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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 19 octobre 2006

18e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de finances pour 2007

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 118 après l’article 2.

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement no 118.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget, mes chers collègues, nous commençons cette matinée par un amendement qui revêt une dimension politique importante puisqu’il pose la question des réductions de l’impôt sur le revenu obtenues grâce aux niches fiscales. En effet, à côté des mesures générales qui sont prises pour diminuer le poids de l’impôt sur le revenu, diverses dispositions fiscales particulières, ont pour conséquence d’en réduire très sensiblement le montant pour certains contribuables.

Prise une à une, chacune de ces dispositions peut être justifiée. Mais la question reste posée de la différence entre une incitation et ce qui peut devenir un véritable privilège fiscal. Et c’est ce que nous dénonçons, notamment à propos du régime des emplois à domicile, dispositif que nous revendiquons – Martine Aubry ayant proposé de le mettre en place et le Parlement l’ayant suivie – mais qui permet désormais de réduire abusivement, compte tenu des montants possibles, son impôt sur le revenu.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2006, la question du plafonnement de ces niches fiscales avait été posée et le Gouvernement avait proposé un système d’une très grande hypocrisie et d’une rare complexité. Hypocrisie car, en fait, très peu de niches fiscales étaient concernées. Complexité car le mécanisme était incompréhensible, ce qui amena le Conseil constitutionnel à l’annuler.

Je vous fais observer, et ce constat est partagé, que le nombre de niches fiscales, malgré la volonté affichée de le réduire, a augmenté dans des proportions sensibles depuis juin 2002. Le montant des dépenses fiscales engagées a aussi considérablement progressé : la Cour des comptes a eu l’occasion de le dénoncer.

Conscient que cette situation pouvait engendrer des injustices, impossibles à assumer politiquement, y compris par votre propre majorité, vous aviez pris, monsieur le ministre, des engagements à ce sujet, notamment à la suite d’une demande du président de la commission des finances. Sans pratiquer la langue de bois, monsieur Copé, vous disiez l’année dernière à la même époque : « Je m’engage solennellement devant vous à créer, d’ici à la fin de l’année, un groupe de travail comprenant des membres des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat, auxquels pourraient être associées des personnalités extérieures, notamment étrangères. » Vous adressant à M. Méhaignerie, vous ajoutiez : « Ce groupe de travail travaillera sur la base de votre amendement et rendra ses conclusions courant 2006, sachant que la réforme proposée » – celle de l’impôt sur le revenu – « n’est de toute façon applicable qu’en 2007. Vous le savez, je n’ai pas l’habitude de ne pas tenir mes engagements. Ce fut le cas pour la réforme de la taxe professionnelle, mais aussi pour la grande réforme fiscale dont nous débattons ce soir. Monsieur le président Méhaignerie, je vous demande donc, si vous l’acceptez, de retirer votre amendement au bénéfice de cette proposition. »

Un groupe de travail a bien été mis en place, mais il n’a débouché sur rien ! Et le président de la commission des finances qui, je crois, était sincère – malheureusement, sa sincérité équivaut parfois à de la naïveté – n’a pas obtenu satisfaction. Ainsi disait-il : « Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que, dans une démocratie, tous les citoyens doivent contribuer à l’impôt à proportion de leurs revenus et que les détenteurs des revenus les plus hauts ne devaient donc pas pouvoir échapper à l’impôt sur le revenu. » Quelle sagesse ! « Je mesure, poursuivait-il, la complexité de la mise en œuvre du dispositif que je propose car le plafonnement ne porte pas sur dix-sept niches, mais sur quatre cents. J’accepte l’engagement politique que vous venez de prendre. »

Sans doute cet engagement ne valait-il que pour celui qui l’avait entendu, car il n’a pas été tenu. D’ailleurs, M. Méhaignerie, dont on connaît l’obstination – on l’a vu à propos des collectivités locales – est revenu à la charge. Le président de la commission des finances a quelques idées fixes, et nous partageons celle qui consiste à plafonner les niches fiscales. Ne déclarait-il pas le 15 mai 2006 : « Je déposerai un amendement en ce sens si rien n’est prévu dans le budget 2007. En effet, il est à la fois juste et cohérent de prévoir que, pour les contribuables les plus aisés, aucun dispositif fiscal, quel qu’il soit, ne pourra diminuer leur impôt de plus de la moitié pour la partie de leurs revenus correspondant à la tranche la plus élevée. »

Chiche, monsieur le président ! Où est cet amendement ? Nous l’attendons. Nous avons d’ailleurs pris l’engagement de le soutenir en séance et de vous aider à convaincre Jean-François Copé que ce peut être une belle idée, correspondant à la conception que nous nous avons de la justice fiscale. Tel est le sens de l’amendement no 118 du groupe socialiste, mais nous sommes tout à fait prêts à en débattre et, éventuellement, à soutenir une autre proposition.

Des engagements précis avaient été pris, ils ne sont pas tenus. De nouvelles mesures de réduction d’impôt vont être mises en place pour 2007 et, au final, de plus en plus de personnes très aisées, disposant de ressources élevées, ne paieront plus d’impôt sur le revenu. La situation s’aggravera en 2007 par rapport à 2006. Si c’est votre conception de la justice fiscale, ce n’est pas la nôtre.

Nous avons souhaité donner un peu de solennité à ce débat, car la question des niches fiscales est un problème de fond. Si nous voulons parler vrai, si nous voulons que nos concitoyens prêtent attention à nos déclarations, il faut respecter nos engagements et passer du discours aux actes. Et je souhaite que le président Méhaignerie nous rejoigne dans cette argumentation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission a repoussé cet amendement. Monsieur Migaud, vous le savez, la question des niches fiscales est difficile. Vous nous faites une grande leçon, mais vous n’avez remis en cause aucune de celles qui ont été créées de 1997 à 2002, alors que la question avait été régulièrement posée.

M. Augustin Bonrepaux. Comment ? Vous perdez la mémoire !

M. Didier Migaud. Nous l’avons fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous n’avez mis en place aucun dispositif de plafonnement et vous avez vous-mêmes créé des niches. Je ne citerai que celles qui ont été instaurées à la seule initiative du rapporteur général de l’époque, sans même évoquer celles proposées par le Gouvernement… Deux me viennent à l’esprit. La niche au titre des pactes Migaud-Gattaz, une belle niche, nécessaire, à laquelle je souscris, qui prévoyait un abattement de 50 % des droits de succession sur certaines conventions. Une autre niche très sympathique, dont nous avions beaucoup discuté, Michel Bouvard s’en souvient, consistait en une réduction d’impôt pour les investissements locatifs en zone rurale de montagne.

M. Michel Bouvard. Niche très efficace !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces exemples prouvent que, pendant toute la période 1997-2002, vous attachiez beaucoup d’intérêt aux niches.

Mais je ne veux pas vous jeter la pierre, monsieur Migaud, car ce plafonnement est extrêmement difficile, affreusement compliqué à mettre en œuvre, et je comprends qu’en cinq ans vous n’y soyez pas parvenus.

Pour notre part, qu’avons-nous fait ? Lorsque, l’année dernière, nous avons engagé cette réflexion, nous avons énormément travaillé, avec le Gouvernement et avec le président de la commission des finances, pour mettre au point l’article 78 de la loi de finances qui plafonnait les niches fiscales. La tâche n’était pas aisée. Avant de plafonner les niches, il fallait les convertir dans la même unité de compte : tout ce qui était déduction du revenu imposable a donc été transformé en réduction d’impôt, et le cumul des réductions d’impôt a été soumis à plafonnement.

Nous nous sommes également demandé quelles étaient les réductions d’impôt à plafonner et nous avons alors entamé un véritable chemin de croix. Cela a commencé par l’outre-mer − pas question de plafonner l’outre-mer ! − ; cela s’est poursuivi avec le « Malraux », et ainsi de suite. Le résultat auquel nous sommes parvenus marquait une avancée d’autant plus spectaculaire que la question était à l’ordre du jour depuis une quinzaine d’années. Cet article 78 de la loi de finances était modeste mais, sur le principe, il était très important.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne représentait plus rien ! Il a été vidé de son contenu par vos amis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais c’est que vous l’avez déféré au Conseil constitutionnel, cher collègue, et celui-ci a estimé que, « en matière fiscale, la loi, lorsqu’elle atteint un niveau de complexité tel qu’elle devient inintelligible pour le citoyen » ne peut pas être acceptée. Il a ajouté que cet article méconnaissait le principe d’égalité, le contribuable ne pouvant, dans un tel dispositif, évaluer à l’avance le montant de son impôt. Nous étions bien conscients − comme vous l’étiez vous-mêmes entre 1997 et 2002 − de ces raisons, qui ont conduit le Conseil constitutionnel à annuler l’article 78. Si vous ne l’aviez pas saisi sur ce point, nous n’aurions pas eu cette annulation et nous disposerions, aujourd’hui, d’un dispositif qui aurait permis d’améliorer les choses.

M. Augustin Bonrepaux. Mais non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous nous avez mis dans une situation…

M. Didier Migaud. C’est vous qui vous y êtes mis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, avec ce recours, vous nous avez mis dans une situation qui nous a interdit de progresser sur ce terrain.

Bien entendu, il ne faut pas abandonner la partie.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous, monsieur Migaud, et le président l’a souligné, à juste titre, à de nombreuses reprises : il faut absolument que nous trouvions une solution.

M. Augustin Bonrepaux. Quand ?

M. Didier Migaud. Au xxiie siècle !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Plusieurs voies sont envisageables. L’une consiste à rester dans le dispositif dit de plafonnement et à le greffer sur la tranche marginale de l’impôt sur le revenu. C’est ce que Pierre Méhaignerie nous avait proposé l’an dernier. C’est ce que vous nous proposez dans votre amendement.

M. Augustin Bonrepaux. On peut en discuter !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Certains pays ont eu recours à une autre solution qui consiste à avoir, quoi qu’il arrive, un impôt minimal, parallèle à l’impôt sur le revenu. M. Copé nous a communiqué tout un ensemble de simulations qui font apparaître une très forte complexité, de sorte que, bien que nous ayons travaillé d’arrache-pied, nous n’avons pas pu aboutir.

M. Didier Migaud. C’est touchant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Migaud, contrairement à ce que vous dites, cette loi de finances est particulièrement économe et prudente en matière de niches fiscales nouvelles, car nous avons bien conscience qu’il ne faut pas les multiplier. Une seule disposition peut s’y apparenter : l’extension de la réduction d’impôt aux frais d’hébergement dans les établissements pour personnes dépendantes. Qui pourrait contester l’utilité d’une telle mesure qui, à l’évidence, va dans le sens de l’intérêt général ?

Ce sujet reste à l’ordre du jour pour la commission des finances, qui souhaite le traiter le mieux possible.

M. Augustin Bonrepaux. Quand ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour cela, nous avons besoin d’un peu de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Migaud, j’ai pour habitude de jouer la transparence et de reconnaître ce qui est : si vous n’aviez pas rappelé mes propos de l’an dernier, je l’aurais fait moi-même. Sensible à la démarche de la commission des finances, j’avais pris devant Pierre Méhaignerie l’engagement de réfléchir à la meilleure manière d’empêcher les processus de défiscalisation totale des revenus, dont, en pratique, l’effet est extrêmement limité, mais dont la simple possibilité commande que l’on trouve une solution.

Gilles Carrez vient de le rappeler, le dispositif que nous proposions initialement marchait ; il permettait effectivement de plafonner les réductions d’impôt. Pour des raisons auxquelles je ne reviens pas, le groupe socialiste a souhaité saisir le Conseil constitutionnel de l’ensemble du projet de budget. En réalité, il ne pouvait pas ne pas le saisir, la tradition le veut ainsi, et il l’a même fait à propos de la loi de règlement − c’est dire s’il aime ça. Et ce qui devait arriver arriva : le Conseil constitutionnel a considéré que le système était trop compliqué. Il a d’ailleurs été fort sage d’aboutir à une telle conclusion et nous-mêmes nous interrogions sur la question. Toujours est-il que la disposition a été annulée.

Dès le lendemain de l’adoption du budget, nous nous sommes mis au travail, comme je m’y étais engagé, avec Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez. J’ai demandé à mes équipes de se mobiliser : nous avons réalisé des simulations, des études comparatives sur les pratiques internationales. En conscience, je peux dire que nous l’avons fait avec la meilleure volonté du monde et en toute bonne foi. In fine, nous n’avons pas voulu prendre la responsabilité de présenter un projet, car nous craignions que le remède ne soit pire que le mal, tant il eût introduit de complexité dans notre système juridique.

Le problème n’est pas l’existence des niches fiscales − j’y suis, pour ma part, très favorable −, mais leur empilement.

M. Didier Migaud. Nous sommes d’accord.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cet outil de politique publique donne des résultats remarquables dans tous les domaines où il a été utilisé. Encore faut-il trouver un bon équilibre. Nous avons travaillé sur le système de l’alternative minimum tax, que préconise votre amendement. Les Américains, qui l’ont mis en place, sont en train de réfléchir à sa suppression, car ils constatent qu’il est extraordinairement compliqué et ne donne pas les résultats attendus.

Nous avons également travaillé sur une nouvelle technique de plafonnement, mais nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés, à la même complexité que l’an dernier. J’avoue donc que, bien qu’ayant œuvré avec la meilleure volonté du monde, mais sans trouver de solution satisfaisante, nous n’avons pas voulu prendre la responsabilité de vous proposer un mécanisme qui complexifierait davantage un système qui n’en a pas besoin. Du reste, nous aurions encouru les mêmes griefs de la part du Conseil constitutionnel. J’ai en effet de bonnes raisons de penser que vous allez de nouveau le saisir de ce budget, même s’il est beau, bon, extraordinaire, car, pour vous, il s’agit d’un rituel. À quoi bon s’exposer à ce risque une fois de plus ?

Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur Migaud. Il n’en reste pas moins que le débat doit pouvoir se poursuivre. Pour ce qui me concerne, je n’ai aucune objection à ce que vous soyez associés, d’une manière ou d’une autre, à ces réflexions, à condition que vous nous aidiez à trouver la bonne formule, le bon équilibre entre la justice nécessaire et la simplicité indispensable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Comme viennent de le dire M. Copé et M. Carrez, il est deux façons de rétablir la justice fiscale : soit on plafonne les niches fiscales, soit on opte pour l’alternative minimum tax, dont nous avons parlé l’an dernier. Nous avons travaillé sur ce dossier et n’avons pu, à ce jour, aboutir à une réforme qui soit simple et puisse être facilement comprise. La réunion que nous avons tenue avec le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget du Sénat a débouché sur les mêmes conclusions.

Le problème n’est pas nouveau. En 1990-1991, Adrien Zeller et Yves Fréville avaient déjà invité le gouvernement de l’époque à choisir entre le plafonnement et l’alternative minimum tax. Ce gouvernement a eu dix ans pour trancher : lui-même n’a pas réussi à mettre en place un système de plafonnement.

M. Didier Migaud. Nous avons réduit les niches fiscales !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je reste persuadé que le plafonnement des niches ou l’alternative minimum tax sera un élément clef : nous y travaillons et nos conclusions figureront, je pense, dans le projet politique que nous défendrons.

M. Didier Migaud. Demain, toujours demain !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous-même, monsieur Migaud, vous avez soutenu ce gouvernement de 1991 qui, en dix ans, n’a pas trouvé la bonne solution.

M. Didier Migaud. Mais si, nous avons fait des choses !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le Gouvernement a souhaité, avec l’accord de nos collègues du Sénat, travailler sur une plus longue période pour aboutir à un texte solide. Je lui ai donc demandé de faire en sorte que le présent projet de loi de finances comporte déjà une mesure positive…

M. Didier Migaud. Vous avez capitulé !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …puisqu’on ne pouvait adopter l’alternative minimum tax. Dans cette perspective de justice fiscale, le Gouvernement a accepté…

M. Didier Migaud. La constitution d’un groupe de travail !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. …de consacrer 500 millions de plus à la prime pour l’emploi.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas de même nature !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Non, mais cela montre bien la direction que le Gouvernement et sa majorité entendent prendre : celle de la justice fiscale.

Le Gouvernement a fait un pas pour répondre à notre demande de l’année dernière en renforçant la prime pour l’emploi à hauteur de 1 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent encore 500 millions, ce qui n’est pas négligeable. Mais nous continuons de travailler sur un système soit de plafonnement, soit d’impôt minimum alternatif.

M. Augustin Bonrepaux. Vous travaillez ? Jusqu’à quand ? Pour quoi faire ? Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. Hervé Mariton. Il nous faut cinq ans de plus ! (Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et vous, en dix ans, vous n’avez pas pu mettre en application l’amendement Zeller-Fréville, que vous aviez pourtant accepté. Nous avons essayé l’année dernière et j’espère bien que nous nous doterons des moyens de l’appliquer, si, comme je le souhaite, cette majorité reste au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, nous abordons un sujet important et, dérogeant à la règle qui limite le nombre d’orateurs, je vais donner la parole à plusieurs d’entre vous. Je leur demande d’essayer d’être concis. Bien évidemment, ce qui vaut pour cet amendement ne fera pas jurisprudence dans la suite du débat.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Pierre Méhaignerie en a déjà tant dit que je me dois d’être bref. Je voudrais tout d’abord me réjouir que le ministre du budget reconnaisse l’utilité des niches fiscales. Gilles Carrez en a cité quelques-unes dont nous partageons tous la paternité, notamment celle concernant les résidences de tourisme. Ce qui compte, en la matière, c’est d’évaluer les résultats obtenus en fonction des objectifs affichés. Les niches fiscales doivent jouer un rôle de levier, notamment en matière d’investissements économiques.

A priori, le sujet dont nous traitons est consensuel. Tout le monde ici est attaché à une certaine équité en matière de fiscalité, car il n’est pas normal que des contribuables à hauts revenus échappent à une contribution minimale.

M. Augustin Bonrepaux. Des mots ! Des mots ! Cela ne suffit pas !

M. Michel Bouvard. Voilà sans doute des années que la situation perdure − je le dis en toute amitié à Augustin Bonrepaux − et je mets au défi le parti socialiste de prouver qu’au cours de la législature précédente, aucun contribuable disposant de revenus importants n’a pu échapper à l’impôt sur le revenu.

Le problème est complexe. J’ai d’ailleurs lu avec grande attention le projet du parti socialiste et je n’y ai pas trouvé de propositions précises sur ce point.

M. Augustin Bonrepaux. Si : on revient sur les niches ! C’est clair !

M. Michel Bouvard. Je le répète, il n’y a pas, dans le projet du parti socialiste, qui est consultable sur Internet, de propositions précises à ce sujet, ce qui en montre bien, d’ailleurs, la complexité.

Monsieur le ministre, il serait d’abord souhaitable que les études qui ont été menées par vos services soient communiquées à tous les membres de la commission des finances, ce qui permettrait déjà de jouer la transparence.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. Michel Bouvard. Il serait bon, ensuite, même si l’on sait très bien qu’en fin de législature on travaille plutôt à finaliser les dossiers pour ceux que le peuple choisira, qu’un groupe de travail réunissant l’ensemble des formations politiques se penche sur les documents qui nous auront été ainsi transmis, pour voir ce qui peut être fait, notamment à partir des exemples étrangers, puisqu’exemples étrangers il y a.

Il faut, j’y insiste, une totale transparence dans la mesure où ce sujet peut être consensuel et où la majorité, comme l’a rappelé Pierre Méhaignerie, est très attachée à ce principe d’équité fiscale.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Il s’agit là d’un débat de fond, et ceux qui suivent nos travaux pourraient penser que nous sommes tous d’accord, tant il paraît juste de plafonner les niches fiscales. Cependant, le moins que l’on puisse dire est que le Gouvernement, en dépit des discours, ne se distingue pas par ses propositions en la matière.

Vous nous reprochez, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général, d’avoir nous-mêmes mis en place des dispositifs de dégrèvement, sans avoir établi de plafonnement.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. Didier Migaud. Je le répète, nous ne sommes pas opposés aux niches fiscales, dès lors qu’elles peuvent être des incitations utiles ou que la réduction d’impôt peut se transformer en crédit d’impôt et concerner ainsi l’ensemble de nos concitoyens. Durant la dernière législature, cependant, nous avons remis en cause ou plafonné un certain nombre de niches fiscales. Nous avons ainsi fortement diminué la réduction d’impôt possible pour les emplois à domicile. De même, nous avons clarifié et moralisé le dispositif applicable outre-mer, remise en cause sur laquelle vous êtes d’ailleurs immédiatement revenus dès l’alternance.

On le voit, nous avons deux conceptions différentes, et nous le disons dans le projet socialiste.

M. Michel Bouvard. Il n’y a pas de propositions précises sur ce point !

M. Didier Migaud. Monsieur Bouvard, je ne vous ferai pas l’injure de penser que vous ne savez pas distinguer un projet d’un programme législatif. En l’occurrence, il s’agit simplement d’orientations, et celles-ci sont claires : nous voulons une réduction des inégalités fiscales...

M. Patrice Martin-Lalande. Nous aussi !

M. Didier Migaud. ...et la remise en cause de certaines niches fiscales, et nous entendons revenir sur des dispositions que vous avez prises en matière d’impôt sur le revenu, suite, en particulier, à votre focalisation sur les tranches supérieures.

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Didier Migaud. Je tiens à insister sur ce point, monsieur le président, car il s’agit, je le répète, d’un débat de fond.

Nous ne comprenons pas qu’il ne soit pas possible d’élaborer un dispositif moins hypocrite que celui qu’avait proposé le Gouvernement l’an dernier.

M. Michel Bouvard. Au moins il existait !

M. Didier Migaud. Peut-être, mais personne n’y croyait. Il était d’ailleurs si peu efficace que vous aviez évalué son impact budgétaire à seulement quelques millions d’euros. Vous saviez donc qu’il était totalement inopérant. Il était en outre si complexe que le Conseil constitutionnel a préféré l’annuler.

M. Hervé Mariton. Pourquoi alors en avoir débattu si longtemps ?

M. Didier Migaud. L’idée même de plafonnement ou de cotisation minimale est inconnue. Il est tout de même anormal qu’au-delà d’un certain revenu, on puisse ne plus payer d’impôt ! Les exemples, monsieur le ministre, ne sont pas si rares en la matière, et vous le savez parfaitement. On peut, si l’on est bien conseillé, réduire à zéro son imposition sur le revenu...

M. Michel Bouvard. C’était déjà le cas avant 2002 !

M. Didier Migaud. ...au moyen de certaines niches fiscales. Est-ce juste ? Non !

Cela pose aussi, d’ailleurs, la question du rapport entre fiscalité d’État et fiscalité locale. Aujourd’hui, de plus en plus de contribuables qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu payent des impôts locaux élevés. On peut d’autant moins s’en satisfaire que la fiscalité locale, on le sait, est profondément injuste. Dans ce domaine, cependant, vous ne proposez rien.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Dans le projet socialiste figurent aussi des orientations, que Michel Bouvard a dû lire, concernant la fiscalité locale, que la majorité se garde bien de reprendre.

M. Michel Bouvard. Notre projet est en cours d’élaboration.

M. Didier Migaud. Nous insistons donc. C’est un sujet essentiel, mais sur lequel, il faut bien le constater, le président de la commission a capitulé en rase campagne.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous êtes injuste !

M. Didier Migaud. Son discours était pourtant très ferme : M. Méhaignerie n’avait-il pas fait du plafonnement un point de fixation, déclarant de façon solennelle qu’il engageait tout son poids de président de la commission des finances dans cette affaire ? J’aurais préféré que son poids fût plus lourd !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. J’ai demandé à intervenir, monsieur le président, car notre discussion est essentielle. Avec un peu de bonne volonté des uns et des autres, nous pouvons moraliser la fiscalité.

Hier, notre collègue Henri Emmanuelli a fait une démonstration éclatante : pour peu qu’il bénéficie de toutes les niches fiscales, dont vous avez, messieurs de la majorité, considérablement augmenté le nombre, un parlementaire pourrait ne payer que 14 euros d’impôt par mois ! Est-ce normal avec un tel niveau de revenu, quand on connaît la situation financière de notre pays, alors que nous avons tant besoin de moyens nouveaux et que la plupart des contribuables modestes payent davantage d’impôt ? Vraiment, il est indispensable de moraliser la fiscalité, et cela dès maintenant !

Je ne comprends d’ailleurs pas les craintes que vous pourriez avoir. N’avez-vous pas déjà établi le bouclier fiscal – qui est particulièrement injuste ? Comme je vous le faisais remarquer l’année dernière, tous ceux qui pourraient payer davantage d’impôt du fait du déplafonnement, bénéficieront, grâce à ce bouclier fiscal, de garanties. Il y a tellement de garanties que vous n’avez vraiment pas à avoir peur !

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas contre les niches fiscales, qui peuvent être efficaces pour l’emploi ou l’investissement. Mais vous avez la manie de les transformer en cadeaux fiscaux, car votre préoccupation est toujours la même : réduire l’impôt des plus aisés.

Nous avions créé, à l’initiative de Martine Aubry, une niche fiscale pour encourager l’emploi à domicile. Dès 1993, M. Sarkozy, alors ministre du budget, a triplé l’avantage en expliquant que c’était préférable à une réduction de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu.

M. Michel Bouvard. Cela a eu des résultats en termes d’emploi !

M. Augustin Bonrepaux. Relisez les propos de M. Sarkozy lors du débat sur la loi de finances pour 1994 : devant une assemblée qui voulait abaisser la tranche supérieure du barème, il a défendu l’idée d’un amendement qui ferait encore mieux : d’une niche efficace, vous avez fait un cadeau fiscal !

Dès 1997, nous avons ramené cet avantage à un niveau cependant efficace, celui auquel il peut encourager l’emploi. En 2002, vous l’avez triplé à nouveau, et cela en faveur de moins de 50 000 contribuables ! C’est une insupportable injustice.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur général, que nous avions nous-mêmes créé des niches fiscales. C’est vrai. Nous en avons, en particulier, créé une, à l’initiative de Didier Migaud et de moi-même, pour stimuler l’investissement dans les régions touristiques. Il s’agissait d’encourager la création de résidences de tourisme.

M. Didier Migaud. Cette niche a été très utile !

M. Augustin Bonrepaux. Immédiatement, il s’en est construit dans des zones où il n’y en avait pas. Or, à peine retrouviez-vous la majorité qu’à l’initiative de M. Bouvard vous avez doublé l’avantage.

M. Michel Bouvard. Doublement que nous avons tous voté en commission, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ce doublement alors que cette niche était efficace telle qu’elle était ?

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Mais je reprends la proposition de M. Bouvard. Puisque vous dites, monsieur le ministre, que le plafonnement est impossible, ou qu’il vous faudrait encore cinq ans…, il convient en effet que la commission des finances ait connaissance – cela aurait même dû être le cas plus tôt selon notre collègue – de toutes les études que vous avez réalisées pour parvenir à cette conclusion. Cela nous permettrait de juger de la pertinence de l’amendement présenté l’année dernière par le président de la commission et de savoir si vraiment ce plafonnement est impossible.

Une autre solution, cependant, consisterait à examiner les niches les unes après les autres – ce qui pourrait être fait rapidement – pour évaluer leur efficacité et pour revoir l’avantage des niches des emplois à domicile et des investissements touristiques. Puisque, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, vous avez encore la possibilité de déposer des amendements, la commission ou le Gouvernement pourrait nous faire des propositions concrètes pour moraliser la fiscalité. Ce serait simple.

Dans ces conditions, monsieur le président, je demande une suspension de séance d’une demi-heure pour réunir la commission des finances et lui permettre de réfléchir à ce sujet, afin qu’elle puisse revenir en séance avec des propositions de moralisation de la fiscalité beaucoup plus sérieuses que celles qui nous sont présentées. Vous ne pouvez, messieurs de la majorité, terminer la législature sur une telle injustice, qui aboutit à ce que l’on puisse, avec des revenus extrêmement élevés, échapper à l’impôt.

M. le président. Avant de faire droit à votre demande, je vais mettre aux voix l’amendement no 118, dont la discussion est close.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas possible, monsieur le président, puisque ma demande de suspension a pour objet l’étude d’une proposition alternative !

M. le président. Je vais donc suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je voudrais essayer de clarifier les termes de notre débat. Sur ce sujet important, il existe un décalage entre le discours et les actes, mais tout le monde voit bien que nous n’avons pas tout à fait, c’est le moins qu’on puisse dire, la même conception de la justice fiscale.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’en suis pas si sûr.

M. Didier Migaud. Mais nous avons entendu, avec Augustin Bonrepaux et Éric Besson, ce qu’ont dit le ministre et le président de la commission des finances, et nous aimerions obtenir une réponse aux deux questions suivantes :

Monsieur le ministre, acceptez-vous de prendre l’engagement, comme Michel Bouvard l’a demandé le premier, que tous les documents de travail ayant fait l’objet d’un échange entre vous, le président de la commission des finances et le rapporteur général, soient communiqués à tous les membres de la commission, de façon que nous puissions travailler en toute transparence sur ce dossier ?

Par ailleurs, le président de la commission des finances et le rapporteur général accepteraient-ils qu’un petit groupe de travail soit rapidement constitué pour étudier ces documents et faire éventuellement des propositions sur telle ou telle niche fiscale dans le cadre du collectif qui viendra en discussion d’ici à la fin de l’année ?

Dans un souci de transparence utile pour faire apparaître la sincérité de nos points de vue respectifs, et je suis convaincu, monsieur le ministre, de votre volonté d’ouverture en ce domaine, nous souhaiterions obtenir des réponses précises à ces deux questions précises.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, je m’autorise à prendre la parole puisque j’ai moi-même fait des propositions à ce sujet dans la discussion générale. Je n’ai pas encore reçu de réponse de la part du ministre du budget mais j’espère en obtenir une un jour.

Nos collègues de l’opposition tiennent un double langage, je me permets de le dire, ayant moi-même essayé, en tant que rapporteur de la loi-programme sur l’outre-mer, de limiter les possibilités de déduction au titre des investissements dans ces collectivités et ayant été battu notamment par nos collègues socialistes.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, M. Auberger a raison.

M. Philippe Auberger. On ne peut pas soutenir qu’il faut limiter les niches fiscales – nous sommes d’accord sur le principe – et adopter une position contraire dès que l’on aborde le sujet très sensible des déductions fiscales outre-mer. Je souhaiterais, pour la bonne harmonie de cette discussion, que nos collègues renoncent au double langage.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je regrette que le président de la commission des finances n’ait pas jugé bon de réunir immédiatement la commission pour que nous puissions examiner les documents.

M. Michel Bouvard. On ne va pas faire ça à la sauvette, le sujet est trop sérieux !

M. Augustin Bonrepaux. Mais si la réponse du Gouvernement est favorable, je n’insiste pas. De toute façon, ce n’est pas la peine de vouloir renvoyer à plus tard l’examen de ce plafonnement puisque nous aurons tout à l’heure l’occasion de remettre la niche fiscale concernant les emplois à domicile au niveau qui correspond à l’efficacité de cette mesure et qui lui enlève sa nature de cadeau fiscal.

Pour l’heure, nous attendons que le Gouvernement s’engage à nous communiquer ces documents et que le groupe de travail soit constitué de façon que nous puissions proposer, lors du collectif, une mesure pour moraliser l’impôt sur le revenu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais dire à M. Migaud et à M. Bonrepaux que, comme cela avait été convenu ici même, un groupe de travail a été constitué avec les deux présidents des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat et les deux rapporteurs généraux.

M. Didier Migaud. Sans nous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous nous sommes réunis à trois reprises au premier semestre. Un certain nombre de documents nous ont été fournis sur les deux pistes envisagées : d’une part le plafonnement, d’autre part les dispositifs, inspirés des exemples étrangers, de cotisations minimales ou d’impôt minimal. Ces documents peuvent vous être communiqués sans aucun problème.

Mais il est un point sur lequel je veux insister, c’est que la décision du Conseil constitutionnel est extrêmement précise. Dès qu’on l’analyse dans le détail, on se rend compte qu’elle rend très difficiles à concevoir les mesures de plafonnement des niches. Compte tenu de cette décision, cette piste-là s’avère particulièrement délicate. Il faudra d’ailleurs analyser de près, dans le cadre de nos réflexions, les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel sur nos possibilités de travail.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avant de vous répondre sur le fond, monsieur Migaud, permettez-moi de vous dire que je n’apprécie guère la tonalité de vos propos selon lesquels il y aurait, d’un côté, la gentille opposition, qui lutte contre les injustices, et de l’autre côté, la méchante majorité, qui n’aurait à cœur que de favoriser les riches.

M. Didier Migaud. Ah bon ?

M. Augustin Bonrepaux. C’est pourtant le cas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur ce sujet, j’ai fait l’effort d’une contrition, ce qui est chez moi assez rare, et j’aurais apprécié que vous le notiez.

M. Didier Migaud. Je l’ai dit.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons travaillé longuement, rigoureusement, pour essayer de trouver la meilleure solution et le meilleur équilibre possible.

M. Didier Migaud. Nous n’en savons rien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je peux espérer quand même que ma parole vaille quelque chose.

M. Didier Migaud. Oui.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’ai jamais mis en doute la vôtre.

M. Didier Migaud. Comme Saint Thomas, on préfère voir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous me demandez de voir les résultats de ces travaux, je vous réponds bien volontiers que je les tiens à votre disposition.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous communiquerai tous les éléments sur lesquels nous avons travaillé car je n’ai absolument rien à vous cacher, sur ce sujet comme sur les autres. Mais je vous demande, en contrepartie, de bien vouloir reconnaître que j’ai été de très bonne foi, comme l’ont fait M. Méhaignerie et M. Carrez. D’ailleurs, s’ils n’avaient pas été d’accord, je les connais suffisamment l’un et l’autre pour savoir qu’ils l’auraient dit de la même manière. Je souhaite donc que vous me donniez acte de ma bonne foi.

Deuxièmement, je tiens, j’y insiste, les études à votre disposition.

Troisièmement, je suis prêt à travailler avec vous ; je pourrai ainsi vous montrer que le sujet est bien compliqué.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, je vous mets au défi, comme l’a fait Gilles Carrez, de trouver la bonne solution. Pendant des années, vous n’y êtes pas parvenus et pourtant j’ai toutes les raisons de penser que vous avez essayé. De notre côté, nous avons fait de même, parce que nous avons les mêmes objectifs que vous, nous sommes, comme vous, républicains, et comme vous, attentifs à essayer de concilier justice et efficacité.

Vous le voyez, nous menons en réalité un combat assez proche et je souhaiterais que nous tombions d’accord pour continuer à travailler ensemble en ayant à cœur aussi de veiller à la simplicité du système.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Chers collègues, en une heure nous avons examiné un amendement ! Sans doute était-il utile que la discussion ait lieu, mais je m’efforcerai désormais de faire en sorte que les temps de parole soient strictement respectés.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 36.

M. Marc Le Fur. S’il est quelque chose qui doit tous nous rassembler ici, c’est bien le souci de la neutralité fiscale. Quel que soit le choix de nos concitoyens pour organiser leur vie affective – mariage, PACS ou concubinage –, il doit être neutre en termes de fiscalité. J’ajoute que si une catégorie ne doit pas être défavorisée, c’est celle des couples mariés. Or, en l’état de notre droit objectif, un problème se pose ; il existe en effet une possibilité d’optimisation fiscale pour certains concubins ayant des enfants, en particulier lorsqu’ils sont aisés. C’est ce risque que je dénonce et auquel j’essaie de trouver une solution, monsieur le ministre.

Comment les choses s’organisent-elles ? Les couples mariés ou pacsés sont soumis à une déclaration commune, alors que les concubins peuvent déclarer chacun de leur côté. Comment ces derniers pratiquent-ils l’optimisation fiscale ? L’un peut déclarer l’enfant, donc bénéficier du quotient familial, ce qui est parfaitement normal, mais l’autre peut aussi déduire une pension alimentaire, ce que ne peuvent faire les couples organisés différemment. Autrement dit, ces deux avantages se cumulent. Le risque d’optimisation fiscale est d’autant plus réel qu’une telle situation résulte non pas de la loi, du code général des impôts, mais de la pure doctrine administrative, c’est-à-dire d’une décision qui n’a pas été débattue ici mais qui s’applique pourtant en droit objectif. Et cette doctrine résulte d’une réponse à une question écrite ancienne puisqu’elle date de 1976.

Le fait qu’une telle situation résulte de la doctrine administrative me choque pour deux raisons. D’abord, parce que je me demande à quoi nous servons : on compare parfois cette assemblée à un théâtre d’ombres et voilà une décision majeure qui nous a échappé ! Ensuite, parce que, de ce fait, l’optimisation fiscale est réservée aux initiés. Soit le dispositif n’est pas satisfaisant et il faut le supprimer ou l’aménager, soit il est satisfaisant et il n’y a pas de raison de le réserver à quelques-uns. Nous devons progresser à cet égard.

L’objet de cet amendement, qui a été repris par la commission, est non pas d’interdire le versement d’une pension, mais de la plafonner à l’instar du quotient familial. Pourquoi ce dispositif serait-il le seul à ne pas l’être ? En outre, la limitation que je propose est très large puisqu’elle excède 4 000 euros par enfant. Nous ne pouvons laisser à la seule doctrine la faculté d’organiser ce régime. Nous devons légiférer pour rétablir un principe qui nous unit tous, celui de la neutralité fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission veille toujours à éliminer les distorsions fiscales, notamment au détriment des couples mariés. Sur ce sujet, nous nous sommes tous posé beaucoup de questions et, dans le doute, nous avons adopté cet amendement en attendant que la réponse du ministre nous éclaire. Pour ma part, comme je l’ai dit en commission, j’attends cette réponse pour fixer ma position.

M. le président. Éclairez-nous donc, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un sujet qui n’est pas inintéressant, même si j’ai été quelque peu surpris de le voir arriver dans ce débat. C’est en effet une question à la fois toute petite et énorme. Les choix de vie des Français, notamment dans le domaine familial et conjugal, ne sauraient être abordés sous le seul angle fiscal – ce serait réducteur –, mais après tout pourquoi n’en parlerions-nous pas un jour ? Cela dit, il me paraît difficile de traiter la question de manière ponctuelle, d’autant que cet amendement poserait une légère difficulté dans la mesure où il s’appliquerait aux revenus de 2006.

M. Marc Le Fur. Proposez-le en deuxième partie alors !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nos concitoyens devraient donc refaire d’un coup tous leurs calculs, ce qui va à l’encontre de notre philosophie générale puisque nous souhaitons nous projeter dans l’avenir et instituer la plus grande transparence possible pour que les contribuables sachent quel impôt ils devront payer. Je vous propose donc de tenir ce débat, de manière plus globale, en d’autres circonstances, et je serais sensible au fait que vous acceptiez, monsieur Le Fur, de retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Malgré toute l’amitié que je porte à M. Le Fur, je n’ai pas voté cet amendement en commission des finances et, d’ailleurs, je ne le comprends pas. En effet, les concubins n’ont pas besoin d’une déclaration de concubinage notoire pour faire une déclaration commune. La règle fiscale, c’est la situation de fait. S’ils vivent ensemble, ils doivent faire une déclaration commune. Dans ces conditions, le quotient familial s’applique à eux et ils ne peuvent naturellement pas déduire de pension alimentaire.

M. Marc Le Fur. Mais ils le font !

M. Philippe Auberger. Dans ce cas, mon cher collègue, ils ne sont pas dans une situation régulière sur le plan fiscal ! Selon un vieux principe, qui a toujours été appliqué, le droit fiscal tient compte des situations de fait et non de droit. Si, par hasard, ces personnes ne vivent plus ensemble, elles peuvent naturellement faire deux déclarations séparées, mais le juge décide qui a la garde de l’enfant et fixe, le cas échéant, le montant de la pension alimentaire, qui est toujours très faible, donc l’avantage est extrêmement réduit. Voilà pourquoi je ne vois pas l’intérêt de cet amendement, que je ne voterai pas.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il me semble que tout le monde a raison. (Sourires.) Nous devons rappeler que, quelle que soit la situation du couple, il ne doit faire qu’une déclaration. Ce principe, auquel tient Marc Le Fur dans un souci d’égalité et que rappelle Philippe Auberger en philosophie fiscale, doit être constamment appliqué par l’administration. Peut-être pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, que vous entendez le rappeler à vos services.

M. le président. Monsieur Le Fur, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Marc Le Fur. Encore un mot, monsieur le président. Aujourd’hui, il y a des concubins qui vivent ensemble…

M. Michel Bouvard. Jusque-là, on suit ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. …et qui ne sont pas soumis à l’obligation de déclaration commune.

M. Hervé Mariton. Si !

M. Marc Le Fur. On me dit qu’il y a 90 000 cas de cette espèce.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comment les a-t-on comptés ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Philippe Auberger a énoncé un principe auquel je souscris, mais les faits sont là ! Je constate que des concubins vivant ensemble font deux déclarations et, de fait, optimisent leur situation fiscale. Si M. le ministre nous dit qu’il sera mis un terme à cette anomalie, je m’inclinerai, mais j’attends pour cela qu’il réponde à la question très pertinente d’Hervé Mariton.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sacré Marc Le Fur ! Nous allons perdre Augustin Bonrepaux mais, heureusement, nous garderons Marc Le Fur ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. J’espère !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous le souhaitons du moins !

Tout le monde a bien vu l’enjeu du débat. Si vous me demandez de dire à mes services de continuer à faire leur travail,…

M. Marc Le Fur. Qu’ils ne font pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …je vous confirme que je le ferai et qu’eux-mêmes le feront, notamment dans leur activité de contrôle pour éviter les tricheries. Pour le reste, j’invite à nouveau M. Le Fur à retirer son amendement, faute de quoi je demanderai à l’Assemblée de le repousser.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le problème que vient de soulever Marc Le Fur est encore plus important en matière de distribution des prestations. Il serait souhaitable – nous pouvons travailler sur ce point avec la Cour des comptes – de se pencher sur cet immense problème du contournement des systèmes de prestations et de fiscalité. Mais cela demande une travail approfondi, que nous pourrions accomplir ensemble.

M. Michel Bouvard. C’est un beau sujet !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Si je comprends bien le ministre, la doctrine qui est appliquée aujourd’hui sera remise sur le métier. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 119.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Je n’insisterai pas, car nous avons déjà longuement évoqué la question des niches fiscales. Cet amendement de repli vise à plafonner à 7 500 euros l’avantage tiré de l’addition de différentes niches.

Je ne partage par le point de vue de Philippe Auberger sur les dispositifs fiscaux en faveur de l’outre-mer. Sous la législature précédente, nous avons réformé et moralisé la loi Pons. Les propositions que j’avais formulées dans mon rapport ont été reprises en loi de finances, et Christian Paul les a complétées. Dès l’alternance, vous êtes revenus sur ces mesures pour augmenter encore les possibilités de défiscalisation outre-mer. Nous sommes pourtant plusieurs, au sein de la commission des finances et sans tenir compte des clivages politiques, à nous interroger non pas sur l’intérêt de ces dispositifs – les politiques d’aménagement du territoire peuvent être utilement soutenues par des incitations fiscales –, mais sur le montant des déductions autorisées et sur les limites de leur efficacité. Il est vrai qu’il est difficile de se retrouver seul face à nos collègues d’outre-mer pour en parler.

M. Philippe Auberger. C’est ce qui m’est arrivé pour la loi de programmation ! Vous n’étiez pas là !

M. Didier Migaud. Il faut faire preuve de pédagogie et discuter avec eux, mais lorsque j’étais rapporteur général, j’avais pu obtenir leur accord sur le dispositif revu et corrigé. C’est la preuve qu’il est parfaitement possible d’échanger utilement avec eux pour remettre en cause des avantages qui ne sont économiquement pas justifiés et qui sont contraires à la justice fiscale.

Je maintiens donc l’amendement en rappelant au président de la commission des finances comme au rapporteur général que nous sommes prêts à travailler sur le sujet et à formuler des propositions. Je remercie le ministre de nous transmettre les documents nécessaires.

M. le président. La commission est défavorable à cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet.

M. le président. Le Gouvernement y est également défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 119.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 226.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton. Marc Le Fur, qui a cosigné cet amendement, et moi-même entendons poser la question de la familialisation de la décote. Il ne nous échappe pas que l’enjeu est important et que le coût de cet amendement serait très élevé.

Toutefois, comme Marc Le Fur le démontrera sans doute, notre système fiscal, bien qu’il ait fait de la familialisation un choix majeur, contient nombre d’éléments qui ne la prennent pas en compte, ce qui pose de réels problèmes de cohérence.

Notre objectif n’est pas de résoudre définitivement la question à l’occasion de cette discussion budgétaire. Techniquement, nous n’y sommes pas prêts et le dispositif que nous proposons n’est pas à bonne mesure. Cependant, le problème mérite d’être posé.

La structure actuelle de la décote, non familialisée, n’est pas satisfaisante. Déjà ancien, le problème devra être réglé dans l’avenir. Il est souhaitable que chacun en prenne acte dès aujourd’hui, afin que soient engagés des travaux visant à corriger le système actuel à coût constant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a rejeté cet amendement pour trois raisons. Premièrement, notre impôt sur le revenu est le plus familialisé qui soit au monde. Deuxièmement, l’amendement représente tout de même la bagatelle de 2 milliards d’euros. Troisièmement, son adoption, alors même que seulement la moitié des ménages sont assujettis à l’impôt sur le revenu, en exonérerait encore 2,8 millions, ce qui n’est évidemment pas raisonnable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement pose le problème de la familialisation de l’impôt sur le revenu, dont le principe semble acquis. Je rappelle toutefois que la CSG, dont le produit est supérieur à l’impôt sur le revenu, n’est pas familialisée, pas plus d’ailleurs que la TVA. Quant à l’impôt sur le revenu, bien qu’il le soit globalement, il contient à cet égard un certain nombre de scories, dont la décote.

Celle-ci vise en principe à éviter un ressaut d’imposition pour le travailleur payé au SMIC. Le problème est que le calcul se fait non par part, comme tout ce qui relève de la logique de la familialisation, mais par foyer fiscal, ce qui signifie que ce sont les célibataires qui en profitent et non les familles.

C’est pourquoi nous proposons de familialiser la décote en la calculant non par foyer mais par part. Le rapporteur général nous objecte qu’une telle mesure coûterait cher. Certes ! En l’état, nous ne sommes pas techniquement en mesure de présenter une proposition satisfaisante. Mais les services de Bercy sont parfaitement capables d’effectuer un calcul sur la base d’un montant réduit pour que la réforme se fasse à coût constant.

L’argument du coût de 2 milliards vaut peut-être contre la rédaction que nous proposons et que nous ne pouvons améliorer qu’avec le concours du ministre, mais non contre le principe que nous défendons.

Rappelons-le : notre impôt, qui est familialisé, ne l’est pas pour les revenus les plus faibles.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, inscrit sur l’article 3.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous avons eu l’occasion, à maintes reprises, de nous exprimer sur le dispositif de la prime pour l’emploi, qui représente le type même des mesures qui n’ont de social que l’apparence. Les 55 euros supplémentaires versés en moyenne par mois à ses bénéficiaires seront largement acquittés par eux du fait des hausses de taxes ou de la CSG, des déremboursements et de l’augmentation des prix.

Certes, la PPE apporte un complément de revenu à un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens qui connaissent des difficultés, du fait en particulier des conséquences de la politique du Gouvernement. Mais nous ne sommes pas dupes du caractère très électoraliste qui s’attache à la décision prise par le Premier ministre de l’augmenter de manière substantielle en 2007.

Je note au passage que les 500 millions d’euros supplémentaires correspondent au seul montant des dividendes perçus par les trois plus grands capitalistes français en 2005. N’est-ce pas l’image parfaite d’une France inégalitaire : 9 millions de nos compatriotes se partageront la même somme que celle qu’ont gagnée trois personnes, à l’autre bout de la chaîne ?

En outre, la prime pour l’emploi est répartie de manière inégale entre les 9 millions de ménages. Parmi les 10 % de Français les plus pauvres, seuls 40 % touchent quelque chose, tout simplement parce qu’une grande partie des plus pauvres n’ont pas d’emploi ou que, s’ils en ont un, celui-ci est si précaire qu’il ne leur permet pas de bénéficier de ce coup de pouce.

Vous affirmez par ailleurs que le dispositif a vocation à ramener à l’emploi ceux qui préféreraient se dorer la pilule en percevant les minima sociaux – tel est du moins le langage que l’on entend couramment Présenter ce dispositif comme incitatif, ce n’est rien d’autre, au fond, que de continuer à affirmer que ceux qui n’ont pas d’emploi n’en veulent pas, vieille rengaine réactionnaire qui, apparemment, fait toujours florès, en dépit d’une évidente pénurie d’emplois, seule cause effective du chômage.

M. Michel Bouvard. Des abus existent, tout de même !

M. Jean-Claude Sandrier. Bien sûr ! Mais à une échelle infime. Vous en faites la règle, alors qu’ils sont l’exception !

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas la règle, mais c’est une réalité.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est aussi reconnaître, d’une certaine façon, que l’on n’offre à nos concitoyens que des emplois précaires et sous-payés, qui les empêchent souvent d’assumer les frais de garde des enfants ou de transport, ce qui pose de réels problèmes.

M. Michel Bouvard. C’est vrai.

M. Jean-Claude Sandrier. Eh oui ! Mais l’important ici est de remarquer surtout que ceux qui auraient le plus besoin de la PPE en sont largement exclus.

Cela me mène au second reproche que nous adressons à ce dispositif : il fonctionne comme une trappe à bas salaires et à précarité, ce qui est mauvais pour la croissance et pour la compétitivité. Il entretient une politique de bas salaires qui affaiblit notre économie.

Aujourd’hui, il est urgent de débattre du montant des salaires et des moyens à mettre en œuvre pour lutter contre le développement du travail précaire. Or la PPE n’aboutit en fait qu’à éluder ce débat. Vous faites payer par l’argent public la réticence des entreprises à augmenter les salaires, comme elles devraient le faire. Même si elle apporte un peu de pouvoir d’achat, largement payé par les intéressés, la prime pour l’emploi n’est en fait qu’une dépense publique visant à pallier les carences du privé, auquel vous continuez à faire des cadeaux somptueux qui aident profits et dividendes à pulvériser tous les records.

D’ailleurs, si le président de notre commission propose d’intégrer la prime pour l’emploi à la fiche de paie, c’est bien qu’elle n’a pour lui d’autre but que de dispenser le patronat de toute velléité de conduire une véritable négociation salariale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous n’avez rien compris !

M. Jean-Claude Sandrier. Voilà bien le fond de l’affaire : vous ne voulez pas rehausser les salaires dans notre pays. Et cette logique, nous la dénonçons clairement.

M. le président. Nous en venons à la discussion des amendements déposés sur l’article 3.

Je suis saisi d’un amendement n° 129.

La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. D’un mot, monsieur le président, je souhaiterais revenir aux propos du ministre. Celui-ci nous a confié qu’il acceptait mal de nous entendre rappeler le fossé qui sépare la gentille l’opposition de la méchante majorité. Nous sommes navrés pour lui, mais le fait est là : les inégalités se sont accrues, tout comme l’injustice fiscale.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Éric Besson. Qu’il en tire des conclusions à sa guise. Mais il aura du mal, surtout dans les mois qui viennent, à nier de telles évidences.

Du reste, c’est sa surprise qui me surprend, puisque l’injustice était inscrite dès la campagne de 2002. Le candidat Chirac et ses porte-parole, dont l’actuel ministre du budget, avaient en effet ciblé la baisse de la fiscalité sur l’impôt sur le revenu, le seul réellement progressif, ce qui inscrivait mécaniquement l’injustice dans les faits.

Le ministre ferait donc mieux d’assumer ce principe, voire de le revendiquer, en vrai libéral. Après tout, certains arguments peuvent plaider, au nom du libéralisme, pour ce choix de fiscalité. Mais pourquoi nier une évolution qui a été souhaitée pendant la campagne électorale et qui est avérée ?

Par ailleurs, hier, une suspension de séance nous a empêché de clore un débat entre M. Migaud, M. Bonrepaux et le rapporteur général. Celui-ci a prétendu que nous nous trompions en dénonçant la baisse des cotisations de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont il assurait que le rendement avait augmenté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien sûr !

M. Éric Besson. Je lui ai apporté un graphique que je tiens à sa disposition et que voici. Oui, le rendement a incontestablement augmenté, mais…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Votre tableau est spécieux. Vous raisonnez en termes de cotisation moyenne, ce qui est absurde.

M. Éric Besson. Vraiment ? Il est absurde de raisonner en cotisation moyenne ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui ! C’est le rendement de l’impôt qu’il faut considérer.

M. Éric Besson. Vous nous l’expliquerez tout à l’heure. Ne vous déplaise, je vais continuer ma démonstration par l’absurde, car je tiens à rappeler que les cotisations moyennes ont fortement baissé pendant la législature, comme nous l’avions affirmé.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Heureusement !

M. Éric Besson. Puisque cela a l’air de vous satisfaire pleinement, assumez-le ! C’est parfait. Je prends acte du fait que vous ne contestez pas ce chiffre.

M. Michel Bouvard. Cela va de soi, puisque les plus riches vont placer leur argent en Suisse et que la hausse de l’immobilier a augmenté le nombre des assujettis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Leur nombre a pratiquement doublé : la baisse de la cotisation moyenne est donc arithmétique.

M. Éric Besson. Peut-être, mais quand nous l’avions annoncée, vous la contestiez. À présent que les résultats sont là, vous nous répondez qu’il s’agit d’une évidence. Une partie de votre raisonnement a dû nous échapper.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, nous n’avons jamais contesté le fait ; nous avons seulement souligné que le produit de l’impôt lui-même avait augmenté de 50 %.

M. Éric Besson. Quant à la prime pour l’emploi, née dans un contexte très particulier, elle n’a pas que des avantages. Est-elle ou non une trappe à bas salaires ? Ne redonne-t-elle pas à l’État une responsabilité excessive au regard de la politique de revenus ? Ne pèse-t-elle pas davantage sur la grille des salaires ? Nous sommes convaincus que, à terme, dans le cadre par exemple d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, elle devra être progressivement éliminée.

Toutefois, c’est aujourd’hui un instrument qui existe, et probablement l’un des seuls qui puissent non seulement redonner rapidement du pouvoir d’achat aux catégories qui en ont le plus besoin, mais aussi réparer en partie l’injustice fondamentale des budgets qui se sont succédé, particulièrement de celui-ci.

C’est pourquoi le groupe socialiste propose, par cet amendement, d’augmenter fortement la prime pour l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Depuis 2002, la majorité a doublé la prime pour l’emploi, dont le montant total est passé de 2 à 4 milliards d’euros.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un salarié payé au SMIC percevra en 2007 une prime pour l’emploi de près de 950 euros, ce qui représente pratiquement un treizième mois.

M. Didier Migaud. Ils sont peu nombreux à la toucher !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est dire l’effort considérable consenti par le Gouvernement et la majorité. Je rends d’ailleurs hommage à Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, qui, pendant l’été, a fortement plaidé pour une majoration substantielle de la prime pour l’emploi en 2007, tout en étant conscient, avec tous les membres de la commission, qu’il faudra en améliorer les modalités, notamment en l’intégrant à la feuille de paie.

La prime pour l’emploi a un objectif en termes de pouvoir d’achat, ce qu’Éric Besson a souligné à juste titre, et c’est à ce titre un dispositif efficace. Je tenais par conséquent à rendre hommage à Pierre Méhaignerie et à remercier le Gouvernement qui nous a écoutés en acceptant cette majoration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’invite naturellement votre assemblée à repousser cet amendement. Lorsque, en introduction au débat budgétaire, j’ai indiqué que j’étais satisfait du travail réalisé en amont, je songeais notamment à la question de la prime pour l’emploi. À cet égard, je veux remercier le président Méhaignerie pour sa contribution décisive, qui nous a conduits à aller le plus loin possible dans notre réflexion sur la valorisation du travail, en soulignant la nécessité de marquer une différence entre les revenus du travail et ceux qui n’en sont pas issus. Il ne s’agit pas de pénaliser la solidarité nationale – il n’a jamais été question de remettre en cause les montants du RMI ou des minima sociaux –, mais il n’est pas normal que celui qui reprend un travail perde de l’argent. Une telle situation n’est pas normale dans une société moderne. L’augmentation très significative de la prime pour l’emploi contribue à revaloriser le travail. Au reste, celle-ci ayant été créée par la gauche, je m’étonne qu’une telle proposition ne fasse pas l’unanimité.

En tout état de cause, j’invite, je le répète, votre assemblée à repousser cet amendement et à encourager l’action que nous avons menée, afin de permettre à une personne au SMIC, par exemple, de bénéficier d’un treizième mois grâce à la prime pour l’emploi. Cela n’enlève rien à la fragilité du système, mais c’est un autre débat que nous aurons en d’autres circonstances.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il est singulier que, chaque fois que l’on évoque la prime pour l’emploi, le groupe socialiste juge utile de parler de l’ISF : ce sont deux sujets différents.

Néanmoins, puisque la question a été soulevée, je précise que la diminution de rendement qu’évoque Éric Besson est la justification même des dispositions que nous avons prises concernant le bouclier fiscal. Le problème de l’ISF est en effet le suivant : le nombre des contribuables assujettis aux tranches les plus élevées diminue en raison de l’évasion fiscale – qu’il faut freiner –, alors que le nombre de ceux qui sont assujettis à la tranche inférieure ne cesse de s’accroître en raison de l’augmentation des prix de l’immobilier, elle-même à l’origine d’une plus-value latente que ces propriétaires ne réaliseront presque jamais, dans la mesure où c’est leur résidence principale qui est le plus souvent concernée. Cela devrait inciter nos collègues à avoir une vision plus réaliste et plus objective de ce dossier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, avec l’écrasante majorité que vous a donnée le système électoral, vous ferez passer ce que vous voulez en loi de finances. L’exercice consiste, pour vous, à enrober de miel la pilule amère et, pour nous, à faire de la pédagogie en montrant que, sous le sucre, se cache quelque chose de très désagréable pour les Français.

Je connais un peu la circonscription de Michel Bouvard. C’est très joli : je vous recommande en particulier le village de Bonneval, sur la route du col de l’Iseran.

M. Michel Bouvard. Merci pour cette promotion !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si ses habitants entendaient M. Bouvard, qui a la fibre gaulliste – au moins les jours pairs (Sourires) –, s’instituer défenseur urbi et orbi de l’ISF, ils seraient bien étonnés.

M. Michel Bouvard. Certains d’entre eux y sont assujettis, précisément en raison des prix de l’immobilier !

M. Jean-Pierre Brard. M. le ministre a évoqué la « fragilité du système » mais, en réalité, celui-ci est béton ! Le rapporteur général vient d’expliquer que, pour les personnes qui sont au SMIC, l’augmentation de la prime pour l’emploi représentera un gain supplémentaire de 950 euros, soit quasiment un treizième mois.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est formidable !

M. Jean-Pierre Brard. C’est formidable, bien sûr ! Mais vous oubliez que, avec votre bouclier fiscal, les 14 000 plus gros assujettis à l’ISF reçoivent, eux, un cadeau de 18 500 euros en moyenne. Eux peuvent dire : « C’est formidable ! On n’a rien demandé et ils nous remplissent notre auge quand même ! » Or 18 500 euros, c’est vingt fois plus que les 950 euros d’aide supplémentaire maximale que vous allez accorder aux plus modestes. Et vous ne parlez jamais des chômeurs et des RMIstes qui, eux, n’ont droit à rien.

Le ministre dit – et il a tout à fait raison – que la différence doit être marquée entre ceux qui vivent du travail et ceux qui n’en vivent pas.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous progressez !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais nous ne pensons pas aux mêmes personnes. Là où vous ne voyez que les RMIstes et les chômeurs, je vois aussi ceux auxquels vous réservez toute votre attention et dont les revenus ne proviennent pas du travail, ceux dont un Président de la République disait qu’ils s’enrichissaient en dormant. Serge Dassault, par exemple : ce n’est pas 950 euros qu’il a touchés en 2005, mais 80 millions d’euros de dividendes. Voilà la réalité !

Il est très important de faire de la pédagogie sur ce sujet car, grâce aux chaînes parlementaires – et je suis sûr que vous sous-estimez ce phénomène –, nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à suivre nos discussions. Vous ne pouvez donc plus dissimuler vos coups tordus.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Mme des Esgaulx se dit : « Mince ! Je n’y ai pas pensé quand je me suis exprimée hier ».

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Expliquez-moi donc comment Serge Dassault a enlevé une ville communiste !

M. Jean-Pierre Brard. Il arrive que certains jouent contre leur camp et le fait que Serge Dassault se soit emparé d’une municipalité communiste ne prouve rien.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est tout de même un sacré constat d’échec !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Brard : il est temps de conclure votre propos.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre me fait l’honneur de m’interrompre : je ne peux pas ne pas lui répondre.

Le ministre et le rapporteur général essaient de nous éloigner du sujet mais, pendant qu’ils gratifient les personnes qui sont au SMIC d’une obole de 950 euros annuels, M. Dassault, avec nos impôts – puisque c’est l’État qui achète ses avions –, a engrangé 80 millions d’euros de dividendes en 2005. Voilà la réalité de votre politique.

M. le président. Merci, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je fais de la pédagogie pour faire tomber vos masques. Ce n’est pas le carnaval : nous débattons du projet de loi de finances et il faut montrer quels intérêts vous servez.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 142.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je souhaite revenir à ce qu’ont dit le rapporteur général et le ministre. Depuis que le Gouvernement nous affirme que la prime pour l’emploi double, ses crédits devraient être supérieurs à 4 milliards d’euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle représentait 2 milliards d’euros en 2002 !

M. Didier Migaud. Cela fait trois ans que, en jouant sur les mots, on nous explique que la prime pour l’emploi double. En fait, ce qui double, c’est ce que le Gouvernement ajoute chaque année, ce qui est totalement différent. Au reste, d’une certaine façon, le rapporteur général le reconnaît, puisqu’il nous explique que, entre 2002 et 2007, on sera passé de 2 milliards à 4 milliards. Le doublement a donc eu lieu en cinq ans, qui plus est sans prendre en compte l’inflation ni l’augmentation du nombre des bénéficiaires. En outre, pour de très nombreuses personnes, la prime pour l’emploi est loin de représenter un treizième mois. Je tenais donc à apporter cette rectification et à relativiser l’effort du Gouvernement, peu important au regard de tous les avantages consentis à nos concitoyens les plus aisés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Après les propos de Didier Migaud et de Jean-Pierre Brard, je souhaite revenir sur quelques inexactitudes flagrantes.

M. Jean-Pierre Brard. Ah bon : M. Dassault a gagné plus de 88 millions d’euros ?

M. Philippe Auberger. Personne n’a rappelé que plus de 8 millions de nos compatriotes bénéficient de la prime pour l’emploi. La comparaison avec un ou deux cas n’est donc pas valable. Il ne faut pas minimiser l’effort consenti par le Gouvernement, qui a inscrit dans le projet de loi de finances 1 milliard supplémentaire en faveur de la prime pour l’emploi.

M. Didier Migaud. À répartir entre 8 millions de bénéficiaires !

M. Philippe Auberger. Par ailleurs, je remercie M. le ministre délégué qui, en réponse à mon intervention dans la discussion générale, a accepté les trois pistes de réforme de la prime pour l’emploi que je lui avais suggérées. Je tiens cependant à lui faire remarquer que nous avons reçu, au mois de septembre, un rapport de la Cour des comptes particulièrement explicite sur ce sujet. Je m’inquiète donc qu’il ait intégré la prime pour l’emploi dans le champ de la cinquième vague d’audits, car les conclusions de la Cour des comptes sont suffisamment éclairantes pour que l’on prépare maintenant de toute urgence la réforme, afin de l’appliquer le 1er janvier 2008, à défaut de pouvoir le faire le 1er janvier 2007.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Auberger, les deux rapports ne sont pas de même nature. Il va de soi que l’audit que j’ai commandé tient le plus grand compte du rapport de la Cour des comptes, mais il se veut plus opérationnel et couvre un champ plus large que ce dernier. La question de la feuille de paye, notamment, n’est pas évoquée dans ce rapport. Ensuite, j’estime que les audits que je commande en tant que ministre apportent des réponses plus opérationnelles. Il n’y a donc pas de redondance : ces études très approfondies complèteront utilement les conclusions de la Cour.

M. Jean-Pierre Brard. Puis-je répondre au Gouvernement ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, l’usage veut, dans cette assemblée, que l’on puisse répondre au Gouvernement.

M. le président. Cela a été fait, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre a été le dernier à s’exprimer !

M. le président. On ne peut répondre chaque fois que le ministre prend la parole.

M. Jean-Pierre Brard. Je le ferai brièvement, monsieur le président, ce qui m’évitera de demander une suspension de séance.

M. Auberger a tout à fait raison : les pauvres sont plus nombreux que les riches. Et j’ai bien compris que c’était la raison pour laquelle on donnait peu à chacun de ces pauvres que votre politique fabrique. Il prétend en outre que je ne parlais que d’« un ou deux cas ». Non ! Je n’évoquerai ni Liliane Bettencourt, ni la famille Pinault, ni Bernard Arnault, parce que cela vous agace. Mais la liste de ceux dont vous vous occupez avec amour, que vous maternez et à qui vous en donnez toujours plus est longue : Romain Zalesky : 99,4 millions d’euros de dividendes en 2005 ; la famille Peugeot : 95 millions d’euros ; la famille Halley : 92 millions ; Serge Dassault : j’en ai déjà parlé ; Jean-Claude Decaux : 64 millions ; Martin et Olivier Bouygues : 56 millions ; la famille de Wendel : 39 millions ; les familles Dumas, Guerrand, Hermès : 33,2 millions ; Philippe Foriel-Destezet : 32,7 millions ; Pierre Bellon : 30 millions seulement ! ; la famille Hériard-Dubreuil : 29 millions ; Marc Ladret de Lacharrière : 28 millions : la famille Despature : 26,3 millions ; la famille Bich : 24,6 millions d’euros…

M. Marc Le Fur. Ce sont les 200 familles, ma parole !

M. Jean-Pierre Brard. …Jean-Paul Baudecroux : 23,2 millions d’euros ; Jacques Courtin…

M. le président. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. J’attendais l’interruption, monsieur le président.

M. le président. Je ne vois pas très bien à quel article du règlement vous vous référez.

M. Jean-Pierre Brard. L’article 58, bien sûr.

M. le président. Ça ne me paraît pas évident.

M. Jean-Pierre Brard. Je voulais simplement montrer que les privilégiés ne sont pas au nombre d’un ou deux : il y en a des centaines. Et vous les bichonnez en plumant les plus pauvres. Voilà votre politique ! Je tenais à mettre le doigt là où ça fait mal, alors que Philippe Auberger voulait faire croire qu’il n’y a que quelques cas de privilégiés qui expliquent la pauvreté du plus grand nombre. Il faut assumer vos choix. Les 950 euros, qui feront du bien à ceux qui les toucheront, ne sont qu’un alibi qui vous sert de cache-sexe pour développer votre politique en faveur des privilégiés. Et si les quelques noms que j’ai cités ne suffisent pas, j’en ai des dizaines d’autres à vous donner !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 303.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Marc Le Fur. La prime pour l’emploi est une très bonne chose, dont nous pouvons être fiers, d’autant que c’est le résultat d’une initiative parlementaire et plus particulièrement de la commission des finances et de son président.

Avec cet amendement, je veux revenir sur la logique de la majoration forfaitaire pour personne à charge. Cette sorte de familialisation de la PPE était prévue dans le dispositif initial. Mais, alors que nous augmentons très sensiblement la prime pour l’emploi – un milliard d’euros y sont consacrés –, la majoration forfaitaire pour personne à charge ne bénéficiera que d’une hausse de 1,8 %. Or cela n’est pas satisfaisant, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la PPE, étant en quelque sorte un impôt négatif, doit être familialisé au même titre que l’impôt. Ensuite, rappelons-le, la prime pour l’emploi résulte d’une initiative faisant suite à une décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré des mesures relatives à la CSG initialement prises par la gauche, au motif précisément que la familialisation n’était pas prise en compte. Si nous oublions cette notion aujourd’hui, le Conseil constitutionnel pourra donc demain censurer cette disposition. Enfin, la PPE vise à encourager les gens à passer de l’inactivité au travail. De fait, le célibataire sans enfant à charge perçoit quelque 400 euros. Mais l’incitation est moitié moindre si l’intéressé à des enfants. Cela montre que la mesure n’atteint qu’en partie son objectif lorsqu’elle concerne des familles.

Voilà toutes les raisons qui m’ont conduit à déposer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Je rappelle à M. Le Fur que, comme l’avait souhaité le Conseil constitutionnel, une majoration forfaitaire par enfant a été introduite dans la PPE. Je souligne en outre que la prime pour l’emploi vise à encourager le travail avant d’être un instrument de la politique familiale.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il y a toujours des différences d’appréciation. Pour les uns, dont M. Le Fur à l’instant, la PPE est une incitation au retour au travail. Pour d’autres, c’est un moyen d’améliorer les bas salaires, dans le contexte de la mondialisation et de la nécessaire maîtrise des coûts de production des entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. Et ça, c’est l’interprétation de Pierre Méhaignerie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. À cet égard, le formidable allégement des charges sociales dont ont bénéficié les bas salaires, entre 1 et 1,5 SMIC, a eu un effet largement positif sur la compétitivité des entreprises et la défense de l’emploi. Mais cela a pu donner le sentiment d’un certain déclassement aux travailleurs dont le salaire est compris entre 1 et 1,4 SMIC et qui ont ainsi l’impression de se rapprocher du SMIC. De fait, 8 % des salariés étaient au SMIC il y a dix ans, contre 15 % aujourd’hui.

Voilà pourquoi je considère, monsieur le ministre, que, s’agissant de la répartition de l’enveloppe d’un milliard d’euros, il faut prendre autant en compte celui qui est à 1,2 ou 1,3 SMIC que celui qui est à 0,8 ou 0,7 SMIC. Cela permettra d’éviter ce sentiment de déclassement que connaissent ceux qui, du fait de la forte augmentation du SMIC, ont précisément l’impression de se rapprocher du salaire minimum.

Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement puisse aborder cette question.

M. Dominique Richard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 303 ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons que vient d’évoquer M. le rapporteur général.

Monsieur le président Méhaignerie, les questions que vous posez sont parfaitement fondées.

M. Jean-Pierre Brard. On connaît la chanson : c’est un vrai sujet et il convient d’y réfléchir…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous voulez répondre à ma place, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sera pas pire que vous ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout cas, ce serait différent ! Je vous trouve décidément très agressif, monsieur Brard. Il était déjà assez choquant de jeter aux piranhas les noms de Français qui ont aussi quelques qualités et qui ont un peu incarné l’excellence française.

M. Jean-Pierre Brard. Ils s’enrichissent sur le dos des pauvres ! C’est là toutes leurs qualités !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Arrêtez donc, monsieur Brard ! À la fin, c’est vraiment too much, comme on dit !

Monsieur Méhaignerie, il faut effectivement avoir une réflexion de fond sur cette question. Je reconnais volontiers que l’augmentation très significative de la prime pour l’emploi est une réponse satisfaisante dans l’immédiat. Mais elle ne nous exonère pas d’une réflexion plus profonde, d’autant que la PPE est payée par l’État.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il faudra voir jusqu’où nous pouvons aller dans ce domaine. Ce sera un beau sujet pour l’élection présidentielle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 303.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement tend à exclure du bénéfice de la prime pour l’emploi les personnes assujetties à l’ISF. Une mesure similaire a déjà été prise au titre du RMI, il y a quelques années. C’est un amendement de bon sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. L’amendement n° 313 rectifié, que j’avais déposé puis retiré en commission pour m’associer à celui du rapporteur général, se retrouve, pour des raisons que j’ignore, sur la feuille jaune, après l’article 3. Je vous informe d’ores et déjà que je le retire et que je voterai l’amendement du rapporteur général, étant moi aussi favorable à cette démarche d’équité fiscale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. On comprend la logique du propos. Mais, monsieur le rapporteur général, comment pouvez-vous mettre sur le même plan le RMIste et l’assujetti à l’impôt sur les grandes fortunes ? Le raccourci est saisissant.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous semblez ne pas avoir compris mon argumentation, monsieur Brard.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 13.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement de M. de Courson qui a été accepté par la commission. Monsieur le ministre, il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur le lien entre la PPE et la fiche de paie, et sur les différentes questions soulevées par M. Méhaignerie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai anticipé la demande puisque cela fait partie de l’audit que j’ai demandé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement est toujours généreux avec les rapports. Pour la petite histoire, monsieur le ministre, ce rapport sera-t-il dématérialisé ou sur papier, qu’on sache au moins combien cela va coûter ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les deux supports seront utilisés.

M. Jean-Pierre Brard. C’est formidable !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tous les rapports d’audit sont mis en ligne. Ils sont à votre disposition comme à celle de tous les Français. Cela change du passé : les audits ne restent plus dans les tiroirs et nos compatriotes peuvent, eux aussi, former leur jugement sur la gestion de l’État.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une excellente chose, monsieur le ministre. Je tenais simplement à souligner que, si vous n’êtes pas avare de rapports, vous l’êtes davantage dès lors qu’il s’agit d’améliorer de façon substantielle l’ordinaire des petites gens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 131.

M. Didier Migaud. Alors qu'il prétend mettre en œuvre un relèvement de la PPE – et au-delà des critiques que nous avons pu exprimer, on ne peut que se réjouir de ce milliard d’euros supplémentaire –, le Gouvernement a décidé la mise en place d'un plancher de 30 euros en deçà duquel la prime pour l'emploi n'est plus versée à ses bénéficiaires. Or la fixation de ce seuil de versement à 30 euros est particulièrement préjudiciable aux bénéficiaires de la PPE puisqu'il est plus élevé que le seuil de droit commun de 8 euros prévu par l'article 1965 L du code général des impôts.

À travers cette disposition – et cela nous paraît particulièrement déplacé –, le Gouvernement économiserait 5 millions d'euros et priverait du bénéfice de la prime 400 000 personnes. Le montant de 30 euros est loin d'être négligeable, si on le compare par exemple au montant du chèque transport annoncé à grand bruit par le Gouvernement.

Si le Gouvernement a bien pour intention d'assurer que la prime a, pour ses bénéficiaires, un réel effet incitatif, il serait mieux inspiré de reprendre le mécanisme introduit lors de la création de la prime en prévoyant qu'un titulaire ne peut toucher un montant inférieur à 30 euros dès lors qu'il est établi qu'il a droit à la PPE. C'est ce que propose cet amendement, qui ouvrirait droit à un montant minimal de prime de 30 euros dès lors qu'il est établi qu'un contribuable a droit à la prime.

La restriction visant à n'appliquer cette disposition qu'en déduction de l'impôt dû n'est justifiée qu'au regard des règles de la recevabilité financière des amendements d'origine parlementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce que vient de dire Didier Migaud est frappé au coin de la justice sociale. Monsieur le ministre, je vous le rappelle, vous aviez prévu un plancher de même nature pour l’APL. Or le médiateur de la République, dans sa grande sagesse, a usé de son pouvoir d’injonction pour faire sauter cette règle. Si vous ne retenez pas la proposition fort légitime de Didier Migaud, nous saisirons donc le médiateur de la République pour qu’il fasse bénéficier la PPE du même traitement que l’APL. Vous ne pourrez pas ainsi priver des gens modestes des trois lentilles que vous offrez.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je suis étonné du silence de la commission et du Gouvernement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vais vous répondre !

M. Didier Migaud. Pourquoi le seuil est-il de 30 euros et non pas de huit ? Quelle économie cela représente-t-il ? Combien de bénéficiaires seront pénalisés par cette disposition ? Voilà autant de questions pertinentes, selon nous, et qui méritent des réponses.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne peux vous donner immédiatement tous les chiffres, mais je voudrais lever un léger malentendu, car nous ne parlons pas de la même chose : le seuil de versement que vous proposez de supprimer ne s’applique pas aux bénéficiaires de la PPE qui disposent des revenus les plus faibles. Le barème est conçu de façon que le montant minimum de la prime à l’entrée dans le dispositif soit très supérieur à 30 euros. Ne sont donc concernés par le seuil de 30 euros que ceux dont le revenu est beaucoup plus élevé. Il nous semble en effet préférable, tant pour la bonne gestion de nos finances que sur le plan social, de concentrer l’effort sur les personnes dont les revenus sont les plus proches du SMIC.

Je vous transmettrai ultérieurement le nombre de personnes concernées. J’ajoute que l’économie réalisée est très faible puisqu’elle n’est que de 5 millions d’euros. Je croyais avoir compris que nous partagions la volonté de concentrer notre effort sur les personnes ayant les plus bas revenus, c’est pourquoi ma réponse était brève.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Ce sont, je crois, 400 000 personnes qui seront privées de la PPE. Ce n’est pas rien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si ce chiffre est exact, il faut d’une part le rapporter à celui des 9 millions de bénéficiaires et, d’autre part, considérer que les montants individuels sont faibles. Je le répète : il me semble plus important de concentrer le versement de la PPE sur les personnes dont les revenus sont les plus modestes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 130.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. C’est un amendement de repli. Monsieur le ministre, vous prétendez que les sommes en jeu sont faibles, mais par rapport à quoi ? Les personnes qui bénéficient de la prime pour l’emploi ont des revenus modestes, et 30 euros, ce n’est pas négligeable, surtout si on compare cette somme au seuil de droit commun prévu par l’article 1965 L. du code général des impôts, qui est de 8 euros.

Vous allez priver un grand nombre de personnes – 400 000, selon Didier Migaud – de 30 euros. Que signifie une économie de 5 millions d’euros après toutes les largesses que vous accordez aux contribuables en poursuivant la baisse de l’impôt sur le revenu ? Ce n’est pas acceptable !

Vous êtes, comme d’habitude, particulièrement discrets lorsque vous limitez la portée d’une mesure, mais vous faites grand bruit quand vous en adoptez une nouvelle, comme le chèque transport, dont le coût ne sera pas plus élevé que celui-ci !

Cet amendement tend à supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Il ne s’agit pas de réaliser des économies, mais de concentrer le dispositif de la prime pour l’emploi, dont chacun reconnaît que le champ d’application est trop large.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 313 rectifié a été retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 138.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Le nombre d’amendements non défendus – la feuille jaune en témoigne – montre bien que nos collègues de l’UMP ne recherchent qu’un effet d’affichage et se préoccupent peu de les soutenir en séance. Il est vrai que cette pratique leur est habituelle.

L’amendement n° 138 vise à aligner les taux applicables aux couples mariés et aux partenaires d’un pacs en matière de droits de succession.

En effet, alors que le Gouvernement est particulièrement prompt à remettre en cause la fiscalité des donations et successions, il refuse, en matière de droits de succession, l’alignement promis des modalités d’imposition des personnes mariées et des partenaires liés par un pacs. Si les conditions de durée sont allégées, les tarifs restent défavorables à ceux-ci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Je vous fais observer que l’abattement au bénéfice des couples pacsés a été sensiblement augmenté, puisqu’il est de 57 000 euros. C’est tout à fait significatif par rapport au montant moyen des successions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ajoute qu’en l’état actuel du droit civil, il n’est pas possible d’aller au-delà, à moins de modifier plus largement la législation en la matière, ce qui n’est évidemment pas l’objet de ce projet de loi de finances.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 138.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 133.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement vise également à aligner la fiscalité des successions des couples pacsés sur celle des couples mariés.

Le pacte civil de solidarité reconnaît et organise la solidarité au sein du couple par un certain nombre de droits et de devoirs. La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités dispose qu’au 1er janvier 2007, les partenaires liés par un pacs auront un devoir d’"aide matérielle et d’assistance réciproque", ce qui diffère peu du devoir de secours et d’assistance qui lie deux personnes mariées. Il nous paraît donc normal qu’ils bénéficient des mêmes droits en matière de successions.

Malheureusement, les dispositions actuelles ne permettent pas la pleine exécution de ce devoir au moment du décès d’un des partenaires : la solidarité qui fonde la relation entre deux personnes pacsées ne donne en effet pas lieu au même traitement que pour les couples mariés au regard des successions. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, l’abattement est de 76 000 euros pour la part du conjoint survivant, alors qu’elle n’est que de 57 000 euros pour la part du partenaire survivant d’un pacs.

Cette différence de traitement entre les couples mariés et les couples pacsés face au drame du décès est difficilement justifiable, surtout quand on sait que les personnes pacsées sont de plus en plus nombreuses. Maintenir une telle différence constitue même une discrimination dans la mesure où, aujourd’hui, le mariage n’est pas ouvert aux couples de même sexe. Ceux-ci ne peuvent donc maintenir au-delà du décès de l’un d’entre eux le lien de solidarité qui fonde leur engagement dans un pacte civil de solidarité.

Dans la mesure où les ménages ont le choix entre le mariage et le pacs, pourquoi une telle différence de traitement ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Sur une question aussi importante, nous attendons des explications : comment pouvez-vous justifier, monsieur le ministre, une telle discrimination ? Nous attendons votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Bonrepaux, participons-nous au même débat ? J’ai déjà répondu à M. Migaud qu’il était difficile d’adopter cet amendement en l’état actuel du droit civil. Vous présentez un amendement de repli : l’avis du Gouvernement est donc le même. Afin que les choses soient tout à fait claires, j’évite de me répéter.

Je suis confus de devoir expliquer à un parlementaire aussi chevronné que vous, monsieur Bonrepaux, que le principe d’un amendement de repli est de porter sur le même sujet que le précédent. Je ne comprends donc pas votre indignation !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 277 rectifié.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. L’objet de cet amendement est d’abaisser à 50 % le taux d’abattement lié à la transmission des entreprises afin que la mesure destinée à encourager ces transmissions ne soit pas trop coûteuse pour l’État.

Je vous rappelle que, dans le prolongement de la loi Dutreil, en matière de droits de mutation à titre gratuit, la loi du 2 août 2005 en faveur des PME visait à faciliter la transmission d’entreprises par un relèvement du taux d’abattement à 75 % et grâce à l’extension du régime d’incitation aux transmissions avec réserve d’usufruit par le donateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. La commission estime que le dispositif juridique est parfaitement calibré et qu’il est préférable d’encourager les véritables donations, qui traduisent une véritable transmission de la responsabilité et de la gestion de l’entreprise, ce qui est le cas dans le cadre des réserves d’usufruit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Également défavorable. Pourquoi, monsieur Perruchot, avoir déposé un tel amendement ? Je sais bien que vous êtes défavorable à ce projet de budget, ce qui me peine, mais je m’étonne que votre groupe souhaite opérer un tel retour en arrière. Je vous invite à retirer cet amendement, car il me paraît contraire à ce que nous essayons de construire ensemble. Si vous le maintenez, j’inviterai l’Assemblée à le rejeter.

M. le président. Monsieur Perruchot, souhaitez-vous maintenir cet amendement ?

M. Nicolas Perruchot. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 277 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 53.

M. Marc Le Fur. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 53 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 132.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, nous serions heureux de connaître la liste des amendements qui seront retirés avant la fin de ce débat. Cela faciliterait la distribution et allégerait la tâche des huissiers !

M. le président. Monsieur Migaud, vous savez comme moi que les amendements dont les auteurs ne sont pas présents en séance ne sont pas défendus.

M. Didier Migaud. Mais ils peuvent être repris par un autre membre du groupe s’ils répondent à une conviction profonde !

L’amendement n° 132 vise à limiter l’abattement applicable à l’assurance-vie.

Une grande partie des transmissions s’effectue aujourd’hui au travers de l’assurance-vie, qui permet de léguer jusqu’à 152 500 euros en franchise de droits. Cet abattement, au-delà duquel s’applique une taxation de 20 %, est accordé à chacun des bénéficiaires.

Pour éviter que les avantages fiscaux au bénéfice des plus aisés ne conduisent à une totale défiscalisation des successions, nous proposons de limiter la possibilité de transmission d’un patrimoine en exonération totale de droits au travers de l’assurance-vie à un montant comparable à celui retenu par le Gouvernement pour les successions proprement dites, soit 100 000 euros.

La limitation de cette disposition aux contrats conclus à compter du 17 octobre 2006 nous met à l’abri de toute critique portant sur la rétroactivité, que nous voulons justement éviter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

Monsieur Migaud, les avantages fiscaux liés à l’assurance-vie ont été sensiblement réduits depuis dix ans. Ce dispositif permet par exemple à des couples pacsés de bénéficier d’un abattement de fait sur les successions. C’est un peu en contradiction avec les thèses que vous développiez voici à peine cinq minutes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne peux pas être favorable à une proposition comme celle-là, qui serait contraire à l’objectif visé – offrir à beaucoup de Français la possibilité de transmettre le fruit de leur travail à leurs héritiers – et permettrait de reprendre d’une main ce que l’on a donné de l’autre.

M. Didier Migaud. 100 000 euros, ce n’est pas mal !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je trouve que le dispositif existant est de bon aloi. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 132.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Avant de passer à l’examen de l’amendement suivant, je tiens à vous préciser, monsieur Migaud, que, vérification faite, les amendements qui ne sont pas soutenus en séance ne figurent pas dans le cahier bleu annexé au Journal officiel.

Par conséquent, le nombre de personnes pouvant en avoir connaissance est nécessairement très limité.

Je suis saisi d’un amendement n° 312.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le défendre.

M. Michel Bouvard. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de coordination. Il a pour but de retenir un seul délai de prescription de trois ans – ce qui est la règle habituelle – pour les recours exercés par l’administration fiscale pour tous les impôts directs d’État.

Je défends également l’amendement n° 38 de M. Denis Merville.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé l’amendement n° 312, essentiellement pour des raisons de forme, puisque le délai était réduit à trois ans.

M. Claude Goasguen. Dix ans pour l’ISF !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En matière d’impôts patrimoniaux, le délai de six ans paraît adéquat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je trouve cette proposition intéressante. Il faudra examiner cela de plus près.

Cependant, la mesure proposée – l’alignement des délais de prescription, qui apparaît comme distincte du cas évoqué – aboutirait à traiter de la même manière les contribuables qui ont régulièrement déposé une déclaration et ceux qui se sont abstenus.

M. Claude Goasguen. Allons !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme vous le savez, les procédures fiscales veillent toujours à opérer une différenciation entre ces deux types de contribuables. Créer pour tous une prescription de trois ans ne serait pas un facteur d’encouragement au civisme fiscal.

Mais tout cela doit être examiné plus attentivement. Dans l’immédiat, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, étant entendu que nous continuerons de travailler en détail sur ce point.

M. Michel Bouvard. Je retire l’amendement n° 312.

M. le président. L'amendement n° 312 est retiré.

Article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 84, tendant à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre cet amendement.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous proposons par cet amendement de supprimer l'article 4, qui a pour objet d'encourager les particuliers à utiliser le crédit hypothécaire.

Nous l'avons dit, l'échec de votre politique de l'offre commandait d’asseoir davantage la croissance sur la demande et sur la consommation. Mais, n'assumant pas ce choix, vous avez souhaité que la consommation repose sur l'endettement des ménages. Tout a été fait pour pousser les Français à puiser dans leurs bas de laine, à emprunter, à débloquer avant terme la participation et, maintenant, depuis l'ordonnance relative aux sûretés de mars dernier, à souscrire un crédit hypothécaire rechargeable.

Qu'est-ce que l'hypothèque rechargeable, sinon un enrichissement sans cause de la panoplie des crédits ?

En permettant de « mobiliser », comme disent les professionnels, le patrimoine immobilier – en clair, de réinjecter une part de la richesse accumulée dans la pierre –, vous cherchez à doper artificiellement la croissance en en faisant peser le risque et le coût sur le dos des Français, quitte à aggraver nombre de situations de surendettement. C'est proprement inadmissible ! D'autant que, dès décembre 2004, la Banque de France a appelé votre attention sur les risques d’encourager l’endettement des ménages.

Les associations de consommateurs sont aussi montées au créneau, comme l'UFC-Que choisir, qui déclarait : « L'emprunteur va mettre désormais dans la balance son appartement pour financer à crédit une voiture, par exemple. C'est totalement disproportionné. »

Nous dénonçons quant à nous l'absence de toute ambition visant à la mise en œuvre d'une véritable politique de croissance et le fait que vous n'ayez rien d'autre à proposer que ce misérable et dangereux dispositif.

C'est une fuite en avant dangereuse. Alors que la consommation ne croît qu’en raison d’un endettement supplémentaire des Français et d’une baisse sensible de leur épargne, alors que la hausse des salaires et le développement des capacités humaines constitueraient la seule source efficace de la croissance et de la compétitivité, ce qui est reconnu par l’ensemble des économistes, vous vous arc-boutez sur le fait que cette croissance viendrait de l’enrichissement des riches et de l’appauvrissement du plus grand nombre de nos concitoyens.

Il n’y a pas plus ringard et dangereux. Joseph Stiglitz vient de le rappeler dans son dernier livre Un autre monde : Contre le fanatisme du marché. J’avais cité son livre précédent l’année dernière.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ça vaut Al Gore !

M. Jean-Claude Sandrier Je le cite : « Ce n’est pas une fatalité. Nous pouvons faire fonctionner la mondialisation pas seulement pour les riches, pour les puissants, mais pour tout le monde. »

C’est parce que vos choix vont à l’encontre de ce processus et accablent toujours plus les mêmes que nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

L’article 4 est particulièrement intéressant. Il s’agit de réduire les frais en termes d’accès au crédit à partir de ce dispositif d’hypothèque rechargeable. C’est au contraire dans l’intérêt des petits emprunteurs.

Je vais prendre un exemple. Celui qui aura contracté un emprunt assorti d’une hypothèque immobilière de 100 000 euros et qui, ayant remboursé une partie de cet emprunt, aura besoin d’équiper sa maison et d’emprunter à nouveau 10 000 euros à partir de cette hypothèque de 100 000 euros, bénéficiera pratiquement d’une réduction des trois quarts des droits qu’il devait acquitter jusqu’à présent.

Ce dispositif est mis en place, on le voit bien, dans l’intérêt des petits emprunteurs. Ils ont besoin de pouvoir recharger leur hypothèque, de bénéficier à plein de l’hypothèque prise sur le bien immobilier qui a gagé leur emprunt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je partage l’avis défavorable de M. le rapporteur général sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 143.

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 143.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 86.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement propose que les biens professionnels soient intégrés dans l'assiette de l'ISF, en utilisant un taux d'intégration qui serait modulé en fonction des choix faits par l'entreprise en matière d'emploi et de salaires.

En proposant la prise en compte dans l'assiette de cet impôt des biens professionnels, tout en en modulant les taux selon un barème assis sur le rapport masse salariale-valeur ajoutée, notre amendement répond au double objectif de justice et d'efficacité. Les cadeaux fiscaux, tels qu'on les connaît depuis des années, pour divers types d'impositions, sans contrepartie en termes de développement de l'emploi, sont une absurdité coûteuse pour les finances publiques. Ce sont des dépenses publiques inefficaces.

Le dispositif proposé par cet amendement a vocation à inciter à la création d'emplois, plus précisément à la création d'emplois bien rémunérés et donc qualifiés, c'est-à-dire ceux dont notre économie et les entreprises ont et auront de plus en plus besoin.

L'ISF est un impôt auquel nos compatriotes sont très légitimement attachés, notamment parce que la solidarité constitue pour eux une valeur importante. Raison de plus pour améliorer l'ISF au lieu d'essayer de le vider progressivement de toute substance, comme ceux pour lesquels, dans cet hémicycle même, la solidarité est une vieille lune !

Contrairement à ce que nous pouvons entendre sur les bancs de la majorité, l'impôt de solidarité sur la fortune n'est pas un impôt confiscatoire ou un impôt visant à punir les détenteurs de biens. Cet amendement se situe donc très logiquement dans un esprit constructif.

Nous souhaitons que l'ensemble de la fiscalité, y compris l'ISF, contribue à la dynamique de l'emploi, de la cohésion sociale ou de la réparation sociale.

Nous voulons, d’une part, pénaliser ceux qui pratiquent une recherche du profit à court terme et considèrent les salariés comme une simple variable d'ajustement, que l’on paie peu et que l’on renvoie quand on veut, et, d'autre part, favoriser les employeurs ayant une politique d’élévation des qualifications et des salaires, qui sont la véritable source d’efficacité économique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 60, 34 et 89, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour défendre l’amendement n° 60.

M. Claude Goasguen. Quel plaisir, mes chers collègues de dire ce qu’il ne faut pas dire dans cet hémicycle ! Quel plaisir de tenir les propos qu’on ne peut plus prononcer sans s’attirer les foudres de la gauche, de la droite et du Gouvernement réunis ! L’ISF n’est pas seulement un impôt absurde, il est aussi confiscatoire et, de plus, injuste.

Monsieur Brard, votre commune de Montreuil sera bientôt entièrement soumise à l’ISF – cela arrivera plus vite que vous ne le pensez – car le taux du foncier grimpe considérablement. Tôt ou tard, les possesseurs de petits pavillons y seront assujettis. Vous-même, ou votre successeur, serez alors l’un des premiers à regretter que des couches sociales de plus en plus nombreuses intègrent dans l’assiette de l’ISF leur résidence principale.

Il ne s’agit pas, mes chers collègues, de faire un débat sur l’ISF.

M. Jean-Pierre Brard. Non ! Bien sûr !

M. Claude Goasguen. Il viendra en temps utile.

D’ailleurs, la gauche est, dans ce domaine, beaucoup plus courageuse que la droite.

M. Brard, que je sache, a soutenu, à plusieurs reprises, les initiatives libérales de la gauche. Nous sommes à front renversé.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas, monsieur Goasguen, les mêmes souvenirs que vous !

M. Claude Goasguen. Il faut dire que la droite a une peur bleue de déplaire à un certain électorat et de s’exposer aux criailleries de certains – notamment de M. Brard, qui agit de façon très sympathique mais efficace puisqu’il parvient à terroriser par ses propos même des gens de droite, qui défendent pourtant la justice.

Cet impôt est injuste. Qui sont les véritables auteurs de la montée du foncier ? Lorsque je considère la région Île-de-France, il est clair que le foncier augmente car la demande de logements fait monter les prix. Qui est responsable de la faiblesse du nombre de logements construits ? L’État, les collectivités locales, le secteur public.

Nous nous trouvons dans la situation extraordinaire où l’impéritie de la collectivité publique provoque un effet second : la confiscation des biens de particuliers qui ont acheté des résidences principales et qui, souvent sans le savoir – un délai de prescription de dix ans étant appliqué –, sont dans des situations qui font d’eux des nantis.

Être un nanti sans le savoir, c’est le rêve, monsieur Brard ! Peut-être qu’à Montreuil il y a beaucoup de « nantis » de ce type mais, tôt ou tard, ils vous le diront.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes jaloux !

M. Claude Goasguen. Je prétends pour ma part que cet impôt absurde et injuste, du moins dans sa partie concernant la résidence principale, a assez duré. Le prix du foncier ne cesse d’augmenter, notamment dans la région Île-de-France et dans les grandes métropoles : il est donc temps d’en finir avec cette injustice. Je sais que mon propos ne plaît pas, car le sujet est tabou, mais c’est précisément parce qu’il est tabou, que j’insiste avec autant de force, mes chers collègues, pour vous dire que des contribuables sont taxés de manière injuste, pour la seule raison qu’ils ont acheté un appartement ou un pavillon et qu’ils se retrouvent désormais soumis à l’ISF sans le savoir.

Je ne m’étendrai pas sur la rétroactivité et sur la peur presque panique de la rétroactivité qui pourrait conduire la France au bord du cataclysme. Tout à l’heure, j’ai entendu le Gouvernement répondre sur les six ans patrimoniaux, n’osant même pas dire que, pour l’ISF, c’était dix ans !

J’estime que, dans cet hémicycle, on devrait avoir le courage de ses idées. Alors, puisque la plupart de mes collègues ne veulent pas le dire, je dis avec force que mon amendement rendra justice à des gens qui ne sont pas des « richards » et qui se retrouvent désormais soumis à un impôt qui les spolie.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Jacques Myard. Ce que vient de dire Claude Goasguen est frappé au coin du bon sens. J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer un impôt qui chasse le capital de France et qui organise le sous-investissement de nos entreprises. Nous sommes dans une situation digne d’Ubu roi.

Cela est d’autant plus inadmissible que les étrangers qui viennent investir en France ne sont pas soumis à l’ISF tandis que l’épargne des Français – jusqu’à 16 %, 17 % des revenus disponibles de la nation en termes macroéconomiques – part à l’étranger. C’est un non-sens économique qui, de plus, pousse certains à la fraude.

Mon amendement a pour objet de soustraire la résidence principale dans le calcul de l’ISF. Nous constatons, Claude Goasguen vient de le rappeler, que des personnes vivant dans des quartiers très populaires sont assujetties à l’ISF. Je connais quelqu’un disposant de très peu de revenus, mais parce que cette personne est propriétaire du pavillon légué par son mari, et qu’elle dispose peut-être d’un petit bien ici ou là, elle est soumise à l’ISF, ce qui est parfaitement scandaleux et incompris par nos concitoyens.

On peut comprendre que l’on taxe les riches, parce qu’il faut, paraît-il, prendre l’argent là où il est, mais il faudrait ne pas oublier de prendre en compte le circuit économique ; la fiscalité est là pour pousser les Français non seulement à épargner mais surtout à investir. Mais conserver la résidence principale dans le calcul de l’impôt est une injustice qui est rejetée par le peuple. Je connais du reste beaucoup de gens à gauche, parmi mes électeurs, qui tiennent le même discours.

Ayez un peu de courage, monsieur le ministre. Sortons la résidence principale du calcul de l’ISF. Vous mettrez non seulement un terme à l’injustice, mais vous rendrez service à l’économie française.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 89.

M. Jean-Pierre Brard. Je remercie notre collègue M. Goasguen de se préoccuper des Montreuillois. Je suis sûr qu’ils y seront sensibles ! (Sourires.)

Pourquoi n’échangerions-nous pas nos circonscriptions. Venez à Montreuil tenter votre chance, mais je ne vous garantis pas le résultat !

M. Claude Goasguen. Chiche !

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai jamais eu la prétention d’être le député des archiduchesses décaties que vous avez dans votre arrondissement !

Je n’ai fréquenté le XVIe arrondissement que du temps où j’allais à l’École normale d’instituteurs, qui y était une sorte d’enclave républicaine !

M. Claude Goasguen. J’aime beaucoup Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Le sujet est d’importance. Au moins, nous avons en commun, monsieur Myard, monsieur Goasguen, de nous intéresser au sujet. Mais l’ordonnance est un peu différente.

Notre amendement vise à limiter l’effet de l’abattement de 20 % appliqué à la valeur de la résidence principale pour le calcul de l’ISF, au moyen de l’institution d’un plafonnement de cet avantage.

Vous avez eu des trémolos dans la voix, monsieur Goasguen, pour défendre les pauvres assujettis à l’ISF. J’imagine que, lorsque vous ne serez plus dans l’hémicycle, vous aurez quelque avenir dans un bâtiment situé au Palais Royal et que l’on appelle la Comédie française !

M. Jacques Myard. C’est un expert qui parle !

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait vous prendre au mot, tant vous sembliez sincère, monsieur Goasguen. Or, entre le pavillon modeste de banlieue comme chez moi, par exemple un pavillon loi Loucheur, et le modeste appartement de 300 mètres carrés dans votre arrondissement ou à Maisons-Lafitte, il y a peu de points communs !

M. Claude Goasguen. Vous verrez !

M. Jacques Myard. Les prix de l’immobilier sont ce qu’ils sont, malheureusement. C’est cela la réalité, y compris chez vous !

M. Jean-Pierre Brard. Le principe de l’abattement pour la résidence principale ne nous paraît pas infondé. Mais le fait que ledit abattement puisse s’appliquer sans limite ou en pourcentage pose un problème majeur.

En effet, la conséquence pratique est que plus le contribuable dispose d'une résidence principale de grande valeur, plus il bénéficie, par l'abattement, d'un avantage fiscal important. Rappelez-vous les caricatures sous la Révolution : l’égalité du tiers état, portant le clergé et l’aristocratie. C’est l’égalité entre le cheval et le cavalier. Telle n’est pas notre conception de l’égalité.

Cela ne nous paraît conforme ni à l'esprit ni à la lettre d'un impôt de solidarité ayant pour but de faire contribuer les plus fortunés à l'effort de solidarité nationale, de manière progressive et selon leurs facultés contributives.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le cas.

M. Jean-Pierre Brard. C’est d’ailleurs pour cette raison que le plafonnement proposé est calculé à partir de la valeur du revenu minimum d’insertion, ce qui donne au dispositif toute sa logique, sa cohérence et sa lisibilité.

Je comprends bien que ceux qui ont pour référence le revenu minimum d’insertion, dans vos circonscriptions respectives, messieurs Goasguen et Myard, habitent plutôt les soupentes des immeubles bourgeois que les modestes pavillons de ma bonne ville de Montreuil.

M. Claude Goasguen. Vous les mésestimez !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut reconnaître à M. Myard une qualité : il est fidèle à ses idées, même quand elles sont mauvaises. L’impôt chasse le capital de France, dit-il.

M. Jacques Myard. C’est évident.

M. Jean-Pierre Brard. L’évidence n’a jamais été une preuve ! Mais que l’on donne des études et des noms !

M. Jacques Myard. La France est le premier investisseur en Roumanie, en Bulgarie, en Pologne !

M. Jean-Pierre Brard. M. Myard évoque l’épargne des Français. Encore faudrait-il savoir de quoi on parle. Est-ce l’épargne de Mme Alexandre, qui habite 194, rue de Rosny, à Montreuil ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle n’existe pas !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si, monsieur le ministre. C’est d’ailleurs son grand-oncle qui a libéré Montreuil avec un groupe de partisans des FTP le 18 août 1944 !

Mme Alexandre a un livret A. Mais quel rapport entre elle et, par exemple, je cite un nom au hasard, Bernard Arnault, qui a de l’épargne lui aussi ?

M. Claude Goasguen. Caricature !

M. Jean-Pierre Brard. Son patrimoine représente – j’espère que vous êtes bien assis, mes chers collègues – 950 000 années de SMIC !

M. Jacques Myard. Vive le grand capital ! Vive l’investissement !

M. Jean-Pierre Brard. Vous voyez bien que nous ne parlons pas de la même épargne.

Et M. Myard dénonce à juste titre ceux qui s’organisent pour frauder. Il a raison, mais il ne prescrit aucune médecine pour guérir ceux qui sont atteints de ce virus qui nuit à la cohésion républicaine.

Or ce gouvernement réduit les moyens de l’administration qui permettraient de combattre la fraude. C’est ainsi que la mafia russe, mais il n’y a pas qu’elle, coule des jours paisibles chez nous.

M. Jacques Myard. À Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a aussi la délinquance en col blanc, monsieur Goasguen, plus domiciliée chez vous que chez moi, et qui vote plus spontanément pour vous que pour moi !

M. Claude Goasguen. C’est à la limite de la diffamation !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 34, 60 et 89 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé ces amendements.

Monsieur Goasguen, votre propos liminaire était un peu injuste. L’ISF pose deux problèmes : l’un par rapport à l’entreprise et à l’emploi ; l’autre par rapport à la résidence principale.

Nous nous sommes efforcés, depuis trois ans, de traiter la question relative à l’entreprise et à l’emploi, prioritaire à nos yeux. C’est par centaines, malheureusement, que des entreprises notamment familiales ont été vendues à des groupes étrangers pour être ensuite délocalisées à cause de l’ISF.

M. Claude Goasguen. Je n’ai jamais dit le contraire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qu’avons-nous fait ?

M. Jacques Myard. Une usine à gaz.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement a conçu les engagements de conservation qui permettent de bénéficier d’une réduction des trois quarts de l’ISF.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le débat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons ensuite permis aux salariés et aux dirigeants des entreprises, y compris lorsqu’ils partent à la retraite, dès lors qu’ils conservent les actions, de bénéficier d’un abattement de 75 %. Les résultats sont là : les actionnaires des entreprises concernées nous disent que ces mesures sont équilibrées et nous avons permis de freiner l’hémorragie d’emplois.

M. Claude Goasguen. Je suis d’accord. J’ai voté ces mesures ! Mais là, il ne s’agit pas des entreprises !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il était en effet absurde, mes chers collègues, d’avoir un impôt entraînant des suppressions d’emplois par dizaines de milliers. Autre absurdité dans l’ISF, la résidence principale, je le reconnais bien volontiers.

M. Claude Goasguen. Heureux de vous l’entendre dire !

M. Jacques Myard. Alors, qu’attendez-vous ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La position de la commission des finances a été de donner la priorité à l’emploi et à l’entreprise.

M. Jacques Myard. C’est fait maintenant pour les entreprises !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus ici même pour faire passer la réfaction de 50 à 75 %.

M. Claude Goasguen. Et la propriété, vous vous en moquez ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai qu’il restera à traiter la question de la résidence principale.

M. Claude Goasguen. Mais quand ?

M. Jacques Myard. Aux calendes grecques, aux calendes de Bercy ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez tout à fait raison, monsieur Goasguen, de dire qu’une grande partie de l’augmentation du nombre de contribuables à l’ISF – en quatre ans, ce nombre a quasiment doublé – est liée à la résidence principale. On constate qu’une grande partie d’entre eux entre dans la première tranche ou la deuxième tranche de cet impôt.

M. Jacques Myard. Y compris des gens qui n’ont pas de revenus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il se trouve, cher Jean-Pierre Brard, que nos deux communes sont voisines : Montreuil et Le Perreux. Le Perreux est même plus éloigné de Paris que Montreuil. Vous citiez tout à l’heure l’exemple du petit pavillon loi Loucheur.

M. Jacques Myard. Soumis à l’ISF !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je sais qu’à Montreuil comme au Perreux, des petits pavillons loi Loucheur, avec 500 mètres carrés de terrain, sont les résidences principales de familles modestes. À cause de la hausse de l’immobilier, ces familles risquent d’entrer dans le champ de l’ISF. Ceci doit être corrigé.

M. Claude Goasguen. Un peu de courage, faites-le !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut adopter un point de vue pragmatique et non idéologique sur l’ISF, monsieur Brard.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez parfois des accès de lucidité lorsque vous proposez, par exemple, d’étendre l’ISF aux œuvres d’art ; sur ce point, je vous ai toujours suivi. Et quand vous dites qu’il faudrait un impôt avec une assiette très large et un taux très faible, vous avez raison.

Alors que vous tenez des propos auxquels on pourrait adhérer, je déplore que vous les assortissiez systématiquement d’une sorte de vindicte à l’égard de supposés riches, mais qui en réalité ne le sont pas. Je suis persuadé que si nous avions un débat moins passionnel, mais beaucoup plus pragmatique sur ce sujet, nous pourrions progresser.

Alors, c’est vrai, monsieur Goasguen, il faudra progresser quant à la résidence principale. Comme vous, je pense que la meilleure manière de résoudre le problème, c’est de le faire à partir de l’abattement de 20 %. Mais vos amendements vont trop loin. Comme nous l’avons fait pour l’entreprise, il faut cheminer par étapes.

C’est la raison pour laquelle ces amendements ont été repoussés par la commission des finances.

M. Claude Goasguen. Les étapes sont un peu longues !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jacques Myard. Faites preuve de sagesse, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces trois amendements.

Monsieur Brard, la réponse qui vous a été apportée par le rapporteur général est frappée au coin du bon sens. Je rejoins tout à fait son argumentation. L’idée de plafonner l’abattement est disproportionnée. Un certain nombre de verrous ont été posés afin que des contribuables ne se trouvent pas brutalement assujettis à l’ISF du fait de la propriété de leur logement. Cela concerne toutes les communes de France, la vôtre, la mienne ! Ce qui existe dans ce domaine doit être maintenu.

La vraie question est de savoir s’il faut aller au-delà de ce qui existe aujourd’hui. À ce sujet, j’informe votre assemblée que les dispositions que nous avons d’ores et déjà mises en place prévoient une actualisation régulière du barème : au 1er janvier 2007, le plancher sera de 760 000 euros.

M. Claude Goasguen. Révolutionnaire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Hier – vous n’étiez pas là –, je me suis insurgé contre les propos tenus par l’opposition, qui tendaient à caricaturer le débat en faisant des partis de gauche les grands défenseurs des pauvres face à la méchante droite, protectrice des riches.

M. Jacques Myard. Ils n’ont pas le monopole du cœur !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’avoue que, en vous entendant, j’ai pensé un peu la même chose : c’est vous qui défendriez le mérite et l’exemplarité, et le méchant Gouvernement qui ne s’en occuperait guère.

Nous avons beaucoup d’idées en commun, nous appartenons à la même formation politique,…

M. Jacques Myard. Cela ne vous a pas échappé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et il y a quelque temps encore nous avons mené les mêmes combats. J’aurais donc aimé que vous souligniez que notre réforme fiscale a introduit un bouclier fiscal, susceptible d’apporter des réponses aux propositions que vous formulez.

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons réformé en profondeur l’impôt sur le revenu, la taxation sur les plus-values et les successions d’entreprises. Pour la clarté du débat, il aurait été bon que vous trouviez un moment pour rappeler cela avant de vous lancer dans votre réquisitoire contre le Gouvernement. Vous ne l’avez pas fait, c’est pourquoi j’apporte ces précisions.

M. Claude Goasguen. Je persiste et signe !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour le reste, vous connaissez les raisons pour lesquelles je suis défavorable à votre amendement, dans le contexte actuel. C’est un débat très large et, comme le rapporteur général l’a rappelé, nous avons déjà eu l’occasion de mener certaines réflexions sur l’ISF, notamment à propos de l’outil de travail.

À quelques mois d’une élection présidentielle, je suis persuadé que vous saurez faire entendre votre voix à l’intérieur de la majorité et apporter votre contribution à notre projet commun pour ensuite aborder la question avec les électeurs. C’est un sujet qui me paraît suffisamment noble et digne d’intérêt pour pouvoir être traité dans ce cadre.

C’est un sujet très important, dont nous avons l’occasion de débattre tous les ans ici, mais notre majorité n’a pas jugé opportun de discuter de nouvelles propositions au regard de l’état d’esprit de beaucoup de nos compatriotes, y compris ceux qui nous sont favorables. Les études d’opinion montrent qu’une écrasante majorité de Français ne souhaite pas d’évolution majeure sur ce point.

Voyons, au cours des mois à venir, quelle sera leur réaction. Je serai très intéressé de pouvoir en débattre avec vous. Pour ce qui est d’aujourd’hui, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je constate que l’ISF est un sujet très important pour l’UMP. C’est une nouvelle illustration du fait que, chaque année, il provoque des débats.

Je ne vais pas reprendre l’argumentation qui a été la nôtre l’année dernière. Mais je veux redire que, compte tenu de l’abattement, la valeur en cause est supérieure à 900 000 euros. De plus, lorsqu’il s’agit de biens valant 900 000 euros à 1 million d’euros, le montant de l’imposition reste modeste. On prend souvent l’exemple parisien en oubliant que, dans les villes de province, les sommes acquittées au titre du foncier bâti sont souvent bien supérieures. C’est là que se pose le problème de la disparité de la fiscalité locale entre Paris et le reste du pays. Paris, reconnaissons-le, est favorisé dans certains domaines par rapport aux villes de province.

Il faut donc relativiser les choses. Et l’on peut être choqué par l’insistance avec laquelle M. Goasguen et M. Myard nous disent que certaines personnes sont plongées dans la précarité parce qu’elles paient 50, 100 ou 150 euros d’ISF pour un bien d’une valeur de 1 million d’euros. J’aimerais les entendre davantage quand il s’agit de nos compatriotes modestes, qui sont beaucoup plus nombreux. Je redis donc l’opposition du groupe socialiste à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Myard, monsieur Goasguen, si vous voulez une attestation de notre part prouvant que vous défendez bien vos électeurs, qui appartiennent à la classe des privilégiés, nous vous la donnerons très volontiers et Didier Migaud la cosignera.

Imprégnez-vous bien de ce que vous a dit votre ministre : ne soyez pas trop pressés, si vous vous faites trop voir maintenant, cela desservira la majorité pour les prochaines élections « au regard » ou plutôt « sous les regards » de l’opinion. Comprenez donc le danger d’aller dans le sens que vous proposez.

Cela dit, après avoir entendu le rapporteur général, je sens que nous pouvons aller vers un compromis. Il vient effet de déclarer qu’il adhérait à ma proposition visant à inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF. Il s’est aussi dit favorable à l’idée que j’avais formulée dans un rapport, soutenu in petto par Pierre Méhaignerie, d’un élargissement de l’assiette et d’un abaissement du taux, afin que l’ISF porte véritablement sur les grandes fortunes et ne pèse pas sur les petites gens – qui ne sont pas RMIstes, bien sûr – dont parlait Gilles Carrez.

Ma proposition initiale était que l’abattement soit égal à cent fois le RMI mais je suis prêt à le porter à deux cents ou trois cents fois en vue de trouver un compromis. Topons là, monsieur le rapporteur !

Si nous pouvons nous entendre avec le rapporteur général, j’imagine que le ministre suivra. En revanche, je ne suis pas sûr que M. Goasguen et M. Myard nous accompagneront car eux ne prennent pas pour unité le RMI, mais comptent en termes de dividendes et de stock-options. Messieurs, vous parlez une langue à laquelle je ne suis pas initié, pas plus que mes concitoyens montreuillois, quoi qu’en dise M. Goasguen par jalousie. Mais je comprends que l’insupporte la vue des avenues désertes du XVIe arrondissement le soir et qu’il envie les places ragaillardissantes de ma bonne ville où, grâce au foisonnement de la vie associative, il fait bon vivre, loin des bourgeois et des aristocrates de son arrondissement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y en a aussi à Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur général, je vous ouvre une voie de compromis : au lieu de cent RMI, je vous en propose deux cents et même trois cents. Cela évite l’écueil d’un calcul en termes de pourcentage, qui avantage les riches. Et si le ministre n’accepte pas ma proposition, c’est qu’il y a un intérêt à ce que des gens relativement modestes restent assujettis à l’ISF. Vous avez besoin de cet alibi afin de supprimer l’ISF pour ceux qui doivent vraiment être imposés.

Ma proposition renvoie à une question de justice et de solidarité, dans l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fonde le principe de la progressivité de l’impôt.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Le rapporteur affirme que nous avons traité le problème de l’emploi l’année passée. C’est vrai, mais en partie seulement. De plus, c’est une sorte d’usine à gaz que nous avons montée : celles et ceux qui ont un patrimoine mobilier dans un pacte d’actionnaires échappent à l’ISF alors que ceux qui utilisent leur patrimoine immobilier pour se loger y sont assujettis. Il y a une injustice fondamentale dans cette discrimination qui rend urgent de sortir l’habitation principale du calcul de cet impôt.

Quant aux commentaires de M. Brard sur les riches et les pauvres, si la situation était aussi simple que cela, il n’y aurait pas besoin de députés, des ordinateurs suffiraient et ce serait beaucoup plus simple. En réalité, dans ma circonscription, il existe des gens pauvres et de condition modeste qui, du fait de la réévaluation foncière, voient leur résidence frappée par l’ISF alors qu’ils ne disposent d’aucun revenu. Je peux vous les présenter : ils n’habitent pas à Montreuil, mais à Sartrouville.

Je n’ai aucune leçon à recevoir à ce sujet, même si vous les donnez avec le talent digne de la Comédie-Française que vous l’on connaît, monsieur Brard.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 331, à l’amendement n° 60.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Marc Le Fur. Ce sous-amendement vise à faire progresser le débat, à trouver des solutions de compromis entre des positions qui apparaissent éloignées, mais qui ne le sont peut-être pas tant que cela.

En l’état, je ne peux pas voter l’amendement n° 60 de notre collègue Goasguen. Pourquoi ? Parce qu’il aboutirait à exonérer une résidence principale dont la valeur pourrait atteindre 15 à 40 millions d’euros. À l’évidence, c’est inconcevable.

M. Jean-Pierre Brard. Ah oui, il exagère !

M. Marc Le Fur. Je propose d’exonérer la résidence principale pour la fraction de sa valeur inférieure à 1 million d’euros.

M. Augustin Bonrepaux. Quelle trouvaille !

M. Marc Le Fur. M. Brard pourra comprendre ce sous-amendement. Le problème de la résidence principale ne se pose pas seulement dans les grandes villes et les quartiers favorisés. Je parle avec les notaires de mon secteur : la valeur de l’immobilier a augmenté partout en France.

M. Claude Goasguen et M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Marc Le Fur. Beaucoup de personnes, sans même s’en rendre compte, sont en train de tomber sous les fourches caudines de l’ISF pour une maison pourtant modeste.

M. Augustin Bonrepaux. Les pauvres deviennent riches !

M. Marc Le Fur. Mon idée est simple. Il s’agit de limiter l’abattement à une valeur d’1 million d’euros. Ainsi, sur un bien valant 1, 5 million, 1 million seront exonérés et 500 000 euros soumis au régime de droit commun.

Voilà une solution de compromis raisonnable et respectueuse des patrimoines. Car, comme nous le disons souvent à l’UMP, quoi de plus normal pour les familles que de constituer des patrimoines pour leurs enfants ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances pour donner l’avis de la commission sur ce sous-amendement.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je veux répondre, au nom de la commission, aux questions qui ont été posées par M. Goasguen et M. Myard.

Nous venons de faire une réforme importante qui concilie efficacité et justice, qui a longuement mûri et entrera en vigueur en 2007. Une telle réforme demande de la pédagogie et des explications.

M. Didier Migaud. Et un peu de justice !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Doit-on aujourd’hui aborder de nouveau le sujet ? Nous sommes les premiers à critiquer le Gouvernement de ne pas commander d’étude d’impact sur les textes qu’il dépose. J’estime que lorsque l’on engage une réforme de cette ampleur, il faut un temps pour la pédagogie…

M. Jacques Myard. Procrastination !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …et un équilibre entre les exigences d’efficacité et de justice.

Ce n’est donc pas le moment aujourd’hui d’adopter un tel dispositif.

M. Jacques Myard. Ce n’est jamais le moment !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nous en reparlerons dans le cadre de la campagne électorale…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. …et je défendrai votre position, mais consentons d’abord un effort d’explication pour déjouer certains slogans, de telle façon que nous menions de pair des réformes qui concilient à la fois l’exigence d’efficacité et de justice.

C’est la raison pour laquelle, au nom de la commission, je suis défavorable à ce sous-amendement.

M. Marc Laffineur. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 331 ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

Outre les arguments excellemment exposés par le président de la commission des finances et sur lesquels je m’étais moi-même exprimé, je m’interroge sur la « faisabilité » de ce sous-amendement qui, si j’ai bien compris, accroît la complexité du dispositif en créant deux seuils d’entrée selon qu’il s’agit d’une résidence principale ou non, l’un à 760 000 euros et l’autre à 1 million d’euros. En a-t-on vraiment besoin ?

Pour le reste, je vous renvoie au débat de fond, comme l’a rappelé M. Méhaignerie.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je suis favorable au sous-amendement n° 331.

Je tiens à répondre à nos collègues socialistes qu’ils ont la mémoire courte.

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Claude Goasguen. Que je sache, ils sont responsables des seules réformes qui ont porté sur l’ISF. À l’époque, vous n’hésitiez pas à donner de profonds coups de canif, et maintenant vous venez nous chanter la chanson de la solidarité !

M. Didier Migaud. Nous ne sommes pas au théâtre, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. N’avez-vous pas l’impression que votre position est quelque peu électoraliste ?

Voilà pourquoi je vous invite à faire preuve de beaucoup de prudence sur ce sujet. Ce qui était vrai il y a dix ans est, hélas, encore plus vrai aujourd’hui. L’augmentation du foncier et de l’immobilier pose un vrai problème de justice sociale.

M. Jacques Myard. Tout à fait !

M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre, j’ai lu votre livre sur la langue de bois et je veux m’en inspirer.

M. Jean-Pierre Brard. Cela vous fait toujours un lecteur, monsieur le ministre !

M. Claude Goasguen. Si je suis parfois sévère avec le Gouvernement, c’est précisément parce que je ne suis pas un adepte de la langue de bois. Et je lui souhaite de ne pas l’être trop non plus. Cessons une fois pour toutes de dire que nous ne pouvons pas engager de tels débats parce que nous ne sommes pas en période électorale. Sinon, prenons congé tout de suite et entrons directement en campagne électorale !

Que je sache, nous représentons encore le peuple et, par conséquent, c’est le devoir et le droit d’un député de défendre ses idées à l’Assemblée nationale. Il faut parfois avoir le courage de ses opinions.

Et ne nous laissons pas impressionner par M. Brard, même si je reconnais qu’il a des talents de comédien. Au fond, il n’est qu’un tigre de papier qui défend son commerce montreuillois !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes ni Deng Xiaoping ni Mao Zedong !

M. Michel Bouvard. M. Brard n’est pourtant pas élu dans le xiiie arrondissement !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Goasguen, merci pour votre contribution majeure à la publicité d’un livre qui a obtenu un certain succès. Je me félicite de vous compter parmi mes lecteurs !

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez l’aider à être assujetti à l’ISF, monsieur Goasguen !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je n’ai pas plus pratiqué que vous la langue de bois. Je vous ai seulement invité à élever le débat à l’occasion de la réflexion programmatique qui aura lieu dans les mois à venir et qui permettra de crever les abcès.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne sais pas si je peux me permettre de remercier M. Goasguen et M. Myard d’avoir confirmé ce que j’ai dit hier. C’est vrai, ce débat nous aurait manqué !

Depuis le début de la législature, la seule obsession, la seule préoccupation de ce gouvernement est de défendre ces « pauvres pauvres » dont le patrimoine s’élève à quelques millions et qui seraient taxés à cause du prix élevé de leur résidence principale.

M. Jacques Myard. Idéologue !

M. Augustin Bonrepaux. Le débat est si important que le président du groupe UMP s’est déplacé en personne !

M. Claude Goasguen. En revanche, le président de votre groupe n’est pas là !

M. Augustin Bonrepaux. Depuis cinq ans, votre seule obsession est de réduire l’impôt sur le revenu et surtout l’impôt de solidarité sur la fortune. Le million d’euros du sous-amendement de M. Le Fur est une bagatelle pour certains. Or, tout à l’heure, quand il s’est agi d’instituer un plafond en deçà duquel la prime pour l’emploi ne peut être versée, je ne vous ai pas entendus défendre les bénéficiaires de cette prime.

Chaque fois que vous voulez avantager les privilégiés, vous commettez tous les excès – le bouclier fiscal, par exemple – mais vous n’accordez aucune sollicitude à ceux qui en ont besoin.

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. La présente discussion est très intéressante. Comme M. Goasguen, je pense qu’aucun sujet ne doit être tabou dans cet hémicycle. Toutefois, je rappelle, après le président de la commission des finances, que deux réformes importantes entreront en application le 1er janvier 2007, celle de l’impôt sur le revenu et l’institution du dispositif qui a été appelé improprement le bouclier fiscal. Ces deux mesures doivent nous conduire à rechercher un certain équilibre. Aussi ne me semble-t-il pas vraiment urgent d’envisager une nouvelle réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune dès cette année.

En outre, nous avons déjà bien amélioré la situation en ramenant la franchise de l’ISF à 760 000 euros et en obtenant son indexation. On avait alors tenu compte de l’évolution de l’immobilier, et notamment de la résidence principale.

Si la France est une et indivisible, elle est aussi extrêmement diverse. Dans ma circonscription, qui est une circonscription moyenne, peu de résidences principales valent plus d’un million d’euros. Ce serait une véritable provocation pour ma circonscription d’envisager de voter un tel sous-amendement. Les seules résidences qui pourraient atteindre ce seuil – et encore difficilement – sont les monuments classés mais, vu leur état de délabrement, ils sont plutôt une source d’endettement, auquel cas il est facile d’obtenir des allégements.

Dans ces conditions, je ne peux pas voter ce sous-amendement car, s’il concerne certaines régions, il ne couvre pas une situation assez générale. Je n’oublie pas que je suis un représentant de la nation avant d’être le représentant de ma circonscription.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je veux revenir sur la procrastination qui frappe à intervalles réguliers notre assemblée, qui s’effraie de sa propre ombre. Il s’agit de la résidence principale et de rien d’autre. De surcroît, le bouclier fiscal mis en place à juste titre par le Gouvernement ne concerne que les très grandes fortunes et non la très grande majorité des classes moyennes frappées aujourd’hui par cet impôt injuste sur la résidence principale qu’est l’ISF. Aujourd’hui se pose une question de justice et c’est maintenant qu’il faut agir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 331.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)