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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 19 octobre 2006

19e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Loi de finances pour 2007

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Discussion des articles (suite)

M. le président. En application de l’article 95 du règlement, le Gouvernement demande la réserve de la discussion de l’article 6, des amendements nos 83 rectifié et 283 portant articles additionnels après l’article 10, et de l’article 18, dont la discussion aura lieu ce soir à vingt et une heures trente.

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 87, portant article additionnel après l’article 4.

Après l’article 4

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. La séance de ce matin s’est terminée sur un mystère : mon amendement n° 89 n’a pas été mis aux voix.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Je l’ai remarqué, en effet !

M. Jean-Pierre Brard. J’en ai aussitôt déduit que l’Assemblée adhérait à ma proposition. Quoi qu’il en soit, je me demande, monsieur le président, comment nous allons nous sortir de cette difficulté de procédure.

M. le président. Vous connaissez les usages parlementaires, monsieur Brard…

M. Jean-Pierre Brard. Les bons ou les mauvais ? (Sourires.)

M. le président. Je n’étais pas présent, mais vous savez que les mots « même vote » suffise parfois à sceller le sort d’un amendement.

M. Didier Migaud. Ce n’était pas le cas en l’occurrence !

M. le président. C’est d’autant plus vrai dans le cas d’amendements en discussion commune. Souhaitez-vous néanmoins que nous le mettions formellement aux voix ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Allons-y !

M. Jean-Pierre Brard. Si le rapporteur général est d’accord…

M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission était défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Bien essayé !

M. Jean-Pierre Brard. Mais nous étions majoritaires !

M. Michel Bouvard. Non, il y avait égalité. Dans ce cas, l’amendement est rejeté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 87.

M. Jean-Pierre Brard. Le thème de l’impôt sur la fortune nous a déjà largement occupés ce matin, et nous avons pu voir se dessiner un consensus au sujet des éléments qui doivent en constituer l’assiette.

Monsieur le ministre, laissez-moi vous expliquer comment payer ses impôts avec une œuvre d’art : « Le particulier doit rédiger une proposition de dation. Cette proposition est ensuite jointe à la déclaration de l’impôt pour lequel la dation est prévue et remplace donc le chèque de règlement de l’impôt. Par la suite, le dossier est analysé par l’État qui accepte ou non la proposition de dation. La procédure de dation peut durer en moyenne de deux à trois ans. Cette période peut faire l’objet de discussions avec les services de l’État compétents dans ce domaine. Cette procédure est suspensive des droits à payer et, quelle que soit la décision finale, accord ou refus des conditions de l’État par le contribuable, elle ne génère pas d’intérêts de retard. » En quelque sorte, on nous explique comment un contribuable défaillant ou de mauvaise foi peut se voir accorder par l’État une trésorerie gratuite. Voilà, mes chers collègues, ce que vous pouvez lire sur le très sérieux site internet de boursorama.com !

Nous vous proposons de mettre fin à cette pratique, largement encouragée par certains lobbies, principalement des marchands de tableaux. À ce propos, permettez-moi de citer un extrait du chapitre « investir dans les œuvres d’art », du Guide de l’immobilier et de la défiscalisation également accessible sur Internet : « les œuvres d’art, quelle que soit leur nature, ne sont pas assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune. Dans cette mesure, elles ne sont pas mentionnées dans la déclaration de l’ISF, et les montants consacrés à l’acquisition sont non imposables. Cette disposition fiscale, applicable aussi bien aux peintures, dessins, gouaches, aquarelles qu’aux sculptures et aux bronzes, en fait un parfait outil de déplafonnement de l’ISF. » C’est à un véritable manuel de contournement de l’impôt que nous avons affaire !

Notre amendement répond à deux préoccupations principales : lutter contre la fraude et favoriser la présentation des œuvres d’art.

Nous savons que les œuvres d’art sont un outil de dissimulation de l’argent sale. Dans la mesure où elles échappent à tout contrôle, il suffit de s’en procurer dans des conditions troubles puis de les remettre sur le marché pour récupérer son argent, désormais aseptisé.

Mais notre intention est aussi culturelle, car l’amendement prévoit deux cas d’exonération. Ainsi, monsieur le ministre, si vous possédez chez vous deux Cézanne, un Matisse, trois Modigliani, une demi-douzaine de Picasso…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Hélas, ce n’est pas le cas !

M. Jean-Pierre Brard. Peut-être en avez-vous d’autres ? Des Seurat, des Signac ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Allez-vous tous les citer ? Je ne possède que les œuvres complètes de Mozart !

M. Jean-Pierre Brard. À ma connaissance, Mozart n’était ni un peintre, ni un dessinateur… (Sourires.) Mais supposons, en effet, que vous possédiez une aquarelle de Mozart. Il suffirait de la présenter au public pour qu’elle ne soit pas intégrée à l’assiette de l’ISF.

De même, nous souhaitons exonérer les œuvres des artistes contemporains vivants. Une telle proposition n’est d’ailleurs pas nouvelle.

M. Michel Bouvard. Oh non ! Vous la présentez depuis quinze ans !

M. Jean-Pierre Brard. Soutenue par l’ancien rapporteur général du budget, Didier Migaud, elle a même été adoptée à trois reprises par notre assemblée. La presse suisse s’y est d’ailleurs intéressée. Elle, au moins, a pris la peine de lire l’amendement, à la différence du lobby dirigé par Mme Françoise Cachin, qui compte de puissants relais dans notre assemblée – la lecture du Journal officiel suffit à en révéler les noms.

Sur cet amendement moral et culturel, ce qui ne gâche rien, le rapporteur général a exprimé son accord ce matin : vous l’avez entendu comme moi.

M. le président. Nous allons le vérifier dans un instant. Toutefois, avant de demander l’avis de la commission, je vous informe, mes chers collègues, que sur le vote de l'amendement n° 87, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. J’ai toujours éprouvé une certaine sympathie pour cet amendement, en faveur duquel j’ai régulièrement voté lorsque nous étions dans l’opposition. Je me souviens d’ailleurs qu’il a fait l’objet, à plusieurs reprises, d’une seconde délibération. C’est donc un sujet que nous connaissons bien.

Il existe aujourd’hui bien des convergences : M. Brard n’a-t-il pas admis, ce matin, que l’ISF pouvait se révéler injuste dans certains cas, du fait de la prise en compte de la résidence principale ? C’est notamment le cas pour certains ménages habitant dans de modestes pavillons loi Loucheur, à Montreuil ou au Perreux. Pour répondre à cette réalité, nous devons, en effet, nous attaquer à une réforme de l’ISF, en particulier en ce qui concerne l’immobilier et les œuvres d’art. Cependant, comme nous n’avons pas encore dessiné les contours d’une telle réforme, la commission des finances n’a pas souhaité adopter l’amendement. Il aura bonne place le moment venu, mais son adoption nous semble aujourd’hui prématurée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Je vais prendre moins de gants que le rapporteur général : je suis contre, archi-contre. Peut-on être plus clair ? J’en ai assez que l’on essaie sans cesse d’en rajouter. Vous avez pourtant vu le mal que nous avons à trouver un équilibre à peu près stable en matière d’ISF, un impôt qui, il faut bien le dire, nous complique la vie. J’ai bien vu avec quelle délectation l’opposition me voyait débattre sur ce sujet, ce matin, avec Claude Goasguen. C’est mon ami de toujours, mais nous n’étions pas complètement d’accord.

Sur la question des œuvres d’art, monsieur Brard, la réponse est niet, comme on disait dans votre jeunesse. Je suis en désaccord total, pour une raison simple : je considère que les œuvres d’art doivent être protégées en France. Leur détention est importante. Si nous les intégrons à l’assiette de l’ISF, nous risquons de les voir s’évader hors de nos frontières,…

M. Jacques Myard. Comme les capitaux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ce qui serait tout à fait regrettable.

Mme Muriel Marland-Militello. En effet !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’avis du Gouvernement est donc tout à fait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Puisque nous discutons des œuvres d’art, je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour appeler votre attention sur la liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres, qui fait l’objet d’un jaune. Je remercie le Gouvernement d’avoir réussi à supprimer un certain nombre d’organismes.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela n’a pas été un exercice facile !

M. Michel Bouvard. Malheureusement, les tentations restent importantes dans certains ministères, notamment au ministère de la culture, où cinq ou six organismes, au moins, ont été créés depuis le début de la législature. Ainsi, une commission artistique nationale est chargée de donner un avis aux maîtres d’ouvrage dans le cadre de la procédure dite du « 1 % artistique » lorsque l’importance ou le caractère novateur d’un projet le justifie. Nous n’avons aucune information sur son coût de fonctionnement et sur ses dates de réunion, si toutefois elle se réunit. La commission consultative d’acquisition de dessins et de modèles de meubles contemporains s’est réunie une fois en 2005, mais on ne dispose d’aucune information pour les années 2003 et 2004. Enfin, nous ne savons rien du fonctionnement de la commission consultative d’acquisition de cartons de tapisseries et de tapis compétente en matière d’achats et de commandes de cartons de tapisseries et de tapis.

Le jaune ayant le mérite d’exister, je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous rappeliez aux ministères dépensiers, la nécessité de procéder à un toilettage.

Bien que n’ayant pas dressé de bilan en la matière, ma lecture de ce document n’étant pas encore terminée, j’observe malheureusement que la tentation de créer commissions et organismes n’a pas disparu, mais qu’en revanche l’inflation se poursuit. Peut-être d’ailleurs conviendrait-il de créer une commission pour traiter le sujet évoqué par Jean-Pierre Brard !

Mais, en matière culturelle, il reste encore du travail à accomplir !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Bouvard, pour ce cavalier oral.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je regrette que le président de la commission des finances, qui partage globalement mon point de vue, ne se soit pas exprimé sur ce sujet.

Monsieur le ministre, à votre « niet », je répondrai « glasnost » . Vous évoquez toujours la transparence, mais à condition qu’elle ne s’applique qu’aux autres ! Comme c’est curieux ! M. Pasqua, qui a joué un rôle important dans un des gouvernements de la Ve République, limitait la transparence lorsqu’elle pouvait s’apparenter à de « l’exhibitionnisme ». Pour ma part, je suis favorable à la transparence sans commentaire, et donc à ce que les œuvres d’art entrent dans l’assiette de l’impôt sur la fortune en les exonérant dès lors qu’elles sont le produit du travail de créateurs encore en vie et qu’elles sont présentées au public. Reconnaissez qu’il ne s’agit pas ici d’une forte contrainte, mais d’une mesure très positive. Vous permettriez ainsi à des collectionneurs richissimes – on parle beaucoup dans ce domaine des lobbyistes – de présenter les œuvres qu’ils possèdent, donc de faire sortir ces œuvres de la clandestinité. Je m’étonne d’ailleurs que M. Lellouche, grand défenseur des propriétaires d’œuvres d’art, soit absent cet après-midi !

Monsieur le ministre, vos services sont très compétents.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Je me demande donc pourquoi vous ne vous adressez pas plus souvent à eux, alors qu’ils peuvent agir dans l’intérêt général. En effet, au sein de la Direction générale des impôts et des douanes nationales, les personnels connaissent fort bien ces questions.

Donc, il ne s’agit pas de s’attaquer aux détenteurs d’œuvres d’art, mais de faire sortir de la clandestinité les œuvres d’art qui servent de vecteur au blanchiment de l’argent sale. Vous savez que c’est ainsi que cela se passe. Vous ne voulez pas combattre cette fraude, pas plus que vous ne vous en prenez aux gros bonnets de la mafia russe dans le Sud-Est de la France. De nouveau, monsieur le ministre, vous cédez à la pression de puissants lobbies.

M. Myard, qui ne s’est pas exprimé contre mon amendement, a précisé tout à l’heure que les gens fuyaient la France. Monsieur Myard, vous qui avez la fibre patriotique savez parfaitement que, quand on aime son pays, on ne le quitte pas pour des affaires de « trois francs six sous ». Donc, ne défendez pas des gens dont vous ne partagez pas la philosophie et qui trahissent depuis toujours l’intérêt national. On ne peut déterminer la politique de notre pays en fonction de ceux qui ne respectent pas cet intérêt : celle-ci ne se fait ni à la corbeille ni ailleurs !

Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous demande de revenir sur votre position et d’accepter cet amendement moral et culturel.

Puisque je citais tout à l’heure Picasso et quelques autres et que vous vous exprimiez en russe, permettez-moi de faire référence à Kokoschka, Chagall, Kandinsky, Zadkine et quelques autres dont certaines œuvres sont dissimulées en France dans des caves et des greniers parce qu’elles n’ont pas été acquises dans des conditions d’honnêteté au-dessus de tout soupçon.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Mon vote aura la même signification que celui que j’ai émis ce matin sur la résidence principale. Les œuvres d’art ne doivent pas être plus exonérées que l’outil de travail. Cela dit, il y a un temps pour tout. Je considère que le dispositif complet de l’ISF doit être remis à plat, mais qu’il ne serait pas sérieux que le Parlement le fasse en vingt-quatre heures au détour d’un amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Cela fait six ans que nous en parlons !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 87.

(Il est procédé au scrutin)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté l’amendement n° 87.

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement est relatif à l’organisation de nos travaux.

Lors de l’examen du projet en commission des finances, nous n’avons disposé d’aucune information sur les calculs ayant servi de base aux articles 13 et 14, articles essentiels qui intéressent la compensation du transfert des TOS aux régions et aux départements. Or des inégalités sont apparues. Vous comprendrez donc que tenions à disposer de ces éléments avant l’examen de ces articles, donc le plus rapidement possible, faute de quoi nous serions, bien sûr, obligés de retarder la discussion, ce qui n’est absolument pas dans nos intentions.

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, qui a été entendu par la commission et par le Gouvernement.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 88 et 123.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour présenter l’amendement n° 88.

M. Jean-Claude Sandrier. Issu d'un amendement de M. Badré et des membres du groupe de l'Union Centriste du Sénat, adopté au cours de la première lecture du projet de loi pour l'initiative économique, l'article 885-I bis du code général des impôts, que nous vous proposons de supprimer, ne constitue en aucune façon un moyen de dynamiser l'activité économique de notre pays, des petites et moyennes entreprises en particulier. Il n'a qu'un seul et unique but : accorder une exonération de 50 % au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune aux actionnaires signataires d'un engagement collectif de conservation.

On nous a expliqué, lors de la discussion par notre assemblée du projet de loi pour l'initiative économique, que l'ISF aurait des effets pervers sur l'initiative économique, ce que vous n'avez pas démontré. Pour notre part, nous continuons de penser, non seulement que les biens professionnels ne devraient pas être exonérés, mais que l'assiette de l'ISF devrait être élargie à l'ensemble des actifs financiers, dont je rappelle qu’ils ont tout de même augmenté de 107 % en dix ans.

Comme le souligne l'économiste Thomas Piketty, il n’est désormais plus besoin de travailler dans l'entreprise : il suffit de signer un pacte avec un groupe quelconque d'actionnaires, dont au moins un travaille dans l'entreprise, pour être exonéré. Il ajoute que l’on risque donc d'assister à la multiplication de pactes d'actionnaires purement artificiels, dans l'unique but de bénéficier d'exonérations fiscales. Est-ce cela que vous appelez « favoriser le travail » ?

Une fois encore, vous favorisez la logique du court terme et la recherche de l'avantage fiscal immédiat, au détriment d'une stratégie à moyen et à long terme. Est-il besoin d'ajouter que, dans le contexte économique actuel, la suppression de cet article est aussi une exigence éthique ?

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l’amendement n° 123.

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne pourrons, certes, pas tout régler au cours de cette séance et nous reverrons l’ensemble de ces points si les Français nous font confiance.

Il s’agit donc, par cet amendement, de remettre en cause une partie des cadeaux fiscaux accordés en matière d’impôt de solidarité sur la fortune par la majorité et le Gouvernement, notamment à l’occasion du vote de la loi sur l’initiative économique et de la loi de finances pour 2005. Vous avez, de plus, amélioré ce dispositif en 2006. Votre démarche est, en la matière, significative : vous procédez par petits pas, et accordez toujours plus d’avantages aux privilégiés. L’adoption du bouclier fiscal ne suffit pas à vous donner satisfaction, puisque vous voulez progressivement abolir l’impôt de solidarité sur la fortune.

Le présent amendement vise plus précisément la possibilité d’échapper à l’ISF dans le cadre d’un « pacte d’actionnaires », représentant 20 % seulement des droits d’une société, dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale.

Appuyé sur un discours visant à « exonérer l’outil de travail », ce dispositif permettrait en fait d’échapper à l’ISF dans des conditions particulièrement souples. Un simple actionnaire d’une société qui n’exerce aucune fonction dans celle-ci pourrait, par exemple, voir ses participations exonérées dès lors qu’il s’engage dans un pacte avec un dirigeant de la société.

Ce dispositif a été encore rendu plus avantageux dans le cadre de la loi de finances pour 2006 dont l’article 26 a augmenté de la moitié aux trois quarts le taux d’exonération de la valeur des parts.

Vous ne cessez d’évoquer, dans l’intérêt de l’emploi, la nécessité d’alléger l’ISF et de faire revenir les évadés fiscaux ou de retenir les contribuables qui seraient tentés de partir. À quels résultats êtes-vous parvenus depuis que vous avez engagé cette politique ? Pouvez-vous préciser combien d’évadés fiscaux, au patrimoine important, sont revenus ? Comme vous n’avez aucune réponse à nous donner, il convient donc de supprimer ce dispositif dans le cadre de la justice fiscale dont vous vous réclamez toujours.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements.

C’est moi qui suis à l’origine de ce dispositif en faveur des actionnaires signataires d’un engagement collectif de conservation permettant un abattement d’ISF. S’il y a une mesure dont je suis fier, c’est bien celle-là, dans la mesure où il s’agissait d’un véritable plan d’urgence, de sauvegarde, pour éviter que des milliers d’entreprises petites et moyennes, des milliers d’entreprises familiales continuent de quitter notre pays.

Les actionnaires de ces entreprises, en effet, incapables de payer l’ISF, n’avaient d’autre choix que de les vendre à des groupes étrangers. Elles étaient à peine passées sous la coupe de ces groupes qu’on délocalisait, dans un premier temps, le service de recherche, dans un deuxième temps les services financiers et, dans un troisième temps, l’usine de fabrication. Cela concerne des centaines d’entreprises de la pharmacie, de l’habillement, du textile ou de l’agroalimentaire. Nous avons perdu des centaines de milliers d’emplois à cause de cet aspect totalement absurde de l’ISF. C’était un véritable désastre national.

Je n’ai jamais plaidé ici pour la suppression de l’ISF, mais il faut avoir une approche pragmatique et non idéologique, et rendre cet impôt plus intelligent qu’il ne l’était.

Nous avons stoppé l’hémorragie et, quel que soit le résultat des élections, personne ne prendra le risque d’en générer une nouvelle. Chacun de nous, en effet, a, je crois, de façon honnête et sincère, l’objectif de développer l’emploi dans notre pays pour le bien-être général.

Arrêtons donc les discours idéologiques, il faut regarder les choses de façon pragmatique. Ce dispositif a représenté un véritable progrès fiscal. Ce serait une hérésie de le remettre en cause aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rends hommage au brio de notre rapporteur général, qui vient de résumer remarquablement la situation.

Le mot-clé de son intervention, c’est pragmatisme. Qu’il s’agisse de l’ISF ou de l’ensemble de la doctrine fiscale, il est dans mon rôle, en tant que ministre du budget, de recommander à chacune et chacun d’avoir à l’esprit que ce qui compte, c’est que notre fiscalité soit adaptée aux contraintes économiques et, bien entendu, aux impératifs d’équité. De ce point de vue, l’Assemblée ne peut que rejeter les deux amendements. En tout cas, je le souhaite.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. En dépit de vos affirmations, monsieur le rapporteur général, la situation de l’emploi ne s’est pas tellement améliorée au cours des cinq dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, depuis deux ans !

M. Augustin Bonrepaux. Par rapport à la période de 1997 à 2001, ce n’est pas comparable.

Vos affirmations ne sont étayées par aucun argument et par aucun document. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. N’importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Vous nous expliquez que le chômage baisse, mais vous ne parlez jamais du RMI. C’est tabou. Pourtant, le nombre de ses bénéficiaires augmente. Ce sont des vases communicants.

Vous nous dites maintenant que la disposition que nous voulons abroger a empêché les entreprises de délocaliser. Où avez-vous trouvé ça ? C’est uniquement pour justifier des cadeaux fiscaux exorbitants.

M. Philippe Auberger. Des cadeaux fiscaux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que ce sont des cadeaux fiscaux.

Regardez ce magazine que j’ai apporté, il contient de très jolies photos.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous les avez déjà montrées hier !

M. Jean-Pierre Brard. Non, ce ne sont pas les mêmes. Vous avez par exemple une modeste demeure estimée à 200 millions d’euros.

M. Philippe Auberger. Ce n’est plus le sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Dès qu’on parle des privilégiés qui trichent et qui dépouillent les plus modestes, M. Auberger considère que ce n’est plus le sujet, mais nous sommes précisément dans le sujet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je crois que c’est un communiste russe qui l’a achetée, celle-là !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En plus !

M. Jean-Pierre Brard. Les relaps, vous savez, je m’en méfie toujours. C’est d’ailleurs vrai aussi pour des gens de l’UMP !

Des sous, il y en a donc. Ce matin, vous avez barguigné pour 30 euros, mais, dès lors qu’il s’agit des privilégiés, vous ne discutez plus.

Le rapporteur général a parlé de milliers d’entreprises. Qu’on nous donne la liste. Affirmer n’est pas démontrer. Vous n’avez rien démontré pour l’instant. Des dizaines de milliers d’emplois auraient été perdus. Qu’on nous donne le nom de ceux qui ont quitté le territoire national à cause de la fiscalité.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous êtes pêcheur ?

M. Jean-Pierre Brard. Devant l’éternel certainement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La principale entreprise de hameçons, on l’a perdue comme ça ! Si vous étiez pêcheur, vous le sauriez !

M. le président. Monsieur le rapporteur général, je vous invite à ne pas interrompre l’orateur.

M. Jean-Pierre Brard. Le Premier ministre nous a parlé de patriotisme économique. Je me méfie dès qu’on ajoute un adjectif car, en général, on trahit le concept. C’est à propos d’Arcelor qu’il a utilisé cette expression. Voyez le résultat ! En dépit de ses coups de menton, Arcelor a été bradé au capital étranger et est domicilié au Luxembourg,…

M. Philippe Auberger. Cela fait des années !

M. Jean-Pierre Brard. …sans qu’il y ait eu la moindre réaction du Gouvernement, qui n’a fait qu’accompagner la trahison.

Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, je vous mets tous les deux au défi de nous donner la liste des milliers d’entreprises qui auraient quitté le pays ou des dizaines de milliers d’emplois perdus. Il est très important que les jeunes qui sont dans les tribunes se rendent compte que vous êtes aux petits soins pour les privilégiés, que vous ne manquez jamais d’argutie pour venir à leur rescousse. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je sais, ça vous incommode qu’on prenne la jeunesse à témoin de vos turpitudes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Arrêtez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est du Grand-Guignol !

M. Philippe Auberger. C’est indécent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est du racolage !

M. Jean-Pierre Brard. C’est votre politique qui est indécente. Vous faites la démonstration que vous ne voulez rien céder dès lors qu’il s’agit des intérêts de ceux qui peuvent partager parce qu’ils sont nantis, partager pour financer la solidarité, notamment pour panser les plaies qui résultent de votre politique avec l’augmentation du nombre de RMIstes dans le pays. C’est ça la réalité, mais faire payer plus au titre de l’impôt sur la fortune, ça vous donne le grand frisson, et vous ne voulez pas en entendre parler.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 88 et 123.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 124.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le défendre.

M. Augustin Bonrepaux. Il s’agit par cet amendement de remettre en cause un autre cadeau fiscal accordé en matière d’impôt de solidarité sur la fortune à l’occasion du vote de la loi sur l’initiative économique et de la loi de finances de 2005.

Monsieur le rapporteur général, vous avez expliqué tout à l’heure que différents dispositifs avaient pour but de préserver l’emploi et d’éviter les délocalisations.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Eh oui, et je le répète !

M. Augustin Bonrepaux. La disposition que nous voulons abroger encourage justement les délocalisations puisqu’elle permet d’exonérer d’ISF les placements en capital au sein de PME, qu’elles soient installées en France ou à l’étranger dans l’Union européenne.

Vous allez bien sûr me répondre que c’est la règle européenne.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien entendu !

M. Augustin Bonrepaux. Pouvez-vous me dire combien d’entreprises se sont ainsi installées en Belgique, en Slovénie ou en Lituanie ? En tout cas, vous ne pouvez pas me dire que cette disposition évite les délocalisations. Elle les encourage au contraire. C’est donc un cadeau fiscal, un privilège accordé à ceux qui vont en bénéficier. Il n’y a pas d’autre explication. Le bon sens serait donc de la supprimer parce que vous ne pouvez pas tout de même continuer à encourager la création d’entreprises dans des pays étrangers, même s’ils appartiennent à l’Union européenne. Vous savez en effet que nous avons quelque difficulté à en créer sur notre territoire.

Une telle disposition ne se justifie pas du tout et notre amendement est donc particulièrement justifié. Il va dans le sens de l’emploi et dans le sens de ce que vous disiez tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

Ce qui est parfois décourageant, monsieur Bonrepaux, c’est que vous puissiez tenir des positions quand vous êtes dans la majorité et dire exactement l’inverse quand vous êtes dans l’opposition.

Quand vous étiez président de la commission des finances, vous nous avez expliqué, avec un excellent rapporteur général à côté de vous, Didier Migaud, qu’il fallait étendre les plans d’épargne en actions aux actions européennes à cause de la réglementation européenne. Tous ceux qui étaient là entre 1997 et 2002 s’en souviennent.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons eu l’honnêteté intellectuelle, nous qui étions dans l’opposition, de vous suivre sur ce terrain, parce que l’Europe existe et qu’il faut respecter la réglementation européenne.

M. Augustin Bonrepaux. Ça n’a rien à voir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit exactement de la même chose.

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’intérêt général commande de faire grossir nos petites et moyennes entreprises, qui sont de vrais gisements d’emplois. Pour vous rassurer, je vous signale que 95 % des investissements en numéraires qui ont été faits au titre de ce dispositif l’ont été dans des PME françaises.

Cela dit, j’aimerais que vous teniez les mêmes propos que ceux que vous teniez lorsque vous étiez aux responsabilités et où nous vous respections en tant que président de la commission des finances de cette assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre et le rapporteur général ont parlé de pragmatisme. Moi, je ne vois qu’âpreté.

Nous n’avons toujours pas la liste des entreprises qui sont parties à l’étranger, fuyant le terrorisme fiscal français. Si on ne nous la donne pas, le débat est totalement pollué. Plutôt que de nous obliger à fonctionner comme des disques rayés, il faudrait peut-être une suspension de séance le temps que M. le ministre aille chercher la liste dans ses dossiers à Bercy. On reprendra le débat ensuite. Vous avez parlé de milliers d’entreprises, prouvez-le.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Vous extrapolez toujours, monsieur le rapporteur général, sur des dispositifs tout à fait différents.

Il ne faut pas donner l’impression que nous sommes contre un soutien aux petites et moyennes entreprises, nous avons déjà pris des mesures en ce sens, mais il y a d’autres façons de faire que de donner des cadeaux qui s’accumulent, sachant que vous avez institué en plus le dispositif du bouclier fiscal, qui tend essentiellement à aider les privilégiés.

Vous ne pouvez pas dire qu’en l’occurrence, votre préoccupation est l’emploi. Elle est ailleurs et c’est toujours la même. Nous nous en sommes rendus compte ce matin.

M. le président. La parole est M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je trouve ce débat pénible et caricatural. Chacun sait, cela a été dit mille fois au cours des derniers mois, que si notre pays a la chance de posséder de grandes entreprises – qui, hélas pour l’essentiel, ne produisent pas en France –, il manque dramatiquement de moyennes et de grosses PMI. L’ancien président du CNPF, M. Yvon Gattaz, a dressé une liste d’entreprises patrimoniales qui ont été vendues à l’extérieur, avec transfert des sièges sociaux et souvent des centres de recherche.

J’ai pu moi-même constater dans ma région qu’au cours des quarante dernières années des petites entreprises du secteur agroalimentaire ont beaucoup grossi, rendant les conditions de succession impossibles avec l’ISF tel qu’il était. Nous avons donc rendu service à l’emploi en le modifiant l’année dernière.

Cessez de caricaturer comme vous le faites en permanence et parlons plutôt des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Affirmation ne vaut pas démonstration ! Donnez-nous la liste des entreprises qui se sont délocalisées, de façon que nous puissions vérifier, auditionner, en analyser les raisons éventuelles.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je vous la donnerai !

M. Jean-Pierre Brard. Tout le reste n’est que propagande !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 125.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Il s’agit, par cet amendement, de remettre en cause un cadeau supplémentaire accordé par la majorité, en parallèle au bouclier fiscal, à moins de 1 % des contribuables français redevables de l’ISF – quelques milliers – et qui peut difficilement se justifier par une protection de l’emploi.

L’article 885 I quater du CGI permet en effet à un contribuable de bénéficier d’un abattement des trois quarts de la valeur réelle de ses placements dans une ou plusieurs entreprises, à la condition qu’il y exerce ou y ait exercé des fonctions de salarié ou mandataire social. Cette exonération est même accordée pour les titres détenus depuis plus de trois ans par un mandataire ou salarié qui quitte une entreprise pour partir en retraite.

Très directement, ce dispositif vise les salariés et surtout les mandataires ayant acquis des titres à travers des mécanismes tels que les stock-options.

M. Michel Bouvard. Il faudrait aussi parler des créateurs d’entreprise.

M. Didier Migaud. Tout le monde a gardé en mémoire certaines situations particulièrement scandaleuses et choquantes. On est en plein dans le capitalisme financier. Même Édouard Balladur s’en est ému et il a proposé un amendement au texte dont nous avons débattu voilà une quinzaine de jours. Il a pointé des situations qui lui paraissaient si aberrantes que des mesures de moralisation lui sont apparues nécessaires.

Ce dispositif permet à un tout petit nombre de personnes d’économiser des centaines de milliers d’euros en se soustrayant à l’impôt. Et il ne s’agit pas de vingt ou de trente euros, mais de sommes considérables.

Je ne vois pas en quoi la remise en cause de ce dispositif menacerait l’emploi. Nous avons déjà critiqué ce dispositif l’année dernière. Du reste, nous ne sommes pas les seuls à critiquer ce dispositif : des voix s’élèvent aussi à droite, et nous souhaiterions qu’elles puissent s’exprimer dans cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement.

Monsieur Migaud, il faut que vous sachiez que toute la majorité est favorable à l’actionnariat salarié. Aucun d’entre nous ne le conteste !

M. Didier Migaud. Trois quarts d’abattement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce dispositif est d’une importance extrême parce qu’il permet aux salariés d’acquérir des actions afin de favoriser le développement de l’entreprise et surtout il les incite à les garder le plus longtemps possible pour stabiliser les fonds propres.

M. Didier Migaud. Il n’y a pas besoin pour cela de ce type de dispositifs et vous le savez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est d’une importance extrême, parce que c’est en organisant une association étroite entre les salariés et la détention du capital des entreprises que nous pourrons garantir le développement de celles-ci.

M. Didier Migaud. Plafonnez le dispositif !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vos critiques manifestent une véritable défiance à l’égard de l’entreprise.

M. Didier Migaud. Bien sûr que non !

M. Augustin Bonrepaux. C’est une véritable obsession !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En raisonnant ainsi, vous visez une personne qui crée une entreprise, qui y consacre toute son énergie, tous ses moyens, toute sa vie, qui favorise la création d’emplois par dizaines, par centaines, par milliers et qui, souhaitant se retirer, voudrait conserver une partie de tout ce qu’elle a mis dans cette entreprise parce qu’elle y est attachée.

M. Michel Bouvard. Plutôt que de la vendre à des fonds de pension américains !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est tout à fait légitime d’encourager cette démarche. Vous préférez que nos entreprises soient accaparées par des fonds de pensions internationaux ou repris par des multinationales ?

M. Didier Migaud. Caricature ! De tels arguments ne sont pas dignes de vous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous, nous souhaitons que nos entreprises se développent dans un cadre national. Toutes les dispositions que nous avons prises n’ont qu’un but : favoriser le développement de nos entreprises, créer des emplois et aider les salariés qui travaillent dans ces entreprises. Nous sommes aux antipodes de cette méfiance systématique que vous manifestez à l’égard du monde de l’entreprise, que vous ignorez superbement.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Vous êtes nettement meilleur lorsque vous êtes un peu plus nuancé, monsieur le rapporteur général, surtout lorsque vous vous contredisez en affirmant, d’une part, que, par pragmatisme, lorsque nous étions dans la majorité, nous avions pris quelques mesures favorables aux PME et aux PMI et, d’autre part, que nous méconnaissons totalement la réalité de la vie des entreprises. Ces propos politiciens ne sont pas dignes de vous.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais non !

M. Didier Migaud. Vous citez même, avec cette formule raccourcie que vous aimez bien, le fameux amendement Gattaz-Migaud.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne l’ai pas cité !

M. Didier Migaud. Je vous en prie, vous êtes bien meilleur quand vous répondez par des arguments de fond.

Nous ne sommes absolument pas opposés à ce que les salariés bénéficient d’actions. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire. Toutefois, ce dispositif doit être encadré. Avec la disposition en question, il est non seulement possible d’acquérir des actions à des prix qui ne sont pas ceux du marché, mais en plus de bénéficier d’avantages fiscaux considérables. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cette disposition.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On n’est pas sur les stock-options.

M. Didier Migaud. Il n’y a pas que les stock-options, lesquelles peuvent d’ailleurs être concernées. Un abattement de trois quarts de la valeur réelle des placements, c’est considérable, d’autant que vous n’avez prévu aucun plafonnement. Certaines personnes peuvent ainsi réaliser des bénéfices fiscaux de plusieurs millions d’euros. Pensez-vous que ce soit raisonnable ? Nous, nous ne le pensons pas.

Si ce type de dispositif était étendu, comme vous le souhaitez, une fois de plus la justice fiscale en souffrirait considérablement. En l’occurrence, vous ne pouvez pas arguer du maintien de l’emploi puisqu’en aucune manière les emplois ne sont concernés par ce type de dispositif.

Nous avons eu jusqu’à maintenant un débat intéressant. On peut échanger des arguments, mais, je vous en prie, ne nous opposez pas des arguments qui n’en sont pas. Je regrette que vous n’assumiez pas politiquement ce dispositif,...

M. Philippe Auberger. Mais si, nous l’avons voté, et nous nous en souvenons !

M. Didier Migaud. …mais nous ne sommes pas les seuls à le considérer comme totalement aberrant sur le plan de la justice fiscale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 126.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Sous couvert d’une mesure d’indexation, le Gouvernement et la majorité ont introduit une mesure politique forte et symbolique à destination des contribuables les plus aisés.

La mesure introduite par la loi de finances pour 2005 prévoit en effet un mécanisme automatique d’« actualisation » du barème de l’ISF. Le barème de l’impôt sur le revenu est actualisé chaque année. Mais là, pour plus de sûreté, la majorité a indexé automatiquement le barème de ISF en fonction de l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Bien sûr, cela évite toute discussion, toute remise en cause que nous pourrions souhaiter faire.

Cette disposition conduira automatiquement en 2007 à fixer un seuil d’entrée dans l’ISF supérieur à 759 000 euros. Le niveau de ce seuil permet d’ailleurs largement de relativiser le discours sur la fréquence des « entrées » dans l’ISF compte tenu de l’évolution des prix immobiliers : s’il est imposé au seul titre de sa résidence principale, un contribuable doit en effet posséder un bien d’une valeur supérieure à 949 000 euros pour commencer à être imposé à l’ISF et payer dans ce cas quelques dizaines de milliers d’euros. On considère que l’ISF est confiscatoire alors que les premières tranches ne sont que de quelques dizaines de milliers d’euros. Un contribuable possédant un tel patrimoine, ne peut-il pas faire cet effort ?

Le choix d’indexer ou non l’évolution du barème de l’ISF sur l’inflation, ou sur toute autre donnée économique, doit pouvoir être revu chaque année. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le dispositif en vigueur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

L’indexation du barème est une simple mesure de justice fiscale. Je rappelle que le gouvernement Jospin, qu’il ait eu comme ministre Dominique Strauss-Kahn, Christian Sautter ou Laurent Fabius, l’a systématiquement proposée lors de la précédente législature.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis. C’est une mesure de justice.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur général, je vous ferai remarquer que cette indexation n’a pratiquement pas eu lieu au cours de la précédente législature.

M. Michel Bouvard. Parce que les communistes s’y opposaient !

M. Augustin Bonrepaux. Maintenant, vous essayez de rattraper le retard ! Mais, dans la situation où se trouvent nos finances, n’est-il pas normal que ceux qui ont un patrimoine élevé, puisqu’il approche le million d’euros, fassent un petit effort. Et ne me dites pas que cet effort est confiscatoire, d’autant que ces contribuables sont déjà protégés par le bouclier fiscal. Il serait donc normal que nous puissions en rediscuter chaque année, comme nous le faisions précédemment.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, inscrit sur l’article 5.

M. Jean-Claude Sandrier. Avec cet article, vous nous proposez d’étendre la réduction d'impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance aux dépenses d'hébergement, soit une amélioration de la réduction d'impôt sur le revenu accordée aux personnes dépendantes.

Bien qu’on puisse difficilement s’opposer à ce type de mesure, il est cependant indispensable d'en souligner les insuffisances criantes. Outre le fait que nous pouvons contester le bien-fondé de la multiplication des crédits d'impôts, qui grèvent le budget de l'État et ne sauraient se substituer au seul régime équitable, celui des aides directes à la personne, le crédit d'impôt suppose, par construction, que le bénéficiaire acquitte des impôts, ce qui n’est pas le cas de l'ensemble des personnes dépendantes.

En outre, vous proposez cette mesure pour « éviter que des personnes dépendantes qui doivent quitter leur domicile pour partir dans un établissement de long séjour ne subissent une hausse brutale de leur charge fiscale ». C’est très bien. Mais, là encore, le régime proposé est-il suffisant pour répondre aux objectifs d'universalité et de satisfaction des besoins ? Nous le pensons d'autant moins que l'évolution actuelle du prix de l’hébergement en maison de retraite est particulièrement préoccupante. L'indice des prix à la consommation fait apparaître de fortes disparités dans l'évolution des prix : si le logement, les voyages, le gaz de ville sont des postes de dépense qui ont très fortement augmenté, le prix de l’hébergement en maison de retraite vient juste après. Si on prend pour base 100 les prix de 1998, il se situe aujourd'hui à l'indice 129,4. C’est une augmentation nettement supérieure à l’inflation, quand les retraites ont augmenté, elles, nettement moins que l'inflation sur la même période.

La situation financière des personnes âgées dépendantes s'aggrave ainsi nettement, et un baume appliqué sur la plaie de la hausse des prix n’est pas de nature à répondre à leurs besoins. Ces besoins renvoient à une exigence : celle de remédier à la situation de dépendance et de permettre à toutes les personnes dépendantes de disposer de moyens d'existence décents. Il y faudrait une tout autre ambition que la vôtre.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 144.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de compléter la liste des établissements hébergeant des personnes dépendantes en y incluant les hôpitaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout à fait d’accord, et je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 134.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. La mesure proposée par l’article 5 est intéressante, mais elle ne concerne qu’une partie de nos concitoyens. Nous proposons donc de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt. On pourrait envisager dans ce cas de limiter la majoration proposée par l’article 5 du plafond des dépenses prises en compte, pour limiter le coût de la mesure.

C’est l’éternel débat : il s’agit de choisir entre la réduction d’impôt ou le crédit d’impôt, selon qu’on veut que la disposition s’applique à une partie ou à la totalité de ceux de nos concitoyens susceptibles d’être concernés. Nous préférons en l’occurrence, s’agissant de ce type de dispositif, le crédit d’impôt à la réduction d’impôt. C’est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, l’existence de l’allocation personnalisée d’autonomie enlevant toute justification au crédit d’impôt. Il n’y a pas en effet de solution de continuité entre l’allocation personnalisée d’autonomie, qui est, comme vous le savez, versée sous conditions de ressources, et la réduction d’impôt, qui bénéficient aux personnes qui n’ont pas accès à toutes les possibilités de l’allocation personnalisée d’autonomie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ajouterai simplement, afin d’étayer la démonstration du rapporteur général, qu’une aide budgétaire est mieux adaptée à la situation des contribuables les plus modestes. En effet, contrairement à l’avantage fiscal, elle les dispense d’une avance de trésorerie. Il semble donc que le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui soit le mieux calibré possible.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Si je vous suis, monsieur le ministre,…

M. Jean-Pierre Brard. Ça viendra !

M. Didier Migaud …vous nous invitez à faire des propositions d’aides budgétaires. Mais c’est au Gouvernement d’en proposer !

Je ne suis pas sûr, monsieur le rapporteur général, que votre réponse corresponde à la réalité. Certains assujettis à l’impôt sur le revenu peuvent bénéficier de l’APA, et parmi ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, certains ne bénéficient d’aucun dispositif adapté à la gravité de leur situation.

On va donc là renforcer l’inégalité qui existe déjà, selon que l’on paie ou non l’impôt sur le revenu. C’est pourquoi nous préférons la formule du crédit d’impôt à celle de la réduction d’impôt.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Ce dispositif serait intéressant, monsieur le ministre, s’il concernait les personnes les plus en difficulté, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Beaucoup d’entre vous certainement connaissent, comme moi, des personnes âgées dont les revenus dépassent le plafond de l’aide sociale, et qui n’ont pas cependant les moyens de payer l’hébergement en maison de retraite. Et voilà que vous allez voter un avantage fiscal au bénéfice de personnes qui ont un revenu plus élevé, puisqu’ils ont la chance de payer des impôts ! Ils vont avoir le droit, eux, de bénéficier d’une réduction qui ne bénéficiera pas à des personnes plus démunies. C’est le caractère inacceptable d’une telle situation qui justifie le crédit d’impôt, et je déplore qu’aucune voix ne s’élève des bancs de la majorités pour défendre cette catégorie, alors qu’elles étaient nombreuses tout à l’heure à demander des exonérations fiscales pour ceux qui possèdent un patrimoine d’un million d’euros.

Ceux, très nombreux, qui viennent vous voir dans vos permanences pour vous dire qu’ils n’ont pas les moyens de payer leur hébergement dans une maison de retraite ou dans un hôpital, vont être heureux d’apprendre que vous avez fait quelque chose pour ceux qui ont un revenu supérieur !

Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, refuser notre amendement, qui est précis et particulièrement adapté à la situation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 144.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 260.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Marc Le Fur. Cet amendement vise à résoudre un problème qui va se poser dans les mois à venir. Comme vous le savez, nos agriculteurs vont bénéficier de droits à paiement unique, ou DPU, en application de la réforme de la politique agricole commune. Le premier versement de ces subventions découplées de la production doit intervenir avant la fin de l’année, grâce notamment aux efforts de Dominique Bussereau : un premier acompte sera versé à la mi-octobre et le solde sera payé en décembre 2006

En 2007 le versement s’effectuera à peu près aux mêmes dates, mais la créance sera considérée comme acquise au mois de juin, ce qui signifie, pour les exploitants imposés au régime réel, qu’elle intégrera les recettes de l’exploitation agricole. Pour cette année 2007, le problème de la fiscalisation sur un même exercice de deux aides au titre de la PAC se posera pour les exploitants dont l’exercice comptable, pour des raisons diverses, chevauche deux années. Ainsi certains exercices comptables commencent au 1er juillet 2006 et s’achèvent au 30 juin 2007. Du fait de la progressivité de l’impôt, cette fiscalisation de deux aides se traduira par une augmentation sensible de leur impôt.

Puisqu’il s’agit d’un revenu exceptionnel, il faut le traiter comme tel, et tout le monde conviendra qu’il faut résoudre ce problème. Je ne prétends pas que la solution proposée par cet amendement est la seule qui vaille. Techniquement il y a deux réponses possibles : soit nous acceptons à titre dérogatoire de tenir compte de la date d’encaissement, et cette recette ne sera pas prise en compte en mai 2007 pour ceux qui sont sur deux exercices, mais au terme de l’année 2007 ; soit nous acceptons de considérer que l’encaissement, qui interviendra en 2007, est un revenu exceptionnel qui doit pouvoir être étalé sur sept exercices comptables, comme cela se pratique pour d’autres revenus exceptionnels.

En tout état de cause, les personnes concernées, soit pratiquement l’ensemble des exploitants agricoles, attendent de vous, monsieur le ministre, que vous apportiez assez rapidement une solution à ce problème, d’autant qu’il n’est pas seulement fiscal, mais également social : il se reposera en effet au moment de définir l’assiette des cotisations sociales. C’est pourquoi j’ai l’intention de déposer dès la semaine prochaine un amendement similaire au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui visera à résoudre le même problème, mais cette fois à propos des cotisations sociales.

J’appelle donc tout particulièrement votre attention sur ce sujet extrêmement sensible pour l’ensemble du monde agricole.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Le Fur a parfaitement résumé la question que se pose la commission des finances, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je partage tout à fait votre préoccupation, monsieur Le Fur. Vous soulevez un vrai problème, et il faudra neutraliser les effets du changement de date de comptabilisation des droits à paiement unique.

J’objecterai simplement une petite difficulté pratique : une disposition comme celle-là doit faire l’objet d’une concertation approfondie avec les organisations professionnelles représentatives. C’est pourquoi je préférerais, si vous en êtes d’accord, qu’on aborde ce sujet à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative actuellement en préparation, comme vous le savez. Je m’empresse de préciser que le texte que je vous proposerai sera d’une dimension modeste, dans le respect des engagements pris devant votre commission : ce projet de loi de finances rectificative ne saurait être un budget bis. Une telle disposition pourrait cependant tout à fait y trouver sa place.

Je vous propose donc, monsieur Le Fur, de retirer cet amendement et de le présenter à nouveau à l’occasion de cette discussion à venir. Nous pourrons ainsi mener avec les organisations représentatives la discussion qui s’impose.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Au vu de ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, qui indique que vous avez pris toute la mesure du sujet, je retire cet amendement.

Reste que nous devons, dès la semaine prochaine, prendre des mesures analogues pour ce qui est des cotisations sociales : le temps de la concertation, dont je sais qu’elle est en cours et qu’elle progresse, ne doit pas être trop long. En tout cas, je vous remercie de la décision que vous venez de nous annoncer.

M. le président. L’amendement n° 260 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 55.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Marc Le Fur. En raison de la bonne volonté du ministre tout autant que de la faiblesse de leur chance de succès, je retire également cet amendement et l’amendement suivant.

M. le président. Les amendements nos 55 et 54 sont retirés.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 37 et 317.

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l’amendement n° 37.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M’autorisez-vous, monsieur le président, à demander à M. Bouvard de présenter ces amendements ?

M. le président. La parole est donc à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Ces amendements, monsieur le président, monsieur le ministre, ont trait au fameux dispositif « Malraux ». J’avais d’ailleurs, dans le cadre de la discussion de cette loi de finances, déposé plusieurs amendements visant à modifier ce dispositif : l’un concernait les propriétaires occupants, le deuxième les immeubles achetés par voie d’emprunt, et le dernier était relatif aux commerces de centre-ville. C’est ce dernier amendement qui a été retenu par la commission des finances, et c’est le seul à être soutenu en séance puisque c’est le seul qui a été accepté par la commission.

La commission a même souhaité que nous puissions aller plus loin. En effet, comme je l’avais rappelé l’an dernier, la loi d’orientation sur la ville de 1991 a exclu les commerces du bénéfice de la loi Malraux. Or nous ne sommes plus dans la situation de 1991. De nombreuses villes qui ont un centre historique connaissent un dépérissement du commerce de centre ville, qui peut tenir à des problèmes de circulation plus complexes ou à des phénomènes de dépopulation qui n’ont pas toujours été enrayés par la loi Malraux – celle-ci permettant de réinvestir dans le locatif.

Les amendements nos 37 et 317 visent donc à nous permettre de tirer les conséquences de ce dépérissement du commerce de centre-ville que connaissent les secteurs sauvegardés, afin que l’on puisse trouver des investisseurs et relancer une dynamique commerciale dans les centres-villes. Ce dispositif serait tout à fait complémentaire du travail encouragé par l’État dans de nombreux secteurs sauvegardés par l’intermédiaire des plans FISAC. Cependant, si ces plans aident les commerces existants, ils ne permettent pas de faire venir de nouveaux commerces. Or il s’agit précisément de revitaliser le tissu commercial là où les commerces ont disparu.

Dans les villes qui ont secteur sauvegardé, ce sujet fait l’objet d’un consensus sur tous les bancs de l’Assemblée, dans la majorité comme dans l’opposition, comme l’ont notamment montré les témoignages exprimés l’an dernier lors du débat sur le dispositif Malraux. C’est là, je le répète, une préoccupation partagée par tous.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 37 et 317 ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Bouvard, vous proposez d’étendre l’application du dispositif Malraux à tous les immeubles, quelle que soit leur affectation. C’est là un sujet très intéressant et très important.

Lorsque nous en avons débattu l’an dernier, je vous ai indiqué que nous allions solliciter les groupes de travail techniques, en liaison avec le ministère de la culture, pour tenter d’examiner les différentes questions. Si en effet la restauration des centres-villes passe aussi par le maintien des commerces, l’extension du dispositif Malraux à la restauration des locaux professionnels et commerciaux aboutirait à encourager leur implantation au détriment du logement, ce qui nous éloigne de l’objectif initial du dispositif.

M. Michel Bouvard. Et au rez-de-chaussée ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le problème reste posé, même au rez-de-chaussée.

Dans ce contexte, et compte tenu de ce qu’ont permis par ailleurs les dispositifs Robien et Borloo, il nous faut pouvoir mener cette réflexion. En effet, tel qu’il existe aujourd’hui, le dispositif Malraux a sans nul doute besoin d’une réflexion plus globale, et peut-être d’une réactualisation qui lui permettrait de mieux correspondre aux différents objectifs fixés en termes de préservation du patrimoine, d’aménagement urbain et de mixité sociale.

Je vous propose donc, compte tenu du travail administratif déjà réalisé par les groupes de travail, de passer à la phase suivante, qui est celle de la discussion avec les professionnels. Peut-être avez-vous déjà reçu, d’ailleurs, le courrier que je vous ai adressé en ce sens voici 48 heures.

M. Michel Bouvard. Voilà un travail parlementaire efficace !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de vous associer à cette discussion et, dans l’immédiat, de retirer votre amendement. Le travail auquel vous participerez ainsi avec le ministre de la culture, les professionnels et moi-même devrait nous permettre d’aboutir à relativement court terme à un dispositif plus adapté aux attentes d’aujourd’hui et de demain.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je peux en effet attester qu’un travail sur cette question a été engagé depuis un an, notamment avec les techniciens.

En outre, la rédaction de l’amendement n’est pas sans présenter quelques faiblesses. Ainsi, alors que nous souhaitons favoriser les activités commerciales, cette rédaction permettrait notamment, outre la réinstallation de commerces, celle de bureaux. En tout état de cause, l’amendement mérite donc d’être retravaillé.

Monsieur le ministre, j’ai bien noté que vous avez indiqué que nous pourrions sans doute déboucher dans un avenir proche. C’est là un point important. J’ai pris note également de l’engagement que vous avez pris par écrit d’associer à cette discussion l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et secteurs sauvegardés, à laquelle appartiennent plusieurs d’entre nous, ce qui devrait permettre que toutes les sensibilités soient représentées. Je vais donc répondre à votre invitation.

M. le président. Les amendements identiques nos 37 et 317 sont retirés.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Bouvard, nous ferons notre possible pour être prêts d’ici à la discussion du PLFR. Si ce n’était pas le cas, je demande l’indulgence du jury. (Sourires.)

Rappels au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, ce rappel au règlement porte sur certaines dispositions figurant sur la feuille jaune de séance et sur certaines décisions que vous semblez prendre à l’égard du règlement de notre assemblée.

Pouvez-vous, avant toute chose, m’indiquer si le fascicule actuellement disponible comporte bien le dernier état du règlement en vigueur ?

M. le président. Tout à fait.

M. Didier Migaud. Prend-il en compte les dernières dispositions qui auraient été modifiées par les récentes propositions du président de l’Assemblée ?

M. le président. C’est-à-dire ?

M. Didier Migaud. Si donc le texte dont nous disposons est bien le dernier état du règlement, je tiens à exprimer mon désaccord avec la mention portée sur la feuille jaune de séance. On y lit en effet : « Il est rappelé qu’en application de l’article 100, alinéas 3 et 7, l’Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance par l’un de leurs auteurs ; ces amendements ne peuvent être repris. »

Où cela figure-t-il indiqué dans le règlement de notre assemblée ? Si en effet l’article 100, alinéa 3, dispose que l’Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance, il n’indique nullement qu’un député en séance ne puisse pas reprendre un de ces amendements. Il serait profondément choquant d’adopter cette interprétation nouvelle, qui serait un recul par rapport à notre droit d’amendement en séance. On peut en effet fort bien décider, à l’issue d’un échange, de reprendre un amendement.

D’où vient cette disposition nouvelle ? S’il s’agit d’une proposition entérinée récemment et qui ne figurerait pas encore dans la version imprimée du règlement, qui n’aurait pas encore été mise à jour, je n’ai rien à dire. Si, en revanche, le règlement en vigueur est bien celui que j’ai en main, cette disposition est interprétative et totalement contraire à l’article 100 du règlement de notre assemblée.

M. le président. Monsieur Migaud, je vais vous répondre très précisément. Je vous invite à vous rapprocher du président…

M. Didier Migaud. Le président a une interprétation abusive du règlement !

M. le président. Je ne fais ici qu’appliquer le règlement – et je ne saurais d’ailleurs faire autrement à la place où je suis.

Comme vous pouvez le constater dans le recueil que vous avez en main, l’article 100 ne comporte pas trois alinéas, mais huit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Laissez donc parler le président !

M. le président. Le troisième alinéa dispose, comme vous l’avez rappelé, que l’Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance. La question qui se pose alors est de savoir qui peut soutenir un amendement en séance. Par définition, c’est l’auteur de l’amendement.

M. Didier Migaud. Non !

M. Marc Le Fur. Ce n’était pas le cas avant !

M. le président. Monsieur Migaud, je vous ai écouté sans vous interrompre. Veuillez m’écouter à votre tour.

Nous avons déjà eu ce débat, et je vous invite à vous rapprocher à cet égard du président Ayrault. M. Brottes vous rappellera d’ailleurs que, lors de l’examen du texte consacré au secteur de l’énergie, une suspension de séance a été consacrée à éclaircir ce point avec votre groupe.

M. Michel Bouvard. Le nombre d’amendements à examiner était sans comparaison !

M. le président. L’application du règlement est simple et ne laisse pas de place à la contestation. Il n’y a ici rien de nouveau.

Les différents présidents de séance ont certes pu avoir une certaine tolérance dans le traitement des amendements,…

M. Didier Migaud. Il ne s’agit pas de tolérance !

M. Marc Le Fur. C’était plus qu’une tolérance : c’était un usage !

M. le président. Veuillez m’écouter, monsieur Migaud, si vous voulez que je puisse vous apporter les explications que vous me demandez. Cela vaut aussi pour M. Le Fur !

Ainsi, il a pu arriver qu’on laisse reprendre des amendements par des parlementaires qui n’en étaient pas les auteurs. Si regrettable soit-elle, la pratique a pu s’imposer et substituer au règlement une sorte de droit coutumier.

Le règlement n’est pas nouveau, monsieur Migaud, et peut-être M. Brard vous l’expliquera-t-il tout à l’heure à l’occasion d’une suspension de séance.

L’ancien secrétaire général de groupe que je suis se souvient parfaitement que, lorsque nous organisions des « flibustes » parlementaires, nous tenions compte de ce règlement, qui n’a pas changé depuis. Il fallait que les auteurs des amendements soient …

M. Jean-Pierre Brard. Fussent !

M. le président. … fussent – merci, monsieur Brard ! – présents en séance, à défaut de quoi ils ne pouvaient pas défendre ces amendements. Ainsi, on n’inscrivait pas tout le groupe, mais cinq ou dix députés, à tour de rôle, ce qui permettait de défendre de nombreux amendements – à condition du moins que leurs auteurs soient présents en séance.

De ce point de vue, donc, le règlement de l’Assemblée nationale n’a pas changé : pour soutenir l’amendement, il faut en être l’auteur. On peut au demeurant contourner la difficulté en ajoutant au nom de l’auteur la mention : « et des membres du groupe » – ce que fait d’ailleurs régulièrement votre groupe, monsieur Brard.

La chose est donc simple et n’est pas sujette à interprétation. Il suffit, si l’on veut s’en assurer, de se reporter à l’alinéa 7 qui précise : « Hormis le cas des amendements visés à l’article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l’un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond , le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d’opinion contraire. »

Puisque nous en sommes à ce degré de précision, je rappelle que, depuis le début de la séance de cet après-midi, il m’est souvent arrivé de donner la parole à plusieurs orateurs – par exemple à M. Bonrepaux après M. Migaud –, alors que si j’appliquais à la lettre l’alinéa 7 de l’article 100, seuls pourraient prendre la parole le président, le rapporteur et un orateur d’opinion contraire.

On peut parfois, en effet, faire la part de la souplesse et des usages. Pour un amendement signé d’un seul auteur, la moindre des choses est que cet auteur soit présent en séance pour le défendre. Quand le texte en discussion n’a donné lieu qu’à une cinquantaine d’amendements, on peut être plus souple que lorsque les amendements se comptent par centaines, comme c’est le cas ici – il faut alors appliquer le règlement à la lettre, sous peine de ne pas s’en sortir.

On peut, je le répète, faire preuve de souplesse pour les prises de parole – je le fais d’ailleurs régulièrement. Pour ce qui est, en revanche, de la défense des amendements, le règlement s’applique et ne souffre pas de contestation. L’amendement doit être défendu par son auteur – ou, s’il a plusieurs auteurs, par l’un d’entre eux. Si aucun des auteurs n’est présent en séance, l’amendement ne peut être repris, pour la simple raison qu’il n’a pas été défendu. Le règlement est très clair sur ce point, qui n’a rien de nouveau.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je ne veux pas allonger le débat sur ce point, mais je ne suis pas convaincu par votre argumentation. L’alinéa 7 vient, selon toute logique, après l’alinéa 3. Si donc un député reprend l’amendement – ce que n’interdit pas le règlement – il en devient l’auteur.

M. le président. Non !

M. Didier Migaud. Dès lors, l’alinéa 7 est parfaitement respecté.

M. le président. Monsieur Migaud, il faudrait pour cela rectifier l’amendement et s’en déclarer cosignataire, faute de quoi il est impossible de le soutenir.

M. Didier Migaud. Voilà encore une argumentation différente ! Cela montre bien, en tout cas, qu’il y a un problème, dont je saisirai le président de l’Assemblée. Il s’agit là d’une interprétation de notre règlement.

M. le président. Mais non !

M. Didier Migaud. Mais si ! En droit, une interprétation doit être stricte. Plus encore, on ne doit pas interpréter une disposition claire. On ne peut ajouter ce qui n’est pas prévu.

M. le président. Monsieur Migaud, si vous n’êtes pas signataire, vous ne pouvez pas défendre l’amendement.

M. Didier Migaud. C’est plus compliqué que cela !

M. le président. Non. C’est simple et ce n’est pas nouveau.

M. Didier Migaud. Cela dit, je ne prolongerai pas le débat, mais je continue de penser que c’est une atteinte au droit d’amendement.

M. le président. Absolument pas ! Le droit d’amendement est respecté, et je ne puis vous laisser dire le contraire !

M. Didier Migaud. Il n’est pas ici question de flibuste parlementaire. Il s’agit au contraire de permettre qu’un amendement intéressant sur le fond puisse être repris par un député.

Je soumettrai cette question au président de l’Assemblée,…

M. le président. Qui vous le confirmera.

M. Didier Migaud. …et consulterai quelques juristes.

M. le président. Monsieur Migaud, le président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, vous le confirmera personnellement. Vous serez, j’en suis certain, plus sensible aux arguments si vous les entendez de sa bouche. Ce n’est pas moi qui fais dicter la feuille jaune de séance, mais le président.

M. Didier Migaud. Il peut aussi se tromper !

M. le président. Non. Par définition, le président de l’Assemblée nationale ne se trompe jamais. (Sourires.)

M. Didier Migaud. Il est infaillible ?

M. Michel Bouvard. Il va faire des bulles, comme le pape ? (Sourires.)

M. le président. En outre, le point du règlement que j’applique n’est pas nouveau.

M. Didier Migaud. C’est de l’interprétation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je ferai très rapidement quelques remarques.

D’abord, je vois que vous venez d’établir un pont tout à fait inattendu entre Jean-Louis Debré et Benoît XVI, s’agissant de l’infaillibilité. (Sourires.)

Deuxièmement, vous ne reniez point les endroits où vous fûtes formé, qui furent certainement une bonne école.

Troisièmement, permettez-moi de vous dire qu’en fin de compte, vous n’êtes pas à votre place. Je pense que vous pourriez trouver emploi comme secrétaire général de notre groupe – ce serait un retour sur investissement afin de nous faire bénéficier du savoir que vous avez acquis et qui, hélas, est un peu dilué. De la sorte, nous serions plus efficaces dans l’organisation de nos – comment dites-vous ? – « flibustes ». Ce n’est pas le vocabulaire qu’utilise le parti communiste, mais peut-être est-ce à l’UDF que vous avez appris cela, monsieur le président ?

M. Nicolas Perruchot. Jamais !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, il est vrai, comme vous le dites, que lorsqu’un parlementaire n’est pas en séance, la règle, qui existait déjà avant la réforme du règlement, dispose que l’amendement n’est pas soutenu.

Cela étant, vous avez reconnu qu’il y avait une tolérance, qui, s’agissant des discussions budgétaires, a toujours été respectée, notamment lorsque des collègues de la commission des finances souhaitaient défendre des amendements déposés par des membres de la commission qui n’avaient pu être présents. Certes, quand il y a des centaines et des centaines d’amendements, si on veut tenir les délais, il est nécessaire d’avoir plus de rigueur. Toutefois, s’agissant du projet de loi de finances de cette année, le nombre d’amendements a rarement été aussi limité.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Jean-Louis Dumont. C’est une question de sagesse et de tolérance, monsieur le président !

M. Michel Bouvard. Traditionnellement, nous terminions la discussion budgétaire – cela a été le cas de tous les budgets depuis le début de la législature et de tous ceux de la législature précédente – en général dans la nuit du vendredi au samedi, parfois très tôt dans la matinée du samedi, voire le lundi.

M. Philippe Auberger. On n’a pas terminé !

M. Michel Bouvard. Or, en l’occurrence, même si nous n’avons pas avancé très vite, il y a tout de même beaucoup moins d’amendements que les années précédentes. Aussi, dès lors qu’un député qui ne peut être présent en séance – pour diverses raisons que nous connaissons tous – a demandé à un de ses collègues de défendre son amendement parce que, d’une part, c’est un sujet qui lui tient à cœur et qui a déjà été débattu en commission et que, d’autre part, c’est l’occasion d’obtenir une réponse du ministre, je considère qu’il n’est pas anormal que la présidence fasse preuve de tolérance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. C’est la sagesse même !

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, l’alinéa 3 de l’article 100 précise que « l’Assemblé ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance ». Il n’est pas indiqué : « par son auteur ».

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Louis Giscard d'Estaing. On peut soutenir un amendement sans en être l’auteur.

M. le président. J’ai mentionné tout à l’heure l’alinéa 7, monsieur Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. L’alinéa 7 dispose qu’un certain nombre d’autres personnes peuvent intervenir, outre l’un des auteurs de l’amendement. On peut donc, selon l’esprit qui prévaut dans cette assemblée, soutenir un amendement sans en être l’auteur.

M. le président. Mais non, il faut en être l’auteur. Je vous suggère de faire une explication de texte avec le président de l’Assemblée nationale, qui a fait inscrire la règle en question sur la feuille jaune. Pour ma part, je ne fais qu’appliquer les décisions de la présidence.

M. Jean-Louis Dumont. Provocation ! On bâillonne le Parlement !

M. Didier Migaud. C’est un abus de droit !

M. le président. Je crois avoir fait preuve, à chaque fois que j’ai présidé, d’une certaine souplesse.

M. Didier Migaud. Il faut continuer dans cette voie.

M. le président. Et je continuerai ainsi, monsieur Migaud.

Cela étant, je vous indique formellement que, pour soutenir un amendement, il faut en être l’auteur, comme l’a très bien dit M. Bouvard.

M. Didier Migaud. C’est une interprétation du règlement, monsieur le président !

M. Michel Bouvard. Non, c’est la lettre !

M. le président. Ce n’est pas une interprétation. C’est la lettre du règlement – monsieur Bouvard, je vous remercie de le reconnaître.

En revanche, je suis tout disposé à tolérer la présentation d’amendements d’un membre absent de la commission des finances, comme l’évoquait M. Bouvard, et je vous remercie par avance de le signaler. Au surplus, quand la commission les a adoptés, le rapporteur général soutient des amendements dont les auteurs peuvent être absents.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 8 portant article additionnel après l’article 5.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.

M. Philippe Auberger. En êtes-vous bien l’auteur, monsieur Le Fur ? (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Cet amendement, dont l’initiative revient à notre collègue M. Jean-Pierre Decool, a recueilli de nombreuses signatures : c’est dire tout l’intérêt qu’il représente pour bon nombre de nos concitoyens.

Le dispositif qui vous est proposé vise à permettre à ceux qui cotisent au titre de régimes de prévoyance complémentaire de bénéficier d’une déduction fiscale à hauteur de leur cotisation. Cette proposition, même si elle ne débouchera peut-être pas sur une traduction concrète aujourd’hui,…

M. Michel Bouvard. Elle a déjà été présentée l’an dernier.

M. Marc Le Fur. …mérite notre attention, un débat, et une réponse, que l’on espère la plus ouverte possible, du ministre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Je rappelle que la priorité a été donnée, en matière de réduction fiscale, aux cotisations de retraite complémentaire – je pense notamment au PERP.

Ensuite, s’agissant de la santé, a été mis en place, l’an dernier, un système d’aide à la constitution de complémentaires santé, notamment pour les salariés qui sont juste au-dessus du plafond en deçà duquel on peut bénéficier de la CMU.

Il existe, par ailleurs, une couverture complémentaire pour les professions indépendantes, qui, elle aussi, fait l’objet d’une déduction fiscale car la couverture de base de ces professions est moins avantageuse que celle des salariés.

Je crois qu’on a atteint un certain équilibre. Cet amendement a donc été refusé parce qu’il représente un coût trop élevé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. Monsieur Le Fur, maintenez-vous votre amendement ?

M. Marc Le Fur. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 314.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Bouvard ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l’amendement n° 23.

M. Michel Hunault. Cet amendement traite de la dépendance des personnes âgées.

Comme nous le savons, les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses, et elles sont souvent dépendantes. Face à ce défi, qu’a-t-on fait dans le passé ? D’abord, nous avons créé l’APA, qui repose essentiellement sur les finances des conseils généraux. Ensuite, le Gouvernement a eu le courage de créer la Caisse nationale de solidarité, qui a été financée par la journée de solidarité travaillée. Est-ce suffisant au regard des besoins ? Non, puisque plusieurs centaines de milliers de personnes dépendantes ne peuvent toujours pas être prises dans des établissements ou bénéficier d’une aide à domicile.

Le but de cet amendement est de contribuer, monsieur le ministre, à la réflexion pour aboutir à une réponse concrète au regard des drames humains que ce défi nous lance.

Deux solutions se présentent.

Certains d’entre nous seraient favorables à la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, chargée du financement de la dépendance. Au regard des comptes sociaux, cela paraît aujourd’hui impossible.

La seconde solution s’inspire des mécanismes d’incitation qui ont été mis récemment en place dans le cadre de la loi sur les retraites : c’est celle que nous avons retenue pour notre amendement. Il vise à permettre la déductibilité des sommes consacrées au financement de la dépendance, à la condition sine qua non que ces sommes fassent l’objet d’un contrôle pour vérifier qu’elles sont réellement affectées à la dépendance, au financement des structures pour personnes âgées, au financement de toute la filière de formation. Un rapport remarquable de la Cour des comptes a relevé qu’il y a là un enjeu humain et financier considérable. À travers cet amendement, il s’agit donc de créer des incitations pour apporter une réponse à ce défi de la dépendance.

Monsieur le ministre, je sais que vous-même et votre gouvernement êtes attachés à apporter des réponses à ce problème. Vous aviez d’ailleurs proposé l’an dernier qu’un groupe de travail puisse approfondir le sujet. Eh bien, cet amendement constitue un moyen de répondre au défi auquel sont confrontées plusieurs centaines de milliers de personnes âgées, qui méritent d’être traitées avec la plus grande dignité et la plus grande humanité.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement,…

M. Nicolas Perruchot. C’est dommage !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …tout en soulignant que des efforts importants sont accomplis, années après année. Ils sont d’ailleurs soulignés également dans l’exposé des motifs : l’allocation personnalisée d’autonomie, l’article 5 du PLF qui étend la réduction d’impôt qui porte sur les aides à domicile à un certain nombre de dépenses engagées dans les établissements. Peu à peu sont mis en place des dispositifs qui permettent de faciliter l’accueil ou le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. Il ne nous est donc pas apparu que l’on pouvait à ce stade, compte tenu des efforts qui sont déjà faits et qui sont en cours dans le cadre de cette loi de finances, aller au-delà.

M. Philippe Auberger. C’est un chantier pour l’après 2007 !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un amendement très intéressant, monsieur Hunault. Je vous indique que j’émets un avis défavorable, mais malgré cela, sur le fond, j’ai des points d’accord avec vous, ne serait-ce que parce que tout doit être fait pour améliorer la prise en charge des dépenses de dépendance. Notre pays a pris conscience bien tardivement de tout cela.

M. Philippe Auberger. Bien trop tardivement !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais maintenant, c’est fait. Cet engagement est lourd. Je signale d’ailleurs que nous avons une disposition fiscale permettant de traiter plus équitablement la prise en charge de personnes dépendantes selon qu’elles sont en maison médicalisée ou à domicile.

Néanmoins, il me semble qu’il faut une approche plus globale de cette vaste question de la dépendance. Philippe Auberger disait à l’instant, et je le rejoins volontiers, que c’est un sujet à prendre en considération dans une approche programmatique pour les années qui viennent. J’ajoute qu’il y a un groupe de travail sur ce sujet, qui est conduit par Mme Gisserot et qui doit rendre ses conclusions au début de l’année prochaine. Je crois que ce serait opportun d’attendre les conclusions de ce groupe avant de se prononcer, même si, j’en conviens, nous ne pourrons laisser éternellement ce sujet en jachère.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je le répète : les personnes les plus en difficulté ne sont pas celles qui acquittent l’impôt sur le revenu, mais celles qui sont en dessous du niveau de l’aide sociale et qui donc ne payent pas cet impôt. On ne peut pas continuer à prendre des mesures pour les uns en ignorant les autres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 120.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement vise à remplacer, dans le premier alinéa du 1° de l’article 199 sexdecies du code général des impôts, les mots : « une réduction d’impôt » par les mots : « un crédit d’impôt ». Il est en outre proposé de porter le plafond de 2 200 à 4 400 euros. Nous souhaitons en effet transformer une niche fiscale destinée à quelques familles aisées en un réel outil d’aide fiscale aux ménages, au bénéfice de l’emploi.

Comme le soulignait le Conseil des impôts dans son rapport de 2003 consacré à la fiscalité dérogatoire, la réduction d’impôt pour l’emploi d’une personne à domicile bénéficie actuellement « essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenu sont les plus élevées » et qu’il était impossible, « pour les foyers non imposables, de bénéficier de cet avantage ». Le Conseil démontrait notamment que, sur 2,2 millions de déclarants, 1,3 million de personnes seulement ont pu bénéficier d’une réduction fiscale.

Le Conseil étudiait la mise en place d’un crédit d’impôt dans les proportions proposées ici, c’est-à-dire à coût constant pour l’État, toutes choses égales par ailleurs. Il soulignait notamment qu’« une telle réforme pourrait accroître la demande de services de proximité des bénéficiaires potentiels ».

L’argument de l’emploi avancé par le Gouvernement pour les hausses du plafond proposées en 2003, 2004 et 2005 deviendrait ainsi beaucoup crédible.

J’ajoute que si nous avons prévu une restriction – la mesure ne s’appliquerait qu’en déduction de l’impôt dû –, c’est uniquement en raison des règles de la recevabilité financière applicables aux amendements d’origine parlementaire.

Bref, nous proposons avec cet amendement de substituer un crédit d’impôt à une réduction d’impôt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que l’an dernier.

M. Jean-Louis Dumont. Elle a eu tort !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Lors du débat que nous avons eu ce matin à propos des niches fiscales, le ministre nous a dit qu’il serait favorable à leur moralisation. C’est le moment de joindre l’acte à la parole ! Avec cet amendement, nous proposons en effet une mesure fiscale qui profiterait à tous ceux qui emploient une personne à domicile.

Transformer une réduction en crédit d’impôt ne coûte rien à l’État, et cela bénéficierait à tous ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire aux plus modestes. Bien sûr, la mesure induirait une légère diminution du montant de la déduction fiscale pour ceux qui ont les revenus les plus élevés et qui, en cumulant les niches fiscales, échappent souvent à l’impôt.

Votre argumentation, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur général, est un peu courte ! Il n’est pas concevable que vous rejetiez notre amendement au nom de la justice fiscale ou de l’emploi : les personnes concernées ont, elles aussi, besoin d’employer des personnes à domicile !

Votre dispositif est donc discriminatoire, et il profite aux plus favorisés. C’est inacceptable ! Vous ne pouvez pas prétendre moraliser les niches fiscales sans répondre favorablement à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 121.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent et qui porte, là encore, sur la question du plafond des niches fiscales.

La niche fiscale relative à l’emploi à domicile, je le rappelle, fut conçue à l’origine pour encourager la création d’emplois. Le plafond initialement fixé à 3 811 euros a été relevé à 3 964 euros par la loi de finances de 1994 et à 13 720 euros – soit trois fois plus ! – par la loi de finances de 1995. M. Sarkozy avait alors clairement expliqué qu’il s’agissait d’un cadeau pour les catégories concernées, destiné à compenser le maintien de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Telle est la réalité !

Par ailleurs, M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances nous reprochaient ce matin de n’avoir rien fait pour les niches fiscales. Mais en 1997, nous avons réduit le plafond de 13 720 euros à 6 860 euros. Et cela n’a aucunement pénalisé l’emploi : les emplois créés n’ont pas été supprimés, et l’on a continué à en créer pendant la période de 1997 à 2000. Or, sitôt revenu aux affaires, vous avez presque doublé le plafond des dépenses éligibles, le faisant passer de 6 860 à 12 000 euros – et même 15 000 euros, si l’on tient compte de diverses majorations.

Quel a été l’effet sur l’emploi, monsieur le rapporteur général ? Combien d’emplois supplémentaires ont-ils été créés grâce au dispositif mis en place par la majorité ? Vous ne pouvez pas éternellement vous abriter derrière cet argument !

Et surtout, que faites-vous pour les 900 000 personnes les plus modestes qui créent des emplois à domicile ? Ces personnes ne bénéficient d’aucun avantage, car elles ne font pas partie des catégories que vous entendez privilégier !

Il est temps de revenir sur le dispositif actuel, qui constitue un avantage exorbitant pour les personnes concernées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Je ne reviens pas sur l’historique de ce débat : M. Bonrepaux l’a fait.

Je veux souligner deux points. Tout d’abord, en ce qui concerne la création d’emplois de services à domicile, les résultats sont spectaculaires : au cours des deux dernières années, on a enregistré une progression de 5 % par an.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas plus qu’avant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aujourd’hui, environ 5 millions de salariés sont employés au titre du service à domicile, pour 1,7 million d’employeurs particuliers.

Je vous rappelle par ailleurs, monsieur Bonrepaux, qu’un crédit d’impôt a été créé l’an dernier pour les gardes d’enfants à l’extérieur.

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le dispositif ne repose donc pas uniquement sur la réduction d’impôt, mais aussi, là où c’est nécessaire – comme dans le secteur essentiel des gardes d’enfants –, sur le crédit d’impôt. Il est donc équilibré et, en termes de dépenses éligibles et de réduction d’impôt, intermédiaire entre celui que vous aviez mis en place en 1997 et 1998 et celui qui l’avait été en 1994 et 1995.

Le secteur du service à domicile, en pleine croissance et créateur d’emplois, offre surtout de vrais services aux familles et aux personnes âgées. Gardons-nous de modifier la règle fiscale de ce système équilibré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

Je partage l’analyse du rapporteur général et je regrette que, sur de nombreux sujets, l’opposition propose une remise en cause des dispositions existantes. Les emplois à domicile en sont l’exemple type : comme M. Migaud l’a rappelé, ce dispositif a été créé par la gauche, avec des plafonds relativement élevés.

J’espère que cet amendement ne sera pas adopté, car il compromettrait le juste équilibre que nous avons trouvé. Il serait en outre contre-productif en termes de création d’emplois et inciterait au travail au noir. À tous égards, le dispositif actuel ne doit donc pas être modifié, et encore moins s’il s’agit de baisser le plafond des dépenses éligibles.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Merci, monsieur le ministre, de rappeler que nous sommes à l’origine de ce dispositif. Il y a toutefois une différence notable entre un dispositif incitatif du point de vue de l’emploi – ou dissuasif pour le travail au noir – et celui qui revient à octroyer un privilège fiscal. En revenant sur les plafonds que nous avions institués, vous avez malheureusement passé la frontière.

Vous dites que le secteur est en plein développement. J’en suis bien d’accord, mais ce développement ne résulte absolument pas de la hausse des plafonds ! La Cour des comptes l’a d’ailleurs parfaitement démontré. Le nombre d’emplois dans le secteur des services à domicile était déjà en progression lorsque nous avons baissé le plafond en 1997.

Votre dispositif fiscal crée donc bien un effet d’aubaine pour une petite catégorie de contribuables. Si l’emploi était vraiment votre première préoccupation, vous ouvririez cet avantage à ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, mais peuvent quand même employer à temps partiel des personnes à domicile.

Votre dispositif est en réalité un moyen supplémentaire, pour les personnes concernées, de réduire leur impôt sur le revenu. Vous avez écrit, monsieur le ministre, un ouvrage sur la langue de bois. Pour le coup, M. Sarkozy n’en avait pas fait usage : je revois M. Gantier, dans cet hémicycle, réclamer la réduction de l’impôt sur le revenu. Un brin agacé, M. Sarkozy lui avait répondu que la hausse du plafond des dépenses éligibles pour les emplois à domicile était justement un moyen formidable de le diminuer ! Tout était dit !

J’ajoute que si de nombreuses personnes sont concernées par la réduction fiscale, très peu le sont en revanche par la hausse du plafond. Et cela n’a presque aucune incidence sur l’emploi.

Le président de la commission des finances a tenu des propos au sujet du plafonnement des niches fiscales et l’effet d’aubaine qu’un certain nombre de celles-ci peuvent induire : il devrait donc normalement approuver notre amendement.

M. le président. Merci, monsieur Migaud : je crois que chacun est suffisamment éclairé.

M. Didier Migaud. Mais on ne nous a apporté aucune réponse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 127.

La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le soutenir.

M. Thierry Carcenac. Pour une fois, nous vous proposons de supprimer une réduction d’impôt, ce qui aurait pour effet de faire réaliser des économies à l’État et d’optimiser la gestion de ses dépenses. En effet, une réduction de 20 euros est accordée aux contribuables qui font une télédéclaration et paient par prélèvement mensuel ou automatique. Aujourd’hui, c’est le cas pour environ un foyer sur six, ce qui réduit l’intérêt de cette réduction d’impôt. Les TIC sont maintenant rentrées dans les mœurs ; il y a en France près de 25 millions d’internautes. Le coût de cette réduction, estimé en 2006 à plus de 100 millions d’euros, pourrait désormais être employé différemment, à faire en sorte, par exemple, que l’on maintienne davantage d’agents dans certains secteurs où le besoin s’en fait sentir, comme le contrôle fiscal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, mais a accepté, après discussion, une solution proche, qui consiste à réserver cette réduction d’impôts aux primodéclarants sur Internet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis défavorable à cet amendement, dans la mesure où nous avons pris des engagements vis-à-vis des Français pour 2007. Je sais en revanche que, dans la suite de la discussion, nous aurons à réfléchir au sujet des primodéclarants. Nous pourrons alors imaginer une application de cette mesure pour 2008. Mais pour 2007, il serait maladroit, après nous être engagés publiquement, de dire aux Français que nous changeons d’avis.

M. Michel Bouvard. Pas de rétroactivité !

M. Jean-Pierre Soisson. Le ministre a parfaitement raison !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Dans la discussion générale, je vous ai déjà interrogé sur la dématérialisation de la feuille de paye. Vous pourriez en effet, comme le propose Thierry Carcenac, réaliser quelques économies et en profiter pour amorcer une réflexion sur le coffre-fort électronique, ce qui permettrait de faire avancer le dossier de la feuille de paye électronique sécurisée. C’est une mesure très attendue, et procéder à une expérimentation permettrait d’en dégager un certain nombre d’enseignements utiles sur la manière dont la dématérialisation affectera ou non les démarches – notamment les opérations bancaires – que l’on pouvait effectuer avec la version papier du document.

Supprimons cette réduction, qui semble aujourd’hui dépassée et qui peut de surcroît poser un problème d’égalité des contribuables face à l’impôt. Le gain financier généré par cette suppression pourrait ainsi être réinjecté dans la modernisation des rapports entre les employeurs et leurs salariés. Je ne suis pas le seul à m’étonner de votre silence sur le sujet et à attendre des réponses. De nombreux élus, en dehors même de cet hémicycle, s’intéressent à la question et attendent cette mesure de dématérialisation qui ne pourra s’appliquer qu’à la condition qu’elle soit parfaitement sécurisée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 14 et 128.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Les amendements nos 14 et 128 sont identiques, mais ce dernier est un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 127.

Nous continuons de penser que la réduction de 20 euros offerte aux télédéclarants constitue un formidable effet d’aubaine. Le maintien de cette mesure coûterait, selon les estimations, autour de 120 millions d’euros. Or ni l’utilité ni la pertinence de cette dépense publique ne sont démontrées.

Certes, vous dites, monsieur le ministre – et je peux entendre ce raisonnement –, que vous avez pris un engagement et que vous ne souhaitez pas vous dédire en cours de route. Toutefois, 120 millions d’euros représentent malgré tout une somme importante – près de 1 milliard de francs !

Nous proposons donc, à travers l’amendement n° 128, qui a reçu le soutien de la commission des finances, de réserver cette réduction de 20 euros aux primodéclarants. Il s’agit d’un amendement de repli que chacun peut accepter, même si nous continuons à déplorer l’effet d’aubaine et les sommes considérables en jeu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons adopté cet amendement en commission, mais nous avions oublié, monsieur Migaud, qu’un engagement – législatif, me semble-t-il – avait été pris, incluant la déclaration des revenus pour 2006. Il conviendrait donc de ne pas revenir sur cet engagement et de n’appliquer votre proposition qu’à compter de la déclaration des revenus de 2007, c'est-à-dire en 2008. Reportons donc cette mesure, si vous en êtes d’accord, dans la seconde partie du projet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout a été dit. Le développement de la télédéclaration a été un succès considérable, puisqu’elle concerne aujourd’hui près de 6 millions de foyers. Cependant, par courtoisie vis-à-vis des Français, dès lors que nous avons fixé une règle du jeu, il est cohérent de la maintenir et de ne pas la changer en cours de route.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de modifier votre proposition pour la rendre applicable aux primodéclarants, mais à partir de 2008.

M. Philippe Auberger. Oui. Adopter une telle mesure maintenant serait déplacé.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Au-delà, il nous faut réfléchir plus largement sur la position à arrêter concernant les gains de performance de l’administration. Ces gains doivent-ils être restitués ou non aux contribuables lorsque ceux-ci participent à l’amélioration de cette performance ? C’est le cas en l’occurrence, ce qui légitimait la prime offerte à ceux qui s’engageaient dans la télédéclaration.

Jusqu’à présent, nous nous sommes toujours efforcés de restituer une partie des gains de performance aux contribuables. Nous avons notamment tenu bon sur la redevance audiovisuelle, face au ministère de la culture qui souhaitait, lui, empocher le bénéfice de la réforme et bénéficier d’une hausse de la redevance. À nos yeux, le gain permis par les nouvelles dispositions en matière de perception de la redevance devait être restitué aux contribuables.

Il s’agit là d’un sujet de fond, sur lequel nous devons avoir une vraie discussion.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est déjà fait, monsieur Bouvard.

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Il est écrit dans le rapport que 16 000 télédéclarants permettent l’économie d’un agent, ce qui veut dire que 2 millions de télédéclarants supplémentaires représentent un gain de 125 emplois, à 20 000 euros chacun, puisque il s’agit de postes de catégorie C. Cela justifie que nous maintenions notre amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans ces conditions, je donne un avis défavorable à ces deux amendements. Nous sommes d’accord sur le fond, mais à condition que les mesures en question ne s’appliquent qu’à partir de la déclaration des revenus de 2007.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 14 et 129, avec avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 122.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. Par la mise en œuvre du crédit d’impôt proposé par l’amendement n° 122, nous souhaitons accorder une reconnaissance méritée au travail bénévole et par là même stimuler l’offre de service aux familles, notamment en milieu rural.

Comme vous le savez, mes chers collègues, l’aide aux familles repose souvent sur le travail des bénévoles qui détectent les besoins de la population et organisent les réponses adéquates. Sans le réseau associatif nombreux sont ceux qui n’auraient pas accès à l’aide nécessaire.

Or la suppression des emplois-jeunes et la remise en cause de nombreux contrats aidés entraînent, pour le secteur associatif notamment, de réelles difficultés. La mise en place d’un tel crédit d’impôt, étant donné l’encouragement fort qu’elle représente pour le travail bénévole, pourrait être l’un des moyens permettant de pallier le manque de personnel qu’entraînent ces décisions.

La limitation du bénéfice du crédit d’impôt aux seules sommes venant en réduction de l’impôt est destinée à assurer le respect des règles de recevabilité financière des amendements d’origine parlementaire.

Il faut par ailleurs ajouter que des mesures qui vont être prises dans le cadre du PLFSS auront pour conséquence de limiter les conventionnements qui existaient jusqu’alors entre les caisses d’allocation familiales et les collectivités locales au bénéfice du soutien à la petite enfance, donc du soutien à la famille. On évaluera, d’ici à un ou deux ans, les dégâts causés par ces mesures dont le cumul détruit progressivement la capacité d’intervention des associations en nuisant à l’emploi et en démobilisant les bénévoles, en particulier en milieu rural.

Notre mesure vise donc à soutenir l’emploi et la solidarité active, en particulier en milieu rural.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Bene volens : vouloir bien, mais à condition de bénéficier d’un crédit d’impôt ! Cela n’est pas sans rappeler les dispositions touchant au mécénat et aux dons : d’accord pour donner, mais à condition que l’État subventionne !

M. Michel Bouvard. L’État paie les deux tiers du mécénat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut être raisonnable. Il est certes difficile aujourd’hui pour les associations de recruter des bénévoles, mais il en existe encore, et le bénévolat doit continuer à s’exercer de façon désintéressée comme cela a toujours été le cas.

M. Philippe Auberger. Les 35 heures devaient, paraît-il, favoriser le bénévolat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les bénévoles n’ont pas vocation à être transformés en salariés indirects des associations pour lesquels ils œuvrent. Nous rejetons donc cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rends hommage à la créativité du groupe socialiste, dont je ne doute pas qu’elle ait un rapport avec les prochaines échéances électorales. Vous n’imaginez tout de même pas que l’État puisse prendre en charge fiscalement les bénévoles, alors que, comme l’a rappelé à juste titre le rapporteur général, le principe même du bénévolat, comme son nom l’indique, c’est la bonne volonté. Sinon, nous nous engagerions dans un engrenage infernal : il faudrait en effet légiférer pour déterminer, par exemple, si les bénévoles doivent travailler plus ou moins de 35 heures ! Votre proposition recèle bien des contradictions, et ce débat, qui n’est pas inintéressant, n’en est pas moins surréaliste. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement. J’invite d’ailleurs chacun d’entre vous à réfléchir plus avant sur l’esprit de responsabilité qui doit présider aux lois que nous votons.

M. Philippe Auberger. Absolument ! Nous nous égarons !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur tous ces sujets, il convient de rechercher le juste équilibre, et tel n’est pas l’objet de cet amendement.

M. Philippe Auberger. Il serait plutôt fantaisiste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je ne suis pas étonné par la réponse de M. le ministre, mais je regrette que l’engagement bénévole ne soit pas mieux pris en compte, dans notre société où règne trop souvent l’égoïsme.

M. Philippe Auberger. Votre mesure ne ferait que l’accentuer !

M. Jean-Louis Dumont. La relève est difficile à assurer.

Les associations employeurs jouent, dans le cadre de l’économie sociale, un rôle particulièrement innovant. Car c’est dans le cadre du bénévolat, de l’engagement militant et citoyen, que l’on définit de nouvelles formes d’intervention. Les Restos du cœur ou Emmaüs accomplissent à cet égard un travail remarquable. À certains moments, il est nécessaire que les décisions que nous prenons ici soient porteuses de messages forts. Vous pouvez certes discuter sur la forme, monsieur le ministre. Toutefois, sans le réseau associatif, essentiel notamment dans les quartiers longtemps laissés en déshérence, quelle sera l’efficacité des contrats de cohésion sociale, voulus par un ministre de votre gouvernement, M. Borloo ? Nous demandons donc que l’engagement associatif soit reconnu. Vous faites bien des cadeaux à d’autres types d’entreprises, certes plus libérales et dotées d’un statut plus conforme à votre idéologie ! Quoi qu’il en soit, il serait regrettable que le monde associatif vienne à disparaître dans les années à venir.

Je vous l’accorde, le bénévolat est un travail militant non rémunéré. Cependant, il importe que les associations valorisent dans leur bilan de fin d’année les heures passées et les kilomètres parcourus par leurs bénévoles. Certaines collectivités l’exigent des associations. Nous devons reconnaître qu’au-delà des rapports marchands, il existe dans notre société un système qui permet à l’État de faire des économies.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il existe déjà des dispositions permettant aux responsables d’associations de justifier de certains frais engagés dans le cadre de leur activité. Par ailleurs, dans leurs demandes de subventions, les associations valorisent déjà souvent le travail de leurs bénévoles. Faut-il aller plus loin, au risque de dénaturer la notion même de bénévolat ? Doit-il y avoir un retour fiscal systématique ? En avons-nous les moyens, d’ailleurs, dans le contexte budgétaire actuel ? Lors du débat sur les 35 heures, Mme Aubry avait fait valoir que la réduction du temps de travail favoriserait le bénévolat et le mouvement associatif, et que cela justifiait que l’État finance leur mise en place. L’adoption de votre amendement, monsieur Dumont, aboutirait à une double dépense puisque, du moins en théorie, du temps a été libéré, financé par l’État, pour que les salariés puissent s’engager dans des actions bénévoles.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. L’exposé des motifs de votre amendement, monsieur Dumont, souligne qu’il est nécessaire de stimuler l’offre de services en milieu rural. Je rappelle que les grands centres urbains, qui ont des charges de centralité très lourdes, disposent d’un important réseau associatif et ont donc des besoins similaires.

Pour le reste, le développement du bénévolat, comme j’ai pu le constater dans la ville dont je suis le premier magistrat, c’est l’arbre qui cache la forêt. Aujourd’hui des directeurs d’associations, grassement rémunérés, sont à la tête de quasi-PME. Elles prolongent certes l’action publique d’État, mais on peut observer certaines déviances. Il conviendrait donc de dresser un bilan de l’ensemble du travail des réseaux associatifs. Je m’étonne de la tournure que prennent aujourd’hui les rapports qu’entretiennent certains réseaux associatifs avec l’argent. S’il y a de nombreux bénévoles dans une association, c’est parce qu’il y a à leur tête un directeur grassement rémunéré. Je me demande si le rôle du bénévolat n’est pas totalement dévoyé.

Je ne veux pas généraliser à partir de quelques cas particuliers, mais, avant de légiférer sur une telle disposition qui pourrait, notamment dans le cadre sportif, accroître le nombre de bénévoles si nécessaire, il faudrait observer l’ensemble de la sphère associative et dresser un bilan objectif afin d’assurer un meilleur contrôle des salaires des dirigeants d’association.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 105.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. La situation de la presse écrite d'opinion, et plus globalement de la presse d'information politique et générale, se dégrade, et l'existence de certains organes de presse est menacée à très brève échéance. La presse quotidienne nationale a encore vu son lectorat s'éroder de 1,1 % entre 2005 et 2006.

Dans ce contexte, les organes de presse font légitimement appel à leurs lecteurs pour leur venir en aide, et ceux-ci constituent des associations ayant pour objet de les soutenir en favorisant l'édition et la publication de ces organes. La presse d'information politique et générale joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de notre démocratie et dans la vie sociale de notre pays. Le soutien associatif à cette presse est une forme de citoyenneté qui mérite pleinement d'être encouragée.

C'est pourquoi nous vous proposons d'ouvrir aux dons et aux versements effectués en faveur de ces associations le bénéfice de la réduction d'impôts de 60 % de leur montant, prévue par l'article 200-1 du code général des impôts. Il en va de la liberté d'expression et de la liberté de la presse, et nous ne doutons pas que ce souci soit partagé sur tous les bancs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

L’article 7 du projet de loi de finances, que nous examinerons tout à l’heure, répond, tout au moins en partie, à vos préoccupations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tous les combats que nous menons pour sauvegarder le secteur de la presse écrite, sont nobles. Nous partageons tous ce sentiment, quelles que soient nos différences de sensibilité et quelle que soit la tonalité ou la caractéristique de la presse en question. D’ailleurs, l’article 7 de ce projet proroge et aménage le régime des provisions pour investissements dans les entreprises de presse.

S’agissant de la réduction d’impôt que vous évoquez comme étant accordée aux contribuables qui effectuent des dons à certains organismes d’intérêt général, je ne vous cache pas que cela pose un problème de principe – et non d’ordre budgétaire. Il est contradictoire de vouloir préserver de façon durable une activité lucrative en appelant à la générosité publique. On peut se poser la question de savoir jusqu’où doit aller le lien entre le donateur et le bénéficiaire, sauf à s’interroger, le cas échéant, sur le lien direct ou indirect avec le secteur marchand. Cette question est très délicate.

Je serais tenté quant à moi d’inciter les entreprises de presse à investir et à s’adapter à un marché en pleine évolution, notamment sous la pression conjointe de l’essor de la presse gratuite et du développement des nouvelles technologies de l’information. Si ma vision semble différer de la vôtre, monsieur Sandrier, nous avons toutefois la même volonté de sauvegarder la presse écrite.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre, vous invitez la presse à s’adapter. Je pense que c’est ce qu’elle essaie de faire.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est nécessaire !

M. Jean-Claude Sandrier. Sans doute, mais les bouleversements sont tels dans le domaine des médias que la tâche est particulièrement difficile. Certains même disent que c’est impossible, d’autant qu’elle est concurrencée sur son propre terrain par l’essor des journaux gratuits.

La presse d’opinion connaît des difficultés depuis des années, et la situation s’aggrave. L’inciter à s’adapter ne suffira pas, monsieur le ministre. Il faut donc réagir. Vous dites qu’on ne peut faire en permanence appel à la générosité publique. Il y a pourtant des secteurs qui le font et qui ne sont pas pour autant montrés du doigt. En l’espèce, il y va tout de même de la liberté d’expression.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 135.

La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le soutenir.

M. Thierry Carcenac. Il s’agit, par cet amendement, de proposer une mesure d’équité.

Notre amendement vise en effet à faire bénéficier les personnes célibataires ou veuves du même crédit d’impôt que les couples mariés pour les travaux d’économie d’énergie réalisés dans les logements. Le montant des dépenses prises en compte devrait être dans les deux cas de 16 000 euros – contre 8 000 euros aujourd’hui –, l’importance des travaux étant la même que l’on vive seul ou à deux. En outre, si l’on occupe souvent un plus petit logement en tant que célibataire, un veuf occupe généralement le logement où il vivait en couple et dont il a hérité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que celui exprimé par la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 136.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. M. Migaud et M. Bonrepaux, ainsi que l’ensemble de leurs collègues du groupe socialiste, vous proposent de relever de 10 points l’ensemble des taux du crédit d’impôt prévu par l’article 200 quater du code général des impôts.

Il est en effet nécessaire de relancer dans notre pays une politique volontariste d’économies d’énergie, en particulier dans les logements. Pour cela, il faut renforcer les incitations. Ainsi, les taux du crédit d’impôt en la matière, qui sont de 15 %, 25 % et 40 %, pourraient être majorés de dix points, pour passer à 25 %, 35 % et 50 %.

Aujourd’hui, au-delà des bonnes intentions et du discours quelque peu incantatoire, on peut s’étonner que des mesures incitatives fortes ne soient pas lancées par des organismes dans lesquels l’État joue un rôle considérable. En effet de nombreux ministères sont représentés dans des comités de gouvernance. Je pense plus particulièrement à l’ADEME. Au-delà de l’affichage, il n’y a pas de véritables lancements !

Monsieur le ministre, dans mon département, certaines grandes sociétés nationales ont des obligations, EDF par exemple. Ce texte pourrait être l’occasion de les inciter à œuvrer pour de réelles économies d’énergie, de leur donner mission de réussir sur des territoires tant dans le logement public locatif social que dans le logement privé, qu’il soit locatif ou avec propriétaires résidents. Cela serait très positif pour le consommateur, mais aussi pour la France en termes d’importations et de balance des paiements.

On a l’impression qu’on n’évoque les économies d’énergies que lorsque les prix des énergies non renouvelables flambent, comme l’année dernière ou il y a encore quelques mois. Dès que la courbe des prix s’inverse, on oublie complètement le problème, alors qu’il faudrait, au contraire, inciter encore plus les Français à réaliser des économies, à entreprendre des travaux d’isolation, bref à maîtriser les modes de chauffage. Manifestement, telle n’est pas la volonté du Gouvernement.

Le groupe socialiste vous propose donc une réflexion sur ce sujet et d’adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

M. Jean-Louis Dumont. Une fois de plus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Des dispositifs fiscaux favorisant les économies d’énergie au domicile des contribuables ont été mis en place sous la précédente législature et amplifiés sous celle-ci. Ils représentent aujourd’hui, monsieur le ministre, la bagatelle d’un milliard d’euros !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est énorme !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà typiquement un domaine dans lequel il faut marquer une pause : nous sommes arrivés à des équilibres et il faut stabiliser les dispositifs.

M. Jean-Louis Dumont. Non, il faut réussir les économies !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l’amendement n° 137.

M. Didier Migaud. Cet amendement montre bien que nous n’avons pas d’a priori idéologique sur certaines dispositions fiscales qui peuvent avoir un effet incitatif intéressant. Nous considérons en effet que les mesures qui ont été prises pour favoriser le développement des véhicules propres méritent d’être amplifiées. Tout le monde le reconnaît : la question du climat et des pollutions est essentielle et il faut passer à la vitesse supérieure en matière de dispositifs d’encouragement et d’incitation. Il y a urgence à agir pour notre environnement.

Manifestement, la majorité est prompte à amplifier, en certaines circonstances, des réductions d’impôt sur le revenu. Avec cet amendement, nous lui proposons une réduction d’impôt supplémentaire, mais pour des raisons qui vont dans le sens de l’intérêt de notre société et de notre environnement. Elle devrait nous suivre pour amplifier le dispositif existant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement pour les mêmes raisons que précédemment. Il y a également une grande continuité entre la précédente législature et celle-ci en matière d’approfondissement des incitations fiscales liées au développement des voitures propres et nous pensons, là aussi, que le système doit être stabilisé.

Par ailleurs, en vue du prochain collectif budgétaire, un ensemble de mesures fiscales liées à la politique de l’environnement va être préparé. Il nous paraît donc préférable de le présenter de façon cohérente, plutôt que d’adopter telle ou telle mesure isolément. En attendant ce « bouquet final » qui sera présenté au moment du collectif, la commission a jugé sage de repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je confirme l’existence de ce bouquet final. Il est de meilleure gouvernance de reprendre l’ensemble de ce débat, qui n’en sera que plus lisible, à l’occasion du prochain projet de loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous maintenons cet amendement et attendons avec intérêt le bouquet final. Au-delà de la sensibilisation au problème de l’environnement, il est intéressant que nos concitoyens soient convoqués régulièrement à des élections au suffrage universel car c’est, je crois, ce qui incite le plus une majorité sortante à développer ses propres propositions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour défendre l’amendement n° 71.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, je défendrai en même temps tous mes amendements, nos 71 à 79 qui déclinent différemment une même proposition.

Monsieur le ministre, l’article L.322-3 du code forestier dispose que le débroussaillement et le maintien en état débroussaillé aux abords des constructions sont obligatoires sur une profondeur de cinquante mètres. A priori totalement anodin, cet article est applaudi par la plupart d’entre nous qui sommes tous d’accord pour dire que le débroussaillement permet de lutter contre les incendies et donc de renforcer la sécurité. Alors pourquoi le débroussaillement est-il devenu un problème d’une cruelle actualité pour un grand nombre de nos concitoyens dans certains départements du Sud-Est ?

Je note avant tout que ce ne sont pas moins de trois propositions de loi qui ont été déposées sur ce sujet en quelques mois, par nos collègues Guibal, Giran et un troisième dont j’ai oublié le nom, ce qui prouve que le problème n’est pas typiquement vauclusien.

Que s’est-il passé ? On a agi de la même manière que pour la limitation de vitesse – action dont le but n’est pas contesté puisque des résultats positifs ont été enregistrés –: cet article, qui existait depuis des années, a tout d’un coup été appliqué d’une manière drastique. Ainsi, aujourd’hui, le débroussaillement est souvent du déboisement. De plus, pour délimiter le périmètre de cinquante mètres autour de toutes constructions, l’administration prend l’appréciation la plus large, c’est-à-dire que si vous avez une maison, éventuellement un abri de jardin, une piscine qui peut servir de réservoir d’eau aux pompiers et un garage, elle trace un rayon autour de tout cela. En prenant en compte les cinquante mètres autour de tout ce périmètre, les surfaces à débroussailler et à déboiser peuvent être énormes.

En outre, une chose choque profondément nos concitoyens : vous pouvez être amenés à débroussailler le terrain de votre voisin puisque si la totalité de votre propriété n’entre pas dans le cadre de ce rayon de cinquante mètres, l’État vous fait obligation de débroussailler chez votre voisin.

Enfin, même si vous débroussaillez chez votre voisin, vous ne pouvez pas pour autant revendre le bois : seul le voisin en a le droit !

En écoutant les premières personnes venues m’expliquer la situation, j’ai d’abord pensé qu’elles exagéraient un peu. Elles m’ont ensuite apporté les notes de débroussaillement ou de déboisement, qui s’élèvent fréquemment à 3 000, 4 000, 5 000 euros ! Il est vrai que le travail est bien fait. Il est vrai aussi - je parle en tant que rapporteur du budget de la sécurité civile - que, cette année dans le Sud-Est, malgré un nombre aussi élevé que d’habitude de départs de feu, un temps très ensoleillé et la canicule que nous avons connue, quatre fois moins de surfaces ont été brûlées par rapport à la moyenne des dix dernières années. Le débroussaillement est donc une très bonne chose.

Cependant, pour des personnes auxquelles la retraite a permis d’acquérir un petit terrain à la campagne pour y vivre, c’est quasiment un troisième impôt local qu’elles doivent payer. Si, en plus, il leur est fait obligation de débroussailler chez le voisin, mais sans pouvoir vendre le bois qu’elles ont coupé, avouez qu’elles ont de quoi s’étrangler. J’appelle donc votre attention sur l’importance ce problème qui n’est pas anecdotique.

Certes, nous ne réglerons pas le problème aujourd’hui avec mon amendement, mais je voudrais que, d’ici à la fin de l’année civile, une solution soit trouvée. Une dizaine de questions écrites ont été posées par moi ou mes collègues et je suis intervenu auprès du ministre de l’agriculture qui m’a répondu de pas avoir la solution et qu’il fallait se rapprocher d’autres membres du Gouvernement. Mon idée est donc la suivante : mettre en place une exonération fiscale pour les travaux de débroussaillement. Mes amendements déclinent tous les barèmes possibles, par exemple une exonération fiscale à hauteur de 20 % sur 2 000 euros de travaux.

Ces amendements présentent plusieurs avantages, monsieur le ministre.

D’abord le débroussaillement ne sera pas effectué au noir, par des gens qui travailleront le samedi et le dimanche. Cela signifie qu’il y aura des rentrées supplémentaires de TVA pour l’État. De plus - et c’est un point très positif pour la sécurité civile - la campagne de feu de forêt n’a pas été très dure cette année, ce qui a représenté aussi des économies pour les finances de l’État et des départements. À l’arrivée, tout le monde est gagnant.

Je sais que certains vont me répondre qu’on ne met pas en place d’exonération fiscale pour une obligation légale. Certes cela est exact, mais j’insiste : cette obligation est appliquée de manière drastique depuis cette année ; elle va dans le bon sens, mais la question mérite d’être étudiée. Avouez que payer un déboisement que l’on a effectué chez son voisin a de quoi susciter des réactions, d’autant que son coût peut représenter un deuxième, voire un troisième impôt foncier. Je suis prêt à vous apporter les factures !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces neufs amendements ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. M. Mariani est toujours convaincant, mais la commission n’a pas été totalement convaincue par ses propositions.

Premièrement, quid des personnes qui ne paient pas l’impôt sur le revenu ? Demanderont-elles un crédit d’impôt ?

Deuxièmement, d’autres solutions existent, comme le CESU, pour lesquelles les déductions sont aujourd’hui importantes.

La commission des finances souhaite que le Gouvernement travaille avec elle à cette question, mais, en l’état, elle a refusé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Mariani, vos arguments ont du poids. Je savais que vous les aviez déposé et je les ai particulièrement travaillés en amont, car je pense que votre demande est assez fondée. Cela dit, d’autres travaux domestiques de sécurisation sont obligatoires, comme le ramonage, sans qu’il y ait réduction d’impôt. Je le dis sans ironie : ne pas faire ramoner sa cheminée est dangereux pour la santé. Le ramonage fait partie de toutes les dépenses qui conduisent à la sécurisation des personnes résidant dans une maison.

Ainsi que vous l’avez expliqué, le débroussaillement est obligatoire, mais les personnes concernées n’en ont pas forcément les moyens. En outre, il concourt à des missions de sécurité publique puisqu’il diminue le risque d’incendies.

Cependant, même après vous avoir écouté, je me pose toujours une question, qu’a également évoquée le président Méhaignerie : la fiscalité est-elle vraiment la meilleure clef d’entrée ? Que fait-on pour les gens qui ne sont pas imposables ? Que déduisent-ils ?

Ce premier problème n’est pas résolu par la réduction pour travaux de jardinage, plafonnée à 1 500 euros, dans le cadre du dispositif de réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile. Bien entendu, ces travaux peuvent être étendus au débroussaillage et il vaut peut-être la peine de faire mieux connaître cette possibilité. Comme vous, je considère que le sujet mérite d’être étudié et je ne souhaite pas rester inactif. Néanmoins je ne suis pas seul et je dois consulter mes collègues ministres de l’intérieur et de l’agriculture. Nous pourrons voir s’il est possible d’améliorer le dispositif de réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, quitte à trouver une cote mal taillée.

La prudence m’interdit, aujourd’hui, de prendre un engagement ferme. Je ne voudrais pas faire une promesse de Gascon ni donner le sentiment que je me dérobe, mais le projet de loi de finances rectificative me semble un bon support pour cela. Je vais en tout cas étudier si cela est faisable. Le problème existe.

J’ai appelé votre attention sur le caractère limité de la seule approche fiscale, étant donné que tout le monde n’est pas imposable. Nous allons tâcher de trouver, d’ici au projet de loi de finances rectificative, une solution qui soit conforme à vos attentes : en contrepartie de ce travail que nous accomplirons en commun avec le ministère de l’intérieur, celui de l’agriculture et vous-même, je vous demande de retirer vos amendements.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani. Oui, je retire mes amendements en espérant que nous saurons mettre à profit les deux mois qui nous séparent de Noël pour trouver une solution.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre argumentation mais les intéressés sont choqués, car c’est comme si on leur demandait de payer le ramonage de leur voisin. En effet, ils doivent parfois débroussailler le terrain du voisin qui, de surcroît, peut garder le bénéfice de la vente du bois.

Cela étant, vous avez raison : la piste fiscale n’est pas la seule. Je suis ouvert à toute proposition qui permettrait de donner des incitations et de faire en sorte que ces travaux puissent être réalisés dans des proportions raisonnables. Pourquoi, en effet, ne pas étendre les déductions fiscales pour travaux de jardinage aux activités de débroussaillage ? Cela me paraît une bonne piste.

Je prends acte de vos propositions et je contacterai vos services pour essayer de trouver avec eux une solution avant la fin de l’année. Ces frais représentent un coût énorme pour des foyers qui sont souvent composés de retraités.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sans jeu de mots, ce sera quand même une cote mal taillée !

M. le président. Les amendements nos 71 à 79 sont retirés.

J’en viens donc aux amendements identiques, nos 15 et 316.

La parole est à M. le rapporteur général, pour les soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je présente en effet l’amendement n° 15 de la commission et l’amendement n° 316 de M. Bouvard. Il s’agit, comme de coutume, d’exonérer d’impôt sur le revenu les primes qu’ont reçues les sportifs médaillés aux jeux Olympiques d’hiver de Turin et aux jeux Paralympiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis favorable à ce très bel amendement et lève le gage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Cette mesure est habituelle et on la comprend fort bien lorsque la France gagne, que les couleurs brillent, qu’on fait la fête et que le sport rayonne d’une façon universelle. Cela est encore plus vrai pour certains sports : je pense à un marcheur auquel cette prime a dû être très utile.

Je m’interroge néanmoins : au-delà de la fête, il y a l’exemplarité du champion. Que faire si, au gré d’une information ou d’un contrôle, il s’avère que tel ou tel a été un peu aidé par des substances qui ne sont pas toutes autorisées ; il ne me viendrait pas à l’idée d’employer le mot « dopage » dans cet hémicycle. Certes, ce n’est pas le cas de nos athlètes, mais on ne sait jamais, le pire n’est jamais trop loin. En cas de tricherie, il ne faudrait pas que, outre la prime, on exonère d’impôt. Il faudrait peut-être y réfléchir. Si un athlète était dopé…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On reprendrait la médaille et on annulerait l’exonération !

M. Jean-Louis Dumont. …on reprendrait la médaille et on lui infligerait une amende. L’État en a bien besoin.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Lorsque le rapporteur général et le président de la commission ont évoqué cet amendement, j’ai aussitôt pensé que M. Dumont allait nous parler de dopage. Nous avons donc anticipé et j’ai donné des instructions pour que tous nos inspecteurs des impôts soient équipés d’instruments pour réaliser les contrôles antidopage. Ainsi, chaque athlète médaillé devra joindre son petit flacon à sa déclaration d’impôt. (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. La morale sera sauve !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les équipes de la DGI pourront ainsi parfaire leurs connaissances en biochimie, ce qui n’est pas superflu.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En liaison avec les services vétérinaires ! (Sourires.)

M. le président. Que l’Assemblée se rassure, cette mesure ne concerne que les sportifs de haut niveau qui ont été médaillés aux jeux Olympiques.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 15 et 316, compte tenu de la suppression du gage.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Article 6

M. le président. Je vous rappelle que l’article 6 est réservé à la demande du Gouvernement.

Article 7

M. le président. A l’article 7, le Gouvernement a présenté trois amendements nos 108, 109 et 110, deuxième rectification.

Monsieur le ministre, peut-être pouvez-vous les présenter en même temps.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien sûr, d’autant que j’ai déjà évoqué, lorsque M. Sandrier a présenté l’un de ses amendements, la question traitée par ceux du Gouvernement.

Nous avons souhaité, dans le cadre du projet de loi de finances, répondre à une fragilité traditionnelle des entreprises de presse française : leur sous-capitalisation chronique. L’article 7 a donc pour objet de proroger jusqu’en 2010 le régime de provision fiscale pour les entreprises de presse qui arrivait à échéance cette année. Le champ d’application de ce dispositif est élargi à certaines prises de participation dans des entreprises de presse ou dans des entreprises dont l’activité principale est d’assurer des prestations dans les domaines de l’information, de l’approvisionnement en papier, de la production et de la distribution pour le compte des journaux ou publications.

Je présente donc trois amendements au nom du Gouvernement afin de répondre à ce même objectif, en instituant une réduction d’impôt au titre des sommes versées pour la souscription en numéraire au capital de sociétés ayant pour activité principale l’édition de journaux quotidiens ou de certaines publications consacrées à l’information politique et générale. C’est l’objet de l’amendement n° 110, deuxième rectification.

Les amendements nos 108 et 109 visent à harmoniser le champ de la nouvelle réduction d’impôt et celui de la provision pour entreprise de presse. C’est le périmètre le plus large qui vous est proposé et qui correspond au périmètre actuel de la provision pour entreprise de presse. Tout journal quotidien, quel que soit son contenu, pourra ainsi continuer à bénéficier du régime de la provision et bénéficiera du nouveau dispositif d’incitation à la souscription au capital.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix les amendements nos 108, 109 et 110, deuxième rectification.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 7.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 27.

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai déposé, avec Emmanuel Hamelin, cet amendement auquel s’associe également Dominique Richard.

Les œuvres audiovisuelles et cinématographiques ont une telle importance pour la culture française que nous imposons aux chaînes de télévision des obligations de production et de diffusion. La confection d’un programme audiovisuel a des coûts fixes élevés. Pour y faire face, il est vital d’encourager l’exportation de nos productions audiovisuelles.

Or elles traversent depuis quelque temps une période de régression qui doit nous alerter. Le rapport de M. Moniot, publié en juillet 2005 à l’initiative de la directrice générale du Centre national de la cinématographie, l’a d’ailleurs souligné, montrant que la France avait, en ce domaine, un potentiel d’emplois et de chiffre d’affaires trois fois supérieur à ce qu’ils sont actuellement. La distribution de nos programmes audiovisuels à l’étranger constitue la vitrine de la création française, assure la visibilité de la marque France dans le monde et participe donc à la diversité culturelle défendue par l’Union européenne.

La distribution est un maillon indispensable dans le développement de l’ensemble de la filière image en France. Ce secteur est constitué de PME qui doivent relever plusieurs défis redoutables : le marché international est de plus en plus fragmenté, en raison de la multiplication des petites chaînes de télévision à faible pouvoir d’achat − on en compte 1 500 en Europe − ; la concurrence américaine et asiatique s’est grandement renforcée ces dernières années ; les nouveaux supports de diffusion se sont multipliés, nécessitant de très lourds investissements techniques, humains et financiers.

L’appui de notre assemblée à la distribution audiovisuelle constituerait un signal fort adressé à la Commission européenne et l’inciterait à inscrire ce volet dans sa politique, à l’instar de ce qui a été fait pour la distribution cinématographique. C’est pourquoi l’amendement qu’Emmanuel Hamelin et moi-même vous soumettons propose d’autoriser les entreprises de distribution de programmes audiovisuels à constituer des provisions déductibles du résultat imposable, en vue de faire face aux dépenses liées à l’exploitation des œuvres audiovisuelles, telles que le doublage, la post-production, l’adaptation à la haute définition, la formation professionnelle, la fabrication des copies, l’acquisition de droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement. Le système des provisions réglementées ne paraît pas adapté aux préoccupations que vient d’évoquer M. Martin-Lalande.

Comme il l’a souligné lui-même, ces provisions permettent de réduire le bénéfice imposable, mais elles ne sont pas liées directement à des efforts d’investissement physique. Or, dans ce domaine, il existe diverses aides fiscales en matière d’investissement : amortissement exceptionnel des dépenses de matériel technique liées à la mise en ligne de catalogues et à la fabrication de copies ; amortissement dégressif des dépenses relatives aux investissements informatiques pour les suivis administratifs et comptables des ventes ; et, surtout, éligibilité au crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des rémunérations et charges sociales qui concernent les artistes interprètes de doublage, les dépenses de pellicule, d’autres supports images ainsi que les dépenses de post-production.

Vous le voyez, les moyens ne manquent pas pour aider ce secteur d’activité. Dès lors que l’on souhaite amplifier les efforts, il vaut mieux utiliser ces moyens plutôt que la technique de la provision de trésorerie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis. Nous aurons l’occasion de reparler de l’audiovisuel dans le cours de la discussion budgétaire, mais je rappelle qu’un effort financier important a été accompli dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005, laquelle a élargi l’assiette du crédit d’impôt cinéma et audiovisuel instauré en 2004.

Il m’est donc difficile de donner un avis favorable à cet amendement qui n’en demeure pas moins intéressant eu égard, monsieur Martin-Lalande, à ce que vous soutenez à juste titre.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Martin-Lalande ?

M. Patrice Martin-Lalande. Je partage une partie des arguments du rapporteur général et du ministre.

Je rappelle cependant que le rapport qui a été réalisé à l’initiative du Centre national du cinéma date de juillet 2005. Les dispositions dont vous parlez, monsieur le rapporteur général, n’ont donc pas encore donné de résultats suffisamment significatifs pour savoir si elles permettent, d’une part, une distribution de nos programmes audiovisuels à l’étranger avec des armes suffisamment fortes pour combattre la concurrence et, d’autre part, des créations d’emplois en France qui ne peuvent, au même titre que l’activité, être tirés que par les exportations puisque, sans marché suffisant à l’export, les coûts fixes de production seraient trop lourds à supporter. J’espère donc que nous pourrons aller plus loin ultérieurement.

Je retire cet amendement, mais je souhaite que nous fassions le point sur les dispositifs dont vous avez parlé, monsieur le rapporteur général, afin de les compléter, le cas échéant, en fonction de cet inventaire, pour atteindre l’objectif que nous partageons les uns et les autres.

M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.

La parole est à M. Didier Migaud, pour défendre l’amendement n° 170.

M. Didier Migaud. Cet amendement tend à revenir sur la réforme du régime de report en avant des déficits opérée, à l'initiative de la majorité actuelle, par l’article 89 de la loi de finances pour 2004, qui avait supprimé la limite de cinq ans au bénéfice de reports illimités.

Cette réforme, comme l'ont montré les débats récents sur le projet de loi pour le développement de la participation, a un impact plutôt négatif, notamment sur la définition du bénéfice servant de base au calcul de la participation des salariés. Le Gouvernement en était bien conscient puisqu’il avait proposé que le report des déficits ne soit pas possible dans ce cas.

Plus généralement, cette disposition constitue une forme d'encouragement à la défiscalisation en ouvrant la porte à des multiples ajustements comptables permettant in fine de réduire notamment l'imposition sur les bénéfices due par les sociétés.

Il est donc proposé de revenir au dispositif plus rigoureux précédent, en limitant le report à trois ans. Cette solution a d’ailleurs été retenue dans le cadre du projet de loi relatif à la participation, à l'issue d'un compromis entre la majorité et le Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’avis de la commission est défavorable.

Pour avoir participé à la réunion qui a traité de ce problème de calcul de la réserve de participation, je peux vous préciser, monsieur Migaud, qu’une solution a été trouvée, qui consiste à accepter les reports en avant au titre des trois derniers exercices. On a donc aujourd’hui un système de calcul de la participation tout à fait compatible avec la règle fiscale générale qui, ainsi que vous l’avez rappelé, a supprimé les délais de report.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 66, 90 et 139 sont réservés.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 106.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement, complémentaire de celui dont nous avons discuté à l’article 5, tend à permettre aux associations ayant pris, dans les douze derniers mois, des participations dans des sociétés éditrices de publications de presse, de bénéficier de réductions d’impôt. Le motif en ayant déjà été discuté, je n’y reviens pas, sinon pour souligner que c’est le pluralisme de la presse qui est en jeu.

Nous proposons donc à l’Assemblée d’adopter cet amendement afin de compléter le précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Le Gouvernement a également un avis défavorable.

Je mets donc aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 16, relatif à la défense des brevets.

M. Patrice Martin-Lalande. Un amendement essentiel !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse M. Méhaignerie le présenter, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Chacun reconnaît que les efforts de recherche et d’innovation doivent être fortement accrus. À cet effet, il faut à tout prix faciliter le dépôt des brevets, ainsi que le montre le débat actuel sur ce point et sur celui de la langue, car il a aujourd’hui un coût élevé, ne serait-ce qu’en honoraires d’avocats.

C’est la raison pour laquelle nous estimons nécessaire d’aller plus loin dans la déduction des dépenses liées à ce dépôt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis favorable, et le Gouvernement lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour défendre l’amendement n° 28.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet de soutenir les entreprises de création de jeux vidéo, du moins de certains d’entre eux, en instituant un mécanisme de crédit d'impôt en cohérence avec les négociations menées par le Gouvernement dans les enceintes communautaires.

L'industrie française des jeux vidéo subit depuis quelques années une crise inquiétante : par rapport à 1994, nous sommes passés de 25 000 à 12 000 emplois en 2005, soit une suppression massive de ces derniers, et à quatre fois moins de studios.

Le différentiel en termes de rapport coût-productivité, qui s’est accentué, au point d’atteindre 30 % avec les Etats-Unis et 60 % avec le Canada – qui effectue un effort considérable en ce domaine –, sans parler de la Chine, est trop défavorable à notre pays. C’est ce qui explique la véritable hémorragie que subit en termes d’activité et d’emplois l'industrie française des jeux vidéo, alors qu’il est reconnu, sur le plan international, que nous disposons, dans ce domaine, d’atouts considérables pour réussir : trois sociétés françaises ne figurent-elles pas parmi les dix premières mondiales ? Ce n’est pas rien, et tel n’est pas le cas dans les autres activités.

Les jeux vidéo deviennent, du moins pour certains d’entre eux, une œuvre culturelle en raison de leur contenu puisque, si le logiciel représente 25 % du coût de production, le scénario, le contenu visuel et le contenu audio en représentent respectivement 15 %, 55 % et 5 %.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement défend à juste titre une politique de soutien à l'industrie des jeux vidéo, laquelle s'inscrit dans le cadre du maintien de la diversité culturelle. Des discussions sont en cours sur cde sujet avec la Commission européenne ; M. le ministre pourra peut-être nous en dire plus.

Mon amendement a pour objet de rendre le crédit d'impôt spécifique à la production des jeux vidéo applicable dès le 1er janvier 2007, si la Commission européenne donne son accord, ce que nous souhaitons tous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, mais pas pour des raisons de fond, puisqu’elle a au contraire été très convaincue par les arguments forts pertinents de notre collègue Patrice Martin-Lalande.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme toujours !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme très souvent, monsieur le ministre. Nous ne suivons pas toujours les demandes de M. Martin-Lalande, car, malheureusement, elles excèdent parfois nos possibilités financières.

En tout cas, grâce à sa ténacité, à laquelle je rends hommage, a été créé, voilà quatre ans, un crédit d’impôt pour les œuvres cinématographiques, qui a été étendu, il y a deux ou trois ans, aux œuvres audiovisuelles avant de l’être aux droits d’auteur et aux œuvres phonographiques. Il s’agirait, maintenant, de l’étendre aux jeux vidéo.

Le problème est que ce crédit d’impôt doit faire l’objet d’un accord de Bruxelles. Or je crois savoir, mais M. le ministre pourra nous le confirmer, que le ministère des finances, en accord avec celui de la culture, mène justement une négociation sur ce sujet. Mieux vaut attendre qu’elle aboutisse, quitte à représenter votre amendement, monsieur Martin-Lalande, à l’occasion du prochain collectif budgétaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je confirme que le Gouvernement est en pleine discussion sur ce sujet avec la Commission européenne. Il serait donc pire que tout, monsieur Martin-Lalande, de décider, dans cet hémicycle, de dispositions en la matière alors que nous n’avons pas achevé notre négociation à Bruxelles. Cela ne pourrait être que très mal vécu par nos interlocuteurs.

J’ai déjà fait valoir cet argument, dans un registre différent, à propos de baisses ciblées de TVA sur un certain nombre de produits. En l’occurrence, nous avons un espoir réel d’aboutir, mais tant que cela n’est pas fait, nous devons rester prudents.

Je suis par ailleurs très favorable à tout ce qui peut permettre de développer l’activité des jeux vidéo, dès lors bien entendu que celle-ci soit encadrée, afin d’éviter autant que possible tout désagrément en matière d’éducation des jeunes générations.

Je ne peux donc, monsieur Martin-Lalande, que vous demander de retirer cet amendement. Je ne saurais sinon que recommander à votre assemblée de ne pas l’adopter, car il fragiliserait notre position dans la négociation en cours, ce qui serait vraiment dommage.

M. le président. Entendez-vous l’appel du Gouvernement, monsieur Martin-Lalande ?

M. Patrice Martin-Lalande. Je souhaitais simplement, avec cet amendement, permettre à notre assemblée de réaffirmer son attachement à la réussite de la négociation sur le plan européen, et vous donner l’occasion, monsieur le ministre, de faire le point sur son avancement.

Comme nous partageons la même vision en la matière, je vais le retirer, mais je suis prêt à le redéposer – avec votre assentiment donc – lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, afin d’endiguer le plus rapidement possible l’hémorragie d’emplois et d’activités dans le domaine de la création de jeux vidéo, cela grâce à des conditions de production comparables à celles de nos concurrents, notamment canadiens.

M. le président. L’amendement n° 28 est retiré.

Article 8

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, inscrit sur l’article 8.

M. Nicolas Perruchot. Mon intervention portera sur l’amendement de suppression que Charles de Courson a préparé, mais qui ne pourra être défendu puisque mon collègue, seul signataire, n’est pas présent pour le soutenir.

Il avait, en commission, proposé la suppression de cet article 8 qui prévoit l'extension, aux entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires au moins égal à 500 millions d'euros au cours du dernier exercice ou de la dernière période d'imposition, du dispositif d'aménagement du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés qui pénalise les entreprises de taille moyenne.

Selon nous, quatre raisons justifient cet amendement.

La première tient à l'aggravation de la pression fiscale sur les entreprises puisque les articles 8 et 9 du projet de loi de finances pour 2007 aggravent la pression fiscale sur les entreprises de 1,3 milliard d'euros, annulant ainsi, avec une cohérence que chacun appréciera, l'ensemble des mesures d'allégements fiscaux prises l'année passée, soit 1,1 milliard au titre de la taxe professionnelle, 190 millions à celui de l'imposition forfaitaire annuelle et 170 millions à celui du crédit d'impôt recherche.

La deuxième raison qui justifie la suppression de l’article 8 s’explique par l’absence de fiabilité en matière d'évaluation du gain.

Les estimations, annoncées l'année dernière, du gain résultant de la modification du versement des acomptes d'impôt sur les sociétés, étaient totalement inexactes. Charles de Courson s’était d’ailleurs inquiété de la pertinence du chiffre avancé dans le projet de budget. Alors qu’avait été prévu un surplus de 500 millions, il a été, à notre grande surprise, de 2 milliards en exécution. Le Gouvernement annonce à nouveau cette année que le gain résultant de cet article atteindra 500 millions d'euros. En quoi cette évaluation serait-elle plus réaliste que la précédente ?

La troisième raison a trait au caractère excessif des nouvelles dispositions en matière d'intérêt de retard et de majoration.

En effet, il apparaît tout à fait exagéré qu'une entreprise qui aurait mal estimé le montant de son bénéfice pour le calcul du dernier acompte – cela peut arriver, notamment en cas d’activité très saisonnière, surtout quand le poids de la fin de saison est décisif – subisse une majoration de 5 % et l'application de l'intérêt de retard sur les sommes non réglées.

Enfin, la quatrième raison s’explique par le renforcement, auquel conduirait cet article, de la sensibilité de l'impôt sur les sociétés à la conjoncture.

En organisant la fluctuation croissante des recettes de l'impôt sur les sociétés en fonction de la conjoncture, cette mesure signifie qu'en cas d'inversion du cycle économique, les recettes s'effondreraient.

Tels sont les arguments qui, selon Charles de Courson, et auxquels bien entendu le groupe UDF s’associe, auraient dû justifier la suppression de l’article 8. La commission ne nous a pas suivis. Cela est regrettable ; c’est un mauvais coup porté aux entreprises.

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 8.

La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour défendre l’amendement n° 231.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je soutiens cet amendement n° 231 en tant que co-auteur, en application stricte de l’article 100, aliéna 3, de notre règlement intérieur.

M. Philippe Auberger. Nous avions compris.

M. Louis Giscard d'Estaing. Notre collègue Hervé Mariton n’étant pas présent dans l’hémicycle, je parlerai également en son nom.

Cela dit, si je n’avais pu être en mesure de le défendre, du fait des obligations qui sont les nôtres, notre assemblée n’aurait pu délibérer sur ce point pourtant important, et je sais, monsieur le ministre, que vous y tenez également. Je suis certain, monsieur le président, que vous attirerez l’attention du président de notre assemblée en mon nom et au nom d’Hervé Mariton sur cette difficulté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’aurais repris l’amendement.

M. Louis Giscard d'Estaing. L’amendement n° 231 porte sur l’impôt forfaitaire annuel, processus d’imposition auquel sont assujetties les sociétés dans le cadre des dispositions de l’impôt sur les sociétés quand elles ne déclarent pas de bénéfices imposables.

Les amendements précédents, qui n’ont pu être examinés par l’Assemblée en raison de l’absence de leurs auteurs, visaient les conséquences de la réforme adoptée dans le projet de loi de finances pour 2006 qui portait sur deux points.

D’abord le seuil d’exonération des entreprises assujetties à cet impôt forfaitaire annuel avait été porté de 150 000 à 300 000 euros. Cette mesure, très positive, s’était accompagnée d’une autre aux conséquences moins favorables pour les entreprises en question : les montants de l’impôt forfaitaire annuel n’étaient plus imputables sur le paiement de l’impôt sur les sociétés les années où ces entreprises dégageaient un bénéfice, mais étaient devenus déductibles l’année même de leur versement. En conséquence, les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % perdaient 85 % du bénéfice de ces versements, et les entreprises assujetties au taux normal de l’IS à 33,33 % perdaient 66 % de ces versements. Cela a eu des conséquences tout à fait significatives pour les entreprises en question.

L’amendement n° 231 vise également à exonérer du paiement de l’impôt forfaitaire annuel une tranche supplémentaire de petites et moyennes entreprises ; je pense notamment à celles du secteur de l’artisanat, aux entreprises commerciales ou aux entreprises de type SARL ou EURL de services, qui réalisent un chiffre d’affaires maximum de 400 000 euros. L’adoption de ce dispositif serait évidemment très favorablement reçue par l’ensemble des entreprises concernées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un excellent amendement, que j’aurais repris, monsieur Giscard d’Estaing, si vous n’aviez pas été là pour le défendre.

M. Philippe Auberger. Ah !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement a d’ailleurs été adopté par la commission au cours de la réunion qu’elle a tenue au titre de l’article 88 du règlement. Par conséquent, même s’il ne porte que les signatures de M. Mariton et de M. Giscard d’Estaing, nous l’avons fait nôtre.

M. le président. Monsieur le rapporteur général - je l’ai déjà dit - les amendements qui sont adoptés par la commission deviennent des amendements de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Effectivement, même si cet amendement ne porte pas la mention « au nom de la commission des finances », il est, depuis cette réunion, un amendement de la commission. A ce propos, je tiens à rendre de nouveau hommage à l’esprit très libéral de notre président de séance.

Cela dit, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a indiqué M. Giscard d’Estaing.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement aurait repris cet amendement si la commission ne l’avait pas fait, tant il est formidable.

M. Philippe Auberger. Oh ! là ! là ! Embrassons-nous Folleville !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même si ce n’est pas prévu dans le règlement.

M. le président. La Constitution prévoit que le Gouvernement peut amender quand il le veut, donc cela aurait forcément été réglementaire.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je disais cela pour faire un bon mot parce qu’en réalité, je ne veux surtout pas relancer ce débat ; je préfère qu’on parle chiffres.

L’amendement que vous avez cosigné avec M. Mariton, monsieur Giscard d’Estaing, est de très bon aloi. Il correspond tout à fait à la démarche qui est la nôtre, Gouvernement et majorité, de poursuivre l’allégement du poids de l’IFA, initié l’année dernière pour les PME et je ne vois que des avantages à ce que votre assemblée l’adopte.

M. le président. Vous levez donc le gage, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 302.

M. Jean-Pierre Brard. À en juger par les chiffres qui paraissent dans la presse, les bénéfices sont conséquents, les dividendes grossissent, les patrons, grands et moyens, sont de moins en moins nombreux à faire la queue devant les centres communaux d’action sociale, à Meaux comme à Montreuil. Il est donc légitime que les entreprises soient mises davantage à contribution, dans des proportions raisonnables.

Ne m’opposez pas vos arguments sur la compétitivité, l’attractivité, le départ d’entreprises ; je ne pourrais vous croire que lorsque vous m’aurez communiqué la liste des entreprises qui ont quitté le territoire national et que nous aurons vérifié, pour chacune d’elles, les raisons véritables, non pas les raisons affichées, de propagande, de leur départ. D’ailleurs, la commission des finances pourrait peut-être mener ses propres investigations en la matière pour ne pas se laisser influencer par les sirènes malfaisantes du MEDEF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je rappelle que M. Brard a lui-même participé, sous la précédente législature, à la suppression de la surtaxe créée en 1997 au titre de l’impôt sur les sociétés, et qu’une autre a été supprimée un peu plus tard. Le dispositif est parfaitement cohérent. Il n’y a aucune raison de rétablir ces différentes surtaxes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je pensais, monsieur le ministre, que vous aviez plus d’imagination : votre réponse est un peu courte quand même !

Je remarque que certains de vos prédécesseurs étaient moins ultralibéraux que vous : M. Juppé par exemple n’a pas hésité à taxer les entreprises quand cela était nécessaire. Or aujourd’hui, non seulement cela est nécessaire mais c’est possible, au regard des bénéfices réalisés par un certain nombre de groupes, dont je vous épargne la liste, qui nagent dans une opulence immorale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 9

M. le président. Sur l’article 9, je suis saisi de deux amendements, nos 41 et 17, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l’amendement n° 41.

M. Philippe Auberger. L’article 9 permet aux entreprises d’amortir sur dix ans les frais d’acquisition de titres de participation alors que, jusqu’à présent, elles pouvaient, dès la première année, imputer sur leur compte d’exploitation l’intégralité des frais.

S’il est préférable, pour certaines opérations, d’amortir ces frais sur quelques années plutôt que de les imputer directement sur le compte d’exploitation ; si donc la disposition proposée par le Gouvernement se justifie dans son esprit – la comptabilité est ainsi proche de la réalité –, elle présente tout de même le grave inconvénient de prévoir un amortissement sur dix ans. Or, en comptabilité, ce type de frais ne s’amortit jamais sur dix ans. Habituellement, ce que l’on appelle les frais d’établissement, notamment en cas de croissance externe, sont amortis sur quatre ans. Cela peut certes varier en fonction de la nature des frais, mais, en tout état de cause, dix ans est une durée beaucoup trop longue. Les participations peuvent bouger et il serait peu rigoureux de continuer à amortir des frais alors que les participations auraient été revendues par exemple.

L’enjeu global n’est pas forcément très important, même si ces frais ont tendance à croître avec le coût des consultations juridiques et des expertises diverses. Il reste que, pour un certain nombre d’entreprises, il est préférable de pouvoir amortir ces sommes dans des conditions normales et éviter qu’il y ait de ce fait une distorsion croissante entre la comptabilité, qui doit refléter la réalité, et les comptes qui sont présentés à l’administration fiscale, selon des règles conventionnelles ne correspondant pas à la réalité.

L’amendement n° 41 propose donc de ramener de dix à quatre ans la durée d’amortissement de ces frais.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 17 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 41.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a suivi le raisonnement que vient de tenir M. Auberger, mais l’amendement qu’elle a adopté vise à ramener à cinq ans, au lieu de quatre, la durée d’amortissement. En effet, le régime actuel permet une déduction immédiate ou étalée sur cinq ans de ces frais et il paraît préférable de conserver ce délai.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ces deux amendements sont excellents, mais j’ai une petite préférence pour celui de la commission dont je suis prêt à lever le gage. Je propose donc à M. Auberger de retirer son amendement.

M. le président. Retire-vous votre amendement, monsieur Auberger ?

M. Philippe Auberger. Je comprends la position du Gouvernement, car l’amendement de la commission, auquel je vais me rallier, est un peu moins coûteux que le mien. Même si le délai de quatre ans me semble plus réaliste, je ne souhaite pas déclencher une guerre de religion. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 17, compte tenu de la suppression du gage.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié par l’amendement n° 17.

(L’article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 9

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 9.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 173..

M. Jean-Louis Dumont. La réforme du régime fiscal des sociétés foncières a été introduite, nuitamment et subrepticement, à l’occasion de l’examen au Sénat du projet de loi de finances pour 2003. Elle a été justifiée, à l’époque, par le sénateur qui a accepté de la déposer sous forme d’amendement, par des considérations budgétaires de court terme et par la nécessité de « soutenir l’activité du secteur immobilier locatif et de développer les marchés financiers français » en créant en quelque sorte des champions français du secteur.

Cette réforme consistait en réalité en un allégement très important de la fiscalité pesant sur les opérations immobilières réalisées par ces sociétés. Elle a contribué de ce fait à déclencher de nouvelles opérations spéculatives sur l’immobilier. La plus importante des opérations de vente à la découpe porte sur la cession d’une partie du portefeuille de Gecina à Westbrook, soit une centaine d’immeubles à Paris pour une valeur de 1,2 milliard d’euros.

Ces opérations ont contribué à déclencher une vague de ventes à la découpe qui ont été dénoncées ici même par les uns et les autres. Cela a même ému les membres de la majorité et nous avons réussi à voter un texte, certes bien timide. Le phénomène avait en effet atteint une telle ampleur que la majorité parlementaire était contrainte de légiférer pour tenter d’éteindre en quelque sorte un incendie qu’elle avait elle-même allumé.

Trois ans après cette réforme, un bilan s’impose et force est de constater qu’elle a échoué à développer le marché immobilier au bénéfice des entreprises françaises. Au contraire, comme le rapportait un grand journal dit du soir en mars 2005 : « En moins d’un an, quatre sociétés foncières françaises parmi les plus importantes auront été absorbées, dont trois par des étrangers. Il y a d’abord eu Sophia, acquise au printemps 2004 par General Electric Real Estate Europe, puis la Société foncière lyonnaise captée par l’espagnol Immobiliaria colonial – une filiale de la Caixa Bank – en juillet 2004, Bail Investissement, rachetée en décembre par la Foncière des régions, et maintenant Gecina » par la société espagnole Metrovacesa. L’OPA de Metrovacesa sur Gecina est même, à ce jour, la plus grosse OPA de l’année en France.

En matière de patriotisme économique, la réforme constitue donc un contre-exemple de ce que le Premier ministre préconise, puisqu’elle a artificiellement gonflé les comptes des foncières françaises et les a rendues ainsi plus appétissantes pour les fonds étrangers.

En revanche, la réforme a produit des effets massifs et déstabilisants sur le marché de l’immobilier en raison de la spéculation qui s’en est suivie. Ainsi, l’indice boursier des sociétés foncières a quasiment doublé depuis fin 2003. Selon La Tribune, le « statut fiscal accommodant des SIIC – sociétés d’investissements immobiliers cotées – a dopé les perspectives de croissance des groupes et augmenté les dividendes des actionnaires ».

Aujourd’hui, la flambée des prix a atteint un tel niveau que la Banque de France met régulièrement en garde les acteurs du marché de l’immobilier. Dès lors, le présent amendement propose de mettre fin au régime fiscal particulièrement « accommodant » dont bénéficient les sociétés foncières en relevant de 16,5 % à 26,5 % le taux d’imposition des bénéfices de ces sociétés.

J’ajoute que les professionnels reprochent aux Espagnols d’utiliser le régime des SIIC comme un moyen d’évasion fiscale leur permettant de ne payer l’impôt ni en France ni en Espagne.

Vous le voyez bien, mes chers collègues, cet amendement n’est pas neutre. Il s’impose pour des raisons tenant non seulement à la bonne gestion des finances publiques, mais aussi à la morale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, car l’adoption du nouveau régime fiscal pour les sociétés d’investissements immobiliers cotées était une très bonne réforme. Contrairement aux dires de M. Dumont, celle-ci n’a pas été décidée « nuitamment et subrepticement » au Sénat. (Sourires.) Avant son adoption par la Haute assemblée, elle avait été préparée ici même, et elle a ensuite fait l’objet d’un examen en commission mixte paritaire.

Cette réforme était nécessaire : nous avons favorisé le développement de sociétés fiscalement transparentes, dont les résultats liés aux plus-values de cession sont assujettis à un taux de 16,5 % et dont les produits d’épargne ont contribué à la nécessaire diversification des portefeuilles des investisseurs institutionnels. En effet, ces derniers ont pu bénéficier de la grande stabilité des sociétés immobilières.

Par ailleurs, il faut tordre le cou à l’idée selon laquelle il y aurait une relation de cause à effet entre les sociétés immobilières cotées et les ventes à la découpe. Cela n’a rien à voir ! Les sociétés immobilières cotées investissent en effet à plus de 90 % dans de l’immobilier d’entreprise, et non dans le logement. Elles ont même tendance à se désengager de celui-ci.

M. Jean-Louis Dumont. Eh bien voilà ! Elles vendent !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’immobilier d’entreprise offre une sécurité et une rentabilité supérieures. Certaines opérations ont eu lieu, c’est exact, mais les sociétés concernées cherchaient seulement à se développer et à diversifier leur actionnariat.

Pour avoir participé à son élaboration, je porte un jugement tout à fait positif sur cette réforme, qui a connu un grand succès et dont les effets ont été très favorables à l’équilibre économique général, qu’il s’agisse du financement du patrimoine immobilier des entreprises ou de la diversification de l’épargne.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’il y ait eu, ou non, un besoin réel de créer de telles sociétés immobilières pour faciliter le fonctionnement du marché, je n’ai pas d’avis définitif sur la question. En revanche, j’ai pu constater que l’on jouait beaucoup au Monopoly dans ce milieu parfois très étrange. Je vais prendre un exemple que je connais dans ma bonne ville de Montreuil. Je pense au groupe Carlyle, dont la provenance des fonds est incertaine, pour ne pas être plus sévère !

M. Philippe Auberger. A Montreuil il y a la CIA, alors !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a même des dollars qui sentent le pétrole, cher collègue !

Un grand immeuble qui était entre les mains de Carlyle a été racheté par Gecina, à un prix exorbitant ne correspondant pas du tout à celui du marché.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, mais Montreuil est une valeur sûre qui progresse d’année en année !

M. Jean-Pierre Brard. D’autant que nous veillons au grain, monsieur le rapporteur général !

Une telle opération contribue, parmi d’autres, à la formation d’une bulle. Or chacun sait ce qu’il advient des bulles, qu’elles soient de savon ou immobilières : elles éclatent. Le groupe Gecina avait imaginé rentabiliser l’opération sur le dos du ministère des finances, en lui louant l’immeuble concerné à un prix exorbitant. Heureusement, le ministère est vigilant, tout comme le maire de Montreuil, qui ne se soucie pas que de ses propres intérêts. L’initiative est donc sur le point d’être barrée.

Je sais que nous n’avons plus le temps de créer une commission d’enquête, en cette fin de législature, mais je pense que nous ferions bien de lancer une mission d’information, qui associerait la gauche et la droite.

M. Charles de Courson. Et le centre !

M. Jean-Pierre Brard. Si les opérateurs concernés n’ont rien à se reprocher, passer une radio ne pourra pas leur faire de mal. De toute façon, cela nous permettra d’y voir plus clair dans des situations fort étranges et fort inquiétantes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Certains de nos partenaires européens, notamment nos voisins britanniques et nos amis allemands, commencent à s’inquiéter du statut des SIIC. Ils y voient un moyen d’évasion fiscale. Pouvez-vous nous confirmer que des échanges sont en cours sur ce sujet, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est exact que ce sujet est d’actualité. Le débat est en effet ouvert dans certains pays d’Europe, notamment en Allemagne, comme en France. Toutefois, à ce stade, aucun pays n’a souhaité modifier en profondeur le dispositif.

M. Jean-Louis Dumont. Vous êtes partie prenante ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne suis pas opposé à une réflexion s’il s’agit d’améliorer les mesures en vigueur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 173.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour défendre l’amendement n° 169.

M. Didier Migaud. En défendant cet amendement, nous cherchons à aider le Président de la République à se faire entendre dans cet hémicycle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Quelle sollicitude !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes des ingrats dans la majorité ! Vous oubliez que vous êtes là par la grâce du Président de la République !

M. Didier Migaud. Lorsque le Président de la République a de bonnes idées, nous sommes tout à fait d’accord pour les relayer. Même si j’ai souligné les difficultés à mettre en œuvre la disposition que nous proposons, il est temps de l’adopter ; les interventions de plusieurs chefs d’État l’ont bien montré.

Dans le cadre de la loi de finances de 2002 a été mise en place une taxe sur les transactions financières, de type taxe Tobin, dont le taux devait être déterminé en référence à une décision du Conseil européen.

Depuis, le Président de la République a multiplié les déclarations favorables à un projet de ce type, tant au sommet de Johannesburg, où il a appelé notamment à la mise en place rapide d’une telle taxation afin de financer le développement des pays les moins avancés, qu’en d’autres circonstances.

Pour ne pas apparaître comme des vœux pieux voués à rester lettre morte, des déclarations aussi fortes se doivent d’être suivies rapidement d’effet. Ne nous limitons pas à créer une énième commission d’experts.

Par cet amendement, nous proposons par conséquent la mise en œuvre avancée du dispositif prévu en loi de finances pour 2002 par la fixation d’un taux de 0,05 % – sur lequel j’avoue ne pas avoir consulté le Président de la République, m’en tenant à l’esprit de ses déclarations – qui serait applicable à compter du 1er janvier 2007 dans un premier temps en France.

M. Philippe Auberger. Vous proposez un plagiat de la taxe Tobin. C’est se moquer du monde !

M. Didier Migaud. Nous sommes persuadés que, compte tenu de la qualité de celui que l’on peut quasiment considérer comme son coauteur, notre amendement bénéficiera du soutien du Gouvernement et de l’UMP.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle gentiment à M. Migaud que, il y a quelques années, il avait réussi la performance de faire voter par le Parlement une taxe à taux zéro, grande innovation dans notre droit fiscal ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Auberger. C’est la fiscalité par les nuls !

M. Patrice Martin-Lalande. Et pour les nuls !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Président de la République, lui, est passé aux actes…

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …en proposant la création d’une taxe sur les billets d’avion. Entrée en vigueur le 1er juillet dernier, elle rapportera, dès 2007, 200 millions d’euros, qui seront versés à l’Agence française de développement : 90 % seront utilisés pour permettre, dans le cadre d’un programme d’Unitaid, l’achat de médicaments et 10 % iront à un montage international réalisé à l’initiative de la Grande-Bretagne pour mettre en œuvre des campagnes de vaccination.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas la même chose que ce que nous proposons, vous le savez bien !

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont pas les mêmes qui paient !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous parlez beaucoup de solidarité internationale. Nous, nous avons agi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable. Pour tout dire, je m’étonne que M. Migaud remette le couvert sur la taxe Tobin et trouve soudain des vertus au Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Didier Migaud. Il faut croire qu’il en a tout de même quelques-unes !

M. Jean-Luouis Dumont. Nous avons voté pour lui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Calmez-vous ! Vous m’avez cherché en parlant du Président de la République ; souffrez que je sourie en vous entendant faire son éloge, alors que vous passez votre temps à en dire du mal.

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons voté pour lui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je sais !

M. Jean-Pierre Brard. Et nous en attendons le juste retour ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Installez-vous tranquillement sur votre banc, monsieur Brard ; je ne voudrais pas que cette attente finisse par vous donner des crampes !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis sérieux, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je m’étonne que vous nous parliez d’une taxe Tobin, monsieur Migaud, alors même que, il y a un an, je vous ai présenté, avec l’instauration d’une taxe sur les billets d’avion, l’une des initiatives les plus importantes du quinquennat pour financer la solidarité internationale.

M. Augustin Bonrepaux. Cette proposition est passée grâce à nous !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je pensais que cette mesure suffisait largement. Vous voulez à présent instaurer une deuxième taxe. Voilà qui prouve que la gauche ne peut décidément pas raisonner dans l’économie ordinaire autrement qu’en créant des impôts ou en augmentant ceux qui existent.(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Caricature !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je le déplore, mais je profite de cette occasion pour anticiper les débats de la campagne présidentielle, qui ne sauraient tarder.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez commencé, à l’UMP !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous aussi, au parti communiste, et cela ne se passe pas tellement bien !

M. Jean-Pierre Brard. Je pense que je ne serai pas candidat.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai : vous n’avez pas encore annoncé votre candidature, qui, pourtant, mettrait probablement de l’ambiance !

Quoi qu’il en soit, lors de la campagne électorale, nous veillerons à rappeler que l’une des nombreuses différences entre la droite et la gauche tient à ce que, quand celle-ci réfléchit, elle ne peut s’empêcher de créer de nouveaux impôts ou d’augmenter ceux qui existent. Je suis persuadé que, le moment venu, les Français sauront rester vigilants à cet égard.

M. Jérôme Bignon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous n’avons jamais créé une taxe à taux zéro, mais une taxe dont le taux serait fixé par décret en Conseil d’État dans la limite maximum de 0,1 % du montant des transactions. La mesure était donc loin d’être aussi démagogique que vous le prétendez.

Ensuite, tout dépendrait de notre volonté de convaincre nos partenaires européens. Je constate donc que, sur certains sujets, certes limités, le Président de la République est plus volontariste que vous.

Quant à la taxe sur les billets d’avion, heureusement que nous étions là pour soutenir cette proposition.

M. Charles de Courson. Ou plutôt malheureusement !

M. Didier Migaud. En effet s’il avait fallu compter sur les seuls membres de la majorité, ceux de l’UMP ou de l’UDF, qui, en dehors certains affichages ou de certaines rodomontades, votent de la même manière…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est de moins en moins vrai !

M. Didier Migaud. Sur l’essentiel, ils se rejoignent, malheureusement !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Leurs désaccords rendent les électeurs de l’UDF profondément malheureux !

M. Didier Migaud. En tout cas, si la gauche n’avait pas été là, l’idée généreuse qu’est la taxe sur les billets d’avion n’aurait pas été adoptée.

M. Charles de Courson. Et c’eût été une bonne chose !

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, si vous n’étiez pas adepte de la langue de bois, vous remercieriez les députés des groupes socialiste et communiste, et apparentés, qui ont permis à cette proposition de passer le cap de l’Assemblée nationale. Hier, vous avez reproché à l’un d’entre nous de ne pas avoir dit comment l’histoire s’était faite. C’est pourquoi je me permets ce rappel.

Pour le reste, nous regrettons que la commission des finances exprime, une fois de plus, une opposition aussi personnelle à des initiatives que pourrait prendre le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Réfléchissons une minute, monsieur Migaud. Si seuls les députés des groupes socialiste et communiste avaient voté cette disposition, elle n’aurait pas été adoptée, puisque vous êtes minoritaires. Il a donc bien fallu que l’UMP la vote.

M. Didier Migaud. Nos voix ont tout de même aidé à son adoption.

M. Jean-Pierre Brard. Avec l’aide de quelques supplétifs !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. A l’époque, j’ai été très heureux que la gauche, pour une fois réunie – elle ne l’est pas toujours –, vote cette disposition. Cela prouve que, quand une mesure est excellente, elle suscite un consensus sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, ce qui est heureux.

En tout état de cause, arrêtons les frais et n’ajoutons pas une nouvelle taxe. Celles qui existent déjà suffisent amplement au bonheur de tous.

M. Louis Giscard d’Estaing. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce débat est caractéristique de ce que les philosophes appellent le brouillage épistémologique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Quel langage châtié !

M. Charles de Courson. La gauche veut faire croire qu’elle est d’extrême gauche.

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est parfois le cas !

M. Charles de Courson. Elle fait donc voter en 2002, comme notre excellent collègue Didier Migaud l’a rappelé, un amendement ré-vo-lu-tion-naire visant à taxer les transactions financières. « Taxons le grand capital ! », propose M. Brard, qui ne sait pas exactement ce que cela recouvre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’exagérons rien ! Il a tout de même lu Le Capital !

M. Charles de Courson. À présent, il ne lit plus Le Capital, mais Capital. Ne confondez pas, monsieur le ministre ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. de Courson fait du Brard !

M. Charles de Courson. L’hypocrisie de la gauche a consisté à voter à l’unisson un texte visant à taxer les transactions financières, ce qui nous a fait bien rire, nous qui étions à cette époque dans l’opposition, tant la proposition manquait de sérieux.

M. Jean-Pierre Brard. Quand Charles-Amédée rit, c’est triste !

M. Charles de Courson. Néanmoins elle a pris soin de renvoyer la fixation du taux de taxation à un décret que n’a bien entendu jamais pris le ministre des finances de l’époque, qui se nommait… Comment déjà ? Rappelez-moi son nom.

M. Didier Migaud. Votre mémoire est excellente ! En outre, n’oubliez pas qu’il fallait attendre la conclusion de la négociation internationale !

M. Charles de Courson. Une négociation internationale dont vous saviez qu’elle ne pouvait pas avoir lieu pour une raison très simple : sans l’accord – au moins – de l’Angleterre, de l’Allemagne et des États-Unis, la proposition n’avait aucun sens !

M. Philippe Auberger. C’est juste !

M. Charles de Courson. Du reste, si le ministre des finances avait eu la folie de prendre le décret d’application, qu’il n’aurait d’ailleurs pas été possible d’appliquer, les transactions financières se seraient toutes délocalisées à Londres, à Bruxelles ou à Düsseldorf. Bref, la mesure annoncée n’avait aucun sens. C’est proprement ce qu’on appelle de la gesticulation.

M. Didier Migaud. Dans ce domaine, vous êtes très fort !

M. Charles de Courson. En tout cas le brouillage épistémologique ne faisait que commencer, puisque, quelques années plus tard, l’actuel Président de la République se déclarait favorable à la taxe Tobin. Cette fois, le brouillage était total.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Que dites-vous ?

M. Charles de Courson. Allons, monsieur le ministre, le Président de la République l’a déclaré, vous ne pouvez pas le nier !

Le parti socialiste, actuellement dans l’opposition – s’il était dans la majorité, il n’agirait pas ainsi –, veut, à son tour, instaurer une taxe Tobin en France. Cette mesure figure-t-elle seulement dans le programme du parti socialiste ? Je l’ai lu avec attention, mais je ne l’y ai pas trouvée.

M. Philippe Auberger. Elle devrait être cosignée par Mme Royal, M. Strauss-Kahn et M. Fabius ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. À présent, monsieur Migaud, vous nous parlez de la taxe sur les billets d’avion. En tant que rapporteur spécial pour les transports aériens, je me suis battu contre cette mesure pour une raison très simple : si l’on doit donner 200 millions supplémentaires pour lutter contre les grandes pandémies, ce qui est une bonne chose, il suffit de redéployer cette somme sur le budget de l’État français. Mais on n’instaure pas une taxe sur un seul mode de transport. Pourquoi l’avion ? Pourquoi pas les TGV ou la voiture ?

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi pas les diligences ou les chaises à porteurs ?

M. Charles de Courson. Un peu de sérieux !

M. Didier Migaud. Nous avions proposé de taxer les croisières.

M. Charles de Courson. L’invention prétendument géniale d’une nouvelle taxe, instaurée indépendamment de tout accord international, a tout simplement abouti à faire perdre 100 millions à la France, qui se sont délocalisés dans d’autres pays comme l’Allemagne. On ne peut pas, dans un monde internationalisé, proposer des amendements de ce type. Ils ne tiennent pas la route.

Le groupe UDF votera par conséquent contre l’amendement n° 169.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. M. de Courson est revenu parmi nous, ce dont nous nous réjouissons, pour faire fonctionner la machine à baffes au nom du brouillage épistémologique. Puisqu’il n’a pas tout à fait fini le travail, je vais apporter ma contribution à sa réflexion philosophique.

Le même groupe UDF qui a voté contre l’instauration de la taxe sur les billets d’avion a soutenu avec émotion François Bayrou quand, en 2005, il préconisait l’instauration de la taxe Tobin en France. Sur ce vaste sujet qu’est le brouillage épistémologique, je vous souhaite donc, monsieur de Courson, la bienvenue au club ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. M. le ministre ne suit pas tous les débats internes à l’UDF. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe sociaoliste.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous confirme qu’il peut m’arriver d’avoir autre chose à faire !

M. Charles de Courson. Il y a quatre pistes, à l’UDF, car nous sommes libres et créatifs, dans le débat sur le mode de financement de la protection sociale française. Jean Arthuis plaide pour la TVA sociale, et moi pour la CSG. D’autres sont favorables à un panachage. D’autres encore préféreraient une taxe du type Tobin, ce que je considère pour ma part comme une erreur. Ainsi que vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous n’avons pas encore fait la synthèse.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’est jamais bon de mettre tous ses œufs dans le même panier !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quant à M. Baguet, il n’est pas resté parmi vous. (Sourires.)

M. Charles de Courson. Évidemment, puisqu’il soutient M. Sarkozy !

M. le président. Je suis confus de devoir vous interrompre, mais je mets aux voix l’amendement n° 169.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 171 rectifié..

M. Jean-Louis Dumont. Une fois n’est pas coutume, monsieur le ministre : nous allons complimenter votre administration, qui, en juillet dernier, a finalisé un avenant à une convention fiscale passée avec nos voisins luxembourgeois. Encore faut-il, pour que celui-ci puisse entrer en application, que la procédure soit mise en œuvre.

Cet avenant vise à remplir un vide juridique grave permettant à des opérateurs d’être exonérés d’impôts sur les plus-values, en France comme au Luxembourg. Ces grands découpeurs que sont les opérateurs de vente à la découpe ont pu ainsi réaliser des opérations pour le moins juteuses, puisqu’ils n’étaient pas tenus de contribuer à la richesse des États. Il est donc important d’agir.

Ce vide juridique permet aux découpeurs et à quelques autres de réaliser des opérations très juteuses.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À partir du Luxembourg et de la Meuse ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Non ! Les malheureux Meusiens, en particulier les infirmières, qui travaillent au Luxembourg ou en Belgique gagnent de moins en moins d’argent, car les déplacements coûtent cher et le Gouvernement n’a jamais accepté de faire un geste en leur faveur, notamment sur le prix de l’essence. Je pourrais vous parler des frontaliers,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non !

M. Jean-Louis Dumont. … mais ce n’est pas le sujet.

Je vous fais grâce de l’exposé sommaire, très technique, de l’amendement, préférant vous présenter une argumentation plus politique.

Pour mener à bien leurs opérations de vente d’immeubles à la découpe – on l’a vu tout à l’heure avec Gecina et Westbrook –, certains vendeurs ont cherché des alliés. Ainsi une banque allemande, qui détient des fonds dans différents pays, dont le Delaware – véritable paradis fiscal, puisque l’on n’y paye pas d’impôts et que l’on peut y rester anonyme –, le Luxembourg et, peut-être, Malte, est entrée dans le capital d’un marchand de biens, permettant à celui-ci de faire transiter le produit de ses ventes dans des pays où il échappera à toute taxe sur les plus-values.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous insistions pour que cet avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise entre en application le plus rapidement possible. Nos collègues avaient bien raison de vouloir légiférer sur la vente à la découpe, non seulement pour protéger les locataires, mais aussi pour que ces sociétés acquittent les taxes dues sur les plus-values.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Nous avons dénoncé à de nombreuses reprises ces ventes en cascade, dans l’indifférence de nos collègues de la majorité. Aujourd’hui, la manière dont ces marchands agissent est connue, y compris les alliances passées à une époque avec la Caisse des dépôts. Je n’en dirai pas plus, mais je tiens les éléments à votre disposition, monsieur le ministre. Certains services de contrôle et même notre collègue M. Decocq, qui appartient à la majorité, l’ont écrit dans leurs rapports.

Il est nécessaire de faire respecter l’égalité fiscale et de réintroduire un peu de morale dans l’ensemble de ces transactions : trop, c’est trop !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi que l’a indiqué M. Dumont, le problème d’articulation entre le droit fiscal luxembourgeois et le droit fiscal français doit être résolu le plus rapidement possible. Nous savons que le Gouvernement y travaille, monsieur le ministre. Nous avons rejeté les amendements de M. Dumont, mais nous souhaitons que vous nous informiez des délais dans lesquels l’avenant en question pourra être appliqué.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce texte, paraphé en juillet dernier, a été transmis au ministère des affaires étrangères pour engagement de la procédure de signature, laquelle doit intervenir dans les prochaines semaines. Il sera ensuite soumis à la ratification parlementaire et je ferai tout pour que celle-ci intervienne très rapidement.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. le président. L’amendement est-il retiré, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Je prends acte avec une grande satisfaction que, pour une fois, M. le ministre accepte de répondre à l’une de mes interrogations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’aurais en effet souhaité qu’il me réponde également sur la dématérialisation des fiches de paie et sur bien d’autres questions, mais je retire mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. « Pour une fois » ? Vous me faites de la peine, car je suis très attentif à vos interventions, monsieur Dumont, d’autant qu’elles sont parfois un peu longues, ce qui me laisse bien le temps de m’imprégner de vos propos. Alors, ne me découragez pas !

M. le président. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.

Je suppose qu’il en va de même de l’amendement n° 172 rectifié.

M. Didier Migaud. Oui.

M. le président. L’amendement n° 172 est donc retiré.

Article 10

M. le président. Sur l’article 10, je suis d’abord saisi de l’amendement n° 251 qui tend à le supprimer.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. M. Perruchot a évoqué l’amendement n° 250 que j’avais déposé pour demander la suppression de l’article 8, relatif à l’accélération du recouvrement de l’impôt sur les sociétés. Celui-ci vise à supprimer l’article 10, qui prévoit un nouvel aménagement du régime des plus ou moins-values à long terme pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Je veux d’abord souligner que, non seulement on modifie sans cesse les règles fiscales, mais que l’on applique ces modifications de manière rétroactive, en l’occurrence au 1er janvier 2006, si bien que les opérations réalisées à partir de cette date seront taxées à un taux différent de celui qui était en vigueur à l’époque, ce qui est choquant.

Le deuxième problème est celui de l’évaluation du dispositif. L’année dernière, on nous avait dit que le gain procuré par la mesure concernant l’impôt sur les sociétés serait de 500 millions ; or il a été de 2 milliards. Cette année, on nous parle à nouveau de 500 millions et, pour la disposition de l’article 10, de 300 millions. Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes arrivé à ce chiffre, trop rond pour être honnête comme dit ma grand-mère ? Le rapporteur général a lui-même reconnu qu’il était incapable d’expliquer le chiffrage de ces deux mesures à la commission.

Dernier élément : dans l’ensemble du projet de budget, les entreprises sont concernées pour 1,1 milliard, soit à peu près la même somme que l’année dernière, mais cette fois en moins. Ce n’est pas très cohérent avec la volonté de favoriser la compétitivité des entreprises et de les encourager à créer des emplois.

Telles sont les trois raisons pour lesquelles j’ai déposé, avec mon groupe, des amendements de suppression de l’article 8 et de l’article 10.

Je rappelle, en outre, que M. Sarkozy – mais était alors député de l’opposition – avait déposé une proposition de loi organique pour interdire la rétroactivité des mesures fiscales. Vous, qui êtes devenu sarkozyste - depuis peu d’ailleurs - monsieur le ministre, comment pouvez-vous défendre un texte contraire à une proposition du président de l’UMP ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous proposez, monsieur de Courson, de supprimer l’article 10.

M. Charles de Courson. Je souhaite obtenir des explications !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Contrairement à ce que vous indiquez, cet article ne constitue pas un retour au dispositif antérieur.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il vise à traiter les titres concernés par la présente mesure comme les autres valeurs mobilières de placement. J’appelle à cet égard votre attention sur le fait que ces titres constituent en effet des placements financiers et qu’il semble donc normal que les plus-values qu’ils procurent aux entreprises qui les détiennent soient imposées dans les conditions de droit commun. J’observe d’ailleurs que, au plan comptable, ces titres ne sont pas considérés comme des titres de participation.

Quant au gain procuré par cette mesure, il a fait l’objet d’un chiffrage par mes services, chiffrage qui, l’expérience le montre, est habituellement fiable. Il m’est difficile de vous donner ici le détail des calculs opérés par l’administration – le budget porte tout de même sur 270 milliards d’euros et concerne de nombreux sujets –, mais je pourrai vous les communiquer.

M. Charles de Courson. Et sur la rétroactivité ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour la clarté du débat, je vous propose de vous répondre sur ce point lorsque nous examinerons votre amendement suivant.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je répète que, l’année dernière, vos services avaient évalué le gain procuré par la mesure sur l’impôt des sociétés à 500 millions. Or il a été de 2 milliards. De deux choses l’une : soit vos services vous avaient indiqué le bon chiffre et vous avez préféré annoncer 500 millions pour ne pas inquiéter la représentation nationale ; soit leurs évaluations ne sont pas aussi fiables que vous le prétendez. Je rappelle que notre rapporteur lui-même ne dispose d’aucun élément sur le chiffrage de ces mesures nouvelles, qui ne sont pas si nombreuses dans ce projet de loi de finances.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n° 270.

M. Charles de Courson. Encore une fois, monsieur le ministre, est-il raisonnable de prendre des mesures rétroactives ? Mettez-vous à la place des gestionnaires d’entreprise : ils décident, au premier semestre, de réaliser une opération dans un cadre fiscal déterminé et ils découvrent, en fin d’année, que le régime fiscal est modifié rétroactivement. Pourquoi ne suivez-vous pas M. Sarkozy qui, lorsqu’il était député de l’opposition, avait déposé une proposition de loi organique visant à interdire la rétroactivité des règles fiscales ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. La commission a estimé que, en la matière, il n’y a pas de rétroactivité dans la mesure où ce qui est proposé est inhérent au calcul même de l’impôt sur les sociétés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il convient d’introduire une nuance. Selon le conseil des impôts, il s’agit, en l’espèce, d’une « petite rétroactivité », car la disposition ne vaut que pour l’avenir ; mais elle s’applique à des situations nées antérieurement à la date de prise d’effet et en cours de réalisation.

Il faut distinguer les choses. La « rétrospectivité » de la loi fiscale correspond à une pratique parfaitement admise en droit et sur le plan politique. Elle est même parfois nécessaire. Le recours à la technique de la « petite rétroactivité » n'a jamais été remis en cause ni devant le Conseil d'État ni devant le Conseil constitutionnel.

D'une manière générale, on est sur des taux d’impôt qu'on ne subira qu'en fin d'année alors que les revenus ont été constitués antérieurement. Si l’on ne pouvait plus toucher les barèmes au fil de l'eau, on bloquerait complètement le système. C’est la raison pour laquelle il me semble bon de distinguer ce que les juristes appellent la petite rétroactivité.

En outre, l'enchaînement des majorités poserait également de graves problèmes, car la première année d’alternance ne serait plus une année utile du seul fait de l’application trop stricte de cette notion de rétroactivité.

Par ailleurs, le recours à des dispositions fiscales ayant un caractère rétrospectif n'est pas systématiquement défavorable aux entreprises, loin s'en faut.

En tout premier lieu, il serait abusif d'assimiler les dispositions rétrospectives à des mesures systématiquement défavorables. Ainsi, sur la période 2002-2004, sur seize dispositions rétrospectives, une seule allait dans un sens défavorable aux contribuables. Il s’agissait du plafonnement pour hausse de prix, qui touchait les entreprises pétrolières. En revanche, la mesure prise l'an dernier sur la modification du régime des acomptes de l'IS, mesure rétrospective, était favorable au contribuable.

Les récentes mesures favorables aux sociétés adoptées par le Gouvernement ont souvent comporté une rétroactivité bienveillante. Je pense par exemple aux améliorations apportées au crédit d'impôt recherche.

Enfin, s'agissant de la mesure mise en cause par le MEDEF, sa petite rétroactivité peut, dans certains cas être favorable aux entreprises, car la mesure vaut aussi pour les moins-values.

Vous le voyez, monsieur de Courson, les choses ne sont pas aussi simples qu’on pourrait le penser au départ. Comme vous, je suis attaché au principe de la rétroactivité, mais la nuance s’impose, notamment pour distinguer ce qui relève de l’année en cours afin d’éviter les effets pervers.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, constitutionnellement, vous avez raison puisque toutes les lois françaises peuvent être rétroactives, sauf les lois pénales et encore peuvent-elles l’être lorsqu’elles sont plus favorables aux intéressés. Il ne serait donc pas choquant de rendre rétroactif un dispositif plus favorable puisque cela n’aurait pas modifié le comportement des acteurs. En revanche, je persiste à penser qu’accroître la pression fiscale sur des éléments rétroactifs n’est pas bon pour la stabilité et le respect des contribuables.

Vous nous expliquez par ailleurs que la petite rétroactivité, celle qui se fait dans l’année, peut être acceptée. Toutefois les choses sont plus compliquées. Pour certaines sociétés, en effet, l’IS ne court pas du 1er janvier au 31 décembre. Il peut très bien être à cheval sur deux années. Vous allez donc créer une véritable perturbation en revenant en arrière.

Quant à votre argument sur l’alternance, le fait qu’on ne puisse pas faire ce qu’on veut la première année n’irait-il pas finalement dans le sens d’une meilleure stabilité fiscale ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J’en viens à l’amendement n° 145 de M. Carrez, qui est rédactionnel et auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Il en va de même pour l’amendement n° 146

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à limiter les effets de ce que le ministre a appelé la petite rétroactivité.

Pour l’excédent des moins-values en stock qui ne pourrait être imputé sur des plus-values à long terme relevant du secteur imposé à 15 %, il tend à autoriser une imputation sur les plus-values imposées à 33 % réalisées sur ces titres, que l’article exclut à compter de 2006 du bénéfice du régime des plus-values à long terme. En effet, le secteur à 15 % risque d’être très réduit. On n’y trouvera pratiquement plus que les produits des brevets et inventions brevetables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable et je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 10

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 10.

Les amendements nos 140 et 141 sont réservés.

L’amendement n° 40 n’est pas défendu.(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, nous avons déposé un sous-amendement l’amendement n° 40 de M. Pélissard. Ne pas pouvoir défendre ce sous-amendement constituerait une nouvelle atteinte au droit d’amendement !

M. le président. Vous venez à peine de me transmettre ce sous-amendement, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Cela montre que nous sommes très réactifs, monsieur le président. Pouvons-nous défendre notre sous-amendement ?

M. le président. Vous ne pouvez pas sous-amender un amendement qui n’a pas été appelé.

M. Didier Migaud. Nous protestons vigoureusement car nous voyons là une nouvelle atteinte au droit d’amendement dans cet hémicycle.

M. le président. L’amendement n° 40 n’est pas défendu.

M. Didier Migaud. Il pouvait être repris.

Monsieur le rapporteur général, cet amendement avait-il reçu un avis favorable de la commission ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 40, qui vise à abaisser le seuil d’assujettissement à la TGAP, ne pose pas de problème sur le fond. Jacques Pélissard l’a retiré en commission des finances après les explications que je lui ai données. Nous sommes favorables à la réduction de 1 000 kg à 500 kg. Néanmoins, le barème, qui est indispensable pour mesurer tous les effets de cet amendement, n’a pas encore été fixé et doit être soumis pour avis au comité des finances locales à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre. J’ai donc fait savoir à M. Pélissard que nous pourrons examiner cet amendement dans le cadre de la loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Compte tenu de cette explication, nous retirons notre sous-amendement.

M. le président. De toute façon, ce sous-amendement n’aurait pas été discuté pour les raisons que je vous ai indiquées.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, l’an dernier, M. Pélissard avait proposé un amendement visant à venir en aide aux associations qui assurent le recyclage des textiles. Vous avez d’ailleurs bien voulu m’inviter à participer au groupe de travail que vous avez mis en place pour examiner cette question. Où en est-on ? Un dispositif est-il prévu ? Quand sera-t-il mis en œuvre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous y avais invité car je n’aurais pas imaginé qu’un tel groupe puisse se tenir sans vous, compte tenu de votre implication personnelle depuis de nombreuses années sur ces questions qui dépassent les clivages politiques traditionnels. Il était donc normal de travailler sur ce dossier dans l’esprit républicain qui nous anime sur un certain nombre de sujets.

Une fois de plus, j’ai eu à cœur de tenir mes engagements et donc de réunir ce groupe de travail avec M. Pélissard et un certain nombre de professionnels. J’avais en effet déploré que cet amendement, venu promptement en séance l’année dernière, ait été adopté sans que la concertation ait été menée à son terme. Il y en avait au moins un qui n’avait pas été associé : le ministre du budget. Or c’était pour le moins grotesque s’agissant d’une disposition fiscale et parafiscale. Je ne suis même pas sûr que la commission des finances ait été totalement associée, mais, enfin, peu importe.(Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je parlais de moi ! (Sourires.) Vous savez combien je suis attentif à l’ensemble de vos travaux !

J’ai donc mobilisé ce groupe qui a très bien travaillé et élaboré un dispositif fort intéressant. M. Pélissard, remarquable président de l’Association des maires de France et parlementaire d’une grande sagesse, a repris cette proposition dans un amendement qui sera discuté dans le cadre de l’examen de la mission Ecologie. Je ne doute pas que vous adopterez cet amendement, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Merci pour ces explications.

M. le président. Je salue le talent des uns et des autres. Nous sommes en effet restés dix minutes sur un amendement qui n’a pas été défendu. (Sourires.)

Reprise de la discussion

M. le président. Nous pouvons maintenant en venir à l’amendement n° 19.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse le soin à M. Bouvard de présenter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Avec Pascal Terrasse, rapporteur du programme Tourisme de la mission Politique des territoires, nous avons déposé cet amendement, qui a été adopté par la commission. Il vise à compléter le dispositif existant en matière de TVA pour la réhabilitation de l’immobilier touristique.

Nous étions en effet confrontés à un problème pour les équipements de tourisme associatif, propriétés de collectivités territoriales, dans la mesure où, pour bénéficier des dispositions en vigueur, les locations devaient être consenties à l’exploitant dans le cadre d’un bail commercial. Or cela excluait automatiquement les structures de tourisme associatif.

Si vous acceptiez cet amendement, monsieur le ministre, nous aurions un dispositif complet pour réhabiliter l’immobiliser touristique, dont les enjeux sont considérables pour notre pays en matière de capacité d’accueil.

S’agissant en outre d’équipements portés par des collectivités territoriales et mis à disposition du tourisme associatif, les enjeux sont également sociaux puisque cela permettrait à nos concitoyens disposant des revenus les moins importants de pouvoir continuer à partir en vacances. L’affaire est plus que significative quand on sait qu’aujourd’hui, 40 % de Français n’ont pas les moyens d’aller en vacances.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bon amendement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Favorable et je lève le gage.

M. Patrice Martin-Lalande. Merci, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Jean-Claude Sandrier. Alors que la part des impôts directs dans les recettes de l'État est en France beaucoup plus faible que chez nos voisins, la part des impôts indirects est, elle, au-dessus de la moyenne des pays de l'Union européenne et représente plus du tiers des recettes fiscales.

La taxe sur la valeur ajoutée reste ainsi la principale recette fiscale de l'État, conformément à la vision libérale qui en soutient l'opportunité dans nombre de pays. On l'a vu en Allemagne récemment avec l'annonce d'une hausse de trois points de la TVA.

Ors la TVA représente le type même de l'impôt injuste car il pèse plus lourdement sur le budget des ménages modestes que sur celui des ménages aisés.

À mesure que les revenus augmentent, la part consacrée à la consommation rapportée au revenu global diminue, tandis que celle destinée à l’épargne, à l’investissement et à la spéculation augmente.

Nous sommes favorables à une réforme de l’impôt sur le revenu pour lui redonner son caractère progressif et redistributif, mais nous sommes également favorables à une baisse de la TVA. Ce serait une mesure de justice fiscale et un levier déterminant pour relancer la consommation et augmenter le pouvoir d’achat des ménages.

Notre amendement a une portée modeste, car il ne vise qu’à revenir au taux normal de la TVA antérieur à l’augmentation décidée par le gouvernement Juppé en 1995.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cher collègue, comment pouvez-vous affirmer que votre amendement a une portée modeste, alors qu’il coûterait tout de même 7 milliards d’euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, notre avis ne peut qu’être défavorable.

M. le président. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour défendre l’amendement n° 24 rectifié.

M. Thierry Mariani. Cet amendement, que nous avons déjà déposé à plusieurs reprises avec les membres du groupe d’études sur la restauration…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Est un amendement modeste !

M. Thierry Mariani. …a pour objet de relancer le débat sur le taux réduit de TVA dans la restauration. Il est vrai que l’actualité de ces derniers jours a bouleversé la donne : nous sommes aujourd’hui dans le flou juridique en ce qui concerne le temps de travail dans ce secteur. La situation est ubuesque.

M. Didier Migaud. Le Gouvernement a trompé les restaurateurs et les hôteliers !

M. Thierry Mariani. Monsieur Migaud, c’est à cause d’une loi que vous nous avez fait voter que nous en sommes arrivés là. C’est hallucinant ! Alors que la plupart des syndicats étaient favorables à cet accord, ceux qui veulent travailler se trouvent aujourd’hui pénalisés. La gauche, sur cette question, devrait adopter un profil bas.

M. Didier Migaud. Mais qui gouverne aujourd’hui ?

M. Thierry Mariani. Comme l’a souligné le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, il est urgent d’asseoir les acteurs de l’hôtellerie et de la restauration autour d’une table de négociation…

M. Didier Migaud. Vous auriez dû le faire avant, en évitant la démagogie !

M. Thierry Mariani. …pour définir enfin, après les lois de Mme Aubry, un régime de travail qui permette aux salariés de gagner correctement leur vie, et aux hôteliers et restaurateurs d’exercer leur activité, compte tenu des contraintes horaires inhérentes à leur métier.

Je présente cet amendement, monsieur le ministre, pour que vous fassiez le point sur la situation, en rappelant tout de même que le taux réduit de TVA est une promesse que nous avons faite. Je salue les efforts du Gouvernement, qui a accordé de nombreuses aides au secteur de la restauration. Néanmoins les intéressés, comme les agriculteurs, préfèrent souvent travailler dans de bonnes conditions plutôt que recevoir des dizaines d’aides, accessibles aux entreprises les plus importantes mais qui rebutent, à cause des nombreux formulaires qu’il faut remplir, celui qui fait tourner son petit restaurant avec quelques employés.

Je dépose donc à nouveau cet amendement en vous demandant, monsieur le ministre, où nous en sommes sur ce dossier et s’il a des chances d’aboutir un jour.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, mais j’apprécie sans réserve l’argumentation de notre collègue Mariani.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je remercie M. Mariani du ton apaisé de son intervention. Je garde le souvenir ému d’une nuit passionnée – et passionnelle – l’an dernier, sur cette question de la TVA dans la restauration. J’avais alors bon espoir de remporter cette négociation à Bruxelles. Il s’en est fallu de peu.

M. Patrice Martin-Lalande. Une voix !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est effectivement à une voix près que nous avons perdu.

M. Patrice Martin-Lalande. Merci à ceux qui ont fait voter non au référendum !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Vous savez que j’étais moi-même très favorable à cette mesure. Nous n’avons pas réussi, mais il faut faire preuve d’humilité : il y a des jours où l’on gagne, des jours où l’on perd.

Sachez que notre détermination reste entière. Nous évoquons régulièrement le sujet, qu’il s’agisse de Thierry Breton, au sein du conseil Écofin, du Président de la République ou du Premier ministre. Le combat continue ; nous ne devons pas relâcher la garde.

En attendant, un certain nombre de mesures ont été prises, notamment des allégements de charges sociales, qui, sans résoudre le problème, sont de nature à apaiser les esprits.

Le groupe UMP a annoncé le dépôt d’un amendement relatif à l’accord de 2004 sur les 39 heures dans l’hôtellerie et la restauration. Il s’agit d’une question complexe, dont les enjeux sont considérables. Le Gouvernement se mobilise lui aussi en faveur de ce secteur. J’ai, par exemple, engagé, la semaine dernière, avec l’appui de votre collègue Richard Mallié, en mission auprès de moi et qui connaît très bien ces questions, des discussions avec le président de la Confédération des débitants de tabac, et j’espère que nous aboutirons à un nouveau contrat d’avenir d’ici à la fin de l’année. Nous examinerons tout à l’heure un amendement relatif à la vente des jeux dans ces établissements et tendant à réduire de façon drastique la taxe. Cette disposition leur apportera sans nul doute une aide complémentaire, même si c’est loin d’être la seule manière de résoudre le problème.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La vraie question que pose cet amendement est la suivante : que va faire le Gouvernement à la suite de l’annulation de la convention collective ? Je rappelle que celle-ci est rétroactive : les entreprises du secteur devront donc payer à leurs salariés la différence avec ce qui était prévu par la convention collective, et cela à compter du 1er janvier 2005.

Avez-vous une idée, monsieur le ministre, du coût de l’annulation de la convention collective ? Le Gouvernement souhaite-t-il que nous légiférions sur cette question ?

M. Philippe Auberger. Pas dans le projet de loi de finances !

M. Charles de Courson. Notre collègue Thierry Mariani ne se fait aucune illusion sur le sort de son amendement, mais il veut savoir ce qui va se passer maintenant. Sur cette question délicate, monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale ?

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je fais miennes les questions de M. de Courson. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur la question de la TVA dans la restauration, mais je tiens à rappeler combien nous avons déploré l’hypocrisie de l’engagement qui avait été pris : le Premier ministre de l’époque – comme le Gouvernement dans son ensemble et l’UMP – savait parfaitement qu’il aurait beaucoup de mal à obtenir satisfaction. D’ailleurs, monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que cela ne se soit joué qu’à une voix…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si !

M. Didier Migaud.… car on connaît l’opposition de certains pays à cette disposition. Il est vrai qu’à vingt-cinq, il est très difficile d’obtenir l’unanimité en matière fiscale.

Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration rencontre de réelles difficultés, mais il a été victime de beaucoup de mensonges et d’aventures. Il est donc urgent que les uns et les autres puissent se retrouver autour d’une table pour examiner ce qui peut être fait dans le respect des législations européenne et française. Rien ne sert en effet de faire adopter des dispositifs dont on sait parfaitement qu’ils ne sont conformes ni à la réglementation européenne ni à la législation française.

Nous en avons eu une fois de plus la démonstration avec l’échec de la négociation à Bruxelles et avec la décision du Conseil d’État, qui ne fait que vous rappeler la loi et vous met devant vos contradictions : vous invoquez sans cesse les 35 heures, mais vous êtes au Gouvernement depuis cinq ans maintenant et si cette disposition ne vous convient pas, rien ne vous empêche de proposer son abrogation au Parlement. C’est une question de responsabilité politique.

M. Philippe Auberger. Est-ce que vous la voteriez ?

M. Didier Migaud. Bien évidemment non ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. Alors cessez de donner des consignes au Gouvernement !

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, soyez logique, prenez vos responsabilités et proposez des solutions crédibles pour sortir de la crise. Comme l’a souligné Charles de Courson, la décision du Conseil d’État, rétroactive, est lourde de conséquences. Nous appelons de nos vœux une réunion de l’ensemble des partenaires concernés.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Compte tenu de la récente actualité, je vais retirer mon amendement.

Je tiens cependant à indiquer à M. de Courson et à M. Migaud qu’il ne s’agissait pas d’une aventure, mais d’un accord signé par la majorité des syndicats professionnels et des organisations patronales, un accord "gagnant-gagnant", puisque l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie avait accepté d’octroyer, à l’initiative du président Daguin, une sixième semaine de congés aux salariés de l’hôtellerie et de la restauration. Si la CFDT n’avait pas contesté l’accord, ceux-ci auraient été gagnants. Ils auraient apprécié une sixième semaine de congés car, dans ces métiers, les gens veulent travailler plus lorsqu’ils sont jeunes avant d’investir leur capital dans une affaire et devenir à leur tour employeurs.

Avec cette décision de justice – que nous respectons – c’est l’ascenseur social qui est cassé, et les salariés qui sont perdants.

En tant que parlementaire du Vaucluse et de président du groupe d’études sur l’hôtellerie et la restauration, et pour avoir rencontré les responsables syndicaux encore hier soir, j’insiste pour que le Gouvernement prenne l’initiative et pour que la loi revienne sur la situation créée par cette décision de justice. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La restauration est une profession particulière, qui a des obligations spécifiques et un personnel volontaire. La convention, avec cette sixième semaine de congés, était un accord intéressant pour tout le monde.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. Charles de Courson. C’était un accord !

M. Thierry Mariani. Avec cette décision de justice, tout le monde y perd !

M. le président. L’amendement n° 24 rectifié est retiré.

Bien que le règlement ne le permette pas, l’amendement étant retiré, je vais donner la parole à M. Giscard d’Estaing et à M. de Courson.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je veux dire à Didier Migaud que cette décision est une illustration typique des conséquences des lois Aubry et de la façon dont vous avez voulu appliquer à l’ensemble des secteurs économiques…

M. Philippe Auberger. Sans concertation !

M. Louis Giscard d'Estaing. ...sans concertation ni négociation entre les partenaires sociaux, des dispositifs dont les conséquences sont dramatiques, en particulier dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration, dans un pays touristique comme le nôtre.

M. Didier Migaud. Qu’avez-vous fait depuis quatre ans ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Ce que vient de dire Thierry Mariani est tout à fait exact. Il y a eu une négociation entre les partenaires sociaux. Nous sommes nombreux à souhaiter qu’ils prennent leurs responsabilités et que chacun reste dans son rôle – eux déminant le terrain qui fut, en son temps, miné par le législateur –…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai !

M. Louis Giscard d'Estaing. …afin d’éviter d’avoir à nous saisir des conséquences de l’application d’un accord. Cependant, puisque c’est une décision du Conseil d’État qui a créé cette situation, il nous reste à revenir dans cet hémicycle pour redonner un cadre juridique à cet accord.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’approuve totalement les propos qui viennent d’être tenus, mais je voudrais connaître la position du Gouvernement. Envisage-t-il de donner force, par la loi, à l’accord négocié entre partenaires sociaux ? Nous sommes plusieurs à nous poser la question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À ma grande confusion, je ne suis absolument pas en situation de vous répondre. La décision est trop récente, et je n’ai pas d’information particulière puisque je suis resté avec vous tout l’après-midi. Je vous propose donc de différer la suite de ce débat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le PLFSS, qui vient en discussion la semaine prochaine, ou un projet de loi de finances rectificative seront l’occasion d’aborder cette question. En effet, le risque de désorganisation est grand, et le pouvoir d’achat des salariés ne serait pas forcément gagnant. Il est donc normal qu’un débat ait lieu, mais l’Assemblée peut parfaitement en prendre l’initiative.

M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 24 rectifié a été retiré.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 100.

M. Jean-Claude Sandrier. Permettez-moi de revenir brièvement sur l’amendement n° 93.

En qualifiant de modeste notre proposition de réduction de la TVA, je m’attendais à des réactions. Pourtant, je persiste et je signe. Cette baisse ne représenterait en effet qu’un tiers des allégements fiscaux décidés depuis 2002, ou un tiers des profits engrangés par la société Total en dix-huit mois. Au regard de ces sommes, vous voyez bien que notre amendement était de portée modeste.

Quant à la réduction de la TVA sur les dépenses funéraires que nous proposons à travers l’amendement n° 100, elle nous semble relever de la simple justice. Je rappelle en effet que ces dépenses sont en grande partie obligatoires. De plus, en application de la sixième directive du Conseil de l’Union européenne du 17 mai 1977, la plupart des pays membres de l’Union européenne n’appliquent pas de TVA sur le funéraire ou appliquent un taux réduit. La situation française constitue donc une anomalie. Elle est même moralement choquante : est-il souhaitable que l’État puisse engranger quelque 145 millions d’euros par an au titre de dépenses obligatoires acquittées dans un contexte douloureux pour les familles ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je reconnais le bien-fondé de ces arguments, monsieur Sandrier, mais nous avons fait, il y a trois ans, le choix de porter à 1 500 euros l’abattement sur l’actif successoral. Après une telle augmentation, la modification du régime de TVA ne s’impose pas. Avis défavorable.

M. Jean-Claude Sandrier. Et s’il n’y a pas succession ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l’amendement n° 94.

M. Jean-Claude Sandrier. Comme le rappelle l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, les émissions de certains gaz polluants liés aux activités humaines ont intensifié, depuis deux siècles, le phénomène naturel de l’effet de serre, et conduit à un réchauffement de la température sur terre. Ce phénomène risque d’avoir d’importantes conséquences sur le climat et les écosystèmes de la planète. Le changement climatique est aujourd’hui un fait avéré. La lutte pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre passe par la diminution de nos consommations et par l’utilisation d’énergies locales et renouvelables. C’est pourquoi il est indispensable de prendre en compte les énergies renouvelables dans toute leur diversité et de les utiliser chacune en fonction de ses caractéristiques et de ses qualités spécifiques. La communauté internationale s’est donc mobilisée pour limiter les concentrations dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, avec pour objectif de diviser les émissions par deux avant 2050.

C’est dans ce contexte qu’en 2003, le Gouvernement français a annoncé qu’il retenait, sur la même période, un objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. Afin de lui permettre de passer des paroles aux actes, notre amendement vise à appliquer le taux réduit de TVA, soit 5,5 %, aux opérations d’achat, d’importation, d’acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon de matériels permettant de produire de l’énergie renouvelable.

Le développement des énergies et des matières renouvelables ne répond pas seulement à un enjeu environnemental. Leur apport à la diversification et à la sécurité d’approvisionnement en énergie et en matières premières, les enjeux industriels qui s’y rattachent et la création d’emploi qu’elles impliquent en font un facteur central de développement durable, notamment au niveau de ce que l’on peut appeler des « territoires durables ». L’adoption de notre amendement permettrait de faire un pas significatif dans cette direction.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, incompatible avec la réglementation européenne.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 95.

M. Jean-Claude Sandrier. Le taux de la TVA applicable aux abonnements annuels des particuliers aux services de gaz et d’électricité a été ramené à 5,5 % par la loi de finances pour 1999. Nous proposons d’étendre cette mesure aux livraisons d’énergie calorifique distribuées par réseaux publics.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, non parce qu’il est mauvais ni parce qu’il serait incompatible avec la réglementation européenne – ce n’est pas le cas, et nous étions d’ailleurs nombreux, depuis plusieurs années, à réclamer pareille mesure –, mais parce qu’il est satisfait par l’article 76 de la loi portant engagement national pour le logement, grâce auquel la TVA applicable aux réseaux de chaleur a été enfin réduite. Je vous invite donc, mon cher collègue, à retirer l’amendement.

M. Jean-Claude Sandrier. Puisqu’il est satisfait, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 95 est retiré.

Nous en venons donc à l’amendement n° 91.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le défendre.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous avions déjà proposé l’an dernier cette mesure de bon sens et de cohérence politique : étendre aux établissements chargés de l’accueil des personnes malades, handicapées ou dépendantes le bénéfice du taux réduit de TVA applicable aux travaux d’amélioration, de transformation et d’entretien des habitations. Cela est particulièrement important pour les hôpitaux, dont le déficit budgétaire global, estimé autour d’un milliard d’euro, constitue un lourd handicap lorsqu’il s’agit d’entreprendre les travaux de rénovation ou de mise en conformité indispensables à l’amélioration ou à l’optimisation du service.

Les mêmes observations valent pour les établissements en charge de l’accueil et de l’hébergement des personnes dépendantes ou handicapées, notamment les personnes âgées. Notre amendement est le complément naturel des mesures prises par le Gouvernement en faveur de ces catégories. Je pense en particulier au plan vieillissement mis en place après la canicule de 2003, mais aussi à la loi handicap de février dernier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je comprends tout à fait l’objectif de cet amendement, mais à nouveau, il n’est pas compatible avec la réglementation européenne, laquelle n’autorise le passage au taux réduit de TVA que pour les travaux effectués dans les logements privés et non dans les établissements publics.

M. le président. Le Gouvernement a également un avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 et 26.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Martin-Lalande étant à l’origine de ces amendements, je lui cède la parole, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. En commission, j’avais retiré mon amendement, à la demande du rapporteur, mais il avait été repris par M. Emmanuelli et finalement adopté.

Les publications de presse sur support électronique sont actuellement taxées au taux normal de 19,6 %, alors que les journaux imprimés bénéficient d’un taux super-réduit de 2,1 %. Or la presse écrite, pour assurer son équilibre économique, a de plus en plus besoin d’être présente sur Internet. Il faut favoriser cette indispensable diversification, car les supports électroniques pourraient devenir dominants dans les années à venir, dans la mesure où ils permettent une plus grande diffusion des informations.

Par ailleurs, compte tenu de la masse d’informations disponibles sur Internet, chacun pouvant proposer la sienne, nous avons intérêt à renforcer la présence d’une information authentifiée, contrôlée, analysée et mise en perspective. Une présence renforcée de la presse sur Internet permettra de bénéficier plus largement d’un service conforme aux normes professionnelles du journalisme.

Enfin, le principe de neutralité technologique impose d’appliquer un même taux quel que soit le support. Nous savons que le Gouvernement travaille en ce sens, mais nous souhaitions marquer notre préoccupation afin que les choses avancent à l’échelon communautaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme vous le savez, monsieur le député, le Premier ministre s’était engagé à effectuer des démarches auprès de la Commission européenne afin que cette question soit examinée. C’est ce qui a été entrepris dès le 7 juin au conseil Ecofin. Une demande écrite a été déposée le 15 septembre auprès des commissaires européens chargés de la fiscalité et de l’Union douanière, du marché intérieur, des services, de la société de l’information et des médias. Elle fera l’objet d’un nouvel examen lors du conseil de novembre.

Le Gouvernement est donc très engagé. C’est pourquoi, tout en partageant votre souhait de voir appliquer le taux réduit de TVA à la presse en ligne, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

M. le président. Monsieur Martin-Lalande, accédez-vous à cette demande ?

M. Patrice Martin-Lalande. Je le retire, en souhaitant que nous puissions l’adopter en loi de finances rectificative, de façon à réduire cet écart le plus rapidement possible.

M. le président. L’amendement n° 26 est retiré. Est-ce également le cas de l’amendement n° 20, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui.

M. le président. L’amendement n° 20 est retiré.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. L’amendement de la commission ne peut être retiré sans l’assentiment de ceux qui s’y sont associés, en particulier de notre collègue Henri Emmanuelli.

Je remercie M. Martin-Lalande de son initiative. L’amendement a été adopté à l’unanimité en commission, car il est très important de faire bénéficier la presse en ligne du taux réduit de TVA. Une harmonisation est indispensable, et cela ne devrait pas poser de problème vis-à-vis de l’Union européenne. J’espère qu’elle sera effective avant la fin de l’année. Dans l’immédiat, je m’associe à mes collègues pour retirer l’amendement.

M. le président. Nous pouvons donc en venir à l’amendement n° 235.

La parole est à M. le rapporteur général pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Mallié, qui ne peut être parmi nous cet après-midi, m’a demandé de défendre à sa place son excellent amendement.

Nous connaissons tous les jeux installés dans les bars-tabac – baby-foot, flipper, fléchettes, etc. – et nous les pratiquons souvent. Malheureusement, ils sont en voie de disparition : leur nombre a été réduit de moitié depuis quinze ans. Ils supportent en effet un droit, perçu au bénéfice des communes, qui peut atteindre un montant élevé. L’amendement de notre collègue, élaboré dans le cadre du travail qu’il a conduit à la demande du ministre auprès des exploitants de brasseries et de bureaux de tabac, propose de fixer le tarif à seulement cinq euros.

Je veux tout de suite rassurer notre collègue Augustin Bonrepaux, toujours vigilant s’agissant des finances locales : la compensation sera opérée à l’euro près – pour reprendre une expression chère au ministre –, …

M. Charles de Courson. Et même plus qu’à l’euro près !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …ce qui se révèlera une opération plutôt bonne spour les communes, dans la mesure où cette recette était en chute libre. Dans sa grande générosité, l’État stoppe cette chute en se fondant sur les droits actuellement perçus, ce qui assurera aux communes une ressource sûre de 9 millions d’euros.

M. Philippe Auberger. C’est Noël !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’espère que le ministre confirmera cette présentation de l’amendement de M. Mallié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cet amendement très sympathique est aussi un amendement gagnant-gagnant. En effet environ 40 000 jeux – flippers, babyfoot, jeux de fléchettes –, sont dans les entrepôts, car les gérants de bars-tabac ont préféré les rendre que de payer une taxe très élevée. On peut donc raisonnablement penser qu’une taxe à 5 euros permettra leur retour dans les bars-tabac.

Pour donner un ordre de grandeur – je sais que M. Bonrepaux est un expert en la matière –, on comptait quelque 250 000 machines dans les bars-tabac en 1999, contre 125 000 aujourd’hui. Les recettes des communes se sont ainsi effondrées. Je vous confirme donc que l’État compensera à l’euro près la recette correspondante de 2006, qui s’élève à environ 9,7 millions. Les communes seront, de ce fait, gagnantes.

M. Augustin Bonrepaux. Espérons qu’il fera de même pour les articles 13 et 14 !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le problème, c’est que lorsque l’on donne le doigt, M. Bonrepaux nous demande la main, puis le bras !

M. Philippe Auberger. Quelle voracité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’État pourra également espérer de nouvelles recettes de TVA tout à fait significatives.

Enfin, selon la confédération des professionnels de ce secteur, les entreprises concernées seront sauvées et des emplois, non seulement préservés, mais créés. Cette opération sympathique va dans le sens souhaité : une société conviviale dans les quartiers sensibles, les zones rurales, les centres villes. Bref, c’est un bout d’excellence française au détour d’un amendement de grande qualité présenté par Richard Mallié.

M. Philippe Auberger. La France est championne du monde de babyfoot !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument ! Les Français sont, en matière de billard, de babyfoot et de flipper, dans l’excellence mondiale. C’est pourquoi je parle d’excellence française.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler.

Bien entendu, je lève le gage.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, va-t-on assez loin ? En effet, si l’on taxe les 20 000 machines à 5 euros, cela représente 100 000 euros. Est-il raisonnable de maintenir un impôt dont le recouvrement sera supérieur au produit ? Ne serait-il pas de meilleure gestion d’exonérer ces jeux ?

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je soutiens, bien sûr, cet excellent amendement.

À une époque, je déposais chaque année un amendement tendant à autoriser les machines à sous dans les bars.

M. Philippe Auberger. On s’en souvient !

M. Thierry Mariani. Lorsque l’Europe comptait quinze pays membres, nous étions le seul pays à interdire les machines à sous. En effet, nos voisins espagnols, anglais, hollandais autorisaient les bandits manchots. Tout le monde y gagnerait dans notre pays : les communes percevraient plus de taxes, l’État percevrait davantage de recettes et une activité serait maintenue dans les cafés, notamment grâce aux flippers. Je n’ai pas redéposé cet amendement cette année. Peut-être aurais-je eu plus de succès que par le passé. Je salue votre audace quant aux flippers et autre jeux, mais peut-être pourrait-on, dans les années à venir, nous aligner sur nos quatorze anciens partenaires européens. On m’a expliqué pendant des années que ces jeux étaient immoraux. Pourquoi le seraient-ils plus dans les cafés que dans les casinos ? Cette excellente mesure permettrait à tous les cafés de nos zones rurales de percevoir quelques recettes supplémentaires. Les organisations syndicales professionnelles soutiennent à 100 % cette demande.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On peut l’espérer !

M. Philippe Auberger. Il ne manquerait plus que ça !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur de Courson, si nous avons maintenu la taxe à 5 euros, c’est parce que cela contraint à des obligations déclaratives. L’activité de jeux en France est, en effet, réglementée. Maintenir un tel encadrement nécessite l’existence de cette taxe minimale. C’est la raison pour laquelle nous sommes entrés dans ce processus. Cela dit, rien n’empêche d’envisager un système différent à l’avenir. Dans l’immédiat, je souhaite que l’on puisse préserver ce lien, cette petite taxe est donc symbolique pour maintenir l’obligation déclarative.

Monsieur Mariani, votre question est importante et elle nous renvoie à un autre dossier très sensible : celui des jeux d’argent. Ce problème était au cœur d’une communication sur l’encadrement des jeux que M. Sarkozy et moi avons faite devant le conseil des ministres de mercredi dernier.

En France, l’activité de jeux d’argent, qui ne produit, j’en conviens, que des gains limités, n’est pas une activité économique comme les autres. Elle n’est pas prohibée, mais elle est réglementée. Le ministère de l’intérieur et le ministère du budget ne souhaitent pas l’encourager dans d’autres enceintes que les casinos, car ils entendent lutter contre un grave problème de santé publique : l’addiction au jeu. En effet, nous avons constaté des dérives absolument considérables dans tous les pays où il n’existe pas de réglementation. La Nouvelle-Zélande, par exemple, est revenue en arrière et réglemente aujourd’hui plus strictement cette activité. Notre logique actuelle est donc de contingenter l’offre en la matière et de la limiter aux casinos.

Je le répète, nous sommes guidés par un impératif d’intérêt général : la lutte contre l’addiction au jeu et non par la préservation de je ne sais quelle cagnotte fiscale. Si nous voulions gagner beaucoup d’argent, il suffirait, comme vous le dites, de développer ces jeux. Je m’empresse de dire qu’il n’y a dans mon propos aucun aspect moral parce que tel n’est pas le véritable sujet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)