, après, le salarié continue d’effectuer son choix à titre personnel.

Quant à cet amendement, il crée une niche fiscale, mais quelqu’un a-t-il évalué le coût d’une telle mesure ? Alors qu’il y a la LOLF et toute une série de dispositions qui, selon l’expression d’un ministre, exigent des chiffrages à l’euro près, on nous présente un amendement qui crée une niche fiscale sans aucune évaluation. La mesure coûtera-t-elle 1, 3, 10, 20 millions d’euros ou plus ? Quel est son champ d’application ? On n’en sait rien. J’ai l’impression qu’on est dans l’approximation la plus absolue.

M. Maxime Gremetz. Dans l’improvisation !

M. Alain Vidalies. Je ne vois pas comment l’Assemblée pourrait se prononcer sans que le Gouvernement nous dise à quoi nous nous engageons.

J’attends votre réponse avec gourmandise, monsieur le ministre. Ce texte, en effet, on le connaît. Il est sorti par la porte, il rentre par la fenêtre. Il avait été proposé dans la loi sur la modernisation de l’économie et, il n’y a même pas un an, vous vous y êtes opposé. J’ai sous les yeux les arguments pour lesquels il fallait le retirer. J’aimerais savoir pourquoi vous êtes pour aujourd’hui.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. C’était M. Breton, pas M. Borloo.

M. Alain Vidalies. Oui, mais le Gouvernement est unique, monsieur le président, c’était la parole du Gouvernement.

Bref, combien coûte cette niche fiscale, car on ne peut pas se prononcer sans le savoir ? Et pourquoi le Gouvernement a-t-il abandonné les arguments en sens inverse qu’il avait donnés dans cet hémicycle ? J’attends avec intérêt votre réponse.

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. Sur le vote des amendements nos 130 deuxième rectification et 10 deuxième rectification, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme Martine Billard. Nous n’avons pas eu de réponse !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement n’a pas demandé spontanément à prendre la parole pour me répondre. Je concède qu’il lui faut quelques minutes pour réfléchir. Pour partager cette réflexion avec lui, au nom de mon groupe, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d’une dizaine de minutes.

M. le président. Le Gouvernement est libre de prendre la parole ou pas. Cela dit, la suspension est de droit, mais elle interviendra après le scrutin qui a été annoncé dans le Palais.

…………………………………………………………….

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je mets aux voix les amendements nos 130 deuxième rectification et 10 deuxième rectification, le Gouvernement ayant levé le gage.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. En réponse aux questions techniques de M. Vidalies sur le nouvel article 244 quater P du code général des impôts créé par les amendements des commissions, je peux vous apporter les éléments de réponse suivants, d’une part sur le mode de calcul du crédit d’impôt et l’estimation qui en résulte, d’autre part sur le périmètre de la mesure.

Le chiffrage de ce nouveau crédit d’impôt est relativement difficile à évaluer parce qu’il s’agit d’une mesure à caractère incitatif. On ne peut prévoir avec précision combien de petites et moyennes entreprises souhaiteront engager les actions de formation professionnelle ouvrant droit à cet avantage.

Cela étant, cette mesure tombe sous l’effet de deux plafonds cumulatifs. Le premier est celui institué par l’article général dans lequel s’inscrit l’article 244 quater P, à savoir un plafond de 5 000 euros par période de vingt-quatre mois. Le second est d’origine communautaire : toute aide publique aux petites et moyennes entreprises est plafonnée, sur une période de trois ans, à 100 000 euros. C’est sous ce double plafond que les dépenses de formation sont éligibles au crédit d’impôt qui s’applique aux petites et moyennes entreprises.

En l’état actuel des calculs, la mesure coûterait environ 5 millions d’euros par année civile fiscale, mais il s’agit, je le répète, d’une estimation, compte tenu du caractère incitatif de la mesure.

En ce qui concerne le périmètre, la question de savoir si les petites et moyennes entreprises appartenant à des grands groupes, fussent-ils étrangers, pourraient bénéficier du crédit d’impôt a donné lieu à des commentaires. Je souligne à ce sujet que le deuxième alinéa de l’article 244 quater P fait expressément référence à l’annexe I au règlement n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne relatifs aux aides d’État, annexe qui définit très précisément la petite et moyenne entreprise au sens communautaire. Dès lors que la PME appartient à un groupe, on intègre l’ensemble des salariés dudit groupe pour déterminer si, oui ou non, le seuil de 250 est atteint. Il ne s’agit donc pas d’une mesure qui bénéficierait à de très vastes groupes possédant des petites et moyennes entreprises.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Vous estimez à 5 millions d’euros le coût de la mesure que l’Assemblée vient d’adopter. Le même texte, comportant exactement les mêmes précisions – notamment le double plafond –, a été ainsi apprécié par le rapporteur général du Sénat :

« Le coût de cette mesure reste incertain. Suivant les renseignements transmis à votre rapporteur général par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ce coût, en effet, n’a pu être évalué avec précision. Une estimation l’a chiffré à 10 millions d’euros environ. […] Cependant, outre que ce coût serait sensiblement plus élevé si la mesure devait rencontrer un certain « succès » auprès des entreprises concernées, cette estimation, faute des éléments statistiques adéquats, a été réalisée en l’absence de deux données pourtant capitales : d’une part, le nombre d’heures aujourd’hui financées par les PME pour la formation de leur personnel aux dispositifs d’épargne salariale ; d’autre part, parmi les PEE mis en place, la proportion de plans dont les sommes sont affectées au moins en partie à l’acquisition de FCPE. »

Voilà les conditions dans lesquelles on délibère : une niche fiscale dont on évalue aujourd’hui le coût à 5 millions d’euros, était chiffrée il y a quelques mois à 10 millions d’euros. Et il n’y aurait rien à redire au débat, dont la rigueur serait parfaite ! Nos concitoyens apprécieront.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 129 et 9.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 129.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ces amendements ont déjà été défendus. En proposant l’insertion d’une division supplémentaire, les deux commissions manifestent leur volonté commune de mettre en avant l’amélioration de la formation des salariés aux mécanismes de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié.

M. le président. Même défense, monsieur le président Ollier ?

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Oui.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 129 et 9.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Nous abordons le titre III, consacré au droit du travail, et le chapitre Ier, relatif à la sécurisation des parcours professionnels.

Avant l’article 22

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements de M. Gremetz, portant articles additionnels avant l’article 22.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 73.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement vise à étendre la responsabilité de l’entreprise dominante en cas de « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée » des sous-traitants ou des filiales.

Il fait suite notamment au scandale Métaleurop. Le 17 janvier 2003, ce groupe industriel décidait brusquement « de ne pas octroyer de nouveaux financements à sa filiale Métaleurop-Nord de Noyelles-Godault » dans le Pas-de-Calais, signant ainsi l'arrêt de mort de ce site de production de zinc : 830 salariés ont été jetés à la rue, sans compter ceux dont l’emploi était indirectement lié à cette entreprise. Aujourd’hui encore l'État et les collectivités territoriales supportent les conséquences sociales, sanitaires et environnementales de ce désastre.

La réintroduction en bourse, le 6 février dernier, du titre Métaleurop, dont la cotation connaissait un bond de 622 % dès le premier jour, puis de 35 % le jour suivant, a provoqué l'émotion et la colère des salariés licenciés et de toute la population du Nord–Pas-de-Calais : une fois digérée une liquidation soldée sur le dos des travailleurs et de la collectivité, les affaires ont repris de plus belle pour les actionnaires de la maison mère !

Ce cas n’est malheureusement pas isolé : il témoigne d'une pratique de gestion devenue presque ordinaire pour les grandes entreprises, qui externalisent leurs restructurations vers leurs filiales ou leurs sous-traitants, et leur imposent, par une domination financière et commerciale anormale, des suppressions d'activités et d'emplois. Nombre d'équipementiers du secteur automobile souffrent actuellement de telles relations prédatrices.

Vous nous parlez de partage des fruits de la croissance avec les salariés, de réconciliation du travail et du capital : tout cela n'est que miroir aux alouettes sans une véritable responsabilisation sociale des entreprises. Il faut étendre cette responsabilité au-delà des frontières formelles de la société anonyme pour prendre en compte la réalité des liens de production, de travail, de financement et d'échanges entre unités économiques. Le droit doit être adapté à l’évolution des pratiques fuyantes des employeurs, notamment à l’externalisation de leurs relations avec la main-d'œuvre.

L'affaire Métaleurop est éclairante en la matière. M. François Fillon, ministre des affaires sociales au moment des faits, n'affirmait-il pas qu' « il n’est pas acceptable qu'une entreprise se permette de décider de fermer une de ses filiales sans en assumer les conséquences sociales et environnementales » ? Je ne saurais mieux dire.

Dans sa décision du 16 décembre 2004, la cour d'appel de Douai avait constaté, sur la base d'un rapport d'expertise, « une confusion entre les patrimoines des sociétés Métaleurop-Nord et Métaleurop SA » et ordonné « l'extension à la SA Métaleurop de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SA Métaleurop-Nord. » Les juges ont estimé que la filiale « se trouvait dans une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée » et que ses relations avec Métaleurop SA étaient devenues « anormales ».

Cet arrêt, qui constitue une avancée vers la responsabilisation des sociétés mères vis-à-vis des entités qui lui sont subordonnées, a hélas ! été invalidé par la Cour de cassation le 19 avril 2005, au motif qu’il manquait de base légale. En effet, le code de commerce ne définit pas la confusion de patrimoines, état qui justifie l'extension à la maison mère d'une procédure ouverte contre une filiale ou un sous-traitant. Notre amendement a pour objet de combler cette lacune en donnant un prolongement législatif à l'arrêt de la cour d'appel de Douai, qui introduit la notion de « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous avez, monsieur Desallangre, merveilleusement su défendre l’argumentation de M. Gremetz, avec calme et sérénité !

Je m’oppose cependant à votre proposition pour deux raisons.

Premièrement, elle est étrangère à l’objet du projet de loi, puisqu’elle vise à modifier une disposition relevant du droit des procédures dites de sauvegarde, c’est-à-dire du droit des faillites et du code de commerce. La démarche va donc à l’encontre du recentrage souhaité.

Mon deuxième motif d’opposition porte sur le fond : cette proposition étend de façon considérable une disposition déjà en vigueur. L’article L.621-2 du code de commerce prévoit en effet que la procédure collective peut être étendue à d’autres personnes juridiques que l’entreprise en cessation de paiement s’il apparaît qu’il y a confusion des patrimoines ou création de personne morale fictive : il s’agit de sanctionner l’insolvabilité organisée, voire franchement malhonnête, d’entrepreneurs en difficulté qui protègent leurs actifs sains en les mettant au nom de leur conjoint ou d’une société fictive. Ce que l’amendement propose va infiniment plus loin : il s’agirait, sur la base d’un critère incertain, celui de « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée »…

M. Jacques Desallangre. Ce sont les termes de l’arrêt de la cour d’appel de Douai !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. …, de rendre les donneurs d’ouvrage responsables des dettes de leurs sous-traitants en difficulté. Vous vous écartez là – ou plutôt M. Gremetz s’écarte – des fondements mêmes du droit civil, selon lesquels chacun est responsable de ses dettes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis, pour les mêmes motifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 74.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement, comme le précédent, et comme ce sera le cas pour les suivants, est présenté collectivement par l’ensemble du groupe des députés-e-s communistes et républicains, et non par le seul M. Gremetz.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ma remarque était personnalisée.

M. Jacques Desallangre. Vous savez bien, monsieur le rapporteur, que c’est par convention que doit figurer, avant la mention du groupe, le nom d’un premier signataire. En l’occurrence, c’est M. Gremetz, mais j’ai aussi défendu de nombreux amendements au nom de Daniel Paul !

L’amendement n° 74 tend à insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article ainsi rédigé : « Tout comité d’entreprise ou de groupe, ou à défaut tout représentant du personnel, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les abus de biens sociaux ayant entraîné la liquidation judiciaire de l’entreprise et des suppressions d’emplois. »

Cette disposition s’inspire elle aussi d’un cas réel, sur lequel nous avons attiré l'attention du Gouvernement par diverses correspondances. II s'agit de la situation des salariés de l'entreprise NOSOCOBA sise à Bar-le-Duc.

En 1993, cette société, qui s'appelait à l'époque SOCOBA, déposait le bilan et était rachetée pour le franc symbolique par M. Patrice Bouygues. Celui-ci avait, dans la perspective de ce rachat et de la sauvegarde de l'activité, bénéficié d'environ 1,5 million de francs d'aides publiques destinées à lui permettre de racheter les locaux à tarif préférentiel à la ville de Bar-le-Duc, par le biais d'une société civile immobilière dont sa femme détenait toutes les parts. Les deux époux se retrouvaient ainsi propriétaires de ces bâtiments en centre ville.

En 2002, de nouvelles difficultés financières apparaissant, M. Bouygues revendait la société au Groupe ITTAM dirigé par M. Arnaud Bazin. Malgré ces difficultés financières et le coût prohibitif de la location des locaux à la SCI détenue par les époux Bouygues, M. Bazin portait, en accord avec le personnel, un vrai projet industriel, susceptible de redresser l'entreprise et de lui éviter la liquidation judiciaire. Toutefois, du fait de la brièveté excessive de la période d'observation et de l'absence des soutiens financiers nécessaires au maintien de l'activité, la liquidation était prononcée, mettant en péril une centaine d'emplois.

Entre-temps, une enquête avait été menée sur l'activité financière de M. Bouygues. Celui-ci, une fois prononcée la liquidation de l’entreprise, dont le contexte trahissait une certaine complaisance du tribunal de commerce à son égard, réalisa une juteuse opération immobilière en vendant les bâtiments de l'usine. L’instruction ayant fait apparaître le détournement à son profit de certaines ressources de l'entreprise et le caractère programmé de la faillite, il a été mis en examen pour abus de bien sociaux.

Les salariés, dont 98 ont été licenciés, sont les principales victimes, et ce pour deux raisons. Premièrement, la liquidation judiciaire est considérée a priori comme un motif incontestable de licenciement économique. Deuxièmement, sur le plan pénal, en cas d'abus de biens sociaux, ni le comité d'entreprise, ni les organisations syndicales, ni les salariés ne peuvent se constituer partie civile pour faire valoir leurs droits et prétendre à réparation du préjudice.

Face à cette situation particulière, madame la ministre, le statu quo n’est pas envisageable : les pouvoirs publics ne peuvent abandonner ces salariés à leur sort, alors que ce sont bien des malversations financières, reconnues par le qualificatif « d'abus de biens sociaux », qui ont entraîné la liquidation judiciaire et les licenciements qui en sont la conséquence.

Le législateur doit donc se saisir de cette question et donner les moyens aux salariés de faire valoir leurs droits. C'est le sens de cet amendement, qui ouvre aux salariés et à leurs représentants la possibilité de se constituer partie civile afin d'obtenir réparation pour le préjudice subi : en l’espèce il est capital, puisqu’il s’agit de la perte de leur emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 70.

M. Jacques Desallangre. Il s’agit là encore d’un amendement présenté par M. Gremetz et les membres du groupe des députés-e-s communistes et républicains. Celui-là tend à insérer dans le code du travail un nouvel article L. 122-14-3-1 ainsi rédigé : « Le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est nul et de nul effet. » La même précision est apportée à l’article L. 122-14-4.

Lutter contre les licenciements abusifs et infondés suppose de responsabiliser davantage les chefs d'entreprise et de rendre la sanction dissuasive. En l'état actuel du droit, et sauf de rares exceptions, comme en cas de licenciement d'une salariée enceinte, le code du travail ne prévoit pas la nullité des licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. Une condamnation de l'employeur ouvre droit, le plus souvent, à réparation mais n’annule pas la suppression d'emplois.

Depuis plusieurs années, la Cour de cassation tente de combler cette lacune en consacrant la sanction de nullité pour généraliser le droit à réintégration ou, à tout le moins, garantir une indemnisation forfaitaire élevée.

Si l'on veut que la justification du licenciement par l'employeur ne soit pas une simple formalité, il faut lui donner de la consistance. Notre proposition aurait pour effet positif de réguler le recours intempestif au licenciement pour motif personnel. En effet, on constate malheureusement aujourd'hui que ces derniers masquent bien souvent un marchandage individuel visant à échapper aux dispositions plus protectrices du licenciement économique. Une étude de la DARES indique que cette forme de rupture du contrat de travail a – comme c’est étrange – augmenté de 26 % entre 1998 et 2001, alors que la conjoncture était pourtant réputée favorable. Parmi les explications les plus crédibles de cette poussée soudaine, la DARES pointe « une logique d'évitement des plans sociaux, le licenciement pour motif personnel étant l'un des moyens de réduire ou de recomposer la main-d'œuvre dans le cadre des restructurations ».

Je me permets enfin de vous rappeler, monsieur le ministre, au moment où nous examinons une réforme de la participation et de l'actionnariat salarié, les propos de Georges Gorse, l’un de vos prédécesseurs au ministère du travail. Défendant dans ce même hémicycle le texte qui devait devenir la loi du 13 juillet 1973, celle-là même qui instaura l'obligation de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement, il déclarait : « Comment veut-on que le salarié accepte de se considérer comme participant et de se comporter comme tel si, alors qu’on lui promet un intéressement aux bénéfices et qu’on le fait même accéder au titre d'actionnaire, il a conscience d'être à chaque instant à la merci d'une décision unilatérale incontrôlée ou incontrôlable ? »

Nous vous invitons, en reprenant cet amendement, à vous inscrire dans le sillon tracé par un ministre clairvoyant. Depuis 1973, l'insécurité sociale et le chômage se sont accrus. L'heure nous semble venue de consolider le garde-fou institué à l'époque.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous voulez étendre aux licenciements dits abusifs, c’est-à-dire dépourvus de motif réel et sérieux, le régime de sanctions applicable aux licenciements dits nuls. Est-il opportun de supprimer la distinction entre ces deux types de licenciement irrégulier ? Je n’en suis pas sûr.

Le licenciement nul correspond aux cas les plus graves, celui d’un salarié protégé, d’une femme enceinte, d’un licenciement discriminatoire. Il est nécessaire, me semble-t-il, de garder en l’occurrence un régime de sanctions différent et aggravé.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 71.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.

M. Jacques Desallangre. Avec cet amendement, il s'agit, une nouvelle fois, d'accorder un droit nouveau aux salariés, celui de s’opposer à une procédure de licenciement pour faire émerger des solutions alternatives responsables. C’est une proposition que nous faisons depuis un certain temps, mais qui a, hélas, constamment été rejetée malgré sa pertinence.

Ce droit nouveau conféré aux représentants du personnel et au comité d'entreprise leur permettrait en effet de s'opposer aux licenciements et de faire annuler ceux dont le motif économique est injustifiable et donc contestable.

Les licenciements dépourvus de motif économique au sens de la loi, tels ceux visant exclusivement à valoriser la capitalisation boursière, ne doivent pas avoir lieu. Afin que les représentants du personnel et le comité d'entreprise puissent s'y opposer efficacement, la loi doit leur conférer un véritable pouvoir de contrôle et de contestation.

Le présent amendement ne tend pas à aboutir à une interdiction des licenciements, mais à créer les conditions d'une véritable concertation. Si la motivation invoquée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, les délégués du personnel et le comité d'entreprise pourront s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge se prononce sur leur justification. Dans l'hypothèse où ce dernier constaterait à son tour l'irrégularité des motifs de licenciement, il pourrait confirmer l'opposition et annuler toutes décisions contraires.

Le droit d'opposition est en outre un instrument efficace pour promouvoir les projets économiques proposés par les représentants du personnel comme alternative aux licenciements. Il s'agit d'encourager la gestion citoyenne et la création d'entreprises également citoyennes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Vous vous placez, monsieur Desallangre, dans une logique de conflit et de recours systématique à la justice, avec pour seul résultat de suspendre une mesure pendant le temps d’un procès, c’est-à-dire quelques jours ou quelques semaines. Les salariés n’ont rien à y gagner.

M. Jacques Desallangre. Si !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission préfère, comme le Gouvernement, s’inscrire dans une logique de dialogue social, à l’instar des amendements qu’elle a adoptés et que nous examinerons par la suite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, les dispositions du code de commerce et du code du travail prévoient déjà la consultation des organes représentatifs des salariés – comité d’entreprise et délégués du personnel – dans le cadre d’une procédure collective. Dans ces conditions, il ne paraît pas souhaitable de rajouter une procédure de ce type dans un texte qui concerne l’actionnariat des salariés. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Les propos de M. le rapporteur me conduisent à lui citer l’exemple des salariés de l’usine Wolber à Soissons, une filiale de Michelin. Après un combat de plus de trois ans, un tribunal a fait droit à leur requête en reconnaissant que leur licenciement n’était pas un licenciement économique : outre que l’action Michelin se portait bien puisqu’elle avait même continué de monter, il a été prouvé que l’entreprise aurait pu conserver cette usine de Soissons au lieu de licencier 401 salariés. Malheureusement, il n’y avait plus d’usine, donc plus de possibilité de réintégration. Alors que les salariés avaient gagné contre un patron indélicat, je dirais même un patron voyou, ils sont, hélas, au chômage.

Si un jugement avait pu intervenir rapidement, avant que l’irréparable ne soit commis, peut-être auraient-ils encore aujourd’hui un travail qu’en tout état de cause ils méritaient de conserver après trente ans de fidélité à l’entreprise.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l’amendement n° 72.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement tend à insérer avant l’article 22  l’article additionnel suivant :

« Il est inséré, après l'article L. 432-5 du code du travail, un article L. 432-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 432-5-1. – Lorsque l'employeur d'une entreprise sous-traitante a connaissance d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre dont il estime qu'elle engendre des difficultés économiques de nature à la contraindre à procéder à un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel.

« Sur la demande de cet employeur, le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre est convoqué sans délai par l'employeur de cette dernière et se trouve élargi aux membres du comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel de l'entreprise sous-traitante avec voix délibérative.

« Il en est de même, sur la demande des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante, lorsque ceux-ci ont connaissance d'une décision telle que visée au premier alinéa du présent article.

« Le comité ainsi élargi, coprésidé par les deux employeurs ou leurs représentants, dispose des prérogatives prévues par les articles L. 434-6 et L. 321-1 du code du travail.

« La réunion des deux entreprises constitue le champ d'appréciation du motif économique et de l'effort de reclassement au sens de l'article L. 321-1.

« Le refus, par l'employeur de l'entreprise donneuse d'ordre, de convoquer le comité d'entreprise sur la demande de l'employeur ou des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante est sanctionné par les dispositions de l'article L. 483-1 du code du travail.

« Lorsque l'employeur de l'entreprise sous-traitante n'a pas fait usage de la procédure prévue par le présent article, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne peut être invoquée, directement ou indirectement, comme motif de licenciement par l'entreprise sous-traitante. »

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela s’appelle une usine à gaz !

M. Jacques Desallangre. Cet amendement, monsieur le rapporteur, apporte une réponse pragmatique au problème des entreprises sous-traitantes placées – on n’en a, hélas, que trop d’exemples lorsque l’on est maire – dans un état de dépendance économique par rapport aux entreprises donneuses d'ordre.

À l’heure actuelle, 66 % des salariés travaillent dans une très petite entreprise ou dans une PME, mais, pour reprendre les conclusions d’un économiste, cette déconcentration économique masque en réalité un renforcement de la concentration financière, qui profite notamment aux groupes multinationaux. Aujourd’hui, un salarié sur deux travaille dans une entreprise contrôlée par un groupe, et la part des PME contrôlées par un groupe représente 42 % de l’ensemble des salariés des PME. Le recours massif à la sous-traitance, qui permet à de grandes entreprises ou à des groupes d'externaliser des activités tout en conservant tout leur pouvoir de décision, sinon de négociation, donne ainsi à ces grandes firmes, au-delà des gains escomptés en matière de flexibilité et d’abaissement des coûts salariaux, la possibilité d’externaliser aussi très souvent les suppressions d’emplois. Le passage en sous-traitance leur permet en effet de s’exonérer de nombre de règles du code du travail et, plus particulièrement, de leurs obligations en matière de licenciement économique, qu'il s'agisse de la justification du licenciement ou des conséquences de celui-ci en termes d'indemnité ou de reclassement.

Les licenciements économiques prononcés dans ces conditions par les sociétés sous-traitantes échappent à tout contrôle réel du motif, le champ d’appréciation étant limité à l’entreprise sous-traitante. En outre, ils ne permettent pas la mise en œuvre de procédures d’information et de consultation valables et limitent la recherche de solutions de reclassement efficaces, les capacités du sous-traitant étant le plus souvent réduites en ce domaine.

Le dispositif que nous proposons ouvre la possibilité aux dirigeants de l’entreprise sous-traitante, comme aux représentants du personnel de cette dernière, de recourir à un cadre d’appréciation et de débat commun, qui responsabilise l’entreprise dominante. En clair, le comité d’entreprise de la firme donneuse d’ordres devrait être saisi de tout projet de nature à affecter l’emploi dans l’entreprise sous-traitante et qui résulterait d’une décision de la première. Ce comité d’entreprise se verrait alors adjoindre avec voix délibérative les représentants élus de l’entreprise sous-traitante. Le comité ainsi élargi examinerait non seulement les fondements économiques du projet, mais également un projet de plan social élaboré conjointement par les directions de deux entreprises. Il disposerait, en cas d’insuffisance de celui-ci, des mêmes attributions qu’un comité d’entreprise « classique ».

Cette procédure s’inscrit dans l’avènement progressif dans notre droit de la notion d’unité économique et sociale. À l’origine, le législateur l’a introduite dans l’article L.431-1 du code du travail pour établir un lien entre des structures pourtant juridiquement distinctes afin de permettre la mise en place d'institutions représentatives du personnel communes. Admettez qu’il serait malvenu de ne pas reconnaître sa pertinence pour traiter du sujet de préoccupation numéro un des salariés, à savoir l’emploi et les restructurations. C’est pourquoi nous défendons cet amendement sans avoir l’impression de proposer une usine à gaz : on a vu des textes plus compliqués être adoptés et celui-ci défend les intérêts des salariés. Le code du travail n’est-il pas fait pour cela ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Le terme « usine à gaz » que j’ai employé est peut-être exagéré, mais cet amendement n’en poserait pas moins de graves problèmes juridiques, ne serait-ce que pour apprécier le champ d’application de la procédure : qu’est-ce qu’un sous-traitant ? tout fournisseur peut-il invoquer cette disposition ?

Il me semble en outre, et j’en suis un peu surpris, que l’amendement va à l’encontre de la volonté de renforcer le rôle des comités d’entreprise. Si les salariés doivent être mis au fait de données économiques sensibles ou d’options stratégiques de l’entreprise, encore faut-il que celle-ci puisse attendre d’eux un minimum de discrétion dans l’usage fait de ces informations. Comment satisfaire cette exigence en réunissant les instances de deux entreprises aux intérêts le plus souvent divergents ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l’amendement n° 69, le dernier de cette série d’articles additionnels.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement devrait réjouir M. le rapporteur puisqu’il ne propose pas une usine à gaz mais, simplement, l'abrogation du CNE !

Si nous la demandons c'est parce que nous avons fait, comme des milliers d’autres, le même constat : alors que l’on nous avait promis avec ce nouveau contrat de vraies créations d'emplois, force est de constater qu'il n'en est rien. Plutôt que de libérer l'emploi, il a multiplié les contentieux. Ce contrat de travail dérogatoire ne pouvait fonctionner pour une raison essentielle, que le MEDEF avait d'ailleurs lui-même soulignée : l’insécurité juridique qu'il pouvait provoquer pour les employeurs. Aujourd'hui, qu'en est-il ?

On observe déjà la perversion du dispositif : selon une étude, 35 % des CNE signés l'ont été par des salariés déjà présents dans l'entreprise sous une autre forme d'emploi. Or 71 % des entreprises ayant signé des CNE avouent qu’elles auraient embauché de toute façon, et dans 40 % des cas en CDI. Vous leur offrez la belle occasion d'attendre deux ans, et cela, hélas, dans la plus complète insécurité pour le salarié.

Une étude du ministère de l'emploi publiée à la mi-juin précise même que 90 % des CNE se sont substitués à des CDI ou à des CDD et que, a contrario, seulement 10 % des 440 000 CNE signés constituent de vraies créations d'emplois. L'INSEE révèle quant à elle que 30 % de ces contrats étaient rompus six mois après leur création.

En d'autres termes, le CNE, comme nous l'avions dénoncé à l'époque, est venu se substituer à des contrats de travail plus stables, dans un contexte où la part des contrats précaires ne cesse de croître.

À cela s'ajoute l'instabilité juridique que confirment les nombreux recours dont j’ai déjà parlé. Cela vous gêne d’ailleurs puisque vous usez d'un abus de pouvoir pour faire dessaisir la juridiction d'appel des demandes afin de renvoyer le jugement au tribunal administratif. Une nouvelle fois, on assiste à une mise en pièces de la séparation des pouvoirs.

Le CNE est mis à mal par plusieurs décisions judiciaires, dont celle rendue le 28 avril dernier par le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qui a déclaré le dispositif contraire à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. À l’occasion du jugement de cette même affaire devant la cour d'appel de Paris, le 22 septembre, le Gouvernement a utilisé une procédure extraordinaire, le déclinatoire de compétence, déposé par le préfet de l'Essonne. Au moyen de ce que nous ne pouvons qu’appeler une escroquerie juridique, vous avez ainsi tenté d'empêcher la cour de se prononcer sur les droits des salariés en CNE licenciés sans motivation.

Déjà, en mars dernier, le garde des sceaux avait ordonné aux procureurs d’intervenir systématiquement dans les procès concernant le CNE et de faire appel de toute décision favorable aux travailleurs. Cette nouvelle intrusion du pouvoir politique dans le débat judiciaire n’est pas tolérable. Après une longue série d’atteintes au droit du travail portées par ordonnances, décrets estivaux, amendements parlementaires votés à la sauvette, le Gouvernement entend sinon interdire, du moins contrarier le contrôle des juges.

L’exposé de ces faits concrets, précis, me semble suffisant pour motiver notre demande d’abrogation du CNE.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Le contrat nouvelles embauches, monsieur Desallangre, n’est peut-être pas parfait mais il s’agit, rappelons-le, d’un dispositif expérimental, qui peut être amélioré. L’article 5 de l’ordonnance a prévu une évaluation, au plus tard le 31 décembre 2008, par une commission qui associera les organisations d’employeurs et de salariés. Attendons cette échéance pour juger si le CNE doit être supprimé ou réformé.

En outre, je pourrais citer d’autres chiffres que ceux que vous avez donnés et qui ont aussi du sens. Ainsi, il y aurait eu, selon des études fouillées du ministère de l’emploi, 440 000 embauches liées au CNE entre août 2005 et mars 2006.

M. Jacques Desallangre. 10 % seulement de créations d’emplois !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. D’après l’enquête réalisée par le ministère de l’emploi auprès de 3 000 chefs d’entreprise, environ 10 % de ces embauches n’auraient pas eu lieu s’il n’y avait pas eu le CNE. Et six mois après leur embauche, 70 % des salariés recrutés en CNE travaillent encore dans l’entreprise, ce qui représente une proportion beaucoup plus élevée que chez les salariés embauchés avec des contrats à durée déterminée.

On peut se battre sur les chiffres mais je ne crois pas que ce soit le lieu de rouvrir le débat sur le CNE qui, je le répète, a été adopté à titre expérimental.

M. Jacques Desallangre. Je comprends que cela vous gêne.

M. Xavier de Roux. Ce n’est pas le lieu : c’est un cavalier des plus cavaliers !

M. Jacques Desallangre. On en a vu d’autres !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Sans reprendre l’ensemble du débat relatif au CNE, sur lequel chacun connaît nos positions, je voudrais insister sur la stratégie utilisée par le Gouvernement dans les procédures judiciaires en cours, car les circonstances sont quand même assez exceptionnelles.

Suite à la décision du conseil des prud’hommes de Longjumeau retenant que le CNE était contraire aux engagements internationaux de la France, en l’occurrence à la convention 158 de l’OIT, pour la définition de la période d’essai, celle-ci étant beaucoup trop longue même si elle a été rebaptisée autrement, le parquet général, qui, lui, ne peut guère faire autre chose que de défendre l’évidence du droit, a bien évidemment soutenu devant la cour d’appel que cette appréciation relevait du juge judiciaire. Le Gouvernement, lui, a soutenu sans aucune nuance que, le CNE trouvant son origine dans une ordonnance, seul le juge administratif était compétent. Personne, pas même ceux qui l’écrivent, ne croit un instant à cette argumentation qui n’a de valeur que pour attaquer l’ordonnance elle-même, non pour attaquer la mise en œuvre de cette ordonnance. S’agissant de dispositions qui relèvent du droit du travail, c’est bien le juge naturel du contrat de travail qui est compétent.

Tout cela n’a qu’un objectif : permettre au préfet, après la décision de la cour d’appel, de recourir à un déclinatoire de compétences, c'est-à-dire de saisir le Tribunal des conflits, même si l’on sait très bien ce qu’il va dire. Le Gouvernement, en réalité, a usé d’une méthode dilatoire, l’objectif n’étant pas de connaître la décision du Tribunal des conflits, mais simplement de gagner du temps compte tenu du délai nécessaire à l’instruction du dossier.

M. Jacques Desallangre. Voilà !

M. Alain Vidalies. La décision du Tribunal des conflits interviendra postérieurement aux rendez-vous électoraux. En manœuvrant ainsi, le Gouvernement a essayé habilement de se tirer une épine du pied, mais personne, en tout cas aucun député de l’opposition, n’est dupe.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 22

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 75, 239 et 268, tendant à supprimer l’article 22.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l’amendement n° 75.

M. Jacques Desallangre. L'article 22 ouvre le chapitre du projet de loi relatif à la sécurisation des parcours professionnels. Et quelle ouverture ! Il s'agit, ni plus ni moins, de légaliser le prêt de main-d'œuvre, pourtant interdit par notre législation sociale. Vous prétendez ne pas avoir l’intention d’assouplir la législation interdisant le marchandage, mais pourquoi préciser alors que les modalités de cet article ne sont pas exposées aux « dispositions des articles L. 125-1 et L.125-3 du code du travail » qui sanctionnent précisément le marchandage ? C'est bien que vous ouvrez une brèche, certes pour le moment encore limitée aux établissements situés dans les pôles de compétitivité, mais ce n’est qu’un début.

Comme le précise le rapport, l'objet de cet article « vise à donner un cadre juridique clair aux prêts de main-d'œuvre opérés dans le cadre des pôles de compétitivité ». Ainsi, alors que la jurisprudence a opté pour une interprétation assez extensive de ces dispositions pour protéger les travailleurs et que des abus ont été constatés et sanctionnés – on recense aujourd'hui entre 150 et 200 condamnations par an liées au délit de marchandage, contre 123 en 2001 par exemple, et l’on se souvient notamment d’une affaire qui a touché la grande distribution – le Gouvernement propose de déroger temporairement au droit commun.

Cette attitude s’inscrit dans la suite logique – elle est de la même veine – de l'ensemble des dispositions déjà adoptées par votre majorité, la plupart du temps en catimini, comme le portage salarial ou le travail à temps partagé, toutes formes d'emplois qui morcellent et fragilisent le salariat, ses droits et ses protections.

Prenons l'exemple du portage. Le principe est le suivant : l'entreprise achète une compétence, la société de portage lui fournit un salarié « porté » et ce dernier reçoit de la société de portage une rémunération correspondant à la mission qu'il effectue pour l'entreprise. La relation, tant qu'elle fonctionne, semble satisfaire tous les acteurs. Ce n'est plus le cas lorsque intervient une rupture de contrat. L'entreprise n'a plus besoin du salarié, qui se retrouve au chômage. Quel est alors son statut ? L'UNEDIC se montre aujourd'hui extrêmement ferme : les portés n'entrent pas dans le régime d'indemnisation de l'UNEDIC. Or l'essor du portage multiplie le nombre de ces situations difficiles. En fait, les salariés portés sont dans un vide juridique. En travaillant pour une entreprise tout en étant payé par une autre, le salarié est-il subordonné et, si oui, à qui ?

La question peut se poser dans le cas présent : vous ne précisez même pas qui a le pouvoir de subordination et qui est le responsable contractuel en cas de conflit.

La logique est identique avec les entreprises dites de « travail à temps partagé », dont l'activité consiste à « mettre à disposition d'entreprises clientes du personnel qualifié qu'elles ne peuvent recruter elles-mêmes à raison de leur taille ou de leurs moyens ». Comme pour l'intérim, il s'agit d'une relation triangulaire entre un salarié, une entreprise de fourniture de main-d'œuvre et une entreprise utilisatrice. « Un contrat est signé, pour chaque mise à disposition individuelle de salarié, entre l'entreprise de travail à temps partagé et l'entreprise cliente », indique le texte. « Ce contrat précise le contenu et la durée estimée de la mission », la qualification professionnelle, les caractéristiques du poste de travail, la rémunération. L'adjectif « estimée » signifie qu'il n'y a pas de terme précis à la mission. Un ouvrier ou un ingénieur peut être envoyé pour cinq semaines, cinq mois, ou plus, chez un patron qui pourra adapter la durée de la mission en fonction de ses besoins. À la fin de la mission, le salarié revient donc dans l'entreprise de travail à temps partagé, à laquelle il est lié par un CDI qui ne lui offre aucune protection réelle. Si cette entreprise n'a pas d'autre mission à lui confier, c’est pour elle un motif valable pour le licencier pour cause économique. Quitte à le reprendre quelques semaines plus tard si besoin est.

Toutes ces formes dégradées de l'emploi nuisent au statut du salarié et aux garanties dont les salariés devraient bénéficier. Pour ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 22.

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour défendre l’amendement n° 239.

M. Michel Charzat. Après l'examen des deux premiers titres, nous abordons le titre III, et ce débat est très important non seulement dans la forme, puisqu’il s’agit d’une sorte de « pièce rapportée », mais également sur le fond, car l’article 22 introduit une série de dispositions qui prolongent l'entreprise gouvernementale de démantèlement du droit du travail engagée depuis plus de quatre ans.

L’intitulé du chapitre Ier est curieusement présenté comme devant favoriser la sécurité des parcours professionnels. Il est pour le moins paradoxal que nous examinions ces articles le jour même, cela a été souligné par Alain Vidalies, où le Président de la République, à grand tapage médiatique, propose d'établir de nouvelles règles en matière sociale, et notamment l'obligation de concertation avec les partenaires sociaux chaque fois que le Gouvernement ou le Parlement examinera un projet de réforme relatif au droit du travail, ce qui est vraiment le cœur de ce chapitre et de ce titre. La concertation dont vous vous targuez, et que le Président Chirac appelle de ses vœux, n'a visiblement pas concerné le titre III. Vous ne pouvez pas en effet considérer que des réunions bilatérales, tenues plus ou moins en catimini et qui n'ont fait apparaître aucun consensus sur ce texte, puissent être conformes à la règle qui vient d'être proposée.

En réalité, vous avez agi avec précipitation pour satisfaire les groupes de pression, désireux de contourner le code du travail ou de se soustraire à certaines de ses obligations. Vous voulez encore davantage fluidifier et flexibiliser le marché du travail avec de nouveaux outils, sous couvert de sécurisation. Et cela au moment où se développent les emplois précaires. Ainsi, nous venons d'apprendre, aujourd’hui même, que l'emploi intérimaire a progressé de 5,6 % en France au cours du deuxième trimestre 2006, soit la plus forte hausse depuis six ans, et même de 8,6 % en un an, avec un rebond dans tous les secteurs.

Les mesures du titre III sont d'une telle brutalité et traduisent une telle improvisation que les rapporteurs des commissions ont eux-mêmes écarté plusieurs articles, soit pour des raisons de forme, soit pour des raisons d'opportunité électorale.

L'article 22 illustre votre volonté de substituer la précarité à la sécurité. Il propose en effet la mise en place d'un dispositif temporaire expérimental permettant aux entités de droit public et de droit privé d'un pôle de compétitivité de procéder à des prêts de personnels par dérogation aux interdictions de prêts de main-d'œuvre à but lucratif.

Le délit de marchandage est aujourd'hui réprimé, à juste titre et de façon constante, par la jurisprudence. Or cet article vise inopportunément à légaliser ce délit en élargissant le champ du prêt de main-d’œuvre alors qu'il est actuellement réservé aux entreprises de travail temporaire. Sous couvert d'expérimentation, permettre ce type d'arrangement, c’est ouvrir la porte à tous les abus. Il s'agit là d'un nouveau pas vers la fluidification de la circulation des salariés. Aujourd'hui réservé aux pôles de compétitivité à titre expérimental, pourquoi, par la suite, ce prêt ne serait-il pas généralisé à l'ensemble du marché du travail ?

Certains pôles de compétitivité rassemblent des dizaines de milliers de salariés, un grand nombre de personnes pourraient donc déjà être concernées par cette mesure, quelle que soit leur fonction. Quels sont les droits de ces salariés ? Quelles garanties leur proposez-vous ? Aucune.

Le prêt serait régi par une simple convention passée entre deux entreprises. Le salarié garderait le même contrat de travail alors qu'il changerait d'entreprise et que ses missions et ses conditions de travail pourraient être considérablement modifiées. L'information des organisations représentatives des salariés sur la convention, le retour du salarié dans son emploi d'origine à la fin du prêt et la conservation par ce dernier des droits et garanties rattachés à son contrat de travail initial pendant la durée du prêt ne sont pas prévus. De surcroît, le salarié mis à disposition ne serait pas pris en compte pour le calcul des effectifs de l'entreprise d'accueil. Autant dire que ses droits fondamentaux – droits électoraux, droits à la sécurité et à l'hygiène – seraient bafoués. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point notamment lors de la discussion de l'article 32, qui vise justement à entériner ce mode de décompte des effectifs.

Tous ces éléments démontrent qu’il faut supprimer l’article 22.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l’amendement n° 268.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise également à supprimer l’article 22, dont la rédaction, à l’évidence, n’a pas fait l’objet d’une concertation préalable. Quel que soit le débat sur le fond, s’il y avait eu concertation avec les organisations patronales et syndicales, nous n’aurions pas une telle rédaction qui sera source de tous les contentieux possibles et imaginables.

Actuellement, seules les entreprises de travail temporaire sont autorisées à faire du placement de main-d’œuvre. L’article 22 ouvre cette possibilité à toutes les entreprises sans distinction. Je peux concevoir sans a priori que, pour certains emplois très qualifiés, dans les pôles de compétitivité, le prêt de main-d’œuvre puisse être utile. Mais l’article ne précise rien : les entreprises peuvent faire du placement de salariés, dans le cadre d’un pôle de compétitivité, sur l’ensemble des emplois, du moins qualifié au plus qualifié. Pourquoi ce besoin d’ouverture pour tous les emplois ?

Ensuite, l’employeur de départ devra conclure une convention avec l’entreprise à la disposition de laquelle sera mis le salarié, mais il n’y a aucune obligation de porter cette convention à la connaissance des organismes de dialogue social dans les deux entreprises – comité d’entreprise ou délégués du personnel selon la taille de l’entreprise – ou même du salarié concerné. Des accords pourront donc intervenir sans que les salariés, les délégués du personnel et les comités d’entreprise soient au courant, ce qui pose un problème. Nous avons l’impression que le dialogue social, objet de la fameuse loi dont nous avons débattu, n’existe plus dans les pôles de compétitivité !

Le dispositif contourne aussi l’obligation d’information sur les postes disponibles, auxquels des salariés de l’entreprise d’accueil auraient pu postuler. Et que se passe-t-il ensuite dans l’entreprise d’où part le salarié ? Peut-elle réembaucher sur le poste libéré, et sous quelles conditions ? S’agira-t-il d’un emploi en CDD, en CDI ou d’un intérim ? Le texte n’en dit mot.

Comment penser que l’inspection du travail pourra contrôler ces prêts de main-d’œuvre alors que la faiblesse de ses effectifs l’empêche de contrôler l’existant ? Je viens ainsi de recevoir une jeune femme, ingénieur, licenciée par France Télécom au terme de huit années de contrats à durée déterminée successifs, qui n’a pas osé demander aux prud’hommes la requalification de ces CDD en CDI, et qui est maintenant au chômage. Alors que l’État est incapable de faire respecter les textes relatifs aux CDD, le Gouvernement invente un dispositif qui introduit davantage de flexibilité dans les contrats de travail !

La mesure vise aussi les fonctionnaires. Comment garantir, pour ce qui les concerne, le respect de l’alinéa 15 selon lequel : « pendant la durée de la mise à disposition, le salarié à droit au maintien de sa rémunération. Celle-ci ne peut être inférieure à celle que percevrait, dans l’entreprise utilisatrice, un salarié embauché directement par celle-ci, de qualification équivalente, de même ancienneté et occupant un poste similaire. » ? Comment le calcul se fera-t-il ? Nous savons tous qu’à niveau de qualification égal, les salaires sont nettement plus élevés dans le secteur privé que dans la fonction publique.

Enfin, comment seront comptabilisés, au regard de la LOLF, les postes de fonctionnaires ainsi transférés dans le secteur privé ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Souhaite-t-on, oui ou non, adapter notre économie pour la rendre compétitive au niveau international ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Léonce Deprez. Voilà !

Mme Martine Billard. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Si on le souhaite, on est favorable aux pôles de compétitivité, ces clusters qui ont fait la preuve de leur efficacité dans les pays où ils ont été installés, il y a une vingtaine d’années déjà. Nous y sommes favorables, et je serais surpris que cela ne soit pas aussi votre cas, monsieur Charzat, en votre for intérieur.

M. Michel Charzat. Là n’est pas la question !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous le savez, soixante-six pôles de compétitivité ont été sélectionnés – c’est d’ailleurs probablement un peu trop. Parmi eux, neuf correspondent à des « projets à vocation mondiale », et six concernent des structures qui s’impliqueront directement dans cette compétition internationale qui guide actuellement le système, qu’on le veuille ou non. Quant aux autres, ils ont davantage une vocation nationale ou régionale. Les financements publics s’élèvent à 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Le Gouvernement a précisé, au mois d’août, que 540 millions d’euros de fonds publics avaient déjà été engagés.

M. Michel Charzat. Quel rapport ?

Mme Martine Billard. Ce n’est pas le sujet de nos amendements !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous y arrivons ! Il faut savoir à quoi correspondent les pôles de compétitivité avant de les critiquer ou de les paralyser par certaines mesures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour 40 % d’entre elles, les entreprises considérées sont des PME. Je rappelle que l’objectif des pôles de compétitivité est de favoriser les synergies entre des acteurs d’horizons divers : des entreprises, des établissements d’enseignement supérieur, des établissements de recherche.

M. Jacques Desallangre. Nous le savons ! Ce n’est pas ce dont nous parlons !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il est exigé, par exemple, que les projets de recherche des pôles associent plusieurs entreprises et au moins un laboratoire, public ou privé, un établissement d’enseignement supérieur ou un organisme de transfert de technologie. Cette synergie rend obligatoire des échanges de personnel, avec le risque juridique de contrevenir aux dispositions qui répriment le marchandage et le prêt illégal de main-d’œuvre compte tenu du caractère extensif et parfois incertain de la jurisprudence dans ce domaine.

Pour écarter ces risques et garantir le respect des droits des salariés, l’article 22 propose un cadre législatif spécifique pour la mise à disposition – je préfère cette expression à celle de prêt de main-d’œuvre que je trouve trop méprisante – de salariés à l’intérieur des pôles de compétitivité. Il s’agit d’apporter de la sécurité juridique, et tous ceux qui ont lancé des pôles admettent que c’est une nécessité. La commission a donc adopté cet article, mais je rappelle que le dispositif est proposé à titre expérimental, qu’il sera évalué en 2009 au plus tard et qu’il est limité aux pôles de compétitivité.

Je souligne enfin que de nombreuses précautions ont été prises pour garantir les droits des salariés et que la commission, à l’initiative du groupe socialiste, vous proposera de préciser certains points, notamment pour ce qui concerne les conditions de réintégration du salarié dans son entité d’origine à la fin de sa mise à disposition.

Voilà pourquoi la commission a repoussé les trois amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous touchons à un sujet complexe et important. Avec les pôles de compétitivité, on cherche à mettre des compétences en réseau. Nous avons eu un débat similaire, il y a peu, sur l’intéressement de projet. Il n’est contesté par personne que le cadre juridique régissant l’existence des personnes morales est parfois un obstacle à des projets communs. Dans les pôles de compétitivité, à certains moments, eu égard aux ressources humaines, des entreprises devraient être contraintes de procéder à des ruptures de contrats de travail suivies de réembauches, ce qu’elles ne peuvent se permettre en l’état de la législation. Devons-nous accepter de perdre ces talents, ou devons-nous plutôt expérimenter, pour une période limitée, après concertation, dans le cadre d’une convention et dans le respect du libre choix des salariés concernés, pour parvenir à les conserver en CDI ? Voilà ce dont il est question. Ce n’est au fond pas très différent d’une autre expérimentation, les contrats de transition professionnelle, où le salarié bénéficie d’un contrat de travail formation de l’AFPA, le tout étant sous le contrôle des partenaires sociaux. L’objectif est de trouver la meilleure utilisation, la plus rapide et la mieux adaptée, du talent de chacun.

Quant à la concertation, elle a eu lieu, et je ne peux laisser évoquer ici de simples réunions bilatérales tenues « en catimini » – c’est très injurieux à l’égard de ceux qui l’ont menée. De plus, la Commission nationale de la négociation collective s’est prononcée à ce sujet le 20 octobre 2005, après quoi le dispositif a été validé au terme d’ultimes consultations.

Je ne doute pas de la bonne foi des parlementaires qui se posent des questions à ce sujet, mais je suis convaincu que le dispositif mérite d’être expérimenté.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. En prenant la parole au nom du groupe UDF, lors de la discussion générale, j’avais indiqué que certaines dispositions relatives au droit du travail me paraissaient manquer un peu de réflexion, de cette réflexion qui naît du dialogue avec les partenaires sociaux.

Vous ne pourrez pas me dire que je ne connais pas les pôles de compétitivité. Je suis du reste tout à fait d’accord avec la philosophie qui a été exposée par M. le rapporteur et M. le ministre.

Pour avoir été à l’origine, à Grenoble ou à Lyon, des structures que vous appelez aujourd’hui les pôles de compétitivité, je comprends la philosophie de cet article. Je suis par ailleurs consciente de la nécessité de la mobilité, ayant défendu ici même il y a quelques mois, lors de l’examen de la loi sur la recherche, plusieurs amendements, d’ailleurs rejetés par le Gouvernement, qui visaient à faciliter le passage des chercheurs du secteur public au secteur privé. C’est dire si je connais l’économie du savoir dans laquelle nous sommes entrés et la nécessité de maintenir au plus haut niveau les talents de notre pays.

Mais j’ai relu l’article 22 du projet de loi et l’exposé sommaire de l’amendement n° 239. M. Charzat et M. Vidalies ne comprennent pas – ils ne seront pas les seuls – qu’il s’agit d’introduire une expérimentation dans le contexte spécifique des pôles de compétitivité et des synergies entre la recherche et l’entreprise. Ce ne sont pas les milliers de salariés d’Arkema, à Lyon, qui sont visés par ce texte mais, au sein du pôle de compétitivité, ceux du programme spécifique « nouveaux moteurs » ou « nouveaux matériaux ».

Je l’affirme honnêtement et sans idéologie : mon groupe est satisfait des amendements de suppression proposés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il les votera, ainsi que les amendements en discussion, qui relèvent de la même démarche. En matière de droit du travail, il faut bien réfléchir, surtout dans les secteurs qui relèvent d’une certaine modernité.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même fait remarquer que les pôles de compétitivité, qui pourraient être une innovation excellente – nous le vérifierons à terme –, auraient dû être limités à huit ou neuf, au lieu d’être portés au nombre de soixante-six. De fait, lorsqu’on atteint une telle quantité, on s’adresse à des dizaines de milliers de salariés. Or l’expérimentation, qui est intéressante quand on en maîtrise le champ, devient très dangereuse quand elle est aussi élargie que le prévoit le texte.

Deuxièmement, le projet de loi n’évoque absolument pas les pôles de compétitivité ; il conserve une portée générale. On ne peut donc pas tenter d’expérimentation dans ces conditions.

Mme Martine Billard. Si ! L’article vise expressément les pôles de compétitivité.

M. Jean Le Garrec. De toute façon, le nom figurerait-il dans le texte, que le nombre de pôles de compétitivité laisserait encore au dispositif une portée trop générale.

Troisièmement, vous prétendez que la négociation a eu lieu. Mais vous savez qu’elle s’est achevée très récemment et que les organisations syndicales, que nous avons consultées, ne sont pas très favorables à cet article. On constate de leur part beaucoup d’hésitations, qui tiennent, comme l’ont démontré Mme Billard et M. Charzat, à la manière dont le texte est écrit. Il dispose ainsi que l’employeur qui entend mettre un salarié à la disposition d’une entreprise doit lui adresser une lettre recommandée. Une telle procédure exclut toute discussion préalable.

On peut admettre le principe d’une synergie de compétences, mais pour quelques personnes et dans des domaines particulièrement pointus. Or je rappelle que votre texte a une portée générale. Il y est question des « salariés ». De qui s’agit-il ? La possibilité d’une synergie de compétences doit être soigneusement débattue avec les organisations syndicales et les entreprises. Ensuite, il faudra rechercher un support juridique adapté, que vous n’avez pas trouvé.

La procédure que vous prévoyez consiste à informer le salarié par lettre recommandée en lui laissant une quinzaine de jours pour répondre, faute de quoi il sera réputé refuser la proposition. Autant dire qu’il s’agit d’une mesure totalement coercitive, et non pas, ce qui pourrait paraître légitime, d’un acte volontaire. Mme Billard l’a fait remarquer : on peut très bien imaginer que l’on fasse jouer, dans un pôle de compétences, des synergies limitées. Mais l’exercice s’avère extrêmement complexe. Il faut en discuter avec les entreprises et définir les compétences concernées et les transferts à opérer.

Pour ma part, j’ai le sentiment que, même si telle n’était pas votre intention, vous nous proposez un texte rédigé à la va-vite, sans réflexion suffisante ni garantie juridique, au risque de devoir recommencer le travail, avec tous les risques que cela comporte. La sagesse serait que le Gouvernement renonce à ces dispositions imprécises et mal écrites. Qu’il accepte de les remettre sur la table et d’en rediscuter avec les organisations syndicales ! Dans les pôles de compétitivité qui se mettent actuellement en place, qu’il interroge les entreprises mères et les petites entreprises sur leur conception du transfert et de la synergie de compétences ! Il pourra alors nous proposer un texte un tant soit peu construit, au lieu de cette rédaction hâtive qui remet fondamentalement en cause le droit du travail sur la question du statut et de la protection des salariés, et va finalement à l’encontre même de ce qu’il recherche. Quelle occasion manquée ! De grâce, monsieur le ministre, reprenez votre copie, retravaillez-la et nous en rediscuterons calmement.

M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.

M. Xavier de Roux. Monsieur Le Garrec, je pense que vous n’avez pas pris le soin de lire cet article, car s’il en est un qui n’est pas avare de précisions, quitte, même, à aller un peu trop loin parfois, c’est bien celui-ci ! Ses rédacteurs semblent avoir bien perçu toutes les difficultés du droit du travail et ils ont tenté d’y remédier pour éviter que le salarié ne puisse être mis à disposition contre son gré.

La lettre recommandée dont vous avez parlé vient simplement à titre de preuve, puisque la mise à disposition est d’abord un contrat, une convention entre l’employeur et l’employé. Faute de réponse, c’est-à-dire si celui-ci ne manifeste pas sa volonté, il sera réputé avoir refusé cette proposition.

M. Jacques Desallangre. C’est ce qu’a dit M. Le Garrec !

M. Jean Le Garrec. Exactement !

M. Jacques Desallangre. M. de Roux n’écoute pas !

M. Xavier de Roux. Les conditions de mise à disposition sont donc très claires.

Deuxièmement, pour la création d’équipes multidisciplinaires, notre droit du travail pose une véritable difficulté. Le très ancien délit de marchandage, qui a été interprété par les cours et les tribunaux depuis fort longtemps et dont le champ d’application s’est trouvé parfois singulièrement élargi, crée en effet une insécurité juridique considérable, dès lors qu’on fait travailler des équipes ensemble. D’ailleurs, si ce délit n’avait pas existé, l’article 22 eût été inutile.

C’est un constat : il fallait contourner la difficulté, sans rien modifier par ailleurs au droit du travail. Du reste, quelle levée de boucliers n’eût-on pas observé sur les bancs de l’opposition si quelqu’un avait touché au délit de marchandage tel qu’il existe !

Le texte précise clairement les conditions de mise à disposition et la part de responsabilité du salarié, dont la volonté doit être exprimée. Je ne vois rien de scandaleux à cela. Certes, à mon sens, l’article 22 entre un peu trop dans les détails. Mais peut-on le lui reprocher, quand on connaît la précision qu’exige le droit du travail ? Quoi qu’il en soit, je juge ces dispositions nécessaires et pertinentes.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Nous intervenons peu dans ce débat, mais le sujet est d’importance. Il y a quelques jours, j’ai visité le pôle de compétitivité en création à Boulogne-sur-Mer et j’ai perçu comme un message d’espoir les propos du ministre Dominique Bussereau.

Le raisonnement de nos collègues de l’opposition tiendrait si nous connaissions une croissance économique qui permette de conserver en l’état les conditions du droit du travail.

M. Jacques Desallangre. Tiens ? Voilà enfin un peu de franchise !

M. Léonce Deprez. Mais nous mesurons ici tout l’intérêt d’une expérimentation. Dans cet hémicycle, Pierre Méhaignerie a été le premier à lancer l’idée d’expérimentation, méthode qu’il jugeait utile pour évaluer la capacité d’évolution de notre pays et mesurer l’intérêt qu’il y aurait à adapter le cadre législatif. C’est bien ce dont il s’agit.

À Boulogne-sur-Mer comme ailleurs, on s’est rendu compte de la nécessité de créer, pour les pôles de compétitivité, un cadre pluridisciplinaire. Le mot de « mise à disposition » convient pour rassembler les compétences dans le réseau évoqué par le ministre.

Cette ville connaît un taux de chômage révoltant. Pour y remédier, il faut des mesures nouvelles, adaptées à notre nouveau siècle. Nous sommes dans cet hémicycle pour faire évoluer le droit en fonction des besoins et des impératifs de l’économie et de la compétition internationale. Cela vaut aussi pour le droit du travail, et ce dans l’intérêt même des salariés, qui seront, sans cette évolution, condamnés au chômage.

C’est ce qui fait l’utilité de notre débat. Nous avons tous la même volonté : servir la cause des travailleurs en leur assurant un emploi dans un contexte de croissance économique. Or, dans ce domaine, les performances réalisées par la France en 2006 sont insuffisantes, comparées à celles des vingt-quatre autres pays de l’Union européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Croyez-vous que les délocalisations favorisent la croissance ?

M. Léonce Deprez. Il faut donc prendre des mesures législatives pour assouplir notre droit du travail. (« Nous y voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous devons en effet mettre en œuvre des évolutions qui favoriseront la croissance économique et permettront à ceux qui sont aujourd’hui soumis au chômage d’accéder à l’emploi.

Mme Martine Billard. L’article 22 n’a rien à voir avec le chômage puisque ceux qu’il concerne sont déjà en poste !

M. le président. Je considère qu’après ce long débat, très légitime, l’Assemblée est suffisamment informée.

Je mets donc aux voix par un seul vote les amendements de suppression nos 75, 239 et 268.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 209.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. L’article 22 est fort intéressant, mais la rédaction de son premier alinéa pose un problème d’insécurité juridique. En effet, elle peut laisser entendre que les entreprises de travail temporaire et les entreprises de travail à temps partagé ne peuvent faire de mise à disposition de personnel au sein des pôles de compétitivité, alors que c’est leur rôle premier. Afin de lever cette ambiguïté rédactionnelle, le présent amendement vise à supprimer, dans l’alinéa 1er de l’article 22, les mots : «, à l’exception des entreprises de travail temporaire et des entreprises de travail à temps partagé, ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Les employeurs contournent actuellement la loi en ayant recours à des pratiques abusives et notre collègue propose de les y autoriser. Aujourd’hui, l’intérim ne peut servir à pourvoir des postes permanents dans l’entreprise : il n’est autorisé qu’en cas d’accroissement temporaire de l’activité et de remplacement d’un employé absent. La mission a un terme précis et elle est renouvelable une fois pour une durée totale limitée à dix-huit mois. Dans les faits, les employeurs se sont affranchis de ce cadre juridique et utilisent en permanence un volet d’intérimaires pour augmenter la productivité et la flexibilité. M. Deprez justifie ces pratiques en nous expliquant qu’il faut améliorer la compétitivité et résister à la concurrence des entreprises étrangères. Pourtant, toutes les délocalisations qui ont lieu actuellement n’ont pas contribué à l’augmentation de la croissance qu’il appelle de ses vœux.

La fraude, que je dénonce, expose à des procès, qui se sont multipliés ces dernières années. Le travail à temps partagé supprime ce risque juridique : il n’y a plus ni motifs de recours, ni limitation dans le temps des missions, ni primes de précarité, ni délit de marchandage. L’objectif est d’éviter d’embaucher et de faire des économies, puisque ces salariés ne bénéficient pas des avantages de leurs collègues de l’entreprise utilisatrice et sont souvent couverts par une convention collective moins favorable. Telles sont les raisons qui me conduisent à voter contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Sur le fond, cet amendement a une certaine cohérence, car une entreprise participant au pôle de compétitivité peut avoir besoin d’embaucher une personne supplémentaire – je dis bien : supplémentaire – en intérim. Mais, sur la forme, l’article 22 est très mal rédigé et il risque de poser de gros problèmes. Or je crains qu’en supprimant la mention des entreprises de travail temporaire et de travail à temps partagé à l’alinéa 1 alors que l’alinéa 2 fait référence aux articles L. 125-1 et 125-3, on n’aggrave l’incohérence du texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 209.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 240.

La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.

M. Michel Charzat. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 1 de l’article 22 par les mots : «, dans le cadre de projets partagés. » En effet, nous ne souhaitons pas que la mise à disposition ou le prêt de main-d’œuvre devienne un mode courant de gestion du personnel. Au reste, M. Larcher avait lui-même précisé, lors de son audition devant la commission, que l’article 22 visait à sécuriser la mise à disposition de cadres des grandes entreprises au profit des petites entreprises dans le cadre de projets partagés. Il ajoutait que le pôle de compétitivité est un excellent outil contre le risque de délocalisation, car il met en réseau grandes et petites entreprises sur des projets d’avenir.

Par ailleurs, lors de l’audition de représentants de la CGC, il avait été dit que ce dispositif ne devait concerner au départ que les chercheurs. Or, tel qu’il est défini à l’article 22, il peut conduire, sous couvert d’expérimentation, à tout type d’arrangement et concerner tous les salariés, quelle que soit leur fonction dans l’entreprise.

Aussi souhaiterais-je que le Gouvernement nous dise quelle est sa véritable intention lorsqu’il préconise une expérimentation jusqu’en 2010 : celle-ci doit-elle se dérouler au sein des pôles de compétitivité avant d’être évaluée et éventuellement pérennisée ou pourrait-elle être étendue au-delà des pôles de compétitivité ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. M. Charzat nous fait un procès d’intention. J’ai déjà dit que la disposition était limitée aux pôles de compétitivité.

M. Michel Charzat. Ce n’est pas la question que j’ai posée !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Par ailleurs, la notion de projet partagé n’existe pas en droit du travail. Ce prétendu amendement de précision risque surtout de créer des situations litigieuses.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je souhaiterais indiquer à Mme Billard que, à l’heure actuelle, la rédaction de l’article ne nous paraît pas soulever de difficultés. Toutefois, je la remercie de nous avoir alertés. Nous allons demander aux meilleurs experts du ministère de vérifier ce point. Quoi qu’il en soit, nous ferons en sorte que la volonté du Parlement soit respectée.

Monsieur Charzat – et je réponds également à M. Le Garrec –, cette mesure n’a pas et n’aura pas de portée générale, ni même territoriale : elle ne concerne pas les entreprises d’un territoire donné. Il s’agit bien de permettre la mise en synergie des compétences dans le cadre d’un pôle de compétitivité. Le concept est donc extrêmement précis, contrairement à celui de projet partagé.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous trouviez une formulation satisfaisante, car on risque d’avoir des prêts de main-d’œuvre qui n’auront rien à voir avec le pôle de compétitivité. Il ne faut pas autoriser n’importe quoi, sinon les contentieux seront nombreux. Si l’on veut que le dispositif fonctionne et soit efficace sans nuire aux salariés, il faut que le texte soit plus précis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 241.

La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.

M. Michel Charzat. Il s’agit de compléter l’alinéa 1 de l’article 22 par les mots : «, dans des conditions de durée maximale fixée par décret. »

Nous considérons qu’une durée maximale doit être fixée pour la mise à disposition, afin d’éviter que la situation particulière dans laquelle se trouve le salarié ne s’éternise, au détriment du salarié lui-même, qui ne sera plus tout à fait considéré comme un salarié à part entière dans son entreprise d’origine, sans être complètement intégré dans l’entreprise d’accueil. La limitation dans le temps de la mise à disposition permettra notamment au salarié de réintégrer son entreprise d’origine dans les conditions les moins difficiles possible. Sinon, sa réintégration peut devenir problématique. Que se passera-t-il, par exemple, si, entre-temps, l’entreprise d’origine a changé de statut juridique ? C’est un point sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 210.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. L’article 22 vise à faciliter les échanges de personnels entre les différentes entreprises participant au pôle de compétitivité sans que celles-ci soient exposées au risque d’un prêt de main-d’œuvre illicite ou d’un délit de marchandage lorsque la mise à disposition est réalisée dans un but lucratif. Considérant que les mises à disposition visées par le présent article ont pour finalité de favoriser un transfert du savoir-faire d’une entreprise vers une autre, il est logique de réserver cette faculté aux seuls salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée. Je vous propose donc d’insérer, dans l’alinéa 3 de l’article 22, après le mot : « salariés », les mots : « titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La précision est utile et la commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. J’ajoute que cet amendement traduit bien l’esprit du texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 133 rectifié de la commission.

Il s’agit d’un amendement de précision.

Le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 242.

La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.

M. Michel Charzat. Nous proposons par souci de transparence qu’un exemplaire de la convention de prêt soit joint à l’avenant du contrat de travail du salarié. Celui-ci doit en effet pouvoir prendre la décision d’accepter ou de refuser la mise à disposition proposée par son employeur en toute connaissance de cause, notamment en étant destinataire d’un exemplaire de la convention de mise à disposition, qui lui permettra d’être informé des conditions précises de celle-ci.

Il convient de souligner que la convention de mise à disposition conclue entre deux entreprises ou établissements n’est pas transmise au service public de l’emploi et qu’aucune déclaration n’est faite auprès des services de sécurité sociale et de l’UNEDIC. En revanche, les entreprises de travail temporaire ou à temps partagé ont l’obligation de signer un contrat de mise à disposition. Les entreprises de travail temporaire sont tenues, au-delà de la déclaration d’activité transmise à l’autorité administrative compétente, de communiquer à l’UNEDIC et à la direction départementale du travail le relevé des contrats de travail conclus, tandis que les entreprises de travail à temps partagé, créées par la loi Dutreil du 2 août 2005, sont tenues de pouvoir justifier à tout moment d’une garantie financière assurant au moins le paiement des salaires et des cotisations sociales. Soucieux de préciser et d’encadrer le dispositif, nous vous demandons d’adopter cet amendement, qui nous paraît aller de soi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, considérant qu’il valait mieux s’en tenir au texte du projet, lequel prévoit un avenant au contrat de travail pour chaque mise à disposition et une information sur la durée et les conditions d’exercice de l’activité du salarié mis à disposition, information qui devra notamment reprendre les éléments de la convention. Le dispositif est donc suffisamment encadré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 224 de M. Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 134 rectifié de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 243.

La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.

M. Michel Charzat. Nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 16 de l’article 22 : « Le comité d’entreprise ou les délégués du personnel de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil sont informés de la mise à disposition d’un salarié. »

Nous souhaitons également que le salarié mis à disposition ne soit plus exclu du décompte des effectifs de l’entreprise d’accueil. Il n’est pas tolérable qu’un salarié dont la mise à disposition peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, ne soit pas pris en compte dans l’effectif des salariés de l’entreprise qui l’emploie, alors qu’il sera soumis aux mêmes conditions d’exécution du travail, aux mêmes conditions de durée et d’organisation horaire, de repos, de congés payés, ainsi que d’hygiène et de sécurité.

Par ailleurs, nous proposons que les institutions représentatives du personnel de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil du salarié, telles que le comité d’entreprise et les délégués du personnel, soient informées de la mise à disposition. Il me semble que cette précision va de soi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement, car elle considère qu’il est satisfait s’agissant de l’entreprise d’accueil. En effet, l’article L. 432-4-1 du code du travail prévoit une obligation d’information du comité d’entreprise, trimestrielle ou semestrielle selon la taille de l’entreprise, sur la situation de l’emploi, incluant « le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure ». Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Charzat, maintenez-vous votre amendement ?

M. Michel Charzat. Je le maintiens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 135 de la commission, amendement de cohérence rédactionnelle auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 244.

La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.

M. Michel Charzat. Cet amendement précise les conditions de réintégration dans son entreprise d’origine du salarié mis à disposition. À la fin de sa mise à disposition, ou si sa mise à disposition intervient avant le terme initialement fixé, le salarié doit retrouver son emploi, ou un emploi « similaire », selon l’article 22 du projet de loi. Nous proposons de substituer à l’expression « un emploi similaire » les mots « un emploi au moins équivalent », ce qui, vous en conviendrez, est juridiquement plus précis.

La notion d’emploi équivalent existe déjà en droit du travail, notamment en matière d’obligation de reclassement en cas de licenciement économique, et la jurisprudence l’a déjà largement précisée. La notion d’emploi similaire est, elle, beaucoup plus vague et encore peu cernée par la jurisprudence. Je vous propose par conséquent d’adopter l’amendement n° 244 qui, par une rédaction plus appropriée, assure une plus grande sécurité professionnelle au salarié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jacques Desallangre. Pas si vite ! Pourquoi êtes-vous défavorables à cet amendement ?

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Parce que ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous aimerions tout de même avoir une explication. Que se passera-t-il si l’on propose au salarié de retour dans son entreprise un emploi qu’il considère non équivalent à celui qu’il avait au moment de son départ ? S’il refuse ce poste, sera-t-il considéré comme démissionnaire, ou entrera-t-il dans le cadre du licenciement ? En l’espèce, chaque mot a son importance. Certes, on peut espérer que de telles situations ne surviendront pas, mais on ne peut l’exclure complètement. Il faut donc être le plus précis possible si l’on veut éviter de futurs contentieux et si l’on veut permettre au salarié, au moment de décider s’il doit accepter son détachement dans une autre entreprise, de prendre sa décision en ayant pleinement conscience des conséquences possibles de son choix.

M. Jacques Desallangre. Il faut protéger le salarié !

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. On ne peut rejeter cet amendement comme vous le faites ! Je m’étonne que vous traitiez si rapidement – je pourrais employer d’autres mots si je ne craignais de vous blesser – un problème aussi compliqué que celui de la mise à disposition, impliquant la notion de transfert de compétences et soulevant donc indirectement des questions relatives à la concurrence et à la compétitivité. Il s’agit, sur le plan du principe, et dans la mesure où cela reste limité, d’un dispositif utile. Encore faut-il traiter la question de façon satisfaisante. Pourquoi n’employez-vous pas le terme « équivalent », habituellement retenu par le code du travail ? Vous ne courez aucun risque à le faire, si ce n’est de créer une garantie plus précise au profit du salarié. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas repousser cet amendement d’un revers de main !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous repoussons cet amendement, mais pas d’un revers de main, comme vous le dites. La rapidité avec laquelle nous traitons de la question posée est toute relative, car cela fait un an et demi que nous travaillons sur ce texte, qui a été présenté à la Commission nationale de la convention collective il y a plus d’un an.

On peut toujours discuter des mots et de leur signification, mais ne perdez pas de vue que nous débattons d’un problème nouveau, qui ne peut par conséquent être réglé avec des mots anciens. Il y a une réelle différence entre le mot « similaire » et le mot « équivalent », le premier étant beaucoup plus proche, par le sens, de la notion d’activité, que le second, teinté d’une connotation plutôt économique ou statutaire. Le mot « similaire », plus restrictif, m’apparaît donc plus approprié. Je suis prêt à en débattre avec vous hors séance…

M. Jean Le Garrec. Au moins, vous nous répondez !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …mais ma formation de juriste m’amène à considérer que ce mot est préférable dans la mesure où il offre une meilleure garantie en termes de similarité de la fonction, par exemple celle d’ingénieur en électronique ou de spécialiste du réchauffement des matériaux pour les freins à disque. Nous pouvons avoir des appréciations différentes sur la question, mais croyez-moi, nous l’avons étudiée de façon approfondie, et c’est à dessein que nous avons retenu le mot « similaire ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Pour ma part, je me réfère au dictionnaire qui, pour l’adjectif « similaire », propose les synonymes « analogue » et « semblable ». Le Petit Larousse vous donne raison, monsieur le ministre !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et quelle définition donne-t-il du mot « équivalent » ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Comme l’indique son étymologie, le mot « équivalent » comporte une notion de valeur qui lui confère une signification économique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements quasi identiques, nos 137 de la commission et 245 de M. Charzat.

La parole est à M. Michel Charzat.

M. Michel Charzat. Nous sommes heureux que cet amendement, adopté par la commission, nous permette de contribuer à l’amélioration du texte. Il précise que tout salarié mis à disposition doit, lorsqu’il réintègre son entreprise d’origine, retrouver la totalité des droits attachés à son contrat de travail, notamment toute son ancienneté, y compris le temps passé à disposition d’une autre entreprise, qui doit être considéré comme une durée de travail effective.

J’en profite pour demander au Gouvernement de préciser son interprétation de l’article 22 dans l’hypothèse où la situation juridique de l’entreprise se trouverait modifiée par l’effet d’une vente, d’une fusion, d’une transformation du fonds ou d’une mise en société. L’article L. 122-12 du code du travail pose le principe, en son deuxième alinéa, que « les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. » Considérez-vous comme nous, monsieur le ministre, que cette disposition s’applique pleinement au salarié qui arrive au terme de sa mise à disposition, en cas de modification de la situation juridique de l’entreprise d’origine ?

M. le président. Monsieur Charzat, maintenez-vous l’amendement n° 245, la précision : contrat de travail « initial » prêtant à ambiguïté ?

M. Michel Charzat. Je me rallie à l’amendement n° 137, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 245 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 137.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a adopté cet amendement qui vise, comme vient de l’expliquer M. Charzat, à sécuriser les salariés. À titre personnel, je me demande si la solution retenue n’est pas trop systématique. Quand on observe les détachements et mises à disposition dans la fonction publique, on se rend compte que les solutions retenues lors de la réintégration en matière d’ancienneté, par exemple pour les prises de grade, varient en fonction des situations. Peut-être devrions-nous garder la même souplesse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dans le silence des textes, l’ancienneté est automatiquement conservée. La seule question que l’on peut encore se poser est celle-ci : faut-il figer ce principe dans le texte ou dans la convention ? L’expérience de la fonction publique montre que, dans un certain nombre de cas, le problème est traité différemment. Il nous paraîtrait préférable que le texte de la loi laisse la convention entre les parties s’appliquer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 136 deuxième rectification de la commission et 246 de M. Charzat.

La parole est à M. Michel Charzat.

M. Michel Charzat. Un salarié mis à disposition peut avoir besoin, lorsqu’il réintègre son entreprise d’origine, d’une formation d’adaptation lorsque les conditions d’exercice de son travail ont évolué entre-temps. Notre amendement vise à ce que ce salarié bénéficie d’un accès prioritaire à la formation, compte tenu de sa situation particulière.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a fait sien l’amendement présenté par M. Charzat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 136 deuxième rectification et 246.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. À l’unanimité.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 138 de la commission.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement de précision ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175, 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :

Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3340, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Éventuellement, discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2972, relatif à la fonction publique territoriale :

Rapport, n° 3342, de M. Michel Piron, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)