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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 3 novembre 2006

33e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

recherche et enseignement supérieur

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur.

La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la recherche.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la recherche. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 est le premier à intervenir après le vote de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Il met en œuvre les engagements du Gouvernement, tant en termes financiers qu'en termes de créations de postes.

La dotation de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, progresse de 2,58 % à structure constante, alors même que le budget de l'État diminue en volume, ce dont on se félicite. Pour l'ensemble de la mission, les crédits inscrits pour 2007 atteignent 21,3 milliards d'euros. Mais alors que le projet de loi de finances pour 2007 est le dernier de la législature, il est surtout intéressant de se demander ce qui est fondamentalement en train de changer dans le domaine de la recherche en France.

Nous sommes au début d'un véritable changement de logique, d'une petite révolution culturelle. À cet égard, le projet de loi de finances comporte des plus et des moins, dont il faut parler en toute transparence.

Trop longtemps la recherche a été étouffée, cloisonnée, repliée sur elle-même. Désormais, nous adoptons une logique de décloisonnement : nous « ouvrons les fenêtres », en encourageant les universités, les entreprises et les laboratoires à travailler ensemble, grâce aux pôles de compétitivité, aux réseaux thématiques de recherche avancée, aux PRES, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, au crédit d’impôt recherche, et aux fondations.

M. Pierre Cohen. Tout cela existe depuis longtemps !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. C’est là un plus qu’il faut souligner.

Nous reconnaissons les vertus de la compétition et de l'excellence – voie sur laquelle nous nous engageons sans excès, néanmoins. Nous passons ainsi à une stratégie dynamique dans laquelle nous finançons des projets plutôt que des structures, grâce aux agences de moyens – OSEO-ANVAR, Agence nationale pour la recherche, Agence pour l'innovation industrielle –, qui sélectionnent des projets mis en concurrence. Notons les 235 millions supplémentaires prévus cette année pour l'ANR et les 45 millions pour OSEO-ANVAR.

Nous abordons également la question de l'évaluation, avec pour objectif clair d'obtenir plus de transparence et d'ouverture, avec une évaluation menée par des personnalités extérieures et indépendantes.

Nous prenons conscience de l'importance de développer la recherche privée. Les montants consacrés au crédit d’impôt recherche ont été multipliés par deux entre 2003 et 2006. C’est une très bonne mesure, et ceux qui connaissent concrètement le problème en entreprise apprécieront. Ces crédits doivent atteindre 900 millions d'euros en 2007. Le nombre de fondations privées a également été multiplié par deux depuis 2002, puisqu’on est passé d’une trentaine à une soixantaine. Le statut de jeune entreprise innovante est de l'avis des acteurs un franc succès. Il faut souligner ce qui va bien pour pouvoir critiquer ce qui va mal, monsieur le ministre.

Nous sommes seulement au tout début du combat pour combler le fossé qui nous sépare des pays leaders, en termes d'efficacité et d'investissement global dans la recherche. C’est le seul critère qui vaille. On peut toujours dire qu’on est les plus beaux, les plus grands, les plus forts, si l’on n’est pas capables de se référencer par rapport à ce qui marche, cela restera du discours incantatoire émanant de personnes ayant peu à voir avec la productivité réelle au niveau international.

Par rapport aux pays leaders, disons-le franchement, nous souffrons en particulier de deux handicaps que certains, ici, ne cessent de dénoncer : une culture administrative archaïque qui empêche notre pays de décoller et qui paralyse encore trop nos organismes publics, et un manque de recherche et développement dans nos PME.

Premier point : la culture administrative. Il va bien falloir un jour choisir entre une France qui travaille, qui investit, qui innove, qui prend des initiatives, et une France dépassée, fruit de cette culture administrative dont nous ne voulons plus en termes de management.

M. Pierre Cohen. Quelle honte !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Chez les dirigeants d'organismes publics, et je peux en parler car j’ai fait la tournée des popotes, c'est un cri du cœur : « Laissez-nous de la liberté pour gérer nos ressources humaines ! »

M. Pierre Cohen. On ne vous a pas attendu pour travailler !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Je suis un ancien fonctionnaire et je n’ai pas de leçon à recevoir de vous ! Allez donc créer une entreprise et des emplois marchands ! Vous serez alors beaucoup plus crédible ! J’ai même déposé des brevets, ce que vous n’avez pas fait…

M. Pierre Cohen. Vous n’avez rien fait en cinq ans ! Arrêtez un peu !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Et vous, vous ne savez que tchatcher !

M. Pierre Cohen. Vos propos sont honteux !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Les labos doivent pouvoir embaucher des chercheurs de qualité, parfois de niveau mondial, en leur offrant des contrats attractifs plutôt que des postes statutaires dont ils ne veulent pas et qui n'ont aucun sens pour eux. Il n’y a qu’en France qu’on pense motiver quelqu’un en lui donnant un poste de fonctionnaire ! Les organismes publics doivent pouvoir mettre en place une rémunération au mérite aujourd'hui inexistante. À cet égard, monsieur le ministre, nous regrettons que les crédits destinés à améliorer les rémunérations ne s’élèvent qu’à un peu plus de 4 millions. Les organismes publics doivent pouvoir embaucher plus facilement des managers venus du secteur privé pour occuper des postes de gestion.

Tous les ans sont organisés en Grande-Bretagne des salons où les universités prestigieuses viennent « faire leur marché » en rencontrant de jeunes doctorants pour les convaincre de les rejoindre. Mais qui dit marché, dit aussi « prix de marché ». Je sais que je viens d’employer là deux mots tabous car certains, ici, notamment chez nos amis socialistes, cultivent le combat anti-logique de marché, anti-libéral, et même anti-tout.

M. Pierre Cohen. Vous n’écoutez même pas ce qu’on dit !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Les universités et les labos français sont condamnés à subir car ils ne peuvent pas s'aligner sur les salaires offerts par les meilleures universités anglo-saxonnes. Combien de dirigeants ont déploré de ne pouvoir engager tel directeur de laboratoire faute de moyens, et, donc, de ne pouvoir atteindre le niveau de compétitivité requis !

Ce n'est pas en accordant aux chercheurs des postes statutaires que l'on peut obtenir les meilleurs résultats.

M. Pierre Cohen. Heureusement, ils ne pensent pas tous comme cela ! Ils n’ont pas en tête que les stock-options !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Mais je sais que nos amis socialistes pensent qu’il faut encore augmenter les dépenses publiques, les postes statutaires et procéder à des nationalisations…

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. Quelle langue de bois ! Quelle caricature !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Ce sont vos collègues socialistes européens qui vous caricaturent ! Allez donc les écouter, vous serez édifiés !

Du Japon jusqu'à la Chine communiste, tous les pays ont fait leur révolution en « défonctionnarisant » une partie de leurs chercheurs.

M. Pierre Cohen. C’est une obsession !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Autres victimes de notre culture administrative : les pôles de compétitivité. C’est une très bonne idée, qui fonctionne, mais, de l'avis unanime des acteurs, ils souffrent d'une trop grande complexité administrative et technique dans leur mise en place. Il faut impérativement écouter les acteurs pour que cette innovation essentielle ne se transforme pas en « usine à gaz » inopérante dans la pratique. À cet égard, je soutiendrai un amendement du Gouvernement visant à simplifier les exonérations sociales.

Il faut poursuivre également une vraie culture de valorisation de la recherche, en allant chercher directement dans les laboratoires les travaux qui peuvent avoir une application économique et civile.

M. Pierre Cohen. Vous voulez que les laboratoires cessent leur activité de recherche ! Il faut d’abord que les chercheurs puissent chercher !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Allez voir ce que vos collègues européens pensent de vos méthodes, monsieur Cohen ! Ils vous appellent les « ultra-socialistes » !

M. Pierre Cohen. Regardez les résultats depuis cinquante ans ! Ce sont plutôt les chefs d’entreprise qui ne sont pas à la hauteur !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. On le leur dira !

M. Pierre Cohen. C’est fait !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Je vais le leur répéter ! Comment vous, dont la classe politique échoue dans le monde entier, du fait de son archaïsme culturel, pouvez-vous vous permettre une telle critique ?

M. Pierre Cohen. Faites le bilan !

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, terminez votre exposé, et ne vous laissez pas interrompre !

M. Pierre Cohen. En matière de révolution culturelle, nous n’avons pas d’exemple à recevoir de vous, monsieur le rapporteur spécial !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Un seul exemple motive un amendement que je vais défendre : la sécurité, qui est la deuxième attente des Français après l'emploi, sachant que l’éducation, le logement, les transports et l’environnement occupent respectivement les troisième, quatrième, cinquième et sixième places. De nombreux laboratoires travaillent, parfois sans le savoir, sur des sujets qui peuvent avoir des implications directes en termes de sécurité civile, et qui permettraient d'améliorer l'efficacité de nos services de police et de secours. Je pense par exemple à la vidéo et à la robotique intelligente, à la fusion et au tracking multicapteurs, à la biométrie, à la détection de produits toxiques ou à la gestion des systèmes complexes. Il convient de faire le point sur la contribution du budget de la recherche à une véritable attente des Français. Tous ces sujets peuvent avoir une application technico-opérationnelle et, à terme, pourraient positionner la France en leader sur un marché mondial de la sécurité civile avec de larges débouchés.

Deuxième point crucial pour l'avenir de notre recherche : l'investissement dans la recherche des PME. Or ce point fait l’objet d’une petite critique, monsieur le ministre. En part de PIB, nous savons en effet que les entreprises françaises investissent moins que leurs consœurs américaines ou japonaises. Mais le plus inquiétant est que cet écart grandit au fil des années.

L'écart s'explique en France par la faible participation des entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, qui représentent seulement 11 % des dépenses de recherche. Avec le plan « gazelles », la création du statut de jeune entreprise innovante, le développement du crédit d’impôt recherche, le Gouvernement a incontestablement œuvré dans le bon sens. Pourtant, ces mesures oublient un acteur essentiel pour soutenir les entreprises innovantes : le business angel.

La société unipersonnelle d’investissement à risque, la SUIR, est un échec. Il faut le dire, et dire aussi comment nous allons corriger ce qui ne fonctionne pas. Nous sommes des décideurs, et non des séducteurs ou de beaux parleurs. Dans le monde marchand et la mondialisation, il n’y a pas de place pour Bambi !

M. Pierre Cohen., La jungle ! C’est donc cela votre vision du monde ?

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Ma question est la suivante : que fait-on pour corriger le dysfonctionnement des SUIR ?

La France doit encourager à tout prix les individus fortunés et compétents à investir dans les jeunes entreprises, et nous avons déposé un amendement en ce sens. Or nous ne comptons que 3 000 business angels dans notre pays, contre 50 000 en Grande-Bretagne et 500 000 aux États-Unis. Les business angels sont un outil très efficace pour encourager les entreprises privées à investir dans l’innovation et combler notre déficit en la matière, car nos entreprises dont le capital est situé entre 100 000 euros et 1 million d’euros manquent de financement pour se lancer dans des projets innovants.

Les Français investissent en moyenne cinq fois moins que les Britanniques dans l’innovation. Nous le savons, mais nous ne faisons rien d’autre que nous autocongratuler à longueur de journée – et ce n’est pas au gouvernement de droite que je m’adresse en particulier. Le résultat est que nous sommes cinq fois moins opérationnels que les Britanniques pour faire face à la mondialisation. Qu’attendons-nous pour réagir ?

Les incitations fiscales pour les particuliers sont ridicules par rapport à ce qui se pratique ailleurs, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où les plafonds sont dix fois plus élevés qu’en France. Cela n’a rien d’étonnant puisque les plafonds sont décidés à Bercy, où travaillent des gens qui sont, certes, très brillants intellectuellement, mais qui n’ont aucune connaissance de l’économie marchande, aucune culture du marché ! Quand le Gouvernement se décidera-t-il à placer dans les ministères des personnes ayant une réelle compétence en matière d’économie de marché ? Si nous n’en sommes pas capables, nous perdrons chaque année un peu plus face à nos concurrents. Faute de réalisme et d’audace, nous sommes condamnés à empiler des mesures et à multiplier les offices et les observatoires !

Une autre limite à l’innovation pour nos entreprises tient à la difficulté à déposer et à protéger notre intelligence et nos inventions au niveau européen. Je le répète ici, il est absolument nécessaire que la France ratifie enfin le protocole de Londres, signé en 2000. Même nos collègues socialistes l’ont compris – une fois n’est pas coutume ! La ratification de ce protocole permettrait d’abaisser de 30 à 40 % le coût du dépôt de brevets, ce qui représenterait de 10 à 15 millions d’euros pour nos laboratoires de recherche !

Je rappelle que 40 % de nos PME industrielles affirment renoncer à déposer un brevet pour des raisons de coût. Nous le savons, mais que faisons-nous depuis cinq ans ? Nous nous renvoyons le dossier, nous créons des commissions, mais nous ne décidons rien ! J’engage le Gouvernement à prendre une décision claire sur cette question. Depuis quinze ans, nous constatons sans rien faire une diminution de 50 % de la part des dépôts de brevets en français à l’Office européen des brevets. La ratification du protocole créerait un effet de levier pour l’ensemble de nos entreprises et de nos laboratoires.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, il vous faut conclure !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Cette ratification est réclamée par l’ensemble du monde de la recherche – Conseil supérieur de la propriété industrielle, CNRS, Académie des Sciences, Académie des technologies, Fédération nationale des associations françaises d’inventeurs – et par le monde de l’entreprise, tout aussi unanime – CGPE, MEDEF, Croissance Plus, France Biotech, chambres de commerces, etc.

Il faut aussi que l’État se serve davantage du levier efficace que constitue le crédit d’impôt recherche. Le CIR est une belle réussite, monsieur le ministre. Avec 1 euro de CIR, on génère 3 euros d’investissement. C’est bien, mais il faut aller plus loin.

Il faut rapprocher plus encore les organismes publics de recherche du monde des PME. Cela peut prendre plusieurs formes, à commencer par une prise de contact avec nos PME, par exemple en les invitant à visiter les laboratoires. Récemment, en Alsace, le CNRS a invité les entreprises à visiter ses laboratoires. Cela peut aussi prendre la forme d’un essaimage consistant à donner aux chercheurs les moyens de collaborer à un projet de création d’entreprise. C’est ce que fait remarquablement l’Institut français du pétrole, qui tire des revenus substantiels de cette politique. Une initiation systématique des chercheurs à l’entreprenariat et au capital investissement serait également bienvenue, de même qu’une valorisation, en termes de carrière et de rémunération, d’un passage des chercheurs publics dans le privé. Actuellement, seuls cinquante chercheurs du public, soit moins de 1 %, sont passés par le privé. Les allers et retours sont aujourd’hui inexistants. Il faut faire tomber les murs entre privé et public.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je vous demande instamment de conclure.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. En conclusion, nous avons connu au cours de cette législature un changement de cap essentiel pour la recherche. Monsieur le ministre, nous tenons à vous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient, cette année encore, de présenter les crédits des programmes « Enseignement supérieur et recherche universitaire » d’une part, « Vie étudiante » d’autre part, qui sont des composantes essentielles de la mission, alors qu’une réflexion a été engagée par le Gouvernement sur l’efficacité de notre système d’enseignement supérieur, notamment quant aux débouchés professionnels, et quelques mois après la remise des travaux que nous avons menés, Alain Claeys et moi-même, sur la gouvernance des universités dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances, à partir d’éléments émanant de la Cour des comptes.

Après vous avoir présenté les crédits, je reviendrai sur la gouvernance des universités.

Les crédits pour 2007 au titre des deux programmes s’élèvent à 12,51 milliards d’euros. À structure constante, ils augmentent de 3 %, ce qui représente un effort important de la nation dans une période de maîtrise de la dépense publique. Cet effort s’explique par les statistiques publiées par l’OCDE sur la dépense moyenne des grandes nations industrialisées en faveur de leur enseignement supérieur.

Plusieurs transferts sont prévus pour corriger des erreurs d’imputation dues aux hésitations d’une première année d’application de la LOLF. C’est ainsi que les allocations de recherche, qui représentent un transfert important de 305 millions d’euros et 12 000 équivalents temps plein travaillé, passent du programme « Orientation et pilotage de la recherche » au programme « Formations supérieures et recherche universitaire ». Malheureusement, parmi ces transferts, ne figurent pas les moyens de la direction des enseignements supérieurs, toujours inclus dans la mission « Enseignement scolaire ». Pour la commission des finances, il n’est pas acceptable, en l’absence de comptabilité analytique, que la direction des enseignements supérieurs, structure de pilotage du programme, ne soit pas incluse dans la mission dont relève le programme lui-même. Cela n’existe pas ailleurs dans la LOLF, à laquelle je vous sais attaché, monsieur le ministre, pour avoir participé à nos travaux lorsque vous étiez membre de notre commission.

À structure constante, les crédits du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » augmentent de 2,82 %, pour atteindre 10,664 milliards d’euros, tandis que ceux du programme « Vie étudiante », qui augmentent de 4,31 %, s’élèvent à 1,847 milliard d’euros.

Les moyens humains font l’objet d’une attention particulière, puisque 1 000 emplois supplémentaires sont prévus : 450 emplois d’enseignants-chercheurs et 550 de personnels non enseignants.

La répartition des emplois de personnels enseignants sera réalisée selon quatre objectifs : conforter la puissance scientifique de l’enseignement supérieur, promouvoir les logiques de sites et le rapprochement des établissements d’enseignement supérieur, notamment dans le cadre des PRES, améliorer la maîtrise de la gestion prévisionnelle de l’emploi scientifique et favoriser l’insertion professionnelle.

Les 550 emplois de personnels non enseignants devraient se répartir entre 50 personnels d’encadrement et 500 personnels IATOS. La politique de requalification des emplois sera poursuivie en 2007. Je rappelle qu’elle nous a permis, depuis 1997, de faire passer les emplois de catégorie A de 20 à 25 % et ceux de catégorie B de 20 à 23 %. Je salue cette avancée, qui va dans le sens des travaux que nous avons menés avec Alain Claeys sur le déficit d’encadrement administratif dont sont victimes les universités.

Les mesures en faveur de l’amélioration des perspectives de carrière des personnels de l’enseignement supérieur atteignent un montant total de 12,77 millions d’euros. Il s’agit d’assurer le financement du plan d’amélioration des carrières contenu dans l’accord salarial conclu avec le ministre de la fonction publique, ce qui représente un coût de 4,89 millions d’euros, ainsi que le respect des engagements pris dans le pacte pour la recherche, qui s’élèvent à 7,88 millions d’euros. En outre, 690 000 euros supplémentaires sont destinés au recrutement de 500 nouveaux moniteurs à la prochaine rentrée. Par ailleurs, les allocations de recherche seront revalorisées à hauteur de 8 % le 1er février prochain, ce qui portera leur montant à 1 530,77 euros.

Quant aux crédits de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur, ils devraient à structure constante progresser de 21,62 millions d’euros, pour atteindre 1,317 milliard d’euros. Par ailleurs, 41 millions d’euros serviront à financer les charges qu’assument désormais les établissements d’enseignement supérieur – cotisations patronales sur les cours complémentaires, allocations de retour à l’emploi des agents non titulaires, etc.

Les moyens consacrés aux bibliothèques devraient augmenter de 1 million d’euros, notamment pour que leurs horaires d’ouverture soient mieux adaptés aux besoins. La Cour des comptes en avait, à l’époque, souligné la nécessité. Je note au passage, monsieur le ministre, qu’un certain nombre de bibliothèques universitaires existantes ne sont toujours pas prises en compte dans les statistiques permettant de déterminer les emplois. C’est le cas de celle d’Annecy-le-Vieux.

Par ailleurs, 1,31 million d’euros supplémentaires sont prévus pour l’enseignement supérieur privé, ce qui semble bien mince au regard des objectifs affichés et des travaux qui ont été conduits, notamment par notre collègue Jérôme Chartier. Selon le ministère, ces moyens devraient permettre de poursuivre la politique de rééquilibrage entre les fédérations et les établissements non affiliés, de consolider la contractualisation amorcée avec les établissements privés à partir de 1999, et, le cas échéant, de permettre l’entrée de nouveaux établissements dans le dispositif financier. Or la fédération regroupant les écoles affirme que cet effort de l’État ne suffira pas pour permettre l’entrée des nouveaux établissements dans le dispositif et assurer dans le même temps le rattrapage nécessaire par rapport à l’inflation. Un amendement, adopté en commission des finances, porte l’effort de l’État à 2 millions d’euros, mais il faudra sans doute aller plus loin. Nous n’avons pu aller jusqu’à 4 millions d’euros, car cela aurait entamé les crédits du programme « Vie étudiante ». Nous en rediscuterons tout à l’heure.

J’en viens aux dépenses immobilières. Celles-ci bénéficient d’un effort soutenu et doivent permettre de commencer à mettre en œuvre les nouveaux contrats de projets État-régions 2007-2013 : à structure constante, les crédits de paiement progressent de 63 millions d’euros, pour atteindre 603 millions d’euros. Ils permettront de poursuivre les chantiers de construction commencés en application des contrats de plan État-régions 2000-2006 et, éventuellement, d’ouvrir de nouvelles opérations : 229 millions d’euros sont prévus à cet effet. Le solde des crédits de paiement à ouvrir en 2008 pour couvrir les CPER 2000-2006 devrait alors s’élever à 280 millions d’euros.

Le montant des autorisations d’engagement ouvertes pour 2007 au titre des prochains CPER s’élève à 143,47 millions d’euros. Ces moyens seront complétés à partir des produits de cessions immobilières qui seront ouverts en 2007 sur le compte d’affectation spéciale « Patrimoine immobilier de l’État » : 20 millions d’euros sont attendus à ce titre, ce qui portera à 163,5 millions d’euros l’enveloppe disponible en 2007.

Nous comprenons bien l’intérêt des crédits émanant du compte d’affectation spéciale pour les réalisations patrimoniales de l’État. Certes, cela relève du Gouvernement dans son ensemble et notamment du ministre des finances, mais si ces 20 millions d’euros supplémentaires sont les bienvenus, monsieur le ministre, le démantèlement auquel nous assistons avec la multiplication des recettes affectées n’est guère satisfaisant pour la commission des finances.

Rappelons que l’enveloppe financière dédiée à l’enseignement supérieur et à la recherche a été fixée dans les mandats de négociation des préfets de région à 2,578 milliards d’euros pour la période 2007-2013, dont 2,012 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche universitaire.

L’effort financier pour la mise en sécurité des établissements d’enseignement supérieur se poursuivra en 2007 avec 45 millions d’euros en autorisations d’engagement, contre 43 millions en 2006, et 73 millions d’euros en crédits de paiement, soit la reconduction des crédits de l’exercice antérieur. Cette démarche va de pair avec la mise à niveau des crédits de maintenance, qui était nécessaire pour pérenniser les investissements réalisés. Les efforts très significatifs des années précédentes sont consolidés puisque ces crédits atteignent 133,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

S’agissant des grands travaux, 93,19 millions d’euros en autorisations d’engagement et 114,59 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour le chantier du campus de Jussieu, en cours de désamiantage. Une enveloppe de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est également prévue afin de couvrir les besoins des autres établissements.

Qu’il me soit permis de dire, monsieur le ministre, que la sécurité demeure un réel problème dans beaucoup d’établissements et que nous avons un gros effort à faire en la matière. Je pense aux locaux de l’INALCO, à Clichy, qui font l’objet de toutes les attentions des services de sécurité depuis plusieurs années. À l’aube de la discussion des contrats de projet avec les préfets de région et les recteurs, je tiens à dire combien il est nécessaire de mettre l’accent sur la réhabilitation du patrimoine, plutôt que sur les constructions neuves. Aujourd’hui, le défi démographique obligeant à des constructions neuves est relevé : la priorité est maintenant à la réhabilitation.

Enfin, 1,84 million d'euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement est demandé pour le fonctionnement de l’établissement public d'aménagement universitaire qui doit voir le jour avant la fin de l’année 2006 et qui aura pour mission d'appuyer l'État et les établissements dans la mise en œuvre d'une véritable politique de gestion du patrimoine immobilier universitaire. Alain Claeys et moi-même ne pouvons que nous féliciter de cette mesure, qui va aussi dans le sens des travaux que nous avions menés.

Comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, les crédits du programme « Vie étudiante » progressent de 4,5 %, contre 2,3 % l’année dernière.

Cette progression permettra de revaloriser de 1,5 % les taux des bourses et les plafonds de ressources à la rentrée 2007, soit de 6,71 millions d’euros, et de couvrir l’extension en année pleine de la revalorisation des bourses intervenue à la rentrée 2006 – 13,04 millions d’euros.

La progression des moyens permettra également d’inscrire une « provision » de 41,73 millions d'euros destinée à accompagner la rénovation du dispositif des aides directes aux étudiants, dont plus de la moitié sera consacrée au dispositif ALINE, mis en place à la rentrée de 2006.

Cette progression permettra aussi de prendre en compte en 2007 l'augmentation du nombre de bourses au mérite, pour 2,14 millions d'euros.

Enfin, la progression des crédits du programme « Vie étudiante » permettra de consolider les opérations de tutorat, qu'il s'agisse de la montée en puissance de l'opération « 100 000 étudiants pour 100 000 élèves » ou de l'appel à projets, lancé par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l'égalité des chances en 2006, intitulé « promouvoir l'égalité des chances à l'université ».

S’agissant des bourses, qu’il me soit permis aussi de dire la nécessité de remettre à plat un certain nombre de critères d’attribution. Je pense notamment au critère consistant à calculer les distances à vol d’oiseau, particulièrement pénalisant pour les populations des régions de montagne – plusieurs parlementaires montagnards ici présents savent très bien ce que je veux dire ! Monsieur le ministre, savoir comment on peut, au nom de l’égalité, conforter des inégalités pourrait être un sujet de philosophie ! Car c’est bien ce qui se passe lorsque, par exemple, le recteur de l’académie de Grenoble répond à notre collègue Didier Migaud que c’est pour assurer l’égalité qu’on retient les distances à vol d’oiseau…

L'effort engagé l'année dernière en faveur du logement étudiant – une enveloppe de 5 millions d'euros supplémentaires avait alors été ouverte – est poursuivi cette année, et 1,5 million d'euros devrait, en outre, compléter la dotation destinée au fonctionnement du réseau des œuvres universitaires et scolaires.

Enfin, 7,5 millions d'euros sont destinés à l'amélioration de l'accompagnement pédagogique des étudiants handicapés.

Après cette présentation des crédits, je souhaiterais revenir rapidement sur le système de gestion des bourses. Il apparaît indispensable que l'effort financier réalisé cette année en faveur des bourses soit accompagné d'une remise à plat de la gestion du dispositif des aides sociales.

Il convient, tout d'abord, d'améliorer les conditions de versement des bourses. Un des principaux problèmes du dispositif est le délai de versement. Si celui-ci intervient le plus souvent à la fin du mois de novembre, il n'est malheureusement pas rare qu'il se produise en février. Compte tenu de la concentration des frais auxquels doivent faire face les étudiants sur la période de la rentrée universitaire et du fait que cette rentrée a lieu de plus en plus tôt, il serait souhaitable que la réglementation soit modifiée afin de permettre un premier versement dès le mois de septembre. Les CROUS devraient alors s'engager à assurer ce versement dès ce mois-là – un indicateur au titre de la LOLF pourrait suivre la réalisation de cet engagement.

Par ailleurs, il apparaît urgent de remédier aux difficultés rencontrées par les CROUS pour assurer le versement des bourses en fin d'année. En effet, ceux-ci, malgré les efforts réalisés pour garantir le versement des bourses dans de bonnes conditions, sont confrontés à des difficultés de trésorerie, problème récurrent depuis au moins une dizaine d’années. Selon les informations recueillies auprès du CNOUS, il manquerait actuellement 40 millions d'euros pour assurer le versement des bourses d'ici à la fin de l'année. Le manque de crédits disponibles a pour conséquence un mouvement de stop and go qui n’est pas du tout satisfaisant.

Un problème similaire concerne les « passeports mobilité » qui assurent le paiement des voyages aller-retour aux étudiants d'outre-mer, pour lesquels il manquerait actuellement 10 millions d'euros. Monsieur le ministre, une simplification entre ce qui est géré par votre ministère et ce qui l’est par l’outre-mer est nécessaire, car le dispositif est quelque peu illisible et pour le rapporteur spécial que je suis et pour nos collaborateurs de la commission des finances. Nous vous remercions des informations que vous pourrez apporter à ce sujet.

Enfin, il faut que les aides accordées aux étudiants bénéficient à ceux qui le méritent vraiment, ce qui suppose de revoir le dispositif de contrôle actuel. Afin d'éviter les abus, il conviendrait que les universités assurent un véritable contrôle des obligations auxquelles il semble légitime de soumettre les étudiants boursiers – assiduité, participation aux examens. Dans cette perspective, il pourrait être envisagé de conditionner la compensation des droits d'inscription versée aux universités à l'obligation d'assurer un contrôle effectif des engagements des boursiers.

L'attribution des « passeports mobilité » destinés aux étudiants d'outre-mer gagnerait également à faire l'objet d'un contrôle approfondi.

Pour terminer mon intervention, j’évoquerai quelques sujets concernant les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle.

S’agissant des indicateurs, certains sont utiles, d’autres moins. Je m’étonne que celui sur le contrôle médical ait été supprimé pour être remplacé par l’indicateur sur les universités non-fumeurs, qui présente un intérêt plus que limité ! Nous avons encore du travail à faire en ce domaine.

Nous savons que l’université française souffre de maux chroniques pour lesquels les solutions n’ont pas été mises en œuvre, ou ne l’ont été que partiellement.

Le rapport remis en décembre 2005 par la Cour des comptes à la commission des finances sur l’efficience et l’efficacité des universités, en application de l’article 58-2° de la LOLF, insiste sur les lacunes de la gouvernance et la faiblesse des outils de gestion, sur le mauvais pilotage des ressources humaines, sur l’absence souvent constatée de stratégie globale face aux logiques facultaires, sur le faible taux de réussite aux examens par défaut d’orientation ou sur l’absence de débouchés professionnels de nombreuses filières, les informations dues aux étudiants n’étant d’ailleurs pas remplies en la matière.

C’est ce même constat que nous avons effectué avec Alain Claeys dans le cadre des auditions de MEC. Si l’université française a, aussi, des qualités et a réussi à relever des défis, comme le défi démographique – plus 82 % d’étudiants entre 1980 et 1995 – ou l’adaptation au LMD, elle souffre de faiblesses. En l’absence de traitement de celles-ci, le débat, récurrent lui aussi, sur l’autonomie ne sera que vain, et les moyens supplémentaires que nous venons d’évoquer, et qu’il faudra continuer d’augmenter, seront largement dépensés sans efficacité.

C’est la raison pour laquelle nous avons formulé vingt-trois propositions qui ont non seulement eu le soutien de la commission des finances, mais aussi recueilli l’aval de la conférence des présidents d’université. Ces propositions ont pour but, d’abord, de renforcer la capacité de pilotage des établissements.

Nous proposons d’offrir aux conseils d’administration le choix de prévoir dans les statuts le renouvellement possible du mandat du président. En outre, le président d’université devrait avoir plus de pouvoir sur les nominations. Le président devrait pouvoir, chaque année, présenter un rapport d’activité devant le conseil – ce qui permettrait de remettre les conseils d’université sur la voie de la prospective plutôt que sur celle du détail. Nous proposons également de supprimer la possibilité de panachage des listes aux élections aux conseils.

Enfin, il serait utile de renforcer les compétences de tous les membres des conseils en leur offrant une formation en matière budgétaire et financière.

Nos propositions visent aussi à renforcer les compétences au sein des universités.

Il faut valoriser davantage la fonction de secrétaire général – c’est un vrai problème aujourd’hui. Il faut également augmenter le nombre de cadres A.

D’autres propositions de la mission sont essentielles.

Il faut conforter, tout d’abord, l’évaluation interne, déterminer les fonctions des enseignants-chercheurs. Une proposition, à laquelle nous tenons beaucoup, consiste à introduire un contrat de service pluriannuel entre l’université et chaque enseignant-chercheur, prévoyant la répartition de son temps de travail entre enseignement, recherche et autres tâches – administratives, recherche de débouchés pour les étudiants, formation, etc. C’est un point central. Cela existe dans des universités étrangères publiques, comme en Suisse, et il n’y a pas de raison que nous ne puissions le développer chez nous.

Il faut aussi conforter les relations entre l’État et les universités sur une vision stratégique. Nous sommes à l’aube des contrats de projet État-régions. Il est sans doute nécessaire d’allonger la durée des contrats quadriennaux, de les aligner sur les contrats de projet, d’intégrer les logiques immobilières. Nous proposons qu’un nouveau contrat ne puisse être signé sans que le précédent ait été évalué. La structure d’évaluation actuelle rend un rapport tous les huit à neuf ans en moyenne, alors que nos contrats ont une durée de quatre ans. Nous espérons que la nouvelle structure pour les évaluations permettra de faire en sorte que, avant chaque signature de procédure contractuelle entre l’université et l’État, une évaluation soit réalisée. La durée des contrats doit également permettre au président d’université de s’engager chaque année sur les résultats obtenus. Il importe également que les nouveaux contrats servent à poser la logique du découpage des universités. Au travers du LMD, nous ne sommes pas allés jusqu’au bout : nous n’avons pas fait sauter les logiques facultaires, nous n’avons pas fait les regroupements qui s’imposaient. Avec nos propositions, peut-être les contrats peuvent-ils être l’occasion de repenser le périmètre des différentes composantes de l’université et de vous obliger, monsieur le ministre – excusez-moi d’être un peu directif – à faire en sorte que les arrêtés permettant de découper les UFR soient signés en même temps que les contrats.

Voilà pour nos propositions. Je pourrais y ajouter, mais nous y reviendrons au travers des amendements, celle sur les IUT, dont Alain Claeys est à l’origine, incitant ceux-ci à mieux accueillir les étudiants issus des bacs professionnels et des bacs technologiques. Les moyens supplémentaires que les IUT souhaitent obtenir pourraient peut-être être soumis à l’intégration du critère des étudiants issus de ces filières dans la DGF.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose l’adoption des crédits des deux programmes « Enseignement supérieur et recherche universitaire » et « Vie étudiante ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la recherche.

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la recherche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je suis heureux de constater que notre débat, qui a commencé vivement, a retrouvé sa sérénité. Selon moi, il n’y a pas de sujets tabous. Le libéralisme, l’économie de marché ne doivent pas être tabous, mais il y a aussi un honneur à servir l’État, et à bien le servir, car ce qui est ringard, ce n’est pas le libéralisme, ce n’est pas d’être fonctionnaire : c’est tout simplement ce qui ne marche pas, d’un côté ou de l’autre !

Je suis heureux, également, de rapporter ce budget car ce gouvernement, depuis trois ans, a clairement exprimé que la recherche était désormais un enjeu prioritaire et stratégique pour notre pays. Depuis trois ans, ce sont près de 6 milliards supplémentaires qui ont été attribués au monde de la recherche et 6 000 emplois supplémentaires qui ont été créés. Aujourd’hui, la recherche est le troisième budget de la nation, après l’éducation nationale et la défense.

Non seulement des moyens humains et financiers ont été attribués, mais – au-delà de cette logique de moyens consistant à remplir systématiquement le tonneau qui pourrait être celui des Danaïdes ! – un cycle de réformes importantes a été entamé pour réorganiser le monde de la recherche, avec la création du Haut conseil de la science et de la technologie et de l’Agence nationale de la recherche et la mise en place imminente de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Pour l’année 2007, les moyens consacrés à la recherche augmenteront de 5 % par rapport à 2006, pour atteindre près de 22 milliards d’euros.

Ce budget comporte grosso modo trois parties : les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les dépenses fiscales et le financement sur projets, une nouveauté qui est d’ores et déjà un succès et marque un véritable progrès.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » se montent à près de 21,3 milliards. À périmètre constant, cela représente une augmentation de 2,58 %, c’est-à-dire de plus de 533 millions. Cette mission regroupe treize programmes, qu’on peut schématiquement classer en trois grands ensembles : les programmes 150 et 231 − « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante », pour 12,5 milliards − font l’objet d’un rapport particulier ; les crédits du ministère de la recherche pour les établissements publics, EPST et EPIC, pour 6,3 milliards ; et les crédits issus des autres ministères − agriculture, culture, équipement, environnement, défense −, pour 2,5 milliards.

Je ne détaillerai pas la ventilation des différents crédits, que vient de décrire notre collègue Michel Bouvard. Les universités voient leurs moyens confortés : 63 millions supplémentaires pour l’immobilier, pour un montant total de plus de 600 millions. Les crédits de fonctionnement augmentent de plus de 62 millions, pour un montant total de 1,3 milliard. Quant aux organismes de recherche, à périmètre constant, 137 millions de plus leur sont alloués, pour un montant total de 6,3 milliards.

En ce qui concerne la recherche duale, 200 millions d’euros en provenance du ministère de la défense sont reconduits, dont 135 pour le CNES.

La recherche industrielle constitue une priorité clairement établie par le Gouvernement : 1,7 milliard d’euros sur trois ans sont consacrés aux pôles de compétitivité.

Les agences de moyens voient leurs crédits augmenter de 280 millions d’euros : 235 pour l’Agence nationale de la recherche et 45 pour OSÉO-ANVAR. Je l’ai dit en préambule, l’ANR est une réussite et un progrès : aujourd’hui, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement se montent à 825 millions d’euros. Il est intéressant de constater qu’une structure relativement légère peut donner entière satisfaction : avec vingt-six équivalents temps plein − c’est-à-dire trente-cinq personnes − et un budget de fonctionnement ne représentant que 0,6 % de son budget global, l’ANR est le premier financeur des pôles de compétitivité. Le CNRS et les universités en sont les premiers bénéficiaires, pour quasiment un quart du budget des appels à projets. Enfin, les moyens d’OSÉO-ANVAR ont quasiment doublé en deux ans, passant de 75 à 160 millions.

D’autre part, 280 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour les dépenses fiscales, notamment le crédit d’impôt recherche, cher à notre ami Jean-Michel Fourgous. On oublie de dire que la France répond en partie aux objectifs de Barcelone : les fameux 3 % du PIB se divisent en fait en 1 plus 2 − 1 pour la recherche publique, 2 pour la recherche privée. En matière de recherche publique, nous en sommes à 0,98, c’est-à-dire quasiment à 1 %. Par contre, il faut consentir un effort supplémentaire en matière de recherche privée.

En ce qui concerne les moyens humains, près de 6 000 postes supplémentaires auront été créés en trois ans : 1 000 en 2005, 3 000 en 2006 et 2 000 en 2007.

Il faut également évoquer les moyens attribués aux jeunes chercheurs. Le sujet suscite des polémiques régulières, mais, en matière de revalorisation des allocations de recherche, qui, depuis quinze ans, a fait mieux que le gouvernement actuel ? Ce n’est certainement pas la législature précédente !

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Très juste !

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. Depuis le début de la présente législature, elles ont été revalorisées de près de 35 %, sans compter l’augmentation de 8 % qui doit intervenir en février 2007. En outre, les allocations des troisièmes années seront portées à 1,5 fois le SMIC en octobre 2007. Ainsi, nous passons d’un montant de 1 417 euros bruts à 1 530 en février et à 1 881 en octobre pour les troisièmes années. Lorsque j’étais interne de spécialité en médecine, à bac + 10, les rémunérations variaient entre 600 et 700 euros. Pour autant, nous ne faisions ni pétitions, ni processions, ni manifestations, car nous étions contents et fiers d’accomplir notre travail. Aujourd’hui, les allocations de recherche bénéficient d’une revalorisation importante, et le mérite en revient à ce gouvernement. Souvenez-vous, monsieur Cohen, que les jeunes chercheurs réclamaient la revalorisation à 1,5 fois le SMIC pour 2010. Nous, pour les troisièmes années, nous la mettons en œuvre dès le mois d’octobre 2007.

M. Pierre Cohen. Le ministre l’avait promise pour le 1er janvier 2007 !

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. Je voudrais dire un mot sur les libéralités, qui consistent à employer des gens sans véritable contrat de travail et donc sans véritable couverture sociale. Là encore, le Gouvernement a œuvré pour limiter ces pratiques inacceptables. Force est de constater qu’elles sont, aujourd’hui, davantage le fait d’associations que de l’État lui-même, qui, en la matière, se doit de donner l’exemple. Le ministère des affaires étrangères, notamment, doit être plus vigilant, puisqu’il est le principal contributeur de l’association EGIDE, qui a souvent recours au système des libéralités. Nous devons, c’est indiscutable, y mettre fin.

J’ai souhaité apporter un éclairage particulier sur la pratique de l’évaluation, dont le principe même est consubstantiel à l’activité de recherche. Elle est, d’autre part, la contrepartie indispensable d’un système fondé sur la sélectivité et l’excellence. La suspicion n’est pas de mise quant aux motifs qui permettent de décider quels projets il convient de retenir et de financer. D’autre part, en matière de recherche, ni la France ni l’Europe ne font partie des géants, en comparaison des États-Unis ou du Japon − qui, avec ses quelque 700 000 chercheurs, dépasse les 3 % de son PIB −, et même des pays émergents, la Chine ou l’Inde. Aussi devons-nous concentrer nos forces sur nos atouts, nos meilleurs projets et nos meilleures équipes. Il faut donc bien les désigner et avoir un système d’évaluation performant. Nous ne pouvons pas nous permettre d’arroser des terres stériles et des cailloux : il faut bien établir des distinctions et récompenser les véritables acteurs de la recherche. À ce sujet, un décret a été examiné hier en Conseil des ministres.

Pour réaliser cette évaluation, il convient de se poser trois questions : dans une phase diagnostique, on examine ce qui s’est passé ; dans une phase normative, on recherche si l’on a bien fait ; dans une phase instrumentale, on se demande si l’on peut mieux faire.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, pourriez-vous vous acheminer vers votre conclusion ?

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. Il faut bien constater que, aujourd’hui, des pans entiers de la recherche sont peu ou mal évalués. C’est le cas, notamment, des enseignants-chercheurs, qui représentent plus de la moitié des chercheurs. Un maître de conférences qui ne souhaite pas devenir professeur et n’enseigne pas dans une unité mixte de recherche ne sera jamais évalué. L’activité d’enseignement ne le sera pas davantage, où que soit dispensé cet enseignement.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. Les structures d’évaluation − CNE, CNER, MSTP, CoNRS − sont si nombreuses que notre système se caractérise par son émiettement et des chevauchements. Les responsables du CNE et du CNER nous ont dit qu’ils n’avaient pas fait leur travail. Monsieur Bouvard, en théorie, on doit en effet évaluer tous les quatre ans. Mais, dans la réalité, c’est tous les huit ou neuf ans, et, dans mon université, on ne le fait que tous les quatorze ans.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Et à Corte, jamais ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. La solution, c’est l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, créée par l’article 9 de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Elle doit être indépendante, transparente et légitime, parce que fondée sur les pairs, sur l’excellence scientifique des gens qui y sont nommés en raison de leurs qualités et non pas parce qu’ils ont été élus sur des listes syndicales.

M. Pierre Cohen. Ça commençait bien, mais ça finit mal ! Chassez le naturel…

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. Elle doit évaluer directement les organismes ou les établissements par le biais d’un dispositif à deux niveaux : l’évaluation est directe si l’agence l’estime nécessaire, car l’épée de Damoclès doit toujours être suspendue ; elle est indirecte, lorsque tout se passe bien, car, pour des raisons matérielles, quand on a affaire à plus de 140 000 personnes, à des milliers de laboratoires, à des centaines d’établissements, il est beaucoup plus facile de déléguer. La délégation permettra d’ailleurs une mise en place plus facile et une transition plus simple.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous prie de conclure.

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche. Je souhaitais également faire un rapide tour d’horizon de la façon dont la question de l’évaluation est traitée dans d’autres pays. On constate fréquemment une confusion des fonctions de financement et d’évaluation, et l’on retrouve le principe du jugement par les pairs, qui, le plus souvent, sont étrangers et nommés.

Pour que l’Agence puisse fonctionner, quelques recommandations sont nécessaires : il faut veiller à l’harmonisation tout en évitant l’uniformisation ; faire appel à des experts étrangers, par exemple un pool d’évaluateurs européens, envisager des partenariats avec nos voisins, sur le modèle des accords passés avec l’Allemagne ; pallier les carences, mais sans casser ce qui fonctionne bien.

Mais le plus important, dans l’évaluation, c’est ce que l’on en fait. En l’occurrence, c’est le pouvoir politique, davantage que l’Agence elle-même, qui doit témoigner de sa volonté et de sa capacité à utiliser les résultats de l’agence qu’il a portée sur les fonts baptismaux.

En conclusion, au nom de la commission des affaires culturelles, je vous invite à adopter ce budget et à voter les crédits de la mission « Recherche ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu du nombre des rapporteurs et des orateurs, je vous invite instamment à respecter votre temps de parole.

La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, a très clairement exposé les informations budgétaires chiffrées concernant le projet de budget pour 2007 de l’enseignement supérieur. Aussi me permettrez-vous, après son intervention, de concentrer la mienne sur certains aspects de la politique du Gouvernement concernant les formations supérieures, et plus précisément sur les conditions de vie des étudiants.

Aujourd’hui, environ la moitié d’une classe d’âge accède à l’enseignement supérieur même si, malheureusement, les sorties sans diplôme sont beaucoup trop nombreuses et très pénalisantes. À la rentrée de 2005, plus de 2 millions d’étudiants étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur. Les universités qui accueillent la plus large part de ces étudiants − 1,309 million lors de cette même rentrée − s’efforcent de s’adapter dans un contexte budgétaire qui est contraint depuis des décennies. Il faut saluer cette année l’effort du Gouvernement qui érige le budget de l’enseignement supérieur et le financement de la vie étudiante au rang des priorités, puisque les crédits de ces deux programmes devraient augmenter de 3,04 % par rapport à 2006, alors que les dépenses globales de l’État ne progresseront que de 0,8 % en 2007.

Il y a lieu, notamment, de se féliciter de la création en 2007 de 1 000 emplois supplémentaires, dont 450 emplois d’enseignants-chercheurs et 550 emplois de personnels non enseignants.

Avant d’aller plus loin, je voudrais dire quelques mots sur l’exécution du budget de 2006. Comme chaque année, un dispositif de réserve de précaution a été mis en place par le ministère des finances, et des crédits ont été gelés à hauteur de 97,56 millions d’euros pour le programme « Formations supérieures » et de 84,76 millions pour le programme « Vie étudiante ». Ce gel, qui se répète chaque année pour le programme « Vie étudiante », conduit les CROUS, faute de trésorerie en fin d’exercice, à reporter le paiement d’un grand nombre de bourses sur l’année suivante. Cette situation, qui va à l’encontre de l’action entreprise par le Gouvernement pour améliorer les conditions de vie des étudiants, est inacceptable et je vous demande, monsieur le ministre, si la totalité des moyens inscrits en loi de finances pour 2006 au titre du programme « Vie étudiante » va être ou non débloquée afin que les bourses puissent être versées aux étudiants bénéficiaires avant la fin de l’année.

Je voudrais maintenant entrer un peu plus dans le détail des conditions de vie des étudiants.

Si les droits d’inscription à l’université sont faibles, comparés à ceux de nombreux autres pays, il faut reconnaître que les aides financières consenties aux étudiants sont modestes et, surtout, qu’elles laissent à l’écart une trop large fraction d’entre eux.

En ce qui concerne les étudiants boursiers, le problème majeur, auquel tous les acteurs s’efforcent d’apporter des réponses, concerne le retard des versements, et tout particulièrement du premier versement de rentrée, période d’installation où les étudiants ont à faire face à des dépenses importantes.

Il faudra bien répondre à une question essentielle, qui concerne le mécanisme des aides : faut-il continuer à privilégier l’aide aux familles des étudiants et à fixer l’éligibilité aux aides en fonction du niveau de revenu de ces familles, ou faut-il inverser la tendance en considérant le financement de la vie étudiante comme un investissement public et en prenant en compte des critères d’attribution rénovés, en rapport notamment avec les filières choisies et la durée des études ?

Qu’il me soit permis ici, sans entrer dans les détails pour lesquels on pourra se reporter à mon rapport écrit, de faire part à l’Assemblée de plusieurs constats et de quelques propositions.

Premier constat : le dispositif général des aides directes et indirectes est complexe, injuste et peu efficace.

Les aides sociales étudiantes se caractérisent par trois grandes masses budgétaires de montants assez comparables : les bourses, les aides au logement et les aides fiscales à la famille pour, respectivement, des montants d’environ 1,7 milliard, 1,13 milliard et 1,3 milliard d'euros.

On dénombre une vingtaine de dispositifs différents, sans compter les aides des collectivités locales. Pourtant, l'effet de seuil brutal du barème d'attribution des bourses sur critères sociaux prive de toute aide les étudiants issus des classes moyennes.

Le système des bourses est conçu comme une aide complémentaire à la famille et non pas comme une aide directe aux étudiants. Ce schéma ne correspond plus à l'aspiration à l'autonomie de plus en plus marquée des nouvelles générations d'étudiants et, surtout, écarte du bénéfice des aides ceux dont les familles ne sont éligibles à aucun soutien de la part de l'État.

Pour l'année universitaire 2005-2006, le nombre total de bourses, toutes catégories confondues, allouées en métropole et dans les DOM a été de 520 259, dont 496 427 sur critères sociaux, soit une proportion d’étudiants aidés d’environ 30 %.

La demande est examinée en fonction des ressources et des charges de la famille de l'étudiant telles qu'elles figurent dans l'avis fiscal et selon un barème national. Ces plafonds de ressources déterminent à la fois l'éligibilité et l'échelon de la bourse. Il en résulte un ensemble extrêmement rigide qui peut, au centime près ou au kilomètre près pour les points de charge, faire basculer d'un échelon à l'autre ou faire sortir du champ d'attribution de toute aide.

Une bourse du premier échelon de 1 335 euros par an correspond à un revenu fiscal annuel de la famille, sans point de charge, de 16 010 euros, soit à peine plus qu'un salaire annuel payé au SMIC. Au-delà de ce niveau de revenu et sans point de charge, aucune bourse sous condition de ressources ne peut être allouée.

En 2005-2006, 40 % des étudiants boursiers bénéficiaient d'une bourse de cinquième échelon, 19 % d'une bourse de premier échelon et 9 % profitaient uniquement, à l’échelon zéro, de l'exonération des droits d'inscription et de sécurité sociale. Les trois autres échelons – les deuxième, troisième et quatrième – étaient répartis également entre les 30 % d'étudiants restants et correspondaient à des bourses allant de 2 000 à 3 000 euros environ.

De l'avis de tous les acteurs concernés, il faudrait, dans l’attente d’une refonte générale du système des aides sociales aux étudiants, simplifier l'ensemble, déplafonner les bourses sur critères sociaux et décontingenter les autres.

Le deuxième constat a trait aux aides au logement pour les étudiants, qui aggravent les inégalités.

Ces aides sont les seules aides personnelles déconnectées du niveau de revenu des familles puisqu'elles relèvent du système général des aides au logement géré par les caisses d'allocations familiales.

L'allocation pour l'installation étudiante – ALINE – qui vient d'être créée, se situe à mi-chemin puisqu'il s'agit d'une somme attribuée sur critères sociaux par les CAF aux étudiants boursiers qui s'installent pour la première fois hors du domicile de leurs parents.

Le problème concerne essentiellement l'allocation de logement à caractère social – l’ALS. L'octroi de cette prestation étant lié aux ressources personnelles du demandeur, ce sont de fait les étudiants qui en sont les principaux bénéficiaires. Elle est financée par le Fonds national d'aide au logement, qui est alimenté par l'État et par une cotisation des employeurs. Elle est calculée en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire et du montant du loyer, ce dernier facteur constituant un avantage supplémentaire pour les plus favorisés.

Le troisième constat porte sur le système de prêts, qui est inopérant en France.

Des prêts d'honneur peuvent être accordés à des étudiants français non boursiers. Ils sont attribués par un comité académique spécialisé. Pour 2007, le montant des crédits alloués pour ces prêts s'élève à 7 millions d'euros, ce qui permettra de satisfaire quelque 3 200 demandes pour un montant moyen de 2 200 euros.

Dans ces conditions, le système de prêts ne répond nullement à un besoin de financement efficace et rénové de la vie étudiante. Cette situation s'explique par des raisons propres au système éducatif français. En effet, le diplôme universitaire joue de moins en moins un rôle protecteur contre le chômage et la précarité, et cet aléa décourage évidemment les jeunes de s'endetter face à un avenir incertain.

Quatrième constat, le problème du logement étudiant est en amélioration.

Le plan gouvernemental en faveur du logement étudiant est fondé en très grande partie sur les préconisations du rapport de la mission qui m'avait été confiée par le Premier ministre en 2003. Il prévoyait notamment la réhabilitation de 70 000 chambres individuelles dans les résidences universitaires en dix ans et 50 000 constructions nouvelles pendant la même période. En 2005, 4 388 chambres ont été réhabilitées et 4 600 sur l'exercice 2006. En 2007, plus de 5 000 réhabilitations sont prévues.

Pour les constructions neuves, un délai de trois ans, compte tenu des conditions à réunir telles que la disponibilité du terrain, est en général nécessaire entre la genèse du projet et sa livraison. À partir de 2007, les mesures annoncées devraient porter leurs fruits, notamment en 2008.

Cinquième et dernier constat, la situation des étudiants étrangers ne progresse pas.

Le nombre de ces étudiants a connu un essor considérable ces dernières années. Depuis 1998, il a progressé de 74,4 %. À la rentrée de 2005, plus de 265 000 étrangers étudiaient en France métropolitaine et dans les DOM.

Cette affluence, très concentrée dans quelques grandes régions, pose de gros problèmes d'accueil par les établissements où ces étudiants sont inscrits et, surtout, de logement car les inscriptions ne sont pas conditionnées par la capacité d'hébergement du lieu choisi par l'étudiant. Tous les responsables des CROUS soulignent d’ailleurs la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent de nombreux étudiants étrangers.

J’en viens aux propositions, l’idée étant, globalement, d’aller vers une vision plus dynamique du financement des études.

Le système actuel de financement de la vie étudiante se caractérise par la dispersion des aides directes et indirectes, leur manque de lisibilité et leur forte concentration sur certaines catégories d'étudiants laissant les autres souvent très démunis. Une réflexion mériterait d'être menée afin d'évaluer les possibilités de regroupement de ces aides en une allocation unique d'étude gérée par les seuls CROUS et soumise à des conditions très strictes de réussite aux examens et de situation matérielle.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Cependant, d'autres pistes peuvent également être explorées pour rendre le système plus juste, plus efficace et plus propice à l'apprentissage de l'autonomie.

Une première proposition est de développer les formations en alternance.

Outre l'avantage financier que représente ce type de formation pour les étudiants, la cote des formations en alternance a beaucoup monté auprès des entreprises. Trop longtemps, les diplômes obtenus en alternance, du bac + 2 au diplôme d'ingénieur, ont été moins bien cotés que les formations classiques. Un basculement s'est clairement opéré et le vécu professionnel accumulé pendant des études en alternance est bonifié dès l'arrivée sur le marché du travail.

Une deuxième proposition consiste à mettre en œuvre un véritable système de prêts.

Bien qu'il ne soit nullement transposable, j'évoquerai à cet égard le système suédois, dont l'un des principaux intérêts est qu'il permet aux étudiants de devenir très vite indépendants vis-à-vis de leurs parents. En Suède, les étudiants reçoivent une bourse d'État de l'ordre de 1 000 euros par mois, dont les deux tiers sous forme de prêt pendant six ans au maximum. La quasi-totalité des étudiants suédois en bénéficie. Cette bourse est renouvelée chaque semestre en fonction des résultats aux examens. À la fin des études, la partie emprunt doit être remboursée sur une durée qui peut être négociée.

Un tel système, évidemment coûteux, contribue néanmoins à rendre les étudiants plus responsables de leur avenir et plus vigilants dans le choix de leur filière et de leurs parcours universitaires.

Une troisième proposition tend à améliorer le fonctionnement du CNOUS et du réseau des CROUS.

II convient d’abord de renforcer le rôle fédérateur de conseil et d'encadrement du CNOUS, notamment en lui accordant un droit de regard sur les nominations et la formation des directeurs d'unités de gestion des œuvres universitaires, dont les compétences sont souvent mal adaptées aux fonctions.

Il faut également donner les moyens à chaque CROUS de devenir le guichet unique de toute la vie sociale des étudiants, ce qui devrait contribuer à améliorer considérablement le paiement des bourses.

La quatrième proposition consiste à rendre les étudiants plus responsables de leur santé.

Le suivi médical des étudiants et, plus généralement, l'état sanitaire de cette population qui se caractérise, en raison de son âge notamment, à la fois par une vulnérabilité à certains comportements addictifs et par une forme d'indifférence aux problèmes de santé, ne sont pas satisfaisants.

Les mutuelles étudiantes proposent à cet égard la création d'un « chèque santé étudiant », pris en charge par l'État et remis à chaque étudiant lors de sa première rentrée universitaire.

M. le président. Monsieur Anciaux, je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous prendrez en compte ces observations, car l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et les priorités que celui-ci trace en termes d'efforts financiers sont une preuve de la lucidité du Gouvernement et de sa volonté d'engager la nécessaire dynamisation de notre système universitaire.

C'est pour ces raisons que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Lejeune, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Michel Lejeune, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les engagements pris par le Gouvernement en réponse à la forte mobilisation des chercheurs en 2003-2004, qu'ont traduits, successivement, les lois de finances pour 2005 et 2006, puis la loi de programme pour la recherche, sont clairement respectés dans le projet de loi de finances pour 2007.

En effet, les moyens de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » – la MIRES – progressent de façon significative. Les crédits de paiement proposés en 2007 pour l'ensemble de la mission augmentent ainsi de 662 millions d'euros en structure courante, soit 3,2 %, pour atteindre 21,3 milliards d'euros.

La mission se présente comme la fusion d’anciens budgets, le budget civil de recherche et de développement technologique, le BCRD, d’une part, et le budget coordonné de l'enseignement supérieur. Or, traditionnellement, notre commission se prononçait sur les seuls crédits du BCRD, crédits de la recherche, diminués de ceux de l'enseignement supérieur, présenté dans le budget coordonné. Depuis 2005 et la nouvelle présentation du projet de loi de finances, il nous est possible – et je m'en félicite – d'examiner dans un seul cadre, non seulement l'ensemble des moyens consacrés à la recherche mais, plus largement, à « l'économie de la connaissance », et de suivre ainsi la progression de la France dans la voie tracée par les Conseils européens de Lisbonne, en mars 2000, puis de Barcelone, en 2002.

Il nous est également plus facile, conformément aux orientations définies par la loi de programme, cette fois, de suivre la progression de la recherche universitaire s'appuyant tout à la fois sur les organismes de recherche, mais aussi sur les structures de formations supérieures, afin que l'université puisse retrouver le rôle fédérateur des progrès des savoirs qui est naturellement le sien. La pertinence des investissements et des dotations dans ce cadre peut commencer à s'analyser à l'aide des nouveaux outils prévus par la loi organique relative aux lois de finances. En effet, les objectifs et les indicateurs de performance de la mission ne manquent pas d'ambition.

En structure courante, le périmètre « recherche » de la mission, comparable à l'ancien BCRD, a, quant à lui, progressé de 193 millions d'euros, soit 1,7 % entre 2005 et 2006, et il est proposé de l'augmenter de 271 millions d'euros, soit 2,4 %, dans le projet de loi de finances pour 2007, pour porter les moyens publics de la recherche à un montant total de 11,7 milliards d'euros. La part des financements publics de la recherche dans le budget de l'État, stabilisée entre 2000 et 2005 autour de 3 %, atteint donc, pour la deuxième année consécutive, 4,3 %.

Les dotations du périmètre « enseignement supérieur » augmentent également, et il convient de souligner, en particulier, la progression très nette des dépenses d'investissement, en réponse à l'urgence d'un effort soutenu dans ce domaine, en interaction avec les régions, dans le cadre des nouveaux contrats de plan pour la période 2007-2013.

De même, on constate une augmentation significative des crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur, et la croissance, à structure constante, de 4,3 % du programme « Vie étudiante » destiné à l'accompagnement social des étudiants, élément déterminant de l'amélioration de l'égalité des chances entre tous les étudiants.

Je compléterai cette appréciation générale sur les moyens de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en revenant sur quelques points plus précis.

Le premier concerne l'Agence nationale de la recherche.

La loi de programme pour la recherche lui a donné le statut d'établissement public. Aussi est-il important que son financement qui, depuis deux ans, relevait d'un compte d'affectation des produits des privatisations, soit pérennisé par l'article 27 du projet de loi de finances, qui lui affecte, en effet, une partie de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, pour un montant, en nette progression, de 825 millions d'euros. Ces moyens, je le rappelle, ne se substituent pas, mais s'ajoutent, au socle des dotations dont disposent les organismes de recherche.

L'Agence est bien entendu le moyen privilégié d'impulsion des grandes orientations fixées par le Gouvernement en matière de recherche. Elle devrait, en particulier, traduire les priorités définies par le Haut conseil de la science et de la technologie qui se met en place. Toutefois, et je m'en réjouis, l'analyse des répartitions des aides aux projets déposés montre la part importante, pour plus d'un tiers, accordée aux projets non thématiques, aux programmes « blancs » ou aux jeunes chercheurs, qui sont directement issus des propositions des chercheurs et des équipes de recherche. Il serait également souhaitable que ce budget soit totalement utilisé, ce qui ne semble pas être actuellement le cas.

C'est également à l'Agence qu'incombe maintenant le financement du dispositif des labels « Carnot », ce qui précise l'ensemble de ses attributions. Le label a été attribué cette année à vingt structures de recherche qui ont montré leur capacité à articuler mission de service public et partenariat et à professionnaliser leurs recherches.

Enfin, la composition du conseil d'administration du nouvel établissement public, telle qu'elle est précisée dans le décret relatif à l'Agence, devrait assurer la continuité de l'orientation fixée par le conseil d’administration du groupement d'intérêt public, qui était constitué des dirigeants des principaux établissements publics de recherche.

Ces éléments devraient, me semble-t-il, contribuer à lever un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes suscitées par la création de l'Agence.

Je voudrais maintenant aborder la question de l'emploi scientifique. Les 2 000 créations d'emplois prévues en 2007, qui font suite aux 3 000 de 2006, sont importantes. Leur répartition égale entre l'enseignement supérieur et la recherche et, pour les emplois scientifiques, la clef de répartition entre les emplois de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens, semblent raisonnables. Or la lisibilité et la clarté des perspectives d'emplois sont évidemment un élément déterminant dans les orientations des lycéens et des étudiants qui sont les futurs acteurs de la recherche. Les créations d'emplois publics de chercheurs, comme la croissance continue du nombre de chercheurs dans le secteur privé, y participent pleinement.

Je voudrais rappeler à cet égard que, alors qu'en 1981 le nombre de chercheurs en entreprise était de 35 000 en France et de 77 000 au Royaume-Uni, il était, en 2004, respectivement de 106 500 et de 103 000. Il me semble qu'on peut y voir la traduction concrète des mesures prises en faveur de l'innovation depuis dix ans. Parallèlement, les emplois publics ont, eux aussi, progressé, pour atteindre l'effectif de 93 600 chercheurs fin 2004. On peut penser que le redressement des inscriptions dans les filières scientifiques des universités, qui semble s'amorcer, participe du même retour d'intérêt pour des professions encore insuffisamment valorisées.

Le soutien aux jeunes chercheurs est le dernier point que je souhaite vous présenter. En plus des programmes non thématiques qui leur sont plus particulièrement destinés et que j'ai déjà cités, il convient de souligner la revalorisation de l'allocation de recherche de 8 % à partir du 1er février 2007 et son augmentation à 1,5 SMIC à partir du 1er octobre 2007 pour les allocataires en troisième année, afin de leur permettre de se consacrer pleinement à leur dernière année de thèse. Ces progressions n'interviennent peut-être pas aussi rapidement qu'on aurait pu le souhaiter. Elles s'inscrivent cependant dans le net redressement du montant des allocations amorcé depuis trois ans par le Gouvernement.

En outre, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ne peut manquer de souligner la création, à l'intersection entre la recherche et l'entreprise, de 175 conventions industrielles de formation par la recherche. Les conventions CIFRE, je vous le rappelle, permettent à de jeunes chercheurs de réaliser leur thèse en entreprise, à l'avantage à la fois des étudiants, qui bénéficient d'une voie d'accès privilégiée à la vie active dans de bonnes conditions de rémunération, et des entreprises, qui bénéficient des compétences, du dynamisme et des ouvertures sur le monde de la recherche qu'apportent les étudiants, tout en simplifiant leur recrutement. Leur nombre est ainsi passé, en deux ans, de 1 200 à 1 475. Il est important, également, que le dispositif équivalent pour les techniciens, les CORTECHS, conventions de recherche pour les techniciens supérieurs, ait été relancé depuis deux ans : 220 nouvelles entrées sont prévues en 2007.

Enfin, dans le même esprit, un système parallèle est prévu pour favoriser l'insertion des post-doctorants en entreprise, à travers les CIPRE, conventions pour l’innovation et la promotion de la recherche en entreprise : 100 conventions étant proposées pour 2007.

Cette politique en faveur des jeunes chercheurs s'accompagne d'une politique salariale plus attractive, dont la mise en place de bourses Descartes qui permettent de créer de nouveaux régimes indemnitaires reconnaissant l'excellence des travaux de recherche de jeunes chercheurs et de mettre en place des mesures visant à favoriser l'exercice des fonctions d'enseignement par les chercheurs.

En conclusion, l'engagement pris lors de la discussion de la loi de programme d'accroître annuellement d'un milliard d'euros les moyens consacrés à la recherche sera tenu l'année prochaine, intégrant, conformément aux conclusions des longs débats en séance publique sur ce point, la prise en compte d'une programmation de la progression des moyens publics en euros constants.

Les dotations publiques consacrées à la recherche en 2007, auxquelles il convient d'ajouter les dépenses fiscales et les fonds de concours attendus, continuent de se redresser. Elles contribuent ainsi à l'accroissement de la part des dépenses de recherche et de développement, publiques et privées, dans le PIB et devraient permettre à notre pays de se rapprocher de l'objectif fixé par les Conseils européens à 3 %.

C'est pourquoi la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Lejeune, d’avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la recherche industrielle.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la recherche industrielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un pays comme le nôtre où le coût de la main d'œuvre est élevé, il est nécessaire de développer l'innovation, et la recherche, qui constituent des éléments de compétitivité et de dynamique économique et technologique. Ce sera d'ailleurs l'une des conclusions du rapport de la mission d'information sur les délocalisations, mise en place par la commission des affaires économiques.

Aussi, depuis 2002, s'inscrivant dans 1a stratégie de Lisbonne, notre majorité s'est attachée à mettre en place des mesures pour atteindre cet objectif à travers le pacte pour la recherche et des dispositions attractives pour que s'installent ou se développent les entreprises.

Le budget alloué à la recherche industrielle relève de la MIRES, mais il se situe à l'articulation entre le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’industrie. Les crédits du programme « Recherche industrielle » présentent donc un intérêt stratégique pour l'avenir de notre économie. Chacun sait, toutefois, que l'évolution des crédits consacrés à un programme ne reflète pas toujours l'engagement réel de l'État puisqu'aux dépenses budgétaires s'ajoutent des dépenses fiscales et autres formes d'intervention publique.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la recherche industrielle. Cela est particulièrement vrai pour le programme « Recherche industrielle », pour lequel les dépenses fiscales sont nombreuses et importantes et dont le principal opérateur, l'Agence pour l'innovation industrielle a été financé par une dotation initiale en capital attribuée en 2006.

Néanmoins, on peut noter avec une grande satisfaction la forte augmentation des crédits budgétaires de la mission « Recherche industrielle » que prévoit le projet de loi de finances pour 2007.

En autorisations d'engagement, les crédits proposés passent ainsi à 648 millions d'euros, soit une progression de près de 12,7 % par rapport à 2006, tandis que les crédits de paiement progressent de 10,6 %, pour atteindre 580,26 millions d'euros. Ces augmentations interviennent après une hausse encore plus forte en 2006, avec, par rapport à 2005, une progression de 42 % des autorisations d'engagement et de 24 % des crédits de paiement.

Les dépenses fiscales dont l'objet principal contribuent au programme devraient représenter, en 2007, un effort de 685 millions d'euros, somme à laquelle il convient d'ajouter 2,3 milliards d'euros au titre de dépenses fiscales contribuant au programme sans que ce soit leur objet principal.

Il convient d'ajouter à ces mesures le principal dispositif d'incitation à la recherche privée, le crédit d’impôt recherche, dont on a déjà parlé, mesure qui entraîne une dépense fiscale évaluée, pour 2007, à 900 millions d'euros, qui peuvent être considérés comme utilisés à 90 % par le secteur industriel.

Au total, et en supposant une répartition sectorielle de la dépense fiscale au titre du crédit d’impôt recherche conforme à la répartition en volume de l'effort de recherche des entreprises, l'effort budgétaire et fiscal en faveur de la recherche industrielle atteindra donc, en 2007, 4,4 milliards d'euros contre 3,82 milliards d'euros en 2006, soit une progression de 15,2 %.

Répartis selon trois axes, ces moyens financent une relance de la politique industrielle rendue possible par la profonde refonte de ses instruments conduite au cours de la législature avec la création de l'Agence de l'innovation industrielle, de l'Agence nationale de la recherche, et du groupe OSÉO, fusion notamment de l'Agence nationale de valorisation de la recherche et de la Banque du développement des PME.

L'action 1, « Recherche publique sur les technologies de base », représente 13,2 % des autorisations d’engagement pour 2007 et rassemble les crédits finançant des écoles d'ingénieur placées sous la tutelle du ministère de l'industrie – écoles des mines et écoles appartenant au groupe des écoles de télécommunications. Les crédits progressent de 3 % par rapport à 2006. La principale mesure est le financement de 45 postes de chargés de recherche en année pleine.

L'action 2, « Soutien et diffusion de l'innovation technologique », bénéficie de 25,8 % des autorisations d’engagement pour 2007 et rassemble les crédits de fonctionnement et d'intervention de l'Agence de l'innovation industrielle, d'OSÉO-ANVAR et de l'association JESSICA, ainsi que la compensation par l'État aux régimes sociaux de l'exonération de charges sociales patronales pour les chercheurs des jeunes entreprises innovantes.

Permettez-moi quelques remarques en ce qui concerne l’AII.

Cinq programmes ont été retenus par cette agence en avril 2006. Il s'agit des projets :

« BioHub », relatif à la valorisation des ressources agricoles par les biotechnologies ;

« HOMES », relatif aux bâtiments économes en énergie, présenté par Schneider Electric ;

« NeoVal », portant sur un système de transport modulaire automatique sur pneus, présenté par Siemens France ;

« Quaero », dont on a beaucoup parlé, relatif à la recherche et la reconnaissance de contenus numériques, présenté par Thomson ;

« Télévision Mobile Sans Limite », présenté par Alcatel.

À court terme, ces programmes de recherche et de développement mobiliseront 770 emplois hautement qualifiés pour leur réalisation.

Deux nouveaux programmes ont été retenus en juillet 2006.

Le premier est un programme conduit par PSA Peugeot Citroën, qui vise à développer un véhicule hybride électrique diesel permettant une réduction de 30 % des émissions de dioxyde de carbone.

Le second programme, « NanoSmart », a pour objet de développer de nouveaux substrats pour les composants électroniques.

Je voudrais également signaler un projet récent qui me semble présenter beaucoup d’intérêt, celui que proposent Mérieux et Transgène sur la thérapie génique, et qui est actuellement à l’étude.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la recherche industrielle. Je termine, monsieur le président.

S’agissant d’OSÉO-ANVAR, qui a vocation à soutenir essentiellement les PME et l’innovation, je rappelle que le PLF pour 2004 avait mis en place un dispositif d'exonération de cotisations sociales et d’impôt sur les sociétés pour la jeune entreprise innovante.

L'action 3, « Soutien de la recherche industrielle stratégique », bénéficie de 61 % des autorisations d’engagement pour 2007 et rassemble les crédits d'intervention finançant le fonds de compétitivité des entreprises. Ce fonds finance, d'une part, les subventions attribuées par l'État dans le cadre de la politique des pôles de compétitivité et, d'autre part, des aides accordées à de grands programmes stratégiques.

En matière de pôles de compétitivité – soixante-six pôles, vous le savez, ont été retenus, dix pôles à vocation mondiale et six pôles mondiaux –, leur dispositif particulier a été modifié : dans un souci de simplification, les exonérations fiscales et sociales seront remplacées par des aides directes.

En outre, le fonds de compétitivité des entreprises continue de financer ce qu'on appelle traditionnellement les grands programmes, c'est-à-dire notamment les programmes labellisés dans le cadre de l’initiative EUREKA et du projet Crolles II. Ces actions sont financées par 44 % environ des crédits alloués au fonds de compétitivité des entreprises dont l'essentiel des moyens est donc consacré à la politique des pôles.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la recherche industrielle. Je termine, monsieur le président, mais cinq minutes pour exposer un rapport sur un tel sujet c’est court.

Le projet de loi de finances pour 2007 marque un effort considérable en faveur de la recherche industrielle, traduisant la volonté du Gouvernement de poursuivre l'effort de relance d'une politique industrielle rénovée, compétitive. Je vous invite bien évidemment, mes chers collègues, à donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, beaucoup de questions au cœur de l’actualité soulignent toute l’importance du maintien d’un effort public soutenu et efficace en faveur de la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources.

Citons, par exemple, les controverses suscitées pendant l’été sur la mesure de la toxicité des huîtres d’Arcachon, les réflexions en cours sur les moyens de donner un nouvel élan à la filière viticole française, le besoin de conduire une évaluation véritablement globale de l’impact écologique des substituts aux hydrocarbures, l’adaptation des stratégies de réduction de la fracture alimentaire mondiale.

Derrière son intitulé quelque peu abstrait, la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources vise en effet à développer un ensemble de connaissances et de technologies pour tenter de mieux gérer les relations entre l’homme et les milieux naturels, de manière qu’elles puissent s’inscrire dans le cadre d’un développement durable et que l’exploitation des ressources et des produits issus de ces milieux puisse répondre aux besoins des sociétés des pays du Sud comme à ceux des pays du Nord.

Ce programme budgétaire finance six grands établissements de recherche, qui contribuent au rayonnement international de la France : l’Institut national de la recherche agronomique – INRA – ; l’Institut de recherche pour le développement – IRD – ; l’Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement – CEMAGREF – ; le Bureau de recherches géologiques et minières – BRGM – ; le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – CIRAD – ; l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer – IFREMER.

Ce programme budgétaire embrasse donc un champ opérationnel très vaste, et mon approche en tant que rapporteur a consisté à combiner une analyse générale des crédits avec des coups d’éclairage sur certaines actions liées à l’actualité récente, celles justement que j 'ai citées en début d’intervention.

Les crédits du programme représentent 1,163 milliard d’euros, soit 5,5 % à peine des crédits affectés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ils ne sont vraiment pas à la hauteur de l’importance des enjeux, notamment au regard des potentialités ouvertes par la recherche fondamentale pour la mise à jour de solutions d’avenir face à des difficultés planétaires majeures, comme la résorption de la fracture alimentaire mondiale.

Les crédits affectés aux actions de recherche proprement dites progressent plus lentement que ceux affectés aux dépenses de structure, ce qui atteste d’une forme d’autisme au regard des crises récentes comme celle révélant l’insuffisance des moyens d’investigation de l’IFREMER pour mener à bien l’identification des agents toxiques à l’origine de l’empoisonnement des eaux du bassin d’Arcachon durant l’été 2006, comme durant l’été 2005 et l’été 2002.

Certes, le budget proposé pour 2007 se distingue par un très fort mouvement de réallocation, au sein de l’ensemble des actions de recherche, au profit de celles consacrées à l’analyse fondamentale des phénomènes. Cette focalisation vers l’amont de l’effort de recherche répond à des besoins identifiés dans mon rapport de l’année dernière. On constate aussi une amélioration dans la présentation du projet annuel de performances, notamment dans la précision des données fournies.

Mais les moyens fixés par le Gouvernement pour réaliser les objectifs de ce programme restent trop parcimonieux. Ainsi, le centre de Montpellier de l’INRA, qui travaille à l’ouverture de nouvelles perspectives pour la filière viticole, a été freiné dans la mise au point du « soda de vigne » par des à-coups budgétaires. Je dispose d’ailleurs de quelques canettes de ce soda et, si certains veulent le goûter, ils pourront le faire en dehors de l’hémicycle.

M. Patrick Braouezec. Pas de publicité !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. Ce centre a créé, par ailleurs, un jus de raisin peu sucré et riche en polyphénols, dont le développement est bloqué car l’INSERM ne peut dégager les crédits nécessaires à l’évaluation de ses effets bénéfiques pour la santé.

En outre, l’allocation de moyens pour des recherches à l’INRA sur des modèles de bilan global, énergétique et écologique, mesurant l’impact complet et exhaustif du recours aux agro-composants,…

M. Paul-Henri Cugnenc. Quel amalgame !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. …a été tardive, alors qu’il est évident que ce type d’instrument est aujourd’hui indispensable à un pilotage efficace des politiques publiques. Je vous poserai tout à l’heure une question sur ce point, monsieur le ministre.

Quant aux recherches remarquables conduites par le CIRAD au service de la « révolution doublement verte », cruciales pour l’avenir alimentaire de l’humanité, elles méritent d’être mieux mises en valeur par la communication gouvernementale.

Ce manque de considération pour l’inventivité de nos chercheurs est, certes, l’expression de l’état de délabrement de l’ensemble de la recherche publique française, mais il est aussi indigne d’une puissance comme la nôtre.

En dépit du grand nombre d’interrogations que soulève ainsi la politique de l’actuel Gouvernement sur ce qui touche à l’équilibre des relations entre l’homme et la nature, la commission des affaires économiques, passant outre à mon avis défavorable, a adopté les crédits du programme « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources ».

Pour ma part, je maintiendrai bien évidemment ma position.

M. le président. Mes chers collègues, je vous signale que nous avons déjà dépassé de plus d’un quart d’heure le temps prévu pour les rapporteurs. Par conséquent, je serai ferme sur le respect des temps de parole des prochains intervenants.

Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux. Je pourrai d’autant plus facilement raccourcir mon intervention, monsieur le président, que les rapporteurs ont déjà largement développé ce que je souhaitais dire. (Sourires.)

« Engagements tenus », pourrions-nous dire, monsieur le ministre ! Ce budget est en presque parfaite cohérence avec la loi sur la recherche que nous avons votée ce printemps. Il prévoit en effet une augmentation des moyens financiers et humains. Je ne détaillerai pas toutes les créations de postes. J’insiste simplement sur les 175 postes CIFRE supplémentaires, ce qui portera leur nombre à 1 475 en 2007, car c’est aussi un moyen de travailler sur l’emploi des docteurs, dont l’insertion sera aussi favorisée par 100 postes CIPRE. Il faut aussi souligner la création, par ce projet de budget, de 350 bourses au mérite – c’est très important pour ceux qui travaillent et qui n’ont pas de moyens –,…

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. Claude Birraux. …sans parler des 500 moniteurs pour l’enseignement supérieur, ce qui permettra de décharger les jeunes enseignants-chercheurs, qui pourront ainsi consacrer plus de temps à la recherche.

En trois ans, cette majorité aura donc consacré 6 milliards d’euros supplémentaires à la recherche, et créé 6 000 emplois, ce qui est sans précédent ! Autre nouveauté positive : contrairement à ce que nous avons connu sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite, nous n’avons pas vu venir, dès le 15 août, de régulation budgétaire venant démolir les effets d’annonce.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. Claude Birraux. Le groupe UMP approuve les autres orientations de ce budget, à savoir l’effort réalisé pour améliorer les conditions de vie des étudiants, et celui porté sur l’immobilier universitaire et l’entretien du patrimoine. En effet, sans faire de comparaison avec les campus de Stanford ou Berkeley, qui peuvent en faire rêver plus d’un, pour étudier correctement, il vaut mieux vivre dans un environnement attrayant et agréable.

Ce que vous faites pour le logement étudiant est extrêmement positif, monsieur le ministre, mais il faudrait réfléchir à de nouvelles mesures encore, car se loger est toujours un cauchemar pour les étudiants et les parents. Cela coûte très cher et je ne compte plus les pages que j’ai dû remplir pour me porter caution de mes enfants.

L’orientation des emplois vers les PRES et les réseaux avancés me semble également très importante. Les PRES sont en effet à la croisée des chemins : ils peuvent devenir soit une simple strate supplémentaire, soit une force de frappe commune dans un lieu donné des différentes institutions qui se consacrent à la recherche. Ces innovations doivent être mises au service de l’ensemble des chercheurs et des organismes regroupés dans un même lieu de recherche.

J’apporterai toutefois un bémol, monsieur le ministre : vous aviez promis de porter l’allocation de recherche à 1,5 fois le SMIC au 1er janvier.

Mme Anne-Marie Comparini. Eh oui !

M. Claude Birraux. Or cette promesse n’a pas été tenue pour ceux qui sont en première et en deuxième année.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous y reviendrons !

M. Claude Birraux. Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche est un instrument efficace pour stimuler la recherche dans le privé, mais attention aux modalités : le diable est dans les détails ! Nous avons besoin d’un système simple, fiable, compréhensible par tous et pérenne dans le temps. Il ne faut pas, à chaque loi de finances, brasser à nouveau tous les règlements et modalités d’application, car plus personne ne s’y retrouve !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Tout à fait !

M. Claude Birraux. J’en viens à l’ANR, dont la montée en charge est une bonne chose : les financements pluriannuels donnent de la visibilité à long terme aux chercheurs. L’Agence a toutefois besoin d’assurer sa crédibilité et de gagner la confiance des chercheurs en définissant des règles claires, transparentes et connues de tous. Les chercheurs dont les projets sont refusés doivent savoir pourquoi : il ne faudrait pas qu’on leur réponde tantôt que leur projet est trop industriel, tantôt qu’il ne l’est pas assez. Le problème de l’expertise « objective » se pose également. Comment recruter des experts connaissant bien une thématique, mais s’interdisant de concourir dans ce domaine ?

S’agissant de l’Agence d’évaluation de la recherche, le décret vient de passer en Conseil des ministres. Il faut, là aussi, plus de lisibilité, de visibilité, et clarifier les relations avec les instituts.

Je me permettrai maintenant une anecdote. Le Président de la République a souhaité que le Haut conseil de la science puisse s’autosaisir et publier ses réflexions. C’est exactement ce que j’avais proposé au nom de la commission des affaires économiques, mais je ne rappellerai pas quelle avait alors été votre position, monsieur le ministre !

Je ne reviendrai pas non plus sur la faiblesse des moyens alloués à l’enseignement supérieur privé, car mes collègues ont déjà évoqué ce sujet. Je rappellerai toutefois que ce secteur concentre 2,5 % des élèves pour seulement 0,5 % du budget, et que l’État récupère à peu près la moitié des sommes qu’il accorde par la voie de taxes diverses.

Quant à la suppression des libéralités – elle était demandée par tous et il avait été dit qu’elle interviendrait au 1er janvier –, j’aimerais savoir sur quelle ligne budgétaire figure le surcoût lié à leur transformation en contrats de travail.

Autre cas particulier, la baisse de 8 % de l’aide publique à l’Institut français du pétrole. Il existe pourtant des missions d’intérêt général que les entreprises ne financeront pas, qu’il s’agisse des énergies renouvelables, des biocarburants de deuxième génération ou de la séquestration du CO2. Il serait un peu trop facile de s’en remettre aux industriels !

J’ajoute que vous avez récupéré le budget alloué au CERN, monsieur le ministre, mais il faudrait alors que la France soit représentée au conseil du CERN par un membre de votre ministère. Je rappelle également qu’un effort supplémentaire est demandé pendant trois ans aux pays hôtes, la France et la Suisse, afin de boucler le budget du LHC.

Avant-dernière question : l’Office parlementaire a organisé, comme vous l’aviez suggéré, une audition publique qui a permis d’entendre toutes les parties prenantes, et le Conseil constitutionnel a semblé valider par anticipation le protocole de Londres. Avez-vous l’intention d’inscrire à l’ordre du jour la ratification de ce protocole ?

S’agissant du transfert de technologies et de la valorisation de la recherche, les mesures prévues sont positives, qu’il s’agisse des bourses CIFRE, CIPRE, des instituts Carnot ou du statut de jeune entreprise innovante. Outre les 50 millions d’euros d’allégements fiscaux, les pôles de compétitivité ont permis au monde des entreprises de rencontrer celui de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ces pôles sont un succès : ils ont rencontré l’adhésion générale des élus et des acteurs socio-économiques malgré le dédain initial des départements et des régions tenus par la gauche. Il demeure pourtant une barrière culturelle française à la valorisation de la recherche et au transfert de technologies. Pourquoi ne pas voir ce qui marche bien ailleurs et l’adapter en France ? Je vous invite à visiter Louvain-la-Neuve. Vous ne perdrez pas votre journée, je vous l’assure, car c’est un modèle quasiment parfait.

En conclusion, ce projet de budget s’inscrit parfaitement dans le cadre fixé par la loi sur la recherche. Il faut maintenant préciser le contenu du tableau pour le rendre lisible et clair. Pour que ce soit un chef-d’œuvre, il nous faut une dynamique nouvelle pour la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, nous serons d’accord sur deux points.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’a indiqué un des rapporteurs, emporté par son élan, il est stupide, en 2007, d’opposer la recherche publique et la recherche privée, la recherche fondamentale et la recherche appliquée ou l’innovation.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Bien sûr !

M. Alain Claeys. Chacun sait, parmi celles et ceux qui observent de près ce secteur, qu’un tel débat est dépassé.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. Bien entendu… (Sourires.)

M. Alain Claeys. Faites donc un bref retour dans le passé, monsieur le rapporteur spécial pour la recherche, et souvenez-vous du temps où vous étiez ingénieur au CNRS !

Le second point d’accord entre nous, monsieur le ministre, est que la notion de rupture n’est pas adaptée au domaine de l’enseignement supérieur ou de la recherche. Certes, j’ai lu ici ou là des déclarations selon lesquelles une rupture serait nécessaire. Mais, bien que je sois dans l’opposition, je pense que le mot est dangereux. Il serait synonyme, dans un premier temps, de désordre, puis de total immobilisme.

Toutefois, nous serons sans doute en désaccord sur le fait que la législature dont la fin est consacrée par ce budget – qui sera peut-être modifié par un collectif budgétaire en juin ou juillet 2007, quelle que soit la prochaine majorité – n’a pas été, au moins pour ses trois premières années, favorable à la recherche et à l’enseignement supérieur.

Il ne s’agit pas d’opposer notre bilan au vôtre. Personne ne peut contester l’erreur stratégique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a consisté à prévoir moins de moyens et moins de postes pour la recherche et l’enseignement supérieur, à un moment où tous les signaux étaient au rouge. C’est alors que le mouvement populaire « Sauvons la recherche » a alerté l’opinion. J’ai été frappé, comme vous tous à cette époque, par la manière dont il a capté l’attention de nos concitoyens, qui se sont rendu compte que la recherche et l’enseignement supérieur sont essentiels, à l’heure où l’on parle de l’économie de la connaissance. La crise du CPE a envoyé un autre signal fort, venu des étudiants, dont on a découvert alors l’extrême précarité. C’est dans ce contexte que doivent s’analyser les dispositions de votre budget et les réformes que vous avez engagées à travers la loi sur la recherche.

J’aborderai quatre points : le premier cycle, la mise en application de votre loi sur la recherche – Pierre Cohen y reviendra –, l’aménagement territorial de l’université et de la recherche, et enfin, pour faire écho aux propos de M. Bouvard, la gouvernance.

Mais on ne peut traiter ces questions sans les replacer dans le contexte actuel. Vous vous souvenez du rapport remis par le président de la Cour des comptes à la commission des finances et des suggestions qu’il contenait. Dans l’avant-dernier paragraphe de sa lettre de transmission, il signalait deux nécessités préalables à toute action : il faut traiter la précarité, qui touche un grand nombre d’étudiants, et prendre conscience du fait que la France est l’un des pays de l’OCDE qui consacre le moins d’argent à l’enseignement supérieur, notamment aux universités. Il n’y aura pas de réforme si l’on n’est pas capable de traiter ces deux problèmes.

En ce qui concerne la précarité, malgré les promesses et les rapports d’un membre de la majorité, les annonces du Premier ministre ne sont pas à la hauteur de la demande. La question des bourses devra être totalement réexaminée. Nous savons tous, pour peu que nous ayons examiné le problème, que, du fait de la courbe en cloche, les bourses pénalisent un grand nombre de familles. On ne pourra traiter le sujet qu’en examinant de près les conséquences, en termes fiscaux, des ressources que perçoivent les étudiants.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Tout à fait !

M. Alain Claeys. Quant au manque de moyens consacrés par les universités à chaque étudiant, il est flagrant, surtout dans le premier cycle. Chacun s’accorde à dire que notre université pratique aujourd’hui une sélection par l’échec. Nombreux sont les étudiants, surtout parmi les titulaires d’un bac technologique ou professionnel, qui sortent du système universitaire sans diplôme.

À ce problème, la réponse que vous apportez est l’orientation. Ne voulant pas prôner la rupture, vous évitez de parler de sélection. C’est heureux, car chaque bachelier doit pouvoir accéder à une formation universitaire qu’il a réellement choisie. Mais, selon nous, l’orientation ne suffira pas à éliminer l’échec en premier cycle. Lorsqu’on compare, pour chaque étudiant, l’encadrement, ainsi que les moyens d’une université, d’un IUT ou d’une classe préparatoire, on constate des différences extrêmes. Le problème de l’échec ne sera pas résolu si l’on ne densifie pas les moyens d’encadrement. Très objectivement, ceux que vous consacrez aujourd’hui à la création de postes, en fonction du nombre d’étudiants, ne me semblent pas à la hauteur du problème.

Dans le premier cycle, il faut pouvoir offrir des formations courtes à des bacheliers qui possèdent un bac technologique ou professionnel. Vous avez évoqué cette question ; permettez-moi d’en donner une illustration. Dans mon académie, j’ai saisi le recteur pour connaître le nombre de places vacantes en sections STS. Il se monte à plus de 300.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Eh oui !

M. Alain Claeys. Je lui ai envoyé une deuxième lettre pour lui demander quelles dispositions il avait prises à cet égard. J’attends toujours sa réponse.

J’en viens au second point de mon intervention : la recherche. Le Parlement a eu à cet égard un débat extrêmement intéressant, au cours duquel nous sommes allés au fond des choses. Nous ne remettons pas en cause la création de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche. Il est normal que, grâce à elle, l’État puisse, avec toutes les garanties voulues, donner à la recherche des orientations par le biais d’appels d’offres. Nous ne remettons pas non plus en cause les 30 % qu’elle consacre, au sein de son enveloppe budgétaire, à des programmes blancs, qui sont utiles, voire nécessaires.

Mais nous dénonçons, comme nous l’avons indiqué au cours du débat sur la recherche, le déséquilibre qui se crée entre les financements de l’ANR et ceux des organismes de recherche. Il ne faudrait pas que votre politique pénalise les laboratoires. Oui, si l’on doit financer la recherche publique en favorisant ses équipes d’excellence, que ce ne soit pas au détriment des laboratoires, ce qui entraînerait des difficultés ! Un déséquilibre entre les ressources de l’ANR et les crédits d’impôts, d’une part, et, de l’autre, le manque criant et récurrent de crédits mettrait en cause l’avenir des organismes de recherche, dont je ne peux croire que la politique du Gouvernement soit de les assécher. Quoi qu’il en soit, le problème existe et il faut le traiter.

Quant à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, vous nous aviez, lors de notre débat, donné des garanties. Vous nous aviez assuré qu’elle s’appuierait sur les branches qui fonctionnent aujourd’hui. Or, quand on regarde le décret d’application, on observe qu’il crée, sans doute à nos dépens, une usine à gaz.

Pour moi, la mission de cette agence ne consiste pas à se substituer à un système d’évaluation qui fonctionne bien, mais à créer des règles, des normes incontestables, au niveau tant national qu’international, qui permettent d’évaluer la recherche française. Il ne s’agit pas d’ajouter une nouvelle structure, comme l’a suggéré le rapporteur spécial pour la recherche, ou je ne sais quelle procédure d’évaluation syndicale. Avez-vous été évalué par un syndicat, monsieur Fourgous ?

M. Pierre Cohen. Oui ! Et il ne s’en est jamais remis ! (Sourires.)

M. Alain Claeys. Il est déraisonnable d’envisager une telle procédure, alors qu’il est un mode d’évaluation que nul ne conteste : il consiste à être évalué par ses pairs. Voilà comment il faut raisonner. Nous sommes inquiets, monsieur le ministre. Les craintes que nous avons évoquées au cours du débat sur la recherche s’avèrent justifiées.

Le troisième sujet sur lequel je tiens à intervenir est l’aménagement territorial de la recherche et de l’enseignement supérieur. Là encore, nous sommes inquiets. Même si, rappelons-le, il n’y a pas de nécessité de régionaliser la recherche et l’enseignement supérieur, nous partageons vos deux objectifs : la mise en réseau des universités et la création de pôles d’excellence. Cependant, nous émettons quelques doutes sur la manière dont vous prétendez y parvenir.

Combien y aura-t-il de PRES en fin d’année ? Probablement pas plus de trois ou quatre, et ce pour deux raisons.

La première est que les règles du jeu ne sont pas suffisamment claires, ce qui entraîne des blocages au niveau des conseils d’administration et au sein des universités. Notre mise en garde, que Pierre Cohen avait rappelée à l’occasion du débat sur la recherche, est plus que jamais d’actualité aujourd’hui.

D’autre part, à l’heure où les PRES mettent en réseau les universités et les organismes de recherche, ceux-ci, considérant que les règles du jeu ne sont pas suffisamment claires, attendent que les universités se mettent en place. Cela nous paraît d’autant plus inquiétant que les réseaux thématiques de recherche avancée, dont le nombre se monte aujourd’hui à treize, fonctionnent. Il ne faudrait pas que leur action chasse des universités les meilleurs éléments, les asséchant ainsi pour créer de nouvelles structures. Le problème de l’aménagement du territoire et de la mise en réseau des universités est par conséquent extrêmement important.

J’en viens à mon dernier sujet : la gouvernance. Dans ce domaine, il faut au préalable régler la question des moyens. J’ai regardé objectivement les dotations des universités de ma région, les problèmes de sécurité qui peuvent se poser et l’exécution du contrat de plan. Le Gouvernement, quel qu’il soit, n’obtiendra pas la confiance de la communauté universitaire si, auparavant, il n’a pas remis à plat la question de la dotation.

Il n’est pas acceptable, en 2007, qu’un président d’université puisse être inquiété parce que tel bâtiment n’est pas aux normes de sécurité. Il faut faire un effort considérable, alors que l’exécution du contrat de plan est incomplète, et il faut le faire vite.

Pour le reste, en ce qui concerne la gouvernance des universités, je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qu’a dit M. Bouvard. Ma position sur le sujet pourrait se résumer ainsi : contrat – celui-ci doit prendre une place plus importante dans la part donnée aux universités, ce qui nécessitera de définir de nouveaux crédits sur la dotation globale –, évaluation – on ne peut pas n’évaluer que quatorze ou dix-neuf contrats par an –, responsabilité – l’équipe présidentielle de l’université doit rendre des comptes chaque année – et démocratie : le conseil d’administration doit jouer pleinement son rôle.

En conclusion, j’évoquerai rapidement deux sujets : l’accord de Londres, sujet important sur lequel – je le dis en mon nom personnel – il faut avancer rapidement, et les sciences de la vie, en faveur desquelles l’effort de financement public ne me paraît pas suffisant. À cet égard, je suis inquiet des déclarations de la présidente du CNRS, qui a indiqué qu’elle entendait réduire les crédits alloués à ces disciplines, ajoutant dans une interview aux Échos que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Si les Anglais et les Américains notamment avaient la même attitude, ils ne consacreraient pas autant d’argent aux sciences de la vie, qui seront un enjeu capital, tant pour la recherche fondamentale que pour l’économie.

La majorité a perdu trois ans, monsieur le ministre. Vous essayez de combler le retard, mais le compte n’y est pas. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'université et la recherche sont vitales pour favoriser l'adaptation de notre pays, son efficacité économique et sa cohésion. Or la France ne les a pas assez soutenues dans les années 1980-90. Certes, l’enseignement supérieur a relevé le défi du nombre, mais sans que son organisation soit significativement modifiée. Quant à la recherche publique, à laquelle le général de Gaulle avait donné une forte impulsion, elle a vécu sur ses acquis.

Il faut donc se féliciter que, en 2004, la recherche soit redevenue d'actualité et que le Gouvernement se soit engagé à dégager 6 milliards cumulés sur trois ans et à créer 3 000 postes annuels en 2006 et 2007. Cette année encore, votre budget continue de progresser dans le cadre de ce programme, mais il y a tant à faire pour pallier l'insuffisance des moyens dont se plaignent les enseignants – débordés par la masse de jeunes bacheliers –, les étudiants – seuls face à une orientation mal organisée –, les chercheurs – désarmés face à un système déserté par les meilleurs – et une recherche privée qui reste parmi les plus faibles des pays développés, qu’il reste néanmoins en deçà des attentes.

S’agissant des moyens financiers, l’augmentation de 2,58 % du budget reste modeste par rapport aux efforts consentis par les pays européens et émergents. Mais pouvait-il en être autrement ? Quelle que soit votre détermination, monsieur le ministre délégué – et je sais qu’elle est grande –, les faits sont têtus et l'endettement de notre pays est tel qu’il vous empêche d'affecter des crédits conséquents à l'université et à la recherche, ainsi que le rappelaient la Cour des comptes et le rapport Pébereau.

En matière d'emploi scientifique et académique, le nombre des emplois ne s'accroît que de 2000. Les allocations de recherche seront revalorisées de 8 % au 1er février 2007, mais la promesse d'atteindre une fois et demie le SMIC ne sera tenue pour les chercheurs de troisième année qu'à la rentrée 2007-2008. On aurait pu aller plus vite. Quant aux salaires de départ des chercheurs, ils ne sont toujours pas attractifs, alors qu’il faut également rattraper le retard français en matière de conditions de travail, de rémunération, de déroulement de carrière, de mobilité entre organismes et entre fonctions. Seule une véritable politique de ressources humaines pourra motiver les jeunes talents dont nous avons besoin.

Selon le budget pour 2006, des mesures d'amélioration de la gestion devaient être mises en œuvre. A-t-on commencé à le faire ? Des indicateurs sont-ils retenus pour étudier la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs, la forte variabilité de la pyramide des âges des effectifs dans les prochaines années et la nature des emplois créés avec les financements de l'ANR et de l’AII ? Nous voyons bien, dans nos circonscriptions, que le nombre excessif de CDD, souvent d'une durée réduite, nuit à l'attractivité de nos laboratoires.

Ce budget est également en deçà des attentes des étudiants, dont une part élevée ne passe pas le cap de la première année. Il faut dire que l'université n'a pas la tâche facile, qui accueille chaque année 250 000 nouveaux bacheliers mal informés sur les filières dans lesquelles ils s'inscrivent. La rupture actuelle entre le lycée et l'université est si grande que cette dernière doit mettre en place une orientation performante, un encadrement – souhaité par les étudiants eux-mêmes, qui craignent d'être livrés à eux-mêmes – et l’information la plus complète sur les débouchés professionnels et leur contenu. Votre budget prévoit des actions en ce sens, mais ne sont-elles pas déjà dépassées, avec la sortie récente du rapport Hetzel ? Trop souvent, dans notre pays, nous légiférons et décidons de nouvelles actions sans donner aux acteurs les moyens de les réaliser. Mettons donc les actes en cohérence avec les intentions et donnons aux établissements les moyens de le faire.

Dans le même ordre d'idée, je rappellerai, comme je le fais tous les ans, la nécessité de moderniser les bibliothèques. L'amplitude des horaires d'ouverture – qui est en moyenne de 57 heures, contre le double dans d'autres pays – traduit bien le mal chronique dont elles souffrent. Année après année, elles sont trop faiblement dotées et restent peu accessibles à tout moment.

Quant aux conditions de vie des étudiants, elles seront améliorées par l'accès au logement. La programmation de votre prédécesseur est lancée, mais l'objectif des 70 000 chambres réhabilitées et des 50 000 construites sera-t-il atteint ? On peut s'interroger au vu des premiers résultats, car seules 9 000 ont été réhabilitées et les premiers programmes de construction ne font que commencer.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Par rapport à ce qui était fait auparavant, c’est une révolution !

Mme Anne-Marie Comparini. Les conditions de vie des étudiants seront également améliorées par l’augmentation des bourses. Dans le projet de budget, vous ajoutez une nouvelle catégorie d'aides. C’est bien, mais le problème de la gestion des bourses n’est pas réglé – je ne reviens pas sur ce qu’a fort bien dit M. Bouvard. Le moment est venu de revoir l'ensemble de ces aides pour proposer en volume et en niveau un soutien financier plus juste – je pense aux enfants des classes moyennes –, plus efficace – elles sont trop nombreuses – et plus propice à l'apprentissage de l’autonomie. Il conviendrait également d’instaurer un véritable système de prêts, comme cela se pratique en Suède et en Grande-Bretagne.

Toutes ces observations soulèvent la question de l'évolution de la gouvernance des universités. Le décalage entre la situation française et celle des pays développés ou en croissance est aujourd'hui manifeste. Sans équipe de direction renforcée et un encadrement des ressources humaines plus moderne, nous ne pourrons relever le défi de la connaissance. Ce sujet devra faire l'objet d'une concertation pour aboutir à une réelle programmation-orientation, qui a fait défaut au cours de ce mandat.

Avec ce budget, on voit que le rôle de l'État et des institutions n'est pas clarifié. Ainsi l'enveloppe considérable de 300 millions d’euros non reconductible, ouverte sur le budget de l'ANR pour doter les Pôles de recherche et d'enseignement supérieur et les Réseaux thématiques de recherche avancée, appelle quelques remarques. D’abord, prenons garde à ce que ces crédits ne soient pas une aubaine pour mettre en place des conglomérats partiels. L'État ne peut assister passivement au mouvement. C'est à lui d'inciter à la coopération, voire au rapprochement, des universités et unités de recherche sur la base de projets fédératifs.

Ensuite, les missions de l'ANR sont trop vagues et trop vastes. Je constate que vous avez stabilisé les AP de l'ANR. Cette pause bienvenue doit être mise à profit pour faire un bilan des appels d'offre et préciser ses missions, car la multiplication des agences ne peut servir de politique à la recherche française. De la même manière, un travail de fond devra être entrepris sur les pôles de compétitivité, qui représentent un champ nouveau de recherche, où collaborent le public et le privé. Il serait important de mesurer l'accroissement du nombre de laboratoires publics impliqués dans ces projets.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2007 prévoit, cette année encore, une importante augmentation des dépenses fiscales en faveur de la recherche industrielle et de l'innovation. J'approuve dans son principe la politique d'aide à la recherche industrielle, mais les données de 2004 montrent une détérioration du rapport entre recherche et PIB national et de notre place internationale. De très importants efforts fiscaux ont été consentis et accentués en 2007 – 900 millions d'euros –, sans que nous connaissions leurs réels effets sur la création d'emploi. Or l’objectif est bien de créer de nombreux emplois liés à la recherche dans le milieu industriel. Il faudra donc mesurer l'impact de chacune de ces mesures, en vue d'une politique à long terme, non pas dans les grands groupes, mais en direction des petites entreprises traditionnelles, qui hésitent à se transformer en entreprises plus high-tech, et surtout en direction des petites entreprises, qui doivent grandir.

Tels sont, monsieur le ministre, les points fondamentaux sur lesquels je voulais insister, en espérant que le débat nous permettra de les approfondir.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a besoin d’une recherche forte et dynamique car cette activité est indispensable aux innovations de demain, au développement économique de notre pays, ainsi qu’à son rayonnement culturel.

Pourtant, ce secteur traverse une crise sans précédent : la recherche a rétrogradé du quatrième au dixième rang mondial en termes de dépense nationale de recherche et développement. Avec 21,3 milliards d’euros cette année, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche n’augmente que de 3,2 %, soit 700 millions d’euros.

Ces mesures budgétaires incluent évidemment la prise en compte de la loi recherche votée en avril 2006. Cette loi permet l’accroissement des crédits d’impôt recherche à destination des entreprises, crédits dont l’efficacité n’a toujours pas été établie et pour laquelle le Gouvernement refuse tout dispositif démocratique d’évaluation.

J’aborderai en premier lieu la situation des IUT, car celle-ci est révélatrice de votre politique budgétaire. Alors que la nation se trouve engagée dans un vaste débat sur l’adéquation des formations universitaires à l’emploi et que les instituts universitaires de technologie sont unanimement reconnus comme la meilleure interface entre l’université et les milieux professionnels, les moyens de ces instituts se dégradent de façon alarmante.

En effet, la mise en œuvre des dispositions budgétaires prévues par l’actuel projet de loi de finances vient confirmer la baisse tendancielle du taux de couverture de la dotation globale de fonctionnement des IUT. Ce financement est désormais en inadéquation avec la réalité de leur activité, qu’il s’agisse des moyens humains ou financiers.

En termes de moyens humains, les IUT se voient attribuer au plus 10 % des créations d’emploi alors que leur charge d’enseignement représente 22,7 % de celle de l’ensemble des universités. Sur le plan financier, l’engagement ministériel pris en 2003 et visant à garantir un taux de couverture minimum de 0,89 % de la dotation globale de fonctionnement théorique n’a pas été respecté. Il manque donc 6,6 millions d’euros au budget de l’ensemble des IUT, somme nécessaire pour atteindre cet objectif minimal de 0,89 %.

Dès lors, les IUT ne sont plus en mesure d’assurer pleinement les missions qui sont les leurs – au premier rang desquelles se situe la professionnalisation de leurs étudiants –, tant en termes purement pédagogiques qu’au niveau des équipements nécessaires aux formations à fort contenu technologique.

Au vu des éléments qui précèdent, seul le rétablissement du taux de couverture de la dotation globale de fonctionnement au niveau annoncé permettrait de mieux ajuster le financement à l’activité réelle et conduirait ainsi à une solution satisfaisante, au moins à court terme. Je vous demanderai donc, monsieur le ministre, de vous exprimer sur ce point.

Ce budget 2007 amplifie aussi la déréglementation et la mise en concurrence accrue des établissements. Les RTRA, réseaux thématiques de recherche avancée, qui ont fait l’objet d’un choix arbitraire du pouvoir – 12 projets retenus sur 39 déposés –, voient se concentrer sur eux dans une opacité absolue des financements qui vont déséquilibrer le tissu de la recherche française en créant de fait, contre l’avis de la communauté scientifique, des pôles dits « d’excellence » essentiellement concentrés – 8 sur 12 – en région parisienne et en Rhône-Alpes. Déjà, nombre d’écoles doctorales se voient menacées de disparition ou d’agrégation forcée à d’autres thématiques – je pense notamment à Chambéry ou à Pau.

Comme jamais aucun gouvernement ne l’a fait, le vôtre entend distribuer aux premiers demandeurs, quelle que soit la nature des projets, les financements prétendument complémentaires alloués aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES.

Le Gouvernement joue de l’effet d’aubaine pour contraindre ainsi les universités asphyxiées financièrement à se regrouper sur des missions et des thématiques loin d’être débattues et évaluées au sein de la communauté scientifique.

Enfin, le Gouvernement, qui a prétendu faire de l’évaluation sa priorité et qui mène au pas de charge l’installation de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur en dépit de l’opposition de la communauté scientifique, ne donne à cette nouvelle agence rien de plus que les moyens alloués aux défunts CNER et CNE.

Dans la même logique libérale, le financement du fonctionnement des laboratoires et des universités ne sera pas augmenté ; du fait de l’inflation, il sera donc plus faible en euros constants, alors que le financement de l’Agence nationale de la recherche augmente de 40 %. Les difficultés budgétaires des universités seront encore amplifiées, notamment du fait de l’augmentation des dépenses liées à la construction et à la réhabilitation de locaux, et de l’augmentation de l’offre de formation.

Le financement de l’enseignement supérieur repose chaque année un peu plus sur les étudiants, avec des frais d’inscription qui augmentent plus vite – près de 5 % cette année – que le financement de l’État. Pire, l’État ferme les yeux sur les pratiques de certaines universités qui, face au désengagement de l’État, pratiquent de façon toujours plus importante des frais d’inscriptions parfois à la limite de la légalité.

Si le montant des allocations de recherche – mais pas leur nombre – est appelé à augmenter substantiellement, le reste de l’aide aux étudiants demeure très largement insuffisant : augmentation de 1,5 % du taux des bourses, instauration du système ALINE, qui ne constitue qu’une aumône ; alors que, depuis cinq ans, les dépenses étudiantes ont augmenté de 23 %, les aides n’ont augmenté que de 6 %.

La situation sanitaire et sociale des étudiants se dégrade : 20 % d’entre eux n’ont même pas de complémentaire santé. Pourtant, des solutions existent : création d’un chèque santé étudiant, paiement en dix fois sans frais des droits de sécurité sociale, consultation gratuite de prévention, et caetera. Quel écho donnerez-vous à ces propositions, monsieur le ministre ?

Quant aux bourses, il manquera en 2006, comme chaque année, 80 millions d’euros pour payer les bourses de décembre des étudiants. On sait d’ores et déjà qu’il manque 10 millions d’euros dans le budget 2007 pour financer les constructions et rénovations de logements prévues dans le plan Anciaux.

En ce qui concerne l’emploi, la création de 2000 emplois n’est pas au niveau de 2006 et les engagements du Président de la République n’ont pas été tenus, même si le chiffre est plus élevé que celui annoncé en juin 2006.

Les 1 000 emplois prévus dans les universités semblent correspondre à des postes de titulaires. Il n’en est pas de même pour les EPST, établissements publics à caractère scientifique et technologique, et les EPIC, établissements publics à caractère industriel et commercial : sur les 1 000 emplois créés, on ne compte que 550 postes de fonctionnaires dans les EPST, 100 CDI dans les EPIC et 350 emplois de contractuels dont 200 CDD de haut niveau et 100 post-doc. Ces emplois sont déjà fléchés car ils doivent être affectés de façon prioritaire à des thèmes précis : science de la vie, technologie de l’information, sciences de l’ingénieur et développement durable, mais aussi dans les PRES, pôles de compétitivité et autres RTRA.

En 2003, la première attaque contre le dispositif de recherche existant poursuivait trois objectifs : placer la recherche française sous un pilotage gouvernemental toujours plus étroit, donner une priorité absolue à des recherches de court terme en vue d’applications immédiates et enfin faire réaliser une grande part de la recherche par des emplois précaires.

La logique de ces trois objectifs répondait à une idéologie dangereuse et illusoire : les pouvoirs politiques doivent prescrire à des « employés de recherche » les applications techniques qu’il faut produire, à court terme, pour la société. De tels principes traduisent une méconnaissance effarante des qualités et de l’attachement des chercheurs à leur métier.

Pourtant, les pays qui ne maintiendront pas un outil de recherche d’excellence seront incapables de suivre l’accélération de l’évolution économique associée à la production des connaissances. Plus grave encore, ils deviendront rapidement incapables de former les jeunes générations de manière compétitive. Ils entreront donc dans une dépendance économique difficilement réversible.

Malheureusement, avec ce budget, les prévisions d’aujourd’hui seront la réalité de demain. Nous ne pouvons l’accepter. C’est pourquoi nous voterons contre ces crédits.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut vraiment beaucoup d’ingéniosité et d’artifices à l’opposition pour rejeter le budget qui nous est présenté aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je ne reprendrai pas dans le détail l’ensemble des chiffres, déjà abondamment commentés par les rapporteurs. Monsieur le ministre, le groupe UMP se félicite de l’effort sans précédent réalisé pour la troisième année consécutive en faveur de la recherche publique et de l’enseignement supérieur.

L’engagement du Gouvernement est tenu, qu’il s’agisse de l’ensemble des moyens de la recherche, qui atteignent près de 22 milliards d’euros, de l’emploi, de l’attractivité des carrières, de la mise en place des agences de financement sur projets – ANR et OSEO ANVAR –, du développement de la recherche partenariale, de l’amélioration des conditions de vie des étudiants – en hausse de 4,31 % – ou des conditions matérielles et de l’immobilier universitaire – en hausse de 64 millions d’euros. Sur ce dernier poste, les moyens alloués restent toutefois très en deçà des besoins, étant donné l’ampleur de ceux-ci ; peut-être conviendrait-il d’engager une réflexion sur ce point associant l’État et les régions.

Certains blâment la construction d’un budget dont les moyens, hors vie étudiante, consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur augmentent d’un milliard d’euros – un vrai milliard. D’autres médisent sur les 2 000 créations de postes, en arguant de leur insuffisance. C’est oublier que cet effort s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint et qu’il s’oppose à la politique générale actuelle de réduction des emplois de l’État. Cet effort important devrait toutefois s’accompagner d’une politique globale de gestion des ressources humaines dynamique, que j’appelle de mes vœux à chaque exercice, capable de diversifier encore davantage les carrières et de se projeter loin dans l’avenir.

L’esprit de la LOLF doit désormais prévaloir dans la gestion de la politique de l’emploi scientifique des établissements et des organismes, notamment du CNRS, dont la responsabilité et la confiance doivent devenir les maîtres mots.

Cette année encore, comme c’est le cas depuis 2002, l’allocation de recherche connaît une forte augmentation – 8 % à compter du 1er février prochain – qui place son montant à 1 530 euros mensuel ; il s’y ajoute la possibilité, pour 70 % des allocataires, de la conjuguer avec un monitorat, au nombre de 8 000 cette année, d’un montant de 335 euros. La rémunération globale sera de 1 866 euros, soit pratiquement égale – à 15 euros près – à celle, symbolique, de 1,5 SMIC. L’allocation de recherche atteindra ce seuil, conforme à votre engagement, de 1,5 SMIC pour les étudiants de troisième année, qui peuvent en effet difficilement concilier cette dernière année de recherche, traditionnellement consacrée à la rédaction de la thèse, avec la poursuite d’un monitorat. Vous êtes en passe de réussir ce pari difficile, monsieur le ministre. Bravo ! Afin de rassurer les jeunes chercheurs, pouvez-vous nous confirmer le mécanisme de ces dispositions et leur exécution ?

Il est très malaisé d’opposer une critique raisonnable lorsque l’on songe que le montant de l’allocation de recherche n’a jamais été revalorisé, ou si peu, entre 1997 et 2002.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Eh oui !

M. Pierre Lasbordes. De même, monsieur le ministre, si nul ne conteste la volonté du Gouvernement, depuis 2002, de résorber le système honteux des libéralités, celui-ci semble encore perdurer de façon résiduelle. Aussi est-il plus que nécessaire d’y mettre un terme définitivement.

J’insiste également sur la reconnaissance par les entreprises du titre de docteur. Comme la loi de programme y incite, il est impératif que de véritables avancées soient maintenant réalisées sur cette question, en concertation avec les organisations patronales et représentatives des docteurs. En effet, l’entrée dans un organisme public ne doit plus être perçue comme la seule perspective donnée à un jeune docteur. Cette reconnaissance du diplôme de docteur devra également être effective dans le secteur public, en nommant à des postes de direction de la haute administration des personnels formés initialement à et par la recherche.

Monsieur le ministre, je ne peux que me féliciter de la présentation hier en conseil des ministres du décret portant création de l’Agence de l’évaluation de la Recherche et de l’enseignement supérieur, qui achève dans la presque totalité la parution des mesures réglementaires de la loi de programme, six mois seulement après son vote. L’AERES est un outil essentiel d’harmonisation et d’élévation qualitative de l’évaluation de la recherche française dans la quête de l’excellence scientifique. Pourvu qu’elle n’alourdisse pas l’organisation et le budget existants, elle est vouée à garantir une évaluation transparente et efficace de notre recherche. Quant à l’ANR, jadis si critiquée, elle réunit aujourd’hui un consensus.

Un budget se construit dans la durée. L’objectif défini à Lisbonne et à Barcelone invite l’Europe et les États de l’Union à consacrer, à l’horizon 2010, 3 % du PIB à la recherche et à l’innovation, afin de favoriser l’émergence de la société de la connaissance la plus compétitive qui soit. Pour y parvenir, les deux tiers de l’effort, nous l’oublions trop souvent, doivent être assurés par le secteur privé. Aujourd’hui, la participation de celui-ci à la poursuite de cet objectif ambitieux reste insuffisante, bien qu’elle représente déjà 60 % de l’effort de recherche en France.

Cet écueil a clairement été identifié au moment de la discussion de la loi de programme, puisqu’un volet spécifique de dépenses fiscales a été établi pour dynamiser et guider l’effort de recherche des entreprises.

Pour 2007, l’ensemble de ces dépenses fiscales atteindra ainsi 1 570 millions d’euros, ce qui représente une progression de 280 millions d’euros, dont 170 au titre du CIR, le crédit impôt recherche.

Il paraît nécessaire d’évaluer l’impact des mesures engagées. Des études réalisées récemment dépeignent la mesure comme très intéressante pour les entreprises, mais trop complexe pour être suffisamment incitative. Des initiatives de simplification et d’harmonisation doivent être prises pour conforter la volonté de donner aux entreprises un environnement plus propice à l’investissement dans la recherche.

Ces mesures de simplification concernent pour l’essentiel l’élargissement de l’assiette d’éligibilité au crédit impôt recherche afin d’intégrer notamment, en référence aux critères OSEO, davantage de dépenses de recherche mais surtout de développement.

Inversement, d’autres dépenses, totalement accessoires, c’est-à-dire représentant un très faible pourcentage des dépenses éligibles, telles celles résultant de la participation à des réunions de normalisation, sont venues gonfler l’assiette et noyer les entreprises de calculs et d’obligations successives. Ne serait-il pas opportun de les remplacer par une augmentation substantielle du taux forfaitaire des frais de fonctionnement basé sur les dépenses de personnels ?

Par ailleurs, l’existence d’une différence entre les plafonds de dépenses externes des entreprises – ce plafond est ramené de 10 millions d’euros à 2 millions d’euros lorsqu’elles ont un lien de dépendance – semble dissuader les grands groupes d’orienter leurs flux financiers vers la recherche. Ne serait-il pas opportun d’envisager une harmonisation de ces plafonds ?

Même chose pour le délai de recouvrement des dépenses : bien trop long, celui-ci reste un élément négatif et entre en contradiction avec l’effet incitatif recherché. La restitution du crédit d’impôt devrait donc être accélérée.

Autre levier, le dispositif en faveur des JEI pourrait être simplifié. Depuis 2004, cette mesure a rencontré un vif succès. À la fin de 2005, les exonérations de charges sociales concernaient mille six cents entreprises et près de deux mille huit cents emplois impliqués dans la recherche. Là aussi, des actions simples peuvent contribuer à renforcer encore ce dispositif.

La première serait de lever la contradiction existant entre la définition donnée en France de la PME susceptible de bénéficier du statut de JEI et celle de la Commission européenne dans sa recommandation du 6 mai 2003. Cette dernière prend en compte un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 50 millions d’euros, contre 40 millions en France, et un bilan inférieur ou égal à 43 millions d’euros, contre 27 millions au niveau national. Une harmonisation avec la définition communautaire est plus que souhaitable pour les entreprises.

Il en est de même pour les dépenses éligibles, qui doivent représenter au moins 15 % des charges totales engagées par l’entreprise au titre de cet exercice. Un assouplissement de leur définition est souhaité, afin de prendre en compte dans l’assiette les projets d’innovation répondant – comme pour le crédit d’impôt recherche – aux critères OSEO pour l’attribution du label « entreprise innovante ».

Enfin, quelle raison s’oppose encore à l’élargissement du dispositif d’aide à la création d’entreprises par essaimage, notamment pour le contribuable qui, ayant créé sa structure, n’est jamais à l’abri d’une remise en cause du statut de celle-ci ?

Ces quelques mesures simples pourraient être mises en place rapidement. Elles conforteraient les entreprises et les créateurs dans la mobilisation de leurs énergies en faveur de la recherche.

Au total, le projet que vous nous présentez est un bon projet, monsieur le ministre, conforme au mouvement de croissance des moyens de la recherche initié depuis plus de trois ans ainsi qu’aux engagements contenus dans la loi de programme. J’invite le groupe UMP à le voter résolument et sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur » intervient comme un moment de vérité après le débat que nous avons eu ici même, il y a quelques mois, sur le projet de loi de programme dit « pacte pour la recherche ». Vous vous étiez alors engagé, monsieur le ministre, à apporter une réponse aux défis que les personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur vous avaient lancés au cours d’un mouvement sans précédent, traduction d’un malaise qui s’est profondément ancré depuis deux décennies.

Voilà longtemps en effet que la recherche n’apparaissait plus, dans les politiques qui se sont succédé, comme une priorité absolue. Vous-mêmes, dès votre arrivée au pouvoir en 2002, avez asphyxié les laboratoires de recherche en remettant en cause le programme pluriannuel des emplois scientifiques mis en place en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin et en pratiquant des coupes claires dans les budgets, ce qui a amené la quasi-totalité des personnels de la recherche à interpeller l’opinion publique. Le mouvement « Sauvons la recherche » a fait prendre conscience de la place de la recherche dans notre société, de sa nécessité dans un monde où le savoir et la connaissance constituent la matière première la plus déterminante en matière économique, sociale et environnementale.

Nous avons dénoncé le rendez-vous manqué de la loi de programme pour la recherche, qui non seulement manque d’ambition, mais est aussi porteuse de réels dangers dans la mesure où elle modifie très sensiblement le pilotage du savoir et de la connaissance et pose des critères et des objectifs de court terme qui excluront la France des puissances de la connaissance de demain.

Ce budget confirme nos craintes.

Tout d’abord, la politique pluriannuelle de l’emploi scientifique, qui ne portait déjà que sur deux années dans la loi de programme, est remise en cause au bout d’un an. Le Président de la République s’était engagé sur la création annuelle de trois mille emplois scientifiques, alors que nous savons tous qu’il en faut quatre mille cinq cents pour relever le défi des années 2008 à 2012, où une bonne partie des personnels de la recherche vont partir à la retraite. Avec ce budget 2007, nous n’atteignons même pas les deux mille emplois créés – une moitié pour les universités, l’autre pour les organismes de recherche et les EPIC. C’est une catastrophe à plus d’un titre.

D’abord, ce budget ne remédie pas à la pénurie que connaissent les universités en matière de formation et d’accompagnement pour nos jeunes, dont le malaise et les incertitudes quant à leur intégration professionnelle se trouveront accrus. Plusieurs rapporteurs qui vous sont pourtant acquis l’ont souligné, monsieur le ministre.

Ensuite, comme je l’ai dit, ce budget ne permettra d’accomplir les efforts nécessaires pour préparer les départs massifs à la retraite des personnels de la recherche.

Enfin, il ne donne pas le signal fort qu’il faudrait impérativement délivrer aux jeunes en ce qui concerne les débouchés. De moins en moins d’étudiants choisissent un cursus scientifique, et seul un très petit nombre choisit d’embrasser une carrière de chercheur.

Et n’allez pas répéter ce que vous m’avez répondu mardi dernier, monsieur le ministre, lorsque vous avez soutenu qu’il fallait se garder de créer plus d’emplois afin de ne pas porter atteinte à la qualité du recrutement : nous savons bien que la pénurie de postes depuis des années – et singulièrement au cours des premières années où vous vous êtes trouvés aux affaires – est telle qu’elle provoque le départ de nombreuses personnes de très grande qualité, tandis que d’autres, en post-doc, travaillent sous CDD dans les laboratoires, parfois dans une quasi-clandestinité. Nous disposons donc, pour les années à venir, d’un grand nombre de jeunes qui peuvent occuper ces postes au mieux.

Ce budget n’est ni sincère ni conforme à vos engagements. Prenons le CNRS, auquel vous demandez des créations de postes : avec un budget pour 2007 – le premier qui applique la LOLF – en augmentation de seulement 1,5 %, soit 33 millions d’euros, il devra choisir entre améliorer son GVT – car le meilleur moyen de rendre la recherche plus attractive, c’est de valoriser les carrières – et réaliser les créations de postes. Il ne pourra faire les deux, et c’est extrêmement grave.

M. Alain Claeys. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est faux !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Et ce ne peut être un effet de la LOLF !

M. Pierre Cohen. Autre exemple, qui vous implique cette fois directement, monsieur le ministre : vous aviez ici même pris un engagement personnel devant l’ensemble des députés, qui s’étaient accordés sur un amendement proposant de porter l’allocation de recherche pour les doctorants à un SMIC et demi dès le 1er janvier 2007. Or, non seulement l’augmentation de 8 % que vous proposez pour cette date correspond grosso modo, contrairement aux « révolutions » annoncées, à celles des six dernières années – avec 1 % de plus, j’en conviens –, mais le passage à un SMIC et demi est reporté à après les élections présidentielles et ne porterait que sur les dernières années d’allocation. Nous étions habitués à ce genre de manœuvre de la part de Bercy, mais pas de la vôtre !

En dépit de vos annonces tapageuses, donc, aucun rendez-vous n’est pris avec l’emploi scientifique.

Le rendez-vous est également manqué en ce qui concerne les moyens budgétaires. N’en déplaise à M. Lasbordes, ce n’est pas un vrai milliard qui est proposé,…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ah bon ?

M. Pierre Cohen. …c’est un « vrai-faux » milliard où, depuis deux ans, on fait entrer un tiers de crédit d’impôt recherche.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Et alors ? La dépense fiscale est une dépense publique !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Avec 280 millions, nous n’atteignons pas le tiers !

M. Pierre Cohen. Je n’ai rien contre les incitations fiscales, mais celles-ci augmentent artificiellement au fil des ans sans que nous sachions vraiment l’usage qui en est fait. Depuis des années, on nous annonce un rapport…

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Il vient d’arriver !

M. Pierre Cohen. Il est dommage que nous n’en ayons pas eu connaissance avant la discussion budgétaire. Car, derrière ces incitations, que fait-on réellement pour la recherche et l’innovation ? Quels sont les effets d’aubaine créés par ces leviers d’incitation à la recherche, et lesquels sont utilisés ? Surtout, la politique de l’emploi scientifique dans le privé, déterminante sur le long terme, est-elle tournée vers l’embauche de doctorants ? Nous ne saurons rien de tout cela avant les élections présidentielles, et c’est bien regrettable.

Quant aux deux tiers restants, qui seuls peuvent être comptabilisés comme des augmentations réelles, il est clair que nous avons des divergences d’ordre stratégique sur leur utilisation. Contrairement à ce qui a été dit, nous n’avons jamais été contre l’Agence nationale de la recherche.

M. Alain Claeys. C’est vrai !

M. Pierre Cohen. Nous avons toujours considéré que les deux fonds créés par Claude Allègre constituaient les prémisses de quelque chose qui devait être un peu plus formalisé. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je reconnais que l’Agence n’a pas été créée par Claude Allègre, monsieur le ministre.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Il faut dire qu’on ne lui en a pas laissé le temps !

M. Pierre Cohen. Il n’empêche que l’on a mis en place deux fois un milliard en complément de l’action des différents organismes et des universités pour renforcer, après un débat de société, l’incitation à la recherche.

Dans la loi de programme pour la recherche, vous n’avez pas voulu prendre en considération la nécessité d’équilibrer les augmentations. Vous accordez aux universités et aux organismes tout juste les moyens de survivre – et encore, avec l’augmentation du gaz, de l’électricité et des fluides, cela ne leur suffira pas pour fonctionner normalement jusqu’à la fin de l’année. En revanche, pour le pilotage de la recherche à venir, vous vous en remettez entièrement aux appels à projets.

Il suffit d’examiner en détail comment les réussites technologiques se sont construites dans le temps pour comprendre que vous avez tort. La puissance de la France a été construite par un grand nombre de savants, de chercheurs, d’ingénieurs qui ont accompli de grandes réussites technologiques. Oser dire, comme M. Fourgous, que depuis cinquante ans – donc sur une période qui englobe les débuts du gaullisme – ces gens ne travaillent pas et ne connaissent que le cloisonnement et le corporatisme, cela est absolument scandaleux et indigne. Heureusement qu’il ne représente qu’une minorité dans vos rangs !

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Pierre Cohen. Pour promouvoir ce type de pilotage, vous avez éliminé du conseil d’administration de l’Agence les représentants des organismes de recherche et des universités, si bien que ceux-ci, structurellement, ne sont pas associés aux choix politiques en matière d’orientations et de projets. Du jour au lendemain, un appel à projets peut être lancé ou une orientation édictée par on ne sait quel conseiller ou groupe. Les craintes que nous exprimions se révèlent donc fondées.

Le savoir ne répond pas à une logique de court terme et ne se produit pas sur injonction, monsieur le ministre. Un grand nombre d’innovations sont issues de connaissances qui se sont épanouies tranquillement dans les laboratoires, sans aucune commande formelle, ont été reprises par d’autres cinq ans plus tard, puis par d’autres encore… C’est ainsi que l’on arrive au prix Nobel !

Au-delà de la question de l’emploi scientifique et des moyens budgétaires, l’occasion nous est donnée de faire le point sur d’autres dispositions, présentées comme des avancées, de la loi de programme.

S’agissant de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, je croyais que nous étions tombés d’accord, lors de l’examen du projet, sur les grandes orientations. Nous ne disposons pas encore des textes réglementaires mais, d’après les échos que nous avons recueillis…

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Eh oui, des échos…

M. Pierre Cohen. Nous ne demandons qu’à avoir communication des textes, monsieur le ministre ! Pour l’instant, nous ne pouvons que nous en remettre aux craintes exprimées par les représentants des organismes de recherche et des universités à ce sujet.

La mission première de l’Agence devait être d’évaluer les organismes et les universités. Une telle évaluation manquait en effet et le besoin était réel.

Mais au niveau des équipes et des laboratoires ainsi que des personnels, il s’agissait de donner un cadre là où l’évaluation se faisait déjà.

M. Alain Claeys. Tout à fait !

M. Pierre Cohen. Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, elle est au point : il n’est aucun secteur de la puissance publique où une évaluation est faite aussi finement et aussi régulièrement ! Mais pour éviter toute dispersion et instaurer un équilibre, nous avions convenu que l’Agence définirait un cadre et mettrait l’évaluation en œuvre là où elle n’existait pas, en particulier dans les universités. Or, d’après les rumeurs, c’est une usine à gaz qui a été élaborée, qui sera extrêmement coûteuse et peu efficace. Dans l’attente des décrets, qui me détromperont peut-être, nous avons de fortes inquiétudes sur l’Agence d’évaluation.

S’agissant des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, nous avons des divergences de fond. Au nom de la liberté, chère au président de la commission des affaires économiques, vous avez voulu conserver une multitude de statuts, au point que la commission paritaire a autorisé la création de PRES en association. La boucle est bouclée et, là encore, nous sommes inquiets. Deux logiques s’installent : la première vise à faire en sorte que les universités puissent contourner les gouvernances actuelles en créant des structures plus souples – ce qui était sans doute votre arrière-pensée ; la seconde tend à insuffler une dynamique de réseaux thématiques. Or, les PRES, ce n’est pas cela ! Aux assises de la recherche à Grenoble, j’avais cru comprendre qu’il s’agissait essentiellement de rapprocher les universités et les organismes pour croiser l’efficacité de la recherche nationale avec des compétences verticales et celle de la recherche territoriale, plus thématique. La plupart des organismes se sont retirés des débats sur les PRES, faute de précisions sur leur mission. Votre volonté de rester dans le flou ne nous permettra donc pas d’atteindre notre objectif.

Contrairement à M. Fourgous, je suis convaincu que la recherche privée ne sera dynamisée que si la recherche publique est forte et stimulante. C’est le cas dans les pays les plus libéraux, comme les États-Unis, en particulier dans l’aéronautique et le spatial. Dans ce dernier domaine, d’ailleurs, hormis une participation budgétaire, la France est complètement absente du débat européen.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Quelle erreur !

M. Pierre Cohen. Comparé au rôle qu’elle y a joué pendant trente ans, cela n’a rien à voir ! Que faites-vous aujourd’hui pour que GMES soit un projet incontournable, un véritable défi technologique et de société ? Quant à Galiléo, il stagne.

Monsieur le président, Mme Gaillard, dont je me fais le porte-parole, voudrait faire quelques observations s’agissant du programme de recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. En mission au Sénégal, elle a pu, ainsi que les quelques collègues présents, constater les difficultés du CIRAD sur le terrain concernant le difficile problème de l'épizootie de grippe aviaire : il s'agissait juste de trouver quelques tubes à essai pour effectuer des prélèvements sur les oiseaux migrateurs regroupés dans le Dedj ! Par ailleurs, s’agissant de l’affaire des huîtres du bassin d'Arcachon, M. Chassaigne a souligné dans un rapport l'inadéquation entre les tests réalisés sur souris et les résultats obtenus, dont les conséquences sont désastreuses pour toute une économie. Geneviève Gaillard voudrait profiter du vote de ce budget pour dénoncer une fois encore l'absence totale de recherche pour une alternative à l'utilisation d'animaux dans les tests pratiqués dans nos laboratoires publics et privés. Il y aurait un quadruple intérêt à consacrer quelques crédits à ce domaine : scientifique, car ce terrain est quasiment inexploré ; financier, car de nombreux brevets de recherches s'ensuivraient ; politique, parce que nous serions leaders en Europe ; éthique, enfin, car nous épargnerions la mort et la souffrance à de nombreux animaux.

Pour ma part, je conclurai en disant que la recherche et l’enseignement supérieur doivent être des priorités afin que notre pays reste, avec l’Europe, une puissance du savoir et de la connaissance, qu’il soit une force économique de plein-emploi et puisse relever les défis environnementaux et de société du XXIsiècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Hénart, dernier orateur inscrit.

M. Laurent Hénart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, en 2007, un effort considérable en faveur de la recherche est consenti pour tenir l’engagement de Lisbonne et pour rattraper le retard accumulé dans les précédentes décennies, tant dans le public que dans le privé. L’université n’a pas seulement vocation à former des chercheurs et des enseignants qu’elle emploiera par la suite ; depuis sa démocratisation, elle forme aussi des gens qu’elle n’embauchera pas. Or les statistiques d’embauche des jeunes diplômés se sont considérablement dégradées depuis la fin des années quatre-vingt-dix, renvoyant un écho négatif à celui extrêmement positif, évoqué par M. Gaultier, de l’accroissement sensible du nombre d’étudiants.

Le rapport Hetzel, récemment remis au Premier ministre et à vous-même, monsieur le ministre, contient nombre de propositions positives qui doivent trouver une concrétisation le plus rapidement possible, notamment la constitution d’une chaîne vertueuse autour de trois éléments clés, qui peuvent changer sensiblement la donne en matière d’insertion des jeunes diplômés. L’effort consenti par la collectivité en faveur des laboratoires excellents, des filières remarquables ou de la recherche de pointe sera d’autant plus légitime que tous les jeunes Français trouveront des débouchés professionnels stables à la sortie de leurs études. D’ailleurs, avoir un jeune sur deux diplômé de l’enseignement supérieur pour garantir la qualité des ressources humaines de nos économies est un objectif de la stratégie de Lisbonne.

Orienter avec efficacité, telle est la première idée à retenir du rapport Hetzel, qui tourne à juste titre la page du débat sur le numerus clausus et la sélection, considérant les étudiants comme des adultes responsables. Mais ceux-ci doivent pouvoir avoir accès à une véritable information. De ce point de vue, les futurs PRES et les crédits alloués pour les personnels IATOS doivent servir à établir rapidement un taux de placement des diplômes, plus important à mon sens que le taux de réussite évoqué par le rapport Hetzel. S’il est intéressant de savoir combien d’étudiants décrochent leur diplôme, connaître le nombre de ceux qui ont trouvé un emploi six mois, un an ou trois ans après avoir été diplômés l’est plus encore. À cet égard, nos universités ont, par rapport au reste de l’Europe, un retard tout à fait condamnable, qu’il faut rapidement rattraper en commençant par jouer la transparence, en donnant l’information aux étudiants dès leur inscription. Lorsque j’étais rapporteur de l’enseignement supérieur à la commission des finances, j’avais fait une visite éclairante sur ce point dans des universités pionnières de Grenoble : sur une rentrée, les étudiants avaient modifié de manière importante leur choix d’inscription, pour se diriger vers des filières dont le taux de placement était meilleur.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Vous étiez un rapporteur très consciencieux !

M. Laurent Hénart. Ce droit incontournable à l’information des étudiants, il faudra en surveiller l’exécution, notamment quand il s’agira de réhabiliter des diplômes, en en faisant une condition de recevabilité des demandes. Il faudra certainement en arriver là si l’on veut que les universités sacrifient à ce qui est une obligation réglementaire pour les établissements depuis plus de vingt ans.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. En effet !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. Laurent Hénart. Le rapport Hetzel préconise ensuite de développer la formation en alternance dans l’université. Si le mot de professionnalisation revient souvent, il cache des réalités diverses : sur 1 230 licences professionnelles aujourd’hui, 250 seulement sont préparées en alternance. Or on sait que la meilleure formule de professionnalisation des études est l’alternance sur tout ou partie du cycle, à travers l’apprentissage ou des stages consolidés. De ce point de vue aussi, un travail considérable et essentiel reste à faire. Comme tous les jeunes, les étudiants doivent profiter des vertus de l’apprentissage et de l’alternance, qui permettent de rapprocher l’offre de formation des employeurs, de connaître le métier avant d’arriver sur le marché du travail, de vérifier concrètement la correspondance du choix professionnel et des aptitudes personnelles. L’ouverture du corps enseignant au monde économique, tant privé que public, est une autre qualité – et pas la moindre – de la professionnalisation. Comme nombre d’entre vous sans doute, je suis surpris du nombre d’étudiants de niveau bac + 5 qui découvrent que beaucoup des emplois qu’ils convoitent sont accessibles sur concours. Or ils n’y ont pas été préparés. Les vertus de l’apprentissage seront donc utiles pour préparer les étudiants aux réalités professionnelles, non seulement dans le privé mais aussi dans le public.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est vrai !

M. Laurent Hénart. Le dernier élément sera plus délicat à mettre à œuvre parce qu’il a des implications réglementaires et législatives dans de nombreux domaines. Il consiste à ne pas pénaliser les étudiants actifs, c’est-à-dire ceux qui font des études en alternance, mènent de front travail à temps partiel et études ou travaillent pendant les vacances, qui ne sont que 25 % à 30 % en France contre près de 55 % à 60 % en Europe. Un vaste travail est à entreprendre pour que les revenus de cette activité ne soient pas fiscalisés, ne fassent pas perdre des droits aux bourses ou à l’accès au logement. Il conviendrait d’ailleurs de redoubler d’efforts, certes déjà louables, dans le domaine du logement pour répondre à la souplesse et la réactivité nécessitées par l’alternance. De ce point de vue, je rejoins M. Bouvard sur la faible application de l’article 66 de la loi du 13 août 2004, qui permet la délégation de logements aux collectivités locales et notamment aux EPCI. Sa meilleure mise en œuvre participerait aussi au développement de l’alternance et favoriserait les parcours professionnels de nos étudiants.

Nous souhaitons tous que les universités françaises soient à la fois mieux cotées à Shanghai et utiles aux jeunes Français en favorisant leur intégration plus rapide sur le marché du travail. Notre propre dynamisme économique y gagnera ! Si l’on n’y prend pas garde, le faible taux de placement à l’emploi des diplômes risque d’être l’un des freins majeurs à l’entrée des jeunes dans l’enseignement supérieur. Plus performant il sera, mieux les objectifs de Lisbonne seront atteints, tant sur le critère du pourcentage de PNB en effort de recherche et développement que sur le critère du niveau de qualification de la population, meilleur gage de compétitivité pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant de répondre à chacun d’entre vous, je voudrais vous dire combien j’apprécie l’élévation de nos débats, qu’il s’agisse de celui que nous avons eu sur la loi de programme pour la recherche ou du présent débat budgétaire, due à la très grande connaissance que vous avez de ces sujets et à l’intérêt profond que vous y portez. Vous épargnant un discours général, je me concentrerai sur les observations exprimées par les uns et les autres. Au-delà des divergences très naturelles que nous pouvons avoir et des postures inévitables dans une assemblée, reconnaissons que, depuis deux ou trois ans, un véritable effort a été accompli en faveur de la recherche, tant sur les crédits que sur les créations de postes. L’organisation de ce secteur a été modernisée de façon à nous rapprocher de modèles étrangers plus performants que chez nous tout en préservant ce qui fait la force de l’organisation traditionnelle de la recherche en France. Nous nous sommes livrés à un exercice d’équilibre.

En matière d’enseignement supérieur, nous avons un bon budget et un certain nombre de mesures ont déjà été prises pour rapprocher l’université de l’emploi. Il reste néanmoins des réformes importantes à accomplir et la collectivité doit, certes, encore consentir un effort financier. Vous conviendrez toutefois qu’on ne peut tout faire en même temps, quel que soit le Gouvernement. Beaucoup a déjà été fait pour la recherche, en particulier universitaire ; un effort comparable doit être accompli pour l’enseignement supérieur.

Monsieur Fourgous, je rejoins vos réflexions sur le changement de logique, la nécessaire ouverture, le décloisonnement. Tout cela est parfaitement exact. Il est nécessaire – beaucoup d’orateurs l’ont reconnu – de stimuler la recherche privée. Elle n’est pas au niveau qu’elle devrait atteindre dans notre pays. C’est un constat universellement fait. Le crédit d’impôt recherche est un outil – nous y reviendrons – mais ce n’est pas le seul. Il montre aujourd’hui son efficacité.

Je suis d’accord pour reconnaître que nous subissons dans ce domaine, comme dans d’autres, le poids d’une culture administrative. Le terme ne doit pas être pris en bonne part. Nous multiplions – c’est presque une manie – les réglementations, les contrôles, alors qu’en visant une espèce de perfection on s’éloigne de l’objectif d’efficacité, de rapidité, de promptitude, qui est aujourd’hui nécessaire dans l’action publique, comme dans l’action privée. C’est un point essentiel, vous avez eu raison de le faire remarquer.

En matière de rémunérations, je défends le statut public des chercheurs. Nous divergeons sur ce point. La sérénité que donne aux chercheurs le statut public n’est pas en soi critiquable. En revanche, nous avons aussi besoin de stimuler, de récompenser les chercheurs les plus brillants. Sinon, nous courons le risque de les voir partir à l’étranger ou ne pas revenir chez nous après de nécessaires stages dans d’autres pays.

Monsieur Fourgous, nous disposons avec les fondations de coopération scientifique – statut qui est donné aux réseaux thématiques de recherche avancée – des moyens de verser non seulement des rémunérations adaptées à un certain nombre de chercheurs, qui peuvent être intéressés, à un moment ou à un autre, par un travail de quelques années dans notre pays, et également des moyens de prendre rapidement une décision. Nous sommes, en effet, très souvent, pénalisés par la lenteur de nos circuits de décision. Pour attirer en France un très bon « post-doc », qui va poser sa candidature dans plusieurs pays, le statut que nous lui offrons est important, les moyens de la recherche mis à sa disposition le sont tout autant. Mais, fondamentalement, la rapidité de la prise de décision est primordiale. En effet, si notre réponse arrive après les autres, les meilleurs chercheurs seront partis ailleurs. Nous sommes en train de corriger cela.

La France a beaucoup milité – et ce fut une réussite – pour que les thèmes de recherche en matière de sécurité soient privilégiés dans le septième programme-cadre de recherche et de développement européen. Nous pensons, comme vous, que les sujets de recherche touchant à la sécurité dans tous les domaines sont aujourd’hui extrêmement importants.

Les mécanismes tendant à inciter par exemple des personnes physiques à financer des entreprises en forte croissance, fondées sur des idées innovantes, ne sont pas encore assez performants – je suis d’accord avec vous. La société unipersonnelle d’investissement à risque n’est pas une réussite, les chiffres le prouvent. Nous avons parfois tendance à mettre trop de conditions, fixer trop de plafonds, trop de règles, là où il faudrait simplifier et accomplir sans doute un effort un peu plus massif. Vos analyses, monsieur Fourgous, sont très utiles au Gouvernement et au Parlement pour aller dans le bon sens.

Monsieur Bouvard, vous avez présenté, aussi objectivement que possible, les grandes lignes de ce budget. Vous êtes entré dans tous les détails des masses financières, de leur évolution, des corrections de périmètres. C’est la tâche du rapporteur.

Je reconnais avec vous que les crédits de la direction générale de l’enseignement supérieur devraient figurer dans la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Quand ? (Sourires.)

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ces imperfections sont, vous le savez, la marque de notre monde administratif. Nous nous rejoignons très largement sur ce point.

Nous avons déjà évoqué les moyens des bibliothèques. Nous sommes dans une phase de rattrapage.

Je reconnais qu’en matière d’enseignement supérieur privé, la progression qui aurait dû être au rendez-vous ne figure pas dans ce projet de budget, contrairement aux années précédentes. Je suis prêt – nous en reparlerons à l’occasion de l’examen des amendements – à prendre l’engagement d’augmenter, par redéploiement, les crédits consacrés à l’enseignement supérieur privé. Nous avons, depuis quelques mois, engagé une discussion avec des représentants de l’enseignement supérieur privé et présenté un certain nombre de propositions intéressantes, afin d’apporter à cet enseignement – généralement de très grande qualité, et qui contribue, comme l’enseignement supérieur public dans notre pays, à la formation des jeunes, ou des moins jeunes, et à la recherche – un meilleur concours de la puissance publique.

Je suis, comme vous, assez critique sur les mécanismes de recettes affectées. Notre commune appartenance à la commission des finances, lorsque j’étais parlementaire, nous a peut-être rendus, plus que d’autres, sensibles à cet aspect de la présentation et de la construction d’un budget.

Vous avez beaucoup insisté, à juste titre, sur l’immobilier universitaire et sur celui des organismes de recherche. Je ne crois pas que nous puissions globalement nous satisfaire de la manière dont nous gérons les questions immobilières dans le secteur public. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, comme ailleurs, nous n’avons pas une gestion immobilière suffisamment dynamique, consistant à valoriser le patrimoine, parfois à réaliser des cessions, pour construire plus facilement ailleurs. Il nous manque des techniques, des savoir-faire. La récente introduction des partenariats public-privé pourra peut-être changer la donne. J’ai demandé un effort plus vigoureux aux dirigeants d’organismes de recherche, qui disposent souvent de patrimoines considérables, fort peu valorisés. J’ai reçu, en quelques semaines, des réponses extrêmement intéressantes. Cette prise de conscience est récente, elle est imparfaite. Il faut aller plus loin.

Je rappellerai néanmoins qu’en 2000, 319 millions de crédits étaient affectés à l’immobilier universitaire, tandis que le projet de budget pour 2007 prévoit une dotation de 604 millions. Nous sommes donc en train de faire changer les choses. M. le Premier ministre a annoncé, la semaine dernière, que 75 millions d’euros de crédits supplémentaires seraient dégagés, au titre de 2006, pour terminer les contrats de plan État-régions. Un certain nombre d’opérations pourront ainsi être opportunément achevées.

Sur le poste de l’immobilier universitaire, le campus de Jussieu génère des coûts considérables. Des options ont été retenues à une certaine époque. Nous sommes tenus de les exécuter, mais elles sont coûteuses…

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très coûteuses !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …parce que les travaux s’étalent dans le temps. Elles obligent à des opérations à « tiroirs » extraordinairement complexes et pénalisantes pour les universités concernées. Finalement les locaux ne seront pas ceux que nous aurions pu espérer si le problème avait été pris autrement. Je tenais à le dire, car cela se traduit très nettement dans nos budgets.

S’agissant des bourses, monsieur Bouvard, vous avez eu raison de relever l’absurdité du critère de distance lorsqu’il est envisagé sans considérer le temps de transport. Nous allons y porter remède, en abandonnant la règle de la distance à vol d’oiseau.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le rythme de versement des bourses s’est accéléré. Au mois d’octobre par exemple, la progression est de 10 % par rapport à l’an passé. Il y a donc un mieux incontestable.

Le passeport mobilité a connu une montée en puissance. Des crédits suffisants n’avaient donc pu être prévus dès l’origine dans le budget de l’outre-mer. Mais nous sommes en train de remédier à cette situation.

Nous devons – vous avez raison – vérifier l’assiduité des étudiants boursiers. Les demandes d’augmentation des bourses sont tout à fait recevables, mais induisent une responsabilité de la part des étudiants qui en bénéficient. Pourquoi ne pas conditionner le versement de la compensation au budget des universités à la transmission des éléments permettant de vérifier l’assiduité des étudiants boursiers ? Cela me parait relever d’un simple respect des règles, qui doivent s’imposer à tous.

Nous partageons, monsieur Bouvard, très largement les observations de la MEC – M. Claeys y a également fait allusion – en matière de gouvernance. Je pense au renouvellement du mandat du président, à ses relations avec le conseil d’administration. Nous étudions très concrètement votre proposition d’instaurer un contrat de service pluriannuel entre l’université et les enseignants chercheurs, tant il est vrai qu’il n’y a pas uniformité dans l’exécution des obligations statutaires des enseignants chercheurs. Certains font plus de recherche, d’autres plus d’enseignement, d’autres encore se consacrent à des activités tierces comme l’encadrement des étudiants. Il me paraîtrait normal que cela fasse l’objet d’un contrat personnalisé. Nous allons étudier cet important sujet. Il faut faire, vous avez raison, le bilan des contrats quadriennaux avant d’en conclure un nouveau – cela relève du simple bon sens. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES – devraient nous permettre d’aller contre ce que vous avez qualifié de « logique facultaire survivante », qui est, en effet, anormale.

Le rapporteur Jean-Jacques Gaultier a justement souligné l’augmentation des crédits de l’Agence nationale de la recherche. C’est une volonté politique qui s’affirme.

Vous parliez tout à l’heure, monsieur Cohen, des fonds créés par le Gouvernement avant 2002. Cela représentait un peu d’argent pour la recherche. Nous avons doublé la mise – ce n’est pas rien, convenez-en !

M. Pierre Cohen. Les modalités ne nous conviennent pas !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. La comparaison du rapport d’activité de l’Agence nationale de la recherche, qui est totalement transparent, avec la quasi-absence de transparence des fonds en question montre un progrès incontestable. J’aurais aimé que vous le reconnaissiez.

M. Pierre Cohen. J’en ai parlé !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je me réjouis, monsieur Gaultier, que vous ayez indiqué que l’ANR est le premier financeur des pôles de compétitivité. Nous avons totalement intégré cette logique, sans céder en quoi que ce soit sur l’exigence de qualité scientifique. C’est ce que j’appellerai un beau travail.

Nous reconnaissons l’intérêt des pôles de compétitivité, mais il ne s’agit pas de financer à guichet ouvert n’importe quel projet, aussi médiocre soit-il. L’exigence scientifique existe. Il se trouve que les projets liés au pôle de compétitivité connaissent un taux de succès très supérieur à la moyenne des projets présentés à l’ANR. C’est donc un motif de satisfaction.

L’allocation de recherche a été évoquée par plusieurs intervenants. Soyons précis. Grâce à l’augmentation de 8 %, prévue au 1er février – progression du point oblige – nous aurons atteint pour les allocataires-moniteurs l’objectif d’une fois et demie le SMIC. Il se trouve que beaucoup d’allocataires de recherche sont moniteurs : ils dispensent des heures d’enseignement et se préparent à leur carrière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. Le raisonnement est biaisé ! Ceux qui sont obligés de travailler chez Mac Do dépassent aussi 1,5 SMIC.

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’allocation sera portée au 1er octobre 2007 pour les allocataires de recherche, indépendamment des heures de monitorat, à une fois et demie le SMIC.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas ce que vous aviez promis !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Pour les allocataires de recherche de troisième année continuant à remplir des activités de monitorat, nous dépasserons cet objectif d’une fois et demie le SMIC. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

On peut toujours ergoter, dire que ce n’est pas assez et que tout le monde aurait dû avoir une fois et demi le SMIC ! J’observe simplement que cet objectif est aujourd’hui atteint et que nous avons inversé le mouvement de paupérisation des allocataires de recherche, dont les allocations n’avaient pas été revalorisées. J’observe que nous devons aussi maintenir un écart entre la rémunération des allocataires de recherche moniteurs et celle des maîtres de conférence des universités débutants : il faut une différence entre les deux.

M. Pierre Cohen. C’est du cumul d’emploi !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous sommes en train de résorber le problème des libéralités : 3,6 millions d’euros y sont consacrés. Il faut distinguer la situation des doctorants et celle des post-doctorants. Un doctorant doit-il être considéré comme un salarié ? L’ambiguïté a été levée. Dans la mesure où il y a cotisations sociales, l’État prend à sa charge les charges sociales liées au versement des libéralités pour les doctorants.

S’agissant des post-doctorants, personne ne pouvait ignorer qu’ils étaient dans une situation de salariat. Les organismes qui ne payaient pas les charges ou ceux qui faisaient mine de considérer qu’il n’y avait pas de charges sociales à payer étaient pour le moins dans l’erreur. Nous avons donc demandé à tous les organismes de s’acquitter de leurs obligations. Nous étudierons les situations, au cas par cas, si cela devait créer, dans tel ou tel organisme, un problème budgétaire particulier. Mais la norme reste que les charges doivent être payées pour des collaborateurs qui sont évidemment des salariés.

Sur l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, je veux rassurer M. Claeys et M. Cohen : il est évident que nous respecterons intégralement la loi qui a été votée et publiée le 18 avril dernier. L’agence d’évaluation s’appuiera dans toute la mesure du possible sur les instances d’évaluation existantes. Mais, dans le même temps, l’esprit de la loi et la réalité du statut de l’autorité administrative indépendante de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur exigent qu’elle contrôle par elle-même la réalité de l’évaluation, en envoyant des comités de vérification sur le terrain. Faute de quoi, cette agence serait sans objet.

Certes, j’ai bien entendu les réactions de certains syndicats, de certains chercheurs, mais aussi de dirigeants d’organismes de recherche…

M. Pierre Cohen. Et qui ne sont pas les moindres !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. … qui s’inquiètent de l’existence de l’agence d’évaluation. Je prétends qu’aujourd’hui, dans le monde tel qu’il est, et s’agissant de l’utilisation de l’argent public, nous devons accepter d’être évalué de l’extérieur, et pas seulement en interne.

M. Pierre Cohen. Cela existe depuis des années !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Qu’est-ce qu’une évaluation purement interne ? Les organismes de recherche, comme les autres organismes financés sur crédits publics, doivent accepter une évaluation faite par un organisme externe, lequel s’appuiera évidemment sur les évaluations faites en interne. C’est du bon sens. C’est aussi le respect du principe de la juste évaluation de l’utilisation des fonds publics. Il n’est pas question de revenir sur ce principe qui a été adopté par le Parlement. La loi sera mise en œuvre et le décret organisant l’AERES est en cours de préparation.

À M. Jean-Paul Anciaux qui s’est attaché aux questions, ô combien importantes, de la vie étudiante, j’indique que nous allons renforcer l’encadrement en créant 1 000 emplois supplémentaires dans les universités. C’est une de nos priorités budgétaires.

Je vous signale en outre que les crédits de la vie étudiante ont été débloqués après avoir été gelés. Il n’en demeure pas moins que la période de jonction sera délicate, d’autant que, le rythme de versement des bourses s’accélérant, il est possible que, en fin d’exercice, nous ayons des charges constatées de l’exercice 2006 qui ne seront réglées qu’en 2007 – c’est le cas chaque année. Nous avons essayé de faire un effort de rattrapage, mais l’accélération du versement des bourses va dans l’autre sens. Vous avez donc tout à fait raison d’être attentif à ce point dans l’évaluation et l’exécution budgétaires.

Vous avez également raison de déplorer les difficultés de vie rencontrées par les étudiants. Un certain nombre d’étudiants, particulièrement ceux issus de milieux modestes, connaissent en effet de réelles difficultés. Mais ceux que j’entends dénoncer cette situation avec le plus de véhémence, j’aimerais aussi les entendre dénoncer les études qui ne mènent à rien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. J’aimerais les entendre dénoncer les études qui sont des voies d’échec. Or sur ces sujets, nous ne les avons, jusqu’à présent, fort peu entendus. J’aimerais qu’ils déploient la même énergie pour dénoncer l’échec en premier cycle, les voies de formation qui n’aboutissent pas à des emplois, les lacunes de notre système d’orientation et de simple information sur les débouchés des filières professionnelles. Le meilleur service à rendre aux étudiants, notamment à ceux qui sont d’origine modeste, c’est de faire en sorte que les parcours universitaires soient des parcours de réussite conduisant à des emplois. C’est ce à quoi s’emploie le Gouvernement dans l’intérêt bien compris des étudiants.

Certes, les bourses sur critères sociaux tiennent compte des revenus des parents, contrairement aux aides au logement. Il y a donc un équilibre à trouver. Repenser notre système de bourses est tout à fait envisageable, même si l’exercice est délicat. Lorsque l’on touche à des allocations qui concernent des centaines de milliers de personnes, il faut être extrêmement attentif : tout changement peut avoir des conséquences dramatiques sur les situations individuelles. Le travail est engagé : nous avons entamé des discussions au sein du CNOUS avec les organisations étudiantes à ce sujet. J’indique en outre qu’en sept ans, nous avons augmenté de 100 000 le nombre de bénéficiaires des bourses. Cela signifie donc que notre système n’est pas figé puisque nous augmentons le nombre des bénéficiaires de ces concours de l’État aux étudiants qui, au départ, n’en ont pas les moyens.

S’agissant de la construction des logements, vous êtes le mieux placé, monsieur Anciaux, pour dire que nous n’avions pas fait les efforts nécessaires dans ce domaine pendant de très nombreuses années. Grâce au rapport parlementaire et aux efforts du Gouvernement et du Parlement, nous disposons désormais d’un plan cohérent. Bien sûr, le démarrage a été lent, mais il en est toujours ainsi en matière de rénovation et de constructions nouvelles. Il reste que les collectivités locales doivent apporter leur concours, notamment dans les villes où le foncier coûte le plus cher.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Paris, par exemple ! C’est la seule ville qui ne fait rien !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est exact, monsieur Bouvard ! Merci d’abonder dans mon sens !

À cet égard, loin de moi l’idée de créer de vaines polémiques, mais je constate néanmoins que, dans la ville qui est la plus chère de France, les efforts ne sont pas à la hauteur des besoins.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Contrairement à ce que nous faisons en province !

M. Pierre Cohen. À Toulouse ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et ce ne sont pas trente ou quarante chambres d’étudiants dans tel ou tel grand programme immobilier qui suffiront ! Il faut un engagement plus fort des collectivités locales. Nous finançons les rénovations et les constructions, mais nous avons besoin que les collectivités nous aident à disposer des terrains nécessaires.

Là aussi, c’est du bon sens. Et beaucoup de collectivités dans l’ensemble de nos régions font ces efforts !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Tout à fait ! Et nous sommes moins riches !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Et toutes doivent nous aider !

M. André Chassaigne. Neuilly, par exemple ?

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Vous êtes nombreux – je pense à Jean-Michel Fourgous, chez qui j’étais il n’y a pas longtemps – à faire ces efforts indispensables, notamment là où les retards sont les plus criants.

Michel Lejeune a évoqué l’architecture nouvelle de notre système de recherche, l’Agence nationale de la recherche – l’ANR –, l’augmentation des crédits, le Haut conseil de la science et de la technologie, installé il y a peu par le Président de la République. J’ai participé aux premiers travaux du Haut conseil. Il est aujourd’hui à l’œuvre et travaille sur trois grands sujets qui lui ont été soumis, notamment la recherche en matière d’énergie. Voilà bien l’illustration que la science a naturellement ses droits et qu’elle détermine elle-même la manière dont elle doit travailler. Mais il appartient à la puissance publique de fixer un certain nombre d’objectifs et d’établir des priorités. Le premier thème soumis au Haut conseil de la science et de la technologie concerne la recherche en matière d’énergie. Comment s’étonner que les pouvoirs publics indiquent à la communauté scientifique que nous avons, avant tout, besoin, dans ce secteur stratégique, de progrès de la recherche. Au demeurant, notre pays n’est pas en reste quant au financement de la recherche en matière d’énergie.

M. Pierre Cohen. C’est à voir !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Deuxième sujet confié au Haut conseil : les carrières et les vocations scientifiques. Cette préoccupation a été exprimée par Claude Birraux et Pierre Lasbordes. Ce sont en effet des sujets majeurs.

Dernier thème : les grands équipements scientifiques. Là aussi, nous avons besoin de réflexion.

Les crédits consacrés aux programmes « blancs » et aux programmes pour les jeunes chercheurs de l’ANR sont entièrement utilisés après quelques mois de rodage.

Michel Lejeune a évoqué la question des recrutements : 3 000 emplois ont été créés en 2006 dans la recherche et l’enseignement supérieur ; 2 000 le seront en 2007. Ce sont 8 500 postes créés pour les jeunes qui s’engagent dans la recherche ou l’enseignement supérieur. En 2007, le niveau de recrutement sera équivalent à celui de 2006. Cela montre que notre niveau de recrutement dans l’enseignement supérieur et la recherche est très élevé.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas suffisant !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je maintiens, monsieur Cohen, que, dans certaines disciplines, il ne faut pas aller trop loin, car nous risquerions de faire baisser le niveau.

M. Pierre Cohen. Votre politique pousse les chercheurs à partir aux États-Unis !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Je rappelle que les recrutements concernent des recrutements de maîtres de conférence de l’université ou de chargés de recherche au CNRS, lesquels doivent rester des recrutements de très haut niveau.

M. Pierre Cohen. C’est le cas !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous avons besoin d’un équilibre entre les candidatures et les postes offerts aux concours.

Quant au privé, il doit, lui aussi, proposer plus de postes. Mais sur ce point, j’observe, dans les dernières statistiques d’emploi, que c’est le secteur de la recherche-développement qui progresse le plus : 20 % sur un an glissant dans les recrutements de cadres. Le mouvement de recrutement dans le secteur de la recherche privée est donc lancé, et Jean-Michel Fourgous sera d’accord avec moi pour que nous nous réjouissions de cette situation !

À Jean-Marie Binetruy, je dirai qu’il a tout à fait raison de souligner le caractère stratégique des dépenses de recherche pour nos industries. Comme il a évoqué l’Agence de l’innovation industrielle, je voudrais insister sur la nécessaire articulation entre le financement de la recherche et celui de l’innovation. L’organisation administrative qui scinde la recherche et l’innovation, celle-ci relevant du ministère de l’industrie, ne doit pas être un obstacle à la bonne coordination entre les actions que nous menons dans les deux domaines. Il va de soi que l’innovation est généralement la suite logique des efforts de recherche.

Avec la politique des réseaux thématiques de recherche avancée, nous avons, dans le domaine technologique, de grands programmes de recherche, dont les retombées seront extrêmement importantes pour nos industries. Je pense notamment au programme « nanosciences » à Grenoble, dont on sait les révolutions technologiques que nous pouvons en attendre ; au pôle aéronautique et spatial à Toulouse ou encore à « Digiteo » dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Il y a en effet une science qui nourrit la technologie et qui profite à notre industrie.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué les recherches liées à l’environnement. Mais le tableau que vous avez brossé est incomplet : vous avez cité les organismes concernés, mais vous avez omis de citer nos universités, qui sont évidemment partie prenante de cet effort de recherche. Rapporté à l’ensemble « recherche et enseignement supérieur », le ratio que vous avez cité doit être doublé pour être un juste reflet de l’effort de recherche.

Parmi les organismes que vous citez, je vous rappelle que l’INRA a été classé deuxième au monde par son nombre de publications. L’IFREMER est considéré comme l’un des meilleurs instituts de recherche océanographique dans le monde. Avec l’IRD et le CIRAD, nous sommes un des rares pays à avoir une recherche dédiée aux questions de développement.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est fondamental, et nous poursuivons notre effort dans ce sens. Permettez-moi de vous rappeler aussi que, parmi les réseaux thématiques de recherche avancée, nous avons retenu l’agronomie à Montpellier, ce qui illustre notre volonté de poursuivre dans cette voie, qui est essentielle – vous l’avez dit à juste titre – non seulement pour l’avenir de notre pays, mais aussi pour l’avenir de la planète.

Claude Birraux a évoqué la question des docteurs. La réforme des écoles doctorales devrait concourir à accroître l’employabilité des docteurs. Nous partageons cet objectif. Le monitorat et le tutorat sont des formules qui sont très intéressantes parce qu’elles offrent des rémunérations aux étudiants en fin de cycle, tout en apportant aux étudiants de début de cycle le concours fort utile d’étudiants plus expérimentés.

Je ne reviens pas sur les allocations de recherche.

Vous avez bien fait de dire que l’Agence nationale de la recherche bénéficiait de financements pluriannuels, point qui échappe quelquefois. Tout doit être clair et public dans les décisions de l’ANR, et nous nous efforçons qu’il en soit ainsi, même s’il est toujours difficile, comme vous l’avez souligné, de choisir des experts, car ils doivent être à la fois compétents et impartiaux. C’est pourquoi l’une des solutions que nous avons retenues est de faire appel systématiquement à des experts étrangers. Mais c’est un sujet dont nous avons déjà débattu.

L’auto-saisine du Haut conseil est en effet une victoire, monsieur Birraux.

Quant au CERN, il faut savoir que la France défend beaucoup cette organisation. Nous avons même accepté des contributions volontaires supplémentaires pour d’inciter les autres pays à consentir des efforts. Nous sommes en pleine discussion pour convaincre nos partenaires d’aller plus loin afin d’assurer un financement correct, essentiel pour les prochaines années. Cet immense centre de recherches est le seul de ce niveau au monde et si le boson de Higgs est un jour découvert, ce sera certainement au CERN. J’ajoute que ce que vous avez dit de la représentation est tout à fait juste.

Par ailleurs, il ne m’appartient pas de vous dire si la ratification du protocole de Londres sera inscrite ou non à l’ordre du jour.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la recherche. C’est dommage !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Reste que la communauté scientifique et les dirigeants des organismes de recherche sont tous d’accord pour reconnaître le caractère positif de ce texte – je tenais à le dire à cette tribune.

Monsieur Claeys, je retiens que nous avons beaucoup d’analyses communes. Nous avons besoin d’un effort continu, inlassable, tenace pour améliorer la performance de notre recherche et de notre enseignement supérieur. Que l’on appelle cela une rupture ou non, nous devons en faire une priorité essentielle, qui réclame de notre part une énergie sans faille pour progresser, car la compétition est redoutable, aussi bien dans l’enseignement universitaire que dans la recherche. Si nous ne sommes pas résolus à obtenir le meilleur niveau pour l’un et pour l’autre, nous serons très vite dépassés.

S’agissant du financement des universités, je l’ai dit d’emblée, je n’irai pas jusqu’à 5 milliards. Mais, comme le vice-président de la Conférence des présidents d’université, je crois qu’avec 3 milliards de dotations supplémentaires, nous serons très bien placés. C’est un objectif tout à fait envisageable en l’espace d’une législature, d’autant qu’il suppose un effort moindre que celui que nous avons consenti pour la recherche en trois ans.

L’orientation ne résume pas toute notre politique, l’encadrement et les créations d’emplois que nous encourageons y contribuent. Et j’ai déjà moi-même déploré qu’il y ait des places vacantes en BTS. Des instructions ont été données, par l’intermédiaire des recteurs, à tous les chefs d’établissement.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Encore faut-il qu’elles soient suivies !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. De la même façon, l’on peut regretter que certains départements d’IUT limitent d’eux-mêmes les effectifs qu’ils accueillent, privant ainsi des jeunes des chances de recevoir des formations dont chacun s’accorde à reconnaître l’exceptionnelle qualité.

S’agissant de l’ANR, je relève avec plaisir que vous ne remettez pas en cause le principe de cette agence. Il n’y a pas de déséquilibre puisque les crédits récurrents augmentent beaucoup plus fortement en valeur absolue que les crédits nouveaux. L’augmentation de 1 milliard d’euros dont bénéficie la mission « Recherche et enseignement supérieur » se décompose de la manière suivante : 458 millions de crédits budgétaires supplémentaires ; 280 millions consacrés aux agences de moyens, principalement l’ANR ; 280 millions en dépenses fiscales. Il y a donc un très gros tiers de crédits budgétaires et deux petits tiers pour les moyens nouveaux et les dépenses fiscales. Nous préservons donc l’équilibre entre les différentes formes de financement, et j’ai défendu cette thèse, notamment contre ceux qui estimaient que l’on devait faire jouer à l’ANR un beaucoup plus grand rôle.

Je rappelle également que j’ai défendu le principe du préciput, afin qu’une part des financements de l’ANR aille aux organismes d’accueil des équipes. Pour l’université Paris VI, notre première université scientifique, le simple calcul d’un préciput à 5 % revient à augmenter ses ressources d’1 million d’euros, ce qui est une très bonne nouvelle. Cette politique contribue à augmenter les financements permanents à partir des financements de l’agence.

S’agissant des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, il n’y a pas d’attitude restrictive des organismes de recherche. Simplement, définir les contours et les compétences d’un PRES suscite toujours des discussions. De très grands pôles seront créés avant la fin de cette année et je ne doute pas que cela serve d’exemple à suivre dans cette voie prometteuse.

Quant aux sciences de la vie, c’est le premier poste de dépenses de notre recherche, le premier poste de dépenses de l’ANR, le premier poste en nombre de chercheurs. La présidente du CNRS, dont on connaît le caractère, a eu des propos tranchés à ce sujet et je me réjouis qu’un dirigeant d’organisme de recherches se préoccupe de l’efficacité des recherches conduites par ses équipes. Il n’est pas question, évidemment, que le CNRS, dont on connaît les atouts en la matière, se retire. Mais il n’est pas inutile de rappeler que d’autres organismes sont très performants dans ce grand domaine de la science contemporaine.

Madame Comparini, je ne considère pas qu’il y ait trop de contrats à durée déterminée. Il en faut, au même titre que des contrats permanents : les uns alimentent les autres. Il est totalement admis que nous avons besoin de postes d’accueil pour les post-doc. Tous les pays en créent. Après quelques années, les jeunes docteurs peuvent s’orienter vers la recherche privée ou d’autres emplois, ou bien passer des concours de recrutement, soit des universités, soit des organismes de recherche. Nous avons besoin de CDD ; c’est ainsi que fonctionne la recherche en France comme ailleurs.

Par ailleurs, les actions du Gouvernement ne sont pas dépassées par le rapport Hetzel. Elles sont au contraire une stricte application de ses préconisations – avec lesquelles nous sommes totalement en phase –, car nous avons eu un pré-rapport mi-juin.

Je précise que les 300 millions consacrés aux réseaux thématiques de recherche avancée et aux pôles de recherche ne sont pas prélevés sur le budget de l’ANR mais proviennent de ressources du compte d’affection spéciale. Quant à la stabilisation des autorisations d’engagement de l’ANR, elle est inscrite dans notre politique : les crédits de paiement montent en puissance, ce qui est normal, puisque les financements sont pluriannuels.

Sur le crédit d’impôt recherche, deux rapports ont été commandés : l’un a été confié à des équipes universitaires, l’autre a été réalisé au sein de l’administration afin de confronter les points de vue. Ils seront transmis à vos commissions dans les tout prochains jours et je peux d’ores et déjà vous dire qu’ils constatent que la politique des CIR ne donne pas lieu à des financements anormaux et qu’elle joue un effet de levier extrêmement important.

M. Braouezec affirme qu’il y a une baisse des DGF des IUT. Je n’ignore pas que certains directeurs, se fondant sur la reconnaissance dont jouit cet enseignement, ont tenté, par son intermédiaire, d’obtenir une augmentation de leurs financements. C’est de bonne guerre, mais il ne s’agit pas pour autant de travestir la réalité. Loin de baisser, la DGF pour les IUT a augmenté en 2006 de 3 % et augmentera en 2007, et 150 postes ont été créés lors de la rentrée universitaire. Il faut savoir en outre qu’un étudiant d’IUT bénéficie de 40 % de financement de plus qu’un étudiant d’université.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Avec de fortes disparités régionales !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. C’est exact et je prends l’engagement de corriger les écarts les plus flagrants par une dotation spécifique dans le budget de 2007.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Très bien !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. S’agissant des réseaux thématiques de recherche avancée, M. Braouezec a parlé de choix arbitraire du pouvoir, renouant avec la grande tradition des discours enflammés. Je suis désolé de le décevoir en faisant tomber à plat son envolée lyrique : ces réseaux ont été choisis par une commission de scientifiques présidée par le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences.

D’autre part, il n’est bien sûr pas question de contraindre les universités à se regrouper dans un pôle de recherche. M. Claeys estime même que nous n’allons pas assez vite dans la constitution de ces pôles.

Et puis l’État est loin de fermer les yeux sur les majorations de droits d’inscription que pratiquent certaines universités. Nous déférons ainsi aux tribunaux administratifs, par l’intermédiaire des recteurs, les décisions qui nous paraissent contraires au droit.

Monsieur Lasbordes, la politique des ressources humaines dans le domaine de la recherche est un sujet majeur – je suis d’accord avec vous. Nous ne sommes pas au bout des réformes à entreprendre, ce qui suppose une politique plus active, quelquefois plus différenciée, mais aussi de nature à permettre à ceux qui n’ont pas accédé au plus haut niveau de bénéficier de progressions indiciaires plus importantes. Il y a un gros travail à mener, que nous avons entamé, avec les bourses Descartes, notamment. Mais il faut aller plus loin, j’en suis convaincu.

S’agissant des allocations de recherche, j’indique que nous sommes en relation avec la confédération des jeunes chercheurs, qui sont directement concernés par ce que nous préparons.

Je ne reviens pas sur les autres sujets, sinon pour vous dire que vous avez raison : nous ne sommes pas encore au terme du processus de simplification pour le crédit d’impôt recherche – le plafond de 10 millions peut constituer en effet un obstacle – et pour le statut de la jeune entreprise innovante. J’ai aussi été très sensible à vos propos sur la restitution plus rapide des fonds.

Monsieur Cohen, j’ai déjà parlé assez largement de votre intervention. Je tiens à vous rassurer concernant les emplois au CNRS. Quelques craintes ont été exprimées, mais des précisions ont été apportées sur le budget 2007 de cet organisme, et des décisions très concrètes, concernant notamment la dette auprès de l’UNEDIC, ont été prises. Par conséquent, il n’y a pas d’obstacle à la création d’emplois par les instances du CNRS. Pour autant, les libertés nouvelles données par la LOLF aux gestionnaires d’organismes de recherche existent bel et bien.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Vous ne pouvez pas, d’un côté, souhaiter que les gestionnaires aient une liberté et, de l’autre, refuser qu’ils l’exercent dans certains cas. Mais les moyens sont là pour créer des emplois.

Enfin, monsieur Cohen, vous avez dit que la France était absente du spatial en Europe.

M. Pierre Cohen. Je n’ai pas du tout dit ça !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Il est ahurissant d’entendre de tels propos. J’ai participé en décembre dernier à la conférence ministérielle qui a eu lieu tous les trois ans à l’Agence spatiale européenne à Berlin : nous avons difficilement obtenu un accord avec l’Allemagne et l’Italie, qui s’affrontaient assez durement sur l’avenir de l’agence et nous avons fait prévaloir un principe d’une importance capitale, celui de la préférence européenne pour les lanceurs. Voilà une garantie essentielle pour l’avenir de l’industrie des lanceurs et les programmes de recherche de demain.

Il n’est pas de pays en Europe qui milite davantage que la France pour la bonne exécution des grands programmes comme GMES ou Galileo. Nous sommes à la pointe de l’Europe spatiale. Il en a toujours été ainsi et j’espère que nous serons rejoints par d’autres pays dans notre volonté d’avoir une véritable politique spatiale européenne. Je pense pouvoir dire que c’est en bonne voie, s’agissant au moins de l’Allemagne et de l’Italie.

Je remercie M. Hénart pour ses propos au sujet de la formation des jeunes, qui témoignent de sa très grande compétence en la matière. Il n’est pas question bien sûr d’établir des numerus clausus dans toutes nos universités. Ce serait absurde car nous serions incapables de les définir. Il est vrai que nous devons renforcer les services de stages et de l’emploi. Étudier finement le devenir des diplômés est nécessaire pour savoir s’ils obtiennent un emploi et quel type d’emploi ils occupent. C’est une information essentielle pour les étudiants afin de s’orienter et pour les universités afin d’adapter leurs formations. L’habilitation et les contrats quadriennaux doivent tenir compte, c’est vrai, des résultats des universités en termes de placement de leurs diplômés. Et nous devons aller jusqu’à remettre en cause l’habilitation de formation quand il est établi que les diplômés ont trop de difficultés à trouver un emploi correspondant au niveau de leurs études. Il faut une politique volontaire dans le domaine de l’enseignement supérieur comme dans d’autres. Et l’alternance est l’une des solutions que nous prônons.

Mesdames, messieurs les députés, pardonnez-moi d’avoir été si long, mais je me suis efforcé de répondre à chaque orateur, et laissez-moi vous remercier pour vos contributions éclairées à ce débat budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Recherche et enseignement supérieur ; article 51 (suite) ;

Rapport spécial, n° 3363, annexe 24, de M. Jean-Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Rapport spécial, n° 3363, annexe 25, de M ; Michel Bouvard, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Avis, n° 3364, tome VI, de M. Jean-Jacques Gaultier, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 3364, tome VII, de M. Jean-Paul Anciaux, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis n° 3365, tome VIII, de M. Michel Lejeune, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis n° 3365, tome IX, de M. Jean-Marie Binetruy, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis n° 3365, tome X, de M. André Chassaigne, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Développement et régulation économiques : articles 44, 45, 46 et 47 :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 11, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Avis, n° 3365, tome II, de MM. Jacques Masdeu-Arus, Serge Poignant, Alfred Trassy-Paillogues, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 3366, tome VI, de M. Jean-Paul Bacquet, au nom de la commission des affaires étrangères.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quinze.)