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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 11 octobre 2006

10e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de transmettre en notre nom à tous aux familles des victimes de l’accident de train qui a eu lieu ce matin en Moselle, l’expression de la très profonde et très vive sympathie de notre assemblée.

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Airbus

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre aux victimes de cet accident.

M. le président. Je me suis adressé aux familles au nom de l’Assemblée nationale, monsieur Gremetz. Veuillez donc poser votre question.

M. Maxime Gremetz. Il y a un an, tous les yeux étaient levés vers le ciel pour admirer l’un des fleurons de l’aviation civile, fruit d’une coopération européenne, l’Airbus A380. Celui-ci est, hélas, aujourd’hui cloué au sol. La raison en est simple : la rémunération des actionnaires a primé sur ce grand projet industriel. (Échanges de propos sur plusieurs bancs.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir écouter M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Cela ne les intéresse pas, monsieur le président, mais cela ne m’empêchera pas de poursuivre !

Je veux pour preuve de ce choix financier la déclaration de Louis Gallois confirmant le plan de rationalisation des usines Airbus, qui doit économiser 2 milliards. Les intérêts des actionnaires, au premier rang desquels ceux des groupes Daimler-Benz et Lagardère, sont passés avant l’emploi, avant le développement technologique et industriel. Quel monstrueux gâchis !

Je remarque que ma question n’intéresse toujours pas mes collègues de gauche comme de droite, qui continuent de bavarder, mais cela ne me gêne pas, car je m’exprime, moi, au nom des gens.

M. le président. Moi je vous écoute, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je vous en remercie, monsieur le président, mais je ne demande qu’un peu de politesse de la part de mes collègues.

M. le président. Veuillez poursuivre, je vous prie.

M. Maxime Gremetz. Le président d’Airbus change, mais pour que rien ne change ! Ainsi, pendant que certains se construisent des parachutes dorés, des hommes et des femmes œuvrant à la construction de l’A380 risquent leur emploi comme à Méaulte, dans la Somme, site d’Airbus « dans la ligne de mire », comme le titre Les Échos ce matin. Ce site, qui emploie 1 200 salariés, génère 3 000 emplois indirects et dispose d’un carnet de commandes bien rempli, a bénéficié de fonds publics de la région en contrepartie d’un engagement écrit du directeur de maintenir et développer l’emploi en Picardie.

M. le président. Je vous demande de poser votre question, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je n’ai pas dépassé le temps qui m’est imparti, monsieur le président. Ce n’est pas parce que mes collègues font du bruit qu’il faut s’en prendre à moi !

Le Gouvernement et l’État actionnaire vont-ils continuer longtemps les petits arrangements entre amis financiers ? Vont-ils se contenter, comme hier, d’être spectateurs et de commenter la situation alors qu’il faut redonner une perspective industrielle à Airbus et à EADS, un groupe qui a, en 2005, réalisé 34 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 1 milliard de profits ? Que va faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est inutile de le rappeler, monsieur Gremetz, nous ne partageons pas, vous et moi, les mêmes idées. Cependant, je sais que vous êtes un patriote. Aussi, je ne peux laisser passer certains de vos propos.

Non, monsieur Gremetz, l’A380 n'est pas « cloué au sol », car il vole. Vous n’allez pas vous y mettre, vous aussi, déjà que les propos de M. Streiff ont été déformés : non, je tiens à le dire très solennellement, Airbus n’a pas dix ans de retard par rapport à Boeing. De même, je m’inscris en faux contre ceux qui pensent qu’Airbus n’a plus d’avenir. Airbus est la meilleure entreprise aéronautique européenne et le leader mondial sur le créneau de l’A380, avion le plus moderne au monde.

Certes, il a pris du retard, monsieur Gremetz, comme cela peut arriver avec des programmes d’une telle ampleur. Certes, un plan doit aujourd’hui être mis en œuvre, avec une ligne managériale. C’est ce que les actionnaires d’EADS ont décidé de faire avec, à leurs côtés, l’État français qui a joué tout son rôle.

La France, vous le savez, monsieur Gremetz, souhaitait depuis longtemps une ligne managériale unique entre EADS et Airbus. C’est désormais chose faite. Nous avons maintenant un coprésident d’EADS qui est également président d’Airbus. Le plan qui a été proposé et accepté permettra à l’entreprise de maintenir – et non pas de rattraper – sa position de leader mondial.

Alors de grâce, monsieur Gremetz, ne joignez pas votre voix à celle des Cassandre ! Les problèmes sont aujourd’hui derrière nous et ceux qui restent seront réglés.

M. Maxime Gremetz. Vraiment ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. M. Gallois a pris l’engagement de rencontrer, y compris à Méaulte, les élus, les salariés et les clients.

Alors, oui, j’ai vraiment confiance dans l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. En réduisant de 2 milliards les moyens ?

M. le président. Monsieur Gremetz, vous qui n’aimez pas être interrompu, n’interrompez donc pas les autres !

unitaid

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Henriette Martinez. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, la France, le Brésil, le Chili, la Norvège et le Royaume-Uni ont décidé de créer au profit des pays en développement une facilité internationale d’achat de médicaments, dénommée Unitaid, au financement pérenne et garanti.

Le Président de la République, Jacques Chirac, a participé à son lancement officiel le 19 septembre dernier à New York, en marge de la session d’ouverture de l’assemblée générale des Nations Unies.

La recherche de financements innovants pour le développement a déjà conduit dix-neuf pays à engager des procédures pour l’instauration d’une taxe de solidarité sur les billets d’avion ou d’un mécanisme proche. De nombreuses organisations internationales soutiennent cette action que la France s’honore d’avoir lancée en instaurant la taxe sur les transports aériens qui est effective depuis le 1er juillet. Un tel mécanisme de financement devrait constituer une réponse aux besoins des pays en développement – en augmentant l’offre de médicaments et en baissant leur prix, tout en veillant au maintien de leur qualité – dans la lutte contre les grandes pandémies : sida, paludisme, tuberculose.

Monsieur le ministre, le premier conseil d’administration d’Unitaid a eu lieu les 9 et 10 octobre à Genève et vous en avez été élu président. Pouvez-vous nous apporter des informations sur son fonctionnement et sur l’influence qui sera la vôtre dans la définition des actions menées ? Répondront-elles, en particulier, aux besoins des populations les plus vulnérables, les femmes et les jeunes, pour les protéger des grandes maladies afin de réduire de façon durable ce que vous appelez avec justesse la fracture sanitaire entre le Nord et le Sud ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, que ce soit au dernier G8 ou à l’assemblée générale des Nations Unies voilà quinze jours à New York, l’actualité internationale s’intéresse de plus en plus au fossé qui existe entre les pays du Sud et ceux du Nord, et cela pour deux raisons essentielles.

La première est d’ordre sanitaire, mais également éthique et moral. Je le rappelle, 90 % des nouvelles maladies infectieuses sévissent en Afrique et un enfant y meurt toutes les trente secondes du paludisme, simplement parce que les antipaludéens de synthèse de deuxième génération sont trop chers pour les populations africaines.

La seconde raison n’est pas d’ordre sanitaire, mais politique, et cela à un double titre. Nous ne sommes d’abord qu’aux prémices des phénomènes d’immigration entre l’Afrique et l’Europe et ce que nous voyons aux Canaries aujourd’hui n’est que le début d’une énorme vague. Il convient ensuite de prendre en compte le ressentiment envers l’Occident, la colère, l’humiliation, l’injustice pouvant aboutir à des actes de terrorisme qui déstabiliseront les démocraties occidentales.

C’est avec ce constat à l’esprit que le président Chirac et le président Lula ont, avec le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, proposé à l’automne 2004 des financements innovants. Unitaid, qui n’est qu’une première expérimentation, disposera d’un budget assis, vous l’avez rappelé, madame, sur la contribution de solidarité sur les billets d’avion, et aura pour objectif de demander à l’industrie pharmaceutique de diminuer le coût des médicaments, en particulier génériques, afin qu’à partir d’une même enveloppe financière, il soit possible de soigner plus de personnes et donc plus d’enfants en Afrique.

Aujourd’hui, quarante-deux pays participent à la démarche Unitaid. Il faut qu’elle soit partagée par tous les pays du monde pour venir à bout de la plus grande injustice du XXIe siècle. C’est une démarche nouvelle, une démarche citoyenne mondiale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

liberté d’expression
dans l'éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.

M. Yves Durand. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Avec vous, monsieur le ministre, l’éducation nationale va-t-elle devenir la Grande Muette ?

M. Lucien Degauchy. On n’entend qu’elle !

M. Yves Durand. Voilà quelques semaines un chercheur reconnu comme l’un des spécialistes les plus compétents en sciences de l’éducation, M. Roland Goigoux, a été, sur votre injonction, purement et simplement interdit de cours. Sous quel prétexte ? Parce qu’il avait écrit un livre, par ailleurs jugé excellent par tous les spécialistes, dans lequel il émettait quelques critiques sur vos recommandations en matière de lecture. Je note d’ailleurs qu’au cours d’un colloque au Collège de France, s’étaient également manifestées sur le même sujet des réserves. Cependant, les protestations unanimes contre cette mesure n’y ont rien changé puisque, il y a quelques jours, un inspecteur du département du Nord a été convoqué chez le recteur de l’académie de Lille pour être rappelé à l’ordre, pour le même motif. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Au-delà de ces deux cas personnels, il s’agit là d’une atteinte intolérable à la liberté de la recherche et d’une marque supplémentaire de mépris envers le travail des enseignants, qui ont devant eux des classes de plus en plus surchargées du fait de la suppression massive de postes dans l’éducation nationale depuis 2002. (« Démago ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Alors que vous annoncez une nouvelle vague de plus de 8 000 suppressions de postes pour la rentrée prochaine, il est courant de dénombrer dès cette année plus de trente élèves dans des classes de cours préparatoire. C’est bien là le véritable obstacle à une bonne maîtrise de l’apprentissage de la lecture. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Non content de retirer aux enseignants les moyens de faire leur métier, vous mettez en cause leur travail et leurs compétences. Est-ce pour masquer, monsieur le ministre, votre échec en matière éducative que vous attaquez ainsi les enseignants ? (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, votre seule ambition est-elle de mettre au pas les enseignants et les chercheurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – « Scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, j’aurais pu attendre de vous davantage de mesure et de sérénité pour parler de la belle mission que remplit l’éducation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

J’aurais pu attendre de votre part beaucoup plus d’inquiétude face aux 20 % de jeunes qui arrivent en sixième sans savoir lire. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est cela notre préoccupation commune, à l’éducation nationale et à la représentation nationale.

J’aurais pu attendre de votre part aussi quelque inquiétude au vu des résultats des tests des journées d’appel de la défense, qui révèlent que 15 % des jeunes entre seize et dix-huit ans, presque des adultes donc, sont en grande difficulté s’agissant de la lecture.

M. Christian Bataille et M. Patrick Lemasle. Répondez à la question !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est cela, monsieur le député, que vous auriez dû dénoncer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je sais que les enseignants ont une tâche extrêmement difficile, qui mérite mieux que des polémiques, qui mérite du respect, beaucoup de respect. (« Répondez à la question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Et c’est précisément par respect envers cette tâche que je leur ai donné des programmes plus simples, plus efficaces, et fondés scientifiquement.

M. Patrick Lemasle. Vous ne répondez pas à la question !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ces programmes, monsieur Durand, seront appliqués.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La mission des cadres, notamment des inspecteurs, est d’accompagner les enseignants, de leur permettre de bien assimiler ces programmes, de les épauler.

Alors que penser quand on lit dans une revue qu’un inspecteur est carrément contre les textes officiels ? (« C’est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Que vont penser les parents, qui confient leurs jeunes à l’éducation nationale pour que celle-ci non seulement les instruise mais également prépare leur insertion professionnelle ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ce sont ces sujets que vous auriez dû aborder, monsieur Durand.

M. Patrick Lemasle et M. Patrick Roy. Vous ne répondez pas.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Oui, un recteur fait actuellement une enquête administrative, dont j’aurai à connaître dans quelques jours, et cela est bien normal. C’est la beauté de la fonction publique, monsieur Durand, que d’avoir à la fois des droits et des devoirs. Les droits, ce sont les avantages de la fonction publique. Les devoirs, c’est notamment le respect des textes officiels. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est cela la beauté et la noblesse de la fonction publique. En ne parlant que de ses droits sans parler de ses devoirs, monsieur Durand, vous affaiblissez la fonction publique. (Applaudissements et huées sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

affaire Tapie

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la Cour de cassation a rendu lundi un arrêt opposant indirectement l’État, via le CDR, à Bernard Tapie, via les personnes chargées de sa liquidation personnelle.

Le groupe UDF, qui s’était battu pour convaincre le Gouvernement, un peu hésitant, d’aller en cassation, se félicite de l’annulation, par la plus haute autorité de l’ordre judiciaire, malgré l’avis contraire de l’avocat général, de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, le 30 septembre 2005, arrêt, qui, il est vrai, avait fait l’objet de critiques sévères de la part des meilleurs spécialistes en droit des affaires.

L’arrêt de la Cour de cassation honore la justice de notre pays et montre, une nouvelle fois, la nécessité de l’indépendance de la magistrature, face aux pressions de toutes origines.

Cet arrêt est également une bonne nouvelle pour les contribuables français puisqu’il évite d’alourdir de 145 millions d’euros supplémentaires la déjà trop lourde facture de l’affaire du Crédit lyonnais, estimée à près de 15 milliards d’euros.

Cependant, la liquidation personnelle des époux Tapie étant pratiquement devenue définitive, il convient de tirer toutes les conséquences de cet arrêt pour faire régler à ces derniers leurs plus de 200 millions d’euros de dettes, dont les deux tiers sont des dettes fiscales et sociales, en leur faisant céder les actifs qui leur restent et notamment l’hôtel particulier situé au 52 rue des Saints-Pères, estimé à 15 millions d’euros, toujours occupé gratuitement, depuis près de douze ans, par la famille Tapie, alors que ce bien fait partie de leur faillite personnelle.

Ma question est toute simple : monsieur le ministre, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour faire procéder à la vente des actifs de la famille Tapie, afin de régler ses dettes fiscales et sociales et de rétablir enfin l’égalité de tous devant l’impôt ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur de Courson, tout le monde connaît, dans cet hémicycle, le combat que vous menez sur cette affaire.

M. Jacques Desallangre. Ah !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Puisque vous estimez nécessaire d’y revenir, une fois de plus, allons-y. Certains, du reste, estiment que ce combat est un combat personnel.

M. Jean-Louis Idiart. Oh !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je ne veux pas les rejoindre sur ce terrain car je sais, monsieur de Courson, que vous êtes, en tant qu’administrateur au sein de l’EPFR, garant de l’ensemble des intérêts et notamment de l’intérêt de tous les Français.

M. Charles de Courson. Absolument.

M. Maxime Gremetz. Oh ! quel hommage !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais je voudrais vous poser une question. Nous sommes encore dans une procédure judiciaire. Il y a eu un pourvoi en cassation, lequel a donné raison au CDR. L’affaire est donc renvoyée en cour d’appel. Cela fait douze ans que cette procédure est engagée.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à la question !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Cela fait douze ans, mesdames et messieurs les députés, que la discussion se poursuit, et manifestement, elle n’est pas soldée puisqu’elle est renvoyée en cour d’appel. Cela fait douze ans que l’on paie des honoraires d’avocats, à coups de millions d’euros, que dis-je, de dizaines de millions d’euros. Bien sûr, la procédure va se poursuivre mais vient un moment où je pense qu’il est de l’intérêt général que chacun se pose la question, en son âme et conscience : ne vaudrait-il pas mieux une conciliation dans l’intérêt des parties…

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …plutôt que de poursuivre ce que d’aucuns considèrent comme une vendetta personnelle ? J’invite donc chacun à conserver sa sérénité et à faire preuve d’esprit de responsabilité, dans l’intérêt des Français. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

modernisation du dialogue social

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le Président de la République a fait le choix d’annoncer hier, devant les membres du Conseil économique et social, une réforme essentielle pour notre pays, la modernisation du dialogue social. Les partenaires sociaux, la classe politique tout entière et nos compatriotes attendent un véritable changement de cap en matière de dialogue social qui, trop souvent, nous le savons, a atteint ses limites, dans le blocage et le conflit.

Les réactions ont été unanimement favorables car la commande est claire : construire un nouvel équilibre entre l’État, les syndicats et le patronat, rendre obligatoire ce qui aujourd’hui n’est qu’une préconisation, je parle de la règle de la concertation préalable avec les partenaires sociaux, établir un diagnostic partagé sur la question sociale en France pour moderniser enfin notre code du travail et permettre à celui-ci de devenir un véritable levier de la réussite sociale et de l’efficacité économique.

Monsieur le ministre, deux questions : comment construit-on un nouvel équilibre de ce type et comment comptez-vous associer notre assemblée à ce grand projet pour la France ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la députée, il n’est pas banal que ce soit le Président de la République qui, de manière solennelle, présente les grands principes d’un projet de loi que le Gouvernement soumettra au Parlement. Cette procédure particulière a une grande signification. Il s’agit en réalité d’une expression du garant des institutions pour moderniser au fond la démocratie sociale de notre pays, laquelle a toute sa place à côté de la démocratie représentative. C’est un enjeu crucial puisqu’il s’agit de bien définir, à côté de la démocratie politique et parlementaire, un champ contractuel, un champ d’initiative, un champ apaisé de construction de nouvelles normes.

Ce texte, qui a été élaboré en concertation, pas à pas, avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales, a donc été présenté hier par le Chef de l’État.

Il prévoit, pour l’essentiel, un, de bien définir ce qui relève de la norme et du contrat des partenaires et ce qui relève de la loi, pour ne pas dessaisir le Parlement de ses prérogatives, deux, d’obliger que tout texte relevant du domaine du droit du travail fasse l’objet d’une concertation, tout en établissant des règles du jeu claires pour cette concertation, avec des délais extrêmement précis, de façon que la démocratie sociale aille aussi au rythme de l’action publique, enfin, des calendriers et des rendez-vous obligatoires qui permettent, aux uns et aux autres, de définir leurs objectifs et leurs méthodes.

C’est un texte majeur, sans doute le plus important pour faire vivre notre pacte social depuis l’instauration du paritarisme, il y a près de soixante ans. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

budget de l'éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Robert Diat, pour le groupe UMP.

M. Robert Diat. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez choisi d’inscrire cette année votre budget, le premier budget de l’État, sous le signe de la bonne gestion.

M. Patrick Roy. En fermant des classes !

M. Christian Paul. En supprimant des postes !

M. Robert Diat. Cela signifie que vous vous préoccupez de la façon dont est utilisé l’argent des contribuables et je tenais, au nom de mon groupe, à saluer cet effort de rationalisation d’un budget de 59 milliards d’euros.

M. Christian Paul. En fermant des écoles !

M. Robert Diat. Votre objectif, vous l’avez dit, est de réussir à concilier l’exigence de la qualité et la maîtrise des dépenses de l’État. Ainsi, avez-vous d’une part, engagé une politique volontariste au service d’un enseignement de qualité, d’autre part, décidé d’optimiser la gestion des ressources humaines de votre ministère.

Des parents d’élèves et leurs fédérations, dont les élections se déroulent cette semaine, sont par ailleurs inquiets, nous le savons, en ce qui concerne l’encadrement de leurs enfants. Monsieur le ministre, pouvez-vous les rassurer ? Pouvez-vous leur dire de quelle façon vous allez concilier la gestion rigoureuse des finances publiques avec la qualité de l’enseignement et l’encadrement des jeunes ?

M. Jacques Desallangre. Cela ne va pas être facile !

M. Robert Diat. Pouvez-vous nous dire quelles sont les innovations prévues pour améliorer l’efficacité du système éducatif, et notamment quelles sont vos intentions en ce qui concerne les décharges des enseignants ? Combien de postes celles-ci représentent-elles aujourd’hui ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, selon un rapport de l’OCDE, que nous avons tous à notre disposition, la France est le pays du monde qui consacre le plus d’argent à l’enseignement secondaire. Par ailleurs, plusieurs rapports parlementaires – et en tenir compte, c’est une façon de respecter le Parlement – montrent, comme, d’ailleurs, ceux des inspections générales, de l’inspection des finances et de la Cour des comptes, qu’il existe, au sein de l’éducation nationale, d’importants gisements d’emplois.

Les décharges sont régies par un décret de 1950. Dans la plupart des cas, elles sont parfaitement justifiés, mais il convient, le temps étant passé, de vérifier et de préciser les choses. Je pense notamment aux décharges de première chaire accordées aux professeurs préparant au baccalauréat. En 1950, le baccalauréat se passait en deux parties : la première et la seconde. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Dans la mesure où il n’en est plus ainsi depuis longtemps, les décharges accordées au titre de la préparation de la première partie doivent être revues. Une telle mesure pourrait représenter 2 800 emplois alors que, selon les rapports, il y a un gisement de 28 000 équivalents temps plein dans ces décharges. Et je pourrais citer bien d’autres exemples.

Dans les jours prochains, je vais engager une concertation avec les partenaires sociaux, qui fera suite à celle à laquelle nous avons procédé dès que nous avons eu lesdits rapports, et je suis sûr que nous aboutirons à un bon texte sur la base du projet de décret qui est en cours d’élaboration.

M. Alain Néri. Et vous, vous pouvez passer l’oral de rattrapage !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ainsi, 2 800 équivalents temps plein supplémentaires pourront être effectués devant les élèves.

D’autres formes d’optimisation des moyens sont également envisageables, s’agissant notamment de la gestion des examens. Je compte suivre la suggestion qui m’a été faite de réduire de 20 000 à 5 000 le nombre des sujets utilisés pour les épreuves du CAP et du brevet des collèges, ce qui permettra d’économiser plusieurs dizaines de milliers d’euros sans nuire au élèves et sans surcharger les professeurs.

Autre exemple d’une meilleure gestion, nous avons mis fin au printemps dernier à une grève administrative qui avait été déclenchée il y a six ou sept ans par les directeurs d’école. Comment y sommes-nous parvenus ? Grâce à un bon protocole d’accord : ce sont désormais les élèves des IUFM qui assureront les journée de décharge, pour le plus grand avantage des élèves enseignants, qui auront ainsi un apprentissage pratique, et des directeurs d’école, qui auront une journée de décharge. Nous optimisons ainsi le système sans un sou de dépense supplémentaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

financement de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, vous avez présenté ce matin en conseil des ministres un budget bien attristant pour la sécurité sociale.

C’est un budget sans ambition. Pour la cinquième année consécutive, vous prévoyez en effet un déficit, et il dépassera les 10 milliards d’euros. Pourquoi en sommes-nous là ? Pour trois raisons : la fameuse réforme Fillon des retraites prend aujourd’hui l’eau – le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse est là pour en témoigner – ; la réforme de l’assurance maladie de M. Douste-Blazy ne décolle pas ; enfin, l’État est le mauvais créancier de la sécurité sociale et, contrairement aux affirmations de M. Copé, il ne répond pas aux attentes de la sécurité sociale, puisqu’il se défausse sur elle.

Fin 2007, nous devrons donc trouver 24 milliards d’euros pour financer la sécurité sociale. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est un journal du matin dont la couleur de ses pages Économie, que vous pouvez voir, vous indiquera la tendance politique.

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

M. Jean-Marie Le Guen. Mes chers collègues, 24 milliards d’euros, pour un parti qui se targue d’abolir l’impôt sur les successions, quel beau début ! (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En laissant à la France une dette sociale de 93 milliards d’euros (« Et vous, qu’avez-vous fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous inventez un nouvel impôt : l’impôt sur la naissance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’y a pas de question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, puisque ce soir le président de l’Assemblée nationale vous invite à la projection du film Une vérité qui dérange, je voudrais à mon tour vous faire part de certaines vérités qui vous dérangent !

Tout d’abord, la sécurité sociale va mieux,…

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et la branche maladie mieux encore.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est certainement pas grâce à vous. C’est grâce à cette majorité qui a eu le courage de mener des réformes indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est vrai, monsieur Le Guen, que la sécurité sociale n’est pas encore complètement guérie. Toutefois, alors que la branche maladie aurait dû accuser un déficit de 16 milliards d’euros à la fin de l’année 2005 si nous n’avions pas mené nos réformes, ce déficit sera ramené à moins de 4 milliards d’euros à la fin de l’année prochaine.

Mme Martine David. Mensonge !

M. le ministre de la santé et des solidarités. En moins de trois ans, le déficit aura donc été divisé par quatre, grâce aux efforts des Français qui ont fait le choix du médecin traitant et des génériques. Il est vrai aussi que nous avons renforcé l’organisation et la bonne gestion du système en renforçant la lutte contre les fraudes et les abus. C’est ça la vérité, monsieur Le Guen !

L’autre vérité qui vous dérange, c’est que vous n’avez rien fait pour réformer l’assurance maladie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Non, vous n’avez strictement rien fait ! Vous n’avez apporté aucune idée dans nos débats et vous n’avez fait preuve d’aucune imagination. (« Et la dette ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous parlez de déficits, mais en vous contentant de citer quelques chiffres que vous avez lus dans un journal du matin. Sachez que la vérité n’est pas nécessairement dans ce journal de couleur rose !

M. Maxime Gremetz. Mais c’est Le Figaro !

M. le ministre de la santé et des solidarités. La vérité, c’est que le fonds de solidarité vieillesse serait en excédent si vous n’aviez pas détourné ses fonds pour financer les 35 heures ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La vérité qui vous dérange, c’est que les Français ne vous font pas confiance pour leur santé ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

retraites des agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe UMP.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, les mesures relatives aux retraites agricoles ne sont pas sans conséquences puisqu’elles concernent près de 2 millions de nos compatriotes. C’est aussi un problème fondamental de justice à l’égard d’hommes et de femmes qui ont accompagné depuis des dizaines d’années les mutations de notre agriculture sans ménager leur peine.

Depuis 1974, diverses mesures ont permis d’améliorer la situation des chefs d’exploitation retraités, mais ont laissé de côté certaines catégories : les femmes d’agriculteur, les anciens aides familiaux et les pluripensionnés. En 2004, un groupe de travail a donc été constitué auprès de votre prédécesseur, Hervé Gaymard, pour étudier les mesures qui pourraient être prises en faveur de ces catégories et nous avons voté, l’an dernier, une mesure applicable cette année aux femmes d’exploitant ayant cessé leur activité pour élever leurs enfants.

À votre demande, et à celle du président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, nous avons été chargés, Yves Censi, Marc Le Fur et moi-même, de présenter un rapport sur les suites à donner aux propositions de ce groupe de travail.

M. Maxime Gremetz. La question !

M. Daniel Garrigue. Nous avons proposé des mesures relatives aux seuils à partir desquels sont revalorisées les années d’activité agricole ainsi qu’au problème des minorations. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ces propositions ont été accueillies favorablement par le Premier ministre, et le Président de la République a annoncé la semaine dernière que 160 millions d’euros y seraient consacrés en 2007. Pouvez-vous, monsieur le ministre, détailler les mesures qui s’appliqueront aux retraités agricoles ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Les parlementaires reçoivent souvent des retraités agricoles dans leur permanence et ils connaissent le faible niveau de leurs pensions, qui fait parfois frémir. Depuis dix ans, tous les gouvernements, y compris ceux que l’opposition a soutenus, ont donc revalorisé les montants versés dans un souci de justice sociale – il faut le dire ici !

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Depuis 2002, la majorité a poursuivi et amplifié cet effort, en particulier grâce à la loi d’orientation agricole. Puis le Président de la République a repris certaines des propositions que vous avez formulées avec Yves Censi et Marc Le Fur.

Les améliorations précises dont profiteront les retraités agricoles interviendront dès le 1er janvier 2007. La durée minimale d’activité agricole qui permettra l’accès aux revalorisations passera de trente-deux ans et demi à vingt-deux ans et demi, ce qui ouvrira l’accès aux revalorisations à 150 000 retraités supplémentaires. La décote sera constante à 5,5 % par année de carrière manquante et se substituera à la décote actuelle de 15 %. Tous les retraités agricoles dont la durée d’activité est comprise entre trente-sept ans et demi et vingt-sept ans et demi sont concernés, soit 300 000 personnes. En vigueur au 1er janvier, ce dispositif coûtera 162 millions d’euros déjà inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En 2008, le taux de décote sera baissé à nouveau et passera de 5,5 % à 4 %, pour un coût supplémentaire de 43 millions d’euros, d’où une nouvelle revalorisation en 2008 pour 300 000 anciens exploitants, conjoints et aides familiaux, pour une somme de 205 millions d’euros. Ce sont des mesures très concrètes, mais j’adresserai naturellement un courrier à chacun d’entre vous pour vous en donner le détail afin que vous puissiez informer les retraités agricoles de votre circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

patrimoine monumental

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour le groupe UMP.

M. Dominique Richard. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, à l’avant-veille de votre déplacement à Angers pour le congrès de la Demeure historique, permettez-moi de rappeler que la France dispose d’un patrimoine monumental exceptionnel, riche de 40 000 édifices classés ou inscrits. C’est un atout considérable en matière d’attractivité touristique, d’aménagement du territoire, d’activités économiques et de transmission de savoir-faire ancestraux, tout comme l’occasion donnée, notamment aux plus jeunes d’entre nous, de découvrir et de comprendre l’histoire de notre pays. Le succès des Journées du patrimoine témoigne de l’attachement de nos concitoyens à leurs racines.

Pourtant, cette richesse est également une lourde charge pour les propriétaires, que ce soit l’État, les collectivités locales ou les particuliers. Le Premier ministre a annoncé, le 14 septembre dernier, un plan ambitieux qui permettra non seulement de poursuivre les chantiers en cours, mais surtout de créer une nouvelle recette pérenne. Parallèlement, notre commission des affaires culturelles a lancé une mission qui a commencé ses travaux sous la présidence éclairée de Christian Kert.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser comment le plan gouvernemental sera mis en œuvre au service de la diversité des situations ? Êtes-vous ouvert à de nouvelles formes d’intervention pour étendre le mécénat aux PME et aux particuliers non propriétaires, et pour qu’il puisse également profiter aux monuments historiques privés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député Dominique Richard, je partage votre conviction : le patrimoine, les monuments historiques, pour notre pays ce n’est pas une nostalgie, ce n’est pas un fardeau ; c’est une chance et une fierté ! En France, nous avons 40 000 monuments et 4 000 chantiers sont en cours. Grâce à mes éminents collègues de Bercy et à l’arbitrage du Premier ministre, nous avons obtenu 140 millions d’euros de crédits supplémentaires pour la relance de certains chantiers.

M. Patrick Bloche. C’est du rattrapage !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’était urgent et attendu. Il s’agit d’emplois dans des métiers d’art – tailleurs de pierre, charpentiers, verriers – qui contribuent à la fierté de notre pays.

Vous avez raison d’insister sur les besoins des propriétés de l’État et des collectivités territoriales. Et vous avez raison aussi d’évoquer les propriétaires particuliers, nombreux à bénéficier de déductions fiscales, mais parfois incapables de financer les travaux. L’État doit s’engager et proposer de nouvelles initiatives.

Nous travaillons à une application éventuelle du système du mécénat aux propriétaires privés et cherchons le moyen de faire de l’utilisation de tous les monuments historiques une source de revenus.

J’indique aux parlementaires de la majorité présidentielle, qui avaient voté les crédits d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel, que notre décision d’ouvrir tous les monuments historiques à la télévision, au cinéma ou au spectacle vivants a permis une augmentation de 35 % des relocalisations d’activité.

Bref, nous devons nous mobiliser. Faire plus, tel est l’esprit des décisions du Premier ministre et de la majorité présidentielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

financement
de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Comme celle de M. Le Guen, ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Il faut bien reconnaître, monsieur le ministre, que vous avez fait des progrès, du moins dans la flamboyance de la communication, en égalant pratiquement le talent de M. Copé, le ministre du budget, pour travestir les réalités.

Vous y parvenez si bien que, ce matin, lors de la réunion commune de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, vous vous êtes bien gardé de répondre aux inquiétudes exprimées par le président de la commission des finances, M. Méhaignerie, à l’égard de l’évolution des comptes sociaux de la nation.

M. Charles Cova. Posez votre question !

M. Gérard Bapt. Faut-il vous rappeler vos engagements de 2004 ? Dans ce même hémicycle, vous nous aviez promis, à l’occasion de la réforme de l’assurance maladie, le retour à l’équilibre pour 2007 et la mise en place du dossier médical personnel, qui devait permettre d’économiser 3,5 milliards d’euros.

En vérité, ces engagements et cette communication flamboyante ne visent qu’à masquer votre échec (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire). Oui, vous avez échoué à revenir à l’équilibre pour 2007. Vous avez échoué à mettre en place les instruments de la maîtrise médicalisée, en vous limitant simplement à diminuer le nombre d’arrêts de travail. Vous avez échoué encore, de manière tout aussi évidente, à organiser la permanence des soins dont, ce matin, la Commission nationale de l’assurance maladie constatait l’inefficacité flagrante. Cependant, vous réduisez les moyens des urgences hospitalières !

La Fédération hospitalière s’alarme de ce qu’il lui manquera, en 2007, 900 millions d’euros pour couvrir les dépenses obligatoires, qu’il faudra, une fois de plus, reporter sur les exercices suivants, alors même que règne la plus grande incertitude sur la pérennité des maisons médicales de garde.

Quel est le bilan de votre mandature, au-delà des 45 millions de dettes supplémentaires que vous léguez à nos enfants et à nos petits-enfants ? Avez-vous réduit les déserts médicaux qui sont en train de s’installer et qui aggravent l’inégalité d’accès aux soins entre les assurés ?

Je vous saurais gré, monsieur le ministre, d’une réponse précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, j’ai essayé d’être attentif, mais je n’ai pas bien compris quelle était votre question. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il est vrai que, bien souvent, faute d’arguments convaincants, on renonce à en poser une.

Vous parlez d’échec, mais la principale raison du vôtre, en 2002, est le manque de courage et le trop-plein de démagogie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Nous sommes en 2006 !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Visiblement, vous n’avez pas retenu la leçon, alors que les attentes des Français vis-à-vis de la politique ont profondément changé.

Mme Martine David. Bien sûr, vous savez tout !

M. François Hollande. Parlez-nous de la cantonale dans l’Aisne !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Voulez-vous parler d’engagement ? Avec Philippe Douste-Blazy, nous nous étions engagés sur le déficit de l’assurance maladie fin 2005. Nous avions promis qu’il serait de 8,3 milliards d’euros, et nous l’avons réduit en fait à 8 milliards.

Je m’étais engagé à ce qu’il soit, cette année, de 6,3 milliards d’euros. Il est de 6 milliards. Chaque fois, nous sommes allés plus loin que nos engagements.

M. Jérôme Lambert. Mais, chaque fois, c’est un nouveau déficit !

M. François Hollande. Six milliards d’euros ? Quel succès !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous nous sommes également engagés sur le médecin traitant, qui a été plébiscité par et pour les Français.

Quant aux génériques, nous nous étions engagés à ce que, grâce aux pharmaciens, aux médecins et aux efforts des assurés sociaux, ils représentent plus de deux tiers des médicaments. Certains, dont vous-mêmes, nous ont accusés d’irréalisme, mais l’objectif est atteint.

Quand nous nous engageons aujourd’hui pour la fin de l’année prochaine, les Français savent bien que nous tiendrons également parole.

M. Maxime Gremetz. Allez-vous dire un mot de la faillite des hôpitaux ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous avez parlé du dossier médical personnel. Les expérimentations ont commencé. Plus de 30 000 personnes pourront l’essayer en grandeur nature avant la fin de l’année.

Laissez-moi vous dire une chose, monsieur Bapt : en matière d’engagement, c’est vrai qu’il y a une différence entre vous et nous. Nous, nous tenons les nôtres ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

réglementation des jeux

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe UMP.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, je m’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances, mais ma question intéresse aussi le ministre de l’agriculture.

Nous avons tous lu récemment dans la presse que la Commission de Bruxelles souhaite remettre en cause le système du PMU et de la Française des jeux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il semble en effet que certaines plaintes se soient élevées, de la part de sociétés installées très loin de notre pays, à Malte, et dont les capitaux sont sans doute d’origine douteuse.

Le commissaire chargé de la concurrence souhaite faire prévaloir les prestations de services. Or le système du PMU permet de financer toute la filière « cheval », qui représente 60 000 emplois directs et autant d’emplois indirects. De surcroît, il permet d’organiser des jeux en toute honnêteté sans que des malfrats s’en mêlent.

La position de la Commission est d’autant plus étonnante que l’article 36 du traité de Rome réserve à la législation étatique l’ordre et la sécurité publics, dont relève jusqu’à présent l’organisation des jeux.

En conséquence, on ne peut être que choqué par l’attitude de la Commission, qui veut imposer son dogme du tout-marché et faire prévaloir un modèle théorique de l’économie au mépris du service public, voire de la politique industrielle.

Ma question est simple : quelle est la position du Gouvernement ? Quelles mesures allez-vous prendre pour arrêter cette dérive de la Commission ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, les jeux d’argent ne sont pas une activité économique comme les autres. Chacun doit l’avoir à l’esprit. La particularité de la France est que cette activité y est, non pas prohibée, ce qui n’aurait aucun sens, mais encadrée et réglementée.

Ce modèle me paraît devoir être étudié de près, car il offre beaucoup d’avantages.

D’abord, il permet de lutter contre l’addiction au jeu. En réglementant les activités des casinos, du PMU – que vous connaissez bien – et de la Française des jeux, l’État encadre et contrôle ce domaine.

Deuxièmement, ce modèle permet à l’État de s’assurer de la transparence des financements. De ce point de vue, le fait que toutes ces activités soient localisées en France et parfaitement connues me paraît essentiel.

Le rôle du pouvoir public est de servir l’intérêt général, et l’activité de la Commission consiste à vérifier que, dans ce domaine, les moyens mis en œuvre correspondent et sont proportionnés aux deux objectifs que j’ai signalés.

C’est la raison pour laquelle vous me voyez déterminé à répondre à toutes les questions de la Commission, comme d’ailleurs les sept autres États qui ont adopté un modèle comparable, et à veiller au contrôle des activités de jeux en ligne lorsqu’elles sont délocalisées et que nous n’avons pas connaissance des moyens de financement qu’elles utilisent. L’ensemble forme une politique cohérente et équilibrée. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Politique de réussite éducative

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe UMP.

M. Philippe Pemezec. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, la politique de la ville, que le Gouvernement a profondément rénovée et relancée depuis 2002, est une politique globale qui s’attaque à l’ensemble des maux dont souffrent nos quartiers en difficulté.

Un des principaux problèmes est celui de l’échec scolaire. Dans les zones urbaines sensibles, le retard scolaire des enfants dès le CE2 est supérieur de plus de dix points à la moyenne nationale et il perdure dans les mêmes proportions jusqu’à la troisième, ce qui compromet gravement l’avenir de ces enfants. Face à cette situation, l’école s’est mobilisée et elle a mis en place de nombreux dispositifs. Elle va faire un pas de plus, je l’espère, en abandonnant définitivement la méthode globale. Mais l’école ne peut pas tout.

C’est la raison pour laquelle le plan de cohésion sociale porté par Jean-Louis Borloo a lancé un dispositif ambitieux, spécialement adapté aux difficultés rencontrées par ces enfants et ces adolescents : le programme de réussite éducative.

C’est un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur. Nous ne pouvons plus laisser nos enfants au bord du chemin ni admettre qu’ils sortent du système scolaire sans diplôme et avancent dans la vie sans savoir parfaitement lire ou écrire.

Les équipes de réussite éducative et les internats ont été lancés lors de la rentrée scolaire 2005. Un an après leur mise en place, pourriez-vous, madame la ministre, dresser un premier bilan de cette action en faveur des enfants et des familles ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous avez raison de constater que, par rapport aux centres-villes, le retard scolaire des enfants en CE2 est supérieur de dix points dans les quartiers. C’est une constante.

Le problème était de savoir comment apporter à ce problème des réponses concrètes. C’est ce que nous avons fait, Jean-Louis Borloo et moi, dans le cadre du plan de cohésion sociale, en créant les fameuses équipes dites de réussite éducative.

D’abord, nous avons voulu assurer un soutien personnel individualisé auprès des enfants. C’est la première fois qu’un dispositif public a pour objectif de s’intéresser à l’enfant lui-même et d’apporter une réponse sur mesure, cousue main, à ses besoins, avec des crédits de fonctionnement.

Nous avons créé ensuite des internats dans les collèges et enfin des partenariats avec les grandes écoles, pour montrer aux enfants des quartiers que des études supérieures s’offrent à eux et qu’ils peuvent y réussir.

Un an après le lancement, 380 équipes de réussite éducatives fonctionnent et 80 000 enfants de nos quartiers profitent concrètement de ce dispositif. Vingt-cinq internats de réussite éducative sont maintenant labellisés, qui peuvent accueillir 800 enfants. Trente grandes écoles ont signé un partenariat. C’est dire si, aujourd’hui, le système fonctionne.

La grande réussite de nos équipes est d’avoir fait travailler ensemble les élus et les professionnels, en associant même les parents. Quand la République sait tendre la main aux enfants des quartiers, tout le monde se mobilise. On en voit les résultats concrets. C’est cela, vivre la cohésion sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

participation et actionnariat salarié

Explications de vote et vote
sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe Union pour la démocratie française.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, madame la ministre déléguée au commerce extérieur, monsieur le ministre délégué à l’emploi, chers collègues, la France a toujours cherché à s'engager dans des voies contractuelles originales, qui tournent le dos à l'opposition stérile entre entreprise et salariés. Nous nous sommes d’ailleurs tous référés, au cours de ce débat, aux réponses sociales imaginées dès le milieu du XIXe siècle, à la politique de participation voulue par le général de Gaulle ou au long travail collectif et législatif qui a marqué ces trente dernières années.

La France est donc en avance, mais beaucoup reste à faire pour réduire l'écart entre les salariés pouvant détenir des actions et ceux qui, en raison de la taille, du statut ou du secteur d'activité de leur entreprise, ne le peuvent pas, pour rendre transparente la gestion des entreprises et pour développer la concertation inhérente à toute participation.

L'UDF approuve les nouvelles dispositions visant à étendre le périmètre des bénéficiaires aux salariés des PME. Celles-ci sont en effet trop souvent les oubliées des textes législatifs, inapplicables à la réalité de leur vie. Résultat : bien que les petites entreprises soient un maillon fondamental de notre tissu économique, leurs salariés ne bénéficient pas des mêmes avantages sociaux que les autres. Il faut réduire cette fracture et reconnaître, surtout dans un monde de concurrence rude et de course effrénée au progrès technologique, le rôle irremplaçable des hommes, quelle que soit la taille des entreprises dans lesquelles ils travaillent. Le projet le fait opportunément, en proposant un dispositif simple – une négociation au niveau de la branche – et incitatif.

Bien sûr, nous nous sommes interrogés sur ce dispositif. Fallait-il le rendre obligatoire ? Sans doute non : le quotidien des PME nous oblige à reconnaître que contraindre toutes les entreprises à marcher au même pas risque de bloquer le mouvement de la participation, au lieu de l'accélérer.

Ce dispositif ne risque-t-il pas de remplacer la protection de la loi par un quelconque arbitraire ? Dès lors que toutes les précautions sont prises pour que l'intérêt des salariés soit respecté – et nous avons déposé des amendements en ce sens –, il nous semble que des règles définies dans les entreprises correspondent mieux à l'évolution actuelle des relations sociales. Leur élaboration à la base pourrait même favoriser la concertation et la participation directe de salariés, devenus de véritables partenaires, mieux informés, plus responsables de l'organisation de leur travail et plus intéressés aux résultats de celui-ci.

L'UDF approuve donc toutes ces mesures, qui ont été enrichies par les travaux parlementaires. Mais elle est consciente que la participation est un mécanisme délicat. Il peut paraître simple de concevoir un pouvoir salarial pour tempérer celui du capital ; il est plus difficile de le mettre en œuvre.

Il convient néanmoins de souligner que notre débat a évité le péché mignon national, qui consiste à figer la vie dans des mécanismes complexes et uniformes. Le mérite en revient au travail effectué par les deux commissions et leurs présidents. Il est rare que nous légiférions bien : c’est donc à l'honneur de notre démocratie parlementaire.

Mais si tel était son état d'esprit, pourquoi le Gouvernement est-il tombé dans un travers que nous sommes nombreux à condamner – Conseil Constitutionnel en tête –, celui des cavaliers législatifs, qui ont été intégrés aux titres III et IV du projet de loi ?

M. Maxime Gremetz. De grands cavaliers !

Mme Anne-Marie Comparini. Certes, les débats de la nuit dernière nous ont permis d'en supprimer quinze, mais il en reste encore quelques-uns. Fait aggravant, alors qu’ils concernent le droit du travail, ils n'ont pas été soumis aux partenaires sociaux. Attitude paradoxale de la part du Gouvernement, le jour même où le Président de la République vante les bienfaits du dialogue social !

M. François Sauvadet. Très juste !

Mme Anne-Marie Comparini. Certains diront que cette pratique est commode à quelques mois de l'élection présidentielle et des cadeaux électoraux. Mais nous l'avons mal vécue. Un parlement digne de ce nom ne peut accepter un tel comportement, a fortiori lorsque les textes n'ont pas été assez travaillés, comme on l'a vu avec le prêt de personnel et le congé de mobilité. C'est donc avec ce vif regret que l'UDF votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Madame la ministre, monsieur le ministre, à l'exigence d'augmentation du pouvoir d'achat des salaires – qui ne fait que baisser, comme l’attestent toutes les statistiques officielles –, vous répondez par la participation financière et l’actionnariat. Toutes les études montrent pourtant que cette forme dégradée, vieille et aléatoire de rémunération nuit aux salaires et crée des inégalités non seulement entre ceux qui en bénéficient déjà, mais aussi au détriment de ceux qui n'en bénéficieront jamais. Seuls 8,5 millions des 22 millions de salariés ont accès dans leur entreprise à un dispositif de participation ou d'intéressement. Quel est le sens de votre projet de loi sur l'épargne salariale et l'intéressement pour ceux qui n'en bénéficient pas et qui attendent une augmentation de leurs salaires ? Je pense notamment aux salariés à temps partiel, aux intérimaires, aux titulaires de contrats précaires mais aussi aux agents des fonctions publiques qu'on laisse au bord du chemin alors que l’État devrait montrer l’exemple.

Votre texte ne répond donc absolument pas à ce qui est, avec l'emploi, l'une des principales préoccupations du monde du travail : l'augmentation des salaires. Vous avez rejeté tous les amendements que nous avions déposés pour garantir que la participation ou l'intéressement ne se substitueraient pas à des augmentations de salaire. De la même manière, vous avez rejeté tous les garde-fous que nous avons proposés pour nous assurer que la politique salariale de l'entreprise ne se réduirait pas à la participation financière.

Rejet également de la démocratisation des accords collectifs instaurant les dispositifs d'épargne et des accords de gestion de ces plans. Vous ne changerez donc jamais ! Le Président de la République lui-même, qui a prononcé hier un grand discours en faveur de la rénovation du dialogue social, n’a pas été entendu. Vous nous opposez les mêmes arguments depuis des années. Et on nous appelle à la modernisation ! Mais qu’est-ce que cette modernité ? Les stock-options et les fonds de pension, que vous êtes allés chercher aux États-Unis. Voilà la modernité du capitalisme financier international que vous appelez de vos vœux !

Vous refusez toute perspective d'amélioration de la participation des salariés dans ces dispositifs par l’octroi de droits nouveaux. La participation ne doit pas être uniquement financière, dites-vous. Mais où sont les droits des comités d’entreprise, des salariés, des organisations syndicales et des petits actionnaires ? Vous avez même refusé d’instaurer le principe de l’accord majoritaire, qui n’est pourtant pas une révolution copernicienne, puisqu’il s’agit simplement de respecter la démocratie. Selon ce principe, en effet, un accord ne serait valable que s’il est signé par des syndicats représentant la majorité des salariés. Il n’est tout de même pas normal que trois petites organisations minoritaires imposent leur loi, comme c’est le cas aujourd’hui. C’est la démocratie à l’envers !

Le rejet de la généralisation des administrateurs salariés et de l'action de préférence spécifique pour les représentants des salariés témoigne également de votre refus d’améliorer la participation des salariés. Bien que vous affichiez une volonté d'améliorer la concertation et le dialogue social, prôné hier par le Président de la République, vous rejetez les propositions sérieuses que nous vous faisons pour les mettre en œuvre.

Pour les stock-options, monsieur Balladur, c'est le service minimum. Vous proposez une simple moralisation, alors que rien dans la situation économique et financière ne justifie le maintien de cette pratique, qui a été instaurée à un moment où il fallait aider les entreprises à investir.

M. Émile Zuccarelli. C’est un délit d’initié permanent !

M. Maxime Gremetz. C’est en effet un aspect important du problème, mais il ne faut pas oublier que les stock-options nuisent également à l’investissement.

Décidément, l’ombre du général de Gaulle n’a fait que passer au-dessus de ce texte, sans jamais le pénétrer. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Vous êtes mal placé pour parler du général de Gaulle !

M. Maxime Gremetz. Au contraire, je suis très bien placé !

M. Robert Lamy. Un peu de pudeur !

M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Vous l’avez combattu pendant des années !

M. le président. Veuillez laisser M. Gremetz conclure, s’il vous plaît.

M. Maxime Gremetz. La plupart d’entre vous n’ont même pas participé au débat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je n’accepterai plus d’être interrompu. Sinon je m’en vais. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Ce serait une bonne nouvelle !

M. Maxime Gremetz. Enfin, que dire de la troisième partie de ce projet, véritable « fourre-tout » législatif remettant en cause un peu plus encore les garanties et les protections collectives des salariés ?

De la sécurisation des parcours professionnels il n’aura en fait jamais été question. Bien au contraire : légalisation du prêt de main-d’œuvre, congé de mobilité, remise en cause des tribunaux de prud’hommes renvoyée à la loi de finances, suppression de la contribution Delalande et recul de l’âge du départ à la retraite en sont les exemples les plus frappants.

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.

M. Maxime Gremetz. Si je n’avais pas été interrompu, j’aurais terminé depuis longtemps.

Le Gouvernement et la majorité ont repoussé tous nos amendements qui tendaient pourtant à rénover le dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et à permettre une vraie participation des salariés à la vie de l’entreprise, à avancer réellement et sérieusement sur l’élaboration d’un véritable plan de sécurité d’emploi et de formation, idée que nous portons et qui progresse dans l’esprit des salariés et de notre peuple.

Que faut-il attendre de ce projet de loi ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Absolument rien en effet ! D’ailleurs, malgré les jours et les nuits que nous avons passés à débattre de ce projet de loi, celui-ci est resté entouré d’un profond silence médiatique. La signification de ce silence est sans équivoque : si personne n’en parle, c’est parce que personne n’en attend rien !

M. André Schneider. Au contraire, c’est parce que le projet est bon !

M. Maxime Gremetz. En conséquence, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce projet de loi et poursuivra son effort pour rassembler très largement nos concitoyens dans l’action, afin de faire barrage à ces mesures de régression sociale et de vous imposer d’autres choix.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP est très heureux et très fier de soutenir ce projet de loi relatif à la participation. Il s’agit en effet d’un texte très important, pour les salariés comme pour les entreprises.

Notre objectif n’était pas de révolutionner la participation, ce qui aurait comporté le risque de briser le consensus politique élaboré au fil des années sur cette question, mais de donner une nouvelle impulsion à la participation. Les grands principes reconnus par tous et auxquels étaient attachés un certain nombre de syndicats – dont vous êtes plutôt proche, monsieur Gremetz – sont réaffirmés dans ce texte. Il s’agit de la distinction entre participation et intéressement, du blocage sur cinq ans des sommes versées au titre de la participation, et de l’obligation faite aux entreprises de plus de cinquante salariés d’élaborer un dispositif de participation.

À partir de ce socle de principes reconnus aussi bien par les syndicats de salariés que par les différents courants politiques, nous avons cherché à franchir une nouvelle étape, aussi bien dans le texte du projet de loi que par un certain nombre d’amendements discutés en séance. Ces avancées, qui n’ont effectivement pas fait l’objet d’un grand tapage médiatique, sont des avancées concrètes, efficaces, qui profiteront aux salariés et aux entreprises. Il s’agit du dividende du travail, cher à Patrick Ollier et qui constitue un message politique très fort.

M. Maxime Gremetz. Et la force de travail, chère à Marx ?

M. François Cornut-Gentille. Je veux citer également le livret d’épargne salariale, que nous avons défendu avec Jacques Godfrain à la suite des propositions de notre collègue Balligand. Ce dispositif devrait créer une demande contribuant à la diffusion de la participation dans les entreprises.

Le projet de loi instaure la possibilité d’un « intéressement de projet » ; il encourage la dynamique des accords de branche, un choix adapté à la négociation dans les petites et moyennes entreprises ; il instaure la représentation des salariés actionnaires dans les conseils d’administration des entreprises cotées dès lors que ceux-ci possèdent plus de 3 % du capital de l’entreprise ; il a été mis en place, par voie d’amendement, un meilleur encadrement moral des stock-options…

M. Jean-Pierre Brard. Morale et stock-options, c’est incompatible !

M. François Cornut-Gentille. …constituant une véritable avancée, dont on peut remercier l’ancien Premier ministre Édouard Balladur.

Sur un plan plus technique mais non moins important, je veux encore évoquer la révision de la formule de calcul pour la réserve spéciale de participation ; enfin, le projet de loi met en place un dispositif spécifique pour la reprise d’entreprise, très important pour les salariés comme pour les entreprises.

Contrairement à la caricature faite par M. Gremetz il y a un instant,…

M. Maxime Gremetz. Attention ! Ne m’insultez pas !

M. François Cornut-Gentille. …ce texte a fait l’objet d’une longue préparation et de multiples concertations. C’est sans doute l’une des premières fois où, par décision du Premier ministre, un pré-projet a été présenté au Conseil supérieur de la participation, à partir duquel nous avons beaucoup travaillé.

Je voudrais remercier les ministres, tant du pôle social – M. Borloo et M. Larcher – que du pôle économique et financier – M. Breton et Mme Lagarde – pour les longues discussions qui ont eu lieu entre leurs ministères afin de trouver le juste point d’équilibre sur les différents aspects de ce texte, dans le respect du consensus que j’évoquais tout à l’heure.

M. Jean-Pierre Brard. Tous de braves soldats chiraquiens !

M. François Cornut-Gentille. Notre projet de loi est donc le fruit d’un très long travail. Il convient d’en remercier également Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ainsi que Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui s’est attaché à rechercher les équilibres que je viens d’évoquer. Sur tous les textes de loi, il se trouve toujours des députés – quelle que soit leur appartenance politique – qui cherchent à faire des « coups » pour s’assurer une certaine publicité, en affirmant des choses excessives et en tout état de cause assez éloignées de la réalité. Je reconnais que le débat sur la participation n’a pas été très médiatique, mais s’il ne l’a pas été, c’est tout simplement parce qu’il a été très sérieux.

M. Maxime Gremetz. Ah ! C’est la faute de la presse ! Du moment que c’est sérieux, ça ne l’intéresse pas !

M. François Cornut-Gentille. À quelques manchettes dans les journaux, nous préférons ce sérieux qui nous a permis de maintenir le consensus politique et syndical et d’aboutir à ce texte que le groupe UMP est heureux de voter aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin public sur l’ensemble du projet de loi dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Michel Charzat, pour le groupe socialiste.

M. Michel Charzat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi le Gouvernement voulait relancer la participation avec ce projet de loi ! Mal lui en a pris, car le débat a tourné court, quand il ne s’est pas retourné contre lui. Chacun aura pu constater le grand écart entre les propos tenus, qui évoquent pompeusement un projet d’émancipation sociale, et ce texte de portée restreinte, dépourvu d’ambition véritable.

Pourtant, il faudra bien instaurer un nouveau mode de gouvernance de l’entreprise et généraliser la démocratie salariale, bref, assurer un contrepouvoir aux salariés dans l’entreprise face au capitalisme financier. Or, ce n’est pas ce qui est proposé. Certes, nous enregistrons quelques mesures qui vont dans le bon sens, mais globalement, ce texte manque de souffle. Il reste concentré sur les grandes entreprises cotées et comporte même des dispositions qui sapent certains acquis sociaux tels que la diminution du temps de travail et la retraite par répartition. Ce texte entretient également la confusion entre le salaire direct et le salaire indirect, au moment même où le pouvoir d’achat constitue la principale préoccupation des salariés. Pour notre part, nous refusons que la participation serve de cache-misère à la stagnation du pouvoir d’achat.

Mes chers collègues, il est permis de s’interroger sur les raisons du dépôt d’un tel projet à quelques mois des échéances électorales. S’agit-il du remords des orphelins d’un gaullisme définitivement bafoué par la conversion de l’UMP aux dogmes libéraux et à un américanisme de moins en moins honteux ? S’agit-il des arrière-pensées d’un Premier ministre soucieux d’affirmer sa différence sociale avec son ministre d’État ? Ou tout simplement de l’opportunisme électoral d’un gouvernement désireux de multiplier les effets d’annonce, voir de répondre aux ultimes desiderata de certains groupes d’intérêt ? Car – et c’est là que le bât blesse – ce texte est un fourre-tout : d’où ces dispositions hétéroclites concernant l’ouverture de la Bourse aux clubs sportifs professionnels, dispositions qui gomment la spécificité du système sportif français, d’où ce chèque-transport qui ne s’adressera qu’à une minorité de salariés, puisqu’il sera facultatif ; d’où, également, cet amendement dit Balladur concernant les stock-options, qui ne remet nullement en cause un système qui a dérapé de façon scandaleuse.

Mes chers collègues, face à un tel dévoiement du travail législatif, les présidents des commissions saisies ont proposé et obtenu – fait sans précédent – la suppression de quinze des quarante-huit articles de ce texte, soit pour des raisons de forme, soit pour des raisons d’opportunité politique. Restent, sous l’intitulé scandaleusement fallacieux de « Sécurisation des parcours professionnels », deux mesures destinées à contourner le droit du travail, mesures qui aggravent le démantèlement systématique des acquis sociaux entrepris depuis 2002.

L’article 22 légalise à titre expérimental, avant de le généraliser, le marchandage de main-d’œuvre à but lucratif. L’article 23 instaure un nouveau motif de licenciement dit « d’un commun accord », qui privera le salarié de certaines garanties élémentaires via la mise en place d’un congé de mobilité qui se substitue au congé de reclassement. Il faudra pourtant bien instaurer une réelle sécurisation des parcours professionnels, mettre en place une couverture professionnelle universelle construite avec les partenaires sociaux, qui assurera les trois éléments majeurs du travail : l’emploi, une garantie des ressources et la formation professionnelle. Mais cela, seule une nouvelle majorité pourra le faire.

Si d’autres mesures scandaleuses de régression sociale et de précarisation ont pour l’heure été écartées – mais pour combien de temps ? – comme l’instauration d’un nouveau mode de décompte des effectifs de salariés dans les entreprises, la possibilité de cumuler temps partiel et missions d’intérim, ou de la forfaitisation de l’activité prud’homale, ce texte n’en illustre pas moins l’abaissement du Parlement, soumis à une hyperinflation de textes et à la multiplication de cavaliers législatifs complètement étrangers au sujet traité. Il a été élaboré, pour la partie qui s’attaque au contrat de travail, sans consultation des partenaires sociaux et en contradiction totale avec les engagements pris hier encore par le président de la République. Enfin et surtout, ce texte propose trop souvent le contraire des beaux principes mis en exergue. Le groupe socialiste votera contre ce texte hétéroclite, régressif au pire, poussif au mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

fonction publique territoriale

Discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la fonction publique territoriale (nos 2972, 3342).

La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale s'inscrit parfaitement dans la dynamique que le gouvernement de Dominique de Villepin a souhaité donner à notre fonction publique.

Brice Hortefeux vous en fera une présentation détaillée dans quelques instants. Je veux seulement insister sur quelques points : la méthode de concertation avec les partenaires sociaux, qui a conduit à rendre possible ce texte, l'importance qu'il accorde à la formation des agents, et l'impulsion qu'il donne en faveur de la mobilité dans le déroulement des carrières.

S'agissant de la méthode, la dynamique du dialogue social s'est mise en place depuis la signature des accords avec la CFDT, la CFTC et l'UNSA, le 25 janvier dernier. Je rappelle d’ailleurs que c'était la première fois, depuis huit ans, que des syndicats acceptaient de signer des accords sur le pouvoir d’achat avec un gouvernement. Ils comportent deux volets, l'un sur la promotion professionnelle et l'amélioration des carrières des agents publics, l'autre sur l'amélioration de l'action sociale. Ce projet de loi est en pleine cohérence avec ces accords dont il concrétise certaines des avancées principales.

S’agissant de la promotion professionnelle et de l’amélioration des carrières, trois principes, valables pour l’ensemble de la fonction publique, sont mis en avant : redonner de l’ampleur aux perspectives de carrière des agents, du haut en bas de la grille des rémunérations, et rendre plus souples les règles de gestion pour faciliter la promotion professionnelle ; favoriser la formation et la prise en compte de l’expérience professionnelle dans la gestion des ressources humaines de la fonction publique ; enfin, développer la mobilité au sein de chaque fonction publique, mais aussi entre les trois fonctions publiques.

Le projet de loi qui vous est soumis décline des dispositions relatives à la reconnaissance de l’expérience professionnelle : l’institution de dispositifs de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle se substituant à certaines épreuves dans les concours ou les examens professionnels, la prise en compte de l’expérience professionnelle pour faciliter les « secondes carrières » et l’institution d’un congé de VAE – validation des acquis de l’expérience.

En matière de formation, l’effort consacré aux agents publics est réel, puisque près de 4 milliards d’euros sont affectés à la seule fonction publique d’État. Dans l’ensemble, les résultats sont satisfaisants, notamment en ce qui concerne le taux d’accès des agents publics à la formation continue, supérieur à celui observé dans le secteur privé.

On constate néanmoins un cloisonnement trop marqué entre formation initiale et formation continue, une trop faible implication de l’encadrement dans la définition des besoins des services et des agents, et une absence d’évaluation des effets des actions de formation. Cela signifie que l’articulation entre formation et carrière est encore insuffisante.

Or la question de la formation tout au long de la vie est devenue incontournable. C’est un enjeu individuel – les agents peuvent progresser dans leur carrière en passant des concours et en acquérant de nouvelles compétences – mais c’est aussi, bien sûr, un enjeu pour l’employeur public, qui doit adapter ses salariés aux nouvelles technologies et aux besoins nouveaux des citoyens. La qualité du service rendu en dépend.

La reconnaissance dans la fonction publique du droit individuel à la formation dont bénéficient déjà les salariés du secteur privé constitue un aspect majeur des accords du 25 janvier 2006 comme de ce projet de loi, car elle permettra de concilier les différents objectifs assignés à la formation professionnelle.

S’agissant des modalités de mise en œuvre de cette réforme de la formation et de la prise en compte de l’expérience professionnelle dans la fonction publique, j’ai engagé en juin dernier des négociations avec les syndicats de fonctionnaires et je signerai, dans les toutes prochaines semaines, un protocole d’accord avec les partenaires sociaux. Il concernera la fonction publique de l’État, mais aura également vocation à être appliqué dans la fonction publique territoriale, après concertation, bien entendu, avec les représentants des élus et des personnels pour tenir compte de ses spécificités.

Autre priorité de ce projet de loi : le nécessaire développement de la mobilité dans la fonction publique. Il faut veiller tout particulièrement à la mobilité entre les fonctions publiques car c’est un élément important de l’attractivité des carrières, notamment en permettant aux personnels d’évoluer professionnellement sans forcément être contraints de le faire géographiquement. Or cette mobilité est très imparfaite et il est trop souvent plus aisé d’aller de la fonction publique d’État vers la fonction publique territoriale que de faire le parcours inverse.

Pour améliorer les choses, j’ai d’abord souhaité que l’État se dote d’un répertoire des métiers – le RIME – à l’instar des deux autres fonctions publiques. Il permettra de mieux faire connaître les métiers de la fonction publique et de favoriser la mobilité.

J’ai également mis l’accent sur les fusions des corps au sein de la fonction publique de l’État pour harmoniser les cadres statutaires et faciliter les passerelles entre les trois fonctions publiques. J’avais fixé l’objectif de fusionner une centaine de corps dès 2006, et je pense qu’à la fin de l’année nous serons bien au-delà.

Le projet de loi de modernisation de la fonction publique, que votre assemblée a adopté le 28 juin dernier, permettra de lever un certain nombre de rigidités pour favoriser la mobilité à travers les dispositions suivantes : adaptation des règles relatives à la mise à disposition des fonctionnaires entre les trois fonctions publiques ; simplification du régime des cumuls d’activité : assouplissement du régime du temps non complet pour faciliter le maintien des services publics en milieu rural ; modernisation des règles de déontologie des fonctionnaires. Dans le même sens, tout est fait depuis quelques mois pour faciliter les secondes carrières des agents du privé qui souhaitent passer dans le public.

L’objectif de toutes ces mesures est de faciliter les carrières diversifiées qui répondent mieux à la fois aux aspirations des agents et aux besoins des fonctions publiques.

Avec l’ensemble de ce programme, nous aurons permis à la fonction publique d’accomplir des progrès importants en 2006. Le Président de la République et le Premier ministre y portent un grand intérêt, car la modernisation de l’État ne se fera pas sans les fonctionnaires et sans une fonction publique adaptée à notre société.

Dans le contexte de départs massifs à la retraite dans les années à venir, la fonction publique doit aussi s’ouvrir davantage qu’elle ne l’a fait par le passé. C’est particulièrement vrai dans la fonction publique territoriale qui doit s’ouvrir aux jeunes, et ce quel que soit leur niveau d’études. Je vous rappelle que dès la mise en place du plan d’urgence pour l’emploi par Dominique de Villepin, nous avons créé le PACTE – parcours d’accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l’État – pour permettre aux jeunes sans qualification d’intégrer la fonction publique en qualité de titulaires au terme d’un parcours alternant formation et stage, et pour faire redémarrer l’ascenseur social. C’est là aussi un bel enjeu pour nos fonctions publiques. Ce texte, préparé par Brice Hortefeux et moi-même, nous donne les outils nécessaires au développement d’une fonction publique de grande qualité. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, cher Christian Jacob, monsieur le rapporteur, cher Michel Piron, mesdames et messieurs les députés, l’Assemblée nationale examine aujourd’hui en première lecture, après le vote du Sénat, le 16 mars dernier, le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale dont nous entendions beaucoup parler sans jamais le voir. En effet, voilà plus de trois ans que les élus, les représentants des personnels et les ministres successifs réfléchissaient à un projet global.

C’est un projet auquel le Gouvernement attache une importance particulière puisque, au-delà des 1,7 million d’agents et des 55 000 employeurs territoriaux, ce texte comporte des évolutions qui concernent toutes les fonctions publiques. Il est à cet effet très symbolique que les avancées commencent d’abord par la fonction publique territoriale, Je me réjouis de ce que certaines de ces évolutions, en particulier le droit à la formation tout au long de la vie, soient reprises et étendues par le projet de loi relatif à la modernisation de la fonction publique, que Christian Jacob présentera au Sénat dans les prochaines semaines.

À titre liminaire, je voudrais vous dire que les ambitions du Gouvernement pour la fonction publique territoriale ne se limitent pas à ce seul projet de loi. Comme vous le savez, celui-ci s’accompagne d’un important chantier réglementaire, qui est en cours. En effet, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, sous l’autorité du président Derosier, en a commencé l’examen au mois d’avril, et il est quasiment arrivé à son terme le 27 septembre avec l’examen d’une dizaine de projets de décret.

Ce chantier réglementaire, qui complète l’examen des décrets d’application du projet de loi, porte sur l’importante question des seuils de création des emplois de grades, la question des seuils de création des emplois fonctionnels relevant de la loi.

Ainsi, un plus grand nombre de collectivités – je m’adresse en particulier à ceux d’entre vous qui sont responsables d’une grande ville – pourront recruter plus facilement des administrateurs territoriaux, des attachés ou des ingénieurs principaux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cet outil indispensable pour la professionnalisation de la fonction publique territoriale a été l’objet d’un projet de décret que le CSFPT a examiné le 4 juillet dernier.

Ce chantier porte également sur la question des quotas d’avancement de grades. Il faut les remplacer et fluidifier les déroulements de carrière pour motiver les agents compétents et ainsi donner aux employeurs territoriaux la compétence pleine et entière, dans le cadre d’un dialogue social rénové.

Le Gouvernement entend présenter devant votre assemblée un amendement qui constitue une avancée majeure dans le sens de la responsabilisation des élus locaux, de la liberté des collectivités locales et de l’intérêt des agents territoriaux.

Le Gouvernement, dans le droit fil des conclusions du protocole d’accord signé en janvier 2006 par le ministre de la fonction publique avec trois organisations syndicales, entend aussi assouplir les quotas de promotion interne, permettant l’accès des fonctionnaires territoriaux aux cadres d’emplois supérieurs. Il s’agit d’une demande forte de l’ensemble des associations d’élus.

Les taux de promotion interne constatés sont aujourd’hui beaucoup trop faibles dans la fonction publique territoriale – 4 % en moyenne – variant de 6 % en catégorie A à 3 % seulement en catégorie C.

Là encore, le CSFPT a examiné les textes correspondants le 4 juillet dernier, et les décrets seront prochainement publiés.

Enfin, la formation initiale des fonctionnaires territoriaux doit être réexaminée dans son ensemble, avec l’objectif, partagé par tous, de réduire la durée de la formation initiale au profit de la formation tout au long de la vie. C’est un chantier essentiel, auquel les élus locaux sont, à juste raison, particulièrement attentifs.

Il me paraissait utile de replacer ce projet de loi dans son contexte et dans une perspective d’ensemble, et de souligner que le Gouvernement travaille sur plusieurs fronts pour rénover en profondeur la fonction publique territoriale.

Si le chantier réglementaire est un élément important de cette réforme, le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale en est bien entendu la pièce maîtresse. Je crois pouvoir dire qu’il a été jusqu’à présent largement consensuel, et je souhaite que cela se poursuive. Il a été approuvé à 70 % des voix le 16 novembre 2005 par le CSFPT, que préside avec autorité et discernement votre collègue Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Vous me compromettez ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il a été voté par le Sénat le 16 mars 2006 en première lecture, au terme de trois jours de débats riches et constructifs. Sur les 335 amendements présentés, 101 ont été adoptés. Ce sont trente-trois articles nouveaux qui sont venus compléter le projet de loi, qui en comportait trente-six au début de la discussion.

Le Sénat a très peu modifié les dispositions consacrées à la formation professionnelle. Les principales modifications concernent d’abord les instances de la fonction publique territoriale. Le Sénat a consacré l’existence d’un collège des employeurs au sein du CSFPT, à la demande de ses membres. Ce collège sera consulté par le Gouvernement sur les questions relatives à la politique salariale ou à l’emploi territorial. C’est une avancée importante, puisqu’elle fait de ce collège l’interlocuteur officiel des pouvoirs publics en matière salariale.

Le Sénat a complété et ajusté les compétences dévolues aux centres de gestion départementaux. Au titre de leurs missions facultatives, les centres de gestion pourront intervenir en matière de gestion des comptes épargne-temps et de mise en concurrence des prestataires d’assurance dans le cadre de contrats individuels ou de contrats de groupe pour garantir les collectivités contre les risques liés à la maladie des agents territoriaux. Mais je sais que cet amendement a ouvert un débat au sein de la commission des lois.

Le Sénat a par ailleurs voté un amendement visant à mettre en place une conférence nationale rassemblant, au moins une fois par an, l’ensemble des centres de gestion coordonnateurs créés par le projet de loi. Cela contribuera à garantir la cohérence de l’emploi public territorial.

En revanche, le Sénat n’a pas suivi le Gouvernement dans sa volonté de créer un établissement public national des centres de gestion.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est dommage !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. J’étais à peu près certain de votre réaction, monsieur le député Bénisti !

Le Sénat a donc supprimé le Centre national de coordination des centres de gestion, préférant confier la gestion nationale des fonctionnaires territoriaux de catégorie A + à un centre de gestion ou, plus précisément, à un conseil d'orientation placé auprès de lui, ayant une compétence nationale. C'est la structure – l'établissement public – et les coûts supposés de son fonctionnement qui ont incité le Sénat à ce choix. Le Gouvernement a ainsi contribué à faire émerger cette formule originale et à obtenir un vote à l'unanimité des groupes représentés au Sénat.

Le consensus a été obtenu sur la base d'un partage clair et complet entre les missions de formation, d'un côté, et celles de la gestion des ressources humaines, de l'autre.

Mais nous y reviendrons probablement plus tard dans la discussion puisque la commission des lois a présenté plusieurs amendements.

M. Michel Piron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. En effet.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le Sénat s'est aussi intéressé à la gestion des agents territoriaux en apportant des modifications.

La première concerne la possibilité de créer, pour les communautés de communes, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines lorsque l'effectif des agents est au moins égal à 50, un comité technique paritaire compétent commun avec les communes membres pour tous les agents desdites collectivités.

Deuxième modification apportée par le Sénat : la possibilité de recruter dans les communes de moins de 1 000 habitants des agents non titulaires à temps complet pour des emplois de secrétaire de mairie, et cela pour répondre aux difficultés de recrutement en zone rurale que les maires nous signalent très régulièrement.

Votre commission des lois a souhaité supprimer cette disposition résultant de l'adoption par les sénateurs d'un amendement du groupe socialiste alors qu'elle correspond, me semble-t-il, à une vraie demande des élus et des interlocuteurs ruraux.

M. Édouard Courtial. Bien sûr.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Une autre disposition sénatoriale n'a pas retenu l'accord de la commission. Il s'agit de la prise en compte de la totalité des années de service effectuées en qualité d'agents non titulaires pour les agents de catégorie A de la filière administrative titularisés dans le cadre de la loi de résorption de l'emploi précaire, dite loi Sapin.

C'est une disposition qui, effectivement, poserait problème et dont le Gouvernement souhaite la suppression, car elle est inéquitable et serait certainement très onéreuse pour les employeurs territoriaux.

Enfin, une dernière modification apportée par le Sénat concerne l'inéligibilité des agents salariés d'un EPCI au conseil municipal d'une commune membre de l'EPCI qui les emploie. Le Gouvernement considère qu'il convient de traiter cette question dans sa globalité et sans doute pas dans le cadre de ce texte, qui ne l'aborderait que trop partiellement. Il faut donc se donner le temps de la réflexion.

Ainsi amendé, le projet de loi a rencontré un large consensus puisqu’il a été voté par le groupe UMP, le groupe UC-UDF et la majorité du groupe RDSE, après avoir été enrichi par l'adoption, notamment, de seize amendements socialistes et d’un amendement communiste.

Le groupe socialiste s'est abstenu, en souhaitant pouvoir améliorer le texte au cours de la navette, ce à quoi le Gouvernement va œuvrer, en espérant être entendu.

Le groupe communiste – dont nous avons repris, au minimum, un amendement – s'est seul opposé au texte, en faisant preuve, toutefois, d’une réelle volonté d'ouverture pour la suite des débats. Là encore, je souhaite le convaincre que le Gouvernement est, lui aussi, à l'écoute et ouvert.

Je voudrais maintenant vous rappeler à quels grands défis et objectifs répond ce projet de texte, et vous indiquer, ensuite, sur quels points il me paraît souhaitable que des évolutions interviennent à l'occasion du débat devant votre assemblée.

Les collectivités territoriales sont confrontées à deux principaux défis.

Le premier défi, vous le savez, est d'ordre démographique : d'ici à 2012, 38 % des fonctionnaires territoriaux partiront en retraite et, parmi ceux-ci, la moitié des cadres. Il y a un risque réel – je me souviens d’ailleurs de l’excellente question posée par Édouard Courtial sur ce sujet – que cette fonction publique soit décimée, alors que nos collectivités ont déjà un taux d’encadrement bien inférieur à celui de l’État : 9 % contre 18 %.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est un vrai problème !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Si Christian Jacob ne le rappelle pas souvent, il est normal que je le fasse.

Le second défi est celui de la performance et de l'efficacité du service public de proximité face aux nouvelles étapes franchies par le processus de décentralisation. Ce défi doit être relevé parce que la fonction publique de proximité est celle qui est le plus en contact avec le citoyen électeur et contribuable.

La loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales produit actuellement ses effets : 93 000 TOS et près de 130 000 agents de l'État au total sont en cours de transfert vers les collectivités.

Cela modifiera certaines règles de gestion des ressources humaines au sein de ces collectivités.

Le projet de loi répond à trois grandes ambitions.

Il faut, tout d'abord, donner plus de liberté aux élus locaux dans la gestion des ressources humaines. Je rappelle que sur les 577 députés, 450 sont des élus locaux et donc directement concernés – même s’ils ne sont pas tous là…

Il faut, ensuite, rendre la fonction publique territoriale plus attractive, plus efficace encore, plus adaptée à ce qu'on attend d'elle aujourd'hui,

Il faut, enfin, clarifier le paysage institutionnel de la fonction publique territoriale pour le rendre plus lisible, plus rationnel.

Première ambition du projet de loi : donner plus de liberté et de sécurité pour les élus locaux dans la gestion des ressources humaines.

Donner plus de liberté dans la gestion des ressources humaines, c'est donner plus de responsabilités aux collectivités en leur qualité d'employeurs, en leur permettant d'abord de recruter, au-delà des seuils actuels, des collaborateurs sur des emplois fonctionnels.

L'emploi fonctionnel, ce n'est pas, contrairement à ce qu'on a pu dire ici ou là – même si on l’a peu entendu ces derniers temps –, la politisation de la fonction publique. C'est la garantie pour l'employeur de pouvoir recruter un collaborateur sur qui il puisse s'appuyer en toute confiance.

J'ai souhaité que cette possibilité de recrutement soit élargie.

C'est ainsi que le projet de loi permettra aux communes de 2 000 habitants au moins, contre 3 500 aujourd'hui, monsieur Novelli, de créer un emploi fonctionnel de directeur général des services. De la même façon, les communes de plus de 10 000 habitants pourraient créer des emplois fonctionnels de directeur des services techniques, alors que seules les communes de plus de 20 000 le peuvent aujourd'hui.

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre bénéficieront également d'une plus grande souplesse dans la création des emplois fonctionnels.

Le seuil de création de l'emploi de directeur général des services sera abaissé de 20 000 à 10 000 habitants, et celui de l'emploi fonctionnel technique de 80 000 à 10 000 habitants.

Je crois nécessaire d'indiquer, à ce stade, qu'il ne paraît pas souhaitable d'aller plus loin, c'est-à-dire d'abaisser les seuils de création de ces emplois fonctionnels en deçà de ces nouveaux seuils. Il n'y a pas de justification objective à le faire – sauf argumentation particulièrement solide – et je souhaite qu'on s'en tienne à ces équilibres.

Donner plus de sécurité aux élus locaux dans la gestion des ressources humaines, c'est renforcer les mécanismes de régulation.

Le Sénat, et je m'en réjouis, a voté la disposition que j'avais souhaitée concernant la question irritante des mutations d'agents qui viennent d'être titularisés.

Il est anormal que, lorsqu'une collectivité a financé la formation initiale d'un fonctionnaire territorial, elle puisse faire les frais d'une mutation intervenant aussitôt après la titularisation.

La clause de remboursement par la collectivité qui « débauche » un fonctionnaire formé sur le budget d'un autre employeur avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la titularisation, qui figure à l'article 23 du projet de loi, est donc une excellente chose. Cette idée n’a pas mûri dans le cénacle de la haute administration dont d’éminents représentants sont sur ces bancs, mais elle provient d’un dialogue avec le président de l’association des maires de mon département qui m’a fait remarquer cette anomalie que j’ai pu tester à l’occasion de rencontres lors d’assemblées départementales des maires. Cette idée fait naturellement l’unanimité car c’est une question de bon sens.

Réguler la gestion des ressources humaines, c'est aussi permettre aux régions et aux départements qui le souhaiteraient de s'affilier aux centres de gestion pour la gestion des agents de l'État transférés aux collectivités locales à la suite de la loi du 13 août 2004. Ce sont principalement les TOS qui sont concernés.

Là encore, le Sénat a été sensible à cette question, en votant le texte proposé par le Gouvernement.

Voilà pour la liberté et la souplesse accordée aux 55 000 employeurs locaux.

Deuxième ambition du projet de loi : rendre la fonction publique territoriale plus attractive.

Renforcer l'attractivité de la fonction publique territoriale suppose, en premier lieu, de prendre en compte l'expérience déjà acquise par les agents territoriaux, comme par les candidats à l'entrée dans la fonction publique territoriale.

Quel est le but ?

Il s'agit de faire de l'expérience professionnelle un équivalent de la formation statutaire obligatoire et de dispenser de certaines épreuves des candidats aux concours, lorsqu'ils ont une expérience solide. C'est l'objet de la REP, la reconnaissance de l'expérience professionnelle.

Il s'agit de faciliter l'entrée dans la fonction publique territoriale de personnes venant du secteur privé en valorisant leur savoir-faire.

Il s'agit, enfin, d'adapter le régime des concours pour qu'ils soient moins académiques – et je pense qu’il y aura unanimité sur ce point. C'est l'ambition des concours sur titre, qui existent, mais dont je souhaite le renforcement très significatif.

Rendre la fonction publique territoriale plus attractive suppose, ensuite, de valoriser les efforts de formation individuelle engagés par les agents territoriaux et, surtout, de les sanctionner par des promotions internes. Je m’en suis entretenu avec plusieurs membres de cette assemblée.

L'objectif est clairement que les formations qualifiantes soient prises en compte lors de l'examen par les commissions administratives paritaires des dossiers individuels des agents promouvables.

Les efforts de formation doivent figurer dans le « faisceau d'indices » de l'évaluation de la valeur professionnelle, qui est prise en compte pour les promotions.

Le projet de loi n’invente pas le fil à couper le beurre sur ce sujet, il structure et donne corps à ces parcours de formation.

Le DIF, droit individuel à la formation, est l'une des dispositions centrales du projet de loi. Le Gouvernement attache une importance particulière au rééquilibrage entre les formations initiales et la formation tout au long de la vie.

Il convient que la fonction publique s'engage fermement dans cette voie, et la fonction publique territoriale sera, à l'occasion de ce projet de loi, la première à voir inscrit dans son statut ce droit individuel à formation.

Je suis heureux de voir repris dans le projet de loi de modernisation de la fonction publique, conduit par Christian Jacob, ce droit individuel à la formation, dont bénéficieront ainsi tous les fonctionnaires de chacune des trois fonctions publiques.

Le quota de vingt heures de droit à formation est un quota raisonnable, qui ne sera pas une gêne significative pour l'employeur, et qui doit offrir une possibilité réelle de formation pour les agents.

Mais soyons clairs : ce n'est pas une formation « de confort » ou d'intérêt personnel qui est visée. Il ne s'agit pas, je le dis très clairement, de primer les « abonnés à la formation ».

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il s'agit de rendre la fonction publique plus professionnelle, en vue du seul but qui lui est assigné : le service public, tout particulièrement le service public de proximité.

C'est pourquoi le DIF est centré sur les formations qualifiantes pour les agents.

Troisième ambition du projet de loi : clarifier le paysage institutionnel de la fonction publique territoriale pour rendre plus efficaces les organes de formation et de gestion des personnels. Honnêtement, ce n’est pas ce qu’il y avait de plus simple car, dès qu’on parle de clarification, on est tous d’accord, mais quand on doit déterminer les moyens de la clarification, de longs débats sont nécessaires !

Des institutions existent, on les connaît : le CSFPT, le CNFPT, les centres de gestion départementaux ou interdépartementaux, sans oublier, et ce n’est pas la moindre des questions, les collectivités non affiliées.

J’espère que nous en serons d’accord : les institutions ne sont pas un but en soi. Elles ne sont utiles que par le rôle qu'elles remplissent. Mais elles doivent s'articuler de façon cohérente. Le projet de loi s'y emploie.

Pour que les dispositions du projet de loi relatives au droit individuel à la formation, à la reconnaissance de l’expérience professionnelle et à la valorisation des acquis de l’expérience trouvent leur plein effet, il convient qu’une institution les fasse vivre. Cette institution, c’est le CNFPT. Il ne s’agit pas exclusivement de le recentrer sur ses missions de formation, il faut qu’elles se développent, et je lui fais confiance à cet égard.

Il lui reviendra d’abord de mettre en œuvre concrètement les procédures de reconnaissance de l’expérience professionnelle.

C’est au CNFPT également que doivent incomber l’analyse et l’accompagnement des demandes de validation des acquis de l’expérience. Il n’en a pas le monopole, certes, mais, j’en suis convaincu, c’est dans sa vocation naturelle. C’est à lui enfin qu’il revient de permettre que le droit individuel à la formation soit une réalité concrète.

C’est pour lui permettre de se consacrer à ces tâches nouvelles et de première importance qu’il faut décharger le CNFPT de tâches de gestion de proximité, qui entrent à l’inverse dans la sphère de compétence des centres de gestion : c’est le cas, par exemple, de la prise en charge des personnels de catégorie A momentanément privés d’emploi et du reclassement des fonctionnaires de cette même catégorie devenus inaptes à leur emploi.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises au Sénat, ce rééquilibrage doit se faire à coût constant. C’est une règle que s’est fixée le Gouvernement, dans l’intérêt des collectivités territoriales. Il n’est pas question d’imposer aux collectivités de nouvelles dépenses obligatoires si elles n’en veulent pas. Je sais qu’une réflexion doit être conduite en matière d’action sociale, mais il faut partir de ce postulat.

Le projet de loi n’est pas, à mon avis, générateur de dépenses nettes nouvelles. Certains pourraient remarquer qu’il existe des formations nouvelles, mais il existe aussi des économies à faire sur les formations initiales qui seront raccourcies et sur la suppression de nombreuses épreuves aux concours, ce qui devrait permettre de trouver un équilibre.

En ce qui concerne la gestion, j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure, j’ai pris acte de la volonté du Sénat de ne pas voir créer un établissement public national de coordination des centres de gestion tout en confiant au réseau des centres de gestion la quasi-totalité des missions de gestion des ressources humaines. Le Gouvernement a compris les objections du Sénat et a su bâtir une architecture que je qualifierais − si je ne craignais de provoquer un peu et bien qu’elle soit le résultat d’une longue discussion − d’originale…

M. Michel Piron, rapporteur. En effet !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …et d’alternative, qui respecte le principe de partage des tâches entre le CNFPT et les centres de gestion, sans raviver les querelles qui avaient jusqu’alors empêché le texte d’arriver jusqu’au Parlement.

Dans ce rééquilibrage du paysage institutionnel, il y a par ailleurs le renforcement du rôle des centres de gestion, au-delà de la seule extension de leurs compétences de gestion.

Je souhaite que ceux-ci se voient reconnaître une véritable mission de centres d’information en matière de gestion des ressources humaines, à l’échelon pertinent d’une bonne gestion des agents territoriaux, à savoir le niveau régional. C’est le sens de l’identification des centres de gestion coordonnateurs et des compétences qui leur sont reconnues à cet égard.

Au-delà, les centres de gestion doivent voir leurs missions développées, non seulement dans le cadre d’un jeu de vases communicants avec le CNFPT − ça ne fonctionnerait pas −, mais surtout dans un souci de plus grande clarté et de cohérence d’ensemble. Je le dis très clairement, sachant que, sur ces bancs, les députés sont extraordinairement motivés par ce sujet : les centres de gestion doivent devenir pivots en matière d’emploi public territorial.

Ils doivent aussi voir leur rôle de gestionnaires de proximité accentué. Toutefois, pour être tout à fait honnête − et cela ne surprendra personne, puisque je l’ai déjà dit −, je ne pense pas qu’il faille leur donner une compétence exclusive en matière d’organisation des concours de recrutement. J’ai pu observer, dans la très longue concertation qui a précédé l’examen du texte, que certaines grandes collectivités souhaitent garder la possibilité de le faire encore elles-mêmes, dans le strict respect du droit des candidats. Laissons-leur la possibilité de conventionner avec les centres de gestion. Là aussi, je prends acte, monsieur Bénisti, de la réalité des faits.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les grandes orientations de ce projet de loi, ses lignes de force. La présentation, peut-être un peu longue, n’est pourtant pas exhaustive. Je n’ai pas évoqué, par exemple, les avancées très importantes du projet en matière d’hygiène et de sécurité, de médecine préventive, de recrutement des personnes handicapées ou de droit syndical. Mais je pense avoir livré l’essentiel.

Je voudrais terminer en vous indiquant les points sur lesquels il me semble que votre assemblée pourrait contribuer à améliorer le texte.

Les premiers relèvent de la précision plus que du fond. Je pense par exemple aux dispositions sur la compétence des centres de gestion en matière d’hygiène et de sécurité, qui mérite d’être précisée et recentrée sur les missions facultatives.

Je pense à l’article 40 du projet de loi, concernant la possibilité pour un ordonnateur d’une collectivité territoriale ayant cessé ses fonctions de se faire assister, en cas de contrôle d’une chambre régionale des comptes portant sur un exercice antérieur à la cessation de fonction. On connaît le cas de quelques élus territoriaux, qui sont d’ailleurs parlementaires.

D’autre part, le Gouvernement souhaite voir inscrits dans ce texte d’importants amendements de fond. Deux au moins me paraissent essentiels. C’est d’abord la fixation par les collectivités locales des ratios promus/promouvables d’avancement de grade. C’est une avancée majeure, voire une révolution, en tout cas un très grand progrès, car nous pourrons ainsi donner à la fois liberté et responsabilité aux employeurs territoriaux, en leur offrant les moyens d’adapter aux réalités locales, notamment démographiques, les déroulements de carrière de leurs agents. De la tutelle en matière d’avancement de carrière, on passerait ainsi à une pleine autonomie. Ce n’est plus l’État qui fixera par décret les normes quantitatives que doivent observer les collectivités.

C’est enfin votre assemblée qui présentera un amendement important responsabilisant encore plus les élus dans la gestion des ressources humaines. Il s’agit de la modification de la présidence des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale. Elle est actuellement assurée par un magistrat administratif, alors que, dans la fonction publique de l’État, c’est l’employeur-administration qui préside. Il me paraît logique et cohérent d’étendre cette règle dans la FPT et de confier aux élus la présidence des conseils de discipline.

Je ne peux être exhaustif, mais ces évolutions sont importantes. Je suis heureux que votre assemblée puisse en débattre et, je l’espère, les reprendre à son compte lors de l’examen du texte.

Au total, mesdames, messieurs les députés, je pense que, avec ce projet de loi, au bénéfice des améliorations que votre assemblée y apportera, la fonction publique territoriale franchira une étape très importante de son histoire, au profit de ses agents, au profit des employeurs territoriaux, mais aussi au profit de ceux qui doivent guider notre action, c’est-à-dire les citoyens, en n’oubliant jamais qu’ils sont des électeurs contribuables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Michel Piron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous le savez : le projet de loi que nous examinons est très attendu par les élus locaux comme par les agents de la fonction publique territoriale. Complément logique et indispensable de l’acte II de la décentralisation, inscrit dans des perspectives démographiques particulièrement contraignantes − 38 % des 1 780 000 agents territoriaux prendront leur retraite d’ici à 2016, dont 70 % des catégories A −, il devrait faciliter, en la modernisant, la gestion des agents territoriaux tout en respectant les principes du statut.

Rappelons, à cet égard, la démarche consensuelle qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi. Il a fait l’objet d’une large concertation avec les syndicats de la fonction publique territoriale et avec les employeurs locaux, qui s’est conclue par un avis favorable du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale en octobre 2005. Depuis, toutes les personnes que j’ai entendues dans le cadre des auditions ont exprimé leur accord avec les principaux objectifs et dispositions du texte : développer la formation professionnelle, simplifier l’architecture institutionnelle, améliorer la gestion des ressources humaines. Ces trois volets permettront aux collectivités locales de disposer des compétences adaptées à leurs besoins et aux agents de bénéficier de meilleurs déroulements de carrière.

J’indiquerai les principaux apports du projet avant d’évoquer les modifications proposées par la commission. Sans revenir sur le contenu détaillé des 69 articles du projet de loi − dont 33 ajoutés par le Sénat −, je tiens à en souligner quelques points particuliers.

En premier lieu, dans le cadre des dispositions relatives à la formation des agents et à la prise en compte de l’expérience professionnelle, la création d’un droit individuel à la formation de vingt heures par an, cumulable sur six ans, permettra d’adapter les qualifications des agents à l’évolution des métiers territoriaux et de développer les secondes carrières. La redéfinition des actions de formation fournira, espérons-le, l’occasion de développer des formations professionnelles qui répondent aux besoins des collectivités plutôt que des formations trop académiques bien souvent redondantes. Aussi importante − et peut-être même davantage − est, me semble-t-il, la reconnaissance de l’expérience professionnelle dans les concours, qui devrait enrichir la fonction publique territoriale en l’ouvrant à des profils d’agents plus divers.

En second lieu, avec la rationalisation de l’architecture institutionnelle de la fonction publique territoriale, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale est consacré comme institution représentative de la fonction publique territoriale et sa composante « employeurs » devient un collège spécifique qui sera consulté à ce titre par l’État sur les questions relatives à l’emploi public. C’est une réponse au souhait formulé depuis longtemps par les collectivités territoriales, qui veulent être associées aux négociations salariales avec les syndicats de fonctionnaires, puisque les revalorisations du point d’indice les concernent directement.

Par ailleurs, l’obligation faite aux centres de gestion de se coordonner au niveau régional avec la conclusion d’une charte désignant un centre coordonnateur constitue une autre avancée.

Enfin, la volonté de clarifier la répartition des compétences entre les centres de gestion et le CNFPT, qui gère aujourd’hui les agents de catégorie A et une partie des agents de catégorie B, est bienvenue. Il était en effet devenu difficile de savoir quelles tâches de gestion étaient assurées par les centres et lesquelles revenaient au CNFPT.

En troisième lieu, de nombreuses dispositions accordent aux collectivités territoriales plus de souplesse pour la gestion de leurs agents : on abaisse le seuil de création des emplois fonctionnels ; on rend plus aisée la mise à disposition de personnels des communes vers les EPCI.

De nombreuses dispositions permettent plus particulièrement de prendre en compte les besoins des petites collectivités. Ainsi, la régulation des mutations prévoit que, lorsqu’un agent part vers une collectivité plus grande et plus attractive immédiatement après sa formation, la collectivité d’accueil devra rembourser à la collectivité d’origine les frais engagés. Ainsi encore, on mutualisera davantage de tâches au niveau des centres de gestion qui pourront s’occuper du remboursement des autorisations spéciales d’absence pour les représentants syndicaux, gérer les comptes épargne-temps, transmettre des données aux caisses de retraite ou encore assister les communes pour veiller au respect des règles d’hygiène et de sécurité.

Quant aux modifications proposées par la commission des lois lors de sa réunion du 27 septembre dernier, elles visent à améliorer le texte qui nous est proposé plus qu’à le transformer.

En matière de formation, outre les modifications visant à harmoniser les dispositions du présent projet de loi avec des dispositions équivalentes figurant dans le projet de loi de modernisation de la fonction publique, la commission a souhaité que l'exercice du droit individuel à la formation, le DIF, ne soit pas subordonné à l'existence d'un plan de formation de la collectivité territoriale.

En matière de recrutement, la commission a prévu de prendre en compte l'expérience professionnelle des candidats pour les concours externes. Par ailleurs, sur proposition de notre collègue Bernard Derosier, la commission a supprimé la possibilité, pour les collectivités non affiliées à un centre de gestion, d'organiser leurs propres concours.

En matière disciplinaire, il vous est proposé d'abroger la disposition selon laquelle les conseils de discipline sont présidés par un magistrat de l'ordre administratif. Nous pensons en effet que le conseil de discipline doit être présidé par l'autorité territoriale, à l'instar des conseils de discipline de la fonction publique d'État ou hospitalière. La commission a, en outre, supprimé la disposition introduite par le Sénat qui instaure une majorité des deux tiers pour l'adoption des avis du conseil de discipline. Avec une telle règle de majorité, en effet, les conseils risqueraient fort de ne plus pouvoir rendre d'avis. La règle de la majorité simple nous semble donc devoir être maintenue.

En ce qui concerne les institutions, nous avons souhaité aller plus loin dans la simplification voulue par le Sénat. Ce dernier a très largement refusé l'idée d'un centre national de coordination des centres de gestion chargé de gérer les agents de catégorie A, craignant, non sans raison, que la création d'un nouvel établissement public administratif n'engendre, à terme, des coûts supplémentaires pour les collectivités. Le texte voté par le Sénat prévoit donc, d'une part, que les agents de catégorie A soient majoritairement gérés au niveau régional, par les centres de gestion coordonnateurs, d'autre part, que les agents de catégorie A +, c'est-à-dire les administrateurs territoriaux, les ingénieurs territoriaux en chef et les conservateurs des bibliothèques ou du patrimoine, soient gérés par l'un des centres de gestion, élu par ses pairs, auquel serait adossé un conseil d'orientation représentant et les centres de gestion et les collectivités non affiliées. Toutefois, l'organisation des concours d'accès resterait assurée par le CNFPT.

La commission des lois vous propose de simplifier ce dispositif complexe, et c'est peu dire, en prévoyant que les cadres d'emplois de catégorie A +, qui ne représentent que 4 800 agents sur les 120 000 agents de catégorie A, restent gérés par le CNFPT.

M. Jean-Pierre Soisson et M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Michel Piron, rapporteur. Nous éviterions ainsi de créer pour eux de nouvelles instances de gestion au niveau national, tout en rendant le dispositif beaucoup plus simple et plus lisible, même si, monsieur le ministre, il n’est peut-être pas des plus originaux.

M. Jean-Pierre Soisson. Mais il fonctionnera mieux !

M. Michel Piron, rapporteur. Globalement, les missions de gestion seraient clairement assurées par les centres – 1 775 000 agents des catégories A, B, C, à la seule exception des 4 800 A + – tandis que le CNFPT se concentrerait sur les tâches de formation et d'observation des métiers.

Par ailleurs, diverses propositions sont venues s'ajouter aux dispositions précitées : à l'initiative de notre collègue Bernard Derosier, la commission a souhaité limiter l'inéligibilité des agents intercommunaux aux conseils municipaux aux seuls agents exerçant des fonctions de direction ; à l'initiative de notre collègue Gérard Menuel, la création d'un « titre emploi collectivité » a été retenue pour le recrutement occasionnel d'agents contractuels dans les communes de moins de 1 000 habitants, ce qui permettra de simplifier les formalités pour les plus petites communes.

Telle est, rapidement esquissée, la lettre d'un texte dont l'esprit entend d'abord répondre à l'attente des agents et des élus, certes, mais plus fondamentalement à celle de nos concitoyens. En effet, le service public que ce projet entend promouvoir dans les territoires, c'est d'abord le service du public et de l'intérêt général à la hauteur duquel, au cours de ce débat, nous essaierons de demeurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Nous en arrivons à la discussion générale, que nous nous efforcerons de conclure cet après-midi. Si des orateurs souhaitaient se rendre à la réception organisée pour le vice-président Al Gore, leur intervention serait repoussée à la séance de ce soir.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, annoncée depuis 2003, cette réforme de la fonction publique territoriale était attendue avec anxiété par les plus lucides, avec espoir par les plus optimistes, qui ont été bien déçus du résultat.

L'avant-projet de loi tel qu'il avait été examiné par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale avait déjà reçu un accueil mitigé, notamment de la part des syndicats de fonctionnaires. Or le texte ne s'est pas amélioré depuis.

Entre-temps, l'Assemblée nationale a adopté un projet de loi dit de « modernisation de la fonction publique », un texte transversal aux trois fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière, et beaucoup se sont demandé alors pourquoi deux textes touchant les mêmes thèmes n’avaient été mis en examen simultanément devant le Parlement. On pouvait légitimement espérer que ce projet de loi sur la fonction publique territoriale rattraperait les manques du précédent. Or force est de constater que les mêmes dérives sont à craindre.

L'objectif de modernisation de la fonction publique territoriale est louable et nous le partageons. Il est en effet souhaitable d'accompagner la diversification des missions des collectivités, de prendre en compte l'expérience professionnelle, de développer la formation. Mais les termes de « droit individuel à la formation », de «formation tout au long de la vie » ou encore de «validation des acquis de l'expérience » qui ont été mis en avant masquent, je le crains, la remise en cause des droits des fonctionnaires. De surcroît, après les dérives de la première partie, le texte se limite, dans la deuxième, à des aménagements institutionnels de faible portée.

La remise en cause des droits des fonctionnaires qu'organise ce projet de loi est en cohérence avec l'affaiblissement de la fonction publique qu'ont entrepris les gouvernements successifs depuis 2002. Morceau par morceau a été organisé le transfert de plusieurs centaines de milliers de personnels vers la fonction publique territoriale. Ainsi la gestion des TOS, les personnels techniques non-enseignants, a été dévolue aux régions, ce qui a conduit à supprimer peu à peu les droits anciens liés au statut de la fonction publique, pour recruter sur d'autres bases des salariés plus précaires et plus vulnérables. Il est ainsi possible de désarmer les grèves de ceux qui défendent leurs droits, de diviser les personnels selon différents statuts, puis de changer la dominante du système, ce qui rend plus facile de transformer en désert des régions entières et de mettre à mal la continuité territoriale du service public.

Cette logique est d'ailleurs dans la continuité de l'annonce faite par le Gouvernement d’une réduction des effectifs de la fonction publique d'État de 15 000 postes de fonctionnaires, dont 8 000 dans l'éducation nationale. Cette volonté de paupérisation est également révélée par le refus du Gouvernement de refondre la grille indiciaire, qui est une réforme essentielle si l'on veut que ces métiers demeurent attractifs.

Pourtant, selon un récent sondage de l'IFOP, une majorité de Français souhaite que soit maintenu le nombre de fonctionnaires : 66 % de nos concitoyens rejettent ainsi l'idée qu'il y a trop de fonctionnaires dans les collectivités territoriales. Ils ont en effet bien senti que supprimer des postes a pour effet de dégrader le service rendu. Or les Français sont particulièrement attachés au service public de proximité qu'assurent nos collectivités locales.

Je détaillerai maintenant les raisons de nos deux principaux points de désaccord : d'une part, le droit à la formation, d'autre part, le rôle du Centre national de la fonction publique territoriale dans le nouveau dispositif.

Le projet de loi affirme le principe d'un droit individuel à la formation professionnelle. Or on se demande si ce droit individuel est bien celui de l'employé ou s'il n'est pas plutôt celui de l'employeur. En effet, les formations nécessitées par le développement de la carrière de l'agent pourront être organisées à la demande de l'autorité territoriale. Ensuite, la mise en œuvre du droit individuel à la formation sera décidée par cette même autorité. Enfin, l'autorité pourra faire en sorte que ce droit s'exerce en dehors du temps de travail.

Je voudrais insister sur cette dernière disposition, qui déroge à un principe établi dès 1971 selon lequel la formation est délivrée pendant le temps de travail. Elle tente en fait, de manière pernicieuse, de remettre en cause la règle des 35 heures. En outre, si elle venait à s’appliquer, les femmes auraient des difficultés à concilier formation et vie familiale.

Que reste-t-il dans ces conditions du droit de l'agent ? Pas grand-chose. Surtout lorsque l'on constate que, même si l'employeur donne son accord, la formation sera largement restreinte.

Premièrement, le nombre d'heures de formation dans le cadre du DIF sera limité à vingt heures par an, cumulables sur six ans. C'est donc un droit à la formation au rabais qui est proposé. Si la représentation nationale valide cette durée, il serait souhaitable que la préparation aux concours soit au moins extraite du cadre du DIF. À défaut, avec une durée de formation aussi faible, l'acquisition de savoirs permettant l'évolution de grade sera rendue tout à fait impossible. En effet, la préparation aux examens nécessite parfois trois cents heures par an : on est donc loin des vingt heures !

Deuxièmement, selon le projet de loi, les frais de formation seront à la charge de l'autorité territoriale. Cette disposition déroge au principe de mutualisation que permet le financement de la formation par le CNFPT sur la base de la cotisation de 1 % versée par les collectivités. Le financement direct, tel qu’il est prévu par le texte, réservera le DIF aux grosses collectivités qui ont déjà un budget dédié à la formation, laissant les plus petites sur le bord de la route.

Il faudrait au contraire mettre en œuvre une certaine solidarité pour que cette formation puisse être organisée partout. Les députés communistes et républicains tiennent à réaffirmer ce principe de mutualisation dans le financement de la formation. C'est pourquoi il serait souhaitable que le Gouvernement s'engage à porter de 1 % à 1,5 % le taux de la cotisation versée par les collectivités au CNFPT. Bien sûr, pour cela, les collectivités devraient être davantage aidées financièrement par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Soisson. Il n’en est pas question !

Mme Muguette Jacquaint. Le second point de désaccord touche au rôle reservé au Centre national de la fonction publique territoriale.

Le projet de loi prévoit de recentrer la mission du CNFPT autour de la formation en lui retirant la charge d'organiser les concours d'accès aux catégories A et B. L'organisation de ces examens serait confiée aux centres de gestion, les concours de catégorie A + relevant seuls du CNFPT.

Cette volonté de décentraliser les concours est difficilement compréhensible. En effet, les centres interrégionaux de concours et les services centraux pour les concours fonctionnent aujourd'hui avec efficacité et régularité, assurant tous les ans l'organisation des concours sans contestation significative des résultats.

Pourquoi alors démanteler un dispositif qui fonctionne ? Pourquoi casser en particulier la relation intime entre formation et concours ? Je vois malheureusement ici un nouveau danger d'immixtion des employeurs. Confier les concours aux centres de gestion risque en effet de casser la neutralité du recrutement par le concours du fait que les employeurs, organisateurs du concours, seront également les recruteurs.

Comme nous l'avons vu pour la formation, c'est en quelque sorte une privatisation du recrutement qui risque de voir le jour, avec à la clé une dépendance clientéliste de l'agent vis-à-vis de l'autorité territoriale.

Dans cette nouvelle conception de la formation et des concours, les fonctionnaires territoriaux deviennent des agents d'une collectivité avant d'être des agents de la fonction publique territoriale. Une fois cette situation installée, la privatisation effective des services ne sera plus qu'une formalité.

Nos amendements tenteront de modifier le texte présenté pour imprimer une tout autre logique que celle qui est préconisée. Une dizaine de nos amendements sont déjà tombés sous le coup de l’article 40. Nous verrons bien quel sort sera réservé aux dix-sept autres. En l’absence d’améliorations, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui touche 2 millions de nos compatriotes. Les agents territoriaux qui travaillent aujourd'hui dans nos collectivités constituent la colonne vertébrale de l'administration de nos villes, de nos départements et de nos régions. Avec les élus que nous sommes, ils agissent au quotidien pour le bien-être de nos administrés, s'efforcent d'améliorer notre cadre de vie et de répondre à leurs attentes.

La gestion de leur carrière, leur formation continue et initiale se devait d'être modernisée, complétée, harmonisée, mieux encadrée et mieux organisée. C'est l'objet du présent texte.

Rappelons que la fonction publique territoriale, qui a été créée par la loi de 1984, a su faire preuve de son efficacité et de ses capacités d'évolution durant ces dernières années. En témoignent les cinquante-six modifications du titre III du statut général des fonctionnaires. Cette cinquante-septième modification s'inscrit dans un contexte où les collectivités locales doivent affronter de nouveaux défis tels que le renouvellement démographique, le développement de l’intercommunalité ou la relance de la décentralisation. Il était par conséquent indispensable d’en tenir compte.

Je vous remercie donc, messieurs les ministres, d'avoir soumis au Parlement un projet de loi destiné à favoriser cette évolution.

En premier lieu, je voudrais souligner l'importance pour l'avenir de la FPT des dispositions concernant la prise en compte d'une formation professionnelle tout au long de la vie ainsi que le rôle dévolu au CNFPT en matière de validation des acquis de l'expérience et de reconnaissance de l'expérience professionnelle.

En second lieu, le texte va dans le bon sens en ce qui concerne la clarification des compétences entre missions de gestion et de formation, et l’on ne peut que s’en réjouir.

Je me félicite également du transfert des concours, y compris ceux de catégorie A vers les centres de gestion et je souhaite qu’il concerne aussi le concours d'ingénieur.

En revanche, il est indispensable que la régulation du recrutement puisse s'effectuer de manière plus coordonnée.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, le projet de loi initial, qui faisait émerger une structure nationale, allait dans la bonne direction, même si la logique de transfert des concours pour les catégories A n'était pas poussée jusqu'à son terme. Le Sénat, quant à lui, avait aussi pris en compte la nécessité de faire émerger des missions exercées au niveau national. Le rapporteur nous a rappelé tout à l’heure que la commission des lois de notre assemblée a considéré qu’il était préférable de revenir au statu quo du fait des divergences d'appréciation sur l'utilité d'une structure nationale et sur la nature des missions à lui confier. Nous sommes un certain nombre sur tous les bancs à le regretter.

La séparation des missions de formation et de gestion ne peut se concevoir sans une architecture claire des structures de gestion, qui consacre le rôle des élus comme interlocuteurs des pouvoirs publics en matière de gestion des ressources humaines – statut, carrière, emploi – sans préjudice pour les missions du Conseil supérieur ni pour le CNFPT, qui facilite la prise en compte du principe de spécificité de la fonction publique territoriale sans mise en cause de la parité et du principe d'unité que requiert la gestion sur un plan institutionnel et procédural, et qui crée les conditions de l'efficience de la gestion. Ceci se fait en particulier par une mutualisation des moyens, une coordination satisfaisante des instances de gestion et une répartition des missions selon un principe clair de subsidiarité, seul à même de renforcer la gestion de proximité.

En ce qui me concerne, j'aurais souhaité l'émergence d'une structure nationale qui aurait assuré, pour la catégorie A, un pilotage du recrutement – nombre de postes, calendrier des concours – et un contrôle sur la nature des épreuves garantissant une égale admissibilité aux emplois publics et une comparabilité, gage de mobilité interfonction publique.

Cette instance aurait pu aussi mutualiser les moyens destinés à conforter l'action des centres de gestion dans l'intérêt du service public local et favoriser une égalité de moyens entre eux, quelle que soit leur taille.

Néanmoins, prenant acte de la difficulté d'aboutir à ce résultat, il m'apparaît au moins indispensable que l'action concertée de manière pragmatique par les centres de gestion soit confirmée par une coordination organisée par la loi.

En effet, une structure associative n'a pas qualité pour se substituer à un organe public commun intercentres de gestion et ne peut disposer de prérogatives de puissance publique.

C'est pourquoi je souhaiterais que l’action des centres de gestion soit mutualisée et confortée tout en évitant des coûts inutiles, que les concours de catégorie A soient rationalisés et confiés aux centres de gestion. Il faut aussi encourager et consacrer dans la loi une égalité de moyens entre ces centres de même que leur coordination.

Ainsi sera prolongée et pérennisée la coordination des centres de gestion afin d'assurer l'efficience du service public dont vous êtes les garants, messieurs les ministres, et vous l’avez prouvé ces derniers temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. « Enfin Malherbe vint ! » s’écriait le poète au milieu du xviie siècle.

M. Michel Piron, rapporteur. Bon début !

M. Bernard Derosier. « Enfin le Gouvernement s’intéresse à la fonction publique territoriale ! » diront peut-être les chroniqueurs de ce début du xxie siècle. Mais il le fait bien timidement.

Cette législature aura été caractérisée par une politique de l'affichage et de la reculade. Sur tous les sujets essentiels à la société et à l'État, la majorité aura manqué d'ambition, sinon d'idées.

M. Guy Geoffroy. Au contraire, elle a fait beaucoup de choses !

M. Bernard Derosier. Le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale ne décevra donc pas.

L'affiche était pourtant prometteuse : il s'agissait de donner à la décentralisation une fonction publique à sa mesure.

Quatre années, six ministres des collectivités locales et de la fonction publique et une douzaine de versions furent nécessaires pour rédiger un projet de loi relatif à la fonction publique territoriale.

Après tous ces épisodes, l'Assemblée nationale est enfin saisie de ce texte. Les quelque 1,7 million de fonctionnaires territoriaux et les 55 000 employeurs publics locaux n'y croyaient plus !

Mais comme, pour ce fameux acte II du gouvernement Raffarin, passée l'effervescence de la communication, la réalité est cruelle : le texte n'apportera que des changements limités.

Certes, il a repris des préconisations avancées par le Conseil supérieur dans son rapport « Réussir la mutation de la fonction publique territoriale vingt ans après sa création » et vous avez bien voulu y faire référence, monsieur Hortefeux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle celui-ci a donné un avis favorable, malgré les insuffisances relatives au financement des nouvelles missions des collectivités qui avaient été signalées.

Mais, depuis cette date, sont intervenues les observations du Conseil d'État, suivies des modifications apportées par le Sénat. Aussi, hormis le volet formation, ce texte ne compte plus aujourd'hui que des dispositions à la marge, isolées, qui sont autant de preuves d’un manque de cohérence d'ensemble.

Car, en matière de fonction publique, le Premier ministre et, avec lui, l'ensemble du Gouvernement, semblent beaucoup plus soucieux de donner des gages à une majorité qui, lorsqu'on lui parle d'agents publics, répond « suppression de postes », faisant rimer « fonctionnaires » avec « non-renouvellement des départs en retraite ».

M. Michel Piron, rapporteur. Pas du tout : vous n’avez pas bien compris !

M. Guy Geoffroy. Caricature !

M. Bernard Derosier. Pourtant, la modernisation de la fonction publique, qu'il s'agisse de l'État, du secteur hospitalier ou des collectivités territoriales, est un levier évident de la modernisation des services publics.

M. Michel Piron, rapporteur. Bien sûr !

M. Bernard Derosier. Et, dans le contexte actuel de transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales, le problème de l'évolution de la fonction publique territoriale se pose avec une nouvelle acuité.

L'évolution et la modernisation des services publics locaux nécessitent une véritable réforme. Il faut impérativement organiser en France de véritables états généraux de la fonction publique qui débouchent sur une réforme globale, menée conjointement par le Gouvernement, le Parlement et les collectivités territoriales.

Faute d'une vision globale sur la réforme, menée actuellement par voie réglementaire, et d'un bilan des effets sur la gestion des ressources humaines des collectivités des transferts de compétences opérés ces quatre dernières années, le Gouvernement demande aux parlementaires d'adopter ce texte dans l'obscurité.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout !

M. Bernard Derosier. Les objectifs d'une telle entreprise sont pourtant simples : il s'agit de garantir la stabilité du statut, la clarté des règles de gestion des ressources humaines et la mise en place de déroulements de carrière attractifs.

La gestion des ressources humaines comme le recrutement et la formation des agents publics sont donc les principaux axes de toute réflexion à ce sujet.

Je regrette que la grande loi de modernisation de l'ensemble de la fonction publique, annoncée depuis quatre ans par les ministres successifs, ait abouti à deux textes différents, l'un consacré à la modernisation de la fonction publique et l’autre à la seule fonction publique territoriale.

En définitive, ce texte comporte des mesures attendues mais aussi des sujets d'inquiétude pour l'avenir.

Son apport le plus innovant porte sur la formation professionnelle avec la reconnaissance de l'expérience professionnelle, la validation des acquis de l’expérience et l’institution d’un droit individuel à la formation. Mais, à l'heure de la relève de la génération de la fin des années 60 et alors que la mise en œuvre de politiques pertinentes de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences est plus que jamais nécessaire, les réformes proposées par ce texte en matière de rationalisation de la gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales demeurent timides.


Le dispositif introduisant le droit individuel à la formation pour l’ensemble des agents territoriaux est intéressant, mais ce droit, créé par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social pour les salariés du secteur privé, est pour ainsi dire resté lettre morte puisque 3 % seulement des salariés ont fait une demande de DIF en 2005.

Quel est au demeurant l'intérêt de telles dispositions si rien dans le projet de loi ne donne aux collectivités territoriales de véritables moyens pour disposer d'agents formés, qualifiés, et anticiper l'évolution des différents métiers ?

Par ailleurs, les possibilités données aux agents publics pour accéder à la formation sont réduites. En effet, le financement des nouvelles mesures n'est toujours pas assuré et la réduction des fonds du « 1 % formation » alloués au Centre national de la fonction publique territoriale limitera la diversification des formations assurées par cet organisme. Cela aura pour conséquence d'imposer aux collectivités territoriales de recourir plus qu'hier aux services d'organismes privés. Les communes en auront-elles les moyens ? Tous les agents seront-ils égaux devant la formation professionnelle, qu’ils travaillent dans une collectivité riche ou dans une petite commune dotée de faibles moyens ?

Dans ces conditions, je ne peux que m'interroger sur la volonté de modernisation de la fonction publique territoriale. Il me semble que le projet global fait plutôt preuve d'immobilisme et manque son rendez-vous tant annoncé avec les préoccupations et les besoins des administrations.

Au-delà des mesures relatives à la formation des agents territoriaux, ce texte ne répond pas à toutes les préoccupations qui sont exprimées depuis des années au sein de la fonction publique territoriale. L'autre point fort de ce texte aurait dû être la rationalisation de la gestion des ressources humaines des collectivités locales. Or, dans ce domaine, la volonté réformatrice est bien timide. De fait, cette loi ne favorisera pas la mutualisation des moyens entre les collectivités, elle risque même d'affaiblir celles pour lesquelles la gestion des ressources humaines est la plus problématique, je pense en particulier aux communes, notamment les plus petites.

Je souhaite que la majorité et le Gouvernement reviennent sur la suppression du Centre national de coordination des centres de gestion. Le Sénat n'a pas été convaincu de la nécessité de créer ce nouvel établissement public national, dont il redoute le coût. Mais quelle serait la légitimité d'un centre de gestion pour coordonner l'ensemble des autres ? Messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat ne détient pas la vérité ; l’Assemblée nationale non plus, mais elle fait la loi. Nous avons donc un rendez-vous important qu’il ne faut pas manquer.

Enfin, au regard des attentes des agents, le projet de loi n’est pas satisfaisant non plus. L’accord social signé en janvier dernier comportait certes des dispositions intéressantes, mais celles-ci trouvent plus facilement leur application dans la fonction publique d'État que dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. En matière d'action sociale, il est urgent et essentiel que le Gouvernement insuffle une véritable dynamique de négociation, qui aboutisse à des positions claires, capables d'être transcrites rapidement.

C'est pourquoi je tiens à dire mon regret de ne pas trouver dans ce texte ni dans les amendements que le Gouvernement a déposés cet après-midi – et contrairement à ses engagements – des dispositions permettant d'instaurer un socle minimum d'action sociale dans la fonction publique territoriale, dont, à ce jour, plus de 300 000 agents sont exclus. Une telle inégalité de traitement est à mes yeux contraire au principe d'égalité et à celui d'unité de la fonction publique territoriale, de même qu'une différence de régime juridique quant au champ de l'action sociale entre agents de l'État et personnels territoriaux contrevient au principe de comparabilité. Je vous rappelle, messieurs les ministres, mes chers collègues, que c’est à l’unanimité des deux collèges, employeurs et salariés toutes tendances confondues, que le Conseil supérieur de la fonction publique a demandé que soit reconnu le droit à l’action sociale. L’Association des maires de France, directement concernée, est favorable à ce qu’il soit introduit dans la loi.

On m’objecte aujourd’hui le coût de cette mesure pour les communes et M. le ministre délégué, drapé dans une sorte de fausse pudeur, s’est effrayé des nouvelles dépenses qui seraient imposées aux collectivités. Vous ne faites pas preuve de la même délicatesse pour infliger la charge du RMI aux départements auxquels il manquait 840 millions d’euros en 2005.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Bernard Derosier. N’avancez donc pas ce genre d’argument !

Je crois avoir démontré qu’il est urgent d'adopter une stratégie cohérente en matière de fonction publique territoriale. Il y va de la qualité du service public et les enjeux de demain pour les collectivités territoriales sont considérables. Il faut que le Gouvernement respecte les engagements qu'il a pris devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale – à l'issue d'un dialogue social approfondi, constructif et de qualité – afin de garantir aux acteurs locaux une fonction publique territoriale à la hauteur de la qualité du service public que méritent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’analyserai le projet de loi sur la fonction publique territoriale que nous abordons aujourd'hui sous l'angle des ressources humaines car les fonctions publiques représentent pour moi autre chose que des postes : ce sont des hommes mis en capacité d’agir dans une époque donnée. Or le texte peut à mon sens changer radicalement la gestion des agents de nos collectivités.

Sans établir de parallèle avec le projet relatif à la modernisation de la fonction publique d'État, je me réjouis qu'un même esprit les anime : il s’agit de privilégier la dimension sociale et humaine pour prendre en compte les données nouvelles que constituent le défi démographique, les évolutions technologiques qui modifient les métiers et les compétences requises, et, ce qui est essentiel, les besoins nouveaux de nos concitoyens. On ne gère pas une collectivité en 2006 comme on le faisait dans les années cinquante.

Je me réjouis également des deux objectifs importants que le texte se fixe : d’une part, ouvrir la fonction publique territoriale à de nouveaux talents car les collectivités territoriales ont besoin de diversité, et, d’autre part, rendre les parcours professionnels en leur sein attractifs pour tous les agents.

C'est une attente ancienne des élus locaux et elle est légitime dans notre société en perpétuelle mutation. Il est normal que nos structures publiques adaptent leurs méthodes de travail. Que la fonction publique territoriale soit plus proche de la société profite à la démocratie tout autant qu’à l'efficacité. Elle peut, je le sais, faire siennes les valeurs et les pratiques de la société civile telles que le contrat, la responsabilité, le sens du coût et du temps. Aujourd'hui, on le voit bien, il faut renoncer à l'idée que tout s'administre et cesser de considérer les hommes et les entreprises comme des sujets passifs se pliant à des mesures décidées en dehors d'eux. Ces changements valent aussi bien pour les élus que pour les administrations qui conduisent l’action de terrain.

Le besoin de transparence, de vision à moyen terme des agents des collectivités pour leur carrière doit être pris en compte pour mieux définir les postes, mieux évaluer et valoriser les compétences, clarifier et préciser les règles de gestion et de promotion. C'est à cette condition que les femmes et les hommes pourront se mobiliser autour de valeurs partagées nécessaires à la bonne marche des services publics.

Cela me conduit tout naturellement à affirmer avec quelque force qu’une formation permanente réellement adaptée aux réalités des métiers, à la diversité des professionnalismes et aux aspirations des agents ne pourra se mettre en place sans une véritable gestion des ressources humaines qui garantisse la valorisation individuelle, les perspectives de carrière, les promotions internes. Lors nos discussions sur la fonction publique d’État en juin dernier – si ma mémoire est bonne – nous avions insisté sur la nécessité, pour réussir la modernisation de la fonction publique, d’introduire aussi des groupes de ressources humaines dans les services de l’État.

Le texte inscrit dans la loi la prise en compte de l’expérience professionnelle, la validation des acquis de l’expérience, la formation tout au long de la vie, le droit individuel à la formation, toutes choses qui ne sont pas nouvelles. Il s’agit d’instruments qui sont utilisés dans le secteur privé et je ne vois pas pourquoi, alors qu’ils ont fait leurs preuves, ils ne serviraient pas dans nos fonctions publiques. Il est d’autant plus important de saisir cette chance pour rénover l'image de l’administration territoriale, pour en faire un outil efficace et dynamique, que l’acte II de la décentralisation a changé la donne en transférant aux collectivités des compétences dans des domaines techniques et complexes.

Pour conclure, je reviendrai brièvement sur des thèmes qui nous tiennent à cœur.

Nous voulons vous convaincre de la nécessité d’accroître la mobilité au sein de la fonction publique territoriale ainsi qu'entre les fonctions publiques. Elle reste peu importante dans la fonction publique territoriale. L'intérêt de notre discussion n'est-il pas de faire peu à peu se rapprocher les règles de gestion des ressources humaines des collectivités, quelle que soit leur taille ? J'entends bien l’argument selon lequel les moyens sont différents et qu’il faut préserver la liberté des élus employeurs. Mais je crois, comme M. Bénisti, qu’il faut rechercher les moyens d’assurer une égalité de traitement dans le recrutement de tous les agents et dans le déroulement de leur carrière. Il faut garder à l’esprit qu’ils vont bouger d’une collectivité à l’autre. Le lieu de recensement des bonnes pratiques et d’harmonisation des règles sera-t-il la conférence régionale pour l’emploi public ou le Centre national de coordination des centres de gestion ? Ce point devra être clarifié au cours du débat.

Nous voulons par ailleurs des dispositifs de recrutement plus adaptés, qui tiennent compte de l'expérience professionnelle et de la validation des acquis. Comment aménager en conséquence les épreuves des concours de recrutement ?

Notre rapporteur, M. Piron, a évoqué les plans de formation. Ils sont obligatoires pour les collectivités ayant plus de 300 agents. Mais comment inciter, sur la base du volontariat, les collectivités en dessous du seuil à adopter de tels plans pour à la fois favoriser la mobilité et assurer une égalité de traitement en évitant que certains agents ne soient privés du bénéfice réel du droit à la formation ?

La mise en place de plans de formation comme mode de gestion des ressources humaines suppose l'investissement et la responsabilité de l'encadrement dans la gestion prévisionnelle des compétences. Pour juger de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle, l'entretien annuel d'évaluation ne devrait-il pas être rendu obligatoire ?

Je voudrais enfin vous interroger, messieurs les ministres, sur le rééquilibrage des compétences entre le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion. Vous annonciez une simplification mais, dans le même temps – et c’est un travers bien français –, vous aviez ajouté une strate supplémentaire en créant un Centre national de coordination des centres de gestion.

Je me sens sur ce point proche de mes collègues du Sénat et comprends que l’architecture originale que vous avez évoquée peut être une façon de suivre leur décision visant à éviter un nouvel empilement de strates. Cessons d’en créer de nouvelles : elles sont potentiellement coûteuses.

Enfin, à lire le projet de loi, chacun peut s’apercevoir que la réglementation à prévoir sera énorme : du reste, vous nous avez parlé, monsieur le ministre, de « chantier réglementaire ». Pouvez-vous, dans le cadre de cette discussion, nous donner des informations sur l’état d’avancement des décrets, élaborés avec les associations représentant les collectivités locales, et sur le délai dans lequel ils seront pris ?

Certains de mes collègues ont évoqué des points mineurs du texte. L’essentiel, me semble-t-il, est que nous ayons tous à cœur de ne pas faire de la fonction publique territoriale la variable d'ajustement de la nouvelle étape de la décentralisation. À mes yeux, elle est au contraire une sorte d'avant-garde, tant par la qualité de ses agents que par sa proximité avec les Français.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne jugerai pas le projet de loi avec la sévérité dont a fait preuve Bernard Derosier : il constitue en effet un pas réel et attendu dans l’amélioration du fonctionnement global de la fonction publique territoriale, ce qui est important au moment où nous assistons, dans le pays, à l’élaboration aussi solide qu’efficace de la deuxième phase du processus de décentralisation. C’est pourquoi, peu après que la révision constitutionnelle a inscrit dans notre loi fondamentale que notre république, tout en demeurant une et indivisible, est désormais marquée du sceau d’une organisation décentralisée, il n’est peut-être pas inutile de s’interroger sur le sort réservé à nos collectivités territoriales et sur le travail qu’elles fournissent, en vue d’apporter, à l’un comme à l’autre, des améliorations.

Du reste, nombreux sont, dans cet hémicycle, les parlementaires qui ont noté la très grande qualité du travail de concertation qui a été conduit par le Gouvernement – les membres du groupe de l’UMP sont unanimes à l’avoir reconnu sans que les orateurs de l’opposition les aient contredits sur ce point. La qualité de ce texte tient donc beaucoup à ce travail effectué en amont, qui a permis à chacun d’être entendu et écouté afin que tout ce qui pouvait et devait être proposé dans le cadre du projet de loi le soit.

C’est de bon augure pour la suite, au moment où le Président de la République, salué de manière quasi unanime, a insisté sur la nécessaire amélioration, partout en France, de la concertation et du dialogue social, et sur le fait qu’ils devront désormais être encouragés comme éléments fondateurs de toute réforme relative aux droits sociaux et à l’organisation du droit du travail.

M. Jean-Pierre Dufau. Le CPE, par exemple !

M. Guy Geoffroy. Ce texte, messieurs les ministres, est important, vous l’avez souligné. Comme notre rapporteur l’a rappelé de manière exemplaire, il contient des avancées que j’évoquerai brièvement, mais non sans avoir, auparavant, exprimé la gratitude de la nation envers tous les agents des collectivités territoriales.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes nombreux ici, comme au Sénat, à exercer des fonctions au plan local : nous pouvons donc mesurer, jour après jour, combien notre travail de proximité et l’exercice de nos importantes responsabilités à l’égard de nos concitoyens, que ce soit dans les communes, les groupements de communes, les départements ou les régions, ne pourraient être pleinement assumés si les agents de la fonction publique territoriale ne nous accompagnaient pas de manière structurée, efficace et intelligente, assurant à notre action un cadre juridique protégé. Préparer les décisions, les mettre en forme et les exécuter : voilà en effet ce que nous attendons d’eux, à quelque filière ou à quelque grade qu’ils appartiennent. C’est pourquoi nous devons aujourd'hui souligner notre satisfaction de représentants du peuple devant la façon dont toutes celles et tous ceux qui nous accompagnent servent notre action quotidienne.

Raison de plus pour entreprendre, au travers du projet de loi, les clarifications et les améliorations nécessaires. En dépit de tout ce qui restera à faire, le projet de loi nous permettra de procéder à des aménagements précieux.

Du reste, le dialogue entre collègues a déjà permis de montrer combien il était important de clarifier, en les aménageant, les responsabilités respectives du Centre national de la fonction publique territoriale et des centres de gestion. Le dispositif issu de nos travaux sera équilibré puisque, tout en étant conforme à ce qui était demandé par certains, il n’ira pas trop loin – ce que d’autres craignaient. La porte était étroite : que notre rapporteur soit remercié d’avoir su en éclairer l’accès.

Autre sujet de satisfaction : la fonction publique territoriale pourra, demain, sur le terrain, s’enrichir plus encore qu’elle ne l’a fait jusqu’à maintenant du recrutement d’hommes et de femmes dont l’expérience sera mieux prise en compte, leur travail, antérieurement réalisé dans nos collectivités en qualité d’auxiliaire ou de vacataire ou dans le secteur privé, leur permettant de bénéficier de conditions de préparation et d’obtention des concours qui seront adaptées, sans être au rabais. Leurs talents seront ainsi plus rapidement utilisés par nos collectivités, et à un coût moindre – les économies réalisées pouvant être consacrées à un autre poste. Le service public des collectivités territoriales n’en sera que mieux assuré.

Messieurs les ministres, je tiens d’autant plus à insister sur la nécessité de consolider ce texte de loi par les décrets d’application que certains des amendements proposés n’ont pas été retenus par la commission et ne le seront certainement pas par notre assemblée en raison de leur caractère réglementaire. Il en est ainsi des amendements que je souhaitais déposer en vue de mettre en valeur le travail d’encadrement au sein des collectivités. Il serait notamment utile que le Gouvernement apporte des réponses aux légitimes aspirations des directeurs généraux de services des collectivités : leur place doit être mieux reconnue, c’est une question de justice. Nous savons, du reste, pouvoir compter sur votre disponibilité pour que les textes réglementaires reprennent les dispositions attendues en la matière : elles sont nécessaires.

Le projet de loi, assurément, n’épuise pas le sujet et, je le répète, les textes réglementaires l’amélioreront encore. Toutefois, il permet de faire un pas important vers un équilibre mieux assumé avec la fonction publique d’État. Il s’éloigne de plus en plus le temps où l’on considérait qu’il existait une fonction publique – d’État – et une sous-fonction publique – des collectivités locales. Les acteurs locaux ont fait depuis longtemps la démonstration qu’il n’en était rien : grâce à ce texte, des chances supplémentaires de reconnaissance et d’efficacité leur seront données.

Pour toutes ces raisons, qui assurent au texte son caractère opérationnel, je suis de ceux qui, après l’avoir soutenu avec détermination, le voteront. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je décline mon identité : député, bien sûr, mais également, en cet instant, maire, depuis trente ans, d’une petite ville de France en milieu rural et secrétaire national de l’Association des petites villes de France, laquelle regroupe, dans leur diversité, les communes de 3 000 à 20 000 habitants.

Ma contribution sera donc partiale et je vous prie de bien vouloir excuser ce syndicalisme territorial. Mais dois-je vous rappeler qu’un tiers des Français vivent dans ces localités-là ?

Je ferai quatre remarques.

Il me faut tout d’abord vous remercier : nous avons tant attendu, alors même que M. Delevoye, déjà, nous avait invités à une telle rénovation. Certes, le présent texte ne révolutionne pas la fonction publique territoriale, mais il fait bouger les lignes, sans être évidemment à la hauteur de l’ambition décentralisatrice esquissée depuis vingt-cinq ans et sans construire encore le corpus des ressources humaines nécessaires à la puissance publique territoriale décentralisée. Toutefois, ses mérites sont évidents : ne les taisons pas !

Il présente néanmoins une faiblesse, dans le périmètre que vous lui avez assigné, ou plutôt il souffre d’une omission ou d’un déficit : l’incapacité pour certaines collectivités territoriales de s’adosser à ce projet en vue de mener une action sociale validée et indiscutable au profit de leurs 300 000 collaborateurs.

C’est pourquoi, messieurs les ministres, une nouvelle fois et conformément aux vœux des associations représentatives des employeurs et des organisations syndicales concernées, nous vous demandons d’introduire le volet social pour tous, car son absence pénaliserait non seulement 300 000 fonctionnaires territoriaux, mais également et surtout les territoires ruraux eux-mêmes, car des collectivités aisées ou d’autres fonctions publiques – confrontées demain à des problèmes de recrutement – feront valoir tous leurs atouts, notamment l’action sociale, au détriment des collectivités empêchées. Veillons à ne pas accélérer l’exode des employés territoriaux et à ne pas fragiliser les pays ruraux engagés, de gré ou de force, dans la compétition territoriale.

En deuxième lieu, je tiens à souligner, sur un point précis, ma satisfaction, sous réserve, toutefois, de l’excellence des décrets d’application : la collectivité territoriale accueillant un jeune titulaire devra enfin verser à la collectivité d’origine une indemnité au titre de la rémunération prévue pour l’agent durant le temps de formation et, le cas échéant, le coût de la formation complémentaire suivie par l’agent. C’est justice, car si nous sommes fiers d’être un vivier de formation – c’est aussi notre vocation –, il était injuste, voire indécent, d’assister à la multiplication des mutations au bénéfice de collectivités parfois peu scrupuleuses, et toujours gagnantes, alors même qu’elles sont plus riches.

Troisième remarque : l’article 28 ter, qui permettra de modifier, à la hausse ou à la baisse, le nombre d’heures de service hebdomadaire afférent à un emploi permanent à temps non complet dans la limite de 10 %, est une bonne initiative qui laisse toutefois un goût d’inachevé. J’accepte cette nouvelle donne, mais je souhaite, au travers d’un exemple, vous montrer que ce chantier mérite encore quelques aménagements.

Considérez, messieurs les ministres, une école de musique dans une petite ville en milieu rural de 7 200 habitants : ce sont 300 élèves pour quinze disciplines. Qui peut garantir la stabilité de l’effectif, notamment par instrument enseigné, alors que les écarts observés à chaque rentrée sont toujours déconcertants et parfois bien supérieurs aux 10 % à la baisse ou à la hausse autorisés par le projet de loi ?

Sans une plus grande souplesse, on verra tantôt fleurir des écoles associatives, parfois d’une manière hypocrite – malgré les textes que nous votons ici, nous créons dans nos communes ces écoles associatives pour ne pas être gênés par les contraintes –, tantôt se multiplier le recours aux contractuels. J’assume cette demande de flexibilité dès lors qu’il s’agit de sauvegarder les services publics dans les petites villes car le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Je termine pour en appeler à une nouvelle donne. Il nous faudra bien vite valider d’autres références que les seules données démographiques pour assumer la diversité des collectivités locales afin, par exemple, de rythmer les autorisations de postes car, au fil des ans, l’influence de l’intercommunalité et de l’environnement territorial s’accroît.

Ainsi, avec le même nombre d’habitants, une petite ville en milieu rural ou en périphérie d’une métropole régionale, une ville centre d’un pays rural ou une ville totalement intégrée à une intercommunalité d’agglomération n’ont pas les mêmes besoins, pas les mêmes obligations, pas les mêmes atouts en personnels. Demain, il faudra donc conjuguer la taille des collectivités avec d’autres éléments révélateurs de leurs activités. Il s’agira peut-être d’éléments budgétaires, ou d’autres qu’il faudra inventer. Il faut donc admettre dès aujourd’hui une certaine souplesse d’appréciation.

En conclusion, ce texte constitue une base qui ne justifie ni anathème ni émerveillement, et nous devons l’apprécier in fine à l’aune des précisions que vous apporterez pendant le débat et des amendements qui seront examinés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Piron, rapporteur. Très bien ! Je peux même applaudir à cette objectivité !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’un des principaux objectifs de ce projet est d'adapter la fonction publique territoriale à l'acte II de la décentralisation. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a accru le champ des compétences des collectivités territoriales et, par là même, les missions de leurs agents. Elle a aussi prévu un transfert massif des effectifs de l'État vers les régions et les départements. Les plus concernés sont les personnels techniciens, ouvriers et de service : les TOS.

Deux années ont passé. Les articles organisant ce transfert sont entrés en vigueur, mais la détermination pour refuser le transfert des TOS est intacte, particulièrement à la Réunion. Ainsi, sur les quelque 1 300 TOS exerçant dans l'île, un seul a fait valoir son droit d'option pour intégrer la fonction publique territoriale, en l'occurrence le conseil général. De plus, à ce jour, aucune demande de détachement de longue durée n'a été enregistrée. Prévisible, cette situation s’inscrit dans la logique des nombreuses manifestations qui ont scandé le processus d'adoption de cette réforme.

Le projet d'appliquer cette mesure à la Réunion de façon mécanique avait suscité l'opposition unanime de la communauté scolaire, des syndicats, des élus. J'avais eu l'occasion, ici même, d'attirer l'attention sur les conséquences désastreuses d'un tel transfert dans le contexte d’une démographie scolaire dynamique. Le Conseil constitutionnel avait, pour sa part, souligné « l'indiscutable singularité de la Réunion » dont l'académie est la moins dotée de France en personnels TOS. Personne ne conteste que la mise en œuvre de cette réforme sans rattrapage préalable risque de peser lourdement sur les capacités d'investissement des collectivités territoriales de la Réunion.

Face à une telle convergence, l'esprit de la décentralisation et la sagesse commandent de reconsidérer le champ d'application de cette mesure et d'exclure du transfert les personnels TOS exerçant à la Réunion. Une difficulté vient par ailleurs de survenir : le transfert remet totalement en cause le droit de mutation de ces personnels. Il ne leur est plus possible d'envisager la moindre mutation, ne serait-ce que d'un établissement à un autre.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, ce projet a « connu une trop longue gestation ». Il est vrai qu'il n'aura pas fallu moins de quatre années, une impressionnante succession d'études et de groupes de travail, trois ministres de la fonction publique, quatre ministres chargés des collectivités territoriales et onze versions avant d'aboutir au présent texte.

M. Michel Piron, rapporteur. Il fallait tout cela !

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est le résultat de la concertation.

Mme Huguette Bello. Beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, mais pas une minute consacrée à une question vieille de plusieurs décennies et qui concerne des milliers de salariés. Je parle, bien sûr, des employés communaux non titulaires de la Réunion, qui représentent près de 80 % des effectifs des communes. Bien des raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation inédite dans l'administration française : capacités financières insuffisantes des communes, rémunérations indexées, chômage massif, clientélisme, paix sociale. Plusieurs dispositifs juridiques ont été imaginés pour sortir de la précarité qui caractérise la situation de ces personnels permanents, mais sans statut et souvent sans contrat.

La dernière solution proposée par le Gouvernement découle d’une directive européenne transposée en 2005 à la fonction publique. Il s'agit de proposer aux personnels non titulaires de conclure des contrats à durée indéterminée. Certes, cette innovation statutaire de la fonction publique apporte une garantie juridique au contrat, mais il apparaît que cette formule ne résoudrait en rien la précarité. En effet, les agents non titulaires se verraient proposer un CDD de trois ans renouvelable une fois, avec, au terme de ces six années, un éventuel CDI. En outre, ce CDI est réservé aux seuls employés sous contrat, lesquels ne représentent pas la majorité des non titulaires de la Réunion.

Par ailleurs, il est à craindre que l'application de ce nouveau contrat ne vienne remettre en cause un processus engagé depuis plusieurs années, qui vise à mettre progressivement fin aux inégalités dans la fonction publique territoriale. En effet, en 1998, l'intersyndicale des personnels territoriaux et les maires de la Réunion ont conclu un protocole d'accord qui prévoit l'intégration des non titulaires. Appliquée par la majorité des maires, cette formule médiane entre la titularisation et le non-droit est assortie d'un salaire aligné sur la grille de la fonction publique métropolitaine, mais aussi de la prise en compte de l'ancienneté, des perspectives de déroulement de carrière, ou encore du supplément familial. Autant d'acquis qui ne se retrouveraient pas dans le nouveau CDI. La crainte de voir ce CDI entraver leur intégration est donc partagée par l'ensemble des personnels concernés et par tous les acteurs qui se sont engagés dans un processus long et coûteux pour résorber la précarité au sein des communes de la Réunion.

J’espère, messieurs les ministres, mes chers collègues, que vous prendrez en compte toutes ces remarques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Monsieur le président, messieurs les ministres, nous entendons trop souvent dire qu’il y a trop de lois. De plus, dans le champ législatif, on cultive la complexité. Un sérieux besoin de simplification et de lisibilité s’impose. Or, si le présent texte constitue bien un texte de plus, je rejoins M. Bénisti pour affirmer qu’il va dans le bon sens : clarification, meilleure lisibilité et solutions pragmatiques guident ce projet.

Cette approche qui allie simplification et efficacité est non seulement un point fort mais aussi, certainement, un exemple à suivre. Dans la fonction publique territoriale, notre système de gestion des ressources humaines a besoin de plus de souplesse, de mieux prendre en compte le déroulement des carrières des agents et d’assurer des passerelles entre les métiers, entre les différents secteurs.

En effet, empreint de rigidité, souvent sclérosé, le système actuel pénalise trop fréquemment à la fois les agents et les collectivités territoriales. Dans une société en mouvement dans de nombreux domaines, le déroulement de carrière se heurte à des rigidités que l’on suppose protectrices pour l’agent, mais qui se révèlent souvent un obstacle au bon déroulement des parcours individuels. Dans un contexte où la formation s’est améliorée et où la gestion des ressources humaines s’est assouplie, vous proposez de reconnaître l’effort entrepris par les collectivités en matière de formation pour leurs agents et le bénéfice qu’elles sont en droit d’en attendre.

En cas de départ rapide ou de mutation, – M. le rapporteur l’a bien dit –, il est légitime que la collectivité accueillante indemnise celle qui a participé, grâce à son budget, à la prise en charge de cette formation.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Gérard Menuel. Nous connaissons tous, dans nos collectivités des agents territoriaux de catégorie C ou A, du technicien en informatique au responsable de la communication, du policier municipal au directeur général des services, qui partent – et ils sont de plus en plus nombreux – quelques semaines ou quelques mois après avoir capitalisé des modules importants de formation. L’indemnisation par la collectivité accueillante est donc l’un des principes les plus logiques du présent projet, tout comme la nécessité de clarifier le rôle des institutions chargées de valider les acquis des agents territoriaux. Certes, en matière d’organisation des concours, par exemple, tout ce qui peut découler d’un bon fonctionnement interne de nos institutions ne sera pas prévu par la loi.

En France, les collectivités locales jouent un rôle économique et social majeur et l’on assiste aujourd’hui à l’accroissement réel de leurs domaines de compétences, le mouvement de décentralisation visant à renforcer cette tendance. Or, parmi les 36 780 communes, certaines sont petites, voire très petites et, autour du maire, du conseiller municipal, elles ne peuvent offrir une palette de services importants, on comprend aisément pourquoi. Ces communes rurales disposent bien souvent, en guise de services, d’une ou deux personnes, et restent dépourvues de logistique administrative, sans compter qu’elles doivent assumer un rôle social souvent décourageant.

Avec cent vingt de mes collègues, j’ai déposé une proposition de loi dans l’esprit du présent projet. La commission des lois en a retenu le dispositif tendant à créer – sur le modèle du chèque emploi associatif, lui-même inspiré du chèque emploi service – un titre emploi collectivités, limité aux problèmes ponctuels, qu’il s’agisse d’absences passagères ou de besoins imprévus. Je défendrai ce principe simplificateur dans le seul souci d’alléger les contraintes administratives des maires des petites communes, trop souvent bien seules pour répondre sur le champ aux besoins occasionnels. Dans ces très petites communes de moins de mille habitants, les maires – et ils l’affirment – sont soumis à une contrainte administrative excessive, source de découragement, voire de renoncement pour eux. Voilà donc l’occasion de leur adresser un message où nous prendrions en compte leurs difficultés au quotidien.

Pour conclure, messieurs les ministres, la méthode que vous avez employée, à défaut d’être unique, est la bonne, puisque fondée sur une concertation approfondie en amont avec l’ensemble des partenaires concernés, et aussi, nous l’espérons, sur la prise en compte du travail parlementaire pour enrichir ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il était temps que le Gouvernement et le législateur se penchent sur la fonction publique territoriale. La décentralisation, le développement de l'intercommunalité et l'évolution des politiques publiques locales rendent nécessaires son évolution et son adaptation.

Aujourd’hui, 85 % des Français vivent dans le cadre d'une structure intercommunale, la plupart des politiques publiques nationales sont désormais directement assumées par une des collectivités et 1 700 000 fonctionnaires et agents territoriaux accompagnent leurs concitoyens dans la vie quotidienne.

Il fallait donc que l'adaptation des structures et des moyens suive cette évolution. Depuis quelques années, le monde local ne change pas seul, celui de la formation aussi : la loi de 2004 sur la formation tout au long de la vie donne une impulsion nouvelle à la formation professionnelle, qui a vocation à être adaptée à la fonction publique territoriale comme elle l'a été, récemment, à la fonction publique d'État. Ce texte répond donc à une nécessité et l'on peut s'étonner qu'il ait fallu quatre ans pour qu'il soit enfin soumis à l'Assemblée nationale.

Au total, nous devons nous réjouir qu’il ait pu être examiné au cours de cette législature, car oublier la fonction publique territoriale eût constitué une grave injustice et un signe que le Gouvernement ne tirait pas les conséquences de la décentralisation et du développement continu du service public local depuis plus de vingt ans.

Le projet comporte de réelles avancées sur de nombreux sujets et place la fonction publique territoriale au niveau des autres fonctions publiques. Les principales améliorations concernent la modernisation de la formation professionnelle et, à cet égard, il est heureux que le premier chapitre lui soit entièrement consacré, privilégiant ainsi les agents et leur formation. De même, l'instauration d'une formation initiale obligatoire pour les agents de catégorie C vient corriger une injustice importante dans un pays où les plus diplômés sont paradoxalement les premiers bénéficiaires de la formation continue. Comme on dit chez moi : « Il pleut toujours là où c’est déjà humide. »

M. Michel Piron, rapporteur. Belle expression !

M. Simon Renucci. La fonction publique territoriale, avec près de 80 % d'agents de catégorie C, devra se montrer innovante pour rendre cette formation attractive.

Enfin, la réactualisation du plan de formation devrait redonner à la négociation locale une dimension nouvelle. La formation sera en effet, si les partenaires sociaux le veulent et savent s'en emparer, le sujet central du dialogue social, de telle sorte que la concertation pourra se construire autour de vrais enjeux de ressources humaines.

La formation sera bien le levier du développement économique et social sur lequel les collectivités doivent fonder leur évolution.

Néanmoins, ce texte demeure inachevé et ne donne pas satisfaction sur des sujets importants. Il y avait là l’occasion d’une modernisation complète et cohérente de l’architecture institutionnelle de la fonction publique territoriale. Cette occasion, messieurs les ministres, vous ne l’avez pas saisie.

Peut-on faire du neuf avec du vieux ? Peut-on concevoir des politiques de l’emploi avec des centres départementaux de gestion alors que ces politiques sont régionales dans le secteur privé et dans bien d’autres domaines ? Pourquoi n’a-t-on pas imposé, dans un souci de rationalisation et d’économie, une régionalisation effective des centres de gestion ?

Dans le texte qui nous est proposé, l’articulation entre le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion n’est pas pensée, alors que la région s’impose aujourd’hui comme le territoire pertinent pour l’emploi et la formation. Sur la base et dans le respect des institutions existantes, la cohérence et l’efficacité exigent que l’on envisage une agence régionale de la fonction publique territoriale à même de coordonner globalement les actions de recrutement, de formation et de mobilité.

Au demeurant, vous avez vous-même enfreint – peut-être involontairement – le principe de séparation entre ces deux institutions et de clarification de leurs missions : en effet, les centres de gestion auront un rôle dans l’élaboration des plans de formation, tandis que le CNFPT continuera à organiser certains concours.

De ce fait, la notion d’agence régionale demeure une solution alternative, déjà élaborée au sein du conseil d’administration du CNFPT et proposée à une étape antérieure de la consultation. Elle ne créerait aucune charge financière supplémentaire. Il s’agit avant tout de donner aux structures de gestion et de formation les moyens et les outils d’une coopération concrète et de déterminer les périmètres d’intervention ainsi que leur articulation.

Dans l’immédiat, je propose d’adopter une charte de coopération qui permette une expérimentation préfigurant ce que seraient des agences régionales de la fonction publique territoriale. Un travail en commun, notamment sur les plans de formation des collectivités, en serait une amorce concrète.

C’est dans cet esprit que je soutiendrai un amendement définissant une charte de coopération entre les délégations régionales du CNFPT et les centres de gestion de leur région. De telles coopérations existent déjà. Une charte permettrait de les faciliter et de les multiplier. Alors que votre projet manque d’ambition et de réalisme quant à son financement, les économies d’échelle réalisées grâce à la coopération régionale que je vous propose amélioreraient, j’en suis sûr, la qualité du service public.

Au total, ce projet nous laisse sur notre faim. Il fallait prendre pleinement en compte les grandes avancées de ces dernières années et leurs conséquences en matière de financements et de ressources humaines. Je pense en particulier au droit individuel à la formation, dont le coût aurait dû être anticipé pour ne pas peser sur les formations obligatoires assurées par le CNFPT.

Pour toutes ces raisons, une nouvelle étape sera donc nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme beaucoup d’orateurs l’ont rappelé, ce texte était rendu nécessaire par plusieurs phénomènes qui ont profondément modifié le périmètre des compétences des collectivités locales et, par voie de conséquence, le travail des agents chargés d’en assurer l’exercice. Il s’agit principalement, d’une part, du renforcement de l’intercommunalité et, d’autre part, des nombreux transferts de compétences réalisés dans le cadre de la deuxième phase de la décentralisation.

À ces évolutions politico-administratives s’ajoute une problématique démographique : l’enjeu est d’attirer de nouveaux personnels vers la fonction publique territoriale afin de combler les nombreux départs en retraite attendus.

Force est de constater, messieurs les ministres, que vous avez apporté une réponse adaptée à ces défis, une réponse à la fois équilibrée et pragmatique.

Si je me permets, à l’instar de certains de mes collèges, de juger de sa qualité, c’est que je suis également un élu local, maire d’une commune, Agnetz, qui compte moins de 3 500 habitants. C’est donc en tant que maire, mais aussi en tant que député d’une circonscription rurale comportant de nombreuses petites communes de moins de 1 000 habitants, que je suis confronté quotidiennement à des questions portant sur le recrutement de nouveaux personnels, sur l’avancement ou la formation professionnelle du personnel déjà en place ou sur la lourdeur des procédures régissant le passage d’une collectivité locale à une autre.

Le nombre de nouveaux articles créés à l’initiative de nos collègues sénateurs et celui des amendements déposés dans notre assemblée montrent que les parlementaires connaissent bien le sujet, tout comme beaucoup d’autres sujets pratiques ayant trait à la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est pourquoi je ne crois pas – même si c’est un tout autre débat – qu’il faille couper les parlementaires du terrain en interdisant strictement le cumul des mandats.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Très juste !

M. Édouard Courtial. Mais revenons à ce texte, qui apporte une réponse équilibrée et pragmatique. Équilibrée, car il trace une ligne médiane entre deux nécessités : celle de renforcer la libre administration des collectivités locales, consacrée à l’article 72 de la Constitution, et celle de respecter le cadre du statut général des fonctionnaires ; il trouve en outre le juste milieu entre deux autres nécessités : celle de résorber la précarité de l’emploi – c’est l’objet des articles 21 bis et 32 quater – et celle de ne pas grever davantage les finances des collectivités locales. Il faut souligner à cet égard que la création d’un emploi fonctionnel, au-delà d’un seuil qui a été abaissé, pour les communes, à 2 000 habitants, est une possibilité et non une obligation.

Ce texte est également équilibré parce qu’il renforce les possibilités de recrutement direct ou de titularisation sans concours tout en conservant le caractère normal de ce dernier mode de recrutement. Ainsi, l’article 22 prévoit de façon tout à fait judicieuse qu’une personne ayant réussi un concours peut bénéficier d’une prorogation de son inscription sur une liste d’aptitude.

À cette aune, une seule disposition du projet ne me semble pas respecter ce souci d’équilibre. Il s’agit de l’article 28 quater, qui permet le cumul du revenu de remplacement et de revenus d’activités privées par un agent territorial privé d’emploi. Ce type de disposition risque, à mon sens, de ne pas favoriser le retour à l’emploi de la personne concernée dans une collectivité territoriale. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement de suppression de l’article.

Mais l’atout principal de ce texte est son caractère pragmatique. Le projet prend la mesure des compétences toujours plus complexes transférées aux communes, notamment aux plus petites, en abaissant les seuils pour la création de certains emplois fonctionnels.

De la même manière, il répond aux difficultés rencontrées par nombre de petites communes pour recruter des secrétaires de mairie, notamment à temps partiel. Sauf erreur de ma part, la commission a adopté un amendement visant à supprimer l’article introduit par le Sénat sur ce sujet. Je soumettrai donc au vote de l’Assemblée un sous-amendement restaurant la version du Sénat.

Le texte intègre également le fait que les fonctionnaires territoriaux viennent d’horizons de plus en plus divers, ce qui rend leur expérience d’autant plus intéressante. La création d’un droit individuel à la formation et la mise en place de procédures de validation des acquis de l’expérience me semblent particulièrement judicieuses à ce titre.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Ce sont de très grandes avancées !

M. Édouard Courtial. Autre exemple du pragmatisme de ce projet : plusieurs articles traitent de la question des transferts d’agents d’une collectivité locale à une autre, qui se sont multipliés du fait de la plus grande mobilité de nos concitoyens et du développement des EPCI. Les articles 26 bis, 26 ter et 29 bis garantissent la conservation des avantages indemnitaires. Mieux, l’article 23 prévoit le dédommagement de la collectivité qui a formé un agent lorsque celui-ci est recruté par une autre collectivité peu après sa titularisation.

Ce projet ne comprend pas seulement de nombreuses avancées en faveur des agents de la fonction publique territoriale : il permet surtout une gestion plus souple et plus pragmatique des collectivités territoriales par leurs élus. C’est pourquoi je le voterai sans hésitation.

Cependant, je trouve que le chapitre II, relatif aux organes de la fonction publique territoriale, est de moindre qualité. Lors des travaux au Sénat, la recherche d’un équilibre à tout prix sur cette question semble avoir nui à l’adoption d’une solution claire et pragmatique. Le schéma choisi est à mon sens trop complexe et la répartition des attributions entre CNFPT et centres de gestion me paraît trop floue. J’espère que les débats qui vont s’engager sur les articles concernés permettront de trouver une solution satisfaisante, qui conduise les organes de la fonction publique territoriale à accompagner efficacement la mise en place des autres dispositions introduites par ce projet de loi de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tairai le nom de la commune dont je suis le maire : votre envie de la découvrir sera si grande, lorsque j’aurai terminé mon propos, que vous le chercherez vous-mêmes ! (Sourires.)

Je suis d’accord avec notre rapporteur sur un point : la réforme de la fonction publique territoriale était très attendue par les personnels et les élus. Plus de vingt ans après la loi de 1984, les étapes successives de la décentralisation faisaient d’une réforme profonde une impérieuse nécessité. L’enjeu n’est plus à rappeler : près de 1,8 million de fonctionnaires territoriaux sont concernés, dont un tiers partira à la retraite d’ici à 2012.

Le Gouvernement en avait-il pris la mesure ? On aurait pu l’espérer : pendant les quatre années de préparation, trois ministres de la fonction publique et quatre ministres délégués aux collectivités locales ont été mobilisés pour produire onze versions successives de ce texte. Les grandes manœuvres, en somme !

Or, lors de son examen au Sénat, le projet de loi est passé de trente-six à soixante-neuf articles. Les chiffres, cruels, parlent d’eux-mêmes. Pour autant, le texte ne satisfait ni l’AMF, ni l’ADF, ni l’ARF, ni le Conseil supérieur de la publique territoriale. Avouez que cela fait beaucoup !

M. Michel Piron, rapporteur. C’est faux !

M. Jean-Pierre Dufau. Ce projet, on l’aura compris, n’est pas à la hauteur des attentes. Le mot « réforme » ne figure même plus dans le titre de la loi.

Je reconnais, certes, plusieurs avancées en matière de formation professionnelle,…

M. Michel Piron, rapporteur. Et elles ne sont pas des moindres !

M. Jean-Pierre Dufau. …notamment le DIF tout au long de la vie, la REP – reconnaissance de l’expérience professionnelle – et la validation des acquis. Elles traduisent une évolution de la société que les lois Péry, Sapin ou Fillon avaient dessinée dans d’autres domaines.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Vous l’avez rêvé, nous l’avons fait !

M. Jean-Pierre Dufau. Je dirais plutôt que nous vous avons montré le chemin et que vous étiez au bon moment à l’endroit qu’il fallait, mon cher collègue.

M. Jacob avait gagné la course d’une courte tête en anticipant, pour la fonction publique d’État, ces propositions dont la vocation, semblait-il, était de s’appliquer aux deux autres fonctions publiques. Il est toujours bon d’être un précurseur, monsieur le ministre ; malheureusement, vous avez rappelé que ces droits nouveaux seront mis en œuvre à moyens constants. On peut donc craindre que, précisément par manque de moyens, la seule partie intéressante de votre texte ne puisse constituer le levier de la modernisation de la fonction publique territoriale, accentuant au contraire les inégalités entre collectivités, et par voie de conséquence les inégalités dans le droit à la formation.

Les autres chapitres sont un assemblage de mesures dont toutes ne sont pas dénuées d’intérêt, notamment en matière de droit syndical ou d’hygiène et de sécurité, mais qui ne sauraient constituer une réforme de la fonction publique territoriale. Celle-ci reste à faire.

Enfin, je regrette moi aussi l’absence de socle minimum d’action sociale dans la fonction publique territoriale : comme l’a rappelé Bernard Derosier, ce sont 300 000 agents qui en sont exclus. L’occasion vous était pourtant donnée d’introduire de l’égalité là où règne par trop l’inégalité.

Au-delà des dispositions techniques, quel constat politique peut-on dresser de ce rendez-vous manqué ? Dans une touchante émulation, chaque ministre en charge de la fonction publique ou des collectivités locales aura porté son projet de loi, qui pour la fonction publique d’État, qui pour la fonction publique territoriale. L’équilibre de la majorité, la répartition des influences au sein du Gouvernement s’en trouvent sans doute confortés. Les fonctionnaires, eux, n’y trouvent pas leur compte. Tout cela manque de souffle et d’ambition. Qu’il me soit donc permis d’espérer qu’un prochain gouvernement trouvera le courage de proposer, malgré les difficultés, une grande loi de modernisation de la fonction publique s’appliquant à ses trois composantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Ghislain Bray. Que ne l’avez-vous fait sous la précédente législature !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.


M. Jean-Pierre Soisson
. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, de longues années consacrées à la gestion de la fonction publique territoriale, d’abord comme ministre de la fonction publique puis comme président du Centre national de la fonction publique territoriale, me permettent d’affirmer que la fonction publique territoriale est celle qui constitue le meilleur facteur d’entraînement. Je pense depuis toujours qu’elle est essentielle dans l’équilibre et l’évolution des trois fonctions publiques. Lorsque, ministre de la fonction publique, j’ai eu à décider du nouveau lieu d’implantation de l’École nationale d’administration, j’ai tout de suite pensé à Strasbourg : rapprocher l’ENA et l’INET permettait de mettre davantage en commun les formations dispensées et les enseignants intervenant dans les deux établissements ainsi que de favoriser les échanges entre les élèves.

Je me félicite des avancées que permet votre projet de loi. C’est une étape qui en précédera d’autres : en matière de fonction publique, il n’y a pas de grande réforme, juste de petits progrès réalisés par chaque gouvernement au gré des circonstances et des négociations. Je salue celui que vous nous permettez d’accomplir aujourd’hui, qui s’appuie sur les rapports commandés en 2003 par le Gouvernement à M. Jean Courtial et à M. Bernard Dreyfus. L’un et l’autre ont mis l’accent sur la nécessaire clarification et sur la séparation des tâches de gestion et des tâches de formation, confiées pour l’essentiel au CNFPT. C’est la raison pour laquelle j’approuvais tout à fait l’architecture de votre avant-projet de loi, beaucoup plus claire que celle du texte issu des délibérations du Sénat. D’ailleurs, sur tous les bancs de cette assemblée, nous avons été unanimes à vous le faire remarquer.

Je ne pense pas que le dispositif des articles 8 et 10 votés par le Sénat tienne la route, en raison des incertitudes soulignées par notre excellent rapporteur dans son rapport. Le système est peut-être original, mais peu clair, et nous aurions intérêt à nous rapprocher de celui de votre avant-projet. Si l’opposition du Sénat à la création d’un nouvel établissement public ne pouvait être levée, les solutions intermédiaires proposées par M. Piron pourraient sans doute être retenues : modifier le dispositif des articles 8 et 10, confier au CNFPT la gestion des personnels de catégorie A+ et renforcer le rôle de la Fédération nationale des centres de gestion. Cette structure associative n’a en rien démérité et je ne voudrais pas que ce projet de loi soit l’occasion de lui porter un mauvais coup.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jean-Pierre Soisson. Lorsque j’ai installé le CNFPT dans ses nouveaux locaux de la rue d’Anjou, j’ai souhaité que la Fédération des centres de gestion le rejoigne et y dispose de bureaux. C’est ainsi que les deux structures entretiennent des liens permanents de travail et de confiance réciproque. À défaut de créer un établissement public, il faut donner aux centres de gestion les moyens d’assurer leur coordination. À quoi bon, sinon, vouloir renforcer leur rôle ? Les centres de gestion sont très différents, chacun ayant ses propres qualités. Il faut donc trouver un mode d’harmonisation qui permette d’assurer un équilibre et une équité sur le plan national.

Le Sénat a voté un texte, qu’il nous appartient de modifier. Je souhaite, messieurs les ministres, que, des délibérations de l’Assemblée nationale, puisse sortir un texte plus conforme à votre avant-projet, qui apporte davantage de clarté, qui distingue mieux les tâches de gestion des tâches de formation, et qui consacre à la fois le CNFPT et les centres de gestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique. Dans un cadre de partage des tâches, je ne répondrai qu’à certains des intervenants tandis que Brice Hortefeux répondra aux autres. La discussion des amendements nous permettra par ailleurs d’aborder les différents sujets dans le détail.

Je voudrais tout d’abord saluer le travail très important effectué par la commission des lois et par son rapporteur, qui a consacré beaucoup de temps à l’étude de ce texte et fait plusieurs propositions de nature à l’améliorer très sensiblement. Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, les avancées très importantes du projet de loi : le droit individuel à la formation, reconnu et salué par l’ensemble des organisations syndicales ; la validation des acquis de l’expérience, souhaitée par le Président de la République et annoncée à l’occasion de ses vœux à la fonction publique, des concours moins académiques, la prise en compte de l’expérience et du savoir-faire des fonctionnaires pour favoriser les déroulements de carrière. Avec ce texte sur la fonction publique territoriale, et plus largement sur les trois fonctions publiques, nous répondons à cette attente forte du Président de la République et de l’ensemble des acteurs. Brice Hortefeux reviendra sur les souplesses de gestion introduites, sur l’inéligibilité et sur l’article voté au Sénat. À ce sujet, je crois effectivement qu’il faut avoir une approche plus générale.

Mme Jacquaint nous a fait des procès d’intention qui nous ont quelque peu attristés.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Ils n’étaient vraiment pas nécessaires !

M. le ministre de la fonction publique. Je le dis aussi pour M. Derosier et M. Dufau : depuis huit ans, aucun accord n’avait été conclu sur le pouvoir d’achat dans la fonction publique. Sans rechercher la polémique, je ne peux que constater l’échec du gouvernement de Lionel Jospin. Nous, nous avons réussi à boucler un accord, sinon sur le volet salarial, au moins sur les volets social et statutaire, avec trois organisations syndicales – la CFDT, la CFTC et l’UNSA. Il y avait longtemps que les fonctionnaires n’avaient pas obtenu autant en matière de pouvoir d’achat, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et d’action sociale que sous ce gouvernement ! Certes, le chemin est encore long et la discussion nous permettra sans doute d’avancer un peu plus. Mais reconnaissons au moins les progrès déjà très significatifs du texte !

Monsieur Derosier, vous semblez inquiet de l’existence d’un texte sur la fonction publique d’État et d’un autre texte spécifique sur la fonction publique territoriale.

M. Bernard Derosier. Je ne m’inquiète pas, je regrette !

M. le ministre de la fonction publique. De votre part, cela me surprend. Ces textes ont été préparés en étroite collaboration par les deux ministères concernés et avec le souci de prendre en compte les spécificités tout à fait réelles de la fonction publique territoriale, qui, comme l’a rappelé Jean-Pierre Soisson, dans certains domaines, montre le chemin. La réactivité particulière des élus locaux peut en effet bien souvent servir de modèle à la fonction publique d’État ou hospitalière.

Vous avez critiqué, sinon le principe, du moins certaines dispositions touchant au droit individuel à la formation. Tout le monde reconnaît pourtant que c’est une avancée tout à fait significative.

M. Bernard Derosier. Toute petite et sans ambition !

M. le ministre de la fonction publique. La première ambition, c’est d’avoir eu le courage de le faire !

M. Bernard Derosier. C’est le premier pas !

M. le ministre de la fonction publique. Merci de le reconnaître.

Mme Comparini a salué l’émulation créée par le travail en étroite relation des deux ministères sur ces deux textes. La présence, à chaque rencontre avec les organisations syndicales, de la DGFP et de la DGCL a en effet permis d’arriver à un résultat aussi satisfaisant.

M. Bernard Derosier. Après quatre ans !

M. le ministre de la fonction publique. Vous êtes bien restés cinq ans sans rien faire !

M. Bernard Derosier. Ça, c’est polémique !

M. le ministre de la fonction publique. Mme Comparini a également souligné notre volonté d’avancer dans le domaine de la mobilité des agents, actuellement beaucoup trop faible, non seulement au sein de leur fonction publique, mais aussi vers les autres. C’est en facilitant les possibilités de mutation d’un secteur à l’autre que l’on ouvrira des perspectives de déroulement de carrière aux agents, que l’on valorisera leur rôle, et surtout que l’on fera avancer nos fonctions publiques, les unes s’enrichissant des expériences des autres.

À Mme Bello, je dirai que René-Paul Victoria nous a sensibilisés depuis longtemps aux spécificités des collectivités territoriales de la Réunion. Grâce à ses nombreuses interventions et aux cas concrets qu’il nous a soumis, nous avons pu prendre en compte une partie de ces spécificités. Ainsi, nous avons pu raccrocher les contrats journaliers, qui ne sont pas stabilisés, à la possibilité de transformer les CDD, après deux fois trois ans, en CDI. Voilà une vraie réponse concrète aux agents des collectivités, en particulier ceux de la Réunion, qui étaient plus concernés que d’autres en France. Je remercie encore René-Paul Victoria d’avoir attiré notre attention sur ce sujet et de nous avoir permis d’y apporter une réponse.

Monsieur Dufau, vous avez regretté la faiblesse des moyens affectés à la formation. Ils sont cependant tout à fait significatifs. Pour la fonction publique d’État, quatre milliards d’euros ont été consacrés au volet formation. Dire qu’il n’y a pas de moyens, c’est nier la réalité des chiffres.

Mais ce texte comporte surtout des possibilités de modernisation de la fonction publique territoriale, avec des outils de formation pour la mise en application du droit individuel à la formation, la validation des acquis de l’expérience, la reconnaissance de l’expérience professionnelle, la mobilité. Ces dispositifs sont très concrets pour les agents. Pour toutes ces raisons, le texte était très attendu. Il a reçu, comme l’a rappelé M. le ministre délégué, un écho tout à fait favorable d’une majorité d’organisations syndicales.

Je prie les parlementaires à qui je n’ai pas répondu de bien vouloir m’en excuser. J’aurai l’occasion de revenir sur tous ces points lors de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, nous arrivons au terme de la discussion générale. Chacun peut se féliciter de la qualité et de l’exhaustivité des interventions.

Cela montre – chaque orateur l’a rappelé – que ce projet de loi était très attendu. Cela signifie donc qu’il doit entrer en vigueur dans les plus brefs délais.

Je voudrais remercier M. le rapporteur de la commission des lois pour son excellent travail. M. Michel Piron s’est investi avec beaucoup de passion. Il doit être le recordman du nombre d’auditions réalisées. Cela lui a permis de dégager trois lignes de force, qui s’inscrivent dans les objectifs globaux du projet de loi et auxquelles Christian Jacob et moi-même souscrivons totalement.

D’abord, la fonction publique territoriale est le laboratoire de la modernisation publique.

Ensuite, le texte comporte des avancées majeures en matière de droits des agents, avec notamment l’instauration de la formation tout au long de la vie et l’extension indispensable de la reconnaissance de l’expérience professionnelle. De nouvelles garanties sont reconnues aux agents pour l’exercice de leurs droits, tant en matière syndicale qu’en matière disciplinaire.

Enfin, ce texte permettra de gérer les ressources humaines des collectivités beaucoup plus efficacement à travers l’amélioration des conditions de recrutement, de nouvelles possibilités de créations d’emplois fonctionnels ou une plus grande souplesse de gestion des agents.

Vous êtes convenu, monsieur le rapporteur, qu’il fallait, pour gérer plus efficacement les ressources humaines, clarifier le rôle des institutions de la fonction publique territoriale. Nous ne pouvons qu’approuver votre démarche.

Vous proposez d’améliorer encore l’organisation acceptée par le Gouvernement, en accord avec l’ensemble des groupes du Sénat. Je vous ai longuement fait part de mon sentiment et j’y reviendrai lors de l’examen des amendements. Notre souci est d’être pragmatiques, car je suis convaincu que le mieux est parfois l’ennemi du bien. Le Gouvernement ne s’opposera donc pas aux propositions de la commission des lois, dès lors qu’elles permettront de trouver un accord avec le Sénat et de faire entrer ce texte en vigueur le plus vite possible.

Madame Jacquaint, je crains qu’il n’y ait eu un défaut d’information. Le texte n’a pas reçu un accueil « mitigé », puisque trois syndicats sur les six représentatifs…

Mme Muguette Jacquaint. Trois sur six, cela fait la moitié !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …ont donné un avis favorable au Conseil supérieur, plus la totalité des représentants d’associations d’élus – l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France.

On ne peut pas dire qu’il s’agit d’un accueil « mitigé » quand on arrive à près de 70 %.

J’indique très clairement qu’il n’y a naturellement pas de remise en cause des droits des fonctionnaires. Le DIF est une grande avancée et il vous sera très difficile d’expliquer que vous ne vous y associez pas.

Mme Muguette Jacquaint. Nous prenons nos responsabilités !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je vais citer l’exemple très concret des agents de catégorie C. Ils ont aujourd’hui 1,9 jour de formation par an. Avec les dispositions du texte, leur formation doublera rapidement et sera d’environ quatre jours.

Mme Muguette Jacquaint. Quatre jours par an !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Bénisti, je voudrais d’abord remercier le président de la fédération nationale des centres de gestion d’avoir contribué à bien poser le débat institutionnel. Vous avez souligné toutes les avancées du texte, en spécialiste reconnu de la fonction publique territoriale.

Il est vrai qu’un certain nombre de points relevant de l’architecture nationale ou des compétences des centres de gestion ne sont pas allés, à l’évidence, dans le sens souhaité par la fédération.

Je ferai deux remarques, sur lesquelles nous reviendrons certainement dans la suite du débat.

Il faut d’abord avoir à l’esprit que l’objectif de clarification des institutions est quasiment atteint, même si la gestion des 5 000 agents de catégorie A + devait demeurer du ressort du CNFPT.

Ensuite, l’objectif de l’amélioration de la nécessaire coordination entre les centres de gestion sera atteint avec la création d’un centre national de coordination. Les dispositions du projet de loi, j’en suis convaincu, y répondent parfaitement. Les centres de gestion coordinateurs auront au niveau régional cette mission, à travers la charte qui les missionnera. Une conférence nationale des centres de gestion exercera au plan national ce rôle de coordination, sans que soit ajouté un établissement public dont on ne peut ignorer le coût.

Monsieur Derosier, je voudrais vous apporter des éléments de réponse que le président estimé et apprécié du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ne peut pas désapprouver. Cela me permet de rendre publiquement hommage à l’action du CSPFT, reconnue par tous. Il a été un soutien réel dans la mise en cohérence de ce projet. L’avis favorable du CSPFT, le 16 novembre, a été une étape très importante. Sinon, nous n’aurions sans doute pas persévéré.

Vos regrets, monsieur Derosier, ne me sont pas totalement inconnus. Vous regrettez la disparition du texte, après son passage au Sénat, de l’établissement public national instituant le Centre national de coordination des centres de gestion. C’est ce que souhaitait le CSFPT, je vous en donne acte, tout comme le Gouvernement. Mais il n’est pas impossible d’évoluer, reconnaissez-le, sur la base des remarques formulées par des parlementaires et au nom d’une démarche pragmatique. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Vous regrettez très clairement – vous l’avez dit à plusieurs reprises – l’absence de dispositions dans ce texte sur l’action sociale dans les collectivités. C’est pour vous un sujet majeur. Il convient, à l’heure où l’État, sous l’impulsion du ministre de la fonction publique, développe l’action sociale parmi ses personnels , que les collectivités territoriales soient toujours aussi attractives que les deux autres fonctions publiques. C’est un argument auquel on ne peut pas rester sourd, je vous l’accorde. C’est la raison pour laquelle j’ai soumis, le 16 novembre 2005, au CSFPT un projet de protocole qui aurait permis aux trois principales associations d’élus et aux syndicats d’ouvrir des négociations pour définir un socle minimal de prestations d’action sociale ou un montant financier déterminé.

Vous le savez, monsieur Derosier, seule l’AMF nous a suivis parce que nous avons expliqué notre position à son président et aux responsables. L’ADF et l’ARF ont rejeté toute action sociale obligatoire dans chaque collectivité, ou alors assortie d’une compensation financière de l’État. Cela aurait été plus clair si l’ADF et l’ARF avaient été plus « allantes » sur ce sujet. J’ai toujours dit – j’espère que vous m’en donnerez acte – que, au nom du nécessaire respect des équilibres budgétaires des collectivités, et je l’ai indiqué devant vous au congrès de l’ADF, que je ne souhaitais pas que l’on ajoute encore de nouveaux transferts de charges, le Gouvernement ne pouvant pas, sans l’accord explicite de toutes les associations, imposer cette mesure.

Le projet de loi de modernisation de la fonction publique donne la faculté à toute collectivité d’engager une action sociale, sans aucune limite. Je comprends votre souci d’éviter les trop grandes disparités entre les collectivités qui font ou non de l’action sociale. Très concrètement, cela signifie que je suis prêt à constituer avec les trois associations d’élus, les organisations syndicales et avec vous, monsieur Derosier, en qualité de président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, un groupe de travail, afin de rapprocher les positions pour renforcer – c’est un des buts de ce projet de loi sur la fonction publique territoriale – l’attractivité de celle-ci. Mais cela suppose, je le répète, un accord des trois associations d’élus.

Plusieurs intervenants se sont interrogés sur le financement de la formation. Il est assuré par le CNFPT, car l’assiette du 1 % augmentera automatiquement du fait du transfert des 130 000 agents de l’État. Je ne comprends pas pourquoi vous ne nous rejoignez pas sur ce point-là. Je pense que le 1 % existera toujours.

Madame Comparini, la fonction publique territoriale sera ouverte aux nouveaux talents, en développant la reconnaissance de l’expérience professionnelle. C’est en quelque sorte le bras articulé de cette évolution. Je partage votre point de vue sur le développement indispensable des outils de gestion des ressources humaines dans la fonction publique territoriale. C’est prévu dans le texte.

Pour développer la mobilité indispensable dans la fonction publique, des outils de gestion communs seront développés, notamment le droit individuel à la formation, et les ratios promus-promouvables y contribueront.

Les principaux décrets du volet autonome, que vous avez évoqués, seront publiés simultanément avec la loi. Votre préoccupation a été très largement exprimée par les organisations syndicales, que nous avons rencontrées.

Monsieur le vice-président Geoffroy, je suis d’accord sur le fait que ce volet réglementaire de la réforme de la fonction publique territoriale est extraordinairement important. Si nous nous étions contentés de la partie législative, nous n’aurions avancé que sur une jambe.

Nous sommes d’accord pour conforter par voie réglementaire le rôle des principaux collaborateurs des élus, notamment les directeurs généraux des services. Je vous remercie très sincèrement de votre soutien.

Monsieur Dosé, j’ai été très impressionné par la modération de vos propos. Vous avez dépassé les clivages pour exprimer les préoccupations de tous les élus des communes moyennes, qui constituent le cœur de cible de la fonction publique territoriale, et j’ai cru comprendre que votre commune comptait environ 5 000 habitants.

Bien sûr, les villes de plus de 100 000 habitants restent notre préoccupation, mais nous voulons surtout oxygéner les collectivités moyennes. Ce n’est pas, en effet, le conseil général du Nord qui connaîtra des problèmes de recrutement, car il a suffisamment de moyens pour attirer les candidats. Ce sont bien les communes moyennes qui cumulent les inconvénients des toutes petites et des plus grandes.

M. Édouard Courtial. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Ce projet de loi répondra concrètement à cette situation.

M. Bernard Derosier. Elles n’ont pas de moyens !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je vous trouve bien désobligeant à l’égard de votre collègue Dosé, d’autant que je viens de souligner qu’il avait raison !

Je comprends votre souci de flexibilité quant à la durée du temps du travail. Je partage votre constat, mais je suis resté sur ma faim quant aux propositions. Vous avez été muet sur ce point, ce que je déplore d’autant plus que je suis à votre disposition si vous avez des pistes de réflexion.

S’agissant de l’action sociale, vous avez raison, il faut convaincre tous les élus qu’il s’agit d’un investissement et pas seulement d’un coût.

M. Christian Jacob a répondu à Mme Bello sur les TOS.

À M. Menuel, je confirme que je partage son souci d’alléger le fonctionnement interne des petites collectivités en matière de gestion des ressources humaines. Il a présenté un amendement en ce sens : nous aurons l’occasion d’en discuter au cours du débat.

Monsieur Renucci, vous vous êtes félicité du DIF et de la formation initiale obligatoire pour les agents de catégorie C. Il s’agit en effet d’un sujet très important puisque ces agents représentent les trois quarts des effectifs de la fonction publique territoriale.

Le projet de loi répond aussi – mais peut-être cela vous a-t-il échappé – à votre souci de régionaliser les centres de gestion, avec la désignation de centres coordonnateurs qui s’occupent de 120 000 agents de catégorie A. Par ailleurs, comme vous le savez, une conférence régionale organisera le rapprochement des politiques des centres de gestion des collectivités non affiliées. Telle sera la mission de ces centres.

Je tiens à dire à Édouard Courtial, maire d’une commune de moins de 3 500 habitants, que sa contribution nous a particulièrement intéressés. Le projet de loi a en effet pour cœur de cible les petites et moyennes communes, principalement rurales, qui rencontrent des difficultés pour recruter mais aussi pour conserver, vous m’en avez fait part à plusieurs reprises, des agents motivés et de qualité.

Vous avez fort justement déclaré que ce texte est équilibré et pragmatique. Nous allons essayer de le démontrer tout au long de nos débats. Vous voterez ce projet de loi, avez-vous dit : très franchement, j’aurais été déçu si vous aviez décidé le contraire (Sourires), mais j’en suis naturellement très heureux, car ce texte est attendu par de nombreux maires.

Monsieur Dufau, vous n’avez pas été bien informé et M. Derosier aurait pu vous éclairer. Comme je l’ai indiqué à Mme Jacquaint, l’ensemble des associations d’élus a pris position en faveur du projet qui a été présenté devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale : l’AMF, l’ARF, l’ADF, l’association des petites villes de France, présidée par M. Martin Malvy. Il y a donc eu, je le répète, unanimité des responsables des collectivités territoriales.

M. Bernard Derosier. Sur l’esprit du projet, pas sur sa lettre !

M. Michel Piron, rapporteur. N’exagérons pas : ils savent lire, tout de même !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le texte qui a été présenté devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a recueilli, je le répète, l’approbation de l’ensemble des associations d’élus.

Je saluerai, en conclusion, l’intervention – sans notes – de Jean-Pierre Soisson. Son passé d’ancien ministre de la fonction publique et sa grande connaissance des collectivités territoriales lui confèrent une véritable autorité sur ce sujet. Sa présence conforte donc notre projet de loi. Je sais par ailleurs qu’il est un artisan inlassable du rapprochement entre les fonctions publiques par l’établissement de nouvelles passerelles : ce projet y contribue clairement.

Sur le volet institutionnel, vous soutenez, monsieur Soisson, les propositions de la commission. Tout en respectant votre choix, je ne comprends pas votre analyse sur le manque de coordination des centres de gestion car il me semble que le projet de loi y répond doublement : d’abord, avec la Conférence nationale des centres de gestion coordonnateurs, et la désignation de centres de gestion coordonnateurs au plan régional. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les observations dont je voulais vous faire part à l’issue de la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Dosé. Très bien.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2972, adopté par le Sénat, relatif à la fonction publique territoriale :

Rapport, n° 3342, de M. Michel Piron, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)